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1 Le mercredi 20 avril 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre souhaiterait présenter ses
6 excuses pour ce délai et ce retard. C'est un retard qui était dû à une
7 circonstance particulière.
8 Madame la Greffière, veuillez, je vous prie, appeler l'affaire.M. LE
9 GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les
10 Juges. Affaire numéro IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Madame la Greffière.
12 Monsieur Margetts, je présume que vous serez la personne qui
13 procèdera à l'interrogatoire du témoin.
14 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On a demandé des mesures de protection,
16 déformation des traits du visage et de la voix.
17 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière, je vous prierais de
19 nous dire si le tout est mis en place pour ce faire. Les parties
20 pertinentes ou qui pourraient identifier l'identité du témoin se feront à
21 huis clos partiel.
22 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
24 Madame l'Huissière, veuillez, je vous prie, faire entrer le témoin.
25 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, l'intention était de
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1 présenter ce témoin en vertu de l'Article 89(F). Mais ce que nous allons
2 faire, c'est que nous allons lire deux paragraphes de la déclaration du
3 témoin au témoin, nous allons donner lecture de ces paragraphes et à ce
4 moment-là, nous allons demander au témoin de nous confirmer si le témoin
5 souhaite ajouter quelque chose.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.
7 M. MARGETTS : [interprétation] Encore une autre question, Monsieur le
8 Président, concernant des éléments de preuve contextuels ou de contexte
9 pour le Témoin KRAJ 73, c'est Mme Edgerton qui a procédé à la présentation
10 de ce témoin. Il y a deux documents qui sont déjà versés au dossier et Mme
11 Edgerton m'a informé que nous n'avons pas encore incorporé une liste qui a
12 été lue devant les Juges de la Chambre et ce ne sont que des éléments
13 contextuels qui ont été lus devant la Chambre. C'est que nous souhaitions
14 dire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Aucune décision n'est
16 nécessaire pour demander le versement de ces documents au dossier.
17 J'imagine que ce qui est le plus important pour vous, c'était d'attirer
18 notre attention sur ce fait, sur ces pièces et vous voulez me dire que ce
19 sont des éléments de preuve très importants pour qu'on puisse comprendre le
20 témoignage du témoin.
21 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
22 M. MARGETTS : [interprétation] C'est cela, Monsieur le Président.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Je vais vous inviter à
24 attendre jusqu'à la fin de cette séance et une requête a été faite à cet
25 effet. Nous allons donner maintenant les cotes à
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1 Mme la Greffière sur cela.
2 M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour Témoin 273. Nous allons vous
4 appeler ainsi -- ou plutôt, je me suis trompé. J'aurais dû dire, bonjour,
5 Témoin 239 car c'est le numéro qui vous a été attribué. Nous allons vous
6 adresser ainsi puisque les Juges de la Chambre ont statué que votre nom ne
7 sera pas utilisé. Nous n'allons pas dévoiler votre identité, votre visage
8 ne sera pas, non plus, présenté au monde extérieur, c'est-à-dire que
9 personne ne pourra reconnaître les traits de votre visage. Ils seront
10 déformés sur l'écran et votre voix fera l'objet d'une déformation de la
11 voix, également. Personne, à ce moment-là, ne pourra vous identifier. Il
12 n'y a aucun risque d'identification.
13 Témoin 239, avant, toutefois, de témoigner devant cette Chambre de première
14 instance, les Règlements de procédure et de preuve exige de vous que vous
15 prononciez une déclaration solennelle qui dit que vous direz la vérité,
16 toute la vérité et rien que la vérité. Ce texte vous a été remis à
17 l'instant par Madame l'Huissière. Je vous invite à prononcer votre
18 déclaration solennelle.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai
20 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
21 LE TÉMOIN : TÉMOIN 239
22 [Le témoin répond par l'interprète]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie,
24 Témoin 239. Veuillez vous asseoir, je vous prie. Monsieur Margetts qui est
25 le conseil de l'Accusation vous interrogera, d'abord.
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1 Monsieur Margetts, veuillez commencer, je vous prie.
2 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-t-on
3 présenter au témoin la feuille de pseudonyme.
4 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Cette pièce portera la
5 cote P628 sous pli scellé.
6 Interrogatoire principal par M. Margetts :
7 Q. [interprétation] Témoin 239, est-ce que vous pouvez nous confirmer que
8 ce qui figure sur le document qui se trouve sous vos yeux, cette feuille de
9 papier fait bien état de votre identité, de votre date de naissance ?
10 R. Oui.
11 Q. Témoin 239, est-ce que vous êtes d'origine croate, d'origine ethnique
12 croate ?
13 R. Oui.
14 Q. Au tout début du mois de mai 1992, habitiez-vous dans la région de
15 Grbavica, dans la municipalité de Novo Sarajevo ?
16 R. Oui.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, je souhaiterais vous
18 rappeler qu'à chaque fois que le témoin commence à parler, vous devez
19 éteindre votre micro.
20 M. MARGETTS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
21 Q. Au tout début du mois de mai 1992, est-ce que vous avez pu observer
22 s'il y avait une présence militaire à Novo Sarajevo ? Est-ce que vous avez
23 pu voir une présence militaire à Novo Sarajevo ?
24 R. Oui.
25 Q. Pourriez-vous nous décrire ces soldats, cette présence militaire ?
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1 R. Vers le 6 mai, au tout début du mois de mai, alors que déjà, le 6
2 avril, on avait érigé des barricades, il était impossible de sortir de
3 Grbavica. Au mois de mai, les camions sont arrivés avec des soldats et ils
4 ont pris Grbavica. C'est comme s'ils avaient pris possession; c'était le
5 côté serbe et cette partie-là était, maintenant, sous le contrôle serbe.
6 Q. Vous nous avez dit que cette partie-là, cette région-là était déjà sous
7 le contrôle des Serbes, en leur contrôle. Est-ce que vous pourriez être un
8 peu plus précise, lorsque vous faites référence à un groupe politique, à un
9 groupe militaire ? A quel groupe militaire ou politique faites-vous
10 référence ?
11 R. Pour vous dire, de Grbavica, il était absolument impossible de
12 traverser les ponts. Déjà, au mois de mai, il était impossible de traverser
13 de l'autre côté car l'armée serbe ne nous le permettait pas. Plus tard,
14 nous avons vu qu'il s'agissait de la JNA. Si jamais il arrivait à une
15 personne de traverser le pont, cette personne devrait être munie d'un
16 laissez-passer particulier. Cette unité avait leur QG à Grbavica et elle
17 pouvait émettre des laissez-passer, mais à tous les 20 mètres, il y avait
18 des soldats qui ne permettaient pas aux personnes de traverser de l'autre
19 côté.
20 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, concernant cette
21 réponse, je souhaiterais faire un commentaire. Des questions générales qui
22 parlent de présence militaire, plutôt que de poser une question
23 particulière au témoin de ce qu'elle a vu ou ce qu'elle a entendu, je crois
24 que cela ne peut pas apporter une grande aide à la Chambre. Je crois que
25 des éléments de preuve devraient être obtenus de façon un peu plus précise,
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1 plutôt que de parler de groupes militaires ou de groupes politiques. Je
2 fais une objection à la façon dont la question a été posée.
3 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, si je puis répondre,
4 je le ferais volontiers.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. MARGETTS : [interprétation] Je ne sais pas si l'objection est soulevée
7 sur la base de la conclusion du témoin ou est-ce la spécificité de la
8 question. Concernant la spécificité de la question, je devrais avancer que
9 c'est tout à fait adéquat. Concernant les impressions de ce témoin, à ce
10 moment-là, nous n'allons pas demander au témoin de nous fournir des
11 impressions personnelles.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, lorsqu'on parle d'une
13 situation qui prévalait dans une zone, cela ne nous permet pas toujours de
14 la décrire de façon plus précise. Bien sûr, si on demandait à quelqu'un de
15 décrire une forêt, la personne pourrait décrire les arbres, arbre par arbre.
16 Mais la personne peut, également, dire que oui, il y avait une forêt avec
17 beaucoup d'arbres. C'est toujours un mélange de faits observés et de
18 généralisation d'un certain type. Ce n'était pas une objection formelle que
19 vous avez faite et je l'ai compris. Mais je ne vais pas faire droit à votre
20 objection. Bien sûr, si l'autre partie à quelques doutes, à savoir, si,
21 effectivement, il y a eu une de ces forêts ou non, il peut demander au
22 témoin de décrire les arbres, par exemple.
23 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, bien sûr, je
24 m'opposerais à cela. Je n'accepterais jamais qu'on décrive une forêt,
25 arbre par arbre.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai un peu généralisé simplement
2 pour vous donner un exemple. Mais il arrive des fois qu'on n'ait pas le
3 choix d'obtenir des questions de cette sorte.
4 Mme LOUKAS : [interprétation] Je voulais simplement m'assurer qu'on ait
5 bien compris que mon objection a trait aux questions qui nous parlent
6 d'impression généralisée, plutôt que de se baser sur des faits factuels. Je
7 voulais que l'Accusation soit bien consciente de ce fait car je vais
8 formuler des objections à chaque fois que je les entendrais poser de telles
9 questions.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.
11 Témoin, il ne s'agit que des questions de procédure. Nous allons,
12 maintenant, poursuivre votre interrogatoire principal.
13 Nous allons demander à Me Margetts de continuer.
14 M. MARGETTS : [interprétation]
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8 [Audience à huis clos partiel]
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23 [Audience publique]
24 M. MARGETTS : [interprétation]
25 Q. Témoin 239, nous allons, maintenant, passer en audience publique. Je
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1 souhaiterais vous rappeler de ne pas donner des réponses qui pourraient
2 identifier votre identité. Pourriez-vous dire aux Juges de la Chambre, s'il
3 vous plaît, s'il était possible de vous déplacer librement de Grbavica à
4 partir du mois de mai 1992 ?
5 R. Non. Personne ne pouvait se déplacer de façon libre. Nous n'avions pas
6 de liberté de mouvement. Nous étions complètement coupés du monde extérieur.
7 Nous ne pouvions pas appeler, non plus. Le téléphone ne marchait plus. Nous
8 n'avions plus d'électricité, pas d'eau.
9 Pour certaines personnes, il y avait des membres de la famille qui
10 pouvaient leur apporter des denrées alimentaires; le sort qui était réservé
11 à nous tous n'était pas le même.
12 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais présenter
13 au témoin le document qui figure sur la liste. C'est la pièce P529,
14 intercalaire 158.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites, je vous prie.
16 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais
17 attirer l'attention de la Chambre sur le paragraphe 6 qui apparaît à la
18 page 3 de ce document.
19 Q. Témoin 239, je vous demanderais de prendre la page 3 du document en
20 B/C/S. Il s'agit du paragraphe sous l'intitulé 6, "Le traitement des
21 Musulmans et des Croates." Je vais donner lecture de ceci au compte rendu
22 d'audience. Je vais vous demander de nous donner des commentaires sur ce
23 paragraphe, Témoin 239.
24 Le paragraphe se lit comme suit : "Les citoyens de toutes
25 nationalités se sont rassemblés fréquemment, plus particulièrement, à
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1 Grbavica et l'attitude publique était tout à fait correcte. Nous avons
2 nommé un chef pour chaque bâtiment qui était responsable de la situation et
3 de toutes les informations concernant les personnes qui y habitaient. Très
4 secrètement, la police s'est servie ou appliquait une procédure usuelle
5 pour les personnes qui étaient engagés dans des activités militaires contre
6 nous."
7 Témoin 239, au tout début du mois de juin 1992, n'est-il pas exact de dire
8 que les citoyens de toutes les nationalités se rassemblaient fréquemment et
9 plus particulièrement, pour ce qui est de Grbavica ?
10 R. Nous ne nous rassemblions pas dans la rue. Tous les habitants qui
11 avaient peur et tous les habitants dont les mouvements étaient restreints
12 se rencontraient, soit dans les couloirs de notre bâtiment ou nous nous
13 rencontrions dans nos appartements, mais nous ne nous déplacions pas dans
14 la rue.
15 Q. Je souhaiterais, également, attirer votre attention sur une autre
16 partie de ce paragraphe. On peut lire : "Secrètement, la police utilisait
17 ou appliquait la procédure semblable pour les personnes qui étaient engagés
18 dans une activité militaire contre nous." Est-ce que vous savez quelle est
19 cette procédure habituelle appliquée par la police ?
20 R. La procédure de la police était la suivante, c'est-à-dire, ils venaient
21 nous voir deux ou trois fois par jour, ils fouillaient nos appartements,
22 ils cherchaient des armes, ils nous demandaient des questions concernant
23 certains membres de nos familles. Plus tard, lorsqu'ils ont compris, par
24 exemple, que mon mari n'était pas là avec moi, ils venaient n'importe quand,
25 pendant le jour, pendant la nuit, pour me poser des questions, à savoir, où
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1 il se trouvait et puisqu'ils ne pouvaient pas trouver d'armes ou autre
2 chose qui les intéressait, à ce moment-là, c'est ce qu'ils faisaient.
3 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
4 la pièce suivante, c'est le numéro 3 sur la liste de l'Accusation qui porte
5 une cote 273. On peut laisser le document sous les yeux du témoin, le
6 document précédent, celui qu'elle vient d'examiner; c'est le document P529,
7 intercalaire 158.
8 Mme LOUKAS : [interprétation] Pour confirmer les documents que nous sommes
9 en train d'examiner, si je ne m'abuse, parle-t-on du document P529,
10 intercalaire 158 et où est le numéro 3 ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le numéro 3 est sur la liste, le
12 document P273.
13 M. MARGETTS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, le
14 document qu'on était en train d'examiner, le P529, je demanderais qu'on
15 laisse le document P529 au témoin afin qu'elle puisse l'avoir sous les yeux
16 et je souhaiterais qu'on lui présente, également, le document P273.
17 Q. Je souhaite qu'on revienne au document P529 et je vous
18 demanderais de prendre le paragraphe 8 qui se trouve au bas de la page du
19 paragraphe que vous veniez de lire, à l'instant et je souhaiterais lire
20 cela pour le compte rendu d'audience et je vous demanderais de nous donner
21 votre commentaire. Vous parlez de combats gagnés [comme interprété] : "Pour
22 ces combattants qui sont arrivés dans des unités régulières, nous avons
23 essayé de les placer dans des maisons libres musulmanes et croates." Plus
24 tard, vous dites : "Nous leur avons permis de se servir de ces appartements
25 de façon temporaire et nous leur avons dit de faire attention aux meubles."
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1 Pourriez-vous, je vous prie, faire des commentaires concernant les
2 mots "appartements libres et désertés des Croates et des Musulmans ?"
3 Pourriez-vous expliquer aux Juges de la Chambre quelle était la situation
4 qui prévalait à Grbavica au début du mois de
5 juin 1992 ?
6 R. Début juin 1992, un très grand nombre de Croates et de Musulmans
7 avaient quitté leurs appartements. Ils avaient fermé les appartements à clé
8 et espéraient que ces appartements seraient en sécurité. Mais lorsque ces
9 camions sont arrivés avec l'armée, avec les soldats, pour tous les
10 appartements qui étaient fermés à clé, ils ont défoncé la porte et se sont
11 installés. Deux ou trois soldats se sont installés dans ces appartements en
12 défonçant la porte.
13 Personne n'essayait de garder ces appartements puisque dans les
14 dix jours qui ont suivi, ils ont tout détruit et, bien sûr, il n'y avait
15 pas d'eau, il n'y avait pas d'électricité. Tous ces appartements étaient
16 complètement détruits, y compris, les robinets, les arrivées d'eau,
17 l'électricité et les autres installations, tout.
18 Q. Merci. Maintenant, si vous voulez bien vous tourner vers l'autre
19 document qui est devant vous qui porte la date du
20 19 juillet 1992 qui est une lettre du président de la présidence, Radovan
21 Karadzic, adressée aux différentes municipalités dont la liste figure au
22 début de la lettre. Il y a sept municipalités. L'une d'entre elles est Novo
23 Sarajevo. J'aimerais vous demander de vous tourner vers le premier
24 paragraphe dont je vais donner lecture.
25 Dr Karadzic écrit : "Nous voudrions vous demander de faire un
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1 inventaire de toutes les capacités d'hébergement sur le territoire de votre
2 municipalité, que ce soient des maisons de week-end, des maisons ou des
3 appartements qui sont libres suite au déménagement volontaire de la
4 population musulmane. Vous êtes supposé faire ceci avec la coopération des
5 postes de police." Le paragraphe continue.
6 Les mots sur lesquels je vais vous demander de vous concentrer sont :
7 "le départ volontaire de la population musulmane." Je voudrais vous
8 demander quelle est votre réponse à ces mots ou à cette lettre du Dr
9 Karadzic ?
10 R. Laissez-moi vous dire que personne ne voulait quitter sa maison ou son
11 appartement pour aller quelque part où il n'était pas sûr de trouver du
12 logement. Les gens partaient avec des sacs sous le bras, devaient payer les
13 autorités serbes pour les laisser passer au point de contrôle, pour leur
14 permettre de passer, de traverser le point. Ces personnes pensaient
15 qu'elles allaient seulement passer quelque temps avec leurs parents et
16 pouvoir, ensuite, revenir chez elles. Mais ce n'était pas le cas. Elles ne
17 sont pas revenues du tout, par la suite et certainement pas aussi vite
18 qu'elles le pensaient. Ceci s'applique à moi, personnellement.
19 Q. Pourriez-vous dire à la Chambre pourquoi ces personnes sont parties et
20 pourquoi elles étaient prêtes à payer les autorités serbes pour ce faire ?
21 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai une objection à
22 soulever, ici, sur ce point parce que le témoin n'est pas en position de
23 parler au nom de toutes les personnes de Grbavica.
24 Monsieur le Président, j'aimerais avancer que le témoin peut donner des
25 éléments de preuve, dans sa déclaration, qui ont trait à son expérience
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1 personnelle et qui se rapportent à ce qu'elle a entendu d'autres personnes
2 dire, dans la mesure où la Chambre de première instance accepte les
3 éléments de preuve par ouï-dire. Mais pour ce qui est de questions d'une
4 telle importance, des choses aussi générales, les accepter de cette forme,
5 je crois, n'est pas d'une aide à la Chambre de première instance.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts.
7 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, il est implicite dans
8 toute question posée au témoin que la base telle que l'a décrit Mme Loukas,
9 la base de sa réponse, si elle n'est pas de généralité, tout au moins, je
10 ne vois pas la nécessité, pour nous, de passer pas mal de temps et de
11 rentrer dans le détail pour essayer de trouver une conversation en
12 particulier.
13 C'est à l'Accusation de décider quels sont les éléments qu'elle veut
14 soumettre à la Chambre de première instance. A notre avis, un ou une
15 résidente de Grbavica qui a résidé pendant un certain temps et qui a
16 indiqué, ainsi que d'autres membres de Grbavica, qu'elle a remarqué que
17 quelqu'un peut répondre à ces questions qui lui ont été posées.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas.
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a pas pris en considération
21 la question posée au témoin et d'y répondre pour ce qui était en dehors de
22 sa connaissance de la situation.
23 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts,
25 mais en même temps ce qui a été exprimé par Mme Loukas, ses préoccupations,
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1 je crois que vous pouvez y répondre comme vous avez indiqué que vous alliez
2 le faire.
3 Veuillez poursuivre, s'il vous plaît.
4 M. MARGETTS : [interprétation]
5 Q. Témoin, je vais vous reposer la question : pour ce qui est des gens,
6 vous avez dit, quittaient Grbavica de manière volontaire, vous avez dit
7 qu'ils étaient prêts à payer les autorités serbes pour ce faire. En cela,
8 pouvez-vous dire à la Chambre quelle information vous avez qui vous permet
9 de dire pourquoi ces personnes voulaient partir et pourquoi elles étaient
10 prêtes à payer pour ce faire ?
11 R. Je vais vous dire pourquoi elles partaient. Je suis restée à Grbavica
12 jusqu'au milieu du mois de juin; ensuite, on m'a emmenée dans un camp où il
13 n'y avait que des Musulmans et des Croates qui étaient détenus. Pour éviter
14 ce destin, celui d'être emmenée dans un camp, les gens étaient prêts à
15 payer pour quitter le territoire occupé plutôt que de rester là, à attendre
16 de voir ce qui allait leur arriver.
17 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, si nous pouvons
18 passer à huis clos partiel, j'aimerais donner lecture d'un paragraphe de la
19 déclaration du témoin au TPIY.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel et
21 c'est confirmé par l'écran.
22 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, vous pouvez
15 poursuivre.
16 M. MARGETTS : [interprétation]
17 Q. Témoin 239, vous avez dit qu'il y avait une restriction à la liberté de
18 mouvement pour les gens qui avaient été à Grbavica. Le 16 janvier 1992,
19 est-ce que vous avez obtenu la permission de quitter la zone ?
20 R. Oui, j'ai obtenu une permission pour traverser le pont et aller à
21 Soping, parce que je leur avais dit j'avais deux petits-fils de l'autre
22 côté. Ils m'ont dit que j'avais la permission de partir, mais que j'étais
23 censée revenir avant 19 heures le même jour.
24 Q. Vous avez dit que vous alliez traverser le pont pour aller à Soping.
25 Pouvez-vous décrire à la Chambre très précisément ce qu'était Soping, et
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1 pouvez-vous dire à la Chambre si vous avez essayé de passer de l'autre côté
2 dans le bâtiment Soping ?
3 R. Je suis passée devant ce bâtiment parce que c'était le chemin le plus
4 court pour arriver au pont. J'ai dit qu'il y avait deux gardes en uniforme
5 de camouflage, en poste, tous les 20 mètres. Quand je suis arrivée devant
6 ces deux gardes, ils m'ont demandé où j'allais. Je leur ai répondu que je
7 me dirigeais vers Soping. J'étais censée me faire connaître et que c'était
8 le point le plus éloigné avant d'aller jusqu'au pont. En fait, quand je
9 suis entrée dans le bâtiment Soping, il y a un homme qui m'a fait signe de
10 la tête et qui me faisait signe d'entrer dans le bâtiment. Alors que
11 j'entrais dans le bâtiment, on ne m'a pas permis d'aller plus loin.
12 Q. Une fois que vous étiez à l'intérieur du bâtiment, est-ce que vous
13 pouvez décrire à la Chambre qui était là et est-ce que vous pouvez dire à
14 la Cour ce que l'on vous a dit ?
15 R. Quand je suis arrivée à la porte, ils ne voulaient que m'interroger. Il
16 y avait six hommes assis derrière une très longue table et dans ce bâtiment
17 Soping, il y avait un autre dépôt de meubles qui avait été vidé à
18 l'intérieur duquel se trouvaient six soldats portant les uniformes de la
19 JNA. C'est là qu'ils m'ont interrogé, m'ont demandé où j'allais, qui
20 j'allais voir. Je transportais des jouets pour les enfants ainsi que des
21 objets qu'ils avaient oubliés. Ils ont confisqué tout cela ainsi que mes
22 papiers d'identité et tout ce que j'avais.
23 Ils m'ont ensuite amené dans une autre partie du bâtiment, me disant qu'ils
24 avaient quelque chose à me montrer. Quand j'y suis entrée, j'ai vu deux
25 hommes face au mur, agenouillés avec les mains derrière le dos. Ils m'ont
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1 dit de m'agenouiller aussi entre les deux hommes et ont commencé à nous
2 rouer de coups avec une matraque. Ils nous donnaient des coups de pied dans
3 les reins.
4 J'étais la seule femme entre les deux hommes. Pendant ce temps-là,
5 Mme Biljana Plavsic est arrivée. Elle a vu les hommes me rouer de coups
6 parce qu'elle n'était qu'à 8 ou 10 mètres de nous. Il y avait une table qui
7 était disposée pour leur petit déjeuner et ils ont dit : "Biljana arrive."
8 Ils me frappaient sur la tête et je commençais à saigner du nez. Je me suis
9 retournée et j'ai demandé à quelqu'un : "Est-ce que quelqu'un peut me
10 donner un mouchoir." Mme Biljana a répondu : "Emmenez-les d'ici, parce que
11 je ne peux pas prendre mon petit déjeuner s'ils sont là." Ensuite, ils nous
12 ont emmenés.
13 Ils nous ont mis dans une Golf blanche et ont mis les deux autres
14 dans une autre voiture et nous ont emmenés dans un entrepôt, qui, je crois,
15 se trouvait aussi sur le territoire de Novo Sarajevo, dans une partie de la
16 ville qui s'appelle Vraca. Il y avait là un grand entrepôt ou étaient
17 entreposées des boissons, dans un endroit qui s'appelle Dubrovkinja, dans
18 une espèce de hutte. J'y suis restée jusqu'à 23 heures. Ils nous ont battus
19 et roués de coups toute la journée. Ils nous battaient pendant une
20 vingtaine de minutes, arrêtaient et nous disaient de réfléchir à ce que
21 nous avions dit, et ils recommençaient.
22 J'ai rencontré deux femmes là. L'une d'entre elles était Musulmane et
23 l'autre a dit qu'elle n'avait pas de documents d'identité, n'a pas dit son
24 nom. Ensuite, ils nous ont appelé tour à tour et nous ont demandé de faire
25 des déclarations, et cetera.
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1 Q. Merci, Témoin, de cette réponse. Je voudrais simplement vous
2 demander de répondre de manière très précise à quelques questions. Vous
3 avez fait référence à six hommes portant des uniformes militaires de la JNA
4 dans une zone du bâtiment Soping. Etaient-ce les hommes qui vous ont
5 battue ?
6 R. Non. Ils étaient extrêmement impertinents. Je leur ai demandé
7 pourquoi ils agissaient de la sorte, s'ils faisaient partie de l'armée,
8 pourquoi est-ce qu'ils ne nous défendaient pas ? Pourquoi est-ce qu'ils
9 permettaient à ces hommes de nous battre, parce que je n'étais toujours
10 consciente que cette armée-là avait rejoint le côté serbe.
11 Q. Témoin, qui étaient les hommes qui vous ont battue ? Quels
12 uniformes portaient-ils, et qu'avez-vous appris de ces hommes-là ?
13 R. A Dubrovkinja, ils portaient tous des uniformes de camouflage.
14 Par la suite, j'ai appris qu'ils appartenaient également à la JNA. Ils
15 portaient néanmoins des uniformes de camouflage à l'époque. Je me souviens
16 très bien de ces hommes. J'ai d'ailleurs reconnu l'un d'entre eux lors d'un
17 journal télévisé à la SRNA. J'aimerais d'ailleurs le retrouver pour pouvoir
18 lui demander s'il n'a jamais eu une mère et s'il aurait permis que l'on
19 traite sa mère de la façon dont il m'a traitée.
20 Q. Dans ce journal télévisé, est-ce que cet individu a été
21 identifié, et si c'est le cas, qui était-ce ?
22 R. Croyez-moi, je n'ai jamais su qui c'était cet homme qui m'a battu
23 pendant mon interrogatoire. Par la suite, nous avons appris les noms des
24 autres. Ils s'appelaient Pero Biber. Je ne sais pas s'il s'agissait de leur
25 vrai noms ou de surnoms. Je ne peux pas vous dire, mais ils étaient, en
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1 quelque sorte, des mercenaires.
2 Q. Témoin 239, si vous voulez bien me suivre. J'ai peut-être raté la
3 réponse à votre question. Je voulais simplement demander qui étaient les
4 gens qui vous battaient à Soping. Est-ce que vous avez déjà répondu à la
5 question ? Je voudrais vous demander de bien vouloir répéter qui vous
6 battait dans le bâtiment de Soping, si vous voulez bien le dire à la
7 Chambre ?
8 R. C'étaient des militaires qui se trouvaient dans un bâtiment, dans une
9 pièce, et les autres qui nous battaient dans l'autre pièce portaient des
10 uniformes de camouflage. On n'a jamais découvert qui c'était. Il y avait un
11 groupe d'hommes à Soping et un autre groupe d'hommes à Dubrovkinja.
12 Q. Avez-vous obtenu des informations sur l'appartenance ethnique des gens
13 qui vous ont battu à Soping, et des informations sur l'appartenance
14 ethnique de ceux qui vous ont battu à Dubrovkinja ?
15 R. Ils étaient tous des Orthodoxes.
16 Q. Lorsqu'on vous emmenait en voiture de Soping, et le bâtiment que vous
17 avez décrit à Dubrovkinja, est-ce que le chauffeur du véhicule vous a dit
18 quoi que ce soit ?
19 R. Le chauffeur était un homme jeune, très beau, et très jeune. Il
20 conduisait la Golf, et alors que nous prenions un tournant à Vrace, et pour
21 monter, il a dit : "Je suis vraiment désolé pour vous. J'ai entendu qu'ils
22 allaient vous tuer."
23 Q. Vous avez fait référence à deux hommes que l'on battait également avec
24 vous dans le bâtiment de Soping qui ont également été emmenés à
25 Dubrovkinja. Quels étaient les noms de ces deux hommes ?
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1 R. L'un s'appelait Kerim, et il est retourné à Grbavica. Il a survécu.
2 L'autre s'appelait Kolar, et malheureusement, il est mort dans cet endroit
3 terrible qui s'appelle Lukavica.
4 Q. Vous avez mentionné Lukavica. Après Dubrovkinja, où est-ce qu'on vous a
5 emmenée ?
6 Q. De Dubrovkinja, ils nous ont emmenés vers une cabane abandonnée.
7 C'était d'une certaine manière un endroit où étaient entreposées les
8 chaussures. On voyait des chaussures, là, de taille 38, 39, 40,41. Il y
9 avait un sol en béton. Nous avons tous reçus une couverture. Cette pièce
10 était toute petite. Nous étions 27, nous ne pouvions pas nous coucher. Nous
11 tortillons les uns derrière les autres pour pouvoir nous allonger sur le
12 sol.
13 Q. Vous avez dit que vous étiez détenus dans une cabane abandonnée. A
14 quelle distance se trouvait cette cabane de la caserne à Lukavica ?
15 R. C'était à l'intérieur de l'ensemble du bâtiment de Lukavica, mais de
16 l'ensemble de bâtiment que comprenait la caserne, mais c'était plutôt vers
17 le haut parce qu'il y avait de très grands bâtiments, alors que, si,
18 c'était comme un bungalow. Il n'était pas construit en bois. Il y avait du
19 ciment, mais cette cabane également avait des fenêtres avec des barreaux.
20 Cela ressemblait à un entrepôt abandonné. Je ne sais pas très bien comment
21 vous l'expliquer.
22 Q. Est-ce qu'à un moment donné pendant que vous étiez détenus à Lukavica,
23 est-ce qu'on vous a ramené au bâtiment de Dubrovkinja ?
24 R. Ils nous y emmenaient tous les jours. Nous ne pouvions pas aller aux
25 toilettes, sauf le matin quand ils déverrouillaient la porte. Ils nous
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1 disaient ce que nous avions à faire ce jour-là. Ils avaient une sorte de
2 toilettes improvisées faites en bois à l'extérieur. Le matin, ils
3 déverrouillaient la porte et nous laissaient nous rendre aux toilettes un à
4 un, et nous disaient sans cesse de nous dépêcher. Ensuite, ils nous
5 disaient ce que nous devions faire ce jour-là.
6 Ils nous emmenaient à Dubrovkinja pour nous interroger encore et nous
7 posaient toujours des questions qui n'avaient rien à voir avec nous. Si
8 nous pouvions y répondre, ils nous rouaient de coups. C'est comme cela que
9 cela se passait tous les jours.
10 Q. Pendant que vous étiez à Lukavica, est-ce que vous avez fait des
11 travaux d'une sorte ou d'une autre ?
12 R. J'ai fait des travaux comme faisaient les hommes. J'avais une pelle; je
13 nettoyais les cuisines, je ramassais du papier ou des ordures autour de la
14 caserne. Nous n'avions rien à voir avec leurs personnes de nettoyage, mais
15 nous nettoyions néanmoins. Je nettoyais autour de la caserne et les hommes
16 ont été emmenés pour fendre du bois, ramener du bois, et des travaux comme
17 cela.
18 Q. Vous avez dit que l'une des personnes avec laquelle vous étiez détenue,
19 qui s'appelait Kolar, et cette personne est morte pendant que vous étiez à
20 Lukavica. Pourriez-vous décrire à la Chambre les circonstances de sa mort ?
21 R. La première fois que je l'ai vu à Soping, ce jour-là, le 16, il avait
22 déjà été roué de coups. Quand nous nous sommes retrouvés la nuit dans cette
23 cabane, même avant avoir été roué de coups la première fois, il leur avait
24 dit qu'il avait déjà eu une crise cardiaque auparavant. Il leur a demandé
25 de ne pas le frapper. Il le répétait toujours même quand il a été battu la
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1 deuxième et la troisième fois. Il leur a dit: "J'ai survécu à une crise
2 cardiaque. S'il vous plaît, ne me battez pas." C'était un homme frêle, de
3 petite corpulence, fluet. Ils nous ont emmenés vers les cuisines pour vider
4 des containers. Ils ne nous ont pas donné beaucoup d'eau à boire. Ils ont
5 ouvert une sorte de contenant où l'eau sortait très chaude. Ils nous ont
6 permis de nous laver le visage et de boire de l'eau. Ensuite, ils nous ont
7 laissé retourner vers notre cabane.
8 En n'y retournant, nous étions toujours escortés par un gardien qui est
9 resté assis sur la pelouse à côté de la pompe. Il a dit: "Je ne peux pas
10 aller plus loin." Ensuite, le garde qui nous escortait l'a forcé à
11 continuer. On n'était pas autorisé à parler entre nous. On a néanmoins
12 réussi à le ramener à la cabane, à le soutenir. On a essayé de lui faire
13 respirer de l'air frais pour le rafraîchir. On l'a installé près de la
14 fenêtre, mais c'était inutile. Il était appuyé contre le mur et il a
15 commencé à suffoquer. En fait, on a pu entendre un râle, sans parler de
16 lui.
17 Le matin, quand ils ont ouvert la porte, nous avons dit qu'il était mort.
18 Le chef, le commandant proprement, a dit: "Bien, veuillez écrire qu'il est
19 mort de causes naturelles."
20 Q. Quelle était l'apparence de son corps quand il était allongé là ?
21 Pouvez-vous décrire son corps ?
22 R. Il avait le visage tout noir et nous avons demandé ce que nous devions
23 faire de lui. Ils nous ont répondu de creuser une tombe derrière la cabane
24 et de l'y enterrer. C'est ce que nous avons fait. Nous l'avons enterré tôt
25 le matin. Nous l'avons enterré là. Quelques cinq années plus tard, son fils
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1 le cherchait, parce qu'en fait, on avait dit que c'était une des personnes
2 manquantes. Notre camp n'avait été fait état à nulle part. Il n'a pas pu
3 retrouver son père ni de savoir ce qui lui était arrivé. Je lui ai dit que
4 son père était enterré là, ce qu'il portait, qu'il avait une montre Seiko
5 avec un cadran bleu. Les gens l'ont exhumé et ils l'ont retrouvé et il a
6 été enterré correctement.
7 Q. Vous dites que son visage était tout noir. Pourquoi ? Pourriez-vous
8 nous dire pourquoi ? Aviez-vous des éléments d'information là-dessus ?
9 R. Sans doute, parce que les personnes autour de moi m'ont dit cela à ce
10 moment-là. Toutes les personnes qui souffrent d'insuffisance cardiaque ont
11 le sang qui remonte jusqu'à la tête. C'est pour cela que le visage est
12 noir.
13 Q. Lorsque vous étiez à Lukavica et que vous avez nettoyé l'endroit, est-
14 ce que vous deviez nettoyer l'extérieur du bâtiment à Lukavica ?
15 R. Non, nous n'avions pas le droit de quitter l'enceinte de la caserne. Ce
16 n'est qu'à une ou deux reprises lorsque nous sommes partis en voiture
17 jusqu'à Miljacka parce que des soldats de l'armée fédérale avaient été tués.
18 Q. Je crois que l'ensemble de ma phrase n'a pas été enregistré. La
19 question que je voulais vous poser lorsque vous livriez à ces travaux de
20 nettoyage, est-ce que vous deviez également nettoyer à l'extérieur de la
21 caserne ?
22 R. Oui, oui, tout à fait, à l'extérieur. Nous n'entrions pas dans la
23 caserne, à proprement parler.
24 Q. A une occasion lorsque vous étiez en train de nettoyer dehors, est-ce
25 que vous avez vu des véhicules ou tout autre engin arrivé devant la
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1 caserne ?
2 R. Oui. Le général MacKenzie devait arriver, et à ce moment-là, nous
3 devions nettoyer tout l'extérieur de la caserne, et on déroulait un tapis
4 rouge pour lui. Ce jour-là, vers 11 heures, un hélicoptère a atterri. M.
5 Radovan, M. Koljevic, M. Krajisnik, et Biljana Plavsic étaient à
6 l'intérieur.
7 Q. A quelle distance étiez-vous de l'hélicoptère lorsque celui-ci s'est
8 posé ?
9 R. A une quinzaine de mètres environ. Deux ou trois hommes et moi-même,
10 j'étais la seule femme qui n'avait pas été échangée. J'étais la seule femme
11 qui restait dans cette cabane. Toutes les autres personnes et toutes les
12 autres femmes avaient déjà été échangées.
13 Q. Ces deux ou trois hommes et vous-même, à quoi ressembliez-vous à ce
14 moment-là ?
15 R. J'avais été passée à tabac. J'avais des ecchymoses partout. J'avais une
16 blessure à la jambe. Nous avions tous été passés à tabac. Ils ont cessé de
17 nous frapper deux ou trois jours seulement avant mon départ, mais avant
18 cela, on nous frappait quotidiennement.
19 Q. Vous avez cité les noms de quatre personnes qui se trouvaient à
20 l'intérieur de l'hélicoptère. Ces personnes sont-elles restées à
21 l'intérieur de l'hélicoptère ou sont-elles descendues de l'hélicoptère ?
22 R. Ces personnes sont descendues de l'hélicoptère et sont entrées à
23 l'intérieur de la caserne.
24 Q. Quelle distance y avait-il, ou quelle distance séparait l'hélicoptère
25 de la caserne, et où étiez-vous à ce moment-là en compagnie des deux ou
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1 trois hommes avec lesquels vous étiez détenus par rapport à ces quatre
2 mêmes personnes alors qu'elles entraient dans la caserne ? Où étiez-vous à
3 ce moment-là ?
4 R. Nous étions à 15 ou 20 mètres environ de là. L'hélicoptère était à une
5 trentaine de mètres de nous. Nous n'avons pas osé poser nos regards trop
6 longtemps sur eux. J'étais la seule à les regarder, à lever mon regard, et
7 un garde m'a frappé à la tête de façon à ce que je ne puisse pas regarder.
8 Nous avons tous réussis à regarder.
9 Q. Quand vous dites que vous avez levé la tête pour regarder, où étiez-
10 vous ? Comment avez-vous fait ?
11 R. Je me suis tournée sur la droite à l'endroit où l'hélicoptère s'était
12 posé.
13 Q. Lorsque vous les avez regardés, qu'est-ce que vous avez remarqué à leur
14 sujet ? Dans quelle direction regardait-il ? Ou aviez-vous remarqué autre
15 chose ?
16 R. Je n'ai pas eu le temps de regarder longtemps, car même lorsque nous
17 nous déplacions en file indienne, nous n'avions pas le droit de nous
18 retourner, de regarder autour de nous. Nous étions dans une petite
19 dépression, et l'hélicoptère a atterri sur un terrain un peu plus élevé.
20 C'est comme cela que nous avons pu regarder. Je suis sûre qu'ils auraient
21 pu nous voir. S'ils s'étaient tournés dans notre direction, ils auraient
22 certainement pu nous voir.
23 Q. Le 30 juin 1992, le général MacKenzie s'est-il rendu dans la caserne de
24 Lukavica ?
25 R. Je suis très reconnaissante envers le général MacKenzie et Dieu, qui
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1 m'ont sauvé la vie. Car à deux reprises, on m'avait sorti de la caserne
2 pour être échangée, mais à deux reprises, on m'a emmené dans la caserne et
3 je n'ai pas été échangée.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, je souhaite poser une
5 question pour clarifier un point.
6 Lorsque vous avez parlé des personnes qui se trouvaient dans l'hélicoptère.
7 Vous avez parlé de M. Radovan.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Karadzic.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est lui que vous entendiez; Radovan
10 Karadzic.
11 Veuillez poursuivre, Monsieur Margetts, s'il vous plaît.
12 M. MARGETTS : [interprétation]
13 Q. Vous dites être reconnaissante envers le général MacKenzie parce qu'il
14 vous a fait sortir de la caserne. Vous avez également dit que vous avez été
15 emmenée aux fins d'être échangée à deux reprises. Est-il vrai de dire que
16 d'autres personnes qui étaient avec vous en détention ont été échangées
17 pendant le temps où vous étiez détenue à cet endroit-là ?
18 R. Ils nous ont emmenés dans des autocars. L'autocar arrivait et ils
19 appelaient les noms de personnes qui devaient être échangées devant la
20 porte. La première fois, cela s'est passé devant le bâtiment de l'assemblée,
21 le bâtiment de la présidence. Une femme a été échangée ainsi que trois
22 hommes, à cette occasion-là. La deuxième fois, nous nous sommes trouvés
23 devant le bureau de poste de Vrbanja, et quatre hommes y ont été échangés.
24 Lorsqu'un échange avait lieu de Pale ou d'ailleurs, ils envoyaient des
25 personnes qui devaient être échangées. Nous étions ajoutés à la liste de
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1 ces noms de façon à ce que le nombre soit le nombre de part et d'autre.
2 Q. Pour revenir au général MacKenzie et le fait qu'il avait pu vous faire
3 libérer de Lukavica, pourriez-vous décrire les circonstances de votre
4 rencontre, les commentaires que vous auriez pu recueillir, ou la
5 conversation que vous avez pu avoir avec lui ?
6 R. Je ne savais pas très bien comment lui parler. C'était déjà la tombée
7 de la nuit. Il quittait la caserne. Il est passé très près de nous. Il a vu
8 que j'étais toute bleue et noire, que j'avais des bleus partout. Il était
9 accompagné d'un interprète, et par le biais de l'interprète, il m'a
10 demandé : Que se passe-t-il ? Je lui ai répondu que j'étais dans un camp et
11 que j'avais été passée à tabac. Il y avait un véhicule blindé de transport
12 de troupes juste à côté et le général a dit : "Montez dans le véhicule de
13 transport de troupes."
14 Le gardien a dit : "Non, non, non, on ne peut pas la laisser partir."
15 Le général a dit : "J'en prends la responsabilité et je l'emmène avec moi."
16 Il y avait deux hommes à côté de moi, et je me suis agenouillée devant lui
17 en serrant les mains, et je lui ai supplié d'emmener les deux autres hommes
18 en même temps. Il nous a emmenés tous les trois dans le véhicule blindé de
19 transport de troupes et nous a emmenés au bureau de poste d'Inzinjering.
20 M. MARGETTS : [interprétation] Merci, Témoin 239.
21 Je souhaite présenter au témoin un certain nombre de documents et lui poser
22 des questions à propos de ces documents, et un autre point qui n'est pas
23 lié à ces points-ci. Je ne sais pas si c'est opportun de faire la pause
24 maintenant ou non.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En général, nous faisons la première
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1 pause à 15 heures 45; nous allons poursuivre pendant encore quelques 20
2 minutes.
3 M. MARGETTS : [interprétation] Pardonnez-moi, mais je me basais sur les
4 horaires du matin et je pensais que nous allions nous arrêter bientôt.
5 Si vous voulez bien, maintenant, Madame l'Huissière, présenter au
6 témoin, deux documents, l'un qui est daté du 30 juin, c'est le premier et
7 l'autre est daté du 11 juin et ils portent le numéro quatre et cinq sur la
8 liste des pièces de l'Accusation.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
10 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Le document du 30 juin de la pièce de
11 l'Accusation porte le numéro P629 et le document qui est daté du 11 juin de
12 la pièce de l'Accusation porte le numéro P630.
13 M. MARGETTS : [interprétation]
14 Q. Nous allons, d'abord, regarder le document qui porte le numéro P629. Il
15 est daté du 30 juin 1992 et au paragraphe 4, on indique qu'il a été envoyé
16 par MacKenzie à un autre destinataire de la FORPRONU. Au paragraphe 9, on
17 fait état, ici, d'un propos de MacKenzie : "J'ai, aujourd'hui, à Lukavica -
18 - j'ai rencontré le professeur Koljevic, le colonel Tolimir et un deuxième
19 colonel."
20 Témoin 239, pourriez-vous confirmer que c'est bien à ces dates-là que
21 vous avez rencontré le général MacKenzie, le 30 juin.
22 R. Oui, il m'a fait sortir. Bien sûr que je l'ai vu et dans le véhicule
23 blindé, il m'a demandé de chanter un chant qui est "La marche le long de la
24 Drina."
25 M. MARGETTS : [interprétation] J'en ai terminé avec ce document. Je
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1 souhaite passer, maintenant, à l'autre document qui est daté du
2 11 juin 1992. Il s'agit, encore une fois, d'un mémo envoyé par le général
3 Mackenzie.
4 Q. Au premier paragraphe il parle d'une visite prolongée à Lukavica et il
5 dit avoir eu l'occasion de rencontrer Mme Plavsic. Il dit que le général
6 Mladic n'était pas en ville et on ne savait pas où il était. Il va essayer
7 de le rencontrer demain. Mme Plavsic a promis que le SDS appuierait
8 l'accord. Il semblerait que ce soit un accord qui porte sur un cessez-le-
9 feu.
10 Vers la fin de ce paragraphe, on peut lire que :"Elle," Mme Plavsic,
11 "a indiqué qu'elle tenterait de convaincre les commandants de la région de
12 leurs intentions honorables."
13 Madame le Témoin, je vous présente ceci et vous demande, s'il vous
14 plaît, de bien vouloir indiquer aux Juges de la Chambre quelle date vous
15 avez, vous-même, vu Mme Plavsic, en compagnie de membres de l'armée à
16 Soping.
17 R. C'était le 16 juin, c'est le jour où j'ai été emmenée dans le camp.
18 Q. Merci Madame le Témoin.
19 M. MARGETTS : [interprétation] Je souhaite, maintenant, qu'on reprenne ces
20 documents et qu'on lui présente les trois documents suivants, s'il vous
21 plaît : 6, 7 et 8 sur la liste des documents de l'Accusation et nous allons
22 les prendre en ordre.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame la Greffière.
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17 [Audience à huis clos partiel]
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1 [Audience publique]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Témoin 239, nous sommes maintenant en
3 audience publique. C'est Me Loukas qui représente les intérêts de l'accusé.
4 C'est le conseil de la Défense qui vous posera les questions dans le cadre
5 du contre-interrogatoire. Si l'on vous pose des questions qui sont sujettes
6 à dévoiler votre identité, je vous prierais de me demander de passer à huis
7 clos partiel, et si
8 Me Loukas estime qu'il faut poser des questions personnelles ou des
9 questions qui pourraient dévoiler votre identité, à ce moment-là, elle
10 demandera de passer à huis clos partiel afin que ces détails ne soient pas
11 révélés au monde extérieur.
12 Maître Loukas, veuillez poursuivre.
13 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
14 Contre-interrogatoire par Mme Loukas :
15 Q. [interprétation] Bonjour, Madame.
16 R. Bonjour.
17 Q. Vous avez dit avoir vu M. Momcilo Krajisnik descendre d'un hélicoptère
18 accompagné de certaines autres personnes. Cet hélicoptère a atterri dans
19 une base à Lukavica. En fait, Madame, M. Krajisnik ne s'est jamais rendu là
20 et que direz-vous si je vous disais que vous êtes en train de faire une
21 erreur concernant ce que vous avez dit.
22 R. Je vous prierais de me croire ce que j'ai dit. J'ai également évoqué
23 des noms de détenus qui étaient avec moi et ils ont confirmé la même chose.
24 Ils ont confirmé avoir vu personnellement
25 M. Krajisnik.
Page 12421
1 Q. Madame, pourriez-vous nous donner des noms de personnes pour lesquelles
2 vous dites qu'elles avaient vu M. Krajisnik.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, devrait-on passer à huis
4 clos partiel à ce moment-là ?
5 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le témoin
6 peut gérer elle-même.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais le témoin n'a pas
8 nécessairement l'expérience nécessaire pour nous demander de passer à huis
9 clos partiel.
10 Madame Loukas vous demande, Madame, de nous donner les noms de
11 personnes détenues, de co-détenus qui étaient avec vous et qui ont confirmé,
12 comme vous le dites, avoir vu, personnellement, M. Krajisnik, à cet
13 endroit-là. Ma première question serait : peut-on savoir si vous n'avez pas
14 personnellement vu M. Krajisnik. Vous avez dit que d'autres personnes l'ont
15 vu, personnellement. Mais qu'en est-il de vous, Madame ? L'avez-vous vu ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai vu, personnellement. Il y avait un
17 garçon qui était avec moi qui s'appelait Dado. Je sais que ce garçon était
18 dans un camp à Pale; ensuite, il a été transféré à Lukavica. Voilà pour une
19 personne et cette autre personne, Dado, il connaissait un étudiant de
20 Hadzici, mais je ne connais pas son nom.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Loukas, veuillez continuer,
22 je vous prie.
23 Mme LOUKAS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Q. Madame, vous ne seriez pas prête à admettre que vous pourriez peut-être
25 faire erreur lorsque vous dites avoir vu
Page 12422
1 M. Krajisnik, là ?
2 R. Non. Je suis certaine de ne pas m'être trompée car j'avais déjà vu M.
3 Krajisnik à la télévision avant cela, avant cette date et il est tout à
4 fait impossible que j'aie pu le prendre pour une autre personne.
5 Q. Maintenant, Madame, je vais vous remettre une feuille de papier et je
6 vais vous demander de nous tracer un diagramme, un schéma, de nous
7 expliquer quel est l'endroit où vous vous trouviez, où l'hélicoptère a-t-il
8 atterri et je voudrais que vous nous indiquiez certains bâtiments, de nous
9 indiquer ce qui se trouvait autour; est-ce que vous comprenez ce que je
10 veux dire ?
11 R. Oui, tout à fait.
12 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, pourrait-on placer ce
13 document sur le rétroprojecteur afin que tout le monde puisse le voir, le
14 diagramme en question.
15 [La Chambre de première instance se concerte]
16 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
17 je voulais simplement vous informer que vos micros étaient ouverts.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Loukas, il est certain que nous
19 pouvons placer ce diagramme sur le rétroprojecteur. Sur la base de ce que
20 nous voyons, toutefois, nous nous demandons, nous, les Juges de la Chambre,
21 si, effectivement, ce document peut nous aider ou nous dire autre chose que
22 d'établir que notre témoin est le plus grand des peintres de ce monde.
23 C'est plutôt simpliste comme dessin, c'est très imprécis. Si vous pensez
24 que vous pouvez poser des questions sur la base de ce croquis, vous pouvez
25 le faire, certainement, si vous le souhaitez.
Page 12423
1 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le témoin
2 est certainement une meilleure artiste peintre que moi. Bien sûr, il n'est
3 pas nécessaire de placer ce document sur le rétroprojecteur. Mais nous
4 pouvons peut-être demander au témoin de l'avoir sous les yeux.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 M. MARGETTS : [interprétation]
7 Q. Témoin, s'agissant de votre croquis, à la droite, vous avez indiqué
8 caserne, n'est-ce pas ?
9 R. Oui.
10 Mme LOUKAS : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, je viens
11 d'entendre l'interprète me dire, microphone, s'il vous plaît.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que cela se référait plutôt à
13 moi, Maître Loukas.
14 Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien. Merci.
15 Q. Madame, vous avez écrit les mots "hélicoptère" et "moi-même." Ce mot
16 "moi-même" se référait à vous, n'est-ce pas ?
17 R. Non. J'ai indiqué "nous." "Nous" veut dire nous, c'est moi et les deux
18 personnes qui étaient à côté de moi. L'hélicoptère se trouve sur cette
19 ligne droite alors que la caserne se trouve à droite. Il y avait deux ou
20 trois marches et à ce moment-là, on pouvait entrer dans la caserne.
21 Q. Pourriez-vous, je vous prie, nous décrire cette dépression ? Quelle
22 était la profondeur de ce creux, cette dépression ?
23 R. Comment voulez-vous que je vous le dise exactement ? C'est peut-être un
24 mètre et demi, pas plus.
25 Q. Vous êtes en train de dire aux Juges de la Chambre que vous vous vous
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1 trouviez dans une dépression qui était située à, environ, un mètre et demi
2 plus bas que le sol, n'est-ce pas ? Est-ce que c'était cela ?
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faudrait peut-être quand même placer
4 le document sur le rétroprojecteur, à ce moment-là.
5 R. Approximativement, oui.
6 Mme LOUKAS : [interprétation]
7 Q. Madame, nous avons parlé d'une dépression et je vous ai posé, à
8 l'instant, une question, à savoir : "Quelle était la profondeur de cette
9 dépression ?" Vous avez relaté aux Juges de la Chambre que vous vous
10 trouviez, à ce moment-là, dans une dépression qui avait, environ, un mètre
11 et demi de profondeur; est-ce exact ?
12 R. Oui.
13 Q. D'accord.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, avant de poursuivre, je
15 vois, maintenant, un croquis sous les yeux. S'agissant de la dépression,
16 j'imagine que cette dépression est légèrement plus basse que le niveau du
17 sol. C'est un creux. Si je prends ce croquis, si je l'examine et si je le
18 comprends de façon littérale, la Kasarna se trouverait sous terre.
19 Au même moment, ce diagramme pourrait être vu de façon verticale,
20 mais si on examine le diagramme et si on se demande où la kasarna se trouve,
21 on aura l'impression, plutôt, que c'est une vue prise d'en haut, à vol
22 d'oiseau.
23 Il semblerait que ce soit une opposition, une représentation
24 verticale et horizontale. Je vois deux éléments bien différents et il
25 s'agirait presque de deux croquis différents. Nous ne pouvons pas vraiment
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1 voir et comprendre où se trouvait l'hélicoptère par rapport au mot "nous"
2 et à la caserne.
3 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, justement, Monsieur le Président, je
4 voulais poser mes questions là-dessus parce qu'effectivement, je
5 souhaiterais qu'on verse au dossier ce document, afin qu'on puisse savoir
6 de quoi il en était.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce croquis qui se trouve sur
8 le rétroprojecteur en ce moment est très imprécis car il combine deux vues
9 bien différentes, une vue horizontale et une vue verticale. Je crois que ce
10 croquis ne peut pas nous aider si -- je ne sais pas le mot en anglais.
11 M. MARGETTS : [interprétation] L'axe vertical et l'axe horizontal.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Si vous faites une
13 représentation verticale d'un bureau, par exemple, à ce moment-là, vous
14 faites une représentation verticale, une section de ce meuble, alors, c'est
15 une vue verticale et sur un même document, on ne peut pas avoir une vue
16 verticale et une vue horizontale de la même vue, à moins que vous puissiez
17 expliquer à la Chambre qu'il s'agit de quelque chose d'autre, mais il me
18 semblerait, à premier abord, que ce document contient une vue, un axe
19 vertical et un axe horizontal; je crois que les deux éléments ne peuvent
20 pas être combinés. On ne peut pas les représenter sur la même feuille et je
21 crois que notre témoin est plutôt limitée dans la façon dont elle présente
22 ce croquis.
23 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, effectivement, Monsieur le Président. Je
24 tiens compte de ce que vous dites, mais j'aurais quand même des questions à
25 poser au témoin concernant cette question et je propose de poursuivre sur
Page 12426
1 ce sujet.
2 [La Chambre de première instance se concerte]
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le sujet, d'accord. Vous pouvez poser
4 des questions sur le sujet, mais je vous prierai de ne pas faire référence
5 à ce croquis.
6 Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien, j'ai compris, Monsieur le
7 Président, Messieurs les Juges. Vous souhaiteriez que je pose des questions
8 et non pas que je me réfère au croquis.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
10 Mme LOUKAS : [interprétation] Très bien.
11 Q. Madame, concernant maintenant ce que vous venez de dessiner, ce
12 croquis ou plutôt --
13 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, si vous me permettez,
14 j'aurais une question à poser au témoin concernant cette question.
15 Q. Que représentent ces deux lignes verticales-là où vous avez dessiné --
16 où il y a le mot "kasarna", les deux lignes que vous avez dessinées ?
17 R. Il s'agit d'une route goudronnée assez large qui mène vers la caserne,
18 c'est-à-dire que lorsqu'on vient de la ville, on prend cette route et c'est
19 là qu'on entre dans la caserne, c'est-à-dire que l'entrée de la caserne,
20 lorsqu'on va de Sarajevo, c'est à gauche. Alors que nous, on se dirigeait
21 de l'autre côté, là où on voit les mots "we," "nous," donc, nous, nous
22 allions de notre caserne et c'est là qu'on nous a placé dans cette
23 dépression, dans ce creux alors que l'hélicoptère a atterri à un endroit
24 plus élevé et horizontal.
25 Q. Je vous remercie, Madame le Témoin. Pourriez-vous, je vous prie,
Page 12427
1 indiquer aux Juges de la Chambre quelle était la distance entre l'endroit
2 où vous étiez placée, là où vous vous trouviez dans cette dépression et la
3 caserne ?
4 R. Comme je l'ai déjà dit plus tôt, il s'agirait, environ, d'une trentaine
5 de mètres. Si je vous parle de façon très approximative, peut-être de 30 à
6 40 mètres.
7 Q. Je vous remercie, Madame. Dites-nous quelle était la distance entre
8 l'endroit où vous vous trouviez, dans cette dépression -- la distance entre
9 eux, la dépression et l'hélicoptère.
10 R. Je ne pourrais vraiment pas vous le dire, mais comme il ventait
11 beaucoup, les hélices avaient causé un vent. Je sais que j'ai été
12 ébouriffée; je ne sais pas à quelle distance l'hélicoptère se trouvait,
13 mais je sais que c'était suffisant pour que mes cheveux soient ébouriffés
14 par le vent causé par les hélices.
15 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner une distance en mètre ?
16 R. Croyez-moi, je ne le sais vraiment pas car on ne nous a pas permis de
17 voir à gauche, à droite. Il fallait simplement regarder devant nous et je
18 levais la tête, cela a peut-être duré une demie-minute. Je n'ai pas essayé
19 d'établir la distance entre nous et l'hélicoptère.
20 Q. C'est à ce moment-là que vous avez levé votre tête et vous avez vu M.
21 Krajisnik ? Au moment où vous avez levé la tête.
22 R. J'avais la possibilité et l'occasion de les reconnaître tous car ce
23 n'était pas la première fois que je voyais ces visages.
24 Q. Oui, je comprends ce que vous dites, Madame, mais ma question visait,
25 plutôt, à savoir si vous avez vu M. Krajisnik à ce moment précis où vous
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1 avez levé la tête. C'est à ce moment-là que vous avez pu l'identifier,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Oui, c'est absolument ainsi car un an avant la guerre, nous pouvions
4 voir M. Krajisnik à la télévision constamment. Il était absolument
5 impossible de le prendre pour une autre personne.
6 Q. Vous nous avez dit qu'un an avant le début de la guerre, il
7 apparaissait tout le temps à la télévision. J'imagine que vous parlez de la
8 période en 1990 lorsqu'il y a eu des élections, lorsque l'élection générale
9 a eu lieu.
10 R. Il était parmi les personnes les plus proéminentes du peuple serbe. Il
11 était le dirigeant du côté serbe.
12 Q. Très bien. Maintenant, Madame, je souhaiterais qu'on examine votre
13 déclaration dans le bureau du Procureur,
14 le 27 mars 2001 et je vais, maintenant, vous donner lecture du paragraphe 5.
15 Vous dites :
16 "Je peux me souvenir du parti qui venait d'être nouvellement formé
17 tels le STA et le HDZ. Je me souviens qu'ils avaient une campagne à
18 Sarajevo au cours de l'élection générale en 1990 [comme interprété]. Je me
19 souviens, également, que Karadzic et Krajisnik parlaient très souvent à la
20 télévision, au cours de cette élection."
21 J'imagine que ce que vous disiez, à l'époque, au bureau du Procureur,
22 c'était exact, qu'au cours de la campagne électorale, il vous est arrivé
23 très souvent de voir M. Krajisnik ?
24 R. Dans toute la ville, on pouvait voir des posters de Radovan Karadzic,
25 de Krajisnik ainsi que des représentants du HDZ et des autres partis,
Page 12429
1 également.
2 Q. C'était pendant la période électorale; est-ce exact, Madame ?
3 R. Je crois que c'était en 1990.
4 Mme LOUKAS : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
5 Q. Madame, M. Krajisnik n'a pas eu un rôle très important, au cours des
6 élections de 1990 et il n'y avait aucun poster, il n'y avait aucune affiche
7 de lui. Est-ce que vous maintenez encore que vous l'avez identifié, ce
8 jour-là, à Lukavica ?
9 R. Je suis absolument certaine et je réaffirme ce que j'ai dit.
10 Q. Vous nous avez dit avoir vu des programmes télévisés au cours de
11 la campagne électorale; vous nous avez dit avoir vu
12 M. Krajisnik à la télévision, au cours de cette campagne électorale.
13 Combien de fois croyez-vous l'avoir vu ?
14 R. A chaque fois qu'il y avait une session, je crois que c'était le
15 président de l'assemblée. Je ne me souviens plus très bien, mais je sais
16 que c'était lui qui parlait lors de ces sessions, c'est lui qui ouvrait les
17 sessions, qui présidait les sessions, également; c'est ainsi que je me
18 souviens des événements.
19 Q. Madame, ma question a trait à la campagne électorale. Dans votre
20 déclaration, vous avez dit : "Je me souviens également que Karadzic et
21 Krajisnik ont prononcé des discours à la télévision pendant la campagne
22 électorale." Ma question visait à savoir, par rapport à ce que vous avez vu
23 à la télévision, au cours de la campagne électorale, à combien de reprises
24 avez-vous vu M. Krajisnik, à la télévision, au cours de la campagne
25 électorale et en train de prononcer des discours ?
Page 12430
1 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas
2 d'objection à soulever quant à la campagne électorale, en particulier, mais
3 je crois que nous allons vers un petit peu de confusion parce que si nous
4 examinons la page 5 de la déclaration, vous voyez qu'il y a une référence
5 qui est faite dans le second paragraphe et qui pourrait nous aider dans ce
6 contexte.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit du deuxième
8 paragraphe qui porte le numéro 18 ?
9 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a été recouvert de feutre noir.
11 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, nous avons une copie
12 qui n'a pas de noir dessus, si on pouvait la donner aux Juges.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que c'est celle qui a été --
14 est un des documents pour le 89(F) qui a été préparé.
15 M. MARGETTS : [interprétation] Oui. Je suis surpris que ce soit ce
16 paragraphe qui soit noirci.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est exact. Je vous demande si ce
18 paragraphe est tel qu'il justifie une intervention en ce moment, mais --
19 Madame Loukas, vous avez vu qu'il y a des précisions à la
20 page 5.
21 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui. Bien sûr, je l'ai vu, Monsieur le
22 Président, mais je veux lui poser la question, en particulier, au sujet des
23 élections générales.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Loukas.
25 Mme LOUKAS : [interprétation]
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1 Q. Si vous me permettez de revenir à cette question.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est-à-dire, combien de temps le témoin
3 a vu M. Krajisnik à la télévision pendant la période électorale.
4 Mme LOUKAS : [interprétation] Mais je veux formuler la question avec les
5 mêmes mots exactement, Monsieur le Président.
6 Q. Je me demandais si, eu égard à ceci, ce que vous avez dit dans votre
7 déclaration préalable, c'est, je cite : "Je me souviens, également,
8 Krajisnik et Karadzic, s'adressant aux personnes à la télévision au cours
9 de la période électorale."
10 Ma question, celle que je vous ai posée, était ce que vous avez vu à
11 la télévision pendant la campagne électorale : "Combien de fois avez-vous
12 vu M. Krajisnik à la télévision, au cours de la période électorale,
13 s'adressant aux gens ?" Voilà la question telle que je vous l'avais posée.
14 R. Je n'avais jamais pensé que j'aurais besoin de compter combien de fois
15 je l'avais vu à la télévision. Je ne pensais jamais à avoir besoin de cette
16 information. Mais je suis sûre de l'avoir vu nombre de fois.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voulez-vous, Madame, nous donne une
18 estimation. Bien évidemment, personne ne savait qu'on poserait cette
19 question, environ, 15 ans après. Mais pouvez-vous nous donner une
20 estimation quant à savoir combien de fois vous avez vu
21 M. Krajisnik, pas présidant l'assemblée, mais s'adressant directement au
22 public, à la télévision, au cours de ces élections ou à l'époque des
23 élections. Pouvez-vous nous donner une estimation ? Deux fois, cinq fois,
24 15 fois, 50 fois, une estimation.
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être deux fois, au début, je l'ai
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1 remarqué très précisément. Mais j'ai remarqué que Radovan Karadzic parlait
2 en disant que l'état musulman allait disparaître, et cetera. M. Krajisnik
3 était toujours à côté pour le soutenir.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites toujours qu'au cours de ces
5 émissions télévisées, M. Krajisnik était là pour soutenir M. Karadzic ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il était toujours assis au premier rang,
7 lorsque Radovan Karadzic faisait un speech et ensuite, il applaudissait.
8 J'en suis sûre, c'était comme cela.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parlez-vous de séances à l'assemblée ou
10 de réunions qui ont été retransmises à la télévision ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais que lorsqu'il y a eu la réunion
12 principale de l'assemblée, quand Radovan Karadzic a dit que l'état musulman
13 allait disparaître, c'est ce dont je me souviens maintenant. Vous pouvez me
14 croire, je ne me souviens pas des autres fois.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demandais, en fait, ceux-ci sont
16 des programmes de télévision différents, mais combien de fois est-ce que M.
17 Krajisnik, combien de fois est-il apparu, si vous vous en souvenez, s'il
18 est apparu à la télévision et combien de fois, alors qu'il s'adressait
19 directement aux téléspectateurs, c'est-à-dire, pas dans une réunion qui
20 était retransmise à la télévision ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Madame Loukas.
23 Mme LOUKAS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
24 Q. Témoin, pour revenir à cette occasion, en particulier, vous dites avoir
25 vu M. Krajisnik. Que faisiez-vous exactement, à ce moment-là ?
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1 R. Que voulez-vous dire ? Au cours des séances ou quand j'étais dans le
2 camp ?
3 Q. Oui. Je comprends, je comprends. Non, je voulais de cette occasion au
4 cours de laquelle vous dites avoir vu M. Krajisnik descendre d'un
5 hélicoptère.
6 R. Je ramassais les ordures dans le creux parce qu'ils ne voulaient pas
7 qu'on voie des ordures jonchant le sol alors qu'ils allaient arriver.
8 Q. En quelle position vous trouviez-vous ? Etiez-vous debout ? Que
9 faisiez-vous ?
10 R. J'étais courbée.
11 Q. Vous étiez penchée. Quand vous dites que vous avez vu, l'espace d'un
12 instant, M. Krajisnik, est-ce que vous avez vu son visage de face ou de
13 profil ?
14 R. Je ne me souviens pas des détails, maintenant, mais dans le camp, nous
15 avons passé toute la nuit à discuter du fait qu'on les avait vus tous les
16 quatre. Quant à savoir s'il était au milieu ou sur le côté, mais je suis
17 sûre de l'avoir vu.
18 Q. A quelle distance étiez-vous de M. Krajisnik quand vous dites l'avoir
19 vu ?
20 R. Je voyais très clairement qu'il s'agissait peut-être de 15 ou 20
21 mètres.
22 Q. Quand vous l'avez vu, étiez-vous couchée ou debout dans le creux que
23 vous avez mentionné ?
24 R. Personne dans le camp n'avait la permission de se coucher. Même quand
25 nous dormions, nous étions plutôt assis que couchés.
Page 12434
1 Q. Vous n'étiez pas couchée ?
2 R. Où dites-vous que je n'étais pas couchée ?
3 Q. Quand vous avez vu M. Krajisnik.
4 R. J'aurais été en train de prendre le soleil et pas de ramasser les
5 ordures, si j'avais été couchée.
6 Q. Vous étiez assurément debout quand vous avez vu
7 M. Krajisnik?
8 R. Je vous ai dit que j'étais un peu courbée.
9 Q. Vous étiez penchée, mais pas couchée; est-ce exact ?
10 R. C'est exact, je n'étais pas couchée.
11 Q. Pendant toute cette période de temps, vous étiez debout quand vous avez
12 vu M. Krajisnik, à ce moment-là; est-ce exact ?
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Voudriez-vous bien préciser votre
14 question, Madame Loukas.
15 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, cela a déjà été posé
16 et répondu.
17 Mme LOUKAS : [interprétation]
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8 [Audience à huis clos partiel]
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14 [Audience publique]
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, Maître Loukas, vous nous
16 n'avez pas demandés de repartir en audience publique. Si vous avez estimé
17 que certains passages justement devaient être entendus en audience publique,
18 nous vous demandons de faire vos propositions à cet égard, car il est
19 important que le procès soit un procès public.
20 Mme LOUKAS : [interprétation] Oui, je suis d'accord avec vous pour dire que
21 c'est important que ce procès soit un procès public. Bien sûr, il faut
22 essayer de trouver un équilibre entre le passage à huis clos partiel et le
23 passage en audience publique. Je dois dire que M. Margetts peut tout à fait,
24 et moi-même, nous pouvons parvenir à un accord pour savoir ce qu'on doit
25 laisser et ce qu'on doit enlever.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme nous l'avons vu, je crois, que
2 d'autres suggestions ont été faites eu égard à d'autres témoins. La Chambre
3 a précisé beaucoup que les parties se mettent d'accord sur les passages qui
4 doivent être entendus en audience publique et les passages qui doivent être
5 entendus à huis clos partiel.
6 J'ai une décision à rendre. Y a-t-il d'autres points ?
7 M. MARGETTS : [interprétation] Simplement la question des pièces.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons traiter cela.
9 M. MARGETTS : [interprétation] Et deuxièmement, si Mme la Greffière
10 pourrait lire dans le compte rendu d'audience, s'il vous plaît, ces
11 différents documents supplémentaires relatifs au contexte auquel j'ai fait
12 référence au début de l'audience d'aujourd'hui.
13 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Ces deux documents portent sur KRAJ
14 073; P529, intercalaire 406, et P292, KID 31143.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame la Greffière.
16 Maintenant, les pièces se rapportant au Témoin 239.
17 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, le croquis. Vous ne
19 l'avez pas versé au dossier.
20 Mme LOUKAS : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que compte
21 tenu du fait que nous avons parlé du croquis au cours de la déposition de
22 ce témoin, je pense qu'il est important que ce document ait un numéro de
23 cote.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. On pourrait le marquer aux
25 fins d'identification, et bien sûr, si vous souhaitez le verser au dossier,
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1 alors --
2 Mme LOUKAS : [interprétation] Bien écoutez, c'est vrai que ce croquis n'est
3 pas indispensable en ce qui nous concerne. Je pense qu'il est important,
4 mais si c'est une pièce, à ce moment-là, c'est important de dire que cela
5 était cité au cours du témoignage.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous allons verser au dossier.
7 Madame la Greffière, s'il vous plaît, le croquis comportant
8 l'hélicoptère et "kasarna".
9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce de la Défense D42.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
11 Madame la Greffière, les autres documents, nous allons commencer avec le
12 P628, sous pli scellé; ensuite, P629, P630, P631, sous pli scellé; et P632,
13 P633 sous pli scellé; et la transcription de l'interview, numéro --
14 M. MARGETTS : [interprétation] P634, Monsieur le Président.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Egalement sous pli scellé. Je vois que
16 la déclaration que le témoin a faite, qui était recueillie par le TPIY,
17 n'est pas versée, bien que ce document figure toujours sur la liste. Donc,
18 P628 et P633 [comme interprété] sont versées au dossier. Etant donné que je
19 n'ai pas entendu d'objections quant au versement du croquis, D42 est versé
20 au dossier également. Y a-t-il d'autres ?
21 Mme LOUKAS : [interprétation] Le Président, pas d'autres questions.
22 Brièvement, si vous m'y autorisez : le témoin suivant, bien évidemment,
23 sera cité à la barre demain matin. Je ne sais pas si c'est demain matin ou
24 demain après-midi.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est demain après-midi.
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1 Mme LOUKAS : [interprétation] Le témoin suivant va être cité demain après-
2 midi. Je crois qu'il s'agit du dernier témoin de la semaine.
3 Monsieur le Président, je vous demande de bien vouloir aborder la question
4 de telle manière à ce qu'il y ait une pause entre l'interrogatoire
5 principal et le contre-interrogatoire. Peut-être qu'il faudrait poursuivre
6 le contre-interrogatoire le vendredi, si cela était possible. Comme vous le
7 savez, Monsieur le Juge, nous avons des témoins difficiles cette semaine.
8 Nous en avons quatre, et j'ai besoin de me familiariser avec le contenu de
9 tous les documents. Cela nous faciliterait la tâche si ceci était possible.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Margetts, c'est vous qui allez
11 interroger le témoin suivant ?
12 M. MARGETTS : [interprétation] Non, c'est M. Gaynor qui va interroger le
13 témoin suivant. Il est là, je pourrais lui poser la question.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Loukas, à vous en décider. Entrez
15 en contact, je vous prie, avec M. Gaynor pour voir s'il s'y oppose.
16 En même temps, la Chambre de première instance, bien que nous sommes
17 tournés d'accord pour dire que nous n'allons pas commencer le témoin
18 suivant aujourd'hui mais demain, étant donné les circonstances, nous
19 estimons que c'est un sage décision. Néanmoins, la Chambre de première
20 instance n'en est pas très satisfaite, et elle ne souhaite pas que cette
21 situation perdure.
22 Mme LOUKAS : [interprétation] Non, nous non plus.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il est tout à fait préférable d'avoir
24 davantage de témoins cette semaine.
25 Mme LOUKAS : [interprétation] C'est cela que vous voulez dire ? Bien.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Voyez-vous, nous ne sommes pas
2 très satisfaits de cette situation, car il s'agit de voir où il y a ces
3 pertes de temps. Bien sûr, la Chambre de première instance préférait
4 entendre les dépositions des témoins sans qu'il y ait des intervalles entre
5 ces auditions. Je ne sais pas s'il s'agit de réorganiser votre calendrier.
6 Je ne connais pas les raisons, mais je demande à l'Accusation de bien
7 vouloir utiliser pleinement le temps qui lui est imparti.
8 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que le seul commentaire que
9 souhaitait entendre la Chambre de première instance est que nous avons tout
10 à fait entendu ce que vous avez dit, et nous allons essayer de réaliser
11 cela et de répondre à vos attentes autant que faire se peut. Je comprends
12 fort bien que nous n'avons pas toujours réussi cette semaine, mais nous
13 allons nous y efforcer.
14 Mme LOUKAS : [interprétation] Comme l'indiquait Monsieur le Président,
15 l'Accusation a demandé l'indulgence des Juges de la Chambre, car elle
16 souhaitait commencer l'audition du témoin aujourd'hui par opposition à la
17 terminer hier. Et je vous demande de m'accorder la même chose, Monsieur le
18 Président. Je crois qu'étant donné les circonstances, la Défense se trouve
19 dans une situation où elle doit tenir compte des commentaires que vient de
20 faire le Président par rapport aux propos de l'Accusation, mais, Monsieur
21 le Président, on sait fort bien que l'Accusation aura quatre témoins cette
22 semaine et trois conseils différents qui doivent auditionner ces quatre
23 témoins.
24 M. MARGETTS : [interprétation] Monsieur le Président, je m'y oppose et je
25 m'y opposerais toujours. Nous acceptons qu'il s'agisse de quelque chose
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1 soulevé à notre initiative que le témoin a été entendu hier [comme
2 interprété], et que c'était en raison de son arrivée, et quelque chose qui
3 avait trait au conseil.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois qu'effectivement il y avait un
5 problème de santé.
6 M. MARGETTS : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.
7 Je voulais simplement indiquer aux Juges que depuis la survenue de cette
8 difficulté, j'ai posé des questions au témoin sur le problème de sa santé
9 hier, et on m'a dit qu'elle n'avait pas eu l'opération qui avait été prévue
10 étant donné les circonstances. Il était prévu qu'elle soit attendue ici. Je
11 m'en excuse auprès des Juges de la Chambre si cela a provoqué un quelconque
12 problème. L'enquêteur est entré en contact avec l'interprète. Néanmoins, le
13 témoin a 67 ans, et elle n'est arrivée que la veille.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il n'est pas nécessaire de rouvrir
15 le débat ici. J'accepte ce que je viens d'entendre. La Défense ne s'y ait
16 pas opposé. Le point important est celui que nous avons encore 25 heures
17 devant nous pour les entendre et voir comment nous allons utiliser le temps
18 de la Chambre.
19 Ensuite, une question de procédure ? Je vais rendre une décision à cet
20 égard. La décision porte sur la requête de l'Accusation aux fins de citer
21 deux témoins viva voce. Cette décision a été rendue sur la requête portant
22 sur l'audition de deux témoins viva voce portant les codes 679 et 680.
23 Cette requête a été déposée le 8 avril 2005. On y a ajouté le 12 avril, des
24 déclarations éventuelles que le témoin a signées.
25 Ce matin, la Défense a informé la Chambre, par l'intermédiaire du juriste,
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1 qu'elle n'a pas d'arguments à présenter à cet égard et en réponse à cela.
2 Pour motiver sa requête, l'Accusation déclare que ces deux témoins sont des
3 personnes relativement bien informées ayant vécu des événements de
4 l'intérieur, et dont le témoignage attendu est d'une pertinence directe par
5 rapport aux points essentiels de cette affaire. La requête a expliqué
6 pourquoi les deux témoins potentiels n'ont pas été appelés à la barre
7 auparavant. La raison principale étant le manque de coopération, jusqu'à
8 très récemment, par la Serbie-et-Monténégro, auparavant par la République
9 serbe fédérative de Yougoslavie. Selon l'explication donnée par
10 l'Accusation, la Serbie-et-Monténégro n'avait pas donné d'autorisation à
11 ces deux personnes, malgré les demandes répétées, formulées à son endroit
12 par l'Accusation durant une période de presque deux ans. Ces autorisations
13 furent finalement accordées en octobre 2004. Les déclarations des témoins
14 ont été recueillies au cours de la période allant de novembre 2004 à mars
15 2005.
16 La Chambre estime que l'Accusation a donné une explication satisfaisante
17 quant aux raisons pour lesquelles les témoins 679 et 680 n'ont pas été
18 ajoutés à la liste originale de témoins avant cette date. En outre, elle
19 estime que les deux témoins ont une importance, ce qui qualifie ou qui
20 justifie de les ajouter à la liste à ce moment avancé de la procédure. La
21 Chambre a pris en considération l'attitude coopérative de la Défense, qui
22 ne s'est pas opposée à la requête. Nous avons également pris en
23 considération les remarques de l'Accusation, et si je cite : "Selon
24 laquelle la déposition," que l'on a l'intention de faire entendre de ces
25 deux témoins, "fait partie d'un processus qui a donné lieu à une réduction
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1 considérable du nombre de témoins cité à comparaître par l'Accusation."
2 Dès lors, les Juges de la Chambre accède à cette requête.
3 Nous suspendons l'audience jusqu'à demain à 14 heures 15, dans cette même
4 salle d'audience.
5 --- L'audience est levée à 18 heures 52 et reprendra le jeudi 21 avril 2005,
6 à 9 heures 00.
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