Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mardi 11 octobre 2005

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 09.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, veuillez citer le

6 numéro de l'affaire au rôle, je vous prie.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, il s'agit

8 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik. Je vous

9 remercie.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier. Bonjour à

11 tous. Je vois que M. Harmon et M. Tieger représentent l'Accusation ce matin

12 et que Me Josse est présent pour représenter les intérêts de M. Krajisnik.

13 J'ai une ou même deux questions techniques à aborder. Premier point : je

14 demande à l'Accusation s'il lui serait possible de répondre aux requêtes

15 comme nous avons parlé hier à la fin de première partie de l'audience et je

16 lui demande également combien de temps il lui faudra pour ce faire ?

17 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, c'est possible et c'est

18 M. Gaynor qui s'exprimera sur ce point.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que cela ne nécessitera pas

20 plus de cinq à dix minutes maximum.

21 M. HARMON : [interprétation] En effet.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous consacrerons le temps nécessaire à

23 cette question. A présent, j'ai une deuxième question à aborder avec Me

24 Josse. Une demande précise est venue de la Défense au sujet de la tenue des

25 audiences le matin ou l'après-midi. Je dois vous dire que ce problème est

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1 toujours une source de débats intenses. Il y a tout de même une chance que

2 nous puissions siéger davantage l'après-midi à l'avenir bien que je sache

3 que ce n'est pas la préférence de nombreux d'entre nous. Je demande si la

4 Défense pourrait se satisfaire de plus de la moitié des audiences de

5 l'après-midi.

6 M. JOSSE : [interprétation] J'ai discuté de la question avec Me Stewart la

7 semaine dernière, après avoir reçu un appel de l'un des juristes hors

8 classe de la Chambre et notre conclusion c'est que nous avons besoin

9 d'exactement la moitié des audiences de l'après-midi.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'en voulez pas plus ?

11 M. JOSSE : [interprétation] Non, pas plus. Je dirais simplement que Me

12 Stewart risque d'arriver un peu plus tard ce matin et qu'il pourrait

13 traiter devant la Chambre d'un certain nombre de questions générales.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. J'ai eu l'impression que le fait

15 de siéger l'après-midi vous donnerait un peu plus de temps pour préparer

16 votre travail, y compris en ce qui concerne les rapports avec le quartier

17 pénitentiaire. C'est la raison pour laquelle je vous demandais si vous ne

18 souhaitiez pas que plus de la moitié des audiences se tiennent l'après-

19 midi.

20 M. JOSSE : [interprétation] J'aimerais revenir sur cette question à la fin

21 de la journée d'aujourd'hui ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

23 M. JOSSE : [interprétation] Je pense que Me Stewart entendra ceci et qu'il

24 aura quelque chose à dire à ce sujet.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. En dehors de cela, au mois

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1 de novembre, nous aurons un problème précis qui se posera parce que deux

2 prétoires seulement seront disponibles. Pour des raisons qui n'ont pas

3 encore été totalement explicitées, un procès qui normalement se tient le

4 matin risquera de se tenir l'après-midi.

5 Puis, il y a un autre point. C'est que je pense qu'il faudra

6 revenir sur cette question semaine après semaine sans régler toute la

7 question d'un coup. Il faudra sans doute que nous travaillions sur une base

8 hebdomadaire, ou en tout cas, sur la base de deux ou trois jours

9 consécutifs.

10 Je reviendrai sur cette question avec les responsables de la gestion

11 du prétoire.

12 Monsieur Harmon, vous voulez la parole ?

13 M. HARMON : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Je me suis

14 engagé à présenter mes arguments dans une heure, et je me rends compte que

15 M. Gaynor m'a dit hier soir qu'il a rendez-vous chez le médecin ce matin.

16 Je ne suis pas sûr de pouvoir y parvenir avant la pause.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr. Nous savons qu'aller dans le

18 cabinet d'un médecin au Pays-Bas signifie qu'il faut passer pas mal de

19 temps dans la salle d'attente. Nous n'appellerons pas l'Accusation à

20 prendre la parole depuis la salle d'attente du médecin. Vérifiez à la fin

21 de la première partie de la matinée ce qu'il en est.

22 M. HARMON : [interprétation] Merci, ce sera fait.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, est-ce que vous êtes prêt

24 à poursuivre l'interrogatoire de M. Vasic ?

25 M. JOSSE : [interprétation] Certainement.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'on fasse entrer le témoin.

2 M. JOSSE : [interprétation] Je tiens à annoncer d'emblée que des

3 reproductions de documents sont en train de s'effectuer à l'intention des

4 interprètes. Ces documents devraient être distribués dans les 15 minutes

5 qui viennent.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est parfait. D'ailleurs, puisque

7 l'occasion m'en est fournie, j'appelle l'attention de chacun sur le fait

8 que placer les documents sur le rétroprojecteur est très souvent utile. Ce

9 qui n'est pas le cas avec les vidéos, où on a vraiment besoin des

10 transcriptions écrites. Je ne pense pas qu'il y aura d'autres vidéos

11 diffusées.

12 M. JOSSE : [interprétation] Il n'en a pas d'autres.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, mais en tout cas j'appelle

14 l'attention de chacun sur ce fait pour l'avenir.

15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vasic. Vous

17 pouvez vous asseoir. Je tiens à vous rappeler que vous êtes toujours lié

18 par la déclaration solennelle que vous avez prononcée au début de votre

19 interrogatoire hier. Je suppose que je peux partir du principe que vous

20 avez remis un exemplaire de vos notes au Greffe, et que celles-ci vous ont

21 ensuite été rendues, n'est-ce pas ?

22 LE TÉMOIN : NEMANJA VASIC [Reprise]

23 [Le témoin répond par l'interprète]

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que les parties ont également

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1 reçu un exemplaire de ces notes. Oui. Je vois que des deux côtés on opine

2 du chef.

3 Maître Josse, vous avez la parole.

4 Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

5 Q. [interprétation] Monsieur Vasic, j'aimerais qu'on vous remette le

6 classeur de pièces à conviction noir.

7 Intercalaire 7. Vous avez parlé hier de l'incident sur Lisnja. Nous voyons

8 à l'intercalaire 7 plusieurs photographies. Je vous pose d'abord une

9 question générale, à savoir je vous demande ce que représentent ces

10 photographies d'après vous ?

11 R. Ces photographies ont été faites par le responsable du poste de

12 sécurité publique de Prnjavor après le désarmement, et on y voit les

13 tranchées qui avaient été creusées par un groupe d'extrémistes pour

14 d'éventuels combats ou ce genre de choses.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que le témoin dispose des

16 photographies originales ou travaillez-vous sur des photographies noir et

17 blanc ?

18 M. JOSSE : [interprétation]

19 Q. Sauf les originaux que vous avez apportés avec vous, Monsieur Vasic,

20 enfin, je peux répondre à votre place, bien sûr, mais j'aimerais m'assurer

21 que c'est bien le cas. Je vous demande s'il est exact que vous avez apporté

22 ces exemplaires de photographies avec vous ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. La seule raison pour laquelle

24 j'ai posé la question c'était que s'il y a des originaux couleur

25 disponibles, ils pourraient être placés sur le rétroprojecteur. Sinon, il

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1 faudra que nous nous satisfassions --

2 M. JOSSE : [interprétation] Aucune photographie couleur n'est disponible,

3 n'est-ce pas, Monsieur Vasic ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

5 M. JOSSE : [interprétation]

6 Q. J'aimerais que vous confirmiez cela. Est-il exact, Monsieur Vasic, que

7 vous n'avez apporté avec vous que des photographies noir et blanc ? Je vois

8 que vous hochez de la tête de façon affirmative.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, oui. Il serait préférable que vous

10 prononciez le mot oui ou non, parce que le hochement de la tête --

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- ne peut donner lieu à aucune

13 transcription écrite.

14 M. JOSSE : [interprétation]

15 Q. Prenons la première page de cet intercalaire.

16 M. JOSSE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous la placer sur le

17 rétroprojecteur, Madame l'Huissière, je pense que cela aiderait les

18 interprètes. Je vais m'en servir d'exemple.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le haut ou le bas de la page ?

20 M. JOSSE : [interprétation] Le haut cela va très bien.

21 Q. Pouvez-vous lire ce qui est écrit dans la légende en B/C/S, Monsieur le

22 Témoin ?

23 R. "Tranchée non loin de la maison de Puskar Zijad dans le pré menant à

24 Milosavci à Gornja Mravica, longueur de cinq mètres environ, construction

25 en pierres et en béton en forme de demi-cercle.

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1 Q. Vous est-il arrivé d'aller à Lisnja au moment de cet incident ?

2 R. J'ai appris cet incident dans l'après-midi tout à fait par hasard,

3 parce que je me dirigeais vers Prnjavor et j'ai vu de la fumée. La première

4 personne que j'ai rencontrée, je lui ai demandé ce qui se passait. Il m'a

5 dit Lisnja est en feu. J'ai poursuivi mon chemin en voiture et quand je

6 suis arrivé, j'ai vu ce qui s'était passé. C'était au moment du désarmement

7 et il y a eu des coups de feu qui ont été tirés et il y a eu aussi des

8 maisons incendiées, tout cela sans doute dans la foulée. C'était

9 véritablement un combat qui avait lieu quand je suis arrivé.

10 Q. Qui était responsable, je parle des autorités ? Ou plutôt je vais

11 reformuler ma question. Qui était responsable, qui était chargé de tenter

12 de récupérer les armes auprès des habitants de Lisnja à ce moment-là ?

13 R. J'ai déjà dit que les autorités avaient essayé de s'entendre avec les

14 représentants des habitants pour récupérer les armes de chasse et les

15 éventuels fusils de la Défense territoriale et j'ai dit que ces

16 représentants de la population ont participé à des pourparlers, qu'il y

17 avait notamment Liman qui en faisait partie, mais que ses efforts ont

18 échoué. Certaines armes ont été apportées à la maison de la Culture en

19 petit nombre, mais le groupe d'extrémistes a fait éruption dans la maison

20 de la Culture et a emporté ces armes. Pour être plus précis, ces opérations

21 ont été menées par le poste de police Prnjavor suite aux ordres reçus des

22 supérieurs provenant du centre de sécurité publique de Banja Luka. Une

23 unité de la Défense territoriale a collaboré avec le poste de sécurité

24 publique dans cette opération ayant reçu des ordres de l'armée à cette fin.

25 Il y avait dans cette unité 20 à 30 membres de ce qu'il est convenu

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1 d'appeler les Loups de Vucjak, c'est l'unité qui s'appelait ainsi, qui à

2 l'époque avait déjà été versée dans le 1er Corps d'armée de Krajina.

3 Q. Nous reviendrons sur tout cela plus en détail dans quelques minutes.

4 Mais combien de temps a duré cette opération destinée à récupérer les

5 armes ?

6 R. Cette opération a duré l'après-midi et la matinée du lendemain jusqu'à

7 11 heures. La nuit, l'action s'est interrompue.

8 Q. Y a-t-il eu des blessés ou des morts d'un côté ou de l'autre durant

9 cette opération ?

10 R. Plus tard, quand le rapport au sujet de cette action a été rédigé, il a

11 été confirmé que, du côté de la population qui s'était organisée dans ce

12 village, quatre ou six personnes ont été tuées. Je ne sais plus exactement

13 si c'est quatre ou six, c'est écrit dans les documents dont vous disposez.

14 Et qu'un policier a été légèrement blessé.

15 Q. Quiconque a-t-il été poursuivi en justice suite à cette incident ou à

16 cette opération ?

17 R. Oui, tous les documents au sujet des poursuites en justice et des

18 condamnations existent dans votre documentation. Tous ceux qui ont

19 participé à cette action ont été arrêtés, mais ils n'ont pas été poursuivis

20 pour soulèvement armé ce qui aurait donné lieu à une condamnation beaucoup

21 plus lourde. Ils ont été poursuivis pour trafic d'armes et possession

22 illégale d'armes. Cinq membres d'appartenance ethnique serbe ont été

23 condamnés pour avoir vendu ces armes.

24 Q. Je pense que nous trouverons les détails sur ce point à l'intercalaire

25 7. Je vous remercie de votre aide sur cette question, Monsieur Vasic, mais

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1 peut-être pourriez-vous orienter la Chambre sur le document où mention est

2 faite de la condamnation de ces villageois et des Serbes qui avaient fourni

3 ces armes ?

4 M. JOSSE : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges, en fait je suis sûr, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, que

6 le témoin est en train de retirer de son cartable les originaux des

7 documents dont nous trouvons des reproductions dans nos classeurs. Il

8 connaît très bien le classement de ces documents.

9 Q. Tous les documents devraient être dans la documentation que vous avez

10 sur la table, Monsieur Vasic.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, tout doit normalement se

12 trouver dans l'intercalaire 7 du classeur qui vous a été remis tout à

13 l'heure.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le numéro 7, oui, oui.

15 M. JOSSE : [interprétation]

16 Q. Ce n'est pas cet intercalaire-là, Monsieur Vasic ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mme l'Huissière a en main un document.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Intercalaire 7.

19 M. JOSSE : [interprétation]

20 Q. Tout de suite après les photographies.

21 R. Après les photographies, on trouve les dépôts de plaintes.

22 Q. Très bien. Veuillez placer ces documents sur le rétroprojecteur, je

23 vous prie. Commencez par regarder ce qui est à l'écran maintenant.

24 J'aimerais ne pas vous demander de lire toute la page, mais nous voyons en

25 haut au milieu de la page, 1992; ensuite, je vous demanderais de lire

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1 l'intitulé.

2 R. "Récapitulatif de dépôts de plaintes."

3 Q. Est-ce que l'un ou l'autre des prénoms ou noms de famille que l'on voit

4 sur cette liste a le moindre rapport avec l'incident de Lisnja ?

5 R. Tous les éléments que l'on trouve sur cette page ont pratiquement un

6 rapport avec l'incident de Lisnja sauf quelques rares exceptions.

7 Q. Pourriez-vous comparer les éléments que l'on trouve ici avec les

8 éléments que l'on peut trouver dans d'autres documents qui rendraient

9 compte éventuellement de la condamnation de certains individus en rapport

10 avec ce même incident?

11 R. Pourriez-vous répéter votre question ?

12 Q. Oui. Je vous demande si, en vous penchant sur l'intercalaire numéro 7,

13 vous seriez en mesure d'obtenir ou de trouver des détails complémentaires

14 au sujet des personnes qui ont été pénalement condamnées pour l'incident

15 dont vous êtes en train de parler ?

16 R. Nous avons ici la liste des dépôts de plaintes et dans les documents

17 qui suivent, on voit les verdicts prononcés par le tribunal de Prnjavor à

18 l'encontre des auteurs de ces actes. On voit que le procès a respecté

19 toutes les réglementations en vigueur.

20 Q. Très bien. Veuillez retirer du classeur un exemple illustrant ce que

21 vous venez de dire et le placer sur le rétroprojecteur, je vous prie. Je

22 voudrais vous demander de lire lentement les quatre mots qui servent de

23 titre et l'ensemble du numéro 1.

24 R. "Tribunal de première instance de Prnjavor. Numéro 1 : La condamnation

25 du tribunal K76/92 datée du 10 novembre, 1992. En raison du délit de

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1 détention illicite d'armes ou d'explosifs, dans les prévisions de l'Article

2 213 paragraphe 1, repris du code criminel de la République socialiste de

3 Bosnie-Herzégovine. Période : fin de 1991. Lieu : village de Lisnja, dans

4 la municipalité de Prnjavor. Parti qui a subi le dommage : personne. Note :

5 condamnation à la prison pour deux mois et 25 jours."

6 Q. Maintenant, voyons cette personne, Monsieur Osman, comme exemple, pour

7 autant que vous le sachiez est-ce qu'il a jamais purgé cette peine ?

8 R. En fait, personne n'a jamais été en prison pour cela. Je crois que le

9 Juge, plus particulièrement si on regarde toutes les autres condamnations,

10 au cours des premières journées, on infligeait des amendes. C'était

11 financier comme sanction mais avec le temps, petit à petit, il y avait des

12 condamnations de prison qui correspondaient à la durée passée en détention

13 provisoire en attendant qu'on puisse les entendre.

14 Ici pour 1991, mais la plupart du temps, c'était en 1992. La plupart

15 du temps, il s'agissait de personnes qui avaient vendu ou acheté des armes

16 même avant cette date. C'était un processus qui se poursuivait, qui a duré

17 près de six mois.

18 Q. Juste avant d'en terminer avec ces documents, pourrions-nous aider

19 également les Juges de la Chambre, juste avant la liste en question, il y a

20 environ dix pages entre le paragraphe 1 au paragraphe 62 en cyrillique. Si

21 vous voulez aller à la première page ?

22 R. Vous voulez dire juste après les photographies ?

23 Q. Après les photographies et après certaines autres listes.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est la seule partie qui soit en

25 cyrillique.

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je l'ai retrouvée.

2 M. JOSSE : [interprétation]

3 Q. Pourrait-on mettre cette page sur le rétroprojecteur ? Pourriez-

4 vous lire le titre au paragraphe numéro 1.

5 R. "Document de Prnjavor. Numéro 1 : condamnation pour Osman Rahimic, fils

6 de Ramadan, né le 29 mai 1952. Parce que, vers la fin de 1991, dans le

7 village appelé Lisnja, dans la municipalité de Prnjavor, il a obtenu

8 gratuitement un fusil M-48 et 50 balles de Husein Vukovic qui les a gardés

9 chez lui. Puis, en avril 1992, il a échangé le M-48 pour un fusil semi-

10 automatique. Cet échange a été fait avec Sead Korkaric. C'était quelqu'un

11 qui avait les mêmes obligations que lui dans le village pour ce qui était

12 de la garde du village. Puis, il a abandonné ces armes le 17 juin 1992 et

13 les a remises à l'employé du poste de police de Prnjavor."

14 Q. Il y a un très grand de listes à l'onglet numéro 7. Est-ce que toutes

15 ont trait à des délits commis par les habitants de Lisnja ?

16 R. Non. Il y a aussi des documents qui ont trait à des délits commis par

17 cinq ou six Serbes qui vendaient ces armes à ces autres personnes.

18 Q. Pourriez-vous regarder au numéro 47 de cette liste en cyrillique ?

19 Pourriez-vous, s'il vous plaît, lire à haute voix le paragraphe 47 ?

20 R. "Le poste de sécurité publique à Prnjavor, rapport d'infraction, de

21 délit contre Miroslav Simic, fils de Milan, né le 9 juin 1958 à Derventski

22 Lug, résidant de façon permanente à Derventa. Motif : le 14 août 1992, dans

23 le village de Ratkovac, dans la municipalité de Prnjavor entre 6 heures et

24 6 heures 15 du soir, alors qu'il voyageait sur un véhicule militaire TAM a

25 causé des dommages à plusieurs véhicules qui étaient garés devant le

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1 restaurant Podgorica à Prnjavor. Puis, il a poursuivi sa route en direction

2 de Klasnice et il a également touché deux cyclistes et l'un d'eux a été

3 blessé. Le nom de ces cyclistes, c'est Grujic et Pezer Vesna."

4 Q. Je voulais simplement vous demander de lire à haute voix un autre

5 exemple au paragraphe 51 ?

6 R. [aucune interprétation]

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous ne recevons aucune traduction en

8 anglais.

9 L'INTERPRÈTE : Les interprètes s'excusent, le microphone n'était pas

10 ouvert.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Témoin, vous pourriez

12 recommencer à lire ce paragraphe, s'il vous plaît ? Paragraphe 51. C'est

13 bien cela.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] "Poste de sécurité publique de Prnjavor,

15 certificat concernant des éléments pris temporairement à Siljak, fils de

16 Milan, né le 3 février 1975 dans la municipalité de Doboj, résident

17 permanent à Cecava. Rapport d'infraction contre huit personnes parce que,

18 dans la nuit du 27 novembre 1992 vers 10 heures 30 du soir, ils se

19 trouvaient dans un groupe de militaires et de civils, ils se sont rendus à

20 l'église catholique de Kulasi et ont trouvé quatre personnes du cru qui se

21 trouvaient de garde devant l'église, on leur a dit de s'asseoir sur les

22 bancs dans l'église. Une partie de ce groupe qui est venu est entré dans

23 les bureaux de la paroisse qui n'étaient pas très éloignés de l'église. Ils

24 sont entrés par effraction au presbytère et y ont trouvé Anna Juric et le

25 prêtre Nikica Lozancic qui ont été interrogés, malmenés, battus et ont reçu

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1 des coups de poings et qui, par conséquent, ont été blessés. Ils ont

2 également vandalisé ce bureau. Ils ont brisé des objets de verre et de

3 cristal. Ils ont également volé un poste de télévision et un magnétophone."

4 M. JOSSE : [interprétation]

5 Q. Est-ce que vous pouvez confirmer que ces personnes ont été accusées --

6 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, ceci me

7 semble être une question directrice et que ce n'est peut-être pas

8 nécessaire.

9 M. JOSSE : [interprétation] Je passe à autre chose.

10 Q. Le paragraphe 52, s'il vous plaît. Pouvez-vous le lire ?

11 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, mon objection, ce n'est

12 pas en ce qui concerne les renseignements concernant le secteur, je

13 voudrais simplement que les renseignements viennent du témoin et non pas

14 qu'ils soient le résultat d'une déclaration faite par le conseil. C'est

15 tout.

16 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je comprends.

17 Q. Pouvez-vous lire le paragraphe 52, s'il vous plaît ?

18 R. "Poste de sécurité publique de Prnjavor. Rapport d'infraction contre

19 Mladen Kitanovic, fils de Nikola, né le 27 août 1945 dans le village de

20 Bobare, de la municipalité de Tesanj, résident permanent à Babanovci dans

21 la municipalité de Prnjavor. Motif : la personne en question, le 2 décembre

22 1992, vers 18 heures 30, après une dispute et une bagarre à coups de poing

23 avec Sefko Totic, dans le jardin d'une maison qui appartenait à Nikola

24 Barkijevic. Après quoi, il est allé chez lui chercher un fusil pour tuer

25 cette autre personne.

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1 "Ayant pris son fusil dans une pièce de sa maison, les membres de sa

2 famille ont essayé de l'empêcher de sortir de la maison, mais ils n'ont pas

3 réussi. Il est allé dans le jardin, dont il était question, et il a été

4 suivi par son fils, Dragan. Quand ils sont arrivés sur place, dans ce

5 jardin, Dragan a essayé de le calmer et de le convaincre de renoncer à son

6 intention. Mais à cette occasion, son père a commencé par tirer un coup de

7 feu en l'air de son fusil M-48, puis a tiré une deuxième cartouche et a

8 touché son fils Dragan à la tête. En route vers l'hôpital, son propre fils

9 Dragan a succombé à sa blessure."

10 Q. Dans ce que vous venez de lire au numéro 52, l'accusé appartenait à

11 quel groupe ethnique ?

12 R. Tous ces rapports d'infraction, qui ont trait à tous ces accusés,

13 étaient des Serbes.

14 Q. Lorsque vous avez parlé de "trois," est-ce que vous voulez préciser,

15 s'il vous plaît ?

16 R. J'ai lu les numéros 51, 52 et 47. Le 48 et le 49 ont trait à des

17 meurtres où les accusés étaient des Serbes.

18 Q. Au numéro 52, la personne sur qui, à l'origine, l'accusé a tiré,

19 appartenait à quel groupe ?

20 R. La personne qu'il avait l'intention de tuer était un Musulman, mais son

21 fils qui a été tué était un Serbe.

22 Q. Merci. Un témoin a déposé devant cette Chambre, par une déclaration

23 telle que prévue à l'Article 92 bis du Règlement, c'est-à-dire une

24 déclaration qui a été lue à la Chambre, et qui disait que le fonctionnement

25 de la justice à Prnjavor en 1992 était fondamentalement injuste à l'égard

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1 des Musulmans. Qu'est-ce que vous pouvez dire à ce sujet, Monsieur Vasic ?

2 R. Je peux dire que c'est inexact, parce que tous les meurtres, dont il

3 est question ici, ont fait l'objet de poursuites et de la documentation

4 voulue et des condamnations voulues. Dans les cas en question - c'était

5 plutôt rare par rapport à maintenant - on a trouvé les auteurs, on a pu les

6 condamner et certains d'entre eux sont encore en prison aujourd'hui, après

7 la durée de toutes ces années.

8 Q. Je vous remercie. Je voudrais maintenant vous demander de passer à

9 autre chose et de passer --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, peut-être pourrions-nous

11 demander au témoin s'il pourrait mentionner une ou deux des personnes qui

12 se trouvent encore en prison aujourd'hui pour ces crimes.

13 M. JOSSE : [interprétation] Certainement, Monsieur le Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous simplement -- vous nous

15 avez dit qu'il y en avait certains qui se trouvaient encore en prison

16 aujourd'hui. Pourriez-vous nous donner quelques noms de ceux qui se

17 trouvent encore en prison ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Le numéro 55.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y a-t-il quelqu'un d'autre ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Est-ce que je peux lire le nom ? Il y a Mladen

21 Sgonjanin. Il avait tué Ramiz Jugo. C'est un Serbe qui a tué un Musulman.

22 Il était en prison et je suis pratiquement sûr qu'il était encore en prison

23 l'an dernier. Je ne suis pas sûr qu'il s'y trouve encore, mais je sais

24 qu'il a eu une longue peine à purger.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

Page 17415

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis aussi, mais je ne suis pas très sûr, je

2 crois que, par la suite, il a été transféré à un hôpital psychiatrique. On

3 voit cela au numéro 49, Miodrag Debic qui a tué un chauffeur de taxi, un

4 certain Miljenko Beus, pour lui prendre son argent. Il se trouvait en

5 prison et, par la suite, nous avons appris qu'il avait des problèmes de

6 santé mentale et il a, par conséquent, été transféré dans une institution

7 psychiatrique.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie de cette réponse.

9 Veuillez poursuivre.

10 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, excusez-moi. Je sais

11 que nous sommes en train d'essayer de nous débrouiller sans les

12 traductions, mais je pense qu'il serait préférable ici qu'il soit fait une

13 référence à ce passage précis du document de façon à lorsque nous en aurons

14 la traduction plus tard, que ceci soit au compte rendu. Cela ne va pas nous

15 coûter davantage -- cela peut prendre juste tout un peu de temps

16 d'audience, mais si on pouvait avoir une traduction faite de façon à ce que

17 tout soit compréhensible.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être que nous allons demander

19 au témoin, à ce moment-là, de lire les deux exemples qu'il a donnés, le

20 premier étant le numéro 55.

21 Pourriez-vous donner lecture du numéro 55 ? On dirait qu'il s'agit d'une

22 sentence de tant d'années qui a été imposée.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] "Rapport d'infraction contre le fils de Merko

24 --

25 L'INTERPRÈTE : L'interprète dit que c'est inaudible.

Page 17416

1 LE TÉMOIN : [interprétation] -- né le 27 mars 1957 à Prijedor, résident

2 permanent à Prijedor. Motif : le 13 juillet 1992, dans le jardin de l'hôtel

3 National à Prnjavor, a blessé Ramiz Jugo au cou et, 20 jours plus tard,

4 Ramiz a succombé à ses blessures. Ramiz était membre des forces armées de

5 la Republika Srpska."

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Pourriez-vous également lire le

7 numéro 49, s'il vous plaît ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] "Poste de sécurité publique de Prnjavor.

9 Rapport d'infraction contre Miodrag Debic, né le 28 juillet 1965. Motif :

10 le 17 mai 1992, à 17 heures, a tué Miljenko Beus dans un bois appartenant à

11 Rado Kesa."

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous pouvez poursuivre, Maître

13 Josse.

14 M. JOSSE : [interprétation]

15 Q. Dans le dernier exemple que vous avez donné, au numéro 49, avez-vous

16 une idée de l'origine ethnique de la victime, de la personne qui est

17 décédée dans ce cas ?

18 R. La victime dans ce cas, était un Croate. C'était un chauffeur de taxi à

19 Prnjavor. C'était son emploi.

20 Q. Je souhaiterais maintenant passer à quelque chose que vous avez évoqué

21 un peu plus tôt, à savoir les Loups, on les appelait les Loups de Vukjak.

22 On a allégué, en tous les cas, par témoin de l'Accusation ou par

23 l'Accusation, qu'il s'agissait d'un groupe de paramilitaires. Que pouvez-

24 vous nous dire à ce sujet ?

25 R. Je peux dire qu'un groupe de jeunes hommes, peut-être 18, sont allés

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1 s'entraîner à Knin. C'était le capitaine Dragan qui avait assuré la

2 formation. Après une semaine, nous avons appris plus tard que Milankovic a

3 rejoint ce groupe. Son nom a été mentionné souvent. Après avoir terminé

4 cette formation, ils sont revenus à Prnjavor et nous avons reçu des

5 renseignements selon lesquels ils étaient revenus avec des armes. Il y

6 avait eu des difficultés avec la police et à cette occasion, ces hommes

7 avaient été désarmés, on leur avait retiré leurs armes. A l'époque, un

8 conflit a éclaté en Slavonie occidentale et ce groupe, ainsi que des

9 volontaires, de sorte que le groupe maintenant avait des effectifs

10 d'environ 50 à 60 personnes, comme je l'ai appris par la suite, sous le

11 commandement du 1er

12 Corps de la Krajina et suivant les ordres du commandant du corps, le

13 général Uzelac, ont participé en tant que formation militaire au combat en

14 Slavonie occidentale. Je crois qu'il faisait partie d'une unité qui

15 s'appelait la 309e Unité ou quelque chose comme cela.

16 Tout au long de la guerre, ce fut une unité militaire régulière, les

17 autorités civiles n'exerçaient aucun contrôle sur cette unité. Ils ont eu

18 une certaine réputation en combattant et un certain nombre d'entre eux ont

19 été tués. A peu près la moitié du nombre total, qui était 300 lorsqu'ils

20 ont été les plus nombreux, ont été tués. Ils ont été tués parce qu'en tant

21 qu'unité qui, par la suite, a dépendu du général Talic qui commandait le 1er

22 Corps de la Krajina et on essayait de briser les lignes de front. A la fin

23 de chaque opération distincte, ils revenaient à leur base parce qu'ils

24 n'étaient pas chargés de tenir les lignes de front et cette base

25 territoriale se trouvait dans la municipalité de Prnjavor.

Page 17418

1 Pour autant que les autorités civiles aient été concernées, ceci

2 constituait un problème parce qu'il y avait environ 1 500 soldats, c'est-à-

3 dire environ un tiers du nombre total d'effectifs mobilisés à Prnjavor, qui

4 se trouvaient constamment sur le territoire de la municipalité et qui

5 étaient tous armés. Notre chef de police militaire, Dragan Djuric, a essayé

6 d'intervenir auprès du président Karadzic et a essayé de parvenir avec lui

7 à un accord avec les forces armées sur la base duquel les soldats

8 pourraient rentrer chez eux en permission et devraient laisser leurs armes

9 à la caserne et rentrer chez eux sans armes. Toutefois, le général Talic a

10 rejeté cette idée, son motif était que des militaires ne seraient pas en

11 sécurité s'ils étaient désarmés.

12 Vous pouvez seulement imaginer que les autorités civiles avaient du mal à

13 fonctionner, si à un moment quelconque il y avait

14 1 500 personnes qui allaient et venaient en portant des armes et des

15 munitions. Toutefois, tout bien considéré, en rétrospective, avec le recul,

16 ce n'était pas aussi pénible que cela aurait pu l'être vu le nombre d'armes

17 qu'il y avait dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine à l'époque. Je

18 veux parler de municipalités telles que Prnjavor où il n'y avait pas

19 d'activités de combat. La ligne de front se trouvait à environ 30

20 kilomètres de la ville de Prnjavor.

21 Le fait que le général Talic était en faveur des Loups, cela on peut le

22 voir parce qu'ils avaient des autorisations spéciales, ils avaient un

23 certain nombre de récompenses qu'ils obtenaient. Ils avaient des

24 autorisations spéciales pour obtenir des armes chaque fois qu'ils en

25 voulaient. Toutefois, le fait est que c'était une formation armée assez

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1 disciplinée. Toutefois, ils ont parfois causé des problèmes parce que tout

2 au long de la guerre, l'armée avait essayé de se mêler des responsabilités

3 des civils. Nous avons commencé à protester en disant que nous ne pouvions

4 pas nous acquitter de nos fonctions. Ils continuaient de nous menacer, de

5 nous dire qu'ils allaient remplacer les policiers ou qu'ils allaient

6 commencer à arrêter les maires des municipalités. D'ailleurs, quelque chose

7 de ce genre a eu lieu assez souvent. Alors, le général Talic, vu notre

8 insistance lorsque ceci est arrivé à un point critique en septembre 1992, a

9 finalement émis un ordre qui figure également ici dans ces documents et pas

10 mal de choses ont été apprises à ce moment-là. Il a ordonné à la police

11 militaire de la municipalité de Prnjavor d'arrêter d'effectuer des

12 patrouilles et le fait qu'elles ne pouvaient faire de patrouille que dans

13 des secteurs où il y avait des activités de combat et que toutes les

14 questions de police devaient être réglées par le poste de police de la

15 municipalité de Prnjavor.

16 Il a également fait se débander les Loups de Vucjak en tant qu'unité. Puis,

17 cela a été formé à nouveau et il a émis un ordre pour cette unité soit

18 envoyée et déployée à Knin.

19 Q. Regardez maintenant dans l'ensemble des documents, Monsieur Vasic, en

20 anglais, intercalaire numéro 5, s'il vous plaît. Que trouvons-nous à

21 l'intercalaire numéro 5, s'il vous plaît ?

22 R. Au moment de partir pour La Haye, j'ai demandé à l'association des

23 Anciens combattants de me fournir un exemplaire du curriculum du dossier

24 d'un des hommes qui appartenait à l'unité des Loups de Vucjak. Il est

25 indiqué quelles sont les périodes servies pendant la guerre. Ce genre de

Page 17420

1 dossier, de C.V. existe pour tous les combattants. Il s'agit ici du dossier

2 du chef adjoint du bataillon qui nous montre que pendant toute la guerre,

3 il était membre des unités militaires de l'armée de la Republika Srpska.

4 Q. On va placer ce document sur le rétroprojecteur afin que tout le monde

5 puisse bien l'examiner. Quel est le nom du soldat dont on voit ici les

6 états de service ?

7 R. Il s'agit de Miro Sikarac. Quand Milankovic, le commandant a été tué,

8 cet homme a été nommé au poste de chef. Précédemment, il était membre du

9 bataillon, et on peut voir ici très clairement dans ce document les

10 endroits où il a été posté, ses affectations.

11 Q. Quand vous nous dites "qu'on peut voir très clairement," j'aimerais que

12 vous nous donniez lecture lentement des passages où on peut voir quelles

13 étaient ses affectations et la nature du poste occupé, à quel endroit, et

14 cetera ?

15 R. C'est le 19 septembre 1991 qu'il a rejoint les rangs de l'armée. Il est

16 devenu membre de la Défense territoriale à ce moment-là. Il était chargé

17 d'assurer la sécurité de différentes installations. Il est resté à ce poste

18 jusqu'au 28 janvier 1992, c'est-à-dire, quatre mois et dix jours plus tard.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais d'abord que Monsieur le

20 Témoin nous indique où se trouve le nom de l'individu en question ?

21 Au moyen du pointeur, veuillez nous dire où nous trouvons le nom de

22 l'intéressé ? Sur le rétroprojecteur, je vous prie. Monsieur. Non,

23 Monsieur. S'il vous plaît, regardez ce qu'est en train de vous montrer

24 l'huissière ? Tournez la tête à droite. Tournez la tête à droite. Suivez

25 les indications de Mme l'Huissière et indiquez-nous, ici sur le

Page 17421

1 rétroprojecteur, où se trouve le nom de l'intéressé ?

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Mais je pensais que c'était à la page 1 ?

3 Alors cette page 1, soit que je ne l'ai pas amenée, soit qu'elle n'a pas

4 été photocopiée.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, pendant la pause suivante,

6 pourriez-vous vous penchez sur ce petit détail -- parce que nous avons ici

7 un listing informatique -- enfin, un dossier informatisé qui reprend les

8 états de service de la personne.

9 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vois que les mêmes expressions

11 réapparaissent très fréquemment. Donc, il s'agirait de traduire ces

12 quelques expressions pour que la totalité du document soit soudain

13 compréhensible. Nous n'avons pas de nom, ce qui nous empêche de faire le

14 lien entre le document que nous avons sous les yeux et un individu précis.

15 M. JOSSE : [interprétation] Je vais passer à autre chose. J'aimerais que le

16 témoin nous remette le classeur 5, le classeur numéro 5 qu'il nous a amené

17 à La Haye. C'est le classeur en plastique.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, M. Vasic pourrait se souvenir de

19 ses propres chemises plastifiées.

20 M. JOSSE : [interprétation]

21 Q. Veuillez nous le remettre, Monsieur, nous allons examiner le document

22 en question et --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, remettre le

24 document à Me Josse.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas jugé nécessaire de photocopier

Page 17422

1 cela. Il est possible que je me sois trompé. Il y a là les états de service

2 de quelque 5 000 à 6 000 hommes et je n'ai pas photocopié la page où se

3 trouvait le nom. C'est une erreur, je le reconnais.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas à vous excuser. Me Josse

5 devra voir comment il convient de procéder maintenant.

6 Maître Josse, c'est à vous.

7 M. JOSSE : [interprétation]

8 Q. Je vais vous poser encore une question sur ces états de service qu'on

9 trouve à l'intercalaire numéro 5. Selon vous, Monsieur, quel est le lien

10 qui existe entre cette liste et les Loups ? Enfin, cette liste, je veux

11 parler de ces dossiers informatisés. Quel est le lien entre ce document et

12 les Loups ?

13 R. La relation, le lien, c'est le suivant : dans cette liste, dans ce

14 listing, on retrouve tous les combattants membres de la Republika Srpska,

15 on peut également trouver les dossiers des soldats qui étaient membres des

16 Loups de Vucjak. Cela, c'était le nom usuel qu'on utilisait pour les

17 désigner. Les gens les appelaient les Loups, mais sinon, ils étaient

18 membres de ces unités. Moi, ce que je voulais vous montrer c'était à

19 quelles unités ces hommes appartenaient, parce qu'ils étaient rattachés à

20 quelque huit ou neuf différentes unités conformément aux ordres du général

21 Talic. Ils étaient membres du 1er Bataillon d'assaut et, en tant que tel,

22 ils étaient rattachés à différentes unités en tant que volontaires. C'est

23 la seule unité qui recevait des renforts de la part des volontaires parce

24 que toutes les autres unités quand ils étaient renforcées, cela se faisait

25 par le truchement du secrétariat à la Défense nationale de diverses

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1 manières. Tandis qu'eux, ils trouvaient des volontaires qui allaient au

2 secrétariat et qui demandaient au secrétariat de les nommer dans diverses

3 unités. Le général Talic, personnellement --

4 M. JOSSE : [interprétation] Je vais vous interrompre parce que je crois que

5 nous avons déjà suffisamment répondu à la question.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, j'aimerais être sûr de

7 bien comprendre, au sujet de l'intercalaire 5, là où je n'ai pas pu trouver

8 de nom. Si j'ai bien compris ce document, il ne nous donne pas des

9 informations relatives à une seule personne, mais à plusieurs personnes. Si

10 on regarde, par exemple, la quatrième ou cinquième entrée, je vois qu'on a

11 une date de départ, c'est le 29 janvier 1992 --enfin, la première date

12 c'est le 29 janvier 1992. La deuxième date, à droite, est celle du 17 mars

13 1992. Puis, je vois pour l'une des entrées, Banja Luka est mentionné. En

14 dessous, l'entrée suivante, il y a quelque chose qui représente beaucoup à

15 Slavonia. Ici, cela ne concerne pas une seule personne, cela concerne un

16 grand nombre de personnes.

17 M. JOSSE : [interprétation] Oui. C'est ce que nous avons compris.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Non, non, non. Non, vous avez ici le

20 dossier d'une seule et unique personne.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans ces conditions, je ne

22 comprends pas parce que je vous ai indiqué --

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Beaucoup de choses étaient répertoriées auprès

24 de l'association des Anciens combattants. Tout est enregistré à deux

25 reprises. D'abord, à quelle unité les hommes en question appartenaient ?

Page 17424

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis en deuxième lieu, on indique la zone

3 d'affectation, la zone des opérations de combat en question. Puis, on

4 indique également la date à laquelle les fonctions commencent, et la date

5 de transfert vers une autre unité. Chaque fois qu'une personne est

6 transférée vers une autre unité, on voit que la date en question est

7 répertoriée sur deux lignes distinctes. Je ne sais pas

8 pourquoi franchement. Mais en tout état de cause, ce qui importe ici, c'est

9 quand on voit le nom, c'est que c'est le nom de l'unité, l'unité de service

10 en temps de guerre. On voit très clairement à quelle unité était rattaché

11 tel ou tel individu.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre que pour un dossier,

13 un dossier individuel comporte douze à treize lignes, si bien que nous

14 n'avons trois dossiers sur la première page ? J'essaie de comprendre à quel

15 document je suis en train d'avoir affaire.

16 M. JOSSE : [interprétation] Le mieux, c'est sans doute de demander au

17 témoin de quoi il s'agit ?

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Bon, je demande au témoin est-ce

19 que nous avons, sur cette première page, trois dossiers ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Toutes ces feuilles ont trait à un seul et

21 unique soldat à moins qu'il n'y ait des doubles. Oui, chaque page a été

22 copiée deux fois. Le dossier de ce soldat comporte trois pages parce que

23 c'était quelqu'un qui appartenait aux unités. C'était souvent le cas pour

24 ces hommes parce qu'ils changeaient souvent d'unités, tandis que les autres

25 soldats avaient un dossier qui était constitué d'une seule et unique page,

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1 parce que ces gens sont restés dans la même unité pendant toute la guerre.

2 Comme je vous l'ai déjà dit, souvent le général Talic affectait ses hommes

3 à diverses unités. Ils faisaient office de bataillon d'assaut. Ils étaient

4 utilisés pour enfoncer les lignes ennemies, et ensuite, on les renvoyait à

5 la maison. On les renvoyait en permission chez eux.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais être sûr de bien comprendre.

7 Nous avons ici un document qui a trait à un seul homme. Est-ce que j'ai

8 raison de penser que les 13 premières lignes ont trait à la période de

9 septembre, qui va de septembre 1991 à 1992 quand il était à la Défense

10 territoriale de Prnjavor ? Ensuite, nous avons la période du 29 janvier

11 1992 jusqu'au 17 mars, à ce moment-là, il semble qu'il ait eu un poste à

12 Banja Luka; est-ce que c'est exact ? Pouvez-vous le confirmer ou

13 l'infirmer ?

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] --

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact. Ici, on indique la zone des

17 opérations de combat qui se trouvent dans la Slavonie occidentale. Il y

18 avait l'unité de Banja Luka. C'est l'unité 8840. C'est la désignation, la

19 dénomination, le numéro de cette unité de Banja Luka.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, on poursuit avec la période du

21 18 mars 1992 jusqu'au 31 mars 1992. A ce moment-là, l'intéressé était

22 membre de la Défense territoriale de Prnjavor une fois encore.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, on passe à la période qui va du

25 1er avril 1992 jusqu'au 14 mai 1992. A ce moment-là, cet homme était dans

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1 une unité qui se trouvait à Derventa pour autant que je puisse en juger.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact. Oui, l'unité 7127.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ah, au moins là, je commence à

4 comprendre.

5 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est alors que les opérations de combat

6 avaient déjà commencé à Derventa.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai au moins maintenant une idée

8 globale du genre de document auquel nous sommes en train de nous

9 intéresser.

10 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, ces trois premières pages,

12 le témoin nous dit que cela a trait à une seule et même personne. Ensuite,

13 si on regarde les trois pages qui suivent, on voit là des mentions

14 manuscrites en haut -- mentions manuscrites en haut et sur les côtés. En

15 dehors de ces mentions manuscrites, on a franchement l'impression qu'il

16 s'agit du même document. Pouvez-vous nous dire, s'il vous plaît, à quoi

17 correspondent les trois pages suivantes, celles où l'on voit une mention

18 manuscrite tout en haut, la suivante 22.06.91 ? Nous sommes toujours à

19 l'intercalaire numéro 5

20 M. JOSSE : [interprétation] Oui, cela ressemble tout à fait au précédent.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a des notes manuscrites

22 ici.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est mon écriture. Quand j'ai pris les

24 dossiers, j'ai trouvé ce soldat et je lui ai demandé où il avait été

25 engagé, où il avait combattu, et il m'a expliqué ce qu'il en était. Il est

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1 apparu que je ne savais pas tout. Par exemple, j'ai indiqué s'agissant de

2 "Prnjavor" en bas, que c'était une brigade d'infanterie. J'ai indiqué

3 également la mention corridor, je lui ai demandé de ce que c'était. Il m'a

4 dit que corridor, c'était un terme militaire. Je ne suis pas un expert

5 militaire, donc j'avais du mal à comprendre tous les termes militaires. Là

6 où il est écrit "Slavonie occidentale, 7540" --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je me demande si cela sert

8 vraiment à quelque chose d'avoir les observations du témoin sur la pièce.

9 En d'autres termes, est-ce que ces notes ajoutent quoi que ce soit au

10 document ?

11 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je suis tout à fait d'accord avec vous. Je

12 pense qu'il suffit de verser au dossier les premières pages.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ces conditions, nous allons ôter du

14 classeur ces quatrième, cinquième et sixième page sur lesquelles figurent

15 des mentions manuscrites et qui semblent à part cela être exactement la

16 même chose.

17 M. le Juge Hanoteau veut poser une question. Une fois que nous aurons

18 écouté la réponse à cette question -- non, non, je vous laisse la parole.

19 M. LE JUGE HANOTEAU : J'aimerais que le témoin nous dise ce qu'il sait de

20 l'origine de ce groupe d'hommes, les "Wolves," qu'est-ce qu'il sait de ce

21 nom ? Pourquoi ont-ils bénéficié de ce nom "The Wolves" ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Globalement, je crois que la plupart d'entre

23 eux, si ce n'est la totalité d'entre eux, étaient des Serbes. Le noyau dur

24 sont des gens qui sont rentrés de Knin et qui sont allés s'engager en

25 Slavonie. Il faut dire que la plupart de ce petit noyau était de la

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1 municipalité de Prnjavor, Derventa, Doboj, et cetera. Plus tard, il y a des

2 gens qui sont venus de Banja Luka et d'autres endroits pour se joindre à

3 eux. Des gens se sont portés volontaires pour se joindre à eux. Donc on ne

4 peut pas dire qu'on peut les définir véritablement du point de vue

5 territorial. Ils étaient tous très jeunes. Je crois que 70 % d'entre eux

6 avaient moins de 19 ou 20 ans à l'époque. Ils étaient connus notoirement

7 pour leur courage dans les opérations de combat. Milankovic, le commandant

8 qui s'est joint à eux là-bas et qui a imposé son autorité sur cette unité.

9 Milankovic est devenu le chef, le commandant de l'unité. C'était quelqu'un

10 que l'on connaissait avant la guerre parce que c'était un repris de

11 justice. Il avait fait l'objet de nombreuses plaintes pour crimes divers.

12 Pendant la guerre, il a été blessé à deux reprises. Il est devenu un héros

13 et il a fini par se faire tuer au combat.

14 Grâce à son courage et à ses compétences, il était éminemment respecté par

15 le général Talic, commandant du 1er Corps de la Krajina.

16 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma question, c'était l'origine de l'appellation.

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas. Je ne lui ai jamais demandé,

18 même dans les conversations informelles. Je crois que quelqu'un à Knin leur

19 a dit qu'il fallait qu'ils se donnent un nom pour se distinguer des autres.

20 L'une de leurs caractéristiques, c'était qu'ils n'avaient jamais de couvre-

21 chefs. Quelle que soit l'unité à laquelle ils étaient rattachés, ils

22 s'appelaient toujours les Loups, même s'ils n'ont jamais constitué une

23 unité séparée, une formation militaire séparée. C'était leur nom usuel, le

24 nom qu'ils s'étaient eux-mêmes attribués. Sur la manche, ils arboraient un

25 insigne où on voyait la tête d'un loup.

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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous avez la parole.

3 M. JOSSE : [interprétation]

4 Q. Monsieur Vasic, j'aimerais maintenant que nous parlions de questions

5 politiques --

6 M. HARMON : [interprétation] M. Gaynor est arrivé. Si la Chambre est

7 intéressée nous pouvons traiter de la question dont vous savez avant que Me

8 Josse ne passe à autre chose. Nous nous en remettons à votre décision.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Maître Josse, vous semblez

10 maintenant aborder un autre sujet donc on va entendre M. Gaynor répondre

11 aux requêtes déposées par la Défense. Ensuite, on fera la pause et vous

12 pourrez entamer votre nouveau sujet.

13 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Gaynor.

15 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que le témoin pourrait --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, nous allons pendant

17 quelques minutes parler de questions de procédure. Ensuite, il y aura une

18 pause. Donc on vous faire sortir. Je vais vous demander de suivre Mme

19 l'Huissière et nous nous retrouverons à 11 heures.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 [Le témoin se retire]

22 M. JOSSE : [interprétation] Pendant ce temps, est-ce que, Monsieur le

23 Président, la Chambre peut nous dire si nous avons le droit de répliquer

24 oralement à ce que va nous dire M. Gaynor ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout va dépendre de ce qu'il va nous

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1 dire. S'il vous dit qu'il est tout à fait d'accord, qu'il se rallie à la

2 position de la Défense, bien entendu, il sera inutile de parler, mais

3 j'imagine que ce n'est pas ce que vous attendez apparemment.

4 Donc, laissez la parole à M. Gaynor.

5 M. GAYNOR : [interprétation] La Défense a fait trois demandes aux fins de

6 certification d'appel. Deux ont été déposées le 5 octobre, une a été

7 déposée le 6 octobre. J'imagine que vous souhaitez que je réponde à la

8 totalité de ces demandes; c'est cela ? Aux trois ?

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. GAYNOR : [interprétation] Nous nous opposons aux trois demandes de

11 certification. Pourquoi ? Parce que la Défense n'a pas rempli les critères

12 qui ont été établis à l'Article 73(B) afin que la Chambre de première

13 instance puisse, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, accorder

14 cette certification. Même si les critères de l'Article 73 sont respectés,

15 la Chambre a toujours le pouvoir discrétionnaire de décider d'une manière

16 ou d'une autre.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] N'était-il pas exact qu'il y a une de

18 ces requêtes qui n'a pas trait à une demande de certification mais qui

19 constitue une demande de prorogation des délais afin d'obtenir une

20 certification ?

21 M. GAYNOR : [interprétation] C'est exact. Cela commence de la manière, mais

22 ensuite, dans cette requête, on voit qu'il y a effectivement demande de

23 certification au paragraphe 10, sous-paragraphe 2 de cette dite requête. La

24 Défense demande la certification s'agissant de la requête aux fins de

25 prorogation des délais qui figure dans cette même requête. La Défense

Page 17431

1 s'appuie sur une décision qui a été rendue dans l'affaire Blagojevic, dans

2 laquelle la Chambre de première instance a dit qu'il y a automatiquement

3 droit de faire appel de toute décision rendue en application à l'Article 98

4 bis. Un grand nombre de décisions ont été rendues dans ce domaine et de

5 nombreuses certifications ont été accordées suite à des décisions rendues

6 en application de l'Article 98 bis. Bien entendu, la Défense pouvait

7 estimer qu'elle avait encore besoin d'une certification au terme du nouvel

8 article. Il n'y a peut-être rien dans le nouvel article qui stipule que la

9 Défense a automatiquement le droit de faire appel. Peut-être la Chambre

10 statuera-t-elle qu'il n'y pas de motifs valables pour accorder à la Défense

11 une prorogation des délais aux fins de faire une demande de certification.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela, c'est pour la prorogation des

13 délais. Maintenant s'agissant de la certification en tant que telle, vous

14 nous dites que la Défense n'a pas rempli les critères figurant à l'Article

15 73.

16 M. GAYNOR : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourquoi ? Pourquoi, s'il vous plaît ?

18 M. GAYNOR : [interprétation] Oui, tout à fait. Je vais procéder par ordre.

19 S'agissant de la demande aux fins de certification en application de

20 l'Article 73(B), pour interjeter appel d'une décision au sujet de la

21 requête aux fins de prorogation des délais. La Défense revient sur le fond

22 et présente de nouveau les arguments de sa demande originale. L'Article

23 73(B) n'est pas un article qui permette de revenir sur les arguments

24 présentés sur le fond. Il s'agit simplement d'une question relative à

25 l'appel pour voir si la Chambre de première instance a commis une erreur de

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1 droit ou de fait. La Défense fait valoir que la Chambre de première

2 instance n'a pas tenu compte du peu de temps et du peu de ressources dont

3 dispose la Défense. La décision montre que la Chambre de première instance

4 a, en réalité, tenu compte des ressources et du temps dont dispose la

5 Défense pendant la totalité de la procédure. Elle a agi en faisant usage de

6 son pouvoir discrétionnaire et n'a pas fait d'erreur dans l'usage de ce

7 pouvoir discrétionnaire, en tout cas cela n'a pas été démontré. La Défense

8 fait ensuite valoir que la Chambre de première instance a accordé un poids

9 trop important à la question de l'obligation de l'accusé de contribuer

10 financièrement à sa propre défense et qu'elle l'a pénalisé, si bien que son

11 droit à un procès équitable a été remis en question.

12 Nous répondons à ceci que la Chambre de première instance n'a

13 nullement agi de manière déraisonnable. Elle a tenu compte des arguments de

14 la Défense selon laquelle l'accusé avait eu des difficultés avec son équipe

15 de la Défense, pour reprendre les propos mêmes de la Défense. Elle a tenu

16 compte du fait que la Défense avait pris la position selon laquelle le fait

17 que l'accusé n'ait pas fourni 180 000 $ a eu un effet négatif sur la

18 Défense de M. Krajisnik. De plus, la Chambre de première instance, en

19 fixant la date du 3 octobre 2005 pour l'ouverture de la présentation des

20 moyens à décharge, a tenu comte des arguments faits par la Défense le 23

21 août lorsque la Défense a dit elle-même qu'elle serait prête à commencer le

22 1er octobre.

23 Enfin, dans sa décision, la Chambre de première instance a ordonné à

24 la Défense de déposer, de la manière la plus circonstanciée possible, la

25 liste des témoins. Elle ne lui a cependant pas demandé de déposer une liste

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1 complète, totalement exhaustive. Elle n'a pas exigé que la liste des pièces

2 à conviction soit présentée dans leur totalité. On voit que la Chambre de

3 première instance a fait preuve de flexibilité dans sa décision. Nous

4 estimons qu'aucune erreur n'a été commise par la Chambre de première

5 instance dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire s'agissant de cette

6 demande.

7 Maintenant, s'agissant de "La requête déposée le 5 octobre, aux fins

8 de demande de certification dans l'application de l'Article 73 du Règlement

9 de procédure et de preuve, afin de faire appel d'une décision relative à

10 une requête de la Défense pour un sursis à la procédure," nous avançons

11 qu'un tel appel n'aurait pas pour résultat d'accélérer la procédure

12 puisqu'au contraire, l'appel ralentirait le procès. La Défense demande à la

13 Chambre de première instance en l'espèce de reconsidérer sa décision qui a

14 été de ne pas interrompre les débats en attendant l'issue d'un appel

15 relatif à la décision 98 bis. Il n'a jamais été prévu au Tribunal que

16 toutes les procédures s'arrêtent en attendant l'issue d'un appel

17 interlocutoire, cela n'a jamais été le cas. La Chambre de première instance

18 a très clairement stipulé dans sa décision relative à la requête de la

19 Défense aux fins d'interruption de la procédure que si l'appel relatif à la

20 décision 98 bis devait être accueilli par la Chambre d'appel, à ce moment-

21 là la Chambre de première instance a expliqué exactement comment elle

22 procéderait s'agissant de la présentation des moyens à décharge. Il n'y a

23 pas eu d'erreur dans l'exercice par la Chambre de première instance de ce

24 pouvoir discrétionnaire.

25 S'agissant de la décision du 6 octobre 2005, c'est une décision

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1 relative à une requête de prorogation des délais présentée par la Défense

2 en vertu de l'Article 127. La Défense demande une certification sur ce

3 point. S'agissant du fond de l'appel, la Défense ne fait qu'une vague

4 référence à l'Article 98 bis, à la décision rendue en vertu de cet article.

5 Dans ses arguments, elle met en exergue deux points. D'abord, préjudice aux

6 droits fondamentaux de l'accusé causés par le nouvel Article 98 bis; et

7 deuxième lieu, le fait que les preuves présentées par l'Accusation

8 s'agissant du génocide contre les Croates de Bosnie. Voilà l'essentiel des

9 arguments présentés par la Défense. La Chambre de première instance n'est

10 pas tenue de tenir compte des autres arguments, mais uniquement des

11 arguments motivés. Quant à la décision rendue en l'application de l'Article

12 98 bis, elle a tenu compte de la totalité des arguments présentés par la

13 Défense, et la Défense n'y a pas fait état ou n'a identifié aucune erreur

14 de fait ou de droit commise par la Chambre de première instance. Pour ces

15 raisons, nous nous opposons à cette demande.

16 J'en ai terminé de mes arguments.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Gaynor. Voulez-vous

18 répondre Maître Josse ?

19 M. JOSSE : [interprétation] Je serai très bref.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. JOSSE : [interprétation] Premièrement, s'agissant de la demande aux fins

22 de prorogation des délais pour la certification 98 bis, j'estime que c'est

23 là une question importante.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. JOSSE : [interprétation] J'aimerais vous soumettre --

Page 17435

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- non, parce que vous êtes en retard,

2 donc pas de prorogation des délais.

3 M. JOSSE : [interprétation] Ceci est indéniable. La première question que

4 doit se poser la Chambre c'est de savoir si elle est prête à accorder une

5 certification, et en dépit de ce qu'a dit M. Gaynor, la réponse doit être

6 positive. Si une Chambre ne devait pas certifier un appel suite à une

7 décision 98 bis, cela serait une décision fort inhabituelle. Nous avons

8 présenté des arguments tout à fait motivés. M. Gaynor a semblé dire le

9 contraire, mais en fait nous avons présenté l'argument tout à fait motivé

10 relatif à certains aspects de l'acte d'accusation. Nous avançons que la

11 Chambre de première instance va nous accorder cette certification.

12 S'agissant de la prorogation des délais, il y a eu un malentendu du côté de

13 la Défense, ce qui est compréhensible vu la modification du Règlement. La

14 Chambre d'appel a maintenant décidé qu'il est nécessaire de demander une

15 certification malgré la modification du Règlement, la Défense a été prise

16 de court. Ce qu'affirme l'Accusation est injuste, étant donné que l'erreur

17 que nous avons commise est une erreur qui est due à des raisons tout à fait

18 compréhensibles.

19 S'agissant des autres arguments de M. Gaynor, il reprend tout simplement ce

20 qu'a déjà dit M. Tieger. Il revient sur le fond de chacune des requêtes. Il

21 ne reprend pas le lien, enfin, le Règlement lui-même et l'application du

22 Règlement.

23 Enfin, une dernière chose : je n'accuse pas ici M. Gaynor parce que c'est

24 une des raisons qui explique le refus de la requête par la Chambre de

25 première instance. Il y a là la question de la contribution financière de

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1 mon client. C'est une chose dont la Chambre de première instance est au

2 courant, c'est une question extrêmement sensible et M. Krajisnik me fait

3 savoir qu'il n'est pas du tout d'accord avec la façon dont les choses sont

4 présentées. Je le dis une fois encore pour que cela figure au compte rendu

5 d'audience. Voilà tout ce qu'avais à dire.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

7 La Chambre va se pencher sur cette question et rendra sa décision aussitôt

8 que possible.

9 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que M. Krajisnik est un petit peu

10 perturbé par que je viens de dire. En fait, il aimerait me consulter sur ce

11 point. Je vais lui parler pendant la pause.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, faites, et s'il y a quoi que ce

13 soit à ajouter, vous pourrez immédiatement nous en faire part après la

14 pause.

15 M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pause jusqu'à 11 heures 05.

17 --- L'audience est suspendue à 10 heures 35.

18 --- L'audience est reprise à 11 heures 11.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je vous donne l'occasion

20 de vous exprimer après consultation avec M. Krajisnik.

21 M. JOSSE : [interprétation] Je tiens à dire que je parle au nom de M.

22 Krajisnik et j'annonce qu'il n'admet pas l'affirmation selon laquelle il

23 n'aurait pas rempli ses obligations financières. Nous faisons valoir ce qui

24 suit : à savoir que la Chambre insiste de façon exagérée sur la prétendue

25 défaillance de M. Krajisnik quant à ses obligations financières en ne lui

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1 accordant pas davantage de temps. Le problème c'est que la relation entre

2 l'aspect financier de la question et le fait de lui accorder davantage de

3 temps, donc le fait pour la Chambre de ne pas accorder un temps

4 supplémentaire à la Défense fera l'objet d'un recours en appel.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. C'est parfaitement clair.

6 Avant de poursuivre, je voudrais aborder un autre point. Nous parlons donc

7 de trois décisions, deux qui ont été déposées le 5 et la troisième le 6

8 octobre. L'une des demandes d'agrément a fait l'objet d'une action en unité

9 de la part de Me Stewart par la suite.

10 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de la certification relative

12 au recours en appel au sujet de la décision de ne pas accorder un délai

13 supplémentaire. Depuis ce moment-là, la Chambre d'appel a décidé --

14 Là, nous parlons de la requête déposée le 6 octobre qui demandait un

15 délai supplémentaire, c'est cela qui a fait l'objet d'un arrêt de la part

16 de la Chambre d'appel. Apparemment ce processus de certification est au

17 comment pour le moment.

18 M. JOSSE : [interprétation] Oui, c'est exact, Monsieur le Président.

19 D'abord la présente Chambre devrait accorder le délai supplémentaire et la

20 certification en rapport à l'application de l'Article 98 bis du Règlement.

21 Si tel ne devrait pas être le cas, il est évident que la certification

22 n'aura plus lieu d'être si la Chambre accorde la certification en

23 application de l'Article 98 bis comme je crois l'avoir compris, et je ne

24 suis pas expert en matière de règlement, mais à ce moment-là, nous devrons

25 demander une extension du délai à la Chambre d'appel parce que nous serions

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1 en dehors des délais prévus par la Chambre d'appel. Je suppose que c'est

2 seulement dans ce cas-là que la Chambre d'appel pourrait nous accorder un

3 délai supplémentaire, n'est-ce pas ?

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis pas sûr de cela parce

5 qu'il se peut que vous disposiez d'un temps limité une fois que la

6 certification aura été accordée. Si vous voulez un délai supplémentaire et

7 si nous accordons la certification, l'agrément, dans ce cas-là, vous pouvez

8 aller en appel et je pense que cela suffirait. Quoi qu'il en soit la

9 requête du 5 octobre qui demande un agrément pour faire appel de notre

10 décision de refuser un délai supplémentaire doit être déposée.

11 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le problème est réglé.

13 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si à l'avenir la Défense souhaite

15 demander un nouveau délai supplémentaire, ce sera une nouvelle procédure.

16 En tout cas, celle-ci est réglée.

17 M. JOSSE : [interprétation] D'accord, je comprends.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons à examiner deux requêtes en

19 vue d'agrément, de certification. Puis, il y a une autre question de

20 procédure qui se pose, que je peux aborder rapidement.

21 En effet, nous avons entendu un certain nombre de dépositions qui

22 traitaient de majorité et de minorité nationales ou ethniques, mais pour

23 autant que je sache le recensement de 1990 ne fait pas l'objet d'un dépôt

24 de pièce au dossier. Ce qui pourrait nous permettre de disposer de ce

25 renseignement que nous demandons très souvent au témoin. Est-ce que les

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1 parties pourraient se mettre d'accord pour que nous obtenions les résultats

2 du recensement en tant que pièce au dossier de façon à ne pas avoir à

3 revenir incessamment sur cette question ?

4 M. JOSSE : [interprétation] Je pensais que le témoin en avait parlé dans sa

5 déposition orale au début de son témoignage.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais le témoin suivant devra sans

7 doute faire la même chose pour sa municipalité et ensuite le processus se

8 répètera pour les témoins suivants et les autres municipalités. Je pense

9 que la Chambre est en droit de demander aux parties de fournir le résultat

10 du recensement en tant que pièce au dossier ce qui éviterait de revenir

11 sans cesse sur cette question.

12 M. JOSSE : [interprétation] Cela semble tout à fait sensé, si je puis me

13 permettre.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous avons besoin de traiter de ce

15 point, nous pourrons le faire le moment venu. En tout cas, le silence ne

16 doit pas être fait sur les minorités et les majorités, nous devons établir

17 ce qu'il en est dans le cadre du recensement de façon effective.

18 M. TIEGER : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord, Monsieur le

19 Président.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que quelqu'un peut se porter

21 volontaire -- enfin, de toute façon nous avons besoin de cela au dossier.

22 M. TIEGER : [interprétation] Nous nous chargeons de cette tâche, Monsieur

23 le Président.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

Page 17440

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, nous allons demander à Mme

2 l'Huissière de faire rentrer le témoin dans le prétoire pour que vous

3 poursuiviez votre interrogatoire principal.

4 A la fin de l'audience de ce matin, je demanderais à M. le Greffier

5 d'accorder des cotes provisoires aux pièces dont nous avons parlé jusqu'à

6 présent. Bien entendu, ces documents ne peuvent pas encore être admis de

7 façon définitive tant qu'ils ne seront pas accompagnés de leur traduction.

8 C'est la règle générale. On admet les documents en tant que pièces à

9 conviction de façon définitive que lorsqu'ils sont accompagnés que

10 lorsqu'ils sont accompagnés de leur traduction.

11 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, veuillez vous asseoir.

13 Maître Josse, vous pouvez poursuivre.

14 M. JOSSE : [interprétation]

15 Q. Monsieur Vasic, j'aimerais à présent vous interroger au sujet des

16 destructions de bâtiments du culte à Prnjavor en 1992. Pourriez-vous,

17 rapidement, énumérer les bâtiments du culte qui, soit sont restés intacts,

18 soit ont été détruits sur le territoire de votre municipalité à l'époque.

19 R. Dans la municipalité de Prnjavor, il existait trois églises

20 catholiques. Une à Kulasi, une à Prnjavor et une dans le village de Stivor

21 habité par les Italiens. Un peu plus tôt, quand nous parlions des huit

22 personnes arrêtées, j'ai déjà évoqué l'église de Kulasi où le prêtre

23 catholique avant été passé à tabac et il est ensuite parti pour Zagreb.

24 Quant à l'église des Italiens dans le village de Stivor, elle n'a jamais

25 été endommagée hormis des graffitis qui y ont été apposés. Quant à l'autre

Page 17441

1 église de Kulasi, j'ai eu une rencontre avec les habitants de religion

2 catholique à l'intérieur de l'église le lendemain, ainsi qu'avec l'évêque

3 Komarica à Banja Luka.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, je vous demanderais

5 avant tout de vous concentrer sur la nécessité de répondre à la question,

6 car on ne vous demande pas de ce qu'il en est de réunion ou de l'endroit où

7 est parti le prêtre, la question porte sur la destruction de bâtiments du

8 culte, églises, mosquées ou autres. Je vous prierais de bien vouloir vous

9 concentrer sur la question.

10 M. JOSSE : [aucune interprétation]

11 LE TÉMOIN : [interprétation] L'église de Prnjavor, certains ont essayé de

12 la faire sauter. Un soldat de Banja Luka et un soldat de Celinac ont été

13 arrêtés, ils portaient des grenades. Après enquête, après avoir été

14 interrogés, ils ont été emmenés par la police dans les bureaux du procureur

15 de Banja Luka. Mais l'église n'a pas sauté. Elle n'a d'ailleurs

16 pratiquement pas été endommagée, on y a vu simplement un seul graffiti. Le

17 mot "Seselj" était écrit et, il y a une semaine, la façade cette église a

18 été repeinte, donc même ce graffiti a disparu désormais.

19 Donc ces deux églises n'ont pas été détruites. L'église de la

20 minorité ukrainienne de Prnjavor, elle, a été détruite. Il y avait deux

21 églises ukrainiennes, une église catholique, ou plutôt, une église uniate

22 et une église orthodoxe. L'église uniate des Ukrainiens n'a pas été

23 détruite, quant à l'église orthodoxe des Ukrainiens, elle l'a été. Il y a à

24 peine quelques jours, a eu lieu cette tentative de détruire l'église

25 catholique de Prnjavor, et lorsqu'une personne a été interrogée au poste de

Page 17442

1 police à ce sujet, c'était une femme, elle a reconnu un homme et a dit

2 qu'elle l'avait vu à côté de l'église orthodoxe des Ukrainiens. Cela s'est

3 passé il y a à peine quelques jours.

4 M. JOSSE : [interprétation]

5 Q. Je vais vous recentrer sur la question, parce que vous venez de parler

6 de plusieurs églises.

7 R. En effet.

8 Q. Je vous demande maintenant ce qu'il en est de la mosquée.

9 R. La mosquée du village de Lisnja, il y en avait une ainsi qu'à Poraci,

10 mais en fait, Lisnja et Poraci sont un seul et même village, Lisnja étant

11 un quartier du village de Poraci et on y trouvait deux mosquées. Au cours

12 de l'action dont j'ai déjà parlé, ces deux mosquées ont été détruites.

13 Quand nous avons lu le rapport par la suite, nous avons constaté, parce que

14 c'était écrit dans le rapport, que des coups de feu avaient été tirés à

15 partir d'une mosquée et que cette mosquée était un arsenal abritant un

16 grand nombre d'armements. Je ne sais pas si c'est vrai ou pas. En tout cas,

17 la mosquée a été détruite et une plainte contre lui a été déposée. A

18 Konjuhovci, la mosquée a également été détruite en 1994 et un suspect a été

19 arrêté.

20 Q. Je vous interromps, car nous n'avons pas besoin de parler de 1994 au

21 stade où nous en sommes.

22 Je vous prierais, maintenant, de bien vouloir vous pencher sur

23 l'intercalaire 9.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant cela, je demanderais au témoin, de

25 bien vouloir s'expliquer sur ce qu'il vient de dire. Il a dit que des coups

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1 de feu avaient été tirés à partir de la mosquée et que la mosquée de Lisnja

2 avait été détruite au cours de cette action. Par quels moyens a-t-elle été

3 détruite, parce qu'une mosquée peut être minée ou on peut prendre un

4 marteau et taper sur le mur de la mosquée ? Alors, qu'est-ce qui a détruit

5 cette mosquée, je vous prie ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que je n'avais fait qu'entendre

7 parler de cela par la police et les gens qui avaient participé à l'action,

8 mais je n'ai rien vu de mes yeux. Je parle de la mosquée de Poraci. J'étais

9 arrivé et j'étais avec Ramo Seperovic, le représentant des Musulmans du

10 village, quand des gens sont arrivés, deux soldats qui ont dit que la

11 mosquée était en feu. Je me suis retourné et j'ai vu un magasin dans

12 lequel, à l'intérieur de la vitrine, il y avait deux véhicules de pompier,

13 alors j'ai dit : "Qu'il fallait briser la vitrine et essayer de prendre ces

14 véhicules pour --""

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas l'objet de ma question.

16 Ce que je vous disais, c'est qu'une mosquée peut être détruite par le feu.

17 Elle peut être détruite par des tirs de mortier. Elle peut être détruite

18 par le jet d'une grenade. Je vous demande quelle est la cause de la

19 destruction de cette mosquée ? Est-ce que c'était le feu ou autre chose ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne connais pas ce détail. Je ne suis pas au

21 courant. Je sais que le président de l'assemblée du village, un Musulman,

22 qui était à côté de moi et qui s'est efforcé d'éteindre l'incendie, peut

23 répondre à cette question. Il est sans doute au courant. Je ne sais pas ce

24 qui a provoqué l'incendie de la mosquée. Je n'étais pas présent. J'étais

25 simplement non loin du village à quelques kilomètres, mais je n'étais pas

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1 sur place. Je suis arrivé après l'incident.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En quoi était construite cette mosquée,

3 ce minaret, en bois, en brique ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] La partie supérieure de la mosquée était en

5 bois. D'ailleurs, une grande partie de la mosquée était en bois, et pour le

6 reste, c'étaient des briques.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et le minaret ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Le minaret était en bois.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il était toujours debout quand vous avez

10 vu ce qui se passait ou était-il déjà démoli ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces deux jeunes gens sont revenus un peu plus

12 tard et ils ont dit qu'ils n'avaient pas pu éteindre le feu parce que la

13 mosquée était faite en bois et que tout avait déjà pris feu.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Veuillez poursuivre, Maître Josse.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Ces jeunes gens s'appelaient Sinisa Gataric et

16 l'autre Ricko. Ce sont les noms des deux jeunes gens qui ont essayé

17 d'éteindre l'incendie et qui faisaient partie de la police.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Veuillez poursuivre, Maître Josse.

19 M. JOSSE : [interprétation]

20 Q. Veuillez vous pencher sur l'intercalaire 9, je vous prie, Monsieur

21 Vasic, et notamment sur le premier document rédigé en cyrillique. Je

22 demanderais qu'on le place sur le rétroprojecteur car je vous demanderais

23 d'en donner lecture. Vous pourriez commencer par en donner lecture, après

24 quoi, je vous poserai quelques questions au sujet de ce texte.

25 R. "La cellule de Crise de la municipalité de Prnjavor, lors de sa

Page 17445

1 quatorzième séance tenue le 23 juin 1992, a examiné la demande du comité

2 exécutif des représentants musulmans de la municipalité de Prnjavor, eu

3 égard à la protection des bâtiments du culte et a rendu la décision

4 suivante : la cellule de Crise est d'accord pour assurer la sécurité des

5 bâtiments du culte relevant de la communauté musulmane de Galipoljice et

6 Konjuhovci, sécurité qui sera assurée par les représentants du poste de

7 sécurité publique de Prnjavor.

8 "Quant à la compensation financière nécessaire pour satisfaire aux

9 besoins de cette population, les faits devront être établis à un stade

10 ultérieur en collaboration avec les représentants de la communauté

11 musulmane de Prnjavor."

12 Q. S'agissant de ce qu'on voit en bas à droite du texte, on voit bien un

13 tampon, un sceau, n'est-ce pas ? Que représente-t-il ?

14 R. C'est le sceau de la municipalité de Prnjavor et on voit également ma

15 signature en tant que président de la cellule de Crise en l'espèce.

16 Q. Est-ce que votre nom figure également en cyrillique ?

17 R. Oui. Nemanja Vasic, diplômé en économie.

18 Q. Dans le coin à gauche, en face, on voit trois points, 1, 2 et 3. Que

19 lit-on à ce niveau, je vous prie ?

20 R. "1 : Destiné au poste de sécurité publique de Prnjavor. 2 : Conseil

21 exécutif de la communauté islamique de Prnjavor. 3 : "Cellule de Crise,

22 archives."

23 Q. Nous n'avons pas encore parlé de la cellule de Crise, mais vous nous

24 avez dit que vous la présidiez. Peut-être pourrions-nous y revenir un peu

25 plus tard ? Pourquoi est-ce que la cellule de Crise a rendu cette

Page 17446

1 décision ?

2 R. Pour deux raisons. D'abord, parce que la communauté islamique l'avait

3 demandé. Ensuite, parce qu'on soupçonnait que de tels événements risquaient

4 de se produire car la criminalité ne cessait de croître et devenait de plus

5 en plus incontrôlable. En effet, comme je l'ai déjà dit, pas mal d'hommes

6 armés circulaient dans la ville et la police avait le plus grand mal vis-à-

7 vis de ce fait. Tout cela à des fins préventives.

8 Q. Je vous demanderais maintenant de vous pencher sur le deuxième document

9 que l'on trouve à cet intercalaire.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, il y a un point qui n'est

11 pas tout à fait clair au sujet de ce document. Lorsque ce document a été

12 lu, nous avons entendu que le prix devait être fixé à un stade ultérieur.

13 Que dois-je comprendre par le mot, "prix" ? S'agit-il de calculer ce que

14 cela coûterait à la municipalité de Prnjavor ? Ou la communauté islamique

15 était-elle censée payer quelque chose pour obtenir ces mesures de

16 protection ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Le poste de police a une hiérarchie verticale.

18 Comme on le voit dans tous ces documents, nous avions la possibilité de

19 donner un accord mais pas à prendre des décisions définitives. S'agissant

20 de la façon de payer telle ou telle application de décision, il était

21 impossible que la communauté islamique et nous-mêmes aboutissions à un

22 accord. En l'espèce, rien n'a été payé. Cela dit, pour éviter que ne puisse

23 être invoqué à titre d'excuse le fait que cela provoquait pour eux des

24 frais supplémentaires, ce passage du texte a été inclu dans le document.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair. Merci beaucoup.

Page 17447

1 M. JOSSE : [interprétation]

2 Q. Le deuxième document que l'on trouve à cet intercalaire vient d'un

3 évêque, comme nous pouvons le constater. C'est bien cela, n'est-ce pas ? Je

4 pense que je peux guider le témoin sur ce point, Monsieur le Président. Il

5 s'agissait de l'évêque catholique de Banja Luka, n'est-ce pas ?

6 R. Oui.

7 Q. Pouvez-vous lire, -- cette lettre est adressée à M. Vincic; c'est bien

8 cela ?

9 R. Oui. J'avais commencé à vous en parler. Après les événements à

10 Kolasanin [phon] et après que le groupe qui avait attaqué ce prêtre ait été

11 arrêté, j'avais fait un accord avec l'évêque de Banja Luka pour que ce

12 prêtre soit emmené de Prnjavor en lieu sûr de façon à ce qu'il puisse

13 exercer son ministère et célébrer l'office. Comme vous pouvez le voir, ceci

14 a été fait.

15 Je vais commencer à lire à partir de ce passage :

16 "M. Vincic, chef du poste de sécurité publique de Prnjavor.

17 "Monsieur, J'ai été informé des tentatives que vous avez faites de

18 maintenir la paix et l'ordre dans ces temps difficiles, dans le secteur qui

19 relève de votre compétence. Je suis également au courant de vos tentatives,

20 visant à donner à nos paroissiens la possibilité de suivre les offices.

21 Depuis quelque temps, l'un des policiers de votre poste de police escorte

22 le prêtre qui va à l'église de Kulasi pour y célébrer des services

23 religieux. Je voudrais exprimer ma gratitude pour tout l'aide que vous avez

24 bien voulu apporter. Dans cette période difficile, des personnes comme

25 vous-même sont particulièrement précieuses parce qu'elles se rendent compte

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1 qu'il ne peut pas y avoir d'Etat sans la primauté du droit qui garantit la

2 protection des droits de l'homme pour chacun, qu'il s'agisse de communautés

3 religieuses ou ethniques. Je suis convaincu que vous poursuivrez vos

4 efforts et permettez-moi de vous remercier une fois encore. Veuillez agréer

5 donc, Franjo Komarica, évêque de Banja Luka."

6 M. JOSSE : [interprétation] Je vais maintenant passer à autre chose parce

7 que je pense que ce document se passe de commentaires.

8 Pourrions-nous passer à la question des mouvements de population ?

9 Q. Je voudrais vous demander, Monsieur le Témoin, premièrement, écoutez

10 bien ma question, Monsieur Vasic. Les problèmes que les autorités civiles à

11 Prnjavor ont éprouvés en 1991 et 1992, problèmes ayant trait à des réfugiés

12 serbes.

13 R. Au début des opérations de combat en Slavonie occidentale, 9 000

14 réfugiés d'origine ethnique serbe sont arrivés dans la municipalité

15 Prnjavor. Tous ces réfugiés ont été hébergés à 99 % des cas dans des

16 maisons de Serbes. Dans ma maison, j'avais neuf réfugiés et ils sont restés

17 pendant un an et demi. Puisque nous nous trouvions seulement au début des

18 conflits en Croatie et en Bosnie, il n'y avait pas encore de guerre

19 véritable. Du point de vue économique, ils ne posaient pas trop de

20 problèmes pour nous parce que la population de Prnjavor avait encore

21 beaucoup de vivres, de moyens de subsistance et de fonds pour assurer la

22 subsistance de cette population. La municipalité, elle-même, disposait de

23 fonds suffisants pour les aider dans leur situation, leur fournir ce dont

24 ils avaient besoin.

25 Q. Je voudrais maintenant passer à la question du départ des Musulmans de

Page 17449

1 Prnjavor, d'abord en 1991, puis en 1992. Y a-t-il eu des départs et dans

2 l'affirmative quand et pourquoi ?

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que nous posions cette question au

4 témoin, pour que je comprenne mieux la réponse précédente, il était

5 question du début des opérations de combat en Slavonie occidentale. Quand

6 approximativement est-ce que ceci a eu lieu ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était lorsque le conflit en Croatie a

8 commencé. Je pense qu'il s'agit de 1991, dès 1991.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Y a-t-il des précisions

10 supplémentaires pour nous dire si c'était au printemps, en été ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'était à l'automne de l'année

12 1991, environ à cette période.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous pouvez poursuivre Maître

14 Josse.

15 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

16 Q. Je vais répéter la question que j'ai posée il y a un moment. Y a-t-il

17 eu des départs de Musulmans de la municipalité de Prnjavor en 1991, puis en

18 1992 et dans l'affirmative, pourquoi ?

19 R. Si vous voulez, je peux vous réponde d'une seule phrase. Il faut que je

20 vous dise quelque chose qui est important par rapport à cette question. Je

21 vais faire une observation. Avant la guerre, il y avait environ 7 000

22 personnes qui travaillaient en Autriche, en Allemagne et en Suisse qui

23 étaient de la municipalité de Prnjavor. Sur ce total, quelque 1 500 étaient

24 des Musulmans. Quand il est apparu que le conflit en Croatie allait

25 déborder et toucher la Bosnie-Herzégovine, tous ceux qui travaillaient à

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1 l'étranger ont essayé de faire venir leurs femmes et leurs enfants pour les

2 éloigner de la Bosnie-Herzégovine et les rejoindre là où ils travaillaient.

3 C'est pour cela qu'en 1991 et 1992, immédiatement avant que le conflit

4 n'éclate, la plupart de ces personnes ont quitté Prnjavor. La deuxième

5 vague a été en 1995. D'après nos estimations, environ 2 000 Serbes et près

6 de 1 000 à 1 500 Musulmans au total sont partis au cours de cette période.

7 Ils avaient peur tout simplement de la guerre. D'autres personnes sont

8 parties lorsqu'elles pouvaient obtenir des visas ou des permis de travail

9 pour aller dans d'autres pays.

10 A l'époque, quand ceci avait lieu, il n'y avait pas encore de

11 conflit, et ils ne pouvaient pas demander asile. La caractéristique

12 principale de ces départs qui ont eu lieu au début, c'est le fait que des

13 membres de leur famille vivaient déjà à l'étranger. C'était de cette

14 manière qu'ils pouvaient obtenir des visas pour quitter le pays pour aller

15 dans des pays tiers. Le motif essentiel était leur crainte que la guerre

16 n'éclate dans le pays.

17 Q. On a allégué dans cette salle d'audience en ce qui concerne votre

18 municipalité, que des Musulmans devaient payer pour avoir le droit de

19 partir, pour avoir le privilège de pouvoir partir. Qu'est-ce que vous avez

20 à dire à ce sujet ?

21 R. Le conseil exécutif de la municipalité de Prnjavor pouvait prendre des

22 décrets ou donner des ordres ou ordonnances stipulant les conditions de

23 départ. Il fallait, entre autres, qu'ils paient leurs dettes, leurs notes.

24 Parce que ces départs avaient lieu avant le conflit. Ceci s'appliquait à

25 quiconque, aussi bien aux Serbes, aux Musulmans et aux Croates. Tous

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1 devaient commencer par payer leurs dettes, régler leurs dettes. C'était le

2 type d'ordres ou d'ordonnances que le conseil exécutif pouvait prendre. Je

3 sais qu'il a été dit dans la salle d'audience que certaines personnes

4 devaient payer pour leur départ. Ceci a eu lieu par la suite, plus tard.

5 Lorsque les personnes en question ont été transportées par le corridor à

6 travers la Serbie et jusqu'en Hongrie par des sociétés privées allemandes

7 et autrichiennes, il y avait encore de la circulation, du trafic puisqu'il

8 y avait un corridor. Donc, la circulation se faisait par ce corridor. Je

9 n'exclus pas la possibilité qu'ils aient eu à payer leurs conducteurs,

10 leurs chauffeurs ou les organisateurs de ces voyages permettant leur

11 passage illicite. Mais je n'ai entendu que des rumeurs à ce sujet. Je n'ai

12 jamais été informé officiellement de quoi que ce soit de ce genre. Je vous

13 parle de la période 1991 et 1992.

14 Q. Après l'exode que vous venez de décrire, est-ce qu'il restait des

15 Musulmans à Prnjavor pendant le reste de la durée de la guerre ?

16 R. D'après nos estimations, il y avait environ 1 500 Musulmans qui sont

17 restés là pendant toute la guerre. Nous n'avons pas d'archives officielles

18 ou de notes officielles à ce sujet. Mais je pense que Merhamet doit les

19 avoir; Merhamet étant la seule organisation qui fonctionnait à partir du

20 mois de septembre 1992, l'organisation de la population musulmane dans la

21 municipalité de Prnjavor. Par la suite, à partir de la mi-1991 jusqu'à la

22 fin de la guerre, dans le cas où les personnes voulaient partir, cette

23 organisation coopérait avec la Croix Rouge. Ils établissaient des listes et

24 les remettaient à la Croix Rouge. Ils prévoyaient des escortes et d'autres

25 facilités de ce genre. Jusqu'en 1995, je crois que pas plus de 1 000

Page 17452

1 personnes ne sont parties en petits groupes et se sont retrouvées dans des

2 pays d'Europe occidentale. Très peu ont fini par arriver dans la Fédération

3 de la Bosnie-Herzégovine, en l'occurrence.

4 Q. Ceux qui sont restés pendant toute la guerre, selon votre estimation en

5 tant que président de l'assemblée municipale, est-ce qu'ils ont fait

6 l'objet de persécutions ?

7 R. Ceux qui sont restés, à mon avis, ils n'ont pas fait l'objet de

8 persécutions, mais ils ont souffert et subi un peu plus que les Serbes

9 parce qu'ils étaient moins nombreux. Divers problèmes se posaient, et tous

10 ces problèmes faisaient partie intégrante de la guerre. Dans le cas où ils

11 voulaient pouvoir se déplacer, on leur délivrait les mêmes permis que pour

12 des Serbes. Ces permis étaient délivrés pour les aider. Si quelqu'un était

13 pris sans permis sur une des routes où il y avait beaucoup de points de

14 contrôle militaires où les militaires arrêtaient les véhicules, on ne

15 l'aurait pas laissé passer. On ne laissait passer personne qui était

16 dépourvu d'un permis de ce genre. Ils n'étaient pas terrorisés au sens des

17 faits que, par exemple, on les ait licenciés de leur emploi comme certains

18 témoins l'ont prétendu ici. Ils devaient respecter certaines règles et

19 devaient agir de façon conforme aux règlements tout comme tout le monde,

20 que ce soit des Serbes ou d'autres personnes.

21 Dans vos documents, on pouvait voir qu'il y a une liste de personnes

22 à qui on a délivré des permis pour se déplacer. Vous voyez qu'il y a

23 beaucoup plus de Serbes que de Musulmans là-dedans. Quant au fait que les

24 personnes ont été licenciées de leur emploi, pourriez-vous montrer, s'il

25 vous plaît, à la Chambre une décision que j'ai signée pour le compte de

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1 l'assemblée municipale, décision prise le 11 octobre 1991.

2 Q. Vous avez évoqué, Monsieur Vasic, deux documents différents.

3 Premièrement, il faut que nous en revenions à l'intercalaire ou à l'onglet

4 numéro 8.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de le faire, pourrions-nous

6 demander au témoin, là où il a dit que les Musulmans ont eu davantage à

7 subir ou à souffrir parce qu'ils étaient moins nombreux. Ce que je n'ai pas

8 compris tout de suite.

9 De quelle façon ont-ils eu à souffrir davantage ou un peu plus,

10 Monsieur Vasic ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce n'est que logique. Si 1 500 soldats serbes

12 se déplacent en ville avec des armes, à ce moment-là, les Musulmans

13 craignaient davantage que les Serbes, ils avaient davantage de craintes que

14 les Serbes qui se seraient trouvés dans la même situation et qui devaient

15 parcourir les mêmes rues. Il y avait également des visites de nuit, des

16 intimidations. Ceci arrivait davantage aux Musulmans qu'aux Serbes. On peut

17 voir également, d'après les documents que vous avez, quelles ont été les

18 mesures qui étaient mises en place pour empêcher que ces choses n'arrivent.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

20 M. JOSSE : [interprétation]

21 Q. Pour commencer, je ne pense pas qu'il soit nécessaire de mettre ceci

22 sur le rétroprojecteur, effectivement. C'est l'onglet 8. C'est très clair

23 qu'il s'agit d'une liste manuscrite. On l'a mise sur le rétroprojecteur.

24 Très bien. Qu'est-ce que c'est -- en fait, pourrions-nous, s'il vous plaît,

25 aller à la deuxième page du document qui concerne 1992 parce que c'est un

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1 peu plus pertinent. Qu'est-ce que c'est, s'il vous plaît, Monsieur le

2 Témoin ?

3 R. C'est une liste de personnes à qui on a délivré un permis de partir

4 soit pour aller à l'étranger ou à Banja Luka, à Belgrade. Ce sont des

5 permis qui sont délivrés pour pouvoir quitter la municipalité de Prnjavor.

6 Premièrement, si quelqu'un souhaitait simplement se déplacer vers la

7 municipalité de Prnjavor, il n'avait pas besoin d'un permis spécial. Ce

8 sont des listes, différentes listes qui ont trait à différentes années, à

9 différentes journées. Nous avions de nombreuses listes parce qu'un très

10 grand nombre de personnes demandaient des permis pour pouvoir sortir de la

11 municipalité ou se déplacer tel ou tel jour. En regardant les noms, on peut

12 voir quelle est la nationalité de ces personnes, plus particulièrement la

13 liste qui se trouve sur le rétroprojecteur.

14 Au numéro 838, on voit Nevzeta Dervic. C'est une musulmane de

15 Prnjavor. Le suivant sur la liste est Gordana Tomas. Le suivant est Milica

16 Dopudj également, c'est une dame serbe. Ceci n'est pas très lisible. Le nom

17 de famille est Avdic. Le nom du père est Muhamed, donc Musulman. Puis, il y

18 a Gordana, une Serbe. Tomo, un Serbe, au numéro 845. Au 846, Stojan

19 Marjanovic. Nada Bardak également une dame serbe. 848, Dusan Korjanic, un

20 Serbe. 849, Meho Pandzo, c'est un Musulman. 850, Mahmut Mesic, un Musulman.

21 851, Boska Kitic Ilija qui est Serbe. 852, Stefano Fedlesic, un Italien.

22 Q. Je vais vous arrêter parce que pour ce que je voulais, nous avons

23 maintenant bien compris. Je voulais savoir qui apportait ces mentions dans

24 les registres en question gardés à la municipalité ? En d'autres termes,

25 qui était la personne qui enregistrait ?

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1 R. C'était un fonctionnaire qui était chargé de délivrer les permis à tous

2 les habitants qui en demandaient un et qui avaient le droit d'en obtenir

3 un. En fait, tout le monde était en droit d'obtenir un permis.

4 Q. Pourrions-nous maintenant passer à l'intercalaire 4 ou à l'onglet 4,

5 s'il vous plaît. Je crois que quelque part au début, c'est en cyrillique.

6 On voit la date du 11 octobre 1991.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrait-on le placer sur le

8 rétroprojecteur afin que tout le monde puisse voir. Il semble que ce serait

9 la première page du document à l'intercalaire 4.

10 M. JOSSE : [interprétation]

11 Q. Avant d'en donner lecture, pourriez-vous simplement nous expliquer ce

12 dont il s'agit, parce qu'il se peut que ce ne soit pas pertinent du tout.

13 R. C'est une décision relative à des mesures prises en ce qui concerne la

14 situation complexe du point de vue politique et du point de vue sécurité

15 dans le territoire de la municipalité de Prnjavor. Celle-ci a été émise par

16 l'assemblée municipale de Prnjavor le

17 11 octobre 1991, période à laquelle la municipalité fonctionnait encore, où

18 tous les parlementaires étaient là. L'assemblée était réunie et tous les

19 partis siégeaient dans cette assemblée municipale; le SDS ainsi que tous

20 les autres partis.

21 Q. C'est au point 3 que je souhaiterais, s'il vous plaît, que vous donniez

22 lecture du texte.

23 R. "Il est ordonné aux dirigeants des sociétés, le 15 octobre, d'envoyer

24 un de leurs fonctionnaires de la Défense nationale ou toute personne

25 responsable au secrétariat municipal de la Défense nationale, de façon à

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1 établir une liste d'hommes qui peuvent être appelés lorsque la mobilisation

2 aura lieu pour rejoindre des unités militaires en cas de guerre ou à la

3 Défense territoriale et des listes d'appelés qui auront répondu à l'appel.

4 Ceux qui n'auront pas répondu à l'appel sans motif valable et qui ne seront

5 pas venus non plus à leur travail dans les délais fixés, devront faire

6 l'objet d'une décision, à savoir qu'ils seront démis leur emploi."

7 Q. Qu'est-ce que ceci veut dire, s'il vous plaît ?

8 R. Cela veut dire précisément cela. Tous ceux qui auront été appelés pour

9 rejoindre les rangs de l'armée n'ont pas à aller au travail. Un grand

10 nombre de témoins ont dit que s'ils ne rejoignaient pas l'armée, ils

11 seraient licenciés. Il faut faire très attention à la partie, à la partie

12 de la phrase qui dit : "Que s'ils ne répondent pas à l'appel, à la

13 mobilisation sans motif valable," - et je souligne - "qui ne se sont pas

14 présentés au travail dans les délais prévus par la loi, ces personnes-là

15 font l'objet d'une décision mettant fin à leur emploi."

16 Ce qui veut dire que ceux qui ne voulaient pas rejoindre l'armée

17 devaient continuer à aller au travail conformément à la loi sur les

18 relations du travail qui était en vigueur à l'époque. Si on ne se

19 présentait pas trois jours de suite à son emploi, sans motif justifié, on

20 perdait son emploi. Le motif de cette décision avait davantage à voir avec

21 les Serbes -- concernait davantage les Serbes, que qui que ce soit d'autre.

22 Les militaires voulaient avoir un tableau très clair de ceux qui ne

23 répondaient pas à l'appel, à la mobilisation. Ils étaient considérés comme

24 des déserteurs dans ces registres. On pouvait facilement les trouver au

25 travail, si effectivement, ils allaient se présenter au travail. C'est la

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1 raison pour laquelle ces personnes n'allaient pas au travail, de façon à ne

2 pas pouvoir être trouvées par les militaires. Nous étions responsables pour

3 que les sociétés fonctionnent correctement. Un très grand nombre de

4 travailleurs avaient été mobilisés et un grand nombre n'était pas allé au

5 travail. Les sociétés devaient quand même continuer de fonctionner. Nous

6 étions chargés de surveiller tout cela.

7 Si quelqu'un était licencié et mis à pied, ceci ne voulait pas dire

8 qu'il ne s'était pas rendu à l'appel de la mobilisation, mais parce qu'il

9 n'était pas venu à son travail. Ceci ressort clairement de cette décision.

10 Q. Je voudrais maintenant appeler votre attention sur l'onglet ou

11 l'intercalaire numéro 10.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] De façon à pouvoir éviter tout

13 malentendu, vous nous dites, Monsieur le Témoin, qu'ils pouvaient être

14 licenciés s'ils ne venaient pas à leur travail, mais que s'ils ne venaient

15 pas, s'ils ne suivaient pas --

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas dit --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tous les cas, ils ne pouvaient être

18 licenciés s'ils ne venaient pas au travail, et que s'ils n'avaient pas

19 répondu à l'appel à la mobilisation, ils couraient le risque d'être trouvés

20 par les militaires s'ils allaient au travail. En tant que déserteurs, on

21 aurait pu facilement les retrouver s'ils allaient à leur travail. Est-ce

22 que j'ai bien compris que c'est pour cette raison qu'ils pouvaient peut-

23 être ne pas se présenter au travail ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Il est clair qu'il y a un malentendu là, ou

25 peut-être que je ne me suis pas exprimé de façon suffisamment claire. Ce

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1 qui est dit ici c'est que les dirigeants des sociétés ont l'ordre d'envoyer

2 leurs conseillers en matière de défense nationale ou une personne

3 responsable de ces questions parce qu'il est nécessaire de définir quelle

4 est la situation et qu'il fallait agir conformément aux lois applicables.

5 Je n'ai pas dit qu'ils étaient automatiquement licenciés. J'ai simplement

6 expliqué qu'il y avait certains cas, on peut le voir directement sur la

7 base de cet article de la décision, l'objectif principal était d'avoir des

8 listes complètes de toute la population. C'était l'ordre qu'on avait reçu

9 pour aider au processus de mobilisation. Une forme d'aide était celle-là

10 d'après le système antérieur qui s'appliquait en Bosnie-Herzégovine. Toute

11 société avait un fonctionnaire qui était chargé, d'une façon générale, des

12 questions de défense nationale. C'était tout simplement de façon à savoir

13 combien de personnes allaient répondre ce jour-là à la mobilisation et ceux

14 qui le faisaient, pour des raisons justifiées ou pour des raisons

15 injustifiées. Par conséquent, si les raisons étaient jugées injustifiées,

16 les personnes en question seraient licenciées. C'était simplement les

17 instructions adressées aux directeurs de compagnies.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends, mais indépendamment de la

19 décision proprement dite, vous nous avez expliqué et je voudrais simplement

20 vérifier si j'ai bien compris, que ceux qui n'avaient pas de motifs

21 valables et qui ne répondaient pas à l'appel à la mobilisation, ceux-là

22 étaient considérés -- j'utilise vos propres paroles, "étaient considérés

23 comme des déserteurs et donc on pouvait les trouver facilement au travail,

24 si effectivement ils continuaient à travailler. C'était les raisons pour

25 lesquelles ces personnes n'allaient pas au travail." Comme conséquence de

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1 n'être pas venus au travail, on pouvait les licencier. J'essaie de

2 comprendre la logique de votre réponse et voir si je l'ai pleinement

3 comprise.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai essayé de vous expliquer qu'il fallait

5 qu'on ait des dossiers complets parce que les gens dans les entreprises

6 pouvaient penser que quelqu'un était parti à la guerre, alors que l'armée

7 de son côté pensait que la même personne était en train de travailler.

8 C'était un petit peu déroutant cette situation. Il fallait déterminer

9 exactement où se trouvait chacun, et ils avaient peut-être l'impression que

10 parfois les excuses données étaient injustifiées et ne tenaient pas debout.

11 J'aurais probablement eu la même impression à leur place.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais en dehors de l'exactitude des

13 dossiers, j'imagine que, dans une usine, on a envie de savoir si quelqu'un

14 est absent parce qu'il est parti à la guerre, en réponse à la mobilisation

15 ou pour d'autres raisons. Je le comprends très bien. Les conséquences,

16 c'est que ceux qui ne répondaient pas à l'appel à la mobilisation, quand

17 ils retournaient sur leurs lieux de travail, couraient un risque, parce

18 qu'on risquait d'aller les trouver sur place. S'ils n'allaient pas au

19 travail, ils risquaient d'être licenciés puisqu'ils n'avaient pas de motifs

20 valables de ne pas se trouver sur leurs postes de travail. Est-ce que c'est

21 la façon dont les choses se sont passées ? Je comprends bien que ceux qui

22 étaient responsables des unités de production ou de l'armée souhaitaient

23 avoir une idée bien claire de la place et du lieu où se trouvait chacun.

24 Est-ce que c'est bien ce qui se passait pour ceux qui, sans motifs

25 valables, ne répondaient pas la mobilisation ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison. On est en

2 train de parler de la décision du 11 octobre 1991. A ce moment-là, il n'y

3 avait pas de menace directe de guerre. Il n'y avait pas d'état de guerre.

4 D'après, la législation relative à la Défense territoriale, tout un chacun

5 est obligé de répondre à cet appel à la mobilisation. C'était une sorte de

6 mobilisation qui correspondait à une sorte d'exercice. On a bien vu à quel

7 moment des préparatifs ont été entrepris pour les opérations de combat et

8 cela s'est passé au printemps. Ce dont on est en train de parler est bien

9 antérieur, cela n'a rien à voir avec la guerre en Bosnie-Herzégovine. Au

10 terme de la législation, ils étaient tenus de répondre à cet appel à la

11 mobilisation.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceux qui ont répondu à cet appel à la

13 mobilisation, est-ce qu'ils risquaient d'être envoyés en Croatie, où à

14 l'époque, il y avait bel et bien une guerre en train de se dérouler, n'est-

15 ce pas ?

16 LE TÉMOIN : [interprétation] En Croatie, il y avait une seule unité en

17 provenance de Prnjavor. Il s'agissait d'une section des gens qui ont été

18 mobilisés bien avant. Ils sont allés là-bas, et effectivement, ils étaient

19 sur place avec ceux dont nous avons déjà parlé, les Loups, qui étaient

20 rattachés à une unité de Banja Luka, conformément aux ordres du commandant.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Les autres unités étaient en cours de

23 formation.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez, je vous prie, Maître Josse.

25 M. JOSSE : [interprétation]

Page 17461

1 Q. Intercalaire 10. Vous avez parlé de l'organisation caritative Merhamet.

2 Voilà un document qui émane de cette organisation. J'aimerais que vous en

3 donniez lecture.

4 R. "Réunion de MHD" -- Très franchement, j'ignore ce que cela veut dire.

5 "Merhamet Prnjavor avec les représentants du HCR des Nations Unies. Point 1

6 : Rencontre avec le nouveau représentant du bureau du HCR des Nations Unies

7 au poste à Banja Luka. Point 2 : Question du transfert des habitants

8 souhaitant quitter la région et franchissement au point de Davor. La

9 réponse du HCR des Nations Unies c'est que les autorités croates n'ont

10 nullement formulé le désir de recevoir les Musulmans venant de cette

11 région." La question posée par le représentant du HCR des Nations Unies au

12 président de Merhamet, c'était de savoir si la population musulmane était

13 chassée de ses foyers --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

15 M. TIEGER : [interprétation] Une petite question. Je ne sais pas à quoi le

16 témoin a fait référence quand il a dit : "Je ne sais pas ce dont il

17 s'agit." Je ne sais pas s'il est en train de nous parler d'un aspect du

18 document ou de la totalité du document. Là, je pense qu'il conviendrait de

19 le préciser afin d'établir d'où vient ce document et ce qu'est ce document.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je parlais du sigle qui figure avant le mot

21 "Merhamet." M, c'est sans doute Musulman, H, c'est sans doute Hasco [phon],

22 une association -- enfin, je ne sais pas vraiment. Bon, je me souviens.

23 Association humanitaire musulmane, Merhamet. Cela y est, je me souviens.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agissait, Monsieur Tieger, de

25 l'abréviation, c'est à ce sujet que le témoin avait un doute.

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1 M. TIEGER : [interprétation] J'ai bien compris.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez.

3 M. TIEGER : [interprétation] Encore une chose. Je crois que le nom et le

4 lieu ont été omis. Peut-être faudrait-il le faire ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais le faire moi-même, Prnjavor, 30

6 octobre 1995.

7 Continuez, Maître Josse. Peut-être pourrez-vous demander au témoin de

8 poursuivre sa lecture.

9 M. JOSSE : [interprétation]

10 Q. Je crois que vous en étiez au paragraphe qui commence par la mention

11 Odgovor, enfin quelque chose qui ressemble à peu près à cela. Non,

12 apparemment, non. Enfin, reprenez là où vous vous étiez arrêté, c'est plus

13 simple.

14 R. Oui. J'en étais arrivé au point 2. "Question posée par le représentant

15 du HCR au représentant du MHD. Savoir est-ce que les habitants musulmans

16 avaient été chassés de leurs foyers pour être emmenés au stade de

17 Prnjavor ?" Ce à quoi il a été répondu : "Que cette information était

18 incorrecte." Que ceci ne s'était jamais produit tout au long de la guerre.

19 Ensuite il a expliqué qu'il pouvait confirmer que la vérité était bien

20 différente et ce que je veux dire c'est la chose suivante : Les Musulmans à

21 Prnjavor n'ont jamais vécu quoi que ce soit de ce genre. Ils ont toujours

22 bénéficié de la protection des autorités de Prnjavor, dans la mesure du

23 possible à l'époque. Cette protection, c'est la protection des biens

24 personnels et des vies humaines et j'affirme, en toute conscience, qu'au

25 cours de la guerre il n'y a pas eu de viols de femmes musulmanes et que

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1 personne n'a été chassé de son foyer par la force. Dans les derniers jours

2 de la guerre, la présidence de Guerre de la municipalité de Prnjavor a

3 empêché qu'un exile n'ait eu lieu à Prnjavor ou que quoi que ce soit de ce

4 genre se déroule. Puisque la présidence s'est rangée du côté de la

5 population et a laissé à la population le choix de se décider, le choix de

6 rester ou de partir de la région. Voilà la raison. J'insiste sur le fait

7 que je souhaiterais que ces informations soient transmises à Genève parce

8 que je peux à tout moment confirmer que ceci est conforme à la vérité et

9 que sur le territoire de la municipalité de Prnjavor, on ne fait de

10 distinction sur la base de l'appartenance ethnique quand il s'agit de

11 protéger les habitants." Ceci est adressé au président de la municipalité

12 de Prnjavor, au chef de la police ainsi qu'au bureau du HCR à Banja Luka,

13 ainsi qu'à l'Association humanitaire musulmane Merhamet, à Prnjavor et

14 signé par le président de Merhamet à Prnjavor, Turin Sakib, 30 octobre 1995

15 Prnjavor." Fin de la lecture.

16 Je souhaite insister sur le fait qu'aucun représentant des autorités

17 municipales n'était présent lors de cette réunion. C'était une réunion où

18 il y avait uniquement des représentants de Merhamet et des représentants du

19 HCR des Nations Unies de Banja Luka.

20 Q. Comment avez-vous mis la main sur ce document ?

21 R. C'est un document qui nous a été transmis par les filières officielles

22 à l'époque. Ensuite, je l'ai photocopié pour le garder en tant que moyen de

23 preuve. Quand on m'a demandé de faire une déclaration, j'ai pensé qu'il

24 était possible qu'on me demanderait de déposer devant ce Tribunal. J'ai

25 pensé que ce document était utile parce qu'il permettait de se faire une

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1 bonne idée de la situation dans la municipalité de Prnjavor, à l'époque.

2 Q. Dans le temps qui nous reste, j'aimerais que nous parlions de

3 l'assemblée municipale, du comité exécuté et de la cellule de Crise.

4 L'assemblée municipale, vous en étiez le président. Cette assemblée

5 municipale, est-ce qu'elle a continué à fonctionner tout au long de l'année

6 1991 et 1992 ?

7 R. L'assemblée municipale et le comité exécutif de la municipalité de

8 Prnjavor fonctionnaient aussi bien en 1991 qu'en 1992 puisque la décision

9 de la mise en place de la cellule de Crise permettait à ces institutions de

10 continuer à fonctionner là où c'était possible. Alors que là où ce n'était

11 pas possible --

12 Q. Je vais vous interrompre, parce que j'aimerais que vous essayiez de

13 répondre à ma question. J'aimerais que nous parlions de ces institutions

14 une par une. L'assemblée municipale, d'abord. Est-ce qu'elle a continué à

15 exister, à fonctionner tout au long de la période 1991 et 1992 ?

16 R. Oui.

17 Q. Quant au comité exécutif, est-ce qu'il a continué à opérer lui aussi ?

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que vous aviez un rôle à jouer au sein de ce comité exécutif ?

20 R. Non. Jamais. Je n'ai participé à aucune réunion du comité exécutif. Je

21 ne l'estimais pas nécessaire et conformément aux dispositions de la

22 législation, cela n'entrait pas le cadre de mes obligations et de mes

23 fonctions. Je me suis souvent entretenu avec le président du comité

24 exécutif.

25 Q. Maintenant, pour ce qui est de l'assemblée municipale, est-ce qu'au

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1 sein de cette municipalité, on a vu une évolution de la représentation au

2 cours de 1991 et 1992. Je m'explique, est-ce que la composition ethnique de

3 cette assemblée a évolué ?

4 R. Il y a eu des changements parce qu'au terme de la législation tous ceux

5 qui étaient des élus ne pouvaient pas être membre de l'assemblée

6 municipale. A ce moment-là, ils étaient remplacés par d'autres personnes

7 venant de la liste du même parti. Il y a eu d'autres changements,

8 également. A la fin 1992, deux personnes ont été remplacées tout simplement

9 parce qu'elles avaient été tuées. Il a bien fallu que quelqu'un prenne

10 leurs places.

11 Q. Examinons l'intercalaire numéro 11, je vous prie. Je pense qu'ici je

12 peux présenter tout de suite ce document. Il s'agit d'un registre du nom

13 des membres de l'assemblée municipale pendant la période qui nous

14 intéresse. On a ici un relevé des présents et des absents; est-ce bien

15 exact ?

16 R. Oui.

17 Q. En quelques mots, pouvez-vous expliquer aux Juges de la Chambre ce que

18 cela veut dire quand on voit un 0 ou un "o" ?

19 R. "O" cela veut dire que quelqu'un est absent et prouver que cette

20 absence est justifiée. Alors, que lorsqu'il y ait écrit --L'INTERPRÈTE :

21 L'interprète dit qu'il y a un autre signe qu'elle n'a pas entendu qui

22 signifie que l'absence est injustifiée.

23 M. JOSSE : [interprétation]

24 Q. Est-ce que la majorité des membres de l'assemblée municipale de

25 Prnjavor étaient Serbes ?

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1 R. Oui.

2 Q. S'agissant des Musulmans, pouvez-vous nous indiquer leurs noms en nous

3 disant quel est le numéro qui figure au regard de ce nom ?

4 R. Il y avait six représentants musulmans, représentants du SDA. Quant au

5 SDP ou les communistes, ils avaient 11 représentants. Parmi eux, il y

6 avait quelques Musulmans, ou deux Musulmans. Pour les noms, les voici

7 Husein Vukovic --

8 Q. Veuillez nous indiquer leur numéro.

9 R. Est-ce que vous pouvez déplacer ceci, s'il vous plaît. Numéro 8.

10 Q. Je pense que si vous avez le document sous les yeux --

11 R. Non, non cela va bien comme cela. Ensuite Klokic, Fuad numéro 23, Ahmet

12 Klokic, numéro 24. Est-ce que vous pourriez, s'il vous plaît, déplacer ?

13 Ici, nous avons Nusret Pandza, numéro 29. Mujo Rahimovic, numéro 42. Curan

14 -- enfin, j'ai vraiment du mal à lire cela. C'est le numéro 52. Et Ago

15 Cehic, 55. Mehmed Sabic, numéro 56. Il y a un autre Sabic, enfin, je crois.

16 C'est très difficile à lire. En tout cas, il y a le 57. Puis, Seperovic, le

17 numéro 58. Voici les Musulmans, les conseillers musulmans.

18 Q. On voit que ces noms, pour beaucoup d'entre eux, ont été biffés.

19 Pourquoi ?

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant que le témoin réponde, j'ai une

21 petite difficulté. J'ai manqué quelque chose, mais au compte rendu, j'ai du

22 mal. On nous a expliqué l'explication des ou la signification des "O" dans

23 cette liste, des zéros ou des "O." Je lis la chose suivante : ""O", cela

24 veut dire que quelqu'un est absent pour des raisons justifiées, et qu'ils

25 étaient absents pour des raisons injustifiées." C'est très difficile à

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1 comprendre.

2 M. JOSSE : [interprétation] Ce que le témoin a dit, c'est que "+"

3 signifiait que l'absence était justifiée. C'est ce que j'ai entendu.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Non. J'ai dit que "+", cela désignait les

5 personnes présentes.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, "+", cela désignait les présents.

7 Zéro, cela veut dire quoi ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Zéro, cela désigne les absences justifiées, et

9 "-", cela désigne les absents dont l'absence n'est pas justifiée. Enfin, il

10 y a peut-être une raison justifiée. En tout cas, en pratique, si on ne

11 connaissait pas la raison de l'absence de l'intéressé, on écrivait un "-".

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand il est écrit "-", cela veut dire

13 que la personne était absente pour des raisons soit inconnues, soit qui

14 n'étaient justifiées ou acceptables.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Continuez, Maître Josse.

17 M. JOSSE : [interprétation]

18 Q. La plupart, peut-être même tous les noms des Musulmans dont vous venez

19 de nous donner lecture ont été biffés. Pourquoi ? Pouvez-vous nous le

20 dire ?

21 R. C'est un cahier, un registre qui était tenu par l'un des employés. Je

22 crois que c'était le secrétaire. Il y a des noms qui sont soulignés,

23 d'autres qui sont biffés. Est-ce à la fois des noms de Musulmans et des

24 noms de Serbes. Je ne vois pas de système ici qui se dégage. Je ne suis pas

25 en mesure de vous répondre. Il est possible que, dans certains cas, il ait

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1 voulu souligner les noms mais il les a biffés par erreur. Parfois, il a

2 peut-être voulu écrire une note; je ne sais pas. En tout cas, il n'y a pas

3 de règle, on ne voit pas de système se dégager ici, soit pour les Serbes ou

4 soit pour les Musulmans.

5 Q. Dernière chose au sujet de ce document. Est-ce qu'il y avait parmi les

6 membres de l'assemblée municipale, est-ce qu'il y avait des Croates ?

7 R. Oui. Un instant, je vous prie. Il y avait quelqu'un. Mais un instant,

8 je vous prie. Ce serait plus simple si je pouvais m'emparer de la feuille.

9 Numéro 34, Zarko Maric, Croate. A part cela, il faut dire que le HDZ n'a

10 pas participé aux élections, si bien que cet homme qui est Croate

11 représentait le SDP.

12 Q. Merci.

13 R. Puis, il y avait Branislav Vukojevic qui est au numéro 7 sur la liste.

14 Enfin, lui aussi, je crois qu'il était également représentant du SDP.

15 Q. Merci. Vous pouvez rendre ces documents.

16 M. JOSSE : [interprétation] J'allais aborder maintenant brièvement la

17 question de la cellule de Crise.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous regardez l'horloge. Je

19 comprends bien. De combien de temps avez-vous encore besoin à peu près pour

20 la totalité de votre interrogatoire principal ?

21 M. JOSSE : [interprétation] Je suis bien décidé à permettre à l'Accusation

22 de commencer son contre-interrogatoire aujourd'hui.

23 M. TIEGER : [interprétation] L'Accusation n'est pas en mesure d'entamer le

24 contre-interrogatoire aujourd'hui. Nous attendons les traductions et nous

25 attendons des réponses à certaines questions que nous avons posées après

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1 avoir reçu ces documents. Comme l'a vu la Chambre, seule une infime partie

2 des documents qu'on a évoqué dans le prétoire ont été traduits. Ces

3 documents, nous devons les passer en revue d'une manière plus approfondie.

4 En conséquence, nous avons été informés assez tard de la comparution de ce

5 témoin. Il y a également des informations dont nous avons besoin et que

6 nous attendons. Puis, nous avons reçu les pièces très tardivement.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons souvent demandé à la Défense

8 non pas s'ils étaient prêts à contre-interroger le témoin mais quand ils

9 allaient le faire. Le temps dont nous disposons n'est pas illimité. Essayez

10 de déterminer quelle partie du contre-interrogatoire vous pourriez entamer

11 aujourd'hui. Je ne m'attends pas à ce que vous soyez complètement prêt.

12 M. TIEGER : [interprétation] Je vous entends bien. Bien entendu, j'ai tout

13 examiné avec attention. Je m'efforcerai de répondre à votre demande.

14 Cependant, il est possible que je sois contraint de vous dire qu'il est

15 vraiment nécessaire pour moi d'attendre les informations, de recevoir les

16 informations que j'attends pour pouvoir commencer le contre-interrogatoire.

17 J'espère que ce ne sera pas le cas mais c'est possible.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons ce qu'il en est. Nous

19 allons maintenant faire une pause jusqu'à 12 heures 55. De cette manière,

20 il nous restera 50 minutes d'audience.

21 --- L'audience est suspendue à 12 heures 31.

22 --- L'audience est reprise à 13 heures 01.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le témoin n'est pas dans la salle. Je

24 demande à ce qu'on le fasse entrer.

25 M. JOSSE : [interprétation] Tant que le témoin n'est pas là, peut-être

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1 puis-je dire quelques mots. J'ai pratiquement consacré toute la pause à

2 discuter avec mon client qui m'a prié de poser quelques questions. Je ne

3 suis pas en désaccord avec ces questions. Ce qui me préoccupe un peu, c'est

4 le temps dont je dispose.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 M. JOSSE : [interprétation] Je vais voir comment je vais pouvoir le faire.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. En tout cas, suite à votre

8 consultation avec votre client, vous êtes dans une situation où il vous a

9 chargé de poser des questions.

10 M. JOSSE : [interprétation] Ce n'est pas de cette façon que je crois vous

11 dire la chose, mais je pense --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Enfin, quoi qu'il en soit, --

13 M. JOSSE : [interprétation] Quelle que soit la façon dont je le ferai, je

14 vais poser les questions qu'il m'a chargé de poser. J'espère que je le

15 ferai d'une façon qui le satisfera.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous verrons s'il faudra ensuite ajouter

17 quelques questions à celles-ci. En tout cas, ce sera la procédure que nous

18 suivrons.

19 Monsieur Vasic, veuillez prendre place.

20 Vous pouvez poursuivre, Maître Josse.

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. J'ai annoncé déjà que j'allais vous interroger au sujet de la cellule

23 de Crise. Je vous poserai des questions courtes à ce sujet. Je vous

24 demanderai, si cela vous est possible, Monsieur Vasic, d'y répondre assez

25 brièvement aussi. Première question : quand la cellule de Crise a-t-elle

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1 été créée à Prnjavor ?

2 R. Par décret du président de la république. Donc, sur décision

3 gouvernementale au niveau de la république, la cellule de Crise a été créée

4 en mai 1992.

5 Q. Je suppose qu'il s'agit de 1992. Vous avez raison. En 1992, bien sûr.

6 Excusez-moi.

7 Combien de temps la cellule de Crise a-t-elle continué à exister ? En

8 d'autres termes, quand a-t-elle cessé de fonctionner ?

9 R. La cellule de Crise a cessé de fonctionner lorsque s'est tenue la

10 séance de l'assemblée municipale d'août 1992, lorsque toutes ces décisions

11 ont été adoptées par la cellule de Crise.

12 Q. Pendant la durée de son existence, a qui la cellule de Crise rendait-

13 elle compte ? Devant qui était-elle responsable ?

14 R. La situation était assez spéciale à Prnjavor. En effet, sur proposition

15 du gouvernement, sur proposition du pouvoir. Par conséquent, il avait été

16 proposé que la cellule de Crise continue à travailler lorsque les

17 conditions le permettaient. Pendant toute la période où la cellule de Crise

18 a existé, les décisions du comité exécutif de la municipalité étaient mises

19 en œuvre en même temps que celles de la cellule de Crise. La première

20 séance de l'assemblée municipale, dans ce contexte, s'est tenue au mois

21 d'août.

22 Q. Qu'en est-il des procès-verbaux ?

23 R. Le 14 août, plus précisément.

24 Q. Les procès-verbaux ou comptes rendus de séances, étaient-ils envoyés à

25 tout le monde, même hors de la municipalité ?

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1 R. Non. Les comptes rendus étaient adoptés durant les séances de

2 l'assemblée, ensuite, envoyés à tous les députés. Je ne me souviens plus si

3 nous avions pour obligation - comment cela s'appelle déjà - est-ce que

4 c'était le gouvernement de la Krajina - comment cela s'appelait ? Je crois,

5 en tout cas, que nous n'avions pas obligation d'adresser ces procès-verbaux

6 à la cellule de Crise de la Krajina. Je crois, d'ailleurs, que nous

7 n'étions même pas tenus d'informer, et encore moins d'envoyer un procès-

8 verbal. Je ne m'en souviens pas avec certitude aujourd'hui.

9 Q. Dans quelle mesure, diriez-vous, si tel était le cas, que la cellule de

10 Crise était contrôlée par Sarajevo ou par Pale, si tel était le cas ?

11 R. Nous parlons d'une période où les communications fonctionnaient mal. Il

12 n'y avait même pas de corridor. Donc, nous pouvons dire que nous étions

13 livrés à nous-mêmes. Pendant cette période, les seuls contacts que nous

14 avions étaient avec les gens de Krajina, de la RK de Krajina. Par ailleurs,

15 en dehors de cette période, la RK de Krajina était pour nous un sujet de

16 plaisanterie plutôt qu'autre chose, car nous ne lui accordions pas une

17 grande importance, très franchement. Enfin, soyons précis. Dans la période

18 dont nous parlons, c'est-à-dire, depuis la création de la cellule de Crise

19 et jusqu'au moment où la décision a été adoptée par l'assemblée, nous avons

20 agi seuls. Nous n'étions responsables que vis-à-vis de nous-mêmes par

21 rapport à ce qui se faisait à Prnjavor. La seule collaboration que nous

22 avons pu avoir s'est faite avec les instances supérieures à Banja Luka.

23 Cette collaboration ne portait que sur la coordination d'un certain nombre

24 d'actions parce que cela se faisait selon la hiérarchie. Par exemple, la

25 police avait un bureau régional à Banja Luka dont elle dépendait et à

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1 laquelle elle rendait compte. Elle envoyait, à ce bureau régional de Banja

2 Luka, des rapports et toutes les demandes qu'elle souhaitait voir

3 satisfaites afin de respecter la hiérarchie verticale qui la liait à ce

4 bureau de Banja Luka. Quand je dis police, je parle de la Défense

5 territoriale, de la police civile.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Juge Hanoteau a un

7 éclaircissement à vous demander.

8 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans votre déposition, vous indiquez : "The minutes

9 were adopted at the assembly sessions and all the minutes were presented to

10 the MPs." Est-ce que vous voulez préciser, notamment : "were presented to

11 the MPs."

12 LE TÉMOIN : [interprétation] La législation faisait obligation de

13 distribuer tous les comptes rendus aux députés dès lors qu'ils pouvaient

14 être atteints; députés de l'assemblée municipale. Dès lors que ces

15 documents pouvaient leur parvenir. Sur notre territoire, il n'y avait pas,

16 à ce moment-là, de combats. Donc, nous avons été les premiers à vouloir le

17 faire. Mais tout de même, cela ne s'appelait plus assemblée municipale;

18 cela s'appelait cellule de Crise. L'assemblée municipale a, dans cette

19 période, pris à son compte toutes les décisions de la cellule de Crise, le

20 14 août, au moment où la cellule de Crise a cessé de fonctionner.

21 C'était la dernière séance de l'assemblée municipale dans sa

22 composition mixte, c'est-à-dire, avec les Musulmans.

23 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.

24 M. JOSSE : [interprétation]

25 Q. J'aimerais maintenant vous soumettre la pièce 65, intercalaire 66, un

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1 document que la Chambre connaît bien. Le Greffe dispose de l'original. Je

2 dispose, pour ma part, de photocopies, mais je ne pense pas qu'elles seront

3 nécessaires. Comme nous le savons tous, ce document comporte une version A

4 et une version B. Je vous demande, Monsieur Vasic, quand vous avez vu ce

5 document pour la première fois ?

6 R. J'ai vu ce document pour la première fois quand vous me l'avez montré

7 ici même. C'est d'ailleurs à ce moment-là, que j'en ai entendu parler pour

8 la première fois aussi à mon arrivée ici pour témoigner.

9 Q. Je vous pose maintenant une question de suivi : est-ce qu'en 1991, vous

10 avez participé à une quelconque réunion à l'auberge Holiday Inn de

11 Sarajevo, à l'hôtel Holiday Inn ?

12 R. Je pense que c'était une réunion du comité exécutif dont je ne suis pas

13 membre. Il arrivait, et c'est arrivé à plusieurs reprises, que les membres

14 de l'assemblée municipale soient invités à ces réunions. Moi-même ainsi que

15 le président du comité exécutif et le secrétaire de l'assemblée municipale,

16 nous sommes allés à Sarajevo. Donc, je me suis trouvé à l'hôtel Holiday

17 Inn.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quel jour s'est tenue cette réunion à l'hôtel

19 Holiday Inn de Sarajevo, si vous connaissez la date exacte ? Sinon, dites-

20 le également ?

21 R. C'était l'hiver 1991. Je ne peux pas vous donner la date exacte. Je

22 sais que c'était vers la fin de l'année 1991. Ici maintenant, sur ce texte,

23 je vois la date. Je suppose que c'est une date exacte mais je ne saurais

24 l'affirmer.

25 Q. Bien. Nous pouvons passer à autre chose. J'aimerais maintenant vous

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1 interroger au sujet de ce qu'il est convenu les six objectifs stratégiques.

2 Que savez-vous de cette expression ? Que connaissez-vous de la nature de

3 ces objectifs ?

4 R. Je ne connais pas cette expression et je ne connais non plus ces

5 objectifs. En tant que président de l'assemblée municipale, je n'ai jamais

6 eu vent de cela et je répète que je n'étais ni député, ni membre du comité

7 exécutif. Mais j'ai assisté à cette réunion, cela je m'en souviens très

8 bien.

9 Q. Quelle était, de façon générale, la connaissance que vous aviez des

10 objectifs du SDS ?

11 R. Ce que je savais c'était ce qu'on disait aux réunions du SDS de

12 Prnjavor, parce que j'étais membre de l'exécutif du SDS de Prnjavor, donc

13 si on en parlait, j'étais au courant. Je n'ai jamais été président du SDS

14 de Prnjavor, pas plus d'ailleurs que vice-président du SDS de Prnjavor. Le

15 président et le vice-président nous communiquaient en général les rapports

16 dont ils disposaient et ils nous disaient ce qui s'était dit aux réunions

17 de l'exécutif du parti qui s'étaient tenues, je ne sais pas quel jour

18 exactement, mais au printemps 1992, date à laquelle le travail du Parti

19 démocratique serbe a été paralysé et dans la pratique ce parti n'a plus

20 fonctionné jusqu'à la fin de la guerre. Parce que, comme le président de

21 l'époque, Karadzic nous l'a dit, pour éviter que la population se divise en

22 partis, compte tenu qu'il fallait que l'unité règne au sein de la

23 population, il valait mieux paralyser, geler le travail du parti. Donc dans

24 la pratique, concrètement, ce parti n'a plus fonctionné jusqu'à la fin de

25 la guerre.

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1 Q. J'aimerais maintenant aborder deux sujets en conclusion. Le premier a

2 trait au fait suivant : un témoin qui s'appelle Jasmin Odobasic est venu

3 témoigner devant ce Tribunal où il a prétendu entre autres que vous étiez

4 responsable du passage à tabac qu'il a subi. Que dites-vous de cela ?

5 R. Ce sont de purs mensonges. Je n'ai jamais donné l'ordre à quelque

6 moment que ce soit dans ma vie de passer quiconque à tabac. Dans la

7 deuxième partie de sa déposition d'ailleurs, il dit que c'est quelqu'un

8 d'autre qui a ordonné cela.

9 Q. Ceci est un commentaire sur la déposition de cette personne. Ce n'est

10 pas votre rôle de commenter.

11 Ce même témoin déclare que lors de l'organisation du référendum de

12 1992, vous avez fait obstacle à l'organisation de ce référendum en ne

13 prévoyant qu'un seul bureau de votes à Prnjavor. Est-ce que ce que dit ce

14 témoin à votre égard est vrai ? Est-ce qu'effectivement vous avez fait

15 obstacle à la bonne marche de ce référendum de 1992 ? Le témoin qui

16 s'appelle Odobasic.

17 R. M. Odobasic. Le climat général au sein de la population serbe était

18 opposé à la tenue de ce référendum, donc il est tout à fait normal que nous

19 ayons apprécié la situation --

20 Q. Je vous interromps et je vous demande de répondre à la question. La

21 question était précise, je souhaite une réponse précise. Vous êtes-vous

22 efforcé de faire capoter les élections en ne prévoyant qu'un seul bureau de

23 votes à Prnjavor ?

24 R. Non.

25 Q. Je voudrais maintenant passer à un autre sujet --

Page 17477

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais poser une question au témoin.

2 Je sais que ce n'est pas la question que vous avez posée, Maître, mais, en

3 tout cas, Monsieur le Témoin, on vous a posé une question quant au fait que

4 vous avez fait obstacle à la bonne organisation du référendum. Vous étiez

5 en train de dire que : "Vous avez apprécié la situation --" vous souhaitiez

6 poursuivre. Pourriez-vous vous expliquer sur ce point, je vous prie ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Nous avons estimé, dans cette situation, que

8 certains événements assez désagréables risquaient de se produire et, comte

9 tenu du nombre d'habitants musulmans qui souhaitaient aller voter, nous

10 avons estimé le nombre de bureaux de votes nécessaires pour leur permettre

11 à tous de voter en évitant tout incident. J'étais d'accord pour qu'il y ait

12 un bureau de votes par village, c'était la pratique dans le passé, et c'est

13 toujours la pratique aujourd'hui. Il y a en général un bureau de votes par

14 village. A Prnjavor, j'ai décidé qu'il y aurait un bureau de votes pour

15 toute la ville de Prnjavor parce que je considérais que pour 1 500

16 Musulmans environ, un bureau de votes suffisait et que nous serions en

17 mesure d'assurer la sécurité de ce bureau de votes pour éviter tout

18 incident. C'est ce qui a été fait et il n'y a eu aucun incident majeur. Il

19 n'y a pas eu non plus le moindre désordre car la police a fait ce qu'il

20 fallait pour l'empêcher.

21 Est-ce que j'aurais commis une erreur ? Est-ce que j'aurais dû

22 prévoir deux bureaux de votes ? Cela dépend de l'opinion de chacun, mais,

23 pour ma part, je pense avoir bien fait.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce qu'a dit M. Odobasic est exact dans

25 la mesure où, pour les raisons que vous venez d'indiquer, vous avez décidé

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1 que, dans la ville de Prnjavor, il n'y aurait qu'un seul bureau de votes.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, d'accord. Vous pouvez poursuivre,

3 Maître Josse.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Au lieu de deux comme ils l'avaient

5 prévu.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Josse.

7 M. JOSSE : [interprétation]

8 Q. J'aborde à présent le dernier point qui m'intéresse, Monsieur Vasic,

9 qui concerne l'accusé dans la présente affaire, à savoir M. Krajisnik. M.

10 Krajisnik est-il venu à Prnjavor en 1991 ou 1992 ?

11 R. M. Krajisnik est venu en février 1993 et en février 1995 à Prnjavor

12 pendant la guerre, ainsi que plus tard avant les élections, donc dans le

13 cadre de la campagne en 1996. Pour ces six années, il a rendu trois visites

14 à la ville de Prnjavor.

15 Q. En quelques mots, que faisait-il à Prnjavor en février 1993 ?

16 R. Pour autant que je m'en souvienne, la réunion s'est tenue dans une

17 salle de l'hôtel Nationale. Si je me souviens bien, il y avait une accalmie

18 sur le front à ce moment-là et tous les directeurs d'entreprise étaient

19 invités à cette réunion ainsi que les dirigeants de la municipalité. M.

20 Krajisnik n'est pas venu seul. Si je me souviens bien, il y avait aussi une

21 délégation qui l'accompagnait, une délégation de représentants au niveau de

22 la république. Cette visite avait pour but principal de mieux connaître la

23 ville. J'affirmerais personnellement que c'était également une visite de

24 courtoisie. Il a beaucoup été question, dans les discussions tenues au

25 cours de cette réunion, des besoins sur le plan économique et de questions

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1 économiques de façon générale.

2 Q. En 1991 et même 1992, avez-vous reçu des ordres ou des consignes de M.

3 Krajisnik ?

4 R. De l'assemblée de la Republika Srpska, par le biais des représentants

5 officiels, nous recevions toutes les conclusions, tous les ordres et

6 décrets adoptés par l'assemblée. Puis, concrètement parlant, nous n'avons

7 ni reçu, ni adressé le moindre ordre ou consigne à M. Krajisnik, car nos

8 contacts avec les dirigeants supérieurs de la république se situaient au

9 niveau des contacts qu'avaient, soit les dirigeants de partis, soit les

10 dirigeants politiques avec M. Krajisnik pour obtenir que quelque chose se

11 fasse concrètement.

12 Q. En tant que dirigeant municipal, êtes-vous en mesure de nous dire quel

13 était le pouvoir exercé par M. Krajisnik au sein de la république ?

14 R. En 1991, le pouvoir était entre les mains des partis. L'assemblée

15 municipale était mixte. En Bosnie-Herzégovine, nous pouvions suivre les

16 débats des séances à la télévision. Il menait assez énergiquement les

17 débats et il s'opposait assez fermement aux représentants du SDA qui

18 combattaient les propositions de la partie serbe de la population. Donc, M.

19 Krajisnik est devenu très populaire au niveau de l'assemblée. Mais comme je

20 l'ai déjà dit, je répète qu'en 1991, tout ce qui se faisait passait surtout

21 par le SDS et M. Karadzic. Il y avait le fonctionnement de la municipalité

22 par rapport aux partis, il y avait aussi le fonctionnement de l'assemblée

23 qui était repris dans les articles du journal officiel et des procès-

24 verbaux des assemblées municipales que nous recevions. Donc, nous étions

25 informé par ce biais.

Page 17480

1 Q. Qu'en est-il de 1992 ? Car vous avez évoqué l'année 1991 trois fois

2 dans votre dernière réponse.

3 R. J'ai parlé de 1991, parce qu'en fait, on peut dire exactement la même

4 chose jusqu'en mai 1992, de la situation jusqu'en mai 1992, moment où nous

5 avons été, plus ou moins, livrés à nous même. Si nous avions besoin de

6 quelque chose, nous nous consultions entre présidents des assemblées

7 municipales, des localités voisines, Banja Luka, Celinac, Prnjavor, pour

8 échanger nos impressions. Ou encore, nous avions quelques contacts avec les

9 gens de la RAK de la Krajina, bien que nous ne l'ayons pas fait jusqu'à ce

10 moment-là. Mais nous avons commencé à le faire tout de même à partir de ce

11 moment-là, car c'était des gens qui avaient une certaine expérience et qui

12 pouvaient éventuellement nous donner des conseils. Autrement dit, nous

13 avons essayé de nous réunir au niveau des municipalités pour ne pas prendre

14 l'allure d'une armée sans officiers. Tout cela se résumait à des

15 conversations informelles, à des concertations entre nous, mais nous étions

16 physiquement séparés de Sarajevo et nous n'avions plus aucun contact sur

17 quelque plan que ce soit avec l'extérieur. Ce qui nous a laissé dans une

18 situation assez difficile.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, au début de votre

20 réponse, vous avez dit j'ai parlé de 1991 car on peut dire la même chose de

21 la situation jusqu'en mai 1991. Est-ce que vous pensiez 1991 ou 1992

22 lorsque vous avez parlé du mois de mai ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai peut-être fait un lapsus. Ce que j'avais

24 à l'esprit, c'était mai 1992.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, c'est ce que je pensais, mais je

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1 souhaitais obtenir une confirmation de votre bouche.

2 Maître Josse.

3 M. JOSSE : [interprétation] J'en ai terminé de mon interrogatoire

4 principal, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Avant de demander à M.

6 Tieger s'il est prêt à entamer le contre-interrogatoire. J'ai moi-même une

7 question à poser au témoin, auquel je demande une explication

8 complémentaire.

9 Monsieur Vasic, on vous a interrogé au sujet de l'assemblée municipale et

10 de son fonctionnement. On vous a demandé s'il avait changé dans sa

11 composition ethnique en 1991 ou 1992. Vous avez expliqué que certaines

12 personnes ont été remplacées à leur poste, mais, fondamentalement, votre

13 réponse a consisté à dire qu'il n'y avait pas eu de transformations

14 majeures au niveau ethnique dans la composition de cette assemblée. Un peu

15 plus tard, répondant à des questions qui vous étaient posées au sujet de la

16 cellule de Crise, vous nous avez dit que l'assemblée municipale avait

17 confirmé ou en tout cas pris acte des décisions votées le 14 août 1992,

18 qu'elle avait adopté toutes les décisions prises par la cellule de Crise,

19 ce jour-là et un peu plus loin vous avez ajouté. Je cite : "Que ce fut la

20 dernière séance de l'assemblée dans sa composition mixte."

21 Dans ces conditions, je vous demande en quoi a consisté le changement

22 de la composition ethnique de l'assemblée à partir du 14 août ? Cette

23 assemblée est-elle devenue monoethnique ? Je n'ai pas très bien compris

24 votre réponse. En quoi a consisté le changement dont vous avez parlé ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Le 14 août, comme vous pouvez le voir sur la

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1 base de ce rapport, il y avait encore des Croates et des Musulmans à

2 l'assemblée. Après cela, jusqu'à la fin de la guerre le membre croate est

3 resté, mais je crois qu'un seul des Musulmans est resté.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous aviez un Musulman

5 aussi, parlant du 14 août. Puis vous dites : "Après cela, un seul des

6 Musulmans est resté," ce qui semble pratiquement la même chose en ce qui

7 concerne les Musulmans.

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Pour ce qui est des Croates, je peux affirmer

9 que le Croate membre est resté jusqu'à la fin, tandis que le membre

10 musulman était présent à cette réunion, mais je ne peux rien dire avec un

11 quelconque degré de certitude pour les réunions qui ont eu lieu par la

12 suite. Mais je sais qu'il a vécu à Prnjavor, dans la ville de Prnjavor

13 pratiquement jusqu'à la fin de la guerre. Il n'était pas membre du parti

14 SDA, donc il n'a pas reçu d'instruction de quitter les réunions de

15 l'assemblée ou de ne plus y assister. C'était un membre musulman du parti

16 SDP.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Savez-vous quoi que ce soit des autres

18 Musulmans qu'on a plus vus se présenter ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je sais pour sûr que les membres du SDA, -

20 tout au moins, c'est ce qu'a m'a dit le président du parti lors d'un

21 entretien en passant - qu'ils avaient pour instructions de partir, de

22 quitter tout poste de responsabilité ou d'autorité dans le gouvernement de

23 Prnjavor et même dans l'intervalle, un certain nombre de membres du SDP

24 appuyaient certaines des idées du SDA, tels que M. Odobasic ainsi que

25 d'autres, d'ailleurs. Les pouvoirs réformistes sont restés au sein de

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1 l'assemblée, le SDP, le SDS, les partis réformistes.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si nous regardons la liste de ceux qui

3 ont assisté ou qui assistaient, on voit cela à l'onglet, je crois que -- il

4 semble que cette liste est au dernier intercalaire. On dirait que ceci est

5 découpé, ôté de l'ensemble des documents, c'est supprimé de l'ensemble du

6 document parce qu'après la séance du mois d'août, il semble qu'il y ait eu

7 d'autres séances ou sessions qui ne font pas partie de ce document. Est-ce

8 que vous auriez le document dans son ensemble, le document complet ? Je

9 veux dire, comment avez-vous obtenu celui-ci ? Est-ce qu'il serait possible

10 de disposer de l'ensemble du document, le document complet ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai demandé ce document et l'un des employés

12 qui a fait la photocopie, ceci concernait la période pendant laquelle la

13 cellule de Crise existait et fonctionnait complètement et par la suite,

14 nous n'avons pas eu de problèmes particuliers concernant le fonctionnement

15 de l'assemblée parce que fondamentalement, ce dont on avait de besoin,

16 c'était d'un quorum, c'est-à-dire, 31 membres.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous demandiez qu'on vous photocopie

18 le document intégral, est-ce que ce serait possible ?

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Je pense que oui. Dans le cas où ils

20 réussiront à le retrouver, dans ce cas-là, ils devraient être capables de

21 le faire.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vous remercie.

23 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas de questions

24 supplémentaires à poser. Je voulais simplement dire

25 ceci : que Me Stewart est ici. Il a quelques questions de procédure à

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1 évoquer, qu'il souhaiterait mentionner aujourd'hui, pendant cinq minutes

2 environ et il souhaiterait le faire aujourd'hui plutôt que demain, si je

3 peux dire les choses ainsi.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Tieger, ceci, en tous les

5 cas, vous épargne et je ne sais pas si vous avez résolu le problème qui

6 était le vôtre, oui ou non, mais --

7 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je vous remercie, Monsieur le Président.

8 Je devrais dire, à ce stade, comme je l'ai indiqué à

9 Me Josse, lorsque nous sommes revenus, que j'allais entamer mon contre-

10 interrogatoire. Je pense que je vais pouvoir avoir le beurre et l'argent du

11 beurre.

12 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que je pourrais également mentionner le

13 fait que Me Stewart a envisagé la situation avec générosité, plus de

14 générosité que je ne l'ai fait moi-même, mais --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, peut-être que --

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y aurait guère d'utilité

18 maintenant à entendre, d'abord, Me Stewart et ensuite, aussi bref que cela

19 soit, commencer le contre-interrogatoire d'un témoin. Par conséquent, je

20 voudrais vous donner pour instruction, Monsieur Vasic, Monsieur le Témoin,

21 de ne parler à personne de la déposition que vous avez déjà faite ou de la

22 déposition que vous allez encore faire. Nous souhaitons vous revoir demain

23 matin, à

24 9 heures et à ce moment-là, les conseils de l'Accusation procéderont à

25 votre contre-interrogatoire.

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1 Madame l'Huissière, voulez-vous, s'il vous plaît, escorter

2 M. Vasic hors de la salle d'audience.

3 [Le témoin se retire]

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, vous avez la

5 parole.

6 M. STEWART : [interprétation] Je ne savais pas que j'avais été si

7 généreux à l'égard de M. Tieger et je ne savais pas que les interventions

8 de Me Josse -- enfin, il faudra que je regarde à nouveau l'emploi du temps.

9 Deux remarques, Monsieur le Président. En fait, elles sont liées. Je

10 comprends de ce que m'a dit M. Josse à qui j'ai parlé dans la matinée, que

11 vous avez évoqué la question des audiences le matin ou l'après-midi de

12 l'emploi du temps. Pour ce qui est de préférence, si la Défense peut

13 s'exprimer là-dessus.

14 La position de la Défense est la suivante : nous serions satisfaits,

15 si on pouvait avoir un emploi du temps alterné comme on l'avait suggéré il

16 y a quelques jours, une semaine les matinées, une semaine les après-midi.

17 Si ceci n'est pas possible et si ceci pose une question, pour ce qui est de

18 choisir l'un ou l'autre, à ce moment-là, mettons de côté toute préférence

19 personnelle en ce qui concerne cette question. Les préférences de la

20 Défense iraient très fortement dans le sens des après-midi pour les raisons

21 que j'ai indiquées parce que, à toutes fins utiles, il est pratiquement

22 impossible de progresser véritablement dans des consultations avec notre

23 client, si nous siégeons le matin, à ces heures d'audiences de matinée.

24 Parce que les audiences de l'après-midi, lorsqu'on veut le voir au quartier

25 pénitentiaire des Nations Unies, le temps est extrêmement court et en fin

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1 de journée, ce n'est guère productif.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez, nous allons essayer

3 d'obtenir 50 % de nos séances dans l'après-midi et si, à quelque fin que ce

4 soit, nous devons décider si nous devons nous renseigner à ce sujet --

5 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais simplement ajouter ceci, Monsieur

6 le Président. Vous avez une longue expérience de ce Tribunal et je ne suis

7 peut-être pas très bien -- excusez-moi, je ne suis pas dans un bon angle ce

8 matin. Vous êtes évidemment très au courant de ceci, que si ceci est fait

9 tout au cours d'une semaine -- enfin, en alternant, si cela peut être fait

10 d'une façon qui ne soit pas trop au hasard, il n'y aura pas, à ce moment-

11 là, de confusion. Il se peut qu'on ait un témoin l'après-midi et ensuite,

12 dans la matinée immédiatement suivante. Mais ceci cause quand même des

13 difficultés pour tous les conseils et pour ce qui est de la préparation.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Dans mes entretiens avec le

15 fonctionnaire responsable des emplois du temps, j'ai posé des questions

16 concernant les matinées, les après-midi, mais plus particulièrement, en ce

17 qui concerne le mois de novembre, les choses seront différentes parce que

18 nous ne disposerons pas de trois salles d'audience. Parfois, on aura encore

19 moins de possibilités de tenir audience dans telle ou telle salle et il

20 faudra que nous nous entendions avec les autres Chambres de première

21 instance.

22 M. STEWART : [interprétation] Je vous comprends, Monsieur le Président.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que parfois, bien sûr, les Juges

24 ont également d'autres engagements. Outre le fait de siéger dans l'affaire

25 Krajisnik, il y a également d'autres questions au Tribunal et parfois, à

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1 l'extérieur du Tribunal, ce qui crée de temps à autre ce que j'ai dit,

2 c'est-à-dire, une situation assez compliquée. Je comprends

3 qu'indépendamment de ce que je viens de dire, que votre préférence pour ce

4 qui est du mois de novembre, ce serait d'alterner une semaine, le matin et

5 une semaine, l'après-midi, plutôt que de faire des demies semaines en ce

6 sens.

7 M. JOSSE : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président, je

8 voulais ajouter que ce qui est fait du point de vue de la Défense est

9 important, sinon nous allons avoir pas mal de retard. Nous avons de grandes

10 difficultés pour ce qui est de nous préparer et il faut que nous le

11 fassions en consultation avec M. Krajisnik.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être que vous allez même obtenir

13 davantage que ce que vous voulez.

14 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autre question.

16 M. STEWART : [interprétation] Elle est liée à la première. J'ai dit,

17 d'ailleurs, des choses analogues à plusieurs reprises. J'ai donné certaines

18 indications concernant des positions personnelles, j'ai écrit il y a

19 quelque temps à la Chambre de première instance et première chose, demain

20 matin, je vais être absent et je ne serai pas disponible dans la présente

21 affaire pendant une semaine. Je serai de retour mercredi prochain. Cela

22 fait longtemps qu'on aurait dû régler cette question. J'ai continué

23 d'informer la Chambre de première instance et c'est une des raisons pour

24 lesquelles je souhaitais traiter de la question aujourd'hui parce que je ne

25 serai pas là demain et donc, je ne pourrai pas être là pour le travail et

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1 indépendamment du fait que je garde le contact avec Me Josse, en tous les

2 cas, jusqu'à mercredi prochain.

3 C'est très tôt dans la présentation des moyens à décharge et il y a un

4 certain temps, on s'attendait à finir à une date différente, le

5 22 avril et un emploi du temps provisoire avait été présenté par les

6 parties à un certain stade et également, par la Chambre, il était envisagé

7 que des audiences, pour ce qui était de la présentation des moyens de la

8 Défense, pourraient prendre quatre semaines avec une semaine sans audience.

9 Alors, sans cela -- enfin, je voulais simplement rappeler ce point. Sans

10 dire que ce serait tout à fait satisfaisant, il faut que je vous dise

11 comment je vois la situation en tant que conseil principal et ceci fait

12 partie de mes arguments. Je peux déjà voir que l'audience envisagée dans le

13 calendrier, indépendamment de la semaine d'interruption qui va venir, pour

14 différentes raisons, notamment, le fait qu'il y a un jour de congé des

15 Nations Unies et également, les vacances normales de Noël, je peux voir que

16 le calendrier envisagé pour les audiences, de semaine en semaine, du lundi

17 au vendredi, cela va être tout à fait impossible pour la Défense. Tout

18 simplement, nous n'avons pas les ressources du point de vue humain. Il n'y

19 aura pas de différence quelles que soient les négociations avec le Greffe,

20 le résultat de cela ne fera pas de différence particulière par rapport à ce

21 que je dis. Il est évident que cela doit faire une différence quelque part.

22 Sans cela, je ne me préoccuperais pas de la question, mais cela ne fera pas

23 de différence très importante. Nous n'avons pas les ressources humaines.

24 Nous n'avons pas le temps nécessaire, ni l'énergie, franchement, pour

25 respecter ce type d'emploi du temps. Je le sais. C'est basé sur mon

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1 expérience passée dans cette affaire. C'est basé sur une appréciation des

2 deux dernières semaines et des semaines qui les ont précédées.

3 Je mentionne ceci simplement parce que je ne voudrais pas revenir le

4 25 octobre et évoquer cette question. Je le fais aujourd'hui pour que les

5 indications soient claires, pour qu'on examine très sérieusement, dès que

6 possible, ceci, peut-être, si possible, avant le 25 octobre. La Défense

7 pourra être consultée.

8 Me Josse et moi-même pourrons être disponibles vendredi de la semaine

9 prochaine et le lundi avant de reprendre le mardi. Me Josse va aller en

10 Bosnie. Lui-même ne sera pas disponible à La Haye, non plus; à un moment

11 donné, nous ne serons pas à La Haye, ni l'un, ni l'autre, mais nous sommes

12 prêts à envisager -- nous sommes à la disposition de la Chambre de première

13 instance pour discuter des difficultés que nous voyons actuellement. C'est

14 simplement un fait de façon à ce qu'on puisse avoir un calendrier possible

15 et ce n'est pas simplement des petites modifications. Je ne peux pas voir,

16 par exemple, que l'emploi du temps envisagé de quatre semaines avec une

17 semaine d'interruption, je ne peux pas voir que cela puisse marcher. Non,

18 cela ne fonctionnera tout simplement pas.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Maître Stewart. J'ai

20 remarqué que pour ce qui est des quatre semaines à venir qu'il y avait déjà

21 une semaine d'interruption. Nous nous basions sur le calendrier précédent,

22 mais nous avons bien compris ce que vous avez dit et nous allons examiner

23 si ceci peut nous amener à prendre certaines mesures ou à entrer dans

24 d'autres entretiens avec la Défense à ce sujet et je remarque que vous

25 serez disponible, j'ai compris que vous seriez là vendredi prochain, il se

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1 peut que les Juges ne soient pas disponibles. Peut-être que lundi, ils le

2 seront, peut-être pas tous. Mais nous allons voir comment nous pouvons

3 procéder et comment vous pouvez être atteint, bien entendu et on verra où

4 on peut atteindre les uns des autres.

5 M. STEWART : [interprétation] Mais, Monsieur le Président, on peut toujours

6 nous atteindre d'une manière ou d'une autre. Cela va sans dire. Il faut,

7 évidemment, que nous puissions, de temps en temps, nous reposer et comme je

8 l'ai dit, c'est une expérience très valable pour l'avenir. Je suis très

9 préoccupé de ce qui va se passer à partir d'aujourd'hui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous vous avons compris. Je lève la

11 séance jusqu'à demain matin, 9 heures, dans la même salle d'audience.

12 --- L'audience est levée à 13 heures 48 et reprendra le mercredi

13 12 octobre 2005, à 9 heures 00.

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