Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 13 avril 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 07.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour tout le monde.

6 Madame la Greffière, voulez-vous bien citer le numéro de l'affaire, s'il

7 vous plaît ?

8 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les

9 Juges, il s'agit de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo

10 Krajisnik.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.

12 Monsieur Margetts, êtes-vous prêt à faire l'interrogatoire principal de M.

13 Omeragic ?

14 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que l'Huissier est déjà sorti.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Omeragic.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais vous rappeler que vous êtes

20 toujours tenu par la déclaration solennelle que vous avez faite au début de

21 votre témoignage hier.

22 LE TÉMOIN : SEAD OMERAGIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre M. Margetts.

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1 M. MARGETTS : [interprétation]

2 Interrogatoire principal par M. Margetts: [Suite]

3 Q. [interprétation] Monsieur le Témoin, quand nous nous sommes interrompu

4 hier, nous avions vu une séquence de votre arrivée au bâtiment municipal.

5 Après que vous vous êtes rassemblés devant le bâtiment municipal, où êtes-

6 vous allés ensuite ?

7 R. Pour autant que je m'en souvienne, je crois -- oui, après cela,

8 quelqu'un a dit qu'il n'y aurait pas de réunion, donc, nous nous sommes

9 dirigés vers les baraquements. Fikret Abdic a demandé de rencontrer les

10 réfugiés dont tous le monde parlait, et qui étaient censés être dans les

11 baraquements du JNA, donc nous sommes allés là pour arriver à une sorte

12 d'accord.

13 Certaines personnes essayaient d'organiser nos déplacements. Certains

14 disaient : "Allez par ici." D'autres disaient : "Allez par là," je ne

15 comprends pas très bien ce qui se passait. Quoi qu'il en soit nous nous

16 sommes dirigés vers les baraquements.

17 Q. Etiez-vous seul ou étiez-vous accompagnés par d'autres véhicules du

18 convoi ?

19 R. Il n'y avait que le véhicule de M. Abdic, qui y est allé. C'est le

20 véhicule dans lequel je suis arrivé. Je n'ai pas compris ce qui était

21 arrivé aux autres véhicules. Nous avons conduit pendant dix à 12 minutes

22 avant d'atteindre les baraquements. Là nous sommes sortis du véhicule --

23 Q. Merci, Monsieur Omeragic.

24 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Margetts, j'aimerais vous poser une question.

25 J'aimerais comprendre dans quel cadre se situait ce déplacement. Il nous a

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1 pas été dit au début de l'audition de ce témoin dans quel cadre ce

2 déplacement intervenait ? Quel en était le but ? Qui l'avait décidé ?

3 Est-ce que le témoin peut répondre à ceci, s'il vous plaît ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] En atteignant Bijeljina, parfois la voiture de

5 Mme Plavsic était la première du convoi, parfois c'était la voiture de M.

6 Abdic qui le menait.

7 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais comprendre dans quel cadre vous

8 effectuiez ce déplacement. C'était une mission d'inspection, c'était une

9 mission de visite de lieu ? Qui l'avait décidé ? Pourquoi y alliez-vous ?

10 Avec qui y alliez-vous ?

11 Je voudrais comprendre la raison de ce déplacement officiel en

12 quelque sorte. Vous comprenez ma question ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux y répondre. A Bijeljina, le 1er

14 Avril, ce conflit a éclaté. Il y avait des rumeurs sur des victimes, des

15 morts et la guerre. Mme Plavsic et M. Abdic sont allés là en tant que

16 délégation, en tant que mission pacifique. C'était une mission pacifique

17 d'une sorte pour essayer de trouver une solution. Fikret Abdic allait

18 probablement à Bijeljina pour voir quelle était la situation, et pour en

19 informer les autres membres de la présidence. Il en avait six au total. Ils

20 sont allés à Bijeljina et je crois que la raison en était de trouver une

21 certaine forme, une certaine manière de restaurer la paix. Il y a eu des

22 séquences à la télévision yougoslave au cours desquelles on voyait des

23 combats.

24 M. Abdic était membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine, membre élu de

25 cette présidence qui comportait six membres, et il était un membre élu même

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1 avant les élections. Il avait une certaine autorité dont il jouissait. Je

2 crois qu'il a d'ailleurs été élu avec une très grande majorité. Il avait

3 une très grande autorité, une bonne réputation. Il avait participé à un

4 certain nombre de missions pacifiques avec Mme Plavsic. Il avait été à Brod

5 auparavant, à Derventa, et cetera.

6 M. LE JUGE HANOTEAU : Ce M. Abdic a demandé à votre directeur de journal

7 d'être accompagné par un journaliste, c'est bien cela ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez peut-être mal compris mon

9 explication. J'étais journaliste attaché à ce journal, Slobodna Bosna. Mon

10 rédacteur en chef m'a dit : "Nous avons l'occasion d'envoyer quelqu'un à

11 Bijeljina. Puisque le chef de cabinet de M. Abdic est notre ami, je suis en

12 train de négocier pour que quelqu'un des médias puisse l'accompagner à

13 Bijeljina." Je me suis porté volontaire pour être le journaliste qui aille

14 sur cette mission, représentant mon journal, puisque les autres

15 journalistes du journal étaient des filles, et je ne voulais pas qu'elles y

16 aillent. Je me suis porté volontaire. M. Abdic a dit : "Il ira là en tant

17 que porte-parole," parce que la situation était qualifiée de dangereuse de

18 tous les côtés, et tout le monde disait que Bijeljina était vraiment au

19 sein d'un conflit. Quand il m'a vu, il m'a dit : "Vous n'avez pas vraiment

20 l'air d'un porte-parole, vous avez plutôt l'air d'un garde du corps." Ils

21 ont dû inventer une sorte de légende à mon sujet, une fausse identité. J'y

22 suis allé en tant que garde du corps.

23 M. LE JUGE HANOTEAU : Dites pourquoi on vous a présenté comme garde du

24 corps ? Pourquoi ne vous a-t-on pas présenté comme journaliste ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Parce que le 2 avril, il y avait eu un

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1 accident il m'a parlé. C'est quand la délégation de Bosnie-Herzégovine a

2 été arrêtée à l'entrée de Bijeljina, et on lui a dit de se coucher. Pour

3 autant que je m'en souvienne, il s'agit de l'histoire de M. Abdic, ainsi

4 que d'autres histoires, puis le ministre de la Défense, Jerko Doko, et je

5 crois également le ministre de la Justice, Miodrag Simovic, qui est

6 aujourd'hui membre de la cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine. J'ai

7 oublié de mentionner que Jerko Doko était un Croate et que M. Simovic était

8 un Serbe. Il y avait d'autres personnes présentes, y compris M. Abdic.

9 Juste avant la tombée de la nuit, ils ont essayé de rentrer dans Bijeljina,

10 mais on ne leur a pas permis. Cette délégation a été arrêtée au point de

11 contrôle, qui était tenu par les hommes d'Arkan. On leur a dit de s'en

12 aller sur la route. Mais le problème, c'est qu'il y avait de la boue sur la

13 route, et qu'on leur a dit de s'allonger dans la boue néanmoins. M. Abdic

14 était le seul qui n'a pas voulu se coucher, et ensuite Arkan est apparu de

15 l'obscurité, et a résolu ce problème. Abdic a fait preuve de courage dans

16 cet incident. Néanmoins, de manière générale, tout ceci témoigne du danger

17 qui régnait à Bijeljina à l'époque, et ils voulaient avoir quelqu'un, au

18 sein de la délégation, qui allait essayer de découvrir la vérité, et écrire

19 à ce sujet.

20 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Témoin.

21 M. MARGETTS : [interprétation]

22 Q. Monsieur Omeragic, hier vous avez informé la Chambre que la raison pour

23 laquelle vous pensiez qu'on vous a permis d'entrer dans Bijeljina était que

24 vous étiez présenté comme un garde du corps, et pas comme un membre de la

25 presse de Sarajevo. A la suite de l'expérience de M. Abdic, que vous venez

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1 de décrire à la Cour, est-ce que M. Abdic a indiqué qu'il ne croyait pas

2 que les journalistes musulmans pourraient entrer dans Bijeljina ?

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

4 ce n'est pas le genre de choses que je crois qui devrait être sujet à une

5 question directive.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais poser la question au témoin moi-

7 même.

8 Monsieur Omeragic, est-ce que M. Abdic a donné quelque indication que ce

9 soit, sur comment ce serait perçu par les autres si des journalistes

10 étaient présents lors de cette visite ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, mais Monsieur le Président, si vous me le

12 permettez, le fait même que je dois me présenter sous une autre identité

13 est quelque chose qui a été suggéré par M. Abdic lui-même. Pourquoi ? Je ne

14 peux que faire des conjectures.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous une opinion sur les raisons à

16 cela, à part juste des conjectures ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense qu'il y avait un certain danger à

18 aller à cet endroit où la situation était très incertaine. C'était quelque

19 chose qui n'avait jamais été vu auparavant qui s'était produit. Partout en

20 Bosnie, il était évident que nous vivions dans un monde qui était sur le

21 point d'être bouleversé par la guerre. Les rues étaient bloquées. Il y

22 avait une certaine inquiétude dans l'air.

23 Je ne pense pas que les journalistes étaient protégés dans la guerre

24 en Bosnie. Au contraire, je pense qu'on les obligeait à prendre partie sans

25 aucune façon pour eux de traverser les frontières, et de passer de l'autre

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1 côté. Je peux vous donner un exemple. Il y avait un correspondant de

2 Slobodna Bosna, qui s'appelait Trbic, qui a été battu et qui a eu des

3 blessures graves à la suite des coups et blessures qu'il a reçus.

4 D'ailleurs, par la suite, il a été tué. Je connais également d'autres

5 journalistes qui ont gardé leurs postes, qui ont travaillé à leurs bureaux

6 et qui ont été tués.

7 M. Smajlovic, un journaliste d'Oslobodjenje, le journal Oslobodjenje,

8 qui a été tué dès le début de la guerre. Il a été tué à Zvornik.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, j'ai

10 été trop rapide quand j'ai posé ma question au témoin. Je lui ai posé la

11 question qu'il vient de répondre, à savoir si le danger pour les

12 journalistes serait le même que le danger qu'encouraient d'autres personnes.

13 Je vous demande de m'excuser.

14 Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts.

15 M. MARGETTS : [interprétation]

16 Q. Monsieur Omeragic, vous avez fait référence à l'exclusion de la presse

17 de Sarajevo. Les membres de la presse de Sarajevo, de quelle nationalité

18 sont-ils, en majorité ?

19 R. Je suis absolument persuadé que tous les groupes ethniques étaient

20 représentés de manière égale. Au secondo, seuls la presse et les rédacteurs

21 veillaient toujours à cela. Par exemple, la télévision de Sarajevo a envoyé

22 Vlado Mrkic pour faire un reportage -- excusez-moi Vlado Mrkic a été envoyé

23 par Oslobodjenje, c'était un Serbe, un autre Serbe qui était Velibor

24 Golubovic qui a été envoyé pour faire le reportage pour la télévision de

25 Sarajevo. Parfois, la nationalité était un facteur décisif.

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1 Q. Pouvez-vous expliquer à la Chambre pourquoi les membres de la presse de

2 Belgrade se trouvaient à Bijeljina alors que des membres de la presse de

3 Sarajevo en étaient exclus ?

4 R. Je peux vous donner un certain nombre de raisons qui expliquent le fait

5 que les représentants des médias de Belgrade pouvaient y entrer et faire

6 leur travail, alors que les membres des médias de Sarajevo en étaient

7 empêchés. Vous pouviez dire à Bijeljina, j'ai vu mes collègues de Politika

8 Express et des journalistes politiques de Belgrade, j'ai vu de des

9 collègues de Novi Sad, mais des représentants de la presse de Sarajevo ne

10 pouvaient pas entrer librement dans ce genre d'endroits dans les zones de

11 crise pour faire leur reportage, du moins au début de la guerre.

12 Dans ces conflits initiaux tels que Brod, Derventa, Kupres, les

13 journalistes de toutes appartenances ethniques pouvaient encore aller faire

14 leurs reportages; mais après que Sarajevo ait été bloqué et après

15 l'interruption des communications, les choses n'allaient plus jamais être

16 les mêmes. La presse de Belgrade, les journalistes de la presse de Belgrade

17 allaient être autorisés à y entrer probablement parce que le problème avec

18 les médias de Belgrade avait été résolu. Je crois qu'ils avaient tous été

19 mis au service des nationalistes ou de l'idée nationaliste serbe. C'était

20 le moteur principal en Bosnie-Herzégovine alors qu'il ne fallait pas leur

21 mentir, alors que les représentants des médias de Sarajevo devaient faire

22 des efforts pour cacher certaines choses.

23 Q. Merci, Monsieur Omeragic. Je vais essayer de vous faire suivre un

24 déroulement chronologique. Dans votre réponse précédente, vous avez

25 mentionné Vlado Mrkic, pourriez-vous dire à la Chambre si Vlado Mrkic vous

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1 l'avez rencontré à Bijeljina, et si c'était le cas, pourriez-vous décrire

2 votre rencontre ?

3 R. Je connaissais Vlado Mrkic auparavant quand je travaillais pour un

4 journal à Oslobodjenje. C'était un homme âgé à l'époque. Il avait 58, 59

5 ans. Il avait les cheveux gris, c'était un homme très mince, qui était

6 connu comme un journaliste extrêmement objectif, un homme très honnête,

7 très professionnel. C'était la réputation dont il jouissait auprès des

8 journalistes de Sarajevo.

9 A un certain moment quand nous sommes revenus d'une visite que nous

10 avions fait à des gens dans leur maison à Bijeljina avec Mme Plavsic, Arkan

11 et ses hommes, M. Abdic et tous les autres, à côté de moi, à quelques

12 mètres, j'ai remarqué M. Vlado Mrkic. Je me suis dépêché de le rejoindre

13 parce que je désirais lui parler, mais il m'a regardé le regard vide comme

14 s'il ne se souvenait pas de moi, ni d'où il m'avait rencontré. Alors, je

15 lui ai dit : je suis représentant de Slobodna Bosna de Sarajevo.

16 Ensuite, nous avons commencé à parler. Il m'a confessé qu'il était

17 entré du côté sud de Zvornik en utilisant des routes secondaires et en

18 contournant la route principale pour atteindre Bijeljina parce qu'il

19 n'arrivait pas à atteindre Bijeljina par la route principale qui était

20 constellée de points de contrôle. Quoi qu'il en soit, nous avons commencé à

21 parler comme je l'ai dit et nous avons commencé à discuter très vite. Il

22 était hors d'haleine en parlant, il exprimait son mécontentement, il était

23 très dérangé par cette situation à Bijeljina. Tout d'un coup, il a élevé la

24 voix en condamnant ce qui avait été fait à Bijeljina. A un moment donné,

25 alors qu'il marchait près d'Arkan, il a dit presque tout haut, et tout le

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1 monde pouvait l'entendre, il a dit : "On ne vous pardonnera jamais pour ce

2 que vous avez fait aux Musulmans à Bijeljina. L'histoire vous jugera."

3 A ce moment-là, j'ai eu vraiment peur pour lui, peur de ce qui aurait

4 pu lui advenir. Arkan s'est retourné vers lui et je crois que c'est la

5 première fois que je l'ai vu un petit peu perdu. Tout le monde le regardait

6 à ce moment-là, Arkan, Mme Plavsic, tout le monde et M. Mrkic a même levé

7 le doigt et a dit la même chose encore une fois : "Personne ne vous

8 pardonnera jamais." Ensuite, Arkan a dit : "Donnez-moi vos documents

9 d'identité." Sur son document d'identité, Arkan a vu Vlado Mrkic,

10 Bijeljina. Voyant que c'était un document d'identité ancien et qui montre

11 qu'il était correspondant de Bijeljina et il a regardé son document

12 d'identité, Arkan a dit : "Donc vous êtes un Croate ?" Alors, Mme Plavsic

13 est entrée dans la conversation et a dit en regardant d'une manière

14 condescendante cet homme formidable : "Non, non, c'est un Serbe. Mais quel

15 genre de Serbe ?" Elle a même dit quelque chose comme malheureux, ou je ne

16 me souviens pas exactement du terme.

17 Quoi qu'il en soit, Arkan a remis le document d'identité entre les

18 mains de Mrkic et a dit : "Maintenant, disparaissez et emmenez-le."

19 Ensuite, ils l'ont emmené et j'ai eu vraiment peur, j'étais vraiment

20 préoccupé pour lui, bien évidemment. Cependant, quelques heures plus tard,

21 je l'ai revu à Bijeljina. En fait, il avait marché dans les rues et nous

22 avait retrouvés. J'étais ravi de le retrouver et de voir que tout allait

23 bien, après tout.

24 Q. Merci beaucoup, Monsieur Omeragic.

25 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais vous

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1 montrer une séquence vidéo qui porte le numéro P300.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Faites.

3 M. MARGETTS : [interprétation] Le substitut d'audience va vous distribuer

4 la retranscription.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, juste pour mon

6 information, est-ce que sur le CD on trouve tous les passages vidéo qu'on

7 verra ?

8 M. MARGETTS : [interprétation] Si j'ai bien compris, tout est là. Je dois

9 vérifier seulement avec mon collaborateur.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, si je comprends bien, cela a déjà

11 été versé au dossier P300.

12 M. MARGETTS : [interprétation] Pour ce qui est d'autres vidéo, nous allons

13 proposer pour chaque passage un CD particulier.

14 [Diffusion de cassette vidéo]

15 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

16 "Devant le bâtiment de la direction du SDS, Mme Plavsic devant

17 l'opinion publique mondiale a rendu hommage aux égorgeurs serbes."

18 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

19 M. MARGETTS : [interprétation]

20 Q. Monsieur Omeragic, vous avez vu ce vidéoclip. C'est la pièce P300 où

21 l'on voit Mme Plavsic embrasser Arkan. Est-ce que vous pouvez dire, après

22 avoir vu ce passage, où est-ce que cela a eu lieu ? En quel endroit ?

23 R. Ce baiser, je l'ai vu devant l'hôtel de ville pour les adieux. En me

24 remémorant par la suite, mais je n'avais jamais été à Bijeljina un seul

25 jour, j'ai vu ce baiser devant le bâtiment de la municipalité de Bijeljina.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, je vois que sur le

2 transcript, on ne voit pas le texte. S'agit-il d'un baiser ?

3 M. MARGETTS : [interprétation] Il n'y a que le baiser qui compte.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Nous objectons, parce que le texte de ce

5 vidéoclip n'est pas apparu.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, ce texte apparaît

7 sous forme de sous-titre.

8 M. MARGETTS : [interprétation] Dans ce cas, ce texte a déjà été accepté

9 comme une pièce à conviction P300. On peut s'y référer.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce journaliste qui dit simplement ce qui

11 s'est passé.

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Le fond de ces pièces à conviction,

13 c'est cet enregistrement vidéo. Là, le journaliste dit que la première

14 victime de la guerre est la vérité. La vérité est la première victime de la

15 guerre.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, est-ce que l'Accusation

19 peut faire attention au texte prononcé par le journaliste ?

20 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, avec cette réserve

21 que l'Accusation n'a pas voulu présenter la pièce P300, et je ne vois

22 aucune raison pour laquelle nous garderions cette pièce comme faisant

23 partie de ceci.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons voir ce qui arrivera lorsque

2 le P300 aura été présenté durant l'interrogatoire de M. Kljuic. On verra ce

3 que l'on décidera à ce propos.

4 Mais à part cela, le texte explique que Mme Plavsic a échangé un baiser

5 avec Arkan, le restant du texte concerne ce que le journaliste a dit, et ce

6 que l'on ne voit pas sur l'enregistrement vidéo qui commence, lui, avec un

7 corps, un corps qui semble avoir été victime de violence, mais le restant

8 du texte n'est pas très clair. Donc, à part ce qui a été dit pendant la

9 présentation de ces images, il semble que tout le reste n'a pas d'autre

10 valeur probatoire.

11 M. MARGETTS : [interprétation] Je peux consulter M. Harmon pendant la pause

12 et vous transmettre sa réponse.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

14 M. MARGETTS : [interprétation]

15 Q. Monsieur Omeragic, vous venez de dire à la Chambre que vous aviez vu

16 Mme Plavsic embrasser Arkan au moment où ils se quittaient après le tour de

17 la municipalité. Est-ce que vous pouvez expliquer à la Chambre qui a

18 assisté à cet échange de baiser entre Mme Plavsic et Arkan et quelle a été

19 leur réaction ? Comment se comportaient-ils en présence d'Arkan ?

20 R. A ma connaissance, il y avait quelques personnes du SDS local, qui

21 devant ce baiser, ont réagi en s'exclamant. C'était des exclamations

22 d'approbation, à la fois d'approbation et de -- bon. Ils ont accompagné ce

23 baiser d'une exclamation d'approbation, à mon sens. Il y avait-là MM. les

24 généraux Jankovic et Prascevic; comment ils ont réagi, je l'ignore. Il y

25 avait M. Abdic, il a vu cela, mais il n'y avait pas une réaction de sa part.

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1 C'est beaucoup plus tard que commencent des histoires à ce propos. Je ne

2 peux rien dire sur leur réaction. Je ne les avais pas remarqué. Il y avait

3 --

4 Q. Comment les généraux ont-ils salué Arkan ?

5 R. Tout le temps, on voyait que les généraux, MM. Prascevic et Jankovic

6 étaient, en quelque sorte, dans une position de subordination à l'égard de

7 Zeljko Raznjatovic Arkan. Cela, on le voyait à tout moment. Au moment de la

8 présentation du rapport, M. Prascevic a fait quelques pas vers Arkan et

9 s'est arrêté, il l'a salué et ce qu'il lui a dit, j'ignore. En ce moment-là,

10 Arkan se tenait dans une position un peu inclinée en avant, il adoptait une

11 position assez légère pour quelqu'un qui n'avait aucun grade - à ma

12 connaissance, il n'avait aucun grade - et voir un général s'approcher de

13 lui de cette façon, c'était choquant.

14 D'autre part, après cela, juste avant le départ, si je me souviens bien,

15 j'étais derrière à quelque trois ou quatre mètres, comme personne

16 obligatoire dans toutes ces circonstances. A ce moment-là, on pouvait voir

17 le général Savo Jankovic assis sur un banc et, à côté de ce banc, se

18 promenait Arkan. Il y avait là Mme Plavsic en présence du général Prascevic.

19 A un certain moment, Mme Plavsic lui a demandé de laisser la ville

20 maintenant que tout est fini, de laisser la ville à la JNA, à l'armée.

21 J'ignore comment cette demande a été exactement formulée, mais je sais que

22 cela avait été demandé. Mme Plavsic l'a dit d'une façon comme si elle lui

23 avait vraiment demandé. Arkan a répondu : "Non, on n'a pas encore réglé les

24 affaires ici. Quand on l'aura fait, on ira à Bosanski Brod." Alors, il a

25 prononcé un juron très moche. On aurait dit qu'il était le numéro un. Il a

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1 proféré encore un juron à l'adresse d'un homme qui passait pour le numéro

2 un de la défense de Bosanski Brod. Au moment où il disait qu'il attaquerait

3 Bosanski Brod, le général Savo Jankovic a fait passer ses doigts à travers

4 ses cheveux, et lui a dit : "Ne le dit pas comme cela. Ne parle pas comme

5 cela."

6 J'ai réfléchi un peu plus tard à ce propos, et je ne pouvais pas me rendre

7 compte des rapports qu'il y avait entre eux, peut-être ai-je trouvé

8 certaines réponses dans mes analyses, mais je ne pense pas qu'elles

9 méritent d'être présentées ici. Si vous voulez, je peux vous en faire part.

10 Q. Oui, M. Omeragic, si vous pouviez bien poursuivre sur la base de vos

11 remarques de ce jour-là, quelles ont été vos conclusions ?

12 R. J'étais en ce moment-là--

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, juste à ce propos,

14 Monsieur le Président, les conclusions sont quelque chose qui appartient à

15 la Chambre. Ce n'est pas au témoin de tirer des conclusions. Il peut

16 présenter les preuves d'après ce qu'il a vu, entendu, remarqué, mais les

17 conclusions, c'est une question très mal formulée, concernant les

18 conclusions. Je pense que cette forme de preuve ne sera pas utile à la

19 Chambre.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je pense aussi qu'on ne peut pas

21 demander au témoin de tirer des conclusions, mais il peut nous présenter

22 son opinion.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, si ces opinions sont basées sur les

24 faits.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Omeragic, lorsque Me Margetts

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1 vous a demandé de poursuivre avec vos conclusions, il a voulu dire ce que

2 vous pensiez à ce moment-là, et si vous aviez formé une opinion sur cette

3 situation. Vous pouvez poursuivre. La question était formulée dans ce sens.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis dire que j'avais conclu mais plus tard.

5 En ce moment-là, ma vie était en péril. C'est mon avis en tout cas, ma

6 santé et mon intégrité physique, et je n'avais pas beaucoup de temps pour

7 réfléchir. C'est seulement après en retournant que j'ai réfléchi sur toutes

8 ces choses. La première des choses qui m'est venue à l'esprit, c'était le

9 rapport de Monsieur le Général me paraissait comme le résultat d'une

10 tentative des milieux de l'armée de la JNA, de faire aboutir jusqu'à

11 l'absurde. Si un général se permet de rapporter à homme qui n'a aucun grade

12 militaire, de quoi a-t-il fait preuve si ce n'est de l'absurdité dans

13 laquelle se trouvait cette armée. Il a fait preuve de son impuissance.

14 C'est comme cela eu je réfléchit.

15 Après, j'ai conclu autre chose. Effectivement, Arkan avait disposé d'une

16 sorte de pouvoir politique qui lui avait été conféré, qui a été mis entre

17 ses mains. Je pense que derrière, il bénéficiait d'un haut appui politique.

18 En fin de compte, tout ce qui se passait à Bijeljina, ces formations, qui

19 étaient à lui, et il n'était pas le seul à s'en servir à Belgrade. Il y

20 avait les Aigles blancs et beaucoup de paramilitaires qui avaient fait la

21 guerre en Croatie, et en Bosnie-Herzégovine. J'ai réfléchi

22 qu'éventuellement, il fallait dire le lendemain, le cas échéant s'il y

23 avait des problèmes, que ce n'est pas l'armée régulière qui avait fait la

24 guerre mais c'étaient les bénévoles et les paramilitaires. Pour tout

25 problème qui apparaîtrait, pour tout crime, le plus simple aurait été

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1 d'accuser les paramilitaires mais qui seraient sous autre contrôle plus ou

2 moins dissimulé. C'est ainsi que je réfléchissais à ce sujet. Il y avait

3 bien d'autres tentatives de donner réponse à tout ce que j'ai vu mais à mon

4 sens celle-ci était la plus probable.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] A propos de cette dernière réponse, à la

6 ligne 18 jusqu'à la fin de la réponse, cela ne nous apporte rien quant aux

7 preuves dont la Chambre devrait pouvoir bénéficier.

8 M. MARGETTS : [interprétation] Ce genre de pièce est quelque chose qui

9 pourrait être proposé dans la deuxième phase du procès.

10 Mme LOUKAS : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas --

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Je pense que c'est une sorte de preuve que la

13 Chambre ne devrait pas avoir maintenant du témoin. On s'occupe maintenant

14 des conclusions, des opinions, ce n'est pas ce qu'il nous faut.

15 M. MARGETTS : [interprétation] Je voudrais interrompre mon honorable

16 collègue en ce moment parce que je pense qu'il n'est pas correct qu'elle

17 fasse des commentaires de ce genre devant le témoin.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, une partie de ce qui

19 concerne les conclusions et les réflexions du témoin, est quelque chose

20 dont nous réfléchirons pendant la pause et nous verrons à quel degré et

21 quelle valeur probatoire sera accordée à cette partie de la déposition. Le

22 cas échéant on fera éliminer cela du transcript.

23 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci. J'ai voulu être sur du point de vue de

24 la Défense et aussi aider la Chambre à tracer une ligne nette entre ce que

25 le témoin peut dire dans sa déposition et ses conclusions à lui.

Page 11982

1 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, s'il vous plaît --

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Ce n'est pas approprié que M. Margetts

3 m'interrompe.

4 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais que le

5 témoin s'excuse et quitte le prétoire.

6 Mme LOUKAS : [interprétation] Je me féliciterais de le voir agir ainsi.

7 [La Chambre de première instance se concerte]

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, la Chambre se concentrera

9 sur les faits, et les conclusions sont quelque chose sur quoi la Chambre se

10 concentrera dans une phase ultérieure. Il y a une question additionnelle

11 pour le témoin.

12 M. LE JUGE HANOTEAU : Par rapport à Mme Plavsic, il y avait deux généraux

13 et il y avait M. Arkan. Quelle différence y avait-il d'attitude, ou y

14 avait-il une différence d'attitude de la part des militaires, de la part

15 des généraux, et de la part de M. Arkan parce que vous avez parlé

16 d'attitude respectueuse. Est-ce que vous pouvez préciser là-dessus ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois qu'Arkan dominait dans ces moments.

18 Je crois qu'il était vraiment dominant, un personnage dominant. On le

19 voyait quant il parlait qu'il n'avait pas encore réglé la situation à

20 Bijeljina et quand il l'aurait fait, il irait à Bosanski Brod faire autant.

21 Si un général comme général Jankovic présentait son rapport à lui, c'est

22 une situation dominante. Lorsque le général Jankovic, déçu, hors de ses

23 esprits dit : "Ne dites pas cela à Arkan, qui disait qu'il attaquerait

24 Bosanski Brod." Alors le général très déçu lui dit : "Ne dis pas cela."

25 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que les généraux avait une attitude plus

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1 déférente, plus respectueuses vis-à-vis d'elle ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas me rappeler maintenant,

3 cela me serait impossible. Peut-être au retour quand nous rentrions à Tuzla,

4 les officiers s'approchaient avec beaucoup de soin de Mme Plavsic, les

5 généraux Jankovic et Prascevic faisaient preuve de beaucoup d'attention à

6 son égard. Ils avaient un comportement de gentlemen. Ils s'arrêtaient tous

7 quand il fallait entrer dans une pièce pour la laisser entrer la première.

8 On lui témoignait une sorte de respect comme à l'égard d'une personne de

9 haut rang.

10 M. LE JUGE HANOTEAU : Elle dégageait un air d'autorité ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, elle avait une autorité, c'est sûr.

12 M. LE JUGE HANOTEAU : Autorité vis-à-vis le personnel militaire ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que oui.

14 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Témoin.

15 M. MARGETTS : [interprétation]

16 Q. Monsieur Omeragic, ma question découle de celle du Juge Hanoteau. Est-

17 ce que vous pouvez décrire la nature du rapport entre Arkan et Mme Plavsic.

18 R. Je peux dire pour le cas concret, je peux dire uniquement que Mme

19 Plavsic appelait Zeljko Raznjatovic, Arkan, "mon enfant," et à un moment

20 elle lui a dit : "Mon or, mon trésor." Elle utilisait des termes qui

21 faisaient preuve de son, dirait-on, d'une certaine intimité ou tout au

22 moins d'une volonté de cette intimité. Arkan l'appelait Mme Plavsic et lui

23 témoignait un certain respect, c'était visible. C'est quelque chose que

24 l'on a du mal à décrire mais on voyait ce respect qu'il lui témoignait.

25 Q. Je suis désolé maintenant de devoir avancer chronologiquement mais nous

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1 allons maintenant de Bijeljina à Bosanski Brod; est-ce que vous avez

2 assisté aux négociations à Bosanski Brod ou en présence de Mme Plavsic

3 quand il y a eu le bombardement de la ville ?

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Encore à ce propos, je pense qu'il est

5 évident qu'il y a deux des parties dont chacune n'est pas présentable au

6 témoin.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est séparé.

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Les questions doivent être séparées.

9 M. MARGETTS : [interprétation] Je crois que rien n'est contestable dans la

10 description de cette situation.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, est-ce qu'il est

12 contestable qu'il y a eu des négociations à Bosanski Brod ?

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Quelle a été votre question, s'il vous

14 plaît ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voilà, à propos des négociations à

16 Bosanski Brod.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Nous allons de Bijeljina à Bosanski Brod.

18 Avez-vous assisté aux négociations à Bosanski Brod ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est la première partie de la

20 question. Est-ce qu'elle est contestable ?

21 Mme LOUKAS : [interprétation] En ce qui me concerne, la question ne devrait

22 pas être posée de cette façon.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons partager cette question. Me

24 Margetts a amené le témoin de Bijeljina à Bosanski Brod, ce qui est

25 parfait, il n'y a pas de problème.

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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, il n'y a pas de problème.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il est contestable qu`à

3 Bosanski Brod, il y a eu des négociations ?

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, il n'y a pas de problème à ce propos,

5 mais en ce qui concerne la présence de Mme Plavsic, tout simplement je ne

6 suis pas en position de le savoir et je pense qu'à ce propos, il ne faut

7 pas diriger le témoin dans ce sens parce qu'il était membre de la

8 présidence.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allons demander au témoin.

10 Est-ce que vous savez qu'il y a eu des négociations à Bosanski Brod ?

11 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez qui a assisté ou

13 qui a participé à ces négociations ? Est-ce que vous pouvez nous dire qui ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces négociations ont pris part précisément en

15 tant qu'une sorte de médiateur, la délégation de Mme Plavsic, de M. Fikret

16 Abdic et de Franjo Boras. Cela se passait dans la cellule de Crise à

17 Bosanski Brod. Je crois qu'une fois j'ai été présent pendant quelques 45

18 minutes pendant lesquelles rien de spécial ne s'est passé.

19 C'est seulement que dans ce triangle, si cela peut avoir une

20 importance pour ce rapport d'obéissance des officiers de la JNA. Je me

21 souviens à un certain moment où Mme Plavsic, à Derventa, qui est tout près

22 de Bosanski Brod, un terrible bombardement de la ville avait commencé. A ce

23 moment-là, je n'étais pas là, j'étais sorti. On voyait M. Abdic et Mme

24 Plavsic partir dans un autre bureau et en moment-là, ils disent : "Chacun

25 va appeler les siens. Tu appelles les tiens, moi, j'appelle les miens." Si

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1 je me souviens bien, il s'agissait de quelques officiers d'Ivan Krizic que

2 l'on devait appeler pour lui dire d'arrêter les bombardements pour qu'il y

3 ait la paix. Mme Plavsic devait appeler les officiers de la caserne

4 d'ordonner les grenades. En ce moment-là, ils discutent vraiment, et

5 j'entends dire : "Toi tu vas régler le problème avec les tiens, et moi,

6 avec les miens."

7 J'entends Mme Plavsic appeler et dire : "Nous, on est en train de

8 discuter, de négocier la paix et vous êtes en train de bombarder." M.

9 Abdic disait pratiquement la même phrase identique : "Nous sommes en train

10 de négocier la paix et vous, vous voulez faire la guerre et bombarder."

11 Vraiment, on dirait un miracle. En l'espace d'une minute peut-être,

12 il y a un silence complet qui s'installe et ils regagnent la pièce des

13 négociations. A peine dix minutes plus tard, une situation identique se

14 reproduit. Une canonnade qui vient des deux côtés comme s'ils n'étaient pas

15 intervenus. Leur intervention a été valable pendant dix minutes, peut-être

16 que quelqu'un de supérieur leur commandé de poursuivre.

17 Comme par miracle, les canonnades avaient recommencé. Là, il n'y

18 avait aucun sens de retéléphoner. Là, je vois une autre situation qui

19 illustre la force de cet organisation et de leur recherche de la paix. Je

20 voyais précisément quel était leur pouvoir et dans quelle mesure

21 pourraient-ils résoudre les problèmes.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons identifié hier l'implication

23 directe d'autorités de haut niveau dans les événements sur le terrain,

24 c'est une question très sensible. Je serais d'accord avec Mme Loukas pour

25 dire que vous auriez pu demander qui était présent, parce que sur la base

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1 de cette déclaration, vous pourriez vous attendre à ce que la réponse

2 s'étende à un responsable de haut niveau.

3 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Est-ce qu'on pourrait bien soumettre au témoin une pièce qui est la

5 cinquième énumérée. Une lettre envoyée par le SDS de Bijeljina au comité

6 central du SDS. Sur la liste des pièces, la date qui y figure est le 8

7 avril, mais vous verrez qu'en réalité la date sur le document est du 3

8 avril.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Greffière d'audience.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'Accusation

11 P586.

12 M. MARGETTS : [interprétation] Pendant que l'on distribue ce document,

13 j'aimerais simplement lire pour le compte rendu ce fax, un fax envoyé par

14 le comité municipalité du SDS au comité central du SDS. On peut lire :

15 "Nous demandons que tous les organes de l'assemblée serbe appuient la

16 décision de la cellule de Crise du SAO Semberija et Majevica et du

17 commandant de la Garde nationale serbe. La population serbe toute entière

18 sera organisée en unités de la Défense territoriale sur le territoire de la

19 région…" - il y a ensuite un mot illisible après le mot "région" - cela

20 continue : "…ils s'attendent à ce que la JNA n'entre pas en conflit avec la

21 population serbe, et nous sommes prêts à citer des arguments à l'appui de

22 notre position très ferme."

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, je ne sais pas si

24 vous lisez la même traduction que moi, c'est à peu près la même chose. Mais

25 je n'ai pas de mot illisible. J'ai une traduction sous les yeux dont les

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1 quatre derniers chiffres sont 6742.

2 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, oui. En effet, j'ai

3 une version différence.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi ne pas lire la version que vous

5 nous avez fournie ? Enfin, la teneur est, pour l'essentiel, la même. Vous

6 pouvez continuer. Mais s'il y a des détails du texte qui seront importants,

7 il faudrait que nous ayons la même traduction sous les yeux.

8 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, toutes mes excuses. La traduction

9 exacte que nous vous soumettons en tant que pièce P586, est bien le

10 document dont les derniers chiffres sont 6742.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

12 M. MARGETTS : [interprétation]

13 Q. Est-ce que la mention faite dans ce document --

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Messieurs les Juges, avant de continuer, M.

15 Margetts a dit que ce document a été traduit le 8 avril, mais, en fait,

16 date du 3 avril. Je dois dire qu'en étudiant la copie du document en

17 question, dans la version cyrillique, je n'ai pas l'impression que ce soit

18 un 3. Cela m'apparaît être plutôt un 8. Je ne sais pas si M. Margetts

19 propose de nous fournir d'autres éléments de preuve concernant la date qui

20 est importante.

21 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je me réfère en fait

22 à ce que l'on voit au haut de la page.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, vous voyez, il est dit,

24 03/04/92 au haut de la page.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je comprends bien. Mais le document lui-

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1 même porte la date du 8 avril. Puisqu'il s'agit d'une photographie, il est

2 difficile de comprendre sans voir l'original, ce qu'il en est. J'ai

3 franchement des soucis concernant ce document, parce qu'on voit la date du

4 8 avril, puis la date du 3 avril apparaît grâce au fax, mais c'est un

5 document très important.

6 M. MARGETTS : [interprétation] Mon éminente collègue est en train de

7 présenter des arguments qu'elle devrait présenter à un stade ultérieur du

8 procès. Il y a ici une ambiguïté.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] J'aurais une autre objection.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous avez encore une autre objection

11 --

12 Mme LOUKAS : [interprétation] En fait, que pourrait nous dire le témoin sur

13 ce document ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. M. Margetts va peut-être nous

15 expliquer ce qu'il en est. Attendons d'entendre ses questions et voir si le

16 témoin peut, en fait, nous éclairer.

17 Madame Loukas, vous avez attiré notre attention sur le fait qu'au bas de la

18 page -- enfin, à mon avis, vous adhérez à la date que l'on trouve dans la

19 traduction, qui n'est pas la même de ce que l'on voit au haut de la page.

20 Il faut voir si cela a une réelle importance, quelles en seraient les

21 répercussions.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] En effet.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, est-ce que la date a

24 une importance particulière pour les questions que vous allez poser au

25 témoin ?

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1 M. MARGETTS : [interprétation] Non.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons d'abord écouter vos

3 questions.

4 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président, parce qu'il

5 arrive souvent que des machines qui envoient des fax n'ont pas les bonnes

6 dates.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous allons tenir compte du fait

8 que le 8 n'est pas une date que l'on ne saurait disputer.

9 Monsieur Margetts.

10 M. MARGETTS : [interprétation]

11 Q. Monsieur Omeragic, lorsque vous vous trouviez à Bijeljina le 4 avril

12 1992, qu'est-ce que vous avez pu observer concernant les activités ou la

13 participation de la JNA dans les événements qui ont eu lieu à Bijeljina ?

14 R. Je peux vous dire que mon opinion a été confirmée par ce que j'ai vu,

15 c'est-à-dire que la JNA était totalement isolée dans cette situation, était

16 en fait complètement écartée. On peut dire qu'elle avait été jetée, mise de

17 côté, même si c'était l'armée régulière. Bien entendu, on s'attendait à ce

18 qu'il n'y ait pas de heurt entre la JNA et la population serbe. La Garde

19 nationale serbe a pris le contrôle de ces unités, ces formations, qui

20 s'étaient constituées elles-mêmes et avait le rôle dominant. Puis la JNA,

21 l'armée régulière, qui était censée maintenir la paix, était reléguée au

22 deuxième plan. Mon opinion a été confirmée, mon opinion selon laquelle ils

23 ne pouvaient pas s'acquitter de leurs tâches, qu'ils étaient là en train

24 d'observer, d'attendre ce qui se passait. Ils étaient, comme je l'ai dit,

25 complètement écartés.

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1 M. MARGETTS : [interprétation] J'interromps l'interrogatoire pour un moment

2 pour informer la Chambre que la pièce P300, c'est la séquence vidéo que

3 nous venons de visionner a été admise au dossier sans transcription.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si j'ai bien compris, aucune

5 transcription ne viendra compléter cette séquence.

6 M. MARGETTS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

7 Est-ce que l'on pourrait maintenant soumettre au témoin la séquence vidéo

8 suivante ? La quatrième sur la liste des pièces qui portent le numéro 3000-

9 1462, et pour ce qui est de l'heure, 1.48.30.

10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'Accusation

11 P587 et la transcription P587A.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

14 "Q. Madame Plavsic, vous êtes membre de la délégation mixte arrivée

15 aujourd'hui à Bijeljina pour observer de vos propres yeux la destruction

16 alléguée par les médias serbes. Est-ce que c'est votre impression, votre

17 première impression ?

18 R. "D'après ce que j'ai pu voir, en faisant le tour de la ville en voiture,

19 non seulement moi-même mais mon escorte, nous avons regardé attentivement

20 pour voir si nous allions voir des fenêtres brisées, des vitrines de

21 magasin, par exemple, tout ce que nous avions entendu dire, tout ce qui

22 avait été dit par les médias à Sarajevo. Mais nous n'avons rien vu de tout

23 cela. Quelqu'un a même dit que le magasin de chaussures serait le premier à

24 être pillé, s'il y avait eu quelque chose. Mais les chaussures étaient

25 intactes, on pouvait toujours les voir dans les vitrines des magasins. Donc,

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1 quand nous sommes entrés dans cette ville, je n'ai pas eu l'impression que

2 nous étions en train d'entrer dans une ville qui avait été pillée, ou

3 réduite en esclavage. Je suis particulièrement heureuse que les gens nous

4 aient réservé un accueil chaleureux. J'ai l'impression que ces personnes

5 avaient l'impression qu'ils allaient être sauvés d'un grand mal qui les

6 menaçait.

7 Le reporter : Encore une question. Vous êtes membre d'une délégation mixte,

8 mais les autres membres de la délégation, Fikret Abdic et les représentants

9 de l'armée ne sont pas avec vous. C'est un peu insolite qu'ils se soient

10 rendus à la caserne avant vous, plutôt que de vous retrouver tous ici au

11 même moment.

12 Mme Plavsic : En fait, c'est moi qui ai donné ces instructions. La première

13 barricade que j'ai rencontrée, dans cette première barricade, il y avait un

14 des membres de notre assemblée. Il m'a dit que je pouvais prendre la

15 décision. La colonne était bien plus longue, parce qu'elle était composée

16 aussi de représentants de l'Union européenne, mais j'ai dit qu'ils ne

17 devraient pas nous accompagner. Ils nous attendaient à Tuzla. Hier, je leur

18 ai dit que nous ne voulions pas qu'ils nous accompagnent. Donc cette

19 colonne qui était très longue s'est mise en marche avec les journalistes et

20 j'étais la première. Bien sûr, le général qui nous accompagnait était en

21 premier, et les soldats qui l'escortaient, ensuite M. Fikret Abdic et son

22 escorte.

23 Le reporter : Pourquoi est-ce qu'ils sont allés à la caserne avant de venir

24 ici ?

25 Mme Plavsic : Je voulais venir ici d'abord pour avoir des contacts directs

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1 avec la cellule de Crise, et nous allons pouvoir avoir des discussions tous

2 ensemble. Maintenant, je les attends, j'irai aussi à la caserne.

3 Le reporter : Est-ce que vous savez ce qui se passe à la caserne, pourquoi

4 ils s'y sont rendus ?

5 Mme Plavsic : Non, je n'en ai aucune idée. Il ne faudrait pas que vous

6 pensiez qu'il y ait de mauvaises intentions ici. Nous sommes escortés, la

7 police nous a escorté de Tuzla jusqu'ici, une patrouille militaire nous a

8 escorté jusqu'à Tuzla. Cela aurait été normal que j'aille à la caserne,

9 mais puisque je pouvais décider librement, j'ai décidé d'aller d'abord à la

10 cellule de Crise pour rencontrer M. Arkan et ses associés et M. Adzic. J'ai

11 pensé que ce serait mieux d'avoir d'abord une réunion sans les autres, et

12 plus tard, nous discuterions tous ensemble."

13 [Fin de diffusion de cassette vidéo]

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, je vois que la

15 traduction à la deuxième page, il est dit : "Il ne faudrait pas penser

16 qu'il y ait de mauvaises intentions." La traduction qui a été donnée.

17 Maintenant c'est : "Il ne faudrait pas penser qu'il y ait des arrière-

18 pensées," ce n'est pas tout à fait la même chose "bad intentions" en

19 anglais et "ulterior motives", ce n'est pas tout à fait la même chose.

20 Vous voyez la traduction à la page 28, ligne 1. J'aimerais que vous

21 explicitiez ce qu'il en est même si vous n'aviez pas l'intention de poser

22 une question à ce sujet au témoin.

23 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, nous allons expliciter cela, en effet

24 ce n'est pas l'essentiel de ce que j'allais demandé au témoin.

25 Q. Monsieur Omeragic, Mme Plavsic se réfère à M. Goran Hadzic, est-ce lui

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1 qui est assis à la droite de Mme Plavsic et qui porte la barbe.

2 R. Oui. Oui, je l'ai vu sur cette séquence vidéo.

3 Q. Pour être tout à fait sûr, M. Arkan est celui que l'on voit assis à la

4 gauche de Mme Plavsic ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que vous voudriez bien dire à la Chambre qui est M. Goran

7 Hadzic.

8 R. Goran Hadzic était le numéro un en Slovénie orientale, une région en

9 Croatie orientale. Autant que je le sache, il était le dirigeant politique

10 du district autonome serbe de la Slovénie orientale.

11 Q. Mme Plavsic parle de ce qu'elle a pu observer alors qu'elle traversait

12 la ville, notamment le fait qu'elle n'avait pas vu de fenêtres ou de

13 vitrines brisées. Est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre ce que vous

14 avez vu en termes de fenêtres brisées ou d'autres preuves ou signes de

15 conflit ?

16 R. Je n'ai pas vu de signes particuliers de conflit ou de bataille. J'ai

17 vu quelques fenêtres brisées en éclat. Ils m'ont dit que c'était la poste.

18 Je rappelle à la Chambre que c'était la première fois que je visitais

19 Bijeljina. On m'a dit que l'immeuble où j'ai vu de nombreuses fenêtres

20 brisées, c'était la poste. J'ai vu aussi des fenêtres brisées sur un autre

21 immeuble mais je ne me souviens plus de quel immeuble il s'agissait.

22 J'ai vu cela, et j'ai aussi vu des trous dans les murs, des trous

23 qui avaient été faits par des balles dans certains murs et aussi dans

24 certains arbres. A part cela, je n'ai pas vu de nombreux autres indices de

25 combat.

Page 11995

1 Q. Mme Plavsic dit qu'elle a vu à ses dires : "Un de nos membres du

2 parlement" à la barricade. Est-ce que vous avez vu du personnel civil aux

3 barricades serbes ?

4 R. J'ai vu quelques civils qui s'étaient réfugiés dans les buissons, qui

5 se cachaient en fait, qui se cachaient derrière les buissons et qui nous

6 visaient avec leurs fusils. Je les ai vus quand j'ai regardé à droite et à

7 gauche, ils se cachaient dans les buissons, nos voitures étaient dans leur

8 ligne de mire. Il y avait aussi une personne qui avait l'air d'avoir un

9 certain pouvoir, une certaine autorité, qui discutait avec Mme Plavsic,

10 mais je n'étais pas conscient du fait qu'il s'agissait d'un membre du

11 parlement.

12 Q. Mme Plavsic fait également référence à la cellule de Crise. Est-ce que

13 lorsque vous vous trouviez à Bijeljina quelqu'un a fait allusion à la

14 cellule de Crise ?

15 R. La plupart du temps, ils parlaient de la salle municipale. Certains

16 mentionnaient ou se référaient à la cellule de Crise, je ne me souviens

17 plus qui parlait de la salle municipale et qui parlait de la cellule de

18 Crise.

19 Q. Lorsque vous dites "qu'ils parlaient de la salle municipale et d'autres

20 parlaient de la cellule de Crise," pourquoi est-ce que vous associez ces

21 deux descriptions, salle municipale et cellule de Crise ?

22 R. Parce qu'il s'agissait du même bâtiment autant que je le sache.

23 Simplement la salle municipale se transformait en cellule de Crise, se

24 transformait en cellule de Crise à partir du moment où les Croates et les

25 Musulmans en ont été exclus, c'est devenu la cellule de Crise, c'est sans

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1 doute l'explication.

2 Q. Monsieur Omeragic, j'aimerais maintenant revenir à la caserne, lorsque

3 vous êtes arrivés à la caserne, est-ce que vous pouvez décrire à la Chambre

4 ce qui s'est passé une fois que vous êtes arrivés à la caserne, et quand

5 vous vous trouviez à l'extérieur des bâtiments ?

6 R. Lorsque nous sommes arrivés à la caserne, nous nous sommes arrêtés, des

7 officiers, des soldats, des personnes arborant des uniformes se trouvaient

8 à une dizaine de mètres de nous. Il en y avait trois grand tas sur un

9 plateau avec l'immeuble principal, le bâtiment principal de la caserne sur

10 la droite. Enfin, il y avait trois groupes immenses de gens, plusieurs

11 centaines peut-être, dont certains étaient débout, certains étaient

12 allongés. Fikret Abdic ne cessait de dire qu'il voulait voir les réfugiés

13 et leur parler. Il n'a cessé de répéter qu'il fallait qu'il rencontre les

14 réfugiés.

15 Je crois que nous nous sommes arrêtés un moment. Quelqu'un parlait

16 dans une radio disant que Fikret Abdic était arrivé et voulait voir les

17 réfugiés. Au bout d'un certain temps, le général Jankovic nous a rejoints

18 et nous nous sommes promenés dans la foule. C'est peut-être cela qui m'a le

19 plus impressionné, cette foule de personnes malheureuses. Le général

20 Jankovic m'a dit qu'il s'agissait d'un groupe mélangé, composé de Musulmans,

21 de Bosniens, et de Croates. Alors que nous traversions la foule, je me

22 trouvais à proximité de Fikret Abdic.

23 Soudain, une femme dans cette foule a juré. Je me suis retourné et

24 j'ai vu à quelque 40 ou 50 mètres Mme Plavsic, qui était là seule. Je ne

25 sais pas où était son escorte, et puisqu'il s'agissait d'un juron assez

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1 fort, quelqu'un lui disait : "Pourquoi est-ce que vous ne venez pas par

2 ici ?" Je me suis retourné, j'étais très gêné à cause de tous ces gros mots.

3 Je me suis retourné vers elle mais elle n'était plus au même endroit. C'est

4 la dernière fois que je l'ai vue à la caserne.

5 Par la suite, en discutant avec les personnes dans la foule, j'ai

6 essayé de savoir ce qui les avait amenés en cet endroit, ce qui leur était

7 arrivé. J'ai discuté avec une femme en particulier. J'ai tenté d'obtenir

8 d'elle qu'elle me dise toute la vérité, mais elle avait très peur. Elle m'a

9 dit que des choses horribles s'étaient passées mais elle ne voulait pas

10 donner de précision. Elle a simplement dit que deux de ses frères avaient

11 été tués. J'ai découvert leurs noms par la suite. Ce sont les premiers noms

12 que j'ai sus et que j'ai notés.

13 Tous les 20 mètres environ, des gens en uniformes gris olive se

14 tenaient debout armés de fusils mais ne faisaient rien. Ils n'étaient pas

15 violents, ils tenaient leurs fusils les canons vers le bas.

16 Après avoir rencontré ces gens, nous sommes entrés dans le bâtiment

17 principal de la caserne, qui était à proximité. C'est là où M. Jankovic et

18 M. Abdic ont eu une réunion alors que je suis resté dans la salle à côté.

19 Les portes étaient ouvertes, j'ai cru que j'arriverais à entendre leur

20 conversation, mais ils parlaient à voix très basse et je n'ai pas pu

21 entendre quoi que ce soit.

22 De temps en temps, j'entendais M. Abdic dire : "Il faut que je

23 rencontre les réfugiés, que j'ai plus de contacts avec eux. Je voudrais

24 leur parler davantage." A un moment donné, on a dit à Abdic que Mme Biljana

25 Plavsic l'attendait dans la salle municipale, que tout le monde y était

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1 déjà réuni et ne faisait que l'attendre. Je ne sais pas s'ils ont parlé de

2 la salle municipale ou de la cellule de Crise à ce moment-là.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Margetts, je tiens compte de l'heure.

4 Il est presque 10 heures et demie. Si vous pouviez trouver dans les

5 quelques minutes qui viennent un bon moment pour faire une pause.

6 M. MARGETTS : [interprétation] Cela conviendrait très bien maintenant.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je demanderais d'abord à l'Huissier

8 d'accompagner le témoin pour qu'il puisse quitter le prétoire. Nous allons

9 faire une pause de 25 minutes.

10 [Le témoin se retire]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. Margetts, tout d'abord le texte

12 accompagnant la séquence vidéo de l'entretien avec Mme Plavsic, le texte ne

13 correspond tout à fait aux paroles prononcées. J'ai vérifié la cassette

14 audio en B/C/S, on pouvait entendre le texte B/C/S. Nous avons dans le

15 compte rendu d'audience, la version anglaise et la version française et le

16 version audio du B/C/S. Pour la prochaine fois, vous pourriez peut-être

17 veiller à ce que le texte soit visible, que l'on puisse lire le texte en

18 même temps que la séquence vidéo.

19 Puis, je pense que vous auriez pu être un petit peu plus prudent

20 concernant la question de la date, 3 au 8 avril, dire sans ambiguïté qu'il

21 s'agissait du 8 avril. C'était un peu excessif, je crois.

22 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Mme Loukas n'est pas

23 experte en écriture manuscrite ni moi-même. A ce que nous pouvons voir,

24 c'est que la date qui résulte du fax, la date imprimée est sans aucun doute

25 celle du 3 avril, à mon avis cela laisse tout ambiguïté.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Loukas a fait une remarque à ce

2 sujet, si vous insistez sur le fait que le texte est imprimé, peut-être

3 faudrait-il vous demander comment un texte où il est écrit que l'heure est

4 17 heures 50, comment ce texte aurait pu être envoyé à 16 heures 54, une

5 heure plus tôt. Cela appuie l'argument de Mme Loukas selon lequel les fax -

6 - bien sûr, peut-être que cela tient à la différence entre l'heure d'hiver

7 et l'heure d'été, ce serait logique, mais tout ce que j'essaie de dire

8 c'est qu'il n'est pas facile de tirer de telles conclusions et de les

9 présenter en tant que fait.

10 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

11 vos conseil. Je n'ai pas analysé en profondeur le texte, même pas de

12 manière aussi approfondie que vous-même.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je viens juste d'étudier le document,

14 rien de plus et simplement j'ai dit à Mme Loukas que le 8, dans la

15 traduction, n'est peut-être pas sans ambiguïté. En ce qui concerne

16 l'intitulé, il faudra l'étudier un petit peu plus avant. L'analyser

17 d'avantage.

18 Nous allons maintenant suspendre l'audience jusqu'à 11 heures moins

19 cinq.

20 --- L'audience est suspendue à 10 heures 32.

21 --- L'audience est reprise à 11 heures 01.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, veuillez, s'il vous

23 plaît, escorter le témoin dans le prétoire.

24 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.

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1 M. MARGETTS : [interprétation]

2 Q. Monsieur Omeragic, après que vous avez quitté la caserne, où

3 êtes-vous allés ?

4 R. Nous sommes partis en direction de la mairie où se trouvait la cellule

5 de Crise à Bijeljina. Nous sommes entrés dans le bâtiment. Il y avait de

6 journalistes qui attendaient à l'extérieur, alors que les autres se

7 trouvaient à l'intérieur du bâtiment. Je me souviens alors que tout le

8 monde essayait d'entrer dans le bâtiment, ils ont interdit l'accès, à

9 l'équipe de télévision de Sarajevo et moi-même on m'a interdit d'entrer.

10 Arkan était là, il était à côté de la porte et il disait qui pouvait entrer

11 et qui ne pouvait pas. Je suis resté dans le couloir, avec d'autres

12 personnes qui faisaient partie également de l'escorte de Mme Plavsic.

13 Q. Merci, Monsieur Omeragic.

14 M. MARGETTS : [interprétation] J'aimerais vous montrer la prochaine

15 séquence vidéo, et aussi vous montrer une photographie extraite de la vidéo

16 après qu'elle vous ait été montrée.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ceci est la pièce à conviction de

19 l'Accusation P588 et la transcription portera le numéro P588A.

20 [Diffusion de cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Ils ont été surpris. Vous pouvez vous asseoir ici. Ceci est ma place.

23 Bishop Kacevenda va venir également.

24 Bonjour, comment allez-vous ?"

25 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

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1 M. MARGETTS : [interprétation]

2 Q. Monsieur Omeragic, vous venez de dire à la Chambre que vous avez été

3 exclu de cette pièce. Est-ce qu'on le voit dans la séquence vidéo ?

4 R. Me voilà. Je suis la personne la plus grande, à côté de la porte. Une

5 minute plus tard, Arkan s'est approché de moi et m'a dit de quitter la

6 pièce, et que je ne pouvais assister à la réunion.

7 Q. Est-ce que votre collègue, Nenad Zamfirovic, était présent ? S'il était

8 présent, lui a-t-on permis d'entrer dans la salle ?

9 R. Je crois qu'on lui a permis d'entrer. Les seules personnes qui étaient

10 restées à l'extérieur, c'était moi-même, le général Golubovic et l'équipe

11 de télévision de Sarajevo.

12 Q. A quelle organisation était associé M. Zamfirovic ?

13 R. Il travaillait régulièrement comme correspondant pour Slobodna Bosna,

14 en tant que correspondant de Belgrade. C'était un journaliste très respecté,

15 et nous le respections en tant que collègue, bien évidemment.

16 Q. De quelle appartenance ethnique était M. Zamfirovic ?

17 R. Nenad Zamfirovic était un Serbe.

18 Q. Vous avez mentionné auparavant que vous avez attendu à l'extérieur,

19 dans le couloir. Pourriez-vous décrire à la Chambre pendant combien de

20 temps vous étiez à l'extérieur de l'hôtel de ville, et pourriez-vous dire

21 quels ont été les événements qui se sont déroulés alors que vous étiez à

22 l'extérieur ?

23 R. Je vous demande de m'excuser. Je voudrais ajouter simplement que

24 derrière la porte ici, il y avait un couloir où se trouvaient plusieurs

25 d'entre nous. C'était une antichambre de deux mètres 50 sur deux mètres. Il

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1 y avait Vladisavljevic, je crois, et je crois que son nom de famille,

2 c'était Golubovic. Nous attendions la fin de la réunion qui a duré quelque

3 35 minutes.

4 Alors que nous attendions dans cette pièce, un des soldats d'Arkan est

5 arrivé. Il portait un uniforme noir, et ce qu'ils appellent la casquette

6 d'Arkan, une casquette noire. Celui-ci a demandé à Golubovic qui il était.

7 Golubovic a répondu qu'il était un journaliste de la télévision de Sarajevo.

8 Cet homme d'Arkan lui a demandé s'il s'agissait de la télévision d'Alija et

9 a dit des choses pour humilier le journaliste.

10 Les deux hommes qui étaient avec lui portaient des uniformes verts, vert

11 olive. Les hommes d'Arkan ont dit à ces des hommes d'emmener Golubovic, ce

12 qu'ils ont fait; cependant, il y a cette personne qui a couru vers Arkan ou

13 plutôt vers les hommes d'Arkan qui leur a chuchoté quelque chose à

14 l'oreille. Je vous parle de ceux qui escortaient Mme Plavsic. Je n'ai pu

15 que comprendre le nom Kukanjac.

16 Ensuite, les hommes d'Arkan ont dit : "Ne me mentionnez pas ce nom-là.

17 C'est encore pire que ce que vous avez dit avant." Deux ou trois personnes

18 ont descendu les escaliers en courant et ont sorti les journalistes. Les

19 hommes d'Arkan sont revenus immédiatement, ils se sont approchés de moi, et

20 ils m'ont demandé de leur montrer un document d'identité après m'avoir

21 demandé qui j'étais.

22 Je ne savais pas ce qui se passait. Il m'a regardé dans les yeux, et je

23 voyais que ses yeux étaient grands ouverts, très grands ouverts. Par la

24 suite, quelqu'un m'a dit qu'il avait pu être drogué, parce qu'il avait le

25 blanc des yeux qui ressortait.

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1 J'ai répondu que je n'avais pas de document d'identité sur moi, que j'étais

2 l'escorte de M. Abdic et que mes papiers se trouvaient dans la voiture. Il

3 a dit aux deux autres de m'emmener. Ils m'ont pris sous les bras, et

4 ensuite, un homme d'aspect aimable, qui était l'escorte de Prascevic, qui

5 était aussi grand que moi mais qui semblait plus fort que moi, plus costaud,

6 a dit : "Laissez cet homme en paix. Pourquoi voulez-vous l'ennuyer ?"

7 Ensuite, ils lui ont demandé à lui qui il était, et ce qu'il voulait. Je

8 crois qu'il a utilisé un terme dérogatoire, parce que cet homme portait un

9 uniforme vert et ensuite, je crois qu'il y a eu une altercation entre les

10 deux. Il a craché. Les deux autres hommes, dont l'un d'eux s'appelait Peda

11 Pedja [phon], me tenaient sous les bras. Ensuite, ils se poussaient l'un

12 l'autre, demandant l'un à l'autre : Alors, à quelle armée appartiens-tu ?

13 Et toi ? Il y a eu une altercation entre les deux. Evidemment, il y avait

14 une certaine hostilité dans l'air. Ensuite, l'un d'eux a sorti un pistolet,

15 l'a pointé ou l'a placé sur ma tempe, et je lui ai dit : "Mais range cela.

16 Tu pourrais tirer par inadvertance."

17 A ce moment-là, probablement attiré par le bruit que nous faisions, Arkan

18 est apparu à la porte et a demandé : "Qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce

19 que c'est tout ce raffut ?"

20 En ce faisant, je crois qu'il m'a sauvé, parce que les deux autres hommes

21 m'ont relâché. Ils se sont détendus. Arkan a fait un mouvement de la tête

22 semblant nous indiquer de partir. Les hommes d'Arkan, les deux autres, ont

23 disparu. Je me suis tourné vers Predrag, et j'ai dit : "Mais qu'est-ce

24 qu'ils ont, ces hommes ? Quel est leur problème ?" Je l'ai remercié.

25 Je n'étais pas conscient de la gravité de la situation à l'époque. Ce n'est

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1 que plus tard que j'ai été effrayé par ces événements.

2 Q. Merci, Monsieur Omeragic.

3 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais montrer

4 la prochaine séquence vidéo qui figure sur la liste des pièces à conviction,

5 qui est la pièce V0001462, qui commence à 1 heure 55 et 12 secondes. Il y

6 aura une photographie extraite de cette vidéo qui sera montrée à la suite.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, vous voulez bien

8 donner un numéro.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ce sera la pièce de conviction de

10 l'Accusation P589 et la transcription portera le numéro P589A.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, pourriez-vous

12 préparer les numéros de toutes les pièces à conviction et les

13 transcriptions à donner à la greffière pour que la distribution puisse en

14 être plus efficace.

15 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demande de

16 m'excuser de ce manque d'efficacité. En fait, ceci sera la dernière

17 transcription.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'arrive toujours un petit peu en retard.

19 Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

20 [Diffusion de la cassette vidéo]

21 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

22 "Comment était votre voyage ? Vous avez fait bon voyage ?

23 Abdic : Excellent depuis 6 heures ce matin, je n'ai fait que me raser, je

24 suis allé directement au travail. D'abord, je suis allé à Mostar, et de

25 Mostar à Derventa, puis de retour vers Tuzla.

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1 Arkan : "Et l'autre général, le commandant du 2e District ne pouvait-il pas

2 venir ?

3 Général : "Non, il ne pouvait pas à cause de ses engagements, de ses

4 affaires.

5 Arkan : Des affaires ?

6 Mme Plavsic : Puisque je suis responsable de présider cette réunion,

7 voulons-nous attendre l'évêque ?

8 Probablement Simic : Non, ce n'est pas nécessaire le représentant de

9 la cellule de Crise a expliqué --

10 Mme Plavsic : Non, je ne veux pas expliquer la situation.

11 Simic : Pour ce qui est du protocole, au sujet de cette réunion --

12 Plavsic : "Bien, bien. Quelqu'un a dit que quelqu'un devrait présider

13 cette réunion, plutôt quelqu'un d'autre l'a dit.

14 Probablement Simic : Ceci est probablement une réunion informelle,

15 n'est-ce pas ? Alors, essayons de nous familiariser.

16 Arkan : Ce sont des Serbes ?

17 Le journaliste : "Arkan montre des photographies de Serbes qui ont

18 été tués.

19 Oui, ce sont des photographies de Serbes qui ont été tués mais la

20 télévision de Sarajevo, et vous aussi, les avez présentés comme s'il

21 s'agissait de Musulmans qui ont été tués.

22 Vous n'avez rien contre le public ?

23 Non, rien. Bien, si les journalistes ont terminé, nous avons le

24 chiffre, nous avons tout. Garde volontaire serbe, c'était une bonne

25 information.

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1 Abdic : Etant donné l'information, il y a beaucoup d'informations qui

2 manquent, pas ceci en particulier. Mais ce serait très bien de vérifier

3 toutes les sources d'informations. La manière de sortir de nos difficultés,

4 c'est d'avoir une information précise.

5 Arkan : Oui. Mais ceci, ce mitrailleur a été fabriqué pour les

6 Musulmans. Il est peint en vert. Normalement, les pistolets automatiques et

7 les mitraillettes sont noirs. Ceci a été fait en vert spécialement pour les

8 Musulmans, il a été fait en Croatie. C'est toujours la même histoire, les

9 Oustachi sont venus en Bosnie-Herzégovine pour fabriquer ceci avec l'aide

10 des Musulmans extrémistes. C'est cela l'histoire. Ceux-ci ce sont les

11 carreaux des Oustachi --

12 Abdic : La première information que nous avons, mais il ne faut pas

13 l'évaluer.

14 Arkan : Non, non. C'est tout ce que je vous dis.

15 Abdic : C'est une information; pas une évaluation, non, pas à

16 l'avance. Nous allons évaluer ceci après avoir discuté ceci et vérifié que

17 toute l'information que nous avons, et ce que nous avons.

18 Arkan : M. Fikret a dit très clairement qu'il s'agissait

19 d'extrémistes musulmans, c'est-à-dire que ce sont des personnes

20 d'appartenance ethnique importée qui ont travaillé dans des boulangeries,

21 et cetera, qui étaient armés et prêts à subjuguer les Serbes encore une

22 fois. Il est important de noter ceci, tous les événements qui servent la

23 cause serbe.

24 Une voix d'homme : Nous sommes d'accord pour aller en Bosnie."

25 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

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1 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, alors que cet extrait

2 de la vidéo est montré, Monsieur le Président était un peu en avance quand

3 il a fait ceci. J'ai été informé par le substitut d'audience que nous avons

4 encore une vidéo à montrer à la fin du témoignage du témoin, donc nous

5 allons en distribuer la transcription.

6 Q. Monsieur Omeragic, est-ce que vous voyez cette photographie extraite de

7 la vidéo ? Est-ce que vous reconnaissez l'homme au centre qui porte une

8 veste noire avec la main tendue ?

9 R. Cela, c'est l'homme que j'ai vu à Bijeljina avec les cheveux bouclés et

10 le bras tendu. Je crois qu'il est écrit Simic ici, mais je crois que c'est

11 Ljubisa Savic. A l'époque, dans le compte rendu que j'ai écrit à la suite

12 de ma visite, je crois que c'est l'homme qui a mis son pistolet sur ma

13 tempe et quelqu'un m'a chuchoté que c'était peut-être Mauzer; mais plus

14 tard il a été établi que cet homme c'était Ljubisa Savic, Mauzer.

15 J'aimerais mentionner le contexte dans lequel je l'ai rencontré ici. Il y

16 avait un homme qui était membre de la Défense territoriale qui portait un

17 uniforme vert qui a laissé tombé un fusil alors même que nous quittions

18 l'hôpital. Le son de l'arme, qui est tombée, a résonné, alors Arkan s'est

19 approché, l'a giflé, lui a dit de s'éloigner parce qu'on ne pouvait même

20 pas l'appeler un soldat. Il a dit aux autres qu'il faudrait lui enlever son

21 uniforme tout de suite et le démobiliser.

22 Alors que nous étions sur le point de partir, nous étions à l'extérieur du

23 bâtiment municipal de l'hôtel de ville, cet homme Ljubisa Savic jouait avec

24 la baïonnette. Il était juste devant moi, et sa baïonnette est tombée par

25 terre, Arkan s'est tourné vers lui. Cet homme a rougi et tout le monde, y

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1 compris moi-même, s'attendait à ce qu'Arkan fasse quelque chose de terrile.

2 Mais il a seulement dit à l'homme de ramasser sa baïonnette. Il est évident

3 que cet homme Ljubisa Savic, Mauzer, détenait une position qui était

4 relativement différente de celle d'un soldat ordinaire.

5 Q. Merci, Monsieur Omeragic. Je fais référence à la séquence vidéo que

6 vous venez de voir. Vous avez vu qu'Arkan présente un fusil mitrailleur

7 vert à Abdic, et qu'il informe Abdic que la garde volontaire serbe avait de

8 bonnes informations. Abdic répond à cette mauvaise observation que toute

9 source doit être vérifiée. Arkan a ensuite dit que la mitraillette a été

10 fabriquée en Croatie pour les Musulmans. Arkan continue en disant la chose

11 suivante : "Il est très clair que des extrémistes musulmans, c'est-à-dire

12 des Albanais importés qui travaillent dans des boulangeries ont été armés

13 tous et étaient prêts à subjuguer le peuple serbe encore une fois."

14 Lorsque vous étiez à Bijeljina, est-ce que vous avez vu quoi que ce soit

15 qui soutenait la thèse d'Arkan comme quoi des extrémistes musulmans étaient

16 prêts à subjuguer le peuple serbe ?

17 R. Non, rien. Je n'ai pas vu de fusils mitrailleurs verts qui tendraient à

18 indiquer que les musulmans étaient prêts à faire quoi que ce soit de

19 néfaste à leurs voisins serbes ou à les subjuguer.

20 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais montrer au

21 témoin les prochaines pièces à conviction et il s'agit de deux

22 photographies qui sont les pièces à conviction P294A et P294B.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le faire, Monsieur Margetts.

24 M. MARGETTS : [interprétation]

25 Q. Monsieur Omeragic, je vois que vous avez des photographies devant vous,

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1 et celle qui se trouve le plus à votre gauche, c'est la photographie qui

2 porte le numéro 08 dans le coin supérieur droit.

3 Pourriez-vous regarder les soldats sur cette photographie et dire à

4 la Chambre si vous avez vu des hommes qui portaient les uniformes que

5 portent ces soldats sur cette photographie, alors que vous étiez à

6 Bijeljina ?

7 R. Certains portaient peut-être des uniformes comme celui-ci, mais

8 ceux que j'ai vus portaient tous des uniformes noirs. Il y avait l'insigne

9 du tigre, la gueule ouverte et il était écrit en dessous "Garde des

10 volontaires serbes."

11 Q. Le soldat qui apparaît, sur le point de donner un coup de pied, est-ce

12 que vous reconnaissez l'insigne qu'il porte sur son bras droit ?

13 R. Je vois l'insigne sur son bras droit. Il s'agit d'un signe des Tigres

14 d'Arkan, l'emblème dans les trois couleurs qui, je crois, représentent le

15 drapeau yougoslave sans l'étoile à cinq branches. Je crois qu'il y a là

16 également le signe d'un tigre, la gueule ouverte.

17 Q. Monsieur Omeragic, avez-vous vu des hommes en camouflage alors que vous

18 étiez à Bijeljina ?

19 R. Je ne me souviens pas d'avoir vu une différence dans les couleurs des

20 uniformes. Je ne me souviens pas s'il y en avait mais la plupart des

21 soldats portaient des uniformes noirs avec également l'insigne de la Garde

22 des volontaires serbes.

23 Q. Quand vous étiez à Bijeljina, est-ce que vous pouviez faire une

24 différence entre les différents groupes militaires ou est-ce que vous

25 considériez tous les militaires comme faisant partie d'un seul et même

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1 groupe ?

2 R. Il y avait trois types d'uniformes. Il y avait ceux que portaient les

3 hommes d'Arkan, qui étaient noirs. Certains d'entre eux avaient peut-être

4 des uniformes de camouflage également. Je ne sais pas combien d'entre eux,

5 il y avait en pourcentage relatif. Il y avait des hommes d'Arkan, qui

6 portaient des uniformes noirs avec l'insigne, l'insigne avec le tigre.

7 Ensuite, il y avait la Défense territoriale qui portait ces anciens

8 uniformes, vert olive. Puis, il y avait ceux qui portaient des uniformes

9 d'un vert plus foncé, qui étaient des membres de la JNA. Ces uniformes

10 étaient un petit peu différents, ils étaient d'un autre vert, un vert plus

11 foncé.

12 Q. Monsieur Omeragic, la photographie extraite de la vidéo de la réunion

13 dans le bâtiment municipal apparaît encore à votre écran. Est-ce que vous

14 pouvez regarder des soldats dans cet extrait, qui vient de la pièce à

15 conviction P589 et me dire si vous avez vu des hommes en uniforme, tels

16 qu'ils apparaissent ici à l'écran.

17 R. Je ne vois pas. Ce ne sont pas les mêmes uniformes que ceux que j'ai

18 vus. Les uniformes que j'ai vus étaient tout noirs. En fait non. Le seul

19 uniforme de ce type, dont je me souviens, est un que j'ai vu porté par

20 l'homme à l'entrée du bâtiment de Radio Bijeljina. C'était le seul uniforme

21 de camouflage que je me souviens d'avoir vu. J'en ai peut-être vu d'autres

22 mais je ne m'en souviens pas.

23 Q. Au moment où Arkan vous a fait sortir du bâtiment de la municipalité,

24 est-ce que vous savez quel uniforme portait-il, lui ? Est-ce que nous

25 pouvons revenir sur cette partie ?

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1 R. C'est bien le bon homme, c'est bien le moment. C'est cet uniforme mais

2 je l'ai vu ensuite en uniforme noir. Je me demande comment il se changeait

3 et pourquoi. Je l'ai vu en uniforme noir. Quand nous revenions de la visite

4 à l'hôpital et dans les appartements, je ne sais pas comment, quand il a eu

5 le temps de se changer, je ne sais pas.

6 Q. Monsieur Omeragic, pour que cela soit plus clair pour la Chambre, nous

7 avons vu un enregistrement vidéo, où l'on a vu Arkan en uniforme. Je ne

8 vous demande pas de dire à la Chambre ce que vous avez vu sur la vidéo,

9 mais de relater à la Chambre, sur la base des événements de 1992, selon

10 votre mémoire quel uniforme était porté par Arkan. Est-ce que vous vous en

11 souvenez dans cet uniforme que vous voyez sur la vidéo, ou alternativement,

12 vous vous en souvenez dans un autre uniforme ?

13 R. Il m'est resté dans la mémoire comme j'étais à un mètre et demi

14 derrière Arkan, dans ma mémoire est resté gravé un uniforme noir qu'il

15 portait. Cela j'ai bien retenu. Il revêtait un uniforme noir. Je ne sais

16 pas pourquoi et quand il se changeait, mais c'est ce dont je me souviens.

17 Q. Allons revoir la photo qui est à votre gauche et qui dans son coin

18 supérieur gauche porte le numéro 08. Les personnes, qui ici semblent être

19 victimes, sont des personnes en civil. Est-ce que cette prise de vue répond

20 aux informations que vous aviez eues sur les événements survenus à

21 Bijeljina ?

22 R. Oui. Les informations que je recevais, c'étaient des informations sur

23 des personnes tuées. Il y avait donc des femmes.

24 Q. J'ai terminé avec cette photo, et maintenant nous allons poursuivre

25 avec le tour de la ville.

Page 12012

1 Après l'événement devant le bâtiment de la municipalité, est-ce que

2 vous avez fait le tour de Bijeljina et si oui, en compagnie de qui avez-

3 vous fait cette visite de la ville ?

4 R. Il y avait une délégation, Mme Plavsic, Fikret Abdic, et Arkan. Cette

5 délégation était conduite par Arkan. On a traversé une allée, on a passé à

6 côté d'une mosquée dans un parc, ensuite on est allé dans l'hôpital de la

7 ville pour voir les personnes blessées, pour les visiter.

8 Après un certain temps, je me souviens que nous avons traversé une allée

9 avec des arbres, et nous avons débouché sur une rue. La délégation ensuite

10 est entrée dans un bâtiment, dans une pièce. Je ne pouvais pas voir quelle

11 était la taille de cette pièce. Je restais à la porte pour éviter que les

12 gens s'entassent sous la porte. Ils entraient dans une chambre, dans deux

13 ou trois chambres encore. Eux, ils entraient. Je restais à la porte. Il y

14 avait à côté de la porte, d'autres personnes et des journalistes.

15 A un certain moment, j'ai remarqué dans une de ces chambres une fille

16 couchée sur son estomac. Je suis rentré, j'ai vu qu'elle était blessée au

17 dos. Je lui ai demandé ce qui s'était passé. Elle me regardait, peut-être

18 s'apprêterait-elle pour me dire quelque chose. J'ai essayé de la détendre,

19 peut-être même pas une demi-minute. A ce moment, j'ai remarqué dans une

20 petite partie de mon champ de vision, que quelqu'un était rentré. Je lui ai

21 demandé : "Comment vas-tu ? Est-ce que tu vas bien ?" Elle a murmuré

22 quelque chose, essayant de me dire qu'elle était blessée.

23 La personne qui était entrée, c'était un combattant d'Arkan armé. Eux, ils

24 gardaient un contrôle complet sur toutes ces personnes, sans faute, sans

25 aucune erreur, sans faille. C'était une organisation parfaite.

Page 12013

1 A ce moment-là, j'ai quitté cette pièce, et nous nous sommes dirigés vers

2 des bâtiments. Je me souviens que nous étions entrés dans un bâtiment.

3 Alors Arkan a demandé : "Est-ce que la vieille femme est là ? La vieille

4 femme qui a été tuée ?" Nous sommes montés deux ou trois étages. Nous

5 sommes rentrés dans un appartement, et c'est là qu'on m'a dit qu'il y avait

6 une vieille femme, Mirjana - je ne me souviens plus de son nom de famille -

7 qui a été tuée par une balle au hasard, qui ne lui était pas destinée. Là,

8 il y avait quelques personnes en habits noirs. Nous avons vu le cercueil

9 qui m'apparaissait énorme. Nous avons rencontré des personnes en habits de

10 deuil. C'est ce qu'on revêt quand quelqu'un est mort.

11 Nous sommes descendus ensuite un étage ou deux. Arkan a frappé à la porte,

12 et je me souviens que sur la porte il y avait le nom de Gruhinic [phon]. Je

13 me souviens de cette personne. C'était Asim Gruhinic, un vieil homme, un

14 homme très beau. Cela n'a pas importance. Au moment où il a frappé, un

15 jeune homme, un joli garçon est sorti d'un autre appartement, âgé entre 20

16 et 30 ans. Il avait dans ses bras un bébé. Il a dit alors, il était déçu,

17 il a dit : "Vous voyez ce qui nous arrive. Pourvu qu'il y ait la paix."

18 C'est à Fikret Abdic qu'il s'adressait en portant son bébé.

19 Il a dit qu'il s'appelait Mirza. Je lui ai demandé ensuite comment

20 s'appelait son fils, et il disait : "Mirza aussi." Il disait à Fikret

21 Abdic : "Pourvu qu'il y ait la paix. Même si cela doit être la Serbie ou

22 n'importe quoi. Tout ce que je demande, c'est que mes enfants soient

23 vivants." Il nous demandait rien.

24 Ensuite, nous sommes sortis. Nous rentrions vers le bâtiment de la

25 municipalité. A un certain moment donné, Fikret Abdic avait demandé de

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1 rentrer dans la mosquée, dans le parc. Arkan a dit : "Il n'y a pas de

2 problème."

3 Q. Monsieur Omeragic, nous avons déjà traité de la question de la mosquée.

4 Si vous pourriez poursuivre en décrivant les événements de votre retour

5 vers le bâtiment de la municipalité. Aussi, si je peux vous rappeler que

6 nous avons déjà décrit la rencontre avec le journaliste Vlado Mrkic. Est-ce

7 que vous pouvez décrire à la Chambre ce qui est arrivé lors de votre retour

8 vers le bâtiment de la municipalité, si vous avez parlé encore à d'autres

9 personnes.

10 R. Entre l'hôpital et la visite des appartements, une personne est apparue,

11 une personne âgée, aux cheveux gris. Je crois qu'il était complètement

12 édenté, probablement de la vieillesse. Il a commencé en ce moment-là à me

13 parler des personnes tuées. Il m'a parlé de certaines exécutions. Je pense

14 qu'il a mentionné certaines personnes, si je me souviens bien, un Albanais,

15 un boucher, un certain Dzevad Osmanovic, des personnes qui avaient été

16 tuées. Il me parlait en général qu'ils ne laissaient pas de blessés parce

17 qu'à l'hôpital, j'avais demandé : Où sont les blessés ? Je voudrais les

18 voir parce qu'ils s'étaient entassés dans deux pièces pour discuter.

19 Probablement cela leur a rappelé que je m'intéressais à cette question.

20 Alors, il m'a rejoint, et à l'espace d'une trentaine de pas, il m'a raconté

21 tout un tas d'histoires. Je crois avoir essayé de noter quelque chose, j'ai

22 oublié, mais je me souviens du visage de cet homme qui me donnait des noms

23 des personnes tuées.

24 Après quoi, dans la continuation de notre déplacement, on a entendu

25 des coups de feu. Les gens se sont cachés, Abdic, Mme Plavsic, dans un

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1 garage en attendant que les coups de feu passent. On nous a dit que le

2 tireur embusqué se trouvait sur le minaret de la mosquée. Après quelques

3 minutes, j'ai entendu qu'on rapportait à Arkan que ce tireur avait été

4 neutralisé.

5 Q. Monsieur Omeragic, est-ce que nous pouvons revenir à l'hôpital. Outre

6 ce que vous avez remarqué à propos de la fille blessée, est-ce que vous

7 avez informé M. Abdic ou quelqu'un d'autre sur d'autres personnes blessées

8 dans cet hôpital, et qui auraient pu s'y trouver ?

9 R. Non. Vraiment, je ne me souviens pas lui avoir parlé.

10 Q. Est-ce que vous avez été informé par quelqu'un qui vous aurait dit que

11 quelqu'un aurait été blessé par une balle ou autrement, et si ces blessés

12 se trouvaient à l'hôpital ?

13 R. Je ne me souviens pas.

14 Q. Est-ce que vous avez parlé aux docteurs pendant votre visite à

15 l'hôpital ?

16 R. Oui. Il y avait un docteur, un peu dodu. Il parlait très haut. Il

17 conduisait la délégation, et à quelque deux ou trois mètres, je lui ai

18 demandé s'il y avait des blessés à qui je pourrais parler parce que j'étais

19 là pour parler aux personnes blessées, pour leur demander comment elles ont

20 été blessées. Il m'a lancé un petit regard, s'est retourné et est reparti.

21 Je ne savais pas de quoi il s'agissait, mais je ne pouvais pas avoir une

22 quiconque information sur le blessé.

23 Q. Est-ce qu'à un certain moment donné vous vous êtes rendu dans la Radio

24 Bijeljina et si oui, qu'est-ce que ce qui s'est passé lors de cette visite

25 ?

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1 R. Tout de suite après cette visite à l'hôpital et aux appartements, nous

2 sommes tout de suite partis dans les locaux de Radio Bijeljina, qui était

3 juste à côté, où on leur avait annoncé qu'il y aurait des visiteurs parce

4 que Fikret Abdic avait demandé de pouvoir s'adresser à la population par la

5 radio. Ils sont montés sur l'étage et, je suis resté en bas, renseigné par

6 l'expérience préalable qu'on m'empêcherait de rentrer. Il y avait là un

7 garde, un militaire. Ce garçon portait un uniforme de camouflage.

8 A côté de ce soldat bien vêtu, il y avait un petit poste de radio, un

9 transistor. Alors, je suis montré à l'étage où se trouvait le studio.

10 Devant le studio, il y avait moi, et l'accompagnateur de M. Abdic. Il y

11 avait la fenêtre, comme dans tous les studios, qui permet de voir

12 l'intérieur du studio depuis la régie. J'ai vu que M. Fikret Abdic parlait

13 au téléphone, qu'il discutait avec quelqu'un et, en même temps, j'entendais

14 la musique. Comme j'avais travaillé à la radio, très peu de temps, mais je

15 connais la technique. J'ai entendu la musique qui devait accompagner

16 l'entretien de M. Abdic, donc j'entendais la musique et je n'entendais pas

17 M. Abdic parler avec ces gens. Alors je suis descendu et j'ai demandé au

18 garde de me prêter son transistor, ce garçon d'Arkan et que je le lui

19 rendrais. Très aimablement, il me l'a donné.

20 Alors je suis monté comme Abdic, à plusieurs reprises, avait fait

21 preuve d'une méfiance à mon égard. J'ai trouvé cette musique, donc un

22 instrumental, j'ai dit : "Tu vois maintenant il parle." J'ai dit à son

23 gardien : "Il parle, alors on n'entend pas, il n'est pas sur les ondes."

24 Parce que j'avais ce soupçon. Celui-ci s'est rendu compte, il a réagi à peu

25 près en me disant : "Tu n'es pas obligé de le dire." J'ai rendu le

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1 transistor au garçon, et je ne sais plus ce qui s'est passé dans la station

2 de radio. Je croyais que M. Abdic n'a pas du tout pu parler.

3 Il avait préparé un discours, un discours que je n'ai jamais

4 entendu. Mais je n'ai pas, -- même si on m'a dit plus tard, plus tard on

5 m'a dit qu'on avait entendu Abdic à la radio, je me demande bien comment,

6 mais --

7 M. MARGETTS : [interprétation] Je vous demande, Monsieur l'Huissier, de

8 soumettre au témoin la nouvelle pièce à conviction.

9 Q. Monsieur Omeragic, je voudrais vous rappeler qu'avant, durant votre

10 déposition un peu hors de la chronologie, nous nous étions occupés de votre

11 retour dans la municipalité à la fin de la visite de la ville et de

12 l'entretien que vous avez entendu entre les différents membres de la

13 délégation. De même, nous nous étions occupés des adieux échangés entre

14 Arkan et Mme Plavsic. Vous nous avez fait part de vos remarques en réponse

15 à la question de l'Honorable Juge Hanoteau concernant les rapports entre

16 les différents membres de la délégation et les différentes personnes qui y

17 étaient présentes.

18 A propos de cette pièce à conviction, je voudrais attirer votre

19 attention sur le paragraphe 4, plus exactement sur les quelques premières

20 phrases du 4e paragraphe. Je dois dire que c'est le rapport journalier

21 opérationnel qui aurait été envoyé par le général Savo Jankovic daté du 4

22 avril 1992.

23 Voici le quatrième paragraphe : "La situation sur le territoire est

24 très complexe. Bijeljina est sous le contrôle du SDS et des hommes d'Arkan

25 qui ne permettent même pas à nos blindés de sortir en ville sur les points

Page 12018

1 précis. Dans la caserne et dans le rayon de la coopérative, il y a quelque

2 3 000 réfugiés. Dans la caserne à Bijeljina, vers midi une équipe de la

3 présidence de Bosnie-Herzégovine et avec à la tête Fikret Abdic et Biljana

4 Plavsic est venue et avec le commandant du 17e Corps d'armée de la 2e Région

5 militaire."

6 Monsieur Omeragic, est-ce que ce passage du rapport répond à vos

7 remarques quant à ceux qui contrôlaient Bijeljina à ce moment-là ?

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection.

9 S'agissant des quelques conclusions qui puissent être tirées de la pièce

10 qui est soumise au témoin, quant à savoir qui a contrôlé ou pas contrôlé la

11 ville, c'est quelque chose sur quoi devrait conclure la Chambre. On demande

12 au témoin de commenter un document qu'il n'avait jamais vu auparavant. Dans

13 certaines circonstances cela pourrait être acceptable, mais non pas

14 s'agissant des questions fondamentales telles que qui contrôlaient la

15 ville. On aiderait mieux la Chambre en laissant le témoin tirer des

16 conclusions lui-même sans demander au témoin de dire si quelque chose

17 répond ou non à ses remarques.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Margetts, j'avais quelques

19 questions à ce propos, mais j'ai préféré ne pas vous interrompre. Puisque

20 j'ai des questions concernant cette partie du témoignage, je vais les poser

21 au témoin pour voir ce qu'il a à nous dire.

22 Monsieur Omeragic, je voudrais vous poser quelques questions afin que nous

23 puissions avoir de nouvelles clarifications concernant les personnes que

24 vous avez décrites et qui se trouvaient dans la caserne. Est-ce que vous

25 pourriez nous dire d'une façon plus concrète de quel sexe étaient les

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1 personnes dans la foule ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agissait

3 généralement de femmes entre deux âges ou de femmes âgées, ainsi que des

4 enfants et des hommes âgés. Il n'y en avait pas beaucoup d'hommes qui

5 auraient d'un âge mur ou des hommes jeunes. Donc il y avait des enfants,

6 des femmes plus ou moins âgées et des personnes âgées en général.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez ainsi répondu à ma seconde

8 question qui concernait l'âge de ces personnes.

9 Troisième question. Avez-vous remarqué quoi que ce soit qui vous

10 permettrait d'identifier leur appartenance ethnique.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, à vrai dire non.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc ils auraient pu être Serbes,

13 Croates et Musulmans ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, ils auraient pu.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous aviez l'impression

16 qu'ils pouvaient se déplacer librement, qu'ils pouvaient partir ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] A propos de leur appartenance ethnique, j'ai

18 entendu le général Jankovic qui disait : "Nous avons ici un groupe mixte,"

19 à Patkovaca, nous n'avons que les Bosniaques, alors qu'ici, il y a

20 Bosniaques et Serbes. C'est alors que M. Jankovic, le général a dit, il a

21 expliqué alors qui était présent dans cette foule de personnes, c'était des

22 gens apeurés qui avaient un problème et qui ont cherché à trouver un abri

23 dans cette caserne.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, ils se sont réfugiés dans cette

25 caserne. Est-ce que c'est aussi, la réponse à ma question s'ils étaient

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1 libres de repartir ? Est-ce qu'ils étaient gardés, est-ce que qu'il y avait

2 des gardiens ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il y avait des personnes armées autour, à

4 une vingtaine de mètres, mais ils n'étaient pas menaçants avec leurs armes.

5 Leurs armes étaient braquées par terre. Ces personnes armées ne se mêlaient

6 dans rien. Ils étaient, au total, peut-être une quinzaine, c'était des

7 militaires de la JNA, des soldats. Je n'avais pas remarqué que ces gens

8 étaient forcés de rester là. Ils étaient venus pour chercher une protection.

9 Le général Jankovic a dit qu'on leur avait donné à manger. On sentait, dans

10 les conversations qu'on a eu avec eux, qu'ils étaient venus demander une

11 protection parce que c'était très dangereux dans les rues.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous avez témoigné que M. Fikret

13 Abdic avait dit qu'il voulait rencontrer les réfugiés. Je n'ai pas très

14 bien compris votre témoignage. J'ai compris effectivement que Fikret Abdic

15 était en votre compagnie, qu'il considérait que ces personnes-là n'étaient

16 pas des réfugiés ou s'attendait-il à ce que les réfugiés fussent à un

17 endroit différent. Est-ce que vous pouvez clarifier ce dilemme ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces personnes avaient dû quitter leurs maisons

19 pour chercher refuge dans une caserne à 8, à 10 kilomètres. Je ne sais pas

20 comment c'était pour M. Abdic, mais pour moi, c'était des réfugiés, c'était

21 des personnes qui avaient dû quitter leurs foyers pour se cacher ailleurs,

22 si j'ai bien compris votre question, Monsieur le Président. Dès qu'on

23 quitte son chez-soi, on dit réfugié, dans notre langue, c'est comme cela.

24 Quand quelqu'un est obligé de quitter son chez-soi, il est réfugié.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, quand M. Abdic a dit : "Je veux

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1 rencontrer les réfugiés," lui il a fait face à ce groupe de personnes que

2 lui et vous considériez comme réfugiés ?

3 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

5 M. Margetts, vous pouvez poursuivre. Est-ce que vous avez des réactions à

6 l'objection de Mme Loukas ?

7 M. MARGETTS : [interprétation] Non, je vais retirer cette question. Ceci

8 dit, nous proposons cette pièce comme pièce à conviction qui a été

9 utilement considérée dans le contexte du témoignage de ce témoin.

10 Q. Monsieur Omeragic, est-ce que vous êtes parti à Tuzla --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de poursuivre, je demande au

12 Greffe de nous donner la cote.

13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] C'est la pièce de l'Accusation P590.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, Maître Margetts.

15 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

16 Q. Monsieur Omeragic, après votre visite à Bijeljina, -- non je retire

17 cette question.

18 En début de votre description de la visite de la ville, vous avez dit

19 que Fikret Abdic, Biljana Plavsic et Arkan se trouvaient dans ce groupe.

20 Est-ce que vous êtes resté en leur compagnie pour le restant de la visite

21 de la ville, y compris la visite de l'hôpital et des appartements ?

22 R. Oui, j'étais avec eux, j'ai été à l'hôpital, j'ai été dans les

23 appartements. C'est après cette visite que vient la visite de M. Fikret

24 Abdic, la brève visite à la radio, à Radio Bijeljina - Semberija Majevica -

25 donc une radio locale, après quoi nous sommes revenus devant le bâtiment de

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1 la mairie où se trouvait aussi la cellule de Crise.

2 C'est là que plusieurs choses sont survenues. Si ma mémoire est bonne, il y

3 avait là aussi un rapport de M. le général Prascevic, l'échange de baiser

4 entre Mme Plavsic et Arkan et, après un laps de temps, cette demande qu'on

5 laisse la ville à la JNA.

6 Q. Oui, Monsieur Omeragic, je crois que nous nous sommes déjà occupés de

7 cette question. J'ai une question très concrète par rapport à ce que vous

8 venez de dire devant cette Chambre et peut-être qu'implicitement cela a

9 déjà été dit dans votre déposition, mais non explicitement. Voilà de quoi

10 il s'agit : vous vous souvenez avoir été en compagnie d'Arkan, Plavsic et

11 Abdic en visitant les différents endroits. En voyant les différentes

12 personnes qui vous ont parlé comme vous l'avez déjà décrit devant la

13 Chambre, mais est-ce qu'Abdic, Plavsic et Arkan ont été pendant tout ce

14 temps en votre compagnie ?

15 R. Pendant un instant pendant qu'on attendait, pendant que ces quelques

16 éléments se produisaient devant la mairie, une femme est apparue vêtue d'un

17 jogging --

18 Q. Monsieur Omeragic, je m'excuse, je ne pense pas à l'apparition de cette

19 femme ou de votre séjour devant le bâtiment de la mairie. Mais quand vous

20 alliez avec la délégation de la mairie vers l'hôpital et les appartements

21 pour revenir à la mairie, est-ce que vous étiez en ce moment-là en

22 compagnie de votre délégation ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que vous répondiez à votre

24 question; Maître Loukas.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président.

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1 C'est une sorte de question très générale à laquelle on ne peut pas

2 répondre convenablement. Le Procureur devrait lui poser la question : qui

3 était présent et qui était absent. Mais de la façon dont cette question a

4 été posée, on cherche à couvrir tout et, à mon avis, on ne peut pas le

5 faire parce que c'est une façon suggestive d'interroger le témoin.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre objection est refusée.

7 Maître Margetts poursuivez. Vous pouvez répondre à la question.

8 Maître Margetts, vous pourriez aider le témoin à revenir au sujet mais,

9 bien sûr, n'insistez pas davantage.

10 M. MARGETTS : [interprétation]

11 Q. Monsieur Omeragic, le Président a jugé que je peux vous poser cette

12 question. Donc pendant que vous vous déplaciez entre ces différents

13 endroits et en discutant avec les gens, est-ce qu'Abdic, Plavsic et Arkan

14 étaient avec vous ?

15 R. J'étais tout de suite derrière eux à un mètre et demi, deux mètres,

16 j'étais toujours tout près d'eux. Parfois, j'entendais ce qu'ils se

17 disaient. Ils parlaient d'un tas de choses, ils discutaient, je ne peux

18 plus me souvenir des détails, mais pas forcément des choses qu'on venait de

19 voir. Parfois Arkan faisait des remarques en se vantant qu'il avait fait la

20 guerre par-ci par-là et il racontait ses histoires de guerre. Un instant

21 Mme Plavsic, je me souviens, a dit devant Fikret Abdic qu'Arkan avait sauvé

22 Bijeljina contre les Musulmans qui avaient préparé des crimes.

23 A ce moment-là Abdic n'a pas réagi. J'espérais qu'il réagirait parce

24 que la situation était difficile à expliquer. C'était cela la conversation

25 pendant que je me trouvais dernière eux. Un instant Arkan a dit une chose

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1 bizarre que j'ai retenue. Il a demandé à M. Abdic : "Est-ce que vous n'avez

2 jamais été à Vukovar ?" Abdic a répondu que non. Arkan aurait dit : "C'est

3 quelque chose d'inoubliable." J'ai retenu cette phrase parce qu'elle me

4 disait beaucoup de choses quant à sa façon de voir les conflits entre les

5 gens. Pour lui, les décombres c'était un spectacle inoubliable.

6 Q. Après avoir quitté Bijeljina, vous vous êtes rendus à Tuzla, vous avez

7 assisté à une réunion au quartier général de la JNA à Tuzla. Est-ce que

8 vous pourriez décrire à la Chambre qui a assisté à cette réunion et de quoi

9 on a parlé.

10 R. Nous sommes entrés dans le quartier général du 2e district militaire,

11 le général Jankovic et je crois le général Prascevic étaient présents. Il y

12 avait aussi le colonel Dubajic, dont on disait qu'il était le commandant de

13 la caserne, qui s'y trouvait et d'autres officiers moins haut gradés, qui

14 avaient jusqu'au grade de commandant.

15 Alors que nous entrions dans le complexe, l'immeuble en question, Mme

16 Plavsic et M. Abdic étaient assis au premier rang, ou plutôt, il s'agissait

17 d'une table sous forme de rectangle et il y avait des chaises autour. Il y

18 avait aussi des chaises le long des murs, et je me suis assis, derrière sur

19 la droite. A mes côtés, il y avait aussi des officiers de la JNA, qui

20 étaient assis. Je n'ai pas pu voir tous ceux qui étaient assis autour de la

21 table, j'ai pu voir le général Jankovic, et je crois qu'en face de moi, le

22 général Jankovic était assis.

23 A un moment donné, Mme Plavsic a commencé à dire ce qu'elle avait

24 déjà dit auparavant à M. Abdic, que les hommes d'Arkan avaient sauvé les

25 Serbes d'une mort certaine parce que les Musulmans s'apprêtaient à

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1 commettre un massacre le jour du Bajram. J'ai réagi. J'ai dit que ce

2 n'était pas vrai. Je lui ai dit : "Madame Plavsic, vous auriez dû vous y

3 rendre pour voir ce qui s'y passait réellement." J'ai exprimé mon opinion,

4 j'ai dit que la situation qui prévalait était tout le contraire de ce

5 qu'elle décrivait.

6 Un différent a eu lieu, et un échange de propos, et certains

7 officiers ont commencé à parler de la Deuxième guerre mondiale. Puis j'ai

8 dit : Vous ne cessez de parler de la Deuxième guerre mondiale. Un rapport

9 officiel avait été publié pour les Nations Unies, au lendemain de la

10 Deuxième guerre, j'ai dit que selon ce rapport, les juifs avaient été les

11 grandes victimes de cette guerre parce que 36 % d'entre eux avaient trouvé

12 la mort et qu'après les juifs, il y avaient les Musulmans de Bosnie dont 12

13 % ont trouvé la mort et qu'après, il y en avait encore d'autres.

14 Comme je disais cela, Mme Plavsic a paru très perturbée, elle a dit :

15 "Mais quels sont les corps que nous venons d'exhumer ?" Je lui ai dit :

16 "Les vôtres ont aussi été victimes, mais ce rapport officiel des Nations

17 Unies, que l'on peut toujours trouver dans les archives, indique sans

18 ambiguïté le nombre des victimes au sein de chaque groupe ethnique." M.

19 Dubajic, je crois que c'était lui, parce que j'ai reconnu sa voix, a fait

20 un geste du doigt, il a fait un cercle avec son doigt et il m'a demandé :

21 "Est-ce que vous faites allusion à un petit secteur au sein de la

22 Yougoslavie ?" J'ai dit : "Non, je parle du territoire de la Yougoslavie

23 tout entier."

24 A ce moment-là, M. Abdic est devenu très pale, il m'a dit de me

25 taire. Je crois que mes remarques lui faisaient peur. Un autre officier de

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1 la JNA a fait une blague, je crois, et c'était la fin de la réunion.

2 Lorsque nous sommes sortis, j'ai vu qu'il y avait des officiers derrière

3 moi.

4 Q. Monsieur Omeragic, je vous arrête un moment. Dans le cadre de la

5 réunion, est-ce que le général Jankovic a fait des observations ?

6 R. Il me semble que cela a été en fait l'aspect le plus important de cette

7 réunion. J'ai peut-être été trop téméraire dans mes remarques. J'ai dit :

8 "Vous devriez vous conformer à l'honneur digne des officiers. Vous devriez

9 être sincères et dire ouvertement qui étaient les victimes des combats à

10 Bijeljina, ce sont les Musulmans qui ont le plus soufferts." Je me suis

11 tourné vers le général Jankovic et j'étais choqué de l'entendre dire ce qui

12 suit : "Oui, oui, des Musulmans, des Musulmans." Il l'a répété deux fois le

13 terme "Musulmans." J'ai dit : "Oui, des Musulmans."

14 J'étais ahuri par le fait qu'il ait reconnu la vérité, qu'il

15 s'agissait bien de Musulmans qui avaient été les victimes de ces

16 événements. Comme j'étais tout à fait ahuri par le fait qu'il ait reconnu

17 cela, je suis sorti de la pièce pour fumer une cigarette et le général

18 Jankovic est venu vers moi, il m'a serré la main, en fait la force dans sa

19 main m'a étonné. Il m'a dit : "Vous ne devriez pas parler aussi

20 franchement, jeune homme. C'est un conseil que je vous donne dans votre

21 propre intérêt. Faites attention à vous parce que ce soir peut-être vous

22 serez peut-être obligé de participer à une guerre qui va commencer et Dieu

23 sait où cela nous mènera."

24 J'avais mal à la main tant il l'avait serré fort. Alors que le

25 général me parlait ainsi, je me suis tourné vers sa droite où se trouvait

Page 12027

1 Mme Plavsic, elle se tenait debout dans l'escalier, à quelques 50 ou 60

2 centimètres au-dessus de nous, à 1 ou 2 mètres sur ma gauche et sur la

3 droite du général, et elle nous regardait directement. On voyait dans ses

4 yeux qu'elle était ahurie parce qu'elle venait de voir, c'est-à-dire que le

5 général me serrait la main.

6 Quand le général m'a vu regarder Mme Plavsic, il a tout de suite

7 retiré sa main et c'est là où nous nous sommes quittés.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Omeragic, la question qui

9 vous a été posée concernait les observations faites par M. Jankovic. Nous

10 n'avons à notre disposition qu'un temps limité. Bien que je comprenne que

11 vous souhaiteriez nous raconter tout ce qui s'est passé, je vous prie de

12 vous concentrer vraiment sur la question.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous demande pardon.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous avons besoin des détails

15 supplémentaires, M. Margetts va certainement les solliciter.

16 M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

17 Q. Je remercie, Monsieur le Témoin, de cette description.

18 M. MARGETTS : [interprétation] J'aimerais maintenant que l'on visionne la

19 dernière séquence vidéo pour ce témoin.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette séquence sera la pièce de

22 l'Accusation P591, et la transcription sera la pièce P591A.

23 [Diffusion de la cassette vidéo]

24 Q. [aucune interprétation]

25 R. [aucune interprétation]

Page 12028

1 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur Omeragic et merci, Monsieur

2 le Président. Ceci met fin aux questions de l'Accusation.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Hanoteau aimerait vous poser une

4 question avant de passer au contre-interrogatoire de Mme Loukas.

5 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais en revenir à ce que vous avez dit à

6 propos de la visite à Bosanski Brod. Vous avez dit que pendant que vous

7 étiez dans l'entrée de la municipalité, il y a eu un bombardement et vous

8 avez entendu des fusillades.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il y a eu du bombardement à Derventa.

10 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez dit qu'Abdic et Mme Plavsic ont pris leurs

11 téléphones respectifs pour téléphoner à leurs amis afin de faire arrêter ce

12 bombardement. C'est bien exact ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est ce qu'ils ont fait. Lors de cet

14 incident-là, Mme Plavsic a appelé les officiers à la caserne d'où

15 pleuvaient les obus sur la ville. La ville avait déjà été saccagée et

16 presque rasée.

17 M. Abdic, pour sa part, a appelé quelqu'un qui était membre de la cellule

18 de Crise du HVO, le conseil de Défense croate, c'est-à-dire les forces

19 croates. L'objectif de ces coups de fil, c'était de s'assurer que le

20 bombardement cesserait. En fait, il a cessé, mais dix minutes plus tard, il

21 a repris comme si rien ne s'était passé entre-temps.

22 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez dit dans votre déposition :

23 [interprétation] "J'ai pu voir quel était leur pouvoir et ce qu'ils

24 pouvaient faire pour favoriser la paix."

25 [en français] J'aimerais que vous commentiez cette phrase, que vous alliez

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1 plus loin.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était dit de façon ironique. Ils ont montré

3 quel était leur pouvoir. Cela a duré dix minutes et c'est tout.

4 M. LE JUGE HANOTEAU : Oui. C'est bien comment je l'ai compris. Mme Plavsic

5 et M. Abdic considéraient qu'ils étaient là pour une espèce de mission de

6 médiation. Puis un bombardement éclate, et ils sont très surpris puisque

7 cela gêne leur mission. Ils obtiennent que le bombardement s'arrête, et

8 pourtant les bombardements commencent à nouveau dix minutes après.

9 Vous vouliez dire par là qu'en réalité, ni Mme Plavsic, ni

10 M. Abdic, n'avait une réelle autorité sur les troupes, les combattants qui

11 déclenchaient ce bombardement. Est-ce que c'est bien cela ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en effet.

13 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vous remercie, Témoin.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons faire une pause de 20

15 minutes.

16 Mais j'aimerais, d'abord, qu'on fasse sortir le témoin du prétoire. Je vais

17 soulever une question mineure.

18 [Le témoin se retire]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, par rapport à M. Bjelobrk,

20 est-ce que je peux présumer qu'un courriel électronique envoyé par

21 l'Accusation à la Défense, dont les juristes de la Chambre ont reçu un

22 exemplaire, indique que vous vous en remettez à la Chambre pour savoir si,

23 oui ou non, M. Bjelobrk sera de nouveau cité afin qu'on puisse poursuivre

24 le contre-interrogatoire; vous avez fait quelques observations.

25 M. HANNIS : [interprétation] C'est exact.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout à fait clair, à moins que

2 vous ne souhaitiez ajouter quelque chose.

3 M. HANNIS : [interprétation] Non, pas du tout.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puis, Monsieur Margetts, je crois que la

5 greffière d'audience a du mal à obtenir la description exacte de certaines

6 pièces parce qu'il y a trois d'entre eux -- enfin, les trois ne sont pas

7 les mêmes, mais il est question d'une interview d'Arkan. Mais aucune des

8 trois séquences ne montre une interview avec Arkan; enfin, je pense que la

9 greffière d'audience va pouvoir s'y retrouver. Peut-être qu'il y a

10 simplement une omission et qu'à l'origine, il y avait une séquence qui

11 montrait Arkan. Mais là, pour l'instant, on ne l'a pas retrouvée.

12 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que vous

13 souhaiteriez que je vous donne une description plus précise ?

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en suis reconnaissant, mais je

15 pense que la greffière pourra s'en sortir.

16 --- L'audience est suspendue à 12 heures 27.

17 --- L'audience est reprise à 12 heures 54.

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Omeragic, vous allez être

20 soumis au contre-interrogatoire par la Défense.

21 Madame Loukas, veuillez poursuivre, s'il vous plaît.

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Contre-interrogatoire par Mme Loukas:

24 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Omeragic.

25 Alors, Monsieur Omeragic, en rapport à votre déposition au sujet des

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1 personnes qui se trouvaient dans la caserne, la situation, là, était que,

2 pour autant que vous le sachiez, les gens dans la caserne étaient un groupe

3 mixte; est-ce exact ? Qui, bien évidemment, comprenait des Serbes, des

4 Croates et des Musulmans; est-ce exact ?

5 Je comprends. Monsieur le Témoin, vos micros ne sont pas allumés.

6 R. Oui.

7 Q. Maintenant, par rapport à vos deux dernières réponses, je crois

8 que --

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Pour les besoins du compte rendu d'audience,

10 je vais reconfirmer les deux dernières réponses du témoin pour qu'elles

11 apparaissent dans le compte rendu, c'est-à-dire que la réponse du témoin

12 n'a pas été --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que la réponse n'a pas été

14 retranscrite, mais je crois que les réponses données par le témoin, telles

15 qu'elles apparaissent maintenant sur le compte rendu d'audience, reflètent

16 ce qu'a dit le témoin, c'est-à-dire que par deux fois, il a confirmé ce que

17 vous avez dit, deux fois après que vous ayez posé la question "exacte," il

18 a répondu : Oui.

19 Mme LOUKAS : [interprétation] C'est bien cela, Monsieur le Président. Après

20 ma première question : Est-ce exact ? Il a répondu, oui et il l'a fait pour

21 la deuxième fois.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il a répondu, oui, pour la

23 deuxième fois.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien. Encore une fois, je crois que ceci

25 figure dans le compte rendu d'audience, mais dans le but de la précision du

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1 compte rendu d'audience, je crois que cela a été couvert.

2 Q. Maintenant, ces personnes étaient, bien évidemment, venues vers la

3 caserne de la JNA pour se réfugier; est-ce exact ?

4 R. Oui.

5 Q. Pour autant que vous le sachiez, Arkan et ses unités étaient en train

6 d'établir leur propre ordre des choses à Bijeljina et le gens, là,

7 essayaient d'obtenir la protection de l'armée régulière; est-ce exact ?

8 R. Oui.

9 Q. Maintenant, en rapport aux événements dans la municipalité, avant votre

10 arrivée, là, le 4 avril et pour en revenir à votre déposition quand vous

11 témoignez dans l'affaire contre M. Milosevic et ceci, pour la Chambre et

12 l'Accusation, se trouve à la page 27 697.

13 On vous a posé des questions sur : "Si vous saviez qu'auparavant, les

14 Musulmans avaient pris la ville, qu'ils distribuaient des armes dans les

15 locaux du SDA et que c'était Alija Saracevic qui distribuait ces armes ?"

16 Votre réponse était : "Non, je n'en savais rien."

17 La question suivante était : "Saviez-vous qu'ils avaient établi des nids de

18 tireurs embusqués sur les châteaux d'eau et les Silo ?"

19 Vous avez répondu : "Non, je n'en savais rien."

20 Ensuite, vous avez été posé la question : "Est-ce que vous étiez informé,

21 vous-même, sur les événements qui s'étaient produits à Bijeljina ?"

22 Votre réponse était : "Vous savez que je suis parti pour Bijeljina au

23 dernier moment et que j'ai consenti à y aller lorsqu'il y avait un problème

24 là-bas que je devais expliquer et que je me suis embarqué dans ce voyage

25 sans aucune connaissance préalable des problèmes auxquels vous faites

Page 12033

1 référence."

2 J'en déduis d'après les questions et vos réponses à ces questions, à ce

3 moment-là, Monsieur Omeragic, que vous n'êtes pas en position de donner un

4 éclairage à la Chambre sur ce qui se passait à Bijeljina avant votre

5 arrivée sur place; est-ce exact ?

6 R. Oui.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, puis-je simplement vous

8 demander de clarifier un point ? C'est peut-être dû à mon incompréhension

9 de la langue anglaise.

10 Si vous chercher à obtenir la protection de, est-ce que vous voulez dire

11 que vous voulez être protégé contre ou protégé par ?

12 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je comprends ce

13 que vous voulez dire. J'utilisais les mots qui provenaient de la

14 transcription de l'affaire Milosevic. Je peux peut-être clarifier ceci. Les

15 mots ont été repris du 27 700 --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je sais, j'ai bien compris ceci. Mais je

17 crois que le témoin semble savoir très bien ce qui s'est passé dans

18 l'interrogatoire principal et j'ai remarqué que dans les premières trois

19 questions, il n'y a rien d'autre qui a été fait que d'essayer de confirmer

20 ce que le témoin a déjà dit dans son interrogatoire principal.

21 Mme LOUKAS : [interprétation] En effet.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci figure comme un élément de preuve.

23 Enfin, nous avons discuté ceci auparavant et la troisième question, si vous

24 voulez demander qu'il répète ce qu'il a dit dans l'interrogatoire principal,

25 maintenant, il faut que nous passions à un autre sujet. Vous avez souligné

Page 12034

1 l'importance d'une certaine partie. Nous n'avons pas besoin du témoin pour

2 cela. Vous pouvez trouver d'autres manières de le faire, comme je l'ai dit

3 avant, vous avez attiré l'attention -- enfin, je vois qu'il est très clair

4 qu'il s'agissait d'un groupe multiethnique et que vous essayez -- donc, moi,

5 que ceci soit très bien compris, mais je ne sais pas sur quoi porte votre

6 question. J'ai compris le témoignage du témoin, l'interrogatoire principal

7 était clair et qu'il y avait des forces régulières qui entouraient, ils

8 cherchaient leur protection.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, il y a --

11 Mme LOUKAS : [interprétation] C'était un groupe mélangé de Serbes, de

12 Musulmans et de Croates et qui essayaient d'obtenir protection auprès de

13 l'armée régulière.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout cela est clair.

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Protection avec et de l'armée régulière.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande pardon ?

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, avec et protection de l'armée régulière.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Protection contre ce qu'ils étaient en

19 train d'établir même.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] En effet.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Alors, il n'y a rien --

22 Mme LOUKAS : [interprétation] Je ne crois pas que c'est une question sur ce

23 point. Je crois que nous sommes tous d'accord dans le prétoire.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question est de savoir s'il faut

25 répéter tout cela.

Page 12035

1 Veuillez poursuivre.

2 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, puisqu'il y a eu une

3 interruption, je crois que -- je ne voulais pas interrompre, mais puisque

4 j'ai l'opportunité d'examiner le compte rendu en détail, c'est probablement

5 un moment auparavant que j'aurais dû interrompre.

6 Les citations du transcript de Milosevic parlent d'événements spécifiques.

7 La question qui a été posée au témoin est une question plus générale sur ce

8 qu'il savait qui se passait à Bijeljina, auparavant.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Soyons brefs.

10 Cette Chambre n'a pas reçu le transcript du procès de Milosevic. Nous

11 ne le connaissons pas. Il est inutile d'y faire référence. Nous avons un

12 témoin de vive voix dans le prétoire et nous avons reçu sa déposition,

13 auparavant, mais pas toute transcription d'une autre affaire quelle qu'elle

14 soit.

15 Ne vous attendez pas à ce qu'il soit possible de faire référence ou de

16 comprendre quoi que ce soit sur base de la transcription du procès de

17 Milosevic.

18 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je suis en train

19 d'essayer d'obtenir un éclaircissement de la part de

20 Mme Loukas. Quant elle dit que le témoin n'a pas connaissance d'événements,

21 elle ne faisait que référence aux événements qu'elle avait cités au témoin

22 et pas d'autres événements à Bijeljina parce que j'aurais compris, d'après

23 la manière dont la question a été posée, que telle était son intention et

24 que cela aurait été ce que le témoin avait l'intention de dire dans sa

25 réponse.

Page 12036

1 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Je ne crois pas

2 que M. Margetts peut parler au nom du témoin. Je voudrais dire deux choses.

3 J'en fais référence à la déposition du témoin dans l'affaire Milosevic et

4 si je peux retrouver le passage dans le compte rendu --

5 M. MARGETTS : [interprétation] C'est à la page 65, de la ligne 25, à la

6 page 66, ligne 2. J'aurais tendance à dire que d'après le préambule de la

7 question, il faudrait restreindre la question aux événements sur lesquels

8 elle porte.

9 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. Ma question

10 était très claire. J'ai décrit au témoin ce qu'il a dit dans l'affaire

11 Milosevic -- c'était un préambule. Dans le contre-interrogatoire, j'ai le

12 droit de poser une question plus large et le témoin a répondu à ma question

13 avec une pensée plus large

14 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais un

15 éclaircissement. Vous allez peut-être me donner l'occasion d'arriver à un

16 éclaircissement dans les questions supplémentaires --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous aurez l'occasion de le faire

18 en posant les questions supplémentaires.

19 Veuillez poursuivre, Madame Loukas.

20 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

21 Q. Alors, nous sommes arrivés au point où nous étions avant l'interruption.

22 J'essaie de retrouver ce point là dans le compte rendu --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Votre question portait sur la

24 compréhension de ce qui se passait à Bijeljina avant votre arrivée sur

25 place. A quoi le témoin a répondu : "C'est exact." Page 66, ligne 5, et

Page 12037

1 ensuite je vous ai interrompu.

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, en effet. Merci, Monsieur le Président.

3 Q. Monsieur Omeragic, je vous ai posé la question : Je comprends d'après

4 vos questions et les réponses que vous n'êtes pas en mesure de donner à la

5 Cour une idée de ce qui se passait à Bijeljina avant votre arrivée sur les

6 lieux; est-ce exact ? Vous avez répondu : "C'est exact." Jusque-là.

7 Par rapport à cela, très clairement vous ne pouvez pas donner à la

8 Chambre une connaissance de ce qui aurait pu se produire sur place avant

9 d'y être arrivé; est-ce exact ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Ceci s'applique aux événements qui auraient pu se produire sur place

12 avant que vous n'y soyez, que vous y arriviez. C'est quelque chose que vous

13 ne pouvez seulement comprendre avec des conversations avec les gens, les

14 témoignages par ouï-dire; est-ce exact ?

15 R. Bien évidemment puisque je n'étais pas là.

16 Q. En effet.

17 Mme LOUKAS : [interprétation] J'espère que nous avons éclairci ce point-là

18 suffisamment pour M. Margetts.

19 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez

20 de répondre à la proposition faite par mon éminente collègue.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si c'est absolument nécessaire, je vous

22 ai donné l'occasion de le faire. Madame Loukas, il n'y avait pas besoin de

23 demander si c'était suffisamment clair puisque vous allez avoir l'occasion

24 de le faire plus tard.

25 Je crois que Mme Loukas va passer au point suivant.

Page 12038

1 Mme LOUKAS : [interprétation] En effet, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, faites-le.

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Je voulais simplement dire qu'il n'est pas

4 approprié que M. Margetts fasse des objections durant le contre-

5 interrogatoire puisqu'il aura l'occasion de le faire dans les questions

6 supplémentaires et le contre-interrogatoire va prendre beaucoup de temps si

7 nous continuons de la sorte.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Loukas.

9 Mme LOUKAS : [interprétation]

10 Q. Monsieur Omeragic, avez-vous conscience ou connaissance de formations

11 paramilitaires de Musulmans à Bijeljina à la fin du mois de mars et au

12 début du mois d'avril ?

13 R. Non, non, je n'en savais rien.

14 Q. Qu'en est-il du fait qu'une station d'autobus ait été abîmée à la fin

15 du mois de mars, au début du mois d'avril. Est-ce que vous saviez quelque

16 chose sur cela ?

17 R. Non, je n'avais pas d'information à ce sujet.

18 Q. Cafe Casina [phon] qui appartenait à Mirko Blagojevic, et le restaurant

19 Belame [phon] qui appartenait à Ferad Zekovic [phon], que ces endroits

20 aient été détruits ?

21 R. Non.

22 Q. Saviez-vous que le 1er avril 1992 à Bijeljina pendant environ 24 heues,

23 il y a eu un combat armé entre des groupes musulmans armés et des membres

24 de la Défense territoriale locale ?

25 R. Non, non, je ne le savais pas.

Page 12039

1 Q. Pour ce qui a trait au nom du général Prascevic que vous avez

2 mentionné, êtes-vous certain qu'il s'agit de son nom ? Où pourrait-il y

3 avoir eu une erreur quant à son nom ? Se pourrait-il qu'il s'agisse de

4 Brascevic au lieu de Prascevic, est-ce que vous pourriez nous dire quelque

5 chose à ce sujet ?

6 R. Non, il s'agit de Prascevic.

7 Q. Saviez-vous que le 4 avril, il y avait des gens qui ont commencé à

8 retourner chez eux, les gens qui avaient été dans les cavernes, donc des

9 Serbes et des Musulmans et que ceux-ci retournaient chez eux dans leurs

10 maisons ?

11 R. Non. Non, je ne savais pas. D'ailleurs, je n'ai pas entendu quoi que ce

12 soit à ce sujet.

13 Q. Maintenant, en rapport à votre article, Monsieur Omeragic,

14 l'information contenue dans votre article, information portant sur Mauzer,

15 c'est inexact dans votre article, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, dans mon article, j'ai identifié un homme comme je l'ai dit

17 auparavant, dont j'ai fait mention plus tôt dans mon témoignage. Il

18 s'agissait de l'homme qui a menacé de me traîner jusqu'au rez-de-chaussée

19 du bâtiment municipal quand ce jeune homme Peda est intervenu. Plus tard,

20 j'ai identifié Ljubjisa Savic dans la photographie que l'on surnommait

21 Mauzer et qui était, en quelque sorte, un sheriff local du SDS.

22 Q. Maintenant, à ce propos, quand avez-vous fait cette identification ?

23 Vous avez dit : "Quand vous l'avez identifié plus tard sur la

24 photographie." Quand était-ce que vous l'avez identifié ?

25 R. Peut-être en 1987, dans un numéro du journal Slobodna Bosna qui a

Page 12040

1 publié la première interview avec Ljubisa Savic, Mauzer, et j'ai vu la

2 photographie et l'article et je me suis souvenu du jeune homme avec la

3 baïonnette qui était là dans le bâtiment municipal. Il ne m'a pas pris

4 longtemps pour le reconnaître.

5 Q. Pour ce qui est de l'identification de Mauzer, vous pouvez voir par

6 vous-même que votre article était erroné; est-ce exact ?

7 R. Mon article n'est pas erroné, c'est simplement que je me suis trompé en

8 identifiant l'homme dans l'article et que j'ai appris par la suite qu'il

9 s'agissait de Ljubisa Savic, Mauzer.

10 Q. Sur ce point-là, votre article est erroné puisque vous avez mal

11 identifié l'homme dont il s'agissait, vous êtes d'accord avec cela ?

12 R. Oui, pour l'identification. L'identification est incorrecte, je suis

13 d'accord.

14 Q. Il y a un autre aspect concernant votre article qui est le suivant :

15 vous faites référence dans votre article -- à la page 3 pour l'Accusation

16 et la Chambre.

17 A la page 3 de la version en anglais, sous le titre "Get out,"

18 "Sortez" ce qu'il y est dit là, c'est que : "Nous sommes restés assis à

19 boire du raki pendant deux heures." Maintenant, cet aspect des choses, donc

20 "Nous sommes restés assis là à boire du raki" --

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, est-ce que quelque chose a

22 changé ? Voilà, je n'ai plus la traduction en français sur le canal

23 anglais. Voulez-vous répéter votre question au témoin, Maître Loukas, s'il

24 vous plaît.

25 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, certes, Monsieur le Président. Il faut

Page 12041

1 que je dise pour le compte rendu que je me réfère à la pièce à conviction

2 P584. Permettez-moi juste de retrouver ma question.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous devez la chercher, je vais

4 répéter la question au témoin.

5 Me Loukas vous a posé la question suivante : "Le second aspect de notre

6 article est le suivant : dans votre article on dit, sous le sous-titre

7 'Dehors.' Vous étiez là-bas pendant deux heures entières à boire de l'eau-

8 de-vie. Cet aspect du fait que vous étiez là pendant deux heures à boire de

9 l'eau-de-vie n'est pas exact, n'est-ce pas ?"

10 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela, ce n'est pas vrai, ce n'est pas

11 exact. Je vais expliquer. C'est que quand je suis rentré à Sarajevo, avant

12 tout si je peux dire que dans le hall devant la porte pendant les

13 entretiens d'où j'ai été éliminé, j'ai passé quelque 35 minutes pas plus,

14 c'est la vérité.

15 De retour à Sarajevo, la guerre avait déjà commencé et j'ai commencé tout

16 de suite à écrire ce matin-là en me cachant pour éviter les tireurs

17 embusqués. Quand je me suis levé de ma chaise et j'ai quitté mon texte, mon

18 rédacteur est venu et l'a relu ce texte avec une fille qui était également

19 journaliste dans notre rédaction, et m'a dit : "On a bien bu de l'eau-de-

20 vie pendant deux heures, non ?" M. Senad Avdic, mon rédacteur, il aimait

21 faire des farces de ce genre et il a dû rajouter cette phrase.

22 Si bien que quand je reviens à la table de travail pour continuer mon

23 travail pour que cela me fasse rire. Mais je n'ai pas regardé cette phrase,

24 j'ai continué. Je n'avais pas revu le texte, de sorte que cela est resté

25 dans le texte, malheureusement c'est comme cela.

Page 12042

1 Comment voulez-vous qu'on boive du raki pendant deux heures à un

2 endroit où j'ai été 35 minutes. Je n'étais pas en position de revoir mon

3 texte parce que sinon je n'aurais jamais permis qu'il soit imprimé en tel

4 état.

5 Mme LOUKAS : [interprétation]

6 Q. Les gens que vous mentionnez, par exemple votre rédacteur,

7 comment s'appelle t-il ?

8 R. Senad Avdic.

9 Q. Et la collègue journaliste s'appelle ?

10 R. Susanna Jotanovic.

11 Q. Vous dites que votre rédacteur a inséré cette phrase : "On a bu de

12 l'eau-de-vie pendant deux heures ?"

13 R. Je n'aurais pas pu l'écrire en décrivant un endroit où j'ai passé 35

14 minutes.

15 Q. Est-ce que vous avez bu du raki pendant 35 minutes ?

16 R. Je pense qu'une bouteille est tournée, peut-être ai-je pris une lampée,

17 sinon je ne supporte pas les inconforts. Généralement, je ne bois pas de

18 spiritueux.

19 Q. Votre rédacteur comme cela, sur un coup de tête, a inséré dans votre

20 article que vous étiez assis pendant deux heures à boire de l'eau-de-vie,

21 c'est cela que vous voulez dire, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous dites, devant la Chambre, que le rédacteur de votre journal insère

24 cette phrase d'après laquelle on aurait bu du raki pendant deux heures dans

25 votre article. C'est bien cela que vous avez dit ?

Page 12043

1 R. S'il faut que je le répète je le ferai, c'était une sorte de farce pour

2 faire rire, mais cette fois, je n'ai pas relu le texte. Il a fait la même

3 chose à mon collègue Manuel Tomkovic. Il lui a inséré une phrase, et quand

4 il s'est rassis à sa table de travail, il a pris le téléphone, c'est une

5 plaisanterie. Moi, je n'avais pas fait attention, et cela est passé.

6 Q. Est-ce que vous avez lu l'article une fois qu'il a été publié,

7 imprimé ?

8 R. Oui.

9 Q. Bien sûr, votre journal, comme tous les journaux du monde, prévoit la

10 possibilité de correction, est-ce que vous avez fait corriger ?

11 R. Non, je ne l'ai pas fait. Si vos voulez, je peux l'expliquer aussi.

12 Nous n'avions plus de papier pour faire imprimer Slobodna Bosna.

13 Q. Non, c'était juste une question.

14 R. Nous n'aurons repris l'impression du journal que 7 ou 8 mois plus tard.

15 Q. Bien. Pour ce qui est du journal Slobodna Bosna et notamment de votre

16 article, est-ce qu'il y a encore des plaisanteries insérées par votre

17 rédacteur ?

18 R. Non. Je crois que non.

19 Q. Bien. Qu'en est-il avec les autres numéros du journal Slobodna Bosna

20 une fois que la publication a été reprise. Est-ce qu'il y a eu d'autres

21 plaisanteries insérées par votre rédacteur ?

22 R. Je ne sais pas parce qu'une fois que Slobodna Bosna a recommencé à

23 paraître, je n'étais plus dans ce journal. Il paraissait à Zenica et pas à

24 Sarajevo parce qu'il n'y avait plus de conditions. Mais si vous voulez que

25 je vous explique, je vendais le journal dans les rues de Sarajevo pendant

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1 que les grenades tombaient parce que personne d'autre n'avait le courage de

2 le faire. Je m'occupais de la vente du journal.

3 Q. Encore juste quelque chose à propos de votre article. A la page 3 de

4 votre article, pièce à conviction P584, le sous-titre "Pas de prisonniers

5 de guerre après Arkan", ensuite "Pas de blessés après Arkan", voici le

6 passage suivant : "Une personne m'a approché et m'a chuchoté (désespérément,

7 j'ai essayé de retenir ce que la personne m'a dit parce que je ne devais

8 pas écrire, je ne devais pas prendre de note)…"

9 Bien sûr, c'est une situation critique pour les journalistes de pouvoir

10 prendre des notes au moment de la cueillette d'informations pour un article,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Je présume qu'après avoir quitté l'hôpital que vous avez fait une note

14 de ce que vous avez entendu et vu à l'hôpital.

15 R. Oui, j'arrivais à écrire et comment je notais, cela, je ne peux vous le

16 dire exactement, 13 années se sont écoulées depuis mon séjour à Bijeljina,

17 j'ai vécu après plus milliers de jours, je ne pouvais pas me souvenir, mais

18 il est vrai que j'arrivais à prendre quelques notes.

19 Q. Bien. Je présume que vous gardez ces notes.

20 R. Non, non. Je dois dire que je n'ai aucun souvenir de ma vie, je

21 ne garde rien comme souvenir. Je parle de ma vie d'avant la guerre, comme

22 bien d'autres, je suis resté sans cela. On a perdu beaucoup d'autres choses,

23 y compris les notes prises pendant la guerre.

24 Q. Quand l'Accusation vous a demandé de faire une déclaration concernant

25 les événements et le contenu de votre article, cet entretien a eu lieu au

Page 12045

1 mois d'août 2001, vous vous en souviendrez, n'est-ce pas ? C'était quelque

2 neuf ou dix ans après les événements concernés, est-ce que vous disposiez,

3 à ce moment-là, de quelques notes sur ces événements qui s'étaient produits

4 une dizaine d'années auparavant ?

5 R. Non, je n'avais pas de notes du tout. Je n'avais même pas l'article que

6 j'avais rédigé. J'ai essayé de me souvenir de ce dont je pouvais me

7 souvenir à ce moment-là.

8 Q. Vous n'aviez qu'un article. Vous étiez en possession seulement de

9 l'article en faisant vos déclarations aux représentants de l'Accusation,

10 c'est tout ce que vous aviez comme texte ?

11 R. Je ne me souviens pas avoir eu cet article, mais soit, peut-être, mais

12 pas notes. Pas de notes, pas du tout, bien sûr.

13 Q. Maintenant concernant la mention du Dr Biljana Plavsic dans cet article

14 --

15 Mme LOUKAS : [interprétation] Je demande à Monsieur l'Huissier de soumettre

16 au témoin cet article. Il s'agit de la pièce P584.

17 Q. Maintenant, la mention explicite de Mme Plavsic dans votre article,

18 d'abord le sous-titre "Les victimes," vous dites : "Dr Biljana Plavsic qui

19 soutient publiquement que les Serbes sont beaucoup plus nombreux à avoir

20 péri que les Musulmans." C'est une fois où vous mentionnez Mme Plavsic.

21 Ensuite, vous en faites mention de nouveau sous le sous-titre "Cercle

22 autour des réfugiés" dans le second paragraphe. Vous deviez partir dans la

23 mairie. Mme Plavsic devait rencontrer Arkan.

24 Ensuite, vous faites référence à Mme Plavsic : "Lorsqu'elle fait appel à

25 Arkan à permettre à l'armée de reprendre le contrôle sur la ville." Cela se

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1 trouve sous le sous-titre "La sortie de l'enfer". Ensuite, de nouveau,

2 référence faite à Mme Plavsic un peu plus loin : "Mme Plavsic a donné une

3 interview à Politika Ekspres."

4 Ensuite, sous le sous-titre "L'inoubliable Vukovar" --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, si vous aviez l'intention

6 de poser la question sur toutes les références de Mme Plavsic, vous auriez

7 dû remarquer celle qui se trouve à la première page.

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

9 Q. Bien, M. Omeragic, est-ce que c'est tout ce que vous avez dit de Mme

10 Plavsic ? Est-ce qu'il y a eu autre chose encore dans votre article

11 concernant Mme Plavsic ?

12 R. Je suppose que c'est tout.

13 Q. Tout d'abord, outre le fait que l'article est erroné en ce qui concerne

14 Mauzer et l'allusion au fait que vous avez bu du raki pendant deux heures,

15 je présume que vous confirmez que votre article est véridique et exact,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous maintenez également que la déclaration que vous avez faite à

19 l'Accusation est véridique et exacte, n'est-ce pas ?

20 R. Oui. Oui, outre ce texte.

21 Q. En ce qui concerne la manière dont vous préparez un article en tant que

22 journaliste, manifestement, tout d'abord, votre premier souci c'est

23 l'exactitude, je suppose ?

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, voudriez-vous en venir

25 droit au but. On pressent qu'il y aurait une incohérence, quelque chose de

Page 12047

1 ce type depuis quelques minutes, alors pourquoi ne pas aller directement au

2 but ?

3 Mme LOUKAS : [interprétation] Je comprends, Monsieur le Président, mais de

4 façon générale dans un contre-interrogatoire, enfin, je ne devrais peut-

5 être pas dire cela devant le témoin, l'avocat a le droit de --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Je sais bien que

7 traditionnellement --

8 Mme LOUKAS : [interprétation] Cela veut dire qu'il faut être exhaustif.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. J'en suis bien conscient. La

10 Chambre estime que la Chambre est en mesure d'évaluer la pertinence ou

11 l'utilité d'une échappatoire possible.

12 Je vous prie de poursuivre.

13 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci.

14 Q. Très bien. Une question fondamentale dans la rédaction d'un article,

15 c'est évidemment le fait que cela soit intéressant du point de vue de

16 l'actualité, n'est-ce pas ? C'est une priorité?

17 R. Vous pensez à la théorie du journalisme?

18 Q. Je vous demande, est-ce une de vos priorités, lorsque vous rédigez un

19 article, lorsque vous établissez la priorité entre les différents sujet

20 abordés dans cette article, c'est le caractère, l'intérêt que cela présente

21 du point de vue de l'actualité ?

22 R. Oui, ce qui compte, ce sont les informations, c'est l'actualité.

23 Q. Quels sont vos critères afin de déterminer l'intérêt que présente telle

24 ou telle information ?

25 R. Ma priorité consiste à consigner, par écrit, ce que j'ai vu, ce que

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1 j'ai pu observer et comprendre.

2 Q. Oui, mais manifestement, vous voyez beaucoup de choses; pour faire un

3 tri et décider ce que vous allez inclure dans un article et ce que vous

4 allez laisser de côté, quelles sont vos priorités habituelles ?

5 R. Je ne comprends pas la question.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, la question est tellement

7 abstraite que cela serait certainement utile pour le témoin que vous la

8 précisiez, que vous la concrétisiez parce qu'un journaliste en moyenne

9 pourrait nous faire un exposé d'une heure sur les priorités, en matière

10 d'intérêt, que présente telle ou telle information.

11 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je n'en doute pas, mais ce témoin semble

12 ne pas pouvoir en parler du tout.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous prie de poursuivre, Madame

14 Loukas.

15 Mme LOUKAS : [interprétation]

16 Q. Si quelqu'un vous menace d'un fusil à bout portant, est-ce que vous

17 estimez que cela présente de l'intérêt, du point de vue de l'actualité ?

18 R. Oui, vous avez raison.

19 Messieurs les Juges, je peux aussi vous donner l'explication

20 suivante : pourquoi certains éléments d'informations au sujet desquels j'ai

21 témoigné ne paraissent pas dans mon article. Lorsque j'écris un article, je

22 tente d'éviter de me mettre au premier plan. Je ne voulais pas me présenter

23 comme étant un personnage important; c'est pour cette raison.

24 Par la suite, dans le cadre de ma déposition, je suis le témoin, je

25 présente les choses de manières différentes, mais quand j'ai rédigé

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1 l'article, je ne voulais pas être au premier plan. C'était la ville même de

2 Bijeljina et les événements qui s'y sont produits qui devaient être au

3 premier plan. Ce n'est pas que j'aie été incapable d'écrire les choses

4 autrement. C'était un choix que j'ai fait.

5 Q. Qu'en est-il du fait que vous posiez à un membre de la Défense

6 territoriale la question suivante : "Est-ce que vous avez éliminé ces

7 Balija ?" Il a répondu : "Oui, nous en avons tué un bon nombre." Est-ce que

8 vous pensez que cela présente un intérêt, du point de vue de

9 l'information ?

10 R. Oui.

11 Q. Mais cela n'apparaît pas dans votre article, n'est-ce pas ?

12 R. Je pense qu'il y a une partie de l'article où je décris cela, au

13 deuxième paragraphe.

14 Q. Bien.

15 R. "Par la suite, un autre homme m'a dit la même chose, a parlé des 25

16 corps. C'était un soldat qui portait un insigne, un ruban sur l'épaule, il

17 a répété la même information; il semblait en être très fier." Je fais

18 allusion aux 25 cadavres dont j'ai entendu parlé à la radio.

19 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous êtes d'accord avec moi pour dire

20 qu'il s'agit, là, d'une conversation assez importante ?

21 R. Oui.

22 Q. Cela aurait présenté un intérêt certain, du point de vue de

23 l'information, d'inclure ces propos cités, n'est-ce pas ? De les citer de

24 façon précise et exacte en tant que journaliste. En êtes-vous d'accord ?

25 R. Oui, mais cela dépendait de moi, je pouvais choisir comment je voulais

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1 présenter les choses et c'est le choix que j'ai fait.

2 Q. Vous n'avez pas pensé --

3 R. On aurait qualifié cela, par la suite, d'une exagération par rapport à

4 ce qui s'était réellement passé, comme étant de l'extorsion.

5 Q. Qu'est-ce que vous entendez par là, "l'extorsion ?"

6 R. Par exemple, de la même manière que vous qualifiez les questions posées

7 par l'Accusation de "tendancieuses ou orientant le témoin," j'ai posé une

8 question du même type et c'est ainsi que j'ai obtenu ces éléments

9 d'information.

10 Q. Monsieur Omeragic, vous êtes journaliste, vous avez le droit de le

11 faire. Les journalistes ont le droit de le faire, vous le savez bien ?

12 R. Je ne vous ai pas compris. Qu'ai-je le droit de faire ?

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, si j'ai bien compris le

14 témoignage du témoin, il a dit que la manière dont il a obtenu

15 l'information de la source en question aurait pu être mal interprétée. Le

16 problème avec de telles questions, c'est qu'on suggère quelque chose qui

17 n'est peut-être pas vrai. Mais si on le comprend de la sorte, on peut

18 comprendre qu'un journaliste trouve des raisons pour présenter

19 l'information telle quelle et non pas la manière dont elle a été obtenue.

20 Enfin, cela ne mérite pas un plus long examen.

21 Mme LOUKAS : [interprétation] Il y a, manifestement, des différences entre

22 ce qui se passe dans un prétoire et ce que fait un correspondant de guerre

23 et la règle concernant les questions qui suggèrent une réponse ne

24 s'applique, en général, pas dans le journalisme et dans le contexte d'une

25 guerre.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous en convenons et je vous invite à

2 écouter le témoin et essayer de comprendre ce qu'il a dit. Il a expliqué

3 qu'il ne voulait pas exposer la manière dont il avait obtenu l'information;

4 il a simplement exposé l'essentiel de l'information dans son article.

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vais poursuivre.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme Loukas, il nous reste peu de temps.

9 Je dois donner lecture d'une décision et je préfère que nous nous en

10 arrêtions là, pour l'instant.

11 Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais, d'abord, donner quelques

13 instructions au témoin avant qu'il ne quitte le prétoire. Je vous donne

14 comme instruction que vous ne devez parler à personne du témoignage que

15 vous avez fait jusqu'à présent, ni d'ailleurs du témoignage que vous allez

16 encore faire et je vous prie de revenir demain matin, ici même, à 9 heures

17 du matin.

18 Merci Monsieur Omeragic.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La décision dont je vais donner lecture

21 est une décision concernant la requête de l'Accusation visant à obtenir des

22 mesures de protection pour les témoins 31 et 73.

23 La requête qui est partiellement confidentielle a été déposée le 11 mars

24 2005. Cette motion fait, également, allusion à un autre témoin qui a déjà

25 témoigné en bénéficiant des mesures de protection. Conformément aux

Page 12052

1 articles 75 et 79 du Règlement de procédure et de preuves, l'Accusation

2 demande à la Chambre d'ordonner l'utilisation de pseudonymes lorsqu'on

3 parle de ces témoins, ainsi que la déformation de l'image et de la voix au

4 cours de leur témoignage. La requête demande, également, que les audiences

5 aient lieu à huis clos partiel, mais uniquement pour ces parties de leurs

6 dépositions qui pourraient révéler leurs identités.

7 Dans sa requête, l'Accusation se fonde en partie sur un rapport récent,

8 publié par le HCR, concernant la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine,

9 en matière de sécurité. Le rapport mentionne, également, l'incapacité de la

10 Bosnie-Herzégovine à garantir la sécurité des témoins.

11 Dans l'annexe confidentielle jointe à la requête, l'Accusation précise un

12 certain nombre de détails concernant les mesures de protection sollicitées

13 pour les Témoins 31 et 73.

14 Dans sa réponse en date du 8 avril 2005, la Défense demande à la Chambre de

15 ne pas statuer sur la requête jusqu'à ce que l'Accusation ait présenté

16 toutes les informations pertinentes à une appréciation globale des

17 circonstances justifiant les mesures de protection. La Défense déclare,

18 également, que la situation actuelle en Bosnie-Herzégovine, en ce qui

19 concerne la sécurité, ne justifie pas, en elle-même, d'accorder des mesures

20 de protection.

21 Les règles concernant les mesures de protection ont déjà été énoncées par

22 cette Chambre, dans le cadre des décisions récentes. La Chambre garde à

23 l'esprit qu'une audience équitable et publique est un des droits de

24 l'accusé et est, également, dans l'intérêt de la justice. Les mesures qui

25 dissimulent l'identité du témoin ne devraient être accordées que dans des

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1 circonstances limitées. Il doit, notamment, être démontré que s'il était

2 connu du public que le témoin avait témoigné, il y aurait un risque réel,

3 démontré par les éléments de preuve objectifs, pour la sécurité du témoin

4 ou de sa famille.

5 En général, une menace formulée à l'encontre du témoin est une raison

6 suffisante pour accorder de telles mesures de protection, mais l'existence

7 d'une menace n'est pas nécessaire.

8 Selon la Chambre, il existe des motifs objectifs permettant de conclure à

9 l'existence d'un risque, si les trois éléments suivants existent :

10 Tout d'abord, le témoignage anticipé du témoin pourrait causer

11 l'hostilité ou la colère des personnes qui résident toujours sur le

12 territoire où les crimes ont été perpétrés, par exemple, parce qu'il serait

13 allégué que ces personnes avaient participé à ces crimes.

14 En deuxième lieu, le témoin ou sa famille continuent à vivre sur ce

15 territoire, ont des biens sur ce territoire ou ont l'intention concrète de

16 retourner vivre sur ce même territoire.

17 En troisième lieu, une situation qui est généralement très instable en

18 matière de la sécurité et qui est particulièrement dangereuse ou néfaste

19 pour les témoins et les familles des témoins qui comparaissent devant le

20 Tribunal.

21 Dans de telles circonstances qui existent pour les Témoins 31 et 73, la

22 Chambre peut ordonner des mesures de protection adéquates. Il y a lieu

23 d'insister, ici, sur le fait qu'il ne s'agit, là, que d'une manière

24 d'établir l'existence d'un risque objectif pour la sécurité du témoin. En

25 évaluant la probabilité d'un danger ou d'un risque pour les témoins futurs,

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1 la Chambre prendra en considération tous les facteurs pertinents, y compris

2 toute menace proférée à l'encontre du témoin et la situation du témoin au

3 sein de la communauté.

4 La Chambre a étudié les arguments des parties, dans le cadre de cette

5 requête, à la lumière du climat qui règne en Bosnie-Herzégovine, tel que

6 décrit dans le rapport du HCR, climat qui n'est toujours pas favorable aux

7 personnes qui y résident ou dont la famille y réside encore et qui

8 souhaitent accomplir leur devoir de témoigner devant la Chambre ou devant

9 le Tribunal sans réticence.

10 La Chambre estime que les témoignages des Témoins 31 et 73 qui vont sans

11 doute impliquer un certain nombre de Serbes qui habitent dans les régions

12 où ces témoins habitent, les impliquer dans la commission des crimes graves

13 et que ces personnes seront, dès lors, en colère et cela exposera les

14 témoins à un risque de représailles.

15 La Chambre estime, par conséquent, que l'Accusation a démontré que ces

16 témoins seraient exposés à un risque réel pour leur sécurité, si on devait

17 apprendre qu'ils avaient témoigné.

18 La Chambre estime, dès lors, que les mesures de protection demandées,

19 c'est-à-dire, le pseudonyme, la déformation de l'image et de la voix ainsi

20 que l'utilisation limitée du huis clos partiel respectent un équilibre

21 entre la nécessité de protéger les Témoins 31 et 73 et le droit de l'accusé

22 à une audience publique.

23 Ainsi, la Chambre fait droit à la requête.

24 Avant de suspendre l'audience, Madame Loukas, est-ce que pouvez nous donner

25 une idée du temps qu'il vous faudra pour mener à bien votre contre-

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1 interrogatoire ?

2 Mme LOUKAS : [interprétation] Je dirais que j'aurais besoin de tout le

3 temps jusqu'à la première pause.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela voudra dire deux et demi --

5 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je ne pense pas avoir

6 bénéficié d'une heure, cet après-midi.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que vous avez commencé votre

8 contre-interrogatoire vers 13 heures. Nous avons repris à une heure moins

9 cinq, je pense que vous avez poursuivi jusqu'à 1 heure 43; cinquante

10 minutes. S'il vous faut encore

11 une heure et demie, cela ferait en tout, environ, deux heures et

12 25 minutes [comme interprété]. Je crois que l'interrogatoire principal de

13 l'Accusation a duré environ trois heures et demie, si je ne m'abuse.

14 Mme LOUKAS : [interprétation] Je crois que c'était un petit peu plus,

15 Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vérifier --

17 Mme LOUKAS : [interprétation] Mme Philpott fait un geste de la tête. Je

18 suis sûr que nous avons le calcul exact.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Nous obtiendrons cette information

20 du Greffe. Mais en ce qui concerne votre contre-interrogatoire, comme j'ai

21 déjà dit, les trois premières questions n'ont rien ajouté, du tout, à ce

22 qui a été dit dans l'interrogatoire principal, et la Chambre serait encline

23 à interpréter de façon plutôt restrictive la règle des 60 %.

24 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je comprends bien. Mais quand on est

25 interrompu à trois reprises dans son contre-interrogatoire ou quand on n'a

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1 posé des questions que pendant trois minutes, alors que le conseil a le

2 droit de présenter les questions ou les aspects qui sont favorables à un

3 point de vue particulier --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les deux parties ont formulé des

5 interruptions, mais nous allons réfléchir à la question de savoir s'il y a

6 une différence considérable entre les manières de procéder des deux parties.

7 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à demain matin, à

8 9 heures.

9 --- L'audience est levée à 13 heures 54 et reprendra le jeudi 14 avril 2005,

10 à 9 heures 00.

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