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1 Le lundi 6 septembre 2004
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 04.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Madame la
6 Greffière d'audience, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.
7 Mme LA GREFFIERE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le
8 Procureur contre Momcilo Krajisnik.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
10 Monsieur Harmon, vous représentez le bureau du Procureur ce matin. Etes-
11 vous prêt à appeler votre témoin suivant ?
12 M. HARMON : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je le suis.
13 Bonjour.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre qu'il s'agit de M.
15 Biscevic.
16 M. HARMON : [interprétation] En effet.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre de première instance aurait
18 fort apprécié de recevoir la déclaration de juin 2002 vendredi dernier, non
19 pas ce matin.
20 M. HARMON : [interprétation] Vous parlez de la déclaration du juin 2002, de
21 la déclaration en langue bosniaque ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, je fais référence à la déclaration
23 du bureau du Procureur du 13 décembre 1995. Cette déclaration de 1995 a été
24 donnée à la Chambre vendredi dernier. Il s'agit d'une autre déclaration,
25 mais non pas celle de juin 2002. Je crois comprendre qu'il s'agit d'une
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1 erreur, et c'est pour cela que je voulais savoir ce qu'il en était.
2 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais évoquer
3 quelque chose avant que le témoin n'entre dans le prétoire.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. STEWART : [interprétation] Nous avons reçu, samedi dernier, un document
6 liminaire supplémentaire. Il s'agissait, en fait, d'un courriel qui
7 contenait des renseignements supplémentaires. En fait, nous l'avons reçu
8 dans un format qui était beaucoup plus formel. Je ne me plains absolument
9 pas si ce n'est que cela contient quelques ajouts. Toutefois, ce qui m'a
10 été envoyé samedi soir contient des éléments qui sont tout à fait
11 différents et des éléments de fond, qui sont tout à fait différents et qui
12 portent sur ce témoin, et qui sont tout à fait différents par rapport à ce
13 que nous avions compris. Cela est tout à fait vrai lorsque l'on prend
14 connaissance de la déclaration au titre de l'Article 65 ter. Cela, en fait,
15 va au-delà et transcende les trois déclarations qui ont été faites par ce
16 témoin au préalable, notamment, si vous prenez la déclaration qui porte la
17 signature du 29 juillet 1999.
18 Vous avez ces documents, Messieurs les Juges, il ne s'agit d'aucune
19 dissimulation. Je pense qu'il est extrêmement important que le témoin
20 n'entende pas cette discussion. J'ai un certain nombre de versions de la
21 déclaration, qui a été signée le 29 juillet 1999. Je les ai moi-même
22 numérotées. Mais il faut savoir que la note, qui se trouve en bas de la
23 troisième page dans cette déclaration -- dans la version anglaise de cette
24 déclaration, c'est le paragraphe qui commence par : "Vrkes et Savanovic
25 étaient les dirigeants du SDS, qui venaient à cette réunion." Monsieur le
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1 Président, vous voyez ce paragraphe ?
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui, tout à fait. Ils ont
3 indiqué : "Qu'ils n'ont jamais reçu l'ordre de supérieurs."
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, vous voyez ce paragraphe. Le
5 premier paragraphe qui se trouve dans la fiche d'information supplémentaire
6 indique : "Que M. Biscevic a eu de nombreuses réunions et a négocié
7 fréquemment avec les dirigeants du SDS de Sanski Most, fréquemment à propos
8 de questions pour lesquelles une décision devait être prise. Rasula ou les
9 autres négociateurs disaient qu'ils ne pouvaient pas prendre une décision,
10 mais qu'il fallait qu'ils demandent cela à autrui. En fait, la réunion a
11 été retardée. Ils prenaient la décision et il leur fallait un ou deux jours
12 pour aller Sarajevo."
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je crois comprendre que
14 c'est, en effet, l'une des parties essentielles de la déclaration.
15 Il est tout à fait manifeste que ce genre d'éléments nouveaux et
16 surprenants ne peuvent pas être acceptés facilement par la Défense à cette
17 phase. Je pense qu'une partie de l'explication est comme
18 suit : étant donné que les ressources sont limitées et que nous avions
19 demandé aux témoins de venir plus tôt, j'avais cru comprendre, d'après une
20 remarque de M. Harmon la semaine dernière, que le témoin n'arriverait que
21 samedi. Je suis entièrement d'accord avec vous et je pense que nous
22 devrions avoir un peu plus de temps pour étudier la question. Je pense que
23 nous pourrions commencer et, si cet élément de surprise est tel que vous ne
24 serez pas en mesure de procéder au contre-interrogatoire complet du témoin,
25 il est évident que nous vous octroierons un temps supplémentaire, et je
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1 pense qu'il faudra, en effet, trouver une solution. Je suis d'accord avec
2 vous, d'après ce que vous m'indiquez maintenant. Bien que je n'aie pas reçu
3 ces fiches d'information supplémentaires, je suis d'accord qu'il s'agit
4 d'un tournant radical à propos d'un élément qui est important.
5 N'hésitez pas à demander à la Chambre une interruption pour que vous
6 ayez la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire à propos de cet
7 élément.
8 M. STEWART : [interprétation] Je vous suis reconnaissant, Monsieur le
9 Président. Compte tenu de votre observation, je n'ai plus besoin d'ajouter
10 quoi que ce soit pour le moment.
11 M. HARMON : [interprétation] Pour que tout soit clair, Monsieur le
12 Président, j'ai rencontré le témoin samedi, à la fin de la matinée. J'ai
13 parlé de toutes les questions avec lui. J'ai informé le conseil, dès ma
14 discussion avec Biscevic. Je lui ai envoyé un courriel et, hier, je lui ai
15 envoyé un mémoire supplémentaire. Voilà quel est l'essentiel de la
16 situation. Nous n'avons pas d'objection à ce qu'un temps supplémentaire
17 soit octroyé pour procéder au contre-interrogatoire du témoin. Nous sommes
18 tout à fait disposés à commencer l'interrogatoire.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, il y avait également
20 cette période de weekend. Si le témoin était arrivé deux jours avant
21 audition, nous nous serions rendus compte de ces différences le premier
22 jour, mais il est évident que, pendant le weekend, il est beaucoup plus
23 difficile. Mais il est évident que, si ce genre d'éléments nouveaux
24 survenait, la Défense pourrait demander à obtenir une solution pour essayer
25 de régler le problème.
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1 Monsieur l'Huissier, je vous prie de bien vouloir escorter le témoin
2 dans le prétoire.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. M'entendez-vous dans une
5 langue que vous comprenez ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour. Je vous entends et vous comprends.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, avant que vous ne
8 commenciez votre déposition au sein de cette Chambre de première instance,
9 le Règlement de procédure stipule que vous devez prononcer une déclaration
10 solennelle afin d'indiquer que vous direz la vérité, toute la vérité et
11 rien que la vérité. Ce texte va vous être donné par M. l'Huissier, et je
12 vous invite maintenant à prononcer cette déclaration solennelle.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
15 LE TÉMOIN : FAIK BISCEVIC [Assermenté]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Biscevic.
18 Veuillez vous asseoir, je vous prie.
19 Dans un premier temps, M. Harmon, pour l'Accusation, va procéder à votre
20 interrogatoire.
21 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
22 Interrogatoire principal par M. Harmon:
23 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Biscevic.
24 R. Bonjour.
25 Q. Je commencerai par vous poser quelques questions à votre sujet,
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1 et je vais résumer quelques éléments biographiques qui vous concernent et
2 vous demanderai de vous indiquer si cela est exact. Monsieur Biscevic, vous
3 êtes né le 9 juin 1940, dans la municipalité de Prijedor ?
4 R. C'est exact.
5 Q. Vous avez vécu le plus clair de votre vie dans la municipalité de
6 Sanski Most ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Vous êtes Bosnien ?
9 R. Oui.
10 Q. Vous êtes marié ?
11 R. Oui.
12 Q. Les membres de votre famille sont comme suit : votre épouse ainsi que
13 vos trois fils ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous êtes dentiste et vous aviez en parallèle une bijouterie à Sanski
16 Most; est-ce exact ?
17 R. C'est exact.
18 Q. J'aimerais dans un premier temps que nous abordions la question
19 relative à la formation des partis politiques à Sanski Most avant la
20 guerre. J'aimerais tout d'abord vous demander de nous décrire la
21 composition ethnique de la municipalité de Sanski Most.
22 R. Dans la municipalité de Sanski Most, il y avait différents groupes
23 ethniques. Les Musulmans qui représentaient la majorité, à savoir, 45 %, 42
24 % de la population, était serbe et le reste était croate ou encore était
25 composée de personnes qui n'avaient pas encore décidé quelle était leur
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1 appartenance ethnique.
2 Q. Avant les élections multipartites qui ont eu lieu en Bosnie, il y a un
3 certain nombre de partis politiques qui ont été créés et qui reprenaient en
4 fait la division de l'appartenance ethnique. Il y avait le SDS, le SDA et
5 le HDZ qui étaient les grands partis; est-ce bien exact ?
6 R. C'est exact.
7 Q. Pourriez-vous me dire, au niveau de la République, qui étaient les
8 dirigeants du SDS ?
9 R. Au niveau de la République, il y avait Krajisnik, Karadzic, Biljana
10 Plavsic et Nikola Koljevic.
11 Q. Dans la municipalité de Sanski Most, est-ce que les partis politiques,
12 tels que le SDS, le SDA et le HDZ, ont été formés ?
13 R. Oui.
14 Q. Pourriez-vous identifier, à l'intention de la Chambre de première
15 instance, les dirigeants du Parti SDS à Sanski Most ?
16 R. Nedeljko Rasula était le président du Parti SDS, et nous avions ensuite
17 Vrkes, qui a été le secrétaire du SDS et qui est devenu le président, puis
18 il y avait Vujic -- Drago Vujanic, qui était l'adjoint, je pense que c'est
19 ainsi qu'il s'appelait. Voilà les trois personnes qui, au départ, ont pris
20 les décisions pour le SDS et la troisième personne s'appelait Drago
21 Vujovic.
22 Q. Qui étaient les dirigeants du SDA à Sanski Most ?
23 R. Les dirigeants du SDS, dans un premier temps, moi-même j'étais le
24 dirigeant, et il y avait Hivzo Hodzic, qui était président avant moi, et il
25 y avait Karabeg. Cela c'était, en fait, la direction centrale. Ensuite, il
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1 y a eu Rasema Cero. Voilà quelle était la situation au début. Ensuite, avec
2 l'élargissement du parti, il y a d'autres personnes qui sont devenues
3 membres de cet organe.
4 Q. Monsieur Biscevic, combien de temps êtes-vous resté président du SDA à
5 Sanski Most ?
6 R. J'ai été président pendant quasiment un mandat.
7 Q. Quand est-ce que ce mandat s'est terminé ?
8 R. En 1991 ou en 1992.
9 Q. Lorsque vous n'avez plus été président du SDA, est-ce que vous êtes
10 resté membre du SDA ?
11 R. Oui. Je faisais partie du conseil principal et je faisais partie de la
12 direction centrale du parti.
13 Q. Qui étaient les dirigeants du Parti HDZ à Sanski Most ?
14 R. Les dirigeants étaient Ante Tunic, Skipa Andjelko, il y avait Ivan
15 Filipovic. En fait, ils étaient respectivement président, vice-président et
16 secrétaire.
17 Q. A la suite de la formation du SDS à Sanski Most, est-ce que Messieurs
18 Krajisnik et Karadzic sont venus à la municipalité de Sanski Most ?
19 R. Lorsque le SDS a été fondé à Sanski Most, il y a un village, qui est
20 composé de Serbes exclusivement et, en fait, c'est là que ce parti a été
21 formé. Je suppose que pour pouvoir qu'il soit créé de la meilleure façon
22 possible, la direction de Croatie et de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo est
23 venue. Ensuite, M. Karadzic a beaucoup parlé pendant que le parti a été
24 créé et ils ont apporté leur contribution au parti.
25 Q. Est-ce que vous pourriez montrer au témoin la pièce à conviction P115.
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1 Il s'agit d'une photographie que vous allez également pouvoir voir sur
2 l'écran. M. Biscevic, êtes-vous en mesure d'identifier cette photographie
3 et pourriez-vous indiquer à la Chambre où, d'après vous, a été prise cette
4 photographie ?
5 R. C'est une photographie qui a été prise lors de la formation du SDS à
6 Lusici Palanka.
7 Q. Dans quelle municipalité se trouve cela ?
8 R. Dans la municipalité de Sanski Most.
9 Q. Est-ce que vous pouvez identifier à partir de l'extrême gauche jusqu'à
10 l'extrême droite, êtes-vous en mesure d'identifier la personne qui se
11 trouve à l'extrême gauche de la photographie ?
12 R. Il s'agit de M. Karadzic, M. Rasula, M. Krajisnik et quelqu'un de
13 Croatie, Raskovic. La cinquième personne, je dois vous dire que je ne sais
14 pas de qui il s'agit. La femme est l'épouse de Krajisnik et la personne qui
15 est debout est un officiel de la municipalité de Sanski Most.
16 Q. Pour que tout cela soit très clair, je ne pense pas que vous avez
17 compris comment je souhaitais que vous identifiiez ces personnes. Je vais
18 vous donner le nom des personnes depuis la gauche jusqu'à la droite de
19 l'écran. Si vous nous dites, je ne connaissais personne ou je ne connais
20 pas cette personne, nous passerons à la personne suivante. Nous allons
21 commencer par l'extrême gauche de la photographie. Etes-vous en mesure
22 d'identifier la personne ?
23 R. Je ne suis pas en mesure d'identifier la première personne.
24 Q. Pour ce qui est maintenant de la deuxième personne qui semble avoir une
25 barbe et qui est assise à la table, est-ce que vous êtes en mesure
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1 d'identifier cette personne ?
2 R. Oui. Il s'agit d'un représentant de la Croatie qui est venu pour
3 apporter sa contribution à la formation du SDS à Sanski Most. Il s'agit de
4 M. Raskovic.
5 Q. Nous allons passer à la personne suivante qui est debout et qui semble
6 tenir une plaquette. Etes-vous en mesure d'identifier cette personne ?
7 R. Cet homme qui est debout est M. Krajisnik.
8 Q. Si nous continuons vers la droite et que nous passons à l'homme qui se
9 trouve à côté de lui ?
10 R. La personne qui se trouve à côté de lui est M. Nedeljko Rasula.
11 Q. Il était le responsable du Parti SDS que vous avez identifié à Sanski
12 Most, n'est-ce pas ?
13 R. Oui. Il avait été proposé comme président du SDS et jusqu'à ce moment-
14 là, il n'avait pas assumé cette fonction et représenté d'autres partis.
15 C'est à cette occasion que l'on a proposé qu'il devienne président du
16 parti.
17 Q. La femme qui est assise à la table, en fait, ses mains semblent être
18 quasiment dans une position de prière, êtes-vous en mesure d'identifier
19 cette personne ?
20 R. Il s'agit de la femme de M. Karadzic.
21 Q. Qu'en est-il de l'homme qui se trouve à côté de cette femme toujours en
22 allant vers la droite ?
23 R. Il s'agit de M. Karadzic.
24 Q. La femme qui est debout. Etes-vous en mesure d'identifier la femme qui
25 est debout près de M. Karadzic ?
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1 R. Il s'agissait d'un de nos officiels, en fait, d'un de nos
2 fonctionnaires à la municipalité de Sanski Most.
3 Q. J'en ai terminé avec la pièce P115.
4 Monsieur Biscevic, pour ce qui est des buts et objectifs des élections
5 multipartites, la Chambre de première instance avait entendu que le Parti
6 communiste avait présenté l'ensemble des candidats. Est-ce qu'il y avait un
7 accord qui avait été conclu entre eux, le SDS, le HDZ, le SDA, pour vaincre
8 les communistes, et est-ce que vous pourriez décrire de quel accord il
9 s'agissait ?
10 R. Nous savons que le communisme avait le pouvoir depuis
11 50 ans en Bosnie-Herzégovine. Il était absolument nécessaire de renverser
12 le système d'une façon ou d'une autre. La méthode consistait en faire sorte
13 que les partis nationalistes se rassemblent et forment une association.
14 C'est justement ce qui s'est passé. Par exemple, personne à Sanski Most ne
15 savait qui était M. Koljevic ou Mme Plavsic ou M. Karadzic. Nous ne savions
16 pas qui était
17 M. Krajisnik. Nous ne savions pas qui était Karadzic, et nous ne savions
18 qui était M. Ljubo Ganic. Lorsque les listes de candidatures sont arrivées,
19 une proposition a été émise par le parti indiquant que nous devrions
20 choisir parmi les différents partis. Ces candidats ont obtenu en grande
21 partie une majorité au sein de la municipalité et ont pu ainsi assumer le
22 pouvoir. C'était la recommandation qui venait et qui émanait des instances
23 supérieures. Nous nous sommes contentés de l'exécuter.
24 Q. Lorsque vous parlez d'accord qui venait des instances supérieures et
25 d'une liste, de quelle liste s'agissait-il, vous, membre du SDA ? Quelle
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1 liste avez-vous reçue et quelles étaient les instructions qui
2 accompagnaient cette liste ?
3 R. Tous les partis l'ont reçue, non pas seulement nous. Il s'agissait
4 d'une liste exhaustive de tous les partis. Il était dit, par exemple, qu'au
5 nom du SDS, telle et telle personne devrait être présentée. Il y avait, par
6 exemple, d'autres pour le HDZ. Il était dit : "Ne choisissez plus personne
7 de la liste communiste." La procédure était très, très claire, et c'est
8 ainsi que nous avons obtenu une majorité des votes.
9 Q. Essentiellement, vous avez reçu des instructions, de la part de SDA au
10 niveau national, qui vous ont indiqué pour qui voter; est-ce exact ?
11 R. Oui.
12 Q. Est-ce que cela incluait le vote pour les membres du SDS ou du HDZ ?
13 R. Oui, pour tous les partis.
14 Q. Est-ce que vous avez voté vous-même à cette occasion ?
15 R. Oui, j'ai voté.
16 Q. Avez-vous reçu des instructions pour voter pour M. Krajisnik entre
17 autre ?
18 R. Oui.
19 Q. Avez-vous voté en ce sens ?
20 R. Oui.
21 Q. Quels furent les résultats des élections multipartites ? Pourriez-vous
22 nous expliquer comment ces résultats ont été mis en application dans la
23 municipalité de Sanski Most ?
24 R. Les résultats ont été très bons, très favorables. La Ligue des
25 communistes n'a pratiquement obtenu aucun vote, quasiment aucun vote. Les
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1 trois partis nationalistes ont obtenu les voix. Une fois que ces voix ont
2 été obtenues, le pouvoir au sein de la municipalité a été divisé en
3 fonction du nombre de voix qui avait été obtenu par les partis individuels.
4 Etant donné qu'à Sanski Most, la population était multiethnique puisqu'il y
5 avait 40 % de Musulmans et 42 % de Serbes, le SDS a obtenu la majorité à
6 Sanski Most et nous le savions, nous ne pouvions rien faire. Il faut savoir
7 qu'il y avait eu des fraudes puisqu'ils étaient beaucoup plus instruits que
8 nous. Ils savaient l'importance à obtenir plus de votes, parce que cela
9 signifie que vous aviez le pouvoir absolu au sein de la municipalité, et
10 que vous pouviez faire ce que bon vous semblait.
11 Etant donné que le SDS a obtenu le plus grand nombre de voix, M.
12 Nedeljko Rasula, qui était d'ailleurs le président du SDS, a demandé alors
13 d'être nommé maire. Nous avons marqué notre accord. La fonction de
14 président du parti a ainsi été donnée à Vrkes. Il faut également savoir que
15 ce fut la première division de pouvoir qui a été faite, et les postes ont
16 été octroyés en fonction du nombre de voix. Il a fallu nommer les gens à
17 différents organes. A l'époque, le SDS était l'organe le plus important. Il
18 voulait avoir le poste de chef du MUP et le poste de chef de la section
19 militaire. Il y avait s'agissait des deux postes qui étaient les plus
20 importants au sein de la municipalité. Ils ont dit qu'il fallait qu'on leur
21 octroie ces postes. Ils ont fini par les obtenir d'ailleurs.
22 Q. A la suite des premiers résultats électoraux, comment
23 est-ce que vous décririez la relation entre les partis du SDS, du HDZ et du
24 SDA à Sanski Most ?
25 R. Au début, les relations étaient tout à fait cordiales. Il y a eu cette
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1 euphorie de la victoire sur les communistes. Le maire et la personne qui
2 était le président du SDS, puis il y a un autre poste qui a été donné au
3 SDA, puis un autre poste qui a été donné au HDZ. Très vite, les premiers
4 conflits sont apparus parce que le SDS présentait de plus en plus de
5 requêtes. Il voulait toujours recevoir ce qui ne leur appartenait pas par
6 droit, donc il y a eu une certaine discorde politique entre ces trois
7 partis.
8 Q. Lorsque cette discorde est apparue, lorsque ces différences sont
9 apparues, comment ont-elles été réglées ? Quelles furent les méthodes
10 utilisées pour essayer de trouver une solution à ces différences qui
11 étaient apparues ?
12 R. J'étais président du SDA. Suad Sabic était représentant ou président
13 des parlementaires, et M. Karabeg était président du conseil exécutif. Au
14 sein du SDA, nous avons pris des décisions tout à fait régulières qui n'ont
15 pas été contestées. Il y a toujours eu des problèmes dans le rapport avec
16 le SDS. Chaque fois qu'il y avait un conflit, il nous était impossible de
17 nous entendre sur la position adoptée. Ce qu'il faisait alors au SDS, c'est
18 dire qu'il était impossible pour eux de dire oui avant de consulter les
19 membres du parti. Au début, ceci ne nous a pas posé de problèmes car nous
20 avons pensé que c'était tout à fait normal. On s'est demandé qui ils
21 devaient consulter, mais nous n'avons jamais appris quelles étaient les
22 personnes que ces hommes voulaient consulter. Ce qui est vrai, c'est qu'à
23 la réunion suivante, ces personnes étaient présentes et avaient des
24 décisions disant qu'il était possible de parvenir à un accord sur telle ou
25 telle position.
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1 Q. Au cours de cette période, lorsqu'il y a eu ces négociations, lorsque
2 ces différences sont apparues entre, d'un côté le SDS et de l'autre le HDZ
3 et le SDA, je suppose, que vous, vous négociez avec le chef du SDS à Sanski
4 Most, M. Rasula, et avec toutes les personnes qui occupaient des postes de
5 pouvoir au sein du SDS.
6 R. C'est exact. Il avait pour avantage, le fait qu'outre son poste de
7 président du SDS, il était maire. Ses décisions étaient respectées et
8 appliquées, dans le sens que lui désirait puisqu'il était maire. C'est lui
9 qui avait la responsabilité de la politique menée dans la municipalité et
10 pas seulement de la politique menée par le SDS.
11 Q. Lorsqu'il y avait des désaccords sur des questions importantes,
12 lorsqu'il fallait venir à un compromis avec le SDA, savez-vous si M. Rasula
13 est parti de Sanski Most pour se rendre ailleurs ?
14 R. M. Rasula était maire et n'était pas obligé de justifier ce qu'il
15 faisait. Il n'avait à dire à personne où il allait. Effectivement, toutes
16 les semaines, il allait quelque part sans nous dire où. C'était ce qui
17 s'est passé. De façon courante, il partait pour des déplacements
18 d'affaires. Il avait un chauffeur. Il avait sa propre voiture de fonction.
19 Il pouvait aller où il voulait. Il ne devait pas nous donner
20 d'explications.
21 Q. Savez-vous s'il est allé à Sarajevo, à Banja Luka ou ailleurs de Sanski
22 Most ?
23 R. Oui, la plupart du temps, il allait à Sarajevo et à Banja Luka, parce
24 que c'est là que se trouvaient les niveaux supérieurs des autorités
25 gouvernementales.
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1 Q. M. Rasula, n'a-t-il jamais dit qu'il avait reçu des ordres de ses
2 supérieurs ? Je suppose que ce n'est pas le cas. Est-ce que vous et
3 d'autres membres du SDA, vous avez tenté de savoir qui consultait M.
4 Rasula ? Lorsque vous avez fait cette tentative, comment M. Rasula a-t-il
5 réagi ?
6 R. Nous n'avons jamais eu de doute. Nous nous sommes dits qu'il allait
7 voir les niveaux supérieurs de pouvoir. Lorsqu'il
8 disait : "Il est impossible de prendre une décision sans avoir l'avis de
9 quelqu'un plus haut que moi," nous savions que c'était quelqu'un de son
10 parti qu'il allait voir. Finalement, nous avons appris que ce n'était pas
11 le cas et qu'il allait voir quelqu'un.
12 Q. Avez-vous pu finir par apprendre qui il allait voir ?
13 R. Non.
14 Q. A un moment donné, vous avez parlé des rapports qui existaient entre
15 les différents partis politiques; le HDZ, le SDS, le SDA. Au départ, ces
16 rapports étaient tout à fait cordiaux, puis la situation a évolué, a
17 changé. Vous avez dit que le SDS formulait de plus en plus d'exigences.
18 Est-ce que vous vous souvenez d'une conversation que vous avez eue avec le
19 secrétaire de M. Rasula, conversation au cours de laquelle elle vous a
20 exprimé de façon directe certains commentaires ?
21 R. La situation est devenue plus tendue. Un jour, il y avait entre autre
22 point à l'ordre du jour, un point qui disait que Sanski Most devrait être
23 intégré dans la région de la Krajina occidentale dont le centre se trouvait
24 à Banja Luka. Nous avons réagi, de façon rigoureuse, en refusant de nous
25 voir intégrer à cette région car la plupart des municipalités faisaient
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1 déjà partie de la région de Banja Luka. Nous, nous savions que le centre de
2 toutes ces idées serbes se trouvait à Banja Luka. Nous étions censés
3 parvenir à un consensus entre les différents partis. Nous sommes passés à
4 une autre pièce pour essayer de parvenir à un tel accord. Lorsque nous
5 avons commencé à discuter du sujet, nous voulions que Bihac soit le centre.
6 Le SDS a proposé comme centre, Banja Luka. M. Lukic, qui est diplômé en
7 économie, le secrétaire de M. Rasula, il était secrétaire du comité
8 principal du parti. Il était aussi parlementaire à l'assemblée municipale.
9 Il m'a dit ceci : "Faik, on ne veut pas vivre avec les balija dans l'Etat
10 d'Alija. Nous allons tous mourir, mais pas toi." J'étais tout à fait
11 étonné, abasourdi. Je savais que c'était un intellectuel, je ne savais pas
12 ce qui voulait dire : "Qu'est-ce qui s'est passé ? Qu'est-ce qui pourrait
13 arriver dans une tel Etat ?" Il n'a pas répondu. Il s'est contenté de dire,
14 "Nous allons tous mourir si nous continuons de vivre dans l'Etat des balija
15 et d'Alija.
16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire si le terme de "balija" est un terme
17 péjoratif ?
18 R. Oui, c'est un terme tout à fait péjoratif pour désigner les Musulmans
19 de Bosnie.
20 Q. Parlons, si vous le voulez bien, de la guerre en Croatie. Elle était en
21 cours. Les Juges de la Chambre ont entendu parler de ces événements.
22 Pouvez-vous nous dire les faits qu'a eus la guerre en Croatie sur Sanski
23 Most pour ce qui est de la stabilité qui pouvait y régner ?
24 R. Sanski Most se trouve dans la partie occidentale de la Bosnie tout près
25 de la frontière avec la Croatie. Evidemment, les événements de Croatie ont
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1 eu une incidence certaine sur Sanski Most, puisqu'il y avait la guerre en
2 Croatie. Nous le savions, nous l'avons ressenti. Il y a eu des volontaires
3 du SDS qui ont voulu rejoindre les rangs de la JNA pour lutter dans cette
4 guerre. Ils passaient une quinzaine de jours sur le front. Au retour, ils
5 buvaient. Ils étaient ivres, ils étaient barbus, ils avaient les cheveux
6 longs, ils portaient cette cocarde à la tête. Ils avaient tous des
7 Kalachnikovs. En général, quand ils revenaient, ils tiraient en l'air pour
8 manifester leur joie. Ils buvaient. Il y avait des provocations. Pour nous,
9 ce n'était pas agréable du tout. C'est moins qu'on puisse dire. La
10 population de la municipalité de Sanski Most a été priée de rejoindre les
11 rangs de la JNA. Nous, lorsque nous avons vu ce qui se passait, nous avons
12 dit aux Musulmans et au HDZ que nous n'allions pas répondre à cet appel, à
13 la mobilisation qui consistait à aller faire la guerre en Croatie, que si
14 on en allait être mobilisé dans la municipalité de Sanski Most, nous le
15 ferions, mais si ce n'était pas le cas, nous n'accepterions d'aller nulle
16 part.
17 Ensuite, ce qui s'est passé, c'est que la JNA, lorsqu'elle s'est
18 rendue compte que les gens ne répondaient pas à la mobilisation a dit ceci
19 : "Ceux qui refusent l'appel doivent remettre leur uniforme, leurs armes,
20 et ces hommes seront rayés de la liste de mobilisation." Nous avons dit :
21 "D'accord." Ceci a donné l'occasion aux Serbes en âge de combattre d'être
22 mobilisés dans la JNA.
23 Voici comment cela se passait. Lorsque ces hommes revenaient de la
24 ligne de front, ils ont gagné en audace. Ils buvaient. Ils tiraient en
25 l'air comme d'habitude. Ils se livraient aux mêmes provocations, mais en
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1 plus, à Sanski Most, pendant la nuit, des commerces qui appartenaient aux
2 Croates et aux Musulmans ont été plastiqués. Cela a été le cas d'une
3 vingtaine de commerces. On n'a jamais découvert les auteurs de ces méfaits.
4 Je vous ai dit que le chef du MUP, c'était un membre du SDS, et la section
5 militaire avait à sa tête également un membre du SDS. Nous avons demandé à
6 ces hommes d'organiser des patrouilles communes, conjointes pendant la nuit
7 pour voir qui était l'auteur de ces faits. Ces hommes nous ont dit : "Ne
8 vous mêlez pas de nos affaires. Nous savons ce que nous faisons. Dès que
9 nous avons découvert les auteurs, nous vous dirons qui ils sont."
10 Parallèlement, lorsque les Musulmans et les Croates ont refusé de se
11 laisser mobiliser, un ordre est venu du commandement de Belgrade ou de
12 Banja Luka disant qu'il fallait trouver toutes les armes de la Défense
13 territoriale qui se trouvaient dans des locaux ou d'entreprises ou de
14 communautés locales afin qu'elles soient remises à la section militaire
15 plutôt que de rester entre les mains des citoyens. Il y avait des gardes
16 qui surveillaient plusieurs locaux commerciaux et ces hommes ont été
17 désarmés également. On a désarmé de toutes les façons possibles la
18 population.
19 Q. Je suppose qu'on a pratiquement rien fait si j'ai bien compris ce que
20 vous nous avez dit, qu'on a rien fait pour essayer de calmer ou de
21 contrôler ces soldats qui revenaient du front de Croatie. Vous avez dit de
22 ces soldats qu'ils "déstabilisaient" la situation dans votre municipalité.
23 C'est bien cela ?
24 R. Vous avez tout à fait raison. A leur retour, ces hommes avaient les
25 pleins pouvoirs car ils avaient l'uniforme de la JNA et ils avaient des
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1 espèces des bandeaux, des brassards blancs, noirs ou rouges. Les civils ne
2 pouvaient rien dire car ces soldats pouvaient tirer sur eux sans excuses,
3 sans prétextes et ce sont ces hommes qui ont semé l'instabilité en ville.
4 Q. Est-ce qu'en avril vous avez vu arriver une unité de la JNA à Sanski
5 Most ?
6 R. Sarajevo nous a fait savoir qu'un convoi important de la JNA traversait
7 la Bosnie. Ce qui est intéressant de noter c'est que ce convoi, il est
8 parti de Jasenovac. Tout fut éteint pendant la nuit. Les véhicules ont
9 parcouru une région peu habitée où il y avait moins de Musulmans mais nous
10 savions que ce convoi se déplaçait. Nous les avons suivi à partir de
11 Bosanska Dubica. Nous avons suivi les mouvements de ce convoi. Ils sont
12 partis le soir et ils sont arrivés sur le territoire de Sanski Most, à
13 Lusici Palanka plus exactement. Un jour ou deux plus tard, je pense, M.
14 Rasula nous a invités, moi et les autres dirigeants du SDA, et il nous a
15 dit qu'il y avait des représentants de la JNA qui venaient à cette réunion,
16 une réunion qui s'est tenue pendant la journée. M. Basara est venu. Le
17 commandant Zeljaja est venu de Prijedor. Le capitaine Dragan, lui est venu
18 de Banja Luka et on nous a dit que ces hommes étaient arrivés sur le
19 territoire de Sanski Most. Apparemment, nous a-t-on dit, on voulait donner
20 l'occasion aux hommes de se reposer, après toute une période sur la ligne
21 de front pour réparer et nettoyer leurs armes. Et on nous a dit aussi que
22 ceci n'avait rien à voir avec ce qui se passait à Sanski Most.
23 D'après lui, ces hommes ne faisaient qu'exécuter des ordres --
24 Q. Monsieur Biscevic, je vais vous poser une question. Vous dites qu'ils
25 sont arrivés dans le village de Lusici Palanka. Est-ce que c'est un village
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1 serbe ?
2 R. Oui, à 100 %.
3 Q. Est-ce qu'ils ont établi leur base ? Est-ce qu'ils ont établi un QG
4 dans ce village ?
5 R. Cela on ne l'a pas appris. Tout ce qu'on a appris, c'est que les
6 troupes étaient déployées et qu'il y avait, sur les hauteurs autour de
7 Sanski Most, des postes d'observation dans les villages où il y avait une
8 population majoritairement serbe. C'est là que toutes les armes ont été
9 déployées. Il est intéressant de relever que plus tard, au moment de nos
10 réunions, M. Basara était toujours présent en qualité de représentant du
11 gouvernement. S'il y avait un conflit, un désaccord à cette réunion, il
12 nous disait : "C'est nous qui garantissons la paix. Nous nous ne menons pas
13 de politique mais nous allons empêcher qu'éclate le moindre conflit car
14 nous sommes ici pour défendre les intérêts de tous les groupes ethniques à
15 Sanski Most." Voici ce qu'il avait coutume de nous dire.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, la dernière question
17 posée consistait à savoir si dans ce village il y avait un quartier général
18 qui avait été établi. Au début de votre réponse, vous avez commencé à
19 parler de cela et puis vous avez parlé de ce que faisait M. Basara, des
20 attitudes qu'il a adoptées, de sa présente aux réunions. Vous savez que
21 nous sommes ici pressés par le temps. Cela n'était pas le sens de la
22 question. Je vous demande d'écouter ce qu'on vous demande. M. Harmon, en
23 vous posant la question, vous demandait s'il y avait un quartier général.
24 S'il veut vous parler de M. Basara, il vous posera une question dans ce
25 sens. Ecoutez les questions et essayez d'y répondre. Merci.
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1 M. HARMON : [interprétation]
2 Q. Les Juges de la Chambre voudraient entendre des éléments de preuve
3 relative à l'arrivée de la JNA et à la nature des effectifs de la JNA à
4 Sanski Most, mais vous avez parlé de M. Basara. A votre connaissance quel
5 était son grade ? Quelle était sa fonction dans la JNA lorsque cette unité
6 de la JNA est arrivée à Sanski Most ?
7 R. Il était commandant.
8 Q. Est-ce qu'il y avait des officiers qui étaient subordonnés aux ordres
9 de M. Basara et qui eux, étaient originaires de Sanski Most, si c'est le
10 cas, qui étaient-ils ?
11 R. Il y avait M. Vukic, capitaine de Tuzla. Nous l'avons rencontré
12 lorsqu'il y a eu une attaque sur Sanski Most. Il y avait des réservistes,
13 des habitants de Sanski Most qui avaient des grades, des grades qu'ils ont
14 conservés lorsqu'ils ont été mobilisés. Ce sont les grades qu'ils
15 occupaient lorsqu'ils ont rejoint l'armée.
16 Q. Avant l'intervention de M. le Président Orie, vous avez dit que les
17 représentants de l'armée, notamment, M. Basara, avaient dit que l'armée
18 était sur les lieux pour protéger les intérêts de tous les groupes
19 ethniques, est-ce que c'était là la position adoptée publiquement par la
20 JNA, face à l'opinion publique ?
21 R. Je pense que oui.
22 Q. A votre avis, est-ce qu'en fait il y avait un autre programme qui était
23 poursuivi par les membres de la JNA, et si c'est le cas, quel était ce
24 programme ?
25 R. Le temps allait montrer qu'en fait ils poursuivaient des objectifs tout
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1 à fait différents. C'est devenu clair comme le jour. Ils avaient pour
2 intention d'occuper de façon militaire cette région de la Bosnie
3 occidentale.
4 Q. Dans les prochaines questions que je vais vous poser, je vais
5 m'intéresser au rôle de la JNA et au rôle qu'a joué le SDS pour armer les
6 citoyens serbes de Sanski Most. Quels furent les rôles joués respectivement
7 d'après vous et pouvez-vous nous dire ce que vous, personnellement vous
8 avez vu, s'agissant de la façon dont les citoyens serbes de Sanski Most ont
9 été armés ?
10 R. Ils ont cessé de se cacher. Il y avait des hélicoptères qui arrivaient
11 tous les jours, que ce soit dans les communautés locales ou sur les
12 terrains de jeux, à Sanski Most, c'est ce que le MUP faisait. Ils ont
13 emménagé un bus. En fait, ils ont remplacé les fenêtres par des plaques de
14 métal et ce véhicule a été utilisé pour distribuer aux Serbes des armes
15 dans les villages serbes. Cela s'est passé chaque jour.
16 Q. Est-ce que vous, vous avez vu des hélicoptères atterrir dans des
17 villages serbes ? Vous avez vu ce bus ?
18 R. J'ai vu des hélicoptères, mais personne n'a osé s'approcher. J'ai vu
19 Mico Krunic, c'était un policier à la retraite qui avait la responsabilité
20 de ce bus. J'ai vu ce bus se déplacer tous les jours.
21 Q. Qu'est-ce qu'il y avait dans ce bus ?
22 R. Des armes.
23 Q. Pourriez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé à une réunion qui s'est
24 passée à Kruhar, un village ? Dites-nous d'abord quel était le groupe
25 majoritaire dans la population de Kruhar, et dites-nous aussi ce qui s'est
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1 passé dans ce village, notamment en ce qui concerne la remise d'armes.
2 R. Ce village de Kruhar est un village serbe. Il s'y est tenu une réunion.
3 Mais il y avait aussi trois maisons de Croates. Les citoyens croates sont
4 allés à cette réunion lorsqu'elle a été convoquée, sans savoir ce dont on
5 allait parler. M. Rasula est venu et il a dit, aux habitants de cette
6 communauté locale, ceci : "Je suis à même de vous donner des armes en
7 l'espace de deux heures, armes avec lesquelles vous pourrez faire la guerre
8 pendant cinq ans." Ce citoyen croate était abasourdi. Il ne savait pas ce
9 qui se passait. Mais dès que la réunion s'est terminée, ce citoyen est venu
10 nous dire ce qu'avait dit M. Rasula.
11 Q. Je vais vous donner lecture d'une citation.
12 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
13 c'est une citation qui vient la pièce de l'Accusation 65, intercalaire
14 221. C'est ce que le général Milan Gvero dit à la 34e séance de l'assemblée
15 des Serbes de Bosnie, le 29 septembre 1993. Il fait un discours à
16 l'assemblée des Serbes de Bosnie, et voici ce qu'il dit, je le cite : "Le
17 SDS et les organes de l'Etat établi ont été les principaux contributeurs à
18 l'armement en armes légères des Serbes, ce qui a, grâce à l'appui et à la
19 collaboration de beaucoup de Serbes, des officiers commandants dans la JNA
20 sur le territoire de Bosnie-Herzégovine, dans les Départements des Services
21 militaires et avec l'aide de d'autres institutions politiques en Serbie. Je
22 pense à la République fédérale de la Yougoslavie."
23 Q. Est-ce que cette citation, que je vous ai donnée de M. Gvero,
24 cadre bien avec ce que vous avez vu en matière d'armement de la population
25 dans votre municipalité à Sanski Most ?
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1 R. Oui, oui, c'est tout à fait concordant.
2 Q. Pendant que la JNA armait les Serbes et qu'il y avait coordination avec
3 le SDS, est-ce que les Musulmans et les Croates ont exigé des armes, eux
4 aussi, en ont demandé à la JNA ?
5 R. Mais non, mais non.
6 Q. Est-ce que la JNA leur a donné des armes ?
7 R. Non.
8 Q. Parlons d'un autre sujet. C'est la prise de contrôle du MUP et de la
9 Défense territoriale. Pourriez-vous dire aux Juges ce qui s'est passé,
10 s'agissant de la prise de contrôle dans ces organes particuliers ?
11 Pourriez-vous décrire ce qui s'est passé, à l'intention des Juges.
12 R. M. Rasula, Nedeljko Rasula, est venu devant le MUP. Il avait des
13 effectifs avec lui, armés de Kalachnikovs. Il a dit : "A partir de
14 maintenant, c'est le MUP serbe, le MUP de l'Etat serbe de la Krajina
15 occidentale. Tous les Croates, tous les Musulmans qui sont prêts à signer
16 cet acte d'allégeance signeront ou ils partiront." Un seul Croate l'a fait.
17 Les autres ont refusé, et ils ont dû quitter le bâtiment. Ils en ont été
18 chassés.
19 Q. Cette prise de contrôle du poste de police, qu'est-ce que cela a eu
20 comme effet sur la municipalité ?
21 R. Il y a eu d'autres réunions politiques plus tard, et nous avons dit que
22 s'ils prenaient le contrôle du MUP et le contrôle du bureau de la Défense
23 territoriale, qui est au rez-de-chaussée dans le même immeuble, nous avons
24 dit que le SDA ou le HDZ devait prendre ce bâtiment. Ils ont refusé,
25 puisqu'il n'y a pas eu d'accord, nous avons décidé de prendre le contrôle
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1 du bâtiment de l'assemblée municipale.
2 Q. Vous dites "nous". C'est qui "nous" ?
3 R. C'est le SDA, le HDZ et les employés du MUP qui n'avaient pas signé cet
4 acte d'allégeance.
5 Q. Y a-t-il eu de la violence ? Est-ce qu'on s'est servi de la force pour
6 procéder à cette prise de contrôle du bâtiment municipal ?
7 R. Et bien, les délégations ont eu des réunions pendant deux jours, les
8 représentants du SDS et nous. Il nous était absolument impossible de
9 trouver un accord. C'est alors que, le lendemain, au soir, des soldats
10 armés se sont rassemblés devant le bâtiment municipal. Juste à côté du
11 bâtiment municipal, il y avait le bâtiment des PTT, ainsi que le bâtiment
12 abritant un hôtel. Nous avions remarqué que c'est là qu'il y avait des nids
13 de tireurs embusqués. Il y avait également des nids de mitrailleuses. Le
14 square était encerclé de soldats. Ils avaient pris la municipalité. Nous
15 nous trouvions dans la municipalité, et eux, ils étaient tout autour. Vers
16 dix heures du matin, Rasula a appelé par téléphone, et il a dit : "Quittez
17 la municipalité dans les dix minutes qui suivent; sinon, vous serez brûlés
18 vifs, et on détruira le bâtiment municipal." C'est ainsi qu'on a lancé
19 projectile d'une Zolja, et le bâtiment municipal a été détruit.
20 Q. Combien de personnes se trouvaient au bâtiment municipal lorsque cette
21 Zolja avait été tirée ?
22 R. Il y avait environ de 30 à 40 personnes, pas plus, je crois.
23 Q. Vous étiez présent ? Vous étiez là ?
24 R. Non, j'étais en voyage, et je n'ai pas passé cette nuit-là à cet
25 endroit-là.
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1 Q. L'information que vous nous donnez est basée sur le ouï-dire, en fait,
2 ce sont des personnes qui étaient présentes dans le bâtiment municipal qui
3 vous ont relaté les faits.
4 R. Oui, le lendemain matin, ils racontaient l'événement le lendemain, et
5 il ne s'est rien passé de spécial puisque la journée était assez calme.
6 Mais ce qui est intéressant, c'est que, ce jour-là, en fait, le matin, on
7 avait vu, sur le square hissé un drapeau de l'Etat serbe de la Bosnie
8 occidentale. Ce même drapeau était hissé également sur le bâtiment du MUP.
9 Cela représentait une sorte de légalité à leur prise de pouvoir.
10 Q. Pouvez-vous vous souvenir de la date de la prise de contrôle du
11 bâtiment municipal ?
12 R. Je crois que c'était le 19 avril. C'est à ce moment-là que l'on a lancé
13 cette attaque contre la mairie.
14 Q. Quelle était l'importance que l'on accordait à ces drapeaux ? Vous
15 dites que des drapeaux étaient hissés un peu partout dans la municipalité.
16 Quelle était en fait l'importance de cette prise de pouvoir du bâtiment
17 municipal ou de la mairie ? Est-ce que cela a changé la structure dans la
18 municipalité de Sanski Most, pour ce qui a trait au HDZ ?
19 R. C'est que le pouvoir est tombé entre les mains du SDS. Nous n'avions
20 plus le droit d'entrer à l'intérieur de la mairie ou de nous présenter.
21 Q. Est-ce que l'on a fait quelque annonces, disant que, concernant les
22 lois qui allaient être appliquées maintenant dans la municipalité de Sanski
23 Most ?
24 R. Le lendemain matin, ils nous ont dit que M. Talic de Banja Luka
25 viendrait pour tenir une réunion. Effectivement, il est venu, et il a dit
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1 qu'il garantissait la sécurité à tous les citoyens de Sanski Most, que
2 c'était la JNA qui allait garantir la sécurité à tous les citoyens. Par
3 contre, le lendemain matin, puisque le SDS avait procédé à la prise de
4 pouvoir, simplement sans l'approbation de personne ou sans avoir
5 préalablement consulté personne, ils ont pris le contrôle de la radio de
6 Sanski Most. Le directeur de cette radio était un Musulman. Ils ont pris le
7 contrôle des PTT. Le directeur du PTT était un Croate. C'est eux qui
8 représentaient le pouvoir. Ils disposaient d'argent également. La
9 propagande, après ce jour-là, était de donner des annonces partout sur
10 Sanski Most, c'est-à-dire que l'on annonçait tout cela à la radio.
11 Q. Monsieur Biscevic, le HDZ et le SDA, est-ce que ces partis étaient des
12 partenaires pour ce qui est du pouvoir démocratique à Sanski Most ?
13 R. Le SDA et le HDZ n'avaient absolument aucun pouvoir, aucune notoriété.
14 Q. Maintenant, vous avez parlé du fait qu'un bon nombre de personnes, les
15 non-Serbes s'étaient vus démis de leurs fonctions, tout ceux qui étaient et
16 qui occupaient des postes importants. Maintenant, selon vous, les efforts
17 déployés pour désarmer la population non-serbe, la population de Sanski
18 Most, suite à la prise du contrôle de la mairie de Sanski Most, au mois
19 d'avril 1992. D'abord, dites-nous, y a-t-il eu une campagne lancée afin de
20 procéder au désarmement de la population non-serbe de Sanski Most ? Si oui,
21 pourriez-vous nous décrire de quelle campagne il s'agit, de quelle façon
22 cette campagne s'est-elle vue voir le jour ?
23 R. La campagne était quotidienne. On faisait des annonces à la Radio Sana,
24 par exemple, le hameau d'Otok, lundi à 5 heures de l'après-midi, mettons,
25 on disait à tel et tel point de contrôle. Tous les citoyens étaient obligés
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1 d'apporter toutes les armes légales qu'ils possédaient légalement ou
2 illégalement. Egalement dans mon hameau, nous avions dû remettre toutes les
3 armes que nous avions. Nous avions des armes de chasse, nous n'avions rien
4 d'autre. Il y avait une automobile civile avec une remorque. C'est là qu'on
5 lançait les armes. Il y avait également un homme qui portait un uniforme
6 militaire. Il ne donnait absolument aucune attestation pour prouver que
7 nous avions remis nos armes. C'était la pratique quotidienne. Partout il y
8 avait la population croate et musulmane. Les patrouilles se déplaçaient
9 pour prendre les armes que les gens possédaient soit légalement ou
10 illégalement.
11 Q. Maintenant, cette question de désarmement des villages non-serbes, est-
12 ce que c'est arrivé également dans les villages serbes de Sanski Most ?
13 Est-ce que vous vous souvenez ?
14 R. Non.
15 Q. Les endroits qui étaient identifiés pour faire l'objet de désarmement,
16 est-ce que cela a été fait à la radio ? Vous avez dit que c'était par la
17 radio que l'on informait les citoyens où se rendre pour rendre leurs armes,
18 que ce soit des armes qu'ils possédaient de façon légale ou illégale.
19 Comment aviez-vous appris les lieux où vous deviez vous rendre ?
20 R. Outre le fait qu'ils avaient annoncé des points de contrôle à certains
21 endroits où il avait annoncé où se trouvaient les points de contrôle, tous
22 les jours, on nous disait que toutes les armes légales et illégales
23 pouvaient être rapportées dans les bureaux du MUP, et que les personnes
24 pouvaient simplement remettre leurs armes, et qu'aucune conséquence
25 fâcheuse ne leur arriverait.
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1 Q. Vous avez remis vos armes, est-ce que vos fils ont remis également les
2 armes qu'ils avaient en leur possession ?
3 R. Moi-même et mon fils aîné, nous étions des chasseurs. Nous disposions
4 d'armes légales, et nous les avions remises à ce
5 moment-là.
6 Q. Est-ce que vous aviez reçu un reçu quelconque attestant que vous avez
7 bel et bien remis votre arme de chasse ?
8 R. Non.
9 Q. Pourriez-vous décrire à la cour brièvement les événements concernant le
10 désarmement de Trnova. D'abord, dites-nous, Trnova ou Trnovo, quel genre de
11 village est-ce ?
12 R. Il s'agit d'un village assez grand dont la majorité des citoyens
13 étaient Musulmans. Quelqu'un les avait avisés qu'à Trnova, il y avait deux
14 canons. Ce qui était intéressant, c'est qu'ils disaient toujours :
15 "Rapportez vos armes. Rapportez vos armes," cela voulait dire soit un
16 revolver ou un fusil. Ils affirmaient que les Musulmans et les Croates
17 étaient complètement armés. Ils n'avaient jamais dit : "Venez transporter
18 vos armes." Une fois, ils avaient entendu dire que, dans le village à
19 Trnova, il y avait deux canons. Ils ont demandé à ce que l'on transporte
20 ces deux canons, qu'on les amène. Chez les Musulmans, le ramadan, lorsque
21 le ramadan arrive le soir, c'est à ce moment-là que la population commence
22 à manger, la population musulmane. C'est grâce à ce canon que l'on
23 annonçait à l'aide d'un coup de canon que l'on pouvait commencer à manger.
24 C'était la raison pour laquelle nous avions ces deux canons. Lorsque les
25 Musulmans ont entendu dire qu'il fallait remettre les canons, il y avait un
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1 homme qui était presque un peu bête, un peu fou. Il aimait bien allumer les
2 allumettes. C'est à ce moment-là qu'il s'est porté volontaire pour aller
3 remettre ces canons.
4 M. STEWART : [interprétation] Objection. Monsieur le Président, j'aimerais
5 simplement faire un commentaire. Mme Cmeric confirme quelques écarts
6 concernant cette dernière réponse du témoin. C'est une réponse qui est
7 traduite en anglais. Elle ne peut pas être très bien comprise.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. J'ai remarqué que dans la
9 feuille d'informations supplémentaire qui nous a été remise, lorsqu'on
10 parle de canon, on parle d'un canon, d'une arme. Il faudrait peut-être voir
11 avec le témoin s'il peut nous préciser ce fait.
12 M. HARMON : [interprétation]
13 Q. Monsieur, lorsque nous nous sommes entretenus samedi dernier, vous nous
14 avez décrit cette arme comme étant un canon.
15 R. C'était un canon, effectivement. Nous l'appelions canon.
16 Q. L'information que les Serbes avaient reçue à l'effet qu'il y avait deux
17 canons, non pas deux armes, mais deux canons dans le village de Trnava,
18 est-ce que c'est bien cela l'information qu'ils avaient reçue, c'était
19 qu'il y avait deux canons ?
20 R. Oui, c'est cela. Ils affirmaient qu'il y avait deux canons.
21 Q. Ensuite, vous nous avez décrit un homme qui, si je peux vous citer
22 littéralement : "Est un peu fou, est un peu dérangé." Vous nous avez dit
23 que c'était lui qui a amené ce canon fait en cerisier, qu'il avait remis
24 aux autorités serbes.
25 R. Oui. Il a transporté ce canon, et il l'a remis entre les mains de la
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1 police.
2 Q. Très bien. Je crois que c'est une description des événements un peu
3 précise plutôt que ce que l'on a dans la traduction. Maintenant, permettez-
4 moi de vous poser une autre question concernant ceci, Monsieur Biscevic.
5 Concernant cette demande, cet appel de remettre les armes, le gouvernement
6 local, les autorités locales et la JNA, quelles étaient les assurances
7 qu'elles fournissaient aux personnes qui devaient remettre leurs armes ?
8 R. Ils garantissaient de façon verbale d'assurer la sécurité des citoyens
9 de Sanski Most.
10 Q. A la suite de ces annonces faites à la radio et à la suite des demandes
11 que l'on a faites à l'endroit des Musulmans et des Croates de Sanski Most
12 pour remettre leurs armes, lorsque les attaques ont commencé contre Sanski
13 Most au mois de mai, à la fin du mois de mai 1992, est-ce que la plupart
14 des villages non-serbes avaient été désarmés à ce moment-là ?
15 R. Oui.
16 Q. Très bien. De nouveau, je souhaiterais attirer votre attention sur la
17 période qui a suivi la prise de contrôle de la mairie. Ensuite, vous nous
18 avez dit que les combats ont commencé et vous nous avez également décrit un
19 événement lors duquel deux
20 non-Serbes se sont vus démis de leurs fonctions. Vous nous avez parlé du
21 directeur de la station radio, et vous nous avez également parlé d'un
22 Croate qui était à la tête du SDK. Est-ce qu'il y avait d'autres non-Serbes
23 qui avaient été démis de leur position, qui avaient été licenciés ?
24 R. Tous les Musulmans et les Croates de la municipalité de Sanski Most
25 avaient été démis de leurs fonctions. Il y avait un, par exemple, un soldat
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1 devant l'hôpital, les médecins et les infirmiers, infirmières croates ne
2 pouvaient plus entrer dans l'école pour ce qui est de l'école également.
3 Partout où les Musulmans et les Croates travaillaient, ils avaient perdu
4 leur emploi. Ils étaient simplement licenciés du jour au lendemain.
5 Q. Qui était responsable de cela ?
6 R. C'était soit Rasula ou Vrkes, qui venait accompagné de soldats pour
7 procéder au licenciement de ces personnes.
8 Q. Maintenant, je souhaiterais attirer votre attention sur l'attaque qui a
9 été lancée contre Mahala. C'est une attaque qui a eu lieu le 26 mai 1992.
10 D'abord, dites-nous, le Mahala, est-ce que c'est une partie musulmane de la
11 ville de Sanski Most ?
12 R. Oui.
13 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre de première instance, que s'est-il
14 passé à la suite d'une annonce faite à la radio concernant la population de
15 Mahala ? Qu'est-ce que les gens devaient faire ? Qu'avaient demandé les
16 autorités de Sanski Most aux Serbes de faire ?
17 R. Il fallait rendre les armes aux points de contrôle. A chaque fois, ils
18 disaient : "Remettez vos armes; sinon, l'armée viendra chercher les armes."
19 C'était une excuse pour faire ce qu'ils ont fait.
20 Entre le 25 et le 26, il y a eu une attaque lancée contre Sanski
21 Most. On tirait de part et d'autre. J'avais passé toute cette nuit-là dans
22 mon garage avec ma famille. Le Dr. Mehmed Alagic était avec moi. Il avait
23 été tué plus tard. J'avais également ma femme et mes enfants avec moi. Le
24 lendemain matin, vers 7 heures du matin, l'attaque s'est arrêtée. On a
25 entendu une annonce à la radio disant que Gornji Mahala n'avait pas remis
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1 ses armes. Un ultimatum avait été donné, l'ultimatum selon lequel il
2 fallait remettre les armes avant 11 heures du matin; sinon, ils allaient
3 lancer une attaque contre Gornji Mahala. Ils nous ont dit qu'ils allaient
4 chercher les armes de ces extrémistes, comme ils l'ont dit, alors que la
5 situation était bien différente. Il y avait dans les trois hameaux qui
6 précèdent Gornji Mahala. Ils étaient habités par des populations
7 musulmanes. Les soldats ont fait irruption dans toutes les maisons des
8 trois villages qui précèdent Gornji Mahala. Ils ont tué toutes les
9 personnes qui ne sont pas sorties de leur maison. Quand toutes les
10 personnes qui étaient sorties à l'extérieur se sont trouvées devant leur
11 maison, on a emmené toute cette population qui est sortie de leur demeure
12 devant ce complexe, un complexe où l'on procédait à la formation de
13 chauffeurs.
14 C'est de là qu'on a transféré certaines personnes à la prison
15 centrale. D'autres personnes avaient été immédiatement expulsées dans les
16 autobus. A ce moment-là, il y avait une colonne de cinq bus dans lesquels
17 ont avait placé les habitants. Ce jour-là, lorsqu'on parle de l'attaque
18 contre Mahala, a eu lieu à partir de 11 heures, et elle a duré jusqu'à la
19 soirée ou la nuit. Tout était déjà terminé. Ce jour-là, 192 maisons avaient
20 été pillées, brûlées, incendiées, détruites complètement. Je répète, donc
21 192 maisons avaient été complètement détruites. Pour ainsi dire, la Gornji
22 Mahala était détruite complètement, rasée au sol.
23 Kuzelj était un habitant de Gornji Mahala. Il s'était caché dans un
24 trou d'homme. Ils l'avaient trouvé là pour le tuer. Il y avait un autre
25 habitant qui est sorti de la grange. I voulait laisser sa vache sortir à
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1 l'extérieur. Ils l'ont tué. Il y avait un autre homme qui est passé par les
2 champs pour aller au polygone. Ils l'ont tué également. Chaque personne qui
3 était restée derrière s'était faite tuée.
4 Q. Lorsque vous dites "ils les ont tués", que ces gens se sont fait tués
5 par "eux", au pluriel, "ils", c'étaient qui ?
6 R. C'étaient les Musulmans qui étaient restés derrière.
7 Q. Lorsque vous dites que "ils les ont tués", qui a tué les habitants
8 musulmans ?
9 R. Ce sont les Serbes qui portaient des uniformes militaires.
10 Q. Est-ce qu'une annonce avait été faite concernant des draps ?
11 R. Oui. Lorsque cette attaque contre la Gornji Mahala devait avoir lieu,
12 on a fait une annonce disant que tous les Musulmans qui avaient porté un
13 acte allégeance à l'Etat serbe, devaient hisser des draps sur le toit de
14 leur maison. C'est ainsi qu'un très grand nombre de Musulmans et de Croates
15 avaient hissé ces draps sur le toit de leur maison. Ils voulaient de cette
16 façon-la démontrer qu'ils étaient loyaux. C'était un prétexte que les
17 soldats serbes ont utilisé pour savoir quelles étaient les maisons
18 musulmanes et croates. C'est ainsi qu'ils ont tué toutes les personnes qui
19 se trouvaient à l'intérieur de ces maisons. Ils n'ont pas détruit les
20 maisons serbes grâce à ces draps.
21 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je vois l'heure
22 arrivée. Il serait peut-être propice de prendre notre pause. Souhaiteriez-
23 vous que je poursuive jusqu'à 10 heures 30, Monsieur le Président ?
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est l'heure prévue pour la pause,
25 effectivement, 10 heures 30.
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1 M. HARMON : [interprétation]
2 Q. Monsieur Biscevic, je vais maintenant vous poser encore quelques
3 questions concernant la date du 27 mai 1992. Est-ce qu'effectivement, ce
4 jour-là, vous vous êtes fait arrêter ?
5 R. Oui.
6 Q. Pourriez-vous nous parler de votre arrestation, je vous prie ?
7 R. J'ai déjà dit que cette nuit-là, je l'avais passée dans le garage.
8 J'étais avec ma famille et le Dr Mehmed Alagic. Vers 7 heures du matin, on
9 a arrêté de tirer. Tout s'était calmé. Il y avait une accalmie. Nous sommes
10 arrivés dans la cuisine. On a mangé quelque chose. Par contre, vers 11
11 heures du matin, ils ont annoncé qu'une attaque aurait lieu contre Gornji
12 Mahala si jamais on ne remettait pas les armes jusqu'à cette heure-là. A 11
13 heures du matin, on a entendu d'autres coups de feu. Nous nous sommes
14 abrités dans le garage de nouveau. On tirait de part et d'autre. Il était
15 très dangereux que l'on lance un obus sur notre maison. Comme chez moi, ma
16 maison n'était pas très solide, nous sommes allés nous cacher dans le
17 garage. Après 11 heures, l'attaque a été lancée. Avant cela, mon fils m'a
18 dit : "Regarde, papa, il y a énormément de soldats. On n'attaque pas notre
19 quartier à nous." Je n'avais pas porté vraiment attention. Après 11 heures,
20 lorsque nous sommes retournés dans le garage, nous avons entendu que
21 quelqu'un avait détruit la porte d'entrée en donnant un coup de pied à la
22 porte de notre maison. Ma femme est sortie à l'extérieur. Quand elle est
23 sortie du garage pour voir ce qui se passait, ils lui ont dit : "Il faut
24 que Faikan se présente immédiatement. Nous avons eu une réunion. Ensuite,
25 je me suis habillé et, lorsque je suis sorti, j'ai vu qu'il y avait l'armée
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1 partout. Il y avait quatre véhicules et une Mercedes blanche se trouvait
2 devant mon portail. Ils m'ont mis entre deux personnes. Il y avait deux
3 autres personnes à côté de moi, c'étaient des soldats qui portaient un
4 uniforme. Il y avait quelqu'un devant moi également et un chauffeur.
5 Lorsque je me suis assis à bord de ce véhicule, ils m'ont dit qu'ils
6 avaient reçu l'ordre de me menotter et c'est ainsi que mes mains ont été
7 menottées.
8 Q. Où est-ce que l'on vous a emmené ?
9 R. On m'a d'abord emmené au MUP, ensuite, c'est là qu'on m'a mis dans le
10 couloir et on m'a dit de me tourner contre le mur et il y avait beaucoup de
11 soldats qui injuriaient, qui criaient. Ensuite, après un certain temps, ils
12 m'ont mis de nouveau à bord de ce véhicule et ils m'ont emmené dans le
13 village de Magarice, c'est ainsi que s'appelle ce village. Il s'agit d'un
14 village qui se trouve en périphérie de Sanski Most et sur une élévation,
15 sur une colline, et lorsque je suis arrivé là, là-haut dans ce village,
16 lorsqu'ils m'ont sorti et m'ont fait sortir du véhicule, lorsque je suis
17 arrivé, ce que j'ai vu d'abord c'est qu'il y avait un très grand nombre de
18 soldats à cet endroit. Il y avait beaucoup de personnes qui se déplaçaient
19 par là. C'est, en fait, là que j'ai su plus tard que c'était leur QG.
20 Lorsque je suis arrivé, j'ai vu qu'il y avait une carte de Sanski Most. Il
21 y avait un litre de cognac et à cette table, M. Basara était assis à cette
22 table ainsi qu'un autre officier. J'ai su plus tard qu'il s'agissait du
23 capitaine, le commandant major Lukic. Je leur ai dit bonjour. Je suis sorti
24 de ce véhicule. Lui, il m'a injurié. Il m'a dit : je nie ta mère de balija.
25 Ensuite, il a dit aux soldats : pourquoi est-ce que vous l'avez menotté par
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1 en avant ? Vous devriez le menotter en lui mettant les mains derrière le
2 dos et serrer les menottes très fort.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, vous savez on vous a
4 seulement posé la question : où est-ce que l'on vous a emmené ? Là vous
5 êtes en train de me décrire le comportement d'autres personnes. Ce n'est
6 pas vraiment nécessaire. Je ne dis pas que ce n'est pas important et nous
7 comprenons très bien que pour vous c'est une chose de très important, mais
8 nous avons quelques contraintes temporelles. Je vous demanderais bien de
9 vous concentrer et d'écouter les questions posées par M. Harmon.
10 M. HARMON : [interprétation] En fait, Monsieur le Président, j'allais
11 justement poser cette question. En fait, M. Biscevic répond sans que je lui
12 pose toutes les questions que je voulais lui poser en réalité.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On a l'impression que M. Biscevic
14 sait très bien les questions que vous allez lui poser, mais je comprends
15 que vous n'allez pas lui reposer la question puisqu'il nous a fait un récit
16 de cet événement, et nous voulons éviter bien sûr toute répétition.
17 Veuillez poursuivre, je vous prie.
18 M. HARMON : [interprétation]
19 Q. Vous étiez en train de nous décrire, Monsieur, les événements qui ont
20 suivi votre arrivée. Vous nous avez dit qu'il y avait un officier qui
21 n'était pas d'accord avec le fait que vous étiez menotté par en avant et
22 qu'il fallait menotter vos mains derrière votre dos. Maintenant, décrivez-
23 nous ce qui s'est passé ensuite.
24 R. Ensuite il s'est levé et il m'a emmené juste à côté de ce camp sur une
25 clairière et là j'ai vu qu'il y avait énormément de soldats qui se
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1 déplaçaient par là. Il y avait également des coffres militaires, un mètre
2 de haut et dix mètres de long et c'est là qu'il y avait des canons, les
3 canons dans lesquels on met des obus et grâce auxquels on peut atteindre la
4 ville. J'ai vu qu'en fait c'est de là qu'ils avaient lancé leur attaque
5 contre la ville. J'avais l'impression qu'on menait vraiment les attaques de
6 cet endroit-là.
7 Ensuite il m'a dit : "Vous voyez ce que vous avez fait de Sanski
8 Most. Vous voyez ce que vous avez fait. C'est à cause de vous que tout ceci
9 est ainsi." Lorsque je suis revenu deux soldats m'ont pris et ils m'ont
10 emmené dans un verger et c'étaient deux soldats qui étaient censés me faire
11 passer à tabac. Ensuite ils m'ont passé à tabac à ce point-là que j'ai
12 défait les menottes qui attachaient mes mains derrière le dos. Ensuite,
13 lorsque je suis revenu, le capitaine m'a fait asseoir derrière une table et
14 il m'a dit : "Prends un bout de papier et écris." Je ne savais pas quoi
15 écrire.
16 Q. Permettez-moi de vous interrompre ici parce qu'effectivement, c'est une
17 bonne heure pour prendre la pause. Je voulais revenir à votre récit. Vous
18 dites que vous avez été passé à tabac. Pourriez-vous nous dire combien de
19 temps a duré ce passage à tabac ?
20 R. C'est bien difficile de déterminer la durée précise, mais je dirais que
21 c'était environ une demi-heure.
22 Q. Combien y avait-il de soldats dans cette zone, à cet endroit où vous
23 avez été emmené ?
24 R. Partout où je regardais, je voyais des soldats.
25 Q. Est-il exact de dire que vous pouviez, depuis cet endroit-là, regarder
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1 vers le village de Sanski Most parce que ce village se trouvait en
2 contrebas ?
3 R. C'est une élévation et il n'y a pas de forêts entre eux et c'était de
4 ce point, et c'est ainsi que l'on voyait très bien Sanski Most.
5 Q. Vous nous avez dit qu'à ce moment-là, les soldats semblaient bombarder
6 Sanski Most depuis cet endroit-là.
7 R. Oui.
8 Q. Est-ce que l'on pouvait envoyer des obus depuis Sanski Most vers cette
9 élévation, vers ce point depuis lequel les soldats serbes tiraient ?
10 R. Non, non, non, ils chantaient, ils riaient, ils buvaient, ils étaient
11 joyeux. Il n'y avait absolument aucune menace et c'était impossible de ne
12 les atteindre par aucun obus, aucune balle.
13 Q. Je vous remercie.
14 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, le moment est opportun
15 sans doute pour prendre la pause.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Merci, Monsieur
17 Harmon. Nous allons prendre notre pause jusqu'à 11 heures moins cinq.
18 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.
19 --- L'audience est reprise à 10 heures 57.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, poursuivez, je vous
21 prie.
22 M. HARMON : [interprétation]
23 Q. Monsieur Biscevic, avant de poursuivre et avant que vous ne
24 récapituliez les événements du 27 mai, j'aimerais, en fait, revenir en
25 arrière et vous poser une ou deux questions à propos de la période relative
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1 aux élections multipartites. Après les élections multipartites ou avant ces
2 élections, avez-vous eu la possibilité de rencontrer l'accusé, M.
3 Krajisnik ?
4 R. Je l'ai fait à une reprise.
5 Q. Est-ce que vous pourriez décrire à l'intention de la Chambre de
6 première instance les circonstances de cette rencontre ? Est-ce que vous
7 pouvez-nous dire qui vous a présenté ? Où est-ce que cela s'est fait et
8 quand est-ce que cela s'est fait ?
9 R. Après les élections, j'étais le président du parti. M. Rasula était le
10 président de son parti. Lorsque nous nous sommes rendus à Sarajevo
11 ensemble, nous avons fait la connaissance de M. Krajisnik. On me l'a
12 présenté. Ce fut la seule fois que j'ai eu un contact avec lui, ce ne fut
13 pas une conversation. Nous avons tout simplement été présentés mais je
14 savais qu'il s'agissait de M. Krajisnik.
15 Q. Qui vous a présenté à M. Krajisnik, est-ce que c'est M. Rasula qui vous
16 a présenté à M. Krajisnik ?
17 R. Oui, oui.
18 Q. Nous allons revenir sur cette journée du 27 mai 1992. Vous étiez en
19 train de nous dire qu'après avoir été passé à tabac, vous êtes revenu et on
20 vous a demandé de vous mettre debout à côté d'une table. Un capitaine vous
21 a donné une feuille de papier et vous a demandé d'écrire, est-ce que vous
22 pouvez, maintenant, nous relater ce qui s'est passé à partir de ce moment-
23 là ?
24 R. Je ne savais pas ce que j'étais censé écrire. Il est venu près de moi.
25 Il a pris cette feuille de papier et il a tiré un coup de feu près de mon
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1 oreille et il a dit : "Voilà ce qui t'attend avec ta famille si tu ne lis
2 pas ceci." Je ne savais pas ce que ceci signifiait. D'abord j'avais été
3 passé à tabac et je ne savais pas ce dont il s'agissait.
4 Q. Que s'est-il passé après qu'il vous a donné cette feuille de papier ?
5 R. Une fois de plus, les deux soldats m'ont emmené -- m'ont mis dans la
6 voiture et m'ont emmené à la station radio de Sanski Most qui se trouvait
7 dans le centre de la ville.
8 Q. Qui contrôlait la station de radio à l'époque ?
9 R. Le SDS.
10 Q. Qu'est-il advenu à la station de radio ?
11 R. A la station de radio, on m'a mis près d'un bureau. On m'a donné une
12 feuille de papier qui contenait le texte que j'étais censé lire au micro et
13 c'est ce que j'ai fait.
14 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
15 j'aimerais que nous entendions, maintenant, la pièce à conviction -- la
16 prochaine pièce à conviction de l'Accusation. Il s'agit d'une cassette
17 audio et nous avons le compte rendu afférant à cette cassette. Je peux
18 attirer votre attention sur le moment où cela commence, mais je ne sais pas
19 si vous avez déjà des exemplaires de ces comptes rendus. S'ils peuvent être
20 distribués, je pourrais ainsi indiquer aux Juges de la Chambre les passages
21 que nous allons entendre. De même, si vous pouviez fournir à M. Biscevic un
22 exemplaire du compte rendu en B/C/S, je vous prie.
23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, j'aimerais attirer votre
24 attention sur deux extraits importants de ce compte rendu. Nous avons, dans
25 un premier temps, le premier extrait qui commence à la page 5, vous voyez
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1 que cela a été placé dans un encadré gris et cela va jusqu'à la page 7.
2 Q. Monsieur Biscevic, je vous dirais à titre d'information que le premier
3 extrait que nous allons entendre se trouve à la page 9 de la version en
4 B/C/S et va jusqu'à la page 11. Ensuite, nous marquerons une pause, et nous
5 aurons le deuxième extrait qui correspond à ce qui se trouve en encadré
6 gris dans la version anglaise, il s'agit de la page 9 jusqu'au début de la
7 page 10. Pour la version en B/C/S, Monsieur Biscevic, il s'agit de la page
8 15 à 16, il s'agira du deuxième extrait.
9 M. HARMON : [interprétation] Nous allons, dans un premier temps,
10 avoir le premier extrait et vous allez voir que nous allons juste commencer
11 deux paragraphes avant le début de ce qui se trouve dans l'encadré gris qui
12 est intitulé : "Voix de femme". Nous allons avoir une voix de femme, puis
13 une voix d'homme et, ensuite, nous aurons la voix de M. Biscevic.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
15 M. HARMON : [interprétation] Ensuite, nous aurons une voix d'homme qui
16 terminera le premier extrait, donc j'aimerais demander que nous puissions
17 entendre le premier extrait.
18 Q. Monsieur Biscevic --
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que les interprètes ont
20 également reçu des exemplaires de ce compte rendu.
21 M. HARMON : [interprétation] C'est exact.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons pouvoir écouter cet extrait.
23 [Diffusion de cassette audio]
24 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Sinon, à 18 heures 10 exactement,
25 nous allons commencer à tirer sur le village. Si cet ordre n'est pas
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1 respecté, nous n'assumerons aucune responsabilité morale ou matérielle pour
2 les conséquences de ces tirs.
3 Voix mâle : Les forces armées serbes ont capturé les extrémistes les
4 plus importants, Musulmans et Croates dans la municipalité de Sanski Most,
5 l'extrémiste le plus important, Faik Biscevic, qui a essayé de s'échapper
6 de la ville. Cet extrémiste va parler maintenant à la population musulmane
7 et croate, à la radio pour expliquer les raisons, qui les ont poussés la
8 guerre.
9 "Annonce que tous les Musulmans et les Croates rendent toutes les
10 armes qu'ils possèdent, de façon licite et illicite, qu'ils se rendent à
11 l'armée serbe et au gouvernement parce qu'il s'agit d'une ville serbe. Pour
12 éviter que les soldats aient à utiliser la force pour localiser et
13 confisquer les armes, je pense qu'il vaut mieux que ces armes soient
14 données volontairement; sinon, Sanski Most et Sana vont continuer à être
15 détruites jusqu'à la capitulation finale. C'est pour cela que nous
16 demandons aux citoyens de Sana, aux Musulmans et aux Croates, de donner
17 leurs armes immédiatement, ce qui serait beaucoup mieux que de continuer à
18 voir cette ville continuer à être détruite. C'est pour cela que je demande
19 sans aucun retard que toutes les armes soient transmises et données aux
20 autorités serbes légitimes. Cela doit être fait immédiatement. Les armes
21 doivent être données afin d'éviter la destruction de la ville pour laquelle
22 j'assume la plupart de la responsabilité. C'est pour cela que je demande à
23 tous les Musulmans et aux Croates de rendre immédiatement leurs armes et de
24 reconnaître les autorités serbes légitimes, afin que les autorités
25 légitimes puissent commencer à fonctionner aussi rapidement que possible,
Page 5525
1 et pour que la destruction de la ville puisse se terminer. Les forces
2 armées serbes garantissent la sécurité de tous les citoyens musulmans et
3 croates. Je recommande à tous les extrémistes d'Alija et de Tudjman de le
4 faire. Sanski Most, je leur demande de ne pas conduire leur population à un
5 bain de sang.
6 Moi-même, Redzo Kurbegovic, Mirzet Karabeg, Suad Sabic, Hasib Kamber,
7 Ferid Burnic, Enver Burnic, Nihad Kljucanin, Ekrem Medic, Nedzad Muhic,
8 Eniz Sabanovic, Ahmed Paunovic, Hase Osmancevic, Fahrudin Prsic, Arif
9 Hodzic, Hidajet Dudic, Arif Muhanovic, Fikret Agic, Muhamed Smajlovic,
10 Muhamed Arapovic, Mehmed Alagic, Ibro Pasic, Omer Krupic, Enesa Kurbegovic,
11 Ibro Krickovic, Vahid Fajda Badnjevic, Safet Avdic, Vahid Handanagic, Suad
12 Cehic, Ismet Ico Avdic et ses deux frères, Tale Zahirovic, Muharem
13 Handanagic, Taib Crnkic, Hamza Rekic, Fuad Kurbegovic, Osman Talic, Dervis
14 Hamzic, Elhad Talic et Basic. Je ne connais pas son prénom, mais je sais
15 qu'il travaille à Borac Travnik à Lusci Palanka, et qui sont responsables
16 pour tout ce qui s'est passé récemment.
17 C'est pour cela que nous nous sommes préparés sur les ordres des
18 forces armées serbes de venir parler à notre population et d'être jugés par
19 nos peuples au cours des prochains jours. Je vous assure que le
20 commandement des formes armées serbes va mener à bien ses activités armées
21 à Sanski Most, et a été forcé à voir ce genre d'attitude, et a été forcé à
22 cause de nos mensonges et de notre hypocrisie. J'exhorte tous ceux qui sont
23 avec moi à se joindre à moi et à se rendre au commandement des forces
24 armées serbes, étant donné que nous voulons absolument mettre un terme au
25 carnage de notre population.
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1 "Sehovci, Poljak, Sasina, Pobrijezja et Caplje doivent collecter
2 toutes les armes obtenues légalement et illégalement à tous les habitants à
3 8 heures demain. A 8 heures, ils vont les amener à la station de sécurité
4 publique de Sanski Most."
5 [Fin de la diffusion de cassette audio]
6 M. HARMON : [interprétation]
7 Q. Pour ce qui est de cette transmission, il s'agit d'une partie du compte
8 rendu qui vous est attribué. Vous avez entendu la transmission. Est-ce
9 qu'il s'agit de votre voix ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que c'est la déclaration que l'on vous a forcé à lire le 27 mai
12 1992 ?
13 R. Oui.
14 Q. Est-ce que vous avez rédigé vous-même cette déclaration et est-ce que
15 quelqu'un l'a rédigée, vous l'a donnée ?
16 R. Elle m'attendait sur ce bureau.
17 Q. Est-ce que vous avez les informations sur la personne qui est l'auteur
18 de cette déclaration ?
19 R. Non.
20 Q. Je vais, maintenant, vous faire entendre la deuxième partie, le
21 deuxième passage, pages 15 à 16, pour vous, Monsieur Biscevic, et il
22 s'agit, en fait, pour la version anglaise qui se trouve dans l'encadré
23 gris. Si nous pouvons commencer. J'aimerais vous poser quelques questions à
24 ce sujet. Nous allons entendre ce deuxième extrait.
25 [Diffusion de cassette audio]
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1 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix] "Leurs armes licites et illicites aux
2 autorités serbes pour ne pas devenir la proie d'extrémistes musulmans ou
3 croates parce que cela va avoir pour conséquence la souffrance d'innocents.
4 Nous avons montré qui nous sommes, ce que nous sommes. Notre peuple a
5 compris ce que nous faisions et n'a plus aucune confiance en nous. C'est
6 pour cela que je vous demande de réagir et de répondre à l'armée serbe
7 légitime aux autorités serbes légitimes. L'armée serbe a déjà fait quelques
8 annonces et nous a donné la possibilité de nous rendre. De grâce, écoutez
9 cet appel et donnez -- rendez vos armes au commandant de l'armée serbe où
10 j'ai été depuis deux jours maintenant. Je suis absolument personnellement
11 convaincu qu'il s'agit de l'armée la plus humaine que je n'ai jamais
12 rencontrée.
13 La responsabilité pour toute la tristesse et la souffrance infligée
14 au peuple musulman et croate est de notre ressort, car nous n'avons eu ni
15 l'intuition ni l'intelligence pour tendre la main de la réconciliation au
16 peuple serbe qui a si généreusement fait ce geste vers nous. Les mots que
17 je prononce maintenant sont mes propres mots. Les officiers et soldats des
18 forces armées serbes avec qui j'ai passé les deux derniers jours m'ont aidé
19 à voir la vérité, annonce écrite par Faik Biscevic."
20 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
21 M. HARMON : [interprétation]
22 Q. Pour ce qui est du deuxième extrait que nous venons d'entendre,
23 Monsieur Biscevic, est-ce qu'il s'agissait là de vos propres mots ?
24 R. Oui.
25 Q. Pourriez-vous expliquer dans quelle circonstance a été préparée cette
Page 5528
1 déclaration ?
2 R. Le deuxième jour, on m'a fait sortir de la pièce où j'étais. Ils m'ont
3 assis à un autre bureau. Le capitaine m'a donné ce deuxième texte. Parce
4 que la deuxième fois, je ne me suis pas rendu à la station de radio. J'ai
5 lu cela à Magarice. Je ne savais pas que cela allait être diffusé sur la
6 radio Sana. Plus tard, cela a été diffusé, effectivement. Cela a été
7 diffusé de telle façon que les gens ont pensé que je m'étais trouvé à la
8 station radio.
9 Q. J'aimerais vous poser une question. Les sentiments qui sont décrits
10 dans ces deux extraits correspondent-ils à vos propres sentiments et
11 émotions, ou est-ce que vous avez, essentiellement, été forcé à exprimer ce
12 genre de sentiment lors de ces diffusions ?
13 R. A l'époque, je n'ai pas eu l'occasion de le voir. D'aucuns pouvaient
14 dire que ces textes avaient été rédigés par un expert qui avait un
15 objectif, qui aspirait un objectif. Je n'avais rien à avoir avec la
16 rédaction de ces deux textes et la formulation de ces deux textes. Je l'ai
17 tout simplement lu.
18 Q. Après avoir lu le premier texte, on vous a emmené à la station radio,
19 vous avez lu le texte. Que vous est-il arrivé ensuite ?
20 R. Une fois de plus, on m'a mis dans une voiture. Ce ne sont pas les
21 soldats qui m'ont placé dans la voiture, mais un policier que je
22 connaissais personnellement. Il m'a emmené dans une Golf, et il m'a amené
23 vers Magarice. Il y a une partie de la route qui est bitumée alors que
24 l'autre ne l'est pas. Nous nous sommes arrêtés sur la partie bitumée. Il
25 m'a dit que l'armée allait s'occuper de moi. Lorsque je suis sorti de la
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1 voiture, les soldats m'ont vu, et ont
2 dit : "Voilà un balija." Ils voulaient, en fait, m'égorger. Il y en a un
3 qui était très, très agressif, qui a maudit ma mère balija, et qui m'a dit
4 que : "Ton beau-frère et sa sœur étaient morts à Sarajevo," que cela était
5 l'occasion idéale pour lui pour qu'il puisse prendre sa revanche. Lorsque
6 le policier s'est rendu compte de ce qui se passait, je suppose que ces
7 ordres étaient de m'emmener à Magarice en vie. Il m'a refait monter dans la
8 voiture et il m'a conduit jusqu'en haut de Magarice.
9 Q. Magarice est le village où se trouvait l'armée serbe de Bosnie et où se
10 trouvait le colonel Basara; est-ce bien exact ?
11 R. Oui, c'est là où se trouvaient le commandement et leur intendance. La
12 cuisine se trouvait là également.
13 M. HARMON : [interprétation] Est-ce que je pourrais avoir le numéro de la
14 pièce à conviction pour les comptes rendus et les cassettes avant de
15 poursuivre ?
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame la Greffière d'audience.
17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce à conviction P274
18 pour la cassette. Pour le compte rendu, nous aurons P274A pour la version
19 originale en B/C/S, et P274.A.1 pour la version anglaise.
20 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie.
21 Q. Lorsque vous êtes revenu à Magarice, est-ce que vous pourriez nous dire
22 comment vous avez été traité, s'il vous plaît ?
23 R. Lorsque les deux soldats m'ont emmené à Magarice, la voiture se
24 trouvait à quelque 15 mètres. Ils m'ont fait marcher jusqu'à la prison.
25 J'avais cassé mes menottes, ce qui les a surpris. Ils m'ont lié les mains
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1 avec une corde. Ils m'ont plus porté qu'ils ne m'ont autorisé à marcher.
2 Lorsque nous sommes arrivés, le capitaine n'était pas là. Il n'y avait que
3 Basara. Il a dit : "Ne faites pas cela. Amenez cet homme en prison." Ils
4 ont dit : "Non, Il doit rester conformément aux ordres qui ont été donnés
5 par le capitaine Vukic." Ils m'ont emmené dans une salle qui servait pour
6 la salaison et la séchage de la viande. Il s'agissait d'une pièce en bois
7 avec des graviers par terre. Ils m'y ont jeté. C'est là que je suis resté
8 pendant deux jours.
9 Q. Est-ce que vous pouvez décrire les conditions dans lesquelles vous avez
10 vécues pendant ces deux jours ? Est-ce qu'il y avait de l'eau ? Est-ce que
11 l'on vous a donné de la nourriture ?
12 Est-ce que vous pourriez être bref également ?
13 R. Non, il n'y avait pas de toilettes. On ne m'a amené aucun vivres. Je
14 n'ai pas eu d'eau. Je n'ai même pas eu la possibilité de m'allonger. Je
15 devais rester assis. Je ne pouvais pas non plus me lever. J'ai été tout le
16 temps à moitié éveillé. Ce n'est que le deuxième jour, vers minuit, que les
17 deux hommes, qui avaient été emmenés au même endroit plus tard ainsi que
18 moi-même, avons été sortis. Ils nous ont mis dans trois véhicules
19 différents. Je me trouvais assis au milieu. Il y avait, de part et d'autre,
20 des soldats armés qui portaient des Kalachnikovs, et le troisième soldat se
21 trouvait à l'arrière. Ils avaient tous leur fusil dirigé vers moi. Je pense
22 qu'ils avaient peur que j'essaie de m'enfuir. Ils m'ont emmené à la prison
23 centrale à Sanski Most.
24 Q. Combien de temps êtes-vous resté à la prison centrale de Sanski Most ?
25 Jusqu'à quel jour y êtes-vous resté ?
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1 R. J'y suis resté jusqu'au 27 août, je pense.
2 Q. Pourriez-vous décrire vos conditions de détention à la prison centrale
3 de Sanski Most ?
4 R. Lorsque je suis arrivé à la prison centrale à Sanski Most, il était
5 minuit passé. Dans ma cellule, j'ai retrouvé tous les dirigeants qui
6 avaient été placés avant moi. La salle faisait
7 4 mètres sur 2. Elle avait une porte en fer, une porte métallique. Il y
8 avait une ouverture qui correspondait auparavant à une fenêtre. C'était
9 simplement recouvert avec de la tôle. Il y avait quelques trous qui avaient
10 été percés, des trous de 4 millimètres. C'était notre seule source d'air.
11 Il n'y avait pas d'électricité. La plupart du temps, il n'y avait pas
12 d'eau. Au début, on nous faisait sortir trois fois par jour pour nous
13 donner à manger, pour que nous puissions faire nos besoins. Ensuite, ils ne
14 l'ont même plus fait.
15 Q. Je vais, maintenant, vous montrer les deux pièces à conviction
16 suivantes. Je vous demanderais d'avoir l'amabilité d'identifier ces
17 photographies. Dans un premier temps, nous allons commencer par la première
18 photographie.
19 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais avoir un numéro pour cette
20 photographie.
21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la photographie qui porte
22 le numéro ERN 01249099. Il s'agit du numéro P275.
23 M. HARMON : [interprétation] Si vous pouviez avoir l'autre photographie qui
24 pourrait être montrée au témoin. Je suppose qu'il s'agira de la pièce P276.
25 Ensuite, je pourrais reprendre mon interrogatoire principal.
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1 Q. Monsieur Biscevic, nous allons commencer par la première
2 photographie qui correspond à la pièce à conviction P275. Est-ce que vous
3 êtes en mesure d'identifier cette photographie et de nous dire à quoi elle
4 correspond ?
5 R. Il s'agit du couloir de la prison centrale. Vous pouvez voir deux
6 cellules. La troisième cellule se trouve derrière la porte en vert qui est
7 une porte en fer également. Tout au bout du couloir, vous pouvez voir
8 l'entrée des toilettes.
9 Q. Nous allons, maintenant, prendre la pièce P276. Est-ce que vous
10 pouvez identifier cette pièce à conviction ?
11 R. Là, c'est la porte en fer. Il n'y avait pas d'air. Vous pouvez
12 voir la tôle par laquelle nous pouvions respirer. C'était cela le plus gros
13 problème car nous n'avions pas suffisamment d'air pour respirer.
14 Q. Pour ce qui est de cette tôle perforée, il s'agissait de la seule
15 source d'aération dans l'endroit où vous avez été détenu ?
16 R. C'était, effectivement, la seule source.
17 Q. Combien d'hommes se trouvaient dans cette cellule avec vous ? Il s'agit
18 de la cellule qui est décrite dans la pièce à conviction P276.
19 R. Tous les jours, il y avait des interrogatoires qui avaient lieu. Ils
20 emmenaient de nouvelles personnes. Le chiffre variait. Nous avons été
21 jusqu'à 20 personnes parfois. Il n'y avait pas d'air. Nous étions tout le
22 temps debout. En général, on tournait en rond. On formait un rond pour qu'à
23 tour de rôle nous puissions nous rapprocher de cette tôle et des
24 perforations pour pouvoir respirer.
25 Q. Vous avez été emmené à cette prison de Sanski Most le
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1 29 mai ou aux alentours du 29 mai, je suppose, et vous y êtes resté
2 jusqu'au 27 août. N'avez-vous jamais été, officiellement, inculpé, ou est-
3 ce que les autres personnes qui se trouvaient dans cette cellule ont été
4 également officiellement inculpées ?
5 R. A cette époque, lorsque nous nous y trouvions, nous avons été
6 interrogés. Il n'y a jamais eu d'inculpation officielle dressée contre
7 quiconque.
8 Q. Lorsque vous êtes arrivé dans la prison de Sanski Most et lorsque vous
9 êtes allé dans cette cellule, est-ce que vous pouvez identifier certaines
10 des personnes qui se trouvaient dans cette cellule ?
11 R. A l'époque où je suis arrivé, il y a Jakupovic. Il y avait Suad Sabic,
12 Redzo Kurbegovic. Il y avait également Redko Ceric, c'était un ingénieur.
13 Il y avait un Croate qui travaillait à la banque. Il a fait partie du
14 premier groupe à y être emmené. Malheureusement, je ne me souviens plus de
15 son nom de famille.
16 Q. Ces détenus, est-ce qu'il s'agissait de personnes civiles, de soldats ?
17 Quel était leur statut ?
18 R. Il s'agissait essentiellement de dirigeants de parti. Il y avait
19 également des personnes qui n'avaient rien à voir avec la partie. Par
20 exemple, Jakupovic était l'une de ces personnes. Le Croate dont je vous ai
21 parlé n'avait rien à voir avec aucun des partis. Il s'agissait
22 essentiellement d'intellectuels.
23 Q. Pour revenir à ma question, Monsieur Biscevic, est-ce qu'il
24 s'agissait de soldats ? Est-ce qu'il s'agissait de personnes civiles, ou
25 est-ce qu'il s'agissait de combattants armés ?
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1 R. Non, non, il s'agissait de personnes civiles.
2 Q. Pourriez-vous nous fournir une description générale des conditions
3 sanitaires, qui ont été mises à votre disposition et à la disposition des
4 autres prisonniers dans cette cellule et ce, pour toute la durée de la
5 période de votre détention ? Je ne parle pas seulement des conditions
6 sanitaires; je parle également de la nourriture qu'on vous donnait.
7 J'aimerais savoir si vous aviez la possibilité de prendre des douches, s'il
8 y avait des toilettes. Vous pourriez peut-être résumer cela à l'intention
9 de la Chambre de première instance.
10 R. Lorsque nous sommes arrivés, il n'y avait rien que des cellules. La
11 dernière pièce, la pièce que vous voyez au fond, était la pièce des
12 toilettes. C'était assez salle, en désordre. Il y avait beaucoup de papiers
13 qui avaient été jetés là, les toilettes étaient utilisées. La pièce qui se
14 trouvait avant était pleine d'excréments et de papiers. Pour pouvoir
15 utiliser les toilettes, il a d'abord fallu que nous les nettoyions avec nos
16 mains. Nous étions nombreux et les cellules étaient pleines, ce qui fait
17 que cette seule et unique toilette ne pouvait pas être utilisée comme elle
18 était censée être utilisée. Derrière notre cellule, ils nous ont obligé à
19 creuser des trous de deux mètres de profondeur. Ils avaient quelques deux
20 mètres de long et 1,60 mètres de largeur. Ils avaient placé des planches de
21 bois et cela faisait office de toilette pour nous. Pendant les 60 jours,
22 j'ai eu la possibilité de me laver une fois vers la fin de mon séjour. Ce
23 que je vous dis c'est que pendant la période de 60 jours, je n'ai pas pu me
24 changer et je n'ai pas non plus pu me laver.
25 Q. Est-ce que les mêmes conditions prévalaient pour les autres détenus qui
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1 se trouvaient dans cette cellule ?
2 R. Il y avait trois cellules. Ces conditions étaient valables pour tous
3 les détenus. La situation était exactement la même pour toutes les
4 personnes qui se trouvaient dans les cellules.
5 Q. A la suite de votre détention dans la prison de Sanski Most, avez-vous
6 maigri ?
7 R. J'ai maigri de 32 kilos pendant cette période de 92 jours.
8 Q. Connaissez-vous un homme qui répond au nom d'Emir Seferovic ?
9 R. La plupart des dirigeants ont été capturés et ont été emmenés au tout
10 début de la période. Hasan Kamber, qui était le secrétaire du parti, et
11 Emir Seferovic, qui était une personnalité religieuse, ont été amenés dans
12 la troisième cellule, quelques 20 jours plus tard. Lorsqu'ils sont arrivés,
13 c'est Seferovic qui avait le plus souffert parce que c'était une
14 personnalité religieuse. Ils le faisaient sortir beaucoup plus que nous
15 pour lui donner des vivres. En fait, ces vivres c'étaient les restes des
16 plats destinés aux officiers et, la plupart du temps, il s'agissait de
17 viande de porc. On lui donnait cette viande de porc et le forçait à manger
18 de la viande de porc. Ils se moquaient de lui. Ils le bafouaient. Ils le
19 ridiculisaient, en disant : "Regardez le Hodza, regardez comment il mange
20 de la viande de porc."
21 Q. C'était un Hodza qui venait d'un village ou de Sanski Most ?
22 R. Il venait de Vrhpolje.
23 Q. Pendant votre période de détention et pendant la période de détention
24 de M. Seferovic et d'autres, est-ce que d'autres détenus ont été passés à
25 tabac ?
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1 R. Oui. C'était une pratique quotidienne. N'importe qui pouvait nous
2 passer à tabac. Nous bénéficions d'un traitement spécial et conformément
3 aux règles, seule la personne responsable avait les clés. Mais toutefois
4 après les heures de travail, ils emmenaient les soldats et ces soldats nous
5 passaient à tabac. Cela était notamment valable pour Seferovic parce qu'ils
6 sont arrivés après nous. Seferovic et un autre homme, Komber.
7 Q. Qui était responsable de ces passages à tabac ? Est-ce que vous pouvez
8 identifier l'unité à laquelle appartenaient ces personnes qui vous
9 passaient à tabac ?
10 R. Nous ne savions qui elles étaient. Toute personne qui voulait nous
11 passer à tabac le faisait.
12 Q. Est-ce qu'il s'agissait de civils, de soldats, de membres de la
13 police ? Est-ce que vous pouvez peut-être éclairer notre lanterne et nous
14 dire à quelles unités appartenaient ces personnes ?
15 R. Ces hommes portaient l'uniforme militaire.
16 Q. Est-ce qu'à un moment donné, au cours de votre détention à la prison de
17 Sanski Most, vous avez eu l'occasion d'examiner M. Emir Seferovic, le
18 hodza ?
19 R. Je vous l'ai déjà dit, nous avons bénéficié d'un traitement spécial. En
20 15 minutes, nous devions sortir, déjeuner et aller à la toilette et nous
21 devions rentrer aussitôt dans les cellules. Les cellules étaient
22 verrouillées ou une cellule était verrouillée et une autre était ouverte.
23 La Croix rouge internationale est venue. Un de ses représentants est venu
24 et nous avons eu l'autorisation de sortir dans la cour, un après l'autre.
25 Ils nous ont emmenés dans la cellule où il y avait ce représentant et nous
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1 avons pu lui parler.
2 Cette fois-là, j'ai vu Emir et il a dit qu'il avait mal à la
3 mâchoire. Sa mâchoire avait été brisée et il lui était impossible de fermer
4 la bouche. Je suis dentiste de profession, j'ai pu m'approcher de lui pour
5 l'examiner. J'ai vu que la mandibule avait été brisée et que l'os était
6 brisé et que c'était ce qui expliquait ses douleurs. Mais je n'ai rien pu
7 faire d'autre. J'ai pu simplement constater que sa mâchoire avait été
8 brisée.
9 Q. Est-ce que vous avez revu, M. Seferovic par la suite ?
10 R. Pas vivant.
11 Q. Passons à la pièce suivante, la pièce de l'Accusation 277, je pense.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est bien cela.
13 M. HARMON : [interprétation]
14 Q. Vous avez ici une constatation d'identification d'un corps. Cela s'est
15 fait le 2 juin 1998 à Sanski Most. Est-ce que vous pouvez nous dire ce que
16 représente ce document et pouvez-vous relater aux Juges les circonstances
17 dans lesquelles ce document a été rédigé ?
18 R. J'ai le document en anglais. Est-ce qu'il y a une traduction en B/C/S ?
19 Oui, c'est bien cela. Je vois l'original, c'est le constat que j'ai
20 rédigé. Il y est apparu que dans le village de Trnovo, il y avait un
21 cimetière. On y a retrouvé deux corps. Asim Kamber, le frère d'Hasan
22 Kamber, m'a demandé si je pouvais me rendre sur les lieux pour identifier
23 les corps. J'ai dit que oui et j'ai vu que l'un des corps avait la
24 mandibule brisée. Il m'a demandé si c'était le corps de son frère. Lorsque
25 j'ai examiné les corps, j'ai vu qu'il y avait une fracture de la mâchoire
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1 gauche et j'ai dit que c'était le Efendi hodza. Lorsque j'ai examiné le
2 deuxième corps, lorsque nous l'avons fait, nous avons vu qu'il y avait un
3 certificat de la Croix rouge. Nous avons vu que le premier, c'était le
4 secrétaire qui avait aussi une fracture à la mâchoire gauche, mais, lorsque
5 j'ai examiné Emir, il avait une fracture de chaque côté de la mâchoire.
6 Q. Ce que nous avons ici, c'est le constat officiel de l'identification de
7 M. Emir Seferovic ?
8 R. Oui. C'est un constat officiel.
9 Q. Restons sur cette question. Pendant votre séjour à la prison de Sanski
10 Most, est-ce que vous avez eu l'occasion de voir des dirigeants serbes de
11 Bosnie qui effectuaient une visite à la prison ?
12 R. Je vous l'ai dit. Nous, nous étions dans un angle de la cour et il y
13 avait une cuisine où mangeaient les soldats, les policiers et les
14 officiers. Nous avons vu au départ, Nedeljko Rasula qui allait manger. Nous
15 n'avons pas eu de contact avec lui, puisqu'il se trouvait dans la cuisine.
16 Q. Est-ce qu'il était à même de voir les détenus ?
17 R. Bien sûr.
18 Q. Auparavant, lorsque vous avez parlé de la prison, vous avez dit qu'à
19 votre arrivée, il y avait beaucoup d'intellectuels. Avez-vous dit qu'ils
20 étaient à la prison de Sanski Most ? Qu'est-ce que vous voulez dire lorsque
21 vous parlez d'intellectuels ?
22 R. Je veux dire des gens qui ont fait des études universitaires.
23 Q. Les détenus de la prison de Sanski Most, est-ce que c'étaient des
24 dirigeants de communauté non-serbe ?
25 R. Il y avait les dirigeants du SDA, des intellectuels qui n'avaient rien
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1 à voir avec le parti aussi.
2 Q. Quel fût le sort réservé aux dirigeants, aux personnalités importantes
3 de la communauté non-serbe de Sanski Most ?
4 R. Bon nombre d'entre eux ont été tués. Tous ont été chassés de Sanski
5 Most.
6 Q. Savez-vous pourquoi ces gens ont été tués ?
7 R. Sans doute voulaient-ils, à Sanski Most, une région qui soit pure sur
8 le plan ethnique.
9 Q. Pourriez-vous dire aux Juges où vous êtes allé après avoir quitté la
10 prison de Sanski Most ? Quand êtes-vous parti de la prison ?
11 R. Le 27 août vers dix heures. Un officier de permanence est venu nous
12 dire de prendre nos affaires car nous allions quitter les cellules, et
13 lorsque nous sommes sortis, nous avons vu qu'il y avait des gens qui
14 sortaient des autres cellules. Un autocar avait été emmené dans la cour. On
15 a ouvert les portes et on nous a dit de monter, un à un, et de nous asseoir
16 dans ce véhicule.
17 Q. Il y avait combien de personnes qui sont ainsi montées dans ce
18 véhicule ?
19 R. Une douzaine, je dirais à ce moment-là. Nous parlons de ces gens qui
20 ont eu ce traitement spécial.
21 Q. Une fois à l'intérieur du bus, où êtes-vous allés ?
22 R. Lorsque nous sommes monté dans le bus, d'abord nous sommes allé à la
23 prison de Krinks. C'était un endroit dans la zone industrielle où il y
24 avait beaucoup de détenus. Ils avaient été détenus comme nous et c'est
25 alors que nous avons été emmenés à Manjaca.
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1 Q. Auparavant, dans le cadre de votre déposition, vous avez dit que vous
2 aviez trois fils. Pourriez-vous nous dire ce que vos fils faisaient ? Quel
3 était leur emploi à ce moment-là, c'est-à-dire, en mai 1992 ?
4 R. Mon fils aîné, Haris, était dentiste. Il avait son cabinet à Sanski
5 Most. Edin et Nedim, des jumeaux, avaient commencé à étudier la
6 stomatologie à la faculté de science dentaire et ils étaient dans leur
7 quatrième année.
8 Q. En mai 1992, est-ce qu'ils ont été arrêtés ?
9 R. On a rassemblé les gens à Sanski Most. J'ai été emmené à la prison,
10 alors que mes fils ont été amenés dans ce hangar.
11 Q. Qu'est-ce qui est arrivé à vos trois fils ?
12 R. Mon fils aîné, Haris, et l'un des jumeaux, Nedim, ont été emmenés le 6
13 juin. Ils se trouvaient dans le premier convoi qui est allé à Manjaca. Le
14 premier convoi organisé. Ils ont été amenés en camion et quand ils sont
15 arrivés sur les lieux, il y avait des passages à tabac partout. Je pense
16 que six ou sept de nos concitoyens étaient en train d'être battus. Mon
17 fils, Haris Biscevic, a été appelé et il a été emmené dans un camion. On
18 les a faits partir de Manjaca et on ne sait toujours où tous ces hommes
19 sont partis.
20 Q. Est-ce que vous avez reçu des nouvelles de votre fils depuis ?
21 R. Non.
22 Q. Qu'est-il advenu de votre autre fils ?
23 R. L'autre, il est resté à Sanski Most. Le 7 juillet, lors d'un dernier
24 rassemblement, six camions ont formé un convoi pour aller à Manjaca. Il se
25 trouvait dans un des camions qui allait chercher des détenus de Betonirka.
Page 5541
1 Il y avait une bâche qui était fermée, alors que les autres camions étaient
2 des camions sans bâche. Ils avaient été rassemblés à 10 heures. Ils ne sont
3 seulement arrivés à 17 heures à Manjaca. On les a gardés sous cette bâche
4 pendant toute la journée sans air sans eau. Les gens suffoquaient en masse
5 sous cette bâche, mais mon fils était dans un autre camion. A leur arrivée
6 à Manjaca,lorsqu'on s'est rendu compte que des gens avaient été asphyxiés,
7 les administrateurs du camp étaient pris de panique, mais il y en avait
8 quatre qui montraient encore des signes de vie, et ils appelaient à l'aide.
9 Mon fils étant médecin, il a réagi, et il a essayé de leur rendre la vie en
10 faisant la respiration artificielle. Mon fils a été après remis dans un
11 camion. Ils ont été emmenés dans une direction inconnue. Nous avons trouvé
12 un cimetière où ceux qui avaient été asphyxiés avaient été enterrés et ces
13 quatre qui avaient survécu ainsi que mon fils, on ne sait toujours pas où
14 ils sont.
15 Q. Comment s'appelle ce fils ?
16 R. Edim Biscevic.
17 Q. Une nouvelle pièce.
18 M. HARMON : [interprétation] Excusez-moi, Madame la Greffière
19 --
20 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce P278. La version
21 en anglais portant la cote 278.1.
22 M. HARMON : [interprétation]
23 Q. Cette pièce montre votre troisième fils, Nedim Biscevic, pourriez-vous
24 nous expliquer dans quelles circonstances ce document a été rédigé ?
25 R. Il arrivait que des officiers viennent de Banja Luka au camp. Ils
Page 5542
1 faisaient l'appel de certains détenus qui devaient sortir. Mon fils s'est
2 trouvé parmi ceux qui ont été appelés. Je n'étais pas là à ce moment-là.
3 Ces hommes ont été placés dans une voiture. Kupresanin, qui était le
4 président de l'assemblée de la Krajina, était le responsable et ils l'ont
5 emmené chez ma sœur à Banja Luka.
6 Q. Est-ce que vous avez obtenu une copie de ce document de votre fils ?
7 R. Oui. C'est un document officiel qui dit qu'il a été libéré du camp de
8 Manjaca. On voit la signature du responsable qui a donné l'autorisation.
9 Q. Sur ces fils que vous avez, c'est ici, le seul qui ait survécu à
10 la guerre.
11 R. Oui.
12 Q. Pourriez-vous en quelques mots parler de ce qui est arrivé à votre
13 femme à cette époque-là ?
14 R. Je vous l'ai dit, ils ont tous été rassemblés à Sanski Most. Elle a été
15 emmenée à Krinks et c'est de là qu'on a pris les femmes et les hommes de
16 plus de 60 ans, qu'on les a mis dans des bus pour aller à Bosanska Krupa.
17 Elle est arrivée à Velika Kladusa où elle a dû passer cinq mois, après
18 quoi, elle a été emmenée en Croatie.
19 Q. Vous êtes resté a Manjaca jusqu'à quand ?
20 R. Jusqu'à la fin du mois d'août.
21 Q. Avant d'être relâché de Manjaca, est-ce qu'on vous a présenté un
22 formulaire -- un document que vous étiez censé signé ?
23 R. Non, cela n'a pas été le cas pour moi. Mais tout le monde a dû signer
24 un document, disant qu'on ne pouvait pas rentrer en Bosnie car, si on
25 revenait en Bosnie, on allait être tué.
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1 Q. Qui vous a remis ce document ?
2 R. C'était un responsable du camp.
3 Q. Est-ce que vous êtes depuis retourné dans la municipalité de Sanski
4 Most ? Est-ce que vous y habitez aujourd'hui ?
5 R. Aussitôt après la libération, je suis rentré à Sanski Most. Je parle de
6 la libération de Sanski Most, et c'est là que je vis aujourd'hui.
7 Q. Je vais vous montrer une pièce, la P209.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans l'intervalle, je voudrais demander
9 des précisions au témoin. Vous avez dit, Monsieur, être resté à Manjaca
10 jusqu'à la fin du mois d'août. Si je vous ai bien compris, vous êtes arrivé
11 à Manjaca le 27 août. Est-ce que cela veut dire que vous n'y avez passé que
12 quelques jours ?
13 LE TEMOIN : [interprétation] Non, non, jusqu'au mois de novembre, jusqu'au
14 mois de novembre. C'était un lapsus.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. C'est maintenant plus clair.
16 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour que tout soit clair, la pièce 209,
18 nous en avons parlé vendredi. Elle n'est plus confidentielle, n'est-ce pas,
19 sous pli scellé ?
20 M. HARMON : [interprétation] C'est exact. Je ne sais pas si la Défense
21 dispose d'un exemplaire. Si ce n'est pas le cas, on pourra peut-être mettre
22 sur le rétroprojecteur la version en anglais afin que la Défense voie ce
23 document lorsque je pose mes questions au témoin. Monsieur l'Huissier,
24 placez sur le rétroprojecteur la page de garde de ce document pour que la
25 Défense la voie, puis tournez la page et placez la deuxième page sur le
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1 rétroprojecteur.
2 Q. Veuillez examiner ce document, Monsieur Biscevic. Il a déjà été
3 versé au dossier. Il a été préparé en mai 1993 par le ministère de
4 l'Intérieur de la Républika Srpska. C'est une liste de citoyens qui ont été
5 déplacés et envoyés dans la zone couverte par le secteur. Vous voyez, sous
6 la rubrique Sanski Most, page 2. A la rubrique IV, on voit : "Déplacés
7 24 000 Musulmans; 3 000 Croates; serbes installés, 5 000." Est-ce que c'est
8 là le reflet fidèle de la situation ? Je parle du nombre de non-Serbes qui
9 ont été expulsés de la municipalité de Sanski Most.
10 R. Oui, je pense que ce sont là des chiffres tout à fait précis.
11 Q. Fort bien, merci. Passons à un autre sujet, la question des
12 établissements consacrés à la religion qui existaient à Sanski Most avant
13 le début du conflit en mai 1992. Combien y avait-il, à peu près, de
14 mosquées et d'églises catholiques dans la municipalité de Sanski Most ?
15 R. Il y avait 26 mosquées, quatre églises catholiques, que toutes
16 ont été totalement détruites. Pas une seule église serbe n'a été détruite
17 jusqu'à ce moment-là et après la libération.
18 Q. Lorsque vous avez été arrêté et emmené sur les hauteurs, là où
19 vous avez rencontré le colonel Basara, là où vous pouviez voir les villages
20 dans la vallée, est-ce que vous avez pu voir une mosquée qui avait été
21 détruite ?
22 R. Le commandant Vukic m'a posé la question. Il m'a dit : "Est-ce
23 que tu vois la mosquée de Trnovo ?" On la voyait de partout. J'ai dit :
24 "Non." Il m'a dit : "Et bien, tu ne la verras plus jamais parce qu'elle a
25 été détruite."
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1 Q. Avant le pilonnage du quartier de la Mahala, avant l'attaque de
2 Sanski Most, est-ce qu'elle était intacte cette mosquée ?
3 R. Oui, bien sûr.
4 Q. Une dernière chose -- un dernier sujet. Veuillez confirmer certaines
5 pertes. Parlons de l'effet que ces crimes ont eu sur vous, sur des membres
6 de votre famille. Parlons de pertes matérielles que vous avez subies. Si
7 j'ai bien compris - vous me corrigerez si j'ai tort - vous étiez un homme
8 bien nanti avant le conflit à Sanski Most, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Q. Je voudrais énumérer des éléments d'une liste, et je vous demanderais
11 simplement de confirmer ce que je dis. Pertes matérielles, il y avait,
12 notamment, votre maison, votre cabinet dentaire et votre équipement
13 dentaire de l'installation qui soient -- ont été détruites ou incendiées.
14 Vous aviez une bijouterie. Elle a été pillée et incendiée. Vous aviez de
15 l'or pour une valeur de 200 000 marks. Cela faisait partie de ce que vous
16 aviez dans la bijouterie. Cela a été volé. Vous aviez aussi une résidence
17 sur la rivière, elle a été pillée. Vous aviez une ferme avec deux maisons
18 et deux étables. Ces bâtiments ont été pillés et détruits. Vous aviez
19 beaucoup de bétail, 130 moutons, 60 chèvres, trois vaches, 600 poulets,
20 deux veaux, cinq chiens, tous détruits et tués. Vous aviez de l'équipement
21 agricole, un camion, un tracteur et d'autres équipements agricoles volés.
22 Vous aviez un bus volé. Vous aviez une Mercedes, une Fiat, deux jeeps,
23 autant de véhicules qui ont été volés. Ces pertes matérielles sont évaluées
24 à environ un million de marks allemands. C'est bien cela ?
25 R. Au moins -- au bas mot.
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1 Q. Vous avez parlé de la perte tragique de deux de vos fils, au cours de
2 ces événements. Pourriez-vous, si vous le voulez, bien sûr, parler de
3 l'effet que la perte de deux de vos fils a eu sur vous et sur les membres
4 de votre famille qui ont survécu.
5 R. Il faut bien vivre. Après ce qu'on a vécu dans les camps, la terreur,
6 on n'est pas mort. Mais c'est à peu près la même chose, c'est pire encore.
7 Les enfants ne sont plus là, c'est pire encore. On ne sait pas où ils sont.
8 Si au moins on pouvait les enterrer comme des êtres humains, des gens
9 normaux. On suit les nouvelles qui parlent de fosses communes. J'étais un
10 homme riche. Après avoir quitté le camp, maintenant je dois vivre et je ne
11 puis vivre qu'avec des médicaments.
12 Q. Quel a été l'effet de cette tragédie sur votre femme ?
13 R. Elle subit cela stoïquement. Elle pèse 45 kilos aujourd'hui et
14 elle vit comme elle peut.
15 Q. Pourriez-vous dire aux Juges qu'elle fut l'effet de c'est crimes sur le
16 tissus social de Sanski Most ?
17 R. Nous buvions et nous avirons des rapports tout à fait harmonieux dans
18 une communauté pluriethnique. J'avais beaucoup de Serbes parmi mes amis.
19 J'avais une famille mixte. La fille de ma sœur avait épousé un Serbe.
20 C'était tout à fait normal. Aujourd'hui, ces liens sont rompus. On commence
21 petit à petit à renouer des liens ou à établir un contact. Des gens
22 rentrent chez eux, réintègrent leur foyer, personne ne les embête, mais ils
23 peuvent vivre librement à Sanski Most.
24 Mais ceux qui ont commis des crimes, ils ne peuvent pas rentrer tout
25 simplement. Leurs maisons sont abandonnées. C'est horrible à voir. Les
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1 retraités n'ont pas d'argent et ils vivent comme ils peuvent survivre dans
2 leurs maisons et ils n'ont pas de couverture et ils ont des espèces -- ils
3 n'ont pas de retraite non plus. Je pense que ceux se remettent peu à peu,
4 mais cela va durer longtemps.
5 Q. Quel a été l'effet de ces crimes sur la communauté serbe de Sanski
6 Most ? Qu'est-ce que vous pouvez en dire aujourd'hui ?
7 R. Si les dirigeants serbes, qui se trouvaient dans cette zone de la
8 Fédération, s'ils pouvaient rentrer à Sanski Most, cela me plairait. A ce
9 moment-là, ces gens verraient ce qui s'est passé parce que ceux, qui ne
10 sont pas coupables, en subissent les conséquences aujourd'hui. Ils ne
11 supportent pas les dirigeants qu'ils avaient alors et je voudrais que ceux-
12 là, les dirigeants viennent voir ce qu'ils ont fait à leur propre
13 communauté, aux Serbes. Je suis chasseur et, la semaine dernière -- la
14 semaine dernière, il y a un homme qui a trouvé la mort dans un village
15 serbe. Un homme a enterré cet homme qui était mort et -- il est resté
16 debout, là toute la journée. Il y a un homme qui est resté mort, sans vie,
17 toute la journée et il n'y avait personne pour l'enterrer. Cela c'est la
18 faute de ces dirigeants-là, c'est cela qu'ils ont fait à leur communauté.
19 Q. Je n'ai pas d'autres questions à poser. Ceci met fin à mon
20 interrogatoire principal.
21 Je vous remercie, Monsieur Biscevic.
22 R. C'est moi qui vous remercie.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, voudriez-vous qu'on
24 fasse une petite pause, ou est-ce que vous êtes en mesure de continuer ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, continuons. Il n'y a pas de
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1 problème.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
3 Maître Stewart, est-ce que vous êtes prêt à commencer votre contre-
4 interrogatoire ?
5 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que, de toute
6 façon, M. Biscevic devrait quitter le prétoire.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que vous avez une question à
8 aborder.
9 Monsieur l'Huissier -- Monsieur Biscevic, nous avons une question de
10 procédure à régler que souhaite poser Me Stewart ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande de quitter le prétoire
13 quelques instants. Vous pouvez revenir dès que cette question est réglée.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Pas de problème.
15 [Le témoin se retire]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je vous écoute.
17 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'allais justement
18 soulever cette question, qui a été soulevée un peu avant que le témoin ne
19 commence sa déposition de ce matin. Je reconnais tout à fait pour ce qui
20 nous concerne qu'il y a maintenant trois versions. Au moins, il y a la
21 déclaration originale, il y a celle qu'il a fournie pendant le weekend et
22 une troisième version, celle qu'il a dit -- ces trois versions -- de ce
23 matin. Ce qu'il a dit ce weekend correspond à ce qu'il a dit ce matin, mais
24 je dirais que ce qu'il a dit, ce matin et pendant le weekend, est bien
25 différent de ce qu'il avait dit dans sa déclaration. Je n'ai absolument
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1 aucune raison de critiquer M. Harmon pour le travail fait pendant le
2 weekend.
3 Je comprends très bien que de nouveaux éléments ont surgi pendant le
4 weekend et c'est que M. Harmon a dit c'est qu'il a fait ce qu'il a pu faire
5 pendant le weekend. Je ne veux pas du tout contester son travail et
6 critiquer son travail, mais je voulais simplement dire que, lorsque ce
7 genre de chose survient, c'est-à-dire, l'Accusation pourrait prendre le
8 téléphone et parler au témoin -- je sais que nous avons des contraintes
9 financières, mais cela peut se faire très bien aussi. Ce que j'essaie de
10 dire, c'est que le fait que les demandes doivent être faits et que les
11 enquêtes doivent être faites, et que le fait que ce témoin a fait en sorte
12 que nous devons maintenant revoir la façon dont nous allons poser les
13 questions, nous avons des éléments de preuve en partie et il faut bien sûr
14 pouvoir s'ajuster maintenant à ce qu'il a dit. Mais nous devrions pouvoir
15 avoir la possibilité d'évaluer notre contre-interrogatoire avant
16 l'interrogatoire du témoin, c'est-à-dire que nous nous étions maintenant
17 préparés conséquemment suivant la première déclaration. Je crois que la
18 communication est très importante et il est tout à fait possible de faire -
19 - d'avoir des contacts avec ces personnes. Nous avons vu que cela ne prend
20 pas plus d'un jour ou deux. Il y a bien sûr la traduction, mais nous avons
21 trouvé que normalement cela prend un ou deux jours pour recueillir des
22 déclarations de témoins. Des fois c'est plus rapide que d'autrefois, cela
23 dépend si les personnes ont besoin de voyager.
24 Mais, Monsieur le Président, cela nous met dans une position dans laquelle
25 nous ne pouvons pas poursuivre le contre-interrogatoire de ce témoin,
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1 c'est-à-dire que, pendant cette session matinale ou pendant cette session,
2 bien sûr, matinale pendant cette période, nous allons, bien sûr, reprendre
3 le 20 septembre.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous écoute, Monsieur Harmon.
5 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, deux commentaires. Il y
6 a des parties dans la déclaration qui ont trait aux élections et la façon
7 dont les choses ont été faites, enfin tout ce qui a été fait menant aux
8 parties, aux élections multipartites, tout ce qui avait été fait pour
9 prendre le pouvoir d'une élection municipale, le MUP, la guerre en Croatie
10 et ses effets, l'arrivée de l'armée à Sanski Most, ce qui a été le sujet de
11 témoignages très longs fournis par plusieurs témoins avant d'autres
12 témoins.
13 Si le Témoin 68, je me souviens très bien, a témoigné -- également, un
14 grand nombre de témoins -- et le Témoin 628 en a parlé énormément. Il y a
15 également la question de la campagne de désarmement et le Témoin 628 en a
16 parlé longuement et il y a également la discrimination menée contre les
17 non-Serbes. J'attire votre attention sur le témoignage du témoin et les
18 circonstances dans lesquelles M. Biscevic s'est fait arrêter, et la
19 déclaration qu'il avait donnée par force, qu'il a été obligé de donner à la
20 radio et, également, dans les conditions dans lesquelles il a passé ses
21 détentions. La Défense a eu tous ces éléments-là, pendant une période très
22 longue, les conditions qui prévalaient au camp de Manjaca, ce qui se
23 passait également au camp de Manjaca. Tout ceci est fourni en détail. Il y
24 a un grand nombre de questions que l'on peut poser dans le cadre d'un
25 contre-interrogatoire puisque la Défense avait tous ces éléments en sa
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1 possession depuis bien longtemps.
2 Maintenant, il y a aussi les déclarations de M. Biscevic, et ce que M.
3 Stewart a dit, en bas de la page 3, il a dit : "Les dirigeants du SDS
4 recevaient des ordres de leurs supérieurs." Cela n'a pas changé pour ce qui
5 est du témoignage. "Les dirigeants politiques de Banja Luka non plus, ni
6 les autres visiteurs hauts gradés, ne sont venus à ces réunions qui ont eu
7 lieu avec le SDS." Cela n'a pas changé non plus. "J'ai conclus que les
8 dirigeants locaux se sont rendus à Banja Luka pour des réunions, mais je ne
9 peux pas attester, je ne peux pas donner plus de détails là-dessus."
10 Effectivement, il n'a pas donné d'autres détails concernant les réunions
11 qui ont eu lieu à l'extérieur de Sanski Most.
12 Tout ceci pour dire qu'il y a peut-être une certaine différence quant
13 aux nuances, mais l'essentiel du témoignage du témoin d'aujourd'hui ne
14 diffère pas de ce qu'il a dit lors de ses déclarations initiales. Je ne
15 vois pas pourquoi on devrait reporter le contre-interrogatoire de ce
16 témoin, et notre position demeure très claire. Nous estimons que le contre-
17 interrogatoire de ce témoin doit se poursuivre aujourd'hui, eu égard plus
18 particulièrement au fait que je ne vois pas pourquoi la Défense se sent à
19 un tel désavantage lorsqu'ils ont reçu ce matin une feuille d'informations
20 supplémentaires. J'ai compris que l'audition était prévue pour aujourd'hui.
21 Nous ne siégerons pas demain si j'ai bien compris. Je comprends très bien
22 que les membres de la Chambre de première instance ne sont pas disponibles
23 demain. Je ne suis pas non plus disponible pour ce qui est du reste de la
24 semaine. C'est la raison pour laquelle j'estime que le contre-
25 interrogatoire doit se poursuivre aujourd'hui, doit continuer, et nous
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1 devrions couvrir le plus que possible aujourd'hui. S'il y a quelques
2 questions, simplement qui restent à être débattues plus tard, s'il faut
3 mener une enquête, nous pourrions reporter certaines parties à plus tard.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
5 M. STEWART : [interprétation] Ce qui a été dit textuellement, initialement
6 et maintenant, n'est pas la question. Je me suis référé à ce paragraphe
7 précisément car, si j'ai bien compris avant que ce témoin ne dépose, il y
8 avait une différence très claire. Mais même sans ce paragraphe, qui se
9 trouve au bas de la déclaration, il s'agit de quelque chose de tout à fait
10 nouveau, et il s'agit de nouveaux éléments de preuve. Je ne m'adonne pas
11 maintenant à une analyse textuelle. C'est complètement autre chose. Comme
12 vous avez reconnu ce matin, il est tout à fait clair qu'il y a un tournant
13 de 180 degrés et que ce témoin devient un témoin qui témoigne sur d'autres
14 éléments qui sont beaucoup plus critiques. Comme je vous ai dit, il y a
15 quelques instants, Monsieur le Président, c'est tout à fait inapproprié de
16 compartimenter le contre-interrogatoire. Il y a plusieurs questions que
17 l'on ne peut pas poser subséquemment. Vous savez très bien, Monsieur le
18 Président, que chaque témoin se voit évaluer sa crédibilité dans le cadre
19 d'un contre-interrogatoire. Maintenant, si un témoin change de catégorie et
20 si l'essentiel de son témoignage change maintenant, outre d'obtenir
21 l'information nécessaire, il faut, bien sûr, revoir cet aspect-là de la
22 question également. Si, préalablement, il y avait des questions que l'on ne
23 souhaitait pas poser, si tout d'un coup maintenant, il y a de nouvelles
24 questions qui demandent à ce que l'on commence à poser des questions sur un
25 autre champ, bien sûr, cela change tout pour ce qui est du temps.
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1 Malheureusement, nous nous trouvons ici sans la possibilité même si je
2 trouve que c'est malheureux même s'il nous avait été possible de continuer
3 un peu plus tard pendant la semaine, mais cela laisserait toujours cette
4 question en suspend, à savoir si le témoin doit rester ici ou repartir.
5 Mais, en fait, la question est toute autre. Nous ne pouvons pas reprendre
6 l'audience. Ce n'est pas simplement d'une question d'une heure ou plus pour
7 obtenir l'information. Nous pourrons certainement consulter notre client,
8 M. Krajisnik, et nous pouvons obtenir des éléments d'information de la
9 bouche de notre client. Nous pouvons le faire mais ce n'est pas la façon
10 appropriée de faire les choses. Là, n'est pas la question. La question est
11 que nous avons besoin de beaucoup de temps pour faire nos demandes pour
12 enquêter auprès de nos collaborateurs dans la Republika Srpska. C'est de ce
13 temps-là que je parle. Il se fait certain que nous allons devoir nous
14 pencher là-dessus, mais cela ne peut pas être fait en quelques heures.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
16 La Chambre a présent se retirera pour débattre de cette question et
17 prendre une position là-dessus. Mais, ce matin, lorsque j'ai fait une
18 observation concernant le tournant de 180 degrés, nous ne savions pas quel
19 serait le témoignage du témoin à venir. Toutefois, je comprends qu'à ce
20 moment-ci, dans les déclarations du témoin, le témoin avait dit que les
21 dirigeants du SDS recevaient des ordres de leurs supérieurs, alors que,
22 dans la feuille des renseignements supplémentaires, il dit, en parlant des
23 dirigeants du SDS -- il a dit, et je cite : "Que, très souvent, lorsqu'une
24 décision devait être prise, il disait aux négociateurs qu'ils ne pouvaient
25 pas décider par eux-mêmes, mais qu'ils avaient besoin de consulter d'autres
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1 personnes;" alors que, dans son témoignage d'aujourd'hui, le témoin dit,
2 concernant ces consultations, qu'il présumait qu'il s'agirait de quelqu'un
3 de son parti. Par contre, plus tard, il s'est avéré que ce n'était pas
4 quelqu'un de son parti, mais qu'il s'agissait de quelqu'un d'autre. Même
5 si, lorsqu'on lui a posé la question, il a répondu, en disant qu'il n'avait
6 jamais découvert qui c'était, mais, si je comprends bien, ce n'était pas
7 quelqu'un du parti.
8 Je crois que ce sont les trois positions qui ont changé, et c'est cela qui
9 a changé dans la feuille de renseignements supplémentaires.
10 M. STEWART : [interprétation] J'aimerais faire une observation.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
12 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le
13 Président. Je voudrais faire une autre observation s'agissant du contre-
14 interrogatoire de ce témoin. Je devrais lui poser des questions concernant
15 les écarts qui figurent dans les trois déclarations : celle d'aujourd'hui,
16 celle de ce weekend et celle de la dernière déclaration qu'il a fournie par
17 écrit.
18 Je ne peux pas commencer le contre-interrogatoire de ce témoin et je
19 ne peux pas commencer à parler des écarts de ce qu'il a dit pendant le
20 weekend, ce matin, sans que j'aie eu la possibilité de trouver quelle est
21 notre position à nous, quelles sont mes instructions. Je ne peux pas
22 prendre le risque d'explorer ces questions sans savoir quelle est notre
23 position à nous aux membres de l'équipe de la Défense, et quelle est
24 l'information à la réponse que j'obtiendrais suite aux demandes faites aux
25 questions posées concernant ces écarts.
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1 [Là Chambre de première instance se concerte]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons nous retirer à présent, et
3 la Chambre statuera sur la question du contre-interrogatoire de la Défense
4 du témoin.
5 --- La pause est prise à 12 heures 14.
6 --- La pause est terminée à 12 heures 34.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre accorde la requête de M.
8 Stewart et lui accorde la possibilité de remettre le contre-interrogatoire
9 à une étape ultérieure. Mais je dois ajouter qu'une nouvelle information
10 apparaisse sur une feuille, une information supplémentaire. Même s'il était
11 nécessaire de faire des demandes supplémentaires ou de faire une enquête
12 concernant ces nouveaux éléments, cela ne veut pas dire qu'il faut, à
13 chaque fois, remettre le contre-interrogatoire. Les commentaires faits --
14 des commentaires d'ordre général faits concernant le fait de compartimenter
15 le contre-interrogatoire, que cela ne serait pas acceptable, de façon
16 générale. Ce n'est pas le point de vue de la Chambre.
17 Pour l'avenir, si cela survient de nouveau -- si une telle situation se
18 présente de nouveau, cette décision n'est pas contraignante. Elle ne
19 représente pas un principe général adopté par la Chambre. D'autre part, il
20 est tout à fait clair également que la Défense n'a pas eu la possibilité de
21 vérifier certaines choses ou de vérifier avec les personnes avec lesquelles
22 le témoin aurait pu négocier et parler à l'époque. Comme il n'a pas eu la
23 possibilité de vérifier auprès des participants si de telles négociations,
24 de telles réunions ont eu lieu et ce qu'ils ont dit lors de ces réunions,
25 c'est la raison pour laquelle la Chambre fait droit à cette requête orale
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1 présentée par la Défense. Il est tout à fait vrai que l'approche du témoin,
2 ou plutôt que le contre-interrogatoire pourrait en dépendre et pourrait
3 être affecter, pourrait se voir affecté par ses nouvelles informations.
4 La Chambre est d'avis que si la Défense commençait à poser des
5 questions dans le cadre de son contre-interrogatoire, et que même si la
6 Défense n'a pas la possibilité de vérifier certaines choses, le témoin
7 pourrait ne pas répondre précisément. Puisqu'il n'y a pas de raison de
8 craindre que le témoin ne sera pas rappelé à une étape ultérieure, c'est la
9 raison pour laquelle la Chambre, de façon générale, serait assez hésitante
10 à renvoyer quelqu'un pour le faire rappeler plus tard, mais, eu égard à la
11 situation, notre situation d'aujourd'hui et aux considérations pratiques,
12 la Chambre a que ces droit à cette requête orale de la Défense.
13 Je souhaiterais maintenant que l'on fasse entrer le témoin. Je vais
14 lui expliquer brièvement les nouveaux développements.Je l'instruirai en
15 conséquence de ce qu'il doit faire.
16 Oui, je vous écoute, Monsieur Harmon.
17 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne savais pas que la
18 Chambre ferait droit à la requête de la Défense. J'ai néanmoins vérifié
19 l'horaire. Je voulais simplement vous informer que nous serions disponible
20 le 30 septembre et le 1er octobre. Ces deux dates que je viens de vous
21 donner, seraient les deux premières dates qui nous seraient disponibles.
22 J'apprécierais énormément si la Chambre pourrait informer le témoin que les
23 membres du bureau de l'Accusation ne peuvent pas s'entretenir avec lui
24 jusqu'à ce que le contre-interrogatoire ne soit complété. Je crois qu'il
25 comprendra.
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1 Je vous remercie.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous dites que les deux
3 premières dates disponibles sont le 30 septembre et le
4 1er octobre. Est-ce que vous avez d'autres dates en vue ?
5 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, ce sont les deux dates
6 que j'avais en tête puisque je ne crois pas que le contre-interrogatoire
7 durera plus longtemps.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. L'interrogatoire principal a duré
9 deux heures et demie. Au début, on nous a dit que l'interrogatoire
10 principal durerait quatre jours; ensuite, on l'a réduit à deux heures 30.
11 Je comprends que l'efficacité de 60 % -- ou la règle du 60 % serait peut-
12 être difficile à appliquer dans cas-ci.
13 M. HARMON : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Vous nous avez
14 donné les lignes directrices. Ce que je voudrais dire, c'est qu'il n'est
15 pas nécessaire de croire qu'une fois cette question éclaircie, que le tout
16 devrait durer beaucoup plus longtemps. Je crois pouvoir appliquer les
17 règles du 60 % sans aucun problème.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je crois que -- si nous le
19 rappelons et que nous l'entendons lors d'une séance matinale, je crois
20 qu'il sera probablement en mesure de retourner chez lui dans l'après-midi.
21 Ceci dit, la Chambre n'est pas contrainte par des décisions financières. Ce
22 n'est pas la raison principale pour laquelle je vais vous dire ce que je
23 veux dire, mais il ne faut pas nécessairement gaspiller trop de temps ni
24 d'argent.
25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, puisque je suis déjà
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1 debout, je souhaiterais simplement vous dire que ces dates ne nous causent
2 aucun problème. Nous avons pris en compte ce que vous avez dit concernant
3 la compartimentation du contre-interrogatoire. Nous comprenons tout à fait
4 que vous allez devoir expliquer au témoin la façon dont cela va se
5 dérouler. Nous vous remercions d'informer le témoin. J'apprécierais que
6 vous lui disiez seulement l'essentiel.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement, je l'informerai de la
8 raison essentielle pour laquelle nous le ferons revenir.
9 M. HARMON : [interprétation] Une dernière question avant que le témoin ne
10 revienne dans le prétoire. M. Stewart nous a informé longtemps avant
11 l'arrivée du témoin de ce qu'il compte faire pour le restant de la journée.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Maître Stewart, nous vous écoutons.
13 M. STEWART : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président, je vous
14 informerai ou j'informerai la Défense de notre prochain témoin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je présume que le
16 témoin sera renvoyé chez lui puisqu'il devrait rester 14 jours au moins ici
17 sinon.
18 M. HARMON : [interprétation] Je présume qu'il souhaitera regagner sa
19 demeure.
20 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On m'informe que la Section pour la
22 protection des Témoins et des Victimes croyait qu'il s'agissait de la pause
23 déjeuner, et ont déjà emmené le témoin afin qu'il puisse déjeuner.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre souhaiterait expliquer au
2 témoin la situation. Bien entendu, nous pourrions attendre 14 heures, et
3 nous aurons à notre disposition toute une nouvelle équipe d'interprètes et
4 de techniciens. Il faudrait ensuite qu'ils repartent après cinq minutes. La
5 Chambre préférerait que les parties restent ici afin que nous puissions
6 faire venir le témoin au cours des 10 à 15 minutes à venir.
7 M. STEWART : [interprétation] J'aimerais aborder quelques éléments
8 rapidement avant que la Chambre ne se retire.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions utiliser utilement ce
10 temps.
11 Madame la Greffière d'audience, je suppose que vous allez essayer de faire
12 en sorte que le témoin revienne, et nous allons pouvoir utiliser ce temps.
13 M. STEWART : [interprétation] Je vais essayer de parler lentement à
14 l'intention des interprètes. Dans un premier temps, je voulais juste
15 préciser un élément. Je vais faire preuve de circonspection lorsque je
16 m'exprimerai, parce qu'il y a une requête relative à des mesures de
17 protection pour ce qui est d'un témoin donné. L'autre jour, il y a eu un
18 certain nombre de discussions à propos de jugements confidentiels et ex
19 parte. Nous avons compris que M. Tieger disait qu'une décision qui a été
20 rendue il y a environ quatre ou cinq mois de cela, ne devait pas être
21 considérée aux fins de cette requête. A l'époque, j'avais dit que cela
22 n'était pas entièrement clair. J'avais dit que ce n'était pas clair que
23 personne n'allait utiliser cette décision, si ce n'est, bien entendu,
24 qu'elle pouvait être reproduite dans le cadre de cette requête. Je dois
25 vous dire que nous avons un problème, car nous sommes, un tant soit peu,
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1 préoccupés. Je ne remets absolument pas en question l'intégrité de
2 quiconque. Pour ce qui est de la requête, à proprement parler, elle fait
3 référence à la requête ainsi que le fait que la Chambre de première
4 instance a estimé que le témoin pourrait faire l'objet de représailles, et
5 cetera, et cetera, ce qui fait que nous sommes, un tant soit peu,
6 préoccupés à ce sujet, Monsieur le Président. Nous pensons qu'il serait
7 beaucoup plus judicieux d'en revenir à ce que nous avions dit au départ, à
8 savoir, nous avions demandé à pouvoir consulter ce document. Nous devons
9 répondre à cette requête et nous sommes tout à fait disposés à le faire.
10 Nous souhaiterions pouvoir terminer notre travail à propos de cet élément.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vais essayer de voir ce que nous
12 pouvons faire. Dans un premier temps, la Chambre de première instance va
13 essayer d'étudier la question du point de vue de la Défense.
14 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque votre réponse devrait être
16 apportée demain, si nous avons quelques difficultés, nous pourrons examiner
17 cela cet après-midi et voir si nous pourrons vous transmettre un message
18 différent.
19 M. STEWART : [interprétation] Je pense qu'il est important de le faire. Il
20 est évident que notre travail est déjà fort avancé à ce sujet. Il faudrait
21 que cela soit fait lorsque le témoin reviendra.
22 Deuxièmement ou troisièmement, Monsieur le Président, je serai très, très
23 bref, au sujet justement d'un autre témoin, qui est le témoin 625. Par le
24 passé, nous avons demandé à maintes reprises s'il y allait avoir un rapport
25 qui serait présenté.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, en fait,
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'en conviens avec vous. Je pense que
4 nous devons examiner cette question. S'il nous reste cinq à dix minutes
5 avant que le témoin ne revienne, nous pourrons peut-être passer à huis clos
6 partiel. Je crois comprendre que nous avons encore dix minutes à notre
7 disposition. Souhaitez-vous évoquer d'autres éléments, Maître Stewart ?
8 M. STEWART : [interprétation] Non, j'en ai terminé.
9 M. HARMON : [interprétation] Pour ce qui est de la requête,
10 M. Tieger n'est pas présent.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non. Nous traitons maintenant un
12 autre sujet. Nous allons passer à huis clos partiel. Je pense que le huis
13 clos partiel sera suffisant.
14 [Audience à huis clos partiel]
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16 [Audience publique]
17 M. HARMON : [interprétation] Puis-je m'absenter quelques minutes ? Il me
18 semble que je vais pouvoir intercepter M. Tieger, qui doit être en train de
19 descendre.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes maintenant en audience
21 publique.
22 Le témoin n'est pas encore arrivé. Nous pourrions peut-être avoir une pause
23 brève, et j'aimerais demander aux parties de rester dans les parages, ce
24 que la Chambre va également faire, ce qui fait que nous pourrons reprendre
25 notre audience dès l'arrivée du témoin.
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1 --- La pause est prise à 13 heures 00.
2 --- La pause est terminée à 13 heures 14.
3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, je vous présente nos
5 excuses. A la suite d'un petit malentendu, vous pensiez que vous alliez
6 pouvoir aller déjeuner, et il semble maintenant que la situation est
7 différente. Lorsque nous vous avions demandé de quitter le prétoire, la
8 Défense nous a indiqué, en votre absence, qu'elle souhaiterait disposer de
9 plus de temps pour pouvoir préparer votre contre-interrogatoire. La Chambre
10 a étudié la question et a fait droit à la requête de la Défense. Donc je ne
11 vais pas vous expliquer exactement tout cela, mais voilà quelle est la
12 situation. Dans des circonstances normales, cela signifierait que vous
13 devez attendre un ou deux jours jusqu'au moment où le contre-interrogatoire
14 pourra être mené et terminé. Il est fâcheux de le dire, mais
15 malheureusement, la Chambre ne va plus siéger à partir de demain et ce,
16 jusqu'à la fin de la semaine prochaine, ce qui signifie que nous ne pouvons
17 pas surseoir à votre contre-interrogatoire juste pour un ou deux jours,
18 mais pour une période de temps beaucoup plus longue. Je suppose -- bien que
19 je ne sois pas responsable des questions relatives au départ et au retour
20 des témoins, mais je suppose qu'il sera très vraisemblable que l'Unité des
21 Témoins et des Victimes vous demandent de revenir à une date ultérieure, ce
22 qui devrait correspondre à deux semaines environ.
23 Dans un premier temps, j'aimerais vous demander si vous serez disponible
24 pour revenir à ce moment-là, à savoir, est-ce que vous serez en mesure de
25 revenir dans dix à 20 jours ? Est-ce que vous seriez disponible pour
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1 revenir pour le contre-interrogatoire ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je suis dentiste. J'ai mon cabinet. Cela
3 fut une perte de temps pour moi. J'ai essayé d'être aussi utile que
4 possible, mais cela a représenté un effort herculéen pour moi. Du fait de
5 ma mauvaise santé, je ne travaille que trois heures par jour lorsque je
6 suis chez moi et, au cours des trois derniers jours, j'ai dû travailler
7 quasiment 24 heures par jour. Dans de telles conditions, je ne serais pas
8 en mesure de revenir. Je suis ici et je ferai de mon mieux pour vous être
9 utile.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Biscevic, si je vous disais
11 que, si vous revenez, il est très, très vraisemblable que vous allez
12 arriver un jour, que votre -- et que le contre-interrogatoire se passera le
13 lendemain, et vous serez en mesure de repartir chez vous le même jour; bien
14 entendu, il faudra voir quelles seront les horaires, mais nous n'aurons pas
15 besoin de deux jours. Il n'y aura pas de préparation avant le contre-
16 interrogatoire, donc vous vous contenterez de venir ici dans le prétoire,
17 il n'y aura pas de préparation, et vous repartirez chez vous. Est-ce que
18 cela serait envisageable ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je m'excuse. Je m'excuse vraiment. Je ne peux
20 pas me déplacer. Je ne peux pas marcher. Je suis un homme malade. Cela a
21 représenté un effort énorme pour moi, et qui plus est, j'ai dû fermer ma
22 maison. Mon fils est tout seul. Mais nous ne pouvons pas -- il ne peut rien
23 faire sans moi. Nous avons un énorme laboratoire. Nous avons un cabinet
24 dont je m'occupe. Cela a représenté un sacrifice énorme pour moi. Je suis
25 venu pour vous aider et, malheureusement, je ne pourrais pas revenir.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je suppose que nous
2 nous trouvons maintenant dans une nouvelle situation, et peut-être qu'il
3 serait plus judicieux d'en parler en l'absence du témoin.
4 M. HARMON : [interprétation] Bien sûr. Il existe d'autres possibilités. La
5 liaison satellite, par exemple, c'est une possibilité. Je ne sais pas s'il
6 existe d'autres possibilités hormis cela, mais je pense que nous pourrions
7 envisager cette possibilité.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr, si le témoin n'est pas
9 disponible. Je souhaiterais vous poser une question. Ce que nous avons fait
10 -- l'une des choses qui a été faite par le Tribunal est que les gens
11 viennent déposer dans un studio, il y a une liaison satellite. Peut-être
12 qu'il faudra que vous vous rendiez à Banja Luka, mais ce sera un voyage qui
13 serait court, et ainsi vous pourrez déposer par le truchement d'une liaison
14 satellite entre La Haye et la Bosnie-Herzégovine. Est-ce que ce serait une
15 solution qui vous conviendrait ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Banja Luka est beaucoup plus près, en effet.
17 Je pourrais envisager de me rendre à Banja Luka si l'on me dit exactement
18 quand est-ce que je dois venir. Si l'on me donne un créneau précis à
19 l'avance, je serais disposé à le faire.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il d'autres éléments qui doivent
21 faire l'objet de discussion en présence du témoin ? Sinon, je vais lui
22 fournir les instructions suivantes --
23 M. HARMON : [interprétation] Etant donné que M. Biscevic nous a parlé de sa
24 vie personnelle, de son problème de santé, de son cabinet de dentiste, je
25 pense qu'il serait peut-être utile pour M. Biscevic que nous puissions
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1 envisager les dates où l'on pourra avoir cette possibilité de liaison
2 satellite à Banja Luka.
3 M. STEWART : [interprétation] Je pense que le témoin devrait quitter le
4 prétoire. Nous avons suffisamment discuté en présence de ce témoin, et je
5 comprends très bien qu'il faille envisager sa commodité personnelle, mais
6 je ne pense pas que cette discussion, en présence du témoin, est
7 appropriée.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, je pense que nous
9 allons peut-être aborder des détails qui ne sont pas nécessaires pour le
10 moment.
11 Je vais fournir les consignes au témoin.
12 Monsieur Biscevic, comme vous l'aurez aisément compris, les parties et la
13 Chambre doivent envisager la procédure à suivre pour votre contre-
14 interrogatoire. Vous êtes en plein témoignage puisque vous avez répondu aux
15 questions posées dans le cadre de l'interrogatoire de l'Accusation, mais
16 vous n'avez pas encore répondu aux questions du conseil de la Défense.
17 J'aimerais vous indiquer que, pour le moment, vous ne devez parler avec
18 personne du témoignage que vous venez de présenter. Vous ne devez pas non
19 plus parler du témoignage à venir. Abstenez-vous de parler à qui que ce
20 soit à propos de votre témoignage et la section des Témoins et des Victimes
21 vous informera, et il se peut même d'ailleurs qu'elle vous consulte à
22 propos de certaines questions, et elle vous informera aussi rapidement que
23 possible. Ainsi, vous comprendrez rapidement et clairement comment la
24 Chambre entend procéder. Je sais que vous avez indiqué que vous n'êtes pas
25 disponible à revenir à La Haye. Cela est expliqué, notamment par votre
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1 santé et par vos circonstances personnelles, vous envisageriez de pouvoir
2 répondre aux questions dans le cadre d'une liaison satellite à partir de
3 votre région.
4 Pour le moment, j'aimerais vous remercier de vous être déplacé jusqu'à La
5 Haye, d'autant plus que vous nous avez expliqué que cela n'a pas été très
6 facile du fait de votre santé et du fait de vos obligations
7 professionnelles. Je pense que cela n'a pas non plus été très facile du
8 fait de la situation qui prévaut au sein de votre famille, puisque vous en
9 avez parlé, et il est évident que la Chambre n'en parlera pas. Mais, de
10 toute évidence, nous comprenons que cela n'est pas facile pour vous. Vous
11 pouvez quitter le prétoire. Le Tribunal vous informera de la procédure à
12 suivre.
13 Je vous remercie.
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, je vous prie, de
16 bien vouloir escorter le témoin hors du prétoire.
17 [Le témoin se retire]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, que le témoin a quitté le
19 prétoire, avant d'aborder les autres questions encore en souffrance, je
20 voudrais donner l'occasion aux parties de s'exprimer, si elles veulent, à
21 huis clos partiel ou en audience publique, sur les modalités à adopter pour
22 le reste du témoignage de M. Biscevic.
23 Monsieur Harmon, vous avez déjà une suggestion. J'avais l'impression que
24 la Défense voulait intervenir sur ce point.
25 M. HARMON : [interprétation] Je me contenterai de répéter ce que j'ai dit.
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1 Dès que M. Biscevic connaît la date, il pourra prendre des mesures pour
2 tenir compte de ses engagements personnels. C'est tout ce que je voulais
3 dire.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai décidé de ne pas en dire
5 avantage suite à votre suggestion, c'est parce que la liaison satellite
6 nécessite toute une logistique. Il faut la présence de quelqu'un, il faut
7 qu'il y ait des installations techniques disponibles. C'est pour cela que
8 je me suis dit qu'il était inutile de poursuivre l'examen de cette question
9 en présence du témoin. Je suis sûr que Me Stewart aura son avis sur la
10 question.
11 M. STEWART : [interprétation] Oui, dans ce sens-ci. Sauf le respect que
12 nous devons à la Chambre, nous pensons que le témoin est tout naturellement
13 irrité, l'a manifestée cette irritation. C'est le lot de tout le monde,
14 irritabilité de devoir revenir. Peut-être qu'il faudrait prendre ceci avec
15 un peu de circonspection. Il pourra peut-être revenir, revenir à un autre
16 moment. Désolé d'être aussi dur, mais les inconvénients provoqués à des
17 témoins, inévitablement, forcément, c'est une des caractéristiques de ce
18 genre de procès. Il a dit qu'il a un problème de santé. La preuve est,
19 c'est qu'il n'a pas de problème de santé puisqu'il a pu venir ici.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le simple fait de la présence du témoin
21 ne signifie pas qu'il n'a pas de problèmes de santé. En tout cas, pas de
22 problèmes à ce point grave qu'il aurait été empêché de venir une première
23 fois.
24 M. STEWART : [interprétation] C'est ce que je voulais dire. Je ne veux pas
25 ici dire qu'il est en parfait état de santé. Cela, je ne sais pas du tout.
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1 Cela ne l'empêche pas de venir ici. Je suis tout à fait d'accord avec M.
2 Harmon. Bien sûr, en toute équité, plus le témoin sait à l'avance qu'il va
3 être interrogé, mieux ce serait, et nous collaborerons dans la mesure du
4 possible. C'est vrai de tous les témoins de toute façon. S'agissant d'une
5 liaison satellite, nous n'avons pas d'avis arrêté sur la question. Il est,
6 bien sûr, préférable d'avoir le témoin dans le prétoire quand c'est un
7 témoignage important. Il n'a plus besoin d'être interrogé par l'Accusation,
8 donc peut-être que ce serait mieux qu'il ne vienne pas.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que la Défense préférerait
10 qu'on rappelle le témoin à La Haye, préférerait cette solution à la liaison
11 satellite. Monsieur Harmon, je suppose que vous, si vous avez fait cette
12 suggestion, c'était à partir de l'hypothèse uniquement qu'il ne serait pas
13 possible de faire revenir le témoin à La Haye; c'est bien cela ?
14 M. HARMON : [interprétation] Est-ce que nous pourrions en discuter à huis
15 clos partiel, Monsieur le Président ?
16 M. STEWART : [interprétation] Je n'ai pas du tout suivi. Difficile de voir
17 pourquoi on doit parler ceci à huis clos partiel. On ne parle pas du tout
18 de questions de santé du témoin.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons pourquoi M. Harmon demande ces
20 raisons à huis clos partiel. Ecoutons ces raisons à huis clos partiel.
21 M. STEWART : [interprétation] Oui. J'ai exprimé ma première réaction. Je ne
22 peux m'opposer au huis clos partiel.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Passons à huis clos partiel.
24 [Audience à huis clos partiel]
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19 [Audience publique]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque nous étions à huis clos partiel,
21 le représentant du bureau du Procureur nous a expliqué ce qu'il savait de
22 l'état de santé du témoin. Le conseil de la Défense s'est opposé à ce que
23 ces questions soient abordées à huis clos partiel et il a demandé une
24 décision, décision que va rendre la Chambre. L'objection principale
25 soulevée est qu'aucun détail n'avait été communiqué, rien qui n'aurait pu
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1 être abordé en audience publique. Des explications supplémentaires ont été
2 fournies par le bureau du Procureur, et la Chambre a établi qu'une partie
3 des propos tenus à huis clos partiel avaient déjà été dite au cours de la
4 déposition du témoin. La Chambre va trancher et vous dire s'il est
5 nécessaire que cette partie du compte rendu d'audience soit rendue
6 publique.
7 Ceci mis à part, je pense que la Chambre se demande maintenant comment
8 procéder. Elle va se demander si elle va chercher à obtenir davantage de
9 renseignements, peut-être en consultant la section des Victimes et des
10 Témoins pour savoir s'il est possible de terminer la déposition de ce
11 témoin par liaison satellite. La Défense se prononçant apparemment
12 nettement en faveur de la poursuite de la déposition en prétoire. De son
13 côté, l'Accusation pense qu'il y a de bonnes raisons pour accepter ce que
14 dit le témoin, à savoir qu'il n'est pas disponible pour être contre-
15 interrogé à La Haye. Nous allons étudier la question et nous informerons
16 les parties.
17 Cette question étant réglée, Monsieur Tieger, je pense qu'il faut
18 repartir -- repasser à huis clos partiel pour les autres questions.
19 M. STEWART : [interprétation] Avant de passer à huis clos partiel, puis-je
20 vous poser une question ? Vous avez dit que la Chambre allait donner une
21 décision pour savoir si cette partie du compte rendu d'audience là, cette
22 partie qui correspond au témoignage déjà fait, sera rendu public. Est-ce
23 que cela veut dire que le reste de ce qui s'est dit à huis clos partiel va
24 rester à huis clos partiel, ou est-ce que ce n'est pas encore tranché ?
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voulais simplement parler de la
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1 partie qui avait été abordée à huis clos partiel. Si nous allions décider
2 de la garder à huis clos partiel ou la rendre publique.
3 M. STEWART : [interprétation] Je comprends. Excusez-moi, enfin, bien sûr,
4 j'essaie d'être le plus prudent possible, nonobstant les arguments que j'ai
5 avancés. En l'état, certaines choses ont été dites à huis clos partiel,
6 mais, après tout le témoin a, en audience publique, expliqué pourquoi il ne
7 voulait pas revenir, il y a, notamment, parlé de son état de santé, mais
8 vous savez qu'il est tout à fait courant qu'il faut produire un certificat
9 médical dans de telles circonstances. Il ne suffit pas qu'un témoin dise
10 que, pour telle ou telle raison, il ne lui est pas possible de revenir même
11 s'il est déjà venu une fois. Il faut qu'il y ait une raison convaincante
12 pour qu'on procède par liaison satellite, davantage qu'un retour du témoin
13 au prétoire. Je suis partisan ardent de ce que je dis. J'ai invité M.
14 Harmon à apporter un commentaire, mais ce témoin a parlé de ses activités
15 professionnelles. Il va perdre au maximum trois heures puisqu'il dit qu'il
16 travaille trois heures par jour. Disons peut-être six, si on ne peut pas
17 être aussi rapide que ce que vous avez promis, Monsieur le Président. Mais
18 il pourrait travailler les trois heures le matin, se déplacer l'après-midi,
19 que ce soit trois heures ou six heures, peu importe. Les heures de travail
20 perdues par des témoins, à ce niveau-ci, c'est tout simplement quelque
21 chose qui est courant. C'est embêtant, personne n'aime ce genre de choses,
22 mais M. Krajisnik doit répondre de choses quand même assez différentes,
23 s'il est condamné. Voilà, nous le craignons. Il faudra que le témoin
24 accepte cet inconvénient.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez apporté d'autres raisons
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1 expliquant votre souhait de voir ce témoin revenir pour terminer ici sa
2 déposition.
3 Pour y aborder les autres questions, il nous faut passer à huis clos
4 partiel. J'examine les cabines : est-ce que nous poursuivons ? J'espère que
5 nous pourrons en terminer en dix minutes et ceci nous permettra de ne pas
6 revenir cet après-midi. J'aimerais savoir s'il y a des problèmes du côté
7 des interprètes.
8 Passons maintenant à huis clos partiel.
9 [Audience à huis clos partiel]
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9 --- L'audience est levée à 13 heures 53 et reprendra le lundi 20
10 septembre 2004, à 9 heures 00.
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