Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 24517

1 Le mardi 23 mai 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.

6 Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, citer

7 l'affaire.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire

9 IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

11 Les problèmes techniques ont été résolus, je crois, ou sont-ils encore en

12 cours ?

13 M. STEWART : [interprétation] Grâce à l'aide de l'Accusation, nous avons

14 réussi à faire tout ce que nous devrions faire. Nous vous en remercions,

15 Monsieur le Président.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

17 Monsieur Krajisnik, j'ai cru comprendre que vous avez établi une liste de

18 questions. Il me semble que vous vouliez attirer l'attention de votre

19 conseil de la Défense à cette liste de questions afin de savoir s'il

20 pouvait inclure ces questions dans l'interrogatoire principal. Vous savez

21 que la règle, si quelqu'un a des questions supplémentaires, il doit d'abord

22 prendre conseil auprès de son avocat, et ensuite les questions peuvent être

23 posées au témoin, qui en l'occurrence est vous à l'heure actuelle. Si j'ai

24 bien compris, vous voulez que votre conseil jette un œil sur ces

25 questions ?

26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait. Mais, il y aura d'autres questions

27 aussi. Je n'ai pas eu le temps de les rédiger puisque j'ai vraiment eu très

28 peu de temps. Je suis absolument désolé, j'ai fait énormément d'erreurs,

Page 24518

1 car j'ai écrit cela à la hâte, mais je l'ai écrit sur la base de ce dont

2 j'étais convenu hier avec le conseil.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le bon cap à suivre est de

4 vous donner maintenant cette liste de questions, et peut-être la déchiffrer

5 ou la traduire du moins, avec l'aide de M. Sladojevic.

6 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie énormément, Monsieur le

7 Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je vous la rends, Monsieur le

9 Greffier. Il faudra en donner un exemplaire au conseil de la Défense. Je

10 pense que si l'Accusation veut jeter un œil sur ce document pour satisfaire

11 sa curiosité c'est normal, et pour être sûre qu'il s'agit bien des

12 questions qui ont été suggérées par M. Krajisnik. Ils recevront, dans ce

13 cas, un exemplaire.

14 M. TIEGER : [interprétation] Nous apprécierions énormément d'en avoir un

15 exemplaire, en effet.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas vous assurer de toute

17 façon que ce sont les questions de M. Krajisnik. C'est M. Krajisnik qui dit

18 que ce sont des questions qu'il a données à M. Stewart. Nous ne pouvons pas

19 vérifier quoi que ce soit. Nous ne savons pas s'il y a en fait une

20 correspondance cachée ou clandestine derrière ces questions ou si c'est

21 véritablement une liste de questions.

22 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que de toute façon si nous avons un

23 exemplaire, ainsi nous pouvons être sûrs qu'il s'agit bien de ce qu'il est.

24 M. STEWART : [interprétation] Oui. De toute façon, nous travaillons en

25 confiance, et je pense que M. Sladojevic va nous aider à traduire la chose.

26 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr.

27 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous, s'il vous plaît, demander à M. Stewart de

28 régler son micro, car on ne peut pas l'entendre.

Page 24519

1 M. STEWART : [interprétation] Pas de problème.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est fait.

3 M. STEWART : [interprétation] J'espère que c'est bien adapté.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez maintenant

5 poursuivre votre interrogatoire principal de M. Krajisnik, mais je dois

6 d'abord rappeler à M. Krajisnik qu'il est encore tenu par sa déclaration

7 solennelle qu'il a donnée au début de sa déposition -- mais vous levez la

8 main, Monsieur Krajisnik. Que se passe-t-il ?

9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au travers de votre secrétaire, je vous ai

10 demandé une petite faveur. Je ne sais pas si vous avez eu le message.

11 Voulez-vous que je vous le répète ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je sais ce que c'est. Nous avons

13 été informés. On doit vérifier un peu nos agendas. Il s'agit, je crois,

14 d'une visite chez le dentiste la semaine prochaine, qui bien sûr causera un

15 petit retard pour ce jour de l'audience si M. Krajisnik doit aller chez le

16 dentiste. Y a-t-il un jour spécial où vous devriez y aller ? Je vois que

17 cela doit être soit le mardi, le mercredi ou le jeudi, entre 8 heures et 9

18 heures; c'est cela ?

19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons voir ce que nous

21 pouvons faire pour accéder à votre demande.

22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.

24 M. STEWART : [interprétation] Nous aimerions diffuser un CD qui a été

25 présenté il y a déjà un moment. Il s'agit du P70. On n'a pas besoin

26 d'écouter absolument tout, de voir absolument le CD en entier, mais

27 uniquement le passage où l'on voit M. Krajisnik qui est debout devant une

28 carte. Si vous vous en souvenez --

Page 24520

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'en souviens bien --

2 M. STEWART : [interprétation] Il faudrait le diffuser. Il est assez étrange

3 de vouloir re-diffuser quelque chose que l'on a déjà vu, mais vous verrez,

4 Monsieur le Président, qu'il y a des raisons pour ce faire. Le script de ce

5 CD existe puisqu'il se trouve au P70.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a été versé.

7 M. STEWART : [interprétation] Oui, vous l'avez, et M. Krajisnik a aussi cet

8 intercept. Je ne sais pas si vous entendez quoi que ce soit, si vous avez

9 du son.

10 Est-ce qu'on entend la piste sonore ? J'ai l'impression que non.

11 Maintenant, on l'entend.

12 [Diffusion de cassette vidéo]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On a eu du son pendant quelques

14 secondes, mais il est à nouveau parti.

15 M. STEWART : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous peut-être essayer de voir

17 si on pourrait avoir cette bande vidéo avec le son ?

18 C'est au maximum.

19 M. STEWART : [interprétation] Je ne sais pas vraiment quoi dire --

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un moment.

21 M. STEWART : [interprétation] Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a toujours pas de son --

23 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour une raison quelconque.

25 M. STEWART : [interprétation] Nous n'avons pas envie de diffuser ce clip,

26 uniquement pour ce qui est dit. C'est beaucoup plus important pour ce qui

27 est dit que ce qui est vu. C'est plutôt la carte qui est importante. Nous

28 avons de toute façon le script. On a déjà écouté la vidéo. Donc, ce qui est

Page 24521

1 important, c'est uniquement la carte à laquelle fait référence M. Krajisnik

2 dans ce clip.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On voit toujours M.

4 Krajisnik, beaucoup plus jeune certes.

5 M. STEWART : [aucune interprétation]

6 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]

7 [Le témoin répond par l'interprète]

8 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]

9 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik -- il faudrait peut-être continuer

10 le clip, puisque je crois qu'à un moment vous soulevez la feuille pour voir

11 une autre feuille qui se superpose par-dessus la carte.

12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le

13 passage est suffisant. C'est tout ce qu'il nous faut pour le compte rendu

14 d'audience.

15 Q. Monsieur Krajisnik, tout d'abord, est-ce que vous vous souvenez de ce

16 clip ? J'imagine que oui, surtout que nous l'avons déjà vu ici dans ce

17 prétoire. Il s'agit d'un clip qui a été pris en 1992. Est-ce que vous vous

18 souvenez exactement du moment auquel cela s'est passé ?

19 R. Je ne pense pas que c'était en 1992. Je ne pense pas, parce qu'en 1992,

20 il n'y avait pas ce type de carte. Mais ce n'est pas grave de toute façon.

21 Q. C'est quand même important, Monsieur Krajisnik. Il faudrait vraiment

22 que vous essayiez de vous rappeler dans la mesure du possible. Vous dites

23 que vous ne vous en souvenez pas et que vous pensez que ce n'était pas en

24 1992, mais pouvez-vous essayer de vous en souvenir ?

25 R. Il me semble qu'en 1992, il n'y avait pas de carte de ce type. Il y

26 avait Srebrenica, Zepa, Gorazde, et cetera. Très bien. J'ai quelques

27 réserves pour ce qui est de la date. Peut-être que cette carte avait en

28 effet été déjà établie. Ceci était détenu par nos troupes. C'est ce qui est

Page 24522

1 écrit dans le texte en tout cas. Mais ce n'est pas du tout la situation en

2 1992. Nos troupes ne tenaient pas Gorazde, ni Zepa, ni Srebrenica; pas du

3 tout.

4 Q. Maintenant, la carte qui est en dessous du transparent dans la vidéo,

5 il s'agit exactement de la même carte que celle que nous avons ici au

6 Tribunal, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, c'est le bureau du Procureur qui a l'original, la grande carte,

8 alors que nous en avons une plus petite. C'est la carte bleu-vert; bleu,

9 vert et jaune.

10 Q. Oui, je la prends. Il s'agit de cette carte --

11 R. Oui.

12 Q. Celle que vous avez utilisée comme référence pour faire vos annotations

13 il y a quelques jours.

14 R. Tout à fait, sauf qu'elle est un peu plus grande.

15 Q. J'ai oublié sa cote. Il me semble que c'est la 293 ? C'est bien cela,

16 293. Il s'agit de la P293.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous d'abord savoir exactement

18 à quand remonte cette carte ? Puisque, Monsieur Krajisnik, vous dites

19 qu'elle ne date pas de 1992. D'après vous, elle date d'après cela ou

20 avant ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas de quand elle date, mais je

22 tiens à attirer l'attention des Juges de la Chambre sur ce qui est écrit

23 ici. Il est écrit : Momcilo Krajisnik. Il s'agit des frontières qui sont

24 détenues par l'armée de la Republika Srpska. Mais ce ne sont pas nos

25 frontières de 1992. Cela, je l'ai bien vu, je l'ai bien remarqué. J'ai

26 plutôt l'impression que cela remonte à 1995, mais je ne sais pas

27 exactement. Regardez, il n'y a pas Gorazde, par exemple.

28 M. STEWART : [interprétation]

Page 24523

1 Q. Monsieur Krajisnik, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de relire

2 le texte, donc nous le lisons ensemble. "Nous sommes devant la carte

3 ethnique de l'ex-Bosnie-Herzégovine avec les frontières du territoire qui

4 est à l'heure actuelle détenu par l'armée des Serbes de Bosnie."

5 Là, il s'agit bien sûr de la carte qui est par-dessus, la carte

6 transparente qui se trouve sur la carte qui est au mur. Ce sont les

7 frontières que l'on voit, n'est-ce pas ?

8 R. Je crois, non, que c'est la carte qui est en dessous du transparent.

9 Puisque ce qu'on voit plutôt c'est un transparent.

10 Q. Mais ce que l'on voit sur l'écran à l'heure actuelle, cela montre les

11 frontières du territoire qui, comme vous le dites, est détenu à l'heure

12 actuelle - donc, à ce moment-là - par l'armée des Serbes de Bosnie; c'est

13 bien cela ? Il s'agit des frontières de l'époque ?

14 R. C'est ce que dit le texte. Il dit que ce que l'on voit ici, c'est ce

15 qui est détenu à ce moment par l'armée de la Republika Srpska.

16 Q. Oui, mais alors, à l'époque quand vous êtes en train de parler, ce sont

17 les territoires qui sont détenus par l'armée des Serbes de Bosnie. Est-ce

18 que cela vous permet de donner une date exacte, enfin plus ou moins exacte,

19 à cette carte ? Cela vous permet de vous repérer un peu dans le temps ?

20 R. Je me souviens très bien de l'interview et de tout ce que j'ai dit

21 d'ailleurs. Je peux faire des commentaires sur cela, mais malheureusement,

22 je ne peux pas, en revanche, retrouver la date exacte. Ce qui me frappe en

23 tout cas, c'est qu'en 1992, ni Srebrenica ni Zepa n'étaient marquées. Or,

24 en 1992, il s'agissait d'enclaves. Et Gorazde non plus n'est pas marquée

25 sur la carte. Donc, j'ai un problème pour dater cette interview. Mais je

26 puis vous faire des commentaires sur toute l'interview à l'heure actuelle.

27 Peut-être que ce n'est pas le moment.

28 Q. Oui, on y viendra de toute façon et ensuite vous pourrez faire des

Page 24524

1 commentaires. Mais vous dites, et je cite : "Tout ce que je peux dire,

2 c'est que selon tout ce qui est dit, comme quoi nous possédons des

3 territoires qui sont peuplés ethniquement par les autres communautés

4 nationales, je peux dire que ce n'est pas vrai, et ceci peut être vu sur la

5 carte ethnique de la Bosnie-Herzégovine, on peut la recouvrir avec un

6 transparent où ces territoires sont repris et sont marqués, des territoires

7 qui sont détenus par notre armée. On voit que ce sont des zones qui

8 appartiennent à notre peuple."

9 Monsieur Krajisnik, c'est une observation qui est assez simple à faire. On

10 le voit d'ailleurs quand on regarde les cartes, cette carte P293. Il s'agit

11 donc -- là, vous montrez bien le territoire qui est détenu par l'armée des

12 Serbes de Bosnie. Il est bien clair que ce territoire qui est sur le

13 transparent, comprend selon P293, de nombreuses zones qui sont marquées

14 comme étant des zones à majorité ethnique différente des Serbes; c'est bien

15 cela ? Je vois que vous opinez du chef. Vous semblez être d'accord.

16 R. Oui.

17 Q. Voici ma question : comment arriver à réconcilier ce que vous dites

18 dans l'interview avec ce que vous nous dites maintenant ?

19 R. Tout d'abord, je tiens à dire que je suis très reconnaissant que l'on

20 me pose cette question, parce que cela fait justement partie des questions

21 que j'ai inscrites sur ma liste. Si vous écoutiez ce qui est dit sur la

22 bande son, vous verriez qu'à un moment la bande est cassée, s'arrête, et

23 ensuite, elle reprend. C'est justement quand j'étais en train de donner

24 cette réponse, le fait que nous ne détenons que nos propres territoires. On

25 ne peut pas dire que dans les parties orientales du territoire, qui sont

26 très peu peuplées, on ne peut pas dire que ce soit des territoires

27 musulmans. Cette phrase ne manque pas du texte. Je l'ai pourtant dit. J'ai

28 dit : Il y a plus de Serbes à Sarajevo que nous sommes à préparer à céder

Page 24525

1 au côté musulman, que dans toute la partie orientale qui est si peu

2 peuplée. Donc, il y a des Musulmans dans cette partie orientale qui est si

3 peu peuplée.

4 Je sais exactement comment j'expliquais tout ceci parce que ceci est

5 carte ethnique. Bien sûr, dans l'est de la Bosnie-Herzégovine, il y a

6 beaucoup de tout petits hameaux. Si on les ajoutait tous les uns aux

7 autres, on arrive à avoir plus de Serbes au centre de la Sarajevo musulmane

8 qui leur appartiendrait, qui leur aurait appartenu, qu'il y a de Musulmans

9 dans tous ces petits village de Trebinje à Zvornik. Peut-être que la carte

10 n'est pas tout à fait exacte, mais c'était l'explication que j'étais en

11 train de donner quand j'étais en train de parler de cette carte à l'écran.

12 Je disais nous avions envisagé d'avoir des enclaves dans ce territoire qui

13 étaient le nôtre. Ce n'est pas exactement dessiné, certes. Mais au cours de

14 toutes les négociations, nous avons toujours abordé l'idée des enclaves

15 telles que Srebrenica, Zepa, Goradze. C'est vraiment le point principal.

16 C'est pour cela qu'il aurait été bon d'écouter la bande de cette

17 vidéo, la bande son. J'ai vu exactement quand la bande a été cassée. Je ne

18 sais si cela a été fait délibérément ou non, mais si on avait écouté la

19 bande son, j'aurais pu exactement vous dire ce qui aurait pu être entendu,

20 cette phrase qui manque, donc.

21 M. STEWART : [interprétation] Il semble visiblement que

22 M. Krajisnik ait vraiment besoin que l'on puisse écouter la bande son. Je

23 pense qu'après la pause on pourra peut-être la diffuser rapidement, si vous

24 en êtes d'accord.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais on l'a quand même déjà

26 entendue. On n'entend rien de plus que ce qui est sur la bande son.

27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sont désolés, mais là, ils ne peuvent

28 absolument pas interpréter, parce que --

Page 24526

1 [Diffusion de la cassette vidéo]

2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

3 "Krajisnik a montré au reporter, Momcilo Tadic, quelles devraient

4 être les frontières du peuple serbe en

5 ex-Bosnie-Herzégovine. Voici la carte de l'ex-Bosnie-Herzégovine avec les

6 frontières des territoires détenus par l'armée de la Republika Srpska. Ce

7 que je peux vous dire, à savoir que nous ne tenons pas de territoires

8 peuplés par d'autres groupes ethniques, parce qu'on peut le voir, on peut

9 voir la carte ethnique de la Bosnie-Herzégovine. Si l'on recouvre ceci avec

10 une feuille transparente en plastique, on peut voir quels sont les

11 territoires tenus par nos forces. Ceux-ci sont les territoires,

12 effectivement, qui sont peuplés par notre population. C'est une carte

13 analogue qui a été portée à Genève. On leur a fait savoir que les Serbes

14 souhaitaient voir la frontière de notre future république dans la vallée de

15 Neretva. Ceci constituerait le territoire de la Republika Srpska. Je

16 précise qu'il y aurait des enclaves dans notre territoire, qui seraient

17 peuplées par d'autres groupes ethniques. Je pourrais dire également que

18 ceux-ci sont des territoires qui sont peuplés par des Musulmans. Dans nos

19 relations, nous nous emploierons en faveur de la démilitarisation et une

20 délimitation des deux groupes ethniques musulmans et serbes ainsi que pour

21 les municipalités où il y a des Croates. Ici, on voit la rivière Una, la

22 rivière Save avec une petite partie qui est tenue ici par nos forces, à

23 savoir, Orasje. Puis, il y a la région de Semberija, d'Ozren et la région

24 de la Bosnie-Herzégovine de l'Est. Nous avons proposé à la communauté

25 croate que la frontière entre nos deux communautés soit la Neretva. Ceci

26 constituerait notre territoire en continuité. Ce serait en un morceau, si

27 je puis le dire. Nous nous employons en faveur de l'éventualité selon

28 laquelle il y aurait plusieurs territoires croates et musulmans. L'objectif

Page 24527

1 est de faire en sorte que notre Republika Srpska soit en une partie et non

2 pas plusieurs territoires."

3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

4 M. STEWART : [interprétation] Oui. On fait de notre mieux pour aider les

5 interprètes. Nous leur avons donné quand même des scripts, puisqu'ils ont

6 reçu normalement juste avant la séance.

7 L'INTERPRÈTE : Malheureusement, dans la cabine anglaise nous n'avons pas

8 reçu cette liasse.

9 M. STEWART : [interprétation] Nous avons fait de notre mieux. Je ne sais

10 pas ce qui s'est passé.

11 Q. Monsieur Krajisnik, avez-vous des commentaires à faire après avoir

12 entendu la bande clip ?

13 R. J'ai écouté du moins ce texte qui est extrêmement rapide. Je sais alors

14 que j'étais en train d'écouter tout ceci da cette pièce ici, dans cette

15 même salle d'audience. Je me souviens très bien d'avoir entendu la bande

16 son avec une coupure. Alors, je voudrais bien avoir quand même la bande

17 pour voir exactement où se trouve la cassure dans la bande. Parce qu'il y a

18 une phrase qui manque. Je n'ai pas pu le remarquer, parce que c'était

19 extrêmement rapidement cette fois-ci, et le texte est allé extrêmement

20 rapidement. Mais je sais très bien ce que j'ai dit. Il y a quand même une

21 phrase qui a été enlevée de la bande.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que pendant la pause suivante M.

23 Krajisnik pourrait peut-être revenir en prétoire un peu plus rapidement

24 avant la reprise de l'audience pour revisionner ce vidéo clip puisqu'il

25 semble vouloir vraiment le voir. Je n'ai rien remarqué. S'il y a une

26 cassure dans la bande, il y a une cassure à la fois au niveau des gestes,

27 des mouvements, à la fois sur la bande audio et sur la bande vidéo.

28 M. Sladojevic pourrait peut-être vérifier.

Page 24528

1 M. STEWART : [interprétation] On pourrait peut-être la diffuser sur mon PC,

2 si cela vous va.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La sécurité devrait vérifier, puis

4 M. Krajisnik peut revenir un tout un peu plus tôt dans le prétoire avant

5 que ne reprenne l'audience afin d'écouter cette vidéo et de la revérifier à

6 nouveau.

7 Vous pouvez continuer, Monsieur Stewart.

8 M. STEWART : [interprétation] Merci.

9 Q. Vous nous dites à un moment - vous nous donnez des explications sur les

10 territoires possédés ou détenus par l'armée serbe de Bosnie, qui seraient

11 peuplés par d'autres communautés nationales. Pouvez-vous nous dire

12 maintenant si, en effet, à l'époque, il y avait ces zones qui étaient

13 occupées par l'armée des Serbes de Bosnie et qui n'étaient pas purement

14 serbes ?

15 R. Je crois que tout le monde ici dans cette salle sait bien que

16 Srebrenica et Zepa, en 1992, n'étaient pas détenues par l'armée de la

17 Republika Srpska. On ne le voit pas sur cette feuille, sur cette carte.

18 Cela a peut-être été dessiné plus tard ou différemment, et cela a peut-être

19 été donné comme étant la carte de Genève. Mais ce ne sont absolument pas

20 les frontières détenues par les forces de l'armée de la République Srpska.

21 Ce n'est qu'en 1995 que nos forces ont pris Srebrenica, après tout.

22 D'ailleurs, il s'agit d'une affaire qui est devant ce Tribunal. Je ne

23 comprends pas bien ce qui se passe. Je me rappelle très bien de

24 l'interview. En tout cas, je vois que j'étais beaucoup plus jeune, mes

25 cheveux étaient encore noirs. Mais je ne sais pas exactement de quand date

26 cette interview. Je ne peux pas lui apposer une date.

27 Q. Monsieur Krajisnik, à un moment donné en 1992, est-ce que l'armée serbe

28 des Serbes de Bosnie s'est emparée de territoires qui étaient occupés par

Page 24529

1 une majorité ethnique différente des Serbes ?

2 R. Monsieur Stewart, le Président m'a déjà posé une question a peu près

3 identique, il l'a formulée différemment. Mais je vais essayer de répondre

4 quand même à votre question. Si vous me le permettez, je vais vous donner

5 une réponse qui sera assez proche de celle que j'avais déjà donnée.

6 L'armée de la Republika Srpska combattait contre l'autre camp. La situation

7 évoluait tout le temps. Les territoires détenus par l'armée de la Republika

8 Srpska étaient beaucoup plus détendus en 1992 qu'à la fin de la guerre.

9 Cela dit, il y a de nombreuses modifications dans ces territoires puisqu'il

10 y avait une ligne de front qui évoluait. Tout dépendait s'il y avait eu des

11 combats sur la ligne de front, et qui avait gagné, qui avait perdu, qui

12 avait repoussé la ligne de front, dans quel sens la ligne de front s'était

13 enfoncée. La plupart du temps, c'était les commandants locaux qui s'en

14 occupaient. Tout dépendait de la situation et de l'évolution de la ligne de

15 front. Je ne sais absolument pas ce qui s'est passé à tel moment ou à tel

16 autre, qui a détenu qui, quoi et quand. Du début de la guerre jusqu'en

17 1995, il n'y a pas eu beaucoup de modifications, en tout cas, quand il y a

18 eu le problème avec Srebrenica et Zepa. Pratiquement toute la zone était --

19 enfin, les choses n'ont pas tellement bougé après tout pendant la guerre.

20 Ensuite, l'autre question. Je vais y répondre aussi. Pour ce qui est de ce

21 dont l'armée s'est emparé. Il y a eu quelques modifications, par exemple,

22 le corridor. En tout cas, de 1992 jusqu'à 1995 jusqu'à Srebrenica et Zepa,

23 c'était ce qu'on avait là. Dans Sarajevo, il y avait des petites

24 évolutions, des petites modifications et dans d'autres zones aussi, il y

25 avait de toutes petites modifications.

26 Q. Monsieur Krajisnik, je veux vous demander --

27 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai jamais fait ceci, mais là, je pense

28 que je dois prendre la parole, parce que M. Krajisnik a répondu quelque

Page 24530

1 chose, mais en tout cas, une chose est sûre, il n'a pas répondu à la

2 question qui a été posée par M. Stewart. Bien sûr, c'est aux Juges et à M.

3 Stewart d'en juger, mais je tiens à attirer votre attention là-dessus. Il

4 me semble qu'il a évacué la réponse. Il n'a pas du tout répondu à la

5 question qu'on lui avait posée.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, il me semble que dans

7 votre question, vous avez demandé une réponse de la part de M. Krajisnik.

8 M. STEWART : [interprétation] Bien, c'est un sujet que j'aimerais laisser

9 de côté jusqu'à la fin de la déposition -- je n'y reviendrai qu'à la fin de

10 la déposition de M. Krajisnik.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, vous reposerez cette

12 question.

13 M. STEWART : [interprétation] Oui, je la poserai d'une façon ou d'une

14 autre. Je peux la poser tout de suite si vous le voulez plutôt que de la

15 laisser en suspens. Donc, je repose ma question.

16 Q. Vous comprenez bien ce qui se passe ici. Vous nous avez donné des

17 explications, mais ma question essentielle était la suivante : au cours de

18 l'année 1992, l'armée des Serbes de Bosnie a bel et bien pris des

19 territoires qui étaient majoritairement détenus par d'autres groupes

20 ethniques que les Serbes. C'est cette question que je vous ai posée et à

21 laquelle vous n'avez pas répondu.

22 R. Mais j'ai répondu. Peut-être que je n'ai pas répondu clairement, mais

23 j'ai répondu. L'armée a été mise en place le 12 mai. Avant cela, une grande

24 partie du territoire - enfin, les gens armés des deux côtés se sont

25 séparés, puis l'armée a un petit peu corrigé les choses jusqu'en 1995. Par

26 exemple, Zvornik, Bijeljina, toutes sortes de choses, mais à part le

27 corridor. Je vous ai déjà répondu. Une fois que l'armée a été mise en

28 place, il n'y avait plus que le problème de ce corridor. A Sarajevo, la

Page 24531

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 24532

1 situation en avril était ce qu'elle était. Vlasenica était ce qu'elle était

2 ainsi que Zvornik. Tout cela, bien avant l'établissement de l'armée de la

3 République Srpska, ce qui fait que ce sont les gens qui se sont armés, qui

4 ont trouvé leurs propres frontières --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Krajisnik. Je pense que ce

6 qu'on veut savoir, c'est la chose suivante : on veut savoir quand on a

7 établi l'armée de la Republika Srpska, on voudrait savoir s'ils se sont

8 emparés ou s'ils ont continué à contrôler des territoires qui n'étaient

9 pas, avant la guerre, habités par une majorité de Musulmans.

10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me propose de reprendre. Il y a eu

11 certaines corrections de ces frontières. Certainement, ces corrections

12 visaient à faire en sorte que de mineures parties de territoires habités

13 par des Musulmans et ainsi que par des Serbes, par exemple, le corridor qui

14 passe par Konjevic Polje et similaires. Mais il n'y a pas eu de grandes

15 brassées comme cela a été le cas en avril, pour répondre à la question. Mis

16 à part ce corridor, l'armée n'a pas eu à intervenir grandement, parce que

17 toutes ces batailles se sont réalisées, se sont tenues avant la création

18 même de l'armée. Vous pouvez le constater en comparant les dates.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas, je pense, écouté

20 attentivement ma question. Je vous ai demandé si l'armée avait pris ou

21 avait conservé le contrôle. Quand j'ai dit "conserver le contrôle", je

22 voulais dire que certaines forces s'étaient emparées de certains

23 territoires, territoires qui, avant les conflits, avaient une majorité de

24 population musulmane. Je ne vous ai pas demandé ce qui a changé par la

25 suite exactement. Après la création de cette armée de la Republika Srpska,

26 est-ce que cette armée a placé sous son contrôle des territoires qui, à

27 l'origine, donc à l'origine signifiant avant le conflit armé, avait une

28 majorité musulmane ? Je n'ai pas à l'esprit un village concret mais des

Page 24533

1 secteurs tout grands.

2 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de la situation que l'armée a

3 héritée, pour ce qui est de cette situation, je dirais que l'armée a perdu

4 des territoires et en a pris d'autres. L'élément positif, c'est qu'elle a

5 pris certains territoires. J'ai dit qu'il s'agissait là de corrections

6 mineures par rapport à la situation héritée par l'armée. Je dirais que les

7 opérations principales ont été terminées avant la création de l'armée,

8 exception faite du corridor. L'armée avait gardé ce qu'elle avait. Elle a

9 perdu certains territoires et elle a obtenu d'autres territoires.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En d'autres termes, ils ont exercé leur

11 contrôle vis-à-vis de certaines régions qui ont été habitées par une

12 majorité musulmane ?

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas en réalité votre question.

14 Si vous voulez avoir une réponse à cette question, je dirais oui, mais ce

15 n'est pas la bonne réponse.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez nous donner une image

17 d'ensemble, Monsieur Krajisnik. Or, nous demandons une partie de l'image

18 générale. C'est là la question que je vous ai posée.

19 Vous pouvez continuer, Monsieur Stewart.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris M. Stewart parce qu'il n'a

21 probablement pas posé cette question de la bonne façon.

22 M. STEWART : [interprétation] Je vais faire de mon mieux.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez la question suivante.

24 M. STEWART : [interprétation] Oui, je ferai de mon mieux.

25 Q. Monsieur Krajisnik, le Juge Orie vous a demandé si l'armée des Serbes

26 de Bosnie a exercé son contrôle vis-à-vis de certaines régions où la

27 majorité de la population se trouvait être musulmane. C'était là la

28 question. Vous avez dit que vous n'avez pas bien compris. Vous avez répondu

Page 24534

1 par l'affirmative, mais vous avez estimé que ce n'était pas la bonne

2 réponse. Mais quelle est la bonne réponse, Monsieur Krajisnik ?

3 R. Je ne vous comprends pas non plus.

4 Q. Bien --

5 R. Je ne comprends pas la question.

6 Q. Excusez-moi.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, mais je voudrais aider.

8 M. STEWART : [interprétation] Bien --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, Monsieur

10 Krajisnik, vous avez dit de ne pas poser de question unilatérale, mais de

11 vous poser des questions sur la totalité de la situation. Vous dites que

12 vous aviez perdu des territoires et que vous en aviez gagné d'autres. Quand

13 vous le dites, je crois comprendre que les forces armées -- sans pour

14 autant parler de changements majeurs survenus après la création de l'armée

15 de la Republika Srpska, vous avez obtenu le contrôle dans certains secteurs

16 où il y avait une majorité musulmane et vous avez perdu le contrôle dans

17 d'autres secteurs. Vous ai-je bien compris ?

18 LE TÉMOIN : [interprétation] La raison pour laquelle j'ai dit que je ne

19 comprenais pas, c'est que c'est une question tout à fait autre. Parce que

20 la question posée précédemment c'était de savoir si l'armée s'était emparée

21 de territoire. Or, vous avez dit est-ce qu'elle a maintenu ou conservé des

22 territoires ? Alors oui, l'armée a conservé ces territoires, des

23 territoires où il y avait eu des Musulmans avant cela. Ce n'est pas

24 contesté. Mais ce sont là deux questions différentes, deux aspects

25 différents qui ont prêté à confusion. L'armée n'a pas quitté Vlasenica,

26 Zvornik, et ainsi de suite. Elle a conservé les territoires où il y avait

27 eu auparavant une majorité musulmane. C'est la raison pour laquelle j'ai

28 dit que je ne comprenais pas la question.

Page 24535

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant les choses sont claires.

2 Veuillez continuer, Monsieur Stewart.

3 M. STEWART : [interprétation]

4 Q. Monsieur Krajisnik, vous vous souviendrez du fait que M. Okun est venu

5 témoigner ici; cela s'est passé il y a assez longtemps. Je me propose à

6 présent de vous poser certaines questions au sujet des éléments dont a

7 parlé M. Okun.

8 M. STEWART : [interprétation]

9 Q. Je crois que vous comprendrez que nous aurons besoin du témoignage de

10 M. Okun. Il a commencé à témoigner le 22 juin 2004, et je vais commencer

11 par la page 4 152, qui fait partie de son interrogatoire principal. Il lui

12 a été posé la question de savoir s'il était d'accord pour dire que les

13 journaux qu'il a tenus à jour et qui ont reflété à peu près la tenue de 50

14 ou 60 réunions qu'il a eues avec les membres de la direction des Serbes de

15 Bosnie, et je me réfère à la page 4 153, où il a dit que quoique n'ayant

16 pas compté, il y avait certainement eu plus de 25 réunions où vous aviez

17 pris part également. Il a également indiqué que c'étaient des réunions

18 assez nombreuses ayant duré plus ou moins longtemps. Il y a 25 réunions

19 avec la participation de M. Okun et de vous-même. Est-ce que c'est un

20 nombre qui correspond à peu près au nombre de réunions ?

21 R. Est-ce que vous parlez de 1992 ?

22 Q. Non, il avait parlé de la période toute entière.

23 R. Je sais que pour ce qui est de M. Okun, d'après mes souvenirs, c'est

24 quelqu'un que je n'ai vu qu'une fois. Je pense l'avoir vu à Genève ou à

25 Londres, je ne sais plus exactement. C'est quelqu'un dont je me souviens

26 bien. Il était l'adjoint de M. Vance. A ces réunions conjointes, il était

27 présent, mais je ne sais pas dans quelle mesure. Toutefois, cela ne s'est

28 passé en 1992. D'après mes souvenirs, en 1992, il y a eu peut-être une,

Page 24536

1 éventuellement deux réunions où je n'ai pas échangé un seul mot avec lui.

2 J'étais seulement présent à une réunion plénière. Il se peut que je n'aie

3 même pas pris la parole. Ce qui fait que je ne peux pas vous le confirmer.

4 Je pense que M. Okun se trompe complètement. Je n'ai pas pu avoir autant de

5 réunions avec M. Okun; loin de là. Je suis loin d'avoir eu autant de

6 rencontres avec lui.

7 Q. Il a dit à la page 4 165 du compte rendu d'audience, suite à une

8 question --

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.

10 M. TIEGER : [interprétation] Je me suis penché sur la question, et il n'y a

11 pas de confusion, M. Stewart a essayé de tirer la situation au clair. Le

12 témoin a demandé s'il était fait référence à 1992. M. Stewart a dit que

13 cela ne se limitait pas à 1992, mais que cela incluait, par exemple,

14 l'année 1993 également. Est-ce que M. Krajisnik avait parlé dans sa réponse

15 de l'année 1992 seulement ou est-ce qu'il y a eu un malentendu, ou alors

16 est-ce qu'il n'a pas voulu répondre ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La seule chose que nous devrions faire,

18 aux fins d'éviter tout malentendu, c'est de poser la question. Monsieur

19 Krajisnik, cette question portait sur une partie du témoignage de M. Okun.

20 On vous a donné lecture d'un résumé de ce dont il a été question. Vous avez

21 demandé si M. Stewart s'était référé à l'année 1992. M. Stewart a dit que

22 M. Okun s'était référé à la période toute entière.

23 Dans votre réponse, avez-vous englobé l'année 1992 seulement ou

24 l'année 1993 a-t-elle été comprise ? Est-ce que votre réponse aurait

25 différé s'il ne s'agissait que d'une seule période ?

26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de la période toute entière parce

27 que c'est ainsi que j'ai compris la question de M. Stewart, pour ma part.

28 M. STEWART : [interprétation]

Page 24537

1 Q. Monsieur Krajisnik, M. Okun a dit que ce n'est qu'à partir du début

2 1993 que l'on a commencé à avoir des entretiens fréquents avec une

3 intensification de ces entretiens. Cela coïncide-t-il avec votre mémoire ?

4 R. Oui. En 1993, nous avons eu le plan Vance-Owen avant mai, c'est donc

5 durant cette période-là que se sont tenues les réunions auxquelles se

6 réfère M. Okun, avant la tenue de notre assemblée.

7 Q. Dans son témoignage, page 4 157, il parle des objectifs de guerre des

8 Serbes de Bosnie. Il a été interrogé par M. Tieger - cela se trouve vers le

9 milieu de la page - et M. Tieger lui a dit : "Vous avez indiqué que le Dr

10 Karadzic et M. Krajisnik s'étaient employés en faveur des objectifs de

11 guerre des Serbes de Bosnie. Pouvez-vous nous dire quels ont été ces

12 objectifs politiques des temps de guerre ?"

13 Il y a eu des discussions techniques, puis il a dit : "Oui. Les trois

14 parties au conflit avaient des objectifs. Les Serbes de Bosnie avaient pour

15 objectifs de guerre, dans la forme qui a été directement et publiquement

16 présentée, étaient au nombre de six." Il n'y a pas de description très

17 élaborée, Monsieur Krajisnik, donc je vais vous donner lecture.

18 "Tout d'abord" -- et je vais m'arrêter à chaque fois pour vous

19 demander si vous êtes d'accord pour affirmer que cela a bel et bien été

20 l'un des objectifs de guerre des Serbes de Bosnie.

21 "D'abord, c'était d'avoir un Etat à eux, la Republika Srpska, à savoir un

22 Etat en matière de droit."

23 Est-ce que vous êtes d'accord avec l'affirmation faite par M. Okun ?

24 R. Je ne suis pas d'accord. Ce n'étaient pas des objectifs de guerre;

25 c'étaient des objectifs politiques qu'il n'avait pas compris parce qu'il

26 n'avait pas pris part aux négociations qui se sont déroulées auparavant. A

27 la conférence, nous n'avions parlé que d'objectifs politiques et non pas

28 d'objectifs de guerre. Il a été discuté dans le cadre d'une conférence.

Page 24538

1 S'il y avait un objectif politique de la part des négociateurs qui

2 consistait à créer un Etat à nous, cela est exact, parce que cela a

3 constitué l'une des conditions du début à la fin de ce processus des

4 négociations. Cela constituait en effet un objectif politique et non pas un

5 objectif de guerre.

6 Q. Le deuxième visait à faire de cet Etat, la Republika Srpska, "un

7 territoire continu, contigu avec la Serbie, sans pour autant qu'il y ait de

8 parties distinctes."

9 Alors, Monsieur Krajisnik, est-ce que cela a constitué l'un des objectifs

10 en temps de guerre ?

11 R. A l'occasion des négociations, nous avons sans cesse répété les

12 positions qui étaient les nôtres dès le départ, et l'une de ces positions

13 parlait du corridor. Il est exact de dire que nous voulions que la

14 Republika Srpska soit constituée par un seul territoire unifié, et cet

15 objectif devait être réalisé moyennant échange de territoire. C'était la

16 proposition politique que nous avions faite à la commission politique dont

17 il a fait partie au niveau de la communauté internationale.

18 Q. Troisième objectif, a-t-il dit : "Un territoire ethniquement pur ou

19 essentiellement ethniquement pur des Serbes de Bosnie, autant que cela

20 pouvait se faire."

21 Alors, dites-nous, est-ce que c'est là des objectifs des Serbes de Bosnie

22 en temps de guerre ?

23 R. Cela n'a jamais été un objectif, et on peut le constater à la lecture

24 de tous les documents. Le premier des objectifs qui a été débattu, c'était

25 la délimitation, à savoir la création d'une Republika Srpska avec majorité

26 serbe, une république musulmane avec une majorité musulmane et une entité

27 croate où il y aurait majorité croate. Mais bien entendu, il devait y avoir

28 d'autres groupes ethniques dans chacune des parties. Nulle part il n'a été

Page 24539

1 question de territoire ethniquement pur. C'était quelque chose de

2 complètement exclu. Il n'en a pas été question. Il n'aurait pas été

3 réaliste d'en parler; il va sans dire.

4 Q. "Quatrième objectif consistait à établir des relations spéciales avec

5 la Yougoslavie ou avec la Serbie."

6 Est-ce que c'était l'un des objectifs en temps de guerre ?

7 R. Cela n'est pas seulement un objectif des temps de guerre. Je vous ai

8 expliqué que nous avions obtenu l'accord de la partie musulmane et de la

9 communauté internationale disant que nous étions autorisés à avoir des

10 relations spéciales avec les républiques voisines. Il en allait de même

11 pour les Croates, les Musulmans et nous-mêmes. Les trois groupes ethniques

12 avaient la liberté de créer des relations spéciales, dans la mesure où cela

13 ne remettrait pas en question la survie de la Bosnie-Herzégovine. C'est de

14 cela qu'il s'agit et non pas d'autre chose. Et il a défini les choses

15 autrement. Il est certain qu'il a mal compris. D'ailleurs, c'est ce qui a

16 été dit aux accords de Dayton et dans tous les autres accords précédents.

17 Q. "Cinquièmement, pour partager Sarajevo en une partie musulmane et une

18 partie des Serbes de Bosnie."

19 Est-ce que cela a été un objectif des temps de guerre ?

20 R. Notre objectif a été de ne pas être expulsés de Sarajevo. Nous

21 voulions, dans Sarajevo, avoir une administration locale à nous. Nous

22 n'avons jamais demandé, comme on a essayé de le faire entendre au figuré,

23 de construire ou de placer des murs de Berlin. Nous avons souhaité une

24 transformation de Sarajevo où certaines parties auraient constitué des

25 municipalités distinctes avec une majorité serbe. Il y a des documents en

26 ce sens qui disent exactement quelles ont été les propositions que nous

27 avions formulées pour Sarajevo, et c'est ce que je viens de vous indiquer.

28 Q. Ensuite, on en arrive au sixième et dernier : "Avoir un droit de veto

Page 24540

1 vis-à-vis des pouvoirs résiduels qui seraient ceux du gouvernement central

2 de la Bosnie-Herzégovine…"

3 Est-ce que cela était l'un des objectifs des temps de guerre ?

4 R. Cela n'a pas été l'un des objectifs. Je dirais que cela a été l'un des

5 points avancés par les trois parties en présence. En effet, dès le début,

6 il a été question des points où il fallait aboutir à un consensus, et il a

7 été question aussi de points où il fallait quatre cinquièmes de votes pour

8 ou deux tiers de votes pour afin que certains intérêts ethniques ne soient

9 pas mis en péril en Bosnie-Herzégovine. Donc, cela a été la position

10 conjointe des trois parties en présence. Dans tous les projets d'accord,

11 c'était quelque chose de prévu. Cela n'a pas été une proposition serbe;

12 cela a été l'un des points dont il a été débattu et qui a figuré à tous les

13 projets d'accord. Ce n'était d'ailleurs pas un droit de veto; mais c'était

14 là une façon de résoudre le problème qui a donné lieu à la guerre, à savoir

15 le problème de la mise en minorité systématique et violations de la

16 constitution.

17 Q. M. Okun, dans son témoignage, a dit que ces six objectifs des Serbes de

18 Bosnie datant de la guerre, et qu'il a énoncés, auraient été énoncés à lui-

19 même et à ses collègues de façon directe lors des négociations; est-ce

20 exact ?

21 R. Ce n'est pas exact. Il a dû entendre parler des six objectifs

22 stratégiques, et il en a été question souvent à l'occasion des négociations

23 lors de la présence de M. Vance et de M. Owen, qui étaient des co-

24 présidents lors de la tenue de la conférence, mais cela n'a jamais été

25 formulé comme étant des objectifs. Cela a constitué six points dont il a

26 été débattu.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je me suis un peu

28 perdu.

Page 24541

1 Monsieur Krajisnik, dans l'une de vos réponses précédentes, vous avez dit

2 que M. Okun avait eu tort lorsqu'il a affirmé avoir assisté à 25 réunions

3 en votre présence. Vous avez dit que M. Okun, à votre avis, n'avait pas

4 raison de dire que vous n'avez pas eu de réunions avec lui. Maintenant,

5 quand on pose la question de savoir si cela a été dit à M. Okun à

6 l'occasion des négociations, vous semblez dire clairement que cela ne lui

7 avait pas été dit.

8 Alors, quand vous dites que M. Okun avait tort, vouliez-vous dire que

9 vous n'avez pas eu de réunions avec lui. Ce n'est pas ce dont il a parlé;

10 il a parlé de réunions où vous avez été présent, ce qui est autre chose que

11 d'avoir une réunion directement avec vous. Est-ce que c'est ce que vous

12 vouliez dire ou est-ce que vous vouliez dire que M. Okun a bien pu être

13 présent à une vingtaine ou 25 réunions auxquelles vous avez assisté vous-

14 même. Etant donné que vous êtes assez explicite sur ce qui n'a pas été dit

15 à M. Okun, pouvez-vous faire la lumière là-dessus pour moi.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas pu y avoir 25 réunions où

17 j'aurais été présent avec M. Okun pendant toute la durée de sa

18 participation à la conférence, parce qu'il n'y a pas eu autant de journées

19 et autant de réunions entre nous. Il a été présent entre le début 1993 et

20 le mois de juin 1993. Il n'a plus été présent par la suite. Après, c'était

21 Owen et Stoltenberg. Ce que je vous dis, c'est que d'après mes souvenirs,

22 il n'y a pas pu y avoir autant de réunions. Ce que je suis en train de dire

23 maintenant concernant le fait de lui avoir dit --

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.

25 Combien de réunions y a-t-il bien pu y avoir en sa présence; dix, 15 ? Vous

26 dites il n'y en a pas eu 25.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous dis que je ne

28 peux pas vous dire exactement combien de réunions il y a eu. Mais 25 c'est

Page 24542

1 trop. Je ne peux pas vous dire deux, trois ou cinq, mais je vous dis quelle

2 est la période pendant laquelle il était présent. Je peux exactement

3 retrouver les moments où nous avons eu des rencontres avec lui à compter du

4 mois de janvier jusqu'à la fin du mois d'avril, à savoir, jusqu'à la

5 réunion à Athènes. Il n'y a plus eu de M. Okun ni de M. Vance. Avant, il y

6 a eu une réunion en 1992. Ce que j'essaie de faire, c'est de vous dire ce

7 que je sais dire. Mais dire qu'il y en a eu autant, je dirais qu'il y en a

8 peut-être eu trois, cinq, sept, mais 25, cela me paraît trop. Je peux

9 répondre à d'autres questions si vous en avez.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous n'avez pas été présent à toutes

11 ces réunions, nous devrions nous poser la question de savoir comment il

12 vous a été donné de savoir ce qui ne lui a pas été dit à M. Okun à

13 l'occasion de ces négociations, ou plutôt ce qui n'a pas été dit aux

14 personnes qui ont été présentes à ces réunions ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais m'expliquer. S'il y a eu une visite à

16 Genève, et si là, il y a eu plusieurs rencontres dans le courant de cette

17 visite, disons, trois, quatre, cinq ou six réunions, si c'est ainsi que M.

18 Okun a compté en la présence d'autres personnes, M. Koljevic, M. Karadzic,

19 il se peut qu'il y ait eu plus de rencontres que je n'en ai conscience.

20 Mais je n'étais pas assis avec lui ou je n'ai pas été à des réunions où il

21 aurait été présent. Alors, si je vous dis que j'étais présent deux ou trois

22 fois, il se peut que je le dise au petit bonheur. Il se peut qu'il ait eu

23 une visite à Genève avec plusieurs rencontres. Si c'est ce qu'il a voulu

24 entendre, l'explication est tout à fait différence, parce que nous avons

25 débattu des journées entières en conversations bilatérales, en discussions

26 distinctes. Je dis bien que nous sommes allés à Genève et nous nous sommes

27 entretenus pendant toute la journée en présentant toutes sortes de

28 propositions.

Page 24543

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.

2 M. STEWART : [interprétation]

3 Q. Monsieur Krajisnik, pensez-vous qu'il soit possible que vos collègues,

4 les Serbes de Bosnie, à une réunion où vous n'auriez pas été présent, aient

5 pu annoncer ces six objectifs de temps de guerre que M. Okun a décrit dans

6 son témoignage ?

7 R. Je suis convaincu du fait que des objectifs ainsi formulés n'ont pu

8 être présentés. Ce qui est possible, c'est qu'à l'occasion d'une

9 conférence, à savoir, d'une réunion à Genève, il ait été posé une question

10 ou plusieurs questions. Il se peut que M. Koljevic et

11 M. Karadzic aient eu des réunions avec lui ou M. Vance à part, et qu'ils

12 aient présenté des positions sur différents points. Ils ont pu dire : Nous

13 voulons avoir un territoire unifié, nous voulons aménager les choses afin

14 de ne pas être mis en minorité. Il a peut-être estimé que c'était là les

15 objectifs stratégiques qui étaient les nôtres. C'est dans la partie de la

16 formulation d'un concept visant à aboutir à un accord de paix. Cela n'a pas

17 constitué des objectifs officiels tels qu'il les a présentés. C'est ce que

18 j'ai dit. En termes simples, vous parlez de variantes, vous combinez toutes

19 sortes de solutions pour résoudre un problème. Vous parlez de corridor, de

20 la Republika Srpska, et ainsi de suite. La mission principale qui était la

21 sienne - et c'est la raison pour laquelle il a retenu cela - c'était de ne

22 de pas faire en sorte qu'il y ait une Republika Srpska, à savoir, supprimer

23 l'essentiel de ce qui avait été convenu. C'est pour cela qu'il a retenu

24 cela comme objectif. Cela a effectivement constitué un objectif, à savoir,

25 nous en tenir de façon conséquente à ce qui avaient été prévu au départ et

26 qui avait obtenu l'approbation de la communauté internationale. Cela le

27 dérangeait; il ne le voulait pas. Il avait proposé qu'il n'y ait pas de

28 Republika Srpska dans le plan de ce qui était incorporé au plan Vance-Owen,

Page 24544

1 et c'est la raison pour laquelle ce plan a été rejeté.

2 Q. Monsieur Krajisnik, dans l'une des réponses apportées par M. Okun, que

3 l'on peut retrouver en page 4 165 du compte rendu d'audience, suite à une

4 question de M. Tieger se lisant comme suit : "Ambassadeur Okun, est-ce que

5 l'une des questions d'importance considérable, peut-être d'importance

6 centrale durant les négociations, se ramenait oui ou non aux territoires

7 auxquels les Serbes de Bosnie-Herzégovine avaient réclamé avoir droit ?"

8 Il a dit : "Oui."

9 Monsieur Krajisnik, alors cette question a été -- si la question vous

10 a été posée à vous, est-ce que vous auriez dit oui ou non ?

11 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que cela n'était pas intentionnel,

12 mais il serait peut-être utile de donner lecture de la réponse entière.

13 M. STEWART : [interprétation] J'allais le faire, mais j'ai pensé poser une

14 question distincte. Ce qui est tout à fait une façon légitime de considérer

15 les choses.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.

17 M. STEWART : [interprétation]

18 Q. Alors, Monsieur Krajisnik, est-ce que l'une des questions principales,

19 l'une des questions les plus importantes à l'occasion de ces négociations,

20 était la quantité de territoires auxquels les Serbes de Bosnie estimaient

21 avoir droit ?

22 R. Ce n'était pas l'importance ou la taille des territoires qui avaient

23 constitué l'importance prépondérante du côté des Serbes. La question la

24 plus importante au fil de tout ce processus de paix a été la question des

25 cartes. Le reste était facile à résoudre. Nous étions disposés, pour notre

26 part, à établir des cartes concertées indépendamment des quantités de

27 territoires au cadastre, comme on a coutume de le dire, indépendamment

28 aussi de la situation sur le champ de bataille. Il s'agissait de procéder à

Page 24545

1 la délimitation pacifique et à l'établissement des trois entités. Ce n'est

2 pas le pourcentage de territoires qui importait, les 64 ou autre. On peut

3 le voir dans tous les plans. On s'était, à chaque fois, ramenés à quelques

4 50 %, et pour finir, cela a donné 49 %. On voit dans quelle mesure nous

5 étions disposés à nous retirer de certains territoires. On peut le voir

6 dans le livre de M. Owen, à savoir, voir quelles sont les cartes que nous

7 avions proposées et avec lesquelles nous étions d'accord. Il n'y avait pas

8 de problèmes pour ce qui était de notre disposition d'accepter des

9 territoires moins importants. Nous étions disposés à le faire. La question

10 qui était contestée, c'était de savoir quels territoires seraient inclus

11 par la ligne de délimitation et ou pas.

12 Q. Après avoir répondu à cette question-là de façon affirmative, vous avez

13 dit que oui, cela devait être une des questions considérées comme très

14 importante au cours des négociations. M. Okun poursuit en disant : C'était

15 un refrain que l'on entendait sans cesse, à savoir, les Serbes de Bosnie

16 utilisaient une formule pour cela. Ils disaient : Nous sommes représentants

17 35 % du peuple, mais nous sommes propriétaires de 65 % du territoire.

18 Est-ce qu'il s'agit d'une formule ou d'un argument de négociation que les

19 Serbes de Bosnie présentaient au cours de ces négociations ?

20 R. Tels étaient les arguments du côté serbe. Lorsqu'on dit qu'il faut

21 obtenir un territoire qui dépasserait le chiffre de 30 %, qui est le

22 chiffre de la population, la population ne pourra pas être le seul critère

23 qui est pris en compte. Notre territoire est surtout un territoire rural

24 composé de très peu de villes. Toutes les industries et toutes les villes

25 importantes sont dans les parties du territoire détenues par les Musulmans.

26 La quantité et la qualité sont deux choses bien distinctes. C'est ce que

27 nous essayons de mettre en avant dans nos arguments, lorsque nous disions

28 que c'était disproportionné sur le plan du territoire, pourquoi le côté

Page 24546

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 24547

1 serbe devrait avoir plus de territoires. C'est la raison pour laquelle le

2 côté serbe a obtenu 49 %. La moitié de la Bosnie-Herzégovine, c'était la

3 partie rurale, alors que la partie centrale, la partie la plus riche, c'est

4 elle qui faisait partie de la fédération musulmane et croate.

5 Q. Il a dit que : "Nous avons entendu réitérer maintes et maintes fois,

6 que cette formule de 35 % de la population et 65 % du territoire, nous

7 avons entendu ceci maintes et maintes fois de la bouche de M. Milosevic, du

8 Dr Karadzic, de M. Krajisnik, Koljevic, Buha et toutes ces personnes."

9 Est-il exact de dire que ces personnes ont entendu cela de votre bouche,

10 Monsieur Krajisnik ?

11 R. Je pense qu'ils l'ont entendu de ma bouche à la manière dont je l'ai

12 dit, et je l'ai entendu moi-même de la bouche d'experts. Ce n'est pas moi

13 qui ai calculé les chiffres. Ce chiffre de 64 %, ce sont les experts qui

14 ont proposé ce chiffre lorsqu'ils ont dessiné la carte. Les Serbes sont

15 propriétaires de 65 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine; des forêts,

16 des prairies, des champs, alors que la partie centrale est la partie la

17 plus peuplée, où la densité démographique est la plus importante, où la

18 majorité de la population est musulmane et croate. En termes de

19 pourcentage, cela représente moins. Il a pu entendre cela de ma bouche. Je

20 n'exclus pas cette éventualité-là. Je ne dis pas que je l'ai dit, mais je

21 n'exclus pas cette éventualité-là. Et j'ai dit que les Serbes, pour ce qui

22 est du territoire, détenaient 64 % de la Bosnie-Herzégovine sur la base de

23 ce qui avait été avancé par les experts. A savoir si ceci est exact ou non,

24 je ne peux pas vous le dire.

25 Q. Il y a un court extrait que je vais vous lire, mais je ne vais pas vous

26 poser de questions, Monsieur Krajisnik. Sinon, on ne comprendrait pas ce

27 qui suit. A la page 4 166 du compte rendu. Après cette réponse sur les

28 territoires et la formule utilisée, M. Tieger a posé cette question à M.

Page 24548

1 Okun : "Le génocide contre les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale

2 a-t-il été placé dans le contexte de tout ceci, à savoir, l'annonce du

3 territoire auquel les Serbes de Bosnie avaient droit ?"

4 Ce à quoi il a répondu : "Oui, ceci est un facteur dont on a tenu compte."

5 Ensuite, à la deuxième page, 4 167, M. Tieger a posé à

6 M. Okun : "Monsieur l'Ambassadeur, pour ce qui est de votre réponse

7 précédente et sur l'insistance du génocide pendant la Deuxième Guerre

8 mondiale, est-ce que cela signifie que le Dr Karadzic, M. Krajisnik et les

9 autres dirigeants serbes de Bosnie ont prétendu avoir droit à un territoire

10 à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine sur laquelle des non-Serbes étaient

11 majoritaire, où les Serbes étaient minoritaires ?"

12 Il a répondu à cela en disant : "Oui. Ils ont été très clairs à cet égard."

13 Est-ce exact, Monsieur Krajisnik ? Encore une fois, j'en viendrai au reste

14 de la réponse plus tard. Est-ce exact de dire cela à vous, entre autres,

15 vous avez été très clair à cet égard et vous avez clairement indiqué que

16 vous avez des prétentions territoriales en Bosnie-Herzégovine, territoires

17 sur lesquels les Serbes étaient minoritaires ?

18 R. Ceci n'est pas vrai. Ceci n'est pas vrai, car nous avons toujours dit

19 du début à la fin, que les territoires serbes devraient être là où les

20 Serbes étaient majoritaires. Autant que faire se peut, cela devait être

21 fait par l'intermédiaire d'échange de territoires, si on pouvait se mettre

22 d'accord là-dessus. Si certains territoires étaient majoritairement

23 musulmans et seraient ou deviendraient serbes, et vice versa, savoir si

24 cela devait s'appliquer aux Croates, et cetera, autrement dit : On vous

25 cède cette partie-là, et vous nous cédez cette partie-là. Cela est bien

26 connu. Tout un et chacun sait ce qui, traditionnellement, appartient aux

27 Croates et ce qui, traditionnellement, appartient aux Serbes.

28 C'était un principe que nous avons appliqué, autre principe très important

Page 24549

1 lorsque nous avons commencé à dessiner les cartes. Nous n'avons pas

2 commencé d'emblée par dire : Zvornik nous appartient. Non. Quelle est la

3 majorité, quelle est la population majoritaire à Zvornik ? Ensuite, si

4 quelqu'un me dit : Pourquoi avez-vous pris Zvornik ? Je peux également

5 répondre à cette question.

6 Donc, si on analyse tout ceci du début à la fin, tout peut être clairement

7 établi; pourquoi les choses se sont passées ainsi. Il y a un principe de

8 base. Lorsqu'un peuple est majoritaire, cela devient leur territoire, et

9 lorsqu'un deuxième peuple est majoritaire, cela devient leur territoire, et

10 si c'est un troisième peuple, cela devient leur territoire. C'est à ce

11 moment-là que l'on peut commencer à travailler sur la base de ces unités

12 constitutives. Cela ne leur convenait pas, car M. Okun et M. Vance

13 n'aimaient pas cette idée-là. Ils ont abandonné l'idée de la Republika

14 Srpska. Nous n'avons pas apprécié cela, car nous-mêmes, nous avions déjà

15 abandonné l'idée de la Yougoslavie, car on nous avait promis la Republika

16 Srpska. Et maintenant, on nous refusait la Republika Srpska. C'est ce qu'il

17 n'a pas compris car il n'était pas là dès le début.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, M. Krajisnik a dit qu'il

19 pouvait répondre à la question et d'expliquer pourquoi ils avaient pris

20 Zvornik.

21 Est-ce que vous pourriez faire cela, Monsieur Krajisnik, en cinq à dix

22 lignes. Pourquoi Zvornik, tout en étant majoritairement musulmane, pourquoi

23 cette municipalité a été prise par vous ?

24 M. STEWART : [interprétation] A la page 12, avant que cela ne disparaisse

25 de l'écran, on peut lire : "Surtout nos négociations du côté serbe." M.

26 Sladojevic m'affirme que c'est le terme croate qui devrait figurer ici. Je

27 vois que M. Krajisnik hoche de la tête de façon affirmative. Si on pouvait

28 apporter cette correction, s'il vous plaît. Je ne souhaite pas vous

Page 24550

1 interrompre, mais sinon, ceci va disparaître de l'écran.

2 Q. Monsieur Krajisnik, M. le Président vous a demandé, il y a cinq ou dix

3 lignes, pourquoi Zvornik avait été prise. Vous avez dit que c'était

4 majoritairement habité par des Musulmans.

5 R. M. le Juge Orie, il y a dix ou 15 jours, m'a posé une question, à

6 savoir, si la Republika Srpska, les dirigeants serbes pensaient que Zvornik

7 appartenait à la Republika Srpska, parce que ceci a été pris par l'armée,

8 par des formations paramilitaires. La réponse est comme suit : Il y avait

9 une situation qui existait avant le début de la guerre. Avant le début de

10 la guerre, il y a eu des négociations, des pourparlers sur la division de

11 Zvornik en deux municipalités. J'ai des documents à l'appui, et la partie

12 serbe de la municipalité, à savoir les communautés locales serbes, est ce

13 qui reviendrait aux Serbes, non pas la partie urbaine de la ville où ils

14 n'étaient pas majoritaires. Ces négociations qui se sont déroulées, les

15 dirigeants locaux étaient d'accord avec cela. Ensuite les Musulmans ont

16 commencé à ériger des barrages routiers. C'est eux qui étaient à

17 l'initiative de cela, et les Serbes ont fui Zvornik. Ensuite, Arkan a

18 demandé aux dirigeants de venir à Mali Zvornik et leur a tous donné des

19 gifles en disant : Pourquoi avez-vous permis aux Musulmans de vous

20 décevoir ? Ensuite, ils ont pris Zvornik.

21 Cela ne signifie pas que les négociations ne tenaient pas compte de

22 ces territoires. Je puis vous assurer que M. Owen et M. Stoltenberg se

23 trouvaient sur une terrasse au bord du lac Zvornik lorsque cette question a

24 été débattue, et nous avons dit que cela nous intéressait d'échanger les

25 territoires avec la partie serbe pour que Zvornik figure sur notre carte,

26 car c'était important pour le corridor. Mais cela n'était pas une condition

27 sine qua non posée par nos autorités parce que quelqu'un avait pris

28 l'ensemble de la ville de Zvornik. Nous avons simplement dit que nous

Page 24551

1 souhaitions avoir la partie de Zvornik qui était, au plan ethnique, serbe.

2 Tout ceci est vrai. Je dis la vérité eu égard à Zvornik, Vlasenica et les

3 autres municipalités; bon évidemment, une fois que la guerre avait éclaté,

4 c'était une autre affaire.

5 Mais d'après les cartes, les Musulmans avaient le droit d'être sur

6 ces territoires où ils étaient majoritaires. Les Serbes n'avaient pas une

7 majorité à cet endroit-là, et les choses étaient ainsi réglées. Si on ne

8 pouvait pas tomber d'accord, on ne pouvait pas avoir le corridor. Donc, il

9 fallait se mettre d'accord avec la communauté internationale. On ne peut

10 pas dire : "Ceci est notre territoire," si le peuple en question n'est pas

11 majoritaire. On ne pouvait avancer que sur la base d'un consentement

12 mutuel. Tel était le principe appliqué depuis le début.

13 M. Owen et M. Stoltenberg se sont retrouvés sur une terrasse à

14 Zvornik. Il y avait un restaurant, et nous étions assis autour d'une table

15 en train de parler de cette question. La partie musulmane, après cela, a

16 accepté l'idée que Zvornik devait appartenir aux Serbes, car d'autres

17 territoires les intéressaient. Nous n'avons pas dit : Nous sommes

18 représentés à 20 % -- en réalité, c'est 46 % -- ou plutôt 36 %, pardonnez-

19 moi. Mais nous souhaitons que tout ceci nous appartienne. Non, personne

20 n'avait le droit de s'emparer du territoire d'un autre. Si vous avez un

21 territoire, vous pouvez l'échanger, vous pouvez tomber d'accord, vous

22 pouvez établir la liste des priorités, et cetera. C'est ainsi que les

23 choses se sont passées. C'est le principe qui a été appliqué du début à la

24 fin. Il ne s'agit pas de dire que bon, cela se résumait à cela, mais les

25 principes ont été érigés. Il fallait les appliquer. Je parle de ce que la

26 communauté internationale, les Musulmans, les Croates et les Serbes

27 savaient lorsque ces négociations étaient menées.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous ai

Page 24552

1 demandé de répondre dans cinq à dix lignes, car si vous répondez de façon

2 aussi longue, nous en aurons que très peu de temps pour des questions

3 supplémentaires.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Je crois que je me suis

5 exprimé un petit peu trop fortement. Pardonnez-moi. J'aurais dû m'exprimer

6 un peu moins. Je me suis emporté un petit peu. Pardonnez-moi.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

8 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 16 heures 15.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.

10 --- L'audience est reprise à 16 heures 32.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons commencé un petit peu tard,

12 car les Juges de la Chambre souhaitaient délibérer sur la demande qui avait

13 été présentée par la Défense pour une prorogation du temps qui lui était

14 imparti. La décision sera rendue aujourd'hui oralement.

15 On m'a dit que le réexamen du CD-ROM et de la vidéo n'a pas été couronné de

16 succès. Est-ce que la Défense pourrait en faire une copie de façon à ce que

17 M. Krajisnik puisse regarder cette vidéo dans sa cellule. Sinon, au cours

18 de la prochaine pause, vous allez peut-être tenter votre chance à nouveau.

19 Mais je suppose que si c'est sur CD-ROM ou une vidéo, ceci pourrait

20 aisément être copié.

21 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, nous pouvons faire une

22 copie.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.

24 M. STEWART : [interprétation] Merci.

25 Q. Monsieur Krajisnik, au cours des négociations - et je veux parler des

26 négociations ultérieures auxquelles a participé M. Okun - vous, les Serbes

27 de Bosnie, est-ce que vous avez cherché à récupérer, au cours de ces

28 négociations, des territoires que vous avez estimé avoir perdus pendant la

Page 24553

1 Deuxième Guerre mondiale ?

2 R. Non. Nous n'avons pas réclamé ces territoires-là, mais au cours de

3 différents pourparlers, au cours de différentes assemblées, lorsque des

4 cartes étaient dessinées, en présence de certains représentants, nous avons

5 exposé nos problèmes. La structure ethnique de la Bosnie-Herzégovine,

6 certaines régions, avait changé à cause du génocide contre les Serbes

7 pendant la Deuxième Guerre mondiale. C'était l'une des raisons. La raison

8 n'était pas si importante lorsqu'il s'agissait de dessiner les cartes, mais

9 au cours des négociations, c'était un élément important, car le but avait

10 été d'obtenir une meilleure position au niveau des négociations. Les cartes

11 ont été dessinées sur la base du recensement fait après la Deuxième Guerre

12 mondiale, à savoir en 1971, 1981 et 1991.

13 Q. Monsieur Krajisnik --

14 M. STEWART : [interprétation] -- et Messieurs les Juges, vous trouverez

15 ceci à la page 4 168 du compte rendu d'audience.

16 Q. -- M. Okun avait noté quelque chose eu égard à un commentaire fait par

17 le Dr Karadzic, tel qu'il l'a consigné : "Les Musulmans souhaitent avoir

18 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine : le taux de natalité est élevé." La

19 question lui a été posée par M. Tieger : "La référence faite à ce qui

20 semble être le taux de natalité des Musulmans, était-ce une référence

21 ethnique ou est-ce que c'est quelque chose qui était évoqué à plusieurs

22 reprises, ce taux de natalité des Musulmans ? Est-ce que c'est quelque

23 chose qui a été évoqué lors de cette réunion-là seulement ou à d'autres ?"

24 Il a dit que c'était un élément récurant. Et dans la réponse suivante, il a

25 dit : "Les dirigeants serbes de la Bosnie estimaient toujours qu'ils

26 avaient besoin de la Republika Srpska pour qu'ils puissent mettre en place

27 leurs institutions et de façon à pouvoir écarter les Musulmans de Bosnie

28 qui se voulaient dirigeants majoritaires…" Je ne vais pas me pencher sur le

Page 24554

1 reste de la question, Monsieur Krajisnik, parce que ma question est comme

2 suit : au cours de ces négociations, de ces pourparlers, est-ce que l'on a

3 évoqué la question du taux de natalité des Musulmans ?

4 R. Oui, au cours des négociations, ces questions ont été évoquées. Ceci

5 est un fait. Mais ceci était un élément secondaire; ce n'était pas quelque

6 chose de très important. On disait que les Musulmans avaient un taux de

7 natalité plus élevé que les deux autres groupes ethniques.

8 Q. A la page 4 169 du compte rendu, on a posé la question à M. Okun :

9 "Est-ce qu'on se concentrait sur le nombre de Musulmans qui vivaient dans

10 certains territoires occupés par les Serbes de Bosnie ? Etait-ce quelque

11 chose qui présentait un intérêt certain aux yeux des dirigeants serbes de

12 Bosnie ?"

13 Il a répondu : "Non. Ils n'insistaient pas tant là-dessus parce qu'ils

14 savaient ce qu'ils faisaient. Ils déplaçaient les Musulmans du territoire.

15 Ils savaient ce qui se passait. Ils avaient donné l'ordre et ils étaient

16 responsables de cela, donc ils avaient l'intention de créer leur future

17 Republika Srpska la plus ethniquement pure possible. Cela faisait partie du

18 sixième objectif, et cela n'était un secret pour personne. Bien sûr, ils

19 n'en faisaient pas la publicité non plus."

20 Monsieur Krajisnik, à aucun moment lorsque vous faisiez toujours part du

21 processus de négociations auquel participait M. Okun également, était-ce

22 votre position, à savoir celle des dirigeants serbes de Bosnie, de déplacer

23 les Musulmans de ces territoires ? Etait-ce votre position ou faire en

24 sorte qu'ils s'en aillent ?

25 R. Non, ceci est tout à fait inexact. Je ne sais pas comment M. Okun

26 pouvait parvenir à cette conclusion. Nous n'avons jamais dit cela à aucune

27 réunion à laquelle j'ai assisté, et je sais que mes collègues ont assisté à

28 ces réunions-là également. Il était tout à fait clair que chacun devait

Page 24555

1 rentrer chez-soi. Nous sommes tombés d'accord là-dessus, et aux termes de

2 tous les accords qui ont été signés entre nous, il s'agissait de ne faire

3 partir personne par la force, et ceci a été évoqué de cette manière à

4 toutes ces réunions.

5 Q. Ma question était assez précise, non pas que vous l'ayez dit, mais je

6 vous ai demandé si ceci se passait réellement. Est-ce que vous pourriez

7 répondre à cette question de façon précise, s'il vous plaît.

8 R. Pour ce qui est de la connaissance dont je disposais, bon,

9 connaissance. Ce que je savais, d'après mes collègues et ce que j'entendais

10 dire de leurs bouches en public, il s'agissait de départs volontaires de

11 Musulmans, à savoir qu'ils faisaient valoir leur droit de libre

12 circulation. Je ne sais pas dans quelles conditions les personnes qui sont

13 venues témoigner ici ont quitté ces municipalités, mais je sais que

14 certains témoins serbes ont également été entendus par ce Tribunal.

15 Q. Un peu plus loin au niveau du compte rendu, je crois qu'il s'agit du

16 lendemain, le 23 juin --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je puis vous demander une

18 clarification, s'il vous plaît. Dans la première partie de votre réponse,

19 Monsieur Krajisnik, vous avez dit que vous avez entendu dire cela de vos

20 collègues et de ce qu'ils disaient en public. Qui aviez-vous à l'esprit ?

21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu la déclaration de M. Karadzic.

22 Après la réunion qu'il avait eue avec M. Vance et M. Owen à Banja Luka. "Il

23 n'y a pas de nettoyage ethnique dans nos régions. Nous autorisons la libre

24 circulation." J'ai entendu cela lorsqu'il est revenu également, lorsqu'il

25 est revenu à Pale. C'est ce que j'ai entendu. Cette déclaration avait été

26 publiée dans les journaux et rendue publique.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous étiez au courant des

28 chiffres ?

Page 24556

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne savais rien de ce phénomène-là. Je

2 dis simplement que j'ai entendu parler de ceci dans des termes généraux. Je

3 sais que les Musulmans ont quitté Pale, et je peux en parler; mais pour ce

4 qui est du reste, je ne sais pas qui est parti, comment ces gens sont

5 partis, de quelle façon et de quelle région. Je ne sais pas si ces

6 personnes sont en réalité parties à ce moment-là.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez dit : "J'ai entendu ce même

8 récit qui a été présenté par des Serbes, des témoins serbes qui ont été

9 entendus par ce Tribunal."

10 Qu'est-ce qu'ils nous ont dit ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les témoins serbes ont dit que les

12 Musulmans avaient fait une demande. Ils ont dit qu'ils souhaitaient partir

13 et qu'ils partaient de leur plein gré. C'est ce que j'ai entendu par la

14 suite, j'entends par la suite, que les Musulmans partaient. Avant de venir

15 ici, je n'avais jamais entendu parler auparavant d'expulsions de Musulmans,

16 et ici, j'ai entendu des témoins musulmans dirent qu'ils avaient été

17 chassés. Maintenant, je parle de ce que je connais.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, dans votre

19 déposition, vous dites que vous n'avez jamais, avant votre venue à La Haye,

20 vous n'avez jamais auparavant entendu parler d'expulsions de Musulmans, pas

21 depuis l'année 1995 et la date à laquelle vous avez été arrêté ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis vous assurer, Monsieur le

23 Président, avec toutes les personnes dont je me suis entretenu dans les

24 années qui ont suivi, de chaque municipalité dont partaient les Musulmans,

25 j'ai toujours entendu dire qu'ils partaient de leur plein gré. Je n'ai

26 jamais entendu un seul représentant officiel dire que les Musulmans avaient

27 été chassés. Il est vrai que ce n'est pas un sujet de conversation que nous

28 avions souvent. Mais je savais qu'il y avait des mouvements de population.

Page 24557

1 Je sais que ceci s'est passé sur l'ensemble des territoires de la Bosnie-

2 Herzégovine, mais je n'ai jamais entendu parler du fait que quelqu'un ait

3 été chassé.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous dites que vos sources

5 viennent des représentants officiels de la région. Avez-vous entendu ce

6 type de récit dans la bouche d'autres personnes peut-être ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me posez la question et vous me dites

8 qu'avant l'année 1995, si j'avais entendu parler d'expulsions de Musulmans

9 --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non --

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez demandé avant cette date-là --

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je vous ai demandé ce que vous

13 saviez avant votre arrivée à La Haye. C'est ce que vous avez dit dans votre

14 déposition.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous être tout

16 à fait clair, s'il vous plaît. A ce moment-là, je vais pouvoir vous

17 répondre. Pourriez-vous me dire quelle est la question à laquelle je dois

18 répondre ? Je vous ai parlé de ce que je savais jusqu'à 1995, et maintenant

19 vous me demandez si j'en ai entendu parler de quelqu'un d'autre. Si vous me

20 dites qui est ce quelqu'un d'autre, à ce moment-là, je vous réponds

21 volontiers. Je peux vous dire à ce moment-là de qui j'ai entendu quelque

22 chose. Mais qui aviez-vous à l'esprit ?

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, votre déposition se

24 trouve consignée au niveau du compte rendu d'audience. Vous avez dit :

25 "Avant d'arriver ici, je n'ai jamais entendu parler d'expulsions de

26 Musulmans, mais ici, j'ai entendu des témoins musulmans déclarer qu'ils

27 avaient été chassés. Et maintenant, je parle de ce que je sais."

28 Ensuite, je vous ai posé la question et je vous ai demandé si c'est bien

Page 24558

1 votre déposition de dire qu'avant votre arrivée à La Haye, car "ici" est un

2 terme que vous avez utilisé deux fois, lorsque vous dites "ici," j'ai

3 compris La Haye, et je vous ai demandé si dans votre déposition, vous dites

4 bien qu'avant votre arrivée à La Haye, vous n'avez jamais entendu parler

5 d'expulsions de Musulmans. J'ai ajouté à cela : "Pas depuis 1995 et la date

6 à laquelle vous avez été arrêté," autrement dit, après le conflit.

7 Ensuite, vous répondez en disant : "Tout le monde m'a dit que les Musulmans

8 souhaitaient partir, qu'ils partaient de leur plein gré. Je n'ai jamais

9 entendu un seul représentant officiel dire qu'ils avaient chassé les

10 Musulmans."

11 Ensuite, j'ai dit : "Mais est-ce que vous avez entendu cela de la bouche de

12 quelqu'un d'autre peut-être, entre 1995 et la date à laquelle vous êtes

13 arrivé à La Haye ?"

14 C'est la question que je vous ai posée, et il me semblait que la question

15 était très claire.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais savoir de qui vous parlez. Vous

17 parlez d'officiers, de représentants locaux, ou d'étranger qui aurait été

18 au courant ?

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui que ce soit, Monsieur Krajisnik.

20 Vous avez dit : "Je n'en ai jamais entendu parler avant mon arrivée à La

21 Haye."

22 Ensuite, je vous ai demandé : "Est-il vrai que vous n'en avez jamais

23 entendu parler même après 1995 ?"

24 Et vous avez dit : "Je n'en ai jamais entendu parler de la part de

25 représentants locaux."

26 Ma question suivante : "L'avez-vous entendu dire par quelqu'un

27 d'autre depuis 1995 ?" Je ne vous dis pas -- c'est tout ce que je veux

28 savoir.

Page 24559

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un adulte. Je

2 ne suis pas en train de faire des devinettes. Je peux vous dire ce que j'ai

3 entendu en 1993, 1994, 1995. Mais j'ai entendu aussi, c'est vrai, les

4 déclarations d'Owen et de Vance. J'ai entendu ce qu'a dit Mazowiecki aussi,

5 et j'ai demandé aussi à mes collègues locaux si c'était vrai, et ils m'ont

6 dit : Non, ce n'est pas vrai. Voilà ma réponse.

7 Ensuite, pour ce qui est de ces personnes sur le terrain qui étaient

8 objectives, elles ont dit : Ceci n'est pas correct. J'ai dit que je n'avais

9 jamais entendu dire que qui que ce soit ait été chassé. Il y a certes des

10 dépositions de Musulmans à propos des expulsions, mais ce sont des

11 dépositions différentes. Mais je ne veux pas faire d'erreur. Je ne peux pas

12 vous dire si je l'ai entendu d'un président de municipalité ou de qui que

13 ce soit. Mais en tout cas, d'un de mes présidents de municipalité, je n'ai

14 jamais entendu dire cela. Parce qu'ils m'ont dit qu'ils étaient partis de

15 façon volontaire et de leur plein gré. Je l'ai certes entendu en revanche

16 de Vance, et je l'ai entendu d'Owen. Mais ce sont des dépositions

17 différentes, et cetera. Je ne veux pas être comme sur un quiz. Je ne veux

18 pas tomber dans un piège. Je vous dis la vérité. Je vous dis uniquement la

19 vérité.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, si j'ai bien compris votre

21 déposition, selon vous, les internationaux, si je peux les appeler ainsi,

22 ont quand même déclaré que, selon eux, les Musulmans étaient déplacés, et

23 que vous avez entendu de la part de vos propres compatriotes, si je puis

24 dire, que ces Musulmans faisaient valoir leur droit de libre circulation et

25 étaient partis de leur plein gré. Votre conclusion était donc que les

26 personnes de votre groupe ethnique, eux, avaient une information correcte,

27 alors que les internationaux, eux, avaient eu droit à une désinformation;

28 c'est bien cela ?

Page 24560

1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais corriger un peu les choses peut-être :

2 ce n'étaient pas les représentants internationaux qui m'ont déclaré cela.

3 J'ai entendu tout cela dans les médias en fait. Je l'ai lu dans les

4 journaux. J'ai vu aussi les déclarations de Karadzic et la déclaration de

5 Vance-Owen, et j'ai demandé à Karadzic : Qui a raison; dis-moi ? Et il m'a

6 répondu : Ce n'est pas vrai ce qu'ils disent. J'ai un rapport écrit de

7 l'armée qui avait rencontré Vance et Owen, et ils ont écouté ce qu'ils

8 avaient à dire, et ensuite ils sont allés du côté des Musulmans et ils ont

9 eu des rumeurs différentes, ont eu droit à un son de cloche différent,

10 comme quoi il y avait eu nettoyage ethnique.

11 C'étaient des informations indirectes que j'ai reçues. Mais quand j'ai

12 rencontré les représentants locaux, je ne peux pas vous dire exactement

13 quand ou qui, ils me disaient toujours que les départs s'étaient faits de

14 leur plein gré, pour ce qui est des Musulmans, et que personne n'avait été

15 chassé. Mais je n'ai pas de connaissance directe de cela, puisque j'avais

16 vraiment l'impression que ce qu'on me disait était vrai. Je ne dis pas que

17 cela n'est pas arrivé, mais je tiens à vous dire quel est mon rôle. Je vous

18 dis ce que Karadzic m'a dit à Banja Luka et ce que j'ai lu dans les

19 journaux, et quant à lui, il a obtenu aussi ses réponses de la part des

20 structures locales, quant à savoir si c'est correct ou pas.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela n'a jamais été soulevé au

22 cours d'une réunion avec les représentants de la communauté internationale

23 à laquelle vous auriez participé ?

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand il y avait des conférences, il se peut

25 que cette question ait été à l'ordre du jour et qu'on en ait parlé. Bien

26 sûr, là, les différents camps donnaient leurs arguments, qui étaient

27 toujours en contradiction. En tant qu'observateur, j'écoutais les deux,

28 bien sûr. Quand ils revenaient, on vérifiait un petit peu, M. Karadzic ou

Page 24561

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 24562

1 M. Koljevic vérifiait, et recevait des informations du terrain disant que

2 c'était absolument faux, puisque, en vérité, il se passait autre chose sur

3 le terrain. D'ailleurs, il y a des gens qui ont déposé ici pour cela. Je ne

4 dis pas qu'on n'en parlait pas lors des conférences, mais c'était contredit

5 par les gens qui étaient bien informés, les gens qui avaient des

6 informations. Pas moi; je ne recevais aucune information. Ce n'est pas moi,

7 ces personnes bien informées.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels étaient les journaux qui auraient

9 publié ces allégations faites par les représentants de la communauté

10 internationale ?

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, j'ai les journaux avec moi ici.

12 C'étaient Glas, Srpski Glas, Politika Glas de Banja Luka peut-être ou aussi

13 le quotidien de Belgrade, Politika. Je sais que j'ai lu cela quelque part;

14 cela, j'en suis sûr. Je peux d'ailleurs vous fournir les preuves, vous

15 montrez les journaux, et vous donnez aussi les rapports militaires.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.

19 M. STEWART : [interprétation]

20 Q. Monsieur Krajisnik, la référence au compte rendu d'audience est le

21 4187. M. Tieger a posé la question : "Monsieur l'Ambassadeur", M. Okun,

22 "j'aimerais savoir quelque chose. En réponse à la question à propos du

23 nombre de Musulmans qui allaient vivre dans des territoires détenus par les

24 Serbes de Bosnie, vous avez fait référence au fait que les Musulmans

25 étaient partis de ce territoire et vous avez fait référence aussi au

26 nettoyage ethnique de Musulmans effectué par les forces des Serbes de

27 Bosnie. Tout d'abord, j'aimerais vous demander quelles sont les sources

28 d'information que vous et le secrétaire Vance aviez, ainsi que les autres

Page 24563

1 négociateurs, en ce qui concerne le nettoyage ethnique de Musulmans à

2 partir des territoires en Bosnie-Herzégovine, nettoyage ethnique qui a été

3 effectué par des Serbes de Bosnie ?"

4 La réponse de M. Okun était la suivante : "La première indication

5 officielle et écrite vient du plébiscite qui a été demandé par l'assemblée

6 des Serbes de Bosnie en novembre 1991. Il y avait un plébiscite des Serbes

7 de Bosnie quant à savoir s'il fallait opter de rester au sein d'une entité

8 serbe de Bosnie et au sein de la Yougoslavie. On pensait qu'il y aurait un

9 plébiscite général portant sur le million deux cent cinquante mille ou

10 quelque Serbes de Bosnie en Bosnie-Herzégovine, mais cela n'a pas été

11 organisé de cette façon-là. Cela a été organisé municipalité par

12 municipalité. Et un aspect très important a été la décision qui a été

13 inscrite dans les règlements du plébiscite selon lesquels dans chaque

14 municipalité où plus de 50 % des Serbes auraient voté en faveur de la

15 Republika Srpska, quelle que ce soit la taille de la municipalité, quel que

16 ce soit le pourcentage de Serbes au sein de la municipalité, cette

17 municipalité devenait partie entière de la Republika Srpska."

18 Ici -- laissez-moi terminer avec la citation. Mais j'aimerais savoir si

19 jusqu'à présent, vous êtes d'accord avec la description de M. Okun de la

20 façon dont il avait compris l'organisation du plébiscite ?

21 R. Sa conclusion était erronée. La conclusion de M. Okun était erronée

22 pour ce qui est des raisons de l'organisation de ce plébiscite. Je peux

23 vous en parler d'ailleurs.

24 Q. Prenons les choses par étapes. D'abord, il a décrit le mécanisme du

25 plébiscite. Etes-vous d'accord avec ce mécanisme ? D'après vous, est-ce

26 qu'il l'a décrit correctement ? N'allons pas plus loin pour l'instant.

27 R. Non, il n'a pas bien compris le plébiscite. Le but du plébiscite était

28 que les Serbes, et les autres, donnent leurs opinions quant à savoir s'ils

Page 24564

1 voulaient que la Bosnie reste au sein de la Yougoslavie ou pas.

2 Q. Mais pour ce qui est de ce passage, il dit : "Un aspect important était

3 que dans les règles du plébiscite, il était écrit que dans toute

4 municipalité où il y avait plus de 50 % de Serbes qui auraient voté en

5 faveur de la Republika Srpska, cette municipalité, quel que soit le nombre

6 de Serbes qu'elle comprenait, deviendrait partie entière de la Republika

7 Srpska." Techniquement, s'il vous plaît, est-ce que c'est la bonne

8 description de la façon dont le plébiscite était organisé ?

9 R. Non, ce n'est pas une description correcte. Il était clair que les

10 zones qui, après le plébiscite, seront en faveur de la Yougoslavie, ces

11 populations dans ces zones avaient voté pour que la Bosnie-Herzégovine

12 reste au sein de la Yougoslavie, et donc on pouvait considérer qu'ils

13 avaient donné une opinion positive et qu'ils représentaient la Yougoslavie

14 --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois vous arrêter ici puisque vous

16 avez répondu à la question en disant que le témoin en espèce, à l'époque,

17 n'avait pas bien défini l'objectif. Or, il n'a pas du tout défini

18 l'objectif du plébiscite; il a uniquement décrit le règlement qui

19 s'appliquait. Encore une fois, là, vous ne répondez pas à la question. Il a

20 énoncé quelles étaient les règles du plébiscite, il les a expliquées.

21 D'après vous, est-ce que les règles, telles qu'il les a expliquées, sont

22 correctes ou non ? Et si elles ne sont pas correctes, dites-nous en quoi

23 elles ne sont pas correctes.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas quelles sont ces règles,

25 ce règlement. Je vous dis quel est le but du plébiscite. Il n'y avait pas

26 de règles. Il fallait juste répondre à une question : Etes-vous en faveur

27 de la Yougoslavie ou n'êtes-vous pas en faveur de la Yougoslavie ?

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. On vous a lu un passage. M.

Page 24565

1 Stewart vous a lu un passage --

2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris ce que m'a lu M. Stewart.

3 Là, c'étaient les résultats du plébiscite --

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il a dit que c'était organisé

5 municipalité par municipalité; c'était bien cela ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était organisé dans chaque

7 municipalité, enfin dans presque chaque municipalité.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite il dit, l'un des aspects

9 importants était la décision qui était inscrite dans le règlement du

10 plébiscite, et ensuite il explique cette règle qui dit que : "Dans chaque

11 municipalité où plus de 50 % des Serbes auraient voté en faveur de la

12 Republika Srpska, quelle que soit la taille de la municipalité et quel que

13 soit le pourcentage de Serbes dans la municipalité, cette municipalité

14 faisait partie entière de la Republika Srpska."

15 Donc, le règlement semble dire que si une majorité de Serbes avait voté en

16 faveur de ce que l'on appelle la Republika Srpska, cela suffisait pour que

17 cette municipalité soit intégrée à la Republika Srpska. C'est la règle

18 qu'il a expliquée. Alors, si ce n'est pas correct, dites-nous où il y a une

19 erreur ? Et si c'est correct, dites-le-nous aussi.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une règle qui n'existait pas, parce

21 qu'on n'a pas voté pour la Republika Srpska. On a voté pour la Yougoslavie.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, disons que c'est la même

23 question. Je la reformule : si plus de 50 % des Serbes avaient voté dans

24 une opstina en faveur de la Yougoslavie, dans ce cas-là, ce résultat

25 guiderait les hommes politiques ou qui que ce soit qui était en charge

26 quant à savoir ce qu'il convenait de faire ultérieurement.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous me demandez quel

28 était le règlement.

Page 24566

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non --

2 LE TÉMOIN : [interprétation] La règle --

3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- si je puis --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande si ce qu'a dit M. Okun à

6 propos des règles est correct ou non. L'essentiel, évidemment, c'est que si

7 plus de 50 % des Serbes votaient pour A, on irait dans la direction de A.

8 Il semble que cela soit la règle qu'il nous a décrite.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai expliqué, je ne vois pas pourquoi

10 vous ne me comprenez pas. Vous ne me comprenez pas. Je vais réexpliquer,

11 mais bien sûr, il faudra être patient. Ces règles ne sont pas correctes. La

12 règle générale, c'est que chaque Serbe pouvait donner son opinion lors du

13 plébiscite. Tout Serbe en Bosnie-Herzégovine pouvait dire s'il était en

14 faveur de la Yougoslavie ou non. Deux ou trois opstinas n'ont pas voté,

15 mais une fois que les résultats ont été connus, c'étaient les conséquences

16 du plébiscite après, alors que là, il parle des règles du plébiscite. Les

17 règles devaient exister avant que l'on organise le plébiscite. C'est pour

18 cela que je dis que ses règles n'étaient pas correctes. On n'était pas en

19 train de voter pour la Republika Srpska ou pas. C'était les Serbes qui

20 devaient voter pour savoir s'ils étaient en faveur de la Yougoslavie ou

21 non.

22 Je peux répondre aussi à votre question, mais c'est la conséquence du

23 plébiscite dont vous parlez, discussions qui ont eu lieu ensuite. Voilà le

24 problème.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez

26 poursuivre.

27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé de m'emporter. Je ne voudrais

28 pas du tout que vous le preniez mal, mais vous voyez quelles sont les

Page 24567

1 règles du plébiscite. Vous voyez que la question était simple : voulez-vous

2 vivre tous ensemble au sein de la Yougoslavie, et non pas en Republika

3 Srpska ? Ce dont vous parlez est arrivé ultérieurement avec le plan

4 Cutileiro. Là, il y avait une majorité du population qui appartenait à un

5 certain groupe ethnique, et cetera, et cetera. Mais cela, ce n'était pas

6 lors du plébiscite. C'était plus tard.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, M. Okun a donné un

8 exemple très clair, quand même, du fonctionnement de tout ceci dans le

9 passage qui suit immédiatement le règlement. Donc, croyez-vous qu'il serait

10 utile de confronter M. Krajisnik avec cela pour savoir si cela permet de

11 dire si oui ou non, M. Okun avait bien compris, avait bien reflété le

12 fonctionnement du plébiscite ?

13 M. STEWART : [interprétation] Je vais essayer de le faire, mais si cela ne

14 fonctionne pas, Monsieur le Président, j'ai une alternative, un autre

15 stratégie pour y revenir.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis heureux de savoir cela. Donc,

17 nous verrons.

18 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vais peut-être passer à ma stratégie

19 alternative, peut-être.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

21 M. STEWART : [interprétation] M. Okun a étoffé un petit peu ce qu'il avait

22 dit avec un exemple, et voilà ce qu'il a dit, et je cite.

23 Q. Il a dit : "Par exemple, prenons une municipalité où il y a 10 000

24 votants. La moitié d'entre eux sont Musulmans, donc cela nous fait 5 000

25 Musulmans. Il n'y a que 3 000 Serbes dans cette municipalité, et 2 000

26 Croates. Les Croates sont très importants, quand même. Mais ce qui est

27 important surtout, c'est de savoir que les 3 000 Serbes ici sont en

28 minorité. Donc, voilà ce que dit M. Okun. Il dit : voilà comment c'est, le

Page 24568

1 plébiscite, si 2 000 sur les 3 000 Serbes votaient pour rester au sein de

2 la Republika Srpska et la Yougoslavie, donc là, c'est une majorité claire

3 de Serbes, donc sur les 3 000, il y en a 2 000; c'est une majorité. Dans ce

4 cas-là, le résultat, étant donné la façon dont le plébiscite était organisé

5 et la façon dont les résultats allaient être utilisés, cette opstina

6 automatiquement était déclarée comme faisant partie de la Republika Srpska

7 --

8 R. Non. Regardez Tuzla; 20 000 Serbes. S'ils avaient voté tous les 20 000

9 avec 80 000 Musulmans, de toute façon, cela ne pouvait pas être Serbe. Ces

10 gens, eux, on voté pour la Bosnie-Herzégovine. Cela ne signifiait pas que

11 Tuzla pouvait être en Yougoslavie. Je ne comprends pas. Je ne comprends

12 pas.

13 Q. [aucune interprétation]

14 R. Ecoutez. 90 % des Serbes ont voté en faveur de la Yougoslavie. Cela

15 signifierait que 99 % devrait être en faveur de la Republika Srpska. Ce

16 serait impossible. C'était en fait la volonté des Serbes. On leur demandait

17 la volonté des Serbes. On leur demandait s'ils étaient en faveur de la

18 Yougoslavie ou non. Cela n'avait rien à voir avec l'organisation

19 territoriale, c'est pour cela que ses conclusions sont erronées.

20 Q. Ce que M. Okun semble suggérer, c'est que le plébiscite était --

21 j'utilise là ses propres mots, et "c'est une première indication," en

22 effet, c'est une première indication de nettoyage ethnique. Cela, c'est

23 évident à partir de sa réponse. C'était la première indication de

24 l'existence de nettoyage ethnique, parce que, qu'est-ce qui allait se

25 passer avec ces 7 000 ? Vous savez qu'on avait 5 000 Musulmans, 2 000

26 Croates et 3 000 Serbes. M. Okun est en train de dire que selon le

27 fonctionnement du plébiscite, si la majorité des Serbes disaient oui,

28 votaient oui, on veut rester en Yougoslavie, oui, on veut être en Republika

Page 24569

1 Srpska, dans ce cas-là, il fallait envisager -- enfin, il fallait que la

2 direction des Serbes de Bosnie envisage à un moment ou un autre que ces

3 autres 7 000 personnes qui n'étaient pas Serbes devaient quitter la

4 municipalité.

5 M. STEWART : [interprétation] Je pense que là, Monsieur le Président,

6 Messieurs les Juges, j'ai résumé les propos de M. Okun, il me semble.

7 Q. Est-ce que c'était correct ou non ? Voilà la question, maintenant.

8 R. C'est à vous que la question est adressée, si j'ai bien compris.

9 Q. Non, Monsieur Krajisnik. J'étais juste en train de vérifier si les

10 Juges étaient d'accord sur la façon dont j'ai résumé les dires de M. Okun,

11 et je suis certain que M. Tieger ou M. Harmon aurait fait objection si je

12 n'avais pas correctement résumé la substance de la réponse de M. Okun.

13 Donc, je crois que tout le monde a approuvé. Alors, en cette phase de début

14 novembre 1991, à un moment donné, on a estimé que ces 7 000 Musulmans et

15 Croates auraient à quitter cette municipalité, cette opstina. C'est en

16 somme ce que M. Okun avait voulu dire. Or, la question que je pose est :

17 avait-il raison de le dire ou pas ?

18 R. Non, il n'a pas eu raison, parce que le plébiscite, lui, est survenu

19 après la proclamation de la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine. Donc,

20 les Serbes auraient dû prendre peur et s'en aller parce qu'ils ne voulaient

21 pas reconnaître cette Bosnie-Herzégovine souveraine. Ils ne sont pas

22 partis. Nous n'avons pas compris que les Musulmans avaient voulu nous faire

23 partir de la Bosnie-Herzégovine. Le plébiscite avait voulu tester la

24 volonté d'un peuple, et rien d'autre.

25 Q. M. Okun dit qu'eux, à savoir, lui et ses collègues originaires des

26 autres pays qui avaient pris part à ces différentes négociations, dit :

27 "Nous avons relevé et vu une demande d'assistance auprès de la JNA datée de

28 décembre 1991, visant à faire protéger le peuple serbe de Bosnie dans ces

Page 24570

1 localités." Il fait référence là à une requête faite auprès de la JNA,

2 demandant une aide de sa part pour ce qui était de "protéger le peuple

3 serbe de Bosnie dans les secteurs où le plébiscite a eu lieu." Il dit que

4 cela a été très similaire à ce qui s'est produit en Croatie, lorsqu'une

5 requête a été faite en ce sens auprès de la JNA. Il a dit que "c'est le

6 même jeu qui a été fait," et quand il parle de jeu, il parle d'un "jeu

7 sinistre qui est celui de décembre 1991 et qu'il s'agissait là de documents

8 officiels."

9 Alors, Monsieur Krajisnik, je m'expose au risque que de faire un résumé, à

10 savoir que M. Okun était en train de dire que cette requête demandant

11 l'assistance de la JNA était une forme déguisée de demander à la JNA

12 disant : nous souhaitons obtenir votre aide pour chasser ces gens-là de

13 cette municipalité ou de ces municipalités. C'est ce que M. Okun était en

14 train de dire. Avait-il raison de le dire ?

15 R. Non. Le 15 décembre, il nous est parvenu une demande de la Communauté

16 européenne pour ce qui était de cette demande faite par la Bosnie-

17 Herzégovine aux fins de devenir indépendante. Donc, c'est de façon illégale

18 que les membres de la présidence et du gouvernement ont adressé cette

19 demande. Nous nous sommes sentis à ce moment-là en péril. Nous nous sommes

20 adressés à la seule force armée en présence pour dire que nous étions en

21 péril et que nous leur demandions d'exercer ses fonctions à elle, à savoir,

22 de protéger le peuple serbe qui se sentait menacé, puisque cette

23 déclaration avait envisagé de faire ne sorte que la Bosnie-Herzégovine

24 adopte certaines conventions relatives aux minorités nationales, ce qui

25 risquait de nous muer en minorité nationale. Donc, nous nous sommes sentis

26 menacés. Mais nous ne nous sommes pas adressés à quelqu'un d'autre. Nous

27 nous sommes adressés à la seule force légale et légitime qui était là. Nous

28 ne nous sommes pas adressés à des formations paramilitaires.

Page 24571

1 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, un

2 instant.

3 [Le conseil de la Défense se concerte]

4 M. STEWART : [interprétation] Oui, M. Sladojevic attire mon attention sur

5 le fait qu'il manque des mots au compte rendu d'audience. A la ligne 16 et

6 17, M. Krajisnik a dit que "ce pays allait devenir indépendant de façon

7 inconstitutionnelle en contournant les membres de la présidence." Or, M.

8 Sladojevic, lui, a entendu prononcé "membres serbes de la présidence."

9 Peut-être pourrions-nous vérifier ? Je vois que M. Krajisnik est en train

10 d'opiner du chef.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Sladojevic a raison, oui, en effet.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, veuillez continuer.

13 M. STEWART : [interprétation] Merci.

14 Q. En page 4 189 du compte rendu d'audience relatif au témoignage de M.

15 Okun, il fait mention de la proclamation de la Republika Srpska. Vers la

16 moitié de la page, il y a une question qui s'énonce comme suit : "Y a-t-il

17 eu des organisations," et la question porte sur des organisations

18 internationales, "des organisations qui avaient assumé la responsabilités

19 de suivre ce qui se passait dans ces régions ?" Il était question notamment

20 des secteurs le long de la Drina. Peut-être n'est-il pas important

21 d'identifier toutes ces régions, mais ces régions ont connu des problèmes

22 et des conflits.

23 Alors, la question a été celle de savoir si vous obteniez des

24 informations de la part de ces organisations concernant ce qui se passait

25 sur le terrain.

26 Sa réponse a été : "Oui, nous avons reçu des informations détaillées de la

27 part la MCCE, la mission de suivi de la Communauté européenne et des forces

28 de la FORPRONU.

Page 24572

1 "Q. : Après le conflit qui s'est intensifié en avril, mai et juin, à savoir,

2 en 1992, avez-vous obtenu des informations de la part d'organisations

3 telles que le CICR," le comité international de Croix-Rouge, "l'UNHCR et

4 autres représentants d'organisations qui étaient présents sur le terrain à

5 suivre ce qui se passait ?

6 "R. : Oui. Jusqu'au mois de juin," juin 1992, "il y a eu des camps de créés,

7 des centres de Détention, des centres de Détention à grande échelle,

8 notamment à l'ouest de Prijedor, à Trnopolje, un grand camp d'Omarska où

9 cela a été pire encore, un vrai camp de concentration, et cela, cela

10 existait déjà. Il y avait là-bas des milliers de Musulmans essentiellement,

11 mais aussi des Croates de Bosnie. Il s'agissait de civils, d'hommes, femmes

12 et enfants qui étaient détenus dans ces centres. Puis, il y a eu une

13 discussion assez pénible au sujet des agences humanitaires qui sont

14 intervenues auprès de la direction des Serbes de Bosnie concernant sur ce

15 qu'il convenait de faire avec ces gens-là, puisque c'était là un dilemme

16 moral des plus grands."

17 Alors, Monsieur Krajisnik, procédons aux pas à pas. Aujourd'hui, en 2006,

18 Monsieur Krajisnik, contestez-vous le fait que jusqu'au mois de juin, de

19 tels centres de Détention et camps auraient véritablement été mis en

20 place ?

21 R. Je l'ai appris ici et je ne le conteste pas, et je puis vous montrer

22 les documents où le MUP a cherché à obtenir des informations de ce genre,

23 et on lui a répondu qu'il n'y avait pas de camp de détention à Prijedor.

24 Cela a été envoyé par le chef du poste de police Prijedor. M. Stanisic a

25 obtenu des informations fausses, mais j'ai appris par la suite qu'Omarska

26 et Keraterm ont bel et bien existé.

27 Q. Auriez-vous été impliqué dans des discussions avant ou pendant le mois

28 de juin 1992 avec des représentants d'agences humanitaires concernant ce

Page 24573

1 qu'il convenait de faire avec les gens dans les camps, les problèmes liés

2 aux prisonniers et ce terrible dilemme dont a parlé M. Okun ?

3 R. Non, je ne me suis pas entretenu avec, et ce sont d'autres personnes

4 qui se sont entretenues avec, mais plus tard.

5 Q. Quand est-ce que pour la première fois, vous en êtes arrivé à réaliser

6 qu'il y avait de tels camps ? Quand avez-vous compris que ces camps

7 probablement existaient bel et bien ?

8 R. Il y a des procès-verbaux de la présidence qui datent de juin et août,

9 où l'on a demandé au gouvernement d'enquêter. Une information en retour

10 nous a été communiquée, suite à quoi il a été pris des mesures complètes

11 pour ce qui est du démantèlement de ces camps pour les faire visiter,

12 inspecter par les représentants d'organisations internationales. Avant cela,

13 je n'ai obtenu aucune espèce d'information en provenance de ces secteurs.

14 Je ne le savais pas.

15 Q. M. Okun, en page 4 191 du compte rendu d'audience, a dit, suite à une

16 question qui s'énonce comme suit : "Est-ce que vous et le secrétaire Vance

17 avez eu l'occasion d'indiquer à la direction des Serbes de Bosnie, M.

18 Krajisnik compris, que vous étiez au courant de ce nettoyage ethnique à

19 grande échelle qui était en cours ?"

20 Ensuite, la question vient dire --

21 Sa réponse a été : "Oui, à plusieurs reprises."

22 Puis, la question lui a été posée de savoir : "Et leur réponse, Monsieur

23 l'Ambassadeur, a été celle de nier qu'il y avait un nettoyage de la sorte

24 en cours ?"

25 Et il a répondu : "Non, ils ne l'ont pas nié. La réponse permanente

26 et typique était celle d'invariablement parler du génocide dont ont fait

27 l'objet les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou alors de parler

28 des crimes qui auraient été commis à l'époque en 1992, 1993, 1991, mais

Page 24574

1 essentiellement 1992 et 1993, qui auraient été commis à leur encontre."

2 Monsieur Krajisnik, je crois qu'il serait juste de dire que M. Okun n'a pas

3 été des plus précis en parlant d'actes dans sa réponse. Cela, c'est évident.

4 Mais il est clair aussi qu'à un moment donné, des entretiens qu'il a eus

5 avec vous et vos collègues, il a été clairement laissé entendre à ces gens,

6 vous compris, qu'eux, donc M. Okun et ses collègues à lui, avaient

7 connaissance d'un nettoyage ethnique en cours qui se faisait à grande

8 échelle. Alors, vous l'ont-ils dit ou pas ?

9 R. J'ai dit qu'en 1993, à compter du mois de janvier jusqu'au mois de mai,

10 il y a eu des négociations avec la participation de M. Okun, mis à part une

11 rencontre qui s'est située dans l'année 1992. A l'époque, en 1993, il y a

12 eu des discussions où il y a eu des accusations et des justifications entre

13 les différentes parties concernant le nettoyage ethnique. M. Karadzic et M.

14 Koljevic leur disaient à caque fois que cela n'était pas exact. Je tiens

15 également à vous rappeler ici que M. Koljevic avait fait un contrat avec le

16 président du CICR en octobre 1992. Il y a également une déclaration du CICR

17 où l'on a encouragé les départs de la population des secteurs en péril, et

18 cela, il y a des PV qui existent à ce sujet. Il est question de régions où

19 la population est en péril, et cela date de 1993, 1994. La partie musulmane

20 a créé une commission qui visait à aider la population à se déplacer. Il y

21 a eu cela.

22 Il y a également la déclaration de M. Owen et de M. Vance datant du

23 mois d'octobre 1992, où ils ont fait savoir qu'ils ont été mis au courant

24 de nettoyage ethnique suite à des rencontres qu'ils ont eues avec des

25 représentants musulmans de façon séparée, et non pas avec les Serbes. Il y

26 a un rapport officiel au sujet d'une rencontre avec l'armée de la part de

27 messieurs Vance et Owen disant qu'ils ont été satisfaits de ce qu'ils ont

28 vu. Il y a un rapport public présenté par M. Kushner [phon], le ministre

Page 24575

1 Kushner, qui a dit : Oui, c'est des prisons, mais ce ne sont pas des camps

2 de concentration. Ce sont les rapports qui m'ont été communiqués.

3 Aux réunions auxquelles ils ont participé, je n'ai jamais eu

4 l'impression que M. Karadzic et M. Koljevic avaient accepté le fait qu'il y

5 ait eu un nettoyage ethnique en cours. L'information qui nous a été

6 communiquée, c'est celle de dire que les Musulmans s'en allaient de leur

7 plein gré. Je n'ai jamais entendu parler d'une politique de leur part qui

8 porterait sur un nettoyage ethnique. Alors, si vous pouvez me donner une

9 date, je pourrais vous répondre si j'étais présent à la réunion ou pas,

10 mais je ne les ai jamais entendus confirmer le fait que la partie serbe

11 avait procédé à des nettoyages ethniques. Cela ne signifie pas qu'il n'y en

12 a pas eus.

13 Q. M. Okun indique clairement dans sa déposition que vous et vos collègues

14 n'avez pas nié le fait qu'il y ait eu des nettoyages ethniques, ou plutôt

15 que ce nettoyage ethnique avait cours. Alors, a-t-il raison de dire que

16 vous ne l'avez pas nié ?

17 R. Je peux dire qu'à toutes les réunions où j'ai été présent, jamais chose

18 pareille n'a été mentionnée, à savoir, jamais la partie serbe n'a accepté

19 d'affirmer qu'il y avait eu de sa part un nettoyage ethnique. Je veux être

20 tout à fait clair; au contraire, ils ont nié qu'il y avait nettoyage

21 ethnique. En fait, il y a eu des déplacements de la population qui se

22 produisaient, et cela, il a été clairement expliqué les raisons pour

23 lesquelles cela se passait.

24 Q. Quand vous dites que cela a été clairement expliqué, vous voulez dire

25 que vous et vos collègues leur avez expliqué pourquoi cela se produisait ?

26 Est-ce que vous êtes en train de nous dire cela ?

27 R. Je n'ai rien expliqué du tout. Je n'ai pas été présent sur le terrain.

28 J'ai entendu dire M. Karadzic et M. Koljevic cela, qui eux ont participé

Page 24576

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 24577

1 aux négociations avec M. Semaruga [phon] et avec les autres, et c'est eux

2 qui leur ont expliqué ce que je viens de vous dire. Ils ont probablement

3 parlé de l'approbation qu'ils ont obtenue de la part du CICR compte tenu de

4 certaines populations mises en péril, mais je n'ai rien pu expliquer du

5 tout parce que tout simplement, je n'ai fait qu'être présent et écouter ce

6 que je suis en train de vous relater à présent. Mais je peux vous remettre

7 toutes les déclarations et tous les accords établis afin que vous vous

8 penchez dessus et afin que ce soit versé au dossier.

9 Q. Monsieur Krajisnik, il n'est point de doute, et même si je risque de le

10 répéter, il n'y a pas de doute que vous avez dit il y a quelques instants

11 qu'on a clairement expliqué les raisons pour lesquelles il y avait

12 déplacement de la population. Mais quelle a été l'explication fournie, au

13 juste ?

14 R. Je n'arrive pas à établir le lien. J'ai dit qu'il est clair qu'il y a

15 eu effectivement des déplacements de population. J'ai parlé de ce fait. Je

16 n'ai pas dit pourquoi. J'ai dit que la population, les populations allaient

17 d'un côté ou de l'autre. On savait que les Serbes quittaient certains

18 territoires et que d'autres, des Musulmans, quittaient d'autres territoires.

19 Cela on le savait. Je ne sais pas comment on l'a su, mais on l'a su. Nous

20 avons su qu'il y a eu des déplacements de la population, et pour ce qui est

21 des raisons, je vous ai expliqué que c'était par la suite qu'on m'avait

22 expliqué à moi que cela s'était fait du plein gré de ces populations. Mais

23 à ce moment-là, nous avions eu connaissance de déplacements de la

24 population.

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je suis en train de me

26 pencher sur l'heure qu'il est.

27 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vous laisse décider, Monsieur le

28 Président.

Page 24578

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme le moment semble s'y prêter, nous

2 allons faire une pause jusqu'à 17 heures moins 50.

3 --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.

4 --- L'audience est reprise à 17 heures 59.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, vous pouvez continuer,

6 je vous prie.

7 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

8 Q. Monsieur Krajisnik, M. Okun s'est vu poser la question, une question

9 portant sur le lien qu'il y avait entre les six objectifs stratégiques. Il

10 n'a pas parlé des objectifs de temps de guerre, mais des objectifs

11 stratégiques dont il a été question à l'assemblée du

12 12 mai 1992, qui ont, par la suite, été publiés dans la gazette officielle.

13 Il a également été question du plan Cutileiro. M. Tieger a dit la chose

14 suivante, je cite : "Ambassadeur, dans cette affaire --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

16 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas entendu parler de la page.

17 M. STEWART : [interprétation] Oui, je m'excuse. Je n'ai pas dit le numéro

18 de la page. Il s'agit de la 4 194, au bas de la page.

19 Q. Je reprends. "Ambassadeur, dans cette affaire, il a été laissé entendre

20 qu'il y a eu une proche corrélation entre le plan Cutileiro et les

21 objectifs stratégiques. C'est la raison pour laquelle j'aimerais entendre

22 de votre bouche si vous êtes d'accord sur cette affirmation ou si vous

23 estimeriez qu'il y a des différences importantes entre les deux."

24 M. Okun : "Non, je ne dirais pas qu'il y a une relation, une corrélation ou

25 une relation rapprochée. Il y a trois peuples constitutifs, et chacun de

26 ces trois peuples devrait avoir une identité juridique."

27 Puis, il a parlé des distinctions à faire. Il indique : Tout d'abord, sur

28 le plan Cutileiro, il n'a pas été assuré à la Republika Srpska une

Page 24579

1 continuité territoriale, alors que dans les six objectifs stratégiques, il

2 en est clairement question. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous acceptez de

3 dire que c'est l'une des différences entre ces six objectifs stratégiques

4 et le plan Cutileiro, n'est-ce pas ?

5 R. Oui. C'est ce qui constitue la différence entre le plan Cutileiro et

6 les six objectifs stratégiques.

7 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il n'y a

8 qu'un micro de branché pour le témoin et que nous ne l'entendons pas très

9 bien.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous prie de

11 mettre en marche le deuxième micro.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit c'était exact. J'ai fourni une

13 réponse affirmative.

14 M. STEWART : [interprétation]

15 Q. La deuxième distinction qu'il a faite est le fait que dans le plan

16 Cutileiro, il n'a pas été prévu la mise en place d'un corridor établissant

17 le lien entre la Serbie et la Krajina, chose qui faisait également partie

18 des six objectifs stratégiques. Vous serez d'accord également, Monsieur

19 Krajisnik, pour dire qu'il y a là une différence ?

20 R. C'est ce que vous avez dit en premier lieu. Il n'y a pas eu de

21 territoires liés les uns aux autres, et il n'y a eu ni l'un ni l'autre des

22 corridors, ce qui nous revient à la même chose.

23 Q. Oui. C'est cela. Puis, en page 4 196, on lui a posé la question

24 suivante : "Le plan Cutileiro avait-il prévu un partage physique de

25 Sarajevo en une partie musulmane et des parties serbes et en séparant les

26 populations."

27 Il a répondu : "Je ne pense pas."

28 Je crois que vous allez considérer que cela aussi constituait une

Page 24580

1 différence ?

2 R. Il avait dit que le plan Cutileiro envisageait de placer cela sous

3 l'égide des Nations Unies et de résoudre le problème de Sarajevo

4 ultérieurement. Dans la plupart des cas, il était prévu une transformation

5 de Sarajevo en un tiers et deux tiers mis à part pour ce qui est de ce

6 plan, du plan Vance-Owen qui avait prévu autre chose.

7 Q. En fin de compte, on lui a posé la question suivante :

8 "M. l'Ambassadeur, le plan Cutileiro avait-il été envisagé comme une

9 proposition qui devait découler d'un accord ?"

10 Il a répondu : "Oui, mais il n'en a pas été question."

11 Monsieur Krajisnik, seriez-vous d'accord ?

12 R. Je n'ai pas compris. Peut-être a-t-on mal traduit à mon intention. Le

13 plan de Cutileiro était censé constituer un accord. Je n'ai pas bien

14 compris l'objet de la question, plutôt je n'ai pas compris la citation dont

15 vous avez donné lecture.

16 Q. M. Okun disait que le plan Cutileiro avait pour finalité une mise en

17 œuvre partant d'un accord à obtenir, et je vous ai demandé si vous avez

18 partagé le point de vue d M. Okun.

19 R. Oui, mais j'avais mal compris. Cela devait se faire par le biais d'un

20 accord, oui.

21 Q. Monsieur Krajisnik, je ne vais entrer maintenant dans le détail du plan

22 Cutileiro puisqu'on l'a déjà fait. Nous nous sommes également penchés sur

23 les six objectifs stratégiques. S'agissant des territoires et de gains

24 territoriaux éventuels en été 1992, avez-vous eu connaissance

25 d'instructions ou d'approbations tacites aux termes de quoi l'un des

26 territoires serait obtenu par l'expulsion délibérée de Musulmans ou Croates

27 de ce territoire-là ?

28 R. Cela n'a absolument pas constitué un plan, et je ne sais pas non plus

Page 24581

1 que quiconque aurait donné l'ordre à quelqu'un d'expulser des populations

2 civiles. Si conflit il y a eu, il y a eu déplacement des populations sur

3 tous les territoires à ma connaissance; tant Serbes que Musulmans. Cela

4 s'est fait par la peur. Du moins, c'est ainsi que j'avais compris la chose

5 partant de ce que j'ai pu voir autour de Sarajevo.

6 Q. Pour ce qui est de Sarajevo même - et j'aimerais que l'on revienne au

7 compte rendu d'audience page 4 191 où M. Okun dit que la question du

8 pilonnage de Sarajevo a été soulevée par lui-même et par ses collègues aux

9 réunions avec les dirigeants des Serbes de Bosnie. D'abord, dites-nous si

10 cela est exact ? Vous souvenez-vous qu'ils aient soulevé la question du

11 pilonnage de Sarajevo par les Serbes ?

12 R. Je ne sais pas s'ils avaient soulevé cette question, mais il y a

13 constamment eu sur le tapis la question relative à Sarajevo et du pilonnage

14 de Sarajevo. Je vais vous expliquer. Lorsque j'ai assisté à ces réunions en

15 demandant aux militaires de nous expliquer pourquoi on nous accusait de

16 pilonner Sarajevo. A chaque fois, on nous donnait la réponse qui disait que

17 c'était eux qui s'attaquaient aux positions serbes, qu'ils avaient beaucoup

18 plus d'infanterie, et que la seule façon de riposter était celle-là. Il y a

19 eu plusieurs cas où une conclusion a même été formulée sous forme de

20 revendication interdisant de pilonner Sarajevo parce que cela nuisait à nos

21 objectifs politiques. Le Président a dit, le Président de la Chambre a posé

22 la question à un témoin : Pourquoi ne vouliez-vous pas pilonner Sarajevo

23 compte tenu de la municipalité internationale ? Même s'ils avaient raison

24 de dire que c'étaient les Musulmans qui attaquaient, ils disaient : Ne

25 pilonner pas parce qu'on n'arrête pas de nous accuser de pilonner Sarajevo,

26 ce qui rend impossible la continuation des négociations. Notre objectif

27 était le suivant, de leur dire : Même si vous êtes attaqués, ne ripostez

28 pas parce que cela nuit aux négociations. On l'a dit en raison de la

Page 24582

1 communauté internationale.

2 Je ne vais pas dire qu'il n'y a pas eu des centaines de fois le problème de

3 Sarajevo sur le tapis : attaques, encerclements, et ainsi de suite. La

4 plupart du temps, c'est la partie serbe qui a été mise en accusation. Je ne

5 sais pas si cela s'est passé aux conférences, mais cela s'est passé, je

6 dirais, au quotidien. L'artillerie serbe a même été éliminée.

7 Q. A la page 4 205, en réponse à une question qui a été posée - je n'ai

8 pas besoin vraiment de reposer la question, M. Okun a répondu : "Telle

9 était la position des Serbes de Bosnie pendant toute cette période, que les

10 communautés de Bosnie-Herzégovine devaient être séparées. Elles ne

11 pouvaient pas vivre ensemble. Encore une fois, il faut se souvenir que de

12 très grandes régions de la Bosnie-Herzégovine étaient mélangées. Ce n'était

13 pas une région physique, à proprement parler, qui avait 44 % de sa

14 population qui était musulmane, 31 % qui était serbe et 19 % qui était

15 croate. Ils étaient vraiment mélangés." Ce commentaire a été fait par le

16 Dr Karadzic : "Ces communautés ne pouvaient pas vivre ensemble. Elles

17 devaient, par conséquent, être séparées. C'est ce que devait réaliser le

18 nettoyage ethnique."

19 Encore une fois, Monsieur Krajisnik, il est clair que le nettoyage ethnique

20 - nous avons parlé de la définition de ce terme il n'y a pas très longtemps

21 dans ce prétoire - le nettoyage ethnique était une politique délibérée mise

22 en œuvre par les dirigeants serbes de Bosnie. En aucun moment ceci

23 correspondait-il à la réalité ?

24 R. Je vais vous dire non, mais je vous demande de bien vouloir me

25 permettre de faire un autre commentaire.

26 Q. Vous avez répondu non. C'est donc très clair. Si vous souhaitez

27 apporter un commentaire, je vous prie, faite-le.

28 R. Dans la citation que vous venez de lire dans le cadre de la déposition

Page 24583

1 de M. Okun, vous avez dit que les Serbes étaient partisans d'une politique

2 qui ne souhaitait pas que les Musulmans et les Croates et eux-mêmes vivent

3 ensemble. En Yougoslavie, nous vivions tous ensemble. Des Musulmans et des

4 Serbes avançaient qu'ils ne souhaitaient pas vivre dans le même Etat que

5 les Serbes, parce qu'ils pensaient être mis en minorité, alors que les

6 Musulmans ont commencé à mettre en minorité les Serbes en Bosnie-

7 Herzégovine. Nous avons répondu : Etant donné que la Bosnie-Herzégovine est

8 un Etat indépendant, si vous violez la constitution maintenant, qu'allez-

9 vous

10 faire après lorsqu'il y aura un Etat indépendant, puisque vous ne souhaitez

11 pas être une minorité en Yougoslavie ? Nous ne souhaitons pas être une

12 minorité chez vous, car vous avez violé la constitution et vous nous avez

13 mis en minorité. C'est tout à fait anticonstitutionnel. C'est ainsi que la

14 transaction a été faite. Abandonnez l'idée de la Yougoslavie, et nous

15 allons abandonner l'idée d'une Bosnie-Herzégovine unifiée. A ce moment-là,

16 vous aurez votre propre entité constitutive.

17 Ce n'est pas les Serbes qui ont commencé à dire : Nous ne pouvons pas vivre

18 avec vous. Avant cela, les Musulmans ont dit : Nous ne pouvons pas vivre

19 avec vous en Yougoslavie parce que nous sommes une minorité, nous

20 souhaitons être en Bosnie. Nous souhaitons être en Bosnie. Ce type de

21 philosophie sous-entendait cela. Là, vous commencez par le milieu; vous ne

22 commencez pas depuis le début. A l'époque, chacun souhaitait avoir une

23 certaine autonomie et pouvoir de prise de décisions. Nous leur avons fait

24 une offre, une proposition. La Bosnie-Herzégovine avec toutes ses

25 prérogatives en tant qu'Etat, devait, à ce moment-là, être un Etat

26 ombrelle. Ils ne voulaient pas de cela; ils voulaient d'une Bosnie, ils

27 voulaient la séparation.

28 C'est ce à quoi fait référence M. Okun, puisqu'il a parlé de principes,

Page 24584

1 d'arbitrage, de commissions, de chiffres de recensement. Il n'est pas exact

2 de dire que rien ne devait être divisé. Nous ne souhaitions pas diviser

3 cela. A quelque part, on serait une minorité comme dans tout Etat.

4 J'espère, en tout cas, qu'il n'y a pas un seul Etat qui est pur. Il y a des

5 minorités qui jouissent de leurs droits. Comment puis-je m'exprimer ? Si la

6 majorité est satisfaite au niveau de la Bosnie, nous jouissons tous des

7 mêmes droits. Ceci a été réalisé à terme mais par le biais d'une guerre. Il

8 eut été mieux que ce soit fait sans guerre.

9 Pour ce qui est du nettoyage ethnique, si vous souhaitez, je peux vous

10 expliquer quelque chose. J'ai indiqué déjà que notre politique n'était pas

11 une politique du nettoyage ethnique. En ce qui me concerne, des

12 déclarations très claires ont été faites en 1992 où moi-même, je m'oppose

13 au nettoyage ethnique. J'ai quitté ma propre maison, j'ai quitté mon foyer.

14 Je sais ce que c'est que d'être réfugié. Je sais ce que cela veut dire. Je

15 ne le souhaite à personne. Je souhaite que chacun puisse rentrer chez lui

16 ou chez elle car ceci est irremplaçable. Jamais je ne prônerais une

17 politique qui serait contraire à ce que je crois. En réalité, beaucoup de

18 gens ont quitté leurs foyers. Il faudrait analyser cela. Je crois qu'il y a

19 plusieurs raisons que l'on peut donner. Des expulsions forcées, l'expulsion

20 par la force, des choses qui sont faites par la force. Il y a beaucoup de

21 choses qui ont été faites pendant la guerre. Il y a eu beaucoup de

22 déplacements de la population.

23 Messieurs les Juges, je vais prendre encore un peu plus de temps. J'ai

24 parlé de cette brochure, brochure qui a été officiellement rédigée par la

25 Bosnie-Herzégovine, en vertu de quoi, il y avait 260 000 réfugiés serbes,

26 216 000 réfugiés serbes, 216 000 Musulmans et 50 % des Serbes sont

27 réfugiés. Je crois que bon nombre n'étaient pas expulsés, bon nombre ont

28 fui la guerre. Vous avez des indicateurs ici qui précisent justement que le

Page 24585

1 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, pendant toute la période de la guerre,

2 est arrivé à la conclusion que la population peut se déplacer et fuir les

3 régions à risque. Nous avons nous-mêmes appliqué un certain principe, à

4 savoir que toute personne est libre de se déplacer pendant la durée de la

5 guerre jusqu'à la fin de la guerre.

6 Je souhaite rajouter un dernier point. Le 12 mai, nous avons eu une réunion

7 de l'assemblée en 1992. La réunion suivante s'est tenue à la fin du mois de

8 juillet. Pendant quelque trois mois, il n'y a pas eu de sessions de

9 l'assemblée. C'est la raison pour laquelle nous n'étions pas au courant des

10 camps ou de tout autre chose. Ensuite, je me suis rendu à la conférence de

11 Londres à la fin du mois de juillet. Ensuite, dans le courant du mois

12 d'août, différentes activités avaient été -- on a parlé de différentes

13 activités, de camps, de déplacements, et cetera. Tout ceci peut être

14 vérifié. Lors de cette session, celle du 25 juillet, lisez le procès-

15 verbal, Karadzic m'a dit : Ce sont les députés qui m'ont tenu informé de

16 cela. Des actes criminels avaient été commis, des crimes inadmissibles. Je

17 pense que ce qu'il avait à l'esprit, c'était des échanges. Tout ceci va

18 être annulé, tous ces crimes seront punis. Vous verrez cela. Cela figure au

19 compte rendu. Tout d'abord, les prisons auxquelles on fait référence. On a

20 fait référence le 10 juillet 1992 à Banja Luka. Il y a eu des objections

21 pour que ceci ne soit pas abordé lors de cette session. Ensuite, je vais

22 vous expliquer : si quelqu'un me pose la question à propos de cela, le 11

23 août, il y a une session du gouvernement, qui était censé préparer l'ordre

24 du jour de cette réunion où nous devions parler des prisons et des

25 prisonniers. Le document n'avait pas été préparé, mais les mesures avaient

26 été prises pour que ces prisons soient démantelées.

27 Encore un autre point : les témoins serbes de Banja Luka, eux, ils ne

28 savaient pas qu'il y avait des camps à Prijedor. Lorsque des délégations

Page 24586

1 s'y sont rendues, ils ont compris ou établi ce qu'il s'y passait. Comment

2 pouvais-je savoir à Pale ce qu'il se passait ? Le MUP ne savait même pas

3 cela non plus. Ils ont reçu des informations à cet effet, qu'il n'y avait

4 pas de camps. Je ne pouvais pas recevoir de telles informations de

5 quelqu'un d'autre. Lors de la séance du

6 25 juillet, je devais me rendre urgemment à Londres. Je n'ai pas assisté à

7 cette session jusqu'à la fin. Donc, je ne me suis pas entretenu avec les

8 députés. Ceci en 1992.

9 Pardonnez-moi, mais il y a des informations sur tout ceci.

10 M. Okun a sans doute une période différente. A ce moment-là, en tout cas,

11 c'est ainsi que les choses se sont passées.

12 Q. Je souhaite vous poser une question à propos de Sarajevo. A la page 4

13 210 de la déposition de M. Okun. La question qui lui avait été posée

14 :"Saviez-vous que les forces serbes de Bosnie tentaient de réaliser leur

15 objectif par la force, à savoir, de diviser physiquement la ville de

16 Sarajevo en une partie serbe et musulmane, où les Serbes vivraient et les

17 Musulmans -- les Serbes et les Musulmans vivraient séparément, et ce, au

18 cours de l'été ou l'automne 1992 ?"

19 Il a répondu : "Oui. C'est pour cela qu'il y a eu le pilonnage. Le

20 pilonnage était censé créer un mur de feu, si vous voulez. Je ne souhaite

21 pas dramatiser les choses. Mais ce pilonnage, en réalité, jouait le rôle

22 d'un mur de feu entre les communautés. C'est la raison pour laquelle ceci a

23 été fait. Le pilonnage a été dirigé, organisé dans ce sens-là. Ce n'était

24 pas des tirs sans objectif. M. Karadzic nous a signalé cela. Il a dit, par

25 exemple, qu'il fallait diviser la ville. Après que la ville ait été

26 divisée, ce serait bien. Les Musulmans pouvaient y vivre. Ensuite, il

27 donnait la liste de deux ou trois régions. Donc, le pilonnage faisait

28 partie de ces efforts qui avaient pour but de diviser la ville."

Page 24587

1 Alors, la façon dont M. Okun parle de tout ceci, est-ce que cela illustre

2 en réalité la position des dirigeants serbes de Bosnie pour ce qui est de

3 Sarajevo au cours de l'été et de l'automne 1992 ?

4 R. Je vais me répéter, mais ceci est important : que quelqu'un ait pilonné

5 ou que quelqu'un ait l'intention de pilonner de Sarajevo ou non, c'est

6 quelque chose, de toute façon, qui a été décidé par l'armée. Le pilonnage

7 avait des conséquences politiques. Toutes les fois que nous nous

8 entretenions avec l'équipe des négociations ou que l'équipe des

9 négociations en parlait, disait que des objections étaient soulevées, les

10 réponses qui étaient données, c'était que les Musulmans disposaient de

11 davantage d'infanterie et faisaient des percées dans certaines régions. Par

12 conséquent, nous empêchions qu'il y ait des percées. Ensuite, vous avez vu

13 certains des ordres et des conclusions auxquels nous étions parvenus. Nous

14 avons précisé que le pilonnage ne devait pas être fait coûte que coûte, car

15 à ce moment-là nous aurions des problèmes avec la communauté internationale,

16 et ceci nous empêchait de poursuivre les négociations.

17 Je suis un profane pour ce qui est de ces questions-là, pour ce qui est de

18 l'armée. M. Okun a expliqué ceci de façon non professionnelle. On ne

19 pouvait pas diviser Sarajevo de cette façon-là. Je ne sais pas ce qu'il

20 avait à l'esprit, pour être honnête, et je ne pense pas que tel était

21 l'objet du pilonnage de Sarajevo. Ce que j'ai appris moi-même suite à

22 certaines analyses et après la déposition d'un certain témoin protégé ici,

23 je ne me souviens pas qu'il y ait eu un pilonnage important de Sarajevo à

24 aucun moment. Je suppose qu'il y a peut-être eu des pilonnages qui avaient

25 un lien avec le retrait des personnes qui se trouvaient dans les casernes.

26 C'est ce que j'ai supposé. Mais je ne peux pas vous dire exactement à quel

27 moment c'était. Je ne me souviens pas d'un pilonnage important, surtout en

28 ce qui concerne la division de Sarajevo. La carte de Sarajevo, du début à

Page 24588

1 la fin, n'a été modifiée que très peu, et ce, au détriment des Serbes de

2 Zabrdje et des Musulmans à Grbavica. Sinon, le reste est resté sensiblement

3 la même chose. Donc, si ceci a été fait par un expert à Sarajevo, je ne

4 sais pas comment il peut diviser les choses ainsi en raison du pilonnage.

5 Je ne pense pas qu'on puisse diviser Sarajevo en le pilonnant. Tout ce que

6 l'on peut faire de cette façon-là c'est de provoquer des dégâts et de la

7 destruction et de commettre un crime.

8 Pour ce qui de ce type d'activité, je n'ai jamais entendu parler de cela.

9 Je n'ai jamais entendu Karadzic dire cela. Pour ce qui est de dire chacun

10 doit avoir sa partie de Sarajevo et que les Musulmans vivraient mieux dans

11 une partie et les autres dans une autre, cela signifie que certaines

12 municipalités de Sarajevo, certains opstinas de Sarajevo, seraient

13 distinctes. C'était la condition posée par M. Cutileiro : il devait y avoir

14 les Nations Unies, certaines parties de Sarajevo qui assumeraient le

15 pouvoir. Les Musulmans souhaitaient être maître de l'ensemble de la ville

16 de Sarajevo. Ils ne souhaitaient pas qu'il y ait transformations, car ils

17 avaient la majorité partout, disaient-ils.

18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président --

19 Q. Monsieur Krajisnik --

20 M. STEWART : [interprétation] Je proposais de laisser la parole à Me Josse,

21 Monsieur le Président, car il a un certain nombre de questions à traiter.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.

23 M. STEWART : [interprétation] Je suppose, Messieurs les Juges, que nous

24 avons besoin de quelques minutes supplémentaires pour la session

25 d'aujourd'hui ?

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hm-hm.

27 M. STEWART : [interprétation] J'avais pensé à la décision que vous alliez

28 rendre, Monsieur le Président.

Page 24589

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, vous voulez fournir des

2 éléments supplémentaires --

3 M. STEWART : [interprétation] Oui, des éléments d'information

4 supplémentaires de --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --

6 M. STEWART : [interprétation] -- pour suppléer à nos arguments, Monsieur le

7 Président.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que vous souhaitez présenter

9 d'autres arguments.

10 M. STEWART : [interprétation] Oui.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre, si on s'en tient à notre

12 requête initiale, et d'après les arguments qui ont été présentés par écrit,

13 souhaite rendre sa décision. Nous avons besoin de sept à huit minutes, je

14 pense.

15 M. STEWART : [interprétation] Très bien, ceci est une aide pour nous.

16 Maître Josse, puisque c'est vous qui est à la barre pour la prochaine demi-

17 heure.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

19 M. STEWART : [interprétation] Très bien. Ceci est utile.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.

21 M. JOSSE : [interprétation] Question de procédure. Je demande à la Chambre,

22 conformément à l'article 126 bis, de déposer une réponse à la réponse de

23 l'Accusation à la requête qui parle de la juridiction.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juridiction.

25 M. JOSSE : [interprétation] C'est le mandat du Juge Canivell, pour être

26 précis. J'ai envoyé un message électronique ce matin. Ceci sera déposé

27 demain, Monsieur le Président, je dois ajouter rapidement.

28 [La Chambre de première instance se concerte]

Page 24590

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a pas l'intention de donner

2 l'occasion à la Défense de déposer une réponse à la réponse de l'Accusation,

3 Maître Josse. Vous venez de demander à la Chambre. Mais vous n'avez pas

4 avancé de raison particulière pour lui dire pourquoi vous devez répondre --

5 M. JOSSE : [interprétation] Ceci --

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

7 M. JOSSE : [interprétation] -- prendrait du temps.

8 Ceci sera fait demain. Ceci est cours de rédaction et sera déposé demain.

9 Nous ne savons pas pourquoi la Chambre souhaiterait nous refuser d'autres

10 éléments d'information dans nos arguments, car la Défense estime qu'il

11 s'agit de points importants.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que la Chambre souhaitait décider

13 là-dessus le plus rapidement possible.

14 M. JOSSE : [interprétation] Si nous vous disons que ceci sera déposé d'ici

15 13 heures demain ?

16 [La Chambre de première instance se concerte]

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez combien de pages à l'esprit,

18 Monsieur Josse ?

19 M. JOSSE : [interprétation] Pas plus de quatre.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez jusqu'à 13 heures, dernier

21 délai, demain. Vous pouvez déposer votre réponse, et l'Accusation, vous

22 pouvez lire ceci tout de suite, dès que cela sera déposé, car nous

23 souhaitons que la réponse soit fournie le plus rapidement possible.

24 M. JOSSE : [interprétation] Je vais envoyer par message électronique copie

25 de cela à l'Accusation. Cela est prêt déjà.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas plus de quatre pages pour

27 l'Accusation.

28 M. JOSSE : [interprétation] Le point suivant, Monsieur le Président, je

Page 24591

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11 Page intercalée pour assurer l’équivalence de pagination des

12 versions anglaise et française

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

26

27

28

Page 24592

1 souhaite nettoyer certaines des questions que j'ai posées à M. Krajisnik.

2 Je crois qu'il y a encore des questions en suspens. Il s'agit en premier

3 lieu de la carte qu'il a dessinée pendant le week-end. Est-ce qu'on peut

4 nous retourner cette carte, et je souhaite qu'on lui donne un numéro de

5 cote, s'il vous plaît.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, quel sera le

7 numéro ?

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] D196, Monsieur le Président.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.

10 Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]

11 Q. [interprétation] Essayons de faire ceci rapidement, Monsieur Krajisnik.

12 Vous nous avez aidés en rajoutant une partie à cette carte. Vous nous avez

13 indiqué quel était le chemin. Vous avez inscrit deux éléments là-dessus. Il

14 s'agit de points de repères. De quoi s'agit-il ?

15 R. J'ai trouvé cette partie de la carte chez un général, donc ce sont ses

16 annotations à lui. Là se trouvent les obusiers. Mais ceci est la partie de

17 la carte qui m'intéresse. Ici, je vous montre cette route qui est longue,

18 qui ne s'arrête pas ici, qui se dirige vers le nord et qui se dirige

19 ensuite vers Pale. Alors que l'autre carte n'allait que jusque là. Et ici,

20 nous avons la ligne de séparation en 1994. Cela ressemblait à cela.

21 Q. En rouge ?

22 R. Oui, en rouge. En rouge, c'est la ligne de séparation d'après -- plutôt,

23 en direction de la partie centrale de la Bosnie, Visoko. Donc, ceci est un

24 extrait d'une carte de l'armée que j'ai copiée. L'échelle est la même.

25 Q. Autrement dit, les annotations en noir, en caractères cyrillique, n'ont

26 rien à voir avec votre schéma ?

27 R. Non. Comme ceci est la ligne tracée entre les Musulmans et les Serbes,

28 et il explique où se trouvent les obusiers, les armes. Mais mettez ceci de

Page 24593

1 côté; ceci ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c'est cette route-

2 ci. C'est l'itinéraire ou le parcours emprunté par les prisonniers.

3 Q. Merci.

4 Je souhaite maintenant passer à un autre sujet, si vous me le permettez.

5 Mercredi, 17 mai, je vous ai posé toute une série de questions sur le

6 départ des Musulmans de Pale. Et nous étions arrivés au point où vous avez

7 évoqué toute une série de documents.

8 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, ma position est comme

9 suit : les documents ont été examiné par la Défense. La Défense souhaite

10 verser au dossier tous ces documents, sans doute pas par l'intermédiaire de

11 ce témoin-ci, mais par d'autres moyens. J'en ai fait part à M. Tieger, il

12 est vrai, seulement aujourd'hui dans la matinée. Je vais poser d'autres

13 questions à M. Krajisnik à propos de ce départ. Il se peut qu'il souhaite

14 se référer à certains documents qui sont dans une liasse que je suis sur le

15 point de lui remettre, et je pense qu'il devrait pouvoir le faire. Sinon,

16 nous souhaitons verser ces documents au dossier par un autre moyen. Cela

17 prendrait trop de temps de le faire de façon différente.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas de

19 traductions ?

20 M. JOSSE : [interprétation] Non, il n'y a pas de traductions. Quelquefois,

21 il y a des résumés des documents, et ils sont en annexe ici, et ont été

22 présentés en annexe dans les liasses qui ont été distribuées.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.

24 A moins que M. Tieger, à un stade ultérieur, je ne sais pas s'il sait

25 travailler avec des documents qui n'ont pas été traduits.

26 M. JOSSE : [interprétation] Ils ont été envoyés au service de Traduction du

27 Tribunal, mais ils ne sont pas encore revenus, et nous ne les aurons pas

28 tout de suite.

Page 24594

1 Q. Alors, pendant que ces documents sont distribués, Monsieur Krajisnik,

2 vous avez parlé à la Chambre, vous avez dit savoir un petit peu ou plutôt

3 ne pas savoir grand-chose à propos du départ de ces gens, et en

4 particulier, vous avez affirmé, en ce qui vous concernait, que ces

5 personnes-là sont parties de leur plein gré, n'est-ce pas ?

6 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me remettre une liasse

7 de ces documents, s'il vous plaît ?

8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison.

9 M. JOSSE : [interprétation]

10 Q. Bien. La raison pour laquelle je vous pose ces questions, ce qu'ont

11 fait les cellules de Crise et le MUP à Pale ne m'intéresse que peu. Ce qui

12 m'intéresse - et je vais vous demander de vous concentrer là-dessus - que

13 saviez-vous des activités menées soit par la cellule de Crise, soit le MUP

14 à Pale, par rapport à la population musulmane locale ? Que saviez-vous de

15 tout ceci au mois de mai et juin 1992 ?

16 R. Je savais, d'après un Musulman que je connaissais avant la guerre, il a

17 demandé aux membres de ma famille où je me trouvais, et il est venu me voir

18 et m'a demandé si je pouvais quitter Pale. Je voulais le convaincre que

19 cela n'était pas nécessaire, que ce serait fort dommage. En même temps, un

20 Croate est venu me voir, et je lui ai dit la même chose. J'ai réussi à

21 convaincre le Croate, mais l'autre homme est allé voir les autres Musulmans

22 pour voir ce qu'il devait faire. A titre d'exemple, le Croate est resté --

23 les Croates sont restés, et les églises sont restées intactes. Elles n'ont

24 pas été endommagées. Il n'y avait pas de mosquées à Pale même, mais ils

25 sont partis plus tard.

26 Donc, ce que je sais, c'est ceci : à ce moment-là, le problème qui se

27 posait c'était ces personnes qui avaient été tuées à Zepa, et on avait

28 demandé à Mme Plavsic - cela faisait partie de ses missions - d'aller

Page 24595

1 parler aux familles. Et M. Koljevic l'avait nommée président des

2 commissaires de Pale. Je ne pense pas qu'elle se soit occupée de cette

3 question-là non plus, parce que personne ne savait de façon très

4 approfondie comment les Musulmans étaient partis. Nous en avons entendu

5 parler par la suite, et vous avez ce procès-verbal du 25 juillet qui

6 précise que Karadzic a dit que les Musulmans étaient encore à Pale, ce qui

7 signifie que nous avons appris leur départ après.

8 C'est tout ce que je sais. Toutes les personnes qui ont parlé de ceci après

9 ont dit que la procédure avait été respectée, que ces personnes étaient

10 parties de leur plein gré, et tous ces documents contredisent la déposition

11 du témoin ici, qu'ils ont été chassés par la force. Tout ce que je puis

12 dire, c'est que ces documents remettent tout ceci en cause et réfute sa

13 déposition.

14 Q. Bien, comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas que je vais vous demander

15 de parler des raisons de tout ceci maintenant. Mais je souhaite vous

16 demander des questions précises sur les allégations, dont je vais vous

17 parler, d'un témoin. A la page 5340 du compte rendu, il a parlé de jeunes

18 hommes à moitié habillés, torses nus, qui portaient des bandeaux autour de

19 la tête, qui portaient des couteaux et qui conduisaient des voitures

20 décapotables - et je résume ici - ils sont en train de terroriser la

21 population musulmane de Pale.

22 Est-ce que vous étiez au courant de cela ?

23 R. Non, je n'étais pas au courant de cela, à l'exception de ce Croate que

24 j'ai déjà mentionné. C'était un médecin qui traitait les gens de Pale. Il

25 était venu accompagné d'un membre de ma famille et il a dit qu'une personne

26 de la région l'avait menacé. J'ai appelé le chef et je lui ai demandé de le

27 protéger. Il a effectivement été protégé, et il est resté là pendant toute

28 la durée de la guerre. Il a fait une déclaration, mais malheureusement, il

Page 24596

1 est décédé il y a quelque temps. Donc, c'est ce que je savais sur un plan

2 personnel. Je n'ai jamais entendu parler de toute autre forme de mauvais

3 traitement ou de sévice. Et le Musulman qui était venu me voir n'en a pas

4 parlé non plus, car ils souhaitaient partir avant le conflit parce qu'il y

5 avait beaucoup de Serbes à Pale et qu'ils souhaitaient s'en aller et être

6 parmi les leurs, car ils pensaient que c'était mieux pour eux. J'ai fait

7 tout ce qui était en mon pouvoir pour essayer de le convaincre de rester,

8 mais malgré cela il est parti.

9 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux vous

10 demander de me remettre ces liasses, s'il vous plaît, parce qu'il va

11 falloir les refaire; c'est de ma faute.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 M. JOSSE : [interprétation] J'assume l'entière responsabilité de cela. M.

14 Krajisnik, néanmoins, peut garder cette liasse, car il ne suit pas ce qui

15 est en anglais, et peut-être qu'il voudra se reporter à ces documents. Je

16 vais donc reprendre tous ces documents lorsque nous en aurons terminé.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais sur le point de vous poser une

18 question à ce sujet.

19 M. JOSSE : [interprétation]

20 Q. Monsieur Krajisnik, poursuivons. A la page 5 411, le même témoin a dit

21 que Malko Koroman lui avait dit qu'il ne pouvait plus contrôler les Bérets

22 rouges, qu'il ne pouvait pas en tout cas les contrôler pendant longtemps

23 encore.

24 R. Oui, je me souviens très bien de ce témoignage, mais je n'en avais

25 aucune connaissance.

26 Q. Très bien. A la page 5 332 et à d'autres pages ultérieures, il a parlé

27 de barrages routiers qui étaient mis en place autour de Pale, où des

28 Musulmans auraient été arrêtés. Pourriez-vous assister les Juges de la

Page 24597

1 Chambre en ce qui concerne ce fait ?

2 R. Je n'ai vu aucun barrage routier, aucun obstacle, quand je me suis

3 rendu à Pale. Quant à savoir s'il y en avait avant, cela je ne le sais pas,

4 je ne peux pas vous le dire. Je suis arrivé à Pale pour la première fois à

5 ce moment-là. Je ne m'y étais jamais rendu auparavant, uniquement une fois

6 auparavant. J'étais quand même loin de Pale.

7 Q. Passons à autre chose, mais qui traite de la déposition du même témoin.

8 Il s'agit de l'arrivée en mai 1992 de trois camions de transport

9 transportant des civils et transportant des hommes musulmans venant de

10 Bratunac qui, visiblement, étaient escortés par des paramilitaires serbes.

11 Il est dit à la page 5 292, que les camions se sont arrêtés devant le

12 commissariat de police.

13 M. Starcevic en était sorti. Il avait dit qu'il n'avait pas d'endroit où

14 mettre ces prisonniers, et a dit que ces hommes devaient être emmenés dans

15 un cinéma, un cinéma qui se trouvait dans les environs. Qu'en savez-vous ?

16 R. Je ne sais absolument pas quand ces Musulmans sont arrivés, mais je

17 sais que M. Starcevic a vigoureusement protesté contre leur arrivée à Pale.

18 J'ai entendu quelqu'un dire que c'était -- on disait qu'on avait envoyé ces

19 Musulmans à Pale en guise de révolte, parce qu'on était révolté. Or, le

20 gouvernement s'occupait de beaucoup d'autres choses. Il ne savait

21 absolument rien sur les activités qui avaient eu lieu auparavant, avant que

22 ces Musulmans n'arrivent à Pale. On n'en savait rien. Ce n'est pas quelque

23 chose que j'ai géré moi-même, mais j'en ai entendu uniquement. C'est tout.

24 Q. Je voudrais savoir ce que vous saviez exactement à propos de ces hommes

25 qui venaient de Bratunac. A l'époque, est-ce que vous aviez la moindre

26 connaissance de leur arrivée ?

27 R. Il me semble que j'en ai entendu parler par M. Starcevic, qui est

28 arrivé au Kikinda. Il était très en colère, et se demandait pourquoi

Page 24598

1 quelqu'un avait amené ces Musulmans à Pale. Je m'en souviens. Je crois que

2 quelqu'un a pris sur lui de vérifier ce qui se passait pour voir ce qui

3 allait être fait. Il me semble que j'ai eu un peu de feedback selon lequel

4 M. Deronjic avait envoyé ces Musulmans à Pale pour une raison quelconque,

5 parce qu'il n'était pas content de quelque chose. Quant à ce qui s'est

6 vraiment passé, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le travail a

7 été fait.

8 Q. Avez-vous la moindre idée où ces personnes ont été hébergées ?

9 R. Non, je ne sais pas du tout où ils ont été hébergés. J'ai appris ici où

10 ils se trouvaient. Donc, maintenant je le sais. A l'époque, je n'en savais

11 rien. Je ne connaissais pas bien Pale, de toute façon, à l'époque.

12 Q. Je sais que les documents que vous avez fournis traitent du départ des

13 Musulmans qui habitaient à Pale. Soyons clairs sur une chose. Les détails

14 qui nous ont été donnés par ce témoin lors de sa déposition et les détails

15 que l'on trouve aussi dans les documents, aviez-vous connaissance de tous

16 ces détails à l'époque ?

17 R. Non, je ne savais rien de tout cela à l'époque. Les enquêteurs ont

18 collecté toutes ces données suite à la déposition de ce témoin. Je n'étais

19 au courant d'aucune de ces choses à l'époque, absolument pas au courant.

20 Q. Ce que vous dites, c'est ce que ce sont vos enquêteurs qui ont obtenu

21 les documents que vous avez maintenant. Ils les ont obtenus après les

22 événements et après surtout de la déposition du témoin; c'est bien cela ?

23 R. Non, ce sont vos enquêteurs -- enfin, les enquêteurs de

24 M. Stewart, l'équipe Josse/Stewart et leurs enquêteurs à Pale.

25 Q. A la page 5 293, ce même témoin dit, qu'entre mai à

26 juin 1992, il a remarqué une concentration importante et une augmentation

27 d'équipement militaire et de personnel militaire dans la zone de Pale, y

28 compris des centaines de paramilitaires. Il a continué à dire que plusieurs

Page 24599

1 hommes musulmans avaient été arrêtés dans leurs propres maisons par des

2 paramilitaires et exécutés.

3 Etiez-vous au courant de la présence de ces centaines de paramilitaires

4 dans votre environnement, là où vous travailliez, là où vous habitiez ?

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

6 M. TIEGER : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur dans le compte

7 rendu d'audience, puisqu'il est écrit : "A partir d'avril, il y avait des

8 arrestations aléatoires de Musulmans, et en juin et en juillet, plusieurs

9 Musulmans ont été arrêtés dans leurs maisons par des paramilitaires et ont

10 été exécutés."

11 Il me semble que la paraphrase est un peu erronée, puisque --

12 M. JOSSE : [interprétation] Merci.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai entendu parler d'aucun Musulman qui a

14 été arrêté et tué à cette époque. Quant à savoir ce qui s'est passé, vous

15 avez leurs dépositions, vous avez la déposition de leur chef, Koroman.

16 Donc, vous pouvez savoir ce qui s'est passé. Mais je n'ai entendu parler

17 d'aucune exécution qui aurait eu lieu à cette époque-là à Pale.

18 M. JOSSE : [interprétation]

19 Q. Ce témoin a allégué, qu'après son départ, après qu'il soit parti, comme

20 il a dit, il a entendu dire que trois mosquées dans la région de Pale

21 avaient été détruites. Qu'avez-vous à dire là-dessus ?

22 R. La ville de Pale, qui était toute petite, n'avait pas la moindre

23 mosquée. Cela, je le savais. Je n'en voyais aucune. Alors que la

24 municipalité, quant à savoir s'il y avait une mosquée dans l'un des hameaux

25 constituant cette municipalité, je n'en sais rien. Je sais qu'à Pale, en

26 tant que telle, là où je résidais, il n'y avait pas la moindre mosquée.

27 Dans les villages éloignés, dans les petits hameaux, peut-être. En tout

28 cas, je n'en ai pas entendu parler et je n'en savais absolument rien. On

Page 24600

1 avait une église orthodoxe et une église catholique, en bois. Elle est

2 toujours là d'ailleurs, et on l'utilise encore. Il n'y avait pas de mosquée

3 au centre de Pale.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

5 M. TIEGER : [interprétation] J'ai essayé d'être efficace, mais

6 malheureusement, je crois que j'ai un peu semé la confusion entre la

7 question et la réponse. La question de M. Josse était : Etiez-vous au

8 courant de la présence de plusieurs centaines de paramilitaires. J'ai,

9 malheureusement, pris la parole à ce moment-là pour reprendre exactement la

10 question et pour que ce soit cité correctement, et

11 M. Krajisnik n'a répondu qu'à cette partie de la question. Donc, j'aimerais

12 attirer l'attention de M. Josse là-dessus, s'il veut toujours avoir une

13 réponse à sa question.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. Josse pourra s'en

15 occuper dès demain matin.

16 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que --

18 M. JOSSE : [interprétation] J'en suis pratiquement arrivé à la fin de mon

19 interrogatoire.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais un peu optimiste quant aux sept

21 minutes qu'il me faut.

22 M. JOSSE : [interprétation] Il suffira que j'en reparle demain.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On verra demain.

24 Maintenant, il faut que je vous donne les décisions pour ce qui est des

25 demandes de la Défense et de l'Accusation en ce qui concerne le planning

26 portant sur la déposition de M. Krajisnik.

27 La Chambre va maintenant donner sa décision sur la demande de la Défense,

28 déposée le 22 mai 2006, visant à organiser de façon - et je cite :

Page 24601

1 "équitable" - le planning, la préparation et la présentation des moyens à

2 décharge de l'accusé. La Chambre a aussi reçu aujourd'hui une demande

3 supplémentaire de la Défense, et portant toujours sur le même sujet.

4 Pour résumer les choses, la Défense demande trois jours

5 supplémentaires pour l'interrogatoire principal de M. Krajisnik pour qu'il

6 se poursuive jusqu'au lundi 29 mai 2006 inclus.

7 La Chambre va tout d'abord reprendre l'historique de la procédure

8 traitant du planning en l'espèce et va faire référence à toute la procédure

9 ayant été définie dans les décisions du 27 janvier 2006 et du 27 février

10 2006.

11 Le 18 novembre 2005, la Chambre a prolongé la date à laquelle la

12 présentation des moyens de la Défense devait se terminer, passant du 10

13 mars 2006 au 28 avril 2006. La Chambre a donné sept semaines

14 supplémentaires à la Défense pour préparer et pour présenter ses arguments.

15 La présentation des moyens à décharge devait se terminer le 28 avril 2006,

16 à moins que des circonstances exceptionnelles puissent être démontrées.

17 Parallèlement, la Chambre indiquait qu'elle était extrêmement préoccupée

18 par les moments de relâche forcés, si l'on peut dire, créés dans le

19 planning du fait de la Défense, du fait surtout de l'impossibilité qu'avait

20 la Défense de planifier la présentation des témoins, à moins de le faire à

21 très court terme, et des lacunes très importantes dans les résumés 65 ter.

22 Etant donné qu'il n'est pas possible que la Chambre puisse organiser son

23 planning correctement, étant donné le manque d'information de la Défense,

24 la Chambre, avec réticence, a autorisé la Défense à gérer son temps du

25 mieux qu'elle le pouvait. En pratique, la Défense a obtenu une marge de

26 manœuvre conséquente et sans précédent afin de gérer le temps dont elle

27 disposait pour la préparation et pour la présentation de ses éléments de

28 preuve. Les conditions associées à ceci étaient que la Défense préviendrait

Page 24602

1 deux semaines à l'avance en ce qui concerne l'évolution de son planning et

2 que la présentation de ses moyens à décharge devait se terminer le 28 avril

3 au plus tard.

4 A la fin de janvier 2006, la Chambre a fait des "calculs extrêmement

5 optimistes" en ce qui concerne la programmation des moyens à décharge, et

6 le 27 janvier 2006, a exprimé "une préoccupation extrêmement sérieuse" pour

7 ce qui était de la possibilité d'en avoir terminé avec la présentation des

8 moyens à décharge le 28 avril 2006, étant donné que la Défense n'avait

9 jamais réussi à satisfaire à ses obligations au titre de l'article 65 ter

10 du Règlement et du fait aussi du très grand nombre de témoins présentés par

11 la Défense.

12 Le 27 février 2006, la Chambre a donné 20 jours pour l'interrogatoire

13 principal de l'accusé, qui devait commencer le 11 avril 2006. Dans cette

14 ordonnance, la Chambre a aussi remarqué que la Défense n'avait pas fourni

15 un planning faisable. Dans l'ordonnance, il est écrit : "L'interrogatoire

16 principal de l'accusé va commencer le mardi 11 avril et va durer jusqu'à 20

17 jours, c'est-à-dire jusqu'au vendredi 12 mai." Les 20 jours prévus pour

18 l'interrogatoire principal devaient comprendre, bien évidemment, le temps

19 passé à des points autres que l'interrogatoire principal, c'est-à-dire des

20 points de procédure.

21 Le 24 mars 2006, la Chambre a donné à la Défense des jours supplémentaires

22 pour un témoignage supplémentaire et a mis de côté quatre jours pour la

23 préparation de l'interrogatoire principal de l'accusé. La déposition de

24 l'accusé a été retardée jusqu'au 20 avril 2006.

25 Le 11 avril, la Chambre a donné à la Défense trois jours supplémentaires

26 pour compenser une erreur intervenue dans les statistiques de la Chambre

27 sur la durée des témoins de la Défense dans le prétoire. La Défense avait

28 l'option soit de utiliser ces jours supplémentaires à préparer le

Page 24603

1 témoignage de l'accusé ou pour son témoignage en tant que tel. Elle a

2 choisi la première option. Ce qui a encore retardé la date de départ de la

3 déposition de l'accusé au 25 avril et a repoussé la date à laquelle cette

4 déposition devait se terminer au 23 mai 2006.

5 Le 19 mai 2006, afin d'avertir les parties le plus rapidement que possible,

6 la Chambre a demandé à l'un de ses juristes d'informer les parties par

7 courriel de sa décision comme quoi la Défense aurait un jour supplémentaire

8 pour son interrogatoire principal. Comme il est écrit dans le courriel, ce

9 jour supplémentaire a été donné parce que le premier jour, beaucoup de

10 temps avait été passé à traiter des points de procédure, et aussi parce que

11 le 12 mai, l'audience s'est terminée un peu plus tôt que prévu.

12 Comme je l'ai indiqué, la Défense ne nous a jamais donné un planning ferme

13 pour la présentation de ses moyens. La Chambre a laissé la Défense décider

14 comment allouer son temps entre préparation et présentation des moyens de

15 preuve. La Défense a décidé de passer plus de temps à la préparation de

16 l'accusé en vue de son interrogatoire principal.

17 Malgré ce temps très important passé à préparer l'interrogatoire

18 principal de l'accusé, la Défense n'a fait aucun effort visible pour

19 organiser la présentation de ses moyens à décharge afin de satisfaire à

20 l'ordonnance de la Chambre selon laquelle l'interrogatoire principal devait

21 se terminer en 20 jours. La Chambre n'avait aucune possibilité réaliste

22 d'intervenir étant donné qu'elle n'a jamais été prévue de quoi que ce soit.

23 Nous n'avons pas reçu de résumé au titre de l'article 65 ter du Règlement.

24 Nous n'avons jamais été informés du temps nécessaire à la Défense pour

25 couvrir tous les sujets qui avaient été évoqués par différents témoins et

26 aussi qui avaient été évoqués lors de documents versés préalablement au

27 dossier.

28 Cela dit, la Chambre a quand même fait un effort délibéré pour éviter

Page 24604

1 d'être trop directive lors du témoignage de l'accusé, étant donné qu'elle

2 avait bien fait comprendre à la Défense qu'elle n'avait que 20 jours pour

3 se concentrer uniquement sur les points importants en l'espèce. Maintenant,

4 la Défense reproche à la Chambre d'être devenue de plus en plus

5 "inquisitoriale," alors qu'en fait c'est tout à fait le contraire qui s'est

6 passé : l'interrogatoire principal de M. Krajisnik a été laissé entièrement

7 entre les mains de la Défense.

8 Pour ce qui est maintenant de la durée moyenne par jour disponible

9 pour l'interrogatoire principal de l'accusé, la Chambre fait remarquer la

10 chose suivante : il n'y a aucune différence importante entre les durées

11 moyennes de dépositions lors de la présentation des moyens à charge et lors

12 de la présentation des moyens à décharge. Au cours de la présentation des

13 moyens à charge, la durée moyenne des dépositions, sans prendre en compte

14 bien sûr les points de procédure, représentait 2,82 heures par jour. Au

15 cours de la présentation des moyens à décharge - et ici, je ne prends pas

16 en compte le témoignage de l'accusé - cette durée s'est montée à 2,89

17 heures. La Défense aurait quand même pu prendre en compte ces moyennes. En

18 fait, au cours des 18 jours de témoignage de l'accusé, la durée moyenne de

19 déposition par jour a représenté 2,94 heures. Ce qui est une moyenne plus

20 haute de durée de déposition que ce qui a été le cas en l'espèce en

21 moyenne.

22 Pour ce qui est maintenant du temps passé pour les questions des

23 Juges, lors de la présentation des moyens à décharge, les questions des

24 Juges ont représenté environ 8 % du temps de déposition. Ceci est monté à

25 environ 20 % au cours de la phase de la présentation des moyens à décharge.

26 Mais lors de la déposition de l'accusé, le temps passé par les Juges à

27 poser des questions n'est passé qu'à 9 % du temps de déposition. Ce qui

28 était tout à fait ce à quoi pouvait s'attendre la Défense.

Page 24605

1 Enfin, la Défense a déposé sa demande pratiquement au dernier moment

2 de l'interrogatoire en chef. Ce problème n'a pas été soulevé avant le 16e

3 jour de la déposition de l'accusé, c'est-à-dire le 17 mai 2006, et la

4 requête a été déposée le 19e jour de cette déposition. De ce fait, la

5 Défense a présenté à la Chambre un fait accompli, et ceci n'est pas la

6 première fois qu'elle le fait.

7 La Défense semble visiblement ne pas prendre très au sérieux les

8 ordonnances portant calendrier de la Chambre. Elle semble trouver que ces

9 ordonnances ne sont pas vraiment obligatoires, et quand le temps s'est

10 écoulé, a tendance à affirmer que le procès n'est pas équitable. La Chambre

11 ne voit absolument pas pourquoi elle approuverait ce raisonnement.

12 La déposition de l'accusé, au 18e jour de son interrogatoire principal, a

13 représenté 47,9 [comme interprété] heures, ce qui ne comprends pas les 4,9

14 heures des questions posées par les Juges. A la fin de la journée de

15 demain, 21e jour, l'accusé aura eu environ 56 heures pour présenter ses

16 moyens, et en ne prenant pas en compte bien sûr les questions des Juges.

17 Nous considérons qu'il s'agit de bien assez de temps pour ce faire.

18 La Chambre a déjà averti la Défense, dès le 18 novembre 2005, que du fait

19 de ne pas avoir bien préparé, bien organisé son planning pour la

20 présentation de ses moyens à décharge, pourrait très bien empêcher de

21 suivre le planning prévu au départ.

22 Malgré les considérations susmentionnées, la Chambre a donné à la

23 Défense un jour supplémentaire, ceci pour compenser le fait que cette

24 décision n'ait pas été rendue le jour prévu, mais il faut voir que cette

25 décision était en retard parce que la Défense, bien sûr, a déposé sa

26 requête au dernier moment. Un jour supplémentaire permettra à la Défense

27 d'en finir avec son interrogatoire principal de M. Krajisnik de façon

28 organisée.

Page 24606

1 En résumé, l'interrogatoire principal se terminera le jeudi 25 mai 2006, et

2 l'Accusation pourra commencer son contre-interrogatoire le 29 mai 2006. Le

3 contre-interrogatoire et les questions des Juges ne pendront pas plus de 15

4 jours en tout et pour tout.

5 La requête de la Défense est rejetée, et ceci conclut la décision de

6 la Chambre.

7 Nous pouvons maintenant lever la séance jusqu'à demain après-midi 14

8 heures 15, même prétoire. Mais pas avant que, Monsieur Krajisnik -- je vois

9 que vous voulez dire quelque chose, Monsieur Krajisnik -- mais je dois

10 quand même, avant, vous prévenir que vous ne devez parler à personne de la

11 déposition que vous avez faite jusqu'à présent et de la déposition que vous

12 allez faire pendant encore deux jours, puisque maintenant vous avez été

13 averti du temps qu'il vous reste.

14 Monsieur Krajisnik, vous voulez dire quelque chose ?

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais juste vous

16 rappeler une chose. Vous m'avez dit pour le dentiste --

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous n'en avons pas encore parlé de

18 cela, mais je vais certainement revenir sur le sujet.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on doit le faire aujourd'hui

21 ou est-ce qu'on peut le faire demain ?

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, pas tout de suite.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, on gardera cela à l'esprit.

24 L'audience est levée.

25 --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mercredi 24

26 mai 2006, à 14 heures 15.

27

28