Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 3 novembre 2004

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour à tout le monde. Madame la

6 Greffière, pourriez-vous citer l'affaire, s'il vous plaît.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, il

8 s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

10 Avant de demander au Procureur de citer son prochain témoin, il y a une

11 question de calendrier concernant le témoin de la semaine prochaine qui

12 comparaît en vertu de l'Article 92 bis.

13 M. HANNIS : [interprétation] Comme je l'ai déjà dit à

14 M. Acquaviva hier, je pense que nous allons avoir un petit peu plus de

15 temps que prévu. Nous avons prévu de passer dix heures et demie pour ce

16 témoin, mais je pense que nous allons avoir besoin de moins de temps que

17 cela. Puisque la semaine d'après est une semaine où nous n'avons pas

18 d'audience, je n'étais pas sûr si je devais faire venir un témoin, un vrai

19 témoin, mais puisque nous avons encore un certain nombre de questions en

20 vertu de l'Article 92 bis à résoudre, et si les Juges souhaitent le faire

21 venir, je me suis dit que ce serait une bonne opportunité. C'est vrai que

22 ceci va donner un petit plus de travail à M. Stewart, qui va être, je pense,

23 le seul conseil de la Défense ici la semaine prochaine.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame Loukas.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, c'est, effectivement, le cas de figure

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1 qui se présente. Me Stewart va être seul ici. Je ne vais pas être ici. Je

2 vais faire une pause. J'en ai besoin. C'est

3 Me Stewart qui va s'en occuper.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous savez de quoi il

5 s'agit ? Est-ce que vous avez parlé avec Me Stewart de cela ?

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Non.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non.

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, il ne m'a pas dit cela. Si j'ai bien

9 compris les choses à présent, il y a encore deux témoins qui ont été prévus

10 et je ne suis pas vraiment sûre quels sont les témoins que Me Hannis

11 propose de citer en plus de ces deux témoins prévus pour le semaine

12 prochaine, je ne sais pas quel est leur nombre.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, il s'agit du

14 témoin qui comparaît en vertu de l'Article 92 bis, dont la décision n'a pas

15 encore été prise par les Juges de la Chambre. Maître Hannis, est-ce exact

16 ceci ?

17 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président. C'est lui

18 qui devait normalement venir pour subir le contre-interrogatoire de la part

19 de la Défense, je pense que la Défense est d'accord. C'est un témoin

20 protégé, il s'agit du Témoin K629.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris les choses, la

22 Défense est d'accord pour que ce témoin comparaisse en vertu de l'Article

23 92 bis, hormis le fait qu'ils ont besoin de le contre-interroger.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Il y a encore un point qui n'a pas été encore

2 résolu, et je pense que nous pourrions en parler après la prochaine pause.

3 Il s'agit des pièces versées hier, c'est-à-dire que la Défense souhaite

4 verser au dossier la déclaration du témoin d'hier, déclaration qu'il a fait

5 en 1993.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons pouvoir, effectivement,

7 traiter de cela tout de suite.

8 M. HANNIS : [interprétation] Nous n'avons pas d'objection.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas d'objection.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Je ne suis pas vraiment sûre si nous avons

11 suffisamment d'exemplaires. Pour l'instant, nous en avons --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas besoin d'en parler à

13 présent. L'essentiel, c'est que ce document est admis en tant que pièce à

14 conviction.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous lui attribuer

17 une cote, Madame la Greffière ?

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la cote D31.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Il s'agit de la déclaration

20 préalable qui a été donnée par le témoin précédent en 1993 qui a été versée

21 au dossier et, bientôt, nous allons recevoir le nombre suffisant de

22 photocopies de ceci.

23 Madame Loukas, je vous demande de rentrer en contact avec

24 Me Stewart pour pouvoir être en mesure de prendre une décision définitive

25 concernant les témoins qui vont être cités en vertu de l'Article 92 bis la

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1 semaine prochaine.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement, je vais le faire.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

4 Monsieur Gaynor, c'est vous qui allez interroger le prochain témoin.

5 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, effectivement. Nous pouvons commencer

6 avec ceci.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous, s'il vous

8 plaît, faire entrer M. Mujkic dans le prétoire, c'est le prochain témoin

9 que nous allons citer à la barre.

10 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Mujkic. Avant de

12 commencer votre déposition en l'espèce, le Règlement de procédure et de

13 preuve demande que vous fassiez une déclaration vous engageant de dire la

14 vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Le texte de la dite

15 déclaration va vous être présenté par

16 Mme l'Huissière. Je vous prie de bien vouloir le lire.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

18 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

19 LE TÉMOIN : RAMIZ MUJKIC [Assermenté]

20 [Le témoin répond par l'interprète]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Mujkic. Vous pouvez vous

22 asseoir. Monsieur Mujkic, vous allez, tout d'abord, être interrogé par Me

23 Gaynor, le conseil du bureau du Procureur.

24 S'il vous plaît, poursuivez Monsieur Gaynor.

25 Interrogatoire principal par M. Gaynor :

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1 Q. [interprétation] Pourriez-vous me donner votre nom et votre prénom ?

2 R. Ramiz Mujkic. --

3 Q. Monsieur Mujkik, je vais vous lire quelques informations relevant de

4 votre curriculum vitae. Je vous prie de bien vouloir confirmer ou infirmer

5 ce que je dis.

6 Vous êtes un Musulman de Bosnie, vous êtes né en 1948, vous êtes

7 originaire du village d'Ahatovici.

8 R. Non, non. Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi avez-vous d'abord hésité ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais c'est la traduction.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous étiez en train de corriger quelque

12 chose ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est l'année qui ne me convient pas puisqu'on

14 a dit 1949 et je suis né en 1948.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans notre traduction, nous voyons bien

16 l'année 1948. Nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit de l'année

17 1948.

18 M. GAYNOR : [interprétation]

19 Q. Vous travailliez en tant qu'électro-mécanien dans la caserne de la JNA

20 à Butile de 1967 jusqu'à 1992, à part la pause que vous avez fait vers la

21 fin des années 1960 pour effectuer votre service militaire. Vous êtes marié,

22 vous avez une fille et vous avez des petits-enfants; est-ce exact ?

23 R. Oui.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais que l'on montre au témoin la

25 première pièce à conviction.

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1 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P371.

2 M. GAYNOR : [interprétation]

3 Q. À votre gauche se situe une carte. Il y a plusieurs autocollants rouges

4 qui sont collés sur cette carte. C'est bien la carte que vous avez préparée

5 avec mon aide lundi dernier.

6 R. Oui.

7 Q. La signature en bas de cette carte et la date, est-ce bien vous qui

8 avez fait cette signature et qui avez écrit cette date ?

9 R. Oui.

10 Q. Les "stickers", est-ce que c'est vous qui les avez apposés à l'endroit

11 où ils se trouvent ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu'après cela vous avez aidé à préparer la légende correspondant

14 à cette carte ?

15 R. Oui, et je l'ai signée d'ailleurs.

16 Q. Merci, Monsieur Mujkic. Vous avez vécu dans le village d'Ahatovici

17 jusqu'à la fin du mois de mai, début du mois de juin 1992. Pourriez-vous

18 nous dire quelle est la composition ethnique d'Ahatovici ?

19 R. C'est une population à 90% musulmane.

20 Q. Vous avez travaillé dans la caserne de Butile. Est-ce que cette caserne

21 est notée par le numéro 11 sur la carte ?

22 R. Oui.

23 Q. Le village d'Ahatovici est marqué par les autocollants 3, 4 et 5 ?

24 R. Oui.

25 Q. Avant le mois d'avril 1992, pourriez-vous nous dire qu'est-ce qui se

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1 trouvait dans la caserne de Butile ?

2 R. C'était le plus gros dépôt du 7e District militaire. C'est celui qui

3 correspondait à la Bosnie-Herzégovine. Tous les équipements pour les

4 soldats y étaient entreposés, les chaussures, les casques, les vêtements,

5 les baudriers, les ceinturons, les protège-genoux, et cetera.

6 Attendez, je n'ai pas terminé, et il y avait aussi une boulangerie

7 qui fournissait du pain à toutes les casernes de Sarajevo. Il y avait aussi

8 un service de menuiserie pour tous les travaux de menuiserie ainsi qu'un

9 cordonnier qui réparait les chaussures, qui fabriquait les chaussures et

10 qui fabriquait aussi les pointures particulières, et cetera

11 Q. Merci, Monsieur Mujkic. Cela me suffit. Maintenant, nous allons parler

12 de la période qui suit après le mois d'avril 1992. Qu'est-ce qui était

13 déposé dans ces casernes à l'époque ?

14 R. Il y avait bien moins de choses, puisque ces voitures étaient attelées

15 à des camions et ensuite transportées en grand nombre jusqu'au palais. Il

16 s'agissait là de remorques qui avaient des plaques d'immatriculation

17 monténégrines ou serbes. J'ai oublié de vous dire d'ailleurs que, dans

18 cette caserne, il y avait aussi plein de médicaments puisque c'était des

19 médicaments qui étaient destinés aux hôpitaux militaires de la ville de

20 Sarajevo. D'ailleurs, ces médicaments étaient les premiers à avoir été

21 acheminés vers Pale.

22 Q. En ce qui concerne l'équipement militaire autour du mois d'avril 1992,

23 est-ce qu'il y a eu des mouvements en ce qui concerne les dépôts, la

24 quantité ?

25 R. Je vous ai déjà dit que c'était une caserne où il y avait surtout de

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1 l'équipement, il n'y avait pratiquement pas d'armes à part les M-40. Les M-

2 40, ce sont les fusils de la Défense territoriale, enfin le vieux type de

3 fusil. D'abord, on a amené ces fusils, ensuite les médicaments et ensuite

4 la nourriture, du sucre, de la farine, de l'huile, toute sorte de conserves.

5 Tout ceci a été cheminé ailleurs.

6 Q. Merci, Monsieur Mujkic. Quand vous répondez à mes questions, je vous

7 prie de vous contenter de répondre brièvement, de façon succincte à mes

8 questions. Ceci m'aiderait vraiment. Là, je parle de la période se situant

9 autour du mois d'avril 1992. Pourriez-vous me dire dans quelles mesures les

10 villageois musulmans d'Ahatovici étaient armés à cette époque-là ?

11 Q. Il y avait des gens qui avaient des fusils de chasse. C'était des

12 chasseurs de toute façon. Donc ils avaient ces carabines. C'est vrai qu'on

13 avait apporté des armes. Il y avait une quinzaine de personnes qui se sont

14 rendues à Visoko, vers la fin du mois d'avril et même au début du mois mai,

15 12 personnes sont venues avec eux. Ce sont des personnes qui ont été

16 échangées à Pale, des personnes originaires de Bratunac et ils sont restés

17 à Ahatovici. Ils ont apporté leurs armes avec eux. Je ne sais pas s'il y

18 avait qui que ce soit pour inspecter ces armes, mais de toute façon, ces

19 armes étaient bien là.

20 Q. Là, nous allons parler des civils serbes. Dans quelle mesure ces civils

21 étaient armés entre le mois d'avril et le mois de mai 1992 ?

22 R. Déjà à l'époque, ils disposaient de toutes les armes nécessaires pour

23 mener la guerre. Au début du mois de février, ils ont commencé d'ailleurs à

24 apporter des armes dans des camions et à les distribuer à la population

25 serbe.

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1 Q. Vous parlez des camions qui emportaient des armes. Pourriez-vous, s'il

2 vous plaît, nous dire pourquoi vous affirmez cela?

3 R. J'ai prêté serment pour dire que j'allais dire la vérité, toute la

4 vérité, et rien que la vérité. D'ailleurs, c'est ce que je fais.

5 Personnellement, j'ai été présent au moment où on a déchargé les armes

6 auprès de la maison de Stevo Petricevic. C'est un voisin à moi. Sa maison

7 se trouve à peu près à 300 mètres de vol d'oiseau de ma maison.

8 Q. On les a déchargées d'où ?

9 R. Voyez vous, j'ai travaillé au sein de l'armée pendant 24 années, et je

10 connaissais très bien tous les types de camions. Là, c'était un camion de

11 type TAM. Les bruits de sa machine étaient vraiment caractéristiques. C'est

12 une machine diesel. Vous savez, les autres machines, les autres moteurs,

13 ont un autre bruit, donc c'est évident que cela était un dajc. D'ailleurs,

14 ce camion a emprunté une toute petite route, sans avoir allumé les phares.

15 C'est cela qu'a soulevé mes soupçons parce que je me suis demandé pourquoi

16 ils n'allumaient pas la lumière. Enfin, pourquoi il n'y a pas de phares ?

17 Entre ma maison et la maison de Stevo, il y a deux maisons entre les deux,

18 et le reste, c'est vraiment la prairie. Je me suis caché derrière la cabane

19 de Stevo Petricevic. J'étais à peu près à 20 mètres de là. Là, je les ai

20 vus en train de décharger des boîtes de ce véhicule. J'étais vraiment

21 étonné parce qu'il n'y avait pas de lumières, mais je savais exactement que

22 c'était des armes parce que je connaissais très bien la façon dont on

23 gardait ces armes. Je connaissais très bien ces boîtes, le packaging. Je

24 n'avais pas de doute là-dessus.

25 Q. Quel était l'appartenance ethnique de Stevo Petricevic ?

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1 R. Il était Serbe.

2 Q. Vous avez parlé du mois de février. Est-ce que vous avez une date à me

3 donner pour cet événement ?

4 R. C'était au début du mois de février. Mais, vous savez, je n'ai même pas

5 pu rêver qu'un jour je me retrouverais ici; sinon, j'aurais tenu un journal,

6 mais je ne l'ai pas fait. D'ailleurs, tout a brûlé dans ma maison. Je n'ai

7 aucun document, je n'ai aucune photo personnelle. Vous savez, tout ceci,

8 c'est passé il y a 12 années.

9 M. GAYNOR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin la

10 pièce suivante.

11 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P372.

12 M. GAYNOR : [interprétation]

13 Q. C'est un document en date de "la cellule de Crise municipale de

14 Rajlovac" C'est la date de la traduction en langue anglaise de ce document,

15 le 1er avril 1992. Monsieur, pourriez-vous, s'il vous plaît, examiner la

16 date de ce document et me dire quelle est cette date, d'après vous ?

17 R. Ce que je vois ici, c'est le 9 avril 1992.

18 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais juste

19 prendre note du fait que c'est une correction de la traduction en langue

20 anglaise.

21 Q. Monsieur, je vous prie à présent d'examiner le paragraphe 3 de ce

22 document, où il est écrit : "Un policier et deux membres de la TO doivent

23 être présents au point de contrôle vers le centre de distribution 24 heures

24 par jour pour contrôler tous les véhicules allant dans cette direction. Le

25 peloton de Rajlovac, son commandant, et le commandant d'une unité" - dont

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1 le nom est illisible dans le document - "sont responsables de cela en

2 coopération avec le commandant de la police."

3 Monsieur, quand vous regardez ce paragraphe, le paragraphe numéro 3, de

4 quoi il s'agit ?

5 R. C'est le premier barrage routier dans notre région qui était érigé au

6 niveau du pont qui traversait la rivière Bosna à Rajlovac et, quand on

7 tourne à gauche, on tourne vers le hameau d'Ahatovici. Pour nous, c'était

8 la route principale, puisque pour aller à Sarajevo il fallait passer à côté

9 de la caserne de Butile, vers Stup.

10 Q. Si vous examinez à nouveau la carte qui est placée à votre gauche, est-

11 ce que ce pont est marqué par le sticker numéro 12 ?

12 R. Non, on ne l'a pas marqué, mais c'est juste à côté de numéro 7, en

13 traversant de la rivière Bosna. D'ailleurs, on voit bien le village de

14 Reljevo. C'est vrai que nous ne l'avons pas marqué ce pont parce que vous

15 ne l'avez pas demandé, tout simplement.

16 Q. Merci d'avoir précisé cela.

17 Qui utilisait ce pont en avril 1992 ?

18 R. Exclusivement des Serbes.

19 Q. Comment savez-vous qu'il n'y avait que les Serbes qui utilisaient ce

20 pont, qui empruntaient ce pont ?

21 R. Parce que quelques personnes qui voulaient traverser ce pont, on les a

22 forcer de faire demi-tour, en disant que les balijas ne pouvaient plus

23 passer par là.

24 Q. Quand vous dites "qu'ils" ont fait cela, vous faites référence à qui ?

25 R. Ce sont les gens qui faisaient partie des Unités serbes, enfin, tout

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1 simplement, les Serbes qui se trouvaient déjà là. Par exemple, mon voisin

2 le plus proche, Nedzo Bujak, qui était le premier à tenir ce barrage

3 routier au pont de Reljevo, alors que sa maison se trouve à 50 pas de la

4 mienne, il nous a bien dit de ne pas y aller. Il m'a dit qu'il n'avait pas

5 le droit de me dire quoi que ce soit, mais qu'il ne fallait pas qu'on ne

6 puisse pas passer par là.

7 M. GAYNOR : [interprétation] Est-ce que vous pouvez montrer au témoin la

8 pièce à conviction suivante.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P373.

10 M. GAYNOR : [interprétation]

11 Q. Ce document est intitulé : "Republika Srpska, Bosnie-Herzégovine,

12 service d'information," en date du 11 mai 1992. Dans le titre, nous avons

13 "la municipalité de Vogosca". Vous voyez qu'il y a un tampon qui indique

14 "Republika Srpska, Bosnie-Herzégovine" avec le numéro de référence, la date,

15 et le mot "Sarajevo".

16 Monsieur, j'aimerais, en fait, attirer votre attention sur le cinquième

17 paragraphe de votre version, et je vais vous en donner lecture maintenant :

18 "Pendant la nuit du 9 mai, les Bérets verts et les HOS ont lancé une

19 attaque contre la caserne de Rajlovac, pendant laquelle ils ont également

20 incendié Sokolje."

21 Monsieur, vous souvenez-vous de l'endroit où vous vous trouviez le 9 mai ?

22 R. Oui. Je vais commencer par la journée du 9 mai parce que c'est le jour

23 où je me suis enfui de Butile. J'étais électricien et je m'occupais de tous

24 les services électriques. Notre attention, en fait, était véritablement

25 concentrée sur la boulangerie parce que le pain était nécessaire tous les

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1 jours.

2 C'est vrai que les réservistes me lançaient des drôles de regards,

3 mais personne ne m'a jamais rien dit. Lorsque je suis arrivé à la caserne,

4 la situation n'était pas normale. Personne ne m'adressait la parole. Il

5 semblait qu'il y avait beaucoup de perturbation. J'étais avec un boulanger,

6 en fait, qui se chargeait de faire le pain. Je m'occupais du matériel

7 technique. Je lui ai dit : Qu'est-ce qui passe ? Il m'a dit : On dirait

8 qu'il y a quelque chose de bizarre qui se passe aujourd'hui.

9 Peu de temps après, un soldat est arrivé et a dit : Le colonel Nikola Suput

10 veut vous voir. Je me suis rendu avec lui en bas, et il m'a dit : Voilà ce

11 lieutenant. Il y avait un lieutenant qui était debout, qui était là, et qui

12 a dit : allez avec lui. Portez un uniforme. Prenez une arme. On va vous

13 donner une arme. Ne rentrez pas chez vous.

14 J'ai été assez surpris. Je lui ai dit : mon colonel, cela fait si

15 longtemps que j'attends cela, et enfin ce jour est arrivé. Il m'a dit :

16 bien voilà, oui.

17 J'ai été censé laisser tous mes outils, changer mon bleu de travail.

18 Ils venaient d'arriver à Butile, alors que j'ai travaillé depuis 24 ans. Je

19 connaissais le terrain particulièrement bien.

20 Je me suis rendu dans la partie réservée à la boulangerie, qui se

21 trouvait à quelque 200 mètres du quartier général et qui se trouve près des

22 bois. Il faut savoir que Butile est une région très large, extrêmement

23 boisée. Je n'ai même pas enlevé mon bleu de travail. J'ai traversé par les

24 barrières. En fait, j'ai traversé à travers la grille parce qu'il y avait

25 des mines qui avaient été placées autour de la barrière qui était autour de

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1 la caserne. J'ai marché par la prairie, et j'ai marché vers ma maison qui

2 se trouvait à quelque deux kilomètres de la caserne. En fait, je pense que

3 cela m'a pris seulement cinq minutes pour franchir les deux kilomètres.

4 Voilà comment j'ai passé la journée.

5 Vers 21 heures, les premières bombes ont commencé à partir de notre

6 zone, ou plutôt, à partir de Dobrosevici, en fait, c'est un endroit que

7 l'on appelle Jaruge. C'est un peu en surplomb. Vous avez la rivière Bosna

8 qui est en aval, qui est dans la vallée et il y a également une autre

9 colline que l'on peut voir ainsi à l'œil nu.

10 Les canons commençaient à tirer vers Sokolje. Nous avons tous été

11 extrêmement surpris, parce que c'était véritablement notre baptême de feu.

12 Nous n'avions jamais vu quelque chose de ce style. Les gens comptaient les

13 obus et les bombes. D'aucuns en ont compté 500, d'autres 600. En fait, tout

14 le monde a fait ses propres calculs, donc ce qui fait que les chiffres

15 n'ont jamais correspondu.

16 Enfin, voilà, j'étais chez moi le 9 mai pendant la soirée. Depuis, je

17 ne suis plus jamais retourné à la caserne de Butile.

18 Q. Quelle était, essentiellement, l'appartenance ethnique du village de

19 Sokolje ?

20 R. Il était à 99 % Musulmans.

21 Q. Avez-vous des observations à faire, à propos de ce qui est supposément

22 une attaque menée à bien par les Bérets verts et les HOS contre Rajlovac,

23 et sur le fait qu'ils ont après apparemment brûlé Sokolje ? Avez-vous des

24 observations à faire à ce sujet ?

25 R. Oui. Il s'agit d'une propagande serbe. A chaque fois que quelque chose

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1 se produisait, les Bérets verts étaient mentionnés, ainsi que les HOS. Les

2 HOS sont des forces croates de la République de Croatie, donc il y avait

3 certains critères à prendre en considération. Ces gens étaient des ennemis

4 mortels, et les Bérets verts représentaient l'ensemble de la population

5 musulmane d'après eux. Ils voulaient les tuer en fait, donc tout ce qui se

6 passait était attribué au HOS ainsi qu'aux Bérets verts. La vérité étant

7 que c'est eux qui ont attaqué, ce sont les forces serbes qui ont attaqué

8 Sokolje le 9 mai 1992.

9 M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce

10 à conviction suivante, qui a déjà été versée au dossier.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'essaie de trouver Sokolje sur la

12 carte. Est-ce que vous pourriez peut-être nous indiquer ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. On peut le voir, mais Sokolje n'est pas

14 indiqué. Ce n'est pas ce qui est indiqué en fait sur la carte. C'est la

15 localité la plus proche de la maison de M. Krajisnik. Cette localité se

16 trouve à quelque 200 à 300 mètres de sa demeure.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez, avec l'aide du

18 pointeur, nous indiquer où cela se trouve sur la carte.

19 LE TÉMOIN : [Le témoin s'exécute] Voilà, il s'agit de ces maisons-là. Il y

20 a Brijesce et une autre localité. Il s'agit de terrain serbe qui avait été

21 vendu à des Musulmans. Toute cette zone était musulmane à 90 %.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le témoin a indiqué des maisons qui

23 se trouvent juste au dessus de l'endroit où le mot "Rajlovac" est indiqué

24 sur la carte, à gauche du mot Brijesce.

25 M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce

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1 à conviction suivante. C'est une pièce à conviction qui a déjà une cote,

2 dont je vais vous donner lecture : 64A, ensuite, note en bas de page du

3 classeur 24, 13-077.A.

4 Q. Comme vous pouvez le voir, Monsieur, il s'agit d'un décret relatif à la

5 promulgation d'une loi visant l'établissement de la municipalité de

6 Rajlovac, avec un quartier général à Rajlovac. Cette loi fût adoptée par

7 l'assemblée du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine lors de sa session du 11

8 mai 1992. Vous voyez qu'en dessous apparaissent ces mots : "Président de la

9 présidence de la République Serbe, le Dr Radovan Karadzic." A la fin du

10 document, après l'Article 4, vous voyez les mots : "Président de

11 l'assemblée du peuple serbe, Momcilo Krajisnik."

12 Monsieur, j'aimerais attirer votre attention sur le paragraphe 2,

13 précisément, qui indique : "La municipalité de Rajlovac de Sarajevo englobe

14 la population ou les zones suivantes." Vous avez, ensuite, toute une liste,

15 toute une énumération des différentes zones, dont je ne vais pas vous

16 donner lecture maintenant. Mais est-ce que vous pourriez nous indiquer, et

17 indiquer aux Juges, si, dans ces localités ou dans ces secteurs, il y avait

18 une population musulmane importante ?

19 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, le terme

20 "substantial", interprété par "important", a été avancé. Je ne sais pas

21 s'il sera extrêmement utile à la Chambre de première instance.

22 M. GAYNOR : [interprétation] Je retire le mot "important," ou "substantial"

23 dans la version anglaise.

24 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quelles sont ces localités qui

25 étaient musulmanes ?

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1 R. Je vais procéder par ordre. Bojnik est une localité où un tiers de la

2 population était musulmane, un tiers croate, un tiers serbe. Si vous prenez

3 l'ensemble de la zone, les Croates étaient en minorité, mais, en fait, ils

4 étaient en nombre égal aux autres. Vous avez, ensuite, Dobrosevici, un

5 quart, parce que Dobrosevici était à 70 % serbe; puis vous avez Ahatovici,

6 entre 85 à 90 % de Musulmans; puis vous avez la localité qui s'appelle

7 Crkotina. Cela est un nom que je ne connais pas. En fait, il n'y a pas de

8 localité qui porte ce nom. Peut-être que c'est Crnotina. C'est un nom qui

9 remonte à l'époque austro-hongroise. C'est un nom du cadastre, et c'est

10 l'ensemble de la zone que l'on pourrait appeler Crnotina, mais Crkotina

11 n'existe pas. Puis vous avez Reljevo qui était à 99 % serbe, puisqu'il n'y

12 avait que deux demeures musulmanes et deux demeures croates. Vous avez

13 ensuite Perivoj, où c'était serbe. Je ne pense pas qu'il y avait des

14 Musulmans là-bas. Vous avez Rjecica, avec une maison croate, et le reste

15 était serbe. Vous avez Reljevo et Perivoj, qui se trouvent dans la même

16 région. Il n'y avait qu'une voie ferroviaire qui passait entre les deux.

17 Puis vous avez Zabrdje, qui avait une population essentiellement serbe. Il

18 y avait beaucoup de terrains qui avaient été vendus. Toutefois, il y avait

19 également des Musulmans là. Je ne peux pas vous donner le pourcentage

20 exact. Smiljevi était également Serbe. Rajlovac était Serbe, bien que

21 Rajlovac ait une petite population. Il s'agissait, en fait, d'un centre

22 industriel, et vous aviez la caserne également qui occupait beaucoup de

23 terrain. Brijesce, c'était une population musulmane. Vous avez la rue du 25

24 mai, puis vous avez Padina [phon] Brijesce, Brijesce Brdo, il y avait une

25 population serbe. Bacici, là encore population serbe. Mais il s'agit d'un

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1 complexe agricole, donc il n'y avait pas beaucoup de personnes qui y

2 habitaient. Ensuite, Bacici et Halilovici. Là je connais cela. Il y avait

3 une caserne à Halilovici qui était une caserne différente. Puis il y avait

4 dix maisons, Djokici, pas plus, en fait. Puis Dolac et Zuc. C'est là, en

5 fait, que la population était essentiellement Serbe.

6 Q. Monsieur, j'aimerais, en fait, vous demander de vous rappeler le 29 mai

7 1992. Où vous trouviez-vous ce jour-là ?

8 R. Le 29 mai 1992, en ce jour fatidique, je me trouvais chez moi. Le

9 matin, j'étais dans mon potager, je récoltais des pommes de terre. Je vis

10 dans un village, donc j'avais une petite parcelle de terrain qui

11 appartenait à mes ancêtres. Il a commencé à pleuvoir. Ce qui fait, qu'avec

12 ma femme nous sommes rentrés à la maison. Nous nous sommes douchés, nous

13 avons déjeuné. La pluie a continué de tomber. Vers 15 heures 15, ou 15

14 heures 20, et de grâce, ne soyez pas strict pour ce qui est des minutes que

15 j'indique, le premier obus a commencé à tomber. Cela nous a pris

16 véritablement au dépourvu parce que nous ne nous y attendions pas. C'est le

17 jour où le bombardement a commencé, le bombardement d'Ahatovici, cela a

18 continué pendant quatre journées. Cela s'est arrêté brutalement comme si

19 quelqu'un avait émis l'ordre d'arrêter et il n'y a plus eu une seule bombe

20 qui est tombée après cela.

21 Q. Monsieur, est-ce que vous pouviez voir d'où provenaient les obus ?

22 R. Je vais vous dire ce qui est la vérité absolue. Nous n'étions

23 absolument pas préparés pour une éventualité de guerre. Cela semble

24 quasiment tragi-comique, mais nous sommes allés sur les collines pour voir

25 qui tirait et d'où venaient les tirs. Nous ne nous sommes pas rendus compte

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1 que nous étions la cible. Personne n'a essayé de trouver refuge. Tout a été

2 fait de façon spontanée. Tout le monde a essayé de voir d'où provenaient

3 les tirs et nous ne pensions pas que cela allait duré quatre jours. On

4 pensait qu'il s'agissait de quelques obus qui tombaient ici et là. On se

5 demandait d'où ils provenaient. A quelque cent mètres de ma maison, il y a

6 une petite colline, à partir de laquelle on peut voir Rajlovac très

7 clairement. Il y avait deux blindés et il y avait également des parapets.

8 Les bombes continuaient à tomber, mais elles ne pouvaient pas, en fait,

9 toucher nos maisons. Il y avait d'autres bombes qui venaient de la caserne

10 de Butile. C'est un endroit que l'on appelle Tunje. Vers Ahatovici, à

11 quelque 500 mètres, c'est de cette zone dont il s'agit. Les blindés

12 pouvaient, en fait, viser Ahatovici.

13 Il y avait d'autres bombes qui venaient des collines avoisinantes. Des

14 mortiers y avaient été localisés. Ce qui fait que l'ensemble de la zone

15 était touché par ces bombes. Les blindés visaient les secteurs les plus

16 élevés, et pour ce qui est des secteurs en contrebas, cela venait de

17 Butile. Ce n'est pas une plaine parce qu'il y a de petites collines. Il y a

18 de petites collines, on ne peut pas les cibler, par exemple, on ne peut pas

19 cibler ma maison à cause des collines avoisinantes. Les mortiers avaient

20 été placés sur d'autres collines avoisinantes et ils visaient une maison

21 après l'autre. Chaque maison était ciblée, je dirais que ma maison a été

22 touchée par quatre obus, quatre obus de mortier pour être précis, il ne

23 s'agissait pas d'obus qui provenaient des blindés parce que les blindés ne

24 pouvaient pas viser ma maison depuis l'endroit où ils se trouvaient.

25 Q. Vous nous avez dit que vous avez vu des mortiers et des blindés. Est-ce

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1 que vous avez vu des personnes dans ces blindés et ces mortiers ?

2 R. Monsieur, un blindé ne tire pas d'une distance de 50 mètres, mais

3 plutôt d'une distance de 5 kilomètres. Cela n'est pas possible,

4 théoriquement. Les mortiers se trouvaient près des maisons serbes, parce

5 qu'Ahatovici a une population qui est essentiellement musulmane à 90 %. Les

6 Serbes se trouvaient à la périphérie d'Ahatovici, près des bois. Il ne faut

7 pas oublier qu'il y a des collines également dans cette région.

8 Je ne pouvais pas voir à travers les bois pour voir qui tirait. Bien

9 entendu, l'endroit où se trouvaient les mortiers avait été camouflé et il

10 n'y avait absolument aucune possibilité de discerner ce qui se passait, ou

11 de voir qui tirait.

12 Q. A partir du moment où les tirs ont commencé le 29 mai jusqu'au moment

13 où vous avez quitté le village, quelle était la fréquence des tirs et des

14 coups de feu ?

15 R. Je vais vous relater une boutade. En fait, nous nous étions concentrés

16 sur les sous-sols des maisons. C'est là que nous avons cherché refuge. Nous

17 y étions jour et nuit parce que le bombardement ne s'est pas interrompu. Un

18 des membres de ma famille a dit pour faire une blague : Mais qu'est-ce qui

19 se passe ? Ils ne font même pas de pause pour fumer des cigarettes. Ils ne

20 prennent même pas de pause.

21 C'était sa façon de blaguer pour dire qu'il n'y avait absolument

22 aucune interruption, même pas pour se donner le temps de fumer une

23 cigarette.

24 Q. Quand est-ce que vous avez quitté vous-même le village d'Ahatovici ?

25 R. Au vu de la situation, il était impossible de quitter les refuges, les

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1 abris, et pendant la nuit du 31 mai, nous avons pris une décision. Ma

2 maison se trouve au début d'Ahatovici, les maisons serbes se trouvent de

3 l'autre côté de la route. Il y avait des fusils, il y avait des obus et

4 nous avons décidé de nous retirer vers le centre d'Ahatovici à quelque

5 quatre ou cinq cent mètres, vers le centre. Les femmes, les enfants, tout

6 le monde marchaient en petits groupes de deux à trois. Si une bombe

7 tombait, elle ne risquait pas de frapper un groupe important de personnes.

8 Nous apprenions, en fait, à gérer la situation.

9 Nous sommes arrivés vers la maison de Fikret Mujkic qui se trouve au centre

10 d'Ahatovici, cela se trouve dans un petit vallon, ce qui fait que les

11 fusils ne pouvaient pas nous atteindre. Il y avait également des

12 mitrailleuses, mais on savait, à ce moment-là, vers quel endroit on pouvait

13 se diriger et vers quel endroit on ne pouvait pas se diriger. Nous avons

14 trouvé d'autres membres de notre famille qui s'étaient retirés vers la

15 périphérie de la localité. Le fait est que personne ne pouvait sortir

16 d'Ahatovici parce que c'était la périphérie qui subissait le plus fort des

17 bombardements. Bien sûr, quelques obus sont tombés dans le centre

18 également, mais pas autant qu'à la périphérie.

19 Alors, nous étions quelque 200 : il y avait des femmes, des enfants,

20 des personnes âgées, et certains hommes qui étaient en âge de porter les

21 armes. J'admets que j'avais une arme. C'est à ce moment-là que Fikret

22 Mujkic s'est dirigé vers moi. Il faisait partie de la cellule de Crise. Il

23 m'a dit : Ramiz, va vers Brzeljak. Cela se trouve en surplomb d'Ahatovici.

24 Essaie de trouver Meho Novalija, c'est un chasseur, il connaît très bien le

25 secteur. Vous pourrez aller vers Visoko et vers Bioca. Il y a une section

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1 de soldats qui vous aidera à vous retirer. Puisqu'il était plus jeune que

2 je lui ai dit : Fikro, c'est une question de vie ou de mort. Est-ce que

3 c'est quelque chose que tu as orchestré tout seul ou est-ce que cela

4 correspond à une décision de la cellule de Crise ? Il m'a dit : Ramiz,

5 c'est une décision qui a été prise. Ce n'est pas quelque chose que j'ai

6 concocté tout seul. Je n'ai même pas dit au revoir à ma femme et à ma

7 fille, j'ai commencé à marcher vers l'endroit où, d'après lui, se trouvait

8 Meho Novalija. Je m'y suis rendu, il y avait un jeune homme, je lui ai

9 demandé où se trouvait Meho, et il m'a

10 dit : il y a cinq minutes de cela, ils sont partis vers Bioca, vous pourrez

11 les rattraper, mais attention parce qu'ils sont en train de viser la zone

12 par laquelle vous allez passer. Les obus, les bombes continuaient à tomber.

13 J'ai poursuivi mon chemin, il y avait quelques bombes, quelques obus.

14 Il y a un obus qui a frappé et touché la zone qui était un peu en surplomb

15 par rapport à moi, mais je n'ai pas été blessé. Puis je suis arrivé dans

16 les bois.

17 En fait, il y a un kilomètre de distance entre cette maison et les

18 bois. J'ai entendu des voix et je me suis rendu compte que c'était Meho. Je

19 me suis dit c'est Meho qui est en chemin pour rencontrer les gens de

20 Visoko. Peut-être que les gens de Visoko sont déjà arrivés, ce qui m'a un

21 rasséréné.

22 Q. Permettez-moi de vous interrompre un moment. Vous nous avez dit que

23 vous vous dirigiez vers Bioca; est-ce qu'en fait vous avez atteint Bioca ?

24 R. Non, pas ce soir-là.

25 Q. J'aimerais maintenant que vous nous parliez du moment où vous êtes

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1 arrivé à Bioca. Quel jour êtes-vous arrivé à Bioca ?

2 R. Je suis arrivé à Bioca le 1er juin, vers 10 heures. Vous m'avez

3 interrompu au moment essentiel, car les voix que j'avais entendues

4 n'étaient pas les voix de Meho Novalija, ou n'était pas les voix des gens

5 de Visoko, il s'agissait des soldats serbes qui venaient d'Ilijas. Ils

6 avaient déjà incendié Bioca, ils avaient déjà amené les gens de Bioca dans

7 l'école de Bioca. Je ne savais pas, personne ne le savait parce qu'il n'y

8 avait pas de communication avec Bioca, et personne n'avait pu en sortir de

9 Bioca, à cause du bombardement. Je me suis caché dans les bois tout

10 simplement et je me suis rendu compte qu'il s'agissait de soldats serbes,

11 qu'il ne s'agissait pas de nos soldats. D'après la façon dont ils parlaient

12 et d'après les jurons qu'ils utilisaient, je me suis rendu compte que

13 c'était l'armée serbe. Vers 9 heures du matin, je suis arrivé à la maison

14 de Sehic "Iso" Ismet; en fait, son surnom c'est Iso. Sa maison était

15 ouverte, le bétail déambulait ici et, là dans la cour. Bioca était déjà

16 tombé. Ils s'étaient déjà emparés de Bioca.

17 Au lieu d'avoir les gens de Visoko qui venaient à notre renfort,

18 c'était les troupes serbes qui investissaient l'endroit.

19 Q. Lorsque vous dites que vous êtes arrivé à Bioca, est-ce qu'il s'agit de

20 Gornja Bioca, ou de Donja Bioca ?

21 R. Gornja Bioca. Donja Bioca se trouve beaucoup plus en contrebas, je n'y

22 suis allé que deux fois dans ma vie entière.

23 Q. Sur la carte qui se trouve toujours à votre gauche, cela se trouve à

24 l'ouest de Svrake, on voit une localité intitulée G. Bioca - je m'excuse de

25 ma prononciation - est-ce qu'il s'agit de l'endroit dont vous venez de

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1 parler maintenant ?

2 R. [aucune interprétation]

3 L'INTERPRÈTE : N'entend pas le témoin.

4 M. GAYNOR : [interprétation]

5 Q. Si vous regardez vers l'ouest, au sud-ouest, Monsieur, est-ce que vous

6 voyez G. Bioca ?

7 R. Oui, G. Bioca. Gornja Bioca, oui, tout à fait. C'est sur le même axe

8 que Svrake. Donja Bioca et Gornja Bioca sont très éloignées l'une de

9 l'autre. Cela se trouve près de la ville d'Ilijas, comme vous le voyez.

10 Q. Monsieur, j'aimerais que vous indiquiez à l'attention de la Chambre de

11 première instance, ce que vous avez vu à partir du moment où vous êtes

12 arrivé à Gornja Bioca, qu'avez-vous vu?

13 R. Je suis arrivé à Gornja Bioca, et la première maison, parce qu'il faut

14 savoir que Gornja Bioca est juste séparé d'une route d'Ahatovici. Il y a

15 juste les municipalités de Novi Grad et d'Ilijas qui sont séparées par

16 cette route. En fait, les gens de Gornja Bioca, c'était la route que

17 j'empruntais si j'y allais à pied parce que j'avais des membres de ma

18 famille à Gornja Bioca, je n'y allais pas très souvent, mais j'y allais de

19 temps en temps. Toujours est-il que je connaissais les maisons. Lorsque je

20 suis arrivé, les portes avaient été éventrées, le bétail déambulait ici et

21 là. Il y avait une maison qui appartenait à Sehic. Je connais son surnom,

22 je ne connais pas son nom de famille. Toujours est-il que cette maison

23 avait été incendiée. Il était manifeste que Bioca avait été investi et

24 qu'il n'y avait plus d'habitants musulmans.

25 Q. Quelle était l'origine ethnique des habitants de ce village avant cet

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1 événement ?

2 R. Bioca était un village musulman. Il y avait une maison qui appartenait

3 à la famille Brankovic, Vidoje et Djordje Brankovic, mais elle était tout

4 près de la route, la route qui séparait la municipalité de Novi Grad et la

5 municipalité d'Ilijas. Mais il y a une fourche dans cette route, à droite

6 on va vers Sekovici; et à gauche, Durmici. Sekovici et Durmici, les maisons

7 de la famille Sekici et Durmici.

8 Q. Où se trouvait la population musulmane de Gornja Bioca ?

9 R. La population de Gornja Bioca avait été emmenée et mise à l'école de

10 Donja Bioca.

11 Q. Comment savez-vous cela ?

12 R. Je sais cela parce qu'ils m'ont amené le 22 août à une cabane dans la

13 montagne, j'ai rencontré ces personnes qui se trouvaient là. La plupart

14 d'entre eux ou 90 % d'entre eux étaient détenus, les prisonniers étaient

15 des gens de Gornja et de Donja Bioca, de sorte que je savais d'après ce

16 qu'ils m'ont raconté, nous avons eu assez de temps pour se parler, je peux

17 vous garantir que c'était bien la situation.

18 Q. Monsieur le Témoin, la traduction de ce que vous avez dit parle d'une

19 cabane de montagne, le 22 août. Pouvez-vous répéter où on vous a amené.

20 R. Le 22 août j'ai été amené depuis l'hôpital, Zica Blazuj de la

21 municipalité d'Ilijas, à une maison, la maison Planjina kuca, à Semizovac.

22 Q. Monsieur le Témoin, vous avez parlé de la population de Gornja Bioca,

23 vous avez dit qu'elle avait été emmenée à Gornja Bioca. Qui les y a

24 emmenés ?

25 R. Messieurs les Juges, je ne saurais dire, tout au moins sur la base de

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1 ce qu'ils m'ont dit, de ce qu'ils m'ont raconté, cela été le fait de

2 l'armée serbe, les soldats serbes des Unités de la municipalité d'Ilijas,

3 en fait. Je ne peux pas le garantir, ni faire de commentaires à ce sujet-

4 là, parce que je n'ai pas vu cela de mes yeux. Mais j'ai, effectivement,

5 rencontré ces soldats serbes qui avaient vidé Bioca, qui s'étaient déplacés

6 vers Ahatovici, de sorte qu'il y avait un ordre dans cela. Je n'ai pas vu

7 exactement ce qui s'est passé, mais à en juger d'après ce qu'ils ont dit

8 parce que la 3e Unité ne se trouvait pas là, celle qui aurait pu le faire.

9 Q. À quelle date êtes-vous revenu à Ahatovici ?

10 R. Je suis retourné à Ahatovici le 3 juin 1992, à l'aube, dans les

11 premières heures du matin. Parce que je n'ai pas pu revenir plus tôt, parce

12 qu'il y avait encore des combats en cours, au nord dans la direction de

13 Bioca vers Ahatovici, je me trouvais à l'arrière, dans leur dos, je ne

14 savais pas que je me trouvais dans une situation de ce genre, et je n'ai

15 pas réussi de la percer pour atteindre à Ahatovici.

16 Q. Lorsque vous êtes arrivé de retour à Ahatovici le 3 juin 1992, qu'est-

17 ce que vous avez vu dans le village ?

18 R. J'ai vu un véritable chaos, du malheur. Des maisons incendiées, des

19 maisons en feu parce qu'elles étaient systématiquement incendiées. Toutes

20 les maisons un peu anciennes qui avaient ces toits quatre coins, qui est un

21 type de toit tout à fait typique pour ce genre de maison musulmane, étaient

22 construites de cette manière, étaient en feu. Les maisons plus récentes

23 n'avaient pas été incendiées parce qu'elles ont été utilisées par la suite

24 pour héberger la population serbe. Il s'agissait des Serbes qui avaient été

25 expulsés d'autres parties du pays, qui arrivaient d'autres parties du pays.

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1 C'était vraiment une scène terrible. C'était horrible à voir.

2 Q. Y avait-il une mosquée dans le village d'Ahatovici ?

3 R. Oui. Oui. Dans le village d'Ahatovici, en 1969, une mosquée a été

4 construite, et pendant la période de Tito, tous les documents nécessaires à

5 sa construction ont été obtenus. C'était notre symbole. Il y avait cette

6 mosquée, et quel que soit le côté d'où vous tourniez, vous pouviez vous

7 trouver face à la mosquée.

8 Q. Dans quel état était la mosquée lorsque vous êtes retourné au village

9 de 3 juin ?

10 R. Elle était là. On ne l'avait pas fait sauter. Le 3 juin, dans la soirée,

11 le 3 juin dans la matinée, plus exactement, j'ai rencontré un jeune homme

12 qui était blessé. J'ai passé toute la journée derrière un fourré avec lui,

13 derrière un buisson. Je l'ai amené dans les bois. En fait, il s'agissait

14 d'un bois qui m'appartenait, qui appartenait à mes ancêtres. Je m'y rendais

15 souvent. Je connaissais exactement le terrain. Je n'avais pas de lumière ou

16 quoi que ce soit, donc je l'aie traîné dans les bois. A l'époque la mosquée

17 était encore debout.

18 Q. Vous avez dit dans votre réponse à la question précédente qu'on ne

19 l'avait pas encore fait sauter. Quand est-ce qu'on l'a fait sauter ?

20 R. Dans la soirée du 3. Nous sommes, comme je l'ai dit, parvenus dans le

21 bois. Nous avons construit une tente. Ce jeune homme était blessé au talon.

22 Il ne pouvait pas de déplacer. Il gémissait. C'était très, très douloureux.

23 Je n'avais aucun médicament à lui donner, juste des herbes que j'ai pu

24 mettre sur la blessure. J'ai essayé de monter une tente de fortune. A un

25 moment donné dans l'après-midi, nous avons entendu une explosion très forte,

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1 et comme nous savions que la guerre avait déjà commencé, nous n'avons pas

2 pu savoir à quoi cela correspondait. Cela ne m'a jamais traversé l'esprit

3 qu'il pouvait s'agir de la mosquée qu'on a sautée.

4 Maintenant, le 6 juin, je suis parti vers midi. Je suis allé sur une

5 colline qui s'appelle Vis. Il y a là un espace qu'on appelle Strahoc. En

6 tout cas, il s'agit donc d'une colline d'où on peut voir alentours Gornji

7 Mihaljevici, les hameaux de Mihaljevici, Ahatovici, et des parties de

8 Dobrosevici, Kastela Velovac [phon], Kasima Butare [phon], Ilidza,

9 l'aéroport de Butmir, la ville de Butmir et, vers la gauche, Nedzarici,

10 Oslobojenja, et une partie du village d'Ali Pasina Polje. C'était un point

11 dont on pouvait voir facilement tout ce qu'on voulait. C'était une hauteur

12 qui permettait de voir partout aux alentours. Quand je suis arrivé à ce

13 point, à cet endroit-là, le 6 juin, j'ai regardé autour de moi. La première

14 chose que j'ai vue en regardant, j'ai remarqué qu'il n'y avait plus de

15 mosquée. Je me suis frotté mes yeux pour voir si je voyais bien, et on ne

16 voyait toujours rien. Donc, j'ai regardé vers Butmir, et j'ai vu là qu'il y

17 avait la mosquée à peu près à 15 ou 20 kilomètres à vol d'oiseau. C'était

18 une journée claire. La visibilité était bonne. J'ai vu Butmir. J'ai vu la

19 mosquée qui s'y trouvait, tandis qu'en regardant de l'autre côté, je ne

20 pouvais pas voir la mosquée qui était beaucoup plus proche de moi. Ensuite,

21 j'ai vu que cette mosquée, on avait dû la faire sauter. Tandis que le

22 crépuscule tombait, je suis descendu pour aller voir de plus près, et j'ai

23 trouvé ce que j'ai vu. Il ne restait qu'un morceau de ciment du minaret qui

24 était encore debout. Mais tout le reste avait été détruit. Il y avait des

25 briques qui étaient tombées de tous les côtés. Tout avait sauté. On l'avait

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1 fait sauté.

2 Q. Lorsque vous êtes retourné --

3 L'INTERPRÈTE : Votre microphone, s'il vous plaît.

4 M. GAYNOR : [interprétation]

5 Q. Lorsque vous êtes retourné à Ahatovici, où se trouvaient les gens ? Où

6 se trouvait la population du village ?

7 R. Tous les habitants d'Ahatovici se trouvaient à Rajlovac. Ils étaient

8 hébergés dans trois des bâtiments qui n'avaient jamais servi comme prisons,

9 mais que les Serbes ont transformés en prison. Il y avait un centre de

10 distribution de Rajlovac, et ses locaux, notamment la citerne de Rajlovac,

11 et un troisième bâtiment, l'usine d'oxygène de Rajlovac parce qu'il y avait

12 également un grand restaurant qui se trouvait là-bas. C'est à ces endroits-

13 là que les gens ont été installés.

14 Q. Quand est-ce que vous avez réalisé que les Musulmans avaient été

15 détenus ?

16 R. Oui. La population musulmane. Excusez-moi, pourriez-vous répéter cette

17 population, s'il vous plaît ?

18 Q. Quand vous vous êtes rendu compte que ces Musulmans avaient été détenus

19 dans ces endroits précis ?

20 R. Je n'avais aucun moyen de communication, donc, je ne pouvais pas me

21 rendre compte de cela à ce moment-là. Mais après être arrivé à Planina Kuca,

22 les détenus m'en ont parlé et m'ont dit que Gornja et Donja Bioca, dont ils

23 provenaient, et on avait constitué une équipe de travailleurs qui étaient

24 allés à Vogosca. On avait entendu les nouvelles, et parfois on a pu voir la

25 télévision, même si c'était des programmes serbes. C'était les nouvelles

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1 qu'on avait dans ces émissions, et on nous a parlé de cela pour la première

2 fois. C'est la première fois que j'ai entendu parlé de cette tragédie,

3 notamment de l'autobus, de la tuerie dans le bus, et où se trouvaient les

4 gens, nos gens. Avant cela, je ne savais pas parce que je n'ai pu

5 communiquer avec personne.

6 Q. Où est-ce que votre femme avait été détenue ?

7 R. Ma femme et ma fille ont été détenues au centre de Distribution. Elles

8 avaient été emmenées dans des camions, et elles ne pouvaient pas aller où

9 elles voulaient. Elles sont allées là où on les a envoyées.

10 Q. Est-ce que centre de distribution est bien marqué comme étant le numéro

11 7 sur votre carte à gauche, là, Monsieur le Témoin ?

12 R. Oui, Monsieur le Président.

13 Q. Dans quelle partie du centre de distribution est-ce que votre femme

14 vous a dit qu'elle-même et votre fille, elles étaient détenues ?

15 R. Le centre de distribution était construit sur un endroit plat, mais il

16 y a un mètre, un mètre et demi qui était creusé dans le sol. Donc, on

17 appelle cela le sous-sol. Ce n'était pas véritablement sous terre, mais

18 c'était à moitié en sous-sol, à moitié au-dessus du sol. Les fenêtres

19 étaient obscurées par du papier noir, de sorte que l'on ne pouvait pas voir

20 à l'extérieur, mais il pouvait regarder vers l'est.

21 Q. Qui donc occupait le reste du bâtiment du centre de distribution ?

22 R. Je n'ai pas compris votre question.

23 Q. Vous dites que votre femme a été détenue dans le sous-sol de ce

24 bâtiment. Alors, est-ce que vous savez s'il y avait quelqu'un d'autre qui

25 se trouvait dans le reste du bâtiment ?

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1 R. Ce n'était pas un petit local. Ce n'était pas des petites pièces.

2 C'était des locaux extrêmement vastes. Il y a une grande halle, beaucoup

3 d'espace.

4 Q. Est-ce que vous avez vu ce bâtiment lorsque vous êtes revenu à

5 Ahatovici en 1996 ?

6 R. Oui. En janvier 1996, on m'a proposé de prendre un certain emploi. Le

7 maire a donné son accord. J'étais le secrétaire de la communauté locale de

8 Dobrosevici. J'ai été nommé à ce poste au moment de la réintégration.

9 Lorsque nous sommes rentrés le 26, je crois février, excusez-moi si je me

10 trompe en ce qui concerne la date parce que beaucoup de choses se sont

11 passées et beaucoup de choses me traversent l'esprit, mais en tout état de

12 cause, je faisais partie du conseil municipal. Notre force de police qui

13 devait réintégrer le secteur et s'occuper de Rajlovac et de l'ensemble du

14 hameau, qui dans les documents antérieurs étaient mentionnés comme étant

15 une municipalité serbe, la municipalité serbe de Rajlovac. Tout le monde a

16 réintégré la municipalité de Novi Grad parce qu'en fait, avant la guerre,

17 ceci appartenait et relevait de la municipalité de Novi Grad, de sorte que

18 dans ce centre de distribution, le centre de distribution se trouve là où

19 la cérémonie a eu lieu. Lorsque nous sommes arrivés, on a pu voir encore

20 qu'il y avait un panneau qui disait que c'était la municipalité serbe de

21 Rajlovac. Notre force de police donc l'a enlevé, l'a descendu et a mis un

22 nouveau panneau pour la Bosnie-Herzégovine, de sorte que c'était un acte de

23 réintégration auquel j'ai assisté. J'ai assisté à la cérémonie en question,

24 et par la suite on m'a donné un bureau dans le même bâtiment jusqu'au mois

25 d'août. Ensuite, j'ai été transféré à l'école de Dobrosevici. A ce moment-

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1 là, les conditions étaient bonnes pour que je puisse y venir.

2 Q. Maintenant, après que votre femme et votre fille aient quitté le centre

3 de distribution, où se sont-elles rendues ensuite ?

4 R. L'homme qui avait les documents, les papiers, et qui avait fait venir

5 cette liste de personnes à Rajlovac, son nom était Stojanovic Mile. Mile

6 Stojanovic, à un moment donné, travaillait à la caserne de Butile. Je le

7 connaissais avant qu'il ait un emploi là, parce que son père avait

8 travaillé à la caserne de Butile. J'avais été chez lui souvent, dans sa

9 maison, parce qu'en tant qu'électricien, il y avait toujours quelque chose

10 à réparer; le chauffe-eau ou la machine à laver. Donc, je le connaissais

11 personnellement. Je connaissais sa mère aussi. Son nom était Vera. Parfois

12 elle venait à la caserne. Nous faisions des pique-niques ensemble parce que

13 la caserne de Butile est dans une région très agréable à la campagne. Donc,

14 souvent nous allions en pique-nique. Elle n'était pas simplement une

15 connaissance par hasard. Nous nous connaissions bien. Il connaissait ma

16 femme aussi, et elle a dit : Pourriez-vous m'emmener à Kisikana, à l'usine

17 d'oxygène, parce que ma mère est là et ma belle-mère est là. Ces personnes

18 sont âgées. Il a dit : Keka, ma femme est Ismeta, mais tout le monde la

19 connaît sous le nom de Keka. Il a dit qu'il ferait cela pour moi, mais

20 qu'il fallait qu'il fasse quelque chose d'abord. Peu de temps s'est écoulé,

21 de sorte qu'il a dit qu'il allait obtenir une voiture. Il l'a effectivement

22 obtenue, et à ce moment-là, ma femme et ma fille ont été transportées.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Mujkic, pourriez-vous essayer

24 de vous concentrer sur les questions telles qu'elles vous sont posées. Si

25 on vous demande où elles ont été amenées, veuillez, s'il vous plaît,

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1 d'abord, nous dire où elles sont allées. Il se peut que M. Gaynor soit

2 intéressé également de savoir qui les a transportées là, ou par quels

3 moyens de transport elles s'y sont rendues. Tous ces détails peuvent

4 présenter un intérêt pour M. Gaynor, pour certains de ces détails, mais

5 d'autres peuvent être moins pertinents. Ce concernant, je comprends que

6 pour vous ceci fait un tout, mais nous avons malheureusement des

7 contraintes de temps, de sorte que je voudrais vous demander de bien

8 vouloir vous centrer sur les questions. Pour ce qui est des détails,

9 attendez que M. Gaynor vous demande spécifiquement ce qu'il voudrait savoir.

10 N'est-ce pas ? Je vous remercie.

11 Veuillez poursuivre, Monsieur Gaynor.

12 M. GAYNOR : [interprétation]

13 Q. Monsieur le Témoin, pourriez-vous simplement confirmer qu'après

14 qu'elles aient quitté le centre de distribution, votre femme et votre fille

15 ont été emmenées à l'usine d'oxygène à Kisikana; c'est bien cela ?

16 R. Oui.

17 Q. Bien. Qui les a - très brièvement - emmené du centre de Distribution

18 jusqu'à Kisikana ?

19 R. C'est Mile Stojanovic, pour répondre brièvement.

20 Q. Lorsqu'elles ont quitté l'usine d'oxygène, où sont-elles allées

21 ensuite ?

22 R. Après l'usine d'oxygène, elles ont été échangées avec le reste de la

23 population qui a fait l'objet d'échange. Il y a eu 513 personnes, en fait,

24 le 13 juin 1992. Elles ont fait l'objet d'échange à un lieu qui s'appelait

25 Orica Pumpaoic [phon], qui était un point de contrôle prévu pour cet

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1 échange entre Rajlovac et la ville de Sarajevo.

2 Q. Est-ce que vous pourriez regarder sur la carte qui se trouve à votre

3 gauche. Est-ce que l'usine à fabrique d'oxygène est bien ce qui est marquée

4 comme étant numéro 9 sur cette carte ?

5 R. Oui.

6 Q. Monsieur le Témoin, vous avez décrit ce qui était arrivé à votre fille

7 et à votre femme, mais qu'est-ce qui est arrivé à votre mère ?

8 R. Ma mère a fait l'objet d'un échange avec ce groupe.

9 Q. Pourriez-vous nous dire ce qui est arrivé à votre soeur ?

10 R. Ma sœur, ma sœur aînée - nous étions quatre enfants, trois sœurs et

11 moi-même - donc ma sœur aînée a été échangée le même jour, parce qu'elle

12 vivait en ville. Elle était venue pour le festival de Bajram pour rendre

13 visite à sa mère et à nous-même, avec son fils de 14 ans. Cette sœur aînée,

14 ma sœur aînée, a donc fait l'objet d'un échange. Ma sœur cadette et toute

15 sa famille malheureusement sont décédées. Mais elle ne se trouvait pas à

16 Rajlovac. Elle est morte à Ahatovici, et sa mère et son fils ont été tués

17 dans l'autobus.

18 Q. Je voudrais simplement une confirmation. Est-ce que votre sœur, celle

19 qui est décédée, est-ce qu'elle est morte lors de l'attaque d'Ahatovici ?

20 R. Je vous prie de m'excuser. Il ne faut pas faire le mélange avec les

21 filles. Ce n'était pas ma fille. Vous avez dit ma fille. Non, ma fille est

22 encore en vie.

23 Q. Je vous prie de m'excuser, Monsieur le Témoin. J'avais dit sœur dans la

24 langue anglaise. Pourriez-vous simplement dire aux Messieurs les Juges de

25 la Chambre de première instance si votre sœur est morte à Ahatovici lors de

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1 l'attaque à Ahatovici.

2 R. Oui.

3 Q. Vous avez ensuite parlé de sa fille à elle. Est-ce qu'elle aussi a été

4 tuée lors de l'attaque d'Ahatovici ?

5 R. Oui. Elle était l'une des plus jeunes à avoir été tuée. Elle n'avait

6 que 15 ans.

7 Q. Est-ce que vous savez si d'autres personnes de moins de 18 ans ont été

8 tuées à Ahatovici ?

9 R. J'ai déjà dit que la fille de ma sœur, Elma Besic, avait à peine 15 ans.

10 Je peux aussi vous dire que dans l'autobus, cinq ou six jeunes garçons de

11 moins de 17 ans ont également trouvé la mort donc ils n'étaient pas en âge

12 de porter les armes. Ils n'étaient pas des appelés ou des conscrits ou quoi

13 que ce soit de ce genre. C'était encore des mineurs.

14 Q. Bon, revenons à la tuerie d'Ahatovici. Est-ce que vous savez vous-même

15 si, indépendamment de la sœur de votre fille, s'il y avait eu d'autres

16 personnes qui ont été tuées et qui avaient moins de 18 ans.

17 R. Pas la sœur de ma fille. Vous continuez à mentionner ma fille, s'il

18 vous plaît.

19 Q. Je vous prie de m'excuser. Il s'agit de la fille de votre sœur ?

20 R. En ce qui concerne les personnes mineures, non, elles se trouvaient

21 dans les abris. Elles n'étaient pas armées. Elles n'étaient pas exposées

22 aux tirs d'armes à feu et il n'y a pas eu de mineurs qui aient été tués, à

23 part la fille de ma sœur.

24 Q. Maintenant, lorsque vous êtes retourné au village d'Ahatovici au début

25 de juin 1992, est-ce que vous avez vu des tombes quelque part ?

Page 7954

1 R. Vous voulez dire quand je suis arrivé à Ahatovici, ou par la suite ? Je

2 suis arrivé à Ahatovici deux mois et cinq jours après avoir été -- après

3 avoir vécu dans la forêt. Je suis rentré à un moment où il pleuvait. Je ne

4 pouvais pas faire autrement parce que je voulais qu'il ne pleuve pas parce

5 qu'on aurait vu sans cela, mes traces, la trace de mes pas. Ma femme est

6 d'Ahatovici et mes parents de ma belle famille avaient une maison à

7 Ahatovici, de sorte que je voulais me rendre à ses maisons, mais sans avoir

8 à changer de vêtements, et pour avoir des aliments, pour avoir des vivres.

9 Je suis allé à Ahatovici. Toutes les nuits, j'allais chez moi dans ma

10 propre maison. C'est ma maison, donc j'y allais toutes les nuits.

11 Q. Pourriez-vous, s'il vous plaît, dire aux Juges de la Chambre de

12 première instance si vous avez vu quoi que ce soit qui ait pu vous donner

13 l'idée qu'il s'agissait de tombes, et si on avait creusé des tombes à

14 Ahatovici ?

15 R. Avant cela, le 5 juin, lorsque les forces serbes se sont retirées, les

16 forces qui étaient venues du nord, de la municipalité d'Ilidza, il y avait

17 un bon état d'esprit. Il y a eu brusquement des coups de feu de célébration

18 et ils se sont déplacés vers Bioca et Ilijas. Ils étaient très joyeux et

19 j'ai su que, dans les villages, il n'y avait plus de personnes qui étaient

20 armées. Il n'y avait plus de soldats de l'extérieur parce que le génocide à

21 Ahatovici n'a pas été exécuté par les gens du crû. C'étaient des guides,

22 mais les unités étaient venues d'ailleurs et d'où venaient-elles, cela je

23 ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c'est que les personnes, qui sont

24 venues, venaient d'Ilijas. Mais, ensuite, je me suis rendu compte et j'ai

25 su qu'il y avait un espace vide et, au crépuscule, j'ai pu prendre les

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1 petites routes, les petits chemins pour venir dans le hameau. Bien sûr, je

2 connaissais absolument le terrain, absolument au mètre près. Je suis allé

3 chercher des vivres et des vêtements. Je ne voulais que personne ne me

4 voie, mais je voudrais vous donner un exemple.

5 Le fils de ma sœur vivait dans un grenier de la maison de ma mère et

6 il y a vécu pendant un mois. Il avait 14 ans. Il vivait à la Vila Cenjic,

7 mais il y a vécu pendant tout seul pendant un mois. Je suis moi-même allé

8 dans cette maison, mais je ne l'ai jamais vu parce qu'il m'entendait, il

9 m'entendait venir ou quelque chose de ce genre, et il restait totalement

10 silencieux dans le grenier. Quant à la question des tombes,

11 personnellement, j'ai vu des pelles mécaniques qui creusaient le sol et,

12 une fois qu'ils avaient fini de creuser, je me rendais au hameau, au

13 crépuscule, et je pouvais voir qu'on avait creusé et que quelqu'un avait

14 été enterré là. Maintenant, à vous dire combien de personnes se trouvaient

15 dans cette tombe, je ne le sais pas. En 1996, lorsqu'on a commencé à

16 exhumer, à ce moment-là, je l'ai vu. Mais j'ai pu situer chacune des fosses

17 communes. Je connaissais leur emplacement exact. Je n'ai pas fait

18 d'erreurs. Même à un demi mètre à droite ou à gauche, je savais exactement

19 l'endroit.

20 Q. Monsieur le Témoin, sur la carte qui se trouve à votre gauche, les

21 chiffres 3, 4 et 5, que vous avez marqués, correspondent à des fosses

22 communes. Ce sont bien des fosses auxquelles vous vous référez maintenant ?

23 R. Oui.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai encore quelques

25 questions à poser sur ce point, mais peut-être qu'il faudrait les poser

Page 7956

1 après la suspension de séance.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être que c'est cela que nous

3 devons faire. Je voudrais tout d'abord demander à

4 Mme l'Huissière d'escorter le témoin en dehors de la salle d'audience et

5 nous allons suspendre la séance pour environ 25 minutes.

6 Monsieur Mujkic, voulez-vous, s'il vous plaît, suivre Mme l'Huissière.

7 [Le témoin se retire]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, à un moment ou à un

9 autre, les membres de la Chambre feront des observations sur la façon dont

10 le temps disponible s'écoule, et l'une des choses qui m'a frappé, c'est que

11 je crois que nous avons dans l'Annexe D de l'acte d'accusation le fait que

12 l'Accusation va devoir prouver que plus d'une centaine de mosquées ont été

13 détruites. Je me demande pourquoi nous avons dû passer cinq minutes sur une

14 mosquée qui ne figure pas sur cette liste. Pas parce que cette mosquée a

15 moins d'importance qu'une autre pour ceux qui ont vécu des événements, mais

16 parce que l'Accusation, je pense, devrait se centrer sur ce qui figure dans

17 la liste pour commencer. Ceci n'est qu'une petite observation. Vous

18 pourriez dire qu'il ne s'agit que cinq minutes, mais, en vérité, il s'agit

19 de l'utilisation qui est faite du temps accordé, et nous savons que les

20 parties, évidemment, ont beaucoup de mal à respecter les temps. Par

21 conséquent, je fais quelques observations de temps en temps, de façon à

22 vous donner des directives, à donner des directives aux parties.

23 Nous allons maintenant suspendre la séance jusqu'à moins cinq

24 -- oui, Maître Loukas.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant que vous ne quittiez la salle,

Page 7957

1 Messieurs les Juges, Monsieur le Président, peut-être que l'on pourrait

2 donner au témoin pour instruction d'éviter certains termes, tels que

3 génocide, qui, bien entendu, est une question qui relève de la décision des

4 Juges. Ceci n'est évidemment que dire en passant pour bien mettre quelque

5 chose au point --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, Maître Loukas. En même

7 temps, vous savez parfois l'émotion joue.

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement. Je m'en rends compte.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Par conséquent, en l'occurrence, je vous

10 dirais que, si des termes sont employés de façon répétée, ce n'est pas ce

11 qui s'est passé avec ce témoin et, certainement, je lui donnerai des

12 directives pour ce qui est d'éviter certains termes. Mais pour le moment,

13 cela a été tout à fait occasionnel.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Je

15 voulais juste marquer le coup à ce point.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous avons remarqué cela.

17 Nous suspendrons la séance jusqu'à 11 heures moins cinq. La séance

18 est suspendue.

19 --- L'audience est suspendue à 10 heures 31.

20 --- L'audience est reprise à 10 heures 59.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant que le témoin ne pénètre dans le

23 prétoire, je voudrais vous dire que j'ai tenté d'appeler

24 M. Stewart pendant la dernière pause, mais malheureusement je n'ai pas

25 réussi à le faire.

Page 7958

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vais essayer de le faire pendant la

3 prochaine pause, et ceci par rapport à cette question que nous avons

4 soulevée ce matin.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Ce témoin, c'est un

6 témoin protégé, mais il va déposer au sujet de Kljuc.

7 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si mes souvenirs sont bons, Kljuc est le

9 dernier sujet qui a attiré l'attention concrète ici au début du procès.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

11 C'était --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense qu'il va être plus facile de

13 préparer Kljuc que toute autre municipalité.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Peut-être --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous entendons tout d'abord --

16 M. HANNIS : [interprétation] Je voudrais aussi vous dire que nous avons

17 contacté ce témoin, et il a dit qu'il serait tout à fait disponible à

18 voyager la semaine prochaine.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais je ne voudrais pas prendre des

20 décisions avant de contacter le conseil et d'avoir sonnailler --

21 Mme LOUKAS : [interprétation] Mais j'ai laissé un message disant que je

22 serais en dehors du prétoire d'ici une heure et demi, et je pense que je

23 serais en mesure de lui contacter pendant la prochaine pause.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. De toute façon, il nous faut un

25 petit peu de temps pour organiser l'arrivée de ce témoin et, comme il doit

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1 arriver déjà la semaine prochaine, je pense que la décision devra être

2 prise le plus rapidement que possible.

3 Est-ce que vous êtes prêt, Monsieur Gaynor, pour continuer l'interrogatoire

4 du témoin ?

5 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

6 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Gaynor.

8 M. GAYNOR : [interprétation]

9 Q. Avant de continuer, je pense qu'il y a beaucoup de choses qui vous

10 passe par l'esprit, Monsieur le Témoin, et c'est pour cela que je vous

11 demanderais de faire très attention, et de répondre exactement à mes

12 questions. Mais vous avez, cependant, soulevé un point à la page 34, ligne

13 1 [comme interprété], et vous avez dit : "En ce qui concerne les tombes,

14 j'ai personnellement vu les excaveuses [phon] en train de creuser." C'était

15 à quel moment exactement ?

16 R. C'était après le 5 juin, puisque je ne suis pas venu dans ce voisinage

17 avant, puisque les forces qui étaient venus d'Ilijas étaient à Ahatovici

18 entre le 2 et le 5. Après le 5 ou le 6 juin, effectivement, j'ai entendu

19 les bruits de ces machines, de ces engins, des excaveuses. Je sais

20 exactement où c'était puisque je connaissais chaque centimètre carré de

21 cette terre. C'était le 6 ou le 7. Ce n'était pas fait en un seul jour.

22 Cela durait plusieurs jours.

23 Q. Vous avez aussi dit que vous avez pu localiser chaque fosse commune.

24 Pourquoi avez-vous fait cela, et quand ?

25 R. Avant la réintégration au mois d'avril 1996, j'étais la secrétaire de

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1 la commune locale, et j'étais là tous les jours. La FORPRONU était venue.

2 C'était des soldats français. Ils étaient intéressés par les fosses

3 communes et c'est là que, pour la première fois, j'y suis allé, et je leur

4 expliquais où cela se trouvait. Ils ont tous noté, ils ont tous enregistré,

5 ils m'ont posé des questions, mais je n'étais pas en mesure pour répondre à

6 ces questions. Il voulait savoir, par exemple : combien y avait-il de corps

7 dans chacune des fosses communes, comment voulez-vous que je leur réponde ?

8 Q. Après avoir identifié l'emplacement des fosses communes, est-ce qu'on a

9 exhumé ces corps ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce qu'on a trouvé des corps là-dedans ?

12 R. Je peux vous dire pour chaque tombe combien de corps il y avait là-

13 dedans. Nous en avons même trouvés qui n'étaient même pas enterrés. Nous

14 avons trouvé les corps de personnes qui ont été tuées, et leurs corps sont

15 restés non enterrés pendant quatre années.

16 Q. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, combien de corps ont été

17 exhumés de ces trois sites en 1996 ?

18 R. En ce qui concerne la fosse qui porte le numéro 3, c'était la fosse

19 commune la plus importante, on y a trouvé 16 corps masculins. C'était des

20 hommes, il n'y avait pas de mineurs ou de femmes dans cette fosse-là.

21 Ensuite, la fosse numéro 4, il y avait quatre femmes là-dedans, ma sœur et

22 sa fille y étaient et deux autres femmes du village d'Ahatovici. Ensuite,

23 la fosse numéro 5, près de la mosquée, on y a trouvé deux corps.

24 Q. Monsieur, avant la pause vous avez mentionné autre chose, et là je cite

25 ce que vous avez dit : "Avant cela, le 5 juin, quand les forces serbes se

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1 sont retirées, les forces qui étaient venues du nord, de la municipalité

2 d'Ilidza --"

3 R. Ce n'est pas Ilidza, c'est Ilijas. Ilidza se trouve à l'ouest et Ilijas

4 se trouve au nord.

5 Q. Merci. Vous avez dit, en tout cas, qu'ils étaient de bonne humeur, les

6 soldats étaient de bonne humeur, qu'ils tiraient des rafales en l'air pour

7 célébrer. Pourriez-vous nous dire d'où se retiraient ces troupes ?

8 R. Du village d'Ahatovici, en direction de Gornja Bioca. Ensuite, ils se

9 sont dirigés vers Donja Bioca, et vers Ilijas. Mais ils se sont retirés

10 d'Ahatovici, bien sûr.

11 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais, à présent, que l'on montre au

12 témoin la pièce suivante.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P374.

14 M. GAYNOR : [interprétation]

15 Q. La prochaine pièce à conviction a pour titre "La République serbe de

16 Bosnie-Herzégovine, le ministère de l'Intérieur, Sarajevo, bulletin des

17 événements journaliers numéro 114, CSB de Sarajevo."

18 Monsieur, je voudrais attirer votre attention sur le deuxième paragraphe où

19 il est écrit, je cite : "Les Bérets verts et les autres formations

20 paramilitaires musulmanes qui ont attaqué des parties de Dobrosevici hier,

21 le 29 mai ont été repoussés de l'école à Dobrosevici et du village Bioca à

22 Ilijas. Ensuite, on les a encerclés dans le village d'Ahatovici. L'armée

23 serbe a fait un ultimatum à ces groupes paramilitaires, dans le village

24 d'Ahatovici leur demandant de se rendre avant 18 heures aujourd'hui, le 30

25 mai 1992."

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1 Ce document est daté le 30 mai 1992.

2 Est-ce que vous avez quoi que ce soit à ajouter ?

3 R. Oui. Le pilonnage a commencé le 29 mai. Je l'ai dit et je vous le

4 répète, je l'affirme, pendant quatre jours ce pilonnage ne s'est pas

5 arrêté, pas un instant. Quelles négociations ? Comment voulez-vous que l'on

6 sorte pour participer à de quelconques négociations ? Il n'y avait pas de

7 route. Les téléphones étaient coupés, nous dépendions de la centrale

8 téléphonique d'Ilidza, et cette centrale était déjà tenue par les Serbes,

9 donc nos téléphones ne fonctionnaient pas. Comment voulez-vous communiquer

10 alors ? Vous avez des obus qui vous tombent dessus, vous ne pouvez pas

11 sortir, ceci n'a pas 1 % de vérité.

12 Permettez-moi encore. Là, on parle des gens chassés de l'école de

13 Dobrosevici. L'école de Dobrosevici avait trois appartements. Dans ces

14 locaux, il y avait le directeur, un enseignant à la retraite avec son

15 épouse et une enseignante. J'ai reçu les bureaux en 1996, au mois d'août,

16 le bureau du directeur de l'école, du principal. Il y avait juste un canapé

17 là-bas, donc il ne pouvait pas y avoir de formations militaires là-bas. Ce

18 n'est pas possible qu'il y ait pu y avoir qui que ce soit là. Ceci, c'était

19 au milieu des maisons serbes. Chacun défendait sa maison, personne n'a

20 quitté sa maison, ce n'est pas vrai.

21 Q. Monsieur, nous allons parler des communications interceptées.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juste un instant, est-ce que vous en

23 avez terminé des fosses communes ?

24 M. GAYNOR : [interprétation] Il y a encore un point que je voudrais

25 soulever à ce sujet, c'est concernant les personnes qui sont mortes dans

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1 les villages, mais pour l'instant je ne souhaite pas continuer à ce sujet.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer alors.

3 M. GAYNOR : [interprétation]

4 Q. Est-il exact que, dimanche, on vous a fait écouter un certain nombre

5 d'enregistrements audio, et que l'on vous a demandé d'essayer d'identifier

6 les participants, les personnes qui parlaient ?

7 R. Oui. J'ai pu reconnaître un certain nombre d'entre eux.

8 Q. Est-ce qu'on vous a demandé de faire des commentaires au sujet de cela?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce qu'ensuite vous avez signé ces commentaires que vous avez faits

11 au sujet des conversations interceptées ?

12 R. Oui.

13 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais verser au dossier ce document qui

14 est signé et daté par le témoin.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P375.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, vous n'avez pas besoin

17 de parler de ce document.

18 Oui, Madame Loukas.

19 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Concernant

20 l'authentification de ce récépissé, l'authentification des communications

21 interceptées qui a été signée par le témoin, j'ai fait une objection

22 similaire à celle que j'ai faite hier au sujet du dernier témoin.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends votre décision. La

24 décision d'hier contenait une évaluation quant aux connaissances

25 particulières du témoin, par rapport à tout cela.

Page 7964

1 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est difficile. Vous dites qu'il s'agit

3 là de commentaires, plutôt que d'autre chose, que l'on demande au témoin de

4 spéculer. Nous ne demandons pas cela; de l'autre côté la liste en est assez

5 longue. Peut-être devrions-nous parcourir tout cela et vérifier s'il

6 convient d'ajouter quoi que ce soit à ces conversations téléphoniques sur

7 la base des corrections du témoin et pour voir s'il est en mesure de nous

8 faire part d'un commentaire, même si ces commentaires souvent relèvent de

9 spéculation.

10 Est-ce que vous avez un commentaire plus général ?

11 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement. J'objecte quant au

12 versement de documents de cette nature et surtout concernant différentes

13 conversations. Monsieur le Président, à nouveau, tout comme c'était le cas

14 avec le document introduit par le dernier témoin, il n'y a pas suffisamment

15 de fondement pour présenter de tels documents. La question qui se pose

16 c'est de voir quelles sont vraiment les conversations que le Procureur

17 souhaite que l'on analyse. Si le Procureur demande que tous ces documents

18 écrits soient faits, et bien, on serait forcé de les parcourir un par un

19 pour établir la base de fondement de ces documents et de ces commentaires,

20 des commentaires du témoin; sinon, ils ne sont tout simplement pas

21 acceptables pour motif de trop de spéculation.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Gaynor.

23 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais dire que, de toute façon, je

24 voudrais guider le témoin à travers les parties les plus pertinentes de ces

25 conversations et de leurs transcripts. Je ne pense pas qu'il soit vraiment

Page 7965

1 utile et judicieux d'utiliser le temps qui nous est imparti ici dans ce

2 prétoire pour identifier les participants à la conversation. Nous l'avons

3 déjà fait. Quand il n'est pas capable d'identifier quelqu'un, il l'a dit et

4 ceci est consigné dans ce document qui fait partie du dossier.

5 En ce qui concerne la question de savoir s'il s'agit là de spéculation de

6 façon générale, je pense que les conversations interceptées sont des pièces

7 à conviction particulières. Beaucoup de participants à ces conversations

8 interceptées étaient conscients du fait qu'ils étaient placés sur écoute.

9 Ils faisaient exprès pour ne pas être précis. Ils parlaient dans des termes

10 extrêmement indirects dans la plupart de ces conversations. C'est pour cela

11 qu'il est extrêmement important de disposer des informations pertinentes

12 des gens qui se trouvaient sur le terrain à l'époque pour qu'ils puissent

13 placer dans le contexte ces écoutes téléphoniques. Est-ce que vous allez

14 accepter cela, cela dépendra de vous entièrement, Monsieur le Président,

15 Messieurs les Juges. Nous considérons qu'il est extrêmement important de

16 placer tout ceci dans le contexte et ceci par les témoins qui étaient sur

17 le terrain, qui étaient là à l'époque.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne l'identification des

19 voix, vous n'avez pas objecté à cela, Madame Loukas.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Non. Je n'ai pas de commentaires à ce sujet.

21 Je n'ai pas d'objection.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On va commencer par regarder

23 un peu de quoi il s'agit et quels sont ces documents que nous allons

24 examiner.

25 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 7966

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai essayé d'examiner brièvement ces

2 commentaires, cette objection, enfin son caractère général est rejeté.

3 Puisque le témoin, effectivement, place tout ceci dans le contexte, mais on

4 ne pourrait pas dire qu'il n'y a pas de spéculation dans tout cela. Par

5 exemple, quand le témoin se pose la question de savoir si les locuteurs

6 parlent d'une certaine façon et qu'ensuite il s'est dit que, peut-être, ils

7 savaient qu'ils étaient placés sur écoute. Là, effectivement, on est pas

8 loin de la spéculation. En tout cas, on peut affirmer que ce n'est pas

9 fondé sur les connaissances du témoin, les connaissances directes.

10 Evidemment, vous avez le droit de vous poser toutes sortes de questions,

11 d'essayer de comprendre si c'est une question pertinente ou non, et de voir

12 de quelle façon vous pouvez répondre à la question posée. Mais je pense que

13 ce témoin ne sera pas en mesure de répondre à ces questions. De toute façon,

14 cette objection est rejetée. Monsieur Gaynor, essayez d'avoir à l'esprit

15 que le fait de placer tout cela dans un contexte aide les Juges de la

16 Chambre.

17 M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Je voudrais juste ajouter que je suis contre

19 les spéculations. Quant on parle sans fondement, mais tout ce qui pourrait

20 aider à placer ces conversations interceptées dans le contexte, je

21 l'accepte évidemment.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

23 Monsieur Gaynor, vous pouvez continuer.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Je vais demander que l'on montre au témoin la

25 pièce suivante, la pièce 369A. Vous l'avez déjà écouté, Monsieur le

Page 7967

1 Président, et on n'a pas besoin de vous faire écouter cela à nouveau.

2 Q. Monsieur Mujkic, je vais vous demander d'examiner le bas de la

3 troisième page de la version dans votre langue. Je vais essayer de lire

4 quelques phrases qui y figurent. Ensuite, je vais vous poser quelques

5 questions :

6 "Radovan Karadzic : Je vais bien. Est-ce qu'il y a eu des attaques

7 aujourd'hui ?

8 Cedo : Oui. Il y en a eu à Rajlovac.

9 Radovan Karadzic : A Rajlovac ?

10 Cedo : Oui, ils sont allés à la caserne depuis Ahatovici et cette

11 attaque a été repoussée. Maintenant, il y a des troupes qui s'amassent ici,

12 près du centre commercial.

13 Radovan Karadzic : Oui.

14 Cedo : Les Bérets verts se rassemblent là-bas et il y en a vraiment

15 beaucoup. Nous nous attendons à une attaque sur Vrace."

16 Monsieur, cette conversation interceptée qui date du 30 mai 1992 est

17 une des conversations que vous avez écoutées au cours du weekend. On parle

18 de cette attaque d'Ahatovici sur la caserne de Rajlovac. Vous étiez dans la

19 région à l'époque. Que pouvez-vous dire de cette prétendue attaque sur la

20 caserne de Rajlovac, lancée depuis Ahatovici ?

21 R. Je ne peux que réitérer ce que j'ai déjà dit. Le pilonnage a commencé

22 le 29, et a duré jusqu'à 10 heures, le 2 juin. Pendant cette période-là,

23 personne ne pouvait sortir de l'abri, ne pouvait pas faire la cuisine. On

24 buvait du lait puisqu'on avait nos vaches avec nous. Comment voulez-vous

25 concentrer les troupes, alors que l'on pilonne sans trêve ? Il n'y avait

Page 7968

1 pas de mouvement. Nous étions tous dans les abris pendant ces quatre jours-

2 là. Croyez-moi, personne ne pouvait sortir. Je vous -- ceci ne correspond

3 pas à la vérité, tout simplement.

4 M. GAYNOR : [interprétation]

5 Q. Bien. Je vais montrer la pièce suivante, qui n'est pas corroborée par

6 un enregistrement audio. C'est en transcript.

7 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit de la pièce P376.

8 M. GAYNOR : [interprétation] C'est un transcript de la conversation

9 qui a eu lieu le 5 juin 1992. D'après le transcript, il s'agit d'une

10 conversation depuis l'assemblée municipale de Rajlovac et Prstojevic

11 d'Ilidza.

12 Q. Pour aller le plus vite que possible, je vais évoquer juste une

13 phrase qui figure à la troisième ligne de la deuxième page de la version

14 dans voter langue, Monsieur. En anglais, je vais vous le lire. C'est la

15 deuxième ligne, sur la troisième page.

16 Mme LOUKAS : [interprétation] Avant ceci, c'est une conversation qui

17 n'est pas corroborée par un enregistrement audio. Evidemment, nous

18 voudrions savoir d'où vient ce transcript.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Gaynor. Vous venez de nous

20 dire que c'est un transcript, que c'est la transcript d'une pièce. Est-ce

21 que vous pouvez nous en dire plus, puisque ceci laisse entendre qu'il

22 existe une autre pièce qui n'est pas écrite ?

23 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais corriger ce que je viens de dire.

24 Oui, effectivement, c'est un transcript, le transcript d'une conversation,

25 et je peux vous donner quelques informations concernant la provenance de

Page 7969

1 tout cela. On en a déjà parlé dans une autre affaire, et d'ailleurs

2 l'équipe de la Défense avait essayé de rejeter ce type de conversation

3 interceptée en générale. Les services de Sécurité de Bosnie-Herzégovine,

4 quand ils interceptaient des communications, ne gardaient pas forcément les

5 enregistrements, les originaux, donc là, nous ne disposons que le

6 transcript.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'espère que vous comprenez qu'un

8 transcript qui est accompagné d'un enregistrement audio a une valeur

9 probante toute autre que le transcript que nous avons ici sous les yeux.

10 Mais de toute façon, Madame Loukas, M. Gaynor vient de nous expliquer

11 l'origine de ce transcript, et je comprends --

12 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, c'est de la MUP de

14 Sarajevo; c'est cela ?

15 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, justement, par

16 rapport à ce transcript, et ce genre de transcript en général. Nous avons

17 énuméré sur la liste des témoins les témoins de toute sorte qui ont

18 participé de différentes façons à ces écoutes, aussi bien à l'échelon les

19 plus bas qu'à l'échelon le plus élevé. L'authenticité des tels documents

20 devrait être fait justement par le biais -- se faire par le biais de ce

21 témoin. Le temps venu, ce témoin n'est pas la personne qui pourrait

22 vraiment témoigner de l'authenticité de ce document, mais il pourrait,

23 effectivement, le placer en contexte, et faire un commentaire, le

24 commentaire au sujet de la phrase en question.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, je comprends. Je pense qu'il

Page 7970

1 serait tout à fait honnête de laisser ce témoin répondre à la question et,

2 après, nous allons éventuellement parler de la question de l'authenticité

3 de ce document.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, vous avez déjà

5 expliqué l'essentiel.

6 Dans un premier temps, il y a la question du poids qui sera attribué aux

7 comptes rendus qui ne sont pas corroborés par une cassette audio et,

8 deuxièmement, il y a également la valeur probante du témoin qui fera des

9 observations à propos d'un document non authentique. Mais je pense qu'ils

10 sont des questions qui ont été précisées, et j'ai maintenant fait mon

11 observation et --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, vous êtes beaucoup trop

13 éloignée de votre microphone. Mais je pense que vous aviez dit que les

14 questions avaient été précisées, et que vous aviez indiqué ce qui pour vous

15 était le plus important.

16 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, tout à fait. Ce que je

17 voulais dire, en fait, ce qu'il y a deux éléments essentiels.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela se trouve déjà sur le compte

19 rendu d'audience.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, c'est, effectivement, sur le compte

21 rendu d'audience.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'abord, la question du poids à apporter

23 à cela. Deuxièmement, il y a la valeur probante à accorder à un témoin qui

24 fait des observations sur un document non authentique.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Mais il semblerait que, sur le compte

Page 7971

1 rendu, il est indiqué que j'ai parlé de quelque chose de la République

2 fédérale, alors que je ne me suis pas avoir dit quelque chose de cette

3 nature.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous sommes invités à ne pas nous

5 exprimer en même temps. Je pense qu'il faudrait obtempérer.

6 Monsieur Gaynor, poursuivez, je vous prie.

7 M. GAYNOR : [interprétation]

8 Q. Je vais vous donner lecture de cette phrase. Je commençais maintenant :

9 "Mijatovic a continué en disant que les combats autour d'Ilijas avaient

10 continué pendant deux jours, et qu'ils se concentraient au niveau d'un des

11 camps parce qu'il n'y avait plus -- pas de menace -- plus de menace qui

12 émanait d'Ahatovici."

13 Comme je vous l'ai dit, il s'agit d'une conversation interceptée qui

14 porte la date du 5 juin 1992. J'aimerais savoir si vous avez des

15 observations à faire à propos de la phrase dont je viens de vous donner

16 lecture.

17 R. C'est à moi que s'adresse cette question ?

18 Q. Oui, Monsieur Mujkic.

19 R. Cela confirme ce que je vous ai déjà dit. Le 5 juin, les forces qui

20 venaient d'Ilijas sont reparties par le même chemin, et cela confirme le

21 fait qu'Ahatovici ne représente plus de menace, et qu'ils se concentraient

22 sur d'autres théâtres d'opérations parce qu'ils avaient terminé leurs

23 tâches là-bas.

24 M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin le

25 document suivant, qui n'est pas une conversation interceptée. Le titre du

Page 7972

1 document est : "République serbe de la Bosnie-Herzégovine, MUP." Vous voyez

2 qu'il y a un cachet qui indique : "République serbe de Bosnie-Herzégovine,

3 Sarajevo." Il y a la date du 3 juin 1992.

4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Document P377.

5 M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais indiquer que les mots "République

6 serbe" se trouvent dans l'intitulé de la télécopie de ce document et qu'en

7 fait, le titre du document, à proprement parler, est : "République serbe de

8 Bosnie-Herzégovine, du ministère des Affaires intérieures, Sarajevo."

9 Q. J'aimerais, en fait, attirer votre attention, Monsieur, sur le

10 troisième paragraphe, et je vais vous donner lecture des extraits les plus

11 importants : "Sur le territoire de la municipalité serbe de Rajlovac, de la

12 communauté locale de Dobrosevici, une bataille féroce a fait rage entre les

13 Bérets verts du village d'Ahatovici, qui ont été aidés par les membres des

14 HOS de Kiseljak. Ils ont attaqué les villages serbes de Dobrosevici,

15 Mihaljevici et Golubvici. Lors de cette bataille féroce, les ennemis ont

16 été vaincus. Le village d'Ahatovici a été ainsi libéré et se trouve

17 maintenant placé sous le contrôle de l'armée serbe."

18 Que pouvez-vous nous dire à propos de ces deux phrases, Monsieur

19 Mujkic ?

20 R. Tout ce que je peux vous dire, c'est que je peux confirmer que le 3

21 juin ou plutôt, en fait, le 6 juin a été la journée officielle de la prise

22 d'Ahatovici, mais j'aimerais attirer l'attention de la Chambre sur ce genre

23 d'information parce qu'en fait, les HOS sont mentionnés comme venant de

24 Kiseljak, les HOS étaient une Unité militaire de la République de Croatie,

25 donc, lorsqu'il y avait une attaque qui était sur le point d'être lancée

Page 7973

1 par les forces serbes, elle déclarait, en fait, à leur population que les

2 Bérets verts et les HOS avaient été envoyés. C'est ce qu'ils disaient à

3 leur population, mais ce que j'aimerais dire, en fait, c'est que, si les

4 HOS participaient, ces personnes n'auraient pas pu résister aux balles.

5 Donc, d'ailleurs, vous pouvez voir qu'il n'y a pas un seul Croate qui a été

6 tué pendant toutes ces opérations autour d'Ahatovici, donc cela ne

7 correspond pas à la réalité parce qu'il n'y a jamais eu de soldats des HOS

8 qui ont jamais mis les pieds à Ahatovici. Les HOS sont mentionnés, mais

9 j'aimerais, en fait, vous parler du 9 mai lorsque la localité de Sokolje

10 fut attaquée. Là encore, ils ont fait référence aux HOS. Les HOS ont été

11 mentionnés, mais il s'agit tout simplement de propagande destinée, en fait,

12 à avancer le nom des HOS.

13 M. GAYNOR : [interprétation] J'aimerais que l'on montre au témoin la

14 prochaine pièce à conviction.

15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P378.

16 M. GAYNOR : [interprétation] Madame la Greffière d'audience, je m'excuse,

17 mais une cote a déjà été attribuée à ce document. Il s'agit de la cote 369B.

18 Il s'agit d'une conversation entre Momcilo Krajisnik et Mijatovic et

19 Ljubisa Vladusic, et c'est une conversation qui porte la date du 8 juin

20 1992.

21 Q. Monsieur Mujkic, j'aimerais attirer votre attention sur des

22 passages précis de ce document et, ensuite, je vous demanderais de faire

23 vos observations à ce sujet.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, je dois dire que je

25 suis un peu perdu. Cela n'a plus rien à voir avec le récépissé -- parce que

Page 7974

1 le dernier c'était le 5 juin 1992 et, en fait, c'est ce que j'ai trouvé à

2 la page 2 sur les quatre pages à la fin, alors, maintenant, ce nouveau

3 document, qui correspond au 8 juin, je suis en train de vérifier les dates

4 qui se trouvent sur la colonne de gauche et je ne trouve pas le 8 juin.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je indiquer que,

6 lorsque j'ai examiné le récépissé d'authentification du témoin, je pense

7 qu'il est fait référence à la conversation qui porte la date du 5 juin.

8 L'INTERPRÈTE : Me Loukas parle trop loin du micro.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vois que les numéros correspondent. Je

10 pense qu'il va falloir, en effet, que je parle plus près du micro.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Alors, voilà, je vois

12 maintenant. Nous avons CD258402018, donc c'est un numéro interne

13 CD258402018. C'est, en fait, la deuxième inscription à la page 2, la page 2

14 sur ces quatre pages.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Alors, je n'ai pas la bonne date, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je ne sais pas --

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Ou alors c'est une date différente ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor.

20 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, je suis reconnaissant au conseil de la

21 Défense pour son aide. Je pense, comme l'a dit Mme Edgerton, la date du 5

22 juin 1992 n'est pas la bonne date. Cela devrait être le 8 juin 1992.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur ce récépissé, sur ce --

24 M. GAYNOR : [interprétation] Sur la déclaration du témoin, la date n'est

25 pas exacte. La date exacte est le 8 juin 1992.

Page 7975

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, je n'étais pas au courant. Je

2 ne savais pas que cela est valable pour la déclaration qui a été présentée

3 hier par Mme Edgerton. Enfin, toujours est-il, dois-je comprendre, que les

4 observations faites par le témoin peuvent se trouver à la page 2. Ce sont

5 des observations qui commencent par : "Krasjnik mentionne la famille

6 Gacanovic." Donc cela n'a rien à voir avec la conversation interceptée du 5

7 juin, mais plutôt avec la conversation du 8 juin.

8 M. GAYNOR : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, les choses sont claires

10 maintenant. Je ne comprends toujours pas ce que cela a à voir avec ce que

11 nous a dit Mme Edgerton, mais bon, c'est peut-être moi qui me trompe.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, juste un autre élément.

13 Vous souviendrez, Monsieur le Président, qu'hier j'avais présenté des

14 objections. Il s'agit de la conversation dont le but consiste à savoir si

15 l'on pourrait, en fait, dégager des conclusions du fait de la mention du

16 nom Gacanovic.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense justement qu'il s'agit de la même

19 conversation, donc nous avons le même problème et nous soulèverons le même

20 problème à propos de cette conversation. Il s'agit de conjecture et de

21 spéculations.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous allons, dans un

23 premier temps, écouter la question ou les questions qui vont être posées

24 par M. Gaynor au témoin.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.

Page 7976

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, poursuivez, je vous

2 prie.

3 M. GAYNOR : [interprétation] Merci.

4 Q. Monsieur Mujkic, j'aimerais, dans un premier temps, attirer votre

5 attention sur une remarque qui se trouve à la fin de la traduction anglaise,

6 c'est la quatrième ligne du texte que vous avez. C'est Momcilo Krajisnik

7 qui parle et qui dit : "Mirko m'a parlé des problèmes que posent ces

8 prisonniers et les autres choses".

9 Donc, c'est quatre lignes avant la fin de la première page de la

10 version anglais. Ensuite, nous allons sauter quelques lignes et nous devons

11 tourner la page de la version anglaise.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, j'aimerais attirer

13 votre attention, dans un premier temps, sur ce que vous avez dit. Vous avez

14 dit : "Une observation qui se trouve à la fin de la traduction anglaise. La

15 traduction anglaise qui --"

16 Une version anglaise de quoi ?

17 M. GAYNOR : [interprétation] Je m'excuse. Je parlais du compte rendu en

18 anglais de la conversation entre --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais à quelle page.

20 M. GAYNOR : [interprétation] La première page, quelques trois lignes avant

21 la fin.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, c'est clair maintenant.

23 Poursuivez, je vous prie.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Merci.

25 Q. Donc, je vais sauter quelques lignes puis je recommencerai là où

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1 dit :

2 "Momcilo Krajisnik : "Nous ne devrions pas faire quelque chose,

3 quelque chose qui ne correspond pas aux règles.

4 M. Mijatovic : Oui, je sais.

5 Momcilo Krajisnik : Parce qu'ils ont libéré certains hommes. Ils sont

6 partis d'ici. Ils sont repartis."

7 Alors, je m'arrête là, et j'aimerais vous poser une question. Savez-

8 vous à quel homme ou à quels hommes fait référence M. Krajisnik, Monsieur

9 Mujkic ?

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, avant que nous ne

11 poursuivions, je vois que, dans le compte rendu d'audience, il est dit que

12 M. Gaynor a dit : "M. Momcilo Krajisnik dit : "Nous ne devrions pas faire

13 quelque chose, quelque chose qui ne suit pas les règles." Je ne sais pas si

14 j'ai la bonne page du compte rendu, je suppose que je l'ai. Ce n'est pas ce

15 que je vois. Il est marqué : "Si vous trouvez une solution, cela va; si

16 vous ne trouvez pas une solution, vous pouvez nous inclure. Alors nous

17 allons avoir des consultations, mais il ne faudrait pas faire quelque chose

18 d'erroné, il ne faudrait pas faire commettre d'erreur, vous savez."

19 M. GAYNOR : [interprétation] Je vous parle de la deuxième page, neuf lignes

20 après le début de la page 2.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, est-ce que vous

22 pourriez être un peu plus structuré pour que nous puissions comprendre ce

23 dont il est question. Est-ce que vous pourriez indiquer, à chaque fois, de

24 quelle page il s'agit, grosso modo, de quelle ligne il s'agit, et vous

25 pourriez peut-être nous en donner lecture, pour que nous puissions tous

Page 7978

1 vous suivre. Il s'agit maintenant de la page 2, de la version anglaise,

2 vous posez une question au témoin. Je suppose que vous souhaitez que le

3 témoin prenne également la deuxième page de la version en B/C/S, Monsieur

4 Gaynor ?

5 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président. Il

6 s'agit du milieu de la deuxième page de la version en B/C/S.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais de consulter cette

8 deuxième page, bien que les pages ne soient pas numérotées, d'ailleurs.

9 Vous avez en haut un numéro -- en haut de cette page, un numéro qui se

10 termine par 0655. Ensuite, au milieu de cette page, est-ce que vous

11 pourriez nous donner lecture, Monsieur Gaynor de la phrase ?

12 M. GAYNOR : [interprétation] La phrase essentielle prononcée par Momcilo

13 Krajisnik est la suivante : "Parce qu'ils ont libéré des hommes, ils sont

14 partis d'ici, et ils sont rentrés."

15 Q. La question que j'aimerais vous poser, Monsieur Mujkic, est la suivante

16 : êtes-vous en mesure d'expliquer, à la Chambre de première instance, ce

17 que M. Krajisnik indique là ?

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, il n'y a pas de base

19 qui a été fournie au témoin pour qu'il puisse présenter des observations à

20 propos de cette conversation précise.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Gaynor, par exemple, si

22 vous aviez demandé au témoin si quelque chose s'était passé pendant une

23 période de temps donnée, et si vous lui aviez demandé ou s'il était au

24 courant de cet incident, si cela avait correspondu à ce que disent les

25 personnes qui parlent, alors vous ne lui auriez pas seulement demandé

Page 7979

1 quelle était l'intention des personnes qui s'expriment, mais vous auriez

2 pu, également, lui demander s'il est au courant lui même de ce dont

3 parlaient ces personnes. Nous aurions pu, par la suite, voir si la base de

4 cette question parallèle est assez suffisante pour lui accorder un poids

5 quelconque.

6 M. GAYNOR : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président, je ne

7 souhaiterais pas demander ou poser au témoin des questions précises à

8 propos d'événements qu'il connaît, cela je sais qu'il les connaît. Je sais

9 que M. Krajisnik fait une référence ici, mais je pense en fait que ce

10 serait une façon de poser une question extrêmement directrice de parvenir

11 ou de parler de la conclusion que j'essaie d'obtenir. C'est la raison pour

12 laquelle je ne pose pas au témoin trop de questions avant de lui donner

13 lecture de la phrase appartenant à la conversation interceptée. Toutefois,

14 si vous souhaitez que je pose au témoin quelques questions liminaires --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, je pense que vous

16 pourrez demander au témoin de nous dire ce à quoi fait référence M.

17 Krajisnik.

18 M. GAYNOR : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comment est-ce que le témoin pourrait

20 nous dire ce à quoi fait référence, M. Krajisnik ?

21 M. GAYNOR : [interprétation] C'est exactement --

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, nous pouvons voir les mots

23 utilisés pendant cette conversation, et vous pourriez inviter le témoin,

24 c'est peut-être ce à quoi vous pensez, ce à quoi vous songez, de nous dire

25 si ce qu'il a vécu pourrait correspondre à ce qu'il entend. Si j'entends,

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1 par exemple, une conversation téléphonique où on me dit, ils ont gagné par

2 deux à zéro, alors bien entendu vous pouvez demander au témoin de nous dire

3 à quoi fait référence la personne, et vous pourriez également lui demander

4 s'il a connaissance d'un match qui a eu lieu le même jour où le score final

5 avait été de 2 à zéro, et s'il pourrait nous dire de quel match il

6 s'agissait, ensuite nous pourrons voir s'il y a eu d'autre match, ou le

7 résultat final était 2 à zéro. Ce serait un point de départ. Mais vous ne

8 pouvez pas demander au témoin ce quelqu'un avait l'intention de dire dans

9 le cadre d'une conversation téléphonique dont il n'a pas une connaissance

10 préalable. En fait, je pense que c'est une objection qui a toute une

11 connotation technique que l'objection présentée par Me Loukas.

12 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je suggère que le

13 témoin ne doit pas revenir sur la conversation interceptée pendant quelques

14 temps, ensuite, je vais lui poser quelques questions, et j'y reviendrai.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

16 M. GAYNOR : [interprétation]

17 Q. Monsieur Mujkic, avant que vous ne quittiez le village d'Ahatovici,

18 est-ce que vous avez reçu quelqu'un ?

19 R. Oui. J'avais déjà dit qu'à la mi-mai, 15 de nos co-villageois sont

20 allés à Visoko pour obtenir des armes, et que 12 personnes étaient venues

21 avec eux. Il s'agissait de personnes qui avaient été expulsées de la

22 municipalité de Bratunac, qui avaient été emprisonnées, puis ensuite qui

23 avaient été échangées à Pale et qui avaient été envoyées à Visoko. Ils

24 avaient leurs familles, leurs amis à Sarajevo. Ils se sont rendus vers

25 Sarajevo avec nos co-villageois qui allaient jusqu'à Ahatovici. Toutefois,

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1 ils n'ont pas été en mesure de se rendre jusqu'à la ville de Sarajevo. En

2 fait, ils se sont trouvés dans la localité d'Ahatovici. Comme il n'y avait

3 pas de formations militaires ou de logistiques, nous les avons nourris. Par

4 exemple, il y a six personnes qui se sont restaurées dans une maison, six

5 autres dans une autre. J'ai offert le déjeuner deux fois à un groupe de six

6 personnes. Je suppose qu'il s'agit de ces personnes. Parce que les autres

7 étrangers si je puis m'exprimer de la sorte, des personnes de l'extérieur,

8 il n'y a eu personne d'autre qui est venu de l'extérieur à Ahatovici. Ce

9 sont les seules personnes dont il peut s'agir.

10 Permettez-moi d'ajouter qu'ils avaient peur d'être capturés à nouveau parce

11 que je ne connais pas trop bien les dispositions des conventions de Genève,

12 mais je pense savoir que quelqu'un, qui a fait l'objet d'échange et qui a

13 été recapturé sur le champ de bataille, peut être exécuté. Ils avaient

14 extrêmement peur de ce qui pourrait leur arriver.

15 Q. Monsieur, j'aimerais que vous concentriez sur les personnes qui furent

16 expulsées de la municipalité de Bratunac, ils furent emprisonnés, puis ils

17 ont fait l'objet d'échange à Pale, et envoyées à Visoko. Est-ce que ce sont

18 les personnes qui se sont retrouvées chez vous, que vous avez nourries et

19 pour qui vous avez été un hôte ?

20 R. Oui.

21 Q. Monsieur Mujkic, quel jour cela s'est-il produit, je pense à ces

22 personnes qui étaient chez vous ?

23 R. Ces personnes se sont trouvées chez moi à deux reprises. Il s'agit d'un

24 groupe de six personnes à deux reprises. C'était à la fin du mois de mai,

25 juste avant l'attaque à proprement parler.

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1 Q. Est-ce que ces personnes vous ont indiqué à quelle date, elles avaient

2 été libérées ? A quelle date leur détention avait pris fin ?

3 R. Ne me posez pas cette question. Car vous savez je ne suis pas quelqu'un

4 chargé de répertorier les événements qui se sont passés pendant la guerre.

5 Ils m'ont, tout simplement, relaté leur histoire, aucune date n'a été

6 mentionnée, mais je pense qu'il y a des traces écrites de cet échange dans

7 la municipalité de Visoko avec les gens de Bratunac, mais je n'en sais

8 rien. Je ne faisais pas partie de cela. Je ne peux pas vous donner de date.

9 Tout simplement, je n'en sais rien.

10 Q. J'aimerais, maintenant, vous demander de porter votre attention à

11 nouveau sur la conversation interceptée. Vous avez le document, j'aimerais

12 faire référence à la phrase que j'ai lue tout à l'heure. Je vais redonner

13 lecture de cette phrase aux fins du compte rendu d'audience. C'est la

14 phrase qui se trouve à la huitième ligne de la page 2 du compte rendu en

15 version anglaise. Cette phrase se trouve au milieu de la page de la version

16 en B/C/S. Momcilo Krajisnik dit : "Parce qu'ils ont libéré certains hommes,

17 ils sont partis d'ici et ils sont revenus."

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Et le reste de la phrase.

19 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je vais vous donner

20 lecture à nouveau d'autres phrases de ce compte rendu, mais je vais finir

21 cette phrase.

22 "Momcilo Krajisnik : Oui, oui. Donc ils ont attaqué, n'est-ce pas ?

23 Mijatovic : Oui, c'est cela.

24 Momcilo Krajisnik : Et bien, vous voyez. Vous êtes intelligent donc -

25 - "

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1 J'aimerais m'interrompre là parce que je vais, ensuite, aborder un autre

2 passage en quelques minutes. Monsieur, j'aimerais savoir si vous pouvez

3 nous présenter des observations à propos de ce passage dont je viens de

4 vous donner lecture ?

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Une fois de plus, Monsieur le Président,

6 voilà comment est la situation --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'excuse, mais j'aimerais intervenir.

8 Monsieur Mujkic, comprenez-vous l'anglais ? Est-ce que vous parlez

9 l'anglais ?

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demanderais de bien vouloir ôter

12 vos écouteurs pendant quelques secondes. Mme l'Huissière va vous aider.

13 Monsieur Gaynor, j'essaie de comprendre comment vous voulez établir le lien

14 entre cette conversation téléphonique et l'expérience vécue par l'accusé.

15 Pourquoi pensez-vous que ce témoin pourrait le faire mieux que la Chambre

16 de première instance ?

17 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, procédons par ordre.

18 Dans un premier temps, vous avez la conversation interceptée, mais M.

19 Krajisnik dit : "Parce qu'ils ont libéré certains hommes. Ils sont partis.

20 Ils sont revenus." Alors, il s'agit, en fait, d'une phrase très, très

21 générale. Je ne suis pas si sûr que cela, Monsieur le Président, Messieurs

22 les Juges, que vous pourrez, en fait, dégager des conclusions à partir de

23 cette observation. Dans sa déclaration le témoin a dit : "Douze personnes

24 de Bratunac ont été libérées à Pale et Krajisnik le sait et les mentionne

25 comme étant des personnes qui vont revenir." Bien entendu, ce que Krajisnik

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1 savait des événements à Pale et à Ahatovici est extrêmement important par

2 rapport à sa responsabilité criminelle. C'est pourquoi --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais comment est-ce que ce témoin -

4 - est-ce que vous ne devriez pas, dans un premier temps, établir ce que M.

5 Krajisnik savait de cela ? A partir de quelle base, pourquoi est-ce que

6 vous demandez au témoin de supposer que M. Krajisnik avait connaissance de

7 ces événements ou de ces personnes ?

8 M. GAYNOR : [interprétation] Ces hommes étaient présents chez le témoin.

9 Ils lui ont parlé. Il a écouté cette conversation interceptée --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien sûr. Le problème important est

11 comme suit : le commentaire que fait M. Krajisnik, il fait état de cette

12 situation, il fait état des hommes qui ont été libérés, et cela se fonde

13 sur le fait que M. Krajisnik a connaissance de cette mise en liberté. Ma

14 question est comme suit : si telle est la base, comment est-ce que ce

15 témoin peut savoir ce que M. Krajisnik savait ou sait ? Bien sûr, il pourra

16 dire, je pense que. Je ne vous dis pas que M. Krajisnik ne fait pas

17 référence, ou fait référence. Je n'en sais rien. Ce que je voudrais savoir,

18 c'est ce que le témoin saura davantage ? Quels sont les éléments

19 d'information qu'il possédera et qui fera que c'est la personne qui pourra

20 dégager des conclusions suivant lesquelles la base qu'il faut utiliser est

21 pertinente pour les éléments de preuve qui se trouvent contenus dans ce

22 document ?

23 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor.

25 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, à ce stade, je n'ai pas

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1 l'intention de poser de questions supplémentaires au témoin sur cette

2 observation. D'une façon générale, et pas seulement en ce qui concerne ce

3 témoin, notre argument c'est qu'aucun témoin ne sait ce que savait M.

4 Krajisnik.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. GAYNOR : [interprétation] Cela, c'est une question de logique. Toutefois

7 sur la base de ce que savait le témoin --

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, à notre avis, aucun témoin ne sait

9 ce que savait M. Krajisnik. Maintenant, vous dites que c'est une question

10 de logique. Qu'est-ce qui est une question de logique ?

11 M. GAYNOR : [interprétation] Je vous prie de m'excuser. Je vais reformuler

12 ce que je voulais dire. Ce que je voulais dire c'était qu'aucun être humain

13 ne sait exactement ce qu'un autre être humain sait tout simplement par

14 déduction --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, déduction. Je suis pleinement

16 d'accord avec vous.

17 M. GAYNOR : [interprétation] C'était la seule chose que je voulais dire.

18 Maintenant, la question que vous posez, Monsieur le Président, Messieurs

19 les Juges, c'est : pourquoi est-ce que je demande au témoin de faire des

20 commentaires sur ces phrases, et la réponse, d'une façon générale, c'est

21 parce que la forme très générale d'un très grand nombre de conversations

22 interceptées, nous pensons que c'est très important que vous puissiez avoir

23 des commentaires de personnes qui se trouvaient dans la région, et qui

24 auraient pu parler à des personnes auxquelles il était fait référence dans

25 ces phrases afin que ceci puissent aider les membres de la Chambre pour

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1 tirer ses propres conclusions.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, il n'y a aucune

3 problème quel qu'il soit pour ce qui est de présenter des éléments de

4 preuve ou des événements qui pourraient expliquer une conversation

5 téléphonique. La question fondamentale est de savoir si le témoin est plus

6 compétent, est mieux en mesure de faire ces déductions, ou si le témoin est

7 ici pour nous fournir des renseignements, des renseignements obtenus par

8 quelqu'un qui se trouvait dans la région à ce moment-là, ce qui permettrait

9 de faire des déductions, c'est-à-dire qui permettraient aux membres de la

10 Chambre de faire ces déductions. Parce que le dernier pas est quelque chose

11 qui n'appartient pas au témoin. Je me réfère à mon exemple que j'ai donné

12 antérieurement : dites-nous que le témoin sait que la personne qui a passé

13 la conversation téléphonique est partie dans sa voiture dans la direction

14 d'un certain stade de football. Ceci pourrait nous aider à tirer ces

15 déductions finales. Mais pour finir, ces déductions doivent être faites par

16 les membres de la Chambre sur la base des renseignements fournis par le

17 témoin. Plus le témoin se trouve à une certaine distance, peut-être que les

18 renseignements qui sont mis à la disposition de la Chambre pour faire de

19 telles déductions, sont pertinents. Vous ne pouvez pas demander au témoin

20 de faire ces déductions lui-même. Veuillez nous fournir tous les

21 renseignements pertinents qui peuvent nous aider à mieux comprendre une

22 conversation téléphonique en donnant un contexte, en précisant les

23 circonstances pertinentes. Veuillez poursuivre.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 Q. Monsieur Mujkic, je vais vous lire --

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous devons, tout d'abord, demander au

2 témoin de remettre ses écouteurs. Oui, vous pouvez poursuivre.

3 M. GAYNOR : [interprétation]

4 Q. Monsieur le Témoin, Monsieur Mujkic, je vais vous lire --

5 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, si vous voulez bien

6 m'accorder un instant.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

8 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Gaynor.

10 M. GAYNOR : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

11 Q. Je vais maintenant lire à haute voix quelques phrases.

12 "Mijatovic --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui maintenant, vous indiquez la

14 première page, puis ensuite les lignes, comme cela nous pourrons suivre,

15 Monsieur Gaynor.

16 M. GAYNOR : [interprétation] C'est celle qui suit immédiatement --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. GAYNOR : [interprétation] La phrase en question est celle qui suit :

19 "Mijatovic : Vous savez quoi, ce qui se passe dans ce secteur pour

20 dire, séparez les militaires et les civils ?

21 Momcilo Krajisnik : Oui.

22 Mijatovic : Bien. Je pense que nous -- enfin ces femmes, ont été

23 installées, hébergées, je pense, et le plus grand nombre possible : femmes,

24 enfants, vieillards, pour se trouver dans les conditions -- et les

25 militaires, pour ce qui est de leur côté --"

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, est-ce que vous êtes en

2 train de lire à partir d'un compte rendu différent ? Il est question de :

3 "Certaines conditions", "de se trouver dans certaines conditions," avez-

4 vous dit, Monsieur Gaynor.

5 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, il faut que je vérifie

6 que je suis en train de lire la même traduction que celle que vous avez

7 devant vous.

8 Monsieur le Président, il semble que j'avais une traduction qui était

9 légèrement différente de celle qui vous a été remise. C'est la raison pour

10 laquelle je vais continuer avec la traduction que vous même, vous avez.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 M. GAYNOR : [interprétation] Je recommence. Mijatovic dit : "Et bien, ici

13 je crois que -- ces femmes sont logées, je crois, autant qu'on a pu, les

14 femmes, les enfants, et vieillards, avec certaines conditions -- et la

15 partie militaire, c'est-à-dire, de la police militaire, et cette partie-là

16 sera traitée, ainsi de suite. Ils sont en train de faire des investigations,

17 de les compléter, et de voir ce qu'ils vont traiter ou non. Je vous prie de

18 me croire, cela je ne le sais pas."

19 Je ne vais pas vous demander, Monsieur le Témoin, de faire des commentaires

20 pour le moment. Je voudrais revenir à la partie précédente de votre

21 déposition, dans laquelle vous avez parlé de la détention des prisonniers

22 de la population musulmane d'Ahatovici. Vous avez dit que votre femme et sa

23 mère - excusez-moi - je reformule cela. Votre épouse, votre mère et votre

24 fille ont été détenues dans le centre de distribution, et par la suite,

25 l'usine d'oxygène.

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1 Q. Ma première question est la suivante : Pendant que ces trois parentes

2 étaient détenues, est-ce que d'autres femmes d'Ahatovici ont été détenues

3 au même local ?

4 R. Oui. Lorsqu'une salle était pleine, on mettait les personnes dans

5 d'autres pièces. Ils ne pouvaient pas se servir d'une seule pièce. Ils ont

6 dû également utiliser le restaurant, et en occurrence, c'était certainement

7 le meilleur local parce que ce n'était pas dans le sous-sol, et ce n'était

8 pas humide.

9 Q. Où étaient détenus les hommes d'Ahatovici ?

10 R. Les hommes d'Ahatovici, les vieillards, les personnes âgées, les

11 enfants, se trouvaient avec les femmes. Ceux qui étaient en âge de porter

12 des armes, et des militaires, étaient mis dans des citernes.

13 Q. Vous avez utilisé l'expression "hommes en âge d'être militaires." Est-

14 ce que c'était des soldats qui avaient l'âge voulu pour être militaire ?

15 R. Si une personne qui défend sa maison est considérée comme un soldat --

16 alors, j'ai déjà dit qu'il n'y avait pas de logistique, il n'y avait pas de

17 commandement à Ahatovici sauf une douzaine de personnes de Bratunac, il n'y

18 avait personne d'autre de l'extérieur. Que voulez-vous dire par formation

19 militaire ?

20 Q. Monsieur Mujkic, je voudrais maintenant vous poser des questions

21 concernant le mari de votre sœur. Vous avez déjà dit aux membres de la

22 Chambre que votre sœur avait été tuée lors de l'attaque contre Ahatovici.

23 Est-ce que son mari a survécu à cette attaque sur Ahatovici ?

24 R. Malheureusement pas. Son mari et son fils, qui à l'époque avait 21 ans

25 - et qui était censé -- en fait, il allait avoir 21 ans au bout d'un mois

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1 plus tard - ils se trouvaient dans la petite citerne, et tout les deux ont

2 été tués en étant sur un bus à Sukolina.

3 Q. Savez-vous la date approximative à laquelle ils ont été tués dans ce

4 bus ?

5 R. C'était le 14 juin 1992.

6 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres personnes qui vous étaient apparentées

7 qui ont été tuées dans ce bus ?

8 R. La famille Mujkic est la famille la plus ancienne dans le territoire

9 d'Ahatovici. Malheureusement, 13 membres de la famille Mujkic ont été tués,

10 rien que sur le bus. Nous sommes la famille la plus étendue et la plus

11 ancienne du cru, donc malheureusement, nous étions les plus nombreux.

12 Pendant des siècles, des générations de la famille Mujkic ont vécues dans

13 la région.

14 Q. En plus des personnes qui vous étaient apparentées qui ont été tuées

15 sur le bus, est-ce que vous avez connu une personne quelconque, autre

16 personne, qui a été tuée sur ce bus ?

17 R. Je connaissais tout le monde excepté deux personnes de Bratunac qui ont

18 aussi été tuées sur ce bus. Ces deux hommes qui venaient de Bratunac ont

19 été faits prisonniers et ont été tués. Ils ont été enterrés sous le nom "N"

20 parce qu'il n'y avait personne pour les identifier en 1996 après avoir été

21 exhumés.

22 Q. Quelle était l'origine ethnique des personnes que vous connaissiez et

23 qui vous étaient apparentées, et qui ont été tuées sur ce bus ?

24 R. Tous étaient des Bosniens de confession musulmane.

25 Q. Savez-vous qui les a tués ?

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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président --

2 R. Je suis ici --

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant. Maître Loukas ?

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, en ce qui concerne

5 cette question, c'est un point sur lequel le témoin n'est pas en mesure de

6 répondre.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci dépend de savoir à quel point on va

8 être strict en ce qui concerne les preuves par ouï-dire. Par conséquent,

9 j'autorise cette question.

10 Mme LOUKAS : [interprétation] Comme vous voudrez, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais bien entendu, une simple réponse

12 nécessitera peut-être des explications supplémentaires.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, la question qui vous est posée --

15 mais je vais d'abord vous poser une autre question. Est-ce que les

16 personnes qui ont été tuées sur le bus étaient toutes des hommes ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les parties, ceci corrige une

19 réponse qui avait été donnée à la page 32, ligne 5, où je suppose que c'est

20 par erreur qu'on a situé une personne de sexe féminin, et qu'on m'a dit

21 qu'elle était sur ce bus.

22 La question suivante : "Savez-vous qui a tué ceux qui étaient sur le bus ?"

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais dire ceci. Je n'étais pas sur

24 place, donc je ne saurais pas répondre. J'ai fait le serment de dire la

25 vérité ici. Il y a des témoins, cependant, des survivants. Jusqu'à ce jour,

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1 ces personnes sont mes voisins et tous racontent la même histoire, à savoir

2 que ceci a été fait par l'armée serbe. Pour ma part, je ne veux pas faire

3 des commentaires supplémentaires parce que je ne sais pas.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'ils ne vous ont jamais donné

5 des détails supplémentaires sur les raisons pour lesquelles, à leur avis,

6 ceux qui se trouvaient sur le bus ont été tués par des membres de l'armée

7 serbe ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Autant que je le sache, et ceci est la vérité,

9 rien que la vérité, le 13 juin, lorsque l'échange principal devait avoir

10 lieu, personne par personne, cinq personnes qui avaient embarqué sur un

11 camion frigorifique et emmenées à Pale --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête. Ma question était de

13 savoir si des voisins à vous vous ont jamais donné de détails expliquant

14 les raisons pour lesquelles ils considéraient que c'était des membres de

15 l'armée serbe qui étaient ceux qui avaient tué les personnes se trouvant

16 sur le bus ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le bus qui a quitté Rajlovac et les citernes a

18 été escorté par des véhicules depuis le début jusqu'à la fin, de bout en

19 bout.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce qu'ils ont vos dit ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est ce qu'ils m'ont dit. Donc, ce n'est

22 qu'une pure question de logique qu'ils suivaient le bus à dessin,

23 intentionnellement. Ce bus était là, à ciel ouvert. Cela leur était servi

24 comme sur un plateau. Ce qui s'est passé, s'est passé. Après tout, il y a

25 des enregistrements. Voilà une forêt où il n'y a pas d'opérations de combat.

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1 Donc cela se passait entre la route et le cours d'eau, et il semble que le

2 chauffeur ait dit -- et bien, je ne peux pas dire, mais ce que j'ai entendu,

3 je peux vous le dire.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Combien de voisins vous ont raconté

5 cela ? Un seul ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y en a eu 8. Tous les 8, Monsieur le

7 Président. Parce que j'ai travaillé comme secrétaire de la commune locale

8 pendant cinq ans, et je me suis tenu au courant de tout ce qui s'était

9 passé parce que c'était notre drame, notre tragédie. Je voulais connaître

10 la vérité. Je voulais que cette vérité éclate au grand jour. Il s'agit de

11 mes voisins, et nous avons évidemment parlé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsqu'ils vous ont donné ces

13 renseignements, est-ce que c'était ensemble ou est-ce que c'est séparément.

14 Est-ce qu'ils vous ont dit cela alors que tous étaient présents, tous les

15 huit ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Excusez-moi. Après que j'ai fait l'objet

17 d'un échange, après avoir été prisonnier, j'ai passé le reste de la guerre

18 à Zenica. C'est seulement en octobre 1995 que je suis venu à Sarajevo. Par

19 curiosité, je suis allé voir mes voisins, mes amis, mes parents, tous ceux

20 qui se trouvaient à la ville de Sarajevo. Ces conversations ont eu lieu

21 individuellement. J'allais rendre visite à une personne, nous parlions,

22 puis j'allais rendre visite à une autre personne, et nous parlions à

23 nouveau. Ce n'est pas que nous ayons discuté de cela en groupe. Nous avons

24 fait cela individuellement.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne veux pas suggérer quoi que ce soit.

Page 7994

1 Je demande simplement pour me renseigner. Veuillez poursuivre, Monsieur

2 Gaynor.

3 M. GAYNOR : [interprétation]

4 Q. Monsieur Mujkic, est-ce que vous connaissez le village de Misoca ?

5 R. Oui. J'ai travaillé pour l'armée, et le village de Misoca avait une

6 caserne. En fait, il s'agissait de silos ou de citernes militaires, et il

7 n'y en avait pas de civiles, mais il s'agissait essentiellement de casernes

8 militaires où se trouvaient ces silos et ces citernes. Je suis allé là un

9 nombre incalculable de fois parce qu'ils avaient également leur propre

10 cuisine. Chaque fois que leur matériel électrique tombait en panne, j'y

11 allais pour réparer.

12 Q. Quelle était l'origine ethnique des habitants du village de Misoca ?

13 R. Je sais que la majorité de la population était musulmane, mais, s'il

14 vous plaît, ne me demandez pas des chiffres ou des pourcentages, parce que

15 je ne voudrais pas dire quelque chose que je ne sais pas.

16 Q. Qu'est-il arrivé -- ou est-ce que vous savez ce qui est arrivé à la

17 population musulmane de Misoca ?

18 R. Oui, je le sais d'après ce que les gens ont dit après la guerre, quand

19 je suis allé à ce village. Il y avait un ami qui y habitait. Tout avait été

20 miné. On l'avait fait sauter. C'était très triste. Ce n'était pas pour dire

21 que c'était le côté matériel des choses qui était tellement important, mais

22 tous leurs biens avaient été détruits et ils avaient survécus. J'aurais

23 bien voulu que les nôtres aussi aient survécu, même à ce prix.

24 M. GAYNOR : [interprétation] Je vais maintenant demander que l'on présente

25 au témoin la pièce à conviction suivante, qui porte le numéro 369C, et je

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1 pense qu'elle porte également le numéro 282, des pièces à conviction.

2 Maintenant, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, vous avez déjà

3 entendu parlé de cette pièce à conviction. Nous n'avons pas l'intention de

4 la présenter à l'écran à nouveau. Je voudrais simplement appeler

5 l'attention des membres de la Chambre à la page 5, à peu près à la moitié

6 de la page 5.

7 Q. Je vous pose la question, Monsieur Mujkic. J'appelle votre attention

8 sur la sixième page, et le chiffre qui figure en haut de cette page, à

9 savoir, 0322-0736. Vous avez cette page, Monsieur Mujkic ?

10 R. Oui.

11 Q. Maintenant, descendez jusqu'à à peu près au trois-quarts, au dernier

12 quart de cette page, et je vais vous lire quelques phrases qui figurent au

13 compte rendu.

14 "Mirko Krajisnik : Zut, ce matin, j'ai entendu que les Musulmans qui

15 s'enfuyaient de Misoca avaient tué tous les passagers d'un bus de Serbes à

16 Srednja. Misoca faisait l'objet d'un nettoyage.

17 Momcilo Krajisnik : Oui ?

18 Mirko Krajisnik : Alors, les Musulmans ont tué tous les passagers

19 serbes d'un bus --

20 Momcilo Krajisnik : Mais ils étaient en route pour Pale en tant que

21 réfugiés. Il y a très peu de temps, on m'a dit que cela n'était pas vrai,

22 mais qu'en fait, ils aient emmené ces prisonniers avec eux."

23 Maintenant, je passe à la page 6 de la traduction anglaise commençant

24 à la deuxième ligne. Maintenant, pour vous, Monsieur Mujkic, vous pouvez

25 tourner la page. C'est à peu près la cinquième

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1 ligne en descendant vers le bas. Mirko Krajisnik --

2 R. Quelle est la page ? Excusez-moi. De quelle page

3 s'agit-il ?

4 Q. Excusez-moi, Monsieur Mujkic. Il s'agit de la page 0322-0737, et nous

5 regardons la cinquième ligne.

6 "Mirko Krajisnik : A Srednje, ils ont été interceptés par les

7 Musulmans qui avaient tué tous ces prisonniers. Nos deux hommes ont été

8 grièvement blessés.

9 Momcilo Krajisnik : Ils ont pensé que c'était nos hommes ? Mirko

10 Krajisnik : Ils ont pensé que c'était nos hommes.

11 Momcilo Krajisnik : Oui".

12 Je m'arrête un instant ici. Monsieur Mujkic, je voudrais simplement vous

13 poser la question suivante : Sur la base de ce que vous savez et de ce que

14 vous avez entendu de la bouche des survivants du massacre des passagers de

15 l'autobus, est-ce que les Musulmans ont attaqué le bus qui transportait des

16 parents à vous ?

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, en ce qui concerne ce

18 point, vous avez demandé au témoin quelle était la base de ce qu'il savait.

19 Je ne sais pas si la question qui vient d'être posée par Me Gaynor fait

20 progresser en quoi que ce soit les choses.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, bien que -- enfin, je veux dire que

22 pourrait être la réponse, Monsieur Gaynor, si ce n'est que -- j'ai demandé

23 au témoin, j'ai posé cinq, six questions sur la base de leur connaissance.

24 Peut-être Me Loukas objecte et ceci va prendre davantage de temps. Je veux

25 dire, vous avez -- en l'occurrence, c'est moi qui ai posé cette question

Page 7997

1 déjà et il a déjà été répondu à cette question. Poursuivons. Je

2 souhaiterais que les parties -- je veux dire que, bien que vous ayez raison,

3 Maître Loukas, la question est de savoir s'il était nécessaire de le

4 démontrer. Etes-vous, à ce moment-là, ou est-ce que vous voulez --

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Que vous vous voulez, Monsieur le Président ?

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous avez dit cela, d'après ce que

7 vous savez, d'après ce que vous avez entendu, que les victimes qui se

8 trouvaient sur le bus étaient des Musulmans, et qu'ils avaient été tués par

9 des Serbes.

10 Oui, veuillez poursuivre, Monsieur Gaynor.

11 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais qu'on

12 passe maintenant à la pièce à conviction suivante, et je vais faire

13 projeter un clip de cette pièce à conviction. Il s'agit d'un enregistrement

14 audio d'une conversation qui a lieu le

15 25 janvier 1992, entre Miodrag Stupar et Petko Budisa, ensuite entre Slavko

16 Lazendic et Petko Budisa.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, précisément à ce

18 sujet, je me demande si ce serait pas le moment qui convient, comme je l'ai

19 indiqué au moment où nous parlons, où je suis en train de m'entretenir avec

20 mon conseil principal par rapport à la question qui m'a été posée par vous,

21 Monsieur le Président, en ce qui concerne le témoin de la semaine

22 prochaine.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions effectivement suspendre

24 la séance maintenant, mais je vais tout d'abord poser une question.

25 Monsieur Gaynor, je comprends que chaque fois que vous ne posez pas de

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1 question au témoin, tout au moins lorsque vous présentez quelque chose

2 comme élément de preuve. Par exemple, l'une des pièces ou des commentaires

3 qui pourraient faire l'objet d'un contexte, ce serait qu'aucun incident de

4 ce genre n'a eu lieu, pas même dans les environs de Sarajevo. Ceci semble

5 être quelque chose dont le témoin nous dit qu'il a connaissance. Ceci est

6 évidemment dans les éléments de preuve que nous avons par écrit.

7 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, c'est un rapport

8 écrit, si vous voulez. C'était une autre façon évidemment d'accélérer les

9 débats. Effectivement, toutes les questions que nous ne lui posons pas,

10 nous les présentons comme élément à verser au dossier, en application de

11 l'Article 89(F) du Règlement.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes conscient du fait que les

13 spéculations pourraient ne pas être convaincantes pour la Chambre.

14 M. GAYNOR : [interprétation] Oui.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, les choses sont parfaitement

17 claires pour moi. Bien sûr, vous dites que je suis en train d'accélérer la

18 procédure. Le commentaire du témoin était qu'ils avaient parlé du massacre

19 de ceux qui se trouvaient sur l'autobus, qu'il soutienne que c'était des

20 Musulmans qui avaient tué ceux qui se trouvaient sur l'autobus. Pour

21 commencer, vous avez posé quelques questions à ce sujet, et il semble que

22 vous vouliez simplement souligner le fait que lors de la conversation

23 téléphonique, ce sont les Musulmans qui ont été blâmés, rendus responsables

24 de la tuerie du bus, ce qui, bien entendu, sans le fait que le témoin ait

25 pu faire ses commentaires, ceci devrait sortir clairement à la lecture.

Page 7999

1 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. C'est un peu comme

2 le fait d'utiliser l'Article 89(F) du règlement, ou l'Article 92 bis du

3 règlement. Nous cherchons effectivement à souligner certains aspects de nos

4 éléments de preuve. C'est exact, tout à fait. C'est une des raisons pour

5 lesquelles nous souhaitons avoir les observations ou les commentaires du

6 témoin. C'est simplement l'une des raisons. Nous voulons porter à

7 l'attention des membres de la Chambre, que nous pensons que ceux-ci sont

8 les parties les plus probantes des dépositions plutôt que l'autre partie.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Je ne sais pas si nous

10 pourrons toujours utiliser le temps du témoin pour ce genre de chose. Si un

11 témoin a déposé à partir de ce qu'il a entendu des Serbes, que les Serbes

12 devaient être tenus pour responsables de cette tuerie, et s'il semble qu'il

13 y en a eu autrement, pourquoi est-ce que les parties ne disent pas tout

14 simplement, c'est important pour nous. Pourquoi demander, disons le témoin

15 -- je veux dire peut-être que quelque commentaire fait précédemment, mais

16 vous ne faites rien d'autre que de poser ces questions à un témoin, ce qui

17 pourrait être évidemment approprié s'il y avait un jury devant vous. Mais

18 appeler l'attention en posant toute une série de questions à un témoin,

19 n'est peut-être pas une façon très efficace. Bien sûr, je peux dire qu'il

20 est trop tôt pour souligner certains aspects, mais néanmoins, c'est ce que

21 vous êtes en train de faire.

22 Peut-être que nous pourrons examiner par la suite comment procéder avec ces

23 aspects dans un proche avenir.

24 Maître Loukas, vous voulez faire un appel téléphonique.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. J'ai

Page 8000

1 écouté avec soin ce que vous avez indiqué à

2 M. Gaynor.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En même temps, bien sûr, je pense que la

4 Défense a entendu ce qui lui était dit sur des poids analogues, parce que

5 j'appelais des questions virtuelles très souvent. C'est vraiment ce que

6 vous vouliez dire et, bien entendu, vous soulignez vos coûts, quelles

7 peuvent être les incompatibilités, ou les incohérences que vous découvrez.

8 Bien sûr, si vous dites telle chose me semble tout à fait incohérent, je

9 voudrais que la Chambre en soit consciente, bien sûr, même s'il fallait

10 appeler l'attention, les parties sont naturellement libres de le faire.

11 Mais je me demande si ce serait la façon classique, le moyen classique dans

12 le common-law de faire tout passer par un témoin, et si c'est dans toute

13 circonstance la façon la plus appropriée, la plus efficace, de traiter de

14 la question.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président, en fait, ce sont

16 les avantages de ce système hybride de justice pénale, cette combinaison

17 avec des juges de tradition romano civilistes, des juges de profession, et

18 sans jury, et avec des avocats.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'il reste du temps après cette question

20 de la conversation téléphonique, réfléchissez-y vous aussi Monsieur Gaynor,

21 vous aussi Maître Loukas, et nous allons suspendre la séance jusqu'à 12

22 heures 50. Nous aurons une suspension de 20 minutes et je présente mes

23 excuses pour ces questions de procédure qui ont été discutées. Ce sont des

24 questions qui ne doivent pas avoir beaucoup d'intérêt pour vous, Monsieur

25 Mujkic.

Page 8001

1 Nous levons la séance.

2 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

3 --- L'audience est reprise à 12 heures 56.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, est-ce que vous avez des

5 nouvelles à nous communiquer ?

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, malheureusement, Monsieur le Président.

7 Je n'étais pas en mesure d'établir les contacts avec

8 M. Stewart pendant la pause. Ce que je propose de faire, c'est de vous

9 fournir la pièce de la Défense dont j'ai parlé tout à l'heure, pendant que

10 l'on fait venir le témoin.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Mais cela ne résout

12 pas notre problème.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, après la levée de la

14 séance d'aujourd'hui, je vais réessayer de contacter

15 M. Stewart.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Procureur a besoin de quoi exactement

17 pour pouvoir s'organiser ?

18 M. HANNIS : [interprétation] On m'a dit que le témoin est tout à fait prêt

19 à venir. Il attend notre coup de fil de confirmation. Il est en possession

20 de son passeport. L'Unité des Témoins nous a dit qu'ils avaient besoin

21 d'avoir une confirmation le plus rapidement possible pour essayer de le

22 faire venir mardi pour qu'il puisse comparaître mercredi ou jeudi.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pour qu'il n'y ait pas de

24 malentendu, évidemment nous préférions avoir votre confirmation, mais si

25 vous pensez que cela va vous poser des problèmes, nous allons refuser la

Page 8002

1 requête du Procureur quant à la citation de ce témoin. Donc, je voulais

2 être sûr qu'il n'y ait pas de malentendu. Je voudrais tout de même, avant

3 ceci, avoir la position de M. Stewart. Mais ce n'est pas un facteur décisif

4 de toute façon.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Pourriez-vous faire venir le

7 témoin, s'il vous plaît ?

8 Monsieur Gaynor, est-ce que vous pensez que vous allez pouvoir terminer

9 l'interrogatoire de ce témoin ?

10 M. GAYNOR : [interprétation] Justement. J'ai ceci en tête, et ce que vous

11 avez dit tout à l'heure, et je voudrais tout simplement vous dire que je

12 n'ai pas l'intention de vous faire écouter cette conversation interceptée

13 dont j'ai parlé juste avant la pause. Je peux confronter un autre témoin

14 avec cela.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

16 M. GAYNOR : [interprétation] Puis un autre point de procédure : Tout à

17 l'heure, j'ai fait référence à une conversation interceptée entre Momcilo

18 et Mirko Krajisnik en date du 15 juin. Il s'agit d'une cote incorrecte. La

19 cote est 292.

20 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

21 M. GAYNOR : [interprétation] Monsieur le Président, je vais continuer avec

22 ce témoin, s'il vous plaît.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Veuillez procéder.

24 M. GAYNOR : [interprétation]

25 Q. Monsieur le Témoin, vous avez dit que vous avez été arrêté le 6 août

Page 8003

1 1992.

2 R. Oui.

3 Q. Qui vous a arrêté ?

4 R. J'étais avec ce jeune homme dans la forêt. Il a été blessé, et il ne

5 pouvait pas marcher correctement. Nous avons commencé à marcher en

6 direction de Visoko. Nous étions dans la forêt --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter. On vous a tout

8 simplement demandé qui vous a arrêté. On vous ne demande pas toutes les

9 circonstances de cette arrestation.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est la deuxième fois que j'ai fait cette

11 erreur. Excusez-moi. Je ne le répéterais plus. Si vous voulez, je peux vous

12 donner le nom de la personne qui m'a blessé. Ce sont des forces serbes qui

13 m'ont arrêté.

14 M. GAYNOR : [interprétation]

15 Q. Est-ce que vous avez opposé une quelconque résistance à cette

16 arrestation ?

17 R. C'est vrai que j'ai tiré 30 balles, toute une charge de Kalachnikov, en

18 direction de l'endroit d'où venaient les tirs, parce que j'étais touché de

19 par la première balle, par le premier coup de feu.

20 Q. Après votre arrestation, où vous a-t-on amené ?

21 R. Ils ont apporté les brancards, et ils m'ont monté sur une voiture, un

22 quatre-quatre, et ils m'ont amené en direction de la caserne de Rajlovac.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, pourriez-vous s'il vous

24 plaît établir la direction d'où venaient les tirs ?

25 M. GAYNOR : [interprétation]

Page 8004

1 Q. Vous venez de dire que vous avez été touché. Est-ce que vous pourriez

2 nous dire quelle est la provenance de ces balles ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non, non. Ce n'est pas la question

4 que j'ai posée. Vous avez dit que vous avez tiré une trentaine de balles.

5 Vous les avez tirées dans quelle direction ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] On m'a tiré une embuscade, donc, je ripostais.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

8 M. GAYNOR : [interprétation] J'ai compris.

9 Q. Vous avez dit que vous avez été détenu dans la caserne de Rajlovac.

10 Pouvez-vous nous dire où exactement ?

11 R. Je sais qu'on m'a fait entrer là-dedans. Il y avait la police militaire

12 partout, puisqu'ils portaient des ceinturons et des baudriers blancs.

13 D'ailleurs, c'était l'uniforme de l'ex-police militaire de la JNA. L'armée

14 serbe a recrue les mêmes uniformes, l'uniforme de l'ex-armée yougoslave.

15 Q. Dans le bâtiment de la police militaire de la caserne de Rajlovac,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui, oui.

18 Q. Pendant que vous étiez dans ce bâtiment, est-ce que vous avez subi des

19 mauvais traitements ?

20 R. Oui, en effet.

21 Q. Pourriez-vous raconter aux Juges de la Chambre tout incident concret

22 qui a eu pour résultat des blessures corporelles ?

23 R. Le premier homme qui est entré dans ma cellule était Mile

24 Stojanovic. Il n'a fait que rien d'autre que recueillir des informations me

25 concernant. Nous nous connaissions, pourtant, il fallait qu'il le fasse

Page 8005

1 pour que la procédure soit officialisée.

2 Ensuite, vers minuit, un homme inconnu est entré, vêtu d'un uniforme

3 militaire vert olive. Ce n'était pas un policier. Il avait un morceau de

4 papier et un crayon, et il m'a demandé que je lui dessine ma maison, les

5 arbres fruitiers de ma maison, et l'endroit exact où j'ai enterré l'or et

6 l'argent que j'avais. Je ne voulais pas le faire. J'ai été couché. Il a

7 attaché mes mains sur le brancard. Il s'est assis sur mon estomac. Il a

8 sorti une grenade à main, et il me l'a mise dans ma bouche. Il l'a tapée,

9 et j'ai entendu quelque chose craquer. Je ne pouvais plus ouvrir ma bouche,

10 et je ne pouvais plus parler. Je ne pouvais plus bouger. J'ai bien compris

11 que c'était une bombe factice. Sinon, je l'aurais crachée, recrachée, que

12 le diable nous emporte tous les deux. Mais je ne pourrais pas le faire.

13 J'ai bien compris que ce n'était pas une vraie bombe.

14 Q. Quelques heures plus tard, tôt le matin du 7 août 1992, un certain

15 nombre d'hommes sont venus vous voir ?

16 R. Oui. C'était ma troisième visite, la troisième visite que j'ai reçue

17 dans cette cellule, dans la matinée du 7 août. Le commandant Apostolski est

18 venu. C'était le commandant de la police militaire de la Brigade de

19 Rajlovac et trois hommes l'ont suivi. Il m'a présenté le premier d'entre

20 eux, en disant : c'est notre duc vovojda. Ensuite, j'ai pu reconnaître

21 Mirko Krajisnik. Le troisième homme, de toute façon, je ne le connaissais

22 pas et il ne m'a pas été présenté, non plus.

23 Ils m'ont demandé de leur dire où se trouve Hasan et Husein Mujkic, ce sont

24 deux frères, et Hasan Mujkic était, soi-disant, le chef de la cellule de

25 Crise parce que c'était un policier avant la guerre. Ils étaient à la

Page 8006

1 recherche aussi de mon fils, Elvir Mujkic, et ils recherchaient aussi Junuz

2 Mujkic. Donc ils ne savaient pas où se trouvaient ces quatre personnes et

3 ils m'ont demandé de leur indiquer l'endroit où ils se cachaient. Vraiment,

4 je ne le savais pas, je ne pouvais pas le dire, mais ma mâchoire était

5 cassée, et pour parler j'étais obligé de maintenir ma mâchoire. Il y en a

6 un qui a dit : mais il sait lire et écrire, donnez-lui un morceau de

7 papier, une feuille de papier, un crayon qu'il l'écrive. Ensuite, ils me

8 forcent. Ensuite, ils sont partis et le commandant Apostolski est revenu

9 avec ce morceau de papier et un crayon, et il m'a demandé d'écrire cela

10 puisque je ne pouvais pas écrire, ma mâchoire était cassée.

11 Q. Connaissez-vous un certain Nikola Poplasen ?

12 R. Je ne le connaissais pas, à l'époque, mais ce monsieur était le

13 président de la Republika Srpska, et c'est le président Petric qui l'a

14 remplacé.

15 Q. N'avez-vous vu Nikola Poplasen à aucun moment, au cours du mois d'août

16 1992 ?

17 R. Mais je n'ai vu personne d'autre à part ces personnes qui sont venus me

18 voir dans ma cellule.

19 Q. Vous avez parlé de Mirko Krajisnik. Connaissez-vous Momcilo Krajisnik ?

20 R. Je connais son frère, son père, et je le connais lui-même. Nous nous

21 rencontrions lors des enterrements, et la dernière fois nous avons

22 participé aux funérailles de Vlado Gogic, c'est un cousin à lui, et nous

23 étions assis à la même table que lui. J'ai passé tous les jours près de sa

24 maison. Nous nous disions bonjour, tous les jours. D'ailleurs, nous nous

25 fréquentions lors des cérémonies de funérailles et de mariages, en tant que

Page 8007

1 bons voisins. Nous étions assis à la même table.

2 Q. Pourriez-vous nous dire depuis combien d'années, à peu près, vous

3 connaissez les Krajisnik, la famille Krajisnik ?

4 R. Voyez-vous, Rajlovac pour moi c'est une rue -- une voie sans issue, et

5 cela donne sur la ville, donc je ne connaissais pas, personnellement, les

6 familles. Nous ne nous fréquentions pas d'habitude, mais, à chaque fois

7 qu'il y avait une occasion exceptionnelle, une cérémonie, nous nous

8 rencontrions et nous nous trouvions aux mêmes endroits.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vous a demandé : depuis combien de

10 temps vous le connaissiez ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai grandi là-bas, Monsieur le Président.

12 J'ai grandi là-bas et j'y habite depuis que j'ai 15 ans jusqu'au jour

13 d'aujourd'hui. La distance qui sépare ma maison de la maison de Krajisnik

14 est sept kilomètres.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Ceci répond à la question

16 posée.

17 Vous pouvez continuer, Maître Gaynor.

18 M. GAYNOR : [interprétation] Très bien.

19 Q. Vous avez parlé de la maison de Krajisnik. Pourriez-vous nous confirmer

20 qu'il s'agit bien de la maison marquée sur la carte par le chiffre 10. Là,

21 je parle de la carte qui se trouve à votre gauche; pourriez-vous tout

22 simplement confirmer que l'autocollant numéro 10 est là pour montrer la

23 maison des Krajisnik ?

24 R. Oui. Je l'ai signé d'ailleurs, et je vous l'ai garanti.

25 Q. Merci. A présent, je voudrais parler du moment où vous vous êtes

Page 8008

1 libéré de la caserne Rajlovac, donc vous quittez la caserne de Rajlovac et

2 vous partez où, à ce moment-là ?

3 R. Le 9 août 1992, j'ai été transporté de la caserne Rajlovac jusqu'à

4 Zica. Cela a été en réalité un hôtel, motel, dépendant de cette fabrique

5 Zica et qui est devenu un hôpital militaire à l'époque, un hôpital de

6 guerre. Il y avait encore cinq municipalités qui étaient complètement

7 coupées de Lukavica : Ilijas, Vogosca, Rajlovac, qui n'étaient pas une

8 municipalité avant la guerre, Ilidza et Hadzici. Cet hôpital était placé

9 sur le territoire de la municipalité d'Ilidza.

10 Q. Je vais revenir brièvement sur votre détention dans la caserne de

11 Rajlovac. Vous avez dit que vous avez subi cet incident impliquant une

12 grenade à mains; est-ce que vous pouvez nous dire s'il y avait d'autres

13 détenus à Rajlovac qui étaient maltraités, de quelque façon que ce soit ?

14 R. Le 8 au soir, ils ont emmené Husein Gacanovic, c'est un jeune homme qui

15 était avec moi, puisque j'étais obligé de dire où se trouve la tente où

16 nous étions, donc ils l'ont passé à tabac ce soir-là. Ils le faisaient par

17 équipe. Ils se relayaient. C'est très dur de voir à raconter tout ce qu'ils

18 lui ont fait. Heureusement, il a survécu.

19 Mais pour les autres, je ne suis pas au courant parce qu'il n'y avait

20 personne d'autre avec moi dans la cellule, on était que deux.

21 Q. Donc, vous nous avez dit qu'après Rajlovac, on vous a emmené dans un

22 hôpital. Vous y êtes resté pendant un certain moment et ensuite vous

23 quittez l'hôpital. Quel jour quittez-vous cet hôpital ?

24 R. J'ai quitté l'hôpital le 22 août. C'était un samedi.

25 Q. Où êtes-vous allé après cela ?

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1 R. Miletici Stojanovic est venu, c'est un chauffeur, et il est venu

2 accompagner des deux policiers avec un document signé par Apostolski. Je

3 pense que, de toute façon, vous avez ce document dans votre dossier avec

4 l'accord de sa part pour me transférer de l'hôpital Zica dans la prison de

5 Planjina kuca à Semzovac, et ils l'ont fait.

6 Q. Entre l'hôpital et Planina Kuca, est-ce que vous vous êtes arrêté où

7 que ce soit ?

8 R. Oui. Ils se sont arrêtés dans le restaurant Sonja. Je suis resté dans

9 la voiture, enfin j'étais allongé, et je n'étais pas sur les brancards. Le

10 chauffeur était devant et il était en train de fumer une cigarette, et Mile

11 Stojanovic et les deux policiers sont entrés dans le restaurant. Quand ils

12 sont revenus, ils se sont assis dans la voiture et ils m'ont emmené à

13 Planina Kuca.

14 Q. Ce restaurant Sonja, est-il marqué par le chiffre 2 sur la carte qui se

15 trouve sur votre gauche ?

16 R. Oui.

17 Q. Je voudrais que l'on montre au témoin la prochaine pièce à conviction.

18 Je voudrais demander au Greffier d'attribuer une cote à ce document.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

20 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce numéro sera P378.

21 M. GAYNOR : [interprétation]

22 Q. Pendant que l'on distribue cette pièce à conviction, j'aimerais

23 indiquer ce document est intitulé : "République serbe de la Bosnie-

24 Herzégovine, municipalité serbe de Vogosca." Ensuite, la date est la date

25 du 8 juillet 1992, et la première ligne indique : "Conformément à la

Page 8010

1 décision prise par l'état-major de guerre, le 7 juillet 1992, le

2 secrétariat municipalité responsable de l'urbanisme, des biens foncés, des

3 affaires juridiques et du cadastre, ainsi que de la propriété foncière a

4 adopté la décision suivante. Premièrement, la maison d'Almas Planja et

5 Miralem Planja, à Semizovac sera utilisée par le ministère de la Justice

6 aux fins d'être utilisée comme prison de Vogosca, municipalité serbe."

7 J'aimerais vous poser une question, Monsieur Mujkic : est-ce que c'est

8 l'endroit où vous avez été détenu ?

9 R. Oui.

10 Q. J'aimerais que l'on montre au témoin la pièce à conviction suivante. Je

11 pense qu'il s'agit de la cote P379.

12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, je suis en train

13 de confirmer qu'il s'agit bien de la pièce P379.

14 M. GAYNOR : [interprétation]

15 Q. Est-ce que vous reconnaissez ce bâtiment, Monsieur Mujkic ?

16 R. Oui. D'ailleurs j'aurais préféré de ne jamais l'avoir vu dans la vie.

17 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qu'est ce bâtiment ?

18 R. Il s'agit du bâtiment, il s'agit de la maison de Planja, je ne le

19 connais pas d'ailleurs. Il était originaire de Foca. Il avait passé un

20 certain temps en Allemagne, et il avait construit cette maison. C'est une

21 maison demeure familiale, une maison conçue, mais nous nous trouvions au

22 premier étage.

23 Q. Oui, Monsieur Mujkic, de quelle date à quelle date avez-vous été détenu

24 dans cette maison ?

25 R. J'ai été détenu dans cette maison à partir du 22 août jusqu'au 27

Page 8011

1 octobre.

2 Q. Combien d'autres personnes, donnez-nous un chiffre approximatif, si

3 vous êtes en mesure de le faire, mais combien de personnes ont été détenues

4 dans cette maison ?

5 R. Lorsqu'ils m'y ont amené dans cette maison, il y avait environ 120, 130

6 personnes qui étaient déjà. C'est un chiffre qui varie, de toute façon,

7 parce que les gens arrivaient de part et d'autre. Ils arrivaient en groupe

8 de cinq à six; ensuite, lorsqu'ils ont creusé les tranchées à Zuc, les gens

9 étaient tués, donc le chiffre a fluctué entre 120 et 150. Il y avait des

10 échanges privés, puis il y avait des gens qui partaient. Ils faisaient

11 d'ailleurs -- ils leur faisaient ce qu'ils leur faisaient. En tout cas, ils

12 ne nous présentaient pas de rapport à ce sujet, mais il y avait environ 120

13 personnes, je dirais.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Gaynor, avant que vous ne

15 poursuiviez est-ce qu'il s'agit l'un des centres de Détention de l'Annexe

16 C ?

17 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. En fait, du fait

18 des différentes références utilisées par différents témoins pour désigner

19 ce centre de Détention, ce bâtiment est énuméré deux fois.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Deux fois.

21 M. GAYNOR : [interprétation] Si vous prenez la municipalité de Vogosca, 33,

22 33-1, et 33-3, et les deux, en fait, font référence à ce centre de

23 Détention.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je les ai trouvés. J'étais -- en

25 fait, je regardais la mauvaise municipalité, donc nous pouvons passer de

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1 l'autre côté maintenant.

2 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Gaynor.

4 M. GAYNOR : [interprétation] Ce centre de témoin dans la version anglaise

5 est appelée Planjina kuca, la maison de Planja. Il y a différentes

6 orthographes d'ailleurs pour cet endroit, je l'indique à titre

7 d'information pour Messieurs les Juges.

8 J'aimerais maintenant que l'on fournisse au témoin la pièce à conviction

9 suivante, qui porte le titre : "République serbe de la Bosnie-Herzégovine,

10 municipalité serbe de Vogosca, Unité de détention." La date est la date du

11 3 ou du 9 1992 et il est indiqué : "Conformément aux registres du bureau de

12 la prison, les personnes suivantes ont été détenues dans la prison le 3 ou

13 le 9 1992," et, à la fin, cela est signé par le gardien de prison, Branko

14 Vlakco.

15 Q. Monsieur Mujkic --

16 Mme LOUKAS : [interprétation] A ce sujet, Monsieur le Président, je dirais

17 que ma version du document n'est pas signée. Est-ce que vous avez tous une

18 -- je ne sais pas si M. Gaynor a une version qui est signée ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous avons tous la même

20 version. Ah oui, je vois qu'il est indiqué : "Gardien de prison, Branko

21 Vlakco."

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Je me suis pas trompée. Vous avez raison,

23 Monsieur le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela a été corrigé de toute façon.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien sûr. Donc je voulais juste indiquer ce

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1 que j'indique d'habitude, lorsqu'un document n'est pas signé et nous

2 pourrons revenir là-dessus, ultérieurement.

3 M. LE GREFFIER : [interprétation] La cote attribuée sera P380, et

4 P381.1 pour la version anglaise.

5 M. GAYNOR : [interprétation]

6 Q. Monsieur Mujkic, quelle est cette liste ?

7 R. Il s'agit d'une liste de personnes qui ont été détenues à Planjina kuca,

8 dans la maison de Planja, donc voyez mon nom vers la fin, parce que je suis

9 arrivé avec le dernier groupe, et il y a une ou deux personnes qui viennent

10 de Planjina kuca. Il y avait 12 personnes d'Onahona [phon], qui est une

11 localité qui se trouve de Sarajevo, qui surplombe la ville au nord de

12 Sarajevo. Ce n'est pas un territoire qui appartient à Vogosca ou à cette

13 partie d'ailleurs de Rajlovac non plus. La plupart des personnes étaient

14 originaires de Gornja et de Donja Bioca. Parmi ces personnes, il y avait

15 des personnes, par exemple, il y avait un homme originaire de Doboj, en

16 fait, il se rendait à bicyclette à Sarajevo pour acheter de l'huile c'est

17 ainsi qu'il a été récupéré et amené là. Mais sinon la plupart des personnes

18 venaient de la municipalité d'Ilijas et des villages de Gornja et Donja

19 Bioca.

20 Q. Je remarque qu'au numéro 131, vous avez le nom à ce qui correspond au

21 numéro 13, vous avez le nom Ramiz Mujkic; est-ce qu'il s'agit de votre

22 nom ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous avez eu la possibilité de consulter les noms qui se

25 trouvent sur cette liste, entre dimanche et lundi ?

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1 R. Oui.

2 Q. À titre de confirmation, est-ce que vous pourriez nous rappeler

3 l'appartenance ethnique de ces personnes ?

4 R. Les gens dont les noms sont énumérés ici, sont tous Musulmans à

5 l'exception de trois personnes. Alors, l'une de ces trois personnes était

6 Croate. Il y a un autre nom, Zoran Blagojevic, mais c'était un gardien de

7 prison, en fait, et pendant ces heures de loisir il a blessé quelqu'un, il

8 y a eu un règlement de compte, l'autre personne a été blessé. Il a été

9 amené pour une nuit, mais il a passé la nuit à l'étage supérieur et,

10 ensuite, il a été amené à Kula. Il semblerait qu'il ait tué cet autre homme.

11 Je ne peux pas le confirmer, mais son nom est mentionné là. C'était un

12 gardien de prison, c'était un jeune homme qui était assez expansif,

13 d'ailleurs.

14 Q. Merci, Monsieur Mujkic. Je voudrais, en fait, vous parler des corvées

15 qui étaient imposées aux prisonniers à Planjina kuca. Est-il exact de dire

16 que certains prisonniers devaient sortir de la maison pour s'acquitter de

17 certaines tâches ?

18 R. Toute personne en état de travailler, devait le faire, y aller. Je suis

19 la seule personne qui, au cours de ces deux mois cinq jours, n'a pas sorti

20 parce que j'étais alité, j'avais été blessé, je n'étais pas en mesure de me

21 déplacer. Il y avait également des personnes âgées qui n'étaient pas en

22 état de travailler, qui ne se rendaient pas non plus à ces corvées; sinon,

23 tous les autres allaient creuser des tranchées, ou allaient abattre des

24 arbres dans la forêt. Les tranchées étaient creusées à [inaudible] ou on

25 leur demandait de transporter les troncs de bois, ou à l'étage supérieur.

Page 8015

1 De toute façon, le bâtiment était en général vide pendant la journée et,

2 pour la nuit, tout le monde revenait à Planjina kuca.

3 Q. Vous avez dit tout le monde revenait. Est-ce qu'il y a eu des occasions

4 ou des gens sont partis le matin, ou sont partis pour travailler ne sont

5 pas revenus en fait à la fin de la journée ?

6 R. Oui, cela s'est produit, malheureusement. Il y a beaucoup de gens qui

7 ont été tués à Zuc parce qu'on leur demandait de creuser des tranchées

8 juste sur la ligne de front de l'armée bosnienne. Ces gens ont été tués

9 pendant qu'ils creusaient ces tranchées. Il y en a beaucoup qui ont été

10 tués.

11 Q. Je pense que lorsque vous avez étudié la liste ce week-end, vous avez

12 identifié un certain nombre de noms de personnes qui ne sont pas revenues

13 après avoir été emmenées pour cette corvée de tranchées. Je ne vais pas

14 vous demander de nous redonner tous ces noms, mais est-ce que vous pourriez

15 nous donner une idée du nombre de personnes qui sont parties pour creuser

16 les tranchées et qui ne sont jamais revenues à Planjina kuca ?

17 R. Cela ne s'est pas passé à une seule occasion. Il y a eu une journée où

18 une personne qui était tuée, puis une autre journée, deux personnes étaient

19 tuées, il y a eu une journée ou cinq personnes ont été tuées d'ailleurs. Il

20 y avait un Vojvoda Bozur qui a été tué. Il était originaire de Vogosca et

21 puis à Zuc, cinq personnes ont été tuées. Je ne sais pas s'ils ont été

22 utilisés comme bouclier humain ou comment est-ce qu'ils ont été tués,

23 puisque je n'y étais pas.

24 Q. Quelles étaient les personnes qui étaient employées comme gardiens de

25 prison à Planjina kuca. Est-ce que vous pourriez nous les décrire. Ne nous

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1 donnez pas leurs noms, mais est-ce que vous pourriez nous dire, de façon

2 générale, de qui il s'agissait.

3 R. Ils étaient d'appartenance ethnique serbe. Il y avait un Monténégrin

4 parmi eux. De toute façon, dans un groupe de personnes il y a des

5 différences. Par exemple, il y avait des personnes fort bonnes, il y avait

6 un homme, par exemple, qui venait toujours m'offrir une cigarette, Zoran

7 Blagojevic, par exemple et puis ce Monténégrin, il me demandait toujours

8 s'ils s'occupaient de mes blessures. Ils passaient par une période de crise

9 également. Ils avaient de l'argent, mais ils n'avaient pas de cigarettes à

10 acheter, par exemple. Leur conduite a été relativement bonne pendant que

11 j'y étais, je ne peux pas inventer des mensonges à ce sujet.

12 Q. Merci. Très bien. Si nous passons maintenant aux détenus qui ont subi

13 des sévices. Est-ce que vous vous souvenez d'incidents précis ? Est-ce que

14 vous pourriez les décrire à l'intention des Juges de la Chambre de première

15 instance ? Est-ce que vous pourriez nous relater des incidents qui se sont

16 produits chez Plano et si vous avez besoin de temps pour ce faire, on vous

17 octroiera ce temps ?

18 R. Non. Je n'ai pas besoin de temps supplémentaire. Je vous ai dit que ces

19 gens se comportaient relativement bien. Je parle des gardes. Le problème,

20 c'était le vendredi soir et le samedi soir, parce qu'il y avait des

21 Chetniks qui venaient de Serbie et qui venaient passer le weekend. Ils

22 arrivaient ivres, vers minuit. C'était des Chetniks du dimanche en quelque

23 sorte. Ils se défoulaient sur nous et ils nous passaient à tabac. Je sais

24 que je n'ai pas beaucoup de temps maintenant mais je peux vous donner, à

25 titre d'illustration, un exemple de leur traitement inhumain et de ce

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1 qu'ils nous faisaient faire. Cela se passait le vendredi soir et le samedi

2 soir, pas le dimanche soir, parce que, le dimanche soir, ils rentraient

3 chez eux. Mais le vendredi soir et le samedi soir, nous étions absolument

4 terrorisés comme des moutons que l'on mène à l'abattoir.

5 Q. Vous nous avez dit que vous pourriez nous donner un exemple de

6 traitement inhumain. Je pense que les Juges de la Chambre de première

7 instance vous seraient reconnaissants de nous fournir un exemple d'un ou

8 deux incidents de conduite inhumaine. Je vous demanderais de vous adresser

9 aux Juges, je vous prie.

10 R. Je peux vous en parler. C'est toute la vérité. L'homme qui a fait cela

11 est toujours en vie. La règle générale, c'était que si quelqu'un d'inconnu

12 arrivait de l'extérieur ou lorsque le gardien de prison arrivait, il

13 fallait tous se lever, même si nous étions endormis et il fallait former un

14 cercle autour de lui. C'était une pièce où il y avait quelque 120

15 personnes. Il y a un groupe avec des Chetniks du dimanche qui sont arrivés.

16 Ils regardaient autour, ils ont utilisé leur crosse de fusil pour frapper

17 les gens. Puis, il y en a un qui a dit à quelqu'un qui s'appelait Mirsad

18 Sehic : "Est-ce que tu as faim ?" Il l'a regardé, il lui a dit : "Oui, est-

19 ce que tu as faim ?" L'autre lui a répondu et lui a dit : "Oui, j'ai faim."

20 Il a pris une boîte de conserve que nous utilisions comme cendrier pour

21 éteindre nos cigarettes. Il a jeté les mégots et les cendres et il a dit :

22 "Et bien, vas-y, mange". Puis ils lui ont dit de manger ces mégots de

23 cigarette. Il lui a dit : "Va te faire foutre avec ta putain de mère, ta

24 mère balija, mange cela."

25 L'homme a pris deux des mégots et il a commencé à les manger. Vous

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1 pouvez juger par vous-même s'il s'agit d'une conduite raisonnable. Lorsque

2 le jeune homme a essayé d'avaler cela, il n'a pas pu l'avaler. L'autre

3 Chetnik lui a dit, mais il faut qu'il boive quelque chose, il ne peut pas

4 manger ces cigarettes qui sont sèches." Il a dit à l'autre : "Baisse ton

5 pantalon." Ce qu'il a fait. Je ne veux pas dire ce qui est arrivé. Il lui a

6 dit : "Ecoute, fais-lui une pipe, comme cela tu auras la gorge mouillée."

7 Pour rendre les choses encore pire d'ailleurs, son père était présent et

8 tout ce qu'il a pu faire, en fait, c'était de s'écrouler par terre.

9 Je me suis dit, ce ne sont pas des êtres humains, ce sont des

10 personnes inhumaines qui ont été envoyées pour tuer. Parce que je pense que

11 tous les états et tous les pays du monde veulent se débarrasser de ce genre

12 de personne. C'est ce que je pensais. Je me suis dit, ils veulent s'en

13 débarrasser. Cela s'est passé plusieurs fois. Ils imaginaient toujours

14 quelque chose qui n'avait pas été imaginé. Les gens qui concoctaient ce

15 genre de torture étaient considérés comme des héros.

16 Il y a eu un autre exemple : un soir, ils sont arrivés également et

17 ils commencé à regarder. Nous étions toujours dans notre cercle. Moi,

18 j'étais assis sur une table, je n'étais même pas en mesure de me lever. Il

19 a dit à l'un des hommes : "Toi, est-ce que tu sais nager ?" Il lui a dit :

20 "Oui." Il lui a dit : "On va vérifier cela maintenant." Il a dit au garde :

21 "Ouvre le balcon." Vous avez vu la photo de la maison, il y a un garage en

22 bas, ensuite, vous avez le premier étage qui a un mètre et demi au-dessus

23 du garage et le garde a ouvert la fenêtre. L'homme a dû enlever ses

24 vêtements, enlever son pantalon. Il était nu comme un vers. Ensuite, il lui

25 a dit de passer au-dessus de la balustrade et il lui a dit : "Plonge

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1 maintenant pour voir si tu sais nager." Le jeune homme a sauté, mais il n'a

2 pas sauté tête première, il a sauté avec les jambes en premier. Il y avait

3 des débris en bas et il lui a dit : "Mais balija, ce n'est pas ainsi que

4 l'on plonge dans l'eau." Il lui a dit de recommencer et il a pris son fusil

5 et il lui a dit : "Plonge, plonge tête première, on verra si tu sais

6 nager." Le jeune homme était couvert de sang et tout ce que l'on pouvait

7 faire, c'était regarder, on ne pouvait rien dire. Voilà ce qui s'est passé.

8 M. GAYNOR : [interprétation] Je voudrais demander maintenant que l'on

9 présente la pièce à conviction suivante au témoin. Il s'agit d'une

10 conversation interceptée enregistrée. Je souhaiterais qu'on la fasse

11 entendre entièrement.

12 Q. Maintenant, Monsieur Mujkic, vous avez entendu cette conversation

13 téléphonique dimanche dernier. Comme vous vous en souvenez, cela vous a

14 causé pas mal de souffrance. Si vous avez besoin de temps, vous n'avez qu'à

15 le dire.

16 R. Non. Dimanche, je n'avais vraiment aucune idée de ce qui serait dit.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, de quel numéro de

18 pièce à conviction s'agit-il ?

19 M. LE GREFFIER : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

20 Juges, cette conversation enregistrée reçoit le numéro P381 comme pièce à

21 conviction et le compte rendu aura comme numéro de pièce P381.A, au fur et

22 à mesure que la traduction avance, ce sera le numéro de pièce à conviction

23 P381.A.1

24 [Diffusion de cassette audio]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'entends aucune interprétation en

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1 anglais pour le moment. Monsieur Gaynor --

2 L'INTERPRÈTE : Pouvez-vous entendre la cabine anglaise maintenant ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Arrêtez l'enregistrement un

4 instant. Je n'ai entendu aucune traduction en anglais, ce qui veut dire que

5 ni le compte rendu en anglais, ni le compte rendu en français, ne va

6 contenir le texte de cette conversation interceptée. Par conséquent, il

7 faut recommencer. Pourrions-nous recevoir, s'il vous plaît,

8 l'interprétation en anglais de façon à ce qu'il puisse également y avoir

9 une interprétation vers le français. Je n'ai pas le moyen de contrôler

10 cela, mais il faudrait recommencer par le commencement.

11 M. GAYNOR : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

12 [Diffusion de cassette audio]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous n'avons pas entendu la

15 traduction en français. Pour être complet, pour le compte rendu en anglais

16 et en français, nous avons besoin de toutes les langues. J'ai entendu le

17 B/C/S, plutôt que le français. Je présente mes excuses, Monsieur Mujkic,

18 mais nous avons des problèmes techniques.

19 Est-ce qu'on pourrait recommencer dès le début.

20 M. GAYNOR : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

21 [Diffusion de cassette audio]

22 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

23 "Bakir Alispahic : Allô, allô.

24 Ljubisa : Oui, allez-y.

25 Bakir Alispahic : Est-ce que c'est Mrki ?

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1 Ljubisa : Oui, Ljubisa.

2 Bakir Alispahic : Qu'est-ce qui se passe là ?

3 Ljubisa : Qui est à l'appareil ?

4 Bakir Alispahic : Bakir.

5 Ljubisa : Oh, Bakir.

6 Bakir Alispahic : Où est Mirko.

7 Ljubisa : Il était là, il y a un instant. Il est sorti. Il va rentrer

8 dans une minute. Je pense qu'il est quelque part devant la porte. Attendez

9 un instant.

10 Bakir Alispahic : Oui.

11 Mirko Krajisnik : Allô. Oh Bakir.

12 Bakir Alispahic : Comment vas-tu ?

13 Mirko Krajisnik : Comment vas-tu ? Tu vas bien ?

14 Bakir Alispahic : Non, je ne vais pas du tout.

15 Mirko Krajisnik : Que s'est-il passé ?

16 Bakir Alispahic : Quelque chose s'est passée qui m'a inquiété.

17 Mirko Krajisnik : Que s'est-il passé ? Est-il mort ?

18 Bakir Alispahic : Oui, il l'est. Ils se sont battus. Ils ne devaient

19 pas. Cette femme m'a dit --"

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas d'interprétation. Je n'entends

21 absolument rien.

22 [Diffusion de cassette audio]

23 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

24 "Mirko Krajisnik : Je lui disais de ne pas parler beaucoup à cause de

25 ces personnes. Ils ont toujours été honnêtes et sûrement j'ai peur que

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1 certaines de ces personnes -- excuse-moi.

2 Bakir Alispahic : Laisse-moi juste répondre ceci. Je ne sais pas

3 Mirko. Je suis vraiment désolé pour cet homme comme si c'était mon frère.

4 Mirko Krajisnik : Moi aussi.

5 Bakir Alispahic : C'était un homme bon.

6 Mirko Krajisnik : C'était vraiment un homme bon.

7 Bakir Alispahic : Je t'ai appelé hier pour te dire cela.

8 Mirko Krajisnik : Tu sais, bien tant pis. Je suis allé là-bas pour --

9 comment cela s'appelle ?

10 Bakir Alispahic : Jasenk --

11 Mirko Krajisnik : Jasenkovic. Ce gardien est Haris Jasenkovic. Il est

12 en traitement par la sécurité de l'état. Il faut qu'ils fassent des

13 enquêtes.

14 Bakir Alispahic : Bien, Kijac et les autres mangent de la merde.

15 Mirko Krajisnik : Je ne sais pas qui c'était. Crois-moi, donc les

16 gars de Rogatica.

17 Bakir Alispahic : Vraiment ?

18 Mirko Krajisnik : Ce n'était pas là. J'ai demandé hier. Ce type,

19 Mladic était censé venir hier soir. J'ai dit à Momo que cela devait être

20 résolu, qu'il fallait rencontrer ces personnes aujourd'hui. Une commission

21 et je ne sais pas qui d'autre était censé venir du Parti SDS pour une

22 discussion. Comme ils étaient supposés --donc ils sont allés les

23 rencontrer, je me rappelle que j'ai été appelé plus tard pour vérifier.

24 Bakir Alispahic : A Rogatica, mais pas ici ?

25 Mirko Krajisnik : Non, pas ici. Là-bas ? C'est pour cela que j'y suis

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1 allé. Tu peux me croire, j'y suis allé trois fois mais c'est difficile de

2 parler à ces personnes. Tout le monde veut essayer de faire quelque chose.

3 C'est cela.

4 Bakir Alispahic : Mirko.

5 Mirko Krajisnik : Oui.

6 Bakir Alispahic : Il y a plusieurs jours, ici, ton parrain est allé

7 le voir. Je veux dire, Ramiz Mujkic.

8 Mirko Krajisnik : Ramiz Mujkic ?

9 Bakir Alispahic : Oui.

10 Mirko Krajisnik : Quel parrain ?

11 Bakir Alispahic : C'est le frère d'Esma. Tu la connais, celle qui

12 travaillait dans l'armée.

13 Mirko Krajisnik : Oui. Qu'est-ce que tu veux dire le 'parrain' ?

14 Bakir Alispahic : Le parrain. Je te l'ai demandé l'autre jour quand

15 tu étais absent.

16 Mirko Krajisnik : D'accord, c'était Nikola.

17 Bakir Alispahic : Je crois qu'il est allé lui rendre visite là-bas.

18 Je lui avais demandé de faire cela.

19 Mirko Krajisnik : Rendre visite à qui ?

20 Bakir Alispahic : A ce Ramiz.

21 Mirko Krajisnik : Ah, le gars qui a été --

22 Bakir Alispahic : blessé.

23 Mirko Krajisnik : Bien. Blessé. Bien.

24 Bakir Alispahic : Alors, s'il vous plaît, qu'est-ce que nous pouvons

25 faire pour faire sortir cet homme ? Il va perdre la jambe. Souviens-toi de

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1 son père, il a également perdu une jambe.

2 Mirko Krajisnik : Voyons voir si on peut l'échanger.

3 Bakir Alispahic : Son fils a été tué.

4 Mirko Krajisnik : Vraiment ?

5 Bakir Alispahic : Oui. Je t'assure que c'est le seul.

6 Mirko Krajisnik : Ecoute, s'il te plaît, je t'assure que je suis --

7 bon, c'était une lavette. Je t'assure, je suis honteux. Personnellement,

8 j'ai été impliqué dans cela. Il y a eu Momo, je ne sais pas, à cause de

9 cela, je connais certaines personnes et si vous êtes d'accord, je n'ai pas

10 appris à être d'accord, d'accepter quelque chose que je ne pouvais pas

11 effectuer immédiatement. Il y a quelqu'un qui se cache là, qu'il s'agisse

12 d'une personne de l'autre côté. Il paraît qu'il y a eu des tirs d'armes à

13 feu.

14 Bakir Alispahic : Qu'est-ce qu'on peut faire en ce qui concerne

15 Ramiz.

16 Mirko Krajisnik : Bien, je te le dirai. Je ne veux pas intervenir.

17 Ils m'ont dit que certains échanges avaient été convenus pour Ramiz.

18 Bakir Alispahic : Comment est-ce que cela a été arrangé ?

19 Mirko Krajisnik : Bien, j'ai déjà entendu cela lorsqu'ils étaient partis

20 avant-hier.

21 Bakir Alispahic : [aucune interprétation]

22 Mirko Krajisnik : Je sais qu'il y avait 73 hommes qui devaient être

23 échangés d'Ilidza et quelque chose devrait avoir lieu à Hadzici

24 aujourd'hui. Donc j'ai appelé ce gars afin qu'il puisse me dire qu'il n'y

25 avait aucun lien entre eux. Et il y a eu un grand échange téléphonique qui

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1 a été prévu, mais rien ne s'est passé et il a été convenu que ce jeune

2 homme, bon, ce serait un cadavre pour un cadavre. Même ceci n'a pas été

3 fait, tu peux me croire, je le jure.

4 Bakir Alispahic : Et bien, je ne sais pas.

5 Mirko Krajisnik : S'il s'agit de l'autre voisin, mon voisin.

6 Cuprija. J'ai été d'accord pour l'échange avec lui, et vraiment, il faut

7 que l'on fasse ce qui a été convenu. Tu vois ce que je veux dire, ici. Mais

8 je ne veux pas le faire. Je n'ai pas ce type d'expérience. On me dit

9 d'aller au pont, au pont Butile où on a fait l'échange de ces six

10 personnes. Mais il n'y avait personne. Les gens commençaient à se cacher.

11 Ils ne répondent pas au téléphone, nom d'un chien.

12 Bakir Alispahic : [aucune interprétation]

13 Mirko Krajisnik : Bon, alors tu vérifie pour ce gars là, Mujkic et tu

14 essaie de vérifier ce qui se passe. Pourquoi les choses se sont arrêtées

15 nettes. Il faut voir s'il y a quelqu'un de ton côté qui peut arranger les

16 choses.

17 Bakir Alispahic : Je voudrais dire oui, il y a quelqu'un. Les gens des

18 tribunaux vont m'appeler ce soir et il y a de nombreux détenus qui sont là-

19 bas.

20 Mirko Krajisnik : Qui cela des Serbes ou des Musulmans ?

21 Bakir Alispahic : Les deux.

22 Mirko Krajisnik : Les deux.

23 Bakir Alispahic : [aucune interprétation]

24 Mirko Krajisnik : Oui. Et bien j'étais là-haut hier. Filip m'a

25 demandé de lui faire un plaisir pour vérifier, pour se mettre d'accord avec

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1 nos gars pour faire un échange. Il n'est pas possible d'endurer cela plus

2 longtemps.

3 Bakir Alispahic : Il faut que tu vérifies ce slave.

4 Mirko Krajisnik : Je suis vraiment désolé.

5 Bakir Alispahic : Il s'agit de Kalibri, c'est comme si c'était mon

6 frère.

7 Mirko Krajisnik : Oui.

8 Bakir Alispahic : Tout le monde l'aimait.

9 Mirko Krajisnik : Milan Plakolovic est venu me voir hier, mais je

10 n'étais pas là. Il a demandé après moi, mais ils ne me l'ont pas dit. Ils

11 ont dit "Mirki" de là-bas. Ils ne savaient pas que j'étais en contact. Je

12 ne sais pas comment vous dire, j'ai eu l'impression que l'on était en train

13 de me verser de l'eau dessus.

14 Bakir Alispahic : Je suis vraiment désolé.

15 Mirko Krajisnik : C'était un homme très honnête. Voilà, est-ce qu'il

16 a été enterré là-bas, à Sarajevo ?

17 Bakir Alispahic : Oui.

18 Mirko Krajisnik : Son père le sait ?

19 Bakir Alispahic : [aucune interprétation]

20 Mirko Krajisnik : Et qu'en est-il de sa femme ?

21 Bakir Alispahic : Son père a eu deux attaques au cœur, on ne sait pas

22 comment il finira. Ah, c'est vraiment très triste.

23 Mirko Krajisnik : Est-ce que vous avez fait quelque chose en ce qui

24 concerne Djino ?

25 Bakir Alispahic : Quelqu'un est venu à la caserne.

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1 Mirko Krajisnik : Viktor Bubanj.

2 Bakir Alispahic : Victor Bubanj.

3 Mirko Krajisnik : Oui, je sais. Un jeune homme est venu apparemment

4 de Milicevic.

5 Bakir Alispahic : Mais il n'est pas là. Il m'a appelé. Est-ce que tu

6 veux parler de Bato ?

7 Mirko Krajisnik : Oui, Bato.

8 Bakir Alispahic : Il m'a dit il n'est pas là. Et bien voilà Mirko.

9 Voilà comment sont les choses.

10 Mirko Krajisnik : Ah merde, alors.

11 Bakir Alispahic : Et je sais qu'il y avait, à ce moment là, pour

12 vérifier.

13 Mirko Krajisnik : Comment se fait-il qu'on puisse pas le faire ? Il y

14 a un jeune qui a été tué à Dobrinja, c'était probablement en train de

15 creuser des tranchées et il a été touché par un obus qui l'a tué. Donc on

16 ne peut pas échanger un mort.

17 Bakir Alispahic : [aucune interprétation]

18 Mirko Krajisnik : C'était un gars de Vukicevic, d'ici, de mon

19 village. Il avait -- non, excusez-moi, Vukic, Vukic.

20 Bakir Alispahic : Où est-il maintenant ?

21 Mirko Krajisnik : Il est enterré devant l'hôpital, quelque part à

22 Dobrinja. Je ne sais pas où se trouve cet hôpital. Enterré ? Enterré, oui,

23 quelque part là-bas. C'était le 13, et j'ai demandé à vérifier s'il y avait

24 des Musulmans et s'ils avaient besoin de quelqu'un vivant. Peu importe.

25 C'était leur fils unique, tu sais.

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1 Bakir Alispahic : Oui.

2 Mirko Krajisnik : Il était resté pour garder l'appartement. On l'a

3 envoyé pour creuser des tranchées, c'est comme cela qu'il a été tué. La vie

4 est vraiment -- ne vaut pas grand-chose ici. Dois-je dire, après avoir

5 parlé aujourd'hui, nous, on se parlerait demain. Je vérifierais en ce qui

6 concerne ce Mujkic.

7 Bakir Alispahic : Oui, s'il te plait, fais cela.

8 Mirko Krajisnik : Bon, d'accord.

9 Bakir Alispahic : Merci. Au revoir.

10 Mirko Krajisnik : Salut."

11 [Fin de la diffusion de cassette audio]

12 M. GAYNOR : [interprétation]

13 Q. Monsieur Mujkic, cette conversation interceptée semble se référer à

14 vous et à votre fils. Pourriez-vous dire aux membres de la Chambre de

15 première instance si c'est bien le cas ?

16 R. Oui.

17 Q. Quand est-ce que vous savez si votre fils est mort ? A quel moment

18 savez-vous que votre fils est mort ?

19 R. Mon fils est enregistré comme personne disparue. Il y a 16 personnes

20 d'Ahatovici dont nous ne savons rien. On ne sait même pas où est enterré

21 mon fils, donc je ne sais rien de son sort. Je ne sais pas où se trouve

22 cette [inaudible] morte.

23 Q. Est-ce qu'en 1992, qui que ce soit vous a confirmé s'il était en vie ou

24 en mort ?

25 R. Non. Je n'ai pas eu de documents, et au jour d'aujourd'hui, encore il

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1 est enregistré en tant que personne portée disparu. Pour qu'il puisse être

2 déclaré mort, il faut disposer d'un document.

3 Q. J'ai encore deux questions à vous poser. Tout d'abord, pourriez-vous

4 dire aux Juges que ce que cela vous fait, que de ne pas savoir ?

5 R. La question est difficile. Je vais tout de même essayer de répondre,

6 mais vous allez me comprendre, vous êtes des hommes. Je n'ai pas de radio

7 chez moi. La musique n'existe plus. Chaque fois que notre famille doit se

8 réunir, pour nous c'est un jour de tristesse et de pleurs. Chaque mariage,

9 c'est un jour de pleurs, parce qu'à notre âge, mon épouse et moi, nous

10 devrions jouer avec les petits enfants. La maison de ma sœur est juste en

11 face de la nôtre. Ma mère, qui a 80 ans, elle habite là-dedans maintenant.

12 Je dois l'aider, elle a besoin de l'aide. Je me dis que les enfants de ma

13 soeur devraient m'appeler "oncle", mais il n'y ait pas. Alors, tirez vos

14 propres conclusions à quoi ressemble ma vie.

15 Q. Merci, Monsieur Mujkic. Nous n'avons pas d'autres questions.

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à vous poser avant de

18 lever la séance. La voici. Vous nous avez parlé des fosses communes,

19 marquées sur la carte par les numéros 3, 4, 5. Vous nous avez dit que dans

20 une de ces fosses communes se trouvaient 16 corps. Est-ce que ces corps ont

21 été identifiés ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Tous les corps identifiés de toutes les fosses

23 communes, y compris celles de Sokolina, ils ont été identifiés, à part deux

24 corps, deux personnes de Bratuncani, qu'on a pourtant enterré dans le

25 cimetière de Visoko. C'est là qu'une exhumation a eu lieu, et on les a

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1 enregistré comme inconnues. Mais toutes les personnes d'Ahatovici ont été

2 identifiées.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. La question suivante, qui a un

4 lien avec ma question précédente : vous nous avez dit que la majorité de la

5 population d'Ahatovici était musulmane. Est-ce qu'il y a eu des corps qui

6 ont été identifiés qui appartenaient à un autre groupe ethnique que celui

7 des Musulmans ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Non.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Malheureusement, je pense que

10 ceci vous a été déjà dit. Nous n'allons pas siéger dans le jour à venir, si

11 j'ai compris -- et corrigez-moi si j'ai tort, si j'ai bien compris, vous

12 allez revenir plus tard pour subir un contre-interrogatoire de la part des

13 conseils de la Défense.

14 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, c'est exact. Nous ne savons pas quand

15 est-ce que nous allons pouvoir le faire. Il se pourrait que ceci se fasse

16 par liaison vidéo. C'est une question qui va être déterminé avec l'aide du

17 l'Unité d'aide aux Témoins, et avec la Défense.

18 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, exactement, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne savons pas à présent à quel

20 moment cela va se produire. De toute façon, les deux parties ont tout à

21 fait le droit de vous poser leurs questions, et la Défense va le faire.

22 Est-ce que je peux vous demander entre temps de ne parler à qui que ce soit

23 de votre déposition, une fois revenu à La Haye ? Je sais que cela ne va

24 peut-être pas être facile. Souvent, cela se fait dans une journée, ensuite,

25 vous rentrez chez vous. Là, cette période va durer plus longue, mais je

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1 dois tout de même que vous n'avez pas le droit de parler avec qui que ce

2 soit de ceci. Je ne sais à quel moment vous allez revenir.

3 Monsieur Gaynor, juste pour que ceci soit bien clair, je voudrais dire à M.

4 Mujkic qu'il ne va pas communiquer avec la Défense avant de revenir. Ce ne

5 sont pas les conseils de la Défense qui vont vous contacter directement.

6 Cela va se faire par le biais du Tribunal, et dans le cadre du Tribunal.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous allez être informé de cela. Je

8 remercie d'habitude le témoin d'être venu à La Haye et, souvent, je le fais

9 à la fin de votre déposition. Je voudrais tout de même vous remercier

10 d'être venu ici, et je m'attends à ce que vous reveniez. Je sais que cela

11 aurait été mieux que vous puissiez faire tout cela dans une seule journée,

12 et ne pas revenir à deux reprises. Je m'excuse de vous forcer à faire cela.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas de problème, Monsieur le

14 Président. Je viendrais quand vous avez besoin de moi car je voudrais que

15 la vérité éclate, et que cette situation soit éclaircie. Je voudrais -- je

16 suis content de déposer de ce malheur qui s'est produit. Je reviendrais la

17 prochaine fois où vous aurez besoin de moi.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

19 Pourriez vous escorter M. Mujkic en dehors du prétoire ?

20 [Le témoin se retire]

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'informe les parties que nous n'allons

22 pas siéger demain ou après demain. S'il n'y a pas de questions de procédure

23 -- ou plutôt, est-ce qu'il y en a ?

24 Madame Loukas ? Puisque les interprètes font -- travaillent déjà au-

25 delà de leurs heures habituelles, cela fait dix minutes --

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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Je peux vous dire que Mme Dixon a pu

2 s'entretenir avec M. Stewart, qui a dit qu'il serait tout à fait à mesure

3 d'entendre un témoin supplémentaire la semaine prochaine. Si je ne m'abuse,

4 il a dit qu'il n'était pas vraiment content, mais qu'il acceptait de le

5 faire.

6 Aussi, une autre question de procédure que j'ai déjà soulevé le 4

7 octobre, où j'ai évoqué le problème de l'égalité des armes, de ressources

8 et des moyens entre la Défense et les Procureurs. Vous savez que j'ai fait

9 une requête par écrit --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, oui. Vous nous avez

11 d'ailleurs envoyé un exemplaire de cela.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, et je voulais tout simplement que ceci

13 figure dans la compte rendu d'audience.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous l'avons bien reçu.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, je voudrais dire qu'il s'agit

17 du transcript du Témoin 629, qui a déposé en vertu de l'Article 92 bis. Le

18 Procureur a demandé à verser cette déposition en vertu de l'Article 92 bis

19 de la procédure et de la preuve, qui a déposé déjà dans l'affaire Brdjanin,

20 concernant les événements de la municipalité de Kljuc. Dans la réponse du

21 18 octobre 2004, la Défense a déclaré qu'elle n'avait pas d'objection quant

22 à l'admission de la déposition de ce témoin, le Témoin 629, mais qu'elle

23 souhaitait tout de même contre-interroger ce témoin. Le Procureur, au

24 niveau du transcript, page 5604, a accepté que ce contre-interrogatoire ait

25 lieu, et a demandé aux Juges d'examiner la possibilité d'admissibilité en

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1 vertu de l'Article 93 bis. Les Juges considèrent que ceci correspond bien à

2 cette Article du Règlement; cependant, le nom de l'accusé figure dans cette

3 déposition au niveau des pages

4 11 445, 11 453, 11 455, 11 485, 11 486 et 11 487 du transcript.

5 Les Juges de la Chambre considèrent que ces références peuvent être

6 interprétés comme des actes et la conduite de l'accusé; cependant, vu les

7 arguments présentés par les parties, et la nature de cette déposition, les

8 Juges de la Chambre considèrent qu'il est convenable de convoquer le Témoin

9 629 pour qu'il subisse à un contre-interrogatoire, et c'est ce qui va se

10 faire la semaine prochaine.

11 Nous allons lever la séance jusqu'à lundi.

12 Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous dire à quel moment nous allons

13 siéger lundi prochain, et dans quelle salle d'audience ?

14 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, à 1 heure -- à 2 heures 15 de

16 l'après-midi dans cette même salle d'audience.

17 Nous levons la séance à présent.

18 --- L'audience est levée à 14 heures 00 et reprendra le lundi 8

19 novembre 2004, à 14 heures 15.

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