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1 Le mercredi 26 octobre 2005
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 8 heures 03.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite bonjour à tout le monde dans
6 ce prétoire, vu l'heure qu'il fait ce matin.
7 Le Greffier peut-il présenter l'affaire, s'il vous plaît.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Il s'agit
9 de l'affaire IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
11 Madame l'Huissière, je vous prie de bien vouloir introduire
12 M. Vasic, le témoin, dans le prétoire.
13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Vasic. Vous pouvez
15 vous asseoir. Je voudrais vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la
16 déclaration solennelle que vous avez prononcée en vous engageant à dire la
17 vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Vous avez prononcé cette
18 déclaration au début de votre déposition.
19 Monsieur Josse.
20 LE TÉMOIN : NEMANJA VASIC [Reprise]
21 [Le témoin répond par l'interprète]
22 Nouvel interrogatoire par M. Josse : [Suite]
23 Q. [interprétation] Au moment où nous avons terminé nos travaux
24 hier, Monsieur Vasic, j'ai voulu attirer votre attention sur l'intercalaire
25 19 du Procureur. Vous avez ce document sous vos yeux. Il s'agit de la
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1 lettre de l'évêque Komarica.
2 Quand vous avez déposé, vous avez examiné ce document, on vous l'a
3 montré et vous avez commencé à dire qu'après avoir reçu cette lettre, vous
4 avez rencontré l'évêque; est-ce exact ?
5 R. Oui. J'ai eu une réunion avec l'évêque, c'est exact, effectivement.
6 M. JOSSE : [interprétation] Cela m'aiderait si je pouvais être sur la bonne
7 fréquence.
8 Q. Que s'est-il passé entre vous et l'évêque au cours de cette réunion ?
9 R. Nous nous sommes rencontrés dans l'évêché de Banja Luka, dans le bureau
10 de l'évêché. Nous nous sommes rencontrés pendant une heure. C'était une
11 réunion pendant laquelle nous avons parlé de façon générale, mais nous
12 avons aussi parlé de la nécessité de protéger les lieux du culte. L'évêque
13 a prodigué quelques conseils et il a demandé qu'on protège les minorités à
14 Prnjavor. C'était une conversation plutôt générale et le seul point précis
15 concernait les minorités qui habitaient Prnjavor qu'il fallait protéger
16 puisqu'elles y habitaient depuis 100 ans.
17 Q. Qui a assisté à cette réunion ?
18 R. Moi-même, M. l'évêque et un représentant de l'évêché; je ne sais pas
19 comment il s'appelle.
20 Q. Vous avez eu cette réunion combien de temps après avoir reçu cette
21 lettre ?
22 R. Je ne me souviens pas, mais pas longtemps après. Nous avons tout
23 d'abord eu un entretien téléphonique et nous avons convenu d'une réunion.
24 Q. Est-ce que vous avez dit quoi que ce soit à l'évêque au sujet des
25 accusations que contient cette lettre en date du 3 août ?
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1 R. Nous n'avons pas parlé de choses précises. Nous avons parlé de façon
2 générale. Nous avons évoqué la nécessité de protéger les minorités
3 nationales à Prnjavor ainsi que la population croate qui habitait sur le
4 territoire de la municipalité de Prnjavor et qui ne comptait pas plus que
5 2 %, d'ailleurs. Ils étaient très peu nombreux. C'était le cas à l'époque
6 et c'est le cas encore au jour d'aujourd'hui. Nous avons parlé aussi de la
7 destruction de l'église ukrainienne. Je pense que c'est la seule
8 destruction que nous avons évoquée et de la tentative de détruire l'église
9 croate, mais la police avait empêché cette tentative, de toute façon. J'ai
10 dit à l'évêque que nous allions commencer les poursuites envers les
11 personnes qui étaient à l'origine de cette tentative de destruction de
12 l'église croate. Nous avions passé les dossiers au procureur militaire
13 puisque c'étaient des soldats.
14 Q. Vous nous avez dit cela aussi bien au cours de l'interrogatoire
15 principal que dans le cadre du contre-interrogatoire. Mais qu'en est-il de
16 l'église catholique grecque de Prnjavor ? Est-ce que quoi que ce soit a été
17 dit au sujet de cette église ?
18 R. On n'avait rien à dire à ce sujet puisque cette église avait été
19 détruite. C'est une église ukrainienne de la municipalité de Prnjavor. Il y
20 en avait deux. Il y en a une qui était catholique romaine et l'autre qui
21 était catholique grecque. Mais parfois, on dit que c'est en réalité
22 l'église orthodoxe ukrainienne et l'autre, catholique.
23 Les Ukrainiens sont arrivés à Prnjavor il y a 100 ans. Il y en a qui
24 se sont convertis au catholicisme et d'autres, non. Il existe, aujourd'hui,
25 deux églises catholiques -- enfin, ukrainiennes à Prnjavor. L'église
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1 grecque a été détruite et l'autre, non. J'ai déjà dit qu'une femme a
2 reconnu l'individu qui a essayé de détruire l'autre église. De toute façon,
3 les auteurs de ce délit, de ce crime n'étaient pas de Prnjavor.
4 Q. Est-ce que vous avez rencontré l'évêque, mis à part cette occasion dont
5 vous venez de nous parler ?
6 R. Je pense que nous nous sommes rencontrés lors d'une réunion plus large
7 et nous avons discuté peut-être pendant cinq minutes. C'était après la
8 guerre. Je pense que c'était une réception chez le président, dans les
9 bureaux du président de la République.
10 Q. A présent, je voudrais passer à l'intercalaire 8. Monsieur Vasic, en ce
11 qui concerne ce rapport, est-ce que vous pouvez nous dire tout d'abord si
12 vous ne l'avez jamais vu avant hier ?
13 R. Non. Nous ne recevions pas ces rapports, ils n'étaient pas envoyés aux
14 institutions officielles.
15 Q. Est-ce que vous avez vu des rapports semblables, autrement dit, les
16 rapports venant du service de Renseignements signés par des gens qui
17 portent un pseudonyme ? Est-ce qu'à votre niveau, vous n'avez jamais reçu
18 de tels rapports ?
19 R. Non, jamais. Ce sont des gens inconnus.
20 Q. En examinant ce rapport, est-ce que vous êtes en mesure de nous aider
21 du tout quant au service ou à la branche du gouvernement de la force de
22 police, de la municipalité dans le cadre de l'ex-Yougoslavie aurait produit
23 ce genre de rapport ?
24 R. Un tel rapport ne pouvait être élaboré que par un service de Sûreté de
25 l'Etat, soit auprès de la police ou auprès de l'armée. Il existait des
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1 services spécialisés qui faisaient élaborer de tels rapports. C'était à
2 l'époque des services fermés, pour ainsi dire. Je ne sais absolument pas
3 devant qui ils répondaient. Au jour d'aujourd'hui, je peux vous dire que de
4 tels services répondent devant l'assemblée de la République de Bosnie-
5 Herzégovine.
6 Q. Si on examine la page 2, au niveau de la deuxième ligne, on voit deux
7 sortes de typographies différentes. Cette nouvelle typographie, le premier
8 mot commence par "Je." Est-ce que vous pourriez lire cela, s'il vous
9 plaît ?
10 L'INTERPRÈTE : Est-ce que le témoin pourrait lire cela encore et cette
11 fois-ci un peu plus qu'un mot.
12 M. JOSSE : [interprétation]
13 Q. L'interprète vient de dire que ces deux mots ne suffisent pas. Mais il
14 n'y a que deux mots qui figurent, il n'y a que deux mots qui sont écrits
15 avec ces lettres-là. Est-ce que vous pourriez les lire ? Je demanderais aux
16 interprètes de faire ce qu'ils peuvent.
17 R. [en B/C/S], on peut dire --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète a du mal à traduire. Il s'agit d'un manque de
19 sérieux, mais très difficile de traduire.
20 M. JOSSE : [interprétation]
21 Q. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ces lettres sont différentes,
22 pourquoi la typographie est différente ?
23 R. Je ne sais pas. Quelqu'un d'autre a dû écrire cela dans une autre
24 police des caractères; peut-être que le texte original a été effacé;
25 ensuite, on a écrit quelque chose d'autre.
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1 Q. Peut-être que vous devriez lire la phrase en entier.
2 R. "SDS a eu la majorité du pouvoir et est mené par le courant extrémiste
3 du peuple serbe et à cause de leur manque de sérieux et la plupart des
4 cadres serbes ont péri et ceci, uniquement parce qu'ils étaient membres du
5 Parti communiste et d'autres forces de gauche."
6 M. JOSSE : [interprétation] J'ai parlé avec M. Tieger hier et je voudrais
7 demander au Procureur de voir s'il est possible de fournir l'original de ce
8 document parce que vu la police des caractères qui a été changée, je pense
9 qu'il est important de voir si, dans l'original, il en va de même et quelle
10 est vraiment la situation de ce document.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
12 M. TIEGER : [interprétation] Ceci ne serait pas possible pour l'instant, vu
13 l'heure matinale, mais nous allons essayer après
14 9 heures de vous fournir effectivement l'original de ce document.
15 M. JOSSE : [interprétation] Ceci me convient parfaitement bien.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va voir si la question de
17 l'authenticité de ce document va se poser à partir du moment où nous allons
18 recevoir l'original.
19 M. JOSSE : [interprétation]
20 Q. Ensuite, au niveau de la page 3, il y a un moment où on parle du SDA.
21 R. Oui.
22 Q. Je voudrais vous demander de lire la première page qui commence ce
23 paragraphe.
24 R. "SDA, les dirigeants de ce parti sont grandement influencés par le
25 fondamentalisme islamiste. Les cadres de ce parti sont Klokic Fuad, un
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1 politicien et un marxiste qui, avant, faisait partie du Maspok. C'est une
2 personne instable et on l'appelle Fuad, le menteur. Il est allé à l'école
3 de Vukovic pendant quatre années. C'est son éducation."
4 Q. Vous pouvez vous arrêter là. Je voudrais vous demander à nouveau de
5 lire le début du paragraphe --
6 R. "Les dirigeants --
7 Q. -- de continuer la lecture.
8 R. "-- Odobasic Jasmin, juriste du SDP; Muharem Halilovic, juriste, avant,
9 chef du SUP; Zehra Halilovic, le président du
10 SO Prnjavor, Muhammed Klokic, agronome et directeur de la coopérative, sont
11 très proches des dirigeants de ce parti."
12 Q. Vous avez parlé de M. Odobasic au cours de votre déposition hier. Il
13 faisait partie du SDP plutôt que du SDA, n'est-ce pas ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce que vous comprenez ce que Clara veut dire, quand elle ou lui dit
16 que M. Odobasic était très proche des dirigeants du parti où il fait
17 référence clairement au parti du SDA ?
18 R. Sans doute, voulait-elle dire que c'était un extrémiste, un Musulman
19 extrémiste au moment où on a créé le parti du SDA. Tout ceux qui étaient
20 venus de Sarajevo étaient venus tout d'abord le voir, lui. Je connais
21 plusieurs membres du parti, des dirigeants du parti qui se sont rendus à
22 Lisnja, à l'assemblée lors de laquelle on a créé le SDA.
23 Ensuite, il est devenu le président du comité de l'échange et il a montré
24 son vrai visage au moment où une centaine de personnes ont été tuées par
25 les Moudjahiddines à Prnjavor, et il ne voulait pas aider pour que ces
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1 personnes soient échangées. Il n'y a qu'une quinzaine de personnes qui
2 figuraient sur la liste de la Croix Rouge internationale, même si nous
3 avons pris contact avec lui pour lui demander de nous aider. Mais tous ceux
4 qui ont fait l'objet d'un échange ont été échangés morts. Deux personnes
5 n'ont jamais été échangées et nous avons reçu deux corps sans têtes. Il
6 était le président de ce comité qui, normalement, devait aider dans ces
7 échanges. Mais je pense que c'est la seule personne qui a toujours peur, au
8 jour d'aujourd'hui, de se rendre à Prnjavor. Il n'ose pas y revenir parce
9 qu'il a peur des familles des personnes décédées.
10 M. JOSSE : [interprétation] Pourriez-vous m'accorder un instant ?
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y, Monsieur Josse.
12 [Le conseil de la Défense se concerte]
13 M. JOSSE : [interprétation] Je n'ai plus de questions.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
15 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas de questions non plus.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Hanoteau a des questions à
17 poser à ce témoin.
18 Questions de la Cour :
19 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur, je voudrais qu'on revienne, si vous voulez,
20 sur l'action de ce groupe armé; on l'a appelé jusqu'ici les Loups. En ce
21 qui concerne leur chef, il s'agissait bien de M. Velinko Milankovic ?
22 R. Oui.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : J'ai compris que c'était quelqu'un originaire de la
24 même commune.
25 R. Il est originaire de la municipalité de Prnjavor.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : On a dit quelque part qu'il était entrepreneur.
2 R. Non. J'ai dit qu'avant la guerre, c'était un criminel. Pendant la
3 guerre, c'était un combattant, un héros, mort en 1993.
4 M. LE JUGE HANOTEAU : Mais avant d'avoir créé ce groupe armé ?
5 R. Il n'a jamais été entrepreneur.
6 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma question est la suivante : vous avez dit qu'à un
7 moment donné, ces hommes et lui-même se promenaient dans les rues, armés et
8 qu'ils effrayaient la population tant serbe que musulmane.
9 R. Oui. Tout comme les 2 000 autres soldats qui se promenaient armés dans
10 les rues. Tout le monde a peur des personnes armées, mais ces soldats
11 étaient quand même plus disciplinés que d'autres soldats. C'était une unité
12 assez disciplinée. La discipline existait.
13 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez dit qu'ils étaient ivres la nuit, qu'ils se
14 promenaient avec des armes et qu'ils effrayaient la population.
15 Voulez-vous m'expliquer pourquoi les autorités civiles de la municipalité,
16 dont vous étiez le président, vous n'avez pas réagi en faisant procéder aux
17 arrestations nécessaires ?
18 R. L'armée avait beaucoup plus de puissance que la police ou les autorités
19 civiles. Tout ce que nous avons essayé, c'était de leur demander de ne pas
20 être armé dans la ville. C'est vrai que la police militaire a demandé qu'on
21 arrête un certain nombre d'individus. Il s'agissait d'arrestations qui se
22 sont procédées au cas par cas et il y en a eu pas mal.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous-même, quelles dispositions avez-vous prises pour
24 protéger la population civile contre les exactions commises par ces
25 hommes ?
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1 R. Tout ce que nous pouvions faire, c'était d'intervenir auprès de l'armée
2 pour qu'il agisse au cas par cas chaque fois qu'un incident se produisait.
3 On ne pouvait pas les arrêter de façon permanente et tout le temps. Vous
4 avez pu voir un ordre par lequel le général Talic avait demandé que la
5 police militaire ne soit plus présente dans la ville et qu'il fallait que
6 la police militaire reste sur les lignes de front, alors que la police
7 civile devait agir au niveau de la ville. On peut voir qu'on est intervenu
8 auprès des autorités militaires puisqu'on a reçu des complaintes de
9 citoyens qui se sont plaints parce que la police militaire était venue dans
10 les appartements des civils, et c'est pour cela que le général Talic a fait
11 cet ordre.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Pourquoi est-ce que la police civile ne pouvait pas
13 intervenir ?
14 R. Il y a eu des tentatives, mais c'est pour cela qu'il y a eu un conflit,
15 conflit dont nous avons parlé, entre la police et l'armée, au moment où le
16 chef de la police a été limogé. Ils avaient plus de pouvoir que nous. Je
17 vous ai dit que la police compte à peu près une cinquantaine de personnes,
18 membres de la police d'active. Ensuite, il y avait une cinquantaine de
19 personnes qui faisaient partie de la force de la réserve de la police,
20 alors que si on parle de soldats, ils étaient à peu près 2 000 parfaitement
21 armés, qui étaient toujours dans la ville et qui circulaient armés à tout
22 moment dans la ville.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous désapprouviez ces comportements. Est-ce que vous
24 avez adressé des rapports ? Est-ce que vous avez manifesté votre émotion en
25 adressant des rapports aux autorités civiles ? Je ne sais pas lesquelles.
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1 Les autorités régionales ou les autorités de l'Etat. Avez-vous adressé des
2 rapports au commandement de l'armée en disant que l'attitude de ces hommes
3 était intolérable à vos yeux, vous qui étiez maire de la commune ?
4 R. Oui. Nous avons écrit des rapports et nous leur avons parlé aussi. Ce
5 qui montre bien que nous étions contre ces agissements, on peut le lire
6 dans une décision émanant de la cellule de Crise, une lettre adressée à la
7 Cellule de Crise de la Krajina où nous avons dit qu'un certain nombre de
8 personnes au sein de la Cellule de Crise de Krajina essaient de créer des
9 unités paramilitaires. Nous avons demandé qu'une enquête soit faite à ce
10 sujet. Nous voulions éviter que des unités paramilitaires soient créées et
11 ceci figure dans le document que j'ai fourni. C'est une lettre adressée à
12 la cellule de Crise de la Krajina où se trouvait aussi le QG du 1er Corps
13 d'armée et le QG de la police. Puis, il y a eu beaucoup de conversations
14 téléphoniques. Je me suis adressé au président Karadzic lui demandant
15 d'intervenir auprès de l'armée et de demander aux soldats de ne pas se
16 promener armés dans la ville.
17 Il y a eu aussi beaucoup d'appels téléphoniques auprès de la police,
18 beaucoup de demandes où on s'est plaint au cas par cas. A chaque fois qu'il
19 y avait un incident provoqué par un soldat dans la ville, on savait, on
20 apprenait quelle était l'unité à laquelle il appartenait. On appelait le
21 commandement de cette unité pour qu'il les arrête, pour qu'ils envoient la
22 force de la police militaire, pour que la police militaire les arrête.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci pour ce point.
24 [La Chambre de première instance se concerte]
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Un deuxième point sur lequel je voudrais avoir des
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1 éclaircissements. Il s'agit du chapitre que nous avons évoqué hier
2 concernant la démission qui a été imposée à un certain nombre de directeurs
3 d'établissement. Vous vous souvenez de ce chapitre ? Le Procureur nous a
4 montré un certain nombre de documents où ces décisions mettant fin aux
5 fonctions de certaines personnes étaient signées de votre main. Vous avez
6 dit et j'espère ne pas --
7 R. Je m'en souviens.
8 M. LE JUGE HANOTEAU : -- commettre d'erreur, vous avez dit que bien sûr, il
9 y avait eu un certain nombre de démissions imposées à des personnes, mais
10 que la plupart de ces personnes avaient été recasées dans d'autres
11 fonctions qui s'exerçaient en période de guerre. Ces mouvements étaient des
12 mouvements purement formels. Ces gens n'étaient pas privés de leur travail,
13 mais ils étaient affectés à d'autres fonctions à exercer en période de
14 guerre. Est-ce que c'est bien cela votre explication ?
15 R. Oui, vous m'avez compris en partie, je dirais. Toutes ces personnes ont
16 été licenciées, démises de leurs fonctions à cause des ordres que nous
17 avons reçus, c'est-à-dire qu'en cas de danger de guerre imminente,
18 l'intitulé des fonctions des directeurs changeait.
19 Ils n'étaient plus directeurs d'entreprise, mais ils devenaient directeurs,
20 ils étaient dorénavant directeurs d'entreprise en temps de guerre. Il
21 s'agissait juste du changement d'intitulé des fonctions. Ensuite, le SDA
22 qui faisait partie, qui était dans la coalition a protesté puisqu'un
23 certain nombre des directeurs qui étaient membres de leur parti ont été
24 licenciés tout simplement et il y en avait trois d'entre eux qui n'étaient
25 pas Serbes. Effectivement, ils n'ont pas été remplacés, ils ont été tout
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1 simplement licenciés.
2 Il y a aussi des officiers qui sont partis sur le front. Il
3 s'agissait surtout des Serbes. Ils ont été mobilisés. Pendant cette période
4 intérimaire, d'autres personnes ont exercé leurs fonctions. Par exemple, le
5 commandant d'une unité a été envoyé sur le front et quelqu'un d'autre l'a
6 remplacé à son poste en attendant qu'il revienne du front.
7 M. LE JUGE HANOTEAU : Pratiquement, tous ont été affectés à d'autres
8 fonctions à exercer en temps de guerre; c'est bien cela votre réponse ? A
9 l'exception de trois qui seraient des membres du SDA et qui étaient des
10 Musulmans ?
11 R. C'étaient les candidats du SDA. Je ne sais pas s'ils étaient membres du
12 SDA. Il y en a qui était même président du SDA, le directeur.
13 M. LE JUGE HANOTEAU : Répondez à ma question. Est-ce que tous ont été
14 recasés à l'exception de trois qui étaient des candidats du SDA ?
15 R. Oui. Mis à part ceux qui sont partis puisqu'ils ont été mobilisés et
16 qui ont accepté de partir à l'armée. Mais c'étaient des officiers qui
17 partaient puisque les simples soldats -- les directeurs qui étaient de
18 simples soldats, nous essayions de ne pas les mobiliser pour le
19 fonctionnement des entreprises et du commerce. Nous nous efforcions de les
20 garder, de ne pas les faire mobiliser. Les officiers, évidemment, partaient
21 à la guerre.
22 M. LE JUGE HANOTEAU : Je vais vous contraindre à un exercice un peu
23 fastidieux, mais je voudrais, avec l'aide de M. le Procureur, que nous
24 reprenions le document où il y a toutes ces décisions. Monsieur le
25 Procureur, c'est quel document, si vous voulez bien me le rappelez ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le numéro 33.
2 M. LE JUGE HANOTEAU : Sans prendre toutes les décisions - je ne suis pas
3 trop gourmand - mais sans prendre toutes les décisions, je voudrais que
4 vous me montriez les cas où des personnes qui ont été démises de leurs
5 fonctions ont été effectivement recasées dans d'autres situations que vous
6 qualifiez en temps de guerre. Puisque vous avez signé tous ces ordres, je
7 pense que vous connaissez le destin que vous avez affecté à ces individus;
8 pour vous, c'est facile de nous donner des exemples.
9 R. Je n'ai signé aucune décision. Ce sont les décisions prises par le
10 comité exécutif de la municipalité. Je n'ai signé aucune de ces décisions.
11 C'est le comité exécutif de l'assemblée municipale qui a signé ces
12 décisions. J'ai été tout simplement au courant.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Vasic, je viens de parler avec
14 le Juge Hanoteau. Peut-être pourriez-vous nous citer quelques exemples. Par
15 exemple, la décision 72 où on voit que M. Kostresevic a été demis de ses
16 fonctions. M. Luka Kostresevic. Il s'agit de la décision 123. Apparemment,
17 il a été nommé, et au niveau de la décision 72 il est démis de ses
18 fonctions de directeur de l'entreprise d'utilité publique Park Prnjavor
19 [phon]. Au niveau de la décision 123, il est nommé au poste de directeur de
20 l'entreprise d'utilité publique Park Prnjavor. Est-ce que cela est un
21 exemple de ce que vous voulez dire ?
22 R. Oui. C'était le premier directeur de cette entreprise Park.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle était son appartenance ethnique ?
24 R. Il était Serbe.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maintenant, nous allons examiner
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1 le numéro 74, M. Krivinskij, qui est démis de ses fonctions de directeur de
2 l'entreprise mixte Vetprodukt à Prnjavor. Et au niveau de la décision 124,
3 on le voit réapparaître en tant que directeur de l'entreprise mixte
4 Vetprodukt Prnjavor. C'est un autre exemple de cette pratique, n'est-ce
5 pas ?
6 R. Oui.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle était son appartenance ethnique,
8 M. Krivinskij ?
9 R. Je pense qu'il est issu d'un mariage mixte d'un Croate et d'une
10 Ukrainienne ou peut-être était-il tout simplement Ukrainien. Toujours est-
11 il qu'il n'est pas Serbe. Aucun de ses parents n'est Serbe.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A présent, je vous prie de bien vouloir
13 examiner les décisions 76 et 126, Vrhovac. Pourriez-vous nous dire quelle
14 est l'appartenance ethnique de M. Vrhovac ?
15 R. Il est Serbe.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, 77 et 127, Brkovic. Quelle est
17 l'appartenance ethnique de M. Brkovic ?
18 R. Pourriez-vous me dire quel est son prénom, puisqu'il y en a deux. Est-
19 ce que c'est Petar Brkovic ?
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, Milenko, 77, Milenko, effectivement,
21 Milenko Brkovic.
22 R. Petar Brkovic est Serbe.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et Milenko Vrhovac, quelle est son
24 appartenance ethnique ?
25 R. Il est Serbe aussi.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, Serbe. Je vais voir s'il y a un
2 problème, un amalgame au niveau de la décision 126. Est-ce que j'ai mélangé
3 les deux prénoms Milenko.
4 Ensuite, 78, Ignjatic et 128. Il est démis de ses fonctions d'abord, et
5 ensuite, il est à nouveau nommé à un autre poste. Quelle était
6 l'appartenance ethnique de M. Ignjatic ?
7 R. Serbe.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais vous demander de me donner
9 un exemple d'un Musulman qui a été démis de ses fonctions et ensuite
10 renommé de façon similaire. Puisque nous avons vu que ces décisions, par
11 lesquelles on démet les personnes de leurs fonctions, qui vont de la
12 décision 68 jusqu'à la décision 108. Il y en a 40 au total. Ensuite, on a
13 pu voir que ces personnes ont été renommées à d'autres fonctions, et là, je
14 parle uniquement des fonctions économiques, pour ainsi dire. Ensuite, vous
15 allez les retrouver dans les décisions qui vont du numéro 109 jusqu'au
16 numéro 158 [comme interprété], le nombre équivalent à peu près.
17 Est-ce que vous pouvez nous citer un exemple d'un Musulman démis de
18 ses fonctions et nommé à une autre fonction ? Il y a les 12 premiers noms
19 que j'ai écrits. Il y a M. Debeljak, éventuellement Jevtic, Planicic, M.
20 Rupa, M. Miljencic [phon], M. Sljivic, M. Klokic. Sur ces 12 personnes
21 musulmanes, est-ce qu'il y en a qui ont été démises de leurs fonctions,
22 puis immédiatement renommées, comme on voit que cela s'est passé pour des
23 Serbes et pour certaines personnes issues de mariages mixtes ?
24 R. Cela fonctionnait avec les Serbes et les Croates, et je crois
25 qu'avant la guerre, il n'y avait que trois directeurs qui étaient
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1 Musulmans. Ils étaient moins représentés parmi les directeurs. Je crois que
2 Softic Edhem a été plus tard renommé.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Prenons les trois directeurs
4 musulmans, qui étaient-ils ? Pouvez-vous me donner leurs noms, je vous prie
5 ? Je crois que vous avez déjà donné un de ces noms.
6 R. Fuad Klokic qui dirigeait une compagnie de restauration, et le
7 président du SDA. Plus tard, il a été remplacé par quelqu'un d'autre, quand
8 ils sont sortis de la coalition et il n'a pas ensuite été nommé à un autre
9 poste. Il y avait Edhem Softic qui était à la tête de la clinique
10 vétérinaire, il a été démis de ses fonctions, puis nommé à un autre poste
11 plus tard. C'était un des membres du parlement local.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a été nommé à un autre poste ? Est-ce
13 que dans cette série de décisions qui a trait à la période de mai à juin
14 1992, on peut voir ce qu'il en est de M. Klokic ? Vous nous dites qu'il est
15 parti et qu'ensuite, il n'a pas été nommé à un autre poste. Et M. Edhem, il
16 a été démis de ses fonctions à quel moment ? Est-ce que c'est dans la
17 période en question ?
18 R. Je sais qu'il a été nommé à un autre poste, mais je ne sais pas si cela
19 figure ici dans ce document. Il y a aussi Pavle qui n'a pas été nommé à un
20 autre poste alors que, lui, il était Serbe. Je viens de trouver son nom.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc --
22 R. Aleksandar Kravinskij, Pavle Stula, ils ont tous deux été nommés à un
23 autre poste alors qu'ils n'étaient pas Serbes. Un instant, je vous prie, je
24 souhaite consulter le reste du document.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne suis pas en train de parler des
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1 non-Serbes, on pourra en parler effectivement, mais je suis en train de
2 parler des Musulmans. Vous nous dites que M. Klokic était l'un d'entre eux.
3 R. Ça y est, j'ai trouvé. C'est la décision relative à la nomination d'un
4 directeur en temps de guerre, Softic Edhem.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quel numéro ?
6 R. Page 112 en serbe. C'est le numéro 142.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Edhem Softic, vétérinaire a été nommé à
8 nouveau. Il était Musulman ? C'est ce que vous nous dites; est-ce que j'ai
9 bien compris ?
10 R. Oui.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, voilà un exemple de personnes qui
12 ont été nommées à un autre poste. J'ai compris. Je vois que -- vous
13 souvenez-vous d'autres Musulmans démis de leurs fonctions et n'ayant pas
14 reçu d'autre poste ? Je vois que M. Edhem Softic a été nommé à un autre
15 poste à peu près au même moment où il a été démis de ses fonctions, je
16 constate cela.
17 R. Cela, c'était pour tout le monde.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Je vois que ces décisions
19 ont trait à une période de temps bien précise. C'est un exemple assez clair
20 ici.
21 R. Ce que j'ai dit, c'est que selon moi, il n'y avait, même avant la
22 guerre, que trois directeurs. Avant la guerre, il y avait très peu de
23 directeurs musulmans parce que la plupart d'entre eux n'avaient pas les
24 qualifications requises.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Nous avons fait la lumière sur la
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1 question de nouvelles nominations de ceux qui avaient été démis de leurs
2 fonctions.
3 J'ai quelques questions à poser justement sur ce point. J'ai constaté
4 dans cette liste la chose suivante : j'aimerais qu'on examine ensemble la
5 décision 61. Un magistrat démis de ses fonctions. Est-ce que la présidence
6 de guerre ou l'assemblée avait la compétence requise pour, n'ayons pas peur
7 des mots, démettre des juges de leurs fonctions ?
8 R. C'était un magistrat du tribunal municipal, un tribunal qui
9 relève des autorités spéciales justement. Parce que ce sont des tribunaux
10 un peu particuliers qui se distinguent des tribunaux habituels. Ce qui se
11 passe, c'est qu'assez souvent, il y a des changements au sein de ces
12 tribunaux et qu'ils relèvent du ressort de l'assemblée municipale. C'était
13 le cas justement pendant cette période-là. J'ai déjà expliqué pourquoi.
14 J'ai déjà expliqué pourquoi cette dame, ce magistrat a été démis de ses
15 fonctions, c'est parce qu'elle a refusé de travailler sur certaines
16 affaires, sur certains dossiers. Il y a certains dossiers qu'elle mettait
17 délibérément dans ses tiroirs, sans vouloir s'en occuper.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle est son appartenance
19 ethnique ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle est Musulmane.
21 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait passer rapidement et
22 brièvement à huis clos partiel ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
25 [Audience à huis clos partiel]
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22 [Audience publique]
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
24 Monsieur Vasic, est-ce que vous pouvez nous donner d'autres exemples de
25 juges démis de leurs fonctions, donc des juges qui entrent dans la même
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1 catégorie; et si c'est le cas, quelle était l'appartenance ethnique de ces
2 juges ?
3 R. Il y avait les juges des tribunaux pour les délits non correctionnels.
4 Je crois qu'il y en avait un ou deux. Je ne suis pas sûr à 100 % parce que
5 nous étions une petite municipalité, les juges concernés, les juges des
6 tribunaux municipaux n'étaient pas très nombreux. La décision n'est pas
7 explicitée véritablement, mais nous n'avons pas eu d'autre cas semblable
8 dans ce tribunal en particulier, et l'autre tribunal ne relevait pas de ma
9 compétence.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites, un ou deux, pas beaucoup --
11 R. Je crois qu'il n'y en avait qu'un.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce celui auquel on a fait référence
13 dans la décision 61 ?
14 R. Oui. Je crois qu'il y a eu seulement ce juge.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie pour cet élément
16 d'information.
17 Je souhaite attirer votre attention sur une autre décision et vous demander
18 des explications à ce sujet. C'est un document qui se trouve au regard du
19 numéro 33, je crois que c'est un document qui a déjà été versé au dossier.
20 Il s'agit de la décision numéro 44 qui précise que les citoyens de la
21 municipalité de Prnjavor en possession de biens mobiliers et immobiliers -
22 je suis sûr que ce document a déjà été versé au dossier dans cette liasse
23 de documents numéro 33 - ces citoyens doivent se présenter au secrétariat
24 de la municipalité chargé des questions économiques, et s'ils ne se
25 présentent pas en l'espace de 15 jours environ, 15 jours et demi, la
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1 décision rendue par la cellule de Crise de la RAK concernant ces biens et
2 les biens de ces citoyens sera appliquée et ces biens seront déclarés bien
3 publics et mis à la disposition de la municipalité de Prnjavor.
4 Quel est ce type de réponse ?
5 R. D'après les décisions rendues par la RAK de la Krajina et la
6 législation en vigueur, si les biens n'étaient pas habités, il fallait que
7 ceci soit enregistré et était alors géré par l'Etat. Dans certains cas, les
8 citoyens étaient partis et il y avait des gens qui cambriolaient ces
9 maisons. Il fallait que tout ceci soit documenté. Nous avons les documents
10 qui précisent que ces biens ont été rendus à leurs propriétaires. Je crois
11 qu'il y a eu une douzaine de tracteurs qui ont été emmenés et rendus à
12 leurs propriétaires car tous les biens mobiliers, les véhicules, les
13 tracteurs, et cetera, qui se trouvaient dans ces maisons abandonnées ont
14 été placés dans un dépôt, là où il y avait l'usine, un entrepôt et il
15 fallait simplement surveiller cela. Ceci était conforme à la législation en
16 vigueur avant le début de la guerre.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En réalité, Monsieur Vasic, les termes
18 que vous utilisez dans votre déposition sont des termes qui sont quelque
19 peu différents de ceux que nous pouvons lire dans cette décision. On
20 n'indique pas que ceci doit être enregistré auprès de la municipalité de
21 façon à ce que la municipalité puisse s'occuper de ces biens pour pouvoir
22 les rendre à ses propriétaires. Il est indiqué : "Les biens de ces citoyens
23 seront déclarés biens de l'Etat," ce qui signifie que ces biens
24 n'appartiennent plus aux citoyens, "et mis à la disposition de la
25 municipalité de Prnjavor."
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1 La décision indique clairement qu'il s'agit de biens qui appartiennent à
2 l'Etat, ce qui est un peu différent de ce que vous venez de nous dire.
3 Je souhaite savoir, s'il vous plaît --
4 R. Il est dit biens de l'Etat ou plutôt que la municipalité pourrait
5 disposer de ces biens, ce qui était conforme à la législation en vigueur
6 avant la guerre. Si ces biens ne pouvaient pas être protégés, il fallait
7 les vendre conformément à la législation en vigueur et les fonds
8 reviendraient à la municipalité et après la guerre, il y aurait des
9 indemnités pour les personnes qui étaient propriétaires de ces biens, une
10 forme de compensation. Ceci a trait à la décision en question.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous me citer un document où il
12 est clairement indiqué que l'argent qui découle de la vente de ces biens
13 serait protégé de façon à pouvoir le remettre aux propriétaires ? Non, ce
14 que j'entends par là, ce n'est pas après la guerre, mais pendant la guerre,
15 à savoir qu'il y avait une législation qui indiquait qu'une maison, un
16 appartement ou un tracteur qui avait été vendu, qui appartenait à X, Y ou Z,
17 que l'argent serait gardé et remis sous forme de compensation à X, Y ou Z.
18 Pourriez-vous m'indiquer si une décision a été prise à cet égard pendant la
19 guerre ou si tel n'est pas le cas, après la guerre ?
20 R. Ceci était régi par la loi, et je parle de la législation en vigueur
21 avant et après la guerre et la législation en vigueur en Bosnie-Herzégovine
22 et dans la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Je ne connais pas
23 l'article en question, mais c'est sur le fondement de ce texte législatif
24 que toutes les personnes ont reçu une indemnité.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Que les propriétaires aient reçu
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1 un montant compensatoire ou qu'on leur ait remis un montant avant la guerre
2 ou après la guerre, je crois, sont des questions bien différentes.
3 Mais pour ce qui est des biens immobiliers : a-t-on consigné quelque part
4 le nom des personnes qui ne se sont pas présentées à la municipalité, par
5 exemple, et a-t-on indiqué ce qui est advenu de leurs biens immobiliers ?
6 Est-ce que ceci a été consigné quelque part ? Y a-t-il eu un registre ou
7 quelque chose sur lequel ceci a été consigné ?
8 R. Doit être mis à la disposition, cette terminologie était censée
9 signaler le fait que les tracteurs ou les objets plus grands devaient être
10 gardés sur les lieux en question ou vendus aux enchères. Ce serait ensuite
11 vendu et les fonds seraient reversés aux propriétaires qui étaient
12 propriétaires avant la guerre. Pour ce qui est des maisons --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui est des tracteurs, ce n'est
14 pas ce que dit la décision. Je vous demande de bien vouloir nous dire de
15 quelle partie de la décision il s'agit. Vous avez dit qu'il y avait des
16 textes législatifs parce que les fonds avaient été mis de côté afin de --
17 R. Il y a un texte de loi qui régit le code de conduite à tenir dans ces
18 cas-là et les gens s'y conformaient.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez nous citer un
20 exemple de biens, par exemple, de biens mobiliers ayant une certaine valeur
21 - je ne parle évidemment pas du pneu de rechange d'un tracteur, je parle
22 d'un bien, de quelque chose qui a une certaine valeur et qui appartient à
23 quelqu'un qui n'est pas Serbe - lorsque l'argent a été mis de côté de façon
24 à pouvoir être reversé au propriétaire à la fin de la guerre car vous avez
25 dit que cet argent a été "mis de côté." Pourriez-vous nous donner un
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1 exemple, s'il vous plaît, de ce type ? Encore une fois, je parle d'un
2 exemple d'un objet sans grande valeur. Je parle du cas, par exemple, où il
3 y a eu un bien de valeur qui a été vendu, que l'argent a été mis de côté et
4 que le propriétaire ne soit pas obligé, en 1995, de se présenter devant un
5 tribunal pour pouvoir récupérer son bien et son argent. Pourriez-vous nous
6 donner un exemple de ce type, s'il vous plaît ?
7 R. Oui, je peux vous donner un exemple. Il y avait très peu d'exemples de
8 ce type. Dans la plupart des cas, les biens ont été protégés et rendus aux
9 propriétaires. Sur l'ensemble de la municipalité, il y avait 400 000 marks
10 allemands, 200 000 euros, qui ont dû être reversés aux propriétaires. Il
11 n'y a pas eu de cas très nombreux de ce type. Un bâtiment entier avait été
12 détruit et l'argent a été reversé à la partie lésée. En réalité, ils ne
13 souhaitaient pas qu'on leur remette de l'argent, mais qu'on leur donne un
14 appartement à la place de la maison qui avait été détruite. Ils sont
15 parvenus à un accord dans ce sens. Mais il y avait très peu d'exemples de
16 ce type.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne parle pas de destruction et de
18 compensation pour des maisons qui avaient été détruites. Je parle de
19 compensation dans le cas où l'Etat était devenu propriétaire de certains
20 biens.
21 R. Pour une valeur de 200 000 euros, c'est la valeur ou le montant total
22 de ces biens et tout ceci a été reversé très rapidement aux propriétaires.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les biens, les maisons des personnes qui
24 sont parties et qui ne sont pas revenues récupérer leurs biens, les noms de
25 ces personnes figurent-ils quelque part sur un registre, et si oui, le
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1 nombre de ces personnes est de combien ? Une dizaine ou plus ?
2 R. Soixante dix à 80 cas de ce genre peut-être. Nous avons des registres
3 complets. Un comité avait été mis en place par le comité exécutif pour
4 gérer l'ensemble de cette question. Tout ceci a été consigné, et sur la
5 base de ces registres, les biens ont été rendus à leurs propriétaires
6 après, bien sûr.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous donner une idée, s'il
8 vous plaît, du nombre de Serbes qui ne se présentaient pas, et par
9 conséquent, qui ne récupéraient pas leurs biens et le nombre de Musulmans
10 dans le même cas ? Autrement dit, combien de biens sont devenus biens de
11 l'Etat ? Ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont les biens
12 immobiliers.
13 R. Dans la plupart des cas, ces personnes étaient Musulmanes.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous nous citez ce chiffre de 70
15 à 80 personnes, est-ce que vous parlez de biens immobiliers ? Est-ce que
16 vous entendez par là qu'il y avait 70 à
17 80 familles qui ont quitté la région, et par conséquent, qui ont perdu
18 leurs biens, leurs maisons ?
19 R. Pour qu'il n'y ait pas de malentendu, nous parlons de personnes qui
20 sont parties et qui n'ont demandé à personne de protéger leurs biens, car
21 s'il y avait quelqu'un d'autre qui devait s'occuper d'une maison, à ce
22 moment-là, la maison n'était pas considérée comme une maison abandonnée.
23 Nous parlons de gens qui sont partis et qui n'en ont parlé à personne.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien, mais parmi ces 70 à 80
25 personnes qui sont parties et qui ont laissé derrière eux leurs biens,
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1 leurs biens immobiliers, leurs maisons, combien sont revenus au jour
2 d'aujourd'hui, par exemple ? Combien sont retournés chez eux et combien ont
3 récupéré leurs biens ?
4 R. Tous les biens leur ont été remis. Je ne sais pas si certains d'entre
5 eux ont vendu leurs biens. Je crois que 90 % des personnes sont revenues.
6 La loi en vigueur a été correctement appliquée, mais je crois que 90 % de
7 ces personnes sont rentrées.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous parlez de la loi, de quelle
9 loi s'agit-il et quand cette loi a-t-elle été adoptée ?
10 R. Comme je vous l'ai dit, cette loi était conforme à la législation en
11 vigueur avant et pendant la guerre, et la constitution de la République
12 serbe comporte un article à cet effet qui fournit des garanties. Je ne sais
13 pas exactement de quel article il s'agit. Je pourrais le retrouver, mais je
14 ne m'en souviens pas précisément. Je crois qu'il y a un CD-ROM qui donne la
15 liste de tous les textes des lois votés par l'assemblée du peuple serbe de
16 Bosnie-Herzégovine, de même que toutes les dispositions de la constitution.
17 Je peux vous remettre ce CD-ROM, si vous le souhaitez.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si cela intéresse les parties. Je
19 regarde de part et d'autre.
20 Un autre point que je souhaite aborder. Le fondement juridique qui
21 permettrait à l'Etat de se rendre propriétaire, quel serait le fondement
22 juridique de ceci ? En vertu de quoi, si des personnes ne se présentaient
23 pas en l'espace de 15 jours et demi, ces biens devenaient propriétés de
24 l'Etat ? Quelle décision a été prise à cet égard ? A une époque où ces
25 décisions étaient prises et peut-être que ces décisions n'étaient pas
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1 confirmées ou vérifiées, ces décisions prises par la municipalité, quel est
2 le fondement juridique de cet état de fait ?
3 Ecoutez : je serais très surpris si je partais en vacances pendant quatre
4 semaines et qu'à mon retour -- bien évidemment, je comprends fort bien que
5 la situation soit très différente, mais je souhaite savoir quel est le
6 fondement juridique qui autorise l'Etat à agir ainsi, autrement dit, le
7 fondement juridique de cette décision ?
8 R. Ceci fait partie des textes de loi. Je suis sûr que le secrétaire qui a
9 défini tout ceci s'est conformé à la loi.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien. Mais vous ne pouvez pas
11 me dire de quelle décision ou texte de loi il s'agit. Dans la plupart des
12 systèmes juridiques, l'Etat se charge de -- ou chaque dispositif de loi
13 permet à ses citoyens de profiter pleinement de ses biens. Par conséquent,
14 ce qui m'intéresse, c'est de savoir de quelle loi il s'agit.
15 R. Je crois que la décision porte sur les biens abandonnés. Je ne suis pas
16 un expert juridique; ceci m'est un peu étranger, il est vrai. Mais je pense
17 que vous pouvez retrouver tout ceci sur le CD-ROM en question. Tout ceci a
18 été placé sous la protection de l'Etat, si vous voulez. Il s'agissait de
19 protéger ces biens et ceci était conforme à la législation en vigueur.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez déjà dit cela, à deux reprises
21 même. Je demande aux interprètes, si vous avez le classeur en question, de
22 bien vouloir vous reporter à la décision numéro 45 et je vous demande de
23 bien vouloir le lire -- nous allons demander au témoin de lire la dernière
24 partie. Je vois que dans la traduction, c'est un des exemples 44. 44, cela
25 signifie également qu'il y a 44, 45 et 46 dans l'original et 44 et nous
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1 passons, ensuite, à 46.
2 J'aimerais que vous regardiez le numéro 44 et je demande à l'Accusation de
3 nous fournir une traduction complète.
4 Monsieur Vasic, peut-être que vous pourriez nous aider et peut-être que
5 vous pourriez lire ceci : "Tout manquement des personnes à se présenter
6 avant cette date." Premier article. Je vous demande de bien vouloir lire
7 ceci lentement de façon à ce que ceci puisse être traduit.
8 R. "Les citoyens qui, à cette date, ne se présentent pas seront traités
9 conformément à la décision prise par la cellule de Crise de la Région
10 autonome de Krajina, à savoir, leur bien sera déclaré bien de l'Etat et mis
11 à la disposition de la municipalité de Prnjavor. Cette décision ne
12 s'appliquera pas aux citoyens…"
13 Je crois que la phrase suivante est très importante.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends fort bien que ceux qui
15 travaillaient à l'étranger n'étaient pas soumis à cette législation, je
16 comprends bien. Mais ce qui m'intéresse plus particulièrement, ce sont les
17 cas des personnes à laquelle cette décision s'appliquait.
18 Encore une fois, vous avez insisté, à maintes et maintes reprises,
19 que ces biens ont été protégés par l'Etat, alors que la décision - c'est la
20 raison pour laquelle j'ai demandé aux interprètes de traduire ce texte
21 encore une fois - n'indique pas que ces biens seront mis de côté et
22 réservés, car ce texte déclare que ces biens deviendront propriété de
23 l'Etat.
24 Pourriez-vous me dire à quel moment, s'il vous plaît, les biens de
25 ces 70 à 80 personnes qui avaient quitté les lieux sont-ils devenus biens
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1 de l'Etat, quand ce processus était-il terminé ?
2 R. Je ne peux pas vous le dire avec certitude. Nous traitions ceci
3 au cas par cas, mais tout ceci a été géré conformément à la loi. Par
4 rapport à ceux qui souhaitaient rentrer, alors que les demandes nous
5 parvenaient, nous traitions chaque demande au fur et à mesure qu'elles nous
6 parvenaient. Mais la procédure en tant que telle n'a pas duré très
7 longtemps. Ceci n'a jamais fait l'objet de poursuites devant un tribunal et
8 personne n'a jamais fait appel de ces décisions. Il y a un seul cas où un
9 Serbe dont le bien avait été détruit a estimé qu'on ne lui avait pas donné
10 suffisamment d'argent sous forme de compensation et il a voulu se tourner
11 vers une instance supérieure.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'était pas le cas que vous
13 nous avez cité plus tôt lorsque vous nous avez parlé d'un bâtiment
14 détruit ? Vous nous avez dit que cette personne avait reçu une indemnité.
15 R. Non. Ceci a été géré à l'amiable. Il ne s'agit pas de cette
16 affaire-là.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne nous avez pas fourni une
18 réponse très claire. La correspondance que nous avons examinée ce matin,
19 qui fait partie des documents que vous avez remis à l'équipe de la Défense,
20 l'OSCE dans ce cas ? Il y avait une lettre qui portait sur l'achèvement de
21 ces procédures -- accomplissement de ces procédures avec succès. Je ne me
22 souviens pas des termes exactement. Est-ce que ceci avait un rapport avec :
23 "a rempli ses obligations conformément aux lois relatives à la propriété et
24 a été défini, il s'agit ici de principes directeurs qui portent sur
25 l'achèvement ou le quasi-achèvement de tout ceci."
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1 Cette lettre envoyée par un représentant adjoint du bureau du haut
2 représentant qui parle de l'achèvement de tout ceci…
3 R. Cette lettre fait état de tout de façon générale. Il y avait un projet
4 qui avait été prévu aux fins de mettre sur pied ces droits à la propriété.
5 Ceci avait été mis en place par la communauté internationale, un projet qui
6 avait pour objet la mise en application de ce droit à la propriété, ceci
7 avait été mise en place conjointement entre la municipalité et les
8 organisations internationales, conformément à la législation à laquelle
9 elle fait référence. Le projet englobait tout ceci, et on parle de trois
10 organisations qui ont vérifié les documents de la municipalité de Prnjavor
11 et la conclusion à laquelle elle est parvenue.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire, puisqu'il
13 s'agit d'une lettre qui est datée de l'année 2005, pourriez-vous nous
14 donner votre point de vue, quels sont les dix premiers biens immobiliers,
15 les dix premières maisons qui ont été restituées aux propriétaires
16 musulmans ? Quand ceci a-t-il été achevé ? C'était en 1998, 15 familles ont
17 recouvré leurs biens. Est-ce que vous pourriez nous dire comment cela s'est
18 passé ?
19 R. Je peux dire qu'au fur et à mesure que les demandes arrivaient, les
20 demandes étaient traitées. Les choses ont été résolues assez rapidement. Je
21 sais que 200 cas ont été traités avant 1996 déjà.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé de 200 cas, et un plus
23 tôt, vous parlez ici toujours de biens immobiliers --
24 R. Non, je n'ai pas parlé de 200. Il y a peut-être une erreur.
25 J'ai parlé du plus grand nombre de cas.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est exact. Bien, c'est corrigé.
2 Vous avez dit dès l'année 1996. Est-ce qu'un registre existe ? Car
3 voici la situation qui est la mienne et la question que je me pose : une
4 décision a été prise pendant la guerre en vertu de quoi il s'agit de biens
5 qui sont maintenant biens qui appartiennent à l'Etat, et vous nous dites
6 que ceci n'est pas le cas parce que ces biens ont été gardés et protégés
7 par la municipalité aux fins de les redonner à leurs propriétaires à la fin
8 de la guerre. Je vous ai demandé s'il y avait des documents à cet effet et
9 vous n'avez pas été en mesure de nous aider sur ce point. La question que
10 je vous pose : qu'est-il arrivé de ces 70 à 80 cas, vous m'avez dit qu'il
11 s'agissait principalement de Musulmans, combien de temps ceci a-t-il pris ?
12 Est-ce que ces biens ont été restitués tout de suite ? Et je comprends
13 maintenant que si les personnes en question en faisaient la demande, on
14 leur restituait leurs biens. C'était une procédure qui était rapide. Mais
15 ceci s'est fait à quelle vitesse ? Cela a pris combien de temps ? Deux
16 mois, six mois, un an et demi ? Trois ans ?
17 R. Le temps qu'il fallait. Cela dépendait de la charge de travail des
18 tribunaux. Je crois que ceci a été fait de façon assez rapide. Je ne
19 connais pas tous les détails, mais je suis tout à fait certain que cela
20 s'est fait au cas par cas, et lorsque certaines personnes sont rentrées en
21 1998 - certaines personnes ne sont pas rentrées tout de suite - dès leur
22 retour et dès que ces personnes en faisaient la demande, elles avaient le
23 droit de récupérer leurs biens. Nous avons des registres, tout ceci a été
24 consigné, et la date de retour de toutes ces personnes est consignée.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends fort bien. Je comprends que
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1 les personnes devaient se présenter devant un tribunal pour faire une
2 demande et pour récupérer leurs biens; c'est cela ?
3 R. Je crois que ces demandes étaient déposées auprès du secrétariat
4 municipal et non pas auprès des tribunaux directement, sauf dans le cas
5 d'un différend, où ce citoyen serbe souhaitait qu'on lui donne davantage
6 d'argent. Mais il ne devait pas néanmoins se présenter devant un tribunal.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais la vitesse de traitement dépendait
8 de la charge de travail des tribunaux; c'est ce que vous nous avez dit.
9 R. Oui. Je ne suis pas un expert en la matière. Je veux que ceci soit bien
10 clair. Je me suis sans doute mal exprimé. Ce que je voulais dire, c'est que
11 les autorités qui étaient responsables à l'époque - moi-même, je n'étais
12 plus responsable à l'époque, il y a les experts juridiques pour cela - je
13 crois que l'organe chargé de tout cela était le secrétariat municipal. Cela
14 relevait sans doute de leurs fonctions à eux. J'ai dû me tromper lorsque
15 j'ai parlé de tribunaux. Bien sûr, si quelqu'un se présentait devant un
16 tribunal, à ce moment-là, le tribunal contactait directement le secrétariat
17 municipal. Je connais mal la procédure, mais je sais que la procédure qui
18 était appliquée était la procédure qui était fixée par la loi. Je peux
19 également vous fournir des documents pertinents sur le retour de chaque
20 personne, parce que je sais que ces documents existent.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que cela dépendait de la
22 charge de travail des tribunaux. Vous avez dit que c'est le secrétariat
23 municipal qui se chargeait de tout cela. Pourriez-vous nous donner une
24 indication de temps, s'il vous plaît. Deux mois ou deux ans ? En moyenne.
25 R. Deux mois. Certainement pas davantage.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
2 R. A compter de la date à partir de laquelle la personne déposait sa
3 demande.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelqu'un a-t-il perdu son bien,
5 quelqu'un qui ne s'est jamais présenté, par exemple ? Parmi ces 70 à 80
6 personnes, existe-t-il des personnes qui ne sont pas revenues réclamer
7 leurs biens ?
8 R. Toute personne qui souhaitait récupérer son bien avait le droit de le
9 récupérer.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous ne répondez pas à ma question. La
11 question que je vous posais, c'est de savoir s'il y a des gens qui ne sont
12 pas venus récupérer leurs biens ou qui ont perdu leurs biens suite à la
13 décision qui a été prise, décision que nous avons évoquée ce matin. Je ne
14 vous ai pas demandé s'ils en avaient le droit. Je vous ai demandé s'il y
15 avait quelqu'un, pour une quelconque raison, qui n'a pas récupéré son bien.
16 R. A mon sens, non. Je ne suis pas au courant de ce genre de choses.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si tout ceci a été consigné, la perte du
18 bien, on doit pouvoir le vérifier. On doit pouvoir vérifier si tous ces
19 biens qui ont été protégés de façon à pouvoir les garder pour les
20 propriétaires ou les ex-propriétaires -- existe-t-il des registres ? Est-ce
21 qu'il y a un endroit où on peut retrouver tout ceci ?
22 R. Oui, dans la municipalité de Prnjavor.
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas d'autres questions. M. le
25 Juge Hanoteau a une question à vous poser.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Je dois d'abord m'adresser à M. Tieger, s'il vous
2 plaît. Monsieur Tieger, est-ce que vous pourriez m'aider, parce que je ne
3 l'ai pas noté, en me précisant où se trouve le rapport auquel vous avez
4 fait allusion concernant l'expulsion des habitants de Lisnja. Vous avez
5 produit lors du contre-interrogatoire, un rapport qui était "military
6 secret" et qui faisait allusion à l'expulsion des habitants de Lisnja. Est-
7 ce que vous vous souvenez de ce point ? Je n'ai pas noté la référence.
8 M. TIEGER : [interprétation] Nous allons le faire dans un instant, Monsieur
9 le Juge.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En attendant, Monsieur Josse, je vais
11 vous demander si, à part cette dernière question à venir, si vous devez
12 poser des questions qui font suite aux questions posées par les Juges.
13 M. JOSSE : [interprétation] Effectivement, j'ai un certain nombre de
14 questions qui font suite aux questions que vous avez posées.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je le comprends très bien. M. Krajisnik
16 n'a pas fait de signe, je ne sais pas s'il a des questions à poser,
17 apparemment, non.
18 M. JOSSE : [interprétation] Nous allons le vérifier, Monsieur le Président.
19 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Juge, ceci se retrouve à
20 l'intercalaire 12. Il s'agit d'une pièce P892 qui était avant
21 l'intercalaire 87. Ce document figure au niveau de l'intercalaire 12
22 présenté aux Juges de la Chambre. C'est un rapport intitulé, d'abord c'est
23 écrit "strictement confidentiel", "Le 1er Corps d'armée de la Krajina," avec
24 un numéro confidentiel et la date est 2 juin 1992. Je pense que nous avons
25 fait référence au deuxième paragraphe de ce rapport.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous avez fait allusion, Monsieur Tieger, à cette
2 phrase :
3 [interprétation] "La population musulmane de la région du village de
4 Lisnja a été expulsée."
5 M. TIEGER : [interprétation] Effectivement, on a fait référence à la
6 dernière phrase du deuxième paragraphe de ce rapport.
7 M. LE JUGE HANOTEAU : Pourriez-vous montrer ce document au témoin.
8 Monsieur le Témoin, cette fois-ci, c'est à vous que je m'adresse. Quand on
9 vous a présenté ce rapport, vous avez répondu que c'était un mensonge. Je
10 me souviens de votre réponse. C'est bien exact, Monsieur le Témoin ?
11 R. Oui.
12 M. LE JUGE HANOTEAU : Lorsque le Procureur, dans son contre-interrogatoire,
13 a présenté un document du 3 juin 1992 signé par le général Talic, dans
14 lequel on parle de "cleansing" pour cette même commune, vous avez aussi dit
15 que ce n'était pas vrai, que c'était un mensonge.
16 Je voudrais comprendre pourquoi vous affirmez simplement : "C'est un
17 mensonge." Pour dire que c'est un mensonge, il faut encore en rapporter la
18 preuve. Ce sont des documents officiels. Je ne sais pas dans quel pays vous
19 viviez, mais enfin
20 [interprétation] "Rapport du commandement du 1er Corps de la Krajina."
21 [en français] Ensuite, un document certifié par le général Talic.
22 Tout à l'heure pour un rapport qui a été fait par des services du
23 Renseignement, vous avez dit : "Ce sont des gens qui ne nous aiment pas, ce
24 sont des - pardonnez-moi, je crois que j'ai entendu cela - ce sont des
25 communistes. On ne peut pas croire des gens comme cela. Ce sont des gens
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1 qui nous en veulent.
2 Je veux bien croire que là, ce sont des Services secrets mal
3 identifiés qui rapportent des choses qui ne vont pas en votre faveur. Mais
4 lorsqu'il s'agit de rapports venant d'autorités militaires, ou d'un rapport
5 fait par un général qui disent : l'un, il y a eu des expulsions, l'autre
6 dit, il y a bien eu un "cleansing" ethnique, vous dites ce sont des
7 mensonges. Pourquoi vous dites que ce sont des mensonges ? Ce n'est pas une
8 réponse, si vous voulez. Pardonnez-moi, mais pour moi, dire ce sont des
9 mensonges, ce n'est pas une réponse.
10 R. Je l'affirme, je le dis parce que j'étais là, je l'ai vu de mes propres
11 yeux. Ce rapport du général Talic a été fait sur la base des rapports de
12 ces Claras et autres, des gens du service de Renseignement qui leur
13 envoient ces rapports. Je ne sais pas auquel nettoyage on fait référence
14 ici exactement, mais je sais que j'ai vu de mes propres yeux. J'ai dit moi-
15 même qu'une trentaine de véhicules pris dans les tirs se sont dirigés vers
16 la route principale et que moi, personnellement, je leur ai dit de rentrer
17 chez eux, de retourner, et ils sont tous retournés. C'était une action
18 menée par la police et par l'armée.
19 En ce qui me concerne, je ne me suis occupé que de la saisie des
20 fusils de chasse, ensuite tout le reste a été fait par la police et par
21 l'armée.
22 Cela étant dit, je ne sais pas quel genre de rapports recevait le général
23 Talic de ces gens-là. Je mets en doute leur moralité et l'authenticité de
24 leurs documents qui n'ont pas de nom, qui n'ont pas de prénom, qui n'ont
25 pas de date, qui n'ont pas de sceau, rien, aucune information.
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1 M. LE JUGE HANOTEAU : D'accord. D'accord pour le rapport secret de Clara,
2 et là, ce sont des rapports tout à fait officiels. Ils portent es
3 références, cela vient du commandement de tel corps de l'armée, cela porte
4 une date. Alors est-ce que vous allez jusqu'à dire que cette autorité
5 militaire était si inconsciente qu'elle dressait de tels rapports sur la
6 foi de ragots venant de Services secrets plus ou moins anonymes ? Est-ce
7 que vous pensez qu'un général ou un commandement d'une armée peut ainsi
8 écrire n'importe quoi parce qu'un Service secret plus ou moins identifié a
9 donné tel ou tel renseignement ? Vous allez jusqu'à dire cela ? Vous allez
10 jusque-là ?
11 R. A la lecture de ce rapport, je ne comprends pas de quoi il s'agit. Ici,
12 on ne parle pas du nettoyage ethnique, on parle du nettoyage. Est-ce qu'il
13 parlait du ratissage du terrain, par exemple ? Je ne sais pas à quelle fin
14 ils ont utilisé ce terme. Peut-être qu'ils pensaient à l'opération qui a eu
15 lieu, à l'action militaire. Je ne sais pas ce que le général pensait.
16 M. LE JUGE HANOTEAU : Expulsion, expulsion de Musulmans. Répondez à cette
17 question : est-ce que vous allez jusqu'à dire que des militaires de ce rang
18 pouvaient écrire n'importe quoi dans leurs rapports fondés uniquement sur
19 les renseignements que leur donnaient des Services secrets plus ou moins
20 identifiés ? Est-ce que vous allez jusque-là ?
21 R. Oui. Ces rapports ont été élaborés sur la base des informations venant
22 des services de Renseignement sur le terrain, puisque le général ne s'est
23 pas rendu personnellement sur place.
24 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde l'heure et je sais qu'il nous
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1 reste encore peu de temps. Monsieur Josse, vous avez besoin de combien de
2 temps, à peu près ?
3 M. JOSSE : [interprétation] J'ai besoin de dix minutes, Monsieur le
4 Président.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Dix minutes.
6 Monsieur Tieger, est-ce que vous allez avoir besoin de poser d'autres
7 questions, vu le tour qu'a pris le contre-interrogatoire ?
8 M. TIEGER : [interprétation] J'ai besoin d'à peu près dix minutes aussi,
9 mais je peux essayer de faire en moins de temps que cela.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vingt minutes en tout. Nous
11 avons besoin aussi de prendre une pause.
12 Monsieur le Greffier, pourriez-vous nous dire de combien de temps nous
13 disposons à cause des bandes d'enregistrement ?
14 M. JOSSE : [interprétation] M. Krajisnik m'a dit, je dois vous dire, qu'il
15 voudrait me consulter et je pense que c'est une demande assez raisonnable.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. En ce qui concerne les bandes
17 d'enregistrement.
18 [La Chambre de première instance et le Greffe se concertent]
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'adresse aux interprètes. Vingt-six
20 minutes restent sur la bande d'enregistrement. Soit nous prenons maintenant
21 une pause de 20 ou 25 minutes et nous changeons la bande d'enregistrement
22 ou nous continuons pendant 25 minutes. Qu'est-ce que vous préférez ? Je
23 vois que les interprètes sont d'accord. Je vous remercie de votre
24 coopération.
25 Monsieur Josse, c'est à vous.
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1 Nouvel interrogatoire principal par M. Josse :
2 M. JOSSE : [interprétation] J'espérais que nous allions prendre une pause -
3 -
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je préfère continuer. Si vous
5 pouvez résoudre cela d'une autre façon, puisque je sais que le témoin
6 souhaite vraiment être en mesure de prendre son avion et ne pas le rater.
7 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
8 Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
10 [Le conseil de la Défense se concerte]
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je viens de prendre ma décision : 14
12 minutes pour la Défense et 12 minutes qui restent sur les 26 minutes, mais
13 vous en êtes à 12 minutes chacun, puisque nous sommes limités par les
14 bandes d'enregistrement.
15 M. JOSSE : [interprétation]
16 Q. Monsieur Vasic, on vous a posé des questions assez longues sur le
17 mouvement de la population, c'est-à-dire, le retour des habitants à
18 Prnjavor après la guerre. Vous nous avez dit qu'il existait des dossiers
19 concernant cela.
20 R. Oui. On peut trouver ces documents dans les services auprès desquels
21 ils doivent se présenter, à partir du moment où ils reviennent. C'est
22 quelque chose d'assez habituel. Les gens doivent se présenter à un service
23 pour se déclarer résident.
24 Q. Vous avez dit que si besoin est, vous pouvez retrouver ces documents.
25 Cela se trouve où ?
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1 R. D'après la loi, en ce qui concerne l'enregistrement de lieu de
2 résidence, cela se fait auprès de la police. En ce qui concerne les biens,
3 la propriété des citoyens, on peut trouver ces informations au sein de la
4 municipalité de Prnjavor.
5 Q. Est-ce que vous êtes en mesure de fournir, d'envoyer ces documents aux
6 Juges de la Chambre ?
7 R. Oui.
8 Q. Comment allez-vous faire cela ?
9 R. Je vais demander aux fonctionnaires de la municipalité de me donner ces
10 documents, de les photocopier pour les envoyer aux Juges de la Chambre et
11 ensuite, je vous les ferai parvenir.
12 Q. On a attiré votre attention sur la lettre que vous avez amenée ici, la
13 lettre émanant du bureau du haut représentant. Dans cette lettre, on parle
14 de l'application du droit de la propriété. Que comprenez-vous par ces
15 termes, "l'application du droit de la propriété ?"
16 R. Cela veut dire que tous ceux qui ont demandé à jouir de leur droit, on
17 leur a facilité cela, on leur a rendu cela possible. Le processus a été
18 complété en vertu des lois, des critères déterminés par la communauté
19 internationale après la guerre.
20 Q. Pourriez-vous examiner ce document, s'il vous plaît. Je parle de la
21 lettre venant du bureau du haut représentant et aussi la lettre de l'OSCE.
22 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais demander à présent qu'on verse au
23 dossier ces pièces.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Effectivement, le statut de ce
25 document a changé.
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1 M. JOSSE : [interprétation] Oui. Malheureusement --
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, pourriez-vous,
3 s'il vous plaît, attribuer une cote à ces documents. Le premier document,
4 c'est la lettre du 4 janvier 2004 [comme interprété] venant de
5 l'ambassadeur Wnendt, adressée à M. Subotic et à M. Zivkovic. Nous avons
6 différentes versions de cette lettre, mais apparemment il s'agit de la même
7 lettre.
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai demandé qu'on
9 envoie ces documents de la municipalité et en réalité, c'est une page de
10 garde que vous voyez là, une lettre d'accompagnement par laquelle on
11 m'informe qu'on m'envoie la lettre, le document que je demandais que l'on
12 m'envoit.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Les lettres sont là et la lettre du
14 4 janvier et nous allons décider, plus tard, quelle est vraiment la version
15 que nous allons verser au dossier.
16 Monsieur le Greffier, quelle sera la cote de ce document ?
17 M. LE GREFFIER : [interprétation] D71.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. L'autre document intitulé
19 "Organisation chargée de la coopération et de la sécurité en Europe,"
20 adressé à M. Zivkovic. Il n'y a pas encore de traduction, signé par Igor
21 Licina.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du document D72.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Continuez, Monsieur Josse.
24 M. JOSSE : [interprétation]
25 Q. Pour le dire simplement, pourquoi avez-vous demandé que la lettre de M.
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1 Wnendt soit envoyée aux Juges de la Chambre ? Qu'est-ce que vous vouliez
2 montrer par cette lettre ?
3 R. J'espérais pouvoir démontrer que la propriété n'a pas été aliénée, elle
4 n'a pas été prise des citoyens, mais qu'on a traité cela conformément aux
5 lois, que nous avons restitué ces propriétés surtout dans la municipalité
6 de Prnjavor puisque l'état de droit fonctionnait à Prnjavor. Ce processus
7 de restitution a été contrôlé, les choses se sont normalisées à Prnjavor et
8 je pensais que cette lettre allait corroborer cette information que j'ai
9 faite. De façon indirecte, je voulais démontrer aussi que les gens sont
10 revenus à Prnjavor, ils sont retournés.
11 Q. Le dernier point que je souhaite soulever concerne la question de
12 Lisnja et ce qui s'est passé avec la population musulmane de Lisnja après
13 l'opération. A ce moment-là, est-ce que tous les Musulmans ont quitté
14 Lisnja ou est-ce qu'ils sont revenus immédiatement après l'action
15 militaire ?
16 R. Je l'ai déjà dit à trois reprises. J'ai arrêté moi-même la colonne de
17 30 véhicules et je les ai fait rentrer, revenir chez eux et personne n'est
18 parti. Est-ce qu'entre-temps, au cours des journées qui ont suivi, est-ce
19 qu'il y a eu des cas où des gens soient partis parce que leur maison était
20 incendiée ou pour une autre raison, je ne saurais vous le dire. Mais
21 pendant l'opération, cela n'a pas eu lieu. Je l'ai vu de mes propres yeux
22 et j'ai dit personnellement à ces gens-là de rentrer chez eux, de revenir.
23 Je les ai vus rentrer.
24 Q. On va parler de la situation telle qu'elle est aujourd'hui, Monsieur
25 Vasic. Est-ce que le village de Lisnja existe au jour d'aujourd'hui ?
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1 R. Oui.
2 Q. Quelle est la composition ethnique de ce village au jour
3 d'aujourd'hui ?
4 R. C'est un village exclusivement musulman, dans la partie musulmane du
5 village.
6 Q. Qu'en est-il de la mosquée qui a été détruite ?
7 R. Toutes les mosquées ont été reconstruites.
8 Q. Oui.
9 M. JOSSE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît, Monsieur le
10 Président.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je ajouter. D'après les lois, ils avaient
12 le droit de construire les mêmes mosquées, de la même taille que celles qui
13 existaient auparavant. A Prnjavor, ils ont même voulu construire une
14 mosquée plus haute que celle qui existait auparavant. Ils sont venus me
15 voir pour me demander cette autorisation. Auparavant, le minaret avait une
16 taille de 13 mètres, une hauteur de 13 mètres et j'ai donné l'autorisation,
17 je suis intervenu pour que le nouveau minaret ait une hauteur de 23 mètres.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
19 Contre-interrogatoire supplémentaire par M. Tieger :
20 Q. [interprétation] Monsieur Vasic, juste pour être sûr de ce que vous
21 souhaitez dire aux Juges de la Chambre : les rapports préparés par le
22 général Talic et envoyés au QG principal de la VRS, est-ce que vous dites,
23 si je vous ai bien compris, que les subordonnés du général Talic sur le
24 terrain n'étaient pas obligés de l'informer de la situation, de ce qui se
25 passait dans sa zone de responsabilité, mais que tout ceci était laissé à
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1 la charge des personnes, d'agents sans nom, anonymes, telle que Clara,
2 d'agents de renseignement ? Les subordonnés ne fournissaient pas les
3 informations à leurs supérieurs hiérarchiques; est-ce bien ce que vous
4 dites ?
5 R. Le général Talic a nommé un petit groupe pour cette opération précise
6 et il n'a sans doute pas reçu de rapport en bonne et due forme. Le général
7 Talic a pris des décisions qui étaient bizarres, qui ne ressemblent pas à
8 des décisions prises par un général, par exemple, là où il dit : "Je suis
9 d'accord pour que Zeljko Milanovic prenne, sur la base de sa carte
10 d'identité, des armes et des roquettes partout où il le souhaite." C'est
11 tout simplement ridicule de voir une décision pareille, surtout quand elle
12 est accompagnée de la signature d'un général.
13 Q. Monsieur Vasic, je n'ai que peu de temps encore. Vous nous avez dit de
14 quelle façon étaient élaborée ces rapports et vous l'avez dit comme si vous
15 aviez été là, comme si vous étiez au courant de la façon dont ces rapports
16 ont été élaborés. Au lieu de nous dire quel est vraiment votre point de vue,
17 votre position, vous revenez à la charge, vous critiquez à nouveau le
18 général Talic, vous l'avez déjà fait trois ou quatre fois au cours de votre
19 déposition.
20 Je vous repose la question que je vous ai posée : est-ce que vous affirmez
21 que les subordonnées du général Talic n'étaient pas obligés de l'informer,
22 par le biais des rapports ou autrement, de la réelle situation sur le
23 terrain dans sa zone de responsabilité et que ses connaissances se basaient
24 sur les informations venues des agents de renseignements inconnus, genre
25 Clara ?
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1 R. Vu que tout ceci n'est pas vrai, oui, c'est ce que je dis.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, apparemment, le témoin
3 n'a pas de connaissances claires à ce sujet. Il ne fait que tirer des
4 conclusions sur la base des informations qui figurent dans ce rapport et
5 sur la base de ses souvenirs. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'il a des
6 connaissances claires et précises sur la façon dont ce rapport a été
7 élaboré.
8 M. TIEGER : [interprétation] Je le comprends.
9 Q. Je vais revenir sur la question des licenciements et nominations et je
10 vais le faire très rapidement. Malheureusement, je ne pourrai le faire de
11 façon systématique. Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de
12 noms que j'ai pu examiner entre-temps et je voudrais vérifier avec vous
13 quelques licenciements.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le document 33.
15 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
16 Q. Muhamed Klokic, par exemple, quelle est son appartenance ethnique ?
17 R. Musulman.
18 Q. Il a été licencié le 29 mai. Est-ce qu'il a été renommé, oui ou non ?
19 Parce que je n'ai pas vu de tel document.
20 R. S'il n'y a pas d'éléments indiquant qu'il a été nommé à un autre poste,
21 c'est qu'il n'a pas été nommé à un autre poste.
22 Q. Dervo Jugo, appartenance ethnique ?
23 R. Musulman.
24 Q. Il a été mis à pied le 29 mai. Je ne vois nulle part qu'il a été nommé
25 à un autre poste. Est-ce qu'il a été nommé à un autre poste ?
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1 R. Non. Mais c'était une société agricole qui avait plusieurs branches et
2 bureaux dans différents villages. Jugo Dervo y travaillait et c'était
3 Klokic qui était le directeur, qui était le frère du président du SDA.
4 Q. Suad Klokic, appartenance ethnique ?
5 R. Musulman. C'était le frère du président du SDA.
6 Q. Je vois que le 26 juin, il a été mis à pied. Je ne vois aucun élément
7 m'indiquant qu'il a été nommé à un autre poste. Est-ce qu'il a été nommé à
8 un autre poste ?
9 R. Pouvez-vous me dire où je peux trouver cet élément ? Parce que je
10 n'avais pas connaissance qu'il eut été directeur de quoi que ce soit. Quel
11 est son numéro dans ce document ? A quel numéro figure-t-il ?
12 Q. 99, numéro 99.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On peut voir ceci : "Suad Klokic, avocat
14 de Prnjavor, est par la présente démis de ses fonctions de directeur du
15 club automobile et de motos, Stanko Vukasinvic, à Prnjavor."
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui. Je ne sais pas si cette entreprise
17 fonctionnait véritablement. Je ne suis pas au courant. Parce que c'est une
18 société où il n'y avait que trois personnes qui y travaillaient; je ne sais
19 pas si c'était vraiment une entreprise en fonctionnement. Mais s'agissant
20 de Klokic, c'était le président du SDA. C'étaient eux qui avaient nommé ces
21 quatre Klokic, ces quatre personnes qui s'appellent Klokic, dans le cadre
22 de la coalition. Quand la coalition a volé en éclats, ils ont été mis à
23 pied. C'est la même chose aujourd'hui. Quand une coalition arrive à son
24 terme, on nomme d'autres personnes aux postes précédemment occupés par les
25 membres de la coalition.
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1 M. TIEGER : [interprétation]
2 Q. J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de certaines
3 personnes en particulier avant de passer à des questions plus générales.
4 Dzuko Huremovic.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez nous donner le numéro
6 correspondant.
7 M. TIEGER : [interprétation] Je ne dispose pas de numéro, mais il a été mis
8 à pied le 29 mai.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme la plupart des gens.
10 M. TIEGER : [interprétation]
11 Q. La seule chose que je voulais vous demander, Monsieur Vasic, c'est de
12 savoir si M. Djuka Huremovic, quelle était son appartenance ethnique ?
13 R. Excusez-moi. Je ne saisis pas le nom.
14 Q. Djuka Huremovic.
15 R. Djuka. C'est une Serbe.
16 Q. Est-ce qu'elle était mariée à un Musulman ?
17 R. Huremovic.
18 Q. Est-ce qu'elle était mariée à un Musulman ?
19 R. Oui.
20 Q. Jozo Barukcic, c'est un Croate ?
21 R. Oui.
22 Q. Slavko Kalinic, c'était aussi un Croate ?
23 R. Je ne sais pas avec précision. Je ne sais pas s'il était croate ou
24 serbe.
25 Q. Vera Halilovic, Vera ou Zehra Halilovic, quelle est son appartenance
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1 ethnique ?
2 R. Zehra Halilovic était membre du comité principal de la municipalité de
3 Prnjavor avant la guerre. C'était une musulmane. Elle appartenait à l'aile
4 la plus extrémiste du SDA.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'elle n'était pas directrice de
6 la caisse d'assurance-maladie régionale de Banja Luka et disons, directrice
7 de la branche de Prnjavor ? Je l'ai trouvé au numéro 93. On pourrait
8 continuer ainsi pendant un certain temps. Monsieur Tieger, je sais que nous
9 avons identifié ainsi plus de trois directeurs qui étaient d'appartenance
10 ethnique musulmane.
11 Monsieur Vasic, je sais que vous vous souvenez parfaitement que dans votre
12 déposition, vous avez dit qu'il n'y en avait pas plus de trois.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Elle n'était pas directrice --
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans la décision, on voit que cette
15 personne a été démise de ses fonctions. Nous pouvons lire le document,
16 nous-mêmes. Monsieur Tieger, vous pouvez continuer.
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président --
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Laissez continuer
19 M. Tieger.
20 M. TIEGER : [interprétation]
21 Q. Monsieur Vasic, est-ce qu'il y a des Serbes qui étaient membres du SDP
22 ou pas membres du SDS, est-ce qu'il y en a qui ont été démis de leurs
23 fonctions, à qui on a donné la possibilité de déclarer leur allégeance au
24 SDS et est-ce que ceux qui ont refusé de se plier à cette exigence ont été
25 démis de leurs fonctions et ne se sont pas vus proposés d'autres postes ?
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1 R. Je voudrais simplement dire que vous ne parlez pas uniquement des
2 directeurs, parce que beaucoup de noms que vous m'avez donnés, c'étaient
3 des noms de personnes qui n'étaient pas directeurs ou directrices. Zehra
4 n'était pas une directrice.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, répondre à la
6 question qui vous est posée. J'ai dit à M. Tieger qu'il pouvait poser sa
7 question suivante. Maintenant, vous voulez ajouter quelque chose, nous
8 verrons si nous avons suffisamment de temps pour ce faire. Mais d'abord,
9 répondez à la question de M. Tieger. Est-ce qu'il y a eu déclaration
10 d'allégeance ?
11 M. TIEGER : [interprétation] Je vais reposer ma question.
12 Q. Est-ce qu'il y a des Serbes qui ont été licenciés, mais qui ont
13 retrouvé un autre poste quand ils ont déclaré leur allégeance ou est-ce
14 qu'il y a des Serbes qui ont été démis de leurs fonctions, qui n'ont pas eu
15 d'autres postes parce qu'ils ont refusé de se plier à cette exigence ? Est-
16 ce que cela n'est pas la réalité ?
17 R. Non. Il s'agissait d'un accord conclu entre les parties au sujet de la
18 nomination des directeurs de haut niveau. Les partis, comme c'était le cas
19 et comme c'est toujours le cas, avaient la possibilité, le droit de
20 désigner les directeurs. Softic Edhem a été nommé au centre vétérinaire; il
21 n'était pas membre du SDA. Il est musulman. Tout a été fait en fonction des
22 directives du parti.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il semble que pour une raison ou pour
24 autre, le témoin refuse de répondre à votre question. Il nous reste une
25 minute 30.
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1 Monsieur Tieger, je ne sais pas si vous voulez encore poser des questions.
2 M. TIEGER : [interprétation] J'ai encore une question, mais si vous avez
3 des questions supplémentaires, je peux vous laisser la place, Monsieur le
4 Président, Messieurs les Juges.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que nous devrions mettre un
6 point final à la déposition du témoin.
7 Monsieur Vasic, nous en arrivons à la fin de votre déposition. Je vous
8 remercie d'être venu à La Haye, non pas une fois, mais deux fois et je vous
9 prie de m'excuser de ce fait. Je vous souhaite un bon retour chez vous et
10 j'espère que vous parviendrez à prendre votre avion.
11 M. JOSSE : [interprétation] Il y a une question qu'il faut soulever à huis
12 clos partiel en présence du témoin.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais nous n'avons plus de bande.
14 M. JOSSE : [interprétation] Je le sais, mais c'est très important.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Huis clos partiel.
16 Non, ce n'est pas possible.
17 Nos propos ne sont plus consignés au compte rendu.
18 M. JOSSE : [interprétation] Cela ne me gêne pas. C'est une question de
19 forme.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En fait, non --
21 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a plus d'enregistrement audio,
23 mais il y a enregistrement par la sténotypiste. Je vous donne une minute
24 pour vous expliquer. Pas la peine de passer à huis clos partiel puisqu'il
25 n'y a pas d'enregistrement de nos propos. Enfin --
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1 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons passer à huis clos partiel,
3 mais c'est purement pour la forme.
4 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant.
6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Huis clos partiel.
7 [Audience à huis clos partiel]
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11 Page 17757 expurgée. Audience à huis clos partiel.
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7 [Audience publique]
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais donner une explication pour le
9 compte rendu d'audience afin que ce que j'ai à dire figure également sur
10 l'enregistrement de nos débats; je signale donc que les dernières minutes
11 de la précédente séance de travail n'ont pas été enregistrées; à huis clos
12 partiel, nous avons traité de questions qui sont susceptibles d'avoir aucun
13 impact sur les décisions ultimes de la Chambre, il s'agissait d'une
14 question de procédure totalement indépendante du reste du procès. Il y a
15 donc une partie de nos débats qui ne figurent pas sur l'enregistrement.
16 Nous avons décidé de continuer pour une raison et une seule, il importait
17 que le témoin puisse rentrer chez lui.
18 Ceci étant dit, poursuivons et nous avons commencé tôt ce matin. Donc je
19 vous propose la chose suivante : c'est de continuer à travailler pendant 1
20 heure 30 sans pause supplémentaire, ce qui nous permettrait d'en terminer
21 pour aujourd'hui vers 13 heures.
22 Maître Josse, est-ce que cela vous convient ?
23 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai pris cette décision parce les
25 interprètes ont eu une journée assez chargée, donc je préfèrerais et je
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1 pense qu'ils préfèreraient aussi que nous ayons une séance de travail un
2 peu plus longue maintenant pour terminer plus tôt. J'imagine que cela agrée
3 également à M. Tieger.
4 M. TIEGER : [interprétation] Je me suis levé parce que je pensais que Me
5 Josse allait annoncer son témoin suivant, et je voulais, s'il était
6 possible, que nous apportions un point final à un certain nombre de
7 questions de procédure avant d'entamer l'audition du témoin suivant.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je préfèrerais que nous
9 traitions d'abord des pièces à conviction présentées par M. Vasic, le
10 greffier pourra organiser la chose.
11 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Je voudrais dire que nous avons besoin de
12 cotes pour les intercalaires 36 à 39 de notre liasse ainsi, ainsi que pour
13 l'enregistrement vidéo.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le greffier va préparer cela sur sa
15 liste afin que nous puissions traiter demain rapidement.
16 Autre chose ?
17 M. TIEGER : [interprétation] Nous nous apprêtions à rendre le document qui
18 a été retrouvé dans la chambre forte où sont gardés les éléments de preuve.
19 M. Josse a eu la possibilité d'examiner ce document, il n'en a plus besoin.
20 Je le signale à l'intention de la Chambre avant que le document ne soit
21 replacé là où il se trouvait précédemment.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Il s'agissait des questions de
23 procédure que nous souhaitions aborder. Maître Josse, êtes-vous maintenant
24 apte à citer à la barre votre témoin suivant ?
25 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est M. Divcic, n'est-ce pas ?
2 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame l'Huissière, veuillez faire
4 entrer le témoin.
5 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour. J'imagine que vous êtes M.
7 Divcic. Oui. Bien. Monsieur Divcic, avant que vous ne déposiez dans se
8 prétoire, il est nécessaire aux termes du Règlement de procédure et de
9 preuve que vous vous engagiez à dire la vérité, toute la vérité et rien que
10 la vérité. Le texte de cette déclaration solennelle va maintenant vous être
11 remis par l'huissière. Je vous invite à prononcer ladite déclaration.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
14 LE TÉMOIN : ALEKSANDAR DIVCIC [Assermenté]
15 [Le témoin répond par l'interprète]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Divcic. Veuillez prendre
17 place. Vous allez en premier lieu être interrogé par Me Josse, qui est le
18 conseil de la Défense de M. Krajisnik.
19 Maître Josse, vous avez la parole.
20 Interrogatoire principal par M. Josse :
21 Q. [interprétation] Pouvez-vous décliner votre identité, je vous prie.
22 R. Je m'appelle Aleksandar Divcic.
23 Q. Monsieur Divcic, je souhaiterais commencer par vous interroger sur
24 votre parcours personnel. Je voudrais savoir quand vous avez fait vos
25 études et où ?
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1 R. Je suis né à Sarajevo, toute ma famille vivait à Sarajevo depuis
2 plusieurs siècles. S'agissant de ma vie professionnelle, de mes études, et
3 cetera, tout cela s'est déroulé à Sarajevo. Je suis ingénieur dans les
4 télécommunications. J'ai travaillé jusqu'au 11 avril 1992 à Sarajevo. A ce
5 moment-là, j'ai été licencié parce que j'étais Serbe et à cause de mon
6 engagement politique.
7 Q. Nous y viendrons un peu plus tard, si vous permettez.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, est-ce que vous verriez
9 une objection à ce que M. Josse pose des questions directrices au témoin
10 s'agissant de son parcours personnel ? C'est ce qu'on fait d'habitude, et
11 cela nous permet de gagner du temps.
12 M. JOSSE : [interprétation] Oui. En fait, cela ne va pas nous prendre
13 beaucoup de temps.
14 Q. Ce qui m'intéresse, Monsieur le Témoin, c'est votre engagement au sein
15 du Parti communiste. J'aimerais que vous en parliez aux Juges.
16 R. J'ai été membre de la Ligue des Communistes de Yougoslavie et j'ai
17 adhéré à la ligue à l'âge de 17 ans, quand j'étais à l'école secondaire, au
18 lycée. C'était une procédure qui a été mise en place afin d'essayer
19 d'attirer autant d'adhérents que possible. On choisissait dans chaque
20 classe un certain nombre d'élèves, on annonçait leurs noms et on disait
21 qu'ils avaient été invités à devenir membres de la Ligue des Communistes.
22 C'était un grand honneur à l'époque. Moi-même, je suis devenu membre parce
23 que j'étais un petit moment convaincu que c'était la chose à faire.
24 J'estimais que c'était une organisation très digne, une organisation de
25 grande valeur sur le plan politique. C'est donc pourquoi à l'âge de 17 je
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1 suis devenu membre de la Ligue des Communistes.
2 Q. A l'université et au début de votre carrière professionnelle, est-ce
3 que vous avez fait de la politique ?
4 R. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas l'ex-Yougoslavie et ce
5 que c'était l'ex-Yougoslavie, c'est peut-être difficile à comprendre, mais
6 il faut savoir qu'il y a une sorte d'inertie qui se développe, donc on
7 continue, on reste membre. D'abord, cela commence à l'école secondaire,
8 ensuite à l'université, dans l'armée, au travail. On ne peut pas dire
9 vraiment que c'était un engagement politique en tant que tel, comme cela
10 s'entend à l'ouest ou comme cela existe actuellement dans mon pays au jour
11 d'aujourd'hui. On avait parfois des réunions. C'étaient des réunions qui
12 avaient trait à l'analyse pratique de la situation dans l'endroit où on se
13 trouvait soit à l'armée, soit au travail, et cetera. Mais on ne peut pas
14 dire que c'était véritablement, au véritable sens du terme, un engagement
15 politique. Excusez-moi, est-ce que je pourrais ajouter quelque chose ?
16 Q. Oui.
17 R. Je n'ai jamais été un représentant de très haut niveau du parti. Je
18 n'étais qu'un membre parmi d'autres, de la base, un militant de base.
19 Q. Avec l'effondrement du communisme, est-ce que vous avez eu un autre
20 engagement politique ?
21 R. Il y a eu une sorte de vide politique qui s'est installé entre la chute
22 de ce système et ce qui a suivi. Vu ce qui se passait dans le monde, il
23 était manifeste qu'il y aurait des changements dans notre pays, la
24 Yougoslavie. Il était manifeste qu'allait s'instaurer un système
25 multipartite, enfin c'est ce qu'on appelle comme cela.
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1 Q. Votre engagement politique à ce moment-là - je préciserai les dates de
2 l'époque plus tard - mais je voudrais savoir comment cet engagement
3 politique, suite à la chute du communisme, comment il s'est manifesté
4 concrètement ?
5 R. Formellement et concrètement, j'étais comme tous les autres membres de
6 la Ligue des Communistes, mais il n'y avait plus de réunions et plus
7 personne ne prenait cela au sérieux. On était un petit peu en attente. On
8 attendait un petit peu en retenant notre souffle de voir ce qui allait se
9 passer ensuite.
10 Q. Est-ce qu'à un moment donné vous avez participé à des discussions à
11 caractère informel au sujet d'un autre type d'engagement politique, une
12 autre direction politique ?
13 R. Je fréquentais d'autres personnes de mon âge, enfin des amis à moi, et
14 nous tous nous pensions que la Bosnie-Herzégovine et Sarajevo, surtout la
15 ville où j'étais né, où je travaillais, nous pensions qu'il fallait que
16 cette région ait le même type de développement que Belgrade, la Slovénie et
17 même Zagreb. On considérait que ces zones-là étaient plus avancées, plus
18 développées que Sarajevo même.
19 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question. Enfin disons,
20 pour être plus précis, il était évident que le système communiste arrivait
21 à son terme. Mais comme j'ai dit, on avait peur de ce qui allait ensuite
22 s'instaurer à la place. On avait peur parce qu'on avait connu des
23 expériences très sombres au cours de la Première guerre, de la Deuxième
24 guerre mondiale, lorsque des Serbes ont été massacrés en masse par les
25 Croates et les Musulmans. Les Croates qui étaient organisés dans le cadre
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1 des Oustachi, c'est-à-dire dans le cadre de formations à caractère nazi. On
2 était un peu dans l'attente, on craignait que l'histoire ne repasse les
3 plats.
4 Dans la presse, on faisait référence au fait que les Musulmans
5 commençaient à s'organiser. Au début des années 1990, on a parlé du fait
6 que les Musulmans s'organisaient au sein de leur propre parti politiques,
7 même chose pour les Croates. On voyait bien ce qui se passait en Croatie en
8 1990. Les immigrés Oustacha revenaient en Croatie, le pays qu'ils avaient
9 fui après la Deuxième guerre mondiale. La situation était fort tendue.
10 L'atmosphère qui régnait était assez déplaisante.
11 Q. En 1989, avez-vous participé à des réunions politiques à
12 caractère informel ?
13 R. Oui. Il s'agissait de réunions officieuses à caractère informel,
14 au cours desquelles nous nous réunissions, nous les jeunes. Les jeunes qui
15 ressentaient le besoin pour les Serbes de Bosnie-Herzégovine de créer leur
16 propre parti. Parce qu'en tant que Serbes, nous ressentions une certaine
17 menace. Nous nous sentions menacés. A l'époque, nous avons eu plusieurs
18 réunions à caractère informel. Un ami à moi, un ami personnel et moi-même,
19 nous étions conscients de la nécessité de mettre en place une telle
20 organisation. Mais il était clair que ce n'était pas nous qui serions à la
21 tête de ce mouvement, parce que nous n'étions pas assez connus pour ce
22 faire. L'ami dont je vous parle était diplômé de l'université de
23 philosophie à Sarajevo, et cette faculté était considérée comme l'endroit
24 où se développaient toutes sortes de mouvements, toutes sortes d'opinions.
25 Nous avions pris contact avec un professeur qui, quelques années auparavant,
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1 avait été un de ses professeur, le professeur Aleksa Buha. On l'a consulté
2 et ce professeur a indiqué qu'il y avait d'autres personnes qui
3 partageaient le même genre d'idées et qu'il fallait leur parler.
4 Q. Puis-je vous demander s'appelle cet homme ? Ensuite, on reviendra
5 au nom de votre ami, de l'ami qui vous a mis en contact avec lui. Donc, la
6 personne à laquelle vous avez fait référence, c'était qui ?
7 R. Le Dr Radovan Karadzic.
8 Q. Et le nom de votre ami qui a été mis en contact avec lui par
9 l'intermédiaire du professeur Buha, qui est-ce ? Donc celui qui vous a mis
10 en contact avec Radovan Karadzic.
11 R. Vojislav "Bato" Kecman, alias Bato.
12 Q. Quand avez-vous rencontré pour la première fois le Dr Karadzic ?
13 R. La première fois, c'est M. Kecman qui est allé voir M. Karadzic.
14 Ensuite, il m'a dit que ce serait une bonne idée que j'aille le voir aussi.
15 J'avais beaucoup à faire, donc on n'a pas pu y aller le même jour. Je suis
16 allé le voir un ou deux jours plus tard, je crois que c'était en février
17 1990. Je suis allé voir le Dr Karadzic chez lui dans son appartement. On
18 m'a donné un numéro de téléphone, je lui ai annoncé mon arrivée, je suis
19 allé le voir. J'ai rencontré son épouse, sa fille ainsi que d'autres
20 personnes.
21 Q. Tout cela s'est passé à Sarajevo ?
22 R. Oui, tout cela s'est passé à Sarajevo. Je crois que c'était en février
23 1990.
24 Q. Bien. J'aimerais que vous nous relatiez, de manière circonstanciée, ce
25 qui s'est passé lors de cette première rencontre avec le Dr Karadzic. De
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1 quoi avez-vous parlé ? Quelles ont été les conséquences de cette réunion ?
2 Qu'est-ce qui en est ressorti ?
3 R. J'avais déjà trouvé d'autres personnes. On constituait un groupe assez
4 varié, il y avait Vladimir Srebrov, je suis pratiquement sûr qu'il faisait
5 partie du groupe, ainsi que Tomo Sipovac. Puis, d'autres jeunes hommes qui
6 venaient de diverses universités, des diverses facultés. Je ne me souviens
7 pas de leurs noms maintenant parce que je ne les ai plus revus ensuite.
8 Ultérieurement, je ne me souviens pas si tout cela s'est passé lors de la
9 première visite, mais en tout cas je suis allé lui rendre visite à de
10 nombreuses reprises. En tout cas, j'ai rencontré Velibor Ostojic, Ilija
11 Guzina, le Pr Aleksa Buha, Rajko Dukic, le Pr Ceklic, Velibor Ostojic.
12 Q. Vous n'avez pas vraiment répondu à ma question. J'allais justement
13 venir à ces personnes que vous mentionnez, mais je voudrais savoir ce qu'il
14 en est de la première rencontre avec le Dr Karadzic. De quoi avez-vous
15 parlé ?
16 R. Il faut vous dire franchement que l'époque était assez dangereuse.
17 Conformément à la législation en place à l'époque, nous tous, autant que
18 nous étions, courrions le risque de nous voir accuser d'essayer de saper
19 l'ordre constitutionnel de l'Etat en place. Nous aurions tout à fait pu
20 être traînés en justice. Ce que j'ai fait essentiellement, c'est écouter ce
21 qui se passait, écouter ce qui se disait lors de cette discussion pour voir
22 si le Dr Karadzic et tous les autres étaient des gens sérieux qui avaient
23 vraiment l'intention sérieusement de s'engager dans une mission extrêmement
24 sérieuse, à savoir l'organisation d'un parti et le fonctionnement et le
25 travail de ce parti.
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1 Ma première impression s'agissant du Dr Karadzic a été une impression des
2 plus favorables. Pour ce qui est des autres personnes dont j'ai mentionné
3 les noms, l'impression était peut-être moins favorable. J'ai passé trois à
4 quatre heures dans cet appartement lors de cette première réunion, j'ai
5 attendu que tout le monde s'en aille et ensuite le Dr Karadzic, son épouse
6 et moi-même sommes restés seuls, nous avons eu une conversation extrêmement
7 sérieuse sur tous ces éléments. Son épouse était là uniquement pour faire
8 le café, enfin elle n'a pas participé, c'est ce que je veux dire, à la
9 conversation qui a eu lieu entre le Dr Karadzic et moi-même. Nous nous
10 sommes mis d'accord sur notre évaluation de la situation. Il fallait, selon
11 nous, que les Serbes s'organisent sur le plan politique.
12 Q. Les personnes dont vous avez donné les noms en répondant à ma question
13 précédente; est-ce que tous ces gens étaient présents lors de la première
14 réunion ?
15 R. Non. Non, pas à la première réunion, non. Je suis sûr qu'en dehors du
16 Dr Karadzic, Vladimir Srebrov était présent lors de cette première réunion,
17 Tomo Sipovac, et les autres, donc eux ils étaient là, les autres j'ai dû
18 les rencontrer ultérieurement. Mais ce sont des gens que je connais encore
19 aujourd'hui, c'est pourquoi leurs noms sont restés graver dans ma mémoire.
20 Q. Après cette première réunion, il y a eu d'autres réunions, n'est-ce pas
21 ?
22 R. Oui.
23 Q. Où ces autres réunions se sont-elles déroulées ?
24 R. Toutes ces réunions, pendant cette période, se sont tenues dans
25 l'appartement du Dr Karadzic.
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1 Q. Selon vous, à combien de réunions avez-vous participé dans
2 l'appartement du Dr Karadzic ?
3 R. Une dizaine. Ceci s'est poursuivi jusqu'à la fin du mois de mars. Je le
4 sais parce que pour des raisons de santé -- non, peut-être le mois d'avril,
5 début du mois d'avril. Enfin, quoi qu'il en soit, j'ai dû pour des raisons
6 de santé aller sur la côte à ce moment-là.
7 Q. Vous parlez de l'année 1990, n'est-ce pas, Monsieur
8 Divcic ?
9 R. Oui, oui, 1990.
10 Q. A quel moment ces discussions ont-elles débouché sur un accord, accord
11 constituant à former ou à créer un parti politique ?
12 R. En fait, c'est justement pour cela qu'on se réunissait. On était tous
13 conscients du besoin qui existait dans ce sens et c'est ce qui s'est passé.
14 On parlait, par exemple, de savoir qui devait être à la tête du parti, qui
15 devait être le président du parti, le diriger. Mon impression, si je peux
16 me permettre, c'est la chose suivante : moi, mon initiative, mon idée,
17 c'était d'essayer de trouver, de repérer quelqu'un qui aurait les
18 compétences requises, quelqu'un qui soit à même d'assumer la direction de
19 ce parti, et moi-même j'ai estimé que le Dr Karadzic correspondait à ces
20 exigences. Lors de la première visite, lorsque nous sommes restés seuls, je
21 lui ai dit quelles étaient mes impressions, enfin ce jour-là, je n'étais
22 pas tout à fait convaincu que cela lui plaise véritablement. Je ne sais pas
23 pourquoi, il m'a dit que vraiment il n'avait pas tellement envie d'assumer
24 la direction du parti. Ensuite, j'ai compris quelles étaient ses raisons et
25 les événements m'ont appris, m'ont indiqué pourquoi il m'avait dit ce qu'il
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1 avait dit, et peut-être est-ce que je pourrais vous faire quelques
2 observations sur ce point un peu plus tard.
3 Mais en disant qu'à ce moment-là, il n'avait pas tellement envie de venir
4 le président du Parti démocratique serbe, comme il s'est appelé ensuite.
5 Q. Ce qui m'amène à poser la question suivante. Le nom du parti, comment
6 a-t-on choisi le nom de ce parti ? Comment ceci s'est-il passé ?
7 R. En réalité, le parti devait être un parti démocratique, et il fallait
8 que ce soit un parti aussi. Il fallait que cela soit un parti démocratique
9 et nous voulions que les Serbes le reconnaissent immédiatement. Il fallait
10 que le mot "serbe" figure également dans ce parti. C'était un moment où les
11 partis politiques étaient créés, où les partis étaient des partis qui
12 représentaient les nations bien particulières. D'un autre côté, cela a été
13 interdit, car selon certains articles de loi, c'était difficile. Nous
14 avions songé au Parti démocratique indépendant. C'était un terrain très
15 glissant, et si la loi changeait, nous avons estimé que nous pourrions à ce
16 moment-là utiliser de le terme de Parti démocratique serbe. Quoi qu'il en
17 soit, il fallait que nous nous conformions à la loi et il fallait que l'on
18 s'en tienne à la législation en vigueur à l'époque.
19 Q. Je vais revenir sur la question des dirigeants. A quel moment ou quand
20 y a-t-il eu la réunion qui a donné naissance à votre parti ?
21 R. L'inauguration de ce parti, vous voulez une date, vous me demandez quel
22 jour le Parti démocratique serbe a été fondé; c'est exact ?
23 Q. Oui. Vous pouvez répondre, ce n'est peut-être pas exactement la
24 question que je souhaitais vous poser, mais vous pouvez répondre.
25 R. Le 12 juillet, qui est le jour de la Saint-Pierre, qui est une fête
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1 religieuse orthodoxe, ceci a eu lieu à Sarajevo dans le Skenderija qui est
2 une grande salle, c'est M. Karadzic qui était un des organisateurs.
3 Q. Avant la réunion, est-ce qu'une décision avait été rendue et est-ce que
4 l'on avait décidé qui serait le dirigeant de ce parti politique ?
5 R. Il y avait une certaine rivalité. Je sais que M. Vladimir Srebrov était
6 un poète. Il était diplômé de la faculté de philosophie. Aleksa Buha le
7 connaissait. Car plus tard, lorsqu'ils se sont rencontrés lors d'une
8 réunion qui s'est tenue dans l'appartement, ils se sont salués et ils ont
9 parlé, et je crois qu'ils n'étaient pas tout à fait d'accord. En tout cas,
10 d'après les propos qu'ils tenaient, il y avait un certain antagonisme.
11 M. Srebrov, à ma connaissance, souhaitait être le dirigeant du Parti
12 démocratique serbe, un parti qui ne portait pas ce nom-là à l'époque.
13 D'après moi, je crois que c'est quelqu'un qui n'aurait pas pu assumer ce
14 poste-là. Je crois que je n'aurais pas été membre de ce parti politique
15 s'il avait été dirigé par cet homme-là.
16 Il y a quelque chose que j'ai pu vérifier par la suite. C'est ceci, à
17 savoir le professeur Dr Kecmanovic est quelqu'un auquel on a proposé ce
18 poste de dirigeant et M. Karadzic aurait été le vice-président. Mais le Dr
19 Kecmanovic a refusé d'assumer ce rôle-là. Nous avons obligé, je cite, ou
20 contraint le professeur Karadzic à assumer cette responsabilité-là. Il a dû
21 s'y plier. Nous avons tous estimé qu'il était tout à fait capable d'assumer
22 ce poste-là.
23 Il y avait beaucoup de gens parmi nous qui disaient : écoutez, si vous ne
24 voulez pas assumer cette fonction-là, nous n'allons pas devenir membres de
25 ce parti. En tout cas, je faisais partie de ces gens-là. A cette réunion-
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1 là, où se trouvait le Dr Karadzic également, Aleksa Buha a dit à Srebrov,
2 je vais reprendre ses termes en quelque sorte : "Ceci n'est pas un poste
3 pour vous. Vous êtes quelqu'un qui a le sang chaud." C'est un terme qui est
4 utilisé lorsqu'on veut décrire quelqu'un qui ne sait pas se contrôler, ne
5 sait pas contrôler ses humeurs. Il a insisté : "Il faut calmer les tensions
6 qui existent entre les Musulmans et les Croates, ces tensions en Bosnie-
7 Herzégovine. Par conséquent, ceci n'est pas un poste pour vous."
8 Q. Combien de temps avant la date du 12 juillet 1990 est-ce que les
9 initiés de ce nouveau parti avaient décidé que le Dr Karadzic serait leur
10 dirigeant ?
11 R. J'ai dit que c'était au mois de février. Donc au mois de mars et une
12 grande partie du mois d'avril et du mois de mai, moi-même, je l'ai passé au
13 bord de la mer pour des raisons de santé.
14 Lorsque je suis rentré, de l'avis général, c'était l'avis des
15 personnes que je respectais, nous étions parvenus à la conclusion que cette
16 réunion qui avait été prévue pour le 12 juillet, jour de la fête de Saint-
17 Pierre, nous étions parvenus à la conclusion qu'il fallait proposer le nom
18 de Radovan Karadzic comme président du parti.
19 A ce moment-là, le SDA, le Parti musulman, avait déjà été créé. Le
20 HDZ, le Parti croate, avait déjà été créé également. Donc, les Musulmans et
21 les Croates avaient déjà créé leurs propres partis.
22 Q. Combien de personnes environ ont assisté à cette réunion du 12 juillet
23 1990 ?
24 R. Il y a eu six à 7 000 personnes. Cela se trouvait à Skenderija, et
25 cette grande salle était comble. Il y a eu des personnes importantes qui
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1 ont assisté à cette réunion. J'ai fait partie de l'équipe chargée de
2 l'organisation et je sais exactement qui est venu ce jour-là, et je sais
3 exactement ce qui s'est passé ce jour-là, le jour de la fête de Saint-
4 Pierre.
5 Q. Le Dr Karadzic est devenu le dirigeant, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. Il a été élu en même temps que tous les autres membres dirigeants
7 de ce parti. Il a été élu président du parti ou chef du parti. Il a été
8 proclamé chef du parti à cette réunion-là.
9 Q. Y avait-il d'autres membres, d'autres groupes ethniques qui ont assisté
10 à cette réunion ?
11 R. Vous voulez dire y avait-il des représentants d'autres partis
12 politiques ou est-ce que vous voulez parler de personnes qui se trouvaient
13 dans le public, dans l'auditoire ?
14 Q. Je comprends bien que dans un auditoire de quelques milliers de
15 personnes, vous n'avez aucune idée de l'appartenance ethnique des personnes
16 qui se trouvent dans cette salle. Mais y avait-il des personnalités
17 politiques importantes des autres partis politiques qui ont assisté à cette
18 réunion ?
19 R. Oui, ils étaient là, car ils avaient été invités et conviés. Comme vous
20 l'avez dit, il est difficile de savoir lorsqu'il y a autant de personnes,
21 il y avait surtout des Serbes. Il est difficile de dire combien de
22 Musulmans et de Croates il y avait. Il est vrai que certains de mes amis
23 sont venus par pure curiosité.
24 Pour ce qui est de votre première question, le président du Parti de
25 l'action démocratique, M. Izetbegovic, était accompagné de quelqu'un dont
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1 je connais le nom par hasard parce que c'est quelqu'un avec qui j'ai été
2 élevé. Encore une fois, M. Zulfikar - je ne me souviens pas de son nom de
3 famille - c'était le président de l'organisation musulmane bosnienne, il
4 était là également. M. Muhamed Filipovic était là également, c'était un
5 membre de l'organisation bosnienne. M. Micunovic également, qui était le
6 président du Parti démocratique serbe de Serbie. La personne dont je
7 parlais était Adil Zulfikarpasic.
8 Q. On a demandé à M. Izetbegovic de prendre la parole, n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Il a effectivement fait une allocution.
10 Q. Vous étiez là, vous avez entendu son allocution ?
11 R. Oui.
12 Q. Qu'a-t-il dit d'après vos souvenirs ?
13 R. Je sais exactement ce qu'il a dit, car je m'en souviens bien,
14 simplement pour la bonne et simple raison que moi-même et d'autres
15 personnes présentes, nous avons été très heureux d'entendre ce qu'il avait
16 à dire.
17 M. Izetbegovic a commencé à prendre la parole pour dire qu'il n'était pas
18 né à Sarajevo, qu'il est arrivé à Sarajevo à l'âge de quatre ou cinq ans et
19 qu'il vivait tout près de l'hôtel de ville lorsqu'il était jeune. Il a dit
20 qu'il était très heureux de constater qu'un espace politique qui était
21 resté vide a été rempli par une entité nationale serbe en Bosnie-
22 Herzégovine. Il a dit être très heureux que des gens, comme Radovan
23 Karadzic, étaient les dirigeants de ce parti et il espérait que ce serait
24 un partenaire politique de grande qualité, et il espérait qu'il obtiendrait
25 un nombre important de voix au cours des élections.
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1 Il a également dit que les Musulmans en Yougoslavie avaient une identité
2 pleinement reconnue en Yougoslavie. Par conséquent, en aucun cas, cette
3 identité nationale ne pourrait leur être enlevée tant qu'ils faisaient de
4 la Yougoslavie. Il a ajouté que la Yougoslavie était leur patrie, il était
5 heureux de constater que les Serbes voyaient les choses de la même façon,
6 et qu'ensemble avec les Serbes, il souhaitait que le pays, la Bosnie-
7 Herzégovine soit un pays prospère à l'intérieur de la Yougoslavie.
8 Son allocution a duré une dizaine de minutes, a été interrompue à quatre ou
9 cinq reprises par les applaudissements des Serbes qui ont assisté à cela,
10 qui étaient présents dans l'hôtel de ville.
11 Il a également indiqué qu'en 1914, Gravilo Princip a tué Ferdinand à
12 Sarajevo. Il a également indiqué que son grand-père, qui venait de Bosanski
13 Samac, qui est la ville natale de M. Izetbegovic, parce qu'en 1914, ils ont
14 procédé à l'arrestation d'un certain nombre de Serbes, et qu'il s'est
15 présenté à un officier de police et il a dit : "Emmenez-moi en même temps
16 que mes frères serbes." A ce moment-là, les gens se sont levés pour
17 l'applaudir, ce qui était quasiment le même accueil qu'avait reçu Jovan
18 Raskovic qui était le président dans la Krajina et très apprécié par les
19 Serbes de Bosnie-Herzégovine.
20 Après son discours, je crois qu'il s'agit d'un élément pertinent, un jeune
21 homme qui accompagnait Izetbegovic - je le connaissait car nous avons été
22 élevés ensemble - il nous a demandé de bien vouloir l'accompagner : "Parce
23 qu'il y a une foule très importante, et il y a beaucoup de Serbes, pour la
24 sécurité de M. Izetbegovic, je vous demande de bien vouloir nous
25 accompagner." C'est moi qui les ai conduits, qui les ai escortés, ensuite
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1 M. Izetbegovic me suivait, était juste derrière moi, et ce jeune homme.
2 Ensuite les Serbes se sont écartés et ont permis à M. Izetbegovic de passer
3 pour qu'il se rende à sa voiture.
4 C'était pro-yougoslave, je dois dire qu'il ne s'agissait pas d'un discours
5 pro-serbe, il s'agissait de cette convention qui a été tenue lors de la
6 création de parti.
7 Q. Je crois que c'est un fait de notoriété publique que le parti a alors
8 mis en place un certain nombre d'organes qui permettaient au parti de
9 fonctionner et en particulier à décider de mettre en place un comité
10 central et un comité exécutif; est-ce exact ?
11 R. Oui. A cette réunion-là, on a procédé à la création du comité central
12 et j'ai moi-même été élu membre de ce comité à l'instar du président.
13 C'était par un vote à mains levées ou simplement les gens applaudissaient
14 car, à l'époque, nous n'étions pas prêts à voter à bulletin secret. Nous
15 n'étions pas suffisamment organisés pour ce faire. Nous avions besoin d'une
16 période d'adaptation pour le faire, donc nous avons assigné différentes
17 tâches à différentes personnes. A cette réunion-là, j'ai été nommé membre
18 du comité central du Parti démocratique serbe. Il y avait un soixantaine de
19 personnes qui étaient membres de ce comité, ils venaient de différentes
20 régions de Bosnie-Herzégovine.
21 Q. Quelques mois plus tard, il y a eu les premières élections
22 multipartites.
23 R. Oui.
24 Q. Vous n'étiez pas un candidat dans cette campagne électorale ?
25 R. Non.
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1 Q. Avez-vous pris part à la campagne électorale ?
2 R. Très peu, car j'avais des obligations familiales et j'avais mon travail
3 également. J'ai surtout organisé un certain nombre de choses depuis le
4 bureau du Parti démocratique serbe.
5 Si vous me demandez si j'ai assisté à des rassemblements politiques, à des
6 meetings, oui, j'ai assisté à un de ces meetings, mais tout ceci s'est
7 passé avant le jour de Saint-Pierre. Je me suis rendu à Doboj, là où ce
8 premier comité a été créé. Après cela, il fallait mettre en place une
9 procédure, il fallait mettre en place un conseil municipal, et ensuite, il
10 fallait envoyer des représentants aux différentes conventions. Je n'étais
11 pas quelqu'un qui allait sur le terrain pour organiser tout ceci.
12 Néanmoins, le jour des élections - encore une fois, c'était M. Karadzic qui
13 m'a demandé de faire cela - je me suis trouvé dans les bureaux du Parti
14 démocratique serbe. Là, nous avons pu procéder à l'examen du scrutin. Il y
15 avait différents éléments d'information surtout techniques qui venaient du
16 terrain, et c'est moi qui ai présenté tous ces résultats au Dr Karadzic. Dr
17 Nikola Koljevic était là également.
18 Q. Le comité central, entre le 12 juillet 1990 et le 12 juillet 1991,
19 savez-vous combien de fois s'est réuni ce comité central ?
20 R. Non, je ne peux pas vous le dire avec certitude, mais je me souviens
21 que cela n'était pas véritablement une nécessité. C'était toujours très
22 coûteux et le parti n'avait pas d'argent, ne disposait pas de fonds, donc
23 de demander à des personnes qui vivaient dans différents endroits de
24 Bosnie-Herzégovine de quitter leur emploi pendant un ou deux jours et de
25 venir, à leur frais, même pendant un jour ou deux c'était difficile.
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1 J'entends très bien ce que vous dites.
2 Je ne me souviens pas de décisions particulières ou de décisions
3 importantes qui aient été prises lors de ces réunions car j'avais tellement
4 de choses à faire, j'avais mon propre emploi. Mais je sais qu'entre les
5 élections et le mois de septembre, j'ai commencé à m'occuper d'autres
6 choses. Les réunions du comité central étaient des réunions d'information
7 davantage et M. Karadzic voulait connaître le sentiment de ses membres. Il
8 leur faisait part de ses impressions et ensuite les représentants des
9 différentes régions leur faisaient part de leurs propres sentiments. Il
10 voulait tâter le pouls du parti et tout ceci se passait dans la période
11 préélectorale afin de préparer la campagne électorale.
12 Q. Vous-même, vous étiez en contact permanent avec le Dr Karadzic pendant
13 l'année où vous étiez membre du comité central ?
14 R. Oui. Encore une fois, cela n'avait pas trait au comité central
15 directement. Nous nous réunissions quasiment tous les jours, par exemple,
16 nous nous retrouvions à l'hôtel Holiday Inn. Entre le mois de juillet et
17 les élections, le conseil politique du Parti démocratique serbe a été créé
18 et c'est également une des raisons pour laquelle je voyais le Dr Karadzic.
19 Q. Bien. Je vais y venir dans quelques instants.
20 Le Dr Karadzic était-il une personne bien organisée ?
21 R. Non, pas vraiment. C'était un psychiatre qui souhaitait entendre le
22 point de vue des uns et des autres, il a perdu beaucoup de temps
23 inutilement à mon avis, surtout à ce moment-là, lorsqu'il fallait prendre
24 les décisions rapidement. Il a passé beaucoup de temps et il a perdu
25 beaucoup de temps au cours de ces réunions, nous parlions, il y avait
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1 beaucoup de débats et il s'entretenait avec des gens qui lui faisaient part
2 de ces problèmes. Ils auraient dû gérer cela différemment, mais à ce
3 moment-là, les Serbes estimaient qu'ils avaient besoin d'expliquer comment
4 les choses évoluaient dans leur village et qu'il fallait en parler
5 directement au président du parti.
6 Il y a perdu beaucoup d'énergie et de temps. Ce n'était pas quelqu'un qui
7 pouvait dire : "Ecoutez, essayez de trouver une autre solution. Traitez
8 ceci différemment ou allez voir quelqu'un d'autre." Il a perdu beaucoup de
9 temps inutilement au cours de ces différents échanges.
10 Q. Vous avez parlé du conseil politique du parti. Pourquoi cet organe a-t-
11 il été créé ?
12 R. Ce que je voulais tout d'abord faire, c'était de réunir les
13 intellectuels de haut vol. Ils voulaient que ces gens-là participent à
14 leurs travaux politiques. Ils voulaient qu'il y ait des professeurs et des
15 médecins et des chercheurs, des hommes de science. Je pense que cette
16 initiative devait venir d'un membre du Parti démocratique serbe. Ce que je
17 voulais faire, c'était justement créer cet organe où seraient représentés
18 des intellectuels de haut vol, mais des Serbes, des Croates et des
19 Musulmans. Je souhaitais que cet organe se réunisse de temps en temps, de
20 façon à ce qu'on puisse échanger des idées et se réunir de temps en temps
21 pour sentir le pouls en Bosnie-Herzégovine, savoir un petit peu comment les
22 choses évoluaient. Le nom, à l'origine, avait été Conseil de la coopération
23 inter démocratique. Le but avait été de combler le fossé entre le SDA, le
24 HDZ et le SDS, donc des personnes qui étaient un petit peu des
25 personnalités et qui étaient représentants des différentes communautés ou
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1 nationalités devaient constituer ou être membres de ces organes.
2 Q. Pourquoi le Conseil pour la coopération entre les partis a-t-il
3 échoué ?
4 R. Simplement parce que les Croates et les Musulmans ont refusé de prendre
5 part à cela en Bosnie-Herzégovine. Par conséquent, ce conseil et les Serbes
6 continuaient de croire qu'un tel organe ou un conseil consultatif comme
7 celui-là n'était plus nécessaire. Mais comme les Croates et les Musulmans
8 ne souhaitaient pas être membres de cet organe, le conseil était constitué,
9 à ce moment-là, de membres d'une seule et même nationalité. Au début, il y
10 avait une quinzaine de membres, ou il y avait des membres qui n'étaient pas
11 du tout membres du SDS.
12 L'idée, c'est de recueillir l'opinion indépendante d'un certain nombre
13 d'intellectuels et c'est cela qu'ils recherchaient.
14 Q. Quel rôle avez-vous joué au sein de ce conseil ?
15 R. C'est le secrétariat du parti qui m'a demandé de venir ce jour-là, je
16 crois que c'était le 13 septembre 1990. On m'a demandé de m'y rendre encore
17 une fois accompagné d'un ami dont j'ai déjà parlé, Bato Kecman. On m'a
18 demandé d'assister à cette réunion qui a eu lieu à l'hôtel Holiday Inn. Là,
19 il y a certaines personnes que j'ai rencontrées pour la première fois,
20 certaines personnes dont j'avais entendu parler. Je savais ce que faisaient
21 ces personnes, mais je n'avais jamais eu l'occasion de les rencontrer
22 auparavant.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, il y a un point qui n'est
24 pas tout à fait clair en ce qui me concerne et je souhaite que le témoin
25 fasse la clarté là-dessus.
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1 Vous nous avez dit que le nom du parti, en premier lieu, n'était pas le SDS
2 car il ne fallait pas faire référence à une appartenance ethnique ou à une
3 nationalité, que ceci n'était pas autorisé par la loi à l'époque. Ensuite,
4 nous parlons du parti qui a été créé, du conseil politique du parti qui est
5 un organe qui appartient à ce parti; est-ce exact ? A quel moment le parti
6 a-t-il été appelé le SDS ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas exactement quel parti a été
8 créé en premier, le SDA ou le HDZ. Mais je suis tout à fait certain que ces
9 deux partis ont été créés avant le SDS. Avant de lui donner un nom et avant
10 de donner le nom du SDS, je crois que ce paragraphe de l'article du code
11 législatif a été modifié. A ce moment-là, on pouvait faire figurer dans
12 l'appellation d'un parti une appartenance ethnique. Je ne me souviens pas
13 de la date à laquelle ce texte de loi a été voté, mais c'est la raison pour
14 laquelle nous avons décidé d'appeler ce parti le Parti démocratique serbe.
15 Pour ce qui est du mois de septembre, en ce qui concerne le conseil
16 politique, en tout cas --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'aimerais savoir si le conseil
18 politique était un organe du SDS ou non ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Il a été prévu que ce soit un organe chargé de
20 la coopération entre différents partis mais, par la force des choses, ceci
21 est devenu un organe qui existait pour donner des conseils et est devenu le
22 conseil politique du parti du SDS, et les personnes qui étaient membres de
23 ce conseil étaient toutes Serbes, des professeurs, des docteurs, et cetera.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Au début, il s'agissait de créer un
25 organe qui servirait comme un lieu de réunion pour les intellectuels des
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1 différents partis mais, plus tard, c'est devenu un endroit où se
2 rencontraient exclusivement des intellectuels serbes puisque les autres ne
3 voulaient pas y prendre part. Donc les liens avec le SDS se sont resserrés.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Précisément.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Pourquoi les autres n'ont-ils pas voulu participer ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas.
7 M. JOSSE : [interprétation]
8 Q. Je ne suis pas sûr que vous nous ayez dit quelle était précisément
9 votre fonction, votre travail au sein de ce conseil. Quel était votre rôle
10 au sein de cet organe ?
11 R. Lors de cette réunion, la première réunion qui a eu lieu le 13
12 septembre, j'ai rencontré pour la première fois le Pr Nikola Koljevic, qui
13 a été élu en tant que président du conseil, et M. Miroslav Toholj, c'est un
14 poète, un homme de lettres, a été nommé au poste de son adjoint. J'ai été
15 le secrétaire. C'était une fonction de bénévole, je ne pouvais pas prendre
16 de décision ou voter, mais j'organisais les réunions, je faisais la liste
17 des personnes, je les informais de la tenue des réunions, et cetera. Je
18 faisais, sur la base de bénévolat, le secrétariat et l'organisation de cet
19 organe.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai toujours pas parfaitement
21 bien compris.
22 Le 13 septembre, quand vous vous rencontrez, vous vous réunissez pour
23 la première fois, est-ce qu'il s'agissait toujours de cette initiative
24 première où il s'agissait de réunir ensemble, de mettre ensemble les gens
25 appartenant aux différents groupes ethniques ou est-ce que cette réunion
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1 s'est tenue alors que cette tentative de réunir autour d'une même table les
2 gens appartenant aux différents groupes ethniques avait déjà échoué ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas très bien compris la
4 question.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 13 septembre, vous dites que
6 vous vous réunissez pour la première fois. M. Koljevic est élu en tant que
7 président de ce conseil. Vous nous avez dit entre-temps que le conseil a
8 changé, a glissé d'un projet de conseil, d'organe interpartis vers un
9 organe du SDS.
10 Je voulais savoir si, à la date du 13 septembre, vous essayiez
11 toujours à avoir, au sein de cet organe, les gens venant de différents
12 groupes ethniques, des différents partis ou est-ce qu'à ce moment-là,
13 c'était déjà un organe du parti ? Donc, à la date de la première réunion du
14 conseil.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je serais plutôt penché vers la deuxième
16 hypothèse que vous avez avancée. J'étais tout à fait conscient de cette
17 initiative. Mais jusqu'au dernier moment, j'espérais retrouver, dans la
18 salle, les représentants des autres groupes ethniques. Quand je suis entré,
19 j'ai été surpris d'y retrouver que des Serbes. Plus tard, j'ai appris
20 qu'ils avaient refusé de participer à ce conseil. Par la force des choses,
21 comme je vous l'ai dit, il s'agissait d'un conseil composé uniquement de
22 Serbes, lié avec le SDS, même par son nom, puisque le nom de cet organe
23 était le conseil politique du Parti démocratique serbe.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous espériez que cette initiative
25 d'avoir un conseil multiethnique allait porter ses fruits. Vous aviez de
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1 l'espoir le matin du 13 septembre et, vers la fin de la journée, vous avez
2 vu qu'il y a eu ce glissement et que c'est devenu un conseil de Serbes,
3 avec un seul groupe ethnique ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Vous pouvez continuer,
6 Monsieur Josse.
7 M. JOSSE : [interprétation]
8 Q. Le conseil se réunissait à quelle fréquence ?
9 R. Au début, c'était selon les besoins. Le Dr Karadzic m'informait de la
10 date de la réunion du conseil. Ensuite, j'en informais les autres membres.
11 Puisque c'était très compliqué de procéder comme cela, je pense que
12 l'initiative venait du Dr Koljevic -- excusez-moi, je me corrige.
13 C'est le Dr Koljevic qui m'informait de la tenue de la réunion
14 puisque c'était lui le président à l'époque. Peut-être qu'il se mettait
15 d'accord avec le Dr Karadzic, puisque le Dr Karadzic voulait aussi assister
16 à ces réunions puisqu'il voulait contribuer au travail de ce conseil, faire
17 des propositions, et cetera. Cela dépendait aussi de l'emploi du temps du
18 Dr Karadzic, mais du point de vue organisationnel, c'était très compliqué à
19 faire. Je pense que c'est après les élections qu'il a été défini que le
20 conseil allait se réunir tous les lundis, chaque lundi à 18 heures dans les
21 locaux du parti, les locaux qui nous ont été donnés après les élections.
22 Aujourd'hui, à cet endroit-là, se trouve l'ambassade américaine, à la place
23 de ces bureaux.
24 Q. Pourriez-vous nous donner une idée générale quant aux sujets qui
25 figuraient à l'ordre du jour de ces réunions. Quels étaient les thèmes
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1 abordés ?
2 R. Il s'agissait de débattre de ce qu'on appelait la situation politique
3 actuelle. D'un lundi à l'autre, on faisait état de la situation. Chacun
4 contribuait, donnait son point de vue, les solutions éventuelles. Le Dr
5 Karadzic s'efforçait à être présent, à moins qu'il n'était empêché par une
6 autre obligation professionnelle.
7 Selon les besoins, d'autres personnes étaient présentes que l'on
8 invitait, le président du conseil, sur proposition de membres du conseil,
9 invitait d'autres intervenants pour qu'ils nous fassent part de leur
10 spécialité pour ainsi dire, pour avoir une idée générale de la situation.
11 Si je peux ajouter aussi : après les élections multipartites, le
12 travail du conseil a changé quelque peu. Le Dr Koljevic y était entre le
13 mois de septembre jusqu'à la fin du mois de novembre quand les élections
14 ont eu lieu. Ensuite, il a été élu en tant que membre de la présidence de
15 Bosnie-Herzégovine avec Mme Biljana Plavsic qui, à l'époque, aussi était
16 membre du conseil. Ensuite, nous avons eu d'autres élections et c'est le Dr
17 Slavko Leovac qui est devenu le président du conseil. Son adjoint, c'était
18 le Dr Sava Ceklic. Sur proposition de l'académicien Leovac et du Pr
19 Koljevic, je suis devenu, moi aussi, membre de ce conseil politique de
20 plein droit.
21 Q. Quel a été l'effet pratique sur vous ? Qu'est-ce que cela vous a
22 fait que de devenir un membre de plein droit de ce conseil ?
23 R. J'ai été flatté, vraiment flatté. C'était extraordinaire que de
24 se retrouver entouré par des intellectuels de cette envergure. J'ai été
25 flatté, mon ego a grandi pour être honnête. Mais du point de vue personnel,
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1 je n'ai pas vraiment profité de tout cela. J'étais intéressé de savoir ce
2 qui se passait en Bosnie-Herzégovine, de savoir ce qui s'y passait dans
3 différents endroits. Il s'agissait vraiment d'un intérêt intellectuel
4 personnel.
5 Q. [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, si cela ne vous dérange
7 pas, j'ai encore quelques points à éclaircir.
8 M. JOSSE : [interprétation] Au contraire, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette initiative, l'initiative de
10 créer cet organe, avec la première réunion qui a été prévue le 13 septembre,
11 est-ce que l'invitation a été envoyée à tous les groupes ethniques ou est-
12 ce que cette invitation a été signée uniquement par les membres du SDS ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas eu vraiment d'invitations
14 d'envoyées, enfin pas d'invitations écrites. Avant cela, j'ai entendu
15 parler de cette initiative. Je ne sais même pas personnellement qui était à
16 l'origine de cette idée, je suis convaincu pourtant que cette initiative
17 venait du côté serbe. Mais je n'ai pas participé à l'organisation même de
18 cette première réunion.
19 Je ne saurais vous dire pour quelles raisons les Musulmans et les
20 Croates ne sont pas venus. C'est sans doute l'essence de votre question,
21 n'est-ce pas ?
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'essaie de comprendre comment se
23 faisait-il qu'il existait une telle initiative, qu'il y a eu une telle
24 initiative et que déjà lors de la première réunion, c'était un échec, enfin
25 c'était devenu un autre organe, tout autre organe, différent de ce qu'avait
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1 en tête l'organisation de la réunion. Donc, vous ne pouvez pas nous donner
2 des informations supplémentaires quant à la façon dont les gens ont été
3 invités, s'il y avait un groupe mixte qui était à l'origine de cette
4 initiative ou est-ce que c'était que des Serbes, et cetera ?
5 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Josse.
7 M. JOSSE : [interprétation]
8 Q. Les congrès annuels du SDS a eu lieu, le congrès annuel pour ainsi
9 dire, le 12 juillet 1991 à l'hôtel Holiday Inn de Sarajevo; est-ce exact ?
10 R. Oui.
11 Q. Est-ce que vous avez participé à cela, à ce congrès ?
12 R. Oui, j'ai été invité. J'ai été invité en tant que membre du comité
13 central. J'ai été même obligé d'assister à ce congrès.
14 Q. Bien. Est-ce que vous vous êtes à nouveau présenté aux élections pour
15 être élu au sein du comité central ?
16 R. Oui, oui. Je me suis porté candidat. Mais lors du vote secret, je n'ai
17 pas été élu. Donc, à partir de ce jour-là, je n'ai pas été réélu, à partir
18 du 12 juillet 1991, je n'étais pas réélu en tant que membre du comité
19 exécutif. Par ce fait, je n'étais plus membre du comité central du Parti
20 démocratique serbe.
21 Q. D'après vous, pour quelle raison vous n'avez pas été réélu en tant que
22 membre du comité central ?
23 R. C'était un vote à bulletin secret, il s'agissait d'élire le président
24 et les membres du comité central. D'après les statuts en vigueur à
25 l'époque, le président avait le droit de présenter ses propres candidats,
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1 en quelque sorte, méritants, à cause de leurs activités, et cetera. Il
2 avait ses droits et jouissait de ces droits discrétionnaires de proposer un
3 certain nombre de personnes sous forme écrite dont le nom figurait sur les
4 bulletins de vote. Mon nom figurait parmi ces personnes-là en tant qu'une
5 personne proposée par le président. Mais je pense qu'à cause du simple fait
6 que je n'étais pas actif sur le terrain, les gens ne me connaissaient pas,
7 et je n'ai pas été élu pour cela. Il s'agissait d'un vote à bulletin
8 secret. Tout était parfaitement légal, parfaitement bien organisé, des
9 élections démocratiques par excellence. Je n'ai pas eu suffisamment de
10 voix, et d'autres gens en ont eu plus que moi, et je n'ai pas été élu tout
11 simplement, aussi simple que cela.
12 Q. En ce qui concerne votre fonction au sein du conseil politique, est-ce
13 que le fait de ne pas avoir été réélu au sein du comité central a influé
14 sur votre poste au sein du conseil ?
15 R. Non, pas du tout. Ces deux choses ne se chevauchaient pas, ces deux
16 fonctions n'avaient rien à voir. Ma fonction au sein du conseil politique
17 était complètement distincte par rapport à cette fonction que j'avais au
18 sein du comité central.
19 Là, il s'agissait d'un conseil, il s'agissait de donner des conseils,
20 de donner ses points de vue et ces opinions pouvaient être très
21 divergentes. M. Karadzic, M. Koljevic, Mme Plavsic écoutaient les points de
22 vue de tout le monde, les opinions de tout le monde.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] M. le Juge Hanoteau souhaite poser
24 une question au témoin.
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voulais simplement savoir, pour ces
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1 élections du 12 juillet 1991, combien de personnes ont participé à ce vote,
2 c'est-à-dire, à ce moment-là combien de personnes actives constituaient le
3 parti ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y avait beaucoup plus de membres du
5 parti que de membres du comité central. C'était bien plus nombreux. Tous
6 les membres du parti n'avaient pas le droit de vote, c'est le statut même
7 qui le prévoit. Je ne saurais vous donner les chiffres exacts.
8 Mais je vais à peu près vous expliquer quelle était la situation. En
9 tant que membre du comité central, j'avais le droit de vote. Je pense que
10 les membres du comité exécutif aussi avaient le droit de vote, les délégués
11 venant des différentes régions bénéficiaient aussi d'un droit de vote. Je
12 dirais qu'il s'agissait d'une centaine de personnes, peut-être un petit peu
13 plus qu'une centaine de personnes.
14 M. LE JUGE HANOTEAU : Une deuxième question : à cette période-là,
15 est-ce que le parti était déjà très structuré ? C'est-à-dire, est-ce qu'il
16 y avait des cartes de membre de parti ? Est-ce qu'il y avait des
17 cotisations à payer ? Est-ce que c'était un parti très organisé ? A votre
18 avis, combien de personnes avaient adhéré à ce parti, étaient titulaires
19 d'une carte et avaient possibilité de participer activement à la vie du
20 parti à ce moment-là ? Juillet 1990, s'il vous plaît.
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, il existait bien les cartes de
22 membres du parti. Je ne saurais vous dire en revanche combien il y avait de
23 membres du parti. A vrai dire, je n'ai jamais été vraiment content de la
24 façon dont le parti avait été structuré, organisé. Ce n'était pas vraiment
25 un vrai parti politique, pas dans le sens strict du terme. C'était plutôt
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1 un mouvement. Ils n'ont jamais réussi à avoir une structure appropriée, des
2 structures techniques et administratives. Peut-être s'agissait-il du manque
3 d'argent tout simplement. C'était un parti qui n'avait pas beaucoup
4 d'argent. Je ne sais pas combien il y avait de membres mais je sais quels
5 étaient les résultats que nous avons remportés lors des élections. Quatre-
6 vingt quinze pour cent de la population serbe ont voté pour ce parti-là. Il
7 s'agissait d'un parti largement soutenu par la population.
8 En revanche, vraiment la situation avec la carte de membres, et
9 cetera, je ne saurais vous répondre, je ne connaissais pas la situation
10 telle qu'elle était.
11 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci, Monsieur.
12 M. JOSSE : [interprétation]
13 Q. M. le Juge Hanoteau a aussi posé une question concernant les
14 cotisations des membres du parti; est-ce que vous savez s'il existait de
15 telles cotisations ?
16 R. Je pense qu'il n'y avait pas vraiment de cotisation. Je pense que tout
17 cela était basé sur le principe de bénévolat mais je n'en suis pas sûr.
18 Q. Je voudrais passer à un autre sujet. En 1991, vous avez été impliqué
19 dans une organisation nommée Dobrotvor; est-ce exact ?
20 R. Oui.
21 Q. Je vais épeler ce nom, D-o-b-r-o-t-v-o-r.
22 R. Si vous voulez bien, je vais vous donner le nom complet de cette
23 organisation, l'association de charité serbe, charité. Il s'agissait-là
24 d'une organisation purement humanitaire. Dobrotvor, cela veut dire la
25 charité. Là, il s'agissait de renouveler une ancienne organisation qui
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1 existait depuis 1917. Il s'agissait d'une association purement humanitaire,
2 à but non lucratif, qui a fonctionné jusqu'en 1941, jusqu'au début de la
3 Deuxième guerre mondiale. En 1945, à cause du système de gouvernement qui
4 existait, cette association a cessé de fonctionner. Elle n'a pas été
5 interdite. Elle a cessé de fonctionner, tout simplement.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'est un problème avec
7 la façon dont vous avez épelé cela, il y a apparemment une différence entre
8 la façon dont vous l'avez épelé et la façon dont cela a été transcrit. Je
9 ne sais pas si vous avez fait l'erreur; c'est juste pour que ceci soit bien
10 clair au compte rendu d'audience.
11 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
12 M. JOSSE : [interprétation] Je suis vraiment désolé. Je me suis trompé.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était juste pour le compte rendu
14 d'audience.
15 Nous pouvons continuer.
16 M. JOSSE : [interprétation] M. le Témoin me parle de l'historique de cette
17 association, il l'a fait de façon spontanée. Mais effectivement, cela
18 m'intéresse beaucoup.
19 Q. Vous pouvez continuer, Monsieur le Témoin. Donc, vous dites qu'en 1945,
20 cette association cesse d'exister, même si elle n'a jamais été interdite ?
21 R. Oui, c'est exact.
22 Q. Ensuite, de quelle façon il y a eu le renouvellement de cette
23 association ?
24 R. Oui, c'est pour cela que j'ai dit que cette association a repris son
25 activité plutôt qu'a commencé son activité. Cette reprise d'activités,
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1 l'initiative venait d'une personne de l'église. Je dirais que cette
2 association avait des liens avec l'église, sans pour autant faire partie
3 vraiment de l'église ou sans pour autant être vraiment contrôlé par
4 l'église orthodoxe serbe, puisque de nombreux membres de cette association
5 étaient des prêtres, des hommes d'église, d'active, en quelque sorte, en
6 activité. J'ai entendu, pour la première fois, parler de cela d'un prêtre
7 de l'église orthodoxe serbe, Vojislav Carkic. Il travaillait à l'église de
8 Sarajevo, au centre de Sarajevo, l'église Preobrazenska. Après le service
9 religieux, nous avons tous participé, nous nous sommes réunis dans la cour
10 de l'église pour discuter un petit peu, et je le connaissais très bien. Je
11 connaissais aussi son frère, M. Tihomir Carkic, qui était membre du conseil
12 politique. Nous avons parlé de cela au Pr Nikola Koljevic. Il a soutenu en
13 principe notre idée en disant : oui, ceci serait extrêmement utile,
14 puisqu'il connaissait très bien l'historique de cette association et de
15 l'autre côté, nous avions déjà l'association Merhamet, l'association de
16 charité musulmane et l'association Caritas, le même type d'association
17 organisée par l'église catholique.
18 C'était une possibilité pour les Serbes, les Serbes ayant vu une
19 possibilité de reprendre, renouveler l'activité de cette association basée
20 sur le principe de volontariat et humanitaire, qui faisait du travail
21 humanitaire. A nouveau, il a fallu élire les dirigeants. Il s'agissait d'un
22 travail de taille. Tout le monde était occupé ailleurs. Chacun avait
23 beaucoup de travail ailleurs et ces fonctions étaient toutes basées sur le
24 principe de volontariat.
25 La première personne, qui était le président de cette association, la
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1 première personne qui a été proposée était le Dr Slavko Leovac, mais à
2 cause de sa maladie, il n'a pas pu accepter ce poste. Ensuite, lors d'un
3 autre congrès qui a eu lieu vers la fin du mois de novembre et qui a aussi
4 eu lieu à l'hôtel Holiday Inn, c'est le Dr Andreja Gvozdzenovic qui a été
5 nommé au poste du président de cette association, j'ai été son adjoint, et
6 je pense que c'est Mme Milica Koljevic, l'épouse de M. Koljevic, qui était
7 le secrétaire. Elle avait des qualités organisationnelles et elle était
8 intéressée par un travail humanitaire. Elle a accepté ce poste.
9 Q. Même si ce n'est pas extrêmement important, pourriez-vous nous dire de
10 façon assez succincte quel était l'objectif de cette association, en tout
11 cas, au début et au cours des six premiers mois de son existence ?
12 R. Fournir de l'aide à toutes les personnes qui avaient besoin d'aide,
13 quelle que soit leur origine technique, leur confession.
14 Q. Nous allons revenir sur Dobrotvor plus tard.
15 Je ne sais pas si je vous ai posé la question, mais à quel moment
16 exactement a-t-on renouvelé l'activité de Dobrotvor ?
17 R. Vous voulez dire à quel moment ce congrès a eu lieu ?
18 Q. Oui.
19 R. C'était vers la fin de l'année 1991, au mois de novembre ou au mois de
20 décembre.
21 Q. Nous savons tous que la situation politique a rapidement empiré en
22 Bosnie-Herzégovine au début de l'année 1992. C'est bien exact, n'est-ce pas
23 ?
24 R. Oui. Je dirais que déjà en 1991, cela ne s'est manifesté peut-être pas
25 aussi vite, mais on a pu voir des indicateurs dans ce sens. On a pu voir ce
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1 qui allait se passer avec le SDA et
2 M. Izetbegovic, président du parti. Alors que pour les Croates, la
3 situation était claire dès le départ. Si je puis le dire, en Herzégovine
4 occidentale, qui est très compacte du point de vue ethnique, beaucoup de
5 Croates -- il y a eu des discussions sur un éventuel rattachement à la mère
6 patrie. Je sais que M. Karadzic, lors d'une réunion, et ce type de réunions
7 avaient le plus souvent lieu jeudi, donc j'étais là, et ce qu'il a dit à ce
8 sujet une fois, c'est qu'il était désolé que les Croates de Bosnie aspirent
9 à la sécession. Il a dit : "Nous sommes contre une division de la Bosnie-
10 Herzégovine, mais nous n'allons pas lutter, nous battre, s'ils veulent
11 véritablement faire sécession." Je me souviens pertinemment l'avoir entendu
12 dire cela.
13 Q. Je voudrais savoir ce que vous sachiez de la situation à la fin 1991/au
14 début 1992, dans des mêmes politiques. Vous étiez, à l'époque, toujours
15 ingénieur "telecom" à temps plein, n'est-ce pas ?
16 R. Oui. Jusqu'en avril 1992.
17 Q. Oui. En fait, c'est ma faute. Je vous ai interrompu. Je voulais aller
18 d'un point qui est le suivant : vous avez sous les yeux un carnet qui
19 contient des notes que vous avez prises en préparation à cette déposition.
20 R. Oui.
21 Q. Il est exact, n'est-ce pas, qu'à ma demande, a on a procédé à la
22 photocopie de ces notes ?
23 R. Oui.
24 M. JOSSE : [interprétation] Je peux signaler aux Juges que j'ai fourni ce
25 document à l'Accusation hier. J'aurais dû demander la permission, mais ce
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1 sont des notes qui sont prises par le témoin pour se rafraîchir la mémoire.
2 Je vais lui demander cela directement.
3 Q. Vous avez préparé ces notes, vous avez pris ces notes dans l'attente de
4 votre déposition, n'est-ce pas ? Avant que l'on ne vous demande de venir
5 déposer.
6 R. Mercredi, on m'a fait savoir que, si j'étais d'accord, je pourrais
7 venir à La Haye le samedi qui suivait --
8 Q. Je vous ai posé une question tout à fait claire, orientée disons, et
9 ceci de manière délibérée. Vous pouvez répondre par oui ou par non. C'est
10 vous qui avez préparé ces notes, n'est-ce pas, dans le cadre de votre
11 déposition ?
12 R. Oui.
13 M. JOSSE : [interprétation] Nous demandons que le témoin soit autorisé à
14 utiliser ses notes dont un exemplaire a été fourni à l'Accusation.
15 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a rien à redire au fait qu'un
17 témoin consulte des documents qui sont déjà entre les mains de l'Accusation.
18 S'il n'y a pas d'objection, nous ne voyons pas pourquoi nous nous y
19 opposerions.
20 M. JOSSE : [interprétation] J'ai un exemplaire pour les Juges.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous préférons entendre les mots du
22 témoin. Du moment qu'il n'y a pas d'objection du côté de l'Accusation, je
23 ne vois pas d'inconvénients, et je vous remercie de votre esprit
24 d'ouverture et de votre transparence, Maître Josse.
25 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
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1 Q. Je voulais vous poser la question suivante : je veux savoir ce que vous
2 saviez des événements à la fin 1991 et au début de l'année 1992. Vous nous
3 avez dit, il y a quelques instants, que vous étiez un ingénieur dans le
4 domaine des télécommunications, et ceci jusqu'en avril 1992, n'est-ce pas ?
5 Est-ce que le conseil politique a continué à fonctionner jusqu'au moment où
6 vous avez quitté Sarajevo ?
7 R. Je crois que la dernière réunion du conseil politique a eu lieu vers la
8 fin mars 1992. Ensuite, la guerre a éclaté, et cette instance ne s'est
9 jamais plus réunie.
10 Q. Les réunions du conseil politique vous ont, j'imagine, fourni un grand
11 nombre d'informations politiques sur ce qui se déroulait au plus haut
12 niveau en Bosnie.
13 R. Oui.
14 Q. Bien évidemment, vous disposiez d'autres sources d'informations, les
15 médias, par exemple.
16 R. Oui.
17 Q. Parlons de vos contacts à cette période, fin 1991, début 1992,
18 contacts, en premier lieu, avec le Dr Karadzic. Avec quelle fréquence le
19 voyiez-vous à cette époque ou lui parliez-vous ?
20 R. Excusez-moi. Est-ce que vous pourriez répéter de quelle période il
21 s'agit.
22 Q. Fin 1991, début 1992. Je parle des six mois qui ont précédé votre
23 départ de Sarajevo.
24 R. Généralement, c'était lors des réunions du conseil politique.
25 Q. Parlons maintenant de votre départ de Sarajevo. Vous en avez parlé au
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1 tout début de votre déposition. Je pense qu'il serait intéressant que vous
2 nous le répétiez. Pourquoi avez-vous quitté Sarajevo ?
3 R. Tout simplement parce que j'avais peur. Les Serbes étaient terrorisés.
4 Ils craignaient que ce qui s'était déjà passé pendant les guerres
5 précédentes ne se reproduise. Ils avaient peur d'une sorte de nuit de la
6 Saint-Barthélemy, les concernant. Nous savions que les Musulmans et les
7 Croates, et surtout les Musulmans je dois dire, avaient des unités
8 spéciales qui faisaient partie de leur partis politiques, à savoir la Ligue
9 patriotique et les Bérets verts. Ce n'est qu'après la guerre que nous avons
10 compris à quel point c'était dangereux, le danger que cela consistait. Nous
11 savons qu'à un certain moment, ils avaient des célébrations. Ils
12 commémoraient tel ou tel événement. A ce moment-là, on voyait des dizaines
13 d'hommes armés.
14 Si bien qu'après la fondation du parti avant les élections, cela a
15 constitué une des raisons de conflit entre M. Srebrov et M. Karadzic. Parce
16 que M. Srebrov, lui aussi, a dit qu'il fallait que les Serbes, eux aussi,
17 se dotent d'une sorte de milice. Il a dit, je reprends ses termes, il a dit
18 : "Il faut qu'on se protège."
19 Le conflit a été assez traumatisant. Ce conflit a été traumatisant. M.
20 Karadzic a catégoriquement refusé que quoi que ce soit de ce genre soit
21 institué au sein de notre parti. Premièrement, c'était illégal; et
22 deuxièmement, nous estimions que nos adversaires politiques utiliseraient
23 cela contre nous pour s'armer encore plus.
24 Nous avions confiance dans les institutions du système. Il y avait la JNA.
25 Nous lui faisions confiance et nous pensions que, conformément à la
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1 législation, cette JNA devait protéger la souveraineté et l'intégrité
2 territoriale. Nous étions confiants aussi. Nous pensions que le ministère
3 de l'Intérieur allait faire son travail.
4 Mais au fil du temps, la manière dont j'ai vu les choses, d'ailleurs j'en
5 ai parlé à pas mal de gens, j'ai pensé que ce type de protection ne serait
6 peut-être pas à la hauteur et qu'il ne fallait pas partir du principe
7 qu'elle suffirait. Je crois que c'est la raison pour laquelle, le 3 avril,
8 en tout cas, ce dont je suis sûr c'était un mercredi, ce jour-là, j'ai
9 envoyé mon père dans notre maison de campagne qui se trouvait un peu plus
10 loin que Pale. C'est à peu près à quelques 25 kilomètres de Sarajevo. C'est
11 une maison minuscule qui fait 5 mètres sur 5 à peu près. C'est une maison
12 que j'ai construite en 1984. Mon père est parti le 3 avril avec les
13 enfants. Ma mère et moi-même, on est parti plus tard. On n'a jamais pu
14 revenir. Toutes les routes étaient bloquées. On n'a pas pu passer et on n'a
15 jamais pu revenir. L'inertie de la vie fait que je suis resté là-bas et que
16 c'est là que j'habite toujours aujourd'hui, et j'y travaille aussi. C'est
17 comme cela. C'est dans ces conditions-là que j'ai quitté Sarajevo.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je souhaiterais avoir une
19 précision.
20 Vous dites que votre père est parti le 3 avril avec les enfants. Ce
21 sont vos enfants à vous ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Il y a eu un malentendu là. Ce que j'ai dit
23 c'est qu'il est parti tout seul pour préparer la maison, pour allumer le
24 chauffage parce que cela faisait déjà bien longtemps que plus personne
25 habitait dans cette maison. Ensuite, je suis parti là-bas avec ma mère et
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1 mes deux enfants.
2 M. JOSSE : [interprétation] Peut-être pourrais-je poser encore une
3 question. J'allais parler de la situation familiale de M. Divcic. Cela
4 pourra faire la lumière sur toute cette question.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Moi, ce qui m'intéresse c'est de savoir
6 la date exacte de son départ.
7 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Procédez.
9 M. JOSSE : [interprétation]
10 Q. Avant de parler de la date précise de votre départ, Monsieur le Témoin,
11 il est exact, n'est-ce pas, que vous avez divorcé de la mère de vos deux
12 enfants à cette période, c'est-à-dire en 1991, enfin, vous étiez divorcé
13 déjà plutôt.
14 R. Non. Notre divorce a eu lieu en 1988. Sur décision du tribunal, suite à
15 un accord conclu entre moi-même et les enfants, donc c'est moi qui ai eu la
16 garde des enfants. C'est moi qui ai été chargé de les élever, j'avais donc
17 la garde de mon fils de deux ans et demi et de ma fille de quatre ans et
18 demi. J'étais un père célibataire si on peut dire, enfin, j'imagine que
19 c'est l'expression idoine.
20 Q. C'est justement ce que j'essayais de déterminer. Bon. Alors, quelle est
21 la date de votre départ de Sarajevo ?
22 R. Le 4 avril vers 11 heures, en 1992.
23 Q. Vos enfants étaient en votre compagnie ?
24 R. Oui, avec ma mère aussi.
25 Q. Votre emploi, que s'est-il passé s'agissant de votre emploi, celui que
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1 vous occupiez à Sarajevo, bien sûr ?
2 R. Cela, je ne l'ai appris que lorsque je devais recommencer à travailler
3 à d'autres fonctions à la compagnie d'électricité de Pale. A ce moment-là,
4 j'ai fait mon CV, je leur ai expliqué ce que j'avais fait avant et j'ai
5 demandé à des amis d'aller sur mon ancien lieu de travail pour trouver un
6 certain nombre de documents. J'ai découvert que le document en question
7 précisait que mon contrat de travail à la société d'électricité de
8 Sarajevo, et c'était mon premier emploi, mon père aussi y travaillait, il
9 avait pris sa retraite après y avoir travaillé, si bien que j'avais
10 commencé à y travailler le 1er janvier 1979 et d'après les documents, le
11 dernier jour de travail à cet endroit me concernant, mon dernier jour de
12 travail c'était le 11 avril 1992, sans explication, en avril 1992. Sans
13 explication sur ce document, mais en tout cas il est manifeste que j'ai été
14 démis de mes fonctions, licencié à cause de mes convictions politiques.
15 Enfin, il y peut-être une raison formelle parce qu'il faut bien dire que
16 pendant quelques jours, je ne suis pas venu travailler et que je ne les
17 avais pas prévenus de mon absence. Je crois que c'était la législation de
18 l'époque. Quand on ne se présentait pas à son travail pendant un certain
19 nombre de jours, qu'on ne donnait aucune explication à personne, on était
20 licencié automatiquement. Mais on m'a empêché d'aller à mon travail, si
21 bien que mon dernier jour de travail à la compagnie d'électricité de
22 Sarajevo, c'est le 11 avril 1992.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je regarde l'horloge.
24 J'avais déclaré que nous nous interromprions aujourd'hui vers 13 heures.
25 Est-ce que vous pourriez, dans les quelques minutes qui suivent, trouver un
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1 moment adéquat pour nous interrompre ?
2 M. JOSSE : [interprétation] Dans les quelques minutes qui suivent ou dans
3 les 15 minutes qui suivent ?
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, on a commencé à 11 heures 07, donc
5 on a dépassé l'heure et demie dans cette partie de nos travaux après la
6 pause. Il ne s'agit pas d'interrompre votre interrogatoire principal, il
7 s'agit de nous interrompre pour la journée. Je vous demande d'essayer de
8 trouver un moment adéquat pour ce faire dans les cinq minutes à venir.
9 M. JOSSE : [interprétation]
10 Q. Cette maison où vous vous trouviez dans ce village à l'extérieur de
11 Pale se trouvait à combien de distance de Pale, en kilomètres ?
12 R. A trois kilomètres.
13 Q. Quand vous êtes allé vous installer dans cette maison, on va dire que
14 c'est à Pale à partir de maintenant; est-ce qu'à ce moment-là les
15 dirigeants serbes de Bosnie étaient déjà venus s'installer à Pale ?
16 R. Non. Je vous ai dit que je voulais que mes parents qui étaient âgés et
17 mes enfants qui étaient en bas âge se trouvent dans un endroit où ils
18 seraient plus en sécurité qu'à Sarajevo. Je voulais surtout éviter qu'il
19 leur arrive quoi que ce soit.
20 Je ne voulais surtout pas, s'il y avait des problèmes, qu'ils se trouvent
21 impliqués là-dedans. J'avais l'intention de retourner ensuite à Sarajevo
22 dans mon appartement, mais ensuite j'ai constaté que toutes les routes
23 avaient été coupées. A ce moment-là, on m'a parlé d'une route dont je
24 n'avais jamais entendu parler, un chemin dont je n'avais jamais entendu
25 parler en 30 ans. C'était une sente, une espèce de sentier dans les bois
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1 qui était utilisé pour les engins qui s'occupaient de la sylviculture,
2 c'était utilisé pour ce genre d'engins, pour se déplacer dans les forêts.
3 Elle était également empruntée cette route par les véhicules tout-terrain.
4 J'ai reçu des informations selon lesquelles Radovan Karadzic était arrivé à
5 Pale. Je suis allé le voir. Je suis allé le saluer et je lui ai dit : "Bien
6 alors, qu'est-ce qu'on va faire maintenant ? Est-ce qu'on va retourner ?
7 Qu'est-ce qu'il faut faire ?"
8 Il a dit : "Bien d'abord, on va commencer par rester ici, on va s'organiser
9 ici." C'est ce qu'il m'a dit.
10 Puis ensuite, il faut dire qu'à l'époque, ils n'étaient pas du tout
11 habillés pour la saison. C'était le début avril, on était à une altitude
12 assez élevée, il faisait très froid. J'ai vu les gens que je connaissais,
13 des professeurs, des médecins, je les ai vu arriver et ils n'avaient pas du
14 tout des vêtements de saison, des vêtements appropriés vu le climat. Alors,
15 j'ai décidé d'offrir mon aide.
16 Q. Je vais vous interrompre quelques instants. Est-ce que vous pouvez nous
17 donner la date de cette conversation avec le Dr Karadzic ? En d'autres
18 termes, pouvez-vous nous dire à quelle date il est arrivé à Pale ?
19 R. Le 7 ou le 8 et le 9 avril. Je ne saurais vous le dire avec précision.
20 En tout cas, c'était deux, trois ou quatre jours après ma propre arrivée
21 sur place. C'est l'impression que j'ai.
22 M. JOSSE : [interprétation] Je suis tout à fait prêt à m'interrompre ici
23 parce que j'allais commencer à parler en détail de l'arrivée des dirigeants
24 serbes de Bosnie à Pale.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Je vais maintenant me tourner vers
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1 le témoin et je vais vous donner pour consigne, Monsieur, de ne parler à
2 personne de ce que vous nous avez dit lors de votre déposition et de ce que
3 vous allez encore nous dire. Donc aucun contact avec quiconque s'agissant
4 de votre déposition. Nous allons nous retrouver demain dans ce même
5 prétoire à 9 heures.
6 Madame l'Huissière, veuillez, je vous prie, vous occuper de faire sortir le
7 témoin du prétoire.
8 [Le témoin se retire]
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, je ne me rappelle plus
10 exactement de combien de temps on avait prévu pour ce témoin.
11 M. JOSSE : [interprétation] Excusez-moi. Quelle est votre question, vous
12 voulez savoir de combien de temps j'aurais encore besoin pour
13 l'interroger ? C'est cela ? A peu près deux heures.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Environ deux heures. Merci, beaucoup.
15 Nous reprendrons demain matin. Vous souhaitez ajouter quelque chose, Maître
16 Josse ?
17 M. JOSSE : [interprétation] Non.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est que vous étiez encore debout,
19 j'imagine que vous vous apprêtez à partir.
20 M. JOSSE : [interprétation] C'est que vous m'avez regardé. Alors quand un
21 Juge me regarde, je me mets immédiatement debout au garde à vous.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais faire attention maintenant à la
23 manière dont je regarde les gens.
24 Nous reprendrons demain matin à 9 heures dans ce même prétoire.
25 --- L'audience est levée à 12 heures 52 et reprendra le jeudi 27
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1 octobre 2005, à 9 heures 00.
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