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1 Le vendredi 30 juin 2006
2 [Audience publique]
3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]
4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 11 heures 13.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs. Monsieur
7 le Greffier, veuillez, je vous prie, appeler l'affaire.
8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs
9 les Juges, affaire numéro IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo Krajisnik.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
11 Monsieur Subotic, la distance qui nous sépare est un peu plus importante
12 que celle d'avant-hier, mais je peux quand même vous voir. Monsieur Subotic,
13 je souhaiterais vous rappeler que vous êtes encore tenu par la déclaration
14 solennelle que vous avez prononcée au début de votre déposition. Vous avez
15 juré de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, et vous êtes
16 encore tenu par cette même déclaration.
17 LE TÉMOIN : BOGDAN SUBOTIC [Reprise]
18 [Le témoin répond par l'interprète]
19 Questions de la Cour : [Suite]
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les Juges pourraient avoir
21 les documents, je vous prie ?
22 Monsieur Subotic, je souhaiterais vous demander de prendre l'intercalaire 4
23 du classeur. Est-ce que vous voyez le document qui porte la date du 27
24 avril 1992 ?
25 R. Oui.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour les parties, il s'agit de la pièce
27 P1211. Ce document a été montré pour la première fois le 6 juin au témoin,
28 et il s'agissait de la page 25 258 du compte rendu d'audience. C'est à
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1 cette page-là que l'on voit que le document a été montré au témoin.
2 Monsieur Subotic, dans cette lettre vous avez envoyée une demande pour
3 avoir des renforts auprès de la JNA et vous aviez envoyé cette lettre au 2e
4 District militaire. Je vais maintenant vous donner lecture de la citation.
5 On peut y lire et je cite : "Eu égard à la situation en Bosnie-Herzégovine
6 et conformément à un accord auquel on est parvenu, à une promesse faite à
7 Belgrade, nous vous demandons de nous aider de façon urgente en nous
8 envoyant les soldats suivants." Monsieur Subotic, qui vous a ordonné ou
9 demandé d'envoyer une telle demande le 27 avril 1992 ?
10 R. C'était le président de la république, puisque les unités de la Défense
11 territoriale, qui existaient déjà, étaient restées sans chef qui, avant la
12 guerre étaient là et qui faisaient partie d'autres nationalités, qui
13 étaient Croates et Musulmans, et cetera. Ces QG ne pouvaient pas
14 fonctionner.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait référence à cette requête
16 à un accord auquel on est parvenu à Belgrade. Pourriez-vous nous expliquer
17 de quoi il s'agit exactement et que représentait cet accord ?
18 R. Nous étions parvenus à cet accord avec le secrétariat fédéral par la
19 Défense nationale. Nous leur avions demandé, puisque les unités de la
20 Défense territoriale qui existaient déjà étaient démantelées, d'une
21 certaine façon, on avait demandé que de nouvelles personnes viennent à la
22 tête de ces QG qui existaient déjà pour ne pas que le tout fasse l'objet
23 d'une anarchie totale. Nous avions demandé qu'on place des personnes à la
24 tête de ces QG pour organiser le tout et jusqu'à la création de l'armée et
25 d'autres structures au sein de la Republika Srpska.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] S'agissant d'une promesse, puisque vous
27 avez fait allusion à une promesse selon laquelle on vous a promis des
28 renforts, est-ce que vous pourriez nous expliquer de quoi il s'agit ?
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1 R. Lors des négociations qui ont eu lieu entre la Bosnie-Herzégovine et la
2 Yougoslavie, ou plutôt le secrétariat fédéral, il a été dit au début que
3 les unités de la JNA, et c'est avec Alija Izetbegovic que l'on a mené ces
4 pourparlers, des unités de la JNA allaient rester sur le territoire de la
5 Bosnie-Herzégovine pour encore cinq ans, et puisqu'on n'avait pas encore
6 créé d'autres armées, ces unités de la Défense territoriale étaient d'une
7 certaine façon des formations qui étaient censées s'organiser. C'est tout
8 ce que je sais. Je n'ai pas personnellement participé à cet accord. On est
9 parvenu à cet accord avant que je prenne le poste que j'occupais et j'ai
10 commencé à occuper mon poste le 8 avril. On est parvenu à cet accord
11 beaucoup plus tôt. Je n'ai pas participé aux pourparlers à Belgrade, ni
12 ailleurs. On m'a simplement informé, et l'ensemble du gouvernement avait
13 été informé qu'une telle promesse avait été faite de la part du secrétariat
14 fédéral de la Yougoslavie et M. Izetbegovic et l'assemblée des Serbes de
15 Bosnie qui avait été formée à Sarajevo.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que l'autre partie avait reçu un
17 soutien semblable puisqu'un peu plus tôt vous faisiez allusion à la Bosnie-
18 Herzégovine, alors que maintenant vous parlez de l'assemblée des Serbes de
19 Bosnie à Sarajevo. Est-ce que cette assemblée était impliquée dans ces
20 négociations ou est-ce qu'elle faisait l'objet de ces négociations ?
21 R. Je ne le sais pas parce que je n'étais pas présent. Je ne sais pas si
22 du côté musulman il y avait également de demandes semblables, mais pour
23 autant que je le sache, de par d'autres déclarations faites auparavant, le
24 président Izetbegovic avait demandé que tous les officiers bosniens soient
25 déployés de la Serbie et régions de la Yougoslavie pour revenir en Bosnie.
26 C'est ce que je sais mais je n'ai pas de traces écrites de ceci.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'effectivement tous les
28 officiers bosniens ont été renvoyés de la Serbie et d'autres parties de la
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1 Yougoslavie jusqu'à la Bosnie ?
2 R. Oui, de façon générale, je pourrais dire que oui. Mais il faut dire
3 qu'un plus petit nombre d'officiers n'avait pas accepté ce genre de chose.
4 La plupart des officiers étaient retournés en Bosnie, vers leurs villages
5 natals, et cetera, et des gens qui provenaient également de la Bosnie
6 étaient retournés à leurs domiciles ainsi que les membres de la JNA, de
7 l'armée populaire yougoslave.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous nous dire quelles étaient
9 les relations entre le gouvernement serbe de Bosnie et la JNA avant la
10 création de la VRS ? Vous nous avez dit que vous avez été nommé à votre
11 poste le 8 avril. C'est à ce moment-là que vous avez commencé à occuper
12 votre poste. Mais avant du 12 mai, quels étaient les rapports
13 qu'entretenait le gouvernement avec la JNA ?
14 R. Je n'ai pas personnellement eu de très bonnes relations avec le
15 secrétariat fédéral pour la Défense nationale de la Yougoslavie et je
16 n'avais aucun contact personnel pendant une période presque trois mois,
17 puisque je n'étais pas d'accord certaines demandes qui avaient été faites à
18 ce moment-là. Je n'avais été en accord avec eux personnellement. Pour ce
19 qui est du gouvernement, je sais que le gouvernement était en contact avec
20 eux pour plutôt s'assurer que la population est défendue par la JNA, pour
21 calmer la situation au cours de ce premier mois, c'est ce qu'on leur avait
22 demandé de faire puisque nous avions de très mauvaises expériences
23 provenant de la Slovénie et de la Croatie. C'est là qu'il y a eu,
24 spontanément, des conflits armés, et notre gouvernement s'attendait à ce
25 que la JNA réussisse à calmer la situation et réussisse à empêcher les
26 confits. Pendant ce temps, l'assemblée du peuple serbe tentait, de concert
27 avec les autres membres en Bosnie-Herzégovine, de parvenir à des accords.
28 Il y a eu énormément de discussions, et je peux vous dire que je n'avais
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1 pas toujours connaissance de ce qui se disait, mais on m'informait et même
2 avant d'occuper mon poste, c'était connu dans les médias, donc j'en prenais
3 connaissance, mais je crois que ce Tribunal possède tous ces documents dans
4 lesquels on aborde ces sujets.
5 Mais pour parler de cette coopération, elle se limitait à la demande
6 formulée par les Serbes de Bosnie envers la JNA en leur demandant
7 d'empêcher les conflits et de ne pas permettre que les conflits persistent
8 et de défendre les peuples, les uns et les autres, et je peux vous dire
9 qu'ils ont réussi pour une plus grande partie. Cela a marché, pour vous
10 rappeler d'un événement lorsque la JNA s'était retirée de Zadar.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vois. Vous avez dit un peu plus
12 tôt que vous n'étiez pas d'accord avec certaines propositions faites à
13 l'époque, et c'est ce qui a causé ces mauvaises relations entre la JNA et
14 vous-même. Pourriez-vous expliciter un peu mieux de quoi il s'agissait
15 exactement, quelles étaient ces propositions avec lesquelles vous n'étiez
16 pas d'accord ?
17 R. Je n'étais pas d'accord avec Blagoje Adzic, c'était le ministre de la
18 Défense. Il s'appelait secrétariat fédéral pour la Défense nationale de la
19 Yougoslavie, c'était l'appellation à l'époque.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous nous dites que vous
21 n'étiez pas d'accord avec le fait que cet homme occupe ce poste ou était-ce
22 autre chose ?
23 R. Non, non, ce n'était pas cela qui me dérangeait le fait qu'il occupe le
24 poste qu'il occupait. Cela ne me préoccupait pas du tout. Je n'étais pas
25 d'accord avec la façon dont il abordait la situation en Bosnie-Herzégovine,
26 car nous voulions et nous insistions pour que les unités de la JNA, qui
27 s'étaient trouvées en Bosnie-Herzégovine, qui n'étaient pas encore sorties
28 de la Bosnie-Herzégovine puisqu'ils ont quitté la Bosnie-Herzégovine
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1 beaucoup plus tard, nous disions qu'ils n'avaient pas pris les mesures
2 nécessaires, les mesures qu'ils auraient pu prendre pour qu'il n'y ait pas
3 de conflits, et cetera. C'est avec cela que je n'étais pas d'accord parce
4 que je m'attendais à beaucoup plus et je le sais, j'ai été informé par le
5 premier ministre, c'est-à-dire, le commandant qu'il y avait un accord qui
6 existait entre Alija Izetbegovic, Radovan Karadzic et les autorités de
7 Belgrade pour que les unités de la JNA restent en Bosnie-Herzégovine pour
8 garantir la paix, pour empêcher les conflits et la guerre. On avait
9 également parlé d'une durée de cinq ans, d'une période d'une durée de cinq
10 ans. C'est cela qui me dérangeait. Je n'étais pas d'accord avec cela avec
11 le premier ministre Yougoslavie, puisqu'il n'avait pas assuré cela ou
12 plutôt s'il l'avait assuré, c'était avec des moyens assez limités.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que vous n'avez jamais reçu
14 des informations selon lesquelles les unités de la JNA aient pris part aux
15 activités de combat à l'époque, où il arrivait que du point militaire, le
16 pouvoir avait été pris dans certaines municipalités, des fois, le pouvoir
17 était entre les mains d'autres personnes, pas nécessairement en impliquant
18 l'armée. Est-ce que vous avez eu vent de telles implications, de telles
19 participations des unités de la JNA et des forces armées dans de telles
20 opérations ?
21 R. Je n'avais jamais reçu de telles informations, et je sais pertinemment
22 que ces unités n'avaient pas été déployées jusqu'à ce qu'elles ne reçoivent
23 l'ordre de se retirer en Yougoslavie. Elles sont restées, ces unités, dans
24 leurs casernes sans bouger, sans réagir pour ce que je sache, tout du
25 moins. Je n'avais pas de telles informations, ces informations que vous me
26 dites.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Selon vous, les unités de la JNA sont
28 restées là où elles s'étaient trouvées, elles sont restées passives jusqu'à
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1 leur retrait; c'est exact ?
2 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, c'est exact.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous n'étiez jamais, ou plutôt est-ce
4 que vous avez reçu des informations -- ou plutôt je vais reformuler ma
5 question. Je ne vais insister plus longuement là-dessus.
6 Je souhaiterais, en réalité, vous demander de prendre l'intercalaire 5, je
7 vous prie. Mme l'Huissière vous remettra l'intercalaire 5.Voilà, il s'agit
8 de la pièce P583, intercalaire 23. En anglais, c'est le point 10 à l'ordre
9 du jour de la page 4, en haut de la page. En B/C/S, c'est la page qui
10 contient le numéro 01245374. C'est l'avant-dernière page en B/C/S. Elle
11 porte le numéro 01245374.
12 Est-ce que vous l'avez trouvé, Monsieur Subotic ?
13 R. Oui.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous citer des extraits de ce PV
15 de la session du gouvernement. "Le gouvernement a examiné le rapport
16 proposé. Il a été conclu que la question d'échange de prisonniers est
17 extrêmement importante, complexe et délicate. Si une attention toute
18 particulière n'y est pas accordée, cela peut causer un certain nombre de
19 conséquences négatives pour l'ensemble de la République. Il a été conclu
20 qu'un groupe de travail composé du
21 Pr Branko Djeric, Milan Trbojevic, Dr Dragan Kalinic, Miso Stanisic, Bogdan
22 Subotic, Momcilo Mandic, devraient réfléchir sur tous les aspects du
23 problème d'échange de prisonniers, et que ces derniers devaient proposer
24 des solutions systématiques et autres, en se conformant aux règlements
25 internationaux. Il est tout à fait clair qu'il est urgent de résoudre ce
26 problème, et que les mesures concrètes et des dispositions afin de résoudre
27 ce problème devraient être prises le plus tôt possible."
28 Monsieur Subotic, est-ce que vous vous rappelez que l'on ait discuté de
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1 cette question lors de cette réunion du gouvernement ?
2 R. Oui, je me souviens.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pouvez-nous dire de quels prisonniers il
4 s'agit ici ?
5 R. Je pense qu'il s'agissait de détenus qui étaient détenus dans des
6 municipalités des deux côtés, qui avaient pris part aux conflits entre ces
7 groupes armés, et qui avaient été capturés à la suite de ces conflits
8 armés. Jusqu'au 12 mai - attendez, je vais voir la date. A l'époque, je
9 travaillais sur la rédaction de la loi sur la défense de l'armée. En tant
10 que ministre de la Défense, j'ai rédigé conformément avec la loi
11 internationale toutes les dispositions concernant le traitement des
12 prisonniers de guerre. J'ai demandé en tant que ministre de la Défense,
13 puisque la loi avait été rédigée, finalisée, j'ai donc remis une copie au
14 bureau du Procureur de ceci. Cette loi comprenait des instructions
15 spéciales sur le traitement des prisonniers détenus. J'ai signé en tant que
16 ministre, aux pages 189, 190 et 191. Cette loi a pris force le 13 juin.
17 Alors, vous verrez que cette session a été tenue deux jours après que cette
18 loi n'entre en vigueur. Nous avions des informations tout à fait, comment
19 je pourrais dire, modestes concernant les prisonniers qui étaient pris des
20 deux côtés dans des conditions locales. Nous savions quels étaient les
21 détenus qui étaient tenus prisonniers sur le territoire.
22 Il ne s'agissait pas là de conflits de guerre, mais c'était simplement
23 peut-être des conflits qui n'étaient pas soit pas planifiés ou des
24 conflits, des escarmouches qui n'étaient pas planifiées. C'est ainsi que
25 des deux côtés, il y a eu des prisonniers. Et dès que nous avions reçu ces
26 informations, le premier ministre a initié, puisque ces dispositions
27 avaient déjà été écrites, décrites et faites, donc il a proposé que l'on
28 procède à la réalisation et que l'on commence à mettre en vigueur ou en
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1 application les lois.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, vous avez employé les
3 mots "prisonniers de guerre." Vous avez également utilisé l'expression --
4 enfin, vous avez dit que des personnes avaient été capturées lors
5 d'escarmouches, et vous avez également utilisé les mots "personnes
6 détenues." Vous nous avez également dit que des prisonniers avaient été
7 pris des deux côtés à une échelle locale. Voilà, je voudrais vous poser une
8 question très claire. Est-ce que cette discussion portait exclusivement sur
9 les prisonniers de guerre ?
10 R. Oui, exclusivement sur les personnes qui avaient pris part aux combats,
11 effectivement, exclusivement sur eux. Si vous voulez, à l'époque, nous ne
12 les appelions pas prisonniers de guerre, bien sûr.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette Chambre a reçu un certain nombre
14 d'informations selon lesquelles, des deux côtés, des civils, y compris des
15 fois des femmes et des enfants, n'avaient pas la possibilité de se déplacer
16 librement. Ils étaient détenus dans des conditions décrites dans des
17 documents, comme étant des conditions qui représentaient des situations de
18 détention d'emprisonnement. Est-ce que vous n'avez jamais vu de tels
19 documents ? N'avez-vous jamais entendu parler de ce genre de choses ?
20 R. Non, je n'ai jamais vu de documents qui ont trait à cela, mais j'avais
21 entendu parler de ce genre de chose. En tant de ministre, je n'étais pas du
22 tout en faveur de ce genre de traitement, et j'ai exigé des organes du
23 gouvernement plus tard, lorsque l'armée avait été créée, de s'en tenir très
24 rigoureusement à cette disposition qui venait d'être écrite dans cette loi.
25 Outre ceci, le premier ministre avait également donné un ordre précis
26 concernant ces questions de détention. Je crois que les Juges de la Chambre
27 ont cet ordre.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous saviez que de
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1 telles choses se passaient et que vous étiez tout à fait contre ce genre de
2 chose. Est-ce que vous savez si des civils ou qui que ce soit aurait dû
3 être immédiatement libéré plutôt que d'être détenu quelque part pour servir
4 en tant que monnaie d'échange ?
5 R. Non, pas du tout. Je n'ai jamais donné de telles instructions, mais je
6 n'ai pas non plus eu l'occasion de voir une telle instruction.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ne trouvez-vous pas qu'il aurait été
8 plutôt approprié que le gouvernement ou que des membres du gouvernement
9 aient connaissance de ce genre de chose, pour être tout à fait clair en ce
10 qui a trait à l'adoption de leur position quant à sanctionner ce genre de
11 comportement ?
12 R. Voyez-vous, Monsieur le Président, ce groupe de travail qui avait été
13 créé, à l'époque nous avions de très mauvaises relations avec eux. Pour ce
14 qui est de l'ensemble du mois de mai et du mois de juin, nous avions de
15 très mauvaises communications avec le terrain, le gouvernement, donc
16 avaient de mauvaises communications. Les liens étaient plutôt établis par
17 le biais d'estafettes, de personnes qui se déplaçaient physiquement pour
18 transmettre les messages. Tout cela se passait assez lentement. Le groupe
19 de travail avait demandé, avait donné même l'ordre à toutes les
20 municipalités et à toutes les cellules de Crise de ne pas détenir qui que
21 ce soit, de procéder immédiatement par la Croix-Rouge internationale et de
22 libérer des deux côtés les personnes qui auraient pu se trouver dans des
23 centres de rassemblement. Je ne sais pas s'ils avaient des prisons, parce
24 que dans les prisons officielles qui se trouvaient dans la Republika
25 Srpska, sur l'ensemble du territoire, dans les villes, il n'y avait pas
26 d'endroit où on enfermait des civils ou d'autres personnes.
27 Pour ce qui est des membres, enfin des habitants, au niveau local,
28 qui procédaient à la création de prisons temporaires, je ne sais pas, je
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1 n'avais pas connaissance de cela puisque cela se rapportait plutôt aux
2 civils. Le ministère avait reçu des instructions précises d'entreprendre
3 des démarches conformément à la loi et de régler les choses en application
4 de la loi. C'est le ministre de l'Intérieur qui avait reçu une demande
5 stricte. Mes instructions avaient trait aux prisonniers de guerre, c'est-à-
6 dire, aux personnes qui avaient participé aux combats. C'est-à-dire,
7 lorsque l'armée, des deux côtés, emprisonne des combattants, des soldats,
8 cela se rapportait à ceci. J'avais écrit mes instructions conformément aux
9 conventions de Genève, mais cela ne se rapportait pas du tout aux civils,
10 aux femmes et aux enfants, parce que ce n'était pas du tout prévu que dans
11 le cadre d'une guerre on en fait des prisonniers.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je crois comprendre, partant de votre
13 réponse, qu'un groupe de travail a bel et bien été créé et qu'il a
14 fonctionné. Vous avez aussi dit qu'on avait requis un ordre pour faire en
15 sorte que ceux qui étaient détenus dans ces centres de rassemblement
16 devaient immédiatement être relâchés par les deux parties en présence pour
17 ce qui est des personnes se trouvant dans ces prétendus centres de
18 rassemblement. Alors, auriez-vous approuvé, vous ou le comité, vous, compte
19 tenu de votre position au gouvernement, et avez-vous procédé à la
20 vérification du fait du relâchement momentané de ces personnes détenues là-
21 bas ?
22 R. Je ne me suis pas penché sur le problème, mais je sais que le ministre
23 de l'Intérieur ainsi que les structures qu'il chapeautait s'en sont
24 occupés.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question a été celle d'apprendre ou
26 de vous demander si vous ou le comité avez procédé à des vérifications, au
27 sens large du terme, pour savoir si l'on a relâché dans l'immédiat les
28 personnes détenues dans ces centres de rassemblement.
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1 R. J'ai appris de l'existence du premier cas, en personne, lorsqu'il y a
2 eu ce centre de rassemblement à Prijedor. Jusque-là, en ma qualité de
3 membre du gouvernement et de ministre, je n'ai eu connaissance d'aucun cas
4 concret pour ce qui est de savoir qu'il y ait eu des cas de ce genre. Ce
5 n'est que dans le cas de Prijedor que j'ai appris la chose. Cela a
6 d'ailleurs été rendu public. Les organisations internationales et les
7 instances de la Bosnie-Herzégovine ont été mises au courant. Pour ce qui
8 est des traitements réservés et des actions prises vous êtes au courant,
9 vous en êtes au courant.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous parlez du centre de
11 rassemblement de Prijedor, je tiens à dire qu'il y a eu plusieurs endroits
12 dans Prijedor où des personnes ont été détenues. Du moins, c'est ce que
13 nous indique des éléments de preuve. Entre autres, il y a eu les sites
14 d'Omarska, Trnopolje et Karaterm. Quand vous vous référez au centre de
15 rassemblement dont vous avez entendu parler s'agissant de Prijedor, lequel
16 de ceux-là aviez-vous à l'esprit ?
17 R. Je n'ai eu vent que de ce centre de rassemblement à Trnopolje. Je n'ai
18 pas eu connaissance des autres. Ultérieurement, j'ai entendu effectivement
19 parler de Karaterm et d'Omarska, mais je n'ai pas eu l'occasion de
20 recueillir des informations directes à ce sujet ou d'avoir une
21 participation personnelle à tout cela. Par un concours de circonstances,
22 dirais-je, j'ai suivi le témoignage d'un Musulman ici au Tribunal, un
23 Musulman qui avait été détenu à Trnopolje, qui s'appelait Sejmenovic
24 Mevludin. Je l'ai suivi par hasard et j'ai pu voir sur l'internet sa
25 déposition, et on m'a fait savoir qu'il sortait du centre de rassemblement
26 pour se rendre à Bihac, pour se placer à la recherche d'issues de sortie
27 pour lui-même et il a dit qu'il n'y avait pas eu de gardiens ni de barbelés
28 du côté sud de ce camp ou ce qu'on avait qualifié de camp à l'époque.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, les témoignages
2 fournis par un témoin seront soupesés par la présente Chambre, et si tant
3 est que vous ayez eu l'occasion de suivre ce procès, je tiens à vous
4 informer du fait qu'il y a des faits qui ont fait l'objet de jugements
5 rendus et que la Chambre dispose.
6 R. Je veux bien le croire, Monsieur le Juge.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il importe de savoir ce que croit la
8 Chambre. Vous en votre qualité de témoin, vous n'êtes pas appelé à évaluer
9 les témoignages fournis devant ce Tribunal. Je vous prie de vous retenir à
10 ce sujet à l'avenir.
11 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, pour le besoin du
12 compte rendu d'audience, je tiens à faire remarquer que M. Subotic n'a pas
13 parlé de ce témoignage en se référant à ses souvenirs mais qu'il est en
14 train de lire un document qu'il a sous les yeux à cette fin.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, avez-vous apporté un
16 document parce que nous on ne voit pas, parce que votre pupitre est caché
17 par des moniteurs.
18 R. Non, non, non. Je n'ai pas de document. J'ai juste mis une phrase, le
19 nom de cette personne que j'avais récupéré sur l'internet. Croyez-moi bien.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais si vous l'avez écrit vous-
21 même, c'est tout de même un document. Pourriez-vous le lever pour que nous
22 puissions voir s'il s'agit bel et bien d'une seule page ou combien de pages
23 avez-vous sous les yeux ?
24 R. J'ai deux pages et ici il y a un passage que la dame peut vérifier.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je suppose que c'est dans votre langue.
26 Est-ce qu'on peut se pencher et voir un peu de quel type de document il
27 s'agit ?
28 R. Oui.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, j'ai la possibilité de
2 voir depuis l'endroit où je suis et j'ai pu voir que M. Subotic vient
3 d'arracher cela à un certain nombre de pages, mais il a certainement plus
4 que deux pages.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, lorsque je vous ai
6 demandé combien de documents ou combien de pages vous aviez là, avez-vous
7 mis de côté certaines de ces pages ?
8 M. TIEGER : [aucune interprétation] Il vient de le refaire, une fois de
9 plus, Monsieur le Président.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, combien de pages
11 aviez-vous devant vous lorsque vous avez donné lecture de cette ligne ?
12 R. Ce sont mes notes parce que je n'ai pas eu le temps de me préparer.
13 Voilà. Trois, quatre pages, quatre pages en tout. Je peux donner ceci à la
14 dame qui est à côté de moi, aucun problème à cela.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est tout ce que vous aviez devant
16 vous ?
17 R. J'ai aussi le texte de mes dépositions et j'ai le livre qui constitue
18 la loi relative à la Défense au niveau de l'armée. J'ai une cassette vidéo
19 que j'ai ramenée au cas où des questions venaient à m'être posées à ce
20 sujet.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, vous auriez dû
22 demander la permission de consulter des documents. Peut-être n'ai-je pas
23 été suffisamment clair pour ce qui est des instructions à vous donner. Mais
24 à partir de ce moment-ci, je vous informe que vous êtes censé demander
25 l'autorisation.
26 R. Je m'en excuse.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
28 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président --
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne savais pas que je
2 n'avais pas le droit de me référer à des notes, personne ne me l'a dit.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger ?
4 M. TIEGER : [interprétation] Pour le besoin du compte rendu d'audience, je
5 tiens à préciser qu'il y avait au moins cinq pages que j'avais vues.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, le nombre de pages que
7 j'ai pu compter est de cinq. Je crois que le compte rendu en a pris bonne
8 note.
9 Monsieur, pouvez-vous nous en dire davantage concernant le rôle que vous
10 avez joué au sein de ce groupe de travail ?
11 R. S'agissant de ce groupe de travail, mon rôle a consisté à voir si
12 l'armée de la Republika Srpska avait pris part à tout cela. Comme j'ai des
13 instructions au sujet des camps, je voulais apporter des éclaircissements
14 pour ce qui est du droit international régissant la guerre et c'était mon
15 seul rôle. Je ne suis pas allé sur le terrain. J'ai reçu des rapports et
16 c'est tout. C'est ce que j'ai appris de la bouche de personnes qui ont
17 travaillé à mes côtés au sein du gouvernement.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les situations autres où il y a eu des
19 sites de détention ont-ils fait l'objet de débats au sein de ce groupe de
20 travail, mis à part ce qui a fait partie du strictement militaire ? Vous
21 avez parlé : "De ce qui s'était passé au niveau local et de personnes
22 détenues," en avez-vous discuté au sein de votre groupe de travail ?
23 R. Ce groupe de travail-ci n'est intervenu qu'en l'occurrence.
24 Ultérieurement, il n'y a pas eu de mission durable à son intention. Ce
25 groupe n'a été créé que pour enquêter au sujet de la situation dont le
26 gouvernement avait parlé.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous dites "dans ce cas
28 particulier," auquel vous référez-vous ? Parce que j'ai l'impression que
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1 partant de cette session du gouvernement du 15 juin, il n'y a pas eu un
2 cas, mais que le problème a été de nature plutôt générale. Il s'est agi de
3 problèmes liés à des échanges de prisonniers. Or, vous êtes en train de
4 nous dire que le groupe de travail n'a débattu que sur un cas.
5 R. Comme vous pouvez le voir, Monsieur le Président, au point 10 de
6 l'ordre du jour de la session du gouvernement, il a été examiné une
7 situation. Pour dire vrai, je ne me souviens pas du tout de quoi avait
8 l'air l'information qu'on nous a communiquée. Peut-être que si je la
9 relisais, je pourrais me rafraîchir la mémoire. On nous a communiqué une
10 information, et en notre qualité de membre du gouvernement, on nous a
11 demandé de nous pencher sur le problème et de proposer des mesures à
12 prendre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, je n'ai pas mentionné
14 de cas concrets. Or, vous avez précisé que vous ne vous étiez penché que
15 sur ce cas particulier. Je vous demande quel est ce cas particulier dont
16 vous avez parlé. Vous aviez un groupe de travail entier qui ne s'est penché
17 que sur un cas particulier. Pourriez-vous vous rappeler du cas en
18 question ?
19 R. Je n'arrive pas ici à me souvenir si c'était en l'occurrence le cas de
20 Prijedor ou une autre situation. Je ne m'en souviens tout simplement pas.
21 Je ne l'ai pas gardé en mémoire.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cet ordre portant sur la libération
23 immédiate des personnes qui se trouvaient dans ces centres de
24 rassemblement, pouvez-vous me dire qui a donné cet ordre et à quelle date ?
25 R. Pour autant que je m'en souvienne, c'est le président de la république
26 qui a donné l'ordre, mais comme je n'ai pas mon aperçu sous les yeux,
27 d'après mes souvenirs de dépositions en 1997, je crois que c'est nous qui
28 avons communiqué ces ordres portant sur les prétendus camps ou autres
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1 situations, mais je ne m'en souviens pas trop. Je n'ai jamais eu cela entre
2 les mains pour que les choses restent fraîches en ma mémoire.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il vous aiderait si vous
4 pouvez vous pencher sur vos notes ?
5 R. Je n'ai pas de notes. Pour ce qui est des notes, j'ai ce cas de
6 Trnopolje où j'ai eu l'occasion de me pencher sur cette brève information
7 concernant le témoignage du dénommé Mevludin. C'est ce que j'ai noté, mais
8 rien d'autre. C'est surtout au sujet de Prijedor qu'il y a eu des
9 polémiques, Trnopolje ou Keraterm pour savoir si l'on avait pris des vues
10 de tels endroits ou de tels autres endroits. Pour dire vrai, je n'ai pas
11 été impliqué et je n'ai pas d'éléments de preuve dont je pourrais parler de
12 façon pertinente.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être, pendant la pause à
14 venir, la Chambre devra-t-elle se pencher sur les documents et ceux qu'il
15 conviendrait de vous montrer à ce sujet ?
16 [La Chambre de première instance se concerte]
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le Juge Canivell a une question pour
18 vous, Monsieur Subotic.
19 M. LE JUGE CANIVELL : Tout d'abord, vous avez mentionné dans votre dernier
20 "statement," numéro 16.
21 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Juge, je m'excuse, mais nous
22 n'entendons pas de traduction en anglais.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'entends le français sur le canal
24 anglais.
25 M. LE JUGE CANIVELL : Peut-être que je recommencerai. Cela nous permettra -
26 - maintenant, vous avez la traduction ?
27 Dans le paragraphe 16 de votre "statement," fait dernièrement pour cette
28 Chambre, vous dites que vous aviez appris que M. Izetbegovic avait
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1 manifesté l'intention de créer un Etat islamique et que la Bosnie-
2 Herzégovine deviendrait un Etat islamique et qu'il avait fait dans ce but
3 une déclaration, déclaration faite à Téhéran, selon laquelle il disait
4 qu'Allah avait donné aux Musulmans les droits de faire recours à tous les
5 moyens pour lutter contre les gens qui n'étaient pas des fidèles de
6 l'Islam. Vous avez dit, à ce moment-là, qu'à ce moment-là vous avez compris
7 qu'il allait se produire le massacre de Serbes et que cela déterminerait
8 l'existence d'une guerre civile. Vous pouvez expliquer quel serait selon
9 vous le mécanisme selon lequel se produirait cette guerre ? Cela serait
10 déclenché directement par les Musulmans dans ce but d'assujettir les Serbes
11 ou est-ce que ce serait les Serbes eux-mêmes qui commenceraient à faire la
12 guerre pour empêcher les intentions de M. Izetbegovic de devenir réalité ?
13 R. Je ne me suis pas penché sur la question, mis à part ce que j'ai lu et
14 je l'ai lu au moins dix fois la déclaration islamique d'Alija Izetbegovic.
15 Je l'avais lue même avant parce que c'est quelque chose qui avait été
16 publié quelques années avant le conflit survenu en Bosnie-Herzégovine. J'ai
17 considéré que ceci était très dangereux. Ceci était très extrémiste en ma
18 qualité d'homme, en ma qualité de soldat, de militaire professionnel.
19 J'avais compris que c'était là une sorte de menace. Du reste, Alija
20 Izetbegovic, d'après ce que j'ai pu suivre à l'époque au niveau du
21 parlement conjoint qui existait au début avant la reconnaissance de la
22 Bosnie-Herzégovine ou jusqu'au moment cette Bosnie-Herzégovine a été
23 reconnue comme étant un Etat indépendant, il a dit à peu près -- je ne vais
24 le citer à la lettre. Je dirais qu'il avait dit qu'il était prêt à
25 sacrifier la paix au profit de la Bosnie. En d'autres termes, c'est partant
26 de là que j'avais proposé à la personne qui s'était entretenue avec moi de
27 retrouver la déclaration islamique, de la lire de ses propres yeux parce
28 que je n'avais pas inventé la chose.
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1 Il y a là d'autres déclarations qui ont circulé dans l'opinion
2 publique en Bosnie-Herzégovine. J'ai une cassette vidéo, une interview d'un
3 professeur, un dénommé Miroljub Jevtic, originaire de Belgrade, qui a vaqué
4 à l'étude de la religion islamique. Si les Juges de la Chambre l'estiment
5 nécessaire, je peux vous confier la cassette pour qu'elle soit copiée. Il y
6 a d'autres déclarations encore qui ne font peut-être pas l'objet du présent
7 débat mais qui font certainement l'objet du conflit en Bosnie-Herzégovine.
8 Je vous propose de faire une copie de cette cassette. Je l'ai apportée
9 délibérément parce que c'est très spécifique et je dirais même très concret
10 avec les arguments qu'il faut, les documents, les revues, les livres qui
11 sont encore utilisés de nos jours en Bosnie-Herzégovine, qui sont approuvés
12 par le gouvernement actuel de la Bosnie-Herzégovine. Vous y retrouverez
13 tout dans le concret. Je n'ai pas tout pu retenir tout moi-même, mais j'ai
14 apporté la cassette si vous estimez que cela peut avoir quelque poids à vos
15 yeux.
16 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]
17 M. LE JUGE CANIVELL : Merci beaucoup, Monsieur. Ce n'est pas ce que je vous
18 avais demandé. Ce que je vous avais demandé, est-ce que vous avez eu une
19 impression à ce moment-là qu'une guerre civile s'en suivrait. Je vous ai
20 demandé, avez-vous pensé quel serait le mécanisme de déclenchement de cette
21 guerre civile, soit, cela aurait été les Musulmans qui auraient commencé
22 cette guerre pour s'exterminer ou vous avez pensé que c'étaient les Serbes,
23 eux-mêmes, qui en anticipant une extermination possible auraient déclenché
24 la guerre ? Quelle était votre impression, la première ou la seconde ?
25 R. J'ai compris votre question. En ma qualité de militaire professionnel,
26 Monsieur, j'ai eu peur du fait de ces déclarations-là. Personnellement,
27 j'ai été très profondément convaincu du péril qui menaçait, d'une guerre
28 entamée par les Musulmans.
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1 M. LE JUGE CANIVELL : Bon. Plus tard, dans le même "statement," vous
2 avez dit, qu'à un certain moment, il était évident que Lord Owen était
3 partiel et qu'il avait des sympathies de la part des Musulmans. Tout ceci,
4 vous avez mentionné auparavant, c'est-à-dire, toutes ces questions des buts
5 qui s'étaient empressés [phon] les Musulmans de convertir la Bosnie dans un
6 Etat islamiste, toutes ces questions, disons, de la partialité de Lord
7 Owen, c'est-à-dire, toute cette question de la situation d'affrontement
8 entre les Musulmans et les Serbes, est-ce que c'était une idée généralement
9 acceptée par une bonne majorité de la population serbe de la Bosnie-
10 Herzégovine ?
11 R. Je ne peux pas affirmer cela pour ma part. Je sais que dans le milieu
12 où j'ai résidé et où j'ai travaillé, il n'y a pratiquement pas eu
13 d'exceptions dans ce type de réflexion. Je ne puis que supposer que dans
14 les autres régions, les gens réfléchissaient d'une façon analogue. Du
15 reste, de nos jours encore, ils réclament la suppression de la Republika
16 Srpska, de cette entité. Ils n'y renoncent toujours pas.
17 M. LE JUGE CANIVELL : Je vous remercie. Finalement, je vous ferai référence
18 au paragraphe 35 de votre dernier "statement," dans lequel vous dites que
19 même si le général Mladic était possiblement capable d'être en désaccord
20 avec le Dr Karadzic. Néanmoins, il animait une action indépendante,
21 néanmoins, finalement, il se soumettait à la direction du leadership des
22 Serbes de Bosnie, que c'était celle-ci qui fixait les objectifs pour les
23 opérations militaires. Vous réaffirmez dans cette manifestation que vous
24 avez faite ?
25 R. Monsieur le Juge, ma déposition se rapporte, en l'occurrence, à
26 l'opération Igman. En d'autres termes, il y a eu un conflit entre deux
27 parties, entre deux armées. Le général Mladic avec ses unités avait été
28 dans une position avantagée. Lord Owen a contraint la direction de la
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1 Republika Srpska à stopper l'opération. C'est là que le général Mladic
2 s'était disputé avec le commandant suprême. Je l'ai dit en ma qualité de
3 militaire. Chaque soldat, au niveau de toutes les armées du monde, a pour
4 mission d'incapaciter [phon] son ennemi et de réaliser ses devoirs. En ma
5 qualité de militaire, j'ai estimé - et c'est probablement le seul cas, où
6 intimement, je me suis mis du côté du général Mladic, je ne l'ai pas
7 déclaré, je ne pouvais pas fournir d'observation ni de louange à l'adresse
8 de quiconque, je ne n'avais pas ses fonctions-là à l'époque. Mais j'ai dit
9 ce qui a été mon opinion personnelle. C'était bien vrai. Pendant la guerre,
10 bien des fois la communauté internationale a stoppé des opérations de
11 l'armée serbe. Je n'ai pas connaissance d'un seul cas où elle serait
12 intervenue pour stopper des opérations militaires de l'armée musulmane. Je
13 le dis en ma qualité d'individu, de personne humaine. J'ai le droit de le
14 dire, parce qu'il y a des centaines d'éléments de preuve à l'appui.
15 M. LE JUGE CANIVELL : Je vous remercie. Mais justement, ce qui m'intéresse
16 surtout de savoir, quand je vous ai posé ma question, ce n'était pas
17 seulement s'il s'agissait d'un fait particulier à l'occasion de cette
18 opération de mont Igman. Ce que vous dites dans ce paragraphe est dit en
19 termes généraux. Vous le maintenez aussi maintenant dans ces termes
20 généraux, et pas seulement en rapport de cette opération qui s'est produite
21 au mont Igman ?
22 R. Cela n'a pas été en vigueur pour les autres situations. Ici, j'avais
23 concrètement à l'esprit l'opération Igman.
24 M. LE JUGE CANIVELL : Il y a une autre question qui m'intéresserait à
25 savoir de vous. Vous dites au paragraphe 41 de la même déclaration que vous
26 avez fournie plus récemment, que les cours militaire avaient fait des
27 investigations et des poursuites dans tous les cas commis de violations des
28 droits humains, et même que ces cours avaient produit autour de 300 arrêts
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1 sur les crimes qui avaient été commis contre les Musulmans et les Croates.
2 Est-ce que vous connaissez les contenus, l'intendance expliquée dans ces
3 300 jugements ? C'étaient des décisions condamnatoires ou acquittées ?
4 Quelle était la direction dans laquelle ces 300 arrêts se sont produits ?
5 R. Monsieur le Juge, j'ai eu l'occasion de voir ces jugements, d'avoir une
6 espèce d'aperçu au sujet de ces jugements rendus. Ce sont les tribunaux
7 militaires de la Republika Srpska qui les ont rendus. Ils en ont rendu au
8 moins 300 de ces jugements - il y en a peut-être davantage ultérieurement
9 - concernant des crimes commis par des Serbes à l'égard d'une population
10 non-serbe. Si mes souvenirs sont bons, je n'ai plus ce papier, ce document,
11 mais le procureur militaire de la Republika Srpska a eu des contacts avec
12 le Tribunal de La Haye. Je pense qu'il a dû confier ces documents. Je sais
13 que ces jugements rendus à plus de 90 % étaient des jugements rendus au
14 détriment de ces personnes en application des lois en vigueur. Je n'oserais
15 pas dire qu'il y a eu des sentences prononcées à chaque fois, mais je crois
16 que la plupart des cas se sont traduits par des jugements rendus dans 90 %
17 des cas. Je sais que le procureur militaire, qui est devenu ensuite
18 procureur de la Republika Srpska, a eu plusieurs contacts avec le TPIY. Je
19 n'ai aucun renseignement pour ce qui est de savoir si de tels jugements
20 étaient rendus par la partie adverse dans des cas analogues les concernant.
21 Il se peut que oui, mais je n'ai pas d'information.
22 M. LE JUGE CANIVELL : Il y a eu beaucoup de cas dans lesquels le résultat
23 était similaire à celui de Koricanske Stijene, c'est-à-dire, une fois que
24 vous avez entamé les poursuites, on a finalement arrivé à trouver les
25 personnes suspectées ou même accusées, et alors, on a laissé tomber les
26 résultats…
27 R. Je n'ai pas connaissance du détail de ce qui s'est passé. Je sais ce
28 que les médias ont publié, à savoir que l'un des intervenants de Koricanske
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1 Stijene a été condamné ici à La Haye. C'est ce que j'ai cru comprendre.
2 D'après des informations officieuses qui me sont parvenues suite à des
3 renseignements que j'ai demandés au MUP de Banja Luka, il y aurait eu deux
4 auteurs sur trois, d'après ce qu'on m'a dit, il y aurait eu deux personnes
5 qui auraient péri pendant la guerre au sein des unités de la Republika
6 Srpska. S'agissant des cas dont j'ai parlé, à savoir, des 300 jugements
7 rendus, je pense que ce n'était pas de ce type-là. Il y avait, par exemple,
8 une ou deux victimes, une ou deux personnes tuées. Je ne pense pas qu'il y
9 ait eu des cas d'exécutions massives. Je n'ai pas de renseignement pour ce
10 qui est de savoir si les condamnations ont été purgées, les peines ont été
11 purgées. Je sais que des peines ont été prononcées en application des lois
12 et des règlements militaires. Je n'ai pas eu l'occasion pour ma part
13 d'apprendre si les peines ont été purgées, mais je pense que le problème ne
14 se poserait pas pour ce qui est de le vérifier.
15 M. LE JUGE CANIVELL : Vous avez vu le contenu de ces condamnations ?
16 Quelles étaient les peines auxquelles étaient assujetties les personnes
17 condamnées ? Vous vous rappelez ? C'était une longue peine de prison,
18 c'étaient des peines d'amendement ?
19 R. Disons, que je me souviens de certaines d'entre elles. Je ne peux pas
20 être concret. Je crois qu'il y a eu neuf ans, huit ans, 13 ans
21 d'emprisonnement, comme peine prononcée. C'est ce que j'ai gardé en
22 mémoire. J'avais cet aperçu en main, peut-être aurais-je retrouvé ce
23 document si j'avais eu le temps de le rechercher. Peut-être aurais-je pu
24 l'apporter. Je suppose que le Tribunal doit forcément avoir ce document.
25 M. LE JUGE CANIVELL : Pour ce qui est dans notre système juridique pénal
26 militaire, il est possible de la condamnation en l'absence de la personne
27 accusée ou si cette personne est disparue, on ne peut pas prononcer un
28 arrêt condamnatoire ?
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1 R. Je n'en suis pas tout à fait certain, mais je crois que cette
2 possibilité existe, du moins, je ne pourrais pas le garantir. Sur le
3 principe, je crois que cela doit être possible.
4 M. LE JUGE CANIVELL : Je vous demande, parce que certains membres, vous
5 dites, par exemple, quand vous vous êtes référé à Koricanske Stijene, que
6 les personnes qui étaient suspectées et étaient censées être trois
7 policiers dont les membres de leurs familles avaient été tués, que ces
8 trois policiers, vous dites tout simplement, qu'ils avaient échappé aux
9 poursuites qu'on a faites. Vous savez néanmoins, peut-être, que plus tard,
10 au moins un d'eux a été retrouvé menant une vie normale en Bosnie-
11 Herzégovine, au sein de la Republika Srpska, et a été transféré à ce
12 Tribunal et condamné plus tard. Vous n'avez pas de nouvelles des autres
13 personnes qui ont été dans la même situation ?
14 R. Bien, oui.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne sais pas s'il y a eu une bonne
16 traduction, mais dans la version anglaise, on dit que les deux autres ont
17 été tués dans des combats ailleurs dans la Republika Srpska. Vous vous êtes
18 référé --
19 R. Oui, oui, c'est ce que j'ai dit. C'est ce que j'ai appris à titre
20 officieux. Je n'ai pas eu de document concret entre les mains. Mais
21 lorsqu'on a jugé l'un des hommes, on avait dit que les deux autres ont été
22 tués au combat.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Peut-être est-ce là une question
24 d'interprétation. Parce que d'habitude, j'écoute la cabine anglaise. Donc,
25 vous avez témoigné, et bel et bien dit que les deux autres ont été tués au
26 combat. C'est ce que vous avez appris à titre officieux, n'est-ce pas ?
27 R. C'est exact. C'est exact.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Veuillez continuer, je vous prie.
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1 M. LE JUGE CANIVELL : Est-ce que vous pensez qu'il y avait d'autres
2 personnes ? Vous dites, n'est-ce pas, ne pas savoir si les peines
3 prononcées avaient été finalement appliquées ou pas. C'est ce que vous nous
4 avez dit, n'est-ce pas ?
5 R. Pour ce qui est des jugements rendus au niveau militaire, c'est ce que
6 j'ai dit. Je n'en n'ai pas connaissance.
7 M. LE JUGE CANIVELL : Je vous remercie, Monsieur. Je n'ai plus de
8 questions.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juge Hanoteau a une question pour vous.
10 M. LE JUGE HANOTEAU : Je voudrais savoir, Monsieur, lorsque vous étiez aux
11 affaires, lorsque vous étiez aux affaires du gouvernement, est-ce que vous
12 avez entendu parler d'un Milorad Davidovic ?
13 R. Milorad Davidovic, dites-vous ? Non. Ce nom ne me dit rien. J'ai connu
14 un Davidovic qui avait été ministre, mais son prénom n'était pas Milorad.
15 Je n'ai pas connu d'autre Davidovic.
16 M. LE JUGE HANOTEAU : Est-ce que vous avez entendu parler d'un accord passé
17 avec le fédéral MUP aux termes duquel celui-ci a envoyé un nommé Milorad
18 Davidovic avec un groupe de policiers pour essayer de contrôler, maîtriser
19 l'action de paramilitaires ?
20 R. Je n'en n'ai pas connaissance. Je ne le sais pas.
21 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous n'avez jamais entendu parler de cela ?
22 R. Rien.
23 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci beaucoup, Monsieur.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, je veux vous ramener
25 pour un instant à votre déclaration au sujet des vues prises, comme vous
26 l'avez dit dans votre déclaration. Est-ce que les gens de la Republika
27 Srpska ont su qu'il y a eu montage et que les prises n'ont pas été faites
28 au camp mais à un autre endroit ?
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1 Ces vues ont-elles occasionné une inquiétude quelconque au niveau des
2 instances du gouvernement ?
3 R. Non. Ce que je peux vous dire --
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non. Vous venez de dire que cela n'a pas
5 généré de préoccupations. Les gens de la Republika Srpska, avez-vous dit,
6 et on pensait qu'il s'agissait d'un montage. Les gens ont-ils eu
7 connaissance de ces images, de ces vues ?
8 R. La plupart des gens --
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Allez-y.
10 R. La plupart des gens estiment que ce sont des photos truquées. Du reste,
11 la presse européenne, la presse internationale a pondu ce type
12 d'information et c'est ce qui a grandement aidé à faire en sorte que cette
13 opinion prévale sur la Republika Srpska, et bien entendu, certaines
14 déclarations faites ici par des témoins.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'essaie de me centrer en ce
16 moment-ci sur le moment où ces vues ont été publiées, pas pour ce qui est
17 des dires ultérieurs vrais ou faux. Vous ai-je bien compris que vous
18 parlez, à l'époque concernée, de l'absence d'une préoccupation particulière
19 à cet égard ?
20 R. Ce que je veux dire, c'est que les gens n'y croyaient parce que ce
21 centre de rassemblement n'a pas été un lieu de torture pour qu'un homme ait
22 pu devenir maigre à ce point-là en quelques jours, parce qu'ils ont eu à
23 manger, ils pouvaient sortir de là. Ils n'y ont passé qu'un certain temps.
24 Ils ont trouvé cela plutôt bizarre et n'ont pas estimé que cela puisse être
25 vrai.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous êtes en train de parler de gens,
27 mais est-ce que nous parlons de citoyens ordinaires de la Republika
28 Srpska ? Nous sommes en train de parler de l'époque et non pas du temps
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1 présent. Est-ce que c'est ce qu'ils ont pensé à l'époque ? Est-ce qu'à
2 l'époque, ils n'y ont pas cru ?
3 R. Je sais que ceux qui ont fait partie de mon entourage n'y ont pas cru.
4 Personnellement, je n'y ai pas cru.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous venez de dire que cela ne
6 pouvait pas être vrai puisqu'ils ont eu à manger, qu'ils pouvaient s'en
7 aller, et cetera. Quelle a été la source des connaissances qui étaient les
8 vôtres pour ce qui est de la disponibilité des vivres, pour ce qui est de
9 la liberté de s'en aller ?
10 R. L'une des sources, c'est que la population de Prijedor l'a dit.
11 Deuxièmement, ce camp de rassemblement a été mis sur pied pour abriter
12 cette population afin que les combattants qui se sont manifestés --
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous parlez des gens de Prijedor,
14 qui sont-ils ?
15 R. Les citoyens, la population civile.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dois-je comprendre que vous avez été en
17 contact direct avec des citoyens de Prijedor qui vous ont dit ce qu'il en
18 était ou quoi ? Comment dois-je comprendre votre témoignage ?
19 R. Ultérieurement, c'est ce que les gens m'ont dit plus tard, pas à
20 l'époque des événements même.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai demandé tout à l'heure de
22 vous centrer uniquement sur ce que vous avez pensé et senti à l'époque.
23 Quelle a été à l'époque la source de votre connaissance disant que cela ne
24 pouvait pas être vrai puisque les gens avaient à manger et pouvaient se
25 déplacer ? Qu'est-ce qui vous a à l'époque fait penser que les gens avaient
26 à manger et qu'ils ont eu la possibilité d'entrer et de sortir ?
27 R. Pour ce qui est de l'époque concernée, je n'ai pas d'arguments fiables
28 à avancer. Je ne puis vous mentionner que l'information qui a été
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1 communiquée par le MUP au gouvernement de Pale, et qui a été également
2 communiquée par la municipalité de Prijedor. Personnellement, je n'aurais
3 vu rien de tout cela. Suite aux informations qui nous ont été communiquées,
4 je ne pouvais pas croire que quelqu'un eusse pu torturer les gens de cette
5 façon-là. Je ne me suis appuyé que sur ces informations-là.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Certes. Vous avez parlé de photos. Est-
7 il vrai qu'il n'y a pas que des photos mais également une couverture vidéo
8 de ce qui s'est passé, mis de côté le fait de savoir si c'est ce qui s'est
9 vraiment produit ou si c'est une falsification ?
10 R. Cela nous a été montré à la télévision, diffusé en public.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire à la télévision serbe
12 ou à la télévision de Republika Srpska ?
13 R. Oui, oui. Cela a été repris par les journaux.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans votre presse locale, dans la presse
15 de la Republika Srpska ?
16 R. Oui, oui, justement. L'homme maigre qu'on a vu derrière les fils, c'est
17 lui qu'on a montré.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous a-t-on montré rien que la photo ou
19 le matériel vidéo ?
20 R. La vidéo aussi, sur la cassette, mais voyez-vous, parmi tous ceux qui
21 étaient à côté du fil, il était le seul à être maigre. M. LE JUGE ORIE :
22 [interprétation] Je ne vous ai pas demandé de commenter ce qui a été
23 montré. Je voulais savoir où cela a-t-il été présenté ? Est-ce que vous
24 pensez avoir des raisons de croire que ceci a été tourné ? Et à ce sujet,
25 avez-vous connaissance du fait que ces images n'ont pas été perçues de la
26 même façon par la presse internationale et ils n'ont pas estimé, eux, que
27 cela a été truqué ?
28 R. Oui, je crois que c'est le dénommé Mazovjtski, qui a été présent là-
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1 bas. J'ai appris cela. Ce qui était étrange, c'était de voir qu'il n'y
2 avait que cet homme-là à avoir cet aspect et que les autres autour de lui
3 avaient un aspect normal.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, c'est exactement la raison pour
5 laquelle je vous demande si vous avez vu le clip vidéo, si vous n'avez vu
6 qu'une photo ?
7 Mais bon, --
8 R. Monsieur le Juge, Monsieur le Président, j'ai vu la vidéo complète où
9 on a vu des dizaines de gens, et cet homme-là se trouvait en gros plan.
10 J'ai oublié son nom. Je ne me souviens plus. Cet homme sans chemise, très
11 maigre. Tous les autres autour de lui, c'étaient des gens tout à fait
12 normaux. Ils n'étaient pas si maigres. C'est ce qu'on nous a montré à
13 plusieurs reprises à la télévision, à la télévision serbe.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Quelle est l'opinion que vous avez
15 de l'interprétation faite par les médias étrangers qui est tout à fait
16 différente de l'interprétation que vous faites de ces images ? Avez-vous
17 une raison particulière de ne pas croire à l'interprétation faite par les
18 médias étrangers au sujet des ces images ?
19 R. J'ai des raisons de douter de l'exactitude de la chose parce que M.
20 Mazovjtski s'était prononcé de façon tout à fait partiale sur toutes les
21 questions et il a très mal coopéré avec la partie serbe à tout point de
22 vue. C'est la raison pour laquelle mon impression est celle que je vous ai
23 dite.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. M. Mazowiecki était-il un
25 reporter ?
26 R. Non. C'était un représentant international. Je pense qu'il était
27 Polonais. Peut-être ne me suis-je pas bien exprimé, mais son rôle était
28 celui-là.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne voudrais pas que nous mélangions
2 les choses, rapport officiel et rapport de la presse. Nous sommes en train
3 de parler du clip vidéo ou de la couverture vidéo d'un élément au sujet
4 duquel vous avez dit que c'était faux, et que cela différait du rapport
5 officiel des Nations Unies. Avez-vous pu voir des publications étrangères
6 ou à votre avis, partant de la teneur de ce document, et je ne parle pas
7 seulement du clip vidéo mais je parle également des autres informations,
8 commentaires au sujet de ce qui s'est passé, se peut-il qu'il y ait eu de
9 la vérité dans les récits de la presse étrangère ?
10 R. Monsieur le Président, je n'affirme pas du tout que cela soit truqué.
11 Je n'ai pas du tout l'intention de le faire. Vous m'avez demandé quels
12 étaient mon impression et mon sentiment. Je vous l'ai dit. Je n'ai pas
13 affirmé non plus qu'il n'y a pas eu de centre de rassemblement. Ce centre a
14 existé et je le condamne.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, cela n'a pas été ma
16 question. Ma question a été celle de savoir, s'agissant du fait de vous
17 décider et de considérer cela vrai ou pas, et là, ce n'est pas l'objet de
18 l'intérêt que nous apportons à la chose, mais avez-vous pensé que ce qui a
19 été publié au sujet de cette photo et du clip vidéo, s'agissant de ce que
20 la presse étrangère en a dit, l'avez-vous pris en considération ?
21 R. Je n'ai pas su dans le détail ce que la presse étrangère a publié à ce
22 sujet, mais cette partie-là, à mon avis, a été très suspecte. Ce que j'ai
23 trouvé suspect, c'est de voir rien que cet homme-là maigre à ce point et
24 pas les autres. Je ne mets pas en doute le fait qu'il y ait eu des cas tels
25 que ceux qu'on a rapportés. Je ne les mets pas en doute, et je n'ai pas
26 d'éléments de preuve à avancer pour contrecarrer tout cela.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Avez-vous pu suivre ? Vous dites
28 que vous n'avez pas vu le détail, mais avez-vous pu avoir une idée générale
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1 de ce qui s'est publié à l'étranger ?
2 R. A l'époque concrète des événements, non. Ultérieurement, lorsque la
3 polémique a été entamée entre les différents médias, entre notre Etat et
4 d'autres, c'est là que j'ai davantage eu l'occasion de le suivre. Mais très
5 sincèrement au moment même, je n'ai pas été en position de suivre ce qu'ont
6 dit les étrangers.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quand vous dites "ultérieurement," à
8 quelle période de temps vous référez-vous ?
9 R. Quand je dis ultérieurement, c'est quand il y a eu des débats, des
10 discussions, des procès.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire après la guerre ?
12 R. Oui, oui, après la guerre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une dernière question, pour ce qui me
14 concerne. Vous nous avez dit plus tôt qu'il y a eu des ordres disant que
15 tout un chacun devait être relâché de ces centres de rassemblement. Dans
16 votre déposition vous dites : "J'aimerais ajouter," mais cela doit être à
17 une phase ultérieure, "qu'un ordre additionnel a été donné par le président
18 de vérifier toutes ces assertions, et de vérifier ce qui se passait." Vous
19 estimez que cela a pu se produire en automne 1992. Cet ordre dans votre
20 déposition semble être un ordre d'enquêter plutôt qu'un ordre de relâcher
21 immédiatement toute personne qui serait retenue dans des centres de
22 rassemblement. Par conséquent, j'essaie de déterminer s'il y a eu un ordre
23 disant de façon spécifique qu'il fallait "Immédiatement relâcher toute
24 personne détenue dans un centre de rassemblement."
25 R. Pour autant que je m'en souvienne, il y a eu un ordre de donné quelques
26 jours à peine suite à la publication de cette situation, et un ordre a été
27 donné pour régler la chose.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci.
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1 Juste avant de passer à la pause, vous avez proposé une vidéo.
2 Monsieur Subotic, nous avons souvent adopté une approche disant que vous
3 dites souvent qu'il faudrait se pencher sur la vidéo que vous avez apportée,
4 mais les parties en présence devront en décider. Toujours est-il, Monsieur
5 Subotic, qu'il serait bon de remettre l'enregistrement vidéo au Greffier,
6 et les parties en présence nous diront ce qu'il conviendra d'en faire.
7 Deuxièmement, et je m'adresse maintenant aux parties en présence. Comme
8 vous le savez, la présente Chambre de première instance a toujours été très
9 intéressée par toutes les informations et enregistrements concernant les
10 crimes commis par les Serbes à l'égard des Musulmans et Croates. Toutefois,
11 j'estime que si véritablement il y a une liste de 300 jugements rendus à
12 l'encontre d'auteurs de délits au pénal, il conviendrait d'avoir une
13 information. Je crois ne pas me rappeler d'en avoir entendu parler dans le
14 contexte de la présentation des éléments de preuve à décharge. Le témoin
15 dit qu'il n'en dispose plus. Ce que je voudrais savoir c'est s'il existe
16 véritablement une telle liste auprès de l'une ou l'autre des parties en
17 présence et se peut-il que ce soit une liste qui n'ait pas été présentée.
18 J'aimerais bien savoir de quoi il en retourne. Je tiens à répéter que les
19 Juges de la Chambre sont toujours intéressés par la possibilité de voir si
20 véritablement, sur les lieux, il y a eu des mesures de prise pour entamer
21 des procédures au pénal à l'égard de Serbes qui auraient commis des crimes
22 contre des Musulmans ou Croates.
23 Si cette information existe, les Juges de la Chambre aimeraient l'avoir et
24 si vous la retrouvez, j'aimerais que vous la présentiez à la Chambre.
25 Nous allons faire une pause de 25 minutes à présent. Nous allons reprendre
26 à 13 et quart. Nous allons travailler encore trois quarts d'heure et nous
27 nous arrêterons à 2 heures. Peut-être au tout début faudra-t-il parler de
28 quelques questions de procédure suite à quoi je donnerai la parole à
Page 26523
1 l'Accusation pour ce qui est de ses questions à l'intention de M. Subotic.
2 Nous allons reprendre à 13 heures et quart.
3 [Le témoin se retire]
4 --- L'audience est suspendue à 12 heures 50.
5 --- L'audience est reprise à 13 heures 24.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre voudrait d'abord traiter de
7 certaines questions de procédure. Pour cela, je souhaiterais que nous
8 allions à huis clos partiel pour un instant.
9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes en audience à huis clos
10 partiel, Monsieur le Président.
11 [Audience à huis clos partiel]
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13 [Audience publique]
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Il reste une question qui est de
15 vérifier la traduction de ce qu'a dit M. Krajisnik en tant que témoin à la
16 page 26 045. La Chambre est en train d'examiner la question de voir que
17 ceci puisse être résolu, cette question. Je vérifie si les mots de M.
18 Krajisnik ont été correctement traduits. Ceci sera fait sur la base de
19 l'enregistrement audio et avec l'aide du CLSS.
20 M. STEWART : [interprétation] Je suis très reconnaissant de cela. Je
21 voudrais dire sur ce point, que M. Krajisnik lui-même a exprimé des
22 inquiétudes à ce sujet, que je transmets maintenant à la Chambre.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Une partie de ceci a été réglée en ce
24 qui concerne ce qu'il a dit sur le point de savoir s'il savait si c'était
25 monsieur X, oui ou non, mais cette question n'a pas été résolue.
26 M. STEWART : [interprétation] Oui. Je vous remercie, Monsieur le Président.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En ce qui concerne le calendrier, il y a
28 eu une demande pour que les dernières plaidoiries soient entendues en
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1 commençant le 29 août plutôt que le 30 août. Les parties sont d'accord sur
2 cela. La demande de l'Accusation est que le calendrier soit modifié pour
3 commencer le réquisitoire et les dernières plaidoiries le 29 août, et il
4 est fait droit à cette demande.
5 Ensuite, les parties ont également insisté pour voir si elles pouvaient
6 fournir l'article de Kozarski Vjesnik intitulé "Sans censure." La Chambre a
7 déjà demandé aux parties de voir si elles pouvaient retrouver cette
8 interview. Nous n'avons plus entendu quoi que ce soit à ce sujet par la
9 suite. Il se peut que ce soit important pour la déposition que nous devons
10 entendre la semaine prochaine de pouvoir en disposer, tout au moins, qu'il
11 soit disponible pour les membres de la Chambre.
12 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je voudrais préciser
13 une chose en ce qui concerne ce que vous avez dit pour ce qui est de
14 commencer le 29 août plutôt que le 30 août, de façon à ce que l'on
15 comprenne clairement ce que la Défense a accepté. Nous avons accepté, lors
16 de nos discussions très amicales avec
17 M. Harmon et moi, comme toujours, nous avons accepté que la Défense ne
18 soulève aucune objection à cet ajustement d'une journée en reportant du 30
19 au 29 août, mais il ne s'agit que de cela. La Défense, s'il vous plaît, il
20 ne faut pas comprendre que la Défense ait été d'accord pour que ce soit une
21 autre date dans l'ensemble, dans le cadre général. C'était simplement un
22 ajustement pour lequel nous n'avions pas d'objection.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Etant donné la situation, ceci
24 n'est pas conforme avec ce que vous souhaitiez, les changements d'une
25 journée. Vous êtes d'accord pour cela, mais vous pensez quand même qu'il
26 convient que ceci ait lieu d'une façon à un moment différent --
27 M. STEWART : [interprétation] S'il s'agit du 30, nous n'avons pas de
28 problème que ce soit le 29 à la place du 30.
Page 26528
1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est clair.
2 Ces questions procédurales étaient celles dont je voulais vous
3 parler.
4 M. JOSSE : [interprétation] Pourrais-je mentionner, je crois qu'il s'agit
5 du D174 et 175. La Chambre a demandé quelle était la provenance de ces
6 documents. La réponse est Mali Dom à Pale.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mali Dom à Pale. Et vous dites que
8 c'était 174 et 175. Merci, Maître Josse, de ce renseignement.
9 Madame l'Huissière, pourriez-vous, s'il vous plaît, faire entrer le témoin
10 à nouveau dans la salle d'audience, bien que nous n'ayons plus que 25
11 minutes. Oui, parce que nous allons siéger jusqu'à 14 heures et nous
12 reprendrons à 15 heures. Donc, il reste
13 25 minutes avant la prochaine suspension.
14 Pourrais-je peut-être demander aux parties. On se réfère très souvent
15 à des images ou des vidéos qui, pour autant que je le sache, n'ont pas été
16 présentées comme éléments de preuve. Je crois essentiellement, parce que
17 Trnopolje est couvert en général par des faits sur lesquels il y a eu
18 constat judiciaire. Néanmoins, la question a été évoquée si souvent, qu'il
19 s'agit de questions que l'on retrouve dans les journaux. Ce ne serait peut-
20 être pas une bonne idée - enfin, je voudrais juste pour illustrer que -
21 peut-être qu'il faudrait que ceci soit déposé comme élément de preuve
22 aussi.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord, Monsieur le
24 Président. Bien entendu, les membres de la Chambre ont raison que ce n'est
25 pas simplement pour les faits pour lesquels il y a constat judiciaire que
26 ces renseignements auraient pu être disponibles.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si la Défense souhaite prendre une
28 position différente, alors --
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1 M. JOSSE : [interprétation] Je voudrais savoir si cela va ou non être
2 déposé comme élément de preuve. Peut-être qu'on pourrait discuter de cette
3 question avec mon confrère, M. Tieger, et voir si nous pouvons parvenir à
4 un accord.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il s'agit de quelque chose,
6 une vidéo clip.
7 M. TIEGER : [interprétation] Nous pouvons regarder ceci pendant nos
8 discussions plus particulièrement. Il semble qu'il y ait là des documents
9 supplémentaires de ce genre qui pourraient nous aider.
10 Bien entendu, je porterai cela à l'attention de Me Josse, et nous pourrons
11 en discuter.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Cette demande est sûrement limitée à
13 cette documentation. Bien entendu, si vous souhaitez en discuter, à ce
14 moment-là, il n'y a rien qui vous interdise de le faire.
15 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
16 LE TÉMOIN : BOGDAN SUBOTIS [Reprise]
17 [Le témoin répond par l'interprète]
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, excusez-moi je n'ai
19 pas eu la politesse de faire attention au moment où vous êtes entré dans le
20 prétoire. C'est maintenant M. Tieger qui va vous interroger. Il est le
21 conseil de l'Accusation.
22 Monsieur Tieger, vous avez la parole.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
24 Contre-interrogatoire par M. Tieger :
25 Q. [interprétation] Monsieur Subotic, bonjour.
26 R. Bonjour.
27 Q. Je voudrais continuer un moment sur les questions qui ont été posées
28 par les Juges, mais d'abord une question préliminaire. Vous avez dit à la
Page 26530
1 page 21 du compte rendu de mercredi que vous aviez obtenu des, je cite :
2 "renseignements relatifs à l'armée et le fait que certaines opérations
3 avaient été menées," ceci essentiellement, étant des rapports reçus du
4 commandement Suprême qui aient été transmis au ministère concernant
5 certaines questions.
6 Vous avez également relevé dans votre audition ou dans votre
7 déclaration de décembre 1997 au paragraphe 40, que vous étiez conscient du
8 fait que le commandement Suprême "recevait toujours des rapports quotidiens
9 du terrain, des rapports du MUP, des rapports de la police, des rapports de
10 l'armée et des rapports de toutes les autorités et organes concernés. Ils
11 devaient rendre compte sur tout ce que ces gens pensaient que vous devriez
12 savoir."
13 Alors, est-ce que votre conscience du fait que le commandement Suprême
14 recevait des rapports quotidiens depuis le terrain, y compris les rapports
15 du MUP, de la police, de l'armée et des rapports de toutes les autorités et
16 organes que vous receviez du commandement Suprême, étiez-vous conscient du
17 fait qu'ils étaient transmis au ministère ?
18 R. Non. Je n'ai pas reçu de rapports de qui que ce soit. Mais, par
19 exemple, le commandant en chef, quelquefois ou peut-être, dirais-je, les
20 choses différemment. Fréquemment, lorsque ceci avait à voir avec le
21 ministère de la Défense, c'est-à-dire mon domaine, à ce moment-là, on
22 m'appelait pour me poser des questions. Ceci n'avait trait qu'à mes
23 compétences. Pour d'autres questions, par exemple, le commandant en chef
24 transmettait au premier ministre. C'était des questions de caractère
25 général qui devaient être discutées par rapport aux rapports qu'il avait
26 reçus. Je ne recevais pas de rapports, donc je n'étais pas au courant des
27 détails.
28 Q. Monsieur Subotic, deux questions. Je voudrais que vous répondiez pour
Page 26531
1 commencer par oui ou par non, si possible, et ensuite, on précisera si
2 c'est nécessaire. Numéro 1, vous dites dans votre déclaration de décembre
3 1997, au paragraphe 40, que vous saviez que le commandant suprême, je cite
4 : "recevait toujours des rapports quotidiens depuis le terrain." Vous avez
5 donné une liste de ces rapports; c'est exact, oui ou non ?
6 R. Oui.
7 Q. Bien. Au numéro 2 ?
8 R. Oui.
9 Q. Vous avez dit à la Chambre mercredi que vos renseignements concernant
10 l'armée et le fait que certaines opérations étaient en cours étaient tirés
11 essentiellement de rapports que le commandant suprême avait reçus, qu'ils
12 avaient été transmis et que vous avez eu la possibilité de les voir. Est-ce
13 exact, oui ou non ?
14 R. Non, ce n'est pas exact.
15 Q. Bien. Enfin, ce que je fais, c'est citer votre déposition mot à mot. De
16 quelles sources est-ce que vous avez appris cela, en ce qui concerne les
17 renseignements qui ont trait à l'armée et au fait que certaines opérations
18 ont été menées ?
19 R. Je savais que des rapports arrivaient, parce que c'était un aspect de
20 procédure. Toutefois, je n'étais pas au courant de tous ces rapports,
21 simplement des parties des rapports, comme je l'ai dit il y a un moment,
22 qui avaient trait à mes propres compétences. En revanche, si une partie
23 d'un rapport était intéressante pour le gouvernement, à ce moment-là, en
24 tant que membre du gouvernement, je me trouvais dans la même position, mais
25 je n'étais nullement au courant de ce que contenaient tous les rapports.
26 Q. Pour parler des rapports reçus par le gouvernement, en fait, ceci
27 m'amène à parler d'une des questions dont les Juges vous ont parlé un peu
28 plus tôt. C'était la discussion qui est issue d'une séance du gouvernement
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1 tenue le 15 juin dans laquelle une commission a été formée pour s'occuper -
2 je vais ressortir ce document qui figure à l'intercalaire 5 - pour
3 s'occuper de tous les aspects des problèmes d'échange de prisonniers et de
4 proposer des solutions systématiques ou autres. Vous dites que votre
5 participation à cela concernait le fait de vous occuper d'éclaircissement
6 des droits de la guerre. Mais quels étaient les autres aspects du problème
7 d'échange de prisonniers qui étaient examinés par le Pr Djeric, M.
8 Trbojevic, M. Kalinic, Mico Stanisic et Momcilo Mandic ?
9 R. Bien, je pense que la seule raison était l'échange réciproque de
10 prisonniers, tout simplement.
11 Je voudrais tout d'abord vous dire quelque chose. Ces personnes, tout
12 particulièrement en 1991, ces personnes qui au niveau local, c'étaient des
13 emprisonnements du point de vue conditionnel seulement. Dans les termes les
14 plus simples, ils se faisaient prisonniers les uns les autres et posaient
15 des conditions les uns pour les autres. Il n'y avait pas vraiment de
16 critères. Voilà, ce que je pense. Enfin, c'est ma façon d'évaluer la
17 situation. Donc, très simplement, ce qui les guidait comme raison était de
18 pouvoir résoudre cela aussi vite que possible. C'est mon opinion, c'est
19 tout. Je n'ai pas de renseignements sur la base desquels je pourrais faire
20 des affirmations. Je pourrais affirmer quelque chose sur la base de pouvoir
21 affirmer quelque chose.
22 Q. Je voudrais vous dire que vous avez des renseignements puisque vous
23 étiez dans ce groupe de travail. Est-ce que le problème d'échange de
24 prisonniers n'était pas le fait qu'il y avait un très grand nombre de
25 prisonniers réunis par les forces serbes de Bosnie qui languissaient dans
26 des camps parce que les échanges ne se déroulaient pas de façon assez
27 rapide ? Est-ce que ce n'était pas l'un des problèmes que devait examiner
28 le groupe de travail ?
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1 R. Monsieur, tout comme vous affirmez cela, je vous affirme qu'en ce qui
2 concerne ce groupe de travail, je ne suis jamais allé sur le terrain, je
3 n'ai jamais eu de mission si ce n'est d'expliquer les dispositions du droit
4 international humanitaire au sein de ce groupe qui devait s'occuper du
5 traitement des prisonniers. C'est le seul rôle que j'ai eu dans ce groupe.
6 Q. Mais vous avez passé pas mal de temps en Krajina, n'est-ce pas, en
7 visitant la Krajina ?
8 R. Oui, pour la plus grande partie, oui.
9 Q. Par exemple, vous étiez présent à la session de l'assemblée de la
10 Région autonome de la Krajina le 17 juillet; vous vous en souvenez ?
11 R. Pourriez-vous me dire où cette session a eu lieu ? Parce que je ne
12 parviens pas à me rappeler cette session. Peut-être que je pourrais m'en
13 souvenir si j'entends où cela a eu lieu.
14 Q. Je vais vous le dire dans un instant, mais permettez-moi de vous
15 demander si vous étiez présent dans la région de la RAK le 4 août 1992,
16 c'est-à-dire, le jour avant que les journalistes internationaux n'entrent à
17 Omarska ?
18 R. Région autonome de la Krajina, qu'est-ce que c'est ? Quelle assemblée
19 était-ce ? Est-ce que c'était l'assemblée populaire ? Je ne sais pas de
20 quelle assemblée vous voulez parler.
21 Q. Bien. Jetons un coup d'œil à ce document-ci qui est, je crois, le P490
22 [comme interprété]. Il y a des extraits des minutes du procès-verbal de la
23 18e Session de l'assemblée de la Région autonome de la Krajina tenue le 17
24 juillet 1992, sous la présidence notamment de Vojo Kupresanin, à laquelle
25 participait notamment le général Talic, Goran Hadzic, Milan Martic, Velibor
26 Ostojic, Dragan Kalinic et vous-même, ministre de la Défense. A cette
27 séance, il y avait des rapports présentés par M. Brdjanin et M. Zupljanin
28 concernant la situation du point de vue politique et du point de vue de la
Page 26534
1 sécurité dans la Région autonome de la Krajina. Vous pouvez voir cela au
2 point 1. En outre, le général Talic et M. Ninkovic et Milan Martic ont
3 parlé concernant les opérations militaires de l'armée de la République
4 serbe de Bosnie-Herzégovine dans la Posavina.
5 R. Oui.
6 Q. M. Zahar, au cours de votre audition, vous a montré un rapport qui
7 avait été établi par M. Stanisic et qui avait été présenté au président de
8 la présidence et au président du gouvernement ce jour-là, le 17 juillet
9 1992, dans lequel il note, entre autres choses, comme vous l'avez entendu
10 au cours des discussions avec M. Zahar, que l'armée et la présidence de
11 Guerre étaient en train de réunir autant de civils musulmans que possible
12 et étaient en train de les mettre dans des camps où, pour ainsi dire au bas
13 mot, il y avait des conditions de vie inférieures à celles qui étaient
14 exigibles. Au cours de vos discussions avec l'une quelconque de ces
15 personnes qui se trouvaient à cette assemblée de la Région autonome de la
16 Krajina, y compris M. Zupljanin, qu'est-ce que vous avez appris concernant
17 l'existence d'installations où des civils musulmans étaient retenus dans la
18 Région autonome de la Krajina ?
19 R. Je n'ai pas entendu parler de cela à cette session. Ce n'était pas à
20 cette session. Peut-être, c'était dans les couloirs, mais pas à la session
21 proprement dite. Non.
22 Q. Donc --
23 R. Personnellement, on ne m'a pas adressé la parole sur des questions de
24 ce genre; personne. Je me rappelle cette assemblée. Elle a eu lieu à Banja
25 Luka, Banski Dvor. Maintenant, que vous me rappelez cela, je le sais.
26 Q. D'une façon générale, vous saviez tout au moins, et nous parlerons des
27 détails précis dans un moment, ce qui se passait dans la région de la RAK.
28 Vous étiez au courant des succès militaires, vous étiez au courant des
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1 territoires qui étaient contrôlés par les forces serbes de Bosnie, et
2 certainement vous étiez au courant de quelque chose de ce qui était en
3 train d'arriver à la population musulmane. Que vous l'ayez appris pendant
4 la session proprement dite ou en dehors de la session, pouvez-vous dire aux
5 membres de la Chambre ce que vous saviez à ce sujet.
6 R. A la session, j'ai seulement entendu ce que Talic avait dit concernant
7 cette situation. J'ai entendu parler de cette situation telle qu'il l'avait
8 présentée, mais à cette session de l'assemblée, il n'a pas été parlé du
9 fait de prendre des prisonniers. Personne n'en a parlé. Il n'y a eu aucune
10 discussion à ce sujet.
11 Q. Combien de temps après cela avez-vous appris que des prisonniers
12 étaient emmenés, c'est-à-dire que les Musulmans étaient rassemblés, non pas
13 par dizaines, non pas par centaines, mais par milliers par les forces de
14 Bosnie, et retenus prisonniers ?
15 R. Le premier cas dont j'ai eu connaissance, lorsque je me trouvais à
16 Pale, j'en ai entendu parler. Et ceci est quand certaines personnes ont été
17 emmenées comme prisonniers, emmenées au camp de Manjaca. Je pense que
18 c'était de cette zone -- enfin, ce qui est le territoire actuellement de la
19 Croatie. Je veux dire là-bas, à Kostajnica. Je pense que c'était là. C'est
20 la première fois que j'ai entendu parler de quelque chose de ce genre.
21 J'étais à Pale. Je n'étais pas à Banja Luka lorsque j'ai entendu que cela
22 existait. J'ai posé une question à ce sujet, et on m'a dit qu'un camp avait
23 été créé à Manjaca. J'ai demandé là-bas si ceci était organisé sur la base
24 d'instructions. Quelqu'un a fait des commentaires en disant : Oui, on va
25 voir, une certaine commission est allée là-bas. Je n'ai pas eu à participer
26 à cela. Pendant l'existence de ce camp, je ne me suis jamais trouvé à
27 Manjaca. Je sais qu'il y avait ce lieutenant-colonel ou colonel qui a été
28 nommé commandant du camp, et ainsi de suite, et on a dit que tout a été
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1 fait conformément aux règlements. Mais je n'avais pas d'obligations à ce
2 sujet. Un autre cas dont j'ai entendu parler, c'était ce camp ou ce centre
3 de rassemblement, cela dépendait de savoir qui en parlait, à Prijedor.
4 Q. Quand avez-vous appris qu'il y avait cette création de Manjaca ?
5 R. J'ai entendu parler de cela -- je ne me rappelle plus la date, mais
6 peut-être un jour ou deux après sa création. Je pense que c'était assez
7 tôt. Je crois que Kostajnica était tombée à ce moment-là, une
8 fortification. Je ne me rappelle pas quel était le mois, indépendamment
9 même de la date, mais après la chute d'une fortification à Kostajnica.
10 Q. Combien de personnes ont été retenues à Manjaca au cours de l'existence
11 de ce camp, à un moment quelconque et tout au long de son existence ?
12 R. Je vous prie de me croire, je ne m'en souviens pas. Je ne me rappelle
13 aucun chiffre quel qu'il soit. Je ne disposais pas de ce de type de
14 renseignement.
15 Q. Vous n'avez fait aucun effort pour obtenir des renseignements sur le
16 nombre de prisonniers qui étaient gardés à Manjaca ? Et personne n'a fait
17 d'effort pour vous mettre au courant de cela ?
18 R. Non, non. J'ai déjà expliqué, avant-hier, qu'en fait, j'étais
19 passablement dans les marges en ce qui concernait l'armée et le Grand état-
20 major et le corps. J'avais compris que ceci n'était pas dans mon domaine,
21 et donc je n'ai pas cherché à creuser la question. Ceci relevait de la
22 compétence du territoire du 1er Corps de la Krajina; c'est-à-dire le général
23 Talic.
24 Q. Qu'est-ce qui se trouvait en fait dans votre domaine, Monsieur Subotic,
25 d'après ce que vous nous avez dit, notamment la logistique, y compris des
26 choses telles que les vivres; c'est cela ?
27 R. Oui.
28 Q. Donc, je pense et je crois que vous avez insisté pour dire aux membres
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1 de la Chambre que vous aviez l'obligation morale de faire des tournées, de
2 façon à pouvoir vous assurez que les soldats avaient suffisamment de vivres
3 et de fournitures; c'est exact ?
4 R. De façon à avoir une vue générale de ce qu'était la situation. Pas pour
5 ce qui était de fournir des vivres.
6 Q. Mais pour appeler votre attention à ce problème et voir si les soldats
7 recevaient suffisamment de fournitures, telles que des munitions, des
8 vêtements, des vivres; c'est bien cela ?
9 R. C'est bien cela.
10 Q. Qui avait la responsabilité de nourrir ces prisonniers au camp de
11 Manjaca ? Ce n'était pas leur propre responsabilité, n'est-ce pas ? C'était
12 la responsabilité de l'armée, n'est-ce pas ?
13 R. C'était la responsabilité de qui avait constitué le camp. Mais je vous
14 prie de me croire, parlant très franchement, d'un point de vue juridique,
15 je ne peux pas vous dire qui avait constitué ce camp, si c'étaient les
16 militaires, si c'était la police. Je ne sais pas. Je pense que c'était
17 l'armée, parce que le commandant du camp était un officier de l'armée.
18 Donc, ma conclusion logique serait que c'était le général Talic qui avait
19 constitué ce camp, et par conséquent il en était responsable. Je n'ai pas
20 un seul document concernant ce camp. Je n'ai jamais eu un document de ce
21 genre entre les mains, jamais. Je n'y suis jamais allé. Tout ce que j'ai
22 entendu, je l'ai entendu soit des médias, soit des conversations
23 informelles, mais je n'ai jamais rien eu d'officiel.
24 Q. Avant que nous suspendions la séance, je voudrais vous montrer au moins
25 une image, et je vais vous montrer des prisonniers à Manjaca.
26 M. TIEGER : [interprétation] Pourrait-on placer cette photo sur le
27 rétroprojecteur, s'il vous plaît ?
28 Q. Est-ce que vous voyez cette photo, Monsieur Subotic ?
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1 R. Oui, je vois cette photo, et je l'avais déjà vue à la télévision de la
2 Republika Srpska, ainsi qu'elle se présente ici. C'est-à-dire, la photo de
3 cette personne en milieu, qui est attachée.
4 Q. Les deux hommes qui se trouvent à côté, avec des omoplates qui
5 ressortent, ne me semblent pas être particulièrement bien nourris non plus.
6 Est-ce qu'ils vous semblent être en santé et bien nourris ?
7 R. Non, pas du tout.
8 Q. Examinez bien leur état physique, la façon dont ils apparaissent ici.
9 Est-ce que vous diriez que c'est inapproprié et en fait illégal de détenir
10 les gens dans des camps de ce type et de donner un traitement aux personnes
11 qui est tout à fait illégal, dans les conditions en question ?
12 R. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
13 Q. Il y avait des milliers de personnes là-bas dans le camp de Manjaca. Il
14 était nécessaire de fournir de la nourriture. C'était la responsabilité du
15 général Talic, mais c'était également et ultimement la responsabilité des
16 personnes qui étaient responsables d'approvisionner ces personnes. L'armée,
17 c'était leur responsabilité de nourrir les prisonniers, n'est-ce pas ?
18 R. Oui, c'est tout à fait exact.
19 Q. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que personne ne s'est
20 adressé à vous pour vous dire : "Nous avons des milliers et des milliers de
21 prisonniers dans cet état-là, et nous avons besoin de les nourrir. Nous
22 avons besoin de denrées alimentaires supplémentaires" ?
23 R. Non, jamais. Je sais que les autorités fédérales avaient été informées
24 de la situation, et le premier ministre a fait une campagne pour se rendre
25 sur place. Il a également envoyé des ministres là-bas, des ministres de
26 l'Intérieur, je ne sais plus trop qui encore, accompagnés de la Croix-Rouge
27 internationale avec d'autres organisations internationales et on a
28 entrepris des mesures, on a fait quelque chose, mais je n'ai pas été du
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1 tout informé de ce qui s'est passé. Je n'ai pas été inclus dans ce
2 processus.
3 M. TIEGER : [interprétation] J'ai quelques questions supplémentaires,
4 Monsieur le Président, mais je voudrais m'en tenir à l'horaire qui nous a
5 été imposé ce matin.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Puisque la Chambre a commencé un peu
7 plus tard, nous pensons que nous allons pouvoir vous permettre de poser des
8 témoignages supplémentaires.
9 Monsieur Subotic, votre témoignage était prévu pour une durée de deux
10 jours. Si jamais nous n'étions pas en mesure de terminer votre déposition
11 aujourd'hui, est-ce que vous seriez en mesure de rester à La Haye pendant
12 le week-end ? Est-ce que vous pourriez être disponible après le week-end
13 pour reprendre votre témoignage ?
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je peux rester. Si c'est nécessaire, je
15 peux rester. Certainement.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien sûr, nous n'avons pas encore décidé
17 sur la question, nous n'avons pas encore décidé s'il est nécessaire de
18 rester, mais l'un des problèmes supplémentaires serait le suivant, il
19 faudrait peut-être employer une déposition par visioconférence au début de
20 la semaine prochaine pour un autre témoin, mais pour l'instant nous n'avons
21 encore rien décidé sur votre retour, Monsieur Subotic.
22 Nous allons pour l'instant lever l'audience et nous reprendrons à 15
23 heures.
24 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 13 heures 03.
25 --- L'audience est reprise à 15 heures 08.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de commencer et pour des besoins
27 d'organisation dans le temps, j'aimerais savoir de combien de temps les
28 parties en présence estiment avoir besoin au minimum, de là à savoir si ce
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1 que vous savez nous donner comme minimum et votre minimum ou le nôtre,
2 cela c'est une chose à voir.
3 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, bien entendu, il m'est
4 difficile de me prononcer. Je veux dire que j'ai essayé d'organiser mon
5 contre-interrogatoire conformément aux lignes directrices fournies par la
6 Chambre, à savoir, dans un délai de deux heures. Bien entendu, si
7 nécessaire, j'espère pouvoir avoir un peu plus de temps. C'est ce à quoi
8 j'aspire. Je m'attends à une nécessité de couper un peu dans le temps mais
9 peut-être vais-je avoir besoin d'un peu plus de deux heures. Je
10 m'efforcerai d'être efficace.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'espère que vous le serez.
12 Maître Josse ou Monsieur Stewart ?
13 M. JOSSE : [interprétation] C'est moi qui vais contre-interroger ce témoin,
14 Monsieur le Président. Cela dépendra du
15 temps imparti par la Chambre à l'Accusation. Je ferai de mon mieux pour en
16 terminer avant 18 heures, à condition que la Chambre ne soit pas trop
17 généreuse vis-à-vis de l'Accusation.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. L'Accusation a pris
19 jusqu'à présent une demi-heure à peu près, et je suppose que vous voulez le
20 même temps que l'Accusation,
21 n'est-ce pas ?
22 M. JOSSE : [interprétation] Oui, ce serait idéal.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En réalité, j'ai dit tout à l'heure une
24 demi-heure, peut-être ai-je un peu exagéré, mais on peut vérifier. Il nous
25 restera deux heures et 50 minutes. Lorsque l'on y intégrera le temps que
26 vous avez pris ce matin, cela tout ensemble nous donne trois heures. Une
27 partie devra, bien entendu, être consacrée à une pause. On s'efforcera de
28 la faire la plus courte possible. Nous essayerons, si chacune des parties
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1 pourra en finir en l'espace d'une heure 20 minutes. La Défense a mis à
2 profit un peu plus de dix minutes jusqu'à présent.
3 Veuillez continuer Monsieur Tieger, je vous prie.
4 M. TIEGER : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je pense que
5 vous vouliez dire l'Accusation.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je m'excuse. C'est vendredi pour
7 moi tout comme pour les autres.
8 Veuillez poursuivre.
9 M. TIEGER : [interprétation] Merci.
10 Q. Monsieur Subotic, nous allons essayer de parcourir ces documents le
11 plus rapidement possible. Je me propose de revenir aux questions dont nous
12 avons parlé avant la pause et je me propose également d'aborder plusieurs
13 autres sujets. Dans le cours de votre interrogatoire principal par les
14 Juges de la Chambre, vous avez parlé de certaines activités de la JNA
15 précédant la date du 12 mai. Les Juges de la Chambre ont déjà entendu bon
16 nombre de témoignages et ont vu bon nombre de documents, notamment des
17 documents de la JNA, de l'armée des Serbes de Bosnie et autres sources où
18 l'on a pu voir que les membres de la JNA ont aidé à armer les forces des
19 Serbes de Bosnie avant la guerre ou qu'ils ont aidé les efforts militaires
20 des Serbes de la VRS, tant avant la guerre qu'avant la mise en place d'une
21 VRS. D'après vous, est-ce que cela s'est vraiment produit ?
22 R. Je ne suis pas au courant d'une chose pareille.
23 Q. Il y a eu des officiers de la JNA, prenons votre personne, par exemple,
24 vous avez été membre de la JNA, d'après votre déposition, vous avez estimé
25 que M. Izetbegovic était un criminel et qu'il s'était employé en faveur du
26 droit pour les Musulmans et de recourir à tous les moyens contre les
27 infidèles. Vous avez dit que lui et les Musulmans avaient planifié un
28 massacre des Serbes, et qu'à Téhéran il avait été décidé de tuer un million
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1 de Serbes et qu'en réalité les Musulmans c'étaient les Turcs. Est-ce que
2 les officiers de la JNA, qui font partie de ce cadre-là, auraient participé
3 à l'aide en armes à fournir aux Serbes de Bosnie ou ont-ils pris part aux
4 efforts militaires quels qu'ils soient avant la mise en place d'une armée
5 de la Republika Srpska ?
6 R. La Bosnie-Herzégovine, c'était la République centrale de la Bosnie-
7 Herzégovine. Les stocks d'armement étaient les plus importants justement
8 sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine s'agissant de la JNA. C'est
9 hérité des rapports que nous avions eus bien avant la guerre avec l'Union
10 soviétique. Je ne vais pas me perdre en explications à ce sujet, mais je
11 dirais que les stocks d'armement de la JNA étaient pleins tant pour ce qui
12 est des armes et des munitions. Je crois que la conclusion à tirer, c'est
13 une conclusion qui est la mienne, je ne peux pas prouver les choses, mais
14 je dirais que tant les Musulmans que les Serbes ont utilisé les entrepôts
15 et les arsenaux qu'ils avaient sur leurs territoires et qu'ils n'avaient
16 pas du tout besoin d'armes supplémentaires. Je ne peux pas prouver, pour ma
17 part, qu'il n'y a pas eu d'arrangements privés et ainsi de suite. Pour ce
18 qui est de l'armée, je dirais que l'armée populaire yougoslave, en se
19 retirant, a laissé derrière elle des armes, mais je n'ai pas de
20 connaissances concernant un armement organisé pendant la première année de
21 la guerre.
22 Q. Vous ménagez pas mal de réserves, organisé, d'après la signification
23 formelle du terme, mais je vais me pencher sur la chose. Je vais être un
24 peu plus direct. Avez-vous personnellement participé à des efforts déployés
25 avant la création de la VRS pour ce qui est d'assurer que certaines armes
26 de la JNA soient mises à la disposition des Serbes de Bosnie et en
27 particulier, j'entends là les chars ?
28 R. Personnellement, non. Mis à part le fait qu'à Banja Luka il y ait eu
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1 des chars qui appartenaient en partie au centre scolaire dont j'étais le
2 commandant, et une partie appartenait au corps d'armée de Banja Luka, le
3 Corps de Banja Luka avait eu des activités à Plitvice et ailleurs pendant
4 cette même période.
5 Q. J'aimerais que nous nous penchions sur le document qui figure à
6 l'intercalaire 15. Si cela ne vous a pas été fourni, j'aimerais que ce soit
7 fait. Cet intercalaire 15 c'est, je le précise, la pièce à conviction P64,
8 P65, intercalaire 128. Il en va de même pour ce qui est de ces pièces, il
9 s'agit d'une autre cote P529, intercalaire 49.
10 Peut-être y a-t-il une page encore qu'il serait utile de faire
11 circuler. Je ne sais pas si on arrivera jusqu'à elle mais cela pourrait
12 être utile.
13 J'attire l'attention des Juges de la Chambre sur la page 323 en version
14 anglaise où intervient M. Karadzic. C'est la page 176 de la version B/C/S.
15 M. Karadzic est en train de prendre la parole à la 50e Session de
16 l'assemblée des Serbes de Bosnie. C'est le document que vous voyez au
17 niveau de l'intercalaire 15.
18 R. [aucune interprétation]
19 Q. C'est à une dizaine de lignes à partir du haut, Messieurs les Juges. Je
20 précise qu'il s'agit du deuxième paragraphe à quelque dix lignes vers le
21 bas là où Karadzic dit : "Je vais vous dire comment cela s'est passé au
22 moment où la guerre a commencé. Nous avons eu des municipalités où la
23 majorité était bien installée au pouvoir et contrôlait le tout." Les Juges
24 de la Chambre sont au courant de ce passage et il y a eu référence à la
25 Variante A et B.
26 Puis ensuite, M. Subotic, vient la partie sur laquelle j'aimerais attirer
27 votre attention où il est dit que : "La JNA a aidé autant qu'elle le
28 pouvait. J'espère que ceci ne va pas être diffusé sur la télévision HTV. Le
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1 général Subotic a aidé avant le début de la guerre en envoyant des chars et
2 en disant qu'ils étaient envoyés pour des entretiens, en fait, ils ont été
3 envoyés à Banija parce que Kostajnica est tombée, et il a été arrêté
4 quelque 300 ou 400 Oustacha. Cela a été fait grâce aux chars du général
5 Subotic qui était colonel à l'époque." Puis ensuite, le Dr Karadzic parle
6 de la distribution des armes, de l'organisation de l'armée par les soins du
7 SDS, puis de l'organisation des forces armées de concert avec la police là
8 où celle-ci a été constituée.
9 Monsieur Subotic, ici on voit que vous avez aidé avant le début des
10 hostilités l'armée les Serbes de Bosnie suivant la façon décrite ici par le
11 Dr Karadzic, n'est-ce pas ?
12 R. Non, ce n'est pas exact. L'on ignore pas et la chose est bien consignée
13 que lorsque le conflit a éclaté, non pas le conflit, mais lorsqu'il y a eu
14 cette situation de crise à Kupres, c'est un événement qui est des plus
15 connu. Les chars faisant partie de mon centre sont allés à Kupres, et ils
16 ont joué un rôle de séparation. Il n'y a pas eu de conflits à ce moment-là.
17 Cela a duré quelque trois ou quatre mois. Je dirais que c'étaient des chars
18 qui appartenaient à mon centre de formation. Ce que M. Karadzic dit au
19 sujet de la Banija ce n'était pas des chars appartenant au centre de
20 formation mais des chars qui appartenaient au corps d'armée. C'est certain,
21 c'est documenté, c'est même filmé, la JNA de Belgrade a approuvé cela, à un
22 déplacement vers Kupres pour empêcher les conflits. Il y a eu pour
23 commandant un colonel dont le nom m'échappe, en ce moment-ci, mais c'est
24 tout ce que ce qui a été fait.
25 Q. Alors le Dr Karadzic s'est trompé lorsqu'il a estimé que vous avez aidé
26 la partie des Serbes de Bosnie. En fait, vous vous êtes efforcé de
27 maintenir la paix ?
28 R. C'était la JNA. Je faisais partie de la JNA à l'époque, et Belgrade m'a
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1 chargé de faire envoyer une unité à Kupres. Cela n'a rien de secret. Cela
2 s'est fait en public. Là-bas, il n'y a guère eu de conflit. Pour ce qui est
3 de la Banija, c'étaient des chars qui appartenaient au corps d'armée.
4 Q. On vous a posé plusieurs questions. Il me semble que c'est M. le Juge
5 Hanoteau qui vous a posé des questions au sujet de vos points de vue
6 concernant le massacre imminent des Serbes, puis plan de Téhéran consistant
7 à tuer un million de Serbes, la fois d'Izetbegovic, au recours à tous les
8 moyens pour les Musulmans pour ce qui était de traiter avec les infidèles.
9 Cela, c'était votre opinion à vous pour ce qui est de la direction des
10 Serbes de Bosnie ? Etiez-vous le seul à avoir cette opinion ou est-ce que
11 cette opinion était partagée par d'autres membres de cette direction des
12 Serbes de Bosnie ?
13 R. Ecoutez, tous les gens faisant partie de la direction des Serbes de
14 Bosnie étaient au courant de la déclaration islamique ainsi que des
15 principes énoncés tant dans le Coran que dans la déclaration islamique. Je
16 n'en ai pas débattu avec eux. Nous tous avons pu entendre à radio Sarajevo
17 Alija Izetbegovic lorsque nous étions à Pale. Il en va de même pour ce qui
18 est de M. Krajisnik et de la population, parce que c'est la radio. Lorsque
19 Alija Izetbegovic faisait un discours à l'intention des siens de la
20 population à Sarajevo, il disait : "Sachez, mes frères, que seules les
21 personnes élues, les personnes choisies peuvent mourir pour Allah." C'est
22 enregistré. J'ai tout de suite compris. Je crois que les autres ont compris
23 également.
24 Q. Monsieur Subotic, je comprends bien que vous essayez de me répondre,
25 mais ce sera plus utile si vous êtes plus concret. Alors --
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, peut-être une petite
27 clarification pour ce qui est de la réponse précédente s'agissant de ces
28 chars qui ont été envoyés à Banija. D'après la façon dont je comprends
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1 votre témoignage, les chars de mon école sont allés à Kupres, avez-vous
2 dit, et cela, ce sont d'autres chars. Ce qui laisse entendre que M.
3 Karadzic le dit.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela venait du corps d'armée.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Enfin, le corps faisait partie de la JNA.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ils ont été envoyés vers Banija. Je le
8 comprends. Ensuite, M. Karadzic dit lorsque Kostajnica est tombée, nous
9 avons capturé 300 ou 400 Oustacha, et cela a été fait avec les chars du
10 général Subotic. Dois-je comprendre là qu'il s'est trompé, et que ceci a
11 été fait par des chars du 1er Corps ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est un lapsus. C'est un lapsus. Les uns et
13 les autres de ces chars appartenaient à la JNA, entendons-nous bien. Ce que
14 je précise, c'est que je n'ai pas été engagé de ce côté-là; j'ai été engagé
15 pour ce qui s'est passé à Kupres.
16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je le comprends. Mais les chars qui
17 ont été envoyés à Banija, ont-ils été impliqués dans les événements de
18 Kostajnica ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Kostajnica, cela fait également partie de la
20 Banija. On passe par Kostajnica pour arriver à Dvor Na Uni, puis Topusko,
21 plus loin encore --
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'accord. Kostajnica est tombée sous le
23 contrôle de quelle partie ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela fait partie de la Croatie. C'était la
25 partie croate. C'était à l'époque croate et ce l'est de nos jours encore.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Quand on dit ici que Kostajnica
27 est tombée et que cela s'est fait grâce aux chars qui ont été envoyés à
28 Banija. Sous le contrôle de qui se trouvait Kostajnica avant de tomber, et
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1 qui est-ce qui s'en est emparé avec ces chars-là ? Qui s'est emparé de
2 Kostajnica ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela a été mis sous le contrôle du corps
4 d'armée. Cela avait été auparavant sous le contrôle de la Croatie. Le
5 contrôle était exercé par une unité des ZNG, du rassemblement de la Garde
6 nationale. Je vais vous dire qu'il n'y a pas eu de gros combats là. Il y a
7 eu tout simplement reddition et repli des forces croates. C'est là qu'il a
8 été emprisonné des gens qui ont, par la suite, été emmenés à Manjaca.
9 D'après ce qu'on m'a dit, c'est ceux-là qui ont été emmenés à Manjaca.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ma question était tout à fait simple.
11 Quelle est la partie qui a pris le contrôle à l'aide de ces chars-là, le
12 contrôle de Kostajnica ?
13 LE TÉMOIN : [interprétation] La JNA. Il n'y avait pas de partie serbe ou de
14 partie autre. C'était la JNA. L'armée n'a pas encore été dissoute. C'était
15 le tout début. La composition de la JNA a été mixte et cela s'est fait sous
16 le commandement de la JNA.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'aimerais qu'on éclaire ma
18 lanterne ultérieurement pour me dire ce qui s'est ensuite passé, parce
19 qu'on dit que les chars ont été utilisés pour apporter un soutien aux
20 Serbes de Bosnie aux fins de les aider à s'emparer du contrôle à
21 Kostajnica. Il n'est pas tout à fait clair, à mes yeux, ce que cela
22 signifie.
23 LE TÉMOIN : [interprétation] La guerre n'avait pas encore commencé.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que vous savez nous dire de
25 quelle date il s'agissait pour ce qui est de ces éléments ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] C'était pendant les mois où il y a eu tout ce
27 micmac à Plitvice. Je ne sais plus m'en souvenir. Monsieur le Président, la
28 guerre n'avait pas encore commencé. Cela a été les tout premiers conflits
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1 avec la partie croate, tant pour ce qui est de ce qui s'est passé à Kupres
2 que pour ce qui est de la Banija.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Merci. Vous pouvez continuer,
4 Monsieur Tieger.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je dois aller de l'avant.
6 Q. Monsieur Subotic, dans votre déposition de même que dans le courant de
7 votre témoignage ici, très certainement dans votre déposition, vous avez
8 été assez explicite pour dire que la TO, à savoir, les forces militaires
9 qui existaient avant la création de la VRS, étaient en réalité des unités
10 auto-organisées qui n'ont pas été rattachées à une instance centrale. Je me
11 réfère notamment au paragraphe 13 de votre déposition. Les Juges de la
12 Chambre ont reçu les éléments de preuve, vu des documents sur lesquels
13 j'aimerais attirer votre attention. Je tiens à préciser qu'il s'agit des
14 documents P64, P65, intercalaire 120. Cela reflète, ou plutôt cela
15 constitue les comptes rendus d'audience du conseil de sécurité du
16 gouvernement de la République serbe de Bosnie-Herzégovine datés du 15 avril
17 1992. Je me propose de vous citer un certain nombre de ces documents. Peut-
18 être pourrions-nous retrouver cela à l'intercalaire numéro 4. A un moment
19 donné, on peut y retrouver une recommandation parlant de la nécessité de
20 proclamer un danger de guerre imminent où on vous demande de vous placer à
21 la tête de la TO. A la même réunion, au paragraphe 3, on dit que le
22 ministère de la Défense doit donner des instructions pour ce qui est du
23 recours à l'artillerie et aux armes lourdes contre des cibles dans la ville
24 de Sarajevo, uniquement lorsque des conditions exceptionnelles viendraient
25 à justifier de telles actions. L'intercalaire 8 comporte deux procès-
26 verbaux de cette session du conseil de la sécurité nationale datée du
27 22 avril 1992. Premièrement, on peut y voir que ce qui a été convenu, c'est
28 de faire que cette République serbe de Bosnie-Herzégovine maintiendrait les
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1 positions prises, notamment à Sarajevo, et que c'est le Dr Karadzic qui
2 coordonnerait le commandement de la TO.
3 A l'intercalaire 9, il y a un PV de la session de ce conseil chargé de la
4 sécurité nationale datée du 24 avril, où il a été pris la décision de créer
5 une Défense territoriale, à savoir, des QG municipaux, et ceci, moyennant
6 participation des commandements et commandants de la TO municipale. Le Dr
7 Karadzic est censé appliquer ces décisions.
8 A l'intercalaire 11, il est question de la session de ce conseil du 28
9 avril où la décision est prise de demander des uniformes à la JNA. C'est
10 une décision qui a été envoyée ou un texte de décisions qui a été envoyé au
11 Grand état-major de la JNA pour assurer ces uniformes à l'intention de la
12 TO. C'est le ministère de la Défense nationale qui est chargé de la
13 réalisation de ces décisions.
14 Toutes les décisions en question ont été prises lors de la session de
15 ce Conseil national chargé de la sécurité et du gouvernement, Monsieur
16 Subotic, chose qui reflète de façon claire la nécessité, le souhait exprimé
17 d'organiser ces unités de la TO que vous affirmez avoir été auto-organisées
18 et essentiellement indépendantes, n'est-ce pas ?
19 R. Oui. Vous voyez qu'ici il est question de la date du 15 avril. C'est à
20 cette date-là que ces missions étaient confiées. Avant cela, les unités se
21 sont emparées de leurs propres entrepôts et de leur contenu. Cela ne s'est
22 pas passé sous quelque commandement que ce soit. Alors, la décision a été
23 prise d'organiser les choses. Un colonel a été nommé, désigné pour être
24 commandant de la TO. Il fallait que quelqu'un organise les choses afin que
25 les choses ne se fassent pas de façon anarchique. Cela s'est fait avant le
26 12 mai, avant la création de l'armée. Donc, il s'agissait d'assurer un
27 pontage pour ce qui est de cette situation aux fins d'organiser les choses
28 et d'éviter l'anarchie. C'est de cela qu'il s'agit.
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1 Q. Alors, aux fins d'empêcher l'anarchie et d'utiliser les forces suivant
2 la manière prévue, à savoir, ce qui est déjà dit dans ce PV, n'est-ce pas ?
3 R. Non. En termes simples, il s'agissait d'exercer un contrôle à leur
4 égard. La même chose s'est passée du côté musulman. Parce que le commandant
5 de la Défense territoriale de la Bosnie-Herzégovine, le général de division
6 dont le nom m'échappe, lui, était parti à Belgrade. Il a quitté ce poste,
7 il est parti à Belgrade. Parce qu'il y avait un commandant de la Défense
8 territoriale de la Bosnie-Herzégovine. Ce qui fait que nous autres, nous
9 n'avons fait que compléter l'organigramme pour ce mois-là, moins d'un mois
10 d'ailleurs, afin qu'il n'y ait pas d'anarchie ou de démembrement. Ce
11 colonel a été chargé de coordonner les activités de ce QG de la TO
12 concrètement à Sarajevo. Il n'a pas quitté Sarajevo, lui.
13 Q. Il y a eu bien des débats dans le courant de votre témoignage de
14 mercredi au sujet de ce que vous avez dit avoir été votre opinion
15 personnelle, votre opinion intime au sujet du général Mladic. Vous aviez,
16 je vous cite : "supposé, sans quelque preuve que ce soit, au sujet du
17 général Mladic que ce qu'on y trouve à la page --. Vous avez indiqué en
18 page 42 que vous ne saviez pas dans quelle mesure le Dr Karadzic et le
19 général Mladic s'étaient réunis puisque vous n'avez pas été convié à ces
20 réunions. Mais vous avez proposé des opinions au sujet de la portée ou
21 l'importance de cette autonomie dont avait joui le général Mladic, à
22 savoir, son éloignement du Dr Karadzic et des autres membres de la
23 direction politique.
24 Alors, le meilleur des exemples que vous avez pu fournir au sujet de
25 ce prétendu conflit entre la direction politique, l'armée et les militaires
26 auxquels vous vous êtes référés une fois de plus, aujourd'hui, c'est cette
27 opération du mont Igman, n'est-ce pas ?
28 R. Oui.
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1 Q. En fait, vous avez indiqué aux Juges de la Chambre que l'opération sur
2 le mont Igman s'est déroulée en 1992, mais le fait est que cette opération
3 a eu lieu en juillet et août 1993, n'est-ce pas ?
4 R. Je sais qu'il y a eu des accords entre Mladic et Karadzic à l'époque.
5 Je suis désolé si je me suis trompé de date, mais à la suite des pressions
6 exercées par Lord Owen et cetera, et d'autres, je sais que -- enfin,
7 j'avais l'impression que cela c'était déroulé à cette époque-là. Mais vous
8 savez, les événements se sont déroulés il y a 12 ans. Donc, je suis désolé
9 si je me trompe.
10 Q. Je pourrais vous montrer les documents qui prouvent que ces événements
11 se sont déroulés au mois de juillet 1993. Si je vous montrais ces
12 documents, vous ne contesteriez pas cette date, n'est-ce pas ?
13 R. Non, absolument pas. Je n'ai absolument rien à contester, bien sûr,
14 mais cette opération-là a emmené cela.
15 Q. En fait, dans ce cas-là, les forces de l'armée serbe de Bosnie ont
16 lancé une offensive qui avait le potentiel de prendre les élévations et le
17 contrôle de Sarajevo en lançant une attaque par voie aérienne. Ceci
18 menaçait également la communauté internationale, et les Serbes de Bosnie
19 ont été condamnés également par le Conseil de sécurité, n'est-ce pas ?
20 R. Oui, c'est exact.
21 Q. C'est cela qui a décidé les dirigeants politiques de mettre fin à cette
22 offensive ?
23 R. Oui, tout à fait. C'était les pressions exercées sur Karadzic à la
24 suite de cette offensive. Mladic n'était pas d'accord en tant que
25 commandant.
26 Q. Justement, Mladic ne voulait pas le faire, puisqu'il semblait que
27 l'opération réussissait, alors que selon le Dr Karadzic, il voulait que
28 l'opération arrête, et le général Mladic était contre le fait de cesser ces
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1 opérations de combat ?
2 R. Oui, c'est tout à fait exact.
3 Q. Pendant ces discussions - je crois que c'est le Président de cette
4 Chambre, le Juge Orie, qui vous a posé la question de savoir s'il y avait
5 des exemples d'opérations en 1992 selon lesquelles des opérations étaient
6 couronnées de succès pour les Serbes de Bosnie. En fait, il vous a demandé
7 de lui parler des opérations de 1992 et de confirmer que ces opérations
8 avaient été menées contrairement aux objections des dirigeants politiques.
9 Vous avez aussi expliqué à la page 55, vous avez dit en 1992, il n'y avait
10 pas du tout d'opérations militaires d'envergure ou importantes, à
11 l'exception de l'opération sur le mont Igman. C'était à la page 55, entre
12 les lignes 13 et 18. Nous savons maintenant que l'opération sur le mont
13 Igman s'est déroulée en 1993.
14 R. D'accord. Je vous le concède. Oui.
15 Q. Monsieur Subotic, vous, en tant que ministre de la Défense, est-ce que
16 vous êtes en train de dire aux Juges de la Chambre que vous n'aviez
17 absolument aucune connaissance d'opérations sérieuses militaires en 1992,
18 menées par les forces des Serbes de Bosnie ?
19 R. Je ne peux pas vraiment pas me souvenir d'aucune de ces opérations.
20 Q. Pouvez-vous prendre et distribuer l'intercalaire 68.
21 M. TIEGER : [interprétation] Pourrait-on avoir une cote, je vous prie ?
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote P1262.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
24 M. TIEGER : [interprétation] Je comprends qu'il nous faudra peut-être
25 revenir en arrière pour trouver la cote mais pour le bon déroulement de ce
26 procès, il faudrait peut-être attribuer une cote à ce document, à cette
27 photographie qui n'a pas reçu de cote.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, la photographie n'a pas reçu de
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1 cote effectivement.
2 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce document portera la cote P1263,
3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie.
5 Monsieur Tieger.
6 M. TIEGER : [interprétation]
7 Q. Monsieur Subotic, P1262 est un document qui porte la date du 29 juin
8 1992, émanant du 1er Corps de la Krajina. Le document a été envoyé par vous
9 au ministre de la Défense, le colonel Bogdan Subotic, louant l'héroïsme du
10 1er Corps de la Krajina de Banja Luka pour les résultats obtenus lors de
11 l'honorable combat qui a ouvert le corridor. Vous dites dans ce document
12 que cela a donné l'espoir pour sauver la Krajina.
13 Vous indiquez également que vous êtes fier de leur héroïsme et dans
14 le dernier paragraphe, vous dites à quel point vous faites confiance en
15 Dieu et vous les louez pour la bravoure dont ils ont fait preuve et ce,
16 bien sûr, envers le 1er Corps de la Krajina. Vous êtes très positif pour ce
17 qui est des victoires à venir.
18 Est-ce que ce document, Monsieur Subotic, reflète ou rafraîchit votre
19 mémoire quant à l'opération militaire menée par les Serbes de Bosnie au
20 cours de l'année 1992 ?
21 R. Vous savez le corridor vers Brcko et plus loin qui mène jusqu'à
22 Bijeljina était fermé.
23 Q. Non, Monsieur Subotic, ce n'est pas cela que je vous demande.
24 J'aimerais vous demander de nous dire de quoi il en est, est-ce qu'il
25 s'agit d'une opération militaire sérieuse, n'est-ce pas là une opération
26 menée par les forces de Bosnie en 1992 ?
27 R. Les 12 bébés sont décédés parce qu'il n'y avait pas d'oxygène à Banja
28 Luka. C'est un fait très bien connu.
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, pourriez-vous, je vous
2 prie, vous concentrer sur la question qui vous est posée, ne répondre
3 qu'aux questions qui vous sont posées. Nous avons déjà entendu un très
4 grand nombre de dépositions concernant l'événement dont vous nous parlez il
5 y a quelques instants. Vous dites : il n'y avait pas de -- La question
6 était : est-ce que vous savez s'il y avait des opérations militaires
7 importantes ?
8 Maintenant on vous montre un texte selon lequel il y a eu une opération qui
9 a été menée, que vous louez, et que cette opération consistait à ouvrir le
10 corridor. Il s'agissait d'une opération militaire, n'est-ce pas ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, effectivement. C'était la libération de
12 la route afin que l'on puisse assurer l'approvisionnement.
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Examinons maintenant l'intercalaire 35, Monsieur Subotic, P727,
15 intercalaire 18. Il s'agit d'une directive opérationnelle qui porte le
16 numéro 4 du 19 novembre 1992. Si vous examinez ce document, vous verrez que
17 des directives ont été envoyées à plusieurs corps d'armée. On fait
18 plusieurs références à la libération des territoires, à la protection des
19 territoires déjà libérés aussi. On parle également du recouvrement de
20 plusieurs territoires qui avaient été perdus précédemment. On parle
21 également de lancer des opérations offensives, et si vous prenez la page 5
22 du document en anglais, document qui fait référence au Corps de la Drina de
23 votre version, vous verrez que les directives envoyées au Corps de la
24 Drina, on parle des positions présentes et on dit qu'il faudrait envoyer
25 les forces en direction de Visegrad, Zvornik et qu'il faudrait couvrir la
26 région élargie de Podrinje afin de pouvoir empêcher les pertes possibles
27 pour se rendre jusqu'à Zepa et Gorazde. Vous êtes au courant de ces
28 opérations, n'est-ce pas, Monsieur Subotic, c'étaient des offensives ?
Page 26555
1 R. Je savais qu'à Zepa nos soldats avaient perdu la vie. Justement, j'en
2 avais parlé au président lorsqu'il m'a posé des questions. Pour ce qui est
3 des autres opérations, je n'avais pas cet ordre. Je ne l'avais jamais vu
4 auparavant. Effectivement, pour ce qui est de Zepa, j'avais connaissance de
5 cette opération et je crois que j'en ai déjà parlé. J'ai tout expliqué là-
6 dessus. Je n'avais pas reçu cet ordre à l'époque.
7 Q. Non, vous avez dit aux Juges de la Chambre que vous n'étiez pas au
8 courant d'opérations militaires importantes, alors que le fait de libérer
9 des opérations visant à libérer les territoires, de mener des opérations
10 qui avaient été menées à la suite de l'ordre par la VRS et à la suite des
11 ordres donnés existaient, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, à l'époque, je le savais. Outre Zepa, je ne me souvenais plus
13 d'aucune autre opération. Il est certain qu'à l'époque j'étais au courant
14 de ces opérations, mais je n'avais absolument aucune influence sur ces
15 opérations.
16 Q. Très bien. Mais le fait est, Monsieur Subotic, que lorsque vous avez
17 déposé mercredi dernier et dans votre déclaration, vous avez fait allusion
18 sur le fait que le général Mladic a agi de façon indépendante et qu'il ne
19 fonctionnait pas conformément aux ordres de la VRS et des dirigeants Serbes
20 de Bosnie en 1992. La VRS et les dirigeants politiques avaient le même
21 objectif et tout le monde était au courant que les dirigeants Serbes de
22 Bosnie étaient subordonnés à la VRS, n'est-ce pas ? C'est une vérité ?
23 M. JOSSE : [interprétation] Ce sont deux questions. Objection, Monsieur le
24 Président.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Commençons par la dernière question,
26 Monsieur Subotic. J'aimerais savoir si d'abord tout le monde était au
27 courant que les dirigeants serbes de Bosnie étaient subordonnés à la VRS et
28 est-ce que tout le monde avait connaissance de ce fait ?
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, tout à fait. C'est tout à fait normal que
2 c'était ainsi.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La première question étant de savoir si
4 les dirigeants politiques et la VRS avaient les mêmes objectifs. Est-ce que
5 cela est vrai aussi ou est-ce que ce n'était pas le cas ?
6 LE TÉMOIN : [interprétation] Peut-être pour ce qui est des plans des
7 projets sur papier, oui, mais pour ce qui est de la réalisation de leurs
8 objectifs, cela ne veut pas nécessairement vouloir dire que oui.
9 M. TIEGER : [interprétation]
10 Q. C'est exact --
11 M. JOSSE : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, la question
12 spécifique incluait le général Mladic également. La question était beaucoup
13 plus spécifique.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Effectivement, il y avait plus que deux
15 questions. M. Tieger a précisé deux questions. Mais j'aimerais que vous
16 donniez une réponse aux autres sous-questions qui faisaient partie des deux
17 questions qui vous ont été posées.
18 M. TIEGER : [interprétation] Il me semblerait que c'est la même question.
19 Je ne vois pas de quelle façon le général Mladic peut être considéré
20 indépendant de la VRS.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Posons la question directement à M.
22 Subotic.
23 Monsieur Subotic, M. Tieger souhaiterait savoir si la VRS était subordonnée
24 d'abord aux dirigeants politiques serbes de Bosnie, et en répondant à ces
25 questions, est-ce que vos réponses incluaient également le général Mladic ?
26 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Il était subordonné mais il faudrait
27 savoir de quelle façon il respectait les ordres et de quelle façon il les
28 menait à bien. Il était autonome pour ce qui est de la réalisation des
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1 ordres.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je vous comprends, mais je vous ai
3 demandé une question un peu plus tôt. Je vous ai posé la question, à
4 savoir, si vous pouviez donner des exemples en 1992 où le général Mladic,
5 outre Zepa et le mont Igman, cette opération qui s'est déroulée en 1993, je
6 voulais savoir si vous pouviez nous donner des exemples qui pourraient
7 illustrer que le général Mladic s'est comporté de façon indépendante,
8 c'est-à-dire qu'il ne correspondait pas aux attentes directes des
9 dirigeants politiques.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne pourrais pas me souvenir de cela à
11 l'instant.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien. Veuillez poursuivre, Monsieur
13 Tieger.
14 M. TIEGER : [interprétation]
15 Q. Pour ce qui est maintenant de cette subordination aux dirigeants
16 politiques dans la Republika Srpska en 1992 -- ou la chaîne de commandement
17 en 1992 faisait en sorte que la VRS était subordonnée à la présidence,
18 n'est-ce pas, qui en 1992 était une présidence collective, était composée
19 de plusieurs membres jusqu'au mois de décembre ?
20 R. Oui. Oui. L'armée était subordonnée au commandant suprême, au président
21 Karadzic.
22 Q. L'armée, selon les lois de la Republika Srpska, était subordonnée au
23 président conformément à la constitution, et il y avait une présidence
24 collective jusqu'à ce que le président ne puisse être élu, n'est-ce pas ?
25 Elle était subordonnée à cette présidence; est-ce exact ?
26 R. Oui, c'est exact. Si ces dates ne se recoupent pas pour ce qui est des
27 opérations, oui, c'est comme vous le dites.
28 Q. Très bien. Pour ce qui est de la deuxième partie de 1992, cette
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1 présidence était une présidence de Guerre, et vous le saviez également,
2 n'est-ce pas ?
3 R. Non, non. Elle ne portait pas le nom de présidence de Guerre. Elle
4 portait le nom de présidence. Dans aucun document officiel on ne voyait
5 l'appellation présidence de Guerre, mais présidence de la Republika Srpska.
6 L'état de guerre n'était pas encore proclamé, il ne faut pas l'oublier. Ce
7 qui avait été proclamé c'était une imminente menace de guerre. C'était
8 l'état officiel des choses.
9 Q. Très bien. Juste quelques --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, il ne faudrait peut-
11 être pas revenir sur les termes "état de guerre ou menace imminente de
12 guerre," pour ne pas retomber dans tous ces détails.
13 M. TIEGER : [interprétation] Très bien, Monsieur le Président. Je n'en
14 avais vraiment pas l'intention non plus. Merci pour votre commentaire.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, je vous
16 prie.
17 M. TIEGER : [interprétation]
18 Q. Monsieur Subotic, vous savez qu'il y avait une présidence de Guerre et
19 vous saviez également cela à cause d'un certain nombre de choses. Vous
20 étiez présent lors de la 22e Session de l'assemblée serbe de Bosnie. On
21 avait discuté lors de cette séance de l'existence et de la continuation de
22 cette présidence de Guerre, on en a discuté en long et en large. Vous étiez
23 présent, n'est-ce pas, lors de la session de la présidence des Serbes de
24 Bosnie, l'une des trois sessions de la présidence à laquelle vous étiez
25 présent lorsqu'il a été question de la présidence de Guerre. Et vous-même
26 vous en avez parlé, vous avez parlé de la présidence de Guerre lors de la
27 19e Session de l'assemblée serbe de Bosnie.
28 R. Je ne comprends votre question. Quelle est votre question, je vous
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1 prie ?
2 Q. La question est la suivante : eu égard à toutes ces discussions qui ont
3 été menées concernant la présidence de Guerre, vous saviez pertinemment
4 bien qu'il y avait une présidence de Guerre à l'époque, n'est-ce pas, et
5 que cette présidence de Guerre était composée des trois membres initiaux de
6 cette présidence; en plus de cela, il y avait le président et le
7 gouvernement, n'est-ce pas ?
8 R. Oui, cela est tout à fait juste. Mais elle ne portait l'appellation de
9 présidence de Guerre, mais présidence.
10 Q. Oui, mais c'était une présidence de Guerre qui ne s'appelait pas
11 présidence de Guerre, mais présidence et qui était composée des hommes que
12 j'ai mentionnés il y a quelques instants ?
13 R. Si vous le dites ainsi, vous estimez qu'il s'agit d'une présidence de
14 Guerre, mais dans la constitution, dans les documents et de façon
15 officielle, on se référait à la présidence. On ne peut pas l'appeler
16 présidence de Guerre si dans le journal officiel on ne l'appelait ainsi.
17 Nous n'avions pas un état de guerre proclamé et nous ne l'appelions pas
18 présidence de Guerre.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, essayons, je vous
20 prie, d'être plus précis. Si vous dites : On ne peut pas appeler cette
21 présidence, présidence de Guerre, car on ne l'appelait pas ainsi dans le
22 journal officiel, mais pour être tout à fait clair, j'ai vu des gens faire
23 des choses qui n'étaient pas mentionnées dans le journal officiel. Avoir ce
24 genre de raisonnement-là n'est peut-être pas nécessairement la meilleure
25 façon d'aider aux Juges de cette Chambre.
26 On vous a demandé la chose suivante et vous-même vous avez employé
27 ces mêmes mots, c'est-à-dire, on a dit : Essayons de préciser deux choses
28 et ne pas confondre certaines choses. D'abord, il faudrait savoir de quelle
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1 façon la présidence était appelée, qu'elle soit appelée présidence de
2 Guerre ou pas, cela est une question. Et la deuxième question est de savoir
3 de quelle façon la présidence ou la présidence de Guerre porte le nom que
4 vous lui attribuez. De quelle façon est-ce qu'elle a fonctionné au cours de
5 cette année ? Comme M. Tieger vous l'a proposé, c'était M. Karadzic, Mme
6 Plavsic, M. Koljevic, le président de l'assemblée et le premier ministre M.
7 Djeric, ces cinq personnes faisaient partie de la présidence. Ce sont eux
8 qui constituaient la présidence. Que vous l'appeliez présidence de Guerre
9 ou autre, c'est autre chose. Est-ce que M. Tieger a raison lorsqu'il vous a
10 énuméré ces noms et lorsqu'il a présenté les choses de cette façon-là ?
11 Est-ce que vous êtes d'accord avec lui ou non ?
12 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Pour autant que je sache, il n'y avait
13 que ces trois personnes. Karadzic, Koljevic et Plavsic, eux, ils étaient
14 membres de la présidence, alors que les autres venaient de façon
15 temporaire. Je ne sais pas s'ils étaient membres de la présidence et ce
16 n'est pas quelque chose qui figure au journal officiel. Je ne l'ai vu nulle
17 part dans le journal officiel, Djeric, et Krajisnik, non. Je suis tout à
18 fait certain qu'ils ne faisaient pas partie de la présidence. Ils étaient
19 peut-être invités des fois. Moi aussi il m'arrivait d'être invité à ces
20 sessions, mais nous n'étions pas membres de la présidence. Les Nations
21 Unies sont au courant de cela aussi, et les personnes qui venaient en
22 Bosnie sont bien au courant de tout cela également --
23 [La Chambre de première instance se concerte]
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, il faudrait peut-être
25 passer à un autre sujet. Si vous le souhaitez, si vous voulez confronter le
26 témoin avec ses propres propos, à ce moment-là, vous pouvez le faire --
27 M. TIEGER : [interprétation] Je voudrais que l'on prenne le PV de la 19e
28 Session de l'assemblée des Serbes de Bosnie. Plus précisément, ce qui
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1 m'intéresse, c'est la page 58 en anglais et la page 56 en B/C/S. Vous
2 trouvez cette page à l'intercalaire 25. Le document P583, intercalaire 87.
3 Q. Vous avez eu l'occasion de voir des extraits, Monsieur Subotic, de ce
4 PV. Vous exprimez votre point de vue. Vous dites que personne ne vous
5 informe de rien, que vous n'aviez pas pris part aux décisions rendues par
6 l'état-major ou on vous a peu consulté sur la question. Finalement, à la
7 page 56 en B/C/S, vous dites : "De toute façon, je suis probablement le
8 seul ministre de la Défense au monde qui ne fait pas partie de la
9 présidence de Guerre de la république."
10 R. C'est un lapsus. C'était peut-être notre jargon habituel. Mais je vous
11 dis que dans les documents officiels, il n'a jamais été question de
12 présidence de Guerre.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur --
14 LE TÉMOIN : [interprétation] Cela ne change rien.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, on vous a demandé un
16 peu plus tôt si une présidence de Guerre existait, et on vous a parlé --
17 donc, on vous a confronté avec l'utilisation de ces mots. Vous avez dit que
18 personne ne l'appelait ainsi, parce que l'on ne l'appelait ainsi dans le
19 journal officiel. Alors que maintenant, M. Tieger vous propose - je ne sais
20 pas si nous trouverons ce terme dans votre document - vous dites que ce
21 terme n'existe pas ou cette appellation n'existe pas dans les autres
22 documents. Nous allons devoir examiner la chose. Mais vous-même, de toute
23 façon, vous employez cette terminologie, vous l'appelez ainsi. Est-ce que
24 c'est exact ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Probablement que oui. Il s'agit d'un
26 sténogramme. Je ne vais pas nier ce que j'ai dit, mais c'est une erreur de
27 ma part. En fait, à l'époque, je ne sais pas pourquoi j'ai dit présidence
28 de Guerre. Il ne s'agissait pas du tout d'une présidence de Guerre, mais de
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1 la présidence. C'était une façon habituelle dont nous parlions. Nous
2 n'étions peut-être pas tout à fait conscients lorsque nous l'appelions
3 ainsi. Peut-être, je ne sais pas pourquoi est-ce que cela aurait une si
4 grande importance.
5 M. TIEGER : [interprétation]
6 Q. N'essayez pas de faire semblant, Monsieur Subotic, que c'est un
7 lapsus linguae de l'avoir appelé présidence de Guerre -- que de l'appeler
8 présidence. Car vous le savez vous-même que cela n'a absolument aucun sens
9 de dire que vous êtes le seul ministre de la Défense qui n'est pas membre
10 également de la présidence de Guerre. Votre phrase, cette phrase que vous
11 avez prononcée à l'époque a une signification seulement si on la prend
12 comme vous l'avez dite. Donc ici, on pense à la présidence de Guerre
13 également.
14 R. Bien. Qu'il en soit ainsi, comme vous voulez.
15 Q. Monsieur, le Juge Orie, le Président de cette Chambre, vous a demandé,
16 vous a posé une question quant à votre déposition concernant le pilonnage
17 de Sarajevo. Il voulait savoir comment vous étiez si certain que le Dr
18 Karadzic n'avait pas donné d'ordre pour pilonner Sarajevo. Vous lui avez
19 dit que vous, personnellement, que vous vous êtes rendu aux archives à la
20 suite d'une demande de venir témoigner devant ce Tribunal. Vous nous avez
21 dit que vous êtes personnellement allé aux archives et que vous n'avez pas
22 trouvé d'ordre.
23 R. Oui, tout à fait. J'ai remis à M. O'Donnell trois livres de protocole.
24 C'est eux qui choisissaient les documents qu'ils allaient prendre avec eux.
25 C'est eux-mêmes qui choisissaient les documents et qui faisaient le tri des
26 documents. Parmi ces documents trouvés dans les archives, il n'y a pas eu
27 un tel ordre. C'est tout ce que j'affirme. Je n'affirme rien d'autre. Je ne
28 sais pas s'il y a eu un ordre secret émis, mais je doute qu'un ordre écrit
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1 pourrait jamais être secret et que cet ordre n'aurait pas fait l'objet d'un
2 enregistrement quelconque. Donc, je ne le crois vraiment pas. Mais je
3 n'exclus pas la possibilité que l'on ait pu donner un ordre d'une autre
4 façon.
5 Q. La logique de ce que vous suggérez aux membres de la Chambre, c'est que
6 s'il n'y avait eu d'ordre de pilonnage ou d'autres ordres à caractère
7 militaire de ce type, vous auriez trouvé dans les archives, vous pensez que
8 cela aurait été remisé ?
9 R. C'est exact. C'est tout à fait exact.
10 Q. Vous avez dit à la page 36 de votre déclaration que
11 M. Karadzic n'avait jamais donné d'ordre, comme vous l'avez dit, contenant
12 des mots : "Tuez, détruisez, brûlez, incendiez et massacrez." Je comprends
13 qu'il y a ces deux choses. Premièrement, numéro 1, qu'il a été fait
14 référence à des ordres pas seulement contenant ces mots précis mais
15 concernant de telles activités; numéro 1, n'est-ce pas ?
16 R. C'est exact. Absolument exact.
17 Q. Numéro 2, que c'était basé tout au moins en partie sur cette recherche
18 dans les archives de la présidence dont vous avez parlé, n'est-ce pas ?
19 R. Je le sais, parce que j'ai travaillé à la plupart de ces ordres. Je
20 faisais cela au crayon. Les ordres qu'officiellement -- enfin, il faisait
21 cela lui-même, ou plutôt les choses étaient différentes quand Mladic
22 préparait les documents pour lui. Cela ne m'était pas accessible. Je me
23 limitais aux décisions que le président prenait lui-même ou qu'il parvenait
24 lui-même, et il l'envoyait directement à quelqu'un.
25 Q. Maintenant, je suis au courant du fait que vous et votre équipe ne
26 fournissiez pas des documents qui traduisaient de tels ordres au Tribunal.
27 Je suis également conscient du fait que le Tribunal a procédé à un certain
28 nombre de recherches et d'opérations dans lesquelles les documents ont été
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1 saisis pour obtenir ces documents qui, par ailleurs, n'avaient pas été
2 fournis. Je vais vous montrer un document qui a été retrouvé au cours d'une
3 telle recherche, une telle opération de recherche et de saisie
4 indépendante.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je vais demander que ce document soit
6 distribué et qu'on lui attribue un numéro.
7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce P1264,
8 Monsieur le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Greffier.
10 M. TIEGER : [interprétation]
11 Q. Monsieur Subotic, voici un document qui donne des indications, des
12 directives pour des opérations futures. C'est le numéro 7 signé par le
13 commandant suprême, M. Karadzic, et ceci en mars 1995. Si je pouvais
14 appeler votre attention rapidement sur un certain nombre de parties de ce
15 document, tout d'abord, à la page 4 de l'anglais, tout en haut de la page.
16 Pour ce qui est de votre version en B/C/S, Monsieur Subotic, il s'agit de
17 la page 6. Tout en haut de la page, vous verrez le numéro 008233169, les
18 tâches de l'armée de la Republika Srpska, et la dernière portion de ce
19 premier paragraphe que l'on retrouve à la page 8 de l'anglais : "Ainsi, par
20 la force des armes imposées, le résultat final de la guerre à l'ennemi
21 forçant le monde à reconnaître la situation actuelle sur le terrain et
22 mettant fin à la guerre; 2, améliorer la position opérationnelle et
23 stratégique de la RS; 3, réduire la ligne de front en renvoyant un certain
24 nombre de conscrits chez eux; quatrièmement, créer des conditions optimales
25 pour que la direction de l'Etat, la direction politique puisse négocier un
26 accord de paix et réaliser les objectifs stratégiques de la guerre."
27 Si nous pouvons rapidement passer à la page 10 du texte anglais. En
28 version B/C/S, Monsieur Subotic, il s'agit de la page
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1 00823173. Il s'agit des directives adressées au Corps de la Drina. Au
2 dernier paragraphe, à la page 10, en commençant à la dernière partie --
3 enfin, pas la dernière phrase mais le dernier membre de la phrase qui
4 précède cela. "Tandis que, en ce qui concerne les enclaves de Srebrenica et
5 de Zepa, il doit y avoir une dissociation matérielle totale de Srebrenica
6 par rapport à Zepa, qui doit être effectuée dès que possible pour empêcher
7 même qu'il y ait des communications entre les personnes des deux enclaves
8 par des opérations de combat planifiées et bien conçues pour créer une
9 situation insupportable d'insécurité totale, sans aucun espoir de survie ou
10 de vie pour les habitants de Srebrenica et de Zepa par la suite." Nous
11 passons rapidement à la page 14 de l'anglais. A la page 00823179 du B/C/S.
12 Ceci se trouve tout en haut de la page pour vous, en quelque sorte, au
13 début de cela, juste avant le deuxième paragraphe, Monsieur Subotic. Pour
14 les membres de la Chambre, ce sera le troisième paragraphe à partir du bas
15 de la page 14 pour l'anglais. Les organes de l'Etat, les organes militaires
16 compétents responsables des travaux avec la FORPRONU pour les organisations
17 humanitaires devront, par des permis qui seront délivrés de façon
18 restrictive, réduire et limiter l'appui logistique de la FORPRONU aux
19 enclaves pour ce qui est de la fourniture des ressources matérielles à la
20 population musulmane, faisant en sorte qu'ils soient dépendants de notre
21 bon vouloir, tout en même temps en évitant d'être condamnés par le
22 communauté internationale et l'opinion publique internationale.
23 Maintenant, cette directive qui a trait à la création d'une situation
24 insupportable, des ordres qui concernent la création d'une situation
25 insupportable, d'insécurité totale avec aucun espoir de survie ou de vie
26 par la suite pour les habitants de Srebrenica et de Zepa, Monsieur Subotic,
27 est un document qui n'a pas été remis au bureau du Procureur au cours des
28 recherches sur lesquelles vous vous êtes fondées pour assurer aux Juges que
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1 M. Karadzic n'avait jamais émis un tel ordre.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Je vois que vous opinez de la tête.
3 Est-ce que c'est une affirmation de ce que dit M. Tieger, Monsieur
4 Subotic ?
5 LE TÉMOIN : [interprétation] Pourrais-je dire à l'Accusation qu'il s'agit
6 là d'un document du Grand état-major. Non, ce n'est pas un document du
7 Grand état-major; c'est -- bon, il n'a jamais été dans les archives du
8 président de la république. J'affirme en prenant toute responsabilité - et
9 aussi votre équipe d'investigation peut le confirmer - il y avait des
10 protocoles scellés avec des pages qui portaient certaines marques. Donc, il
11 s'agit d'un document de l'état-major principal qui a été préparé et qui a
12 été signé quelque part en dehors de ce bureau du président de la
13 république. C'est la toute première fois que je vois ce document. Je sais
14 qu'il y avait certaines directives, mais ceci n'a jamais été -- venant du
15 président de la république.
16 M. TIEGER : [interprétation]
17 Q. Vous étiez ministre de la Défense. Vous étiez conseiller spécial de M.
18 Karadzic. Quelle est l'utilité d'assurer la Chambre que des ordres de ce
19 genre n'existaient pas si on ne les trouve pas dans les archives de la
20 présidence ?
21 R. Je soutiens qu'ils n'y figurent pas. Je veux dire, je ne suis pas en
22 train de nier ou de contester cette directive; je vois quelle est
23 régulière.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, je pense que la
25 question qui vous est posée est la suivante : en répondant à des questions,
26 vous vous êtes fondé sur l'absence ou le manque de certains documents aux
27 archives dans lesquelles vous avez procédé à des recherches. M. Tieger,
28 maintenant, vous présente la question de la fiabilité par rapport à
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1 l'absence de ces documents en tant que tels, alors que des documents
2 importants ont été trouvés ailleurs bien qu'on s'attendrait à les trouver,
3 vous vous attendriez à les trouver dans de telles archives. Ceci limite la
4 fiabilité d'une réponse qui se fonde tellement sur ce que l'on a pu
5 retrouver dans les archives. C'est cela que M. Tieger vous dit. Avez-vous
6 des commentaires à faire à ce sujet ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Je peux simplement dire que ce document n'a
8 jamais été à la présidence. Il n'a jamais été au cabinet du président de la
9 république.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je pense que M. Tieger ne nie pas cela
11 non plus. Ce n'est pas cela qui a été contesté, la question vous est posée.
12 Bon. Veuillez poursuivre, Monsieur Tieger.
13 M. TIEGER : [interprétation]
14 Q. Avant que je passe à la question des archives de la présidence,
15 pourquoi ne dites-vous pas aux Juges de la Chambre ce qui s'est passé pour
16 les archives de la présidence lorsque vous étiez en train de les
17 parcourir ? Elles ont disparu, n'est-ce pas, et elles n'étaient pas
18 disponibles pour les organes qui voulaient faire des recherches, n'est-ce
19 pas le cas ?
20 R. J'ai fait une déclaration écrite à la demande de Mme Carla Del Ponte il
21 y a deux ans en ce qui concerne ce point. Et je vous répéterai ce que j'ai
22 dit dans cette déclaration, c'est exact. Lorsque le président, comme on l'a
23 demandé, a passé ses pouvoirs à Mme Plavsic, il lui a remis tout ce qui
24 composait son cabinet, y compris tous les dossiers avec tous les ordres et
25 tous les documents qui se trouvaient à la présidence. J'étais présent au
26 moment où cette passation a eu lieu. J'étais présent ainsi que le chef de
27 cabinet civil, le Pr Micic, de sorte que l'ensemble s'est retrouvé entre
28 les mains de Mme Plavsic à partir de ce moment-là. Je suis resté, j'ai
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1 continué à travailler au cabinet de Mme Plavsic, par la suite, au mois de
2 mars, et l'année suivante, nous nous sommes installés à Banja Luka. Mme
3 Plavsic était en charge. Je ne sais pas ce qu'elle a fait avec ces archives
4 présidentielles ou ce qu'elle a fait de ces archives présidentielles.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La réponse est que si elles ont disparu,
6 c'était - bon, elles ont disparu par la suite - ce n'était pas sous notre
7 responsabilité, parce que nous avons transféré les archives une fois que M.
8 Karadzic a - c'est cela ?
9 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, absolument --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous faites une longue déclaration à ce
11 sujet. Vous dites que ces archives ont été transférées, que la
12 responsabilité a été transférée à Mme Plavsic une fois que le Dr Karadzic
13 s'est retiré ou tout au moins qu'il a démissionné de ce poste. Bien.
14 Finalement, est-ce que vous savez si ces archives ont disparu après cela ?
15 Si elles étaient disponibles ou non par la suite ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Elles ont disparu à Pale après --
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, elles ont disparues. Est-ce que
18 vous savez quoi que ce soit à ce sujet ?
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Disparues. J'ai fait une déclaration en
20 disant, qu'à ce moment-là, que la personne nouvellement nommée --
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne vous demande pas si vous avez fait
22 une déclaration; je vous demande de répondre à ma question. Est-ce que vous
23 savez quelque chose sur la façon dont elles ont disparu ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. J'en ai
25 connaissance. Le directeur de la police nouvellement nommé pour la
26 Republika Srpska dans une action qui avait un caractère plus politique sur
27 la base de quelques discordes parmi les politiciens, des hommes politiques,
28 l'année suivante - je pense que c'était en 1998 - mais je vous en prie, ne
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1 me prenez pas au mot pour la date exacte là encore, il a saisi ces
2 archives. Je ne sais absolument pas ce qui leur est arrivé. Cette personne,
3 par la suite, a été tuée, elle a été assassinée. Donc, je ne sais vraiment
4 pas ce qui est arrivé à ces archives et où elles se trouvent.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Monsieur Tieger, il faut que nous
6 en finissions autant que possible approximativement dans les limites de
7 temps qui ont été fixées.
8 M. TIEGER : [interprétation] Bien, Monsieur le Président. J'ai encore un
9 sujet, et je voudrais indiquer à la Chambre que je souhaitais vous poser
10 certaines questions concernant Koricanske Stijene. Je suis évidemment à la
11 disposition de la Chambre en ce qui concerne ce point.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Essayons de garder les choses aussi
13 brèves que possible. Oui.
14 M. TIEGER : [interprétation]
15 Q. Monsieur Subotic, vous avez indiqué que vous aviez rendu compte à M.
16 Karadzic de votre réunion avec Zupljanin et d'autres concernant Koricanske
17 Stijene. Puis-je vous demander de regarder rapidement le document qui se
18 trouve à l'intercalaire 28. L'intercalaire 28, Monsieur le Président, il
19 s'agit des pièces P64, P65 et P195.
20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, 27e Session de la présidence.
21 M. TIEGER : [interprétation] C'est exact.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le 1er septembre 1992.
23 M. TIEGER : [interprétation]
24 Q. Au point 4, Monsieur Subotic, comme vous le voyez, il est dit que vous
25 avez informé les membres de la présidence dont la liste figure ci-dessus de
26 vos visites de certaines villes et les formations militaires dans la
27 Krajina de Bosnie et dans des zones plus vastes, et vous avez informé la
28 présidence de vos observations dans ces postes militaires. Vous indiquez
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1 aussi que les rapports et les conclusions ont été adoptés entièrement en ce
2 qui concerne l'engagement de certaines formations militaires dans la
3 période à venir. Donc, il y avait une réunion à laquelle vous avez donné un
4 briefing concernant votre réunion avec Zupljanin et d'autres concernant les
5 événements qui avaient eu lieu à Koricanske Stijene qui s'étaient produits
6 au mois d'août, le 21 août 1992 ?
7 R. C'est exact.
8 Q. Maintenant, je passe rapidement à deux points. Il s'agit de
9 l'intercalaire 56. Le document P892, intercalaire 84. Ce document est un
10 rapport émanant du 1er Corps de la Krajina, du commandement du
11 1er Corps de la Krajina pour ce qui est du service de Renseignements et de
12 Sécurité, qui indique que vers 16 heures 30, le 21 - enfin, c'est daté
13 également du 21 - un convoi a été arrêté dans le secteur de Koricanske
14 Stijene, on a fait sortir des réfugiés et qu'un génocide a été commis
15 contre les civils.
16 A cet égard, je voudrais là aussi vous demander de regarder le document
17 suivant. Je pense qu'il s'agit du document P892, intercalaire 83. C'est un
18 rapport du commandement du 1er Corps de la Krajina adressé au Grand état-
19 major de l'armée de la République serbe. A la page 2 du texte anglais, au
20 point numéro 3, on indique qu'un massacre de civils, d'hommes musulmans, a
21 été commis le 21 août entre 18 heures 30 et 19 heures par un groupe de
22 policiers qui escortait un convoi de réfugiés se dirigeant vers Travnik. Ce
23 massacre a eu lieu à Koricanske Stijene.
24 Monsieur Subotic, cet événement était à l'évidence connu des forces
25 et des services de Renseignements et des forces militaires des Serbes de
26 Bosnie pratiquement immédiatement, comme nous l'avons vu de part le
27 document du 21 août. Est-ce que vous avez été envoyé vous-même à Banja Luka
28 pour rencontrer Zupljanin immédiatement après que cet événement a eu lieu
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1 et a été rendu public, a été connu ?
2 R. Oui, c'est exact. Dès que le premier message est arrivé à Pale,
3 l'après-midi du même jour, je suis parti. Je ne me rappelle pas la date
4 exacte, mais cette réunion au MUP de Banja Luka a eu lieu le jour suivant,
5 le lendemain. Mais c'était peut-être deux jours après l'événement.
6 Q. Il s'agissait là d'un énorme convoi, n'est-ce pas, il y avait un très,
7 très grand nombre d'autocars qui se rendaient de Prijedor jusqu'à Travnik
8 en passant par Banja Luka et d'autres secteurs en coordination avec toutes
9 les forces en route; c'est bien cela ?
10 R. Je n'étais pas informé de cela. Je ne sais pas comment les choses
11 étaient prévues. J'ai seulement été informé de l'événement qui avait eu
12 lieu à Koricanske Stijene.
13 Q. Ce n'était pas un convoi secret ?
14 R. Je suppose que non.
15 Q. Combien y avait-il de policiers qui escortaient ou gardaient ce
16 convoi ? Combien y en avait-il qui ont été interrogés sur ce qui s'est
17 passé par rapport à ce qui se révèle avoir été quelque 200 civils musulmans
18 qui ont été massacrés ?
19 R. Je ne sais pas. Ceci relevait du pouvoir judiciaire et de la police
20 civile, le MUP. Les militaires n'ont eu aucune part dans cela. Je n'ai
21 regardé aucun de ces rapports. Cela ne relevait pas de mes fonctions. De
22 toute façon, en l'occurrence, je ne disposais pas de ces rapports. Je sais
23 qu'il y avait eu un ordre visant à procéder à une enquête en vue d'un
24 procès, en vue de poursuites. Tout ceci a été ordonné pour le pouvoir
25 judiciaire et le MUP. Je ne sais pas ce qui est révélé par la suite, je
26 n'ai pas été informé de cela.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je pense, que
28 néanmoins, nous sommes arrivés à ce stade où je vais poser une ou deux
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1 questions à ce sujet. Lorsque vous étiez à cette 20e Session de la
2 présidence, lorsque vous avez informé les membres de la présidence, est-ce
3 que vous leur avez dit que plus de 100 personnes avaient été tuées ?
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Avant la réunion de la présidence, ils avaient
5 reçu un rapport officiel du MUP. Ils avaient reçu un télégramme. Je n'ai
6 pas eu à mentionner de chiffres de ce qui avait été décidé ou entrepris. Il
7 y avait une commission qui se trouvait sur les lieux pour le compte des
8 pouvoirs judiciaires et du MUP. Des mesures ont été prises, parce que le
9 président a insisté pour que ces mesures soient prises et qu'il y ait des
10 poursuites. Je n'ai pas mentionné des détails; j'ai simplement confirmé que
11 ceci avait été mentionné à la réunion à Banja Luka, le fait que des unités
12 militaires n'avaient pas pris part à cela, et que seul le MUP et les
13 organes judiciaires avaient pris cette question en main.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Est-ce que vous aviez une raison à
15 ce moment-là de croire que ceux qui étaient présents n'étaient pas au
16 courant de cet événement et de ce qui trouvait dans ce rapport ?
17 LE TÉMOIN : [interprétation] Non. Je n'avais aucune raison pour cela, pour
18 ce qui était des faits ou quoi que ce soit. Tout le monde était au courant.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après les entretiens, vous avez
20 compris la gravité de la question. Elle était claire pour tous ceux qui
21 étaient présents ?
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, absolument. Tout le monde était décidé à
23 ce que la question soit traitée avec toute la dignité voulue. Personne
24 n'était contre les mesures prises. J'ai juste transmis le message du
25 président qui insistait pour que les mesures les plus strictes puissent
26 être prises conformément à la loi et il a insisté pour qu'une bonne équipe
27 puisse traiter de cette question et la régler.
28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger, je crois qu'il faut
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1 qu'on achève.
2 M. TIEGER : [interprétation] Oui, juste un document, s'il vous plaît.
3 L'intercalaire 60, je voudrais demander qu'il reçoive une cote et nous en
4 aurons fini.
5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. On n'y jette simplement un coup
6 d'œil et ensuite, nous en terminons.
7 M. TIEGER : [interprétation] Il faut qu'on lui attribue un numéro, Monsieur
8 le Président.
9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Intercalaire 60, Monsieur le Greffier,
10 il s'agit d'une lettre ou d'un message envoyé par le chef du poste de
11 sécurité publique, Simo Drljaca en 1992.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du document
13 P1265, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ceci est adressé au centre de sécurité
15 de Banja Luka, au chef de ce poste de sécurité ?
16 M. TIEGER : [interprétation] Oui.
17 Q. Très rapidement, Monsieur Subotic, il s'agit du fait que M. Drljaca
18 indique au CSB qu'il n'a été pas en mesure d'enquêter sur les tueries qui
19 auraient eu lieu à Koricanske Stijene parce que les policiers ont été
20 transférés à Han Pijesak et qu'il n'est pas en mesure de fournir une liste
21 des personnes qui voyageaient dans ces convois. Est-ce que vous êtes au
22 courant de mesures qui ont été prises pour enquêter après cela ?
23 R. Non, je n'ai pas connaissance de cela d'un point de vue concret mais le
24 tribunal de Banja Luka devrait le savoir parce que cette affaire-là a été
25 soumise au tribunal. Je pense qu'il en existe encore des archives.
26 Toutefois, je n'ai pas été consulté à ce sujet par la suite.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La question était de savoir si vous
28 étiez au courant.
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1 M. TIEGER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Nous allons suspendre la séance aussi
3 brièvement que possible. Monsieur le Greffier, le minimum ce serait 18
4 minutes ? Nous allons reprendre dans 15 minutes à partir de maintenant.
5 Nous reprendrons à 5 heures moins 10 précises, s'il vous plaît.
6 --- L'audience est suspendue à 16 heures 35.
7 --- L'audience est reprise à 16 heures 52.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Subotic, vous allez être
9 interrogé par Me Josse, conseil de la Défense. Maître Josse, c'est à vous.
10 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, nous ne sommes pas
11 particulièrement satisfaits de la situation du point de vue du temps mais
12 nous sommes absolument décidés à en terminer aujourd'hui. Peut-être pour le
13 témoin suivant, la Chambre pourra-t-elle réexaminer la situation lundi,
14 afin de veiller à ce que ce genre de situation ne se reproduise pas. Cela,
15 c'est la première chose que je voulais dire. La deuxième est la suivante :
16 M. Krajisnik vient à l'instant même de me faire savoir qu'il aimerait poser
17 une ou deux questions à ce témoin sur un sujet particulier. Il s'agit du
18 dernier thème abordé par l'Accusation, il y a quelques instants, au cours
19 se son interrogatoire. Nous n'avons pas eu la possibilité d'en discuter à
20 fond, mais dans ces conditions, si la Chambre le permet, nous aimerions
21 demander, pour notre client la possibilité de poser une ou deux questions
22 sur ce seul sujet au témoin.
23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C'est une question très sensible. Par
24 conséquent, je vais consulter mes collègues.
25 [La Chambre de première instance se concerte]
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Josse, vous aurez remarqué
27 certainement que la Chambre préfère que les questions soient posées par des
28 avocats. Ce qui n'empêchera pas M. Krajisnik d'intervenir en mettant ses
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1 questions par écrit si cela ne le dérange pas, ce qui vous permettra
2 ensuite de poser ces questions au témoin. La Chambre tient à être précise
3 quant aux modalités dans lesquelles les questions sont posées. En général,
4 nous comptons sur le professionnalisme des avocats de la Défense et des
5 représentants de l'Accusation. Compte tenu de la sensibilité de la
6 question, la Chambre ne sera pas très souple et elle n'autorisera pas M.
7 Krajisnik à poser physiquement les questions au témoin. Si vous ne voyez
8 que cette façon de régler le problème, ce n'est pas M. Krajisnik qui pourra
9 interroger le témoin.
10 M. JOSSE : [interprétation] Merci. Je vais commencer à interroger le témoin
11 sur un autre thème.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous en prie.
13 Contre-interrogatoire par M. Josse :
14 Q. [interprétation] Pièce à conviction P1263. Monsieur Subotic, c'est une
15 photographie, vous n'avez sans doute pas besoin de la revoir. Nous ne la
16 connaissons malheureusement que trop bien. Vous rappelez-vous quand vous
17 avez vu cette image pour la première fois sous forme de photographie ou de
18 séquence vidéo ?
19 R. Je l'ai vue pour la première fois à la télévision mais je ne me
20 souviens vraiment pas quand. Elle a été montrée à de très nombreuses
21 reprises à la télévision. Elle a été publiée dans des journaux mais je
22 crains fort de risquer de me tromper si je devais m'avancer sur la date
23 exacte. Je n'ai même pas la moindre idée du temps qui s'est écoulé entre le
24 moment où j'ai vu cette photographie et le moment où est survenu
25 l'événement en question. En tout cas, je sais que j'ai vu déjà cette
26 photographie.
27 Q. Je suppose, à vous entendre, que vous l'avez vue un jour de 1992,
28 n'est-ce pas ?
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1 R. Croyez-moi, je ne saurais le préciser. Sur la photographie que je vois
2 ici, il n'y a pas de fil de fer barbelé, alors que sur la séquence vidéo,
3 on voyait des barbelés.
4 Q. Lorsque cette séquence vidéo a été diffusée et que les gens qui
5 vivaient sur le territoire de la Republika Srpska l'ont vue, est-ce que
6 cette question a fait l'objet, d'après ce que vous en savez, d'un débat à
7 haut niveau au sein de la direction de cette entité ou de ce pays ?
8 R. Oui.
9 Q. Qu'a-t-il été dit à ce sujet à ce moment-là ?
10 R. Des doutes très importants quant à l'authenticité de cette photographie
11 ont été exprimés. D'ailleurs, je l'ai dit moi-même, lorsque je répondais
12 aux questions qui m'étaient posées tout à l'heure.
13 Q. J'aimerais maintenant revenir à mon point de départ. Vous n'êtes pas en
14 mesure de dire à quel moment ce débat a eu lieu entre les dirigeants ? Vous
15 ne vous en souvenez pas aujourd'hui, vous ne vous rappelez la date à
16 laquelle ce débat a commencé ?
17 R. Non, non, non.
18 Q. M. le Juge Hanoteau vous a interrogé au sujet d'un dénommé Milorad
19 Davidovic et vous avez répondu en disant ne pas le connaître. Autrement
20 dit, c'est un nom que vous n'avez pas entendu, n'est-ce
21 pas ?
22 R. Non, je n'ai pas la moindre idée de qui il s'agit.
23 Q. Je crois me rappeler qu'on vous a également demandé si vous aviez
24 entendu parler d'un accord conclu avec le MUP au niveau de la fédération,
25 accord qui autorisait M. Davidovic à superviser l'action des unités
26 paramilitaires. Vous avez dit ne rien savoir à ce sujet, n'est-ce pas ?
27 R. Absolument rien.
28 Q. Je vous demanderais, si vous voulez bien, de jeter un coup d'œil au
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1 paragraphe 37 de votre déclaration préalable à votre audition en tant que
2 témoin devant cette Chambre. Avez-vous la liasse des documents sous les
3 yeux ?
4 R. Oui. Vous parlez de ce que j'ai rédigé avant ma venue ici, n'est-ce pas
5 ?
6 Q. Oui.
7 R. Oui, je l'ai.
8 Q. Au paragraphe 37, vous parlez de Vojin Vuckovic. A peu près au milieu
9 de ce paragraphe, vous dites, je cite : "J'ai appris par la suite que le
10 MUP avait arrêté les Guêpes jaunes, car elles avaient participé à des actes
11 criminels. Je sais que Mico Stanisic a fait cela. Il est à présent à La
12 Haye." Je vous demande d'abord ce que vous entendez exactement par la
13 phrase "Je sais que Mico Stanisic l'a fait" ?
14 R. C'est parce que ce Vojin Vuckovic avait volé quelque chose. Je ne sais
15 plus exactement quoi. Je sais que ce n'était pas des armes. Je crois que
16 c'étaient des bijoux ou des objets en or. De toute façon, c'était un homme
17 qui posait des problèmes et Stanisic a reçu une mission du président
18 Karadzic de régler la question. Après la conversation que j'ai eue avec
19 lui, après que je lui ai dit avec insistance qu'il ne devait pas y avoir de
20 paramilitaires, il est venu se plaindre à moi en disant qu'il était
21 véritablement persécuté. J'ai beaucoup insisté sur la position qui était la
22 mienne, et une fois que j'ai appris que le ministre de l'Intérieur avait
23 organisé son arrestation et qu'il avait été arrêté, je n'ai plus jamais
24 entendu parler de ce Vuckovic. Je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui ou
25 ce qui s'est passé pour vous dire la vérité.
26 Q. Avez-vous la moindre idée des conditions dans lesquelles Mico Stanisic
27 est intervenu pour garantir l'arrestation de ce Vuckovic ?
28 R. Je ne sais pas. Croyez-moi, je n'en sais rien.
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1 Q. A quel moment avez-vous appris que les Guêpes jaunes étaient impliquées
2 dans des actes criminels, si vous en avez été informé à un certain moment ?
3 R. Je crois qu'il s'agissait de vols d'objets en or dans un endroit situé
4 non loin de Pale. Je n'ai qu'un souvenir très flou de tout cela, comme dans
5 un brouillard. Je sais que j'en ai entendu parler.
6 Q. Je vous demanderais de jeter un coup d'œil à ce document, s'il vous
7 plaît.
8 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit d'un document
9 qui n'a pas encore été versé au dossier.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Dans ce cas, il faut lui donner une
11 cote.
12 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce D258, Monsieur le
13 Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.
15 M. JOSSE : [interprétation] Je ne crois pas que ce document ait été
16 distribué aux cabines d'interprètes à l'avance.
17 Q. Il s'agit d'un rapport émanant d'un procureur régional,
18 M. Negovan [phon], qui porte la date de novembre 1993, et qui demande
19 qu'une enquête soit diligentée à l'encontre des frères Vuckovic. Au bas, en
20 tout cas, tout près du bas de la page dans la version B/C/S et tout en bas
21 de la page 1 de la version anglaise, nous trouvons une rapide description
22 de ces événements terribles qui se sont déroulés au centre culturel le 12
23 juin 1992.Quand avez-vous appris ces événements, Monsieur Subotic, si vous
24 en avez eu connaissance ?
25 R. Ce qui est décrit dans ce document ? Vous parlez de l'événement qui
26 donne lieu à l'enquête demandée par ce juriste ? Cet événement-là, je n'en
27 ai jamais eu la moindre connaissance. Je n'ai pas la moindre idée de cet
28 événement, et je n'ai rien entendu qui ait le moindre rapport avec Sabac.
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1 Q. J'aimerais revenir au point de départ de mon interrogatoire. Vous ne
2 savez rien de l'implication de Milorad Davidovic dans des événements
3 auxquels auraient participé les Guêpes jaunes, n'est-ce pas ?
4 R. Non, absolument pas.
5 Q. Des questions vous ont été posées au sujet de la JNA et des opérations
6 qu'elle a menées avec la VRS, armée de la Republika Srpska. Il est exact,
7 n'est-ce pas, que s'agissant des soldes versées aux officiers d'active de
8 la JNA qui faisaient partie de la VRS, vous étiez informé du fait que la
9 République fédérale de Yougoslavie les rémunérait de temps en temps ?
10 R. Suite à un accord conclu entre la direction serbe et la République
11 fédérale de Yougoslavie, quant au fait que la République fédérale de
12 Yougoslavie - parce que tous les documents personnels des officiers de la
13 JNA, même si ces derniers étaient Musulmans, tous leurs papiers étaient à
14 Belgrade; ils ne se trouvaient pas sur le territoire de la Bosnie-
15 Herzégovine, par conséquent. Un accord a été conclu quant au fait que ce
16 serait l'armée de la République fédérale de Yougoslavie qui se chargerait
17 de la rémunération des soldes versées aux officiers qui, soit étaient
18 restés en Bosnie-Herzégovine, soit étaient natifs de Bosnie-Herzégovine ou
19 étaient revenus de Yougoslavie en Bosnie-Herzégovine pour cette raison,
20 précisément. Je puis même vous dire qu'au nombre des officiers rémunérés
21 par l'armée yougoslave se trouvait Atif Dudakovic ainsi que Drekovic, un
22 autre officier. Le secrétariat fédéral se trouvait alors sous le contrôle
23 de Blagoje Adzic. Je ne sais pas grand-chose d'autre. Ce que je sais, c'est
24 que ces deux hommes Drekovic et Dudakovic étaient rémunérés par l'armée de
25 la République fédérale yougoslave, car il s'agissait d'officiers que
26 j'avais eu sous mes ordres, que je connaissais bien. Je sais qu'ils
27 recevaient leurs soldes de la Yougoslavie en 1993.
28 Ensuite, la Yougoslavie a créé ce qu'elle a appelé le 30e centre du
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1 personnel. C'est ce centre qui s'est chargé du versement des soldes à tous
2 les officiers qui se trouvaient en Bosnie, en Republika Srpska. Ces
3 dispositions ne concernaient que les officiers d'active et non les
4 réservistes.
5 Q. M. Dudakovic et M. Adzic étaient tous les deux --
6 R. Directeurs. Mais je --
7 Q. Est-ce qu'ils étaient tous les deux d'appartenance ethnique bosnienne ?
8 R. Oui. Mais je crois qu'il y en a d'autres qui recevaient également leurs
9 soldes des mêmes sources. Je n'ai pas de renseignement précis à ce sujet,
10 mais je connais encore d'autres hommes, comme par exemple, Mehmed Alagic,
11 qui était également un de mes subordonnés. C'était un général qui,
12 aujourd'hui, fait partie de l'armée musulmane. Lui aussi recevait sa solde
13 de cette même source.
14 Q. Dans la très longue réponse que vous venez de faire, avez-vous dit que
15 ces officiers étaient des officiers de l'armée musulmane ? Car cela ne
16 figure pas au compte rendu d'audience en anglais ?
17 R. Je ne comprends la question.
18 Q. Bien. Je vais la formuler autrement : Atif Dudakovic, de quel côté se
19 battait-il pendant la guerre ?
20 R. Il s'est battu du côté des Musulmans pendant la guerre. Comme Ramiz
21 Drekovic aussi d'ailleurs. Ils étaient tous les deux commandants du Corps
22 de Bihac. Par la suite, ils ont obtenu des postes plus importants au sein
23 de l'ABiH.
24 Q. J'aimerais, et j'espère que cela ne durera pas trop longtemps, que nous
25 parlions de ce qu'il est convenu d'appeler la présidence élargie.
26 J'aimerais que nous revenions sur ce que vous avez dit à ce sujet dans
27 certaines de vos réponses précédentes. J'espère que vous avez sous les yeux
28 votre déclaration préalable de 1997, qui n'existe qu'en version anglaise.
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1 Vous aurez sans doute besoin de mon aide --
2 R. Oui, je n'ai ce texte qu'en anglais. Je vous demanderais d'en donner
3 lecture.
4 Q. Oui, je vais le faire. Paragraphe 49, au milieu du paragraphe, vous
5 dites, je cite : "Il n'y avait pas de présidence de Guerre au niveau de la
6 république. Vous l'avez déjà dit oralement. Ici donc, manifestement, vous
7 vous en tenez à cette déclaration, n'est-ce pas, vous la considérez comme
8 correspondant à la réalité ?
9 R. Absolument.
10 Q. Au paragraphe 50, vous dites que l'état de guerrea été proclamé en
11 Bosnie-Herzégovine bien plus tôt qu'en Republika Srpska, et qu'en fait, cet
12 état de guerre n'a été proclamé qu'en Republika Srpska qu'au printemps
13 1995. Je ne vais pas polémiquer avec vous sur ce point. Puis, un jour plus
14 tard, vous avez été interrogé par John Ralston, le 4 février 1998. En page
15 5 du document établi à l'issue de ce contre-interrogatoire, en milieu de
16 page, vous dites, je cite : "Nous avions la présidence de la république.
17 Cette présidence existait déjà depuis à peu près un an. Je vous ai dit qui
18 faisait partie de cette présidence qui se réunissait tous les jours."
19 Alors, je n'ai pas très bien compris ce que vous avez dit à M. Ralston
20 précédemment quant aux membres de la présidence de Guerre. A qui pensiez-
21 vous exactement quand vous avez fait cette réponse en 1998 ?
22 R. Je ne sais pas ce qui est écrit dans le document de 1997, mais en 1998,
23 c'était un entretien, ou si préférez le mot, un interrogatoire
24 complémentaire. Bien sûr, lorsque la sténotypie de cet interrogatoire a été
25 dactylographiée, on a décidé de me poser en 1998 des questions
26 complémentaires par rapport à celles qu'on m'avait déjà posées en 1997.
27 C'est ce que vous avez dans ce document.
28 Q. Ce que venez de dire est très utile, mais ma question portait sur
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1 quelque chose d'un peu différent. Quand vous avez répondu comme vous l'avez
2 fait, à qui pensiez-vous en parlant des membres de la présidence ?
3 R. Bien, aux membres de la présidence qui étaient au nombre de trois,
4 Karadzic, Koljevic et Mme Plavsic. Leurs noms figurent au journal officiel.
5 Il n'y a pas le moindre de doute à ce sujet.
6 Q. Finalement, nous pouvons nous pencher sur ce que vous dites au
7 paragraphe 21 de la déclaration que vous avez établie à l'intention de la
8 Chambre qui est en face de vous aujourd'hui. Est-ce que vous avez ce
9 document sous les yeux dans votre langue ? Vous dites au sujet de M.
10 Krajisnik, je cite : "Il assistait aux réunions en sa qualité de président
11 de l'assemblée. C'était une personnalité très importante. Y assistait
12 également le premier ministre, puis, il y avait les trois membres de la
13 présidence qui tenaient leur propre réunion. Quant à la réunion élargie qui
14 se tenait en présence de toutes les personnes dont j'ai parlé, le premier
15 ministre, le ministre de l'Intérieur, nous y discutions de questions
16 relatives à la vie quotidienne, de questions relatives à la survie de la
17 population, et cetera, et cetera." Est-ce que dans votre esprit il y a le
18 moindre doute quant au fait qu'en 1992 la présidence ne comptait que trois
19 membres ?
20 R. Je considère que c'est le cas, absolument. Je le sais avec certitude.
21 Je n'ai jamais rien su d'autre.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse, vous avez posé un
23 certain nombre de questions à la suite des questions posées par M. Tieger.
24 Il n'est pas nécessaire - enfin, j'ai informé
25 M. Tieger qu'il n'était pas nécessaire d'insister sur ce point ou
26 d'élaborer plus longuement sur ce point. Je vous fais cette même
27 recommandation, si vous voulez.
28 M. JOSSE : [interprétation] Puis-je poser une autre question ?
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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je ne dis pas --
2 M. JOSSE : [interprétation]
3 Q. Oui, je ne vais pas insister plus longuement là-dessus. Une simple
4 question, M. Djeric, le premier ministre du gouvernement duquel vous étiez
5 membre, vous a-t-il jamais dit en 1992, par
6 exemple : Ecoutez, je ne suis pas seulement membre et premier ministre du
7 gouvernement, mais je suis également membre de la présidence élargie. Est-
8 ce qu'il vous ait jamais dit quelque chose de la sorte ?
9 R. Non, jamais. Il ne m'a jamais rien dit de la sorte. En fait, ce n'était
10 pas le cas non plus. Nous tous qui étions membres du gouvernement, le
11 savons. Il était convoqué à certaines réunions, mais il ne venait que de
12 temps en temps. Donc, il n'était convoqué qu'à un certain nombre de
13 réunions mais pas toutes les réunions.
14 Q. Je fais une allusion à la déclaration que vous avez donnée au bureau du
15 Procureur en 1997, et je voulais également prendre l'entretien
16 supplémentaire qui a été donné en 1998. Corrigez-moi si je ne m'abuse.
17 N'est-il pas exact de dire que M. Krajisnik n'a pas du tout été mentionné
18 ni dans le premier document ni dans le deuxième ? On ne le mentionne pas
19 par son nom, n'est-ce pas ?
20 R. Non. C'est tout à fait exact. Il n'est pas mentionné.
21 Q. Est-il juste de dire que dans les deux documents on fait référence au
22 président de l'assemblée ? Il est évident que l'on fait allusion ici à M.
23 Krajisnik, plus particulièrement, au paragraphe 30 de la déclaration du
24 témoin et à la page 4 de l'entretien. Nous savons très bien que M.
25 Krajisnik n'avait pas été arrêté en 1997 ou 1998. En fait, j'imagine que
26 vous devez savoir qu'il ne s'est fait arrêté qu'en l'an 2000, n'est-ce pas
27 ? Je vois que vous opinez du chef. Les personnes qui vous ont posé les
28 questions lors de cet entretien étaient intéressées à savoir ce que vous
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1 aviez à leur dire sur la chaîne de commandement militaire dans la Republika
2 Srpska. Selon votre évaluation, le fait que M. Krajisnik n'est pas
3 mentionné par son nom ni dans la déclaration ni dans l'entretien, est-ce
4 que cela reflète le fait que M. Krajisnik était une personne qui n'avait
5 pas participé énormément --
6 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, objection. On ne peut
7 pas demander au témoin d'évaluer ou d'émettre des conjectures sur les
8 questions qui ont pu être posées --
9 M. JOSSE : [interprétation] Je peux poser des questions supplémentaires
10 comme je le veux. Il n'y a rien absolument rien d'inadéquat dans la façon
11 dont j'ai posé cette question.
12 M. TIEGER : [interprétation] C'est qu'on demande au témoin d'émettre des
13 conjectures sur ce qui ait pu ou ce qui n'aurait pas pu être posé comme
14 question.
15 M. JOSSE : [interprétation] Ce témoin a donné une déclaration, il l'a
16 signée. Si mon éminent confrère veut que je lui parle de la déclaration de
17 1997, je vais le faire. Mais je trouve que cela n'est pas -- je n'ai
18 absolument rien dit d'inadéquat.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Sur le compte rendu d'audience, la
20 question n'est pas encore tout à fait terminée.
21 M. Tieger vous a interrompu. La Chambre hésite toujours quelque peu de
22 permettre ce genre de questions lorsqu'on demande au témoin de faire des
23 évaluations personnelles ou d'émettre des conjectures.
24 Monsieur Josse, pourriez-vous de nouveau poser une question au témoin mais
25 en tenant compte, bien sûr, de l'objection de M. Tieger. Je ne dis pas que
26 l'objection de M. Tieger est retenue, mais essayons d'abord d'entendre
27 votre question telle que vous l'auriez posée sans interruption, et ensuite,
28 nous verrons ce qu'il en est.
Page 26585
1 M. JOSSE : [interprétation]
2 Q. Je vais maintenant vous poser seulement une question concernant la
3 déclaration que vous avez donnée en 1997. Vous l'avez signée, n'est-ce pas,
4 comme étant la vôtre ?
5 R. Oui, tout à fait.
6 Q. Très bien. Seriez-vous d'accord avec mon affirmation, à savoir que les
7 personnes qui vous ont posé des questions étaient plutôt intéressées par la
8 chaîne de commandement au sein de la Republika Srpska ? D'ailleurs, vous
9 ont-ils posé une question précise là-dessus ?
10 R. Oui.
11 Q. Ou étaient-ils intéressés plutôt par la température en 1992 ? Excusez-
12 moi d'être aussi - en fait, vous n'êtes pas obligé de répondre à cette
13 question.
14 R. Non, non, pas du tout, non, non. Cela ne les a pas intéressés.
15 Q. Dans votre propre évaluation, selon vous, n'est-il pas un fait que M.
16 Krajisnik ne fait pas l'objet de mention ? En fait, on ne le mentionne pas
17 par son nom, parce qu'il était tout à fait insignifiant s'agissant de la
18 chaîne de commandement militaire de la Republika Srpska ?
19 M. TIEGER : [interprétation] Objection, Monsieur le Président. Encore une
20 fois, c'est la même objection.
21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous voulez dire, Maître Josse, qu'en
22 posant vos questions, ce n'est que les réponses qui vous intéressent.
23 M. JOSSE : [interprétation] Les réponses seulement.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Les réponses seulement. Le témoin peut
25 répondre à la question posée.
26 Monsieur Subotic, la question est la suivante : est-ce que vous
27 pensez que le fait que le nom de M. Krajisnik n'apparaît pas dans votre
28 déclaration ni dans votre entretien que cela reflète son niveau de
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1 participation très infime, c'est-à-dire, est-ce que vous pensez qu'il était
2 insignifiant dans la chaîne de commandement ?
3 LE TÉMOIN : [interprétation] Je le sais tout à fait pertinemment. Je sais
4 qu'il n'avait absolument aucune importance et signification. Personne
5 n'était censé l'écouter. Il n'avait pas le droit de donner des ordres à qui
6 que ce soit. Je sais quelle était la description de son poste, conformément
7 au statut de la Republika Srpska, et je peux vous dire avec certitude, pour
8 ce qui me concerne personnellement, qu'il ne m'a jamais donné d'ordre ou il
9 n'a jamais fait une demande à mon endroit qui aurait pour but de ressembler
10 à un ordre ou qui aurait un caractère qui pourrait représenter un ordre.
11 M. TIEGER : [interprétation] Nous pouvons permettre cette réponse du
12 témoin, mais dans l'avenir j'apprécierais si mon éminent confrère ne
13 poserait ce genre de question qui appelle le témoin à se livrer à des
14 conjectures.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Josse ?
16 M. JOSSE : [interprétation] J'accepte cela.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Qu'est-ce que vous en dites ? Vous avez
18 dit que vous pouvez certainement poser des questions directrices mais vous
19 ne pouvez pas induire le témoin en erreur. Il ne faut pas l'oublier.
20 M. JOSSE : [interprétation] Non, Monsieur le Président, je n'en avais
21 aucune intention. Merci.
22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre.
23 M. JOSSE : [interprétation]
24 Q. Examinons les deux passages --
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il faut ajouter, bien sûr, que la
26 réponse sera interprétée par les Juges de cette Chambre comme étant une
27 réponse donnée sur la base de votre question, c'est-à-dire que votre
28 question appelait vraiment le témoin à se livrer à des conjectures. Nous
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1 allons la prendre et l'accepter en tant que telle.
2 M. JOSSE : [interprétation] Oui, certainement, Monsieur le Président.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.
4 M. JOSSE : [interprétation]
5 Q. Maintenant je vois que l'on mentionne le nom de M. Krajisnik à deux
6 reprises au moins dans la déclaration du témoin. Est-ce que cela changerait
7 votre réponse, si je vous disais cela ?
8 R. Non, cela ne change absolument rien.
9 Q. Permettez-moi de vous poser une question concernant des questions dont
10 on fait allusion à la page 3 de la déclaration et également dans toute
11 allusion dans d'autres déclarations que je vais sans doute aborder sous
12 peu. Vous dites au paragraphe 9, là, où le nom de M. Krajisnik est
13 mentionné, vous dites : "Entre le 8 avril et le 12 mai, je participe aux
14 réunions qui étaient tenues avec le Dr Karadzic et le Pr Koljevic, le Pr
15 Djeric, le Pr Plavsic et M. Krajisnik. Nous nous sommes rencontrés
16 lorsqu'il était nécessaire pour parler pour la plupart des conditions de
17 vie dans la municipalité de l'approvisionnement, des bris de communication
18 téléphonique, et cetera, et cetera, et des bris de moyens de communication
19 également."
20 Ma question est la suivante : où ces réunions étaient-elles tenues ?
21 R. Ces réunions étaient tenues à Pale dans le bâtiment de la présidence.
22 C'est ainsi que nous appelions ce bâtiment. Il s'agit d'un bâtiment qui
23 s'appelait Kikinda. C'était un centre de repos pour ouvriers et cela
24 s'appelait Kikinda, à l'époque.
25 Q. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que l'endroit où les réunions
26 étaient tenues n'était pas tout à fait luxueux ?
27 R. Oui, tout à fait. Il se trouvait dans un état assez modeste.
28 Q. A l'époque, comment est-ce que vous évaluiez l'information qui
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1 provenait du terrain, par exemple ?
2 R. Personnellement, je recevais très peu d'information du terrain, mais la
3 présidence recevait des informations. Quand ils nous appelaient pour venir
4 aux réunions, ils nous informaient de la situation sur le terrain et ils
5 nous demandaient de donner notre opinion sur les problèmes et de donner des
6 suggestions ainsi de suite. Et nous, qui n'étions pas membres de la
7 présidence, pour nous, il n'était obligatoire d'obtenir des informations.
8 Cela ne faisait pas partie du protocole, si vous voulez.
9 Q. Au paragraphe 12 de cette même déclaration, vous dites le premier
10 ministre Djeric présidait la réunion. Il y avait des réunions où seulement
11 le Dr Karadzic, Koljevic, Plavsic, et Krajisnik étaient présents, et plus
12 tard, ils appelaient Djeric, le ministre de la Défense. Nous étions dans
13 des bâtiments différents.
14 Où est-ce que ces réunions conjointes étaient tenues ?
15 R. Ces réunions conjointes étaient tenues dans ce bâtiment appelé Kikinda,
16 en 1992, nous séjournions également dans ce même bâtiment. La plupart
17 d'entre nous y habitions. Si je me souviens bien, M. Krajisnik habitait là
18 aussi, à l'étage de ce bâtiment, et il y avait des pièces qui étaient plus
19 petites de taille et c'est là que l'on tenait des réunions courtes.
20 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée aux Juges de la Chambre, il
21 est clair aux paragraphes de 12 à 15, que vous partagez votre expérience
22 gouvernementale en trois parties distinctes : la première nous venons d'en
23 parler, allant du 8 avril au 12 mai 1992; la deuxième période du 12 mai
24 1992 jusqu'à la fin de 1992; la troisième période a suivi ces deux
25 premières périodes. Est-ce que c'est exact ?
26 R. Oui, c'est tout à fait juste. Il ne faut pas oublier de dire que la
27 situation avait changé de façon très importante car d'abord au début tous
28 les organes n'étaient pas créés. Ensuite, nous avons procédé à la création
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1 de l'armée ensuite au commandement Suprême, et c'est la raison pour
2 laquelle je pourrais partager ou scinder cette période en trois parties.
3 Nous adoptions des décisions, et c'est ainsi qu'au fur et à mesure la
4 situation changeait au point de vue organisationnel, au point de vue
5 législatif aussi.
6 Q. Qu'en est-il d'une information sur le terrain s'agissant de cette
7 deuxième période qui court du 12 mai 1992 jusqu'à la fin de l'année 1992 ?
8 Il est exact de dire, n'est-ce pas, que ceci peut être clairement vu dans
9 un certain nombre de sessions que le gouvernement demandait d'obtenir plus
10 d'informations de l'armée; est-ce que c'est exact ?
11 R. Oui.
12 Q. C'est une rengaine constante lorsque le gouvernement demandait de
13 recevoir beaucoup plus d'informations sur le terrain ?
14 R. Oui. Ils me posaient ces questions et je leur disais : "Messieurs, je
15 n'ai pas de réponses à aucune de vos questions. Vous devez vous adresser au
16 commandant de l'armée." Ensuite, le premier ministre, en passant par M.
17 Karadzic, avait demandé que Mladic - Mladic ne s'est jamais présenté aux
18 sessions du gouvernement alors que Djeric l'avait convoqué. C'était à lui
19 de répondre aux membres du gouvernement mais non, il nous sous-estimait
20 d'abord moi et les autres et il ne s'est jamais présenté. Il ne venait
21 jamais aux réunions.
22 Q. Le premier ministre vous a-t-il jamais dit : "Ecoute, tu es le ministre
23 de la Défense. Tu vas devoir mieux gérer les choses. Il faudra ramener cet
24 homme. Il faudra l'intéresser à venir, à savoir, ce qu'il veut faire." Ne
25 vous a-t-il pas dit ce genre de questions-là ? Je parle de Mladic, bien
26 sûr. Ne vous a-t-il pas parlé de cette façon ?
27 R. Oui. Il m'avait parlé de cette façon-là. Il m'avait dit cela et je lui
28 ai répondu et je le déclare ici avec une certitude. Je lui ai répondu et
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1 j'ai dit : Le gouvernement et l'assemblée a permis à Mladic de s'imposer en
2 tant que commandant, de s'auto-proclamer commandant. Il est impossible
3 d'avoir un commandant suprême et un commandant, comme on l'avait appelé du
4 QG. Cela n'existait pas nulle part dans le monde et je leur ai dit : Vous
5 lui a permis de se comporter ainsi et moi, Messieurs, je me fie à la loi de
6 la défense et de l'armée alors que Mladic a fait en sorte qu'on ait
7 promulgué cette loi selon laquelle je n'avais absolument aucun droit sur
8 l'armée. C'était l'oeuvre de Mladic cela.
9 Q. Le premier ministre ne vous a-t-il jamais demandé d'aller vous
10 entretenir avec M. Krajisnik, de voir si M. Krajisnik pouvait agir en votre
11 nom pour vous ?
12 R. Non absolument pas, jamais, non, non. Personne ne m'a rien suggéré.
13 Seulement lorsque j'ai démissionné de mon poste, tout le monde a essayé de
14 me convaincre d'accepter et de rester à ce poste jusqu'à ce qu'on arrive à
15 une meilleure solution et ainsi de suite.
16 Q. Je n'avais pas encore tout à fait terminé ma question. Ce que je
17 voulais savoir c'est : est-ce qu'il ne vous a jamais demandé de vous
18 adresser à M. Krajisnik pour qu'il puisse agir en tant que médiateur entre
19 vous et M. le général Mladic ? Je n'avais pas terminé ma question mais
20 c'est ainsi que vous l'aviez compris, n'est-ce pas ?
21 R. Non, personne n'a rien demandé. Tout du moins pour ce qui est de mes
22 connaissances, c'est-à-dire que je ne sais pas si quelqu'un s'était
23 entretenu avec le premier ministre sans ma connaissance là-dessus. Je n'en
24 sais rien.
25 Q. De quelle façon devons-nous comprendre votre proposition de
26 démissionner ? Vous venez d'expliquer aux Juges de la Chambre la situation.
27 De quelle façon pouvons-nous comprendre la situation ?
28 R. Je ne comprends pas. Je n'ai pas très bien saisi votre question.
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1 Q. En posant cette question, je voulais en venir à la chose suivante :
2 est-ce que lorsque vous avez proposé votre démission, est-ce que c'était le
3 résultat justement de cette impossibilité d'avoir quelque contrôle que ce
4 soit sur le général Mladic ?
5 R. Oui, absolument. Non pas seulement sur le général Mladic mais également
6 l'armée. Je l'ai dit justement au président lorsqu'il m'a interrogé que je
7 ne pouvais plus supporter certaines choses qu'il faisait et qui n'étaient
8 pas conformes aux règlements de l'armée et n'étaient pas conformes non plus
9 à l'enseignement des écoles supérieures de l'académie militaire.
10 M. JOSSE : [interprétation] Monsieur le Président, avec votre permission,
11 je souhaite poser au témoin quelques questions concernant la déclaration
12 islamiste et il y a un ou deux passages que je souhaiterais poser comme
13 question au témoin car la déclaration déclare ce que le témoin semblait
14 dire ce qui allait se passer.
15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce qu'il y a une contestation quant
16 à savoir ce qui est considéré comme étant cette déclaration islamiste ou
17 est-ce qu'il faut demander au témoin de nouveau cette question ? Ou est-ce
18 que les Juges de la Chambre pourraient peut-être simplement lire ce que
19 cette déclaration établit et peut-être que nous pouvons arriver à nos
20 propres conclusions qu'effectivement c'est ce que le témoin a dit. Ou nous
21 pouvons établir que ce n'est pas ce que le témoin a dit. Je ne sais pas si
22 cela pourrait se faire ainsi.
23 M. TIEGER : [interprétation] Je peux seulement présumer que le
24 conseil de la Défense parle du même document que nous connaissons tous. Je
25 ne sais pas s'il y a des contestations.
26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si le seul but, Monsieur Josse, est de
27 confronter le témoin afin de lui dire ce qu'il a déjà dit auparavant, à ce
28 moment-là il n'est pas nécessaire de le lire. La Chambre a déjà entendu
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1 plusieurs éléments de preuve là-dessus. Si vous voulez attirer notre
2 attention sur certains passages, nous pourrons certainement les lire, et
3 les comparer avec ce que le témoin a dit, mais je crois que cela serait
4 tout à fait suffisant.
5 M. JOSSE : [interprétation] Oui, tout à fait. Cela pourrait nous donner
6 également la possibilité d'envoyer les passages pertinents au service de
7 traduction.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. A ce moment-là l'Accusation
9 pourrait également dire que c'est bien le même document auquel est toujours
10 fait référence comme étant le document islamiste, une déclaration
11 islamiste.
12 Monsieur Tieger, est-ce que cela vous convient ?
13 M. TIEGER : [interprétation] Tout à fait, Monsieur le Président.
14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'ai une question très courte à la suite
15 à la question que vous venez de poser.
16 Monsieur Subotic, vous avez dit que vous avez présenté votre démission
17 parce que vous avez appris que le général Mladic se comportait d'une façon
18 qui n'était pas adéquate et qui n'était pas conforme à l'enseignement de
19 l'académie militaire. Deux questions. Vous avez également dit que la loi
20 était telle que selon la loi, il n'était pas de votre ressort de vous
21 immiscer dans tout cela. Qu'est-ce qui a fait en sorte que vous présentiez
22 votre démission ? La loi était telle qu'il était clairement indiqué que M.
23 Mladic ne vous était pas subordonné, cela vous relevait de cette tâche-là,
24 n'est-ce pas ? Ce n'était pas votre responsabilité, n'est-ce pas ?
25 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, vous avez tout à fait raison, Monsieur le
26 Président. Je dois ajouter qu'il m'avait complètement éliminé de son champ
27 de vision. C'est comme si je n'existais pas du tout. Voilà, je n'ai pas pu
28 supporter une telle humiliation non pas pour moi-même, je n'ai pas voulu
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1 m'emparer du pouvoir, je n'ai pas voulu être un commandant d'une armée. Je
2 n'aurais jamais voulu être le commandant d'une armée qu'il s'agisse d'une
3 guerre de religion ou une guerre civile. Il ne me supportait pas parce que
4 je ne mentais pas au gouvernement. J'attirais leur attention sur des gestes
5 qui se faisaient, qui étaient les leurs, ces mouvements, sur ces façons de
6 se comporter qui étaient erronées.
7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Outre ce que vous nous dites maintenant,
8 vous avez dit qu'il ne se conformait pas à l'enseignement de l'académie.
9 Est-ce que vous pouvez nous donner des exemples du comportement de M.
10 Mladic pour illustrer vos propos ?
11 LE TÉMOIN : [interprétation] La façon dont il menait les opérations, la
12 façon dont il se comportait envers les subordonnés, sa façon de faire les
13 choses parce que j'ai l'impression, c'est une impression bien sûr, que ces
14 généraux et les autres personnes qui se trouvent ici au quartier
15 pénitentiaire, il ne les a jamais écoutés. J'ai cette impression. C'est une
16 impression personnelle, mais je ne peux pas prouver quoi que ce soit de
17 très concret. Je n'étais pas avec eux, mais je sais qu'ils avaient tous
18 très peur de lui et qu'ils s'inclinaient devant lui chaque fois qu'il leur
19 disait quoi faire, ils lui obéissaient comme si ces gens n'avaient pas leur
20 propre cerveau pour réfléchir, comme s'ils n'avaient pas leur propre façon
21 de voir les choses, une intelligence, et cetera. C'est pour cela que nous
22 nous sommes séparés. Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde car je
23 n'ai pas voulu agir comme eux.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous avez dit qu'il ne s'est pas
25 conformé aux enseignements de l'académie militaire, c'était parce que vous
26 n'étiez pas d'accord avec sa façon de se comporter envers ses subordonnés;
27 est-ce que c'est exact ?
28 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. C'est également exact. C'est l'un des
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1 éléments qui me dérangeait.
2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il quelque chose d'autre ? Y a-t-
3 il autre chose, outre la façon dont il se comportait envers ses
4 subordonnés, la façon dont il se comportait envers les gens, envers vous ?
5 Y avait-il autre chose de son comportement qui n'était pas conforme aux
6 règles de l'académie militaire ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai l'impression qu'il sous-estimait le
8 commandant suprême, le premier ministre, pour ne pas parler d'autres
9 organes de la république. En fait, il ne tenait pas du tout compte de tout
10 cela.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Ce n'est pas la première chose que l'on
12 apprend à l'académie militaire, mais si vous dites que --
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, Monsieur le Président, l'académie
14 militaire nous enseigne que le commandant suprême est le commandant
15 suprême, et que tous ses ordres doivent être respectés et doivent être
16 menés à bien, avec l'exception du commandant suprême. La seule exception à
17 cette règle est de ne pas obéir au commandant suprême si le commandant
18 suprême agit contre son peuple.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Lorsque vous parlez du commandant
20 suprême, est-ce que vous parlez de M. Mladic ou parlez-vous de M. Karadzic
21 en évoquant ce terme "commandant suprême ?"
22 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr, que je parle de
23 M. Karadzic. C'était officiellement le commandant suprême, même si l'autre,
24 c'était vraiment le vrai, Mladic était le vrai commandant de l'armée.
25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous dites que l'on vous a enseigné que
26 le commandant suprême donne des ordres et que tous ses ordres doivent être
27 respectés, obéis. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que M. Mladic
28 ne s'est pas plié aux ordres du
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1 Dr Karadzic ? C'est une des questions que je vous ai déjà posée auparavant,
2 de façon différente. Jusqu'à quel point, et où pourrons-nous voir que
3 Mladic, le général Mladic n'a pas respecté les ordres de Karadzic, qu'il a
4 outrepassé ses limites et qu'il est allé au-delà de ce qu'il était censé
5 faire ? J'ai déjà posé cette question, mais je vous la répète d'une autre
6 façon.
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous savez, Monsieur le Président, la
8 meilleure réponse serait de poser cette question à M. Karadzic lorsqu'il se
9 présentera à son procès. Je l'ai senti. Je l'ai vu. Je n'ai rien à cacher.
10 C'était comme cela.
11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, vous n'avez pas d'exemples
12 concrets. Merci.
13 Veuillez continuer, Monsieur Josse.
14 M. JOSSE : [interprétation]
15 Q. Monsieur, est-ce que vous êtes en mesure de nous donner des exemples
16 concrets, par hasard ?
17 R. De quoi ? Que Mladic agissait de son propre chef et de façon autonome ?
18 Est-ce que c'est cela que vous me demandez ? Oui, oui, je peux.
19 Q. Oui, je peux vous dire. Je peux vous donner un exemple très concret,
20 drastique. Le 1er mai 1995, sans en informer le commandant suprême ou les
21 organes du gouvernement, il a convoqué tous les généraux et ils ont signé
22 un coup d'Etat contre le gouvernement. Tous les généraux ont signé ce
23 document, sauf moi. Ensuite, ils ont envoyé le général Tolimir pour qu'il
24 exerce des pressions à mon endroit pour que je signe également ce document.
25 J'ai dit : Je suis un officier honnête et honorable. Puisque mon commandant
26 suprême n'a rien fait contre l'humanité, je n'ai pas le droit de me
27 comporter ainsi envers le commandant suprême. Voilà, c'est l'un des
28 exemples. Mais il y a eu toute une série d'exemples de ce type.
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1 Voilà, je vais revenir ici devant ce Tribunal lorsque l'on jugera
2 cette autre personne. Je vais me préparer, je trouverai des documents et
3 j'offre de revenir ici devant cette honorable Chambre pour témoigner. Je
4 vais rafraîchir ma mémoire, bien sûr, à l'appui de documents. Comme cela,
5 vous me demandez de vous des exemples. C'est de mémoire.
6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Maître Josse, le début de votre
7 question portait sur ce qui a fait en sorte que ce témoin a présenté des
8 missions alors que maintenant il nous parle de 1995. En fait, le cadre
9 temporel n'est pas du tout le même.
10 Le Juge Hanoteau souhaitait poser une question à l'endroit de M. Subotic.
11 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur Subotic, vous venez de nous dire que
12 l'impression que vous aviez de M. Mladic était qu'il traitait ses généraux
13 d'une certaine façon. Ces généraux, est-ce que ce sont les généraux qui
14 sont ici en prison ? Est-ce que vous vous référez à ces personnes-là ? Vous
15 dites qu'il n'a jamais écouté personne.
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Pour ce qui est d'eux aussi.
17 M. LE JUGE HANOTEAU : Vous dite : Je sais que beaucoup d'entre eux le
18 craignaient. Qu'est-ce que vous entendez par "ils le craignaient ?"
19 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils ne pouvaient pas vérifier avec leur propre
20 chef. Ils pensaient avec sa tête à lui. Vous savez, c'est une façon
21 communiste de se comporter du temps de Tito. Vous n'avez pas le droit de
22 penser de votre propre chef, utiliser votre propre tête ni en tant
23 qu'officier, ni en tant que juriste, ni en tant que juge, ni en tant que
24 policier.
25 M. LE JUGE HANOTEAU : Monsieur, je vous demande qu'est-ce que vous entendez
26 par "ils le craignaient ?"
27 LE TÉMOIN : [interprétation] Ils avaient peur de lui. Ils n'osaient pas
28 prendre des décisions sans d'abord le consulter. Il n'a jamais voulu les
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1 écouter. Il ne voulait pas écouter qui que ce soit. Il était arrogant. Il
2 avait un pouvoir absolu. Il pensait qu'il était le seul à pouvoir répondre
3 à toutes les questions, qu'il savait tout et que personne d'autre ne savait
4 quoi que ce soit.
5 M. LE JUGE HANOTEAU : Il était entouré que des militaires, ou est-ce que
6 vous visez aussi les politiques ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] Les hommes politiques aussi. Je crois,
8 qu'aussi, ils le craignaient dans une certaine mesure.
9 M. LE JUGE HANOTEAU : Ceux qui sont en détention aujourd'hui ? Vous dites
10 les généraux et -- vous dites exactement : [interprétation] "Mon impression
11 est qu'il traitait ses généraux et ceux qui sont ici dans le quartier
12 pénitentiaire comme des moins que rien. Il n'écoutait aucun d'entre eux.
13 C'est mon impression. Je sais seulement qu'un grand nombre d'entre eux le
14 craignaient et qu'ils étaient ses hommes de paille. [en français] -- Dans
15 ceux qui avaient peur de lui, à la fois les généraux et les politiciens ?
16 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien, un nombre important d'hommes politiques
17 craignaient également Mladic.
18 M. LE JUGE HANOTEAU : Merci beaucoup, Monsieur.
19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez poursuivre, Maître Josse.
20 M. JOSSE : [interprétation]
21 Q. Il est exact qu'en ce qui vous concerne, le gouvernement qui se
22 trouvait à Pale a fait ce qu'il a pu pour garantir la primauté du droit et
23 le respect du droit international humanitaire en 1992 ?
24 R. C'est exact. C'est exact.
25 Q. Pour ce qui est des communications, je voudrais qu'on en revienne à cet
26 aspect pendant un instant. La situation s'est vraisemblablement améliorée
27 au cours de la deuxième période, à partir du 12 mai 1992, lorsqu'il y a eu
28 au moins un certain nombre de lignes de téléphone dont vous pouviez
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1 disposer dans le bâtiment de Kikinda ?
2 R. C'est exact.
3 Q. Vers la fin de cette année, à quel point était développé le
4 fonctionnement du ministère de la Défense de la Republika Srpska pour ce
5 qui est des moyens de communication ?
6 R. Bien, jusqu'en 1993, c'était plutôt médiocre. C'était plutôt faible
7 comme moyen. La situation s'est vraiment améliorée qu'à partir de la
8 première moitié de 1993. Jusqu'à ce moment-là, tout était très médiocre
9 comme niveau.
10 M. JOSSE : [interprétation] Je pense, Monsieur le Président,
11 M. Krajisnik serait satisfait que je pose une question ou deux concernant
12 Koricanske Stijene.
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Veuillez le faire. Comme Koricanske
14 Stijene est difficile à prononcer --
15 M. JOSSE : [interprétation] Très difficile. C'est une des raisons pour
16 lesquelles je tiens beaucoup à ce que mon client puisse m'aider,
17 franchement.
18 Q. Dans votre déclaration de témoin, au tout dernier paragraphe,
19 paragraphe 47, vous parlez de ce malheureux incident et vous dites : "Je ne
20 sais pas en ce qui concerne l'incident de Koricanske Stijene. Le président
21 Karadzic a reçu le rapport à Pale du MUP de Banja Luka en ce qui concerne
22 cet événement. Donc, il a réuni une séance de la présidence pour une
23 séance. Je pense qu'étaient présents que les membres de la présidence. Il y
24 avait Karadzic, Plavsic, Koljevic et Mico Stanisic, chef du MUP. Je ne me
25 rappelle pas s'il y avait quelqu'un d'autre. C'était vraiment organisé sur
26 une base ad hoc, très rapidement."
27 Je voudrais dire que vous avez raison lorsque vous ne comprenez pas M.
28 Krajisnik parmi les personnes qui étaient présentes à cette réunion; c'est
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1 bien cela ?
2 R. Cela n'était pas une véritable réunion de la présidence, stricto sensu.
3 C'était juste une réunion, tout simplement. A cette occasion, un messager
4 est venu me chercher, et a dit : Le président de la république vous
5 demande, Mico Stanisic. Nous sommes arrivés ensemble. Le président nous a
6 communiqué les renseignements qu'il venait de recevoir. J'ai pu voir que
7 cela plus grande préoccupation, c'était de savoir si c'était l'armée qui
8 l'avait fait. Parce qu'il n'avait absolument aucune idée de qui l'avait
9 fait. Il a dit au ministre : Préparez-vous. Allez à Banja Luka dès
10 maintenant. Il a appelé M. Zupljanin pour lui dire d'organiser à la fois la
11 police, le SUP et tout le monde pour me rencontrer. Il m'a dit que ma
12 mission était d'établir si l'armée avait eu un rôle dans cela, de voir ce
13 qui avait été fait à ce sujet à ce moment-là et de lui rendre compte, étant
14 donné qu'il exigeait que les peines les plus lourdes possibles puissent
15 être infligées aux auteurs de ce crime. Il criait littéralement, parce
16 qu'il avait reçu des appels de représentants de différentes organisations
17 internationales, et il ne pouvait tout simplement pas croire que quelque
18 chose de ce genre s'était effectivement produit.
19 Il n'y a pas eu de procès-verbal de cette réunion, pas de minutes. Ce
20 n'était pas une réunion officielle conforme à la procédure; c'était une
21 réunion ad hoc. J'étais censé partir le soir même, dans la nuit, pour me
22 retrouver à Banja Luka le lendemain pour organiser cette réunion, parce que
23 peut-être un jour et demi était passé depuis cet incident. Je ne sais pas
24 exactement, parce que je n'ai pas tenu de journal à ce sujet. Le site de
25 l'incident, il avait été isolé par la police. On entendait que les
26 autorités apparaissent. Après cette réunion, une équipe de juges de Banja
27 Luka, y compris un juge d'instruction, et je crois également le président
28 du tribunal de district sont arrivés. Je ne sais pas qui d'autre. En fait,
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1 je me rappelle qu'il y avait trois juges. Il y avait Stojan Zupljanin et il
2 y avait d'autres fonctionnaires de police, Simo Drljaca. Tous sont allés
3 sur le lieu de l'incident. Par la suite, ils ont rendu compte au président
4 de la république, au chef de l'Etat par les voies de communication du MUP.
5 Q. Vous avez raison de supposer que M. Krajisnik était au courant de cet
6 incident à l'époque ?
7 R. Je pense que ce jour-là, lorsque j'ai reçu ma mission, il n'était pas
8 présent. Je ne sais pas si M. Krajisnik était là du tout. Je ne sais pas
9 s'il était à Pale, à l'époque. Je ne lui ai pas demandé où il se trouvait,
10 et je ne sais pas quand il a appris cela. S'il a appris cela dans les jours
11 qui ont suivi après qu'on ait reçu certains rapports, parce que certains
12 rapports ont été envoyés au ministère de la Justice ainsi qu'à d'autres
13 personnes. Des activités étaient en cours, de sorte que je ne sais pas à
14 quelque moment il a appris l'incident. Il y avait des activités en cours.
15 M. JOSSE : [interprétation] Bien. Je crois que j'ai dépassé le temps qui
16 m'était imparti, Monsieur le Président.
17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Si vous avez encore quelques
18 questions, je sais qu'il est 6 heures, mais bien sûr, on n'est pas arrivés
19 exactement à l'égalité pour le moment. Donc, si vous dites, je vais poser
20 des questions plus importantes au témoin, bien entendu, --
21 M. JOSSE : [interprétation] Bien, j'ai essayé de réduire mon contre-
22 interrogatoire. Je sais qu'il y avait une autre question que M. Krajisnik
23 souhaitait que j'évoque.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être qu'avec l'accord des
25 interprètes - et quand une partie dit que c'est terminé, d'habitude, je
26 n'encourage pas une partie à continuer. Etant donné les circonstances,
27 étant donné le fait que M. - nous allons tous essayer de faire de notre
28 mieux pour terminer ce témoin aujourd'hui en tenant également compte du
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1 fait que l'Accusation - il y avait de bonnes raisons pour cela - quant à
2 savoir s'il y avait de bonnes raisons à cela, c'est une autre question. Il
3 faut donner un peu plus de temps à la Défense de façon à ce que vous
4 puissiez traiter cette question que vous vouliez terminer. Donc, avec
5 l'aide de --
6 M. JOSSE : [interprétation] De combien de temps est-ce que je disposerai
7 encore, Monsieur le Président ?
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je regarde du côté des cabines, de huit
9 à dix minutes. Est-ce que ce serait acceptable ? Et ensuite, on pourrait
10 lever la séance.
11 L'INTERPRÈTE : Oui, Monsieur le Président.
12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Donc, de huit à dix minutes
13 conviendraient. Veuillez poursuivre.
14 M. JOSSE : [interprétation]
15 Q. En tant que membre du gouvernement, je voudrais vous poser quelques
16 questions concernant la coordination entre le gouvernement et les
17 municipalités dans la Republika Srpska en 1992. Pour commencer, dans quelle
18 mesure est-ce que vous avez participé à ce type de coordination ?
19 R. J'avais à y prendre part, parce que j'avais certaines parties du
20 ministère de la Défense qui se trouvaient dans les municipalités. On
21 appelait cela des sections du ministère de la Défense dans les
22 municipalités. Il y en avait à Banja Luka, à Bijeljina, à Sarajevo. Il y
23 avait des districts du ministère de la Défense. C'était mes unités du
24 ministère de la Défense. Je m'occupais d'une coordination avec celles-ci en
25 ce qui concerne les questions de mobilisation de personnel, d'archives.
26 C'était essentiellement des questions de personnel et effectifs, parce que
27 leurs tâches concernaient essentiellement des questions de personnel,
28 d'effectifs. Je dois dire que nos moyens de communication et de
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1 transmission étaient très mauvais, effectivement très faibles. C'était à un
2 niveau très modeste. C'était très lent. Ceci s'est amélioré uniquement à
3 partir de la première moitié de 1993. Mais nous leur écrivions, par
4 exemple, pour que les députés viennent participer à des séances de
5 l'assemblée et emportaient le courrier qui m'était adressé. C'était la
6 forme habituelle de communication que nous avons eue jusqu'à la mi-1993.
7 Tous les autres ministres faisaient de même. Peut-être que le ministère de
8 la police avait les meilleures transmissions parce qu'ils avaient leur
9 poste de police qui était en mesure de communiquer entre eux, tandis que
10 tous les autres ministères en étaient réduits à utiliser des téléphones ou
11 des communications écrites adressées par les messagers ou des messageries,
12 des courriers, et cetera.
13 Q. Dans votre audition de 1998, M. Ralston dit à la page 3 : "Je pose une
14 dernière question sur cet aspect. Y avait-il une exigence selon laquelle
15 après les opérations, les militaires rendent compte aux politiques ?" Et
16 vous avez répondu : "Oui, bien sûr, des rapports réguliers étaient envoyés,
17 des rapports réguliers, pratiquement des rapports quotidiens, à partir du
18 moment où le système de communication et de transmission a été mise en
19 place. Je dirais que ceci a commencé au début de 1993. Vers la mi-1992
20 jusqu'à la fin de 1992, on le faisait sur ce qu'on avait comme possibilité.
21 Mais à partir de 1993, nous avons eu les communications entre" -- ici il y
22 a un mot qui n'est pas clair -- "et nous avions des rapports quotidiens."
23 Dans cette réponse, vous parliez très clairement de rapports ou
24 comptes rendus de caractère militaire. Dans quelle mesure est-ce que la
25 même chose vaut pour des rapports adressés au gouvernement par les
26 autorités civiles, pour autant que vous le sachiez, en ce qui vous
27 concerne ?
28 R. C'était plus ou moins la même chose. En d'autres termes, a début
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1 de 1993, ces rapports des autorités civiles se sont améliorés, tandis
2 qu'avant cela, c'était par des messagers qui portaient le courrier à
3 certains départements, à certains ministres, et je crois également qu'on
4 les apportait à l'assemblée, et ainsi de suite. Voilà.
5 Le commandant suprême recevait des rapports de l'armée, et dans la
6 mesure où cela a été nécessaire, il nous informait, le reste d'entre nous,
7 des éléments ou de certains aspects qu'il estimait que le gouvernement ou
8 d'autres organes de l'Etat devraient connaître. Ces rapports aboutissaient
9 sur son bureau, et nous ne pouvions pas obtenir lesdits rapports à moins
10 qu'il ne nous ait invités à prendre connaissance de certains événements
11 qu'il estimait nécessaire de nous communiquer.
12 Q. Le dernier point sur lequel je voudrais vous poser une question
13 figure au paragraphe 2 de votre déclaration à la Chambre. Là, vous parlez
14 de votre contact avec l'équipe de la Défense de M. Krajisnik, et vous
15 parlez du fait que vous avez eu une réunion avec deux conseils de la
16 Défense en 2005. Vous dites : Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai déjà dit
17 dans ma déclaration écrite. Puis, vous ajoutez : Ils m'ont contacté à
18 nouveau cette année et ils ont insisté pour que je sois un témoin.
19 Alors, Monsieur Subotic, ceci ne constitue nullement une critique,
20 mais en fait, vous n'étiez pas tellement enthousiaste à l'idée de venir
21 déposer pour la Défense, quelque soit le motif ?
22 R. Je dirais les choses de cette manière. Premièrement, je n'ai pas
23 eu de contact avec le conseil de la Défense. Il y avait quelqu'un d'autre
24 et un interprète. Il se peut que je me sois trompé lorsque j'ai dit que
25 c'était le juriste. Il se peut que je me sois trompé.
26 Q. Je ne suis pas en train d'essayer de faire une déposition. C'était moi
27 et un interprète, n'est-ce pas ? Et nous nous sommes retrouvés à l'hôtel
28 Bosna à Banja Luka. C'était uniquement --
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1 R. Oui, excusez-moi. Oui, oui. Mais j'avais oublié votre visage.
2 Permettez-moi de dire les choses de cette manière : sur les ordres de Mme
3 Carla Del Ponte et de quelques autres personnes en Republika Srpska,
4 j'étais tenu de fournir à l'équipe de M. Krajisnik, lorsqu'elle viendrait
5 en Bosnie, ou tout au moins M. Niskovic, qui était membre de cette équipe à
6 l'époque, je devais fournir des déclarations écrites. Nous avons reçu des
7 questions précises de la Défense, et il y avait également l'ordre de Mme
8 Del Ponte. Puis, M. Niskovic et cette dame sont venus me trouver. Je pense
9 que -- mais ce point n'était pas important. Ils ont apporté ces questions
10 et ils m'ont montré cet ordre de Mme Carla Del Ponte. Je me suis tout
11 simplement assis et j'ai répondu à ces questions de mon mieux.
12 Q. Je vais vous arrêter là si je peux. Je vous arrête parce que ma
13 question avait trait au dernier contact qui a eu lieu entre vous-même et
14 l'interprète de notre équipe au cours de la première partie de cette année
15 et pendant laquelle, pour une raison quelconque - et je répète, je ne
16 critique pas - vous aviez dit très clairement que vous ne teniez pas
17 particulièrement à venir témoigner pour le compte de la Défense. C'est bien
18 cela, n'est-ce pas ?
19 R. Je vais vous expliquer et je vais vous dire très franchement. Monsieur
20 le Président, Messieurs les Juges et tous ceux qui sont ici dans cette
21 salle d'audience, en 2003, alors que le procès de Milosevic était en cours,
22 M. Bernard O'Donnell m'a appelé. Il était le chef de l'équipe des enquêtes
23 qui m'avait auditionné en 1997 et 1998. Il m'a appelé personnellement au
24 téléphone et il m'a demandé de venir ici parce qu'il y avait, comme
25 l'interprète me l'a dit, il y avait au moins plusieurs centaines de
26 questions qu'ils souhaitaient me poser. Donc, ils m'ont demandé de venir
27 pour un entretien. C'est cela qu'ils m'ont dit. Alors, j'ai dit, au bureau
28 du Tribunal de La Haye; je ne voulais pas le faire au téléphone. Je suis un
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1 homme de métier. Je sais ce que représente une communication téléphonique,
2 et par le bureau du TPIY à Banja Luka, j'ai établi un contact et j'ai
3 accepté de venir ici. Tout a été mis en place, mais je souhaitais que mon
4 avocat soit présent parce que j'étais exposé et je savais qu'on allait me
5 poser toutes sortes de questions. Je n'avais pas les moyens ou les astuces
6 nécessaires pour faire face aux questions des Procureurs avec les Juges.
7 "On pouvait me piéger de la manière qu'on voulait." C'est cela que
8 j'ai dit à M. O'Donnell. C'est pourquoi j'ai demandé à avoir mon avocat
9 présent pour me protéger. J'ai présenté la même demande maintenant, et
10 puisque le Tribunal n'a pas voulu couvrir les dépenses pour mon avocat, qui
11 vit aux Etats-Unis et qui a un doctorat en droit anglo-saxon, néanmoins, je
12 lui ai parlé et il a accepté de venir ici de façon à mettre fin à cette
13 histoire qui n'en finissait jamais. Parce que tout simplement, je ne
14 voulais pas que quelqu'un pense que j'avais peur de venir ou que je ne
15 respectais pas le Tribunal, que je ne respectais pas la justice. Ceci est
16 exactement ce que je vous dis à cette occasion. Je ne vois pas, après mes
17 déclarations faites en 1997 et 1998, et vous pouvez obtenir ces
18 déclarations parce que vous êtes un conseil, j'ai supposé que tel était le
19 cas, après la déclaration que j'ai écrite à la demande de Mme Carla Del
20 Ponte, je vous ai dit que je ne voyais aucune utilité à ce que je vienne
21 ici pour répéter tout ce qui s'y trouvait dans le prétoire. Je présente mes
22 excuses au Président de la Chambre, mais je ne savais absolument pas ce
23 qu'il y aurait de plus puissant que quelque chose d'écrit. Peut-être que si
24 quelqu'un avait pu m'expliquer les choses différemment. Je vous ai dit dans
25 notre deuxième contact, lorsque vous m'avez appelé, que s'il fallait que je
26 vienne, je voulais quand même que mon avocat soit présent.
27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien entendu, la Chambre était au
28 courant des communications entre M. Subotic et son avocat, et je pense
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1 qu'en l'occurrence, la Défense est également au courant. Cela a toujours
2 été --
3 M. JOSSE : [interprétation] Oui.
4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avons-nous besoin davantage de détails
5 sur ce point ?
6 M. JOSSE : [interprétation] Non, on n'en pas besoin. C'était en fait -- je
7 voulais poser ces questions-là à M. Subotic.
8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Donc, posez les questions à M.
9 Subotic, mais il y a 8 minutes sur 12 maintenant.
10 M. JOSSE : [interprétation]
11 Q. Vous avez exprimé une réticence à venir et à faire une déposition pour
12 le compte de la Défense. Néanmoins, ceci ne diminue en rien votre respect
13 pour M. Krajisnik, n'est-ce pas ?
14 R. Non. Je respecte M. Krajisnik. Je n'ai jamais eu de problèmes avec lui.
15 Je le connais personnellement. Je sais quel a été son comportement, quelle
16 a été sa conduite pendant la guerre et après la guerre, comment il s'est
17 comporté comme membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine ? Tout ce que
18 je peux dire, c'est que je suis vraiment désolé, absolument désolé que M.
19 Krajisnik se trouve dans la situation d'être accusé de crimes. C'est
20 vraiment mon opinion et je vous la fais connaître sans le moindre doute et
21 sans la moindre crainte.
22 M. JOSSE : [interprétation] Nous avons encore dépassé le temps, Monsieur le
23 Président.
24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. J'ai une dernière question à vous
25 poser, Monsieur Subotic. Vous nous avez parlé d'une réunion avec ceux qui
26 s'étaient déjà renseignés de l'incident qui s'était passé à Koricanske
27 Stijene, où cela a été discuté et, comme vous l'avez dit, que cela devait
28 être l'objet d'une enquête approfondie. Pendant cette période, au moment où
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1 cela s'est passé, est-ce que vous avez eu une autre réunion, par exemple,
2 avec M. Karadzic, où vous auriez pu discuter de cette question, ou est-ce
3 que c'est une fois que vous ayez eu discuté de cette question avec Karadzic
4 et M. Koljevic, comme vous l'avez dit, et je pense Mme Plavsic que vous
5 avez mentionnée, est-ce que c'était une fois ou est-ce que cela a eu lieu
6 plusieurs fois ?
7 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est uniquement lorsque j'ai reçu pour tâche
8 de m'en occuper, lorsque je suis revenu. J'ai rendu compte verbalement de
9 ce que j'avais fait et des messages que j'avais transmis. J'ai noté l'ordre
10 en question et je lui ai dit : Les Juges sont sur le terrain, les
11 fonctionnaires de police, les enquêteurs sont sur le terrain. Personne n'a
12 objecté à cela. J'ai vu quelle était l'atmosphère. J'ai vu que tout le
13 monde était d'avis que quelque chose de terrible s'était passé, qu'il était
14 absolument impossible qu'une chose pareille arrive, et ainsi de suite. Par
15 la suite, je vous prie de me croire, je n'ai pas continué. Je ne sais pas
16 exactement ce qui a été fait. J'ai simplement suivi ce qui a été dit dans
17 les médias, dans une certaine mesure.
18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Mais lorsque je parle d'une réunion,
19 dans votre déclaration, vous dites une réunion avec M. Karadzic, Mme
20 Plavsic, Koljevic, vous dites que la question évoquée à cette réunion était
21 Koricanske Stijene. Dans un cadre analogue, est-ce que vous avez discuté de
22 cette question une seule fois ou est-ce que vous en avez parlé à plusieurs
23 reprises, et pas exclusivement avec M. Karadzic ?
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Non, non. Ce n'est qu'à partir du moment où
25 j'ai reçu mes ordres. En ce qui concerne M. Karadzic, j'ai simplement
26 présenté mon rapport lors de mon retour. Toutefois, il avait déjà écrit des
27 rapports à partir du MUP et d'autres sources, par exemple, de ce qui lui a
28 été dit par le Tribunal, je suppose. Donc, le rapport que je lui ai
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1 présenté n'était plus très important. Je lui ai simplement dit ce que
2 j'avais fait.
3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Tieger, vous avez demandé
4 la parole.
5 M. TIEGER : [interprétation] Je suis un peu dans le doute, Monsieur le
6 Président. Le Tribunal a parlé du fait qu'on avait donné comme tâche à ce
7 témoin. Je ne sais pas à quoi il a fait référence. On lui a demandé
8 spécifiquement de rendre compte, et il fait référence à cela dans sa
9 déclaration, et je lui ai dit --
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais ce qui me préoccupait
11 essentiellement -- attendez un instant, s'il vous plaît.
12 [La Chambre de première instance se concerte]
13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre ne juge pas utile de
14 poursuivre sur ce sujet en ce moment. Monsieur Subotic, ceci met fin à
15 votre déposition. Nous aimerions d'abord vous restituer la cassette vidéo
16 que vous avez eu l'amabilité et la gentillesse de mettre à la disposition
17 des parties. Je tiens à vous remercier de tout cœur d'avoir couvert une
18 distance aussi grande pour venir à La Haye et répondre aux questions qui
19 vous ont été posées par les Juges et par les parties, et je vous souhaite
20 un bon retour chez vous.
21 Nous levons l'audience jusqu'à lundi prochain, 9 heures du matin, salle
22 d'audience numéro I. Suspension.
23 --- L'audience est levée à 18 heures 19 et reprendra le lundi 3 juillet
24 2006, à 9 heures 00.
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