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1 Le mardi 23 mai 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 25.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour.
6 Monsieur le Greffier, pourriez-vous, s'il vous plaît, citer
7 l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour. Il s'agit de l'affaire
9 IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
11 Les problèmes techniques ont été résolus, je crois, ou sont-ils encore en
12 cours ?
13 M. STEWART : [interprétation] Grâce à l'aide de l'Accusation, nous avons
14 réussi à faire tout ce que nous devrions faire. Nous vous en remercions,
15 Monsieur le Président.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.
17 Monsieur Krajisnik, j'ai cru comprendre que vous avez établi une liste de
18 questions. Il me semble que vous vouliez attirer l'attention de votre
19 conseil de la Défense à cette liste de questions afin de savoir s'il
20 pouvait inclure ces questions dans l'interrogatoire principal. Vous savez
21 que la règle, si quelqu'un a des questions supplémentaires, il doit d'abord
22 prendre conseil auprès de son avocat, et ensuite les questions peuvent être
23 posées au témoin, qui en l'occurrence est vous à l'heure actuelle. Si j'ai
24 bien compris, vous voulez que votre conseil jette un œil sur ces
25 questions ?
26 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait. Mais, il y aura d'autres questions
27 aussi. Je n'ai pas eu le temps de les rédiger puisque j'ai vraiment eu très
28 peu de temps. Je suis absolument désolé, j'ai fait énormément d'erreurs,
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1 car j'ai écrit cela à la hâte, mais je l'ai écrit sur la base de ce dont
2 j'étais convenu hier avec le conseil.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que le bon cap à suivre est de
4 vous donner maintenant cette liste de questions, et peut-être la déchiffrer
5 ou la traduire du moins, avec l'aide de M. Sladojevic.
6 M. STEWART : [interprétation] Je vous remercie énormément, Monsieur le
7 Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, je vous la rends, Monsieur le
9 Greffier. Il faudra en donner un exemplaire au conseil de la Défense. Je
10 pense que si l'Accusation veut jeter un œil sur ce document pour satisfaire
11 sa curiosité c'est normal, et pour être sûre qu'il s'agit bien des
12 questions qui ont été suggérées par M. Krajisnik. Ils recevront, dans ce
13 cas, un exemplaire.
14 M. TIEGER : [interprétation] Nous apprécierions énormément d'en avoir un
15 exemplaire, en effet.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne peux pas vous assurer de toute
17 façon que ce sont les questions de M. Krajisnik. C'est M. Krajisnik qui dit
18 que ce sont des questions qu'il a données à M. Stewart. Nous ne pouvons pas
19 vérifier quoi que ce soit. Nous ne savons pas s'il y a en fait une
20 correspondance cachée ou clandestine derrière ces questions ou si c'est
21 véritablement une liste de questions.
22 M. TIEGER : [interprétation] Je pense que de toute façon si nous avons un
23 exemplaire, ainsi nous pouvons être sûrs qu'il s'agit bien de ce qu'il est.
24 M. STEWART : [interprétation] Oui. De toute façon, nous travaillons en
25 confiance, et je pense que M. Sladojevic va nous aider à traduire la chose.
26 M. TIEGER : [interprétation] Bien sûr.
27 L'INTERPRÈTE : Pourriez-vous, s'il vous plaît, demander à M. Stewart de
28 régler son micro, car on ne peut pas l'entendre.
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1 M. STEWART : [interprétation] Pas de problème.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est fait.
3 M. STEWART : [interprétation] J'espère que c'est bien adapté.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez maintenant
5 poursuivre votre interrogatoire principal de M. Krajisnik, mais je dois
6 d'abord rappeler à M. Krajisnik qu'il est encore tenu par sa déclaration
7 solennelle qu'il a donnée au début de sa déposition -- mais vous levez la
8 main, Monsieur Krajisnik. Que se passe-t-il ?
9 L'ACCUSÉ : [interprétation] Au travers de votre secrétaire, je vous ai
10 demandé une petite faveur. Je ne sais pas si vous avez eu le message.
11 Voulez-vous que je vous le répète ?
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je sais ce que c'est. Nous avons
13 été informés. On doit vérifier un peu nos agendas. Il s'agit, je crois,
14 d'une visite chez le dentiste la semaine prochaine, qui bien sûr causera un
15 petit retard pour ce jour de l'audience si M. Krajisnik doit aller chez le
16 dentiste. Y a-t-il un jour spécial où vous devriez y aller ? Je vois que
17 cela doit être soit le mardi, le mercredi ou le jeudi, entre 8 heures et 9
18 heures; c'est cela ?
19 L'ACCUSÉ : [interprétation] Tout à fait.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons voir ce que nous
21 pouvons faire pour accéder à votre demande.
22 L'ACCUSÉ : [interprétation] Merci.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.
24 M. STEWART : [interprétation] Nous aimerions diffuser un CD qui a été
25 présenté il y a déjà un moment. Il s'agit du P70. On n'a pas besoin
26 d'écouter absolument tout, de voir absolument le CD en entier, mais
27 uniquement le passage où l'on voit M. Krajisnik qui est debout devant une
28 carte. Si vous vous en souvenez --
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je m'en souviens bien --
2 M. STEWART : [interprétation] Il faudrait le diffuser. Il est assez étrange
3 de vouloir re-diffuser quelque chose que l'on a déjà vu, mais vous verrez,
4 Monsieur le Président, qu'il y a des raisons pour ce faire. Le script de ce
5 CD existe puisqu'il se trouve au P70.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il a été versé.
7 M. STEWART : [interprétation] Oui, vous l'avez, et M. Krajisnik a aussi cet
8 intercept. Je ne sais pas si vous entendez quoi que ce soit, si vous avez
9 du son.
10 Est-ce qu'on entend la piste sonore ? J'ai l'impression que non.
11 Maintenant, on l'entend.
12 [Diffusion de cassette vidéo]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On a eu du son pendant quelques
14 secondes, mais il est à nouveau parti.
15 M. STEWART : [interprétation] Oui.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous peut-être essayer de voir
17 si on pourrait avoir cette bande vidéo avec le son ?
18 C'est au maximum.
19 M. STEWART : [interprétation] Je ne sais pas vraiment quoi dire --
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un moment.
21 M. STEWART : [interprétation] Oui.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a toujours pas de son --
23 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] -- pour une raison quelconque.
25 M. STEWART : [interprétation] Nous n'avons pas envie de diffuser ce clip,
26 uniquement pour ce qui est dit. C'est beaucoup plus important pour ce qui
27 est dit que ce qui est vu. C'est plutôt la carte qui est importante. Nous
28 avons de toute façon le script. On a déjà écouté la vidéo. Donc, ce qui est
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1 important, c'est uniquement la carte à laquelle fait référence M. Krajisnik
2 dans ce clip.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. On voit toujours M.
4 Krajisnik, beaucoup plus jeune certes.
5 M. STEWART : [aucune interprétation]
6 LE TÉMOIN : MOMCILO KRAJISNIK [Reprise]
7 [Le témoin répond par l'interprète]
8 Interrogatoire principal par M. Stewart : [Suite]
9 Q. [interprétation] Monsieur Krajisnik -- il faudrait peut-être continuer
10 le clip, puisque je crois qu'à un moment vous soulevez la feuille pour voir
11 une autre feuille qui se superpose par-dessus la carte.
12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que le
13 passage est suffisant. C'est tout ce qu'il nous faut pour le compte rendu
14 d'audience.
15 Q. Monsieur Krajisnik, tout d'abord, est-ce que vous vous souvenez de ce
16 clip ? J'imagine que oui, surtout que nous l'avons déjà vu ici dans ce
17 prétoire. Il s'agit d'un clip qui a été pris en 1992. Est-ce que vous vous
18 souvenez exactement du moment auquel cela s'est passé ?
19 R. Je ne pense pas que c'était en 1992. Je ne pense pas, parce qu'en 1992,
20 il n'y avait pas ce type de carte. Mais ce n'est pas grave de toute façon.
21 Q. C'est quand même important, Monsieur Krajisnik. Il faudrait vraiment
22 que vous essayiez de vous rappeler dans la mesure du possible. Vous dites
23 que vous ne vous en souvenez pas et que vous pensez que ce n'était pas en
24 1992, mais pouvez-vous essayer de vous en souvenir ?
25 R. Il me semble qu'en 1992, il n'y avait pas de carte de ce type. Il y
26 avait Srebrenica, Zepa, Gorazde, et cetera. Très bien. J'ai quelques
27 réserves pour ce qui est de la date. Peut-être que cette carte avait en
28 effet été déjà établie. Ceci était détenu par nos troupes. C'est ce qui est
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1 écrit dans le texte en tout cas. Mais ce n'est pas du tout la situation en
2 1992. Nos troupes ne tenaient pas Gorazde, ni Zepa, ni Srebrenica; pas du
3 tout.
4 Q. Maintenant, la carte qui est en dessous du transparent dans la vidéo,
5 il s'agit exactement de la même carte que celle que nous avons ici au
6 Tribunal, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, c'est le bureau du Procureur qui a l'original, la grande carte,
8 alors que nous en avons une plus petite. C'est la carte bleu-vert; bleu,
9 vert et jaune.
10 Q. Oui, je la prends. Il s'agit de cette carte --
11 R. Oui.
12 Q. Celle que vous avez utilisée comme référence pour faire vos annotations
13 il y a quelques jours.
14 R. Tout à fait, sauf qu'elle est un peu plus grande.
15 Q. J'ai oublié sa cote. Il me semble que c'est la 293 ? C'est bien cela,
16 293. Il s'agit de la P293.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourrions-nous d'abord savoir exactement
18 à quand remonte cette carte ? Puisque, Monsieur Krajisnik, vous dites
19 qu'elle ne date pas de 1992. D'après vous, elle date d'après cela ou
20 avant ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne sais pas de quand elle date, mais je
22 tiens à attirer l'attention des Juges de la Chambre sur ce qui est écrit
23 ici. Il est écrit : Momcilo Krajisnik. Il s'agit des frontières qui sont
24 détenues par l'armée de la Republika Srpska. Mais ce ne sont pas nos
25 frontières de 1992. Cela, je l'ai bien vu, je l'ai bien remarqué. J'ai
26 plutôt l'impression que cela remonte à 1995, mais je ne sais pas
27 exactement. Regardez, il n'y a pas Gorazde, par exemple.
28 M. STEWART : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Krajisnik, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de relire
2 le texte, donc nous le lisons ensemble. "Nous sommes devant la carte
3 ethnique de l'ex-Bosnie-Herzégovine avec les frontières du territoire qui
4 est à l'heure actuelle détenu par l'armée des Serbes de Bosnie."
5 Là, il s'agit bien sûr de la carte qui est par-dessus, la carte
6 transparente qui se trouve sur la carte qui est au mur. Ce sont les
7 frontières que l'on voit, n'est-ce pas ?
8 R. Je crois, non, que c'est la carte qui est en dessous du transparent.
9 Puisque ce qu'on voit plutôt c'est un transparent.
10 Q. Mais ce que l'on voit sur l'écran à l'heure actuelle, cela montre les
11 frontières du territoire qui, comme vous le dites, est détenu à l'heure
12 actuelle - donc, à ce moment-là - par l'armée des Serbes de Bosnie; c'est
13 bien cela ? Il s'agit des frontières de l'époque ?
14 R. C'est ce que dit le texte. Il dit que ce que l'on voit ici, c'est ce
15 qui est détenu à ce moment par l'armée de la Republika Srpska.
16 Q. Oui, mais alors, à l'époque quand vous êtes en train de parler, ce sont
17 les territoires qui sont détenus par l'armée des Serbes de Bosnie. Est-ce
18 que cela vous permet de donner une date exacte, enfin plus ou moins exacte,
19 à cette carte ? Cela vous permet de vous repérer un peu dans le temps ?
20 R. Je me souviens très bien de l'interview et de tout ce que j'ai dit
21 d'ailleurs. Je peux faire des commentaires sur cela, mais malheureusement,
22 je ne peux pas, en revanche, retrouver la date exacte. Ce qui me frappe en
23 tout cas, c'est qu'en 1992, ni Srebrenica ni Zepa n'étaient marquées. Or,
24 en 1992, il s'agissait d'enclaves. Et Gorazde non plus n'est pas marquée
25 sur la carte. Donc, j'ai un problème pour dater cette interview. Mais je
26 puis vous faire des commentaires sur toute l'interview à l'heure actuelle.
27 Peut-être que ce n'est pas le moment.
28 Q. Oui, on y viendra de toute façon et ensuite vous pourrez faire des
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1 commentaires. Mais vous dites, et je cite : "Tout ce que je peux dire,
2 c'est que selon tout ce qui est dit, comme quoi nous possédons des
3 territoires qui sont peuplés ethniquement par les autres communautés
4 nationales, je peux dire que ce n'est pas vrai, et ceci peut être vu sur la
5 carte ethnique de la Bosnie-Herzégovine, on peut la recouvrir avec un
6 transparent où ces territoires sont repris et sont marqués, des territoires
7 qui sont détenus par notre armée. On voit que ce sont des zones qui
8 appartiennent à notre peuple."
9 Monsieur Krajisnik, c'est une observation qui est assez simple à faire. On
10 le voit d'ailleurs quand on regarde les cartes, cette carte P293. Il s'agit
11 donc -- là, vous montrez bien le territoire qui est détenu par l'armée des
12 Serbes de Bosnie. Il est bien clair que ce territoire qui est sur le
13 transparent, comprend selon P293, de nombreuses zones qui sont marquées
14 comme étant des zones à majorité ethnique différente des Serbes; c'est bien
15 cela ? Je vois que vous opinez du chef. Vous semblez être d'accord.
16 R. Oui.
17 Q. Voici ma question : comment arriver à réconcilier ce que vous dites
18 dans l'interview avec ce que vous nous dites maintenant ?
19 R. Tout d'abord, je tiens à dire que je suis très reconnaissant que l'on
20 me pose cette question, parce que cela fait justement partie des questions
21 que j'ai inscrites sur ma liste. Si vous écoutiez ce qui est dit sur la
22 bande son, vous verriez qu'à un moment la bande est cassée, s'arrête, et
23 ensuite, elle reprend. C'est justement quand j'étais en train de donner
24 cette réponse, le fait que nous ne détenons que nos propres territoires. On
25 ne peut pas dire que dans les parties orientales du territoire, qui sont
26 très peu peuplées, on ne peut pas dire que ce soit des territoires
27 musulmans. Cette phrase ne manque pas du texte. Je l'ai pourtant dit. J'ai
28 dit : Il y a plus de Serbes à Sarajevo que nous sommes à préparer à céder
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1 au côté musulman, que dans toute la partie orientale qui est si peu
2 peuplée. Donc, il y a des Musulmans dans cette partie orientale qui est si
3 peu peuplée.
4 Je sais exactement comment j'expliquais tout ceci parce que ceci est
5 carte ethnique. Bien sûr, dans l'est de la Bosnie-Herzégovine, il y a
6 beaucoup de tout petits hameaux. Si on les ajoutait tous les uns aux
7 autres, on arrive à avoir plus de Serbes au centre de la Sarajevo musulmane
8 qui leur appartiendrait, qui leur aurait appartenu, qu'il y a de Musulmans
9 dans tous ces petits village de Trebinje à Zvornik. Peut-être que la carte
10 n'est pas tout à fait exacte, mais c'était l'explication que j'étais en
11 train de donner quand j'étais en train de parler de cette carte à l'écran.
12 Je disais nous avions envisagé d'avoir des enclaves dans ce territoire qui
13 étaient le nôtre. Ce n'est pas exactement dessiné, certes. Mais au cours de
14 toutes les négociations, nous avons toujours abordé l'idée des enclaves
15 telles que Srebrenica, Zepa, Goradze. C'est vraiment le point principal.
16 C'est pour cela qu'il aurait été bon d'écouter la bande de cette
17 vidéo, la bande son. J'ai vu exactement quand la bande a été cassée. Je ne
18 sais si cela a été fait délibérément ou non, mais si on avait écouté la
19 bande son, j'aurais pu exactement vous dire ce qui aurait pu être entendu,
20 cette phrase qui manque, donc.
21 M. STEWART : [interprétation] Il semble visiblement que
22 M. Krajisnik ait vraiment besoin que l'on puisse écouter la bande son. Je
23 pense qu'après la pause on pourra peut-être la diffuser rapidement, si vous
24 en êtes d'accord.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais on l'a quand même déjà
26 entendue. On n'entend rien de plus que ce qui est sur la bande son.
27 L'INTERPRÈTE : Les interprètes sont désolés, mais là, ils ne peuvent
28 absolument pas interpréter, parce que --
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1 [Diffusion de la cassette vidéo]
2 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
3 "Krajisnik a montré au reporter, Momcilo Tadic, quelles devraient
4 être les frontières du peuple serbe en
5 ex-Bosnie-Herzégovine. Voici la carte de l'ex-Bosnie-Herzégovine avec les
6 frontières des territoires détenus par l'armée de la Republika Srpska. Ce
7 que je peux vous dire, à savoir que nous ne tenons pas de territoires
8 peuplés par d'autres groupes ethniques, parce qu'on peut le voir, on peut
9 voir la carte ethnique de la Bosnie-Herzégovine. Si l'on recouvre ceci avec
10 une feuille transparente en plastique, on peut voir quels sont les
11 territoires tenus par nos forces. Ceux-ci sont les territoires,
12 effectivement, qui sont peuplés par notre population. C'est une carte
13 analogue qui a été portée à Genève. On leur a fait savoir que les Serbes
14 souhaitaient voir la frontière de notre future république dans la vallée de
15 Neretva. Ceci constituerait le territoire de la Republika Srpska. Je
16 précise qu'il y aurait des enclaves dans notre territoire, qui seraient
17 peuplées par d'autres groupes ethniques. Je pourrais dire également que
18 ceux-ci sont des territoires qui sont peuplés par des Musulmans. Dans nos
19 relations, nous nous emploierons en faveur de la démilitarisation et une
20 délimitation des deux groupes ethniques musulmans et serbes ainsi que pour
21 les municipalités où il y a des Croates. Ici, on voit la rivière Una, la
22 rivière Save avec une petite partie qui est tenue ici par nos forces, à
23 savoir, Orasje. Puis, il y a la région de Semberija, d'Ozren et la région
24 de la Bosnie-Herzégovine de l'Est. Nous avons proposé à la communauté
25 croate que la frontière entre nos deux communautés soit la Neretva. Ceci
26 constituerait notre territoire en continuité. Ce serait en un morceau, si
27 je puis le dire. Nous nous employons en faveur de l'éventualité selon
28 laquelle il y aurait plusieurs territoires croates et musulmans. L'objectif
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1 est de faire en sorte que notre Republika Srpska soit en une partie et non
2 pas plusieurs territoires."
3 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
4 M. STEWART : [interprétation] Oui. On fait de notre mieux pour aider les
5 interprètes. Nous leur avons donné quand même des scripts, puisqu'ils ont
6 reçu normalement juste avant la séance.
7 L'INTERPRÈTE : Malheureusement, dans la cabine anglaise nous n'avons pas
8 reçu cette liasse.
9 M. STEWART : [interprétation] Nous avons fait de notre mieux. Je ne sais
10 pas ce qui s'est passé.
11 Q. Monsieur Krajisnik, avez-vous des commentaires à faire après avoir
12 entendu la bande clip ?
13 R. J'ai écouté du moins ce texte qui est extrêmement rapide. Je sais alors
14 que j'étais en train d'écouter tout ceci da cette pièce ici, dans cette
15 même salle d'audience. Je me souviens très bien d'avoir entendu la bande
16 son avec une coupure. Alors, je voudrais bien avoir quand même la bande
17 pour voir exactement où se trouve la cassure dans la bande. Parce qu'il y a
18 une phrase qui manque. Je n'ai pas pu le remarquer, parce que c'était
19 extrêmement rapidement cette fois-ci, et le texte est allé extrêmement
20 rapidement. Mais je sais très bien ce que j'ai dit. Il y a quand même une
21 phrase qui a été enlevée de la bande.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que pendant la pause suivante M.
23 Krajisnik pourrait peut-être revenir en prétoire un peu plus rapidement
24 avant la reprise de l'audience pour revisionner ce vidéo clip puisqu'il
25 semble vouloir vraiment le voir. Je n'ai rien remarqué. S'il y a une
26 cassure dans la bande, il y a une cassure à la fois au niveau des gestes,
27 des mouvements, à la fois sur la bande audio et sur la bande vidéo.
28 M. Sladojevic pourrait peut-être vérifier.
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1 M. STEWART : [interprétation] On pourrait peut-être la diffuser sur mon PC,
2 si cela vous va.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. La sécurité devrait vérifier, puis
4 M. Krajisnik peut revenir un tout un peu plus tôt dans le prétoire avant
5 que ne reprenne l'audience afin d'écouter cette vidéo et de la revérifier à
6 nouveau.
7 Vous pouvez continuer, Monsieur Stewart.
8 M. STEWART : [interprétation] Merci.
9 Q. Vous nous dites à un moment - vous nous donnez des explications sur les
10 territoires possédés ou détenus par l'armée serbe de Bosnie, qui seraient
11 peuplés par d'autres communautés nationales. Pouvez-vous nous dire
12 maintenant si, en effet, à l'époque, il y avait ces zones qui étaient
13 occupées par l'armée des Serbes de Bosnie et qui n'étaient pas purement
14 serbes ?
15 R. Je crois que tout le monde ici dans cette salle sait bien que
16 Srebrenica et Zepa, en 1992, n'étaient pas détenues par l'armée de la
17 Republika Srpska. On ne le voit pas sur cette feuille, sur cette carte.
18 Cela a peut-être été dessiné plus tard ou différemment, et cela a peut-être
19 été donné comme étant la carte de Genève. Mais ce ne sont absolument pas
20 les frontières détenues par les forces de l'armée de la République Srpska.
21 Ce n'est qu'en 1995 que nos forces ont pris Srebrenica, après tout.
22 D'ailleurs, il s'agit d'une affaire qui est devant ce Tribunal. Je ne
23 comprends pas bien ce qui se passe. Je me rappelle très bien de
24 l'interview. En tout cas, je vois que j'étais beaucoup plus jeune, mes
25 cheveux étaient encore noirs. Mais je ne sais pas exactement de quand date
26 cette interview. Je ne peux pas lui apposer une date.
27 Q. Monsieur Krajisnik, à un moment donné en 1992, est-ce que l'armée serbe
28 des Serbes de Bosnie s'est emparée de territoires qui étaient occupés par
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1 une majorité ethnique différente des Serbes ?
2 R. Monsieur Stewart, le Président m'a déjà posé une question a peu près
3 identique, il l'a formulée différemment. Mais je vais essayer de répondre
4 quand même à votre question. Si vous me le permettez, je vais vous donner
5 une réponse qui sera assez proche de celle que j'avais déjà donnée.
6 L'armée de la Republika Srpska combattait contre l'autre camp. La situation
7 évoluait tout le temps. Les territoires détenus par l'armée de la Republika
8 Srpska étaient beaucoup plus détendus en 1992 qu'à la fin de la guerre.
9 Cela dit, il y a de nombreuses modifications dans ces territoires puisqu'il
10 y avait une ligne de front qui évoluait. Tout dépendait s'il y avait eu des
11 combats sur la ligne de front, et qui avait gagné, qui avait perdu, qui
12 avait repoussé la ligne de front, dans quel sens la ligne de front s'était
13 enfoncée. La plupart du temps, c'était les commandants locaux qui s'en
14 occupaient. Tout dépendait de la situation et de l'évolution de la ligne de
15 front. Je ne sais absolument pas ce qui s'est passé à tel moment ou à tel
16 autre, qui a détenu qui, quoi et quand. Du début de la guerre jusqu'en
17 1995, il n'y a pas eu beaucoup de modifications, en tout cas, quand il y a
18 eu le problème avec Srebrenica et Zepa. Pratiquement toute la zone était --
19 enfin, les choses n'ont pas tellement bougé après tout pendant la guerre.
20 Ensuite, l'autre question. Je vais y répondre aussi. Pour ce qui est de ce
21 dont l'armée s'est emparé. Il y a eu quelques modifications, par exemple,
22 le corridor. En tout cas, de 1992 jusqu'à 1995 jusqu'à Srebrenica et Zepa,
23 c'était ce qu'on avait là. Dans Sarajevo, il y avait des petites
24 évolutions, des petites modifications et dans d'autres zones aussi, il y
25 avait de toutes petites modifications.
26 Q. Monsieur Krajisnik, je veux vous demander --
27 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai jamais fait ceci, mais là, je pense
28 que je dois prendre la parole, parce que M. Krajisnik a répondu quelque
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1 chose, mais en tout cas, une chose est sûre, il n'a pas répondu à la
2 question qui a été posée par M. Stewart. Bien sûr, c'est aux Juges et à M.
3 Stewart d'en juger, mais je tiens à attirer votre attention là-dessus. Il
4 me semble qu'il a évacué la réponse. Il n'a pas du tout répondu à la
5 question qu'on lui avait posée.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, il me semble que dans
7 votre question, vous avez demandé une réponse de la part de M. Krajisnik.
8 M. STEWART : [interprétation] Bien, c'est un sujet que j'aimerais laisser
9 de côté jusqu'à la fin de la déposition -- je n'y reviendrai qu'à la fin de
10 la déposition de M. Krajisnik.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Donc, vous reposerez cette
12 question.
13 M. STEWART : [interprétation] Oui, je la poserai d'une façon ou d'une
14 autre. Je peux la poser tout de suite si vous le voulez plutôt que de la
15 laisser en suspens. Donc, je repose ma question.
16 Q. Vous comprenez bien ce qui se passe ici. Vous nous avez donné des
17 explications, mais ma question essentielle était la suivante : au cours de
18 l'année 1992, l'armée des Serbes de Bosnie a bel et bien pris des
19 territoires qui étaient majoritairement détenus par d'autres groupes
20 ethniques que les Serbes. C'est cette question que je vous ai posée et à
21 laquelle vous n'avez pas répondu.
22 R. Mais j'ai répondu. Peut-être que je n'ai pas répondu clairement, mais
23 j'ai répondu. L'armée a été mise en place le 12 mai. Avant cela, une grande
24 partie du territoire - enfin, les gens armés des deux côtés se sont
25 séparés, puis l'armée a un petit peu corrigé les choses jusqu'en 1995. Par
26 exemple, Zvornik, Bijeljina, toutes sortes de choses, mais à part le
27 corridor. Je vous ai déjà répondu. Une fois que l'armée a été mise en
28 place, il n'y avait plus que le problème de ce corridor. A Sarajevo, la
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1 situation en avril était ce qu'elle était. Vlasenica était ce qu'elle était
2 ainsi que Zvornik. Tout cela, bien avant l'établissement de l'armée de la
3 République Srpska, ce qui fait que ce sont les gens qui se sont armés, qui
4 ont trouvé leurs propres frontières --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Krajisnik. Je pense que ce
6 qu'on veut savoir, c'est la chose suivante : on veut savoir quand on a
7 établi l'armée de la Republika Srpska, on voudrait savoir s'ils se sont
8 emparés ou s'ils ont continué à contrôler des territoires qui n'étaient
9 pas, avant la guerre, habités par une majorité de Musulmans.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je me propose de reprendre. Il y a eu
11 certaines corrections de ces frontières. Certainement, ces corrections
12 visaient à faire en sorte que de mineures parties de territoires habités
13 par des Musulmans et ainsi que par des Serbes, par exemple, le corridor qui
14 passe par Konjevic Polje et similaires. Mais il n'y a pas eu de grandes
15 brassées comme cela a été le cas en avril, pour répondre à la question. Mis
16 à part ce corridor, l'armée n'a pas eu à intervenir grandement, parce que
17 toutes ces batailles se sont réalisées, se sont tenues avant la création
18 même de l'armée. Vous pouvez le constater en comparant les dates.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'avez pas, je pense, écouté
20 attentivement ma question. Je vous ai demandé si l'armée avait pris ou
21 avait conservé le contrôle. Quand j'ai dit "conserver le contrôle", je
22 voulais dire que certaines forces s'étaient emparées de certains
23 territoires, territoires qui, avant les conflits, avaient une majorité de
24 population musulmane. Je ne vous ai pas demandé ce qui a changé par la
25 suite exactement. Après la création de cette armée de la Republika Srpska,
26 est-ce que cette armée a placé sous son contrôle des territoires qui, à
27 l'origine, donc à l'origine signifiant avant le conflit armé, avait une
28 majorité musulmane ? Je n'ai pas à l'esprit un village concret mais des
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1 secteurs tout grands.
2 LE TÉMOIN : [interprétation] S'agissant de la situation que l'armée a
3 héritée, pour ce qui est de cette situation, je dirais que l'armée a perdu
4 des territoires et en a pris d'autres. L'élément positif, c'est qu'elle a
5 pris certains territoires. J'ai dit qu'il s'agissait là de corrections
6 mineures par rapport à la situation héritée par l'armée. Je dirais que les
7 opérations principales ont été terminées avant la création de l'armée,
8 exception faite du corridor. L'armée avait gardé ce qu'elle avait. Elle a
9 perdu certains territoires et elle a obtenu d'autres territoires.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En d'autres termes, ils ont exercé leur
11 contrôle vis-à-vis de certaines régions qui ont été habitées par une
12 majorité musulmane ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas en réalité votre question.
14 Si vous voulez avoir une réponse à cette question, je dirais oui, mais ce
15 n'est pas la bonne réponse.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez nous donner une image
17 d'ensemble, Monsieur Krajisnik. Or, nous demandons une partie de l'image
18 générale. C'est là la question que je vous ai posée.
19 Vous pouvez continuer, Monsieur Stewart.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas compris M. Stewart parce qu'il n'a
21 probablement pas posé cette question de la bonne façon.
22 M. STEWART : [interprétation] Je vais faire de mon mieux.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ecoutez la question suivante.
24 M. STEWART : [interprétation] Oui, je ferai de mon mieux.
25 Q. Monsieur Krajisnik, le Juge Orie vous a demandé si l'armée des Serbes
26 de Bosnie a exercé son contrôle vis-à-vis de certaines régions où la
27 majorité de la population se trouvait être musulmane. C'était là la
28 question. Vous avez dit que vous n'avez pas bien compris. Vous avez répondu
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1 par l'affirmative, mais vous avez estimé que ce n'était pas la bonne
2 réponse. Mais quelle est la bonne réponse, Monsieur Krajisnik ?
3 R. Je ne vous comprends pas non plus.
4 Q. Bien --
5 R. Je ne comprends pas la question.
6 Q. Excusez-moi.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Excusez-moi, mais je voudrais aider.
8 M. STEWART : [interprétation] Bien --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après ce que j'ai compris, Monsieur
10 Krajisnik, vous avez dit de ne pas poser de question unilatérale, mais de
11 vous poser des questions sur la totalité de la situation. Vous dites que
12 vous aviez perdu des territoires et que vous en aviez gagné d'autres. Quand
13 vous le dites, je crois comprendre que les forces armées -- sans pour
14 autant parler de changements majeurs survenus après la création de l'armée
15 de la Republika Srpska, vous avez obtenu le contrôle dans certains secteurs
16 où il y avait une majorité musulmane et vous avez perdu le contrôle dans
17 d'autres secteurs. Vous ai-je bien compris ?
18 LE TÉMOIN : [interprétation] La raison pour laquelle j'ai dit que je ne
19 comprenais pas, c'est que c'est une question tout à fait autre. Parce que
20 la question posée précédemment c'était de savoir si l'armée s'était emparée
21 de territoire. Or, vous avez dit est-ce qu'elle a maintenu ou conservé des
22 territoires ? Alors oui, l'armée a conservé ces territoires, des
23 territoires où il y avait eu des Musulmans avant cela. Ce n'est pas
24 contesté. Mais ce sont là deux questions différentes, deux aspects
25 différents qui ont prêté à confusion. L'armée n'a pas quitté Vlasenica,
26 Zvornik, et ainsi de suite. Elle a conservé les territoires où il y avait
27 eu auparavant une majorité musulmane. C'est la raison pour laquelle j'ai
28 dit que je ne comprenais pas la question.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant les choses sont claires.
2 Veuillez continuer, Monsieur Stewart.
3 M. STEWART : [interprétation]
4 Q. Monsieur Krajisnik, vous vous souviendrez du fait que M. Okun est venu
5 témoigner ici; cela s'est passé il y a assez longtemps. Je me propose à
6 présent de vous poser certaines questions au sujet des éléments dont a
7 parlé M. Okun.
8 M. STEWART : [interprétation]
9 Q. Je crois que vous comprendrez que nous aurons besoin du témoignage de
10 M. Okun. Il a commencé à témoigner le 22 juin 2004, et je vais commencer
11 par la page 4 152, qui fait partie de son interrogatoire principal. Il lui
12 a été posé la question de savoir s'il était d'accord pour dire que les
13 journaux qu'il a tenus à jour et qui ont reflété à peu près la tenue de 50
14 ou 60 réunions qu'il a eues avec les membres de la direction des Serbes de
15 Bosnie, et je me réfère à la page 4 153, où il a dit que quoique n'ayant
16 pas compté, il y avait certainement eu plus de 25 réunions où vous aviez
17 pris part également. Il a également indiqué que c'étaient des réunions
18 assez nombreuses ayant duré plus ou moins longtemps. Il y a 25 réunions
19 avec la participation de M. Okun et de vous-même. Est-ce que c'est un
20 nombre qui correspond à peu près au nombre de réunions ?
21 R. Est-ce que vous parlez de 1992 ?
22 Q. Non, il avait parlé de la période toute entière.
23 R. Je sais que pour ce qui est de M. Okun, d'après mes souvenirs, c'est
24 quelqu'un que je n'ai vu qu'une fois. Je pense l'avoir vu à Genève ou à
25 Londres, je ne sais plus exactement. C'est quelqu'un dont je me souviens
26 bien. Il était l'adjoint de M. Vance. A ces réunions conjointes, il était
27 présent, mais je ne sais pas dans quelle mesure. Toutefois, cela ne s'est
28 passé en 1992. D'après mes souvenirs, en 1992, il y a eu peut-être une,
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1 éventuellement deux réunions où je n'ai pas échangé un seul mot avec lui.
2 J'étais seulement présent à une réunion plénière. Il se peut que je n'aie
3 même pas pris la parole. Ce qui fait que je ne peux pas vous le confirmer.
4 Je pense que M. Okun se trompe complètement. Je n'ai pas pu avoir autant de
5 réunions avec M. Okun; loin de là. Je suis loin d'avoir eu autant de
6 rencontres avec lui.
7 Q. Il a dit à la page 4 165 du compte rendu d'audience, suite à une
8 question --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger.
10 M. TIEGER : [interprétation] Je me suis penché sur la question, et il n'y a
11 pas de confusion, M. Stewart a essayé de tirer la situation au clair. Le
12 témoin a demandé s'il était fait référence à 1992. M. Stewart a dit que
13 cela ne se limitait pas à 1992, mais que cela incluait, par exemple,
14 l'année 1993 également. Est-ce que M. Krajisnik avait parlé dans sa réponse
15 de l'année 1992 seulement ou est-ce qu'il y a eu un malentendu, ou alors
16 est-ce qu'il n'a pas voulu répondre ?
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La seule chose que nous devrions faire,
18 aux fins d'éviter tout malentendu, c'est de poser la question. Monsieur
19 Krajisnik, cette question portait sur une partie du témoignage de M. Okun.
20 On vous a donné lecture d'un résumé de ce dont il a été question. Vous avez
21 demandé si M. Stewart s'était référé à l'année 1992. M. Stewart a dit que
22 M. Okun s'était référé à la période toute entière.
23 Dans votre réponse, avez-vous englobé l'année 1992 seulement ou
24 l'année 1993 a-t-elle été comprise ? Est-ce que votre réponse aurait
25 différé s'il ne s'agissait que d'une seule période ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai parlé de la période toute entière parce
27 que c'est ainsi que j'ai compris la question de M. Stewart, pour ma part.
28 M. STEWART : [interprétation]
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1 Q. Monsieur Krajisnik, M. Okun a dit que ce n'est qu'à partir du début
2 1993 que l'on a commencé à avoir des entretiens fréquents avec une
3 intensification de ces entretiens. Cela coïncide-t-il avec votre mémoire ?
4 R. Oui. En 1993, nous avons eu le plan Vance-Owen avant mai, c'est donc
5 durant cette période-là que se sont tenues les réunions auxquelles se
6 réfère M. Okun, avant la tenue de notre assemblée.
7 Q. Dans son témoignage, page 4 157, il parle des objectifs de guerre des
8 Serbes de Bosnie. Il a été interrogé par M. Tieger - cela se trouve vers le
9 milieu de la page - et M. Tieger lui a dit : "Vous avez indiqué que le Dr
10 Karadzic et M. Krajisnik s'étaient employés en faveur des objectifs de
11 guerre des Serbes de Bosnie. Pouvez-vous nous dire quels ont été ces
12 objectifs politiques des temps de guerre ?"
13 Il y a eu des discussions techniques, puis il a dit : "Oui. Les trois
14 parties au conflit avaient des objectifs. Les Serbes de Bosnie avaient pour
15 objectifs de guerre, dans la forme qui a été directement et publiquement
16 présentée, étaient au nombre de six." Il n'y a pas de description très
17 élaborée, Monsieur Krajisnik, donc je vais vous donner lecture.
18 "Tout d'abord" -- et je vais m'arrêter à chaque fois pour vous
19 demander si vous êtes d'accord pour affirmer que cela a bel et bien été
20 l'un des objectifs de guerre des Serbes de Bosnie.
21 "D'abord, c'était d'avoir un Etat à eux, la Republika Srpska, à savoir un
22 Etat en matière de droit."
23 Est-ce que vous êtes d'accord avec l'affirmation faite par M. Okun ?
24 R. Je ne suis pas d'accord. Ce n'étaient pas des objectifs de guerre;
25 c'étaient des objectifs politiques qu'il n'avait pas compris parce qu'il
26 n'avait pas pris part aux négociations qui se sont déroulées auparavant. A
27 la conférence, nous n'avions parlé que d'objectifs politiques et non pas
28 d'objectifs de guerre. Il a été discuté dans le cadre d'une conférence.
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1 S'il y avait un objectif politique de la part des négociateurs qui
2 consistait à créer un Etat à nous, cela est exact, parce que cela a
3 constitué l'une des conditions du début à la fin de ce processus des
4 négociations. Cela constituait en effet un objectif politique et non pas un
5 objectif de guerre.
6 Q. Le deuxième visait à faire de cet Etat, la Republika Srpska, "un
7 territoire continu, contigu avec la Serbie, sans pour autant qu'il y ait de
8 parties distinctes."
9 Alors, Monsieur Krajisnik, est-ce que cela a constitué l'un des objectifs
10 en temps de guerre ?
11 R. A l'occasion des négociations, nous avons sans cesse répété les
12 positions qui étaient les nôtres dès le départ, et l'une de ces positions
13 parlait du corridor. Il est exact de dire que nous voulions que la
14 Republika Srpska soit constituée par un seul territoire unifié, et cet
15 objectif devait être réalisé moyennant échange de territoire. C'était la
16 proposition politique que nous avions faite à la commission politique dont
17 il a fait partie au niveau de la communauté internationale.
18 Q. Troisième objectif, a-t-il dit : "Un territoire ethniquement pur ou
19 essentiellement ethniquement pur des Serbes de Bosnie, autant que cela
20 pouvait se faire."
21 Alors, dites-nous, est-ce que c'est là des objectifs des Serbes de Bosnie
22 en temps de guerre ?
23 R. Cela n'a jamais été un objectif, et on peut le constater à la lecture
24 de tous les documents. Le premier des objectifs qui a été débattu, c'était
25 la délimitation, à savoir la création d'une Republika Srpska avec majorité
26 serbe, une république musulmane avec une majorité musulmane et une entité
27 croate où il y aurait majorité croate. Mais bien entendu, il devait y avoir
28 d'autres groupes ethniques dans chacune des parties. Nulle part il n'a été
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1 question de territoire ethniquement pur. C'était quelque chose de
2 complètement exclu. Il n'en a pas été question. Il n'aurait pas été
3 réaliste d'en parler; il va sans dire.
4 Q. "Quatrième objectif consistait à établir des relations spéciales avec
5 la Yougoslavie ou avec la Serbie."
6 Est-ce que c'était l'un des objectifs en temps de guerre ?
7 R. Cela n'est pas seulement un objectif des temps de guerre. Je vous ai
8 expliqué que nous avions obtenu l'accord de la partie musulmane et de la
9 communauté internationale disant que nous étions autorisés à avoir des
10 relations spéciales avec les républiques voisines. Il en allait de même
11 pour les Croates, les Musulmans et nous-mêmes. Les trois groupes ethniques
12 avaient la liberté de créer des relations spéciales, dans la mesure où cela
13 ne remettrait pas en question la survie de la Bosnie-Herzégovine. C'est de
14 cela qu'il s'agit et non pas d'autre chose. Et il a défini les choses
15 autrement. Il est certain qu'il a mal compris. D'ailleurs, c'est ce qui a
16 été dit aux accords de Dayton et dans tous les autres accords précédents.
17 Q. "Cinquièmement, pour partager Sarajevo en une partie musulmane et une
18 partie des Serbes de Bosnie."
19 Est-ce que cela a été un objectif des temps de guerre ?
20 R. Notre objectif a été de ne pas être expulsés de Sarajevo. Nous
21 voulions, dans Sarajevo, avoir une administration locale à nous. Nous
22 n'avons jamais demandé, comme on a essayé de le faire entendre au figuré,
23 de construire ou de placer des murs de Berlin. Nous avons souhaité une
24 transformation de Sarajevo où certaines parties auraient constitué des
25 municipalités distinctes avec une majorité serbe. Il y a des documents en
26 ce sens qui disent exactement quelles ont été les propositions que nous
27 avions formulées pour Sarajevo, et c'est ce que je viens de vous indiquer.
28 Q. Ensuite, on en arrive au sixième et dernier : "Avoir un droit de veto
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1 vis-à-vis des pouvoirs résiduels qui seraient ceux du gouvernement central
2 de la Bosnie-Herzégovine…"
3 Est-ce que cela était l'un des objectifs des temps de guerre ?
4 R. Cela n'a pas été l'un des objectifs. Je dirais que cela a été l'un des
5 points avancés par les trois parties en présence. En effet, dès le début,
6 il a été question des points où il fallait aboutir à un consensus, et il a
7 été question aussi de points où il fallait quatre cinquièmes de votes pour
8 ou deux tiers de votes pour afin que certains intérêts ethniques ne soient
9 pas mis en péril en Bosnie-Herzégovine. Donc, cela a été la position
10 conjointe des trois parties en présence. Dans tous les projets d'accord,
11 c'était quelque chose de prévu. Cela n'a pas été une proposition serbe;
12 cela a été l'un des points dont il a été débattu et qui a figuré à tous les
13 projets d'accord. Ce n'était d'ailleurs pas un droit de veto; mais c'était
14 là une façon de résoudre le problème qui a donné lieu à la guerre, à savoir
15 le problème de la mise en minorité systématique et violations de la
16 constitution.
17 Q. M. Okun, dans son témoignage, a dit que ces six objectifs des Serbes de
18 Bosnie datant de la guerre, et qu'il a énoncés, auraient été énoncés à lui-
19 même et à ses collègues de façon directe lors des négociations; est-ce
20 exact ?
21 R. Ce n'est pas exact. Il a dû entendre parler des six objectifs
22 stratégiques, et il en a été question souvent à l'occasion des négociations
23 lors de la présence de M. Vance et de M. Owen, qui étaient des co-
24 présidents lors de la tenue de la conférence, mais cela n'a jamais été
25 formulé comme étant des objectifs. Cela a constitué six points dont il a
26 été débattu.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je me suis un peu
28 perdu.
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1 Monsieur Krajisnik, dans l'une de vos réponses précédentes, vous avez dit
2 que M. Okun avait eu tort lorsqu'il a affirmé avoir assisté à 25 réunions
3 en votre présence. Vous avez dit que M. Okun, à votre avis, n'avait pas
4 raison de dire que vous n'avez pas eu de réunions avec lui. Maintenant,
5 quand on pose la question de savoir si cela a été dit à M. Okun à
6 l'occasion des négociations, vous semblez dire clairement que cela ne lui
7 avait pas été dit.
8 Alors, quand vous dites que M. Okun avait tort, vouliez-vous dire que
9 vous n'avez pas eu de réunions avec lui. Ce n'est pas ce dont il a parlé;
10 il a parlé de réunions où vous avez été présent, ce qui est autre chose que
11 d'avoir une réunion directement avec vous. Est-ce que c'est ce que vous
12 vouliez dire ou est-ce que vous vouliez dire que M. Okun a bien pu être
13 présent à une vingtaine ou 25 réunions auxquelles vous avez assisté vous-
14 même. Etant donné que vous êtes assez explicite sur ce qui n'a pas été dit
15 à M. Okun, pouvez-vous faire la lumière là-dessus pour moi.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Il n'y a pas pu y avoir 25 réunions où
17 j'aurais été présent avec M. Okun pendant toute la durée de sa
18 participation à la conférence, parce qu'il n'y a pas eu autant de journées
19 et autant de réunions entre nous. Il a été présent entre le début 1993 et
20 le mois de juin 1993. Il n'a plus été présent par la suite. Après, c'était
21 Owen et Stoltenberg. Ce que je vous dis, c'est que d'après mes souvenirs,
22 il n'y a pas pu y avoir autant de réunions. Ce que je suis en train de dire
23 maintenant concernant le fait de lui avoir dit --
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous interrompre.
25 Combien de réunions y a-t-il bien pu y avoir en sa présence; dix, 15 ? Vous
26 dites il n'y en a pas eu 25.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous dis que je ne
28 peux pas vous dire exactement combien de réunions il y a eu. Mais 25 c'est
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1 trop. Je ne peux pas vous dire deux, trois ou cinq, mais je vous dis quelle
2 est la période pendant laquelle il était présent. Je peux exactement
3 retrouver les moments où nous avons eu des rencontres avec lui à compter du
4 mois de janvier jusqu'à la fin du mois d'avril, à savoir, jusqu'à la
5 réunion à Athènes. Il n'y a plus eu de M. Okun ni de M. Vance. Avant, il y
6 a eu une réunion en 1992. Ce que j'essaie de faire, c'est de vous dire ce
7 que je sais dire. Mais dire qu'il y en a eu autant, je dirais qu'il y en a
8 peut-être eu trois, cinq, sept, mais 25, cela me paraît trop. Je peux
9 répondre à d'autres questions si vous en avez.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si vous n'avez pas été présent à toutes
11 ces réunions, nous devrions nous poser la question de savoir comment il
12 vous a été donné de savoir ce qui ne lui a pas été dit à M. Okun à
13 l'occasion de ces négociations, ou plutôt ce qui n'a pas été dit aux
14 personnes qui ont été présentes à ces réunions ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais m'expliquer. S'il y a eu une visite à
16 Genève, et si là, il y a eu plusieurs rencontres dans le courant de cette
17 visite, disons, trois, quatre, cinq ou six réunions, si c'est ainsi que M.
18 Okun a compté en la présence d'autres personnes, M. Koljevic, M. Karadzic,
19 il se peut qu'il y ait eu plus de rencontres que je n'en ai conscience.
20 Mais je n'étais pas assis avec lui ou je n'ai pas été à des réunions où il
21 aurait été présent. Alors, si je vous dis que j'étais présent deux ou trois
22 fois, il se peut que je le dise au petit bonheur. Il se peut qu'il ait eu
23 une visite à Genève avec plusieurs rencontres. Si c'est ce qu'il a voulu
24 entendre, l'explication est tout à fait différence, parce que nous avons
25 débattu des journées entières en conversations bilatérales, en discussions
26 distinctes. Je dis bien que nous sommes allés à Genève et nous nous sommes
27 entretenus pendant toute la journée en présentant toutes sortes de
28 propositions.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart.
2 M. STEWART : [interprétation]
3 Q. Monsieur Krajisnik, pensez-vous qu'il soit possible que vos collègues,
4 les Serbes de Bosnie, à une réunion où vous n'auriez pas été présent, aient
5 pu annoncer ces six objectifs de temps de guerre que M. Okun a décrit dans
6 son témoignage ?
7 R. Je suis convaincu du fait que des objectifs ainsi formulés n'ont pu
8 être présentés. Ce qui est possible, c'est qu'à l'occasion d'une
9 conférence, à savoir, d'une réunion à Genève, il ait été posé une question
10 ou plusieurs questions. Il se peut que M. Koljevic et
11 M. Karadzic aient eu des réunions avec lui ou M. Vance à part, et qu'ils
12 aient présenté des positions sur différents points. Ils ont pu dire : Nous
13 voulons avoir un territoire unifié, nous voulons aménager les choses afin
14 de ne pas être mis en minorité. Il a peut-être estimé que c'était là les
15 objectifs stratégiques qui étaient les nôtres. C'est dans la partie de la
16 formulation d'un concept visant à aboutir à un accord de paix. Cela n'a pas
17 constitué des objectifs officiels tels qu'il les a présentés. C'est ce que
18 j'ai dit. En termes simples, vous parlez de variantes, vous combinez toutes
19 sortes de solutions pour résoudre un problème. Vous parlez de corridor, de
20 la Republika Srpska, et ainsi de suite. La mission principale qui était la
21 sienne - et c'est la raison pour laquelle il a retenu cela - c'était de ne
22 de pas faire en sorte qu'il y ait une Republika Srpska, à savoir, supprimer
23 l'essentiel de ce qui avait été convenu. C'est pour cela qu'il a retenu
24 cela comme objectif. Cela a effectivement constitué un objectif, à savoir,
25 nous en tenir de façon conséquente à ce qui avaient été prévu au départ et
26 qui avait obtenu l'approbation de la communauté internationale. Cela le
27 dérangeait; il ne le voulait pas. Il avait proposé qu'il n'y ait pas de
28 Republika Srpska dans le plan de ce qui était incorporé au plan Vance-Owen,
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1 et c'est la raison pour laquelle ce plan a été rejeté.
2 Q. Monsieur Krajisnik, dans l'une des réponses apportées par M. Okun, que
3 l'on peut retrouver en page 4 165 du compte rendu d'audience, suite à une
4 question de M. Tieger se lisant comme suit : "Ambassadeur Okun, est-ce que
5 l'une des questions d'importance considérable, peut-être d'importance
6 centrale durant les négociations, se ramenait oui ou non aux territoires
7 auxquels les Serbes de Bosnie-Herzégovine avaient réclamé avoir droit ?"
8 Il a dit : "Oui."
9 Monsieur Krajisnik, alors cette question a été -- si la question vous
10 a été posée à vous, est-ce que vous auriez dit oui ou non ?
11 M. TIEGER : [interprétation] Je crois que cela n'était pas intentionnel,
12 mais il serait peut-être utile de donner lecture de la réponse entière.
13 M. STEWART : [interprétation] J'allais le faire, mais j'ai pensé poser une
14 question distincte. Ce qui est tout à fait une façon légitime de considérer
15 les choses.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, allez-y.
17 M. STEWART : [interprétation]
18 Q. Alors, Monsieur Krajisnik, est-ce que l'une des questions principales,
19 l'une des questions les plus importantes à l'occasion de ces négociations,
20 était la quantité de territoires auxquels les Serbes de Bosnie estimaient
21 avoir droit ?
22 R. Ce n'était pas l'importance ou la taille des territoires qui avaient
23 constitué l'importance prépondérante du côté des Serbes. La question la
24 plus importante au fil de tout ce processus de paix a été la question des
25 cartes. Le reste était facile à résoudre. Nous étions disposés, pour notre
26 part, à établir des cartes concertées indépendamment des quantités de
27 territoires au cadastre, comme on a coutume de le dire, indépendamment
28 aussi de la situation sur le champ de bataille. Il s'agissait de procéder à
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1 la délimitation pacifique et à l'établissement des trois entités. Ce n'est
2 pas le pourcentage de territoires qui importait, les 64 ou autre. On peut
3 le voir dans tous les plans. On s'était, à chaque fois, ramenés à quelques
4 50 %, et pour finir, cela a donné 49 %. On voit dans quelle mesure nous
5 étions disposés à nous retirer de certains territoires. On peut le voir
6 dans le livre de M. Owen, à savoir, voir quelles sont les cartes que nous
7 avions proposées et avec lesquelles nous étions d'accord. Il n'y avait pas
8 de problèmes pour ce qui était de notre disposition d'accepter des
9 territoires moins importants. Nous étions disposés à le faire. La question
10 qui était contestée, c'était de savoir quels territoires seraient inclus
11 par la ligne de délimitation et ou pas.
12 Q. Après avoir répondu à cette question-là de façon affirmative, vous avez
13 dit que oui, cela devait être une des questions considérées comme très
14 importante au cours des négociations. M. Okun poursuit en disant : C'était
15 un refrain que l'on entendait sans cesse, à savoir, les Serbes de Bosnie
16 utilisaient une formule pour cela. Ils disaient : Nous sommes représentants
17 35 % du peuple, mais nous sommes propriétaires de 65 % du territoire.
18 Est-ce qu'il s'agit d'une formule ou d'un argument de négociation que les
19 Serbes de Bosnie présentaient au cours de ces négociations ?
20 R. Tels étaient les arguments du côté serbe. Lorsqu'on dit qu'il faut
21 obtenir un territoire qui dépasserait le chiffre de 30 %, qui est le
22 chiffre de la population, la population ne pourra pas être le seul critère
23 qui est pris en compte. Notre territoire est surtout un territoire rural
24 composé de très peu de villes. Toutes les industries et toutes les villes
25 importantes sont dans les parties du territoire détenues par les Musulmans.
26 La quantité et la qualité sont deux choses bien distinctes. C'est ce que
27 nous essayons de mettre en avant dans nos arguments, lorsque nous disions
28 que c'était disproportionné sur le plan du territoire, pourquoi le côté
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1 serbe devrait avoir plus de territoires. C'est la raison pour laquelle le
2 côté serbe a obtenu 49 %. La moitié de la Bosnie-Herzégovine, c'était la
3 partie rurale, alors que la partie centrale, la partie la plus riche, c'est
4 elle qui faisait partie de la fédération musulmane et croate.
5 Q. Il a dit que : "Nous avons entendu réitérer maintes et maintes fois,
6 que cette formule de 35 % de la population et 65 % du territoire, nous
7 avons entendu ceci maintes et maintes fois de la bouche de M. Milosevic, du
8 Dr Karadzic, de M. Krajisnik, Koljevic, Buha et toutes ces personnes."
9 Est-il exact de dire que ces personnes ont entendu cela de votre bouche,
10 Monsieur Krajisnik ?
11 R. Je pense qu'ils l'ont entendu de ma bouche à la manière dont je l'ai
12 dit, et je l'ai entendu moi-même de la bouche d'experts. Ce n'est pas moi
13 qui ai calculé les chiffres. Ce chiffre de 64 %, ce sont les experts qui
14 ont proposé ce chiffre lorsqu'ils ont dessiné la carte. Les Serbes sont
15 propriétaires de 65 % du territoire de la Bosnie-Herzégovine; des forêts,
16 des prairies, des champs, alors que la partie centrale est la partie la
17 plus peuplée, où la densité démographique est la plus importante, où la
18 majorité de la population est musulmane et croate. En termes de
19 pourcentage, cela représente moins. Il a pu entendre cela de ma bouche. Je
20 n'exclus pas cette éventualité-là. Je ne dis pas que je l'ai dit, mais je
21 n'exclus pas cette éventualité-là. Et j'ai dit que les Serbes, pour ce qui
22 est du territoire, détenaient 64 % de la Bosnie-Herzégovine sur la base de
23 ce qui avait été avancé par les experts. A savoir si ceci est exact ou non,
24 je ne peux pas vous le dire.
25 Q. Il y a un court extrait que je vais vous lire, mais je ne vais pas vous
26 poser de questions, Monsieur Krajisnik. Sinon, on ne comprendrait pas ce
27 qui suit. A la page 4 166 du compte rendu. Après cette réponse sur les
28 territoires et la formule utilisée, M. Tieger a posé cette question à M.
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1 Okun : "Le génocide contre les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale
2 a-t-il été placé dans le contexte de tout ceci, à savoir, l'annonce du
3 territoire auquel les Serbes de Bosnie avaient droit ?"
4 Ce à quoi il a répondu : "Oui, ceci est un facteur dont on a tenu compte."
5 Ensuite, à la deuxième page, 4 167, M. Tieger a posé à
6 M. Okun : "Monsieur l'Ambassadeur, pour ce qui est de votre réponse
7 précédente et sur l'insistance du génocide pendant la Deuxième Guerre
8 mondiale, est-ce que cela signifie que le Dr Karadzic, M. Krajisnik et les
9 autres dirigeants serbes de Bosnie ont prétendu avoir droit à un territoire
10 à l'intérieur de la Bosnie-Herzégovine sur laquelle des non-Serbes étaient
11 majoritaire, où les Serbes étaient minoritaires ?"
12 Il a répondu à cela en disant : "Oui. Ils ont été très clairs à cet égard."
13 Est-ce exact, Monsieur Krajisnik ? Encore une fois, j'en viendrai au reste
14 de la réponse plus tard. Est-ce exact de dire cela à vous, entre autres,
15 vous avez été très clair à cet égard et vous avez clairement indiqué que
16 vous avez des prétentions territoriales en Bosnie-Herzégovine, territoires
17 sur lesquels les Serbes étaient minoritaires ?
18 R. Ceci n'est pas vrai. Ceci n'est pas vrai, car nous avons toujours dit
19 du début à la fin, que les territoires serbes devraient être là où les
20 Serbes étaient majoritaires. Autant que faire se peut, cela devait être
21 fait par l'intermédiaire d'échange de territoires, si on pouvait se mettre
22 d'accord là-dessus. Si certains territoires étaient majoritairement
23 musulmans et seraient ou deviendraient serbes, et vice versa, savoir si
24 cela devait s'appliquer aux Croates, et cetera, autrement dit : On vous
25 cède cette partie-là, et vous nous cédez cette partie-là. Cela est bien
26 connu. Tout un et chacun sait ce qui, traditionnellement, appartient aux
27 Croates et ce qui, traditionnellement, appartient aux Serbes.
28 C'était un principe que nous avons appliqué, autre principe très important
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1 lorsque nous avons commencé à dessiner les cartes. Nous n'avons pas
2 commencé d'emblée par dire : Zvornik nous appartient. Non. Quelle est la
3 majorité, quelle est la population majoritaire à Zvornik ? Ensuite, si
4 quelqu'un me dit : Pourquoi avez-vous pris Zvornik ? Je peux également
5 répondre à cette question.
6 Donc, si on analyse tout ceci du début à la fin, tout peut être clairement
7 établi; pourquoi les choses se sont passées ainsi. Il y a un principe de
8 base. Lorsqu'un peuple est majoritaire, cela devient leur territoire, et
9 lorsqu'un deuxième peuple est majoritaire, cela devient leur territoire, et
10 si c'est un troisième peuple, cela devient leur territoire. C'est à ce
11 moment-là que l'on peut commencer à travailler sur la base de ces unités
12 constitutives. Cela ne leur convenait pas, car M. Okun et M. Vance
13 n'aimaient pas cette idée-là. Ils ont abandonné l'idée de la Republika
14 Srpska. Nous n'avons pas apprécié cela, car nous-mêmes, nous avions déjà
15 abandonné l'idée de la Yougoslavie, car on nous avait promis la Republika
16 Srpska. Et maintenant, on nous refusait la Republika Srpska. C'est ce qu'il
17 n'a pas compris car il n'était pas là dès le début.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, M. Krajisnik a dit qu'il
19 pouvait répondre à la question et d'expliquer pourquoi ils avaient pris
20 Zvornik.
21 Est-ce que vous pourriez faire cela, Monsieur Krajisnik, en cinq à dix
22 lignes. Pourquoi Zvornik, tout en étant majoritairement musulmane, pourquoi
23 cette municipalité a été prise par vous ?
24 M. STEWART : [interprétation] A la page 12, avant que cela ne disparaisse
25 de l'écran, on peut lire : "Surtout nos négociations du côté serbe." M.
26 Sladojevic m'affirme que c'est le terme croate qui devrait figurer ici. Je
27 vois que M. Krajisnik hoche de la tête de façon affirmative. Si on pouvait
28 apporter cette correction, s'il vous plaît. Je ne souhaite pas vous
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1 interrompre, mais sinon, ceci va disparaître de l'écran.
2 Q. Monsieur Krajisnik, M. le Président vous a demandé, il y a cinq ou dix
3 lignes, pourquoi Zvornik avait été prise. Vous avez dit que c'était
4 majoritairement habité par des Musulmans.
5 R. M. le Juge Orie, il y a dix ou 15 jours, m'a posé une question, à
6 savoir, si la Republika Srpska, les dirigeants serbes pensaient que Zvornik
7 appartenait à la Republika Srpska, parce que ceci a été pris par l'armée,
8 par des formations paramilitaires. La réponse est comme suit : Il y avait
9 une situation qui existait avant le début de la guerre. Avant le début de
10 la guerre, il y a eu des négociations, des pourparlers sur la division de
11 Zvornik en deux municipalités. J'ai des documents à l'appui, et la partie
12 serbe de la municipalité, à savoir les communautés locales serbes, est ce
13 qui reviendrait aux Serbes, non pas la partie urbaine de la ville où ils
14 n'étaient pas majoritaires. Ces négociations qui se sont déroulées, les
15 dirigeants locaux étaient d'accord avec cela. Ensuite les Musulmans ont
16 commencé à ériger des barrages routiers. C'est eux qui étaient à
17 l'initiative de cela, et les Serbes ont fui Zvornik. Ensuite, Arkan a
18 demandé aux dirigeants de venir à Mali Zvornik et leur a tous donné des
19 gifles en disant : Pourquoi avez-vous permis aux Musulmans de vous
20 décevoir ? Ensuite, ils ont pris Zvornik.
21 Cela ne signifie pas que les négociations ne tenaient pas compte de
22 ces territoires. Je puis vous assurer que M. Owen et M. Stoltenberg se
23 trouvaient sur une terrasse au bord du lac Zvornik lorsque cette question a
24 été débattue, et nous avons dit que cela nous intéressait d'échanger les
25 territoires avec la partie serbe pour que Zvornik figure sur notre carte,
26 car c'était important pour le corridor. Mais cela n'était pas une condition
27 sine qua non posée par nos autorités parce que quelqu'un avait pris
28 l'ensemble de la ville de Zvornik. Nous avons simplement dit que nous
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1 souhaitions avoir la partie de Zvornik qui était, au plan ethnique, serbe.
2 Tout ceci est vrai. Je dis la vérité eu égard à Zvornik, Vlasenica et les
3 autres municipalités; bon évidemment, une fois que la guerre avait éclaté,
4 c'était une autre affaire.
5 Mais d'après les cartes, les Musulmans avaient le droit d'être sur
6 ces territoires où ils étaient majoritaires. Les Serbes n'avaient pas une
7 majorité à cet endroit-là, et les choses étaient ainsi réglées. Si on ne
8 pouvait pas tomber d'accord, on ne pouvait pas avoir le corridor. Donc, il
9 fallait se mettre d'accord avec la communauté internationale. On ne peut
10 pas dire : "Ceci est notre territoire," si le peuple en question n'est pas
11 majoritaire. On ne pouvait avancer que sur la base d'un consentement
12 mutuel. Tel était le principe appliqué depuis le début.
13 M. Owen et M. Stoltenberg se sont retrouvés sur une terrasse à
14 Zvornik. Il y avait un restaurant, et nous étions assis autour d'une table
15 en train de parler de cette question. La partie musulmane, après cela, a
16 accepté l'idée que Zvornik devait appartenir aux Serbes, car d'autres
17 territoires les intéressaient. Nous n'avons pas dit : Nous sommes
18 représentés à 20 % -- en réalité, c'est 46 % -- ou plutôt 36 %, pardonnez-
19 moi. Mais nous souhaitons que tout ceci nous appartienne. Non, personne
20 n'avait le droit de s'emparer du territoire d'un autre. Si vous avez un
21 territoire, vous pouvez l'échanger, vous pouvez tomber d'accord, vous
22 pouvez établir la liste des priorités, et cetera. C'est ainsi que les
23 choses se sont passées. C'est le principe qui a été appliqué du début à la
24 fin. Il ne s'agit pas de dire que bon, cela se résumait à cela, mais les
25 principes ont été érigés. Il fallait les appliquer. Je parle de ce que la
26 communauté internationale, les Musulmans, les Croates et les Serbes
27 savaient lorsque ces négociations étaient menées.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous ai
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1 demandé de répondre dans cinq à dix lignes, car si vous répondez de façon
2 aussi longue, nous en aurons que très peu de temps pour des questions
3 supplémentaires.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Pardonnez-moi. Je crois que je me suis
5 exprimé un petit peu trop fortement. Pardonnez-moi. J'aurais dû m'exprimer
6 un peu moins. Je me suis emporté un petit peu. Pardonnez-moi.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.
8 Nous allons suspendre l'audience jusqu'à 16 heures 15.
9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 47.
10 --- L'audience est reprise à 16 heures 32.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous avons commencé un petit peu tard,
12 car les Juges de la Chambre souhaitaient délibérer sur la demande qui avait
13 été présentée par la Défense pour une prorogation du temps qui lui était
14 imparti. La décision sera rendue aujourd'hui oralement.
15 On m'a dit que le réexamen du CD-ROM et de la vidéo n'a pas été couronné de
16 succès. Est-ce que la Défense pourrait en faire une copie de façon à ce que
17 M. Krajisnik puisse regarder cette vidéo dans sa cellule. Sinon, au cours
18 de la prochaine pause, vous allez peut-être tenter votre chance à nouveau.
19 Mais je suppose que si c'est sur CD-ROM ou une vidéo, ceci pourrait
20 aisément être copié.
21 M. STEWART : [interprétation] Oui, effectivement, nous pouvons faire une
22 copie.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Poursuivez.
24 M. STEWART : [interprétation] Merci.
25 Q. Monsieur Krajisnik, au cours des négociations - et je veux parler des
26 négociations ultérieures auxquelles a participé M. Okun - vous, les Serbes
27 de Bosnie, est-ce que vous avez cherché à récupérer, au cours de ces
28 négociations, des territoires que vous avez estimé avoir perdus pendant la
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1 Deuxième Guerre mondiale ?
2 R. Non. Nous n'avons pas réclamé ces territoires-là, mais au cours de
3 différents pourparlers, au cours de différentes assemblées, lorsque des
4 cartes étaient dessinées, en présence de certains représentants, nous avons
5 exposé nos problèmes. La structure ethnique de la Bosnie-Herzégovine,
6 certaines régions, avait changé à cause du génocide contre les Serbes
7 pendant la Deuxième Guerre mondiale. C'était l'une des raisons. La raison
8 n'était pas si importante lorsqu'il s'agissait de dessiner les cartes, mais
9 au cours des négociations, c'était un élément important, car le but avait
10 été d'obtenir une meilleure position au niveau des négociations. Les cartes
11 ont été dessinées sur la base du recensement fait après la Deuxième Guerre
12 mondiale, à savoir en 1971, 1981 et 1991.
13 Q. Monsieur Krajisnik --
14 M. STEWART : [interprétation] -- et Messieurs les Juges, vous trouverez
15 ceci à la page 4 168 du compte rendu d'audience.
16 Q. -- M. Okun avait noté quelque chose eu égard à un commentaire fait par
17 le Dr Karadzic, tel qu'il l'a consigné : "Les Musulmans souhaitent avoir
18 l'ensemble de la Bosnie-Herzégovine : le taux de natalité est élevé." La
19 question lui a été posée par M. Tieger : "La référence faite à ce qui
20 semble être le taux de natalité des Musulmans, était-ce une référence
21 ethnique ou est-ce que c'est quelque chose qui était évoqué à plusieurs
22 reprises, ce taux de natalité des Musulmans ? Est-ce que c'est quelque
23 chose qui a été évoqué lors de cette réunion-là seulement ou à d'autres ?"
24 Il a dit que c'était un élément récurant. Et dans la réponse suivante, il a
25 dit : "Les dirigeants serbes de la Bosnie estimaient toujours qu'ils
26 avaient besoin de la Republika Srpska pour qu'ils puissent mettre en place
27 leurs institutions et de façon à pouvoir écarter les Musulmans de Bosnie
28 qui se voulaient dirigeants majoritaires…" Je ne vais pas me pencher sur le
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1 reste de la question, Monsieur Krajisnik, parce que ma question est comme
2 suit : au cours de ces négociations, de ces pourparlers, est-ce que l'on a
3 évoqué la question du taux de natalité des Musulmans ?
4 R. Oui, au cours des négociations, ces questions ont été évoquées. Ceci
5 est un fait. Mais ceci était un élément secondaire; ce n'était pas quelque
6 chose de très important. On disait que les Musulmans avaient un taux de
7 natalité plus élevé que les deux autres groupes ethniques.
8 Q. A la page 4 169 du compte rendu, on a posé la question à M. Okun :
9 "Est-ce qu'on se concentrait sur le nombre de Musulmans qui vivaient dans
10 certains territoires occupés par les Serbes de Bosnie ? Etait-ce quelque
11 chose qui présentait un intérêt certain aux yeux des dirigeants serbes de
12 Bosnie ?"
13 Il a répondu : "Non. Ils n'insistaient pas tant là-dessus parce qu'ils
14 savaient ce qu'ils faisaient. Ils déplaçaient les Musulmans du territoire.
15 Ils savaient ce qui se passait. Ils avaient donné l'ordre et ils étaient
16 responsables de cela, donc ils avaient l'intention de créer leur future
17 Republika Srpska la plus ethniquement pure possible. Cela faisait partie du
18 sixième objectif, et cela n'était un secret pour personne. Bien sûr, ils
19 n'en faisaient pas la publicité non plus."
20 Monsieur Krajisnik, à aucun moment lorsque vous faisiez toujours part du
21 processus de négociations auquel participait M. Okun également, était-ce
22 votre position, à savoir celle des dirigeants serbes de Bosnie, de déplacer
23 les Musulmans de ces territoires ? Etait-ce votre position ou faire en
24 sorte qu'ils s'en aillent ?
25 R. Non, ceci est tout à fait inexact. Je ne sais pas comment M. Okun
26 pouvait parvenir à cette conclusion. Nous n'avons jamais dit cela à aucune
27 réunion à laquelle j'ai assisté, et je sais que mes collègues ont assisté à
28 ces réunions-là également. Il était tout à fait clair que chacun devait
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1 rentrer chez-soi. Nous sommes tombés d'accord là-dessus, et aux termes de
2 tous les accords qui ont été signés entre nous, il s'agissait de ne faire
3 partir personne par la force, et ceci a été évoqué de cette manière à
4 toutes ces réunions.
5 Q. Ma question était assez précise, non pas que vous l'ayez dit, mais je
6 vous ai demandé si ceci se passait réellement. Est-ce que vous pourriez
7 répondre à cette question de façon précise, s'il vous plaît.
8 R. Pour ce qui est de la connaissance dont je disposais, bon,
9 connaissance. Ce que je savais, d'après mes collègues et ce que j'entendais
10 dire de leurs bouches en public, il s'agissait de départs volontaires de
11 Musulmans, à savoir qu'ils faisaient valoir leur droit de libre
12 circulation. Je ne sais pas dans quelles conditions les personnes qui sont
13 venues témoigner ici ont quitté ces municipalités, mais je sais que
14 certains témoins serbes ont également été entendus par ce Tribunal.
15 Q. Un peu plus loin au niveau du compte rendu, je crois qu'il s'agit du
16 lendemain, le 23 juin --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que je puis vous demander une
18 clarification, s'il vous plaît. Dans la première partie de votre réponse,
19 Monsieur Krajisnik, vous avez dit que vous avez entendu dire cela de vos
20 collègues et de ce qu'ils disaient en public. Qui aviez-vous à l'esprit ?
21 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai entendu la déclaration de M. Karadzic.
22 Après la réunion qu'il avait eue avec M. Vance et M. Owen à Banja Luka. "Il
23 n'y a pas de nettoyage ethnique dans nos régions. Nous autorisons la libre
24 circulation." J'ai entendu cela lorsqu'il est revenu également, lorsqu'il
25 est revenu à Pale. C'est ce que j'ai entendu. Cette déclaration avait été
26 publiée dans les journaux et rendue publique.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous étiez au courant des
28 chiffres ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je ne savais rien de ce phénomène-là. Je
2 dis simplement que j'ai entendu parler de ceci dans des termes généraux. Je
3 sais que les Musulmans ont quitté Pale, et je peux en parler; mais pour ce
4 qui est du reste, je ne sais pas qui est parti, comment ces gens sont
5 partis, de quelle façon et de quelle région. Je ne sais pas si ces
6 personnes sont en réalité parties à ce moment-là.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et vous avez dit : "J'ai entendu ce même
8 récit qui a été présenté par des Serbes, des témoins serbes qui ont été
9 entendus par ce Tribunal."
10 Qu'est-ce qu'ils nous ont dit ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Les témoins serbes ont dit que les
12 Musulmans avaient fait une demande. Ils ont dit qu'ils souhaitaient partir
13 et qu'ils partaient de leur plein gré. C'est ce que j'ai entendu par la
14 suite, j'entends par la suite, que les Musulmans partaient. Avant de venir
15 ici, je n'avais jamais entendu parler auparavant d'expulsions de Musulmans,
16 et ici, j'ai entendu des témoins musulmans dirent qu'ils avaient été
17 chassés. Maintenant, je parle de ce que je connais.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Autrement dit, dans votre
19 déposition, vous dites que vous n'avez jamais, avant votre venue à La Haye,
20 vous n'avez jamais auparavant entendu parler d'expulsions de Musulmans, pas
21 depuis l'année 1995 et la date à laquelle vous avez été arrêté ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Je puis vous assurer, Monsieur le
23 Président, avec toutes les personnes dont je me suis entretenu dans les
24 années qui ont suivi, de chaque municipalité dont partaient les Musulmans,
25 j'ai toujours entendu dire qu'ils partaient de leur plein gré. Je n'ai
26 jamais entendu un seul représentant officiel dire que les Musulmans avaient
27 été chassés. Il est vrai que ce n'est pas un sujet de conversation que nous
28 avions souvent. Mais je savais qu'il y avait des mouvements de population.
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1 Je sais que ceci s'est passé sur l'ensemble des territoires de la Bosnie-
2 Herzégovine, mais je n'ai jamais entendu parler du fait que quelqu'un ait
3 été chassé.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, vous dites que vos sources
5 viennent des représentants officiels de la région. Avez-vous entendu ce
6 type de récit dans la bouche d'autres personnes peut-être ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous me posez la question et vous me dites
8 qu'avant l'année 1995, si j'avais entendu parler d'expulsions de Musulmans
9 --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non --
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous m'avez demandé avant cette date-là --
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Je vous ai demandé ce que vous
13 saviez avant votre arrivée à La Haye. C'est ce que vous avez dit dans votre
14 déposition.
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, pourriez-vous être tout
16 à fait clair, s'il vous plaît. A ce moment-là, je vais pouvoir vous
17 répondre. Pourriez-vous me dire quelle est la question à laquelle je dois
18 répondre ? Je vous ai parlé de ce que je savais jusqu'à 1995, et maintenant
19 vous me demandez si j'en ai entendu parler de quelqu'un d'autre. Si vous me
20 dites qui est ce quelqu'un d'autre, à ce moment-là, je vous réponds
21 volontiers. Je peux vous dire à ce moment-là de qui j'ai entendu quelque
22 chose. Mais qui aviez-vous à l'esprit ?
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, votre déposition se
24 trouve consignée au niveau du compte rendu d'audience. Vous avez dit :
25 "Avant d'arriver ici, je n'ai jamais entendu parler d'expulsions de
26 Musulmans, mais ici, j'ai entendu des témoins musulmans déclarer qu'ils
27 avaient été chassés. Et maintenant, je parle de ce que je sais."
28 Ensuite, je vous ai posé la question et je vous ai demandé si c'est bien
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1 votre déposition de dire qu'avant votre arrivée à La Haye, car "ici" est un
2 terme que vous avez utilisé deux fois, lorsque vous dites "ici," j'ai
3 compris La Haye, et je vous ai demandé si dans votre déposition, vous dites
4 bien qu'avant votre arrivée à La Haye, vous n'avez jamais entendu parler
5 d'expulsions de Musulmans. J'ai ajouté à cela : "Pas depuis 1995 et la date
6 à laquelle vous avez été arrêté," autrement dit, après le conflit.
7 Ensuite, vous répondez en disant : "Tout le monde m'a dit que les Musulmans
8 souhaitaient partir, qu'ils partaient de leur plein gré. Je n'ai jamais
9 entendu un seul représentant officiel dire qu'ils avaient chassé les
10 Musulmans."
11 Ensuite, j'ai dit : "Mais est-ce que vous avez entendu cela de la bouche de
12 quelqu'un d'autre peut-être, entre 1995 et la date à laquelle vous êtes
13 arrivé à La Haye ?"
14 C'est la question que je vous ai posée, et il me semblait que la question
15 était très claire.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Je voudrais savoir de qui vous parlez. Vous
17 parlez d'officiers, de représentants locaux, ou d'étranger qui aurait été
18 au courant ?
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qui que ce soit, Monsieur Krajisnik.
20 Vous avez dit : "Je n'en ai jamais entendu parler avant mon arrivée à La
21 Haye."
22 Ensuite, je vous ai demandé : "Est-il vrai que vous n'en avez jamais
23 entendu parler même après 1995 ?"
24 Et vous avez dit : "Je n'en ai jamais entendu parler de la part de
25 représentants locaux."
26 Ma question suivante : "L'avez-vous entendu dire par quelqu'un
27 d'autre depuis 1995 ?" Je ne vous dis pas -- c'est tout ce que je veux
28 savoir.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je suis un adulte. Je
2 ne suis pas en train de faire des devinettes. Je peux vous dire ce que j'ai
3 entendu en 1993, 1994, 1995. Mais j'ai entendu aussi, c'est vrai, les
4 déclarations d'Owen et de Vance. J'ai entendu ce qu'a dit Mazowiecki aussi,
5 et j'ai demandé aussi à mes collègues locaux si c'était vrai, et ils m'ont
6 dit : Non, ce n'est pas vrai. Voilà ma réponse.
7 Ensuite, pour ce qui est de ces personnes sur le terrain qui étaient
8 objectives, elles ont dit : Ceci n'est pas correct. J'ai dit que je n'avais
9 jamais entendu dire que qui que ce soit ait été chassé. Il y a certes des
10 dépositions de Musulmans à propos des expulsions, mais ce sont des
11 dépositions différentes. Mais je ne veux pas faire d'erreur. Je ne peux pas
12 vous dire si je l'ai entendu d'un président de municipalité ou de qui que
13 ce soit. Mais en tout cas, d'un de mes présidents de municipalité, je n'ai
14 jamais entendu dire cela. Parce qu'ils m'ont dit qu'ils étaient partis de
15 façon volontaire et de leur plein gré. Je l'ai certes entendu en revanche
16 de Vance, et je l'ai entendu d'Owen. Mais ce sont des dépositions
17 différentes, et cetera. Je ne veux pas être comme sur un quiz. Je ne veux
18 pas tomber dans un piège. Je vous dis la vérité. Je vous dis uniquement la
19 vérité.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, si j'ai bien compris votre
21 déposition, selon vous, les internationaux, si je peux les appeler ainsi,
22 ont quand même déclaré que, selon eux, les Musulmans étaient déplacés, et
23 que vous avez entendu de la part de vos propres compatriotes, si je puis
24 dire, que ces Musulmans faisaient valoir leur droit de libre circulation et
25 étaient partis de leur plein gré. Votre conclusion était donc que les
26 personnes de votre groupe ethnique, eux, avaient une information correcte,
27 alors que les internationaux, eux, avaient eu droit à une désinformation;
28 c'est bien cela ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vais corriger un peu les choses peut-être :
2 ce n'étaient pas les représentants internationaux qui m'ont déclaré cela.
3 J'ai entendu tout cela dans les médias en fait. Je l'ai lu dans les
4 journaux. J'ai vu aussi les déclarations de Karadzic et la déclaration de
5 Vance-Owen, et j'ai demandé à Karadzic : Qui a raison; dis-moi ? Et il m'a
6 répondu : Ce n'est pas vrai ce qu'ils disent. J'ai un rapport écrit de
7 l'armée qui avait rencontré Vance et Owen, et ils ont écouté ce qu'ils
8 avaient à dire, et ensuite ils sont allés du côté des Musulmans et ils ont
9 eu des rumeurs différentes, ont eu droit à un son de cloche différent,
10 comme quoi il y avait eu nettoyage ethnique.
11 C'étaient des informations indirectes que j'ai reçues. Mais quand j'ai
12 rencontré les représentants locaux, je ne peux pas vous dire exactement
13 quand ou qui, ils me disaient toujours que les départs s'étaient faits de
14 leur plein gré, pour ce qui est des Musulmans, et que personne n'avait été
15 chassé. Mais je n'ai pas de connaissance directe de cela, puisque j'avais
16 vraiment l'impression que ce qu'on me disait était vrai. Je ne dis pas que
17 cela n'est pas arrivé, mais je tiens à vous dire quel est mon rôle. Je vous
18 dis ce que Karadzic m'a dit à Banja Luka et ce que j'ai lu dans les
19 journaux, et quant à lui, il a obtenu aussi ses réponses de la part des
20 structures locales, quant à savoir si c'est correct ou pas.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais cela n'a jamais été soulevé au
22 cours d'une réunion avec les représentants de la communauté internationale
23 à laquelle vous auriez participé ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Quand il y avait des conférences, il se peut
25 que cette question ait été à l'ordre du jour et qu'on en ait parlé. Bien
26 sûr, là, les différents camps donnaient leurs arguments, qui étaient
27 toujours en contradiction. En tant qu'observateur, j'écoutais les deux,
28 bien sûr. Quand ils revenaient, on vérifiait un petit peu, M. Karadzic ou
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1 M. Koljevic vérifiait, et recevait des informations du terrain disant que
2 c'était absolument faux, puisque, en vérité, il se passait autre chose sur
3 le terrain. D'ailleurs, il y a des gens qui ont déposé ici pour cela. Je ne
4 dis pas qu'on n'en parlait pas lors des conférences, mais c'était contredit
5 par les gens qui étaient bien informés, les gens qui avaient des
6 informations. Pas moi; je ne recevais aucune information. Ce n'est pas moi,
7 ces personnes bien informées.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quels étaient les journaux qui auraient
9 publié ces allégations faites par les représentants de la communauté
10 internationale ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, j'ai les journaux avec moi ici.
12 C'étaient Glas, Srpski Glas, Politika Glas de Banja Luka peut-être ou aussi
13 le quotidien de Belgrade, Politika. Je sais que j'ai lu cela quelque part;
14 cela, j'en suis sûr. Je peux d'ailleurs vous fournir les preuves, vous
15 montrez les journaux, et vous donnez aussi les rapports militaires.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
17 [La Chambre de première instance se concerte]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez continuer.
19 M. STEWART : [interprétation]
20 Q. Monsieur Krajisnik, la référence au compte rendu d'audience est le
21 4187. M. Tieger a posé la question : "Monsieur l'Ambassadeur", M. Okun,
22 "j'aimerais savoir quelque chose. En réponse à la question à propos du
23 nombre de Musulmans qui allaient vivre dans des territoires détenus par les
24 Serbes de Bosnie, vous avez fait référence au fait que les Musulmans
25 étaient partis de ce territoire et vous avez fait référence aussi au
26 nettoyage ethnique de Musulmans effectué par les forces des Serbes de
27 Bosnie. Tout d'abord, j'aimerais vous demander quelles sont les sources
28 d'information que vous et le secrétaire Vance aviez, ainsi que les autres
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1 négociateurs, en ce qui concerne le nettoyage ethnique de Musulmans à
2 partir des territoires en Bosnie-Herzégovine, nettoyage ethnique qui a été
3 effectué par des Serbes de Bosnie ?"
4 La réponse de M. Okun était la suivante : "La première indication
5 officielle et écrite vient du plébiscite qui a été demandé par l'assemblée
6 des Serbes de Bosnie en novembre 1991. Il y avait un plébiscite des Serbes
7 de Bosnie quant à savoir s'il fallait opter de rester au sein d'une entité
8 serbe de Bosnie et au sein de la Yougoslavie. On pensait qu'il y aurait un
9 plébiscite général portant sur le million deux cent cinquante mille ou
10 quelque Serbes de Bosnie en Bosnie-Herzégovine, mais cela n'a pas été
11 organisé de cette façon-là. Cela a été organisé municipalité par
12 municipalité. Et un aspect très important a été la décision qui a été
13 inscrite dans les règlements du plébiscite selon lesquels dans chaque
14 municipalité où plus de 50 % des Serbes auraient voté en faveur de la
15 Republika Srpska, quelle que ce soit la taille de la municipalité, quel que
16 ce soit le pourcentage de Serbes au sein de la municipalité, cette
17 municipalité devenait partie entière de la Republika Srpska."
18 Ici -- laissez-moi terminer avec la citation. Mais j'aimerais savoir si
19 jusqu'à présent, vous êtes d'accord avec la description de M. Okun de la
20 façon dont il avait compris l'organisation du plébiscite ?
21 R. Sa conclusion était erronée. La conclusion de M. Okun était erronée
22 pour ce qui est des raisons de l'organisation de ce plébiscite. Je peux
23 vous en parler d'ailleurs.
24 Q. Prenons les choses par étapes. D'abord, il a décrit le mécanisme du
25 plébiscite. Etes-vous d'accord avec ce mécanisme ? D'après vous, est-ce
26 qu'il l'a décrit correctement ? N'allons pas plus loin pour l'instant.
27 R. Non, il n'a pas bien compris le plébiscite. Le but du plébiscite était
28 que les Serbes, et les autres, donnent leurs opinions quant à savoir s'ils
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1 voulaient que la Bosnie reste au sein de la Yougoslavie ou pas.
2 Q. Mais pour ce qui est de ce passage, il dit : "Un aspect important était
3 que dans les règles du plébiscite, il était écrit que dans toute
4 municipalité où il y avait plus de 50 % de Serbes qui auraient voté en
5 faveur de la Republika Srpska, cette municipalité, quel que soit le nombre
6 de Serbes qu'elle comprenait, deviendrait partie entière de la Republika
7 Srpska." Techniquement, s'il vous plaît, est-ce que c'est la bonne
8 description de la façon dont le plébiscite était organisé ?
9 R. Non, ce n'est pas une description correcte. Il était clair que les
10 zones qui, après le plébiscite, seront en faveur de la Yougoslavie, ces
11 populations dans ces zones avaient voté pour que la Bosnie-Herzégovine
12 reste au sein de la Yougoslavie, et donc on pouvait considérer qu'ils
13 avaient donné une opinion positive et qu'ils représentaient la Yougoslavie
14 --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je dois vous arrêter ici puisque vous
16 avez répondu à la question en disant que le témoin en espèce, à l'époque,
17 n'avait pas bien défini l'objectif. Or, il n'a pas du tout défini
18 l'objectif du plébiscite; il a uniquement décrit le règlement qui
19 s'appliquait. Encore une fois, là, vous ne répondez pas à la question. Il a
20 énoncé quelles étaient les règles du plébiscite, il les a expliquées.
21 D'après vous, est-ce que les règles, telles qu'il les a expliquées, sont
22 correctes ou non ? Et si elles ne sont pas correctes, dites-nous en quoi
23 elles ne sont pas correctes.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne comprends pas quelles sont ces règles,
25 ce règlement. Je vous dis quel est le but du plébiscite. Il n'y avait pas
26 de règles. Il fallait juste répondre à une question : Etes-vous en faveur
27 de la Yougoslavie ou n'êtes-vous pas en faveur de la Yougoslavie ?
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Attendez. On vous a lu un passage. M.
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1 Stewart vous a lu un passage --
2 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai bien compris ce que m'a lu M. Stewart.
3 Là, c'étaient les résultats du plébiscite --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais il a dit que c'était organisé
5 municipalité par municipalité; c'était bien cela ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'était organisé dans chaque
7 municipalité, enfin dans presque chaque municipalité.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ensuite il dit, l'un des aspects
9 importants était la décision qui était inscrite dans le règlement du
10 plébiscite, et ensuite il explique cette règle qui dit que : "Dans chaque
11 municipalité où plus de 50 % des Serbes auraient voté en faveur de la
12 Republika Srpska, quelle que soit la taille de la municipalité et quel que
13 soit le pourcentage de Serbes dans la municipalité, cette municipalité
14 faisait partie entière de la Republika Srpska."
15 Donc, le règlement semble dire que si une majorité de Serbes avait voté en
16 faveur de ce que l'on appelle la Republika Srpska, cela suffisait pour que
17 cette municipalité soit intégrée à la Republika Srpska. C'est la règle
18 qu'il a expliquée. Alors, si ce n'est pas correct, dites-nous où il y a une
19 erreur ? Et si c'est correct, dites-le-nous aussi.
20 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est une règle qui n'existait pas, parce
21 qu'on n'a pas voté pour la Republika Srpska. On a voté pour la Yougoslavie.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Alors, disons que c'est la même
23 question. Je la reformule : si plus de 50 % des Serbes avaient voté dans
24 une opstina en faveur de la Yougoslavie, dans ce cas-là, ce résultat
25 guiderait les hommes politiques ou qui que ce soit qui était en charge
26 quant à savoir ce qu'il convenait de faire ultérieurement.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, vous me demandez quel
28 était le règlement.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, non --
2 LE TÉMOIN : [interprétation] La règle --
3 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
4 LE TÉMOIN : [interprétation] -- si je puis --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous demande si ce qu'a dit M. Okun à
6 propos des règles est correct ou non. L'essentiel, évidemment, c'est que si
7 plus de 50 % des Serbes votaient pour A, on irait dans la direction de A.
8 Il semble que cela soit la règle qu'il nous a décrite.
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous ai expliqué, je ne vois pas pourquoi
10 vous ne me comprenez pas. Vous ne me comprenez pas. Je vais réexpliquer,
11 mais bien sûr, il faudra être patient. Ces règles ne sont pas correctes. La
12 règle générale, c'est que chaque Serbe pouvait donner son opinion lors du
13 plébiscite. Tout Serbe en Bosnie-Herzégovine pouvait dire s'il était en
14 faveur de la Yougoslavie ou non. Deux ou trois opstinas n'ont pas voté,
15 mais une fois que les résultats ont été connus, c'étaient les conséquences
16 du plébiscite après, alors que là, il parle des règles du plébiscite. Les
17 règles devaient exister avant que l'on organise le plébiscite. C'est pour
18 cela que je dis que ses règles n'étaient pas correctes. On n'était pas en
19 train de voter pour la Republika Srpska ou pas. C'était les Serbes qui
20 devaient voter pour savoir s'ils étaient en faveur de la Yougoslavie ou
21 non.
22 Je peux répondre aussi à votre question, mais c'est la conséquence du
23 plébiscite dont vous parlez, discussions qui ont eu lieu ensuite. Voilà le
24 problème.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, vous pouvez
26 poursuivre.
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Je suis désolé de m'emporter. Je ne voudrais
28 pas du tout que vous le preniez mal, mais vous voyez quelles sont les
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1 règles du plébiscite. Vous voyez que la question était simple : voulez-vous
2 vivre tous ensemble au sein de la Yougoslavie, et non pas en Republika
3 Srpska ? Ce dont vous parlez est arrivé ultérieurement avec le plan
4 Cutileiro. Là, il y avait une majorité du population qui appartenait à un
5 certain groupe ethnique, et cetera, et cetera. Mais cela, ce n'était pas
6 lors du plébiscite. C'était plus tard.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, M. Okun a donné un
8 exemple très clair, quand même, du fonctionnement de tout ceci dans le
9 passage qui suit immédiatement le règlement. Donc, croyez-vous qu'il serait
10 utile de confronter M. Krajisnik avec cela pour savoir si cela permet de
11 dire si oui ou non, M. Okun avait bien compris, avait bien reflété le
12 fonctionnement du plébiscite ?
13 M. STEWART : [interprétation] Je vais essayer de le faire, mais si cela ne
14 fonctionne pas, Monsieur le Président, j'ai une alternative, un autre
15 stratégie pour y revenir.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suis heureux de savoir cela. Donc,
17 nous verrons.
18 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vais peut-être passer à ma stratégie
19 alternative, peut-être.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
21 M. STEWART : [interprétation] M. Okun a étoffé un petit peu ce qu'il avait
22 dit avec un exemple, et voilà ce qu'il a dit, et je cite.
23 Q. Il a dit : "Par exemple, prenons une municipalité où il y a 10 000
24 votants. La moitié d'entre eux sont Musulmans, donc cela nous fait 5 000
25 Musulmans. Il n'y a que 3 000 Serbes dans cette municipalité, et 2 000
26 Croates. Les Croates sont très importants, quand même. Mais ce qui est
27 important surtout, c'est de savoir que les 3 000 Serbes ici sont en
28 minorité. Donc, voilà ce que dit M. Okun. Il dit : voilà comment c'est, le
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1 plébiscite, si 2 000 sur les 3 000 Serbes votaient pour rester au sein de
2 la Republika Srpska et la Yougoslavie, donc là, c'est une majorité claire
3 de Serbes, donc sur les 3 000, il y en a 2 000; c'est une majorité. Dans ce
4 cas-là, le résultat, étant donné la façon dont le plébiscite était organisé
5 et la façon dont les résultats allaient être utilisés, cette opstina
6 automatiquement était déclarée comme faisant partie de la Republika Srpska
7 --
8 R. Non. Regardez Tuzla; 20 000 Serbes. S'ils avaient voté tous les 20 000
9 avec 80 000 Musulmans, de toute façon, cela ne pouvait pas être Serbe. Ces
10 gens, eux, on voté pour la Bosnie-Herzégovine. Cela ne signifiait pas que
11 Tuzla pouvait être en Yougoslavie. Je ne comprends pas. Je ne comprends
12 pas.
13 Q. [aucune interprétation]
14 R. Ecoutez. 90 % des Serbes ont voté en faveur de la Yougoslavie. Cela
15 signifierait que 99 % devrait être en faveur de la Republika Srpska. Ce
16 serait impossible. C'était en fait la volonté des Serbes. On leur demandait
17 la volonté des Serbes. On leur demandait s'ils étaient en faveur de la
18 Yougoslavie ou non. Cela n'avait rien à voir avec l'organisation
19 territoriale, c'est pour cela que ses conclusions sont erronées.
20 Q. Ce que M. Okun semble suggérer, c'est que le plébiscite était --
21 j'utilise là ses propres mots, et "c'est une première indication," en
22 effet, c'est une première indication de nettoyage ethnique. Cela, c'est
23 évident à partir de sa réponse. C'était la première indication de
24 l'existence de nettoyage ethnique, parce que, qu'est-ce qui allait se
25 passer avec ces 7 000 ? Vous savez qu'on avait 5 000 Musulmans, 2 000
26 Croates et 3 000 Serbes. M. Okun est en train de dire que selon le
27 fonctionnement du plébiscite, si la majorité des Serbes disaient oui,
28 votaient oui, on veut rester en Yougoslavie, oui, on veut être en Republika
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1 Srpska, dans ce cas-là, il fallait envisager -- enfin, il fallait que la
2 direction des Serbes de Bosnie envisage à un moment ou un autre que ces
3 autres 7 000 personnes qui n'étaient pas Serbes devaient quitter la
4 municipalité.
5 M. STEWART : [interprétation] Je pense que là, Monsieur le Président,
6 Messieurs les Juges, j'ai résumé les propos de M. Okun, il me semble.
7 Q. Est-ce que c'était correct ou non ? Voilà la question, maintenant.
8 R. C'est à vous que la question est adressée, si j'ai bien compris.
9 Q. Non, Monsieur Krajisnik. J'étais juste en train de vérifier si les
10 Juges étaient d'accord sur la façon dont j'ai résumé les dires de M. Okun,
11 et je suis certain que M. Tieger ou M. Harmon aurait fait objection si je
12 n'avais pas correctement résumé la substance de la réponse de M. Okun.
13 Donc, je crois que tout le monde a approuvé. Alors, en cette phase de début
14 novembre 1991, à un moment donné, on a estimé que ces 7 000 Musulmans et
15 Croates auraient à quitter cette municipalité, cette opstina. C'est en
16 somme ce que M. Okun avait voulu dire. Or, la question que je pose est :
17 avait-il raison de le dire ou pas ?
18 R. Non, il n'a pas eu raison, parce que le plébiscite, lui, est survenu
19 après la proclamation de la souveraineté de la Bosnie-Herzégovine. Donc,
20 les Serbes auraient dû prendre peur et s'en aller parce qu'ils ne voulaient
21 pas reconnaître cette Bosnie-Herzégovine souveraine. Ils ne sont pas
22 partis. Nous n'avons pas compris que les Musulmans avaient voulu nous faire
23 partir de la Bosnie-Herzégovine. Le plébiscite avait voulu tester la
24 volonté d'un peuple, et rien d'autre.
25 Q. M. Okun dit qu'eux, à savoir, lui et ses collègues originaires des
26 autres pays qui avaient pris part à ces différentes négociations, dit :
27 "Nous avons relevé et vu une demande d'assistance auprès de la JNA datée de
28 décembre 1991, visant à faire protéger le peuple serbe de Bosnie dans ces
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1 localités." Il fait référence là à une requête faite auprès de la JNA,
2 demandant une aide de sa part pour ce qui était de "protéger le peuple
3 serbe de Bosnie dans les secteurs où le plébiscite a eu lieu." Il dit que
4 cela a été très similaire à ce qui s'est produit en Croatie, lorsqu'une
5 requête a été faite en ce sens auprès de la JNA. Il a dit que "c'est le
6 même jeu qui a été fait," et quand il parle de jeu, il parle d'un "jeu
7 sinistre qui est celui de décembre 1991 et qu'il s'agissait là de documents
8 officiels."
9 Alors, Monsieur Krajisnik, je m'expose au risque que de faire un résumé, à
10 savoir que M. Okun était en train de dire que cette requête demandant
11 l'assistance de la JNA était une forme déguisée de demander à la JNA
12 disant : nous souhaitons obtenir votre aide pour chasser ces gens-là de
13 cette municipalité ou de ces municipalités. C'est ce que M. Okun était en
14 train de dire. Avait-il raison de le dire ?
15 R. Non. Le 15 décembre, il nous est parvenu une demande de la Communauté
16 européenne pour ce qui était de cette demande faite par la Bosnie-
17 Herzégovine aux fins de devenir indépendante. Donc, c'est de façon illégale
18 que les membres de la présidence et du gouvernement ont adressé cette
19 demande. Nous nous sommes sentis à ce moment-là en péril. Nous nous sommes
20 adressés à la seule force armée en présence pour dire que nous étions en
21 péril et que nous leur demandions d'exercer ses fonctions à elle, à savoir,
22 de protéger le peuple serbe qui se sentait menacé, puisque cette
23 déclaration avait envisagé de faire ne sorte que la Bosnie-Herzégovine
24 adopte certaines conventions relatives aux minorités nationales, ce qui
25 risquait de nous muer en minorité nationale. Donc, nous nous sommes sentis
26 menacés. Mais nous ne nous sommes pas adressés à quelqu'un d'autre. Nous
27 nous sommes adressés à la seule force légale et légitime qui était là. Nous
28 ne nous sommes pas adressés à des formations paramilitaires.
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1 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, un
2 instant.
3 [Le conseil de la Défense se concerte]
4 M. STEWART : [interprétation] Oui, M. Sladojevic attire mon attention sur
5 le fait qu'il manque des mots au compte rendu d'audience. A la ligne 16 et
6 17, M. Krajisnik a dit que "ce pays allait devenir indépendant de façon
7 inconstitutionnelle en contournant les membres de la présidence." Or, M.
8 Sladojevic, lui, a entendu prononcé "membres serbes de la présidence."
9 Peut-être pourrions-nous vérifier ? Je vois que M. Krajisnik est en train
10 d'opiner du chef.
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur Sladojevic a raison, oui, en effet.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien, veuillez continuer.
13 M. STEWART : [interprétation] Merci.
14 Q. En page 4 189 du compte rendu d'audience relatif au témoignage de M.
15 Okun, il fait mention de la proclamation de la Republika Srpska. Vers la
16 moitié de la page, il y a une question qui s'énonce comme suit : "Y a-t-il
17 eu des organisations," et la question porte sur des organisations
18 internationales, "des organisations qui avaient assumé la responsabilités
19 de suivre ce qui se passait dans ces régions ?" Il était question notamment
20 des secteurs le long de la Drina. Peut-être n'est-il pas important
21 d'identifier toutes ces régions, mais ces régions ont connu des problèmes
22 et des conflits.
23 Alors, la question a été celle de savoir si vous obteniez des
24 informations de la part de ces organisations concernant ce qui se passait
25 sur le terrain.
26 Sa réponse a été : "Oui, nous avons reçu des informations détaillées de la
27 part la MCCE, la mission de suivi de la Communauté européenne et des forces
28 de la FORPRONU.
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1 "Q. : Après le conflit qui s'est intensifié en avril, mai et juin, à savoir,
2 en 1992, avez-vous obtenu des informations de la part d'organisations
3 telles que le CICR," le comité international de Croix-Rouge, "l'UNHCR et
4 autres représentants d'organisations qui étaient présents sur le terrain à
5 suivre ce qui se passait ?
6 "R. : Oui. Jusqu'au mois de juin," juin 1992, "il y a eu des camps de créés,
7 des centres de Détention, des centres de Détention à grande échelle,
8 notamment à l'ouest de Prijedor, à Trnopolje, un grand camp d'Omarska où
9 cela a été pire encore, un vrai camp de concentration, et cela, cela
10 existait déjà. Il y avait là-bas des milliers de Musulmans essentiellement,
11 mais aussi des Croates de Bosnie. Il s'agissait de civils, d'hommes, femmes
12 et enfants qui étaient détenus dans ces centres. Puis, il y a eu une
13 discussion assez pénible au sujet des agences humanitaires qui sont
14 intervenues auprès de la direction des Serbes de Bosnie concernant sur ce
15 qu'il convenait de faire avec ces gens-là, puisque c'était là un dilemme
16 moral des plus grands."
17 Alors, Monsieur Krajisnik, procédons aux pas à pas. Aujourd'hui, en 2006,
18 Monsieur Krajisnik, contestez-vous le fait que jusqu'au mois de juin, de
19 tels centres de Détention et camps auraient véritablement été mis en
20 place ?
21 R. Je l'ai appris ici et je ne le conteste pas, et je puis vous montrer
22 les documents où le MUP a cherché à obtenir des informations de ce genre,
23 et on lui a répondu qu'il n'y avait pas de camp de détention à Prijedor.
24 Cela a été envoyé par le chef du poste de police Prijedor. M. Stanisic a
25 obtenu des informations fausses, mais j'ai appris par la suite qu'Omarska
26 et Keraterm ont bel et bien existé.
27 Q. Auriez-vous été impliqué dans des discussions avant ou pendant le mois
28 de juin 1992 avec des représentants d'agences humanitaires concernant ce
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1 qu'il convenait de faire avec les gens dans les camps, les problèmes liés
2 aux prisonniers et ce terrible dilemme dont a parlé M. Okun ?
3 R. Non, je ne me suis pas entretenu avec, et ce sont d'autres personnes
4 qui se sont entretenues avec, mais plus tard.
5 Q. Quand est-ce que pour la première fois, vous en êtes arrivé à réaliser
6 qu'il y avait de tels camps ? Quand avez-vous compris que ces camps
7 probablement existaient bel et bien ?
8 R. Il y a des procès-verbaux de la présidence qui datent de juin et août,
9 où l'on a demandé au gouvernement d'enquêter. Une information en retour
10 nous a été communiquée, suite à quoi il a été pris des mesures complètes
11 pour ce qui est du démantèlement de ces camps pour les faire visiter,
12 inspecter par les représentants d'organisations internationales. Avant cela,
13 je n'ai obtenu aucune espèce d'information en provenance de ces secteurs.
14 Je ne le savais pas.
15 Q. M. Okun, en page 4 191 du compte rendu d'audience, a dit, suite à une
16 question qui s'énonce comme suit : "Est-ce que vous et le secrétaire Vance
17 avez eu l'occasion d'indiquer à la direction des Serbes de Bosnie, M.
18 Krajisnik compris, que vous étiez au courant de ce nettoyage ethnique à
19 grande échelle qui était en cours ?"
20 Ensuite, la question vient dire --
21 Sa réponse a été : "Oui, à plusieurs reprises."
22 Puis, la question lui a été posée de savoir : "Et leur réponse, Monsieur
23 l'Ambassadeur, a été celle de nier qu'il y avait un nettoyage de la sorte
24 en cours ?"
25 Et il a répondu : "Non, ils ne l'ont pas nié. La réponse permanente
26 et typique était celle d'invariablement parler du génocide dont ont fait
27 l'objet les Serbes pendant la Deuxième Guerre mondiale, ou alors de parler
28 des crimes qui auraient été commis à l'époque en 1992, 1993, 1991, mais
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1 essentiellement 1992 et 1993, qui auraient été commis à leur encontre."
2 Monsieur Krajisnik, je crois qu'il serait juste de dire que M. Okun n'a pas
3 été des plus précis en parlant d'actes dans sa réponse. Cela, c'est évident.
4 Mais il est clair aussi qu'à un moment donné, des entretiens qu'il a eus
5 avec vous et vos collègues, il a été clairement laissé entendre à ces gens,
6 vous compris, qu'eux, donc M. Okun et ses collègues à lui, avaient
7 connaissance d'un nettoyage ethnique en cours qui se faisait à grande
8 échelle. Alors, vous l'ont-ils dit ou pas ?
9 R. J'ai dit qu'en 1993, à compter du mois de janvier jusqu'au mois de mai,
10 il y a eu des négociations avec la participation de M. Okun, mis à part une
11 rencontre qui s'est située dans l'année 1992. A l'époque, en 1993, il y a
12 eu des discussions où il y a eu des accusations et des justifications entre
13 les différentes parties concernant le nettoyage ethnique. M. Karadzic et M.
14 Koljevic leur disaient à caque fois que cela n'était pas exact. Je tiens
15 également à vous rappeler ici que M. Koljevic avait fait un contrat avec le
16 président du CICR en octobre 1992. Il y a également une déclaration du CICR
17 où l'on a encouragé les départs de la population des secteurs en péril, et
18 cela, il y a des PV qui existent à ce sujet. Il est question de régions où
19 la population est en péril, et cela date de 1993, 1994. La partie musulmane
20 a créé une commission qui visait à aider la population à se déplacer. Il y
21 a eu cela.
22 Il y a également la déclaration de M. Owen et de M. Vance datant du
23 mois d'octobre 1992, où ils ont fait savoir qu'ils ont été mis au courant
24 de nettoyage ethnique suite à des rencontres qu'ils ont eues avec des
25 représentants musulmans de façon séparée, et non pas avec les Serbes. Il y
26 a un rapport officiel au sujet d'une rencontre avec l'armée de la part de
27 messieurs Vance et Owen disant qu'ils ont été satisfaits de ce qu'ils ont
28 vu. Il y a un rapport public présenté par M. Kushner [phon], le ministre
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1 Kushner, qui a dit : Oui, c'est des prisons, mais ce ne sont pas des camps
2 de concentration. Ce sont les rapports qui m'ont été communiqués.
3 Aux réunions auxquelles ils ont participé, je n'ai jamais eu
4 l'impression que M. Karadzic et M. Koljevic avaient accepté le fait qu'il y
5 ait eu un nettoyage ethnique en cours. L'information qui nous a été
6 communiquée, c'est celle de dire que les Musulmans s'en allaient de leur
7 plein gré. Je n'ai jamais entendu parler d'une politique de leur part qui
8 porterait sur un nettoyage ethnique. Alors, si vous pouvez me donner une
9 date, je pourrais vous répondre si j'étais présent à la réunion ou pas,
10 mais je ne les ai jamais entendus confirmer le fait que la partie serbe
11 avait procédé à des nettoyages ethniques. Cela ne signifie pas qu'il n'y en
12 a pas eus.
13 Q. M. Okun indique clairement dans sa déposition que vous et vos collègues
14 n'avez pas nié le fait qu'il y ait eu des nettoyages ethniques, ou plutôt
15 que ce nettoyage ethnique avait cours. Alors, a-t-il raison de dire que
16 vous ne l'avez pas nié ?
17 R. Je peux dire qu'à toutes les réunions où j'ai été présent, jamais chose
18 pareille n'a été mentionnée, à savoir, jamais la partie serbe n'a accepté
19 d'affirmer qu'il y avait eu de sa part un nettoyage ethnique. Je veux être
20 tout à fait clair; au contraire, ils ont nié qu'il y avait nettoyage
21 ethnique. En fait, il y a eu des déplacements de la population qui se
22 produisaient, et cela, il a été clairement expliqué les raisons pour
23 lesquelles cela se passait.
24 Q. Quand vous dites que cela a été clairement expliqué, vous voulez dire
25 que vous et vos collègues leur avez expliqué pourquoi cela se produisait ?
26 Est-ce que vous êtes en train de nous dire cela ?
27 R. Je n'ai rien expliqué du tout. Je n'ai pas été présent sur le terrain.
28 J'ai entendu dire M. Karadzic et M. Koljevic cela, qui eux ont participé
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1 aux négociations avec M. Semaruga [phon] et avec les autres, et c'est eux
2 qui leur ont expliqué ce que je viens de vous dire. Ils ont probablement
3 parlé de l'approbation qu'ils ont obtenue de la part du CICR compte tenu de
4 certaines populations mises en péril, mais je n'ai rien pu expliquer du
5 tout parce que tout simplement, je n'ai fait qu'être présent et écouter ce
6 que je suis en train de vous relater à présent. Mais je peux vous remettre
7 toutes les déclarations et tous les accords établis afin que vous vous
8 penchez dessus et afin que ce soit versé au dossier.
9 Q. Monsieur Krajisnik, il n'est point de doute, et même si je risque de le
10 répéter, il n'y a pas de doute que vous avez dit il y a quelques instants
11 qu'on a clairement expliqué les raisons pour lesquelles il y avait
12 déplacement de la population. Mais quelle a été l'explication fournie, au
13 juste ?
14 R. Je n'arrive pas à établir le lien. J'ai dit qu'il est clair qu'il y a
15 eu effectivement des déplacements de population. J'ai parlé de ce fait. Je
16 n'ai pas dit pourquoi. J'ai dit que la population, les populations allaient
17 d'un côté ou de l'autre. On savait que les Serbes quittaient certains
18 territoires et que d'autres, des Musulmans, quittaient d'autres territoires.
19 Cela on le savait. Je ne sais pas comment on l'a su, mais on l'a su. Nous
20 avons su qu'il y a eu des déplacements de la population, et pour ce qui est
21 des raisons, je vous ai expliqué que c'était par la suite qu'on m'avait
22 expliqué à moi que cela s'était fait du plein gré de ces populations. Mais
23 à ce moment-là, nous avions eu connaissance de déplacements de la
24 population.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je suis en train de me
26 pencher sur l'heure qu'il est.
27 M. STEWART : [interprétation] Oui, je vous laisse décider, Monsieur le
28 Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme le moment semble s'y prêter, nous
2 allons faire une pause jusqu'à 17 heures moins 50.
3 --- L'audience est suspendue à 17 heures 31.
4 --- L'audience est reprise à 17 heures 59.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart, vous pouvez continuer,
6 je vous prie.
7 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
8 Q. Monsieur Krajisnik, M. Okun s'est vu poser la question, une question
9 portant sur le lien qu'il y avait entre les six objectifs stratégiques. Il
10 n'a pas parlé des objectifs de temps de guerre, mais des objectifs
11 stratégiques dont il a été question à l'assemblée du
12 12 mai 1992, qui ont, par la suite, été publiés dans la gazette officielle.
13 Il a également été question du plan Cutileiro. M. Tieger a dit la chose
14 suivante, je cite : "Ambassadeur, dans cette affaire --
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
16 M. TIEGER : [interprétation] Je n'ai pas entendu parler de la page.
17 M. STEWART : [interprétation] Oui, je m'excuse. Je n'ai pas dit le numéro
18 de la page. Il s'agit de la 4 194, au bas de la page.
19 Q. Je reprends. "Ambassadeur, dans cette affaire, il a été laissé entendre
20 qu'il y a eu une proche corrélation entre le plan Cutileiro et les
21 objectifs stratégiques. C'est la raison pour laquelle j'aimerais entendre
22 de votre bouche si vous êtes d'accord sur cette affirmation ou si vous
23 estimeriez qu'il y a des différences importantes entre les deux."
24 M. Okun : "Non, je ne dirais pas qu'il y a une relation, une corrélation ou
25 une relation rapprochée. Il y a trois peuples constitutifs, et chacun de
26 ces trois peuples devrait avoir une identité juridique."
27 Puis, il a parlé des distinctions à faire. Il indique : Tout d'abord, sur
28 le plan Cutileiro, il n'a pas été assuré à la Republika Srpska une
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1 continuité territoriale, alors que dans les six objectifs stratégiques, il
2 en est clairement question. Monsieur Krajisnik, est-ce que vous acceptez de
3 dire que c'est l'une des différences entre ces six objectifs stratégiques
4 et le plan Cutileiro, n'est-ce pas ?
5 R. Oui. C'est ce qui constitue la différence entre le plan Cutileiro et
6 les six objectifs stratégiques.
7 L'INTERPRÈTE : L'interprète de la cabine française précise qu'il n'y a
8 qu'un micro de branché pour le témoin et que nous ne l'entendons pas très
9 bien.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Krajisnik, je vous prie de
11 mettre en marche le deuxième micro.
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. J'ai dit c'était exact. J'ai fourni une
13 réponse affirmative.
14 M. STEWART : [interprétation]
15 Q. La deuxième distinction qu'il a faite est le fait que dans le plan
16 Cutileiro, il n'a pas été prévu la mise en place d'un corridor établissant
17 le lien entre la Serbie et la Krajina, chose qui faisait également partie
18 des six objectifs stratégiques. Vous serez d'accord également, Monsieur
19 Krajisnik, pour dire qu'il y a là une différence ?
20 R. C'est ce que vous avez dit en premier lieu. Il n'y a pas eu de
21 territoires liés les uns aux autres, et il n'y a eu ni l'un ni l'autre des
22 corridors, ce qui nous revient à la même chose.
23 Q. Oui. C'est cela. Puis, en page 4 196, on lui a posé la question
24 suivante : "Le plan Cutileiro avait-il prévu un partage physique de
25 Sarajevo en une partie musulmane et des parties serbes et en séparant les
26 populations."
27 Il a répondu : "Je ne pense pas."
28 Je crois que vous allez considérer que cela aussi constituait une
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1 différence ?
2 R. Il avait dit que le plan Cutileiro envisageait de placer cela sous
3 l'égide des Nations Unies et de résoudre le problème de Sarajevo
4 ultérieurement. Dans la plupart des cas, il était prévu une transformation
5 de Sarajevo en un tiers et deux tiers mis à part pour ce qui est de ce
6 plan, du plan Vance-Owen qui avait prévu autre chose.
7 Q. En fin de compte, on lui a posé la question suivante :
8 "M. l'Ambassadeur, le plan Cutileiro avait-il été envisagé comme une
9 proposition qui devait découler d'un accord ?"
10 Il a répondu : "Oui, mais il n'en a pas été question."
11 Monsieur Krajisnik, seriez-vous d'accord ?
12 R. Je n'ai pas compris. Peut-être a-t-on mal traduit à mon intention. Le
13 plan de Cutileiro était censé constituer un accord. Je n'ai pas bien
14 compris l'objet de la question, plutôt je n'ai pas compris la citation dont
15 vous avez donné lecture.
16 Q. M. Okun disait que le plan Cutileiro avait pour finalité une mise en
17 œuvre partant d'un accord à obtenir, et je vous ai demandé si vous avez
18 partagé le point de vue d M. Okun.
19 R. Oui, mais j'avais mal compris. Cela devait se faire par le biais d'un
20 accord, oui.
21 Q. Monsieur Krajisnik, je ne vais entrer maintenant dans le détail du plan
22 Cutileiro puisqu'on l'a déjà fait. Nous nous sommes également penchés sur
23 les six objectifs stratégiques. S'agissant des territoires et de gains
24 territoriaux éventuels en été 1992, avez-vous eu connaissance
25 d'instructions ou d'approbations tacites aux termes de quoi l'un des
26 territoires serait obtenu par l'expulsion délibérée de Musulmans ou Croates
27 de ce territoire-là ?
28 R. Cela n'a absolument pas constitué un plan, et je ne sais pas non plus
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1 que quiconque aurait donné l'ordre à quelqu'un d'expulser des populations
2 civiles. Si conflit il y a eu, il y a eu déplacement des populations sur
3 tous les territoires à ma connaissance; tant Serbes que Musulmans. Cela
4 s'est fait par la peur. Du moins, c'est ainsi que j'avais compris la chose
5 partant de ce que j'ai pu voir autour de Sarajevo.
6 Q. Pour ce qui est de Sarajevo même - et j'aimerais que l'on revienne au
7 compte rendu d'audience page 4 191 où M. Okun dit que la question du
8 pilonnage de Sarajevo a été soulevée par lui-même et par ses collègues aux
9 réunions avec les dirigeants des Serbes de Bosnie. D'abord, dites-nous si
10 cela est exact ? Vous souvenez-vous qu'ils aient soulevé la question du
11 pilonnage de Sarajevo par les Serbes ?
12 R. Je ne sais pas s'ils avaient soulevé cette question, mais il y a
13 constamment eu sur le tapis la question relative à Sarajevo et du pilonnage
14 de Sarajevo. Je vais vous expliquer. Lorsque j'ai assisté à ces réunions en
15 demandant aux militaires de nous expliquer pourquoi on nous accusait de
16 pilonner Sarajevo. A chaque fois, on nous donnait la réponse qui disait que
17 c'était eux qui s'attaquaient aux positions serbes, qu'ils avaient beaucoup
18 plus d'infanterie, et que la seule façon de riposter était celle-là. Il y a
19 eu plusieurs cas où une conclusion a même été formulée sous forme de
20 revendication interdisant de pilonner Sarajevo parce que cela nuisait à nos
21 objectifs politiques. Le Président a dit, le Président de la Chambre a posé
22 la question à un témoin : Pourquoi ne vouliez-vous pas pilonner Sarajevo
23 compte tenu de la municipalité internationale ? Même s'ils avaient raison
24 de dire que c'étaient les Musulmans qui attaquaient, ils disaient : Ne
25 pilonner pas parce qu'on n'arrête pas de nous accuser de pilonner Sarajevo,
26 ce qui rend impossible la continuation des négociations. Notre objectif
27 était le suivant, de leur dire : Même si vous êtes attaqués, ne ripostez
28 pas parce que cela nuit aux négociations. On l'a dit en raison de la
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1 communauté internationale.
2 Je ne vais pas dire qu'il n'y a pas eu des centaines de fois le problème de
3 Sarajevo sur le tapis : attaques, encerclements, et ainsi de suite. La
4 plupart du temps, c'est la partie serbe qui a été mise en accusation. Je ne
5 sais pas si cela s'est passé aux conférences, mais cela s'est passé, je
6 dirais, au quotidien. L'artillerie serbe a même été éliminée.
7 Q. A la page 4 205, en réponse à une question qui a été posée - je n'ai
8 pas besoin vraiment de reposer la question, M. Okun a répondu : "Telle
9 était la position des Serbes de Bosnie pendant toute cette période, que les
10 communautés de Bosnie-Herzégovine devaient être séparées. Elles ne
11 pouvaient pas vivre ensemble. Encore une fois, il faut se souvenir que de
12 très grandes régions de la Bosnie-Herzégovine étaient mélangées. Ce n'était
13 pas une région physique, à proprement parler, qui avait 44 % de sa
14 population qui était musulmane, 31 % qui était serbe et 19 % qui était
15 croate. Ils étaient vraiment mélangés." Ce commentaire a été fait par le
16 Dr Karadzic : "Ces communautés ne pouvaient pas vivre ensemble. Elles
17 devaient, par conséquent, être séparées. C'est ce que devait réaliser le
18 nettoyage ethnique."
19 Encore une fois, Monsieur Krajisnik, il est clair que le nettoyage ethnique
20 - nous avons parlé de la définition de ce terme il n'y a pas très longtemps
21 dans ce prétoire - le nettoyage ethnique était une politique délibérée mise
22 en œuvre par les dirigeants serbes de Bosnie. En aucun moment ceci
23 correspondait-il à la réalité ?
24 R. Je vais vous dire non, mais je vous demande de bien vouloir me
25 permettre de faire un autre commentaire.
26 Q. Vous avez répondu non. C'est donc très clair. Si vous souhaitez
27 apporter un commentaire, je vous prie, faite-le.
28 R. Dans la citation que vous venez de lire dans le cadre de la déposition
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1 de M. Okun, vous avez dit que les Serbes étaient partisans d'une politique
2 qui ne souhaitait pas que les Musulmans et les Croates et eux-mêmes vivent
3 ensemble. En Yougoslavie, nous vivions tous ensemble. Des Musulmans et des
4 Serbes avançaient qu'ils ne souhaitaient pas vivre dans le même Etat que
5 les Serbes, parce qu'ils pensaient être mis en minorité, alors que les
6 Musulmans ont commencé à mettre en minorité les Serbes en Bosnie-
7 Herzégovine. Nous avons répondu : Etant donné que la Bosnie-Herzégovine est
8 un Etat indépendant, si vous violez la constitution maintenant, qu'allez-
9 vous
10 faire après lorsqu'il y aura un Etat indépendant, puisque vous ne souhaitez
11 pas être une minorité en Yougoslavie ? Nous ne souhaitons pas être une
12 minorité chez vous, car vous avez violé la constitution et vous nous avez
13 mis en minorité. C'est tout à fait anticonstitutionnel. C'est ainsi que la
14 transaction a été faite. Abandonnez l'idée de la Yougoslavie, et nous
15 allons abandonner l'idée d'une Bosnie-Herzégovine unifiée. A ce moment-là,
16 vous aurez votre propre entité constitutive.
17 Ce n'est pas les Serbes qui ont commencé à dire : Nous ne pouvons pas vivre
18 avec vous. Avant cela, les Musulmans ont dit : Nous ne pouvons pas vivre
19 avec vous en Yougoslavie parce que nous sommes une minorité, nous
20 souhaitons être en Bosnie. Nous souhaitons être en Bosnie. Ce type de
21 philosophie sous-entendait cela. Là, vous commencez par le milieu; vous ne
22 commencez pas depuis le début. A l'époque, chacun souhaitait avoir une
23 certaine autonomie et pouvoir de prise de décisions. Nous leur avons fait
24 une offre, une proposition. La Bosnie-Herzégovine avec toutes ses
25 prérogatives en tant qu'Etat, devait, à ce moment-là, être un Etat
26 ombrelle. Ils ne voulaient pas de cela; ils voulaient d'une Bosnie, ils
27 voulaient la séparation.
28 C'est ce à quoi fait référence M. Okun, puisqu'il a parlé de principes,
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1 d'arbitrage, de commissions, de chiffres de recensement. Il n'est pas exact
2 de dire que rien ne devait être divisé. Nous ne souhaitions pas diviser
3 cela. A quelque part, on serait une minorité comme dans tout Etat.
4 J'espère, en tout cas, qu'il n'y a pas un seul Etat qui est pur. Il y a des
5 minorités qui jouissent de leurs droits. Comment puis-je m'exprimer ? Si la
6 majorité est satisfaite au niveau de la Bosnie, nous jouissons tous des
7 mêmes droits. Ceci a été réalisé à terme mais par le biais d'une guerre. Il
8 eut été mieux que ce soit fait sans guerre.
9 Pour ce qui est du nettoyage ethnique, si vous souhaitez, je peux vous
10 expliquer quelque chose. J'ai indiqué déjà que notre politique n'était pas
11 une politique du nettoyage ethnique. En ce qui me concerne, des
12 déclarations très claires ont été faites en 1992 où moi-même, je m'oppose
13 au nettoyage ethnique. J'ai quitté ma propre maison, j'ai quitté mon foyer.
14 Je sais ce que c'est que d'être réfugié. Je sais ce que cela veut dire. Je
15 ne le souhaite à personne. Je souhaite que chacun puisse rentrer chez lui
16 ou chez elle car ceci est irremplaçable. Jamais je ne prônerais une
17 politique qui serait contraire à ce que je crois. En réalité, beaucoup de
18 gens ont quitté leurs foyers. Il faudrait analyser cela. Je crois qu'il y a
19 plusieurs raisons que l'on peut donner. Des expulsions forcées, l'expulsion
20 par la force, des choses qui sont faites par la force. Il y a beaucoup de
21 choses qui ont été faites pendant la guerre. Il y a eu beaucoup de
22 déplacements de la population.
23 Messieurs les Juges, je vais prendre encore un peu plus de temps. J'ai
24 parlé de cette brochure, brochure qui a été officiellement rédigée par la
25 Bosnie-Herzégovine, en vertu de quoi, il y avait 260 000 réfugiés serbes,
26 216 000 réfugiés serbes, 216 000 Musulmans et 50 % des Serbes sont
27 réfugiés. Je crois que bon nombre n'étaient pas expulsés, bon nombre ont
28 fui la guerre. Vous avez des indicateurs ici qui précisent justement que le
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1 gouvernement de Bosnie-Herzégovine, pendant toute la période de la guerre,
2 est arrivé à la conclusion que la population peut se déplacer et fuir les
3 régions à risque. Nous avons nous-mêmes appliqué un certain principe, à
4 savoir que toute personne est libre de se déplacer pendant la durée de la
5 guerre jusqu'à la fin de la guerre.
6 Je souhaite rajouter un dernier point. Le 12 mai, nous avons eu une réunion
7 de l'assemblée en 1992. La réunion suivante s'est tenue à la fin du mois de
8 juillet. Pendant quelque trois mois, il n'y a pas eu de sessions de
9 l'assemblée. C'est la raison pour laquelle nous n'étions pas au courant des
10 camps ou de tout autre chose. Ensuite, je me suis rendu à la conférence de
11 Londres à la fin du mois de juillet. Ensuite, dans le courant du mois
12 d'août, différentes activités avaient été -- on a parlé de différentes
13 activités, de camps, de déplacements, et cetera. Tout ceci peut être
14 vérifié. Lors de cette session, celle du 25 juillet, lisez le procès-
15 verbal, Karadzic m'a dit : Ce sont les députés qui m'ont tenu informé de
16 cela. Des actes criminels avaient été commis, des crimes inadmissibles. Je
17 pense que ce qu'il avait à l'esprit, c'était des échanges. Tout ceci va
18 être annulé, tous ces crimes seront punis. Vous verrez cela. Cela figure au
19 compte rendu. Tout d'abord, les prisons auxquelles on fait référence. On a
20 fait référence le 10 juillet 1992 à Banja Luka. Il y a eu des objections
21 pour que ceci ne soit pas abordé lors de cette session. Ensuite, je vais
22 vous expliquer : si quelqu'un me pose la question à propos de cela, le 11
23 août, il y a une session du gouvernement, qui était censé préparer l'ordre
24 du jour de cette réunion où nous devions parler des prisons et des
25 prisonniers. Le document n'avait pas été préparé, mais les mesures avaient
26 été prises pour que ces prisons soient démantelées.
27 Encore un autre point : les témoins serbes de Banja Luka, eux, ils ne
28 savaient pas qu'il y avait des camps à Prijedor. Lorsque des délégations
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1 s'y sont rendues, ils ont compris ou établi ce qu'il s'y passait. Comment
2 pouvais-je savoir à Pale ce qu'il se passait ? Le MUP ne savait même pas
3 cela non plus. Ils ont reçu des informations à cet effet, qu'il n'y avait
4 pas de camps. Je ne pouvais pas recevoir de telles informations de
5 quelqu'un d'autre. Lors de la séance du
6 25 juillet, je devais me rendre urgemment à Londres. Je n'ai pas assisté à
7 cette session jusqu'à la fin. Donc, je ne me suis pas entretenu avec les
8 députés. Ceci en 1992.
9 Pardonnez-moi, mais il y a des informations sur tout ceci.
10 M. Okun a sans doute une période différente. A ce moment-là, en tout cas,
11 c'est ainsi que les choses se sont passées.
12 Q. Je souhaite vous poser une question à propos de Sarajevo. A la page 4
13 210 de la déposition de M. Okun. La question qui lui avait été posée
14 :"Saviez-vous que les forces serbes de Bosnie tentaient de réaliser leur
15 objectif par la force, à savoir, de diviser physiquement la ville de
16 Sarajevo en une partie serbe et musulmane, où les Serbes vivraient et les
17 Musulmans -- les Serbes et les Musulmans vivraient séparément, et ce, au
18 cours de l'été ou l'automne 1992 ?"
19 Il a répondu : "Oui. C'est pour cela qu'il y a eu le pilonnage. Le
20 pilonnage était censé créer un mur de feu, si vous voulez. Je ne souhaite
21 pas dramatiser les choses. Mais ce pilonnage, en réalité, jouait le rôle
22 d'un mur de feu entre les communautés. C'est la raison pour laquelle ceci a
23 été fait. Le pilonnage a été dirigé, organisé dans ce sens-là. Ce n'était
24 pas des tirs sans objectif. M. Karadzic nous a signalé cela. Il a dit, par
25 exemple, qu'il fallait diviser la ville. Après que la ville ait été
26 divisée, ce serait bien. Les Musulmans pouvaient y vivre. Ensuite, il
27 donnait la liste de deux ou trois régions. Donc, le pilonnage faisait
28 partie de ces efforts qui avaient pour but de diviser la ville."
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1 Alors, la façon dont M. Okun parle de tout ceci, est-ce que cela illustre
2 en réalité la position des dirigeants serbes de Bosnie pour ce qui est de
3 Sarajevo au cours de l'été et de l'automne 1992 ?
4 R. Je vais me répéter, mais ceci est important : que quelqu'un ait pilonné
5 ou que quelqu'un ait l'intention de pilonner de Sarajevo ou non, c'est
6 quelque chose, de toute façon, qui a été décidé par l'armée. Le pilonnage
7 avait des conséquences politiques. Toutes les fois que nous nous
8 entretenions avec l'équipe des négociations ou que l'équipe des
9 négociations en parlait, disait que des objections étaient soulevées, les
10 réponses qui étaient données, c'était que les Musulmans disposaient de
11 davantage d'infanterie et faisaient des percées dans certaines régions. Par
12 conséquent, nous empêchions qu'il y ait des percées. Ensuite, vous avez vu
13 certains des ordres et des conclusions auxquels nous étions parvenus. Nous
14 avons précisé que le pilonnage ne devait pas être fait coûte que coûte, car
15 à ce moment-là nous aurions des problèmes avec la communauté internationale,
16 et ceci nous empêchait de poursuivre les négociations.
17 Je suis un profane pour ce qui est de ces questions-là, pour ce qui est de
18 l'armée. M. Okun a expliqué ceci de façon non professionnelle. On ne
19 pouvait pas diviser Sarajevo de cette façon-là. Je ne sais pas ce qu'il
20 avait à l'esprit, pour être honnête, et je ne pense pas que tel était
21 l'objet du pilonnage de Sarajevo. Ce que j'ai appris moi-même suite à
22 certaines analyses et après la déposition d'un certain témoin protégé ici,
23 je ne me souviens pas qu'il y ait eu un pilonnage important de Sarajevo à
24 aucun moment. Je suppose qu'il y a peut-être eu des pilonnages qui avaient
25 un lien avec le retrait des personnes qui se trouvaient dans les casernes.
26 C'est ce que j'ai supposé. Mais je ne peux pas vous dire exactement à quel
27 moment c'était. Je ne me souviens pas d'un pilonnage important, surtout en
28 ce qui concerne la division de Sarajevo. La carte de Sarajevo, du début à
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1 la fin, n'a été modifiée que très peu, et ce, au détriment des Serbes de
2 Zabrdje et des Musulmans à Grbavica. Sinon, le reste est resté sensiblement
3 la même chose. Donc, si ceci a été fait par un expert à Sarajevo, je ne
4 sais pas comment il peut diviser les choses ainsi en raison du pilonnage.
5 Je ne pense pas qu'on puisse diviser Sarajevo en le pilonnant. Tout ce que
6 l'on peut faire de cette façon-là c'est de provoquer des dégâts et de la
7 destruction et de commettre un crime.
8 Pour ce qui de ce type d'activité, je n'ai jamais entendu parler de cela.
9 Je n'ai jamais entendu Karadzic dire cela. Pour ce qui est de dire chacun
10 doit avoir sa partie de Sarajevo et que les Musulmans vivraient mieux dans
11 une partie et les autres dans une autre, cela signifie que certaines
12 municipalités de Sarajevo, certains opstinas de Sarajevo, seraient
13 distinctes. C'était la condition posée par M. Cutileiro : il devait y avoir
14 les Nations Unies, certaines parties de Sarajevo qui assumeraient le
15 pouvoir. Les Musulmans souhaitaient être maître de l'ensemble de la ville
16 de Sarajevo. Ils ne souhaitaient pas qu'il y ait transformations, car ils
17 avaient la majorité partout, disaient-ils.
18 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président --
19 Q. Monsieur Krajisnik --
20 M. STEWART : [interprétation] Je proposais de laisser la parole à Me Josse,
21 Monsieur le Président, car il a un certain nombre de questions à traiter.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
23 M. STEWART : [interprétation] Je suppose, Messieurs les Juges, que nous
24 avons besoin de quelques minutes supplémentaires pour la session
25 d'aujourd'hui ?
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Hm-hm.
27 M. STEWART : [interprétation] J'avais pensé à la décision que vous alliez
28 rendre, Monsieur le Président.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, vous voulez fournir des
2 éléments supplémentaires --
3 M. STEWART : [interprétation] Oui, des éléments d'information
4 supplémentaires de --
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui --
6 M. STEWART : [interprétation] -- pour suppléer à nos arguments, Monsieur le
7 Président.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que vous souhaitez présenter
9 d'autres arguments.
10 M. STEWART : [interprétation] Oui.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre, si on s'en tient à notre
12 requête initiale, et d'après les arguments qui ont été présentés par écrit,
13 souhaite rendre sa décision. Nous avons besoin de sept à huit minutes, je
14 pense.
15 M. STEWART : [interprétation] Très bien, ceci est une aide pour nous.
16 Maître Josse, puisque c'est vous qui est à la barre pour la prochaine demi-
17 heure.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
19 M. STEWART : [interprétation] Très bien. Ceci est utile.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse.
21 M. JOSSE : [interprétation] Question de procédure. Je demande à la Chambre,
22 conformément à l'article 126 bis, de déposer une réponse à la réponse de
23 l'Accusation à la requête qui parle de la juridiction.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juridiction.
25 M. JOSSE : [interprétation] C'est le mandat du Juge Canivell, pour être
26 précis. J'ai envoyé un message électronique ce matin. Ceci sera déposé
27 demain, Monsieur le Président, je dois ajouter rapidement.
28 [La Chambre de première instance se concerte]
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre n'a pas l'intention de donner
2 l'occasion à la Défense de déposer une réponse à la réponse de l'Accusation,
3 Maître Josse. Vous venez de demander à la Chambre. Mais vous n'avez pas
4 avancé de raison particulière pour lui dire pourquoi vous devez répondre --
5 M. JOSSE : [interprétation] Ceci --
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
7 M. JOSSE : [interprétation] -- prendrait du temps.
8 Ceci sera fait demain. Ceci est cours de rédaction et sera déposé demain.
9 Nous ne savons pas pourquoi la Chambre souhaiterait nous refuser d'autres
10 éléments d'information dans nos arguments, car la Défense estime qu'il
11 s'agit de points importants.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Parce que la Chambre souhaitait décider
13 là-dessus le plus rapidement possible.
14 M. JOSSE : [interprétation] Si nous vous disons que ceci sera déposé d'ici
15 13 heures demain ?
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous aviez combien de pages à l'esprit,
18 Monsieur Josse ?
19 M. JOSSE : [interprétation] Pas plus de quatre.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez jusqu'à 13 heures, dernier
21 délai, demain. Vous pouvez déposer votre réponse, et l'Accusation, vous
22 pouvez lire ceci tout de suite, dès que cela sera déposé, car nous
23 souhaitons que la réponse soit fournie le plus rapidement possible.
24 M. JOSSE : [interprétation] Je vais envoyer par message électronique copie
25 de cela à l'Accusation. Cela est prêt déjà.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas plus de quatre pages pour
27 l'Accusation.
28 M. JOSSE : [interprétation] Le point suivant, Monsieur le Président, je
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1 souhaite nettoyer certaines des questions que j'ai posées à M. Krajisnik.
2 Je crois qu'il y a encore des questions en suspens. Il s'agit en premier
3 lieu de la carte qu'il a dessinée pendant le week-end. Est-ce qu'on peut
4 nous retourner cette carte, et je souhaite qu'on lui donne un numéro de
5 cote, s'il vous plaît.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur le Greffier, quel sera le
7 numéro ?
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] D196, Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
10 Interrogatoire principal par M. Josse : [Suite]
11 Q. [interprétation] Essayons de faire ceci rapidement, Monsieur Krajisnik.
12 Vous nous avez aidés en rajoutant une partie à cette carte. Vous nous avez
13 indiqué quel était le chemin. Vous avez inscrit deux éléments là-dessus. Il
14 s'agit de points de repères. De quoi s'agit-il ?
15 R. J'ai trouvé cette partie de la carte chez un général, donc ce sont ses
16 annotations à lui. Là se trouvent les obusiers. Mais ceci est la partie de
17 la carte qui m'intéresse. Ici, je vous montre cette route qui est longue,
18 qui ne s'arrête pas ici, qui se dirige vers le nord et qui se dirige
19 ensuite vers Pale. Alors que l'autre carte n'allait que jusque là. Et ici,
20 nous avons la ligne de séparation en 1994. Cela ressemblait à cela.
21 Q. En rouge ?
22 R. Oui, en rouge. En rouge, c'est la ligne de séparation d'après -- plutôt,
23 en direction de la partie centrale de la Bosnie, Visoko. Donc, ceci est un
24 extrait d'une carte de l'armée que j'ai copiée. L'échelle est la même.
25 Q. Autrement dit, les annotations en noir, en caractères cyrillique, n'ont
26 rien à voir avec votre schéma ?
27 R. Non. Comme ceci est la ligne tracée entre les Musulmans et les Serbes,
28 et il explique où se trouvent les obusiers, les armes. Mais mettez ceci de
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1 côté; ceci ne nous intéresse pas. Ce qui nous intéresse, c'est cette route-
2 ci. C'est l'itinéraire ou le parcours emprunté par les prisonniers.
3 Q. Merci.
4 Je souhaite maintenant passer à un autre sujet, si vous me le permettez.
5 Mercredi, 17 mai, je vous ai posé toute une série de questions sur le
6 départ des Musulmans de Pale. Et nous étions arrivés au point où vous avez
7 évoqué toute une série de documents.
8 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, ma position est comme
9 suit : les documents ont été examiné par la Défense. La Défense souhaite
10 verser au dossier tous ces documents, sans doute pas par l'intermédiaire de
11 ce témoin-ci, mais par d'autres moyens. J'en ai fait part à M. Tieger, il
12 est vrai, seulement aujourd'hui dans la matinée. Je vais poser d'autres
13 questions à M. Krajisnik à propos de ce départ. Il se peut qu'il souhaite
14 se référer à certains documents qui sont dans une liasse que je suis sur le
15 point de lui remettre, et je pense qu'il devrait pouvoir le faire. Sinon,
16 nous souhaitons verser ces documents au dossier par un autre moyen. Cela
17 prendrait trop de temps de le faire de façon différente.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose qu'il n'y a pas de
19 traductions ?
20 M. JOSSE : [interprétation] Non, il n'y a pas de traductions. Quelquefois,
21 il y a des résumés des documents, et ils sont en annexe ici, et ont été
22 présentés en annexe dans les liasses qui ont été distribuées.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous en prie.
24 A moins que M. Tieger, à un stade ultérieur, je ne sais pas s'il sait
25 travailler avec des documents qui n'ont pas été traduits.
26 M. JOSSE : [interprétation] Ils ont été envoyés au service de Traduction du
27 Tribunal, mais ils ne sont pas encore revenus, et nous ne les aurons pas
28 tout de suite.
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1 Q. Alors, pendant que ces documents sont distribués, Monsieur Krajisnik,
2 vous avez parlé à la Chambre, vous avez dit savoir un petit peu ou plutôt
3 ne pas savoir grand-chose à propos du départ de ces gens, et en
4 particulier, vous avez affirmé, en ce qui vous concernait, que ces
5 personnes-là sont parties de leur plein gré, n'est-ce pas ?
6 M. JOSSE : [interprétation] Est-ce que vous pourriez me remettre une liasse
7 de ces documents, s'il vous plaît ?
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison.
9 M. JOSSE : [interprétation]
10 Q. Bien. La raison pour laquelle je vous pose ces questions, ce qu'ont
11 fait les cellules de Crise et le MUP à Pale ne m'intéresse que peu. Ce qui
12 m'intéresse - et je vais vous demander de vous concentrer là-dessus - que
13 saviez-vous des activités menées soit par la cellule de Crise, soit le MUP
14 à Pale, par rapport à la population musulmane locale ? Que saviez-vous de
15 tout ceci au mois de mai et juin 1992 ?
16 R. Je savais, d'après un Musulman que je connaissais avant la guerre, il a
17 demandé aux membres de ma famille où je me trouvais, et il est venu me voir
18 et m'a demandé si je pouvais quitter Pale. Je voulais le convaincre que
19 cela n'était pas nécessaire, que ce serait fort dommage. En même temps, un
20 Croate est venu me voir, et je lui ai dit la même chose. J'ai réussi à
21 convaincre le Croate, mais l'autre homme est allé voir les autres Musulmans
22 pour voir ce qu'il devait faire. A titre d'exemple, le Croate est resté --
23 les Croates sont restés, et les églises sont restées intactes. Elles n'ont
24 pas été endommagées. Il n'y avait pas de mosquées à Pale même, mais ils
25 sont partis plus tard.
26 Donc, ce que je sais, c'est ceci : à ce moment-là, le problème qui se
27 posait c'était ces personnes qui avaient été tuées à Zepa, et on avait
28 demandé à Mme Plavsic - cela faisait partie de ses missions - d'aller
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1 parler aux familles. Et M. Koljevic l'avait nommée président des
2 commissaires de Pale. Je ne pense pas qu'elle se soit occupée de cette
3 question-là non plus, parce que personne ne savait de façon très
4 approfondie comment les Musulmans étaient partis. Nous en avons entendu
5 parler par la suite, et vous avez ce procès-verbal du 25 juillet qui
6 précise que Karadzic a dit que les Musulmans étaient encore à Pale, ce qui
7 signifie que nous avons appris leur départ après.
8 C'est tout ce que je sais. Toutes les personnes qui ont parlé de ceci après
9 ont dit que la procédure avait été respectée, que ces personnes étaient
10 parties de leur plein gré, et tous ces documents contredisent la déposition
11 du témoin ici, qu'ils ont été chassés par la force. Tout ce que je puis
12 dire, c'est que ces documents remettent tout ceci en cause et réfute sa
13 déposition.
14 Q. Bien, comme je l'ai déjà dit, je ne pense pas que je vais vous demander
15 de parler des raisons de tout ceci maintenant. Mais je souhaite vous
16 demander des questions précises sur les allégations, dont je vais vous
17 parler, d'un témoin. A la page 5340 du compte rendu, il a parlé de jeunes
18 hommes à moitié habillés, torses nus, qui portaient des bandeaux autour de
19 la tête, qui portaient des couteaux et qui conduisaient des voitures
20 décapotables - et je résume ici - ils sont en train de terroriser la
21 population musulmane de Pale.
22 Est-ce que vous étiez au courant de cela ?
23 R. Non, je n'étais pas au courant de cela, à l'exception de ce Croate que
24 j'ai déjà mentionné. C'était un médecin qui traitait les gens de Pale. Il
25 était venu accompagné d'un membre de ma famille et il a dit qu'une personne
26 de la région l'avait menacé. J'ai appelé le chef et je lui ai demandé de le
27 protéger. Il a effectivement été protégé, et il est resté là pendant toute
28 la durée de la guerre. Il a fait une déclaration, mais malheureusement, il
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1 est décédé il y a quelque temps. Donc, c'est ce que je savais sur un plan
2 personnel. Je n'ai jamais entendu parler de toute autre forme de mauvais
3 traitement ou de sévice. Et le Musulman qui était venu me voir n'en a pas
4 parlé non plus, car ils souhaitaient partir avant le conflit parce qu'il y
5 avait beaucoup de Serbes à Pale et qu'ils souhaitaient s'en aller et être
6 parmi les leurs, car ils pensaient que c'était mieux pour eux. J'ai fait
7 tout ce qui était en mon pouvoir pour essayer de le convaincre de rester,
8 mais malgré cela il est parti.
9 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je peux vous
10 demander de me remettre ces liasses, s'il vous plaît, parce qu'il va
11 falloir les refaire; c'est de ma faute.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
13 M. JOSSE : [interprétation] J'assume l'entière responsabilité de cela. M.
14 Krajisnik, néanmoins, peut garder cette liasse, car il ne suit pas ce qui
15 est en anglais, et peut-être qu'il voudra se reporter à ces documents. Je
16 vais donc reprendre tous ces documents lorsque nous en aurons terminé.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais sur le point de vous poser une
18 question à ce sujet.
19 M. JOSSE : [interprétation]
20 Q. Monsieur Krajisnik, poursuivons. A la page 5 411, le même témoin a dit
21 que Malko Koroman lui avait dit qu'il ne pouvait plus contrôler les Bérets
22 rouges, qu'il ne pouvait pas en tout cas les contrôler pendant longtemps
23 encore.
24 R. Oui, je me souviens très bien de ce témoignage, mais je n'en avais
25 aucune connaissance.
26 Q. Très bien. A la page 5 332 et à d'autres pages ultérieures, il a parlé
27 de barrages routiers qui étaient mis en place autour de Pale, où des
28 Musulmans auraient été arrêtés. Pourriez-vous assister les Juges de la
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1 Chambre en ce qui concerne ce fait ?
2 R. Je n'ai vu aucun barrage routier, aucun obstacle, quand je me suis
3 rendu à Pale. Quant à savoir s'il y en avait avant, cela je ne le sais pas,
4 je ne peux pas vous le dire. Je suis arrivé à Pale pour la première fois à
5 ce moment-là. Je ne m'y étais jamais rendu auparavant, uniquement une fois
6 auparavant. J'étais quand même loin de Pale.
7 Q. Passons à autre chose, mais qui traite de la déposition du même témoin.
8 Il s'agit de l'arrivée en mai 1992 de trois camions de transport
9 transportant des civils et transportant des hommes musulmans venant de
10 Bratunac qui, visiblement, étaient escortés par des paramilitaires serbes.
11 Il est dit à la page 5 292, que les camions se sont arrêtés devant le
12 commissariat de police.
13 M. Starcevic en était sorti. Il avait dit qu'il n'avait pas d'endroit où
14 mettre ces prisonniers, et a dit que ces hommes devaient être emmenés dans
15 un cinéma, un cinéma qui se trouvait dans les environs. Qu'en savez-vous ?
16 R. Je ne sais absolument pas quand ces Musulmans sont arrivés, mais je
17 sais que M. Starcevic a vigoureusement protesté contre leur arrivée à Pale.
18 J'ai entendu quelqu'un dire que c'était -- on disait qu'on avait envoyé ces
19 Musulmans à Pale en guise de révolte, parce qu'on était révolté. Or, le
20 gouvernement s'occupait de beaucoup d'autres choses. Il ne savait
21 absolument rien sur les activités qui avaient eu lieu auparavant, avant que
22 ces Musulmans n'arrivent à Pale. On n'en savait rien. Ce n'est pas quelque
23 chose que j'ai géré moi-même, mais j'en ai entendu uniquement. C'est tout.
24 Q. Je voudrais savoir ce que vous saviez exactement à propos de ces hommes
25 qui venaient de Bratunac. A l'époque, est-ce que vous aviez la moindre
26 connaissance de leur arrivée ?
27 R. Il me semble que j'en ai entendu parler par M. Starcevic, qui est
28 arrivé au Kikinda. Il était très en colère, et se demandait pourquoi
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1 quelqu'un avait amené ces Musulmans à Pale. Je m'en souviens. Je crois que
2 quelqu'un a pris sur lui de vérifier ce qui se passait pour voir ce qui
3 allait être fait. Il me semble que j'ai eu un peu de feedback selon lequel
4 M. Deronjic avait envoyé ces Musulmans à Pale pour une raison quelconque,
5 parce qu'il n'était pas content de quelque chose. Quant à ce qui s'est
6 vraiment passé, je ne sais pas. Tout ce que je sais, c'est que le travail a
7 été fait.
8 Q. Avez-vous la moindre idée où ces personnes ont été hébergées ?
9 R. Non, je ne sais pas du tout où ils ont été hébergés. J'ai appris ici où
10 ils se trouvaient. Donc, maintenant je le sais. A l'époque, je n'en savais
11 rien. Je ne connaissais pas bien Pale, de toute façon, à l'époque.
12 Q. Je sais que les documents que vous avez fournis traitent du départ des
13 Musulmans qui habitaient à Pale. Soyons clairs sur une chose. Les détails
14 qui nous ont été donnés par ce témoin lors de sa déposition et les détails
15 que l'on trouve aussi dans les documents, aviez-vous connaissance de tous
16 ces détails à l'époque ?
17 R. Non, je ne savais rien de tout cela à l'époque. Les enquêteurs ont
18 collecté toutes ces données suite à la déposition de ce témoin. Je n'étais
19 au courant d'aucune de ces choses à l'époque, absolument pas au courant.
20 Q. Ce que vous dites, c'est ce que ce sont vos enquêteurs qui ont obtenu
21 les documents que vous avez maintenant. Ils les ont obtenus après les
22 événements et après surtout de la déposition du témoin; c'est bien cela ?
23 R. Non, ce sont vos enquêteurs -- enfin, les enquêteurs de
24 M. Stewart, l'équipe Josse/Stewart et leurs enquêteurs à Pale.
25 Q. A la page 5 293, ce même témoin dit, qu'entre mai à
26 juin 1992, il a remarqué une concentration importante et une augmentation
27 d'équipement militaire et de personnel militaire dans la zone de Pale, y
28 compris des centaines de paramilitaires. Il a continué à dire que plusieurs
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1 hommes musulmans avaient été arrêtés dans leurs propres maisons par des
2 paramilitaires et exécutés.
3 Etiez-vous au courant de la présence de ces centaines de paramilitaires
4 dans votre environnement, là où vous travailliez, là où vous habitiez ?
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
6 M. TIEGER : [interprétation] Je crois qu'il y a une erreur dans le compte
7 rendu d'audience, puisqu'il est écrit : "A partir d'avril, il y avait des
8 arrestations aléatoires de Musulmans, et en juin et en juillet, plusieurs
9 Musulmans ont été arrêtés dans leurs maisons par des paramilitaires et ont
10 été exécutés."
11 Il me semble que la paraphrase est un peu erronée, puisque --
12 M. JOSSE : [interprétation] Merci.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai entendu parler d'aucun Musulman qui a
14 été arrêté et tué à cette époque. Quant à savoir ce qui s'est passé, vous
15 avez leurs dépositions, vous avez la déposition de leur chef, Koroman.
16 Donc, vous pouvez savoir ce qui s'est passé. Mais je n'ai entendu parler
17 d'aucune exécution qui aurait eu lieu à cette époque-là à Pale.
18 M. JOSSE : [interprétation]
19 Q. Ce témoin a allégué, qu'après son départ, après qu'il soit parti, comme
20 il a dit, il a entendu dire que trois mosquées dans la région de Pale
21 avaient été détruites. Qu'avez-vous à dire là-dessus ?
22 R. La ville de Pale, qui était toute petite, n'avait pas la moindre
23 mosquée. Cela, je le savais. Je n'en voyais aucune. Alors que la
24 municipalité, quant à savoir s'il y avait une mosquée dans l'un des hameaux
25 constituant cette municipalité, je n'en sais rien. Je sais qu'à Pale, en
26 tant que telle, là où je résidais, il n'y avait pas la moindre mosquée.
27 Dans les villages éloignés, dans les petits hameaux, peut-être. En tout
28 cas, je n'en ai pas entendu parler et je n'en savais absolument rien. On
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1 avait une église orthodoxe et une église catholique, en bois. Elle est
2 toujours là d'ailleurs, et on l'utilise encore. Il n'y avait pas de mosquée
3 au centre de Pale.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] J'ai essayé d'être efficace, mais
6 malheureusement, je crois que j'ai un peu semé la confusion entre la
7 question et la réponse. La question de M. Josse était : Etiez-vous au
8 courant de la présence de plusieurs centaines de paramilitaires. J'ai,
9 malheureusement, pris la parole à ce moment-là pour reprendre exactement la
10 question et pour que ce soit cité correctement, et
11 M. Krajisnik n'a répondu qu'à cette partie de la question. Donc, j'aimerais
12 attirer l'attention de M. Josse là-dessus, s'il veut toujours avoir une
13 réponse à sa question.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. Josse pourra s'en
15 occuper dès demain matin.
16 M. JOSSE : [interprétation] Tout à fait.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que --
18 M. JOSSE : [interprétation] J'en suis pratiquement arrivé à la fin de mon
19 interrogatoire.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'étais un peu optimiste quant aux sept
21 minutes qu'il me faut.
22 M. JOSSE : [interprétation] Il suffira que j'en reparle demain.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On verra demain.
24 Maintenant, il faut que je vous donne les décisions pour ce qui est des
25 demandes de la Défense et de l'Accusation en ce qui concerne le planning
26 portant sur la déposition de M. Krajisnik.
27 La Chambre va maintenant donner sa décision sur la demande de la Défense,
28 déposée le 22 mai 2006, visant à organiser de façon - et je cite :
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1 "équitable" - le planning, la préparation et la présentation des moyens à
2 décharge de l'accusé. La Chambre a aussi reçu aujourd'hui une demande
3 supplémentaire de la Défense, et portant toujours sur le même sujet.
4 Pour résumer les choses, la Défense demande trois jours
5 supplémentaires pour l'interrogatoire principal de M. Krajisnik pour qu'il
6 se poursuive jusqu'au lundi 29 mai 2006 inclus.
7 La Chambre va tout d'abord reprendre l'historique de la procédure
8 traitant du planning en l'espèce et va faire référence à toute la procédure
9 ayant été définie dans les décisions du 27 janvier 2006 et du 27 février
10 2006.
11 Le 18 novembre 2005, la Chambre a prolongé la date à laquelle la
12 présentation des moyens de la Défense devait se terminer, passant du 10
13 mars 2006 au 28 avril 2006. La Chambre a donné sept semaines
14 supplémentaires à la Défense pour préparer et pour présenter ses arguments.
15 La présentation des moyens à décharge devait se terminer le 28 avril 2006,
16 à moins que des circonstances exceptionnelles puissent être démontrées.
17 Parallèlement, la Chambre indiquait qu'elle était extrêmement préoccupée
18 par les moments de relâche forcés, si l'on peut dire, créés dans le
19 planning du fait de la Défense, du fait surtout de l'impossibilité qu'avait
20 la Défense de planifier la présentation des témoins, à moins de le faire à
21 très court terme, et des lacunes très importantes dans les résumés 65 ter.
22 Etant donné qu'il n'est pas possible que la Chambre puisse organiser son
23 planning correctement, étant donné le manque d'information de la Défense,
24 la Chambre, avec réticence, a autorisé la Défense à gérer son temps du
25 mieux qu'elle le pouvait. En pratique, la Défense a obtenu une marge de
26 manœuvre conséquente et sans précédent afin de gérer le temps dont elle
27 disposait pour la préparation et pour la présentation de ses éléments de
28 preuve. Les conditions associées à ceci étaient que la Défense préviendrait
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1 deux semaines à l'avance en ce qui concerne l'évolution de son planning et
2 que la présentation de ses moyens à décharge devait se terminer le 28 avril
3 au plus tard.
4 A la fin de janvier 2006, la Chambre a fait des "calculs extrêmement
5 optimistes" en ce qui concerne la programmation des moyens à décharge, et
6 le 27 janvier 2006, a exprimé "une préoccupation extrêmement sérieuse" pour
7 ce qui était de la possibilité d'en avoir terminé avec la présentation des
8 moyens à décharge le 28 avril 2006, étant donné que la Défense n'avait
9 jamais réussi à satisfaire à ses obligations au titre de l'article 65 ter
10 du Règlement et du fait aussi du très grand nombre de témoins présentés par
11 la Défense.
12 Le 27 février 2006, la Chambre a donné 20 jours pour l'interrogatoire
13 principal de l'accusé, qui devait commencer le 11 avril 2006. Dans cette
14 ordonnance, la Chambre a aussi remarqué que la Défense n'avait pas fourni
15 un planning faisable. Dans l'ordonnance, il est écrit : "L'interrogatoire
16 principal de l'accusé va commencer le mardi 11 avril et va durer jusqu'à 20
17 jours, c'est-à-dire jusqu'au vendredi 12 mai." Les 20 jours prévus pour
18 l'interrogatoire principal devaient comprendre, bien évidemment, le temps
19 passé à des points autres que l'interrogatoire principal, c'est-à-dire des
20 points de procédure.
21 Le 24 mars 2006, la Chambre a donné à la Défense des jours supplémentaires
22 pour un témoignage supplémentaire et a mis de côté quatre jours pour la
23 préparation de l'interrogatoire principal de l'accusé. La déposition de
24 l'accusé a été retardée jusqu'au 20 avril 2006.
25 Le 11 avril, la Chambre a donné à la Défense trois jours supplémentaires
26 pour compenser une erreur intervenue dans les statistiques de la Chambre
27 sur la durée des témoins de la Défense dans le prétoire. La Défense avait
28 l'option soit de utiliser ces jours supplémentaires à préparer le
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1 témoignage de l'accusé ou pour son témoignage en tant que tel. Elle a
2 choisi la première option. Ce qui a encore retardé la date de départ de la
3 déposition de l'accusé au 25 avril et a repoussé la date à laquelle cette
4 déposition devait se terminer au 23 mai 2006.
5 Le 19 mai 2006, afin d'avertir les parties le plus rapidement que possible,
6 la Chambre a demandé à l'un de ses juristes d'informer les parties par
7 courriel de sa décision comme quoi la Défense aurait un jour supplémentaire
8 pour son interrogatoire principal. Comme il est écrit dans le courriel, ce
9 jour supplémentaire a été donné parce que le premier jour, beaucoup de
10 temps avait été passé à traiter des points de procédure, et aussi parce que
11 le 12 mai, l'audience s'est terminée un peu plus tôt que prévu.
12 Comme je l'ai indiqué, la Défense ne nous a jamais donné un planning ferme
13 pour la présentation de ses moyens. La Chambre a laissé la Défense décider
14 comment allouer son temps entre préparation et présentation des moyens de
15 preuve. La Défense a décidé de passer plus de temps à la préparation de
16 l'accusé en vue de son interrogatoire principal.
17 Malgré ce temps très important passé à préparer l'interrogatoire
18 principal de l'accusé, la Défense n'a fait aucun effort visible pour
19 organiser la présentation de ses moyens à décharge afin de satisfaire à
20 l'ordonnance de la Chambre selon laquelle l'interrogatoire principal devait
21 se terminer en 20 jours. La Chambre n'avait aucune possibilité réaliste
22 d'intervenir étant donné qu'elle n'a jamais été prévue de quoi que ce soit.
23 Nous n'avons pas reçu de résumé au titre de l'article 65 ter du Règlement.
24 Nous n'avons jamais été informés du temps nécessaire à la Défense pour
25 couvrir tous les sujets qui avaient été évoqués par différents témoins et
26 aussi qui avaient été évoqués lors de documents versés préalablement au
27 dossier.
28 Cela dit, la Chambre a quand même fait un effort délibéré pour éviter
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1 d'être trop directive lors du témoignage de l'accusé, étant donné qu'elle
2 avait bien fait comprendre à la Défense qu'elle n'avait que 20 jours pour
3 se concentrer uniquement sur les points importants en l'espèce. Maintenant,
4 la Défense reproche à la Chambre d'être devenue de plus en plus
5 "inquisitoriale," alors qu'en fait c'est tout à fait le contraire qui s'est
6 passé : l'interrogatoire principal de M. Krajisnik a été laissé entièrement
7 entre les mains de la Défense.
8 Pour ce qui est maintenant de la durée moyenne par jour disponible
9 pour l'interrogatoire principal de l'accusé, la Chambre fait remarquer la
10 chose suivante : il n'y a aucune différence importante entre les durées
11 moyennes de dépositions lors de la présentation des moyens à charge et lors
12 de la présentation des moyens à décharge. Au cours de la présentation des
13 moyens à charge, la durée moyenne des dépositions, sans prendre en compte
14 bien sûr les points de procédure, représentait 2,82 heures par jour. Au
15 cours de la présentation des moyens à décharge - et ici, je ne prends pas
16 en compte le témoignage de l'accusé - cette durée s'est montée à 2,89
17 heures. La Défense aurait quand même pu prendre en compte ces moyennes. En
18 fait, au cours des 18 jours de témoignage de l'accusé, la durée moyenne de
19 déposition par jour a représenté 2,94 heures. Ce qui est une moyenne plus
20 haute de durée de déposition que ce qui a été le cas en l'espèce en
21 moyenne.
22 Pour ce qui est maintenant du temps passé pour les questions des
23 Juges, lors de la présentation des moyens à décharge, les questions des
24 Juges ont représenté environ 8 % du temps de déposition. Ceci est monté à
25 environ 20 % au cours de la phase de la présentation des moyens à décharge.
26 Mais lors de la déposition de l'accusé, le temps passé par les Juges à
27 poser des questions n'est passé qu'à 9 % du temps de déposition. Ce qui
28 était tout à fait ce à quoi pouvait s'attendre la Défense.
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1 Enfin, la Défense a déposé sa demande pratiquement au dernier moment
2 de l'interrogatoire en chef. Ce problème n'a pas été soulevé avant le 16e
3 jour de la déposition de l'accusé, c'est-à-dire le 17 mai 2006, et la
4 requête a été déposée le 19e jour de cette déposition. De ce fait, la
5 Défense a présenté à la Chambre un fait accompli, et ceci n'est pas la
6 première fois qu'elle le fait.
7 La Défense semble visiblement ne pas prendre très au sérieux les
8 ordonnances portant calendrier de la Chambre. Elle semble trouver que ces
9 ordonnances ne sont pas vraiment obligatoires, et quand le temps s'est
10 écoulé, a tendance à affirmer que le procès n'est pas équitable. La Chambre
11 ne voit absolument pas pourquoi elle approuverait ce raisonnement.
12 La déposition de l'accusé, au 18e jour de son interrogatoire principal, a
13 représenté 47,9 [comme interprété] heures, ce qui ne comprends pas les 4,9
14 heures des questions posées par les Juges. A la fin de la journée de
15 demain, 21e jour, l'accusé aura eu environ 56 heures pour présenter ses
16 moyens, et en ne prenant pas en compte bien sûr les questions des Juges.
17 Nous considérons qu'il s'agit de bien assez de temps pour ce faire.
18 La Chambre a déjà averti la Défense, dès le 18 novembre 2005, que du fait
19 de ne pas avoir bien préparé, bien organisé son planning pour la
20 présentation de ses moyens à décharge, pourrait très bien empêcher de
21 suivre le planning prévu au départ.
22 Malgré les considérations susmentionnées, la Chambre a donné à la
23 Défense un jour supplémentaire, ceci pour compenser le fait que cette
24 décision n'ait pas été rendue le jour prévu, mais il faut voir que cette
25 décision était en retard parce que la Défense, bien sûr, a déposé sa
26 requête au dernier moment. Un jour supplémentaire permettra à la Défense
27 d'en finir avec son interrogatoire principal de M. Krajisnik de façon
28 organisée.
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1 En résumé, l'interrogatoire principal se terminera le jeudi 25 mai 2006, et
2 l'Accusation pourra commencer son contre-interrogatoire le 29 mai 2006. Le
3 contre-interrogatoire et les questions des Juges ne pendront pas plus de 15
4 jours en tout et pour tout.
5 La requête de la Défense est rejetée, et ceci conclut la décision de
6 la Chambre.
7 Nous pouvons maintenant lever la séance jusqu'à demain après-midi 14
8 heures 15, même prétoire. Mais pas avant que, Monsieur Krajisnik -- je vois
9 que vous voulez dire quelque chose, Monsieur Krajisnik -- mais je dois
10 quand même, avant, vous prévenir que vous ne devez parler à personne de la
11 déposition que vous avez faite jusqu'à présent et de la déposition que vous
12 allez faire pendant encore deux jours, puisque maintenant vous avez été
13 averti du temps qu'il vous reste.
14 Monsieur Krajisnik, vous voulez dire quelque chose ?
15 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je voulais juste vous
16 rappeler une chose. Vous m'avez dit pour le dentiste --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous n'en avons pas encore parlé de
18 cela, mais je vais certainement revenir sur le sujet.
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'on doit le faire aujourd'hui
21 ou est-ce qu'on peut le faire demain ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non, pas tout de suite.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bon, on gardera cela à l'esprit.
24 L'audience est levée.
25 --- L'audience est levée à 19 heures 07 et reprendra le mercredi 24
26 mai 2006, à 14 heures 15.
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