Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 24 mars 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, j'imagine que Me Josse

6 vous a informé des problèmes qui sont arrivés lors du témoignage de M.

7 Bjelica.

8 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. On m'a informé

9 dans l'après-midi, hier. Eu égard aux circonstances, il ne nous était pas

10 possible de résoudre le problème, hier, et de nous rencontrer. Je vous

11 remercie de nous avoir permis la possibilité d'en parler pendant la nuit.

12 Notre position, Monsieur le Président, est la suivante : nous ne

13 souhaiterions pas abandonner ce temps qui nous est valable, entre le 4

14 avril et le 11, date à laquelle M. Krajisnik devait commencer son

15 témoignage. Cela donne aux Juges de la Chambre une idée de la position de

16 la Défense concernant M. Bjelica.

17 Pour ce qui est de l'arrivée de M. Bjelica, après avoir examiné la

18 lettre de Bosnie-Herzégovine, on voit tout à fait clairement que cette

19 lettre ne fait pas état du fait qu'il n'y a pas de respect des conditions

20 de l'ordonnance 90 bis; on ne dit pas non plus que M. Bjelica ne peut pas

21 être emmené ici, puisqu'à la fin de la lettre, l'auteur dit tout à fait

22 clairement que si les Juges de cette Chambre souhaitent maintenir

23 l'ordonnance 90 bis, il sera emmené au Tribunal.

24 Comme M. Josse l'a indiqué hier, Monsieur le Président, Messieurs les

25 Juges, il y a certains aspects tout à fait insatisfaisants pour ce qui est

26 de la position de la Défense. M. Josse a décrit hier la position. Notre

27 position demeure la même ce matin. J'ai également eu l'occasion de

28 m'entretenir brièvement avec M. Krajisnik avant que vous n'entriez dans

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1 cette salle d'audience ce matin, et M. Krajisnik est également d'avis que

2 l'audition de ce témoin par vidéoconférence représente certains problèmes.

3 Nous aimerions formuler une objection. Nous ne souhaiterions pas

4 abandonner ce temps précieux au début d'avril, et ne perdre ce temps qui

5 nous est si précieux au début d'avril, et nous n'aimerions pas que M.

6 Bjelica dépose par vidéoconférence.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Stewart, vous êtes

8 en train de nous dire que vous aimeriez avoir votre gâteau et le manger

9 également. Deux problèmes. D'abord, M. Bjelica qui devrait venir ici, et le

10 faire venir afin qu'il puisse être entendu avant le 4 avril, et en même

11 temps, d'après votre calendrier, je vois qu'il n'y a pas de place pour

12 faire entendre d'autres témoins.

13 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, oui,

14 effectivement. En anglais on dit : "On ne peut pas avoir son gâteau et le

15 manger aussi." Effectivement, c'est une expression anglaise. Je comprends

16 tout à fait bien.

17 On ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre, mais nous avons

18 un calendrier. Nous devons trouver un moment auquel nous pourrions faire

19 entendre M. Bjelica. C'est toujours un problème. Il faut trouver un moment

20 opportun pour le faire venir ici.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que vous préfériez ne

22 pas faire venir d'autres témoins entre-temps. Si je comprends, c'est la

23 raison pour laquelle vous aimeriez avoir le beurre et l'argent du beurre.

24 Vous aimeriez avoir un peu plus --

25 M. STEWART : [interprétation] Avec tout le respect que je vous dois,

26 je ne souhaiterais pas adopter cette expression. Si vous voulez, vous

27 pouvez adopter un point de vue sur les gâteaux, sur le beurre, et cetera,

28 et cetera. Vous pouvez vous exprimer comme vous le voulez, mais je

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1 n'accepte pas que l'on me parle de ni de gâteaux, ni de beurre, ni d'argent

2 de beurre dans ce cas-ci.

3 J'ai eu la possibilité de tout revoir, d'y repenser, et quelle que soit la

4 façon de faire venir M. Bjelica ici, je voudrais vous dire qu'un autre

5 témoin à ce moment-là devrait donner sa place à M. Bjelica. C'est quelque

6 chose qu'il faut discuter avec M. Krajisnik. Cela nous prendra un peu plus

7 de temps. Nous n'avons pas eu le temps ce matin, puisque nous n'avons eu

8 que quelques minutes avant le début de l'audience. Il s'agit d'un problème

9 technique, c'est peut-être une possibilité technique, si vous voulez je ne

10 dirai pas plus que cela. Je ne sais pas quand M. Bjelica pourrait venir

11 ici. Quelle est la date la plus rapprochée à laquelle M. Bjelica peut venir

12 déposer, peut-être mardi ? Les prochains témoins seront déplacés pour que

13 M. Bjelica puisse déposer mais il n'y a pas énormément de candidats non

14 plus puisque nous approchons la date du 4 avril, n'est-ce pas ?

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci. Un instant je vous

16 prie.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, au cours de la

19 prochaine pause, la Chambre vérifiera le calendrier de nouveau. J'ai déjà

20 dit qu'il existe une mince possibilité que la Chambre vous alloue quelques

21 jours supplémentaires, mais le calendrier doit être changé pour d'autres

22 raisons également car le 29 mars, mercredi prochain, il y a une séance

23 plénière. Même si nous avons fait tout ce que nous avons pu pour déplacer

24 cette Plénière à une autre date, nous avons même demandé la permission de

25 ne pas être présent à la Plénière, cela n'a pas été accepté. Cela veut dire

26 que nous ne siégerons pas mercredi prochain, le 4 deviendra certainement ou

27 fort probablement 5, 6 ou même 7, donc la date sera repoussée.

28 Ce que je voulais dire par là, nous allons certainement vous informer

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1 des résultats de notre réflexion et nous vous informerons de ceci à la

2 prochaine pause.

3 M. STEWART : [interprétation] Merci. Monsieur le Président. Je vous

4 remercie également de nous avoir informé de la situation pour ce qui est de

5 mercredi prochain.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a d'autre chose que vous

7 souhaiteriez ajouter ?

8 M. STEWART : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

10 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous avons reçu dans les

12 entrefaites les résumés 65 ter concernant M. Krsman.

13 Monsieur Josse, je dois dire que je n'ai pas pu, malgré toutes mes

14 préoccupations concernant ce que j'ai dit hier, car tout ceci a disparu

15 lorsque j'ai pris connaissance de l'ensemble du document. De nouveau, la

16 Chambre estime que les crimes commis par d'autres parties au conflit sont

17 importants également, mais l'attention qui doit être accordée à ces

18 derniers doit être limitée à moins qu'il n'y ait une bonne raison, une

19 raison légale valable pour soulever la question. Nous savons tous que tu

20 quoque n'est pas une défense. On ne peut pas l'évoquer et de un, et de deux

21 le Procureur de ce Tribunal est là pour juger de tous les crimes ou pour

22 accuser toutes les personnes responsables des crimes commis par toute

23 nationalité sur le territoire. Je ne dis pas que les crimes commis par

24 d'autres parties ne sont pas sérieux et dernièrement j'ai entendu que des

25 crimes avaient été commis dans la proximité, des crimes qui avaient été

26 commis de façon alléguée dans cette affaire-ci.

27 Je ne sais pas si j'ai bien résumé vos propos, Monsieur Tieger ?

28 M. TIEGER : [interprétation] Oui, tout à fait, Monsieur le Président.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Très bien. Outre l'importance de

2 comprendre de quelle façon la population ait pu réagir à ce qui leur est

3 arrivé, ceci n'est pas au cœur de cette affaire. Je ne dirais pas que cela

4 n'est pas important, que ce n'est pas pertinent, mais ce n'est pas au cœur

5 de l'affaire.

6 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais dire que la

7 Chambre a permis à l'Accusation de présenter des éléments de preuve de

8 plusieurs sources concernant la proposition ou la thèse que M. Krajisnik

9 ait encouragé les Serbes de quitter Sarajevo après l'accord de Dayton.

10 Selon nous, les éléments de preuve concernant ces meurtres brutaux de

11 civils soutiennent la thèse qu'il s'agissait d'une décision spontanée par

12 la population serbe de Sarajevo, à savoir, de partir de Sarajevo après

13 l'accord de Dayton en partie de part la façon dont ils étaient traités par

14 leurs voisins. Même si nous estimons qu'il ne s'agit pas d'une question non

15 importante, nous en tant que membres de la Défense devrons pouvoir examiner

16 le traitement qui avait été accordé aux Serbes à Sarajevo par leurs voisins

17 musulmans.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. La Chambre est tout à fait au

19 courant que la thèse de l'Accusation est celle à vouloir dire que M.

20 Krajisnik encourageait les Serbes de partir après Dayton. Corrigez-moi si

21 je ne m'abuse, mais j'ai l'impression que cet aspect particulier a une

22 importance relativement marginale pour

23 l'affaire en l'espèce.

24 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que cela représente tout à fait bien

25 la situation peut-être que d'une façon tout à fait précise ce qui en est.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci. Monsieur Josse, il

27 faudrait évaluer l'importance de cet aspect de l'affaire.

28 M. JOSSE : [interprétation] Comme vous me l'avez rappelé très justement

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1 hier, si vous nous dites que cette question n'a absolument aucune

2 importance, nous n'allons pas explorer la question. Mais de dire que c'est

3 une question marginale, cela n'aide pas la Défense du tout. C'est une

4 expression qui ne veut rien dire, qui est dénuée de sens. Je souhaiterais

5 avoir une idée plus précise. Si la Chambre dit que : Cela ne sera pas tenu

6 compte, M. Krajisnik, il ne s'agit pas d'un facteur important. Vous, les

7 représentants de la Défense, vous n'avez pas à vous préoccuper de cela, à

8 ce moment-là je comprends.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. JOSSE : [interprétation] Si vous dites "l'importance marginale," cela

11 n'est pas tout à fait clair, c'est nébuleux et cela ne veut rien dire. Je

12 crois qu'il ne s'agit pas de quelque chose de juste et nous ne savons pas

13 comment aborder tous les éléments de preuve qui sont présentés contre notre

14 client.

15 [La Chambre de première instance se concerte]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, c'est une question

17 d'équilibre. Cela n'en revient qu'à cela, en fait. C'est comme si vous

18 passiez énormément de temps à parler de certains événements et à parler de

19 certains lieux, à dire que ce n'est pas notre faute à nous.

20 Fondamentalement, nous ne sommes pas en désaccord, mais nous savons de quoi

21 vous parlez, nous savons que vous parlez d'événements qui se sont déroulés

22 pendant une période de deux ans approximativement, sur 30 municipalités

23 environ. Cela veut dire qu'il faudrait faire une priorité, il faut passer

24 plus de temps sur un aspect plutôt que sur un autre.

25 La Chambre a l'impression qu'il s'agissait plutôt d'une question qui,

26 eu égard à l'équilibre de l'ensemble des événements et à la lumière de

27 l'ensemble des événements, il ne faudrait pas passer plus de 20 % du temps.

28 Quand j'ai parlé de l'importance marginale, tout ce qui est là, tout ce qui

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1 est en marge est encore là, existe encore et fait partie de l'affaire, mais

2 il faut trouver l'équilibre nécessaire et savoir combien de temps nous

3 allons passer sur une question plutôt que sur une autre.

4 J'ai demandé à l'Accusation de me donner la confirmation, à savoir,

5 quelle importance cet élément a pour ce qui est de la présentation des

6 éléments à charge. Certainement, si vous nous disiez que c'est un élément

7 qui est plus important que d'autres, à ce moment-là, je vous l'accorderais.

8 Vous avez la liberté de passer le temps que vous voulez sur certains

9 éléments plutôt que d'autres. C'est votre temps à vous, mais votre temps

10 est néanmoins limité. Je vous invite à réfléchir sérieusement sur les

11 éléments qui sont les plus importants et les éléments qui sont moins

12 importants. Ce n'est pas aux Juges de la Chambre de décider de cela, mais

13 c'est de votre responsabilité et celle, aussi, de M. Krajisnik. Vous devez

14 conférer avec M. Krajisnik pour savoir sur quoi il souhaiterait passer plus

15 de temps.

16 Je voulais simplement savoir ou je me demandais si la Chambre trouvait que

17 cet élément a une importance telle. A ce moment-là, elle accorderait

18 beaucoup plus de temps à examiner cette affaire. Pour ce qui est de

19 l'ensemble de l'affaire, encore une fois, il ne faut pas oublier que le

20 temps est plus ou moins limité.

21 M. JOSSE : [interprétation] Oui, très bien, Monsieur le Président. Nous

22 nous demandons la même chose --

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous ne pouvez pas vous

24 attendre à ce que les Juges de la Chambre expriment d'autres -- vous

25 donnent des lignes plus précises. Nous avons simplement exprimé notre souci

26 et nous vous faisons part de notre réflexion. Je peux comprendre que la

27 Défense doit trouver des solutions à cette question, à savoir, combien de

28 temps il faut passer sur quel aspect de l'affaire, où faut-il entrer en

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1 détail ou non.

2 L'Accusation va certainement le faire. Je crois que la Défense,

3 puisque le temps est limité, va devoir se plier exactement aux mêmes

4 exigences.

5 Je vais demander maintenant à Mme l'Huissière de faire entrer le témoin

6 dans le prétoire.

7 M. JOSSE : [interprétation] Merci beaucoup.

8 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie de

9 faire ce changement pour lundi après-midi. Je sais qu'il n'est pas facile

10 d'organiser. La Défense souhaiterait vous remercier de ce changement que

11 vous avez accordé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, très bien, merci.

13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

14 LE TÉMOIN : SINISA KRSMAN [Reprise]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Monsieur Krsman. Je suis navré

17 de vous dire que si vous placez vos écouteurs de cette façon-là, ils vont

18 certainement glisser de vos oreilles. Voilà, c'est mieux. Merci. Veuillez

19 vous asseoir, Monsieur Krsman, je vous prie.

20 Je souhaiterais vous rappeler que vous êtes toujours tenu par la même

21 déclaration solennelle que vous avez prononcée hier, au début de votre

22 déposition. Avant de permettre à M. Josse de poursuivre son interrogatoire

23 principal, le Juge Hanoteau souhaiterait vous poser une question.

24 M. LE JUGE HANOTEAU : Navré, Maître Josse, de prendre la parole au début,

25 parce que j'ai une question qui surgit à la lecture de votre "65 ter

26 summary," et qui nous ramène un peu en arrière de ce qui a été dit hier.

27 C'est à propos du troisième paragraphe où il est écrit :

28 [en anglais] "However, on the eve of war, just the Sociology

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1 (inaudible) community numbered 10 000 inhabitants of Muslim ethnicity. Most

2 of their housing was illegally constructed."

3 Et au paragraphe suivant, reprend de --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends que nous avons des

5 problèmes de traduction. Il faudrait traduire en français ce que le Juge

6 Hanoteau a dit en anglais.

7 Monsieur le Greffier, le problème de traduction a-t-il été corrigé ?

8 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que le problème, ce n'est pas mes

9 écouteurs.

10 M. STEWART : [aucune interprétation]

11 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

12 M. STEWART : [interprétation] J'aimerais faire un commentaire, s'il vous

13 plaît, parce que je crois que j'ai un peu mieux écouté que mon co-conseil.

14 Le témoin ne sait pas très bien vraiment ce qu'est le résumé du 65 ter,

15 c'est assez différent, c'est un peu compliqué pour lui.

16 M. LE JUGE HANOTEAU : Ma question : je voudrais, et le témoin en a parlé

17 hier, je voudrais comprendre pourquoi --

18 [problème technique]

19 M. LE JUGE HANOTEAU : Très bien. Alors disons que c'est un début laborieux,

20 mais nous allons y parvenir.

21 Monsieur, hier, vous avez évoqué un changement dans la population,

22 changement que l'on pouvait constater très clairement au début de la guerre,

23 et vous nous avez dit qu'il y avait -- j'ai cru comprendre d'ailleurs, je

24 crois me souvenir, vous avez parlé d'une vingtaine de milliers de Musulmans

25 qui s'étaient installés dans une région qui était à prédominance serbe. Ma

26 question est la suivante : pourquoi y a-t-il eu cette modification de

27 composition de la population ? Pourquoi ces Musulmans sont venus

28 s'installer dans cette région ? Est-ce que c'est parce qu'il y a eu des

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1 créations d'industries ? Est-ce c'est de la main-d'œuvre qui est arrivée ?

2 Enfin, il doit bien y avoir une explication. J'aimerais la connaître, s'il

3 vous plaît. Voilà. Je crois que --

4 L'INTERPRÈTE : Il faudrait que le micro -- enfin, que le témoin mette son

5 micro. Merci.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Monsieur Krsman.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Cette augmentation très importante et très

8 rapide du nombre de la population musulmane avait pour but de modifier

9 l'équilibre ethnique entre les Musulmans, les Serbes et les Croates, et

10 aussi de faire pression sur la population serbe pour qu'ils perdent leur

11 dominance, en fait, parce que par exemple, Serbes ne pouvaient plus avoir

12 de droit de permis de construire pour se construire nos maisons.

13 Personnellement, mon père avait deux fils, moi et mon frère, et on ne

14 pouvait pas obtenir de permis de construire pour construire une maison sur

15 du terrain qui nous appartenait depuis 500 ans, alors qu'eux, ils pouvaient

16 construire de façon parfaitement illégale. Personne ne les inquiétait.

17 Sarajevo est une grande ville, et les gens venaient de toutes sortes

18 d'endroits. Au début, on ne pensait pas que c'était un problème politique,

19 mais suite à la guerre, on a bien vu que c'était, en fait, c'était

20 politique au départ, c'était une mesure politique qui voulait nous détruire

21 en tant que peuple. Fort heureusement, ils n'y sont pas arrivés. Ils y sont

22 arrivés autrement. Cela dit -- et cela, c'est après les accords de Dayton,

23 puisqu'on a tous quitté cet endroit. J'espère que la situation est bien

24 claire, maintenant, que ma réponse a été claire.

25 M. LE JUGE HANOTEAU : La réponse est claire, je vous remercie.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse.

27 Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

28 Q. [interprétation] Monsieur Krsman, quand nous avons levé la séance,

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1 hier, vous étiez en train de parler à la Chambre de la façon dont les armes

2 ont été obtenues depuis la caserne de Rajlovac, à peu près en mars 1992.

3 Vous avez décrit ce qui s'est passé. Vous nous avez dit que tout avait été

4 mis en œuvre par le colonel Miletic et de plus, vous nous avez dit que les

5 deux cellules de Crise des deux communautés s'étaient mises d'accord pour

6 se partager les armes.

7 Pouvez-vous nous parler un petit peu de cet accord selon lequel les

8 Serbes, d'abord, pourraient aller chercher quelques armes, et ensuite, ce

9 serait au tour des Musulmans de faire la même chose ?

10 R. En fait, on a réussi à avoir cet accord parce qu'on était très proches

11 les uns des autres. Ma maison était voisine d'une maison musulmane. Notre

12 village était voisin d'un village musulman. C'est pour cela qu'on s'est mis

13 d'accord.

14 Ensuite, c'est aussi parce que M. Krajisnik habitait à Zabrdje et il avait

15 de très bonnes relations de voisinage avec les autres. Il a insisté pour

16 que l'on puisse cohabiter, et c'est ainsi qu'on vivait en bonne entente

17 avec les Musulmans locaux qui étaient arrivés là dans les années 1970.

18 C'est avec cela qu'on s'est mis d'accord là-dessus. On s'est mis d'accord

19 sur autre chose, d'ailleurs. On a pris des explosifs depuis les casernes,

20 on a planté des mines entre eux et nous et ce, sur un cordon de cinq

21 kilomètres, pour des raisons de sûreté et de sécurité, pour éviter que ce

22 soit les extrémistes qui fassent la même chose.

23 Q. Je vous arrête, quand même, parce que je pense que vous anticipez un

24 petit peu sur mes prochaines questions. La mise en œuvre de cet accord,

25 l'application de cet accord, c'est cela qui m'intéresse. Qui donc s'est

26 occupé des négociations entre les deux communautés pour en arriver à cet

27 accord où il y aurait un partage des armes qui se trouvaient dans la

28 caserne ?

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1 R. Ce sont les deux cellules de Crise, en accord avec M. Miletic, qui

2 était le commandant de la caserne. Ils se sont tous mis d'accord ensemble.

3 Q. Oui, mais qui a pris la décision de dire comment distribuer les armes,

4 les armes à feu ? Qui a décidé quelle quantité d'armes irait à chaque

5 communauté ?

6 R. Chaque communauté a réussi à prendre tout ce qu'elle pouvait porter, en

7 fait. C'était selon le nombre d'hommes valides. Nous, on a eu 202 fusils

8 parce qu'on était 202, et eux, ils ont été plus, donc ils ont eu au moins

9 800 fusils. Nous n'avons eu que des armes légères parce qu'il n'y avait pas

10 d'armes lourdes dans la caserne. A ce moment-là, d'ailleurs, on ne pensait

11 pas qu'il pourrait y avoir la moindre escalade du conflit et qu'on en

12 viendrait à utiliser des armes lourdes les uns contre les autres. Même ces

13 armes légères, c'était juste pour servir de dissuasion. Normalement, on

14 devait les rendre à la caserne, comme cela aurait été fait après des grands

15 manœuvres par le passé. C'est comme cela qu'était organisée la Défense

16 territoriale, à l'origine.

17 Q. Dans la réponse que vous nous avez donnée, vous nous avez dit qu'après

18 avoir rassemblé les armes, vous avez posé des mines --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Monsieur Josse, bien sûr, avant

20 qu'on en parle, je sais bien que le témoin n'a pas son résumé 65 ter sous

21 les yeux, mais j'aimerais quand même que vous posiez plus de questions sur

22 ce qui vient d'être dit puisque le témoin nous a répondu qu'il y avait un

23 déséquilibre entre les deux communautés, 202 fusils contre 806. Il a dit

24 qu'il y a eu 202 fusils pour les Serbes parce qu'ils étaient 202 hommes

25 valides. Alors ces 202, dans le résumé du 65 ter, ce sont les 202 hommes

26 qui viennent du village du témoin. On sait que ce village était entièrement

27 serbe, ou presque entièrement serbe. Mais qu'en est-il des 806 ? Je me

28 demande vraiment à quoi correspond ce nombre. Leur village ? Autre chose ?

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1 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je vais bien sûr entrer dans les détails,

2 là-dessus.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 M. JOSSE : [interprétation] D'ailleurs, je vais en effet parler de ce qu'il

5 en est à propos du 65 ter. Je peux en parler tout de suite --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait bien.

7 M. JOSSE : [interprétation] Oui, en effet, c'est une question qu'il faut

8 étudier de près.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

10 M. JOSSE : [interprétation]

11 Q. Donc, ces 202 hommes qui étaient serbes et qui ont reçu des armes, d'où

12 venaient-ils exactement ?

13 R. Ils habitaient tous à Zabrdje. Il y avait 1 000 habitants, et sur ces 1

14 000 habitants, il y avait 202 hommes en âge de porter des armes. Les

15 autres, c'étaient des femmes ou des enfants, et bien sûr, ils n'étaient pas

16 en mesure de porter des armes.

17 Q. Qu'en est-il des personnes d'appartenance ethnique musulmane qui ont

18 reçu ces 800 et quelques fusils ? D'où venaient-ils ?

19 R. Ils venaient tous de Sokolje. La seule différence entre eux et nous,

20 c'est qu'ils avaient des grandes familles. J'ai travaillé pendant le

21 recensement, et je sais que chaque famille avait quatre, cinq fois encore

22 plus d'enfants. Sur 10 000 habitants, il y avait 800 hommes en âge de

23 porter des armes et c'est eux qui ont obtenu les armes.

24 Q. Ces villages de Zabrdje et de Sokolje, pourquoi est-ce que ce sont ces

25 deux villages qui ont été désignés comme étant les villages qui recevraient

26 des armes ? Pourquoi pas d'autres villages, par exemple, ceux qui étaient

27 de l'autre côté qui étaient à l'ouest de la caserne ?

28 R. Cela je ne peux pas vous donner de réponses. Je sais juste que c'était

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1 nous qui étions les plus près; c'est notre village qui était le plus près

2 de la ligne de démarcation, et c'est pour cela qu'on nous a choisis. Pour

3 ce qui est des autres villages, je ne peux pas vous dire quoi que ce soit.

4 Q. Pouvons-nous passer maintenant à ce fameux champ de mines qui a été

5 posé. Vous aviez commencé à nous en parler.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cela dit, bien sûr vous avez un

7 peu étudié la question et vous allez poser des questions au témoin, mais

8 question mathématique cela ne marche toujours pas parce que si on a 10 000

9 hommes et sur ces 10 000 personnes, il y a 800 valides, cela fait des

10 familles qui en moyenne comptent 10 à 11 personnes. Le témoin nous a dit

11 que les familles étaient des familles nombreuses, il a dit qu'ils avaient

12 trois, quatre, voire plus d'enfants alors. Là on en est à des familles de

13 neuf à 10, à 11 personnes, cela fait étrange quand même. Du point de vue

14 juste du calcul, ce n'est pas très satisfaisant. On n'arrive pas à la somme

15 et il se pourrait finalement que sur une famille moyenne qui a une taille

16 de six personnes, le père, la mère et les quatre enfants en moyenne, cela

17 ne marche pas. Il faudrait quand même qu'il y ait 1 600 pères, chefs de

18 famille. Cela dépend ce qu'on appelle un enfant, à partir de quel moment un

19 enfant devient un homme valide, un homme qui peut porter des armes, mais

20 enfin c'est assez vague quand même. Je trouve que ce n'est pas encore

21 suffisamment clair.

22 M. JOSSE : [interprétation]

23 Q. Oui, certes. Je vois que M. Krsman est en train d'opiner du chef. Vous

24 pouvez peut-être, Monsieur Krsman, répondre à la question qui vient d'être

25 évoquée par le Président.

26 R. Je serais ravi de le faire. J'étais président de la Commission du

27 recensement en 1991 pour ce qui est de la municipalité de Rajlovac, et

28 j'étais aussi responsable du recensement à Sokolje. Dans ces villages, il y

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1 avait des ménages, il y avait des adresses où on pouvait trouver jusqu'à 20

2 personnes habitant sous un même toit. Dans ce village, il y avait près de

3 mille élèves qui étaient arrivés de Sandzak, de Zepa, de Srebrenica, qui

4 allaient à l'école à Sarajevo et qui n'étaient pas des conscrits

5 militaires. Ils résidaient à ces adresses, c'est pour cela qu'il y avait

6 vraiment un nombre aussi important de personnes 10 000, ils n'étaient pas

7 tous là, tous les

8 10 000 à habiter là. C'était leur adresse légale. Puis il y avait aussi des

9 personnes âgées qui avaient vendu leur propriété à l'endroit d'où ils

10 venaient et ils avaient construit leurs maisons à Sokolje et ils s'étaient

11 enregistrés comme étant résidants de Sokolje.

12 Je sais vraiment qu'il y en a eu 806 à qui on a donné des fusils. Je l'ai

13 vu de mes yeux, et vraiment je peux vous dire que c'est pour cela qu'on

14 arrive à ces chiffres dans Sokolje.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. C'est une explication qui est quand

16 même plus rationnelle et qui nous satisfait. Maintenant, vous pouvez

17 continuer.

18 M. JOSSE : [interprétation]

19 Q. Vous dites que vous avez vu de vos yeux, quelque chose, qu'avez-vous

20 vu de vos yeux pour ce qui est des armes qui ont été distribuées depuis les

21 casernes ?

22 R. Personnellement, j'étais avec dix personnes de Zabrdje et dix personnes

23 de Sokolje. On a pris des explosifs et on a miné le territoire entre

24 Sokolje et Zabrdje. On est allé vraiment très en profondeur dans le

25 territoire et on a mis des mines sur ma propriété. On ne voulait pas que ce

26 soit uniquement sur la ligne de démarcation. On est un peu rentré sur notre

27 côté du territoire pour qu'ils voient bien qu'on ne voulait pas attaquer

28 nos voisins pour qu'ils aient plus de confiance en nous, en fait.

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1 Q. Ces mines que vous avez posées, d'où venaient-elles ?

2 R. Elles venaient de la caserne de Rajlovac, du dépôt d'armes de la

3 caserne de Rajlovac.

4 Q. Est-ce que les habitants de Sokolje, ont-ils fait la même chose, ont-

5 ils eux aussi posé des mines, à votre connaissance ?

6 R. Non, je ne crois pas. Je ne crois pas, pas avant ce moment et après, je

7 n'en sais rien.

8 Q. Dans une réponse vous avez dit que vous avez posé ces mines pour des

9 raisons de sécurité, pour éviter que les extrémistes eux-mêmes ne posent

10 les mines. De quels extrémistes vouliez-vous parler ?

11 R. Nous savions qu'à Zabrdje il n'y avait pas d'étrangers alors qu'on

12 savait qu'à Sokolje il y avait des gens qui nous voulaient du mal, qui

13 voulaient du mal à notre Etat, qui venaient d'ailleurs et qui voulaient

14 créer des problèmes et c'est pour cela qu'on s'est mis d'accord. D'ailleurs

15 on a eu peur et on a bien eu raison d'avoir peur puisqu'on l'a bien vu

16 pendant la guerre. On est resté très unit pendant la guerre. Personne n'est

17 venu nous aider. Pour ce qui est d'eux, de leur côté, ils ont reçu de

18 l'aide de toute sorte de personnes. Je pense qu'il y a d'autres personnes

19 qui pourraient en témoigner bien mieux que moi, d'ailleurs ce n'est pas

20 pour cela que je suis ici.

21 Q. Oui, est-ce qu'on pourrait maintenant vous donner la carte qui a été

22 présentée hier. On va vous donner un stylo noir et avec ce stylo pourriez-

23 vous, s'il vous plaît, indiquer sur la carte où vous avez posé des mines ?

24 R. En noir, vous avez la ligne où nous avons posé des mines, on a posé des

25 mines tout le long de la ligne.

26 Q. Combien de temps est-ce que cela vous a pris ?

27 R. Cela prend du temps, on n'était pas professionnel, on en n'avait pas

28 assez en tout cas. On a mis trois jours à miner la ligne. Chaque jour, on

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1 posait une certaine quantité de mines, et ensuite on avait sécurisé tout

2 cela jusqu'à ce que ce soit terminé.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question à poser.

4 D'abord vous avez reçu les armes et ensuite vous vous êtes occupés des

5 mines. D'abord les armes qui ont été distribuées aux Serbes et aux

6 Musulmans, 200 d'un côté, 800 de l'autre. Sur cela, vous vous étiez mis

7 d'accord. Maintenant, pour ce qui est de ces mines qui ont été posées, est-

8 ce que là aussi vous vous étiez mis d'accord là-dessus ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais c'était un accord verbal ou

11 est-ce que vous avez une trace écrite de cet accord ? Est-ce que vous savez

12 s'il y a une trace écrite ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. C'est un accord verbal. On a signé un

14 reçu pour toutes les armes et toutes les mines qu'on a obtenues à la

15 caserne. Chacun a signé son propre reçu, Serbes et Musulmans.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quand vous vous êtes mis d'accord

17 pour que les mines soient posées, pourquoi est-ce que vous avez fait le

18 posage des mines de votre côté de façon indépendante ou est-ce que vous

19 avez fait cela avec les Musulmans de Sokolje ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est nous qui avons posé les mines. Les

21 Musulmans de Sokolje étaient d'accord. Ils nous ont surveillés, ils étaient

22 à 50 à 100 mètres de nous, ils nous surveillaient. Il n'y a eu aucun

23 incident pendant la pose des mines.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Josse.

25 M. JOSSE : [interprétation]

26 Q. Il y a eu un incident à Bjelice; c'est bien correct ?

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous parlez de Bjelice ?

28 M. JOSSE : [interprétation] Oui, c'est bien Bjelice, B-J-E-L-I-C-E.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je l'ai vu sur la carte.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] Cet incident n'a pas eu lieu à Bjelice, mais à

3 côté de la station-service de Bozica.

4 M. JOSSE : [interprétation]

5 Q. En utilisant le pointeur, pourriez-vous nous montrer où se trouve cette

6 station-service Bozica ?

7 R. C'est juste là où il y a le chiffre "17."

8 Q. Maintenant, j'aimerais que vous regardiez cette nouvelle carte.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, Monsieur Josse, je pense

10 que la carte en couleur n'a pas reçu de cote.

11 M. JOSSE : [interprétation] Je suis reconnaissant --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce serait --

13 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du D153.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D153. Pour ce qui est de cette autre

15 carte, est-ce une carte qui a déjà été versée au dossier ?

16 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'était lors de la déposition sur

18 Ahatovici.

19 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait. Je suis à nouveau très

20 reconnaissant envers nos éminents collègues de l'Accusation, car c'est eux

21 qui nous ont donné cet exemplaire en couleur de cette carte. Je pourrais

22 vous donner la cote, je pense que c'est le D364.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va vérifier.

24 M. JOSSE : [interprétation] Il faudrait me donner un petit moment.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.

26 M. JOSSE : [interprétation] C'est peut-être plutôt le 386, je ne suis pas

27 vraiment sûr. Le problème c'est qu'il y a déjà énormément d'annotations sur

28 cette carte.

Page 21932

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 M. JOSSE : [interprétation] Je ne veux pas que le témoin voit cette carte.

3 Voici ce qui s'est passé : c'est M. Krajisnik qui me l'a donnée, je pense

4 qu'il l'avait reçue quand on a étudié cette carte pour la première fois.

5 C'est pour cela que cette carte-ci, que nous avons, cet exemplaire-ci que

6 nous avons sur le rétroprojecteur n'est pas marqué, n'est pas annoté.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si on pouvait maintenant la montrer

8 au témoin et quand même lui donner une autre cote.

9 M. TIEGER : [interprétation] Si cela peut vous aider, on vient de me dire

10 que l'ancienne carte était le P386.

11 M. JOSSE : [interprétation] Merci. Est-ce que je peux reprendre la carte

12 juste pour une seconde ?

13 Je suis désolé, je me suis trompé. Ce n'est pas la même carte. Il s'agit

14 d'extraits qui viennent de la même carte, mais d'extraits qui reprennent

15 différentes zones. Le 386 et cette carte-ci ne reprennent pas exactement

16 les mêmes territoires.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 M. JOSSE : [interprétation] Ce sont différents extraits d'une même carte.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais ce qui est important, c'est

20 que l'on arrive à trouver une carte où on pourrait voir la station-service.

21 M. JOSSE : [interprétation] Exactement.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Prenez-en une et mettez les numéros,

23 qu'on s'y retrouve. Je ne pense pas de toute manière que ce soit absolument

24 essentiel de perdre du temps là-dessus.

25 M. JOSSE : [interprétation] Une autre suggestion --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce vraiment essentiel d'avoir

27 l'emplacement exact de cette station-service ?

28 M. JOSSE : [interprétation] Non, de toute façon nous avons un exemplaire en

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1 noir et blanc du 386 qui n'a pas d'annotation. On pourrait faire cela, on

2 pourrait utiliser cette carte en noir et blanc.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais souvenez-vous quand même si

4 cet emplacement n'est pas d'une importance vitale --

5 Est-ce que nous pourrions avoir une cote pour la carte en noir et blanc ?

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le D153 [comme interprété].

7 M. JOSSE : [interprétation] Très bien.

8 Q. Avec le marqueur, s'il vous plaît, le marqueur noir, pourriez-vous

9 indiquer où se trouve la station-service ?

10 R. C'était sur la grande route qui venait de Vogosca vers Sarajevo. C'est

11 la grande route juste au niveau de la colline de Brijesce, exactement ici

12 d'ailleurs.

13 Q. Oui. Si vous pouviez faire une croix ou peut-être plutôt d'ailleurs

14 annoter avec un chiffre.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On pourrait plutôt lui donner une

16 lettre, la lettre "G" pour station-service; "gas station," en anglais.

17 M. JOSSE : [interprétation] Non, plutôt "P" comme "petrol station," en

18 anglais britannique.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est cela.

20 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

21 M. JOSSE : [interprétation]

22 Q. Qu'est-ce qui s'est passé là-bas, Monsieur Krsman ?

23 R. Cet événement a vraiment précipité les événements chez nous, et les

24 extrémistes du côté musulman ont cherché un prétexte pour violer le cessez-

25 le-feu. Ils ont inventé le fait qu'il y avait des Chetniks sur cette

26 station à essence Bozica et ils nous ont posé un ultimatum. Ils ont demandé

27 que toutes les armes de la caserne Rajlovac soient rendues, et ensuite, ils

28 ont attaqué depuis Bozica, depuis Sokolje, et cetera. Là, il y a eu des

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1 combats, il y a eu des personnes qui ont été blessées, et d'autres, tuées.

2 Q. A quel moment cela s'est-il passé ?

3 R. Cela s'est passé au mois de mars, entre le 15 et le 30 mars.

4 Q. Avant ou après que l'on ait pris les armes de la caserne ?

5 R. C'était après cela.

6 Q. A quel moment cela s'est passé par rapport à la pose des mines ?

7 R. Après qu'on ait posé les mines, d'après ce que nous avons appris. A

8 partir du moment où ils ont compris qu'il y avait des armes dans la

9 caserne, ils ont inventé cet ultimatum pour essayer de s'emparer du reste

10 des armes dans la caserne.

11 Q. Je vais passer à un autre sujet. En ce qui vous concerne, Monsieur

12 Krsman, à quel moment la guerre a commencé à Rajlovac ?

13 R. Précisément le 8 mai, et c'était une attaque directe venant de tous les

14 côtés du long de mon village, le village de Zabrdje.

15 Q. Nous allons en parler. Mais avant de parler de cette attaque, je

16 voudrais savoir quel était votre niveau d'aptitude au combat, les Serbes ?

17 Quels étaient les préparatifs, les armes, et cetera, dont vous disposiez

18 avant le 8 mai ?

19 R. Bien, vous voyez, on n'avait pas une seule tranchée de creusée, et

20 toutes les femmes et les enfants étaient encore à Zabrdje. Nous n'avions

21 même pas élaboré un plan d'évacuation dans l'éventualité d'une attaque et

22 nous n'avions que 200 fusils. Ceci en dit long sur notre opinion, sur ce

23 que nous pensions de ce qui allait se passer. On ne pensait pas que cela

24 allait être sérieux. On ne pensait pas qu'il allait y avoir une véritable

25 guerre.

26 Q. Est-ce qu'à l'époque, il y avait qui que ce soit qui habitait dans la

27 caserne, d'après ce que vous saviez ?

28 R. Après cette attaque contre la station à essence de Bozica, toutes les

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1 personnes de nationalité serbe qui vivaient le long de cet axe de

2 communication qui figure sur cette carte, donc tous les gens qui étaient

3 Serbes et qui habitaient le long de cet axe de communication, ils ont

4 déménagé dans la caserne en laissant leurs maisons aux Musulmans, qu'ils en

5 fassent ce qu'ils veulent, parce qu'ils avaient peur que l'incident de la

6 station à essence de Bozica ne se réitère. Il y avait peut-être 50 ou 100

7 maisons serbes, là-bas; 200 habitants, d'après mon évaluation. Ils y sont

8 allés pour être protégés.

9 Q. Avez l'aide la carte, j'espère que cela va vous être utile, je voudrais

10 vous demander de nous montrer quelles sont les premières activités

11 militaires qui ont sonné la cloche de départ de ce conflit le 8 mai.

12 R. Je vous ai montré où il y avait des mines, et ils ont attaqué vraiment

13 le long de cette ligne de séparation, là où il y a le dernier point noir.

14 Lors de la première attaque, il y a eu un premier obus qui est tombé et a

15 tué mon voisin le plus proche. Ce jour-là, il y a eu plus de 50 obus qui

16 sont tombés sur le village. Une personne a été tuée, et deux personnes ont

17 été blessées.

18 Mon frère et moi-même, nous avons fait partir nos enfants et nous ne sommes

19 jamais revenus chez nous.

20 En ce qui concerne la caserne de Rajlovac, ils ont tiré sur toutes les

21 maisons que vous voyez ici; il y en avait 20 ou 30. Ces attaques étaient

22 vraiment féroces. Ils ont surtout visé les dépôts d'armes. D'après ce que

23 nous avons appris plus tard, les Musulmans qui avaient des postes

24 d'officiers dans la caserne de Rajlovac ont dirigé cette opération de tirs.

25 Par la suite, ils sont devenus des commandants de compagnies, de

26 bataillons, et cetera.

27 Q. Comment avez-vous appris que c'étaient les Musulmans de la caserne qui

28 ont dirigé cette opération de tirs, de pilonnage ?

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1 R. A l'époque, les communications fonctionnaient encore, et il y avait des

2 officiers à nous qui étaient là-bas et qui sont restés encore une dizaine

3 de jours. Ils étaient encore à l'armée; ils faisaient leur service

4 militaire. Moi-même, personnellement, j'ai vu six Musulmans qui faisaient

5 leur service militaire dans la caserne et qui ont quitté la caserne avant

6 le 8 mai. Ils ont quitté la caserne de Rajlovac.

7 Q. Vous avez parlé d'un voisin qui a été tué. Comment s'appelait-il ?

8 R. Il s'appelait Boro Bjelica, et il a été tué devant chez lui, sur le

9 terrain qui lui appartenait, sous les yeux de ses deux enfants en bas âge.

10 Q. Et M. Bjelica était le président du SDS local, n'est-ce pas ?

11 R. Oui, comme vous avez pu voir sur la carte, il y avait même un village

12 de Bjelice, donc ils ont choisi un homme du cru pour être le président du

13 SDS de Bjelice, quelqu'un qui connaissait les gens et qui pouvait

14 rassembler les gens de son village.

15 Q. D'après ce que vous saviez, est-ce que c'était un hasard que ce soit

16 bien lui qui ait été tué ou est-ce qu'ils ont fait exprès pour tirer sur sa

17 maison ?

18 R. Non, je n'arrive pas à croire qu'ils ont fait exprès.

19 Q. N'avez-vous pas dit à l'instant que Bjelice porte le nom de cet

20 individu ?

21 R. Non, pas cette personne-là, son arrière-grand-père, peut-être,

22 s'appelait comme cela. C'est pour cela que ce lieu-dit, ce village, porte

23 le même nom que le nom de famille des personnes qui y habitent. Mais cela

24 date de quelques centaines d'années, sans doute. Vous avez d'autres

25 villages, là, qui s'appellent Lemezi, et cetera, et qui correspondent aux

26 noms de famille.

27 Q. Merci, merci. Pourriez-vous me dire combien il y avait de personnes qui

28 habitaient la caserne, à peu près, le 8 mai ?

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1 R. Le 8 mai, il y avait juste quelques officiers avec leurs familles, qui

2 habitaient la caserne, des gens qui n'avaient pas réussi à partir, qui

3 n'avaient pas réussi à être évacués. Puis, il y avait aussi un petit peu de

4 civils qui travaillaient dans la caserne de Rajlovac.

5 A partir du 8 mai, il y avait des civils qui venaient quotidiennement. Ils

6 arrivaient quotidiennement, des gens qui fuyaient la torture musulmane dans

7 la ville de Sarajevo, qui fuyaient les territoires contrôlés par les

8 Musulmans, là où les Musulmans avaient la majorité. Ce chiffre allait de

9 plusieurs centaines jusqu'à plusieurs milliers de personnes.

10 Q. Vous avez dit que vous et votre famille, vous étiez obligés d'évacuer

11 votre maison. Pourquoi ne pouviez-vous pas revenir ? Vous allez peut-être

12 penser que c'est une question un peu bête, mais non, j'ai une raison pour

13 vous la poser.

14 R. Nous ne pouvions pas revenir pour une raison simple. Ma maison se

15 trouvait sur la première ligne de front; pas seulement ma maison, mais

16 aussi les maisons de mes cousins. Tous les gens qui habitaient dans les

17 maisons qui se trouvaient sur la première ligne de front, il fallait qu'ils

18 quittent leur maison pour ne pas périr.

19 Q. Votre femme et vos enfants sont partis où exactement ?

20 R. Par un concours de circonstances, il se trouve que ma mère est

21 originaire de Pale, et c'est pour cela qu'ils sont allés vivre à Pale, chez

22 mon oncle.

23 Q. Est-ce que vous êtes allé avec eux ? Est-ce que vous les avez

24 rejoints ?

25 R. Non. Aucun homme en âge de combattre n'y est allé au cours des quelques

26 premiers mois. Ensuite, un très petit nombre de personnes sont parties, ou

27 plutôt, ont déserté.

28 Q. Après les attaques que vous avez décrites, comment avez-vous organisé

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1 votre défense ?

2 R. Voyez-vous, c'était un choc incroyable. Nous n'en croyions pas nos

3 yeux. Nous ne pouvions pas croire qu'une chose pareille allait se produire.

4 Puisque nous n'avions aucune tranchée, nous ne parlons pas de tout un

5 système de tranchées ou de formations militaires, nous n'avions même pas

6 d'hommes en âge capables d'organiser une ligne de défense, nous nous sommes

7 retirés 500 mètres en profondeur dans notre territoire. Nous avons laissé

8 cette zone comme une zone tampon qui, parfois, avait une longueur d'un

9 kilomètre, même, à certains endroits.

10 Q. Au cours des premiers mois de la guerre, pourriez-vous nous dire

11 quelles étaient les unités, les formations militaires dont disposaient les

12 Serbes, à Rajlovac même ?

13 R. A Rajlovac, comme je l'ai déjà dit, il n'y avait que des officiers de

14 haut rang, des professeurs avec leurs familles, ainsi qu'une unité de

15 gardes, je ne sais pas combien ils étaient, d'ailleurs, qui montaient la

16 garde dans la caserne. Ils y étaient jusqu'au 15, 16, 17 -- ils

17 déménageaient sans arrêt. Je sais que le commandant Miletic est parti par

18 hélicoptère le 15, et les autres sont partis en direction de la Serbie dans

19 un convoi militaire, en passant par Pale. Au début de ce convoi, il y avait

20 un trois-canons, Praga. Ensuite, il y avait les camions et les familles des

21 soldats, et à l'arrière, il y avait un autre canon à trois tubes Praga,

22 donc du même type que devant. Après cela, il ne restait que cinq officiers

23 à Rajlovac qui appartenaient à d'autres groupes ethniques - des

24 Macédoniens, par exemple, ou Monténégrins, et cetera - mais ils sont partis

25 eux aussi. Ensuite, nous avons essayé de retrouver nos officiers, des

26 Serbes de Bosnie, pour essayer d'avoir nos propres cadres militaires, nos

27 propres officiers qui étaient originaires de nos terres et qui allaient

28 nous aider, les terres que nous avons habitées depuis des siècles.

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1 Q. Je vous ai posé une question au sujet des unités militaires, des

2 formations qui existaient, et je vous ai demandé quelle était

3 l'organisation de la défense au cours des premiers mois de la guerre. Vous

4 faisiez partie, d'ailleurs, de cette force de la défense. Pourriez-vous

5 nous dire dans quelle mesure vous étiez organisés, comment cela se

6 présentait par rapport aux normes, aux critères qui régissent les armées

7 modernes ?

8 R. Nous nous sommes organisés à Zabrdje, et ce sont les gens qui

9 habitaient Zabrdje. Ensuite, dans la caserne de Rajlovac, vous y trouviez

10 des gens qui sont passés de Brijesce dans la caserne de Rajlovac. Ils ont

11 créé des compagnies là-bas, leur compagnie. Nous, à Zabrdje, nous avions

12 nos compagnies, mais nous n'avions pas vraiment de moyens de communication.

13 Nous n'avions même pas de brigades ou de bataillons. Nous n'en croyions pas

14 nos yeux. Nous n'arrivons pas à croire qu'une chose pareille ait pu se

15 produire. Ensuite, au fur et à mesure, l'armée de la Republika Srpska a été

16 créée. La situation du point de vue militaire s'est améliorée. Il y a eu

17 peu à peu la création d'une véritable armée, mais au début nous étions une

18 espèce de garde villageoise, rien de plus.

19 Q. Dans quelle mesure la JNA vous a-t-elle fourni des armes au cours de

20 ces premiers mois de la guerre ?

21 R. Les armes que nous avions, ce sont les armes que nous avions trouvées

22 dans la caserne, et ce sont aussi les armes qu'on nous avait distribuées au

23 mois de mars 1992. Nous n'avions pas d'autres armes. Je ne disposais pas

24 des informations indiquant que nous en avions besoin, même.

25 Q. Je voudrais vous montrer quelques documents. Tout d'abord, le document

26 venant de cette liasse.

27 M. JOSSE : [interprétation]

28 Q. Monsieur Krsman, apparemment, il y a deux documents identiques qui

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1 comportent pourtant deux cotes différentes du Tribunal. Peut-être qu'il y a

2 une toute petite différence entre les deux. Il y en a un qui a été envoyé

3 par fax, et l'autre non. Apparemment, il s'agit du même contenu.

4 M. JOSSE : [interprétation] Peut-être que nous pourrions donner la cote qui

5 comporte un A pour l'un et l'autre un B.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] D155, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] L'autre document, le document qui a un

9 TX en haut, ce sera le document D155A, et l'autre D155B.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] C'est celui qui est daté du 9 mai 1992.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

12 M. JOSSE : [interprétation]

13 Q. Est-ce que vous avez vu ce document avant de venir à La Haye.

14 R. Non.

15 Q. Maintenant, vous avez pu regarder ce document, vous avez pu l'examiner

16 un peu; est-ce que ce document vous dit quoi que ce soit, surtout en tenant

17 compte de la date du document ?

18 R. J'ai parlé de l'attaque des Musulmans qui a eu lieu le 8 mai, l'attaque

19 sur mon village et le quartier autour. Là on peut voir qu'ils ont fait

20 exprès, qu'ils avaient un plan quand ils nous ont posé cet ultimatum et

21 ensuite, ils nous ont attaqués. Je parle de l'ultimatum du 8 mai.

22 Q. Quelle était la nature de cet ultimatum ?

23 R. Ici, on parle des Musulmans de Buljakov Potok, pas de Sokolje. Ce sont

24 les Musulmans qui sont vraiment profondément dans leur territoire, le

25 territoire des Musulmans, pas ceux qui étaient du côté de Zabrdje. Ils nous

26 ont posé un ultimatum, à nous, les Serbes de Sokolje Brdo, nous demandant

27 de passer du côté de la Défense territoriale musulmane, et c'était

28 pratiquement ridicule. C'est triste et ridicule; que voulez-vous que je

Page 21942

1 vous dise ?

2 M. JOSSE : [interprétation] Maintenant, à nouveau, on a deux documents. Il

3 n'y en a qu'un qui est pertinent. En anglais, il s'agit du deuxième

4 document, la page 4 sur 6, où on parle du "territoire de la ville de

5 Sarajevo," en B/C/S, c'est la dernière page. C'est pratiquement à la

6 dernière page, au milieu.

7 Il s'agit d'un rapport en date du 9 mai 1992, signé pour le ministre de

8 l'Intérieur, Mico Stanisic, de la République de Serbie, Bosnie-Herzégovine,

9 où il est dit : "Sur le territoire de la ville de Sarajevo, des combats

10 féroces ont à nouveau eu lieu, précisément dans la région près de Brijesce

11 et la caserne de Rajlovac. Les formations paramilitaires musulmanes ont

12 ouvert le feu sur les forces serbes et sur les civils innocents. En ce

13 moment, il y a encore des combats, mais vu la position des Serbes, des

14 forces serbes et leurs efforts surhumains, il va sans doute y avoir encore

15 une défaite militaire des extrémistes musulmans dans un proche avenir."

16 Q. Là, on trouve la description du début de la guerre à Rajlovac. Est-ce

17 que vous pensez que c'est correct, que c'est exact ?

18 R. Oui, parfaitement. D'ailleurs, on voit bien qu'il s'agissait là d'une

19 attaque synchronisée sur toutes les régions de Sarajevo habitées par les

20 Serbes.

21 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais demander qu'on attribue une cote à

22 ce document.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D156, Monsieur le

25 Président.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. D'ailleurs, ce document comporte

27 deux différents documents.

28 Monsieur Josse, est-ce que vous allez avoir besoin du premier document ?

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1 M. JOSSE : [interprétation] Non. Je ne pense pas qu'il y ait une pertinence

2 quelconque de ce document par rapport à ce témoin.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous pourrions peut-être réfléchir à la

4 possibilité de verser uniquement le deuxième document. En anglais, ce

5 serait --

6 M. LE GREFFIER : [interprétation] Le numéro ERN est ET02089406 allant

7 jusqu'au 02089409.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais non, parce que là nous parlons de

9 deux documents. Là, il s'agit des deux documents et nous, nous ne sommes

10 concernés que par les deux dernières pages. Les documents figurant sur la

11 quatrième et cinquième page sur six.

12 M. JOSSE : [interprétation] Je ne vois pas vraiment si c'est un document ou

13 deux documents. C'est pour cela que je ne suis pas sûr quoi faire, puisque

14 apparemment la personne qui a traduit ces documents a numéroté ces

15 documents comme le document allant de la page 1 à la page 6.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons procéder de la

17 façon la plus simple possible. Nous allons garder les deux documents et il

18 y en a un qui n'est pas pertinent par rapport à la déposition de ce témoin.

19 Nous allons garder la cote D156.

20 Nous pouvons continuer.

21 M. JOSSE : [interprétation] Je pense que le moment est opportun pour qu'on

22 ait une pause.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Nous allons prendre une pause

24 jusqu'à 11 heures moins cinq.

25 --- L'audience est suspendue à 10 heures 29.

26 --- L'audience est reprise à 11 heures 10.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je crois que vous

28 vouliez soulever une question de procédure à cette étape. Je ne crois pas

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1 que la présence du témoin vous opportune.

2 M. TIEGER : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, je vous prie alors.

4 M. TIEGER : [interprétation] Concernant le document P1130, c'est un

5 document concernant le témoin précédent. Je crois qu'il y a eu une petite

6 erreur de traduction qui a été notée. L'erreur a été corrigée et les

7 exemplaires ont été fournis.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien.

9 Monsieur Stewart.

10 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai promis de vous donner une réponse

12 après la pause. C'est la raison pour laquelle notre pause a duré un petit

13 plus longtemps que prévue. Nous ne siégerons pas le 29, ce qui veut dire

14 qu'il est juste de compenser la Défense de vous accorder une journée

15 supplémentaire pour une journée perdue. Vous étiez censé terminer avant le

16 4 avril, alors le 5 avril sera la date butoir. Nous vous accordons une

17 journée de plus pour compenser pour la perte de la journée au mois de mars.

18 Puisque les Juges ont dû poser des questions au témoin, la Chambre

19 élaborera là-dessus un peu plus tard, mais nous estimons qu'il est juste de

20 vous accorder quelques jours de plus. Nous allons calculer le nombre de

21 jours qui a été employé par nous, cela veut dire que nous vous accorderons

22 également le 6, 7 et le 10 avril. C'est un lundi, à ce moment-là ces

23 journées-là seront rendues disponibles, et la Chambre a compris que puisque

24 vous vouliez que M. Bjelica dépose en personne, à ce moment-là vous

25 pourriez prendre ces journées-là et la Chambre vous donnera tout son appui

26 et toute son aide pour que M. Bjelica soit emmené au Tribunal, le 3 avril,

27 pour qu'il puisse déposer en cette date. Vous aurez la possibilité de

28 commencer le 6 ou peut-être le 5 sa déposition. Vous pourriez utiliser ce

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1 temps à bon escient.

2 Le 11 avril, c'est une journée qui est prévue pour des questions diverses,

3 donc si M. Bjelica a besoin d'une heure supplémentaire, par exemple, nous

4 pouvons nous servir de la journée du 11 aussi pour des questions de

5 procédure, et cetera.

6 Ensuite, nous arrivons au 12 et au 13 avril et vous aurez également

7 le 18 et le 19 avril qui vous permettraient de préparer le témoignage de M.

8 Krajisnik. Vous allez avoir quatre journées consécutives qui pourront vous

9 permettre de préparer son témoignage, c'est la semaine avant Pâques et le

10 mardi et le mercredi après Pâques. Ensuite la déposition de M. Krajisnik

11 débutera le 20 avril et puisque, si je me souviens bien, vous aviez 20

12 jours, vous aviez demandé 20 jours, cela voudrait dire que l'interrogatoire

13 principal devrait être terminé en date du 17 mai, et ensuite le tout sera

14 repoussé de quelques jours, bien sûr.

15 La chose que je voulais savoir, en attirant l'attention qu'il s'agit du 17

16 mai, c'est en date du 17 mai -- oui, effectivement, alors il vous faudra

17 terminer avant le 16 mai puisque si vous commencez jeudi le 20 avril, vous

18 avez 20 jours, ce qui nous ramène à mercredi le 17 mai. Cela veut dire que

19 vous devriez terminer l'interrogatoire principal en ces dates.

20 M. STEWART : [interprétation] J'imagine que le tout est décalé de quelques

21 jours, n'est-ce pas ?

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est cela exactement conformément

23 à ce changement que je viens d'énumérer. C'est ce que la Chambre vous

24 propose à ce moment et dans les cinq prochaines minutes, nous enverrons une

25 demande à la section des Témoins et des Victimes, si vous êtes d'accord de

26 faire venir M. Bjelica si possible, le 3 avril.

27 M. STEWART : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président. Je

28 vous remercie et cela nous sera fort utile.

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1 Monsieur le Président, puis-je simplement vous poser une question

2 concernant -- je ne veux pas trop vous faire perdre votre temps, mais

3 puisque toutes les dates seront décalées conformément à ces ajustements,

4 cela comprend également la toute fin, est-ce que cela veut dire que le

5 jugement de la Chambre de première instance ne sera pas rendu à la même

6 date que prévue ?

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'y reviendrai la semaine prochaine,

8 mais nous sommes en train de réfléchir sur la question, et fort

9 probablement je dois dire qu'il y a encore quelques questions à résoudre.

10 Il faudra tenir compte de quelques questions, mais il est presque

11 absolument impossible de rendre une décision avant les vacances

12 judiciaires. Maintenant il faudrait savoir les réquisitoires et les

13 plaidoiries devraient être remises avant le début des vacances judiciaires,

14 donc il faudra remettre les plaidoiries et les réquisitoires. Maintenant à

15 savoir si nous entendrons les plaidoiries et les réquisitoires avant les

16 vacances judiciaires par les parties, il faut voir encore. Il faudra y voir

17 et nous vous informerons la semaine prochaine.

18 M. STEWART : [interprétation] Est-ce qu'il serait possible d'en discuter

19 ici, c'est-à-dire, les réquisitoires et plaidoiries et est-ce que ceci peut

20 être revu en audience ?

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Nous n'allons pas passer

22 beaucoup de temps là-dessus, mais nous vous entendrons avant que vous ne

23 passiez vos réquisitoires et plaidoiries.

24 M. STEWART : [interprétation] Je vous en remercie, Monsieur le Président.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La section des Victimes et des Témoins

26 est au courant de ce dont nous sommes en train de parler et ils sont en

27 train de suivre cette audience et nous leur demandons de faire de leur

28 mieux pour pouvoir faire venir M. Bjelica ici en date du 3 avril.

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1 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Merci.

3 Monsieur Josse, c'est à vous. Je vous écoute.

4 M. JOSSE : [interprétation]

5 Q. Monsieur, je souhaiterais revenir quelque peu en arrière. J'ai oublié

6 en fait de vous demander quelque chose qui a trait à la période après avoir

7 posé les mines antipersonnel mais avant le début du conflit. J'aimerais

8 savoir si les Serbes de Zabrdje avaient reçu quelque communication que ce

9 soit au cours de cette période de la cellule de Crise de Sokolje.

10 R. Nous n'avions reçu aucune lettre. Nous n'avions reçu aucun courrier,

11 mais nous avions une ligne directe téléphonique par laquelle nous nous

12 mettions d'accord sur les activités qui seraient menées.

13 Q. Veuillez, je vous prie, d'abord expliquer aux Juges de la Chambre à

14 quoi ressemblait cette ligne téléphonique. Est-ce que c'était une ligne

15 téléphonique qui avait été commandée particulièrement pour ces fins-là ?

16 R. Oui. Puisque les PTT, la poste centrale se trouvaient à Sarajevo. Ils

17 avaient débranché tous les téléphones outre ce téléphone-là qui établissait

18 le lien entre notre cellule de Crise et la cellule de Crise de Sokolje dans

19 laquelle travaillait un certain monsieur, j'ignore son nom de famille.

20 C'est avec lui que nous menions les pourparlers, les négociations. C'est

21 avec lui que nous nous mettions d'accord pour cela. Tout allait bien

22 jusqu'au 7 mai, mais M. Semso nous a appelés le 7 mai et nous a dit : "Je

23 ne peux plus établir de contrôle sur ces extrémistes. Je ne peux plus rien

24 faire. Je ne peux pas garantir la paix." Il nous a dit qu'à partir

25 d'aujourd'hui, les choses allaient se dérouler comme elles allaient se

26 dérouler, que cette ligne allait être coupée, qu'avec cette conversation

27 téléphonique, il mettait fin à notre accord et qu'il n'y aurait plus

28 d'autres accords en vigueur entre nous et lui.

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1 Q. Est-ce que vous savez quelle position occupait Semso dans la cellule de

2 Crise de Sokolac ?

3 R. Semso était un résident de Sokolje. Il collaborait bien avec nous, mais

4 il ne pouvait plus contrôler ses gens. Il n'occupait plus ces fonctions.

5 D'autres personnes avaient occupé les fonctions qu'il avait occupées et

6 avaient pris des décisions à sa place, et très bientôt, nous avions vu ce

7 qui allait se passer, c'est-à-dire que le lendemain, on nous a attaqués.

8 C'était le 8 mai.

9 Q. Avant la pause, je vous ai posé des questions concernant des formations

10 serbes lorsque la guerre a éclaté. Comment est-ce que vous aviez perçu les

11 formations musulmanes dans les premiers mois de la guerre ?

12 R. En observant cette ligne de démarcation, nous avions remarqué à l'œil

13 nu avec quelle vitesse ils pouvaient creuser les tranchées, et nous les

14 avions même appelés par téléphone. Nous étions intéressés par ce qu'ils

15 faisaient. Nous voulions savoir pourquoi ils faisaient cela, et ils nous

16 disaient : "Mais non, ce n'est pas important, ce n'est pas grave." Ils ne

17 pouvaient pas trouver de réponse adéquate, car nous ne faisions rien dans

18 ce sens.

19 C'était très difficile de dire à une personne que nous devions

20 creuser une tranchée devant le terrain de quelqu'un, devant la maison de

21 quelqu'un ou à côté de la maison de quelqu'un, aussi. Alors personne ne

22 nous permettait de le faire. Lorsque la guerre avait éclaté, nous ne

23 pouvions pas creuser des tranchées, alors qu'eux avaient commencé déjà au

24 mois d'avril à creuser des tranchées. Ils ont intensifié leurs activités en

25 mai, car leur devise était "Creusons jusqu'à la liberté." C'est un slogan

26 qui était entendu partout dans les médias et partout ailleurs.

27 Q. Je vais vous poser une autre question dans quelques instants; mais est-

28 il exact de dire que lorsque la guerre a éclaté, vous avez pris les armes

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1 et vous avez combattu pour votre côté, votre peuple ?

2 R. Après la première attaque, nous avons procédé à la formation de cette

3 ligne de défense, mais je dois être honnête et dire qu'au cours des dix

4 premières journées, je n'ai vu personne. Ils tiraient sur nous depuis une

5 très grande distance, et nous, nous faisons la même chose, mais ces obus

6 faisaient en sorte que nous étions toujours très prêts à lancer une contre-

7 attaque. Vous devrez comprendre que même avant la guerre, personne n'avait

8 jamais tiré même pas cinq balles. Tout d'un coup, nous n'étions même pas

9 formés, avec de jeunes personnes. Les personnes étaient jeunes. Il y avait

10 des jeunes, des vieilles personnes et des malades. Il a fallu tenir le

11 coup, et les premiers six mois de la guerre étaient les mois les plus

12 importants, les plus dangereux, puisqu'un très grand nombre de personnes

13 avait péri. Nous ne savions pas comment nous comporter, comment nous

14 défendre des balles ennemies, des obus ennemis, et cetera.

15 Q. Vous parlez des tirs de l'ennemi au cours des premiers mois, et c'est

16 ce dont je vais vous parler, maintenant. Est-ce que vous étiez en mesure de

17 faire une évaluation, de savoir de quel type d'armes votre ennemi disposait

18 au cours des premiers mois de la guerre, au cours du premier mois ou des

19 premiers deux mois de la guerre ?

20 R. Au cours du premier mois de la guerre et du deuxième mois de la guerre,

21 outre les lance-roquettes avec lesquels ils nous ont attaqués, ils

22 disposaient d'armes légères.

23 Q. Avaient-ils des canons ? Est-ce qu'ils disposaient d'une artillerie ?

24 R. Au fur et à mesure que le conflit s'intensifiait, ils se sont servis de

25 toutes sortes de moyens. Il n'y a pas d'armes avec lesquelles ils ne nous

26 ont pas attaqués au cours des trois ans et demi de la guerre : canons,

27 obusiers, lance-roquettes, y compris, bien sûr, les forces de l'OTAN qui

28 ont mené une attaque, également, sur nous.

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1 Q. Je vais vous poser maintenant quelques questions concernant les

2 activités militaires de 1992. D'abord, dites-nous : vous nous avez décrit

3 la nature des groupes, des formations militaires de Rajlovac et de la

4 défense de cette ville. D'abord, au début de la guerre, de quelle façon

5 est-ce que vous vous êtes organisés de façon militaire ?

6 R. Brièvement, après la création de l'armée de la Republika Srpska, nos

7 unités étaient rassemblées en bataillon, et notre bataillon avait été

8 annexé à une brigade. A partir de ce moment-là, ma tâche était

9 exclusivement de m'occuper de ma compagnie. Le bataillon faisait son

10 travail. La brigade faisait son propre travail selon les formations

11 militaires classiques connues dans le monde.

12 Q. Vous étiez devenu commandant de compagnie, n'est-ce pas ?

13 R. Oui, c'est exact.

14 Q. Votre compagnie était connue sous quel nom ?

15 R. Ma compagnie était connue sous le nom de 3e Compagnie de Zabrdje.

16 Q. Vous faisiez donc partie de la Brigade de Rajlovac; c'est bien cela ?

17 R. Oui, nous faisions partie de la Brigade de Rajlovac. Il y avait une

18 autre compagnie composée d'hommes venant de Brijesce, et il y avait une

19 autre compagnie qui, elle, était composée d'hommes qui venaient de Reljevo,

20 Perivoj -- enfin, tout appartenait à la municipalité de Rajlovac. Ces trois

21 compagnies formaient ce bataillon.

22 Q. Combien y avait-il d'hommes dans votre compagnie ?

23 R. Au départ, nous étions 202. Certains sont morts, certains sont partis.

24 Certains qui habitaient en ville et avaient des maisons à Zabrdje ont

25 ensuite rejoint nos rangs. Il y avait des hommes, aussi, qui avaient épousé

26 des jeunes filles de Zabrdje. Ils étaient aussi très maltraités, donc ils

27 ont rejoint nos rangs. A la fin de la guerre, j'avais 176 hommes sous mes

28 ordres, et pendant toute la guerre, c'était à peu près les effectifs de ma

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1 compagnie.

2 Q. Comment avez-vous été choisi en tant que commandant de compagnie ?

3 R. Je crois qu'on m'a choisi surtout parce que j'étais assez jeune. Les

4 gens m'aimaient bien, me respectaient. J'étais connu comme quelqu'un

5 d'honnête, de brave. J'étais président de l'organisation de jeunesse. A

6 l'époque, il était très important d'être sûrs que les jeunes gens

7 n'allaient pas risquer leur vie. Il y a eu une réunion, et c'est ainsi que

8 j'ai été nommé commandant de la compagnie.

9 Q. Prenons la deuxième carte qui est en noir et blanc. Pourriez-vous

10 indiquer sur cette carte où se trouvait la ligne de front au début de la

11 guerre ?

12 R. Voulez-vous que je vous montre la ligne de front sur laquelle se

13 trouvait ma compagnie ou voulez-vous voir la ligne de front qui concernait

14 toute la Brigade de Rajlovac ?

15 Q. Je pense qu'il nous serait plus utile d'avoir la ligne de front de

16 toute la Brigade de Rajlovac. Il serait bon que vous annotiez la carte avec

17 une ligne.

18 R. C'est donc la ligne de front. Sur la carte précédente, j'ai noté la

19 position du champ de mines. Dans ma zone de responsabilité, nous avons

20 établi la ligne à environ 500 mètres, voire un kilomètre en deçà du champ

21 de mines; ainsi, cela nous permettait de mieux nous défendre.

22 Q. Les deux fronts de votre propre compagnie se trouvaient dans le

23 voisinage du champ de mines ?

24 R. Oui, juste en deçà du champ de mines. Parfois, c'était à 500 mètres du

25 champ de mines, et dans d'autres endroits, on était plutôt à un kilomètre

26 du champ de mines.

27 Q. Est-ce que ce champ de mines a été efficace en tant que protection ?

28 R. Oui, le champ de mines a bien servi; d'abord, avant que le conflit ne

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1 s'engage, c'était plutôt quelque chose qui servait de dissuasion

2 psychologique. On sait bien qu'un champ de mines ne fonctionne que s'il est

3 bien supervisé. Quand on a déplacé notre ligne, le champ de mines a été

4 complètement détruit par le gibier, par les chiens errants. Je parle ici,

5 bien sûr, des mines qui étaient déclenchées par câblage. Puis, il y avait

6 aussi des experts qui sont venus du côté musulman pour déminer le champ,

7 pour reprendre les mines, et cetera. Enfin, tout ce que j'ai entendu par la

8 suite.

9 Ce champ de mines a donc perdu son utilité de dissuasion, et au fur

10 et à mesure que la guerre a évolué, nous avons posé de nouvelles mines dans

11 de nouveaux champs de mines.

12 Q. Maintenant, brièvement, est-il vrai que la ligne s'est déplacée de

13 façon importante au cours du mois juin 1993 ?

14 R. Jusqu'à juin 1993, dans mon village, nous avons eu 37 morts. Le 12 juin

15 1993, des formations musulmanes ont attaqué Zabrdje à grande échelle, et le

16 but était de nous isoler. Ils voulaient aussi rejoindre leur unité de

17 Visoko. La ligne a été percée en profondeur, parfois sur trois à quatre

18 kilomètres, et ailleurs, dans d'autres endroits, elle est restée intacte.

19 Si vous voulez, je peux vous indiquer à quoi ressemblait la nouvelle ligne

20 de front après cette attaque du 12 juin.

21 Q. Je n'ai pas vraiment besoin de vous poser cette question.

22 Revenons plutôt à 1992. J'aimerais vous demander s'il y a eu des

23 attaques contre les civils au sein des territoires détenus par les forces

24 serbes.

25 R. Dans mon village à Zabrdje, donc dans ma zone de responsabilité, des

26 civils ont été tués, dont sept femmes, neuf ont été tués par des tueurs

27 embusqués, et une femme est morte lors d'un pilonnage.

28 Q. Pourriez-vous nous dire à peu près d'où tiraient les tireurs

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1 embusqués ? A quelle distance étaient-ils ?

2 R. On ne le voit pas sur cette carte. Nous étions sur l'élévation 484, ce

3 qui signifie que mon village, lui, était dans la vallée, et les positions

4 ennemies étaient sur les élévations 585 ou 599, voire encore plus haut. La

5 différence de dénivelé était de 80 à 100 mètres, donc la ligne que je vous

6 ai indiquée sur la carte était en dessous d'eux. On a toujours dit qu'on

7 tirait depuis une colline, mais il y a des témoins pour dire que ce n'est

8 pas vrai. Sur la carte, on le voit bien, aussi, d'ailleurs. Notre ligne

9 était à peu près à 50 à 200 mètres, et on pouvait les voir à œil nu, qui

10 était civil et qui était combattant. Sur les dix civils qui sont morts,

11 j'ai été impliqué dans huit de ces incidents et j'ai aidé à transporter ces

12 personnes.

13 Le 12 juin, une vieille grand-mère qui s'appelait Mirka Mijatovic est

14 décédée lors d'une attaque. Les autres neuf personnes, ce sont des

15 personnes qui ont été tuées par des tireurs embusqués au cours du cessez-

16 le-feu. Ils ont été tués d'une seule balle. Si vous voulez, je peux vous

17 dire les dates exactes de ces décès.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, la question était

19 simple, pourtant. On vous demandait d'où tiraient les snipers, à quelle

20 distance ils étaient.

21 Monsieur Josse, vous savez que vous pouvez utiliser tout votre temps pour

22 laisser le témoin nous donner des détails sur les différents tirs, et

23 cetera, plutôt que d'obtenir votre réponse. C'est votre temps, après tout,

24 vous en faites ce que vous voulez. Mais il n'empêche, Monsieur le Témoin,

25 que nous aimerions bien savoir à quelle distance se trouvaient les snipers.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] Les tireurs embusqués étaient à peu près à 50,

27 voire 200 mètres. Tout dépend de l'emplacement qu'ils occupaient lors des

28 tirs.

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1 M. JOSSE : [interprétation]

2 Q. Vous avez fait référence à Mme Mijatovic, qui a été tuée le 12 juin. De

3 quelle année tout d'abord ?

4 R. Le 12 juin 1993, quand il y a eu cette attaque sur Zabrdje, quand la

5 moitié du village est tombée.

6 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais être un peu

7 directif avec le témoin pour les points qui sont repris au bas de l'avant-

8 dernière page du 65 ter ainsi que les points qui sont repris en haut de la

9 page suivante. Je ne sais pas si vous me permettez de diriger. Si vous ne

10 me le permettez pas, j'essaierai de rafraîchir la mémoire du témoin

11 uniquement.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On va voir ce qui se passe et si M.

13 Tieger soulève une objection, on verra en temps et heure.

14 M. JOSSE : [interprétation] Très bien. Merci.

15 Q. Est-il vrai que vous vous souvenez qu'une dame appelée Jovanka Krsman a

16 été tuée par balle le 8 mars 1993 ?

17 R. Oui, c'est ma tante. Le 8 mars, c'est le jour de la femme et elle nous

18 a fait une tasse de café parce qu'elle voulait fêter la fête des femmes.

19 Elle est venue à l'extérieur pour nous offrir le café et elle a été

20 atteinte par la balle d'un tireur d'élite en plein dans le front. Il n'y a

21 eu qu'une seule balle tirée. On était en période de cessez-le-feu et le

22 tireur embusqué savait que c'était une femme. Elle était grande, elle était

23 en jupe. C'est évident que c'était un crime qui a été commis. On ne peut

24 pas l'appeler autrement. On a essayé de la ramener dans la maison, mais

25 malheureusement il était trop tard.

26 Q. Le 11 mai 1993, Darinka Mucukic a été tuée, elle aussi, d'une balle en

27 plein cœur. Monsieur Krsman, on n'a pas besoin de détail. Il suffit de

28 dire, oui, si vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire ?

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1 R. Oui. Ce jour-là, là encore on était en cessez-le-feu. Il n'y a eu

2 qu'une balle et cette femme Darinka Miskic a été tuée d'une balle en plein

3 cœur.

4 Q. Qu'en est-il d'une autre femme dont vous avez parlé qui aurait été

5 atteinte par tir de mortier le 12 juin 1993 ?

6 R. Elle c'est un peu différent. Elle était juste là au mauvais endroit, là

7 où il y a eu un obus. Le tir était intentionnel, mais malheureusement elle

8 se trouvait là au mauvais endroit et elle a été tuée par l'obus.

9 Q. Qu'en est-il d'une dame appelée Lemez. Elle aurait été tuée par tir de

10 canon en mai 1993 ?

11 R. Sa maison était tout près de la ligne de front, à 100 mètres environ.

12 Là encore, c'est un obus qui l'a atteinte. On n'a rien trouvé de son corps.

13 Elle était sortie pour s'occuper de ses vaches. Il y avait un cessez-le-

14 feu, une espèce de cessez-le-feu en cours et son fils a été ensuite

15 président du SDS, après feu Bjeljac.

16 Q. Une dame ensuite appelée Koviljka Krajisnik, au milieu de 1994, a été

17 tuée par un tireur embusqué ?

18 R. Cinq jours avant elle, c'est le père de M. Momcilo Krajisnik qui a été

19 blessé et on en a parlé. C'était une blessure légère, mais c'était le même

20 sniper qui, cinq jours plus tard -- bon là, Koviljka Krajisnik était

21 arrivée de Pale. Elle était venue chercher des documents. C'est là que se

22 trouvait la ligne de front après la chute de Zabrdje et le sniper l'a tuée

23 d'une balle en plein cœur.

24 Q. A votre connaissance, il s'agit bien de la femme du cousin de M.

25 Krajisnik, l'accusé ?

26 R. Oui, et leurs maisons étaient l'une à côté de l'autre.

27 Q. Maintenant parlons d'autre chose, parlons des casernes. Que s'est-il

28 passé dans les casernes en 1992 ? A quoi ont-elles servies ?

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1 R. Comme je vous l'ai dit, après que l'armée populaire de Yougoslavie a

2 quitté la caserne, et qu'elle a été occupée par les personnes qui

3 habitaient de l'autre côté de la route à Brijesce, c'est-à-dire, des Serbes

4 qui avaient quitté leurs maisons parce qu'ils avaient peur d'une attaque

5 d'extrémistes musulmans, mais ensuite la caserne a été remplie par des

6 réfugiés qui quittaient Sarajevo. Vous voyez qu'il y a un grand champ, la

7 plupart des gens venaient de ce champ. On traversait ce champ et l'exode le

8 plus important s'est fait en mai. Ils sont passés par Zuci, Perivoj et

9 Dvor. Ils sont arrivés aux casernes, ils étaient à peu près 3 000 et il y

10 avait des hommes, des femmes, des vieux, des personnes âgées, c'étaient

11 tous les gens qui habitaient là-bas, d'un autre endroit, sont arrivés dans

12 la caserne. La caserne servait presque de centre de rassemblement. C'était

13 une grande caserne avec beaucoup d'installations. Il y avait une grande

14 cuisine, et cetera, comme une caserne bien organisée. On l'utilisait à la

15 fois pour la défense et aussi comme sorte de rassemblement pour tous les

16 réfugiés qui ne savaient pas où aller.

17 Q. Pouvez-vous nous donner un ordre d'idée sur le nombre de personnes, le

18 nombre de ces personnes qui ne savaient pas où aller ?

19 R. Pour être réaliste, je crois que je peux vous dire à peu près de 4 à

20 500 personnes, parfois plus parfois moins. Il y avait des unités, cela

21 allait, cela venait, enfin il y avait deux compagnies de 100 hommes, on

22 ajoute encore 200 hommes. Il y en a qui travaillent à la cuisine, les

23 civils aussi qui travaillaient du côté de la buanderie, cela fait à peu

24 près 500 personnes, une fois que le champ de bataille s'est stabilisé.

25 Q. A part ces militaires et tous le personnel d'appui comme les

26 cuisiniers, et cetera, y avait-il d'autres occupants dans les casernes ou

27 dans les bâtiments qui étaient reliés à la caserne ?

28 R. Non, il n'y avait que les personnes dont je vous ai parlé.

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1 Q. Y a-t-il jamais eu des civils qui se sont réfugiés dans cette caserne ?

2 R. Oui, il y a eu des civils, mais on ne les appelait pas civils, c'était

3 la ligne de front. Les femmes qui travaillaient à la cuisine, à la

4 buanderie, avaient une fonction militaire. Il n'y avait pas de véritables

5 civils en tant que tel.

6 Q. Pour ce qui est des attaques de cette caserne, y a-t-il eu des

7 attaques, et le cas échéant, comment avez-vous réussi à défendre cette

8 caserne ?

9 R. La caserne était souvent visée, elle était en dessous de Sokolje.

10 Pendant la première année de la guerre, environ 200 personnes ont été tuées

11 dans la caserne et un plus grand nombre encore a été blessé. Ils

12 n'attaquaient jamais la caserne par biais d'infanterie parce qu'ils

13 pensaient qu'elle était minée et bien fortifiée, ils étaient sûrs de le

14 faire autrement. Quand vous voyez où se trouve notre dernière ligne de

15 défense, vous voyez qu'ils ont essayé d'attaquer au travers de Zabrdje à

16 trois occasions. Ils n'ont jamais réussi.

17 Q. Avez-vous connaissance d'un membre de la Brigade de Rajlovac qui aurait

18 arrêté un convoi humanitaire ?

19 R. Il y avait un point de contrôle où ma compagnie pouvait rencontrer

20 notre compagnie. C'était le nom de la grande route qui va de Visoko à

21 Sarajevo. Le dépôt central de l'aide humanitaire du HCR se trouvait à

22 Rajlovac. Tous les convois passaient par ce point. Il n'y a jamais eu de

23 moindre convoi d'arrêté. Les observateurs l'ont noté d'ailleurs, il n'y a

24 jamais eu aucun problème à aucun moment que ce soit.

25 Q. Qu'en est-il de l'alimentation de l'électricité ? Est-ce qu'il y a eu

26 des tentatives pour essayer de faire quelque chose à ce niveau-là ?

27 R. Il se fait que le transformateur était à Reljevo et c'était dans ma

28 zone de responsabilité. On n'a jamais coupé les lignes de transmission à

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1 longue distance, on n'a jamais coupé l'électricité, on n'a jamais essayé de

2 le faire. On pouvait tout simplement couper l'électricité en la coupant au

3 niveau des transformateurs en accord avec les gens qui s'en occupaient,

4 mais on n'aimait pas du tout cela parce qu'on savait à quoi servait

5 l'électricité. On n'a jamais essayé de couper l'électricité qui rentrait

6 dans la ville.

7 Q. Quand vous parlez de ville, vous parlez de Sarajevo ?

8 R. Oui. Cela dit, c'était aussi utilisé pour différents buts.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis désolé, je n'ai pas compris

10 votre question. Dans la dernière réponse, vous nous avez dit : "C'était

11 utilisé dans différents objectifs." Mais de quoi parlez-vous ? C'était

12 utilisé pour quoi et qu'est-ce qui était utilisé pour quoi ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] L'électricité devrait être utilisée par les

14 gens qui en ont besoin, par les familles, et cetera. Mais l'électricité

15 allait plutôt aux usines d'armement à Vasomiskin où ils l'utilisaient pour

16 faire des munitions, des armes, des canons. L'électricité servait à faire

17 tourner les machines qui étaient dans cette usine. C'est ce que nous ont

18 dit les gens qui avaient quitté la ville et qui travaillaient là-bas.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

20 M. JOSSE : [interprétation]

21 Q. En 1992 quand la guerre a commencé, avez-vous eu des difficultés

22 suite à une arrivée massive de réfugiés serbes ?

23 R. Bien sûr, il y avait des difficultés, mais on a eu de la chance

24 parce qu'on avait assez de réserves de nourriture, de vivres, de

25 médicaments, et cetera. Pendant cette première année de la guerre, on a pu

26 s'occuper des réfugiés. Mais au fur et à mesure que la situation a évolué,

27 la situation a empiré, il y a avait de moins en moins d'aide humanitaire et

28 après un moment, la situation est devenue très difficile.

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1 Q. Où logiez-vous les réfugiés qui arrivaient ?

2 R. Au début, ils étaient dans la caserne, et plus tard, ce sont des

3 familles qui les ont hébergés, différentes familles qui étaient un peu à

4 l'arrière. Puis, beaucoup d'entre eux sont aussi partis en Serbie ou sont

5 carrément partis à l'étranger.

6 Q. Passons maintenant à autre chose. Est-ce que vous vous souvenez de la

7 dernière fois où vous ayez vu M. Krajisnik à Rajlovac, avant que la guerre

8 ne se déclenche ?

9 R. Avant que la guerre n'éclate, je le voyais quand il rentrait chez lui,

10 cela, c'était au début de l'an 2000. C'est quand il a quitté Zabrdje en

11 hélicoptère, après je ne l'ai plus vu après les accords de Dayton.

12 Q. Oui, mais votre réponse a été traduite : "Au début de l'an 2000," c'est

13 ce que vous avez dit, Monsieur Krsman ? Oui, vous avez en effet dit l'an

14 2000, mais qu'est-ce que vous vouliez dire exactement ?

15 R. Vous avez dit au début de la guerre, c'était 1992. Je voulais dire

16 1992.

17 Q. Vous avez vu M. Krajisnik quittant le village par hélicoptère, et à

18 votre connaissance il n'y est jamais revenu jusqu'après la guerre; c'est

19 bien cela ?

20 R. Je tiens quand même à dire que je l'ai vu quand même un mois plus tard,

21 quand son meilleur ami, Momcilo, a été tué. Il est venu aux obsèques, et je

22 l'ai vu dans notre église. C'était en juin 1992. Cela, c'est vraiment la

23 dernière fois que je l'ai vu.

24 Q. Dans les mois juste avant la guerre, avez-vous jamais parlé avec M.

25 Krajisnik à propos de politique, des événements, de ce qui se passait au

26 niveau de l'Etat, enfin, je parle du début 1992 ?

27 R. Non. Avant, on a travaillé jusqu'au dernier jour, le président aussi il

28 travaillait jusqu'au dernier jour. Pendant tous ces jours-là, nous étions

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1 voisins et cela n'allait pas plus loin. Parfois, on pouvait prendre un café

2 ensemble, mais c'est vrai qu'après les choses ont été différentes.

3 Q. Je vais vous poser quelques questions au sujet de la fin de la guerre

4 et les accords de Dayton. Pourquoi n'êtes-vous pas retourné chez vous à

5 Rajlovac à la fin des hostilités ?

6 R. Je ne suis pas revenu, pas plus que mes autres concitoyens et cousins,

7 parce que tout simplement nous n'avions pas les conditions nécessaires pour

8 rentrer chez nous. Il y avait d'autres raisons aussi, mais principalement,

9 il y avait ce problème des conditions.

10 Q. Est-ce que vous avez été hébergé dans un endroit près de là ?

11 R. Nous étions tous sur un pré, littéralement. Tout d'abord, nous sommes

12 passés par des centres collectifs. Nous avons commencé à créer les

13 conditions pour vivre, qui se sont améliorées au fur et à mesure. Vous

14 savez des années sont passées depuis là. Petit à petit, les conditions se

15 sont améliorées, mais ce n'est pas encore cela.

16 Q. Est-ce que vous êtes allés vivre à Lukavica plutôt que de revenir à

17 Rajlovac ?

18 R. Il y au moins une dizaine de raisons pour cela. Tout d'abord, parce que

19 nous n'avons pas pu avoir notre propre pouvoir sur le territoire où nous

20 habitions, et c'est une requête tout à fait légitime et normale. Ensuite,

21 il fallait que l'on vive côte à côte avec les gens avec qui nous avions

22 fait la guerre jusqu'à la veille. Ensuite, tout a été détruit. Il n'y avait

23 pas d'infrastructure et pas de conditions de vie nécessaires.

24 Mais ce ne sont pas les raisons principales. La raison principale,

25 c'est que nous ne voulions pas vivre là où nous n'allions pas pouvoir faire

26 valoir nos droits par le biais des organes de pouvoir. Nous ne pouvions pas

27 avoir notre propre police, notre propre municipalité et avoir une vie digne

28 de ce nom.

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1 Q. Etes-vous en mesure de parler du rôle qu'éventuellement a pu jouer M.

2 Krajisnik par rapport au départ des Serbes de Rajlovac après la guerre ?

3 R. La dernière fois que je l'ai vu, c'était juste avant que l'on ne parte

4 de Rajlovac. Il était venu à Rajlovac, et nous avons eu une querelle très

5 importante. Nous étions 300 ou 400. Il nous disait : "Restez, restez.

6 Essayez, faites un effort. Les choses vont s'améliorer. Nous allons essayer

7 d'arranger les choses." Nous lui avons posé une question très précise.

8 Personnellement, je lui ai posé la question, devant ces 300 personnes

9 rassemblées là : "Est-ce que nous allons avoir notre police à nous et notre

10 gouvernement local ?" Il a dit : "Nous n'avons pas encore arrangé cela."

11 J'ai dit : "Ecoutez, Monsieur le Président, il n'y a rien à faire. Nous ne

12 voulons pas discuter avec vous."

13 Ensuite, cela a duré encore une demi-heure. Nous avons vraiment discuté

14 très fort, et il a insisté pour que l'on reste, mais nous ne voulions pas

15 rester. Ensuite, il y a eu des pressions très fortes à la télé, à la radio,

16 dans les médias et dans les journaux du côté musulman, et nous, nous avons

17 pris notre décision définitive de partir et de laisser tous nos biens

18 derrière.

19 Q. Pouvez-vous nous dire où cette réunion a eu lieu ?

20 R. Cette réunion a eu lieu dans la salle de fête de l'assemblée municipale

21 de Rajlovac. C'était juste avant que l'on parte. Les accords de Dayton

22 avaient déjà été signés. Il n'y avait plus de guerre. Nous ne partions plus

23 -- ces lignes de front. Il fallait juste se mettre d'accord sur la suite

24 des événements. Nous étions d'accord pour rester, mais à condition que nous

25 ayons notre propre pouvoir. Nous ne voulions pas rester sous un autre

26 pouvoir. Ceci a été respecté. Nous étions nombreux. Il y avait 8 600

27 habitants dans 11 villages, et aujourd'hui, il ne reste que 82 personnes,

28 et la personne la plus jeune parmi les personnes restées dans ce village a

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1 65 ans.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais poser quelques questions

3 tout de même.

4 M. JOSSE : [interprétation] Bien sûr.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez parlé à plusieurs reprises "de

6 votre propre police, de vos propres instances, pouvoirs, autorités." Est-ce

7 que je vous ai bien compris, est-ce que vous vouliez avoir une police serbe

8 là-bas, pour rester vivre là-bas ?

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Nous voulions que les citoyens, les

10 villageois, soient ceux qui font partie de la police. Nous ne voulions pas

11 une police de Banja Luka, par exemple. Nous voulions une police de notre

12 village, des Serbes.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce que vous vouliez exactement

14 avoir à Rajlovac ? Quel genre de municipalité ? Est-ce que cette

15 municipalité devait comprendre les villages autour de Rajlovac, qui étaient

16 habités par des Musulmans en majorité ?

17 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, quand cette délégation

18 est partie signer les accords de Dayton, à l'esprit, nous avions tous des

19 requêtes maximales. Nous pensions que le territoire serbe allait être lié,

20 mais les accords de Dayton ont été complètement différents. Nos territoires

21 n'étaient plus liés. Nous étions dans un ghetto, pratiquement. Il n'y avait

22 plus aucune communication avec les autres territoires serbes, donc,

23 puisqu'ils sont majoritaires, nous revenions à la situation d'avant la

24 guerre. Puisqu'ils étaient en majorité, ils allaient demander que la

25 situation soit comme avant la guerre, et c'est pour cela même qu'ils nous

26 ont fait la guerre.

27 Aujourd'hui, c'est une terre libre. On nous a restitué nos biens.

28 Tout le monde peut revenir, mais cependant, personne n'est revenu. Aucun

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1 enfant serbe n'est né sur cette terre au cours des 12 dernières années. M.

2 Krajisnik n'est pas là pour nous dire : "Allez-y, revenez, retournez là-

3 bas." Les gens ne veulent pas y aller. Les gens veulent vivre dans une

4 terre serbe, sur un territoire serbe lié. C'est pour cela que nous voulions

5 notre police serbe. Nous ne pouvions pas faire confiance à leur police, à

6 leurs hommes politiques. Ils nous ont menacés de tous nous arrêter.

7 Heureusement, nous sommes restés parmi nous, vivre comme des Serbes

8 honnêtes tout simplement, sans plus.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Maître Josse.

10 M. JOSSE : [interprétation]

11 Q. Qu'en est-il des morts serbes ? Est-ce qu'ils ont été enterrés à

12 Rajlovac ? Qu'est-ce qui s'est passé avec leurs tombes ?

13 R. C'était l'une des choses les plus difficiles que j'ai vécues dans ma

14 vie. Je ne suis pas un lâche; pendant la guerre, j'ai eu même une médaille

15 de courage. Le père d'un de nos gars qui a été tué m'a demandé de creuser

16 sa tombe pour récupérer son corps et pour le faire enterrer dans le

17 territoire serbe. Cela vous en dit long sur la peur des gens, la peur des

18 représailles que ces gens allaient faire à partir du moment où ils allaient

19 entrer dans notre territoire. D'ailleurs, très vite, cela s'est avéré très

20 vrai, puisque dans notre cimetière, là où la famille de Krajisnik a été

21 enterrée, ils ont profané ces tombes. Ils ont même profané la tombe de son

22 épouse, sa feue épouse qui était notre institutrice, à une époque. Cela

23 vous démontre bien à quel point ils avaient la haine contre nous; pas tous,

24 mais ceux qui étaient les plus extrémistes parmi eux. C'est encore une

25 preuve qui vient à l'appui de cette nécessité que nous ressentions de

26 quitter ce territoire.

27 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire quel était le rôle, à votre avis, de

28 M. Krajisnik sur la guerre dans votre territoire, dans votre région ? Est-

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1 ce qu'il empirait les choses ?

2 R. Tous ceux qui connaissaient M. Krajisnik savaient que c'était un bon

3 père de famille, un bon professionnel de haut niveau. Je sais pertinemment

4 qu'il n'était pas intéressé par la politique. On l'a forcé à faire de la

5 politique. Vous savez, nous, les Serbes, quand on nous donne une tâche, on

6 essaye de la faire de notre mieux. Nous ne voulions pas la guerre, mais à

7 partir du moment où l'on a commencé à faire la guerre, on voulait gagner,

8 et c'était comme cela avec M. Krajisnik aussi.

9 Il a été un correct professionnel, et il a tout fait pour éviter la guerre,

10 tout. Mais vous savez, la vie est ainsi faite. L'histoire va montrer qui

11 étaient les coupables dans tout cela, mais personnellement, je pense qu'il

12 n'est pas du tout coupable.

13 M. JOSSE : [interprétation] Ceci termine mon interrogatoire, Monsieur le

14 Président.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Maître Josse.

16 Monsieur Tieger, est-ce que vous êtes prêt à commencer votre contre-

17 interrogatoire ou est-ce que vous préférez avoir une pause tout d'abord ?

18 Ensuite, après la pause, vous aurez un petit plus qu'une heure.

19 M. TIEGER : [interprétation] Bien, je ne voudrais pas réduire le temps qui

20 m'est imparti, mais si je veux bénéficier de la même quantité de temps,

21 oui, effectivement, j'aimerais bien prendre une pause.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, donc nous allons prendre une

23 pause et nous allons reprendre nos travaux à une heure moins 25.

24 --- L'audience est suspendue à 12 heures 12.

25 --- L'audience est reprise à 12 heures 41.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, c'est M. Tieger qui va

27 vous poser des questions dans le cadre de son contre-interrogatoire. C'est

28 le conseil du bureau du Procureur.

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1 Monsieur Tieger, vous pouvez poursuivre.

2 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

3 Contre-interrogatoire par M. Tieger :

4 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Krsman.

5 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais demander que l'on distribue les

6 documents en partie.

7 Q. Monsieur Krsman, dans un instant, l'Huissier va vous donner toute une

8 série de documents. Je voudrais vous demander qu'à chaque fois que j'attire

9 votre attention sur un document figurant au niveau d'un intercalaire

10 particulier, d'examiner ce document et de vous concentrer pour répondre aux

11 questions posées.

12 Monsieur Krsman, hier vous avez parlé de l'initiative de créer ou rétablir,

13 comme vous avez dit, la municipalité de Rajlovac et vous avez dit qu'à

14 l'intérieur de la municipalité existante, la municipalité de Novi Grad, il

15 y a eu des oppositions quant à cette initiative. C'est pour cela que je

16 vous demanderais d'examiner l'intercalaire 25.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur l'Huissier, pourriez-vous aider

18 le témoin, s'il vous plaît, pour qu'il puisse trouver ces documents en

19 B/C/S. C'est souvent après le document en anglais que cela se trouve. C'est

20 un exemplaire qui est souvent derrière l'exemplaire en anglais.

21 M. TIEGER : [interprétation]

22 Q. Monsieur Krsman, au niveau de l'intercalaire 25, on peut trouver toute

23 une série de lettres venant de différentes entreprises. La première vient

24 de l'entreprise Vemex de Sarajevo en date du 15 octobre 1991.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle cote ?

26 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1131.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

28 M. TIEGER : [interprétation]

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1 Q. Je voudrais attirer votre attention sur le président de l'assemblée

2 municipale de Novi Grad, à qui est adressé cette lettre. Vous verrez,

3 Monsieur Krsman, qu'il s'agit là d'une demande numérotée d'ailleurs et

4 datée concernant l'initiative sur la séparation des municipalités et la

5 création d'une nouvelle communauté locale à Rajlovac. Dans la réponse de

6 Vemex, on peut lire : "Nous considérons que l'initiative concernant la

7 séparation et la création d'une nouvelle communauté locale dans la

8 communauté locale qui existe déjà, à savoir, la communauté locale de

9 Rajlovac, ne peut pas être justifiée et que cette initiative n'est pas

10 fondée dans des motifs politiques ou économiques. C'est pour cela que nous

11 ne sommes pas pour cette séparation ou pour une création d'une nouvelle

12 communauté locale. Nous votons pour garder les choses telles qu'elles sont

13 à présent."

14 Monsieur Krsman, je voudrais aussi attirer votre attention sur la troisième

15 lettre qui aura la cote --

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quelle cote ?

17 M. LE GREFFIER : [interprétation] P1132.

18 M. TIEGER : [interprétation]

19 Q. -- en date du 29 octobre 1991, à nouveau la lettre adressée à la

20 municipalité de Novi Grad répondant à une demande de point de vue. On leur

21 demande leur point de vue concernant la création de cette commune locale

22 qui sera séparée par rapport à la commune locale de Rajlovac. Dans la

23 réponse il est dit que l'on considère qu'il n'y a pas de justificatifs ou

24 de fondements économiques ou politiques pour une telle division. Ensuite on

25 peut lire : "Nous employons 475 ouvriers de toute appartenance ethnique, et

26 nous voudrions attirer votre attention sur le fait que cette entreprise ne

27 souhaite pas appartenir à une communauté locale particulière, une

28 communauté locale qui serait par ailleurs établie selon des critères

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1 d'appartenance ethnique."

2 Monsieur Krsman, ces deux lettres montrent bien qu'il y a eu opposition à

3 cette initiative, l'initiative de séparation de la municipalité de

4 Rajlovac ?

5 R. Oui, et je peux vous en parler effectivement à juste titre parce que

6 j'ai travaillé dans les trois entreprises citées aussi bien à Vemex que

7 Sprind ou Bitas.

8 Q. Je vous en remercie, mais la chose qui m'intéressait, c'est de savoir

9 quelles étaient les réactions à cette initiative concernant la création

10 d'une nouvelle municipalité de Rajlovac ? Si je vous ai bien compris, dans

11 cette lettre on peut voir que les entreprises n'étaient pas favorables à

12 cette initiative ?

13 R. Oui, mais vous savez ces trois entreprises sont tellement petites,

14 qu'elles ne font que 5 % de l'économie de notre municipalité. Vemex, de

15 toute façon, n'était pas sur le territoire de notre municipalité. Vemex

16 n'avait qu'une boutique dans notre municipalité. Bitas, c'est une

17 entreprise dont le siège se trouvait à Sarajevo et le directeur de cette

18 entreprise est un Musulman et c'est pour cela qu'il a écrit cette lettre.

19 En ce qui concerne la dernière entreprise, l'entreprise Upitrans [phon],

20 c'est une entreprise de Sokol qui comptait 250 ou 300 employés. Leur

21 directeur a écrit cela de son propre gré. Il n'a pas consulté les autres,

22 et je ne dis pas que c'est faux, je dis tout simplement que ces gens

23 n'avaient aucune importance par rapport à la vie économique de notre

24 municipalité.

25 Q. Ils n'ont jamais dit qu'ils représentaient la majorité ou l'électorat

26 quelconque. Tout ce qu'ils font, c'est faire état de leur réponse, de leur

27 position quant à cette initiative, n'est-ce pas ?

28 R. Oui. Ils ont répondu, mais le manager de cette entreprise, enfin de

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1 cette boutique de Vemex, la seule boutique Vemex dans notre communauté, il

2 était en même temps le président de la commune municipale de Sokol. Il a

3 fait cela parce que cela l'arrangeait tout simplement. De toute façon,

4 Vemex n'avait qu'une seule boutique à Sokol et un employé, et c'était cet

5 homme-là, le manager de la boutique.

6 En ce qui concerne Bitas, j'ai bien travaillé dans cette entreprise à

7 l'époque où j'étais étudiant à mi-temps. Et 90 % des employés de cette

8 entreprise étaient des Musulmans, des ouvriers sans aucune qualification,

9 qui d'ailleurs n'habitaient même pas dans notre commune locale. D'ailleurs,

10 leurs signatures ne figurent pas dans ce document. Peut-être qu'on les a

11 forcés même d'y souscrire, à cette lettre.

12 Q. De toute façon, Monsieur Krsman, la municipalité de Rajlovac a été

13 créée à partir de ce qui était avant Novi Grad, et a été créée, confirmée

14 en quelque sorte, par l'assemblée du peuple serbe de Bosnie, n'est-ce pas ?

15 R. Oui, vous avez raison.

16 Q. Hier --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous venez de présenter trois lettres,

18 comme vous dites, mais en réalité, vous en présentez quatre. On a deux

19 lettres en anglais, ensuite, une lettre en B/C/S, et une autre lettre en

20 B/C/S avec une traduction qui n'a rien à faire avec l'original, semble-t-

21 il. Voulez-vous, s'il vous plaît, examiner la troisième lettre venant de

22 l'entreprise de Sarajevo, apparemment, l'entreprise Vemex [comme

23 interprété]? C'est une lettre assez longue. Le témoin a parlé aussi de

24 l'entreprise Upi. Même si je vois cette lettre en B/C/S, je ne la vois pas

25 en anglais. Je ne sais pas si vous voulez utiliser cette lettre, si vous

26 voulez vous appuyer sur ces documents, mais si vous voulez le faire, nous

27 avons besoin de recevoir aussi la traduction en anglais de cette lettre. Si

28 vous voulez aussi utiliser la lettre concernant l'entreprise Sprind, dans

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1 ce cas-là, il nous faut l'original de la lettre en B/C/S.

2 Est-ce que vous voyez où est le problème ou est-ce que vous, vous avez

3 autre chose dans vos documents ?

4 M. TIEGER : [interprétation] Puisque j'ai donné lecture de ce qui figure,

5 de ce que je trouve important dans cette lettre venant de Sprind en date du

6 29 octobre, peut-être --

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais le témoin ne l'a pas vue, n'est-ce

8 pas ?

9 M. TIEGER : [interprétation] Mais je l'ai lu à haute voix. Je ne dis pas

10 que je n'ai pas besoin de lui montrer cette lettre --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Demandez une traduction tout simplement

12 et ensuite, vous reviendrez là-dessus, si vous voulez, plus tard. Il

13 faudrait que tout ceci soit correctement préparé au plus tôt.

14 M. TIEGER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

15 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais vous

16 demander que l'on explique au témoin ce qui vient de se passer, parce que

17 je ne suis pas vraiment sûr que le témoin a compris ce qui se passe

18 exactement, et je ne suis pas sûr vraiment qu'il est en mesure de suivre

19 les documents qui sont placés devant lui.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, puisque de toute façon, on a parlé

21 d'un document qui n'a même pas une cote pour l'instant, il s'agit de la

22 lettre Bitas.

23 M. JOSSE : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, on vous a demandé

25 d'examiner un certain nombre de documents, mais tous ces documents n'ont

26 pas été correctement traduits et on n'a pas tous les documents dont nous

27 avons besoin, donc pour l'instant, oubliez tout simplement les documents

28 qui figurent à l'intercalaire 25, et M. Tieger va vous présenter ces

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1 documents ultérieurement.

2 M. TIEGER : [interprétation] Je pense tout de même qu'il serait utile de

3 montrer au témoin la lettre Bitas parce que le témoin en a parlé. Peut-être

4 que nous pourrions en parler immédiatement nous aussi, puisque nous avons

5 la traduction aussi; pour ce document, nous l'avons en deux langues.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous allez, par la suite,

7 présenter les trois lettres.

8 M. TIEGER : [interprétation] Oui, effectivement.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas-là, la lettre Bitas va

10 recevoir la cote P1133.

11 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite, nous allons traiter des autres

13 documents et des autres lettres.

14 M. TIEGER : [interprétation] Merci.

15 Q. Monsieur Krsman, je voudrais vous demander d'examiner ce qui figure à

16 l'intercalaire 12. Il s'agit d'un décret concernant l'entrée en vigueur de

17 lois portant la création de la municipalité de Rajlovac.

18 Il s'agit du document P64, classeur 24, note de bas de page 622. Je

19 pense qu'il faudrait peut-être attribuer une nouvelle cote.

20 M. JOSSE : [interprétation] Oui, je pense qu'il faudrait effectivement

21 attribuer une nouvelle cote à ces documents dans le cadre de cette

22 entreprise présentement commencée par M. Haider.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, effectivement. Il s'agira d'un

24 tableau où l'on va voir tous les numéros, toutes les cotes qui vont être

25 comparées.

26 M. TIEGER : [interprétation]

27 Q. Vous allez voir ici qu'il s'agit de l'entrée en vigueur de la loi

28 adoptée par l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine lors de la

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1 session qui a été tenue le 11 mai 1992. La loi portant la création d'une

2 municipalité séparée de Rajlovac a été adoptée et signée par le Dr

3 Karadzic.

4 Je voudrais attirer votre attention sur l'article 2 de cette loi

5 concernant la création de la municipalité de Rajlovac.

6 Hier, au cours de votre discussion, quand vous avez parlé de cette

7 initiative portant création de la municipalité de Rajlovac, vous avez parlé

8 de ces discussions concernant la commune locale de Rajlovac et la région en

9 général, et vous avez parlé d'un certain nombre de villages serbes :

10 Lemezi, et cetera. Je voudrais vous poser une question au sujet des

11 villages et hameaux qui faisaient partie de la municipalité de Rajlovac.

12 Tout d'abord, je vois que vous avez mentionné 11 villages. Je pense

13 que c'est vraiment un peu exagéré. Ahatovici, la troisième région peuplée

14 mentionnée dans l'article 2, est-ce que cette région était peuplée

15 principalement par les Serbes, les Musulmans ou est-ce que c'était une

16 région mixte ?

17 R. C'était le seul village ou hameau à majorité musulmane.

18 Q. Vous parlez de la majorité de la population musulmane. Quelles autres

19 régions étaient peuplées par des Musulmans ? Qu'est-ce que vous pouvez nous

20 dire au sujet de Brijesce ?

21 R. S'agissant des autres municipalités, Smiljevici comptait cinq foyers

22 musulmans. Pour Brijesce, je l'ai déjà montré sur la carte, jusqu'en 1972,

23 il s'agissait d'un village entièrement serbe. Les collines étaient encore

24 serbes, mais par la suite, avec l'arrivée en grand nombre de personnes,

25 c'est devenu plutôt une population musulmane. Ensuite, pour ce qui est des

26 autres villages, c'étaient des villages entièrement serbes.

27 Q. Vous avez également parlé hier du fait que s'il n'y avait pas eu la

28 guerre, la municipalité de Rajlovac aurait été l'une des municipalités les

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1 plus riches dans l'ex-Yougoslavie. S'agissant de la municipalité de

2 Rajlovac, pourquoi dites-vous cela ? Sur la base de quoi pouvez-vous le

3 dire ? Quelles étaient les installations ? Quelle était l'industrie ou

4 quelle était la richesse que Rajlovac avait ?

5 R. Brijesce nourrissait la ville Sarajevo. Vous pouvez voir sur la carte

6 qu'il y avait de très grandes régions agraires. Deux fois par année, la

7 moisson était particulièrement bonne, et sur tous les marchés de Sarajevo,

8 toute la nourriture venait de Rajlovac.

9 Ensuite, Rajlovac RO [phon] était un institut technique qui fournissait

10 tout ce qui a trait à l'aviation, donc était une usine d'avions. Ensuite,

11 Upi était une usine qui produisait des denrées alimentaires. Il y avait

12 également Apolje Oprimo [phon], c'est une entreprise bosnienne dont le

13 bureau chef se trouvait là. Puis, il y avait une autre série d'entreprises.

14 Il y avait une usine de transformation d'électricité qui se trouvait

15 également là. Si la municipalité de Rajlovac avait été enregistrée, tous

16 les revenus de ces entreprises auraient été versés à la municipalité. Si la

17 situation était restée telle quelle, nous aurions reçu que très peu de

18 choses des autres municipalités, car nous étions ceux qui fournissions les

19 denrées aux autres municipalités.

20 Q. Qu'en est-il de la production en matière d'essence, en matière de gaz,

21 et d'autres productions dans la municipalité de Rajlovac ?

22 R. Pour ce qui est du chemin de fer dans la municipalité de Rajlovac, il

23 existait un dépôt où on réparait les locomotives, les wagons et les trains,

24 mais le bureau chef était en ville. Pour ce qui est de l'oléoduc, il y

25 avait un oléoduc dans notre municipalité, mais le bureau chef était en

26 ville. Pour ce qui est maintenant de l'exploitation d'essence, le bureau

27 chef était à Blazer [phon], et à Rajlovac, il y avait des entrepôts

28 d'essence et d'autres gaz. Nous n'avions pas pu baser notre économie sur

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1 cela puisque les bureaux chefs se trouvaient dans d'autres municipalités.

2 Mais pour ce qui est des autres entreprises que j'ai énumérées un peu plus

3 tôt, les bureaux chefs se trouvaient chez nous, donc c'est ainsi que nous

4 pouvions bénéficier des surplus et de l'argent.

5 Q. Je souhaiterais maintenant passer à l'intercalaire 17. Je vais vous

6 donner la possibilité d'examiner ce document. Il s'agit d'un discours

7 prononcé à l'occasion de la commémoration de la création de la municipalité

8 de Rajlovac le 23 février 1992. Je crois que ce sont les dates que vous

9 nous avez données hier. Je vous prierais de prendre connaissance de ce

10 document, car je vais vous poser un certain nombre de questions. Je vais

11 vous poser des questions très, très précises, mais je voulais quand même

12 vous donner la possibilité de rafraîchir votre mémoire.

13 M. JOSSE : [interprétation] Cela pourrait prendre cinq minutes, Monsieur le

14 Président, à ce moment-là. Si on demande au témoin de prendre la

15 connaissance du document de façon adéquate, je demanderais à la Chambre de

16 donner cette instruction au témoin.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger --

18 M. TIEGER : [interprétation] Est-ce --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il s'agit d'un document qui

20 est scindé en plusieurs parties ou s'agit-il vraiment d'un seul document,

21 d'un seul récit ?

22 M. TIEGER : [interprétation] En fait, c'est un seul récit. Le document

23 n'est pas scindé.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

25 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

27 M. TIEGER : [interprétation] On pourrait peut-être demander au témoin de

28 faire les choses de la façon suivante.

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1 Q. Simplement pour vous donner quelques directives, pour vous demander de

2 vous concentrer sur le fait de savoir si c'est un discours que vous aviez

3 entendu vous-même à quelque moment que ce soit et si vous pouvez nous dire

4 qui avait prononcé ce discours. Alors, c'est la raison pour laquelle je

5 voulais vous demander d'examiner ce document, afin de pouvoir attirer votre

6 attention sur des parties très précises.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur, à l'examen de ce document,

8 est-ce que cela rafraîchit votre mémoire ? Est-ce que ce texte vous dit

9 quelque chose ? Vous l'avez déjà entendu auparavant ? Est-ce que vous

10 l'avez déjà lu auparavant ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je dois d'abord obtenir l'instruction, à

12 savoir, si je dois le lire. Je ne vois pas la date à laquelle le document a

13 été écrit. C'est peut-être une autre date, puisqu'ici je vois que c'est

14 biffé au jour d'aujourd'hui.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, pourriez-vous, je vous

16 prie, jeter un coup d'œil furtif sur les quelques pages qui se trouvent

17 devant vous - sans pour autant les lire en votre for intérieur - simplement

18 et rapidement, les passer en revue. Ensuite, nous allons vous poser un

19 certain nombre de questions. En fait, le but de l'exercice est simplement

20 de savoir si vous pouvez reconnaître des parties du texte comme étant

21 quelque chose que vous ayez déjà entendu auparavant ou un texte que vous

22 auriez déjà vu auparavant.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Ce document et ce discours n'ont jamais été

24 prononcés le jour où la municipalité de Rajlovac a créée. Je n'ai jamais

25 entendu ce discours prononcé. C'est un discours assez long, et il aurait

26 été impossible, pendant la guerre, de prononcer un discours qui dure aussi

27 longtemps.

28 M. TIEGER : [interprétation]

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1 Q. Je vous interromps, Monsieur. Je pourrais peut-être vous guider --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas si c'était pendant la

3 guerre. C'était le 23 février 1992 --

4 M. TIEGER : [interprétation]

5 Q. Il y a une référence ici au document, en bas de la page 4 en anglais,

6 on parle de l'existence depuis trois ans de la municipalité serbe de

7 Rajlovac. Comme je vous l'ai déjà dit auparavant, le texte de ce discours

8 semble commémorer la création de la municipalité, qui avait été créée à ce

9 moment-là.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois que M. Josse a proposé de façon

11 juste envers le témoin que le témoin devrait, en fait, pouvoir être en

12 mesure de prendre le temps et de bien lire le document --

13 M. TIEGER : [interprétation] Oui, certainement.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. TIEGER : [interprétation] Mais je croyais que s'il avait peut-être déjà

16 pris connaissance du document, cela aurait pu rafraîchir sa mémoire --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, M. Tieger semble croire

18 qu'il s'agit d'un discours qui a été prononcé lors de la commémoration de

19 l'existence de la municipalité de Rajlovac qui avait été établie, il y

20 avait quelques années. Donc, est-ce que vous n'avez jamais pris part à une

21 réunion lors de laquelle on a prononcé un discours pour commémorer

22 l'anniversaire de la création de la municipalité de Rajlovac ?

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai jamais pris part, je n'ai jamais

24 assisté, je n'ai jamais entendu de tel discours. J'avais autre chose à

25 faire.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, c'est comme vous

27 voulez. Je ne sais pas si vous voulez inviter le témoin de lire, de prendre

28 connaissance de ce document maintenant ou si vous voulez lui laisser la

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1 chance de le lire pendant le week-end. A moins que vous ne vouliez terminer

2 aujourd'hui. C'est à vous.

3 M. TIEGER : [interprétation] Je vais essayer de faire les choses de cette

4 façon-ci. Je souhaiterais peut-être attirer l'attention du témoin sur

5 certains passages particuliers et pertinents.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- quel genre de questions vous allez

7 poser au témoin et cela dépendra du type de questions que vous allez poser.

8 M. TIEGER : [interprétation] D'accord.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.

10 M. TIEGER : [interprétation]

11 Q. Au premier paragraphe, Monsieur Krsman, nous voyons qu'on fait

12 référence à la date du 23 février 1992 et la promulgation de la

13 municipalité serbe de Rajlovac. Nous pouvons également voir des références

14 semblables à la page 4 du texte en langue anglaise. Nous pouvons aussi voir

15 que sur la base des activités proposées, l'élection, le rassemblement

16 public de la municipalité a été fait, c'est là qu'on a décidé que la

17 première assemblée de la municipalité serbe de Rajlovac aura lieu le 23

18 février 1992. Ce sont des références concernant une lettre, si je comprends

19 bien.

20 Ces références-là dans cette lettre sont exactes, n'est-ce pas ?

21 R. Oui, c'est tout à fait exact.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

23 M. TIEGER : [interprétation] Oui.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On parle d'une date, si je ne m'abuse,

25 c'est la date du 23 février. C'est la raison pour laquelle vous avez posée

26 cette question, pour établir la date ? Vous dites que ces références

27 pointaient également d'autres éléments suggestifs. Nous voyons également la

28 date, mais nous voyons que les Serbes ont initié une bataille politique, et

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1 cetera.

2 M. TIEGER : [interprétation] Oui. Ce qui m'intéressait, ce n'est que cette

3 partie que je viens de lire.

4 Q. Il y a également une référence au mois d'octobre 1991 lorsqu'une

5 décision a été prise de créer la municipalité de Rajlovac. Les préparatifs

6 étaient en cours jusqu'en février 1992 et toutes les formalités avaient été

7 complétées jusqu'à cette époque, les activités concernant -- cette partie

8 que je viens de lire, est-ce que c'est également exact ?

9 M. JOSSE : [interprétation] Je crois que le témoin n'a pas trouvé le

10 passage. Je croyais qu'il avait peut-être retrouvé le passage, mais il ne

11 l'a pas retrouvé.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'en est-il de la page 4 en B/C/S ?

13 Est-ce que cela serait peut-être la page en question en B/C/S ?

14 Monsieur l'Huissier, veuillez, je vous prie, venir en aide au témoin.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je l'ai trouvée.

16 M. JOSSE : [interprétation] S'il y a un classeur ou si vous avez des

17 documents supplémentaires, je pourrais peut-être les donner à mon assistant

18 qui parle le B/C/S, et il pourra peut-être retrouver le passage.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, mais il s'agit de date et je

20 crois qu'il sera assez facile de trouver. Monsieur Tieger, est-ce que vous

21 avez un document supplémentaire que vous pourriez remettre à Maître Josse ?

22 Monsieur Krsman, est-ce que vous êtes en mesure de lire ce qui vient de

23 vous être lu ? Est-ce que vous avez retrouvé le passage ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était de savoir s'il s'agit

26 d'une affirmation précise, si c'était effectivement le cas.

27 Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.

28 M. TIEGER : [interprétation]

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1 Q. Un peu plus bas, dites-nous, est-ce que vous êtes d'accord pour dire

2 que les activités qui entouraient la création de la municipalité ont été

3 coordonnées par le Parti démocratique serbe, qui a nommé le comité

4 d'initiatives et que cette réunion a eu lieu le dimanche à l'église ? Les

5 rapports et les résultats de cette réunion ont été discutés. Est-ce que

6 vous pouvez nous dire si c'est exact ?

7 R. Oui mais cette réunion ne s'est pas déroulée dans l'église même, mais

8 dans le presbytère après le service. Nous nous sommes assis dans le

9 bâtiment attenant, et nous avons pris un verre d'eau de vie, et nous avons

10 discuté des problèmes.

11 Q. Au quatrième paragraphe, nous pouvons voir que "Tout avait été planifié

12 mais qu'ils n'étaient pas en mesure de se mettre d'accord sur le point

13 d'accord --"

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est quel numéro de page en anglais ?

15 M. TIEGER : [interprétation] Je suis désolé, Monsieur le Président, c'est à

16 la première page. Nous pouvons lire la phrase : "Y aller lentement était

17 beaucoup plus dangereux et cela voudrait dire qu'il fallait rester dans une

18 Yougoslavie faisant partie intégrante de la BiH. Ils continueraient

19 d'exercer des moyens de pression sur les Serbes et de faire en sorte que

20 les Musulmans, qui habitaient les terres, essaieraient d'exercer des moyens

21 de pression pour qu'ils puissent rester sur les terres serbes et maintenir

22 un état musulman."

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas retrouvé le passage.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est à la première page, Monsieur

25 Krsman, quatrième paragraphe.

26 LE TÉMOIN : [interprétation] D'accord.

27 M. TIEGER : [interprétation]

28 Q. Monsieur, est-ce que c'est une référence qui reflète les préoccupations

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1 dont vous nous avez fait part hier concernant l'arrivée des Musulmans ?

2 R. Oui.

3 Q. D'accord. S'agissant de cette préoccupation, est-ce que vous saviez, en

4 1991 ou en 1992, que M. Krajisnik partageait les préoccupations exprimées

5 dans ce document et les préoccupations dont vous nous avez fait part hier

6 concernant l'arrivée des Musulmans à Rajlovac ?

7 M. JOSSE : [interprétation] Je suis tout à fait en accord avec cette

8 question, pour autant qu'il s'agisse du paragraphe en question, pourvu que

9 la teneur de cette question soit reflétée dans le paragraphe.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est ce que j'ai compris moi aussi.

11 M. TIEGER : [interprétation] Très bien.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- soit réflétée dans ce paragraphe.

13 Oui.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] Le peuple serbe partageait ce même point de

15 vue. Il y avait également d'autres personnes appartenant à d'autres ethnies

16 qui voulaient rester au sein de la Yougoslavie. Vous savez quand un Etat se

17 démantèle, c'est un problème pour tous les peuples, non pas seulement pour

18 le peuple serbe.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, la question était de

20 savoir si vous saviez qu'en 1991 et 1992, M. Krajisnik partageait ces mêmes

21 préoccupations, la question est à savoir si vous savez si M. Krajisnik

22 partageait ce même point de vue et était aussi préoccupé par ces

23 questions ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que oui.

25 M. TIEGER : [interprétation]

26 Q. A la page 5 de la version anglaise, je vous laisse un petit peu de

27 temps pour vous retrouver, il y a référence à la cellule de Crise. Cela

28 vient après un paragraphe très court où il est écrit : "Il faut utiliser le

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1 temps qu'il nous est accordé et ne pas se laisser dépasser par le temps."

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, vous le trouverez à la

3 page 5, et c'est juste au milieu de la page, pour vous, dans votre version.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, j'ai trouvé.

5 M. TIEGER : [interprétation]

6 Q. Le paragraphe suivant vous indique -- je vais vous lire le tout : "En

7 établissant un pouvoir au sein de notre municipalité, nous renforçons le

8 pouvoir de notre Etat. En prenant cela en compte, mis à part l'assemblée

9 légalement élue ainsi que ses organes, nous avons nommé une cellule de

10 Crise dont les réunions se sont tenues de façon quotidienne. Ils étaient

11 chargés de résoudre les problèmes courants."

12 Est-ce que c'est la référence à la cellule de Crise dont vous avez parlé

13 plusieurs fois au cours de votre déposition ?

14 R. Non. Nous n'avons mentionné que la cellule de Crise dans mon village

15 vers Sokolje, alors qu'ici il s'agit d'une cellule de Crise au niveau

16 municipal.

17 Q. Oui. La suite dit la chose suivante et je cite : "La cellule de Crise

18 est impliquée dans la récupération des propriétés, dans la réalisation de

19 la Défense territoriale, dans la prise des installations militaires et dans

20 toute autre activité qui, selon la cellule de Crise, était d'intérêt pour

21 le peuple serbe. Les conclusions ont été adoptées et la mise en œuvre a été

22 extrêmement rapide, aussi rapide que l'éclair. Il est évident que chaque

23 erreur pouvait mettre en danger la sécurité et la survie du peuple serbe."

24 Est-ce que ce paragraphe, d'après vous, Monsieur Krsman, ce paragraphe est-

25 il précis ? Reflète-t-il bien la vérité ?

26 R. Oui, cela reflète la vérité.

27 Q. Nous continuons, je cite : "Grâce aux activités politiques tactiques,

28 nous avons réussi à prendre la plupart des installations militaires et

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1 civiles importantes de Rajlovac bien que certaines d'entre elles aient déjà

2 eu des unités très bien organisées de la Défense territoriale. Les

3 négociations avec Kresevljakovic et Uzelac ont duré des jours et des nuits,

4 mais ont finalement permis des résultats et nous avons aussi gagné sur le

5 plan politique."

6 Ce paragraphe reflète-t-il la vérité ?

7 R. Oui.

8 Q. Ensuite les deux paragraphes plus courts déclarent : "La présidence de

9 Guerre a été élue ainsi qu'une commission de Guerre et une présidence de

10 Guerre. Les tâches en général étaient à peu près identiques. L'objectif de

11 tous ces organes est d'établir une coopération très proche avec le

12 commandement militaire, d'authentifier les lignes de défense et protéger la

13 vie et les biens des personnes contre les attaques des fanatiques d'Alija."

14 Ce paragraphe lui aussi reflète-t-il la vérité, Monsieur ?

15 J'ai dit un paragraphe, mais j'aurais dû dire ces deux paragraphes.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il y a quand même une phrase

17 que vous n'avez pas lue et vous auriez dû la lire. La phrase qui suivait

18 était : "Toutes les conclusions ont été vérifiées par l'assemblée

19 municipale," ce qui signifie que quand même toutes les personnes ont eu

20 leur mot à dire.

21 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question en ce qui concerne ce

23 qui vient d'être dit. Vous dites que toutes les conclusions ont été

24 vérifiées par l'assemblée municipale. De quelle assemblée municipale

25 voulez-vous parler cette fois-ci ? Est-ce que c'est la nouvelle assemblée

26 municipale, celle qui ne concerne que Rajlovac ou est-ce l'ancienne

27 assemblée municipale, celle qui existait avant la guerre ? Pourriez-vous

28 nous dire à quelle assemblée municipale on fait référence ici ?

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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Tout ce qui était fait par ces organes était

2 ensuite présenté aux députés de la nouvelle assemblée de Rajlovac et alors

3 on votait. On disait : Est-ce qu'on va faire ceci ou non ? Les députés de

4 l'assemblée municipale de Srpski Rajlovac avaient leur mot à dire.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais dans cette assemblée, il n'y

6 avait que des Serbes ou est-ce qu'il y avait d'autres appartenances

7 ethniques qui étaient représentées ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Dans cette assemblée municipale, il y avait

9 des Serbes et peut-être un ou deux Croates, tant qu'ils habitaient sur le

10 territoire. Une fois qu'ils sont partis, ils ne faisaient plus partie, bien

11 sûr, de l'assemblée municipale.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y avait pas de Musulmans ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, aucun.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez poursuivre, Monsieur Tieger.

15 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande de parler dans le microphone, s'il vous

16 plaît.

17 M. TIEGER : [interprétation] Merci.

18 Q. Si nous pouvions maintenant revenir à la page 2 de ce document, un

19 paragraphe très court que nous allons trouver à la page 2 pour la version

20 en B/C/S, il est écrit : "Néanmoins, ces possibilités sont hors de question

21 et fondent comme la neige au soleil. Nos aspirations qui datent depuis des

22 centaines d'années, notre désir le plus profond, ce désir de Serbie peut

23 finalement se réaliser un jour ou un autre."

24 Pour vous, on peut dire que depuis toujours vos aspirations étaient la

25 Serbie et même pendant la guerre ?

26 R. Oui, et la plupart des gens que je connaissais voulait aspirer à la

27 Yougoslavie. Pour ce qui est de la personne qui a écrit ce discours peut-

28 être que pour lui il aspirait à la Serbie.

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1 Q. L'aspiration quand même de tous les Serbes, c'était d'être réuni au

2 sein d'un même Etat ?

3 R. Oui.

4 Q. Etant donné que nous manquons de temps, je vais maintenant vous

5 demander de regarder l'intercalaire 19, s'il vous plaît. Ici à

6 l'intercalaire 19, nous avons un extrait d'une bande audio enregistrant la

7 24e Session de l'assemblée populaire de la Republika Srpska qui s'est tenue

8 le 8 janvier 1993. Je tiens à attirer votre attention sur les remarques

9 faites par Trifko Radic, qui était le président des municipalités serbes de

10 Sarajevo; c'est bien cela ?

11 R. Je ne sais pas très bien quelle était sa fonction. Je savais qu'il

12 avait quand même une fonction assez officielle.

13 Q. Si vous pouviez regarder le deuxième paragraphe en B/C/S, à peu près à

14 la neuvième ligne, une phrase qui commence de la façon suivante, je cite :

15 "Croyez-moi, il est impossible de vivre ensemble. Je ne pense pas que l'on

16 puisse vivre ensemble maintenant. Il faut que je sois très franc. Ils nous

17 ont fait tellement de mal, et cette fois-ci, on ne leur pas fait autant de

18 mal qu'ils nous ont fait."

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avez-vous trouvé ce passage ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne l'ai pas trouvé, mais bon, j'ai quand

21 même compris ce qui a été dit.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, il s'agit de la

23 première page, deuxième paragraphe, et c'est la neuvième ligne.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je crois que je l'ai trouvé.

25 M. TIEGER : [interprétation]

26 Q. Dans ce commentaire que je viens de vous lire, Monsieur Krsman, est-il

27 bien clair pour vous que M. Radic parle du mal qui a été fait aux Musulmans

28 et surtout à Sarajevo, là où M. Radic était fonctionnaire ?

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1 R. Oui, je pense que -- non, M. Radic, là, parle principalement du mal qui

2 nous a été fait pendant la Deuxième Guerre mondiale par l'ennemi. Là,

3 c'était les Serbes qui étaient les victimes. Pour ce qui est du mal qu'on

4 leur a fait, c'est à vous de demander à M. Radic de quel mal il parle. Je

5 sais qu'on n'a fait aucun mal, et surtout pas le mal qu'on nous rapproche à

6 l'heure actuelle.

7 Q. Oui, mais la partie de ce mal qui a été fait selon M. Radic, c'est

8 quand même une référence, en partie en tout cas, aux pilonnages massifs des

9 quartiers musulmans de Sarajevo qui ont eu lieu à plusieurs moments pendant

10 la guerre et surtout au cours de l'année 1992 ?

11 R. Non. Non, je ne pense pas que ce soit le cas. Je suis ici de toute

12 façon pour déposer de choses que je connais, de ce qui s'est passé sur ma

13 ligne de front. Je sais qu'on n'a jamais tiré sur qui que ce soit ou on n'a

14 jamais pilonné quoi que ce soit sans raison.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut être clair, quand même, Monsieur

16 Krsman. Vous dites : "Nous n'avons fait aucun mal." Dans une certaine

17 mesure, il me semble que vous n'êtes pas d'accord avec M. Radic, puisqu'il

18 dit : "Et cette fois-ci, on ne leur a pas fait moins de mal qu'ils ne nous

19 ont fait." Il semble quand même dire qu'il y a eu du mal qui a été fait,

20 donc là, vous n'êtes pas d'accord. Avez-vous une idée quand même du type de

21 mal auquel il pense quand il s'exprime en ces termes ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela, c'était le 8 janvier 1993, et la guerre

23 n'avait commencé qu'en 1992. En 1992, il n'y avait pas eu Srebrenica ou

24 aucun de ces autres endroits où il y a vraiment eu du mal qui a été commis.

25 M. Radic n'avait peur que pour le peuple serbe, et on devait s'organiser.

26 Je crois que M. Radic parle plutôt de temps plus anciens. Quand il parle du

27 mal qui a été fait, il aurait pu dire de la même façon que de chaque côté,

28 il y a eu ni bien ni mal, ni plus de bien, ni plus de mal, ce qui signifie

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1 qu'il y avait quand même des gens qui avaient eu la vie sauve, qu'il n'y

2 avait pas tant de gens qui étaient morts et qui avaient été tués. Je pense

3 que c'est vraiment à cela qu'il faisait allusion.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, vous êtes en train de faire des

5 spéculations sur ce que voulait dire M. Radic. Alors bien sûr, nous, on

6 vous demande comment vous avez compris les propos de M. Radic.

7 Vous dites ce qu'il avait sans doute en tête, et vous avez dit qu'il

8 n'y avait pas plus de mal ou de bien de fait ni de l'un côté ni de l'autre,

9 ce qui signifie quand même que si l'autre camp commettait des atrocités, ce

10 serait rééquilibré par les atrocités commises par votre propre camp. Est-ce

11 que je comprends bien votre opinion, si je dis cela ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est plus ou moins correct étant donné

13 qu'on ne sait pas ce que M. Radic avait en tête. Je ne pense pas qu'on ait

14 commis le moindre mal, alors c'est l'histoire qui nous jugera, en fin de

15 compte, et bien sûr, votre Chambre de première instance aussi, dans son

16 jugement qui sera rendu.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon. De toute façon, je n'ai pas eu de

18 réponse. Vous semblez répéter qu'aucun mal n'a été commis depuis votre

19 camp. Quant à dire "en ce qui concerne les deux camps, il n'y avait ni plus

20 de mal, ni plus de bien dans un côté que dans l'autre," pour ce qui

21 concerne le mal qui aurait été commis, ce n'est pas vraiment pertinent,

22 puisqu'à votre avis, aucun mal n'a été commis par votre propre camp.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai dit que dans mon village, 37 personnes

24 ont été tuées. Je ne sais pas combien de personnes ont été tuées à Sokol.

25 Je ne peux pas le savoir. Mais je sais que du fait de leur mal, de leurs

26 atrocités, on a eu 37 morts. Pour ce qui est de notre côté, je ne sais pas.

27 Bien sûr, il y a toujours du mal, il y a toujours des atrocités pendant la

28 guerre, puisqu'il y a des morts. On tue d'abord en combat, mais on tue

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1 aussi de d'autres façons qui ne sont pas pendant la guerre, pendant les

2 combats. Il y a des victimes, des victimes de guerre qui viennent des

3 combats, qui viennent aussi des -- Voilà ce que cela signifie.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc si je vous ai bien compris, vous

5 auriez dû nous dire "j'ai personnellement expérimenté le mal qui avait été

6 fait en dehors des combats." Pour vous, c'est le mal, quand même. Vous

7 dites : "Quant à savoir si le même mal a été commis de l'autre côté," vous

8 dites que vous n'avez pas assez d'informations pour dire exactement si les

9 choses étaient équitables ou non; c'est cela ? C'est comme cela que je peux

10 comprendre ce que vous venez de nous dire ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est tout à fait cela.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

13 M. TIEGER : [interprétation]

14 Q. Monsieur Krsman, quand vous avez répondu à la question du Président,

15 vous avez fait référence à ce qui s'était passé dans votre village, et je

16 comprends bien, quand même, que vous ne savez pas tout ce qui se passait

17 ailleurs. Je voudrais quand même que vous éclaircissiez une chose. Est-ce

18 que vous êtes en train de dire que vous n'avez aucune connaissance d'aucun

19 moment où il y aurait eu des pilonnages massifs de zones peuplées

20 uniquement de civils - là, je parle de pilonnages effectués par les Serbes

21 - donc que vous ne savez pas si en 1992, il y a eu des zones peuplées de

22 civils qui ont été fortement pilonnées par les Serbes ?

23 R. Tout ce que je sais, c'est que ce n'est que pendant les combats que

24 l'on a utilisé des armes selon les armes qui étaient employées de l'autre

25 côté. S'ils avaient des chars et des obusiers, des canons, pour nous tirer

26 dessus, alors nous, on répondait dans la même mesure. Ce n'est que dans des

27 cas très exceptionnels qu'on a utilisé des calibres plus importants, pour

28 répondre à des tirs venant de calibres inférieurs qui nous visaient.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si de cette façon-là ils

2 attaquaient des zones qui étaient peuplées de civils, est-ce que cela

3 justifie ce qui a été fait ou est-ce que vous avez réagi de la même façon

4 en utilisant les mêmes armes ?

5 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je connais très bien

6 les dispositions de la convention de Genève et je peux vous dire qu'on n'a

7 jamais intentionnellement visé des civils. Parfois, bon, si un obus

8 n'allait pas exactement là où il aurait dû aller et tombait sur un endroit

9 où il y avait des civils, c'était son destin, il n'était pas au bon endroit

10 au bon moment. Mais on n'a jamais visé délibérément des civils ou des

11 cibles civiles, et certainement pas avec des snipers ou des tireurs

12 embusqués. On n'utilisait pas les snipers dans notre armée.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous pouvez continuer, Monsieur Tieger.

14 Cela dit, je regarde la pendule, on va bientôt devoir terminer, surtout que

15 j'ai quelque chose à vous dire en l'absence du témoin. On pourrait peut-

16 être s'arrêter, tout simplement.

17 M. TIEGER : [interprétation] Oui, je pense que c'est un bon moment pour

18 s'arrêter.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krsman, nous reprendrons lundi

20 prochain, bien sûr si vous pouviez revenir dans cette salle d'audience à 14

21 heures 15. Je tiens à vous dire que vous ne devez parler à personne de la

22 déposition que vous avez faite jusqu'à présent ni de la déposition que vous

23 ferez la semaine prochaine. Vous pouvez maintenant suivre M. l'Huissier,

24 qui va vous escorter hors de la salle.

25 [Le témoin se retire]

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de lever la séance jusqu'à lundi

27 prochain, Monsieur Krajisnik, je tiens à vous parler. Notre Chambre est

28 constituée de Juges professionnels qui savent très bien ce que signifie

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1 devoir se défendre devant un tribunal. Ce n'est pas la première fois que

2 nous sommes dans cette situation et que nous voyons ce genre de procès. En

3 revanche, c'est beaucoup moins courant qu'au cours d'une déposition, le

4 témoignage ait trait à des événements qui ont personnellement touché la vie

5 de famille de l'accusé.

6 Nous tenons quand même à exprimer le fait que nous comprenons bien ce

7 que tout ceci peut signifier, donc, d'entendre des témoignages à propos des

8 membres de votre famille qui sont tombés, victimes de cette guerre. Nous

9 tenions quand même à vous faire savoir que bien que nous soyons en train

10 d'écouter ce qui est dit en tant que Juges très professionnels, nous devons

11 prendre en compte tout ce qui nous est dit. Nous comprenons quand même que

12 pour vous, cela doit être difficile à entendre.

13 Nous allons maintenant lever la séance jusqu'à lundi prochain à 14 heures

14 15, dans ce prétoire. Merci.

15 --- L'audience est levée à 13 heures 46 et reprendra le lundi 27 mars 2005,

16 à 14 heures 15.

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