Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 28 septembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, veuillez citer

6 l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de l'affaire

8 IT-00-39-T, l'Accusation contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

10 Je souhaite saluer toutes les parties présentes. J'ai quelques questions à

11 caractère pratique à régler avec vous. Il s'est avéré que le problème

12 insurmontable n'était pas insurmontable, autrement dit, que la semaine où

13 nous n'allons pas tenir d'audience sera la semaine qui commencera le 11

14 octobre, comme je l'avais déjà précisé. J'avais précisé qu'il s'agissait là

15 de l'éventualité la plus plausible.

16 Ensuite, le point suivant concerne les conversations téléphoniques

17 interceptées à propos du témoin d'aujourd'hui. Je crois que la Chambre de

18 première instance a indiqué hier qu'elle avait l'intention de traiter les

19 commentaires du témoin comme quelque chose qui ne devait pas lui être

20 présenté, mais simplement confirmé par lui, car on se rapprocherait trop du

21 89(F) ou du 92 bis dans ce cas. C'est quelque chose qui doit être présenté

22 ici viva voce, de vive voix.

23 Une des difficultés portera sur le fait d'attirer l'attention sur les

24 parties pertinentes du compte rendu d'audience. Nous allons voir comment

25 les choses évolueront ce matin. Si une référence est faite à un commentaire

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1 et s'il ne s'agit pas d'un point contesté, ceci pourrait peut-être aider le

2 témoin, car il sera peut-être difficile de retrouver le passage en question

3 à propos des questions qui lui seront posées. Si le commentaire ou

4 l'observation est très important ou si cela contredit un autre élément ou

5 si c'est quelque chose sur lequel nous souhaiterions avoir d'autres

6 éléments ou si nous souhaitons le confronter avec ce qu'il a dit dans sa

7 déclaration précédente -- dans sa déclaration préliminaire, peut-être qu'à

8 ce moment-là, ce sera différent.

9 M. HARMON : [interprétation] Nous pouvons poursuivre. J'ai demandé à

10 quelqu'un de mon équipe de nous rejoindre. C'est quelqu'un qui est un

11 technicien très averti. Il pourra, en tout cas, nous aider ce matin si nous

12 avons des difficultés.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 M. STEWART : [interprétation] Quelle chance a l'Accusation de pouvoir

15 disposer de ressources comme celle-là.

16 Nous sommes d'accord, Monsieur le Président, de façon -- nous sommes

17 d'accord avec ce que la Chambre de première instance a dit à propos des

18 conversations téléphoniques interceptées, ce qui a été évoqué hier. Pour ce

19 qui est de guider un témoin et de l'amener aux passages qui nous

20 intéressent, je crois que cela fait partie d'un interrogatoire normal.

21 Néanmoins, je crois que pour être conforme à la bonne pratique, il est

22 important de rappeler que ces éléments-là ne sont pas versés au dossier.

23 Les commentaires ne sont pas versés au dossier, par conséquent, devraient

24 remis par la Chambre de première instance peut-être pas à l'instant même.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons, pour des questions

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1 pratiques, garder ces éléments-là sous le coude.

2 M. STEWART : [interprétation] Bien sûr, bien sûr. Je retire ce que je viens

3 de dire. Il ne s'agit pas que la Chambre de première instance remette ses

4 observations "immédiatement", bien sûr.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. STEWART : [interprétation] Je souhaite simplement faire un rapport sur

7 la vidéo. J'ai remis trois vidéos de mes propres mains blanches au quartier

8 pénitentiaire des Nations Unies avant 20 heures hier, et --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je les ai vues quitter le bâtiment à 19

10 heures 40.

11 M. STEWART : [interprétation] Je crois que c'étaient des mains encore plus

12 blanches que les miennes, qui les ont remises au quartier, Mlle Dixon.

13 Monsieur le Président, je dois dire que ceci a été remis très rapidement à

14 M. Krajisnik. J'apprécie beaucoup que ceci a été fait aussi rapidement.

15 Cela a été remis au quartier pénitentiaire. Il était déjà 20 heures hier

16 soir, ce qui était assez tard.

17 Ceci m'amène à aborder une question tout à fait pratique qui est

18 quelque chose que j'ai à l'esprit depuis quelques jours déjà. Il y a

19 longtemps, le Président nous a demandé si nous souhaitions plutôt siéger le

20 matin ou plutôt siéger l'après-midi. Je crois que la Chambre de première

21 instance affectionne plutôt le matin. Personnellement, je dois dire que je

22 ne suis pas, en tout cas, les membres de mon équipe ne sont pas aussi

23 enthousiastes ou ne démontrent pas le même enthousiasme pour les audiences

24 du matin. Il y a surtout un élément pratique qui intervient ici, c'est-à-

25 dire qu'il est beaucoup plus difficile d'avoir du temps à consacrer à

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1 M. Krajisnik lorsque nous siégeons le matin. Car M. Krajisnik est, à

2 nouveau, au quartier pénitentiaire vers 15 heures, si M. Harmon veut bien

3 me laisser le temps de terminer ce que j'ai à dire, s'il vous plaît, dans

4 ce cas-là, nous avons tout au plus une heure et demie après plusieurs

5 heures d'audience. Ceci n'est pas très productif. Peut-être que M. Harmon

6 sera d'accord avec moi. Je souhaite simplement clairement expliquer ce que

7 j'ai à dire. Je souhaite terminer --

8 M. HARMON : [interprétation] Pardonnez-moi si je vous interromps.

9 Nous n'avons que très peu de temps avec le témoin. Je crois que nous

10 pourrions aborder cette question après l'audition de ce témoin.

11 M. STEWART : [interprétation] Je crois que cela prendra moins de

12 temps que le commentaire. La proposition que j'aimerais vous soumettre est

13 la suivante : je crois que, si nous siégeons de manière continue, peut-être

14 qu'il serait possible d'avoir un système en alternance, une forme de

15 compromis, c'est-à-dire, siéger quelquefois le matin et siéger quelquefois

16 l'après-midi.

17 Pardonnez-moi, je comprends fort bien l'inquiétude de

18 M. Harmon qui souhaite que son témoin puisse rentrer à Sarajevo.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis d'accord avec

20 M. Harmon pour dire, surtout dû au fait qu'il n'y ait pas beaucoup

21 d'objections, que nous aurions pu traiter cette question-là pendant la

22 pause. Nous allons certainement en tenir compte, et cela me paraît tout à

23 fait approprié.

24 Madame l'Huissière, veuillez aller chercher le témoin et faites-le

25 venir dans le prétoire, s'il vous plaît.

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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, veuillez vous asseoir.

3 Je souhaite vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la déclaration

4 solennelle que vous avez faite au début de votre témoignage.

5 LE TÉMOIN : STJEPAN KLJUIC [Reprise]

6 [Le témoin répond par l'interprète]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons maintenant poursuivre

8 l'interrogatoire principal. Monsieur Harmon, poursuivez, s'il vous plaît.

9 Interrogatoire principal par M. Harmon : [Suite]

10 Q. [interprétation] Bonjour, M. Kljuic. Je souhaite attirer votre

11 attention sur des événements à Bijeljina au début du mois de mars et à la

12 fin du mois d'avril 1992. Bijeljina est une municipalité de Bosnie le long

13 de la Drina qui jouxte le territoire serbe; est-ce exact ?

14 R. Oui.

15 Q. Pour ce qui est de la composition ethnique de cette municipalité, les

16 Musulmans étaient minoritaires dans cette municipalité-là; est-ce exact ?

17 R. Oui.

18 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre ce qui est advenu de la

19 communauté bosnienne de Bijeljina au début du mois de mars et la fin du

20 mois d'avril 1992 ?

21 R. Il y a eu des incidents sporadiques avec bon nombre de victimes.

22 Q. M. Kljuic, pourriez-vous reprendre, s'il vous plait, et répéter votre

23 réponse.

24 R. Très bien. Comme je vous l'ai dit précédemment, avant l'incident de

25 Bijeljina, nous avons connu des situations similaires en Bosnie-

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1 herzégovine, où un certain nombre de gens ont été tués; cependant,

2 l'incident de Bijeljina était bien particulier, en ceci, où il faisait

3 passer un message. Il y avait en plus de l'armée yougoslave, des Unités

4 paramilitaires qui se sont trouvées à cet endroit-là, composées de Serbes

5 de Yougoslavie. Ils étaient dirigés par Zeljko Raznjatovic, plus connu sous

6 le nom d'Arkan. Il avait ses propres unités. Un rapport a été envoyé à la

7 présidence pour préciser qu'il s'agissait d'un conflit. Néanmoins, il n'y

8 avait pas de combat entre adversaires. Les paramilitaires serbes, avaient

9 néanmoins, commencé à tuer les Musulmans et à les insulter. Nous avons mis

10 en place une délégation au niveau étatique

11 Q. M. Kljuic, je souhaite vous montrer quelques pièces à conviction. Il

12 s'agit de photographies. Je souhaite que l'on me donne un cote, s'il vous

13 plait.

14 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce de l'Accusation

15 portant la cote P294A comportant le numéro ERN se terminant par 098808, et

16 la pièce P294B portant le numéro ERN 098812.

17 M. HARMON : [interprétation]

18 Q. M. Kljuic, connaissez-vous ces photographies ?

19 R. Oui.

20 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît, ce que représentent

21 ces photographies ?

22 R. Sur l'une des photos, on voit les victimes et la brutalité de ce soldat

23 qui est en train de les frapper. Sur l'autre photo, on voit sans doute la

24 famille en deuil de cette première victime. Néanmoins, je souhaite ajouter

25 que ces photographies ne sont pas confidentielles; elles ont été publiées

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1 et diffusées après ces événements.

2 Q. M. Kljuic, pourriez-vous dire à la Chambre, s'il vous plaît --

3 M. HARMON : Messieurs les Juges de la Chambre, je souhaite attirer votre

4 attention sur ces deux pièces. Vous constaterez que la femme, qui est au

5 sol dans la pièce de l'Accusation 294A, est la même femme que celle qui est

6 debout, qui est au-dessus de l'homme, qui gît sur le sol et que l'on voit

7 dans la photographie 294B. Il s'agit de deux photographies qui ont un lien

8 entre elles.

9 Q. Monsieur, pourriez-vous nous dire ce qui est advenu de la population

10 musulmane, et quelle a été la réaction de la présidence face à ces

11 événements ?

12 R. Oui. Il est clair que la population musulmane, dans son ensemble, avait

13 peur car un bon nombre d'entre eux ont été tués. On n'a jamais recensé le

14 nombre de victimes. Lorsque la délégation de la présidence est revenue

15 composée de membres de la présidence, Fikret Abdic, Biljana Plavsic et le

16 ministre la Défense de Bosnie-Herzégovine, Jerko Doko, les rapports qui

17 leur parvenaient étaient contradictoires. Les Musulmans étaient soumis à

18 beaucoup d'intimidation. Fikret Abdic et Biljana Plavsic ont dit qu'il

19 s'agissait d'un incident que l'on pourrait surmonter. Néanmoins, mon

20 ministre a décrété que ce qu'il avait vu à Bijeljina était épouvantable et,

21 en tant que ministre de la Défense de la Bosnie-Herzégovine, il a dû se

22 jeter au sol et jeter son arme lorsque Zeljko Raznjatovic, alias Arkan, le

23 lui a ordonné.

24 Les rapports de ce type étaient tout à fait normaux. C'est ce qui est peut-

25 être illustré par la photographie où on voit Biljana Plavsic, membre de la

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1 présidence, en train d'embrasser Zeljko Raznjatovic, alias Arkan. Dans ce

2 rapport, celui qui nous est parvenu, nous voyons une polarisation de la

3 Bosnie-Herzégovine des deux côtés, ceux qui combattent les crimes, et ceux

4 qui soutiennent cela.

5 Q. Maintenant, je vous vous montrer la pièce suivante,

6 Monsieur Kljuic. Vous dites que Mme Plavsic était membre de la commission.

7 Je vais maintenant vous montrer un film, et je vais vous demander de faire

8 quelques commentaires.

9 En attendant de pouvoir visionner ce film, lorsque Mme Plavsic est venue à

10 Bijeljina, quel rôle était-elle censée jouer ?

11 R. En premier lieu, elle était censée remettre un rapport réaliste de la

12 situation, étant donné qu'elle était présidente de la commission au sein de

13 la présidence et responsable de l'ordre constitutionnel. Autrement dit,

14 elle avait une responsabilité certaine et devait répondre de la

15 constitution de Bosnie-Herzégovine.

16 Q. Etait-elle censée être un observateur neutre et impartial à des

17 événements de Bijeljina ?

18 R. Oui. Elle aurait dû être impartiale, mais il est difficile d'être

19 neutre. Car que faisait les Unités paramilitaires de Zeljko Raznjatovic en

20 Bosnie-Herzégovine ?

21 Q. Je vais, maintenant, vous montrer une courte vidéo qui va apparaître

22 sur votre écran. Je vais vous demander de nous faire part de vos

23 commentaires.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demande aux interprètes de la cabine

25 anglaise de bien vouloir lire la traduction anglaise.

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1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Le président du parlement de la Republika Srpska, M. Krajisnik a

4 montré à notre journaliste aujourd'hui.

5 Le président de l'assemblée de la Republika Srpska --

6 L'INTERPRÈTE : Interruption à nouveau --

7 [problème technique]

8 M. HARMON : [interprétation] Nous essayons de retrouver cette courte vidéo,

9 mais je vais poursuivre mon interrogatoire entre-temps.

10 Q. Comment Mme Plavsic a-t-elle relaté les événements de Bijeljina

11 lorsqu'elle est retournée à la présidence ?

12 R. Elle a, simplement, expliqué qu'il s'agissait d'un incident, que

13 c'était un mouvement spontané et qu'il s'agissait d'un groupe de jeunes

14 hommes irresponsables qui avaient agi ainsi, et que les Musulmans avaient,

15 sans doute, été à l'origine de cet incident, et que les massacres ont été

16 provoqués par cela.

17 Q. Maintenant, je crois que nous pouvons visionner ce film. Je vais vous

18 demander de nous faire des commentaires là-dessus après.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "Devant la direction du SDS de Bosnie-Herzégovine, Mme Plavsic, ex-

22 membre de la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine a

23 publiquement dit devant tout le monde [inaudible] --"

24 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

25 M. HARMON : [interprétation]

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1 Q. C'est la fin du film, c'est un vidéoclip très court. Pourriez-vous nous

2 dire, Monsieur Kljuic, ce que décrit ce film ?

3 R. On constate que les rapports entre Mme Plavsic et les dirigeants -- ou

4 le dirigeant et l'organisateur, que ces liens sont très étroits et les

5 auteurs de ces crimes. Au lieu d'agir comme un membre de la présidence de

6 Bosnie-Herzégovine, autrement dit, l'organe suprême de l'Etat, et de

7 protéger les intérêts de tous les citoyens comme il se doit, sans exception

8 aucune, quelle que soit leur appartenance ethnique ou leur religion, Mme

9 Plavsic a embrassé Arkan, ce qui était très choquant pour toutes les

10 personnes qui s'étaient trouvées là, en particulier, pour les mères car,

11 avant cet incident, Arkan avait donné l'image d'un criminel de guerre à

12 cause de tout ce qu'il avait commis en Croatie.

13 Q. Est-ce qu'il s'agissait d'un geste symbolique aux yeux des non-Serbes

14 de Bosnie ?

15 R. Absolument.

16 Q. Pourriez-vous expliquer votre réponse, s'il vous plaît ?

17 R. Les choses se sont passées ainsi. A cause de la politique de Milosevic

18 et de son plan, plan qui était mis en œuvre, on faisait de moins en moins

19 confiance à Belgrade comme étant l'endroit névralgique du pays, on faisait

20 de moins en moins confiance à ses institutions. La méfiance était manifeste

21 à l'égard de l'armée. L'armée n'existait que par son nom, la JNA. A en

22 juger par ses cadres et par l'organisation de l'armée, on pouvait constater

23 qu'il s'agissait surtout d'une armée serbe et monténégrine. Néanmoins, tel

24 n'était pas l'obstacle majeur. L'obstacle majeur était que la plupart des

25 gens ne faisaient plus confiance à une armée de ce type parce qu'à cette

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1 époque, ce qui s'était passé en Croatie avait choqué beaucoup de monde.

2 L'armée s'était compromise. Elle s'était compromise en subordonnant à ses

3 unités, celle des formations paramilitaires.

4 Par conséquent, tout citoyen ou homme de la rue était en mesure de

5 conclure que la JNA, l'armée populaire yougoslave, les formations

6 paramilitaires et Mme Biljana Plavsic, comme étant une des dirigeantes du

7 SDS, étaient tous du même côté. Leur comportement et leur attitude ont

8 donné lieu à des sentiments de crainte de la part des non-Serbes.

9 Q. Monsieur Kljuic, M. Krajisnik était-il au courant de ce qui s'était

10 passé à Bijeljina au mois de mars et au mois d'avril 1992 ?

11 R. Oui.

12 Q. Serait-il exact de dire qu'à Bijeljina, cela a, en fait, été la

13 première des municipalités où il y a eu nettoyage ethnique des Bosniens ?

14 R. Non. Avant Bijeljina, cela a été fait également dans un village croate,

15 dans la municipalité de Ravno en Herzégovine de l'est, où les Unités de

16 l'armée populaire yougoslave et des réservistes monténégrins ont perpétré

17 un massacre. La justification avait été celle de dire que le village était

18 armé et qu'il y avait là des terroristes croates. Cependant, ni à ce

19 moment-là, pas plus qu'avant au cours des événement survenus en Croatie,

20 aucun des responsables du SDS n'a émis de réserve vis-à-vis des crimes

21 commis. C'est ce qui s'est passé, notamment et également pour ce qui est

22 des meurtres de Bijeljina.

23 Q. Bien. Ceci a constitué un événement en relation avec les Croates de

24 Bosnie. La question qui se pose, c'est de savoir si Bijeljina a été la

25 première des municipalités où il y a eu un nettoyage ethnique des

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1 Bosniaques ?

2 R. Oui.

3 Q. Avant l'incident en question, il y a eu un événement où a été impliquée

4 l'armée dans un village impliquant des Serbes de Bosnie, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 Q. Lorsque la commission de la présidence s'est rendue à Bijeljina, sont-

7 ils allés là-bas partant d'un ordre constitutionnel ou quoi ? Dans quelle

8 capacité sont-ils allés là-bas ?

9 R. Oui.

10 Q. Pouvez-vous indiquer aux Juges de la Chambre si vous avez, vous-même,

11 été membre de cette commission chargée de l'ordre constitutionnel ?

12 R. Oui.

13 Q. Je m'excuse, mais je n'ai pas reçu la traduction anglaise de ce que

14 vous avez dit. Pouvez-vous répéter votre réponse, Monsieur Kljuic ? Je suis

15 désolé parce que je n'ai pas eu la traduction.

16 R. Oui, Mme Plavsic a été présidente et, moi-même, j'ai été membre de

17 cette commission.

18 Q. Est-ce que cette commission a reçu des rapports concernant ces

19 violences qui sont survenues en Bosnie-Herzégovine ?

20 R. Pour ce qui est des modalités de fonctionnement de cette commission, la

21 commission en question était censée recevoir tous les rapports de police

22 afférents aux incidents survenus à l'époque; cependant --

23 Q. M. Krajisnik, à votre connaissance, obtenait-il des rapports de ces

24 rapports ?

25 R. Oui. M. Krajisnik, en sa qualité de président et le premier Ministre,

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1 et M. Jure Pelivan recevait aussi bien des copies de ces rapports. Pouvait-

2 on dire que, sur la base des rapports que vous receviez dans cette

3 commission, un rapport que recevait également

4 M. Krajisnik, que M. Krajisnik était informé de la situation sur le terrain

5 en Bosnie.

6 R. Oui. Je pense qu'il était bien mieux informé que nous-mêmes.

7 Q. J'aimerais vous montrer, à présent, une pièce à conviction suivante. Il

8 s'agirait de la pièce P47. Nous avons déjà vu, par le passé, ces mêmes

9 pièces à conviction peut-être. Le P47, je dirais que c'est une décision

10 prise par le parlement des Serbes de Bosnie, datée du 12 mai 1992, et

11 signée par Momcilo Krajisnik, en sa qualité de président de cette assemblée

12 populaire ou cette assemblée nationale. Dans la pièce à conviction en

13 question, Monsieur Kljuic, dans le premier paragraphe, il est dit : "Les

14 objectifs stratégiques voire les priorités du peuple serbe en Bosnie-

15 Herzégovine sont doubles : d'une part, établir des frontières de l'Etat

16 séparant le peuple serbe des deux autres communautés ethniques," et,

17 ensuite, l'on cite encore cinq objectifs.

18 Lorsque la décision a été rendue par l'assemblée, M. Krajisnik, a dit

19 ce qui suit. Je vais vous le citer. Cela figure dans la pièce 65, classeur

20 12, intercalaires 127 et 129. M. Krajisnik a dit à l'assemblée des Serbes

21 de Bosnie ce qui suit : "S'agissant de ces objectifs stratégiques,

22 j'aimerais expliquer parce que j'ai pris part à l'adoption des dits

23 objectifs qu'il convient de faire des choix. Le premier des objectifs est

24 celui qui importe le plus. S'agissant des autres objectifs, je dirais que

25 ces autres objectifs sont des sous- alinéas du premier objectif."

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1 J'aimerais vous demander, à présent, Monsieur Kljuic, de vous

2 concentrer sur ces objectifs stratégiques qui sont devant nous. En

3 particulier, l'objectif numéro 1. A ce sujet, j'aimerais que vous nous

4 relatiez les événements qui se sont déroulés en Bosnie avant le 12 mai en

5 corrélation avec la politique du SDS et, notamment, en corrélation avec cet

6 objectif stratégique numéro 1.

7 R. Ce qui est tout à fait clair, c'est que cette décision-là constitue un

8 fragment de la politique globale de Belgrade parce que la direction du SDS

9 de Bosnie-Herzégovine avait été chargée de la réalisation d'un fragment du

10 projet relatif à la Bosnie-Herzégovine. Pour illustrer l'exactitude de

11 cette assertion, nous citerons le quatrième alinéa de cette décision, où il

12 est question explicitement d'établir des frontières sur la Una et la

13 Neretva. C'était là les aspirations maximales de Milosevic pour ce qui

14 était de créer une grande Serbie. Cette décision rendue officielle en date

15 du 12 mai, ceci pour des raisons probablement de nature des plus pratiques,

16 visait à faire en sorte que, dans les conflits armés, les hommes voient

17 bien que ce qu'ils font est, effectivement, permis et est, effectivement,

18 approuvés par ce document-ci, chose qui devait certes écarter tout doute

19 dans l'esprit des gens qui portaient fusils. En effet, l'idée de cette

20 séparation en tant que telle n'est pas naturelle. En Bosnie-Herzégovine,

21 les communautés ne sauraient être dissociées en aucune façon sans qu'il y

22 ait recours à la force, et force brutale, dirais-je, car le malaxage -- le

23 brassage des populations étaient si grand que dans certaines familles même,

24 et la chose a été fréquente, il y avait des gens qui appartenaient à des

25 groupes ethniques différents.

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1 D'autre part, cette idée de séparation par la force des différentes

2 communautés sous-entendait la destruction de l'Etat de Bosnie-Herzégovine.

3 A l'époque où ceci a été publié, l'Etat de Bosnie-Herzégovine était déjà

4 internationalement reconnu. Dix jours après cette décision, nous allions

5 devenir membre des Nations Unies en même temps que la Slovénie et la

6 Croatie.

7 Pour finir, je dirais que cette décision illustre, de façon claire, que ce

8 qu'ils avaient souhaité faire, avait impliqué la conscience du recours à la

9 force. Pour illustrer, je citerais l'alinéa 2 où il est question de

10 l'obligation de s'assurer un corridor entre la Bosnie occidentale et la

11 Semberija. Etant donné que ce corridor passait par des municipalités ou des

12 localités avec majorité croate et bon nombre de Musulmans, ce corridor ne

13 pouvait être mis en place par des moyens pacifiques.

14 Peut-être cela a-t-il constitué une surprise pour l'opinion publique,

15 mais s'agissant de ceux qui ont suivi l'évolution des événements en ex-

16 Yougoslavie, et notamment en Bosnie-Herzégovine, ledit document, peut-être

17 pas dans cette forme mais avec des formulations aussi précises, était

18 toutefois connu comme faisant partie d'un plan général qui était celui de

19 Slobodan Milosevic visant à mettre en place une grande Serbie.

20 Q. Monsieur Kljuic, ces objectifs que vous avez sous les yeux et qui ont

21 été proclamés en date du 12 mai ont-ils, en réalité, exprimé ou concrétisé

22 la politique de la direction des Serbes de Bosnie, est-ce là l'expression

23 de ce que les Serbes de Bosnie, y compris M. Krajisnik, vous ont communiqué

24 comme étant l'objectif poursuivi ?

25 R. Ceci constitue, en réalité, le programme politique du SDS. Sauf qu'ici,

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1 il se trouve systématisé et aligné avec précision suivant dans l'ordre

2 d'importance des points couchés sur le papier. Il n'a jamais auparavant été

3 présenté de la sorte. Au travers du comportement politique au quotidien et

4 au travers de l'insistance sur certains points, on peut voir que cela

5 faisait, depuis un bon moment déjà, parti du programme dont il est

6 question.

7 Dans tout le comportement politique qui s'est ensuivi quelques mois

8 après les élections jusqu'à l'agression, le comportement politique et le

9 comportement sur le terrain avec ces violences se trouvaient être en

10 conformité avec la teneur desdites décisions.

11 Q. Après la proclamation de ces objectifs stratégiques, comment les

12 événements se sont-ils déroulés sur le terrain à l'égard de ce que

13 constituait la séparation, la division des communautés ethniques non-

14 serbes ?

15 R. Après le 2 mai, qui est considéré comme étant la date du début de

16 l'agression, les actions, les opérations militaires des Serbes de Bosnie,

17 qui ont été synchronisées avec les activités de l'armée populaire

18 yougoslave, des Unités paramilitaires et de la population locale en arme, a

19 été une chose terrible. D'abord, les gens étaient dans la confusion; ils ne

20 s'attendaient pas à ce que les voisins les chassent de chez eux. Ensuite,

21 il a été, à ce moment-là, commis des crimes terribles, parce que dans une

22 attaque militaire bien préparée à l'avance, les Serbes de Bosnie ont

23 conquis une grande partie du territoire.

24 Il y a des preuves abondant dans le sens de ce qui pourrait être dit, à

25 savoir que dès juin 1992, ils avaient sous leur contrôle pratiquement

Page 6185

1 quelques 70 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine. En vue d'accomplir ou

2 de réaliser cet objectif-là, il a été commis bon nombre de crimes. Les non-

3 Serbes qui ont eu la possibilité d'être déportés ont pu s'estimer heureux,

4 déportés s'entend aller voir l'extérieur des territoires serbes. Il

5 s'entend que bon nombre de ces gens ont dû payer cette liberté, et tout à

6 chacun a dû renoncer à ses biens matériels.

7 Cette guerre éclair, cette blitzkrieg contre la population dépourvue

8 d'armes et prise au dépourvu, qu'ils ne pouvaient pas s'attendre à ce que

9 tout ceci prenne cette tournure, a encouragé Karadzic et sa direction, la

10 direction du SDS, à poursuivre leur façon d'énoncer des ultimatums. Cette

11 politique, sous l'égide de Slobodan Milosevic, sera prédominante en été

12 1992 à la conférence de Londres tout d'abord et, par la suite, durant

13 toutes les négociations où nous avons eu des médiateurs : d'abord, Vance et

14 Owen, puis Owen et Stoltenberg. Ces négociations se sont déroulées à Genève

15 pendant une assez longue période de temps.

16 Ce qui a horrifié le monde et ce qui nous a horrifié nous-mêmes, parce que

17 nous ne nous attendions pas à cela, c'était l'envergure, l'intensité, les

18 modalités de la perpétration de ces crimes. Des centaines de milliers de

19 gens ont dû fuir. Bon nombre d'entre eux ont été tués sur le palier de leur

20 maison. En raison de la supériorité militaire qui était la leur, dans les

21 grandes villes, notamment, Sarajevo, où j'ai passé ces quatre années de

22 guerre, ces grandes villes ont été exposées à des pilonnages au quotidien

23 et aux tirs de tireurs isolés.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.

25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, la question a été

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1 d'ordre très général. Cela vient de disparaître de l'écran. Pour ce qui est

2 des événements sur le terrain en corrélation avec le partage, c'est si

3 vague qu'on convie le témoin a relaté tout ce qui s'est passé en

4 Yougoslavie et en Bosnie-Herzégovine, à l'époque. J'exagère peut-être un

5 peu, mais c'est une question précisément de cette nature-là. En réalité,

6 cela implique toute une série de questions pour ce qui est de savoir

7 jusqu'où devrait aller le témoin dans la présentation de son témoignage sur

8 ces sujets.

9 Par analogie à ce que nous avons pris en considération hier, lorsque la

10 question s'est posée de savoir quel est le fondement, la base factuelle, la

11 Chambre de première instance a indiqué qu'elle avait autorisé M. Harmon à

12 bénéficier d'une souplesse considérable pour ce qui était de poser des

13 questions d'ordre général pour explorer les bases factuelles par la suite

14 ou faire l'inverse. Toujours est-il que cela doit être fait ? Pour ce qui

15 est de ce témoin-ci, Monsieur le Président, nous entrons dans un domaine où

16 il est importe extrêmement, tout d'abord, de limiter le témoignage du

17 témoin à ce qu'il sait lui-même. De deux, Monsieur le Président, il faut

18 confiner cela pour exclure les documents où d'autres témoins ont témoigné

19 ou viendront témoigner de façon bien plus appropriée sur ces documents.

20 Pour moins qu'on puisse dire, ces questions générales qui nous conduisent à

21 des réponses d'ordre général doivent être sous-tendues par des questions

22 spécifiques, des questions concrètes qui permettront à tout à chacun,

23 notamment, aux Juges de la Chambre, de comprendre d'où ce témoin-ci

24 puisait-il ses informations pour savoir quelles sont les limites de son

25 savoir et sa source d'informations.

Page 6187

1 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je suis plus que

2 content de répondre à la description des qualifications de

3 M. Kljuic, qui nous dit qu'entre avril 1992 à octobre 1993, il était

4 président de la communauté d'Etat pour la collecte des informations

5 relatives aux crimes de guerre. En cette commission, en sa qualité de

6 membre, il y est resté jusqu'à la fin de 1993. J'estime que

7 M. Kljuic se trouve être parfaitement bien informé des crimes qui se sont

8 produits sur le terrain.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Laissez-nous vous demander, Monsieur

10 Kljuic.

11 Pour que vous nous indiquiez clairement s'agissant de cette réponse assez

12 ample que vous avez faite, les connaissances qui sont les vôtres vous sont-

13 elles parvenues parce que vous étiez membre de cette commission ou avez-

14 vous d'autres sources ? Pouvez-vous nous dire quelles ont été vos sources

15 d'informations à ce jour ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] D'abord, mes sources proviennent des

17 recherches personnelles; ensuite, des informations politiques qui me

18 parvenaient en ma qualité de membre de la direction de l'Etat;

19 troisièmement, les informations qui me parvenaient ou qui parvenaient à la

20 commission chargée de la collecte des éléments de preuve sur la

21 perpétration des crimes de guerre dont j'étais président, ensuite membre

22 seulement, qui a œuvré suivant les conseils de Wiesenthal, parce qu'elle a

23 été créée dès le 24 avril, dont les informations étaient celles qui

24 venaient des personnes qui ont survécu, des personnes qui ont été victimes

25 de ces crimes. A ce moment-là, à l'époque, la commission a revêtu une

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1 importance très grande; je n'ai été que son président. Les créateurs

2 véritables et les collecteurs véritables de ces informations étaient les

3 avocats les plus célèbres de Bosnie-Herzégovine; c'étaient des jeunes

4 juristes. La commission, chose très importante, elle avait une composition

5 pluriethnique. Cela, par la suite, ne sera plus le cas. Nous avons, des

6 journées durant, eu l'occasion de voir des programmes de télévision,

7 écouter les programmes radio. Je dois vous dire que la majeure partie des

8 informations nous provenait de la télévision et de la radio des Serbes de

9 Bosnie, qui n'ont jamais dissimulé ce qui se passait sur le terrain. Je

10 pense, pour ma part, que toute personne ayant souhaité s'informer, pouvait

11 collecter suffisamment d'informations quant à ce qui se passait en Bosnie-

12 Herzégovine.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, partant de la diversité

14 des sources utilisées par le témoin et pour ce qui est des différences très

15 probables dans la qualité de ces différentes sources d'informations, étant

16 donné que les médias, comme source, peuvent avoir des points différents en

17 ce qui concerne ces rapport, je vous demanderais d'essayer d'avoir plus

18 d'informations sur les sources dont se sert le témoin.

19 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, oui, je serais heureux

20 de le faire.

21 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, oui. Quoiqu'il soit

22 exact de dire que M. Kljuic, en sa qualité de président de cette

23 commission, est une chose qui a été mentionnée dans son curriculum vitae.

24 La chose est quelque peu différente pour ce qui est de la situation dans

25 laquelle il se trouve à présent où il est ici pour s'efforcer de fournir

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1 des éléments de preuve assez vastes. Cela fait partie de la catégorie

2 d'informations tirées de ce qui a été sa position. C'est là un pas au-delà

3 de ce qui pourrait être collecté partant de son expérience personnelle. Il

4 s'agit d'un domaine, d'un secteur si vaste, que nous ne pensons pas que

5 cela doive faire forcément faire partie du témoignage en tant que tel.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons donné des instructions à M.

7 Harmon.

8 Monsieur Harmon, veuillez continuer.

9 M. HARMON : [interprétation]

10 Q. Monsieur Kljuic, serait-il juste de dire que les événements de

11 Bijeljina ont été une sorte d'introduction ou d'avant-propos à ce qui

12 devait se passer par la suite, pendant la guerre ?

13 R. C'est exact. C'était une sorte de message pour dire que tous ceux qui

14 ne se conformeraient pas aux directives et aux ordres du SDS, allaient

15 connaître le sort de ces Musulmans de Bijeljina.

16 Q. A présent, j'aimerais vous montrer un autre passage vidéo. M. HARMON :

17 [interprétation] Messieurs les Juges, il s'agit d'un enregistrement de la

18 34e session de l'assemblée des Serbes de Bosnie. La date est celle du 27

19 août 1993. Nous avons une transcription de ceci, qui a été communiquée aux

20 interprètes dans leur cabine respective. Dès que cette transcription sera

21 distribuée, nous nous proposerons de vous le passer.

22 Q. Une fois que nous verrons ces images, Monsieur Kljuic, je me

23 proposerais de vous poser des questions concrètes sur une partie très

24 concrète de ce clip.

25 Je crois que nous pouvons voir l'enregistrement vidéo en question.

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1 [Diffusion de cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [Voix sur voix]

3 [problème technique]

4 M. HARMON : [interprétation] Je n'entends rien, toujours rien. Nous voyons

5 sur la vidéo les lèvres de l'intervenant bouger, mais il n'y a pas de son.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends pas non plus. Mais vous

7 avez votre expert en matière technique à vos côtés.

8 M. HARMON : [interprétation] Oui. Peut-être allons-nous reprendre depuis le

9 début.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, comme vous le savez, je

11 ne suis pas un magicien. Il serait peut-être bon de voir si vous auriez des

12 copies de ces séquences vidéo plutôt que de chercher dans tous les disques

13 durs pour essayer de régler le problème en diffusant la séquence sur CD-

14 ROM.

15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai l'impression que

16 j'interromps quelque chose. Pendant que ce travail est en cours, j'aimerais

17 peut-être ajouter quelques mots à ce que j'ai dit il y a quelques instants.

18 Ce que j'aimerais, c'est appeler très précisément l'attention des Juges de

19 la Chambre sur le résumé

20 65 ter qui a été fourni avant l'audition de ce témoin. Peut-être aimeriez-

21 vous, Messieurs les Juges, vous pencher plus précisément sur ce document

22 car ces résumés, au titre de l'Article 65 ter du règlement, ont un

23 objectif. Les éléments que nous entendons depuis dix à 15 minutes vont, à

24 notre avis, bien au-delà du cadre fixé par l'Article 65 ter, dont nous

25 savons qu'il a principalement pour objet de permettre d'obtenir à l'avance

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1 une indication assez large, mais une indication tout de même des sujets qui

2 vont être abordés au cours de l'interrogatoire. Personne n'a la moindre

3 objection à ce qu'une certaine flexibilité soit respectée quant aux limites

4 de ce domaine. De temps en temps, bien sûr, il est tout à fait normal que

5 des sujets supplémentaires soient proposés dans le cadre de ces limites

6 très larges qui sont fixées par l'Article 65 ter du règlement. C'est une

7 question tout à fait différente de celle qui nous intéresse ici, parce que

8 ce que nous avons obtenu, ce sont des informations, des éléments de preuve

9 qui vont bien au-delà du cadre fixé.

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il semble que j'ai deux

11 versions du document. Il y a peut-être de légères différences entre les

12 deux. Je ne m'explique pas cela dans l'immédiat. Je pense que ce qui s'est

13 passé c'est que, très souvent, on a une première version, ensuite, une

14 deuxième qui est un peu actualisée. Je pense que l'une date de 2001 et

15 l'autre de 2002. Je parle des versions de ces résumés. Serait-il utile que

16 les Juges se penchent plus longuement sur ces documents ?

17 [L Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre aimerait que ces documents

19 lui soient fournis pendant la prochaine pause.

20 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, pendant la

21 prochaine pause.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, pendant la prochaine pause.

23 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie. Nous nous organiserons dès

24 que possible.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

Page 6192

1 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je m'excuse. Est-

2 ce qu'on pourrait avoir une pause de quelques minutes pour essayer de

3 résoudre ce problème aussitôt que possible ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons -- la Chambre

5 restera --

6 M. HARMON : [interprétation] Je m'excuse. Il m'a dit qu'il est

7 arrivé. On va voir s'il y a du son.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voyons s'il fonctionne.

9 M. HARMON : [interprétation] prenons une pause, Monsieur le

10 Président. Je pense que -- Monsieur le Président, je pense qu'il serait

11 approprié de prendre une pause. Merci.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Ce qu'on peut faire c'est de

13 prendre une pause maintenant et recommencer à 10 heures 30, puis continuer

14 -- prenons une pause de 25 minutes et cherchez des techniciens, Monsieur

15 Harmon.

16 --- L'audience est suspendue à 10 heures 07.

17 --- L'audience est reprise à 10 heures 37.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, si je comprends bien,

19 le problème technique n'a pas été résolu, et vous avez l'intention de nous

20 aider en recourant à d'autres moyens. Cela c'est le premier point.

21 Deuxième point, pendant la pause, la Chambre a examiné le résumé au

22 titre de l'Article 65 ter relatif à ce témoin, c'est un résumé très large

23 qui couvre des questions très diverses. Si l'on tient compte du moment où

24 ce résumé, au titre de l'Article 65 ter, a été établi, ainsi que les

25 déclarations subsidiaires fournies plus tard à la Défense, la Chambre

Page 6193

1 estime qu'il n'y a aucune nécessité de traiter de cette question selon les

2 lignes indiquées par vous. Poursuivons donc.

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais simplement

4 pouvoir m'exprimer en quelques mots sur la question parce que j'ai remis le

5 résumé 65 ter pour permettre aux Juges de le lire.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez aussi ajouté quelques mots à

7 ce sujet.

8 M. STEWART : [interprétation] A l'avance, oui, Monsieur le Président. Je me

9 suis, finalement, arrêté pensant que cela ne valait pas la peine de vous

10 donner un avis plus détaillé tant que vous n'aviez pas lu ces quelques

11 feuilles.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si je me souviens bien, mais nous

13 pourrons vérifier. Vous nous avez dit que, sur la base du résumé au titre

14 de l'Article 65 ter, il n'était pas acceptable de traiter des questions --

15 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est bien ce que

16 j'ai dit. C'était mon propos de base. Ce que je n'ai pas fait, à l'époque,

17 c'est dire aux Juges de la Chambre quels sont les aspects précis du résumé

18 où les Juges risqueraient d'être lésés, s'ils ne les lisaient pas. J'ai dit

19 quel était mon point de vue, mais j'aimerais, tout de même, parler plus

20 avant du résumé pour m'exprimer complètement sur le sujet.

21 [La Chambre de première instance se concerte]

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a fondé sa décision sur vos

23 observations initiales. Sur ce sujet, les Juges ont lu le résumé au titre

24 de l'Article 65. Si vous voulez ajouter quelque chose vous avez toute

25 liberté de le faire, mais vous êtes invité à le faire par écrit.

Page 6194

1 M. STEWART : [interprétation] Messieurs les Juges, Monsieur le Président,

2 comment est-ce que j'aurais le temps de présenter ce point de vue par écrit

3 puisque le témoin est en train de déposer, même si je devais quitter le

4 prétoire, ce qui n'est pas tout à fait acceptable de ma part dans les

5 circonstances actuelles ? Comment est-ce que je pourrais faire ce qui m'est

6 demandé, Monsieur le Président, dans le temps que j'ai à ma disposition ?

7 Le témoin est en train de témoigner précisément sur ces questions.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons vérifier ce que vous avez

9 dit au départ.

10 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, avec le respect que je

11 vous dois, vérifier ce que j'ai dit n'apportera pas grand-chose car,

12 Monsieur le Président, j'ai déjà dit lorsque je me suis exprimé la première

13 fois que je n'avais pas l'intention de dire tout ce que j'avais à dire

14 voulant que les Juges puissent, d'abord, se renseigner pleinement sur le

15 contenu du résumé au titre de l'Article 65 ter avant d'entendre mes

16 arguments sur le sujet. Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous

17 approchez très dangereusement du moment où on exclut la possibilité pour la

18 Défense de s'exprimer sur un point toutefois très important.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous admettons que vous avez

20 principalement appelé l'attention des Juges sur l'Article 65 ter, bien que

21 vous ayez déjà indiqué que le résumé au titre de l'Article 65 ter allait

22 bien au-delà du champ qu'il aurait dû respecter. Vous avez quelques

23 instants pour vous exprimer oralement dans l'immédiat.

24 Veuillez procéder.

25 M. STEWART : [interprétation] Oui, merci, Monsieur le Président. Le point

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1 principal du document au titre de l'Article 65 ter et, puisque j'ai deux

2 minutes, je vais essayer de m'acquitter de ma tâche dans ce délai. Le

3 témoin n'indique pas, ou plutôt, le résumé au titre de l'Article 65 ter

4 n'indique pas que la déposition du témoin portera, y compris, sur les

5 aspects détaillés du travail de la commission chargée d'enquêter sur les

6 crimes de guerre ou sur les informations fournies par lui dans ce domaine.

7 Le résumé ne contient pas un seul paragraphe qui porte sur ce sujet. En

8 toute équité, nous aurions pu, au moins, être informé de tous les domaines

9 qui seraient couverts au cours de cet interrogatoire, à savoir les aspects

10 événementiels de la guerre et les aspects abordés par le témoin plus tard

11 qui semblent reposer pour certains sur ces informations recueillies au

12 moyen du travail du témoin au sein de cette commission d'enquête sur les

13 crimes de guerre. Il n'y a rien qui indique en toute équité que nous étions

14 censés entendre des détails sur ce sujet et que ce thème ferait partie de

15 la déposition du témoin.

16 Monsieur le Président, c'est le point principal que je souhaitais

17 porter à votre attention.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon.

19 M. HARMON : [interprétation] Le témoin décrit en termes généraux ce qui

20 s'est passé en Bosnie-Herzégovine. Nous avons déjà entendu des témoins de

21 crimes commis pendant la guerre et qui ont parlé de ce fait particulier. M.

22 Kljuic nous propose des observations plus générales et plus synthétiques au

23 sujet de ce qui s'est passé. Il n'ajoute aucun détail supplémentaire par

24 rapport aux 30 ou 40 autres témoins qui ont décrit ces mêmes événements

25 dans tous leurs détails particulièrement douloureux.

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1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, s'il s'en tient là et

2 qu'il ne va pas plus avant dans cet aspect de son audition, nous n'aurons

3 plus besoin de nous occuper de cette affaire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon --

5 M. HARMON : [interprétation] Il ne sortira pas de ce champ bien défini.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, la question est réglée.

7 Madame l'Huissière, veuillez escorter le témoin dans le prétoire.

8 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez procéder, Monsieur Harmon.

10 M. HARMON : [interprétation] Je vous remercie.

11 Q. Monsieur Kljuic, toutes nos excuses pour ces problèmes techniques. Nous

12 allons maintenant diffuser, à votre intention, une séquence vidéo qui

13 montre les images de la 34e session de l'assemblée des Serbes de Bosnie. La

14 diffusion qui devait se faire n'est pas possible, donc je vais lire la

15 transcription de ce qui a été dit lors de cette session et vous poser,

16 ensuite, quelques questions. Je commence ma lecture :

17 "Momcilo Krajisnik : M. Rajko Kasagic a la parole, M. Dragan Micic se

18 prépare.

19 Rajko Kasagic : Mesdames et Messieurs, en ce moment difficile, il est

20 difficile de faire preuve de sagesse. On devrait être devin pour dire ce

21 qui sera fait. Toutefois, la présente assemblée a toujours adopté, dans le

22 plus grand sérieux, un certain nombre de décisions, et en particulier,

23 celle qui vient d'être adoptée. Par conséquent, à mon avis, quiconque

24 dirait que --" et la phrase est interrompue.

25 "Je suis avocat, un certain pourcentage de décisions sont mises en

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1 œuvre par la voie des tribunaux, et un certain pourcentage ne l'est pas. La

2 mise en place et l'application des décisions dépendent de la force de

3 l'Etat. Lorsqu'un Etat qui veille à l'existence d'un Etat de droit est

4 fort, alors toutes les décisions doivent être appliquées. Ceci est un jeu

5 auquel jouent la communauté internationale et le monde contre le peuple

6 serbe. Dans la division du monde, comme ils l'appellent, dans ce nouvel

7 ordre international, il existe des cartes géographiques où, dans les

8 régions où nous sommes, ne figurent pas un seul Serbe. Nous voyons un autre

9 piège pour les Serbes, qui a été construit au moment de gloire de Broz, M.

10 Karadzic a dit, au moment de 'la gloire de Broz'. Ils ont reconnu la nation

11 musulmane, et nous pensions, c'est ce qu'on nous a dit à l'époque, que

12 c'était un geste de démocratie. Mais cette reconnaissance n'a pas été sans

13 conséquence. Nous entendons même dire que le monde islamique a reçu

14 beaucoup d'argent. A quelle fin ? Parce que leur propre Etat, parce que

15 chaque peuple a le droit à son Etat. Ils ne s'intéressent pas simplement à

16 cette petite enclave que l'on voit sur notre territoire dans l'ex-Bosnie-

17 Herzégovine. Regardez les poches qui entourent la Drina, et regardez cette

18 partie du corridor de Posavina. Il y a des poches où ceux qui sont

19 favorables à la dispersion des Serbes et à la création d'un monde islamique

20 dans ces régions, dans leur Etat, sont constamment prêts à sauter sur leurs

21 pieds pour combattre le peuple serbe. Pourquoi ? Leur pétrole est bon

22 marché. Il coûte 0,55 dollars [comme interprété] le baril. Parce que les

23 mines ici sont bon marché en comparaison avec les 18 dollars que le baril

24 coûte dans d'autres régions. Ils ne s'intéressent pas au peuple serbe ou à

25 l'amitié, à ces siècles d'amitié que certains invoquent. Ils ne

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1 s'intéressent même pas aux relations commerciales qui existaient. Ils

2 s'intéressent à la situation d'aujourd'hui, au pétrole d'aujourd'hui. Je

3 pourrais, par conséquent, dire, en plaisantant avec sérieux, que nous

4 allons nous séparer pour les siècles et les siècles, même si je pense qu'il

5 n'y aura aucune paix dans ces régions. Cette appréciation est partagée par

6 certains de mes amis qui sont militaires. Ils en savent beaucoup plus à ce

7 sujet. Regardez qui paient, les Serbes de Sarajevo et les Serbes de la

8 Krajina. J'admets une Krajina bosniaque, mais je renvoie à la Krajina de

9 Banja Luka pour distinguer cette Krajina de la République serbe de Krajina.

10 Nous sommes isolés. C'est ce contre quoi nous nous sommes battus. Nous nous

11 sommes battus pour un état de Krajina, pour l'unité, pour l'Etat unifié de

12 tous les Serbes dans les régions de l'ancienne Bosnie-Herzégovine. Nous

13 sommes, aujourd'hui, en train d'obtenir ce contre quoi nous nous sommes

14 battus. Nous sommes isolés à Brcko, et je pense que nous ne pouvons

15 admettre ces cartes telles qu'elles sont.

16 Pour le moins, les frontières doivent se trouver là où elles sont

17 actuellement sur la Vrba. Ils ne peuvent pas bouger d'un pouce dans la

18 direction de Brcko, parce que toutes sortes d'infrastructures doivent

19 passer par ces régions. Si nous savons déjà que nous devons nous préparer à

20 la guerre contre cet ennemi qui a des visées expansionnistes pour le monde,

21 comment pourrons-nous nous armer. Il est facile d'introduire des armes en

22 provenance de Roumanie et même de Hongrie. Nous n'avons pas mené la guerre

23 contre eux, mais nous menons la guerre avec les gens qui sont ici. Comment

24 pouvons-nous nous armer en passant par Brcko, et notamment cette

25 démilitarisation dont ils parlent, je pense qu'elle a été précisément

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1 préparée, l'Amérique qui l'a préparée à l'époque de Broz, avec le monde

2 arabe, pour leur donner un état. Personne n'abandonnera la guerre si cette

3 partie de Brcko devait être donnée en cadeau. Selon l'accord conclu dont

4 ils parlent, l'annexe A, deuxième partie, si une république quitte la

5 Bosnie-Herzégovine, la Fédération --"

6 Et bien : "Elle demeure en Bosnie-Herzégovine. Je conclus que c'était

7 Sarajevo, même si je n'ai pas vu clairement ce qui figurait à l'annexe A,

8 deuxième partie, et ce que cela signifiait. Si nous devons céder cela, et

9 notre deuxième rêve, la deuxième étape de la séparation et de la jonction

10 avec les états serbes, nous séparer complètement et n'avoir aucun organe

11 conjoint avec ceux contre qui nous nous battons au cours de la guerre

12 aujourd'hui. Donnons ce Sarajevo, qui nous appartient, et faisons-leur

13 payer aussi cher que possible pour cela. Je ne suis pas un patriote, un

14 patriote local, mais je pense à notre unité qu'il nous faut réaliser, sans

15 parler de notre fortune à l'avenir, même si un point d'interrogation se

16 pose à ce sujet. C'est ce que je souhaitais dire. Merci.

17 Momcilo Krajisnik : Je dois intervenir. Ceci est une autre discussion qui

18 n'est pas convenable de mener à présent. Je pense que M. Kasagic, ainsi que

19 M. Micic, parle de quelque chose qui vraiment n'est pas acceptable.

20 D'abord, il y a 150 000 Serbes à Sarajevo. Deuxièmement, il y a des

21 ressources que nous devons préserver. Troisièmement, les gens ont

22 sauvegardé cela et ils ont accepté une solution temporaire. Je ne pense pas

23 qu'il soit convenable de faire de nouvelles propositions à présent. Bien

24 que Rajko soit un très bon ami à moi, je souhaite lui demander de ne pas

25 présenter de telles propositions, notamment puisque nous sommes convenus de

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1 préserver cette partie de la Sarajevo serbe où un grand nombre de personnes

2 ont été tuées. Mais ceci n'a pas été rendu public largement, et à présent,

3 tous ces députés gardent le silence parce qu'ils pensent que quelqu'un

4 d'autre règlera cela à leur place. Si vous souhaitez que je dise cela,

5 Messieurs, les Musulmans -- les Croates ont cherché -- et les Musulmans ont

6 cherché une municipalité à Banja Luka. Nous n'avons pas accepté parce que

7 notre territoire doit être propre. Je tiens à vous dire de ne pas échanger

8 les territoires lorsque vous ne maîtrisez pas les choses. Je dois réagir

9 bien qu'il ne soit pas convenable que je réagisse de l'endroit où je me

10 trouve, en tant que président de l'assemblée. J'ai pensé que M. Micic était

11 en train de plaisanter. Mais maintenant, je vois que ceci se développe en

12 une discussion de plus en plus approfondie au sujet de l'abandon de 150 000

13 Serbes contre une quinzaine de villes avec 15 000 habitants. Je tiens à

14 dire, très sérieusement, que des propositions sérieuses ont été faites, que

15 nous n'avons pas

16 -- je ne suis pas habitué à parler sur ce ton. Poursuivez --

17 Voix d'homme : Je souhaite simplement poser une question. Qu'est-ce

18 que l'annexe 2, partie 2 ?

19 Momcilo Krajisnik : Je ne sais pas. Vous le verrez dans le

20 document écrit.

21 Voix d'homme : Je pense que c'est Sarajevo que nous la proposons

22 gratuitement.

23 Momcilo Krajisnik : Nous ne la proposons pas gratuitement. En fait, il y

24 aura une solution provisoire pendant deux ans, et chacun restera où il est.

25 Voix d'homme : Et bien, le problème ne sera jamais réglé alors.

Page 6201

1 Momcilo Krajisnik : Et je vous en prie de ne pas --

2 Voix d'homme : -- interrompant --"

3 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit "inaudible".

4 "Momcilo Krajisnik : Je vous prie si cela vous intéresse. Si Sarajevo

5 vous intéresse, il y a des députés ici. Pendant deux ans, Sarajevo sera une

6 solution provisoire, et chacun restera là où il habite. Il n'est vraiment

7 pas acceptable de discuter du fait de savoir si les Serbes s'en tiendront à

8 cela ou pas. Si nous cèderons cette zone ou pas. Regardez quelle est la

9 grande taille de ce secteur, si nous commençons à discuter maintenant nous

10 n'accomplirons rien. Continuez, il s'adresse à Micic qui attend pour

11 parler.

12 Dragan Micic : Monsieur le Président, cher député et --"

13 M. HARMON : [interprétation] J'ai terminé ma lecture de cette partie de la

14 transcription des propos tenus au cours de la 34e session de l'assemblée

15 des Serbes de Bosnie, le 22 août 1993.

16 Q. Monsieur Kljuic, j'appellerais votre attention sur une partie des

17 commentaires faits par M. Krajisnik. Après quoi j'aimerais que vous

18 réagissiez à ces commentaires, en nous disant quel est le rapport qu'ils

19 ont avec les objectifs stratégiques. J'aimerais vous relire le passage

20 précis qui m'intéresse. Il s'agit de M. Krajisnik qui est en train de

21 parler. Je cite :

22 "Momcilo Krajisnik : Si vous souhaitez m'entendre le dire, Messieurs,

23 les Musulmans, les Croates ont cherché et les Musulmans ont cherché à

24 obtenir une municipalité à Banja Luka. Nous ne l'avons pas accepté parce

25 que ce territoire est à nous, et doit être propre."

Page 6202

1 Pourriez-vous, je vous prie, commenter cette déclaration de

2 M. Krajisnik en 1993, et nous dire quel est le rapport entre cette

3 déclaration et les objectifs stratégiques ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je remarque que les interprètes français

5 ont terminé.

6 M. HARMON : [interprétation]

7 Q. Monsieur Kljuic, avez-vous entendu ma question et, si oui, veuillez

8 répondre ?

9 R. Oui. J'ai entendu. Cette séance de l'assemblée serbe s'est tenue au

10 cours de l'été 1993, et en parallèle, des pourparlers de paix se menaient à

11 Genève. Les pourparlers de paix de Genève se sont déroulés en plusieurs

12 phases, et de nombreuses propositions y ont été faites, notamment,

13 s'agissant des cartes de la division de la Bosnie. Or, à l'assemblée des

14 Serbes de Bosnie, il y a deux choses qui montrent clairement que les Serbes

15 faisaient face à un dilemme. Ils étaient motivés par le fait qu'ils

16 possédaient certains territoires, des territoires à Sarajevo et dans les

17 environs de Sarajevo, et ceux qui étaient dans les environs de Sarajevo ne

18 souhaitaient pas être échangés contre des territoires situés ailleurs.

19 Alors que ceux qui étaient hors de Sarajevo n'avaient pas tout à fait le

20 même sentiment, n'avaient pas la même affection pour la ville de Sarajevo,

21 et étaient peut-être plus d'accord pour qu'on échange Sarajevo afin

22 d'obtenir d'autres territoires. Mais, pour moi, c'est le principe qui

23 appliquait M. Krajisnik qui me parait tout à fait important. J'aimerais

24 vous rappeler que dans la ville de Banja Luka, par exemple, il y avait 60

25 000 Croates et Musulmans qui habitaient dans cette ville, et ils ne

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1 pouvaient pas obtenir une municipalité, non pas parce qu'ils ne méritaient

2 pas une municipalité compte tenu de leur importance numérique, mais parce

3 que les Serbes voulaient une municipalité monoethnique, pur sur le plan

4 ethnique.

5 Cette idée de territoire pure sur le plan ethnique a été la cause et

6 l'une des raisons du nettoyage ethnique qui a été mis en pratique sur le

7 territoire sous le contrôle serbe par la suite.

8 Q. Quel est le rapport entre cela, Monsieur Kljuic, entre ce caractère

9 ethniquement pur des territoires et l'objectif stratégique numéro 1

10 promulgué le 12 mai ?

11 R. Les secteurs géographiques qu'ils avaient planifiés d'investir, à

12 commencer par la République serbe de Bosnie-Herzégovine et dans le débat,

13 vous avez entendu parler de la Krajina serbe qui existait déjà sur le

14 territoire de la Croatie. La phase finale, de la réalisation des objectifs

15 serbes prévoyait que tous ces territoires devaient être réunifiés pour ne

16 former qu'un seul et même Etat. C'était bien l'objectif poursuivi par

17 Milosevic qu'il a exprimé dans le message émis par lui avant la guerre,

18 lorsqu'il a dit que tous les Serbes devaient vivre dans un seul et même

19 Etat. Pour tous ceux qui s'occupent de politique et d'histoire, il est bien

20 connu qu'il y a 65 ans. Il y a un homme en Allemagne qui a déjà dit que

21 tous les Allemands devaient vivre dans un seul et même Etat. A partir de

22 là, il ne pouvait y avoir de place pour d'autres peuples. A Banja Luka, il

23 ne pouvait plus y avoir de place pour 60 000 Croates et Musulmans.

24 Q. Monsieur Kljuic, pourriez-vous dire aux Juges de cette Chambre, quelle

25 était la position de M. Krajisnik après les accords de Dayton, après la

Page 6204

1 séparation entre les différents groupes ethniques ?

2 R. Voyez-vous, après l'élimination de Krajisnik, qui n'a même pas mis les

3 pieds à Dayton, M. Krajisnik est devenu le numéro 1 des Serbes de Bosnie

4 et, en tant que tel, il est entré au sein de la présidence de Bosnie-

5 Herzégovine composée de trois membres en 1996. C'est le moment où je suis

6 sorti de la présidence, et de nouveaux membres y sont entrés. Le changement

7 résidait dans le fait qu'au lieu de sept membres, comme c'était le cas

8 précédemment, la présidence ne comptait plus que trois membres désormais.

9 Ces trois membres avaient pour obligation de respecter les décisions de

10 Dayton, et il y a une annexe tout à fait capitale des accords de Dayton qui

11 est l'annexe numéro 7, où il est question du retour des réfugiés à leurs

12 domiciles. Cependant, les forces serbes de Bosnie ont été contraintes par

13 la conclusion des accords de Dayton à quitter certains territoires dont

14 elles s'étaient emparés, territoires qui désormais selon les accords de

15 Dayton devaient faire partie de la Fédération.

16 Dans ces territoires se trouvaient aussi des endroits, notamment,

17 certains quartiers de Sarajevo et les environs de Sarajevo comme Grbavica,

18 Hrasnica, Vogosca, Ilijas et d'autres endroits, où des opérations de

19 nettoyage ethnique particulièrement dures avaient eu lieu. Tous ces

20 secteurs sont affectés par les accords de Dayton à la Fédération. Notre

21 présidence annonçait un appel aux Serbes qui n'avaient commis aucun méfait,

22 aucun crime, pour leur dire qu'ils avaient toute l'attitude de rester sur

23 le territoire en question en raison de l'amnistie qui avait été décrétée.

24 Par ailleurs, nous leur garantissions absolument les mêmes

25 droits que chacun sur le territoire de la fédération. Toutefois, une partie

Page 6205

1 de la direction serbe était opposée à ce que ces habitants restent sur le

2 territoire de la Fédération, et je dis bien que pas mal de ces Serbes

3 étaient des Serbes natifs de ces quartiers, Ilijas, Vogosca, et autres,

4 Grbavica et autres. Le passage de ces territoires sous le contrôle de la

5 Fédération a été particulièrement cruel et il s'est fait en raison d'une ou

6 deux municipalités par mois. Mais la direction de Pale a insisté pour les

7 Serbes, qui se trouvaient devant des quartiers désormais ressortir de la

8 Fédération, quittent leur domicile pour aller habiter sur le territoire de

9 la Republika Srpska. Ceci était tout à fait douloureux, c'était un

10 processus totalement dramatique puisque on voyait des gens qui mettaient le

11 feu à leur propre maison pour partir vers l'inconnu. Il y a de nombreux

12 documents et des séquences d'émissions de télévision ainsi que des

13 interviews de Serbes qui montrent bien que ceci s'est fait sur ordre.

14 Q. Quelle était la position du M. Krajisnik par rapport à la volonté

15 éventuelle des Serbes de continuer à résider sur des territoires qui

16 n'étaient plus des territoires serbes ?

17 R. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tout membre de la Présidence

18 qu'il était, il n'a rien fait pour les empêcher d'habiter sur le territoire

19 de la Fédération. Il n'a pas fait un geste, il n'a pas dit un mot en

20 public, en tout cas, pour les inviter ou les inciter à quitter leur maison.

21 Savoir si, personnellement, il a émis des ordres susceptibles de les

22 pousser à quitter la Fédération, je ne saurais le dire, mais ce qui ne fait

23 aucun doute, en tout cas, c'est qu'il était à l'époque l'autorité serbe la

24 plus importante, la première autorité en Bosnie-Herzégovine. Il existe

25 certaines indications pour répondre à votre question, mais, Monsieur le

Page 6206

1 Président, je n'ai rien de précis à vous dire à ce sujet.

2 Q. J'aimerais maintenant votre attention sur un autre sujet, M. Kljuic, à

3 savoir, sur les années 1991 et 1992. Pouvez-vous dire au Juges de la

4 Chambre quelles étaient les sources d'information dont vous disposiez à

5 l'époque et qui rendaient compte d'actes de nettoyage ethnique en Bosnie-

6 Herzégovine ? Dites-nous simplement : quelles étaient ces sources

7 d'information ?

8 R. Un grand nombre de policiers sont restés fidèles à l'Etat de Bosnie-

9 Herzégovine et ces policiers rendaient compte de la situation sur le

10 terrain dans l'accomplissement de leurs fonctions. Par ailleurs, si nous

11 parlons des Croates, nous recevions des renseignements détaillés des nôtre,

12 sur le terrain, qui envoyaient tous les jours des renseignements par fax,

13 pour dire ce qui se passait dans les endroits où ils se trouvaient et

14 qu'ils nous informaient du grand nombre de victimes dans nos rangs, à

15 savoir, des gens qui se faisaient expulser de leur travail, des gens

16 auxquels on confisquait leurs biens et, également, ils rendaient compte de

17 meurtres, de viols et du fait qu'un certain nombre de personnes étaient

18 emmenées dans des camps.

19 Q. Quelles étaient les sources d'information où les média internationaux,

20 que vous aviez à votre disposition en 1991-1992 ou encore des sources

21 autres que la presse internationale dans lesquelles vous trouviez des

22 comptes-rendus de ce genre ? Je parle de nous donner les titres des organes

23 de presse, en particulier.

24 R. Je dois dire que la presse était surtout représentée par des organes de

25 presse britanniques et américains. Il y avait aussi le ministre français,

Page 6207

1 Bernard Kuchner, et d'autres personnes qui se sont rendues en visite

2 officielle sur les territoires sous contrôle serbe, y compris à Sarajevo.

3 Il y avait un journaliste américain qui s'appelait Burns, un autre qui

4 s'appelait Christiane Amanpour, et il y avait d'autres reporters américains

5 qui circulaient sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine, à

6 l'époque.

7 Q. Y avait-il d'autres sources d'information dont vous disposiez, M.

8 Kljuic ? Notamment, le rapport de M. Mazowiecki, le rapport d'organisations

9 non gouvernementales des Nations Unies, de la FORPRONU, du CICR, des

10 organes de presse bosniaques, des organes de presse serbes. Est-ce que

11 toutes ces sources d'information vous apprenaient ce qui se passait sur le

12 terrain en Bosnie en 1991-92 ?

13 R. Absolument. Il y avait toutes sortes de gens, Médecins sans frontières,

14 Pharmaciens sans frontières, d'autres groupe également, des inspecteurs,

15 des enquêteurs des Nations Unies, M. Masowiecki, Bernard Kuchner, dont j'ai

16 déjà parlé; il y avait aussi la FORPRONU qui était neutre en Bosnie-

17 Herzégovine, et qui émettait des bulletins d'information rédigés comme suit

18 : à tel et tel endroit, des coups de feu ont été entendus, par la suite,

19 telles et telles personnes ont été transférées, ceux qui connaissaient les

20 noms, la signification des nombres propres dans la région se rendaient bien

21 compte en lisant la liste des noms qu'il s'agissait toujours de victimes de

22 violence serbe. Quant à M. Masowiecki, il avait reçu un certain nombre

23 d'instructions du conseil de Sécurité des Nations Unies pour mener son

24 enquête en Bosnie-Herzégovine et des inspecteurs, qui l'accompagnaient, ont

25 confirmé la réalité de la situation sur le terrain dans ces régions de

Page 6208

1 Bosnie-Herzégovine sous contrôle serbe.

2 Q. J'ai à présent trois pièces à conviction à vous soumettre. Des

3 rapports des Nations Unies : le premier datant du 28 août 1992, le deuxième

4 du 27 octobre 1992 et le troisième du 17 novembre 1992.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pendant la distribution de ces

6 documents, Monsieur Harmon, je vous demanderais un éclaircissement.

7 M. HARMON : [interprétation] Oui.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Témoin, vous dites qu'un certain

9 nombre des personnes ont pu visiter certains endroits en Bosnie-

10 Herzégovine, mais est-ce que les rapports établis par ces personnes ont été

11 publiés ? Est-ce que vous y aviez accès ?

12 LE TÉMOIN : Oui. Ils ont été publiés dans des magazines américains et John

13 Burns, en particulier, a reçu le prix Pulitzer pour les articles écrits par

14 lui cette année-là. J'ai eu sous les yeux la traduction de ces textes.

15 Q. Vous parlez de publications dans les journaux américains mais qu'en

16 est-il des émissions de télévision ? Est-ce que des émissions de télévision

17 américaines étaient accessibles dans la région ?

18 R. John Burns était reporter du New York Times. C'est la première chose

19 que je vous dirais pour vous répondre. Deuxièmement, j'ajouterais que nous

20 avions également la possibilité de regarder les émissions Sky News et CNN.

21 Christiane Amanpour, un reporter de CNN à Sarajevo, est venue dans la ville

22 à plusieurs reprises en 1992 et elle m'a rendu visite à la présidence entre

23 autre.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaitais simplement savoir, si dans

25 la région, ces émissions étaient captées ? Si vous pouviez les recevoir ?

Page 6209

1 Et vous avez répondu, oui. Je vous remercie.

2 LE TÉMOIN : Oui.

3 M. HARMON : Est-ce que je pourrais avoir des cotes pour les trois pièces

4 que j'ai évoquées tout à l'heure ?

5 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document du 28 août 1992 sera le

6 rapport P295; le rapport du 17 novembre 1992 sera la pièce P296; et le

7 rapport du 27 octobre 1992 sera la pièce P297.

8 M. HARMON : [interprétation] Pourrions-nous remettre des exemplaires en

9 B/C/S au témoin, s'il vous plaît, de ces reportages.

10 Q. Monsieur Kljuic, je souhaite en premier lieu vous demander si vous

11 savez qui est M. Mazowiecki ?

12 R. Oui.

13 Q. C'était l'ancien premier ministre en Pologne, n'est-ce

14 pas ?

15 R. Oui.

16 Q. Je vais lire un extrait, deux extraits de son reportage. Ensuite, je

17 souhaite que vous nous fassiez part de vos commentaires.

18 M. HARMON : [interprétation] Le premier reportage est daté du 27 octobre,

19 P297. J'attire votre attention au paragraphe 6 de ce rapport, daté du 27

20 octobre.

21 Q. Je vais citer à partir du paragraphe 6 : "Le rapporteur spécial partage

22 les mêmes opinions que d'autres observateurs, à savoir que l'objectif

23 principal du conflit militaire en Bosnie-Herzégovine, est la mise en place

24 de régions homogènes au plan ethnique. Le nettoyage ethnique ne semble pas

25 être la conséquence de la guerre, mais plutôt son objectif. Cet objectif a

Page 6210

1 déjà en grande partie été réalisé au vu des passages à tabac, des

2 massacres, des viols, de destructions de maisons et de menaces."

3 Je souhaite, maintenant, vous lire un autre extrait du rapport de M.

4 Mazowiecki. Il s'agit là du rapport daté du 17 novembre 1992, pièce P296.

5 Je vais attirer votre attention et l'attention de la Chambre au paragraphe

6 12 que vous trouverez dans la partie : "Bosnie-Herzégovine, nettoyage

7 ethnique, observations générales." Je vais vous lire un extrait du

8 paragraphe 12.

9 Une partie du paragraphe 12, comme suit : "La prévalence du nettoyage

10 ethnique dans les territoires occupés par les Serbes majoritairement, est

11 certainement liée à l'objectif politique mis en œuvre par les nationalistes

12 serbes, à savoir, s'assurer le contrôle sur tous les territoires habités

13 par un nombre prépondérant de Serbes, en même temps que des territoires

14 annexes et voisins qui y sont annexés pour des raisons militaires et

15 logistiques. Nous devons noter que le nettoyage ethnique n'est pas pratiqué

16 dans les régions où les Serbes sont majoritaires. Dans certaines villes et

17 celles qui font l'objet du nettoyage ethnique, en particulier, comme

18 Prijedor, les Croates et les Musulmans étaient majoritaires."

19 Etes-vous d'accord avec les observations faites par

20 M. Mazowiecki ?

21 R. Oui.

22 Q. Avez-vous lu les rapports de M. Mazowiecki, et est-ce que vous estimez

23 qu'il s'agit là d'éléments objectifs ?

24 R. Oui.

25 Q. Je souhaite, maintenant --

Page 6211

1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, allons-nous entendre

2 le fondement réel ici, à savoir, la connaissance réelle ainsi que la

3 citation des sources de ce témoin pour qu'il lui permettre de faire une

4 réponse aussi générale aux fins d'introduire le cautionnement d'un rapport

5 de ce témoin, qui va bien au-delà du résumé 65 ter et de toute lecture de

6 la déclaration présentée à la Chambre ? Je crois, Monsieur le Président,

7 qu'il s'agit encore une fois d'un cas où nous allons au-delà du cadre.

8 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, le témoignage du témoin

9 portant sur le nettoyage ethnique, a déjà été décrit par M. Kljuic

10 puisqu'il était membre de la commission étatique. Deuxièmement, il a déjà

11 abordé dans le détail les objectifs politiques, puisqu'il a participé au

12 débat avec M. Karadzic,

13 M. Krajisnik, Mme Plavsic de tout cela. Il connaissait fort bien les

14 objectifs cités ici et les objectifs qui ont été décrits dans ce rapport.

15 Par conséquent, il s'agit là du fondement de cette question et le

16 cautionnement des commentaires de M. Mazowiecki journaliste et reporter

17 indépendant.

18 M. STEWART : [interprétation] Je crois qu'il y a 45 minutes, nous avions

19 précisé qu'il n'y aurait pas d'autres éléments portant sur ce domaine

20 présenté par ce témoin. Voilà, nous y sommes.

21 M. HARMON : [interprétation] Monsieur Harmon, nous répétons les éléments

22 que nous avons déjà entendus depuis un an dans cette affaire. Nous devrions

23 permettre à ce témoin de conclure son témoignage et de dire qu'il y a un

24 nettoyage ethnique en Bosnie, ne surprend personne. C'est quelque chose qui

25 a fait l'objet de témoignages d'un nombre très important de témoins.

Page 6212

1 M. STEWART : [interprétation] Tout témoin peut témoigner sur tout ce qu'il

2 souhaite témoigner. Cela fait un an que je travaille dans cette affaire, et

3 cela fait à peu près un an que Mme Loukas a rejoint l'équipe de la Défense.

4 Le manque de discipline qui prévaut ici et par rapport à la manière dont

5 cette affaire évolue, je crois que l'Accusation ne devrait pas être

6 autorisée à présenter n'importe quel témoin, sur n'importe quel sujet. Je

7 crois qu'il est important que nous puissions savoir quel domaine doit être

8 abordé par l'Accusation, en particulier lorsque les témoins sont présentés.

9 Le commentaire de M. Harmon ne répond aucunement à l'objection que

10 j'ai soulevée et qui est fort bien fondée. Autrement dit, qu'il y a 45 ou

11 50 minutes maintenant, on nous a précisé qu'il n'y aurait plus d'éléments

12 présentés par ce témoin sur ce sujet; il n'y a plus d'éléments à présenter

13 par ce témoin sur ce sujet.

14 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, ces rapports -- j'ai

15 précisé qu'il s'agissait de pièces qui seraient présentées dans ce procès.

16 M. STEWART : [interprétation] Cela ne répond aucunement à l'objection que

17 j'ai soulevée. Ce qui a été dit il y a 45 ou 50 minutes et ce qui s'est

18 produit maintenant, contredit complètement les assurances qui nous ont été

19 faites il y a quelques 45 ou 50 minutes.

20 [La Chambre de première instance se concerte]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre de première instance a

22 examiné cette question et autorise M. Harmon à poursuivre son

23 interrogatoire, surtout pour ce qui est de la dernière question et de lui

24 demander s'il était d'accord avec les conclusions de

25 M. Mazowiecki. Bien sûr, la Chambre garde à l'esprit le fait que le témoin

Page 6213

1 a témoigné sur des éléments qui lui proviennent de différentes sources. M.

2 Harmon demande si les conclusions, auxquelles est parvenu M. Mazowiecki,

3 exigent des commentaires supplémentaires de la part du témoin. Ce qui ne

4 signifie par pour autant que la Chambre de première instance accepte

5 d'emblée tous les éléments factuels en se fondant simplement sur ce rapport

6 ou en se fondant uniquement sur son témoignage.

7 La Chambre de première instance estime que cette partie de son témoignage,

8 liée à d'autres éléments factuels présentés comme éléments de preuve, sera

9 présentée par la suite.

10 M. STEWART : [interprétation] Je souhaite que soit consigné au compte rendu

11 d'audience le fait que plus particulièrement je me suis rassis et je n'ai

12 rien dit il y a cinquante minutes, car je pensais que les assurances qui

13 m'avaient été données seraient respectées. Autrement dit, que plus aucun

14 élément de preuve ne sera présenté. Je crois que la Défense, à l'avenir,

15 devra se méfier des assurances ainsi données par l'Accusation si ces

16 assurances ne seront pas respectées.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci a été consigné au compte rendu

18 d'audience, le deuxième point également.

19 M. HARMON : [interprétation] Si je puis avoir la pièce suivante, P298, s'il

20 vous plaît.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous avez déjà présenté

22 deux des trois pièces. Celle datée du 17 novembre et celle du 27 octobre et

23 du 17 novembre 1992. Vous avez également présenté --

24 M. HARMON : [interprétation] Il y en a trois.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 28 août. 27 octobre, encore une fois,

Page 6214

1 se rattache au 28 août, document du 28 août. Cela va ensemble. Nous avons

2 295. Nous l'avons en double.

3 M. HARMON : [interprétation] Pardonnez-moi.

4 M. STEWART : [interprétation] Je souhaite évoquer ce point. Nous avons été

5 simplement avertis hier, à 13 heures 20, après la déposition de ce témoin

6 pendant plusieurs heures déjà, on nous a signalé hier que ce lot de pièces

7 allait être utilisé par rapport à ce témoin. Nous estimons que cela n'est

8 pas acceptable.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne me souviens pas exactement. Ce

10 n'est peut-être pas quelque chose que vous avez remis à la Défense ?

11 M. HARMON : [interprétation] Oui, je pense qu'ils ont été remis.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien évidemment, s'ils ont été remis à

13 la Défense, l'objection est sans fondement.

14 M. STEWART : [interprétation] C'est justement ce que je suis en train de

15 dire. C'est à ce moment-là seulement que nous avons obtenu la liste.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends fort bien.

17 M. STEWART : [interprétation] Ces éléments ne figuraient pas sur la liste.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre souhaite savoir si, sur la

19 liste initiale ces pièces ont été mentionnées.

20 M. STEWART : [interprétation] Je ne suis même pas sur qu'il ait eu de liste

21 initiale. Nous estimons qu'il n'y a même pas eu de première liste.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il me semble avoir vu une liste

23 préalable, mais je n'en suis pas tout à fait certain. La Chambre souhaite

24 savoir si ces pièces ont été présentées une première fois par rapport à ce

25 témoin, ou si ces pièces ont été présentées à la Défense au préalable. Dans

Page 6215

1 lequel cas, la Chambre estime peut-être que la Défense aurait besoin

2 davantage de préparation pour son contre-interrogatoire, ou souhaiterait

3 peut-être justement rappeler le témoin par la suite.

4 Veuillez poursuivre.

5 M. HARMON : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Le

6 document suivant est une photocopie d'un article d'un entretien avec M.

7 Krajisnik, extrait de Glas, daté du 8 décembre 1992. Je vais vous lire un

8 extrait de Glas Serbski. Je vais d'abord lire la question, ensuite, la

9 réponse de M. Krajisnik.

10 "Question : Monsieur le Président, en se fondant sur le rapport rédigé par

11 l'ex-ministre polonais Tadeusz Mazowiecki, la commission des Nations Unies

12 pour les droits de l'homme a adopté une résolution en vertu de quoi les

13 Serbes portent la responsabilité exclusivement pour le génocide.

14 M. Krajisnik : Très honnêtement, dans mes rêves les plus fous, je ne

15 m'attendrais pas à ce qu'un ex-premier ministre soit aussi partial. M.

16 Mazowiecki a rédigé son rapport dans son bureau comme on lui avait ordonné

17 et non pas sur le terrain. Car s'il avait dû rédigé le rapport en même

18 temps alors qu'il visitait tous les camps et les centres de rassemblement

19 en ex-Bosnie-Herzégovine, il ne pourrait pas accuser le peuple serbe aussi

20 facilement comme il l'a fait. Fort heureusement, Elie Wiesel, gagnant du

21 prix Nobel, nous a rendu visite. Je crois qu'un homme comme lui serait plus

22 honnête, et ne se permettrait jamais d'être ainsi corrompu. Mazowiecki a

23 rédigé un rapport qu'on lui a commandé de faire. Il ne s'agit pas d'un

24 rapport crédible sur la violation des droits de l'homme sur le territoire

25 de l'ex-Bosnie-Herzégovine."

Page 6216

1 Q. Monsieur Kljuic, très brièvement et succinctement, connaissez-vous M.

2 Mazowiecki de réputation ? Pensez-vous qu'il s'agit d'un homme qui aurait

3 pu être corrompu, qui n'aurait pas pu être honnête et qui aurait pu être

4 partial lorsqu'il a relaté des événements qui ont eu lieu en Bosnie-

5 Herzégovine ?

6 R. Je connais M. Mazowiecki. Ses conclusions, d'après nous, ne nous ont

7 pas surpris. Ses conclusions étaient importantes, car elles ont confirmé ce

8 qui avait été présenté aux Nations Unies et ce qui a abouti à la résolution

9 des Nations Unies 725 ou 727. Je ne me souviens pas du chiffre exact de la

10 résolution sur lequel on a procédé au vote.

11 M. STEWART : [interprétation] Le témoin ne répond pas à la question. Même

12 la réponse à la question, "Je connais M. Mazowiecki." Ceci pourrait

13 conduire le Défenseur à explorer cette question davantage. Nous proposons,

14 par conséquent, de demander une question plus précise, car après tout, nous

15 connaissons peut-être tous une personnalité. Dans lequel cas, le témoignage

16 de quelqu'un est sans fondement ou n'est pas franchement valable.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'avez-vous jamais rencontré M.

18 Mazowiecki ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. J'ai eu trois réunions officielles

20 avec M. Mazowiecki.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de votre réponse. Avez-

22 vous une quelconque raison ou un fait à l'appui de ce qui vient d'être

23 revendiqué ici, de cette allégation autrement dit, qu'il a été corrompu et

24 qu'on lui a ordonné de rédiger un rapport dans ce sens ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] On ne pouvait alléguer ceci que si l'on était

Page 6217

1 du côté serbe. Le monde entier savait que M. Mazowiecki était sincère. Je

2 ne sais pas qui aurait pu corrompre Mazowiecki.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y aucun fait ou rien à l'appui de

4 ce que vous dites qui pourrait vous faire dire cela. Vous auriez pu

5 simplement répondre par non.

6 Veuillez poursuivre.

7 M. HARMON : [interprétation]

8 Q. A la lumière des éléments d'information qui vous sont parvenus par

9 l'intermédiaire des médias et les rapports de

10 M. Mazowiecki, par exemple, une question toute simple, pensez-vous que M.

11 Krajisnik avait tous les éléments d'information portant sur le nettoyage

12 ethnique qui avait lieu en Bosnie-Herzégovine en 1992 ?

13 R. Oui, je le pense.

14 Q. Je souhaite maintenant faire entendre une conversation téléphonique

15 interceptée. Il s'agit d'une conversation de la pièce P282.

16 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, M. Harmon, va-t-il

17 examiner, oui ou non, les éléments factuels et le fondement même de son

18 assertion lorsqu'il dit que M. Krajisnik avait tous les éléments

19 d'information concernant le nettoyage ethnique ? Il s'agit là, je crois,

20 d'une question assez essentielle dans cette affaire et, vraiment, je crois,

21 une question qui est forte importante pour la Chambre de première instance.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'allais intervenir. J'allais

23 simplement attendre que M. Harmon présente la pièce suivante et de passer à

24 un autre sujet. J'allais poser la question à

25 M. Harmon.

Page 6218

1 M. HARMON : [interprétation] Nous souhaitons présenter des éléments

2 supplémentaires, Monsieur le Président, à savoir pourquoi

3 M. Krajisnik savait si oui ou non le nettoyage ethnique avait lieu.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, un peu plus tôt peut-être.

5 M. STEWART : [interprétation] Peut-être il vaut mieux, un excès de prudence

6 est tout à fait compréhensible de la part de la Défense, Monsieur le

7 Président, et si nous le sommes, la réponse est oui, nous le sommes

8 effectivement. Je crois qu'on peut nous pardonner notre excès de prudence

9 en la matière.

10 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il serait plus aisé de vous pardonner,

12 Maître Stewart, si ceci était fait de façon plus efficace et avec moins de

13 mots et davantage de contenu, moins de forme et plus de substance.

14 Veuillez poursuivre, Monsieur Harmon.

15 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, simplement, en ce qui

16 concerne cette pièce en particulier, les questions qui vont suivre,

17 pourriez-vous me dire à quel moment nous allons faire une pause ? Pour

18 cette pièce, j'aurai besoin de sept minutes et 56 secondes.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci beaucoup. Nous allons nous arrêter

20 à midi.

21 M. HARMON : [interprétation] Nous allons entendre cette pièce, que vous

22 trouverez à l'intercalaire KID 31 460. Avant de l'entendre, je vous laisse

23 le temps de retrouver la pièce en question.

24 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je dois dire que je

25 souhaite être éclairé sur cette question. Comment pensez-vous que j'ai pu

Page 6219

1 faire cette remarque avec les 16 secondes que j'ai pris ? J'espère que je

2 ne donne pas l'impression d'être aisément offensé. Je ne sais pas comment

3 j'aurais pu le faire de manière plus efficace. Si vous pouvez m'éclairer ou

4 me donner quelques conseils supplémentaires pour me dire comment j'aurais

5 pu faire cette remarque plus rapidement, j'en serais fort aise.

6 M. HARMON : [interprétation] Pourrions-nous répondre à cette question un

7 peu plus tard, s'il vous plaît, non pas maintenant.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

9 M. HARMON : [interprétation] Je souhaite maintenant que nous entendions

10 cette conversation téléphonique interceptée, s'il vous plaît.

11 [Diffusion de cassette audio]

12 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

13 "Bonjour.

14 Oui, bonjour.

15 Bonjour

16 Bonsoir.

17 Bonsoir.

18 Pourrais-je parler à Mirko ?

19 Mirko ?

20 Je parle du cabinet du président Krajisnik.

21 Oui, bien sûr. Un moment, s'il vous plaît. Il sera là dans quelques

22 instants.

23 Oui.

24 Bonjour.

25 Bonjour.

Page 6220

1 Bonsoir, Mirko.

2 Bonsoir.

3 Comment vas-tu ?

4 Je vais bien, et toi ? Vous êtes là toujours. On a entendu un début de

5 fusillade.

6 Ah bon.

7 Le président souhaite te parler un instant.

8 Passe-le-moi.

9 Qui tire ?

10 Bonjour, Milan.

11 Bonjour.

12 Bonjour. Que se passe-t-il ? Y a-t-il du nouveau ?

13 J'ai beaucoup de choses.

14 Et toi, de ton côté ?

15 Momo est là, donc je pensais que c'était important de te demander.

16 Rien ?

17 Je ne sais pas ce qu'il faut faire. Je ne sais pas ce qui se passe.

18 Je ne sais pas quoi te dire. J'ai entendu des coups de feu à l'instant.

19 Où ?

20 Des canons autour du village ?

21 Autour du village ?

22 Oui.

23 Et bien, qu'est-ce que c'est ? Est-ce qu'on te tire dessus ? Est-ce

24 qu'on vous tire ?

25 Nous essayions simplement de le savoir. Il fait nuit.

Page 6221

1 Est-ce qu'ils vous ont parlé de ce [imperceptible] ?

2 Oui. C'est ce qu'on a appelé la présidence, mais il était parti. Je

3 ne sais pas où. 663 488.

4 Oui, Milan l'appelé.

5 Stojak ?

6 Oui.

7 D'accord.

8 Très bien.

9 Bon, je vais voir. Est-ce qu'il sait comment laisser un message ?

10 Qu'est-ce qu'il a dit ? Qu'est-ce qu'il voulait ? Est-ce que Milan

11 est passé te voir ?

12 Oui, mais oublie cela. Je sais qu'il m'a simplement appelé parce que

13 je l'avais appelé. Il m'a appelé depuis le bureau d'Izetbegovic pour

14 vérifier. Il m'a demandé de ne pas tirer sur la tour de l'immeuble. Sa mère

15 a été blessée.

16 De ne pas viser la tour d'habitation ?

17 Oui, c'est cela.

18 Ecoute-moi. Oui, il s'est rendu là-bas aujourd'hui ?

19 Oui. Il voulait que je te donne les détails.

20 Est-ce que Simovic a accepté tout cela ?

21 Oui, mais il a dit que ce serait un échec.

22 Pourquoi ?

23 Parce que le gouvernement ne présage rien de bon et il y a eu un

24 désaccord très, très profond au sein de l'assemblée aujourd'hui, à la

25 session de la présidence. Ils souhaitent que Gras ou Pusina soit directeur,

Page 6222

1 et le gars de Kladusa, Delimustafic souhaite prendre son poste. Ils ont

2 proposé le poste de Delimustafic pour le service d'approvisionnement. Il a

3 dit, je ne souhaite pas avoir un poste parce que j'ai suffisamment

4 d'argent. Je fournis tout ceci. Tu sais, il voulait mettre en place le gars

5 de Sandzak, à Gras. C'est facile pour toi d'être assis dans ton fauteuil à

6 manger du mouton alors que les gens, vous savez, sont dans une situation

7 difficile.

8 Est-ce qu'il a accepté tout cela ?

9 Oui, il l'a accepté lorsque ce gars lui a dit que c'est une honte,

10 qu'il avait fait cela et que c'est un gouvernement dominé par les Musulmans

11 où les Serbes ne jouaient qu'un rôle mineur, et que le gouvernement allait

12 échouer parce qu'il n'avait pas été établi correctement.

13 Nikolic aussi, n'est-ce pas ?

14 Oui.

15 Est-ce que tu as vu cela ?

16 Oui.

17 Et bien, je ne peux pas imaginer qu'il avait suffisamment quelque

18 chose dans le ventre pour agir comme cela et qu'est-ce qui a été fait ?

19 Leur nom a été publié.

20 Leur nom n'aurait pas été publié s'ils n'avaient pas accepté tout

21 cela.

22 Il ne s'agit que d'une proposition.

23 Ces gens-là ont dit que les choses ne fonctionnent pas très bien au

24 sein du gouvernement. Kecmanovic a dit toutes sortes de choses. Les gens

25 pensaient que les Serbes auraient la présidence. Alija ne peut pas obtenir

Page 6223

1 un troisième mandat.

2 Vous pensez avoir une présidence ou le rôle d'un ambassadeur ?

3 J'ai demandé que Kecmanovic soit limogé.

4 Pourquoi ?

5 Parce qu'en fait, il ne suit pas les lignes du parti. Ils l'ont mis

6 au sein de la présidence, Jure Pelivan, sans consensus.

7 Jure Pelivan ?

8 La décision en vertu de quoi il serait nommé premier ministre, nous

9 ne sommes parvenus à aucun consensus, vous savez. Il dit qu'il avait

10 attaqué Pejanovic. Il m'a donné un numéro de téléphone, si jamais tu veux

11 le rencontrer.

12 Oui, d'accord. Donne-le-moi, s'il te plaît.

13 Il a toutes sortes de choses à te dire, 619 494.

14 Peux-tu répéter ?

15 619, oui, 494.

16 D'accord.

17 Il dit bonjour. Ce ne serait pas mal si tu l'appelais.

18 Qu'est-ce qu'il fait ?

19 Il a passé toute la journée là après là-bas, parce qu'on l'avait

20 invité.

21 Vous n'allez pas m'entraîner dans ces affaires sales ? Vous ignorez

22 les Serbes. Partout, on entend toutes sortes de choses de sa bouche.

23 Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qui se passe là-haut ?

24 Et bien, nous avons été très occupés toute la journée.

25 Merde, aujourd'hui, j'ai entendu dire que les Musulmans quittaient

Page 6224

1 Misoca, qu'ils ont tué à Srednje des Serbes dans un autocar. Ils ont

2 anéanti un car entier de Serbes en direction de Pale. Ils m'ont dit que

3 cela n'était pas le cas, mais qu'en fait, ils avaient emmené les

4 prisonniers avec eux. Il y avait un sergent plus âgé qui s'occupait

5 d'échanges, qui avait reçu un coup de fil depuis la ville. Est-ce que tu

6 m'entends ?

7 Est-ce que ce que tu veux répéter ?

8 Ce gars de la ville qu'il a appelé, tu sais.

9 Mais comment s'appelait-il déjà ?

10 Je ne m'en souviens pas.

11 Alispahic. Il a dit que ces prisonniers avaient été tués.

12 Quels prisonniers ?

13 Ils ont emmené les prisonniers à Pale à nouveau ?

14 Oui. A Srednje, ils ont été interceptés par des Musulmans qui ont

15 quitté tous les prisonniers. Nos deux hommes ont été grièvement blessés.

16 Ils pensaient qu'il s'agissait des nôtres ?

17 Oui, c'est cela.

18 Ce soir, il y aura des représailles contre tous les Serbes dans les

19 prisons et dans la ville pour les tuer tous.

20 C'est incroyable.

21 Prétendument, ils vont apparemment, attaquer -- les attaquer à

22 Rajlovac, attaquer ces gens qui sont -- qui coupent -- qui tranchent la

23 gorge d'autres personnes.

24 Bon, je leur dirai plus tard -- dites à nos gens que je leur ai dit

25 bonjour.

Page 6225

1 Qui a envoyé la fille là-bas ?

2 Elle ira demain à 11 heures.

3 Où ?

4 A Belgrade.

5 Ah bon, vraiment.

6 D'accord.

7 Très bien.

8 Bien.

9 Et bien, ces gens ne sont pas venus, n'est-ce pas ?

10 Qui ?

11 Les deux que tu as évoqués.

12 Lesquels ?

13 Non, mais il y aura quelque chose aujourd'hui.

14 A ce propos demain et il nous faut faire quelque chose à propos de ce

15 qui se passe ici. Toutes ces insinuations, c'est vraiment tout à fait

16 plausible.

17 Merde.

18 Je te parlerai plus tard.

19 Bien, oui, réfléchis-y et vérifie tout cela. Vérifie avec Momo à

20 propos de Zarko.

21 Oui, je lui ai dit et je lui ai dit d'accord.

22 Appelle-moi avant d'aller te coucher. Je serai là.

23 D'accord, oui.

24 Nous allons rester ici un peu plus longtemps avant d'aller nous

25 coucher.

Page 6226

1 Bon, d'accord, bon, ben bon.

2 Bonne nuit, au revoir."

3 [Fin de la diffusion de cassette audio]

4 M. HARMON : [interprétation]

5 Q. Monsieur Kljuic, dans cette conversation interceptée, datée du 15 juin

6 1992, Mirko Krajisnik s'adresse à Momcilo Krajisnik pour lui dire que les

7 Musulmans fuyaient Misoca, et que Misoca a été nettoyé. Sur un plan

8 ethnique, savez-vous nous dire quelle avait été la composition de ce

9 village ?

10 R. Oui, je sais vous le dire. En substance, c'était un village

11 multiethnique avec très peu de Croates, avec une grande majorité de

12 Musulmans et avec un nombre peut-être insignifiant de Serbes, disons 10 %

13 au moins.

14 Q. Ma pièce à conviction suivante concerne des renseignements

15 démographiques issus du recensement de 1991 et qui se rapporte au village

16 de Misoca.

17 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce à conviction de l'Accusation

18 P299.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

20 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, cette pièce à

21 conviction nous permet de voir la composition démographique du village de

22 Misoca. J'aimerais que nous parlions maintenant d'autre chose dont il a été

23 question d'ailleurs dans cette conversation interceptée. Je voudrais

24 attirer votre attention sur la troisième page de la version anglaise et il

25 s'agit là de Mirko Krajisnik qui dit ce qui suit : "Il a demandé pour toi,

Page 6227

1 il t'a cherché et pour te dire qu'il ne fallait pas tirer sur la tour

2 d'habitation de la JAT."

3 Q. Pourriez-vous nous en dire un peu plus concernant cette partie-là de la

4 conversation interceptée ?

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Je voudrais, Monsieur le Président, faire une

6 objection. Bien entendu, le document parle pour lui-même, et la

7 conversation téléphonique interceptée parle pour elle-même. S'il y a des

8 conclusions à tirer, il appartient aux Juges de la Chambre de le faire,

9 mais s'il n'y a pas de fondement pour ce qui est de pouvoir demander au

10 témoin de nous aider, pour nous expliquer une conversation qui s'est

11 déroulée, il appartiendra à la Chambre d'en décider, et non pas au témoin

12 de témoigner à ce sujet.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin peut faire des observations au

14 sujet d'une conversation téléphonique. Par exemple, il est, tout à fait, à

15 même de nous dire que cette tour de la JAT n'existait pas, pour ce qui me

16 concerne. Dans ce cas là, ce dont il était en train de parler serait tout à

17 fait incompréhensible. Non seulement le témoin est à même de nous parler de

18 sa connaissance factuelle des choses et j'estime que, de ce fait, votre

19 objection doit être rejetée, Madame Loukas.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu, vous

21 êtes dans une position privilégiée, parce que jusqu'à présent il a été dit

22 des choses et on peut s'attendre à ce que ce même type de chose soit dit.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin peut, néanmoins, répondre à la

24 question.

25 M. HARMON : [interprétation] Je vais répéter la question.

Page 6228

1 Q. S'agissant de cette phrase particulière, on pense à Momcilo Krajisnik

2 et on dit : "On t'a demandé de faire en sorte que l'on ne tire pas sur la

3 tour de la JAT." Pouvez-vous faire quelques observations au sujet de cette

4 remarque, de cette requête faite auprès de M. Krajisnik pour ce qui est de

5 ne pas tirer sur cette tour ?

6 R. Cela n'avait pas une corrélation seulement avec

7 M. Krajisnik, mais, avec les Serbes qui étaient dirigeants à Pale, à

8 l'époque parce que, si vous aviez une relation quelconque avec l'un d'entre

9 eux, vous pouviez épargner votre famille et faire épargner votre maison, ou

10 l'endroit où vous habitiez. Cette requête avait été faite par un juriste de

11 Sarajevo, qui avait requis une personne qui était censée avoir l'autorité

12 de le faire.

13 Q. Fort bien. J'aimerais qu'on entende encore une conversation

14 interceptée, Monsieur Kljuic, il s'agit de la conversation interceptée, de

15 la pièce à conviction 292. Le numéro de référence est le 31 469. J'espère

16 que nous avons suffisamment le temps pour le faire.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

18 [Diffusion de cassette audio]

19 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

20 "Allo. Oui. Ciao et Ciao, nous t'attendons.

21 C'est arrivé ? Oui.

22 Momcilo Mandic : Oui.

23 Milijana : Bonjour, c'est Milijana.

24 Momcilo Mandic : Bonjour, Milijana.

25 Milijana : Comment allez-vous ?

Page 6229

1 Momcilo Mandic : Comme ci, comme cela.

2 Milanja : Le président Krajisnik vous demande. Juste un moment.

3 Momcilo Krajisnik : Allo. Allo, oui. Que se passe-t-il, Mandic ?

4 Momcilo Mandic : Comment allez-vous, Monsieur le Président ?

5 Momcilo Krajisnik : Je dois te dire, t'as pas eu le hoquet tout à

6 l'heure. L'interlocuteur rit.

7 [Suivant : questions et réponses entre M. Mandic et M. Krajisnik]

8 Là, je dirais que tu est un véritable héro. Le reste. Mais vous vous

9 trompez.

10 Telashica [phon], je dois te dire il y a peu de Serbes qui portent ce

11 nom, ce prénom. Cela fait penser au duc Momcilo. Un autre rire.

12 Ecoute, on a arrêté le frère de notre Savic Milo.

13 Oui, et maintenant. Parlez-vous ?

14 Président, oui.

15 La première partie est nettoyée, terminée aujourd'hui. C'est parti.

16 Oui. Nettoyé.

17 Ah, la première partie est nettoyée.

18 Quelle partie ?

19 Ce qui était litigieux.

20 Je ne sais pas de quoi tu parles.

21 Oui.

22 Ah au sommet, oui. Ce n'est pas vrai ?

23 Si, oui. Les gens passent là-bas.

24 Ne me dis pas.

25 Si. Mais je dois te dire que je t'avais loué. J'ai fait des louanges

Page 6230

1 à ton attention et il faut que nous fassions une facture de

2 publicité.

3 Un autre rire.

4 Ecoute, on a arrêté le frère à Milo Savic.

5 Bien. Et toi tu es dans cette commission, tu sais, Savic Dusan. Bon.

6 Et, maintenant, Savic Dusan, dis-tu ?

7 Oui. Il est dans ce Knezevica potok. Tu connais la localité Knezevica

8 potok.

9 Où se trouve ce hameau ?

10 C'est plus haut que Boljakov potok.

11 Ah, Boljakov potok entre Buca potok et Boljakov potok, ah, ah. Bon et

12 alors on a arrêté ce Savic Dusan ?

13 Oui, et tu peux -- si tu peux établir un contact tu sais avec cette

14 commission.

15 Oui.

16 Etablis ce contact parce que sa femme est devenue complètement folle.

17 Bon, bon, on va faire cela demain.

18 Et cela s'est terminé. Et la place forte là, c'est.

19 Oui, oui.

20 Je vais te dire que lorsque j'aurai -- dès que j'aurai la

21 possibilité, tu auras une médaille de mérite.

22 Mais ce sont nos hommes qui ont fait ?

23 Un autre rire.

24 Ah oui, les spécialistes. Il y en a peu des comme cela. Bon, alors,

25 allez-y.

Page 6231

1 C'est convenu, Président.

2 Et voit, il y a quelque chose -- Milos -- il y a Milos qui veut te

3 dire, oui ?

4 Allez au revoir, au revoir.

5 Momo.

6 Momo : Oui.

7 Ecoute, tu veux bien prendre note du numéro de la rue.

8 Oui.

9 Et le nom de la famille, Babic Dusan, rue Dolacka 81.

10 Dolacka 81 ?

11 Oui, il a été emmené le 24.

12 Dolacka 21 ?

13 81.

14 Oui, 81. Quand est-ce qu'on l'a emmené ?

15 Hier, le 24 juin.

16 Il a été emmené le 24 juin ?

17 Oui, vers 19 heures.

18 Bon.

19 C'était des gens du MUP en trois voitures, sa maison, ils ont tout

20 fouillé et ils l'ont emmené.

21 Ecoute, je te demande de le faire.

22 Oui.

23 Ecoute, c'est mon frère.

24 Ecoute, je t'entends.

25 S'il y a des échanges.

Page 6232

1 Oui.

2 Il faut que je prenne les belles-sœurs, la sœur, le gendre, et qu'ils

3 mettent le feu à tout ce qu'ils veulent, qu'ils pillent.

4 Bon.

5 Je mettrais cela sur la liste et on va s'en occuper. Tiens, prends

6 les autres noms.

7 Oui.

8 Savic Zorka.

9 Savic Zorka.

10 Savic Dunja.

11 Savic Zorka Dunja.

12 Oui.

13 Cucilo Nezeljko.

14 Cucilo Nezeljko.

15 Cucuilo Slavojka, c'est ma sœur.

16 Cucuilo Slavojka, dis-tu ?

17 Oui. Ils sont de Dolacka et de Dolacka 83

18 Bon.

19 Excuse-moi 63.

20 Donc, ils sont tous de Dolacka 63.

21 Oui.

22 Les deux derniers sont de Dolacka.

23 Bon. Allez, s'il vous plaît, on se reparlera.

24 Allez, bon courage."

25 [Fin de la diffusion de cassette audio]

Page 6233

1 M. HARMON : [interprétation]

2 Q. Monsieur Kljuic, s'agissant de ce fragment de conversation interceptée,

3 où on entend M. Mandic et M. Krajisnik s'entretenir, dans la traduction

4 anglaise, on dit :

5 "Président."

6 Krajisnik, répond : "Oui."

7 Je vous signale, Messieurs les Juges, qu'il s'agit de la page 2 de la

8 version anglaise. Alors, on dit :

9 "La première partie a été nettoyée. On vient de la finir

10 aujourd'hui."

11 Momcilo Krajisnik demande : "C'est parti."

12 Mandic Momcilo dit : "Oui, cela a été parti.

13 "Ah!"

14 Mandic Momcilo qui dit : "La première partie est nettoyée." Krajisnik

15 Momcilo dit : "Quelles parties ?

16 Mandic Momcilo dit : "Ce qui avait été litigieux, incertain."

17 J'aimerais que vous nous interprétiez ces propos, Monsieur Kljuic.

18 R. Mandic était l'ex-adjoint du ministre de la police; un homme du

19 département opérationnel. Je crois que dans le gouvernement, il avait

20 formellement parlant, un statut du ministre de la Justice. Ici, il présente

21 un rapport disant qu'une partie, dans les environs de la ville de Sarajevo,

22 venait d'être nettoyée. Parce qu'indépendamment de la force qu'il avait,

23 ils n'ont pas réussi dans une première phase à réduire à l'impuissance la

24 totalité. Il y a eu des résistances. Puis, ils ont procédé à des nettoyages

25 au pas à pas.

Page 6234

1 M. HARMON : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience,

2 Messieurs les Juges, je précise que cette conversation interceptée date de

3 dix jours après la conversation interceptée précédente, que nous avons

4 entendue tout à l'heure, qui a été datée du 25 juin 1992. Ce qui me permet

5 d'en conclure avec mes questions en ce moment. Nous allons continuer après

6 la pause. J'aurai des questions à poser au sujet des conversations

7 interceptées, comme vous l'avez demandé dans votre instruction.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Harmon. Pour ce qui est de

9 cette conversation interceptée précédente, je dois vous dire que cela s'est

10 fait si vite. Il a été question de Serbes tués dans un autocar sur leur

11 route vers Pale au cas où j'aurais bien compris. Je dis bien si j'ai bien

12 compris. Je crois que là, on s'est servi du mot "nettoyage". Je n'ai pas

13 tout à fait bien compris. Peut-être après la pause, pourriez-vous tirer

14 cela au clair.

15 M. HARMON : [interprétation] Oui, je peux le faire tout de suite, ou si

16 vous préférez après la pause.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous voulez nous donner votre

18 interprétation de ce qui s'est passé, cela ne devrait pas s'être fait en

19 présence du témoin. Peut-être pourriez-vous le faire juste après la pause.

20 M. HARMON : [interprétation] Fort bien.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être après la pause, pourrions-nous

22 voir quelle est la position de l'Accusation au sujet de cette pièce à

23 conviction.

24 M. HARMON : [interprétation] Certainement.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons lever l'audience pour 20

Page 6235

1 minutes, et nous reprendrons à midi 20.

2 --- L'audience est suspendue à 11 heures 59.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 23.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, à vous.

5 M. HARMON : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à continuer, Monsieur

6 le Président. Avant de faire rentrer le témoin, j'aimerais parler de ce que

7 vous avez demandé concernant les conversations interceptées. Je me propose

8 de parcourir chacune de ces conversations interceptées dans le classeur

9 pour attirer l'attention du témoin sur certaines parties de ces

10 conversations. Il a tout entendu, mais je vais lui demander de se

11 rafraîchir la mémoire, notamment en lui faisant passer la conversation dans

12 sa totalité. J'ai une question distincte à ce sujet. Je crois que la bonne

13 façon de le faire, c'est d'identifier les interlocuteurs. A ce sujet --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. HARMON : [interprétation] Je me propose de lui dire, est-ce que vous

16 êtes en mesure d'identifier X et Y en tant qu'interlocuteurs et cela va

17 nous guider.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être pourrions-nous le faire

19 d'une façon différente ? Si nous avions une copie du document sans

20 commentaires dessus, pour voir quels sont les intervenants. Je crois que

21 cela nous faciliterait la tâche. Il suffirait de faire une copie de la

22 liste et de couvrir les commentaires avec une feuille vierge, pour pouvoir

23 parcourir cela plus rapidement.

24 M. HARMON : [interprétation] Oui, mais peut-être --

25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, c'est justement la

Page 6236

1 suggestion que j'avais faite à M. Harmon, il y a cinq minutes. Je suis

2 d'accord avec la définition que vous venez de faire.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'il serait quelque peu

4 surprenant si, tout à coup, nous arrivions à entendre le témoin nous dire,

5 ce sont des personnes tout à fait autres. Peut-être pourriez-nous le faire,

6 non pas tout de suite, mais un peu plus tard.

7 M. HARMON : [interprétation] Je peux poser des bases, Monsieur le

8 Président, lui demandant s'il a écouté les conversations interceptées et

9 s'il a pu identifier les interlocuteurs qui ne sont pas mentionnés dans le

10 document qu'il a signé. Ensuite, nous pourrions enlever les commentaires

11 pour vous le présenter.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela serait la façon la

13 plus pratique de procéder. Monsieur Harmon, je vous ai posé une question

14 pour ce qui était de ce nettoyage et de cet autocar de Serbes parce que je

15 n'ai pas entièrement compris ce dont il était question. Il s'agissait de

16 cette conversation interceptée 31 460.

17 M. HARMON : [interprétation] Oui, je sais de quoi vous parlez, je sais de

18 quel passage vous parlez. Je peux vous donner votre interprétation si c'est

19 ce que vous me demandez.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que tout le monde l'a

21 compris ou peut-être que ce n'est pas le cas, mais je n'ai pas parfaitement

22 bien compris.

23 M. HARMON : [interprétation] Cette partie de la conversation interceptée,

24 Monsieur le Président, je me propose de vous en donner lecture : "J'ai

25 entendu dire que les Musulmans, qui fuyaient de Misoca, ont tué un autocar

Page 6237

1 plein de Serbes; Misoca a été nettoyé."

2 Ce qu'on dit dans cette conversation, c'est que Mirko Krajisnic informe

3 Momcilo Krajisnik du fait que le village de Misoca a été nettoyé, que les

4 Musulmans fuyaient de ce village et que, en fuyant, ils ont tué tout un

5 autocar de Serbes dans le village de Srednje.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Partant de la transcription,

7 je crois avoir compris que cet autocar de Serbes, c'était des réfugiés. Ou

8 alors était-ce des prisonniers ?

9 M. HARMON : [interprétation] Oui. Mais plus loin, enfin nous devons

10 présenter des éléments de preuve additionnels et il est question de voir si

11 les prisonniers --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. HARMON : [interprétation] Alispahic dit que des prisonniers ont été

14 tués. M. Krajisnik demande : quels prisonniers ? Il est question de

15 certains prisonniers. A mon avis, ils sont en train de se référer à ces

16 personnes -- à ces gens qui se trouvaient dans l'autocar. Cela prête, peut-

17 être, un peu à confusion.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Certainement. Toujours est-il

19 que vous comprenez que Misoca a été nettoyé. Dans le contexte, ici présent,

20 Misoca aurait été nettoyé par des Serbes et si un autocar de Serbes était

21 plein en direction de Pale, ces Serbes ont été tués par des Musulmans qui

22 ont fuit, précisément, ce village.

23 M. HARMON : [interprétation] Exactement.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, je comprends du moins la position

25 de l'Accusation à ce sujet. Est-ce que maintenant, cela signifie

Page 6238

1 automatiquement et cela découle automatiquement du texte ? C'est une chose

2 à prendre en considération.

3 M. HARMON : [interprétation] Je comprends parfaitement.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes, mais vous ne savez pas, enfin,

5 vous n'êtes pas conscient des questions que la Chambre peut se poser.

6 M. HARMON : [interprétation] Certainement, merci.

7 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais me référer

8 à la conversation 31 469.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. STEWART : [interprétation] Je crois que cela est un numéro de

11 l'Accusation. Je crois que c'est une chose à étudier que j'aurais dû

12 prendre en considération avant la pause. M. Harmon avait parlé d'une

13 traduction où il est question de "nettoyage". Il semblerait qu'il y ait

14 deux traductions de cette conversation interceptée en anglais. La phrase

15 que nous rencontrons dans les transcriptions, on dit en anglais "mopped up"

16 ou "mopping up" qui signifie "nettoyage" ou "ratissage du terrain". Dans la

17 traduction, sur laquelle nous travaillons, il y a une différence et nous

18 n'arrivons pas à comprendre clairement quel est le statut de ces deux

19 traductions, quelque peu contradictoires, parce que le "ratissage du

20 terrain" serait plus correct que "nettoyage".

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je ne suis pas un "native speaker",

22 ce n'est pas ma langue natale et j'aimerais qu'on m'explique quelle est la

23 différence entre "ratissage" et "nettoyage" parce que j'ai cru que ces deux

24 termes étaient utilisés dans des situations similaires ou dans des

25 contextes similaires, ou dans une signification qui, à première vue, peut

Page 6239

1 paraître identique.

2 M. STEWART : [interprétation] Je vais commencer avec quelque chose de très

3 simple. Vous pouvez nettoyer un sol, un plancher de toutes sortes de

4 façons. Si vous passez un chiffon mouillé dessus, cela signifie que vous

5 êtes en train d'enlever des parties de saletés ou d'écarter des problèmes

6 d'un endroit. C'est en résumé. Quand on parle de "nettoyage", je crois, que

7 la bonne expression, c'est "ratissage", parce que c'est ce qui est utilisé

8 dans un contexte militaire. C'est une signification ou un propos quelque

9 peu métaphorique parce que vous êtes en train d'éliminer des poches de

10 résistance. Si vous avez terminé une grande opération militaire sur un

11 terrain, et si cette opération a été couronnée de succès, il y a toutefois

12 la possibilité de l'existence de certaines poches de troupes ennemies. Si

13 vous voulez éliminer ces poches de résistance, ces poches résiduelles, ce

14 serait une opération de nettoyage ou de ratissage "mopping up" en anglais.

15 C'est ce que l'on veut dire.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On est en train d'enlever les résidus.

17 M. STEWART : [interprétation] Exactement. C'est une métaphore, on voit

18 exactement de quelle façon cela s'est créé. Cela correspond au terme de

19 nettoyage parce que vous avez au final un résultat de propreté, de

20 nettoyer. Cette expression de nettoyage comporte des connotations variées.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que c'est de l'anglais

22 américain ?

23 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, je ne peux pas affirmer

24 que je suis un expert en matière de B/C/S.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Mais est-ce que vous pouvez

Page 6240

1 nous parler de cette interprétation en anglais ?

2 M. HARMON : [interprétation] Ce terme a deux significations, Monsieur le

3 Président, je crois que la Chambre devrait lui attribuer la signification

4 qu'elle croit être la bonne.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est justement la langue

6 originale que l'on devrait prendre en considération.

7 M. HARMON : [interprétation] Oui, et j'ai posé la question au témoin et il

8 a écouté la conversation interceptée, je lui ai demandé, quelles étaient

9 ses impressions. Vous allez entendre des témoignages des municipalités de

10 Sarajevo et je crois que cela pourra vous aider.

11 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, il y a une façon très

12 simple de traiter de cette question --

13 LE JUGE ORIE : [interprétation] Demandons d'abord à nos interprètes.

14 M. STEWART : [interprétation] Mais je vous propose une solution concrète,

15 Monsieur le Président. La façon la plus simple de régler le problème, c'est

16 de vérifier, par exemple, que M. Harmon utilise le mot "nettoyage" ou

17 "ratissage" conformément à ce qui se fait en B/C/S, donc au mot original

18 qui apparaît dans la transcription écrite. Parce que si nous n'avons pas de

19 problèmes à ce niveau là, le témoin obtiendra, en transcription,

20 l'équivalent de l'original dans sa langue, la conversation originale et

21 l'orateur aura bien dit ce qui est dit en anglais qui, du coup, devient

22 pertinent.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bien sûr, il n'est pas sûr

24 que les interprètes puissent immédiatement retrouver -- peut-être, Mme

25 Cmeric pourrait-elle nous aider en lisant les lignes qui nous intéressent.

Page 6241

1 M. HARMON : [interprétation] Page 2, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Apparemment, c'est

3 la ligne qui commence par les mots "Onaj", c'est bien cela ?

4 M. HARMON : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'indique que

5 cette traduction que j'ai entre les mains se trouvent dans les classeurs

6 fournis aux Juges. Vous y trouverez la traduction anglaise officielle

7 venant des services linguistiques du tribunal.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être.

9 M. STEWART : [interprétation] On vient de nous donner -- cela crée une

10 grande confusion pour nous aussi, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez lire

12 cette ligne, Madame Cmeric, pour nous aider ?

13 Mme CMERIC : Oui, Monsieur le Président. La première partie a été

14 "nettoyée" ou "ratissée", les deux traductions sont acceptables.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maintenant, M. Stewart, on

16 pourrait le faire d'une façon différente. Il est tout à fait clair que les

17 subtilités de l'anglais et des différences entre nettoyage et ratissage

18 n'existent pas à l'identique dans la version en B/C/S.

19 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, mais alors, est-

20 ce que ma proposition sera acceptée, à savoir que le témoin entendra, dans

21 les questions qui lui sont posées, le mot utilisé dans la version originale

22 car, manifestement, c'est la seule façon convenable de procéder.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais je comprends comprendre

24 également que lorsque nous, en anglais, nous disons "nettoyer" ou

25 "ratisser", de toute façon, la traduction en B/C/S sera la même puisqu'il

Page 6242

1 n'y a pas de distinction entre les deux.

2 M. STEWART : [interprétation] Si tout va bien, alors si ma proposition

3 convient, elle est adoptée par définition. C'est tout ce dont je voudrais

4 m'assurer, parce s'il y a deux traductions possibles vers le B/C/S, nous

5 tenons beaucoup à ce que le mot utilisé en anglais corresponde au mot

6 utilisé en B/C/S dans la version originale. S'il n'y a qu'une traduction

7 vers le B/C/S, la chose se fera automatiquement.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est ainsi que j'ai compris les

9 observations des interprètes. Si je me suis trompé, je demande à être

10 corrigé.

11 Madame l'Huissière, veuillez faire entrer le témoin dans le prétoire, je

12 vous prie.

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez procéder, Monsieur Harmon.

15 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais que l'on remette au témoin la pièce

16 292 si je ne m'abuse. Il s'agit du paquet de transcriptions d'écoute.

17 Q. Monsieur Kljuic, je vais vous dire comment nous allons procéder.

18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je ne suis pas sûr que

19 vous ayez remarqué les commentaires faits par les interprètes en anglais,

20 il y a quelques instants, qui sont très pertinents et très utiles dans la

21 situation dans laquelle nous sommes.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certainement. Si l'on utilise le mot

23 "ratissage", "mopping up" en anglais, on utilisera le même mot en B/C/S'

24 mais il faut ajouter le mot "terrain."

25 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, ce n'est pas ce que

Page 6243

1 l'interprète a dit. Nous interprétons maintenant les propos de

2 l'interprète. L'interprète a dit qu'un terme plus précis est utilisé en

3 serbe pour le mot "mopping up." Je comprends qu'il faille donc utiliser un

4 mot différent en serbe. C'est qu'apparemment ce qu'on vient de nous dire.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand nous en arriverons au mot

6 "cleaning", ou "cleansing," nous verrons.

7 Monsieur Harmon.

8 M. HARMON : [interprétation]

9 Q. Monsieur Kljuic, je vous dire comment nous allons procéder. Vous avez

10 sous les yeux un classeur dans lequel se trouve des transcriptions

11 d'écoute. Ce classeur comporte des textes en anglais et en B/C/S. Il s'agit

12 d'écoutes que vous avez passé en revue et entendu, vous avez pu préparer

13 vos commentaires au sujet de chacune de ces écoutes, vous avez reconnu les

14 participants à ces conversations interceptées. Vous avez pu lire la liste

15 des noms dans les documents que vous avez eus entre les mains, pour chacune

16 de ces écoutes, vous avez indiqué quels étaient le ou les interlocuteurs

17 que vous reconnaissiez. Je crois savoir que vous confirmez l'exactitude des

18 identités que vous avez reconnues à l'audition de ces écoutes, n'est-ce pas

19 ?

20 R. Oui.

21 Q. Fort bien. Je vais maintenant vous poser des questions sur chacune de

22 ces écoutes. Je ne vais pas demander que l'on diffuse à nouveau ces écoutes

23 dans le prétoire, mais je vous demanderais de suivre mes instructions. Je

24 vous citerai un numéro d'un document qui se trouve dans votre classeur, qui

25 concerne une écoute particulière, je vous demanderais de lire la traduction

Page 6244

1 en B/C/S de cette écoute, et je vous soumettrai quelques extraits

2 particuliers sur lesquels j'aimerais vous poser des questions plus

3 précises. J'aimerais vous donner la possibilité, d'abord avant de vous

4 poser des questions, de relire ces textes dans la langue que vous comprenez

5 le mieux.

6 M. HARMON : [interprétation] J'aimerais que l'on fournisse au témoin,

7 Madame l'Huissière -- pouvez-vous aider le témoin pour que la chose se

8 fasse le plus efficacement possible ?

9 Q. Première écoute, le document KID 30 320. A titre de double

10 vérification, j'indique qu'il s'agit d'une écoute datant du 18 juillet

11 1991, la version en B/C/S faisant deux pages. Pourriez-vous lire ce texte,

12 je vous prie, et me dire quand vous en aurez terminé ?

13 R. Je suis prêt.

14 Q. Bien, Monsieur Kljuic, je vais vous donner lecture des passages qui

15 m'intéresse, je vous demanderais de bien vouloir vous efforcer de les

16 retrouver en même temps que je les lis. Le premier passage qui m'intéresse,

17 il se trouve en page 2 de la traduction anglaise, au milieu de la page. Je

18 vous lis les premiers de ce passage et vous les retrouvez peut-être dans

19 l'original.

20 "M. Krajisnik : Très bien. Je vais monter là-haut. Ecoute. Dans cette

21 chose. Comment on l'appelle ? Han Pijesak. Ecoute, il y a autre chose.

22 Aujourd'hui, Radovan, nous devrions avoir, aujourd'hui ou demain, une

23 réunion avec nos cadres du MUP. J'organiserai tout cela.

24 M. Karadzic : Aha.

25 M. Krajisnik : Mais tu devrais venir aussi. Nous devons nettoyer les choses

Page 6245

1 avec eux et fixer un ultimatum, ou alors retirer les hommes et ne pas nous

2 ridiculiser.

3 M. Karadzic : Très bien.

4 M. Krajisnik : Est-ce que tu veux que j'organise cela ? Dis-moi quand

5 simplement ?

6 M. Karadzic : Tu l'organises. Organise-le, disons vers

7 6 heures 00.

8 M. Krajisnik : 6 heures 00.

9 M. Karadzic : Oui.

10 M. Krajisnik : Très bien. J'organiserai cela à

11 6 heures 00."

12 Ceci est une écoute, Monsieur Kljuic, d'une conversation interceptée datant

13 du 18 juillet 1991. La première question que je vous pose est la suivante :

14 S'agissant de ce que vous avez dit jusqu'à présent dans votre

15 déposition au sujet de l'étroite collaboration qui unissait M. Karadzic et

16 M. Krajisnik, dites-nous si après avoir entendu cette écoute confirme ou

17 infirme votre position ?

18 R. J'ai dit que cela confirme mon opinion parce qu'ils se mettent d'accord

19 au quotidien sur un plan de travail, tous les jours.

20 Q. Vous avez mentionné également qu'il y avait eu des ultimatums. Pouvez-

21 vous commenter l'ultimatum qui est évoqué dans cette écoute précise ?

22 R. Il est évident qu'ils tiennent très efficacement sous leur influence

23 les policiers serbes qui se trouvent dans des institutions mixtes. Ils le

24 font tous le deux très bien. C'est-à-dire que sur toutes les questions, il

25 fallait que tous les policiers serbes adoptent la même position, qu'il

Page 6246

1 s'agisse de questions de tous les jours ou de questions plus sensibles.

2 Ceci était une tâche assez difficile à mener sur le terrain parce que nous

3 souhaitions que les policiers serbes de Bosnie-Herzégovine aient des points

4 de vue en accord avec leur cadre parce qu'à l'époque de l'ex-Yougoslavie,

5 il y avait parmi les policiers serbes des représentations très diverses de

6 leur point de vue.

7 Ici, ce que nous avons, c'est un ultimatum que Karadzic adresse à

8 Sarajevo, qui entre tout à fait dans sa rhétorique habituelle, à savoir que

9 plutôt que de chercher à obtenir un compromis, parce qu'en Bosnie-

10 Herzégovine tout doit se faire par voie de compromis. Il se contente

11 d'envoyer un message dans lequel il dit : "Nous nous retirerons des

12 institutions mixtes. Nous créerons notre police serbe et nos institutions

13 serbes." En disant cela, il montre qu'il avait pour souhait, pour désir, de

14 détruire les bases mêmes du système de l'Etat.

15 Q. Dans cette même écoute, quelques lignes plus bas que le passage que

16 j'ai lu, il est fait référence à un homme qui s'appelle Leovac. Pouvez-vous

17 nous dire de qui il s'agit ?

18 R. En dehors des dirigeants officiels du SDS, au nombre desquels nous

19 avons déjà mentionné les plus importants d'entre eux, Karadzic a créé un

20 conseil dans lequel était censé siéger des intellectuels serbes

21 particulièrement connus. On a retrouvé au sein de ce conseil, que les

22 intellectuels serbes qui avaient apporté leur appui au mémorandum de

23 l'Académie serbe des Arts et des Sciences. Parmi eux, on trouvait Slavko

24 Leovac et Milorad Ekmecic. Slavko Leovac était président de ce conseil,

25 sinon, Leovac, Ekmecic étaient tous les deux professeurs à la faculté de

Page 6247

1 Philosophie de Belgrade. Milorad Ekmecic était également professeur à

2 l'institut de Philosophie de l'université de Sarajevo. Ekmecic était, je le

3 rappelle, également membre de l'Académie des Sciences de Belgrade. Ils

4 étaient censés adresser un message au nom de l'intelligentsia serbe pour

5 indiquer que la direction du SDS faisait ce qu'il fallait qu'elle fasse, et

6 qu'il fallait accepter son autorité, sans penser un instant qu'elle pouvait

7 être contraire aux intérêts des Serbes sur le territoire de toute la

8 Yougoslavie.

9 Q. Monsieur Kljuic, j'aimerais maintenant que nous nous penchions sur la

10 prochaine écoute. Document KID 30392. Je vous demanderais d'abord de

11 prendre connaissance du texte, après quoi, je vous poserai des questions

12 sur certains passages particuliers.

13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

14 il serait préférable que M. Harmon cite la date de chacune des écoutes

15 lorsqu'il en demande l'examen, car nous avons nous-mêmes, au sein de la

16 Défense, un système un peu différent de numérotation.

17 M. HARMON : [interprétation] La date de cette écoute est le

18 26 août 1991.

19 M. STEWART : [interprétation] Merci.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Kljuic, je suppose que cela ne

21 fait pas longtemps que vous avez lu toutes les transcriptions de ces

22 écoutes. Si vous avez l'impression que vous serez capable de vous y

23 retrouver sans relire l'ensemble du texte, n'hésitez pas à le faire savoir

24 à M. Harmon, dès lors que votre mémoire vous dira qu'elle a enregistré le

25 sujet d'une écoute, par exemple, ou certains passages d'une écoute. Pour

Page 6248

1 l'instant, je vous demanderais de poursuivre.

2 R. J'ai lu la transcription de certaines de ces écoutes. Je les ai lues

3 l'année dernière lorsque je préparais mon témoignage dans l'affaire

4 Milosevic. Je peux répondre aux questions sans les relire du début à la

5 fin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez indiquer lorsque vous pensez

7 être prêt à répondre aux questions sur ces écoutes. Monsieur Harmon, vous

8 pouvez procéder.

9 M. HARMON : [interprétation]

10 Q. Etes-vous prêt, Monsieur le Témoin, à répondre aux questions sur ce

11 document particulier ?

12 R. Je suis prêt.

13 Q. J'aimerais appeler votre attention --

14 R. Oui.

15 Q. -- sur la page une. Il s'agit d'une écoute en date du

16 26 août, conversation entre M. Karadzic et M. Krajisnik. Je vous lis le

17 passage sur lequel je vais ensuite vous demander vos commentaires.

18 A l'intention des Juges de la Chambre, j'indique que ce passage se trouve à

19 la première page, vers le haut du texte.

20 C'est M. Krajisnik qui parle, je cite : "Monsieur le Président, dites-moi,

21 s'il vous plaît, est-ce que vous avez des problèmes avec les femmes au sein

22 de l'armée ?"

23 M. Krajisnik : Putain, on baise des héros quand on baise les femmes." Où

24 est-ce que tu es maintenant ?

25 Karadzic : Je suis à la clinique.

Page 6249

1 Krajisnik : Je pense que nous devrions prendre une décision très grave

2 aujourd'hui. Je pense qu'il est grand temps, et que les gens ont raison en

3 disant cela.

4 Karadzic : Vraiment.

5 Krajisnik : Je pense que le parlement, c'est fini. Nous devrions faire

6 comprendre les choses clairement. Préparez les gens. C'est tout, Radovan.

7 Karadzic : Vraiment."

8 Voilà le passage que j'aimerais que vous commentiez, Monsieur Kljuic, s'il

9 vous plaît ?

10 R. J'aimerais, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, parler en

11 quelques mots du contexte dans lequel tout cela se passait; la guerre en

12 Croatie faisait rage, des mères, un peu partout en Yougoslavie, exigeaient

13 le retour de leurs enfants et leur sortie de l'armée. Cela se faisait entre

14 autre parce que la JNA avait perdu la confiance de la population. Elle

15 avait également perdu son objectivité multiethnique. Les femmes de Sarajevo

16 exigeaient également le retour de leurs enfants, des fils qui avaient été

17 mobilisés dans le cadre de la loi par tranche d'âge descendante. Lorsque

18 Karadzic demande à Krajisnik sur un ton très péjoratif ce qu'il en est du

19 Bataillon de Broz, c'est une référence assez vulgaire au bataillon des

20 femmes, à ces femmes qui demandent le retour de leurs enfants.

21 Par ailleurs, au sein du parlement, nous nous apprêtions à prendre une

22 décision selon laquelle il ne serait plus possible de recruter des soldats

23 pour l'armée à partir du territoire de la Bosnie-Herzégovine pour aller

24 faire la guerre en Croatie. Puisque les Croates et les Musulmans refusaient

25 déjà de nourrir les champs de bataille de Croatie à une très grande

Page 6250

1 majorité, et bien, les seuls qui répondaient encore aux appels à la

2 mobilisation, étaient des volontaires serbes. Nous sommes ici en présence

3 d'une discussion au sujet des jeunes gens qui étaient déjà dans les rangs

4 de l'armée avant d'être envoyés sur les champs de bataille de Croatie.

5 Puisqu'il n'y a pas de volonté de dialogue au parlement et pas de bonne

6 volonté visant à trouver une solution pour protéger tous les enfants de

7 Bosnie-Herzégovine, le parlement de Bosnie-Herzégovine est paralysé de

8 temps en temps. Il existe qu'une solution soit trouvée. Dans la déclaration

9 de Karadzic, nous ne voyons aucune intention de rechercher une telle

10 solution, mais bien l'intention d'arrêter toute recherche de solution.

11 Q. Dans le contexte décrit par ce passage particulier, pouvez-vous dire si

12 les femmes opposées à la guerre se sont effectivement rendues au

13 parlement ?

14 R. Un nombre très important de mères était contre la participation de

15 leurs fils à cette guerre. Un nombre important également d'entre elles

16 s'est rendu au parlement de la Bosnie-Herzégovine pour exiger une interview

17 avec le président du parlement. Elles ont exigé le retour de leurs enfants

18 comme elles auraient présenté un ultimatum. La chose n'était pas discutable

19 pour elles.

20 Q. J'aimerais appeler votre attention maintenant sur un autre passage que

21 l'on trouve en page 2 de la traduction anglaise, un peu en dessous du

22 milieu de la page. Je cite :

23 "Krajisnik : Le représentant croate a dit aujourd'hui : je vais vous

24 dire, le HDZ croate a tenu une conférence de presse aujourd'hui. Et bien,

25 voilà. Discutons-en un peu, ensuite, nous en terminerons.

Page 6251

1 Karadzic : Très bien.

2 Krajisnik : Pendant quelque temps, ce soir à 8 heures 30 ?

3 Karadzic : Oui.

4 Krajisnik : Vojo et moi viendrons te retrouver.

5 Karadzic : Très bien. A la conférence de presse, un des journalistes m'a

6 dit, il est complètement fou, il veut quitter la coalition, créer une

7 crise. Et bien, qu'il crée une crise ce fils de pute. C'est excellent.

8 C'est parfait. Ils souhaitaient nous pousser aux limites du système

9 politique; ils l'ont déjà fait plusieurs fois. Maintenant, c'est parfait.

10 Qu'il se marginalise tout seul. C'est tout à fait parfait. Nous aurons des

11 renseignements qui viendront et qui seront les bienvenus.

12 Krajisnik : Très bien. Je vais venir te voir et nous nous arrangerons."

13 Est-ce que vous pouvez commenter ce paragraphe ?

14 R. C'est exactement comme c'est dit dans le texte. C'est un fou dont

15 Karadzic parle. J'étais président du HDZ moi-même. C'est moi qui ai tenu

16 cette conférence de presse, où j'ai dit que nous ne participerions plus à

17 la guerre contre la Croatie dans les rangs de la JNA et que nos enfants ne

18 continueront pas à servir dans les rangs de l'armée populaire yougoslave.

19 J'ai dit pourquoi. Après cela, j'ai ajouté que si le gouvernement actuel

20 refuse de soutenir cette position, étant l'un des trois membres

21 représentants du gouvernement, j'ai dit que nous allions, dans ces

22 conditions, quitter la coalition. Comment rester au sein d'une coalition à

23 côté de gens qui justifient l'agression sur la Croatie et le massacre de

24 personnes innocentes ? Karadzic a dit qu'il serait bon que ce soit moi qui

25 franchisse ce pas. Bien sûr, je n'ai pas franchi ce pas, parce que je

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1 croyais toujours, compte tenu du moment où tout cela se passait, je croyais

2 toujours qu'il était possible de trouver un compromis pour la

3 Bosnie-Herzégovine.

4 Un peu plus tard, Karadzic et les gens qui l'entourent ont perdu eux-mêmes

5 les nerfs, et ce sont eux qui ont quitté la coalition.

6 Q. J'aimerais maintenant que nous passions à l'écoute suivante, document

7 30403 datant du 2 septembre 1991. C'est une conversation entre M. Krajisnik

8 et M. Karadzic.

9 Puis-je procéder ?

10 R. Oui, je me souviens du texte.

11 Q. Très bien. J'aimerais appeler votre attention sur la première partie du

12 texte. Je lirai le passage qui m'intéresse. Je cite :

13 "M. Krajisnik : Allô.

14 M. Karadzic : Oh, salue.

15 M. Krajisnik : Salue, Docteur."

16 M. Karadzic : Que se passe-t-il ?

17 M. Krajisnik : Et bien, je suis en train de discuter avec des Serbes qui

18 pourraient devenir de meilleurs Serbes, mais ne l'ont pas encore fait.

19 M. Karadzic : Aide humanitaire, vraiment.

20 M. Krajisnik : Tu peux imaginer.

21 M. Karadzic : C'est Kecmanovic, non ?

22 M. Krajisnik : "Kecmanovic, non. Ce n'est pas Kecmanovic, ce n'est pas

23 Bogami [phon]. C'est un bon du coin. Tu sais comment ils sont; Krc Manovic

24 est un enfant de la ville. Tu sais qu'un vrai Serbe comme celui-ci ne peut

25 pas le vaincre."

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1 M. Karadzic : Oui, oui.

2 M. Krajisnik : M. Nedjo Miljanovic.

3 M. Karadzic : Ah, Nedjo Miljanovic.

4 M. Krajisnik : Oui, il envoie ses saluts.

5 M. Karadzic : Il lui manque combien à lui, un peu ou beaucoup ?

6 M. Krajisnik : Je peux te dire qu'il ne lui manque qu'un cil.

7 M. Karadzic : Pour être un bon Serbe.

8 M. Krajisnik : Et bien, c'est cela le pire. C'est que c'est un cil de

9 souffle. Si ce n'était pas davantage, je pense qu'on peut commencer à le

10 travailler tout de suite pour enlever ce cil de souffle.

11 M. Karadzic : "Dis salue. Il devrait nous aider à obtenir l'indépendance de

12 ce coin de Banja Luka, putain.

13 M. Krajisnik : Et bien, je peux te dire, à partir de ce qui se passe

14 maintenant, je me rends bien compte que tous les vrais Serbes ne sont pas

15 proches de lui.

16 M. Karadzic : Il fait ça intelligemment ?

17 M. Krajisnik : Oui, intelligemment et personnellement. Il a encore quelques

18 Serbes qui vont arriver."

19 Voilà le passage sur lequel j'ai essayé d'appeler votre attention. Pouvez-

20 vous interpréter ce passage à notre intention et nous dire qui est ce M.

21 Krc Manovic.

22 R. M. Kecmanovic était un professeur d'université à l'époque communiste,

23 lorsque le Pr Koljevic a quitté sa chaire pour participer à la présidence

24 de la Bosnie-Herzégovine, selon la loi, parce qu'il était numéro trois sur

25 la liste des candidats serbes aux élections. Il a été membre de la

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1 présidence très peu de temps. Ensuite, il est allé à Belgrade en passant

2 par Pale. On ne le considérait pas comme un bon Serbe, pas parce qu'il

3 venait de la ville, mais parce qu'il n'est pas entré au SDS et qu'il était

4 adhérent du Parti réformiste. Kecmanovic n'a pas adhéré au SDS, parce qu'il

5 avait des ambitions personnelles de prendre la direction des Serbes de

6 Bosnie, ce qu'il n'a pas réussi à faire, même plus tard lorsqu'il est allé

7 à Belgrade.

8 Le deuxième point qui est important dans ce passage du dialogue, c'est que

9 dans les bureaux de M. Krajisnik, il y avait celui qui était, à l'époque,

10 directeur de la télévision de Bosnie-Herzégovine à Sarajevo. Le message

11 selon lequel il devait préparer un message pour une émission de la

12 télévision à Banja Luka le plus efficacement possible, signifie qu'on doit

13 déménager des biens matériels aussi peu nombreux que possible à Banja Luka,

14 et qu'à l'avenir, la télévision se trouvera à Banja Luka, qu'elle aura tout

15 pouvoir et qu'elle pourra agir pour régler la situation à laquelle elle

16 sera confrontée.

17 En ce qui me s'agisse, ce renseignement m'est apparu comme tout à fait

18 choquant parce que le directeur de l'entreprise conjointe de télévision

19 était proche des dirigeants du SDS, et on voit qu'il est tout à fait intime

20 avec eux. Aujourd'hui, avec la distance, nous voyons que ceci explique

21 l'importance de la machine de propagande du SDS par ce biais illégal de

22 l'utilisation des médias en Bosnie. Moi, par exemple, en tant que

23 représentant politique important du pays à l'époque, je présidais également

24 un parti au pouvoir et j'étais membre de la présidence, je n'ai jamais eu

25 la possibilité, ou bien, on ne m'a jamais donné l'occasion d'expliquer

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1 notre programme politique à la télévision. Tout ce que je pouvais faire à

2 la télévision c'était de participer à des programmes de débat avec les

3 autres.

4 Q. J'aimerais, maintenant, que nous passions à un autre passage de cette

5 écoute. Dans la version anglaise, on la trouve en page 4, à un tiers à

6 partir du bas de la page. C'est Karadzic qui parle le premier. Je cite :

7 "M. Karadzic : Oui. Une demi-heure. Est-ce que tu entends ce Grubac,

8 un adhérent du SPO, du mouvement du renouveau serbe, un des pires adhérents

9 qui soient ? Ce sont les pires des traîtres. Ils n'ont que cela en tête.

10 Ils n'ont que cette étoile à cinq branches en tête. Il n'y a que cela qui

11 existe pour eux, tu sais.

12 M. Krajisnik : "Et bien, ce sont des idiots."

13 Ensuite, il y a une interruption et puis on entend les mots, "maison en

14 feu." Voilà le passage sur lequel je désirais appeler votre attention. Est-

15 ce que vous avez ce passage sous les yeux, Monsieur Kljuic ?

16 R. Oui.

17 Q. D'abord, pouvez-vous nous dire qui est M. Grubac et pourquoi on parle

18 de lui comme du pire des traîtres ?

19 R. Grubac était l'un des deux représentants du deuxième parti ethnique

20 serbe, le mouvement du renouveau serbe dont le président à Belgrade était

21 Vuk Draskovic. Il y avait, à ce moment-là, deux représentants. Le SDS avait

22 72 membres, et par conséquent, ils considéraient qu'il fallait adhérer avec

23 les directives du SDS. Ils refusaient de le faire. Mais leur motivation

24 n'était pas la recherche de la paix ou d'une mixité ethnique en Bosnie-

25 Herzégovine. Non pas du tout. Ils s'opposaient au SDS pour des objectifs

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1 liés au séparatisme. Ce qu'ils souhaitaient c'était retirer, des couvre-

2 chefs de l'armée, le symbole de l'étoile rouge à cinq branches, par

3 exemple. C'est pour cela que ces deux hommes les traitent d'idiots qui

4 n'ont qu'un seul but, rechercher la réalisation de leurs intérêts.

5 Q. Passons à l'écoute suivante. Document KID 30 406. La date est celle du

6 4 septembre 1991. C'est une conversation entre

7 M. Krajisnik et M. Karadzic. Je vous demanderais d'y jeter un coup d'œil,

8 Monsieur Kljuic, et de nous dire lorsque vous serez prêt à répondre à mes

9 questions.

10 R. Je suis prêt.

11 Q. Je vais vous lire des extraits, Monsieur Kljuic. Le premier, vous le

12 trouverez au bas de la page 1 dans la version anglaise. Il évoque un

13 incident qui a eu lieu dans le village serbe de Kravica. Je vais vous lire

14 cet extrait.

15 "M. Karadzic : Savez-vous qu'il y a eu des coups de feu --"

16 M. Krajisnik : Oui, j'ai entendu. Il y a deux morts, n'est-ce pas ?

17 M. Karadzic : Trois. Je crois que le troisième est mort, et deux sont

18 grièvement blessés.

19 M. Krajisnik : Tous Musulmans ?

20 M. Karadzic : Tous Musulmans, mais ils ont attaqué le village serbe de

21 Kravica.

22 M. Krajisnik : Je ne suis pas certain que cela soit vrai. Vous savez ce que

23 j'ai dit ce matin. Je vous en prie.

24 M. Karadzic : Oui."

25 M. Krajisnik : Cengic m'a appelé.

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1 M. Karadzic : Ah, oui. Vraiment."

2 Je vais poursuivre et reprendre au haut du paragraphe -- en haut de la page

3 2, cinq lignes plus bas.

4 "M. Krajisnik : Non. non. J'ai également dit à Vito d'y aller, de façon à

5 ce qu'il puisse être vu devant les gens. Ce sont nos gens. Avant qu'ils ne

6 deviennent agiter. Ils veulent une armée, ils veulent toutes sortes de

7 choses, vous savez.

8 M. Karadzic : Oui. L'armée est partie de Tuzla.

9 M. Krajisnik : Oui. C'est bon" -- il y a une interruption -- "et faites en

10 sorte que tous -- il faut nous assurer que nous leur fassions passer le

11 message aujourd'hui.

12 M. Karadzic : Oui. Nous allons leur faire comprendre. C'est là où mène

13 votre politique.

14 M. Krajisnik : [aucune interprétation]

15 M. Karadzic : Est-ce que vous voyez où cela nous mène ? Est-ce que vous

16 vous rendez compte que vous allez disparaître ?

17 M. Krajisnik : Exactement.

18 M. Karadzic : Et bien, vous allez disparaître. Bon nombre d'entre nous vont

19 disparaître en même temps, mais vous serez annihilé.

20 M. Krajisnik : Non. Nous devrions dire que nous allons tous disparaître,

21 les deux parties."

22 M. Karadzic : Cela est vrai.

23 M. Krajisnik : Nous devrions le dire à dessein.

24 M. Karadzic : Exactement.

25 M. Krajisnik : C'est ce qui devrait être fait.

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1 M. Karadzic : Oui.

2 M. Krajisnik : Nous devrions adoucir" -- interruption -- "devenir plus

3 dur."

4 C'est la fin de l'extrait que je voulais citer. Première question :

5 pourriez-vous très brièvement nous dire ce qui s'est passé dans le village

6 de Kravica, d'après les éléments que vous avez ?

7 R. Ceci évoque un incident au cours duquel trois Musulmans ont été tués et

8 deux grièvement blessés. L'accusation est portée contre eux qu'ils avaient

9 attaqué un village serbe. Dans des situations semblables, les Serbes ont

10 demandé à la JNA d'intervenir, car ceci permettait d'assurer la paix et la

11 sécurité. Mais lorsque l'armée est arrivée sur les lieux, en général, ils

12 avaient tout pouvoir.

13 Pourquoi Karadzic et Krajisnik ne voulaient pas que Cengic y aille, c'était

14 le vice-président du SDS d'alors ? C'était pour la raison suivante : toute

15 commission mixte pouvait obtenir des informations véridiques et révéler la

16 vérité. On pouvait tout à fait en déduire qui était responsable de cet

17 incident-là, en particulier. Pour finir, hier, nous avons entendu les

18 menaces de Karadzic au parlement, au parlement de la Bosnie-Herzégovine,

19 propos qu'il a tenus deux mois plus tard. Il n'a jamais voilé ses menaces,

20 lorsqu'il a dit que, si telle et telle chose devait se produire, quelqu'un

21 disparaîtrait. Au cours de ce dialogue, on constate qu'il y avait des

22 différences entre Karadzic et Krajisnik. Krajisnik étant le plus sage des

23 deux, dit que cela serait mieux de dire que tout le monde allait

24 disparaître, comme il dit. Mais Karadzic avait sa propre façon de parler en

25 public. Il considérait qu'il allait augmenter son autorité, ou en tout cas,

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1 il serait un personnage plus important si c'était lui qui était en mesure

2 de prédire la destinée des différents groupes ethniques.

3 Q. Est-ce que cette conversation illustre les rapports qu'entretenaient M.

4 Karadzic et M. Krajisnik ?

5 R. Oui.

6 Q. Je souhaite maintenant passer à la conversation interceptée suivante.

7 M. HARMON : [interprétation] Celle-ci -- la conversation suivante est la 30

8 656. Je ne vais pas poser de questions particulières quant à cette

9 conversation téléphonique-ci car nous avons suffisamment d'éléments pour

10 nous permettre de reconnaître les noms. Pardonnez-moi, je vais passer à la

11 pièce suivante qui est le KID 30 821.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit du 6 décembre 1991 ?

13 M. HARMON : [interprétation] C'est exact. Monsieur Kljuic, vous avez ici

14 une conversation interceptée du 6 décembre 1991. Vous devriez l'avoir sous

15 les yeux; est-ce exact ?

16 R. Oui, effectivement.

17 Q. Il s'agit d'une conversation interceptée assez longue, mais je vais

18 vous poser des questions concernant un extrait qui se trouve dans la

19 version anglaise, fin de la page 2, début de la page 3. Etes-vous prêt,

20 Monsieur Kljuic ?

21 R. Oui.

22 Q. Je vais vous lire l'extrait en question. Dans la traduction

23 anglaise, vous le trouverez en haut de la page 2, comme suit :

24 "M. Karadzic : Bien, il m'a d'abord laissé m'exprimer. J'ai dit que

25 cela était hors de question, que nous pensions que cela ne devait pas être

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1 ainsi, qu'il s'agissait d'un équilibre très précaire, très fragile, que

2 nous avons réussi à établir. Nous avons réussi à maintenir cet équilibre

3 malgré l'arrivée des forces militaires en Bosnie-Herzégovine, ce qui fait

4 partie de la Yougoslavie, et ce qui aurait pu rompre cet équilibre. Ils se

5 sont divinement bien placés, ces deux-là.

6 M. Krajisnik : Oui.

7 M. Karadzic : Ils ont commencé à insulter les Serbes. Ils ont commencé à

8 proférer des insultes à leur égard, Ils ont dit qu'ils avaient besoin

9 d'observateurs militaires, ainsi que des forces étrangères ici, car la

10 Bosnie était -- pouvait être neutralisée par le biais des forces des

11 Nations Unies uniquement, parce que c'était un territoire restreint, et ils

12 ne souhaitaient que la Bosnie reste à l'intérieur de la Yougoslavie.

13 M. Krajisnik : Les deux ?

14 M. Karadzic : Oui, oui, et des choses comme cela, vous savez. Et ensuite,

15 lorsque j'ai -- pour le deuxième tour. J'ai le droit de reprendre la parole

16 et je dis : Je suis reconnaissant envers M. Mahmutcehajic et M. Kljuic.

17 M. Krajisnik : Les deux étaient présents ?

18 M. Karadzic : Oui, oui. Ils ont dit, M. Mahmutcehajic et Kljuic. Il leur a

19 expliqué ce dont ils avaient besoin pour mettre en place les forces des

20 Nations Unies. C'est -- je vous en ai déjà parlé à Belgrade. Ils souhaitent

21 que les forces des Nations Unies soient confrontées à la JNA, aux fins de

22 la neutraliser avec l'aide des Nations Unies. Ils veulent utiliser les

23 Nations Unies pour leur permettre de résoudre -- "

24 M. Krajisnik : Oui.

25 M. Karadzic : La crise politique. Oui. Ils veulent utiliser leur

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1 présence pour résoudre la crise politique, et de façon -- cela signifie que

2 toutes nos craintes et toutes nos frayeurs se sont réalisées. C'est la

3 raison pour laquelle le côté serbe ne peut pas accepter cela. Je les ai

4 vraiment eus. Ensuite, Merek Goulding dit : Messieurs, vous avez des

5 attentes très importantes à l'égard des Nations Unies, attentes qui ne

6 correspondent pas à la réalité. Votre ministre Karadzic a également des

7 craintes très importantes à l'égard des Nations Unies, parce qu'ils ne

8 feront pas ce qui vient d'être dit. Ce sera -- ils ne viendront qu'en

9 présence d'observateurs non armés, mais si vous êtes d'accord. J'ai dit que

10 je ne serais pas d'accord, parce que ceci engendrerait une guerre civile,

11 interethnique, interreligieuse, et que les Nations Unies ont à endosser une

12 responsabilité très importante. Mais il s'agit de la Yougoslavie, et la JNA

13 est responsable du maintien de l'ordre, ainsi que du ministère de

14 l'Intérieur. Ils ont simplement -- ils les ont eus, ils les ont -- et,

15 ensuite, il -- Serbes, qui proférait des insultes, et cetera. Kljuic.

16 M. Krajisnik : Oui."

17 Il s'agit d'un extrait qui est daté du 6 décembre 1991.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux parler, s'il vous

19 plaît ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous pouvez répondre à la question.

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Les opérations -- la guerre arrivait à sa fin

22 en Croatie. Il y avait un statut quo. 40 % du territoire avait été conquis

23 par les rebelles serbes. A Sarajevo, 20 jours plus tard après cette

24 conversation, nous avons signé un accord de paix, un accord de paix

25 provisoire qui devait durer trois ans. L'ensemble de -- la JNA s'est

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1 retirée de Slovénie et de la Croatie. Toute l'armée et les troupes sont

2 arrivées en Bosnie. Les réservistes également sont arrivés du Monténégro et

3 de Serbie. Les formations paramilitaires et les Unités de Volontaires sont

4 arrivées aussi. Donc, avec une configuration de ce type, la Bosnie était

5 occupée, et il était impossible de mener des négociations normales avec le

6 SDS, des négociations sur le plan politique. La seule chose qui était en

7 notre pouvoir, les choses que nous avons demandées, c'était de demander aux

8 forces des Nations Unies d'intervenir, comme mesure préventive. Etant donné

9 que les forces des Nations Unies du maintien de la paix ne viendraient que

10 s'il y avait un consensus, étant donné qu'il n'y avait pas de consensus,

11 car Karadzic et ses hommes ne souhaitaient pas voir arriver les forces des

12 Nations Unies. Cela, c'était le premier point. Nous avons ensuite demandé

13 l'arrivée des observateurs, autrement dit, les observateurs non armés,

14 détachés par les Nations Unies. Car nous avons estimé qu'une fois ces

15 personnes sur le terrain, une fois que ces personnes verraient de leurs

16 propres yeux quelle était la situation, que ces personnes pourraient en

17 tenir informées les Nations Unies et pourraient ainsi clairement indiquer

18 quelle était notre position. Néanmoins, Karadzic n'a rien accepté de tout

19 cela, hormis le fait de faire intervenir la JNA, l'armée populaire

20 yougoslave.

21 Nous, Croates, et pour un nombre très important de Musulmans, cette

22 armée-là s'était compromise. Il faut savoir qu'avant cette date-là elle

23 avait commis des crimes à Dubrovnik et à Vukovar, et dans d'autres régions

24 de la Croatie. Les gens éprouvaient des sentiments de révolte -- de

25 révulsions à l'égard de cette armée et avait perdu -- elle n'était plus ce

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1 qu'elle était à l'époque de Tito. Autrefois, c'était une armée

2 multiethnique populaire, et l'armée était alors exclusivement composée des

3 cadres serbes et des Monténégrins par la suite. Pour illustrer cet exemple,

4 le 24 décembre de cette même année, au sein de la présidence de la Bosnie-

5 Herzégovine, nous avions une délégation de la JNA menée par le ministre de

6 la Défense d'alors, M. Veljko Kadijevic. C'était une délégation de haut

7 niveau composée de 14 généraux. Il y avait un amiral slovène, l'amiral

8 Brovet. Mais hormis ce jour-là -- cet homme-là, il n'y avait aucun délégué

9 croate ou musulman, à ce moment-là, au sein de la délégation.

10 J'ai demandé, à ce moment-là : Comment pensez-vous que les Croates -

11 parce que je dirigeais -- je représentais les Croates - comment pensez-vous

12 que les Croates vont accepter cette armée, lorsque vous avez échoué, au

13 cours des conversations -- des négociations, et que vous n'avez pas réussi

14 à avoir un seul représentant croate -- officier croate au sein de la JNA ?

15 Sa réponse quelque peu abrupte était de dire, de toute façon, on écoutera

16 ce que dit l'armée. Nos efforts, aux fins de parvenir à une solution

17 pacifique à cette crise, étaient de faire intervenir les forces des Nations

18 Unies, ou en tout cas, des observateurs des Nations Unies. La réponse à

19 tout cela, vous l'avez entendu au fil de ces conversations interceptées.

20 Q. Je souhaite, par conséquent, attirer votre attention sur une

21 conversation téléphonique trois intercalaires plus bas, KID

22 ID 30 911. Il s'agit là d'une conversation interceptée datée du 1er janvier

23 1992, entre M. Krajisnik et M. Karadzic, et commence par les mots : "Quoi

24 de neuf ?" Je ne sais pas exactement quel est le terme suivant. Il s'agit

25 d'une traduction littérale, 30 911. Jetez-y un coup d'œil, ensuite, je vais

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1 vous orienter vers un extrait en particulier qui se trouve vers la fin de

2 la conversation interceptée.

3 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

4 vais aborder, en particulier, un passage qui se trouve à la page 5, et un

5 second passage qui se trouve à la page 6.

6 Q. Je peux lire le passage en question, Monsieur Kljuic, si vous le

7 souhaitez. Il s'agit d'un passage qui traite de la libération des tigres.

8 R. Oui, je suis prêt.

9 Q. Nous allons lire le passage qui commence en haut de la page --

10 troisième ligne, en haut de la page 5 :

11 "Radovan Karadzic : Il était comme, je cite : 'Si nous sommes tous

12 pareils, en ceci et cela, dans une Bosnie indépendante et souveraine.'

13 Maintenant, il parle ouvertement de la souveraineté et de l'indépendance de

14 la Bosnie. Est-ce qu'il veut détruire Sarajevo ?

15 Krajisnik : Oui.

16 Karadzic : Merde. Il est complètement fou. Maintenant, il parle ouvertement

17 d'une Bosnie indépendante et souveraine.

18 Krajisnik : Oui.

19 Karadzic : Vous savez --

20 Krajisnik : Oui.

21 Karadzic : Ce n'est que récemment, et merde, qu'il aille se faire foutre.

22 Nous allons relâcher nos tigres pour qu'ils fassent leur travail.

23 Krajisnik : Oui. Est-ce que vous pouvez imaginez -- on a du mal à imaginer

24 ce degré d'insolence.

25 Karadzic : Merde. Nous sommes en train de calmer les Serbes pendant un an

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1 maintenant à cause de sa bêtise. Je ne peux pas faire davantage, n'est-ce

2 pas ?

3 Krajisnik : Non. Mais il dit, nous ne voulons pas. Il ne s'agit pas d'une

4 indépendance. Ce n'est pas un Etat indépendant. Il parle de souveraineté.

5 Cela correspond -- cela équivaut à cela dans les pourparlers, mais il parle

6 d'indépendance. Merde. Ils sont complètement fous. L'Europe est

7 complètement dingue aussi si elle estime qu'on peut trouver une solution

8 ici. C'est impossible. Je ne pense pas qu'il y a une seule personne qui

9 soit à même de renverser la situation et faire en sorte que cela puisse

10 être ainsi.

11 Karadzic : Non. Ceux-ci sont -- il y a un terme ici inconnu

12 du tout. Il faut relâcher ces gens-là. Il ne faut pas les retenir.

13 Krajisnik : "Il nous le faut. Ils le feront de toute façon, que vous le

14 souhaitiez ou non.

15 Karadzic : Comme je l'ai dit, on ne peut plus les retenir.

16 Krajisnik : Non, du tout. Qu'est-ce que cela signifie maintenant ?

17 'J'apprécie vraiment vous, les Yougoslaves, en tant que nation,' j'ai dit.

18 Eux aussi ont des idées un peu dingues. Moi, j'ai dit ceci doucement. Ils

19 souhaitent que je les aide au sein du parlement de façon à ce qu'ils

20 puissent obtenir le statut de peuple constitutif.

21 Krajisnik : Oui."

22 Je ne vais pas lire plus avant ce passage. Puis-je recueillir vos

23 commentaires concernant ce passage en particulier, s'il vous plaît,

24 Monsieur Kljuic.

25 R. Dans la mesure que la situation se faisait plus difficile pour les

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1 citoyens de Bosnie-Herzégovine, notamment les non-Serbes, en raison de

2 l'augmentation permanente des effectifs et des pressions en parallèle par

3 le biais des médias, et les situations d'incidents créés sur le terrain,

4 ainsi que tout ce que nous avons vu se produire en Croatie, compte tenu de

5 ce que ces jeunes gens qui sont venus témoigner parce qu'ils avaient fui la

6 Croatie et la JNA en raison de la guerre là-bas, si l'on tient compte du

7 comportement de la direction du SDS. Tout ceci faisait qu'il y avait de

8 moins en moins de chance de voir la Bosnie-Herzégovine demeurer en quelque

9 relation que soit avec Milosevic et Belgrade. J'affirme qu'il n'y a pas eu

10 au début cette idée de faire sortir la Bosnie de la Yougoslavie. De par

11 leur violence, de par leurs abus, de l'armée, ils ont tout fait pour que

12 nous ne puissions plus rester en quelque communauté que ce soit avec

13 Belgrade. C'est la raison pour laquelle la ligne de nos revendications, dès

14 le départ, avait été celle de faire de la Bosnie-Herzégovine une république

15 sur le pied d'égalité avec les autres républiques de l'ex-Yougoslavie. Cela

16 s'est terminé par une revendication qui était celle de l'indépendance,

17 comme pour le cas de la Slovénie et de la Croatie. Aux fins de bénéficier

18 du soutien des citoyens pour cette idée, nous avons organisé un référendum

19 dans des circonstances très difficiles. Comme vous le savez, plus de 64 %

20 des citoyens ont soutenu l'indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Ce que

21 l'on peut déduire de ce dialogue entre Krajisnik et Karadzic, c'est qu'eux

22 n'étaient pas intéressés par une égalité en loi au sein de la Bosnie-

23 Herzégovine.

24 Q. Quand nous nous penchons sur cette phrase de M. Karadzic : "Qu'on

25 allait lâcher les tigres à effectuer le travail," qu'entendez-vous par là ?

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1 R. C'est une méthode classique de pression parce qu'ils avaient des forces

2 armées soit celles qui appartenaient à l'armée populaire yougoslave, voire

3 d'autres qui faisaient partie de formations paramilitaires à l'extérieur de

4 la Bosnie-Herzégovine, voire encore à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine.

5 Ces gens, dans une espèce d'ivresse nationaliste, avaient souhaité résoudre

6 la question, le problème de Bosnie-Herzégovine par les armes. Cette

7 volonté, cette revendication, se trouvait être dépourvue de notion du

8 dialogue ou de toute volonté de négociations pacifiques. Grâce à l'avantage

9 qui était le leur, grâce aux armes, ou du fait des armes qu'ils

10 possédaient, ils ont pensé que la chose allait être résolue rapidement. Cet

11 argument de tigres qui ne faisaient qu'attendre, cette allusion, ou ces

12 loups qui étaient à attendre, a servi d'élément de pression. Ils disaient

13 qu'ils n'en pouvaient plus des pressions exercées par les loups qui

14 cherchaient à résoudre le problème. Cela illustre bien le fait, ou

15 l'assertion au terme de laquelle cette direction serbe n'avait pas la

16 volonté ni le souhait de conduire des dialogues politiques, mais de parler

17 ultimatum moyennant recours à la force. En ce qui me concerne

18 personnellement, puisque j'avais été l'un des responsables des Croates, je

19 n'ai jamais estimé nécessaire d'accepter ou de me plier à ces ultimatums.

20 D'autant plus que le peuple croate en Yougoslavie a eu un très grand nombre

21 de victimes. Ce qui s'est passé en Croatie en 1991, illustrait bien ce que

22 ce à quoi nous, Croates de Bosnie, qui étions le groupe ethnique le plus

23 petit de la Bosnie-Herzégovine, devions nous attendre à voir et à subir, au

24 cas où, lesdits loups venaient à accomplir leur mission.

25 Q. Je me propose de passer à un autre passage dans cette écoute. Cela

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1 figure au bas de la page 6 en version anglaise. Monsieur Kljuic, je vais

2 vous en donner lecture.

3 "Krajisnik : Il faut profiter de la première des opportunités pour lui dire

4 qu'il est en train de jouer avec le feu et lui dire clairement qu'ils sont

5 en train de jouer avec le feu.

6 Karadzic : Nous n'allons pas le lui dire à titre privé. Nous allons le dire

7 publiquement, et s'agissant de lui --

8 Krajisnik : Oui, en public, c'est bien ce que je pensais.

9 Karadzic : Et lui, à titre privé, dans ce contexte, il faut lui dire autres

10 choses.

11 Krajisnik : Oui, oui, c'est clair.

12 Karadzic : Mon dieu, c'est clair."

13 Fin du passage que je viens de vous lire. Pouvez-vous nous commenter ce

14 passage particulier, Monsieur Kljuic ? Est-ce que vous pouvez nous dire

15 quelque chose de particulier à ce sujet ?

16 R. Pour ce qui est de ces pourparlers qui avaient cours, je précise que

17 nous étions en train de nous préparer à l'indépendance. Parce qu'en Bosnie,

18 cela n'a pas seulement été une agression militaire, mais à Belgrade, il a

19 été imprimé des quantités énormes d'argent, la planche à billets. Il y

20 avait une mode à l'époque qui consistait à faire du commerce avec les

21 citoyens pour ce qui est des monnaies étrangères. Je dirais que les unités

22 spécialisées de gens qui faisaient de la contrebande recevaient de l'argent

23 de Belgrade et rachetaient des marks et des dollars auprès des citoyens. En

24 Croatie, on avait déjà coupé court à l'utilisation du dinar yougoslave

25 parce qu'on nous pompait les dernières des ressources, des riches du pays.

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1 Nous avions souhaité faire en sorte que la Bosnie-Herzégovine ait sa propre

2 monnaie. Cela a été la raison pour laquelle Karadzic a réitéré ses menaces,

3 parce qu'il estimait que nous devions garder la monnaie de Belgrade, qu'eux

4 fassent tourner la planche à billets et que nous travaillions pour ces

5 billets.

6 Q. Est-ce que ce passage reflète bien l'étroite collaboration entre M.

7 Karadzic et Krajisnik ?

8 R. Certainement. Hélas, je regrette beaucoup d'avoir entendu M. Krajisnik

9 être plus vulgaire que Karadzic qui, soit dit en passant, était fort

10 vulgaire dans sa façon de s'exprimer.

11 Q. Tournons maintenant sur l'écoute suivante.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, avant que de le faire,

13 je voudrais remarquer, pour ce qui est du compte rendu d'audience que,

14 lorsque vous êtes passé au paragraphe suivant dans l'écoute précédente,

15 vous êtes passé du KID 30 911 au KID 30 985.

16 M. HARMON : [interprétation] Oui. Je l'ai fait de façon délibérée, Monsieur

17 le Président, parce que mon temps est limité.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais les gens pourraient penser,

19 pour ce qui est maintenant de retrouver la page 6, et cela avait semblé se

20 terminer à la page 5. Nous allons -- il faut préciser qu'il faut passer au

21 suivant.

22 M. HARMON : [interprétation] Oui. Cela se trouve à deux intercalaires plus

23 loin, et je me réfère maintenant au KID 31 022 -- 31 023.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. HARMON : [interprétation] Il s'agit de janvier 1992, et nous parlons là

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1 d'une conversation entre M. Krajisnik et M. Karadzic. Je vais attendre,

2 Monsieur Stewart, que vous me fassiez signe pour savoir que vous avez bien

3 retrouvé la page en question.

4 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse. Vous avez bien dit janvier,

5 n'est-ce pas ? Pouvez-vous me donner les premiers mots ?

6 M. HARMON : [interprétation] Cela commence : "Que fais-tu, Docteur ?"

7 M. STEWART : [interprétation] Je m'excuse. C'est seulement sans -- il dit

8 seulement "janvier", n'est-ce pas ? Pourriez-vous me donner les premiers

9 mots, s'il vous plaît ?

10 M. HARMON : [interprétation] Il dit : "Qu'est-ce que vous faites,

11 Docteur ?"

12 M. STEWART : [interprétation] Je ne veux pas tarder des choses.

13 Poursuivez, s'il vous plaît.

14 M. HARMON : [interprétation]

15 Q. Voyez-vous cela, Monsieur Kljuic ? Je vous demande de lire cette

16 conversation dans son intégralité.

17 M. HARMON : [interprétation] Il semblerait qu'il y ait eu une erreur de

18 compte rendu. On a dit 21 023, c'est du moins ce qui figure au compte rendu

19 d'audience, alors qu'il faut qu'il y ait 31 023. Je crois que la chose doit

20 être rectifiée au compte rendu.

21 Q. Monsieur Kljuic, lorsque vous aurez fini, faites-moi signe.

22 L'INTERPRÈTE : Signe affirmatif de la tête du témoin.

23 M. HARMON : [interprétation]

24 Q. Le passage sur lequel j'aimerais que vous vous penchiez figure en

25 page 2 de la version anglaise. On dit :

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1 "Krajisnik : De la municipalité de Nova Sarajevo.

2 Karadzic : Oui.

3 Krajisnik : C'est avec Birac, que toi et moi et lui aussi, ainsi que les

4 deux en question, devrions nous réunir. Ils disent qu'ils ont des problèmes

5 là-bas, et c'est une municipalité importante pour nous.

6 Karadzic : Oui. C'est normal. Birac aussi. Je crois que c'est un homme

7 intelligent. Il a une bonne approche."

8 Est-ce que vous pouvez lire [comme interprété] le passage.

9 R. Cela nous dit que Karadzic, Krajisnik et les autres avaient une vue

10 d'ensemble sur ce qui se passait au niveau du terrain. Maintenant, pour ce

11 qui est de la date, la question de Nova Sarajevo emportait beaucoup en

12 effet, parce que sur une partie à proximité de Pofalici, c'est là que la

13 ville se trouvait être la plus étroite. Il y a quelques centaines de mètres

14 seulement de large. D'un côté, il y a une grande caserne, la plus grande

15 caserne de Bosnie-Herzégovine, qui avait abrité, à l'époque, un très grand

16 nombre de soldats.

17 Il convient de savoir que Nova Sarajevo, aux yeux du SDS, avait beaucoup

18 d'importance parce que, dans leurs plans, qui consistaient à couper la

19 ville en deux, il s'agissait du point le plus important, ce point entre

20 Miljacka et Pofalici. A vol d'oiseau, cela faisait, au maximum, 300 mètres.

21 Par la suite, après cette conversation, à deux reprises, ils

22 poursuivront la construction de barricades -- d'obstacles dans la ville.

23 Cela faisait monter les tensions. Il y a eu une mobilisation générale des

24 citoyens, et cela a été une espèce de test -- d'essai pour ce qui est de

25 voir s'il pourrait être opéré une percée dans l'agression et couper

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1 Sarajevo en deux.

2 Les citoyens, eux aussi, étaient conscients de l'importance de ce

3 site-là. Ils ont préparé leur défense. Cela fait qu'en dépit de toutes les

4 difficultés, les autres n'ont pas pu couper la ville en deux parties, où il

5 y aurait eu une partie de la vieille ville avec les institutions, la

6 présidence, et cetera, qui se trouvait coupée du reste.

7 Q. Merci, Monsieur Kljuic.

8 M. HARMON : [interprétation] Je vois l'heure passée, Monsieur le Juge --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. En effet. Madame l'Huissière,

10 veuillez escorter et raccompagner M. Kljuic du prétoire. Mais suite --

11 avant cela, je voudrais lui demander de revenir dans ce même prétoire

12 demain matin à 9 heures 00. J'aimerais, une fois de plus, lui dire qu'il ne

13 s'agit pas pour lui de converser avec qui que ce soit de la teneur de son

14 témoignage passé ou du témoignage à venir. Merci.

15 [Le témoin se retire]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Harmon, combien de temps

17 pensez-vous qu'il vous faut pour achever cet interrogatoire principal ? Je

18 sais que vous avez eu des problèmes techniques. Je sais que M. Kljuic est

19 arrivé en retard. Je sais que ces commentaires auront été couchés sur

20 papier assez tard, mais, à plusieurs reprises, vous avez souligné la

21 nécessité pour M. Kljuic de rentrer chez lui jeudi.

22 M. HARMON : [interprétation] Je crois que ce soit -- que c'est plutôt

23 irréaliste de s'attendre, et je crois qu'il faudra qu'il revienne, je ne

24 pense pas avoir -- pouvoir terminer, je ne peux pas donc parler d'un ordre

25 du jour.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la raison pour laquelle je soulève

2 la question.

3 M. HARMON : [interprétation] Je crois qu'il me faudra encore une heure pour

4 parcourir ces écoutes, j'ai fait une sélection. Je crois pouvoir terminer

5 en une heure ou peut-être un peu plus. Cela dépendra du nombre de ces

6 écoutes.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Si l'on compte encore une heure,

8 en termes généraux, cela nous fera deux jours, donc huit à neuf heures de

9 travail en circonstances normales. Je suis en train de regarder ce que va

10 dire la Défense, 60 % de neuf sur neuf heures, cela nous donne à peu près

11 six heures. Mais ce que je puis imaginer, c'est qu'avec ce témoin-ci,

12 l'équilibre habituel ne devrait pas faire l'objet d'une approbation

13 immédiate de la Défense. Bien entendu, et on peut en discuter. Mais,

14 maintenant, si vous nous dites que M. Kljuic doit rentrer chez lui jeudi,

15 cela signifie qu'il n'est plus à notre disposition jeudi ou est-ce qu'il

16 peut rentrer tard l'après-midi de jeudi ?

17 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, le problème c'est que

18 je ne suis pas capable de lui parler de cette organisation.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, et vous avez dit à plusieurs

20 reprises jeudi. Nous allons voir avec l'unité chargée des Victimes et des

21 Témoins pour savoir si là encore la matinée de jeudi est disponible.

22 Ensuite, Monsieur Stewart, avez-vous une idée quelle quel soit concernant

23 deux choses. D'un, est-ce que vous allez être à même de commencer votre

24 contre-interrogatoire ? De deux, de combien de temps pensez-vous avoir

25 besoin ?

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1 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je peux certainement

2 commencer mon contre-interrogatoire. Maintenant, pour ce qui est du temps

3 nécessaire, je m'efforcerais de me situer dans le cadre temporel normal.

4 Mais il est trop tôt pour moi de le dire à présent, Monsieur le Président.

5 J'ai une petite requête à faire, est-ce que nous pourrions dire -- est-ce

6 qu'on pourrait nous dire cet après-midi ? Est-ce que M. Kljuic va continuer

7 jeudi ou va rentrer jeudi ? Cela importe beaucoup -- cela influe beaucoup

8 sur notre planning. Il faut que nous le voyions.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons le faire tout d'abord. Nous

10 allons vérifier avec lui s'il s'est chargé des victimes et des témoins pour

11 savoir l'heure à laquelle M. Kljuic ne serait plus disponible jeudi, est-ce

12 qu'on aura la journée de jeudi ou pas, et nous vous en informerons dès que

13 possible. Maintenant.,s'il n'est pas disponible jeudi matin ici, il est

14 certain que nous ne pourrons pas terminer avec son témoignage en entier

15 pace que je suppose que vous ne serez pas en mesure de travailler trois

16 heures seulement, M. --

17 M. STEWART : [interprétation] C'est la raison pour laquelle il n'y a aucune

18 chance que cela se fasse ainsi, et il importerait beaucoup que nous

19 utilisions de la meilleure des façons possible le temps disponible, et je

20 pourrais le faire quand j'aurais une réponse.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons nous efforcer de

22 constater la chose et de vous en informer dès que possible.

23 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, mais peut-être l'unité

24 chargé des Témoins pourrait informer M. Kljuic au cas où il devrait partir

25 jeudi, qu'il aurait à revenir ultérieurement à un moment donné.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La solution, la meilleure devrait

2 être étudiée.

3 C'est la première des choses à faire pour ce qui est du programme pour

4 contacter l'unité chargée des Victimes et des Témoins et informer les

5 parties dès que possible.

6 Nous allons lever l'audience et nous allons reprendre demain matin à 9

7 heures 00, même salle d'audience.

8 --- L'audience est levée à 13 heures 50 et reprendra le mercredi 29

9 septembre 2004, à 9 heures 00.

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