Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 6 juillet 2006

2 [Audience publique]

3 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

4 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 11 heures 10.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bonjour, Mesdames et Messieurs. Monsieur

7 le Greffier, veuillez appeler l'affaire, je vous prie.

8 M. LE GREFFIER : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs

9 les Juges. Affaire numéro IT-00-39-T, le Procureur contre Momcilo

10 Krajisnik.

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier.

12 Bonjour, Madame Plavsic.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il n'y a pas eu encore de rapport écrit

15 fourni par le médecin, mais on nous a informés que le médecin vous a

16 examinée ce matin et que les résultats sont tels que malgré que les

17 circonstances de stress font en sorte que votre tension artérielle est très

18 haute, cela ne représente pas un obstacle médical pour vous empêcher de

19 témoigner. Voilà, ce n'est qu'un résumé de ce que nous avons entendu, mais

20 aussi eu égard au fait qu'hier vous avez exprimé vos désirs de terminer

21 votre déposition le plus rapidement que possible, je propose, et corrigez-

22 moi si je ne m'abuse, que nous nous trouvons dans une situation dans

23 laquelle vous préféreriez continuer, n'est-ce pas ? Est-ce que je me trompe

24 en résumant vos propos ainsi ?

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez dit que le médecin m'a examinée ce

26 matin. En me disant que le médecin viendrait m'examiner, je pensais à

27 autre chose. Il est venu et il a vérifié ma tension artérielle. Le contact

28 que j'ai avec lui n'a duré que cinq minutes. A la suite de cette

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1 conversation, il m'a informée que ma tension artérielle était 190 sur 100

2 et notre conversation a duré cinq minutes. J'ai conclu que j'ai peut-être

3 mal conclu qu'il n'avait pas du tout consulté mon dossier médical. Je ne

4 savais même pas que le dossier médical m'accompagnait, je l'ignorais. Le

5 dossier médical est en suédois, il faut bien le dire. J'ai eu l'occasion de

6 voir de loin sur son bureau que le dossier médical était assez épais.

7 Lorsqu'il m'a dit ce matin qu'il était tout à fait normal que dans les

8 circonstances je souffre de tension artérielle très haute, je lui ai

9 demandé s'il a pris connaissance de mon dossier médical, car il est

10 suédois. Le médecin m'a répondu que oui. Ensuite, je lui ai dit : Vous

11 pouvez comprendre que c'est mon problème médical principal et qu'à

12 Hinseberg, c'est le problème médical principal que j'ai.

13 Il a conclu que je faisais l'objet de beaucoup de stress et que ce

14 stress n'allait pas du tout aller à l'encontre de ma santé, n'allait pas

15 aggraver les choses. Je lui ai dit : "Vous êtes médecin, je ne suis pas une

16 personne libre, la responsabilité repose sur vos épaules."

17 Il m'a dit : "Qu'est-ce que vous auriez fait si vous étiez en

18 liberté ?"

19 Je lui ai dit : "Je serais allée à l'hôpital pour demander un examen

20 approfondi."

21 Voici le résumé de la teneur de notre conversation. C'était en

22 compagnie de l'infirmière, elle était présente. C'est tout ce que je peux

23 vous dire pour l'instant. Pour ce qui est de mon état physique et mental,

24 ce n'est pas tellement important, n'est-ce pas ?

25 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'avais attiré l'attention du médecin au

26 fait que le dossier médical qui vous accompagnait depuis la Suède était

27 avec vous. J'ai proposé au médecin de l'examiner. Vous lui avez demandé

28 s'il l'a examiné, il a bien confirmé qu'il l'avait fait, maintenant

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1 j'aimerais savoir si vous pouvez nous dire si vous êtes en mesure de

2 déposer.

3 Est-ce que vous vous sentez capable de déposer pour ce qui vous concerne ?

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà, je maintiens ce que j'ai dit hier. Je

5 ne sais pas -- voilà il y a quelque chose que je dois dire, non pas peut-

6 être seulement parce que vous êtes présent ici devant moi, mais pour le

7 public en général. Je voudrais également ajouter quelque chose et dire

8 quelque chose pour les membres de ma famille. Ce n'est pas normal d'avoir

9 l'impression d'avoir des chutes d'eau qui coulent à notre tête et que j'ai

10 une montre dans ma tête également. Ce n'est pas une sensation normale. Je

11 n'arrive pas à me concentrer. Lorsque je marche, je n'arrive pas à marcher

12 en ligne droite. J'ai justement vérifié dans le couloir du quartier

13 pénitentiaire aujourd'hui, si je pouvais marcher en ligne droite et je

14 n'arrive pas à marcher. Je ne suis pas une personne anonyme. Pour conclure,

15 je dis ceci pour que le tout se sache, pour que tout soit rendu public.

16 C'est tout ce que je voulais dire, voilà. C'est ainsi que je réponds à

17 votre question. Vous pouvez continuer.

18 [La Chambre de première instance se concerte]

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, eu égard aux

20 circonstances, les Juges de la Chambre estiment qu'il nous faudrait

21 commencer tranquillement et lentement. Dès que vous vous sentez mal, vous

22 pouvez nous le dire. Dès que vous sentirez peut-être moins confortable que

23 maintenant, lorsque vous avez un malaise ou si jamais vous avez un malaise

24 et que vous sentez un inconfort quelconque, je vous prierais de nous

25 informer de cela. Si vous n'êtes pas en mesure de répondre aux questions,

26 je vous prierais de nous en informer.

27 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Monsieur le Président ?

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

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1 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Je dois faire une objection, Monsieur le

2 Président, et je dis ceci, en représentant Mme Plavsic.

3 Mme Plavsic vous a informé ce matin qu'elle a consulté un médecin que

4 pendant cinq minutes, que sa tension artérielle était de 190 sur 100. Mme

5 Plavsic est âgée de 76 ans et ce n'est pas son médecin traitant. Il n'a pas

6 non plus contacté son médecin traitant en Suède. Il s'agit d'un homme

7 qu'elle a vu pendant cinq minutes alors qu'hier une infirmière ou un

8 médecin l'a également examinée pendant cinq minutes.

9 Vous avez entendu son état de santé. Elle vous a expliqué qu'elle

10 avait des troubles de santé, qu'elle était incapable de se concentrer. Je

11 dois vous dire que Mme Plavsic craint pour sa vie, car il s'agit d'une

12 question très sérieuse. Elle craint que son état de santé ne s'aggrave à

13 tel point que cela pourrait être grave. Nous aimerions formuler une

14 objection quant à sa déposition.

15 D'autre part, je ne vois pas qu'est-ce que vous pouvez soutirer d'un

16 témoin qui ne peut pas témoigner de façon adéquate eu égard à son état de

17 santé physique et mental. Je trouve que du point de vue juridique, tout

18 ceci est inapproprié.

19 [La Chambre de première instance se concerte]

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Avant de prendre une décision quant à ce

21 que vous venez de dire, j'aimerais entendre les parties et voir si les

22 parties souhaiteraient présenter des arguments quant à ce qui a été dit au

23 nom de Mme Plavsic.

24 Je demande à l'Accusation de prendre le micro d'abord.

25 M. TIEGER : [interprétation] Nous n'avons rien à ajouter, Monsieur le

26 Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour la Défense ?

28 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

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1 La Défense est particulièrement préoccupée par ce qui arrive ici. Il

2 est tout à fait certain que Me O'Sullivan est présent pour protéger les

3 intérêts de Mme Plavsic, certes, mais c'est vous, Messieurs les Juges, qui

4 avez à la fin la responsabilité de protéger Mme Plavsic eu égard aux

5 circonstances pour ce qui a trait à son témoignage, si elle devrait

6 témoigner ou non et quand et de quelle façon, eu égard au calendrier. La

7 position de la Défense est celle-ci : même si nous n'avons pas d'arguments

8 à présenter qui, selon nous, iraient dans le sens de dire que le seul fait

9 de déposer représenterait une pression excessive sur le témoin, mais nous

10 avons l'obligation de protéger les intérêts de M. Krajisnik.

11 Nous sommes particulièrement préoccupés par son témoignage. Une dame qui, à

12 un certain moment donné, occupait un poste très élevé dans l'affaire qui

13 nous occupe. Si elle devait témoigner dans des circonstances où elle se

14 sent stressée, où elle fait l'objet de pression, je souhaiterais dire que

15 ce n'est pas du tout approprié. Je souhaiterais peut-être ajouter, certes,

16 pas l'absence de Mme Plavsic, mais pour ce qui nous concerne, Monsieur le

17 Président, j'estime que les circonstances qui ont entouré son arrivée ici

18 étaient plus qu'ordinaires. Un rapport médical est arrivé, qui

19 l'accompagne, mais il n'est pas tout à fait clair. Je n'ai pas tout à fait

20 bien compris si le médecin, qui a brièvement examiné hier et ce matin, lit

21 la langue suédoise. Je ne sais pas si le médecin qui l'a examinée arrive à

22 comprendre les informations qui sont contenues dans un dossier médical dans

23 une autre langue. Nous souhaiterions dire que, dans les circonstances, il

24 serait tout à fait approprié de dire qu'avant de demander à Mme Plavsic de

25 déposer, qu'un rapport médical qui suit l'examen médical devrait être

26 distribué aux parties, au conseil de Mme Plavsic, afin que les parties et

27 que tout le monde puisse l'examiner.

28 Pour ce qui est maintenant du calendrier de demain, par exemple, Me

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1 O'Sullivan a un peu devancé les choses. Mme Plavsic célébrera son 76e

2 anniversaire demain.

3 LE TÉMOIN : [interprétation] 77 ans. Oui, excusez-moi, vous savez mieux que

4 moi.

5 M. STEWART : [interprétation] Excusez-moi, mais j'ai cru comprendre que la

6 date de naissance de Mme Plavsic était le 7 juillet 1930. Je ne sais pas si

7 j'ai bien calculé, sur la base de cette information, j'ai soustrait et

8 additionné les choses.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Vous avez tout à fait raison. Je n'ai pas

10 raison. Est-ce que vous pouvez vous imaginer dans quel genre de situation

11 je me trouve lorsque je ne sais même pas quel est mon âge. Vous pouvez

12 comprendre dans quel état je me trouve.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Non, ce n'est pas grave, Mme Plavsic. Ce

14 n'est pas tellement important de savoir quel est l'âge précis du témoin.

15 N'essayons pas de nous attarder plus longuement là-dessus.

16 M. STEWART : [interprétation] Puis-je continuer ?

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, mais je crois que le calendrier

18 n'avait pas été tout à fait établi pour demain. Le planning pour demain n'a

19 pas été complètement déjà établi, même si je m'étais enquéris pour savoir

20 si certaines choses étaient possibles ou non.

21 M. STEWART : [interprétation] J'y arriverai dans quelques instants,

22 Monsieur le Président.

23 Ce que j'ai dit il y a quelques instants démontre à quel point il est

24 dangereux de parler de l'âge d'une dame. Voilà, encore une fois, il ne

25 faudrait jamais parler de l'âge d'une femme en public, bien sûr.

26 Pour ce qui est du planning de demain, voilà ce que j'ai à dire. Nous

27 avons reçu une notification tout à fait claire hier que les Juges de la

28 Chambre avaient prévu la possibilité de témoigner entre 9 heures du matin à

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1 19 heures. C'est une journée double.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Me Stewart, j'ai dit qu'aucune décision

3 n'a été prise pour la journée de demain. Il est tout à fait certain que

4 nous n'ayons jamais prévu une session qui durerait de 9 heures du matin à

5 19 heures du soir. Je vous prierais de ne plus vous livrer à des

6 conjectures de ce type. Je vous ai clairement indiqué qu'une décision n'a

7 pas encore été prise sur cela.

8 Veuillez poursuivre, je vous prie.

9 M. STEWART : [interprétation] Je suis très heureux de l'entendre, Monsieur

10 le Président, d'entendre qu'une décision n'a pas été prise encore sur ceci.

11 Ce que je voudrais dire, Monsieur le Président, et ce qui est important

12 pour M. Krajisnik, c'est que tout témoin important dans cette affaire en

13 l'espèce, si nous assumons que chaque témoin qui est appelé est un témoin

14 important, nous estimons que chaque témoin important devrait témoigner sans

15 pression et que le planning ne soit pas contraignant. Monsieur le

16 Président, je ne vais pas reparler de la journée de demain, mais cette

17 tentative de planifier une journée très longue demain nous indique

18 clairement qu'on veut terminer le plus tôt possible la déposition de Mme

19 Plavsic et cela n'est pas correct. Comme nous l'avons vu avec d'autres

20 témoins, il ne faudrait pas exercer de pressions supplémentaires sur des

21 témoins et ce n'est pas juste de se comporter ainsi et ce n'est pas juste

22 envers M. Krajisnik non plus, car il faudrait examiner la situation de très

23 près.

24 Pour ce qui est de la déposition de Mme Plavsic, si elle déposera, hier --

25 je reprends ce que j'ai dit-- M. Jonovic qui parle le B/C/S m'a indiqué

26 qu'à un moment donné Mme Plavsic avait dit qu'elle ne savait pas si elle

27 pouvait endurer le tout, mais ce qu'elle a dit, c'est qu'elle n'est pas du

28 tout sûre si elle pourrait terminer son témoignage. Elle pourrait le

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1 commencer, mais n'était pas tout à fait certaine qu'elle pourra le

2 terminer.

3 Pour ce qui nous concerne, je crois que les Juges de cette Chambre ne

4 pourraient pas prendre la déposition de Mme Plavsic comme étant à la face

5 d'un témoignage. Il faudrait que ce témoignage soit complété de façon

6 adéquate, avec une opportunité tout à fait juste donnée aux parties pour

7 savoir que le témoin qui a témoigné n'a pas fait l'objet d'aucune pression

8 non nécessaire.

9 Je pense q'il ne faut pas commencer la déposition de Mme Plavsic

10 d'une façon hâtive et qu'il faudrait y réfléchir encore beaucoup plus

11 sérieusement. Merci, Monsieur le Président.

12 M. TIEGER : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président. Je

13 souhaiterais dire quelques commentaires rapides aux arguments présentés par

14 mon confrère.

15 Concernant maintenant, -- je crois qu'il faudrait dire que Me Stewart a

16 abordé un certain nombre de questions. Non pas seulement la question qui,

17 selon moi, avait été celle de présenter des arguments concernant l'attitude

18 de Mme Plavsic, l'attitude immédiate de procéder. Pour ce qui concerne ces

19 arguments qui ont été présentés et il y a eu un certain nombre d'arguments,

20 je ne sais pas si l'Accusation a compris, par exemple, que de prévoir une

21 journée entière de demain ne veut pas dire que la majeure partie du temps

22 serait prise par le fait de la déposition de Mme Plavsic.

23 Il y a une référence qui a été faite par Me Stewart, c'est que bien

24 sûr, il est certain que les Juges de la Chambre doivent déterminer ce

25 qu'ils feront eu égard à la situation. J'estime que les Juges de la Chambre

26 voudront se pencher sur l'information qu'ils ont reçu concernant l'état de

27 santé de Mme Plavsic, et je ne sais pas si d'autres informations pourraient

28 aider aux Juges de la Chambre pour rendre une décision concernant cette

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1 question.

2 Je suis tout à fait confiant, et je crois que nous le comprenons

3 tous, que des situations semblables se produisent dans les cours à travers

4 le monde. Je crois qu'il est toujours possible de résoudre cette question

5 de façon appropriée.

6 En dernier lieu, je souhaiterais dire qu'il y a eu plusieurs arguments

7 présentés, mais pour ce qui est de ces arguments présentés, je ne suis pas

8 du tout au courant qu'un processus inhabituel a été mis en place concernant

9 le témoin. Le témoin est arrivé avant-hier et les Juges de la Chambre ont

10 tenté de recueillir sa déposition. Il me semble que toutes les questions

11 qui ont été abordées, ce sont des questions qui ont trait aux parties et

12 aux Juges.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur Tieger.

14 M. STEWART : [interprétation] Pourrais-je faire une commentaire.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

16 M. STEWART : [aucune interprétation]

17 M. LE JUGE ORIE : [aucune interprétation]

18 M. STEWART : [interprétation] Je vais essayer d'être bref.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pourriez-vous, je vous prie, faire

20 attention et ne plus faire ce genre de commentaires. Je ne vous ai jamais

21 dit d'être bref.

22 Vous pouvez commencer.

23 M. STEWART : [interprétation] On ne permet pas à Mme Plavsic de témoigner,

24 on ne lui permet pas suffisamment de temps. Elle doit examiner sa

25 déclaration. Elle n'a pas reçu les transcripts de son entretien. On ne lui

26 a pas permis de consulter tous les documents. Elle est arrivée avant-hier

27 effectivement, oui.

28 La question pour demain c'est une question assez importante, à

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1 savoir, où est-ce que nous voulons en venir concernant le temps ? Si Mme

2 Plavsic dépose, combien de temps sera dépensé à faire quoi ? Quelles seront

3 les limites et qu'est-ce qui est envisagé ? De quelle façon est-ce qu'on a

4 l'intention d'aborder cette question ? Mme Plavsic était censée retourner

5 en Suède samedi.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci. La Chambre devra prendre une

7 décision et, bien entendu, il conviendra ce faisant, de se pencher sur les

8 risques médicaux à ne pas prendre et quelles seraient les séquelles

9 médicales d'une situation de stress inhérente aux circonstances présentes,

10 compte tenu de la situation qui est celle de l'âge, qui est celle du sujet

11 du témoignage à fournir. Il nous faudra prendre une décision, chose qui

12 sera faite compte tenu de tous les intérêts impliqués, et j'entends là les

13 intérêts de l'accusé, en l'affaire qui nous intéresse, ainsi que les

14 intérêts du témoin, elle-même, tout comme ceux de la justice. Ce n'est pas

15 là un intérêt qui diffère de ceux de M. Krajisnik. Il s'agit d'un intérêt

16 qui est celui de faire porter aux Juges de la Chambre toutes les

17 informations pertinentes. Quand je parle "d'informations pertinentes,"

18 j'entends par là que nous avons tous conscience du fait que nous pourrions

19 passer 500 heures ou un millier d'heures, voire deux ou trois milliers

20 d'heures pour ce qui est de déterminer la totalité des faits, la totalité

21 des détails relatifs à cet acte d'accusation. La Chambre devra établir un

22 juste équilibre des choses et nous allons faire une petite pause.

23 Compte tenu des circonstances énoncées ici et compte tenu notamment de ce

24 que vous nous avez dit ici, Madame Plavsic, la Chambre pourrait également

25 demander une confirmation des informations qui ont été communiquées ici; et

26 je viens de soulever deux questions, à savoir, la durée de l'interrogatoire

27 et la nécessité de voir si le dossier médical a été examiné, étant donné

28 qu'il a été établi dans une langue étrangère. Si de nouvelles informations

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1 sont communiquées à la Chambre, celle-ci les communiquera à son tour aux

2 parties en présence. La Chambre se penchera sur la nécessité d'entendre

3 d'autres arguments ou rendra tout simplement une décision pour informer les

4 parties sur ces points.

5 Madame Plavsic, nous allons procéder à une petite pause parce que nous

6 avons besoin d'un moment pour prendre en considération la situation telle

7 qu'elle se présente.

8 Nous allons lever l'audience sans indiquer l'heure de la reprise mais les

9 parties devraient être prêtes à toute éventualité.

10 --- L'audience est suspendue à 11 heures 36.

11 --- L'audience est reprise à 12 heures 05.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre a obtenu une copie du message

13 électronique envoyé par M. McFadden à l'intention de M. Petrov. Je me

14 propose d'en donner lecture. Partant de ladite information, la Chambre a

15 décidé de ne pas convier les parties à présenter d'arguments en la matière.

16 Le courrier électronique se lit comme suit : "Les médecins ont examiné ces"

17 - c'est les vôtres, Madame Plavsic, - "résultats émanant du médecin

18 traitant en Suède. En guise de résultat, nous estimons nécessaire d'assurer

19 le monitoring de sa pression artérielle." Quand on dit cela, c'est encore

20 vous, Mme Plavsic, "à l'examen de la tension à l'unité de détention. La

21 tension était élevée et l'intervenant médical a dit que ce n'était pas

22 critique. Il a fait observé que la tension artérielle était normale lors de

23 son retour du Tribunal hier. Ce qui signifie que cette haute tension a été

24 due au stress subit en salle d'audience. On lui a proposé une aide médicale

25 pour soulager ses maux, mais elle a refusé. Elle continue à utiliser le

26 régime médical qui lui a été prescrit en Suède. Ce rapport médical en

27 suédois a été complètement traduit pour les besoins du médecin, qui en a

28 pris pleinement connaissance."

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1 Alors, cela c'est le message qui a été envoyé aux Juges de la Chambre. La

2 Chambre a examiné la totalité des circonstances, à savoir, tout l'éventail

3 des circonstances impliquées dans cette situation, donc à partir des

4 préparatifs, de l'attitude du témoin, des intérêts des parties impliquées.

5 Nous avons bien tout pris en considération et avons décidé de continuer de

6 façon prudente avec l'audition de votre témoignage, Madame Plavsic.

7 J'aimerais vous rappeler à présent, Madame Plavsic, que vous êtes

8 toujours tenue par la déclaration solennelle que vous avez faite au tout

9 début de votre témoignage.

10 LE TÉMOIN : BILJANA PLAVSIC [Reprise]

11 [Le témoin répond par l'interprète]

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous inviterais à vous centrer dans

13 la mesure du possible sur les questions qui vous sont posées et de centrer

14 vos réponses sur ce qui a été dit.

15 Questions de la Cour : [Suite]

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Tout d'abord, Madame Plavsic, avez-vous

17 une version rectifiée de votre déposition ?

18 R. Oui, je l'ai reçue hier après-midi.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

20 R. Je ne l'ai pas relue, mais je crois que nous avons procédé à ces

21 rectifications ensemble. Si quelque chose s'avérait omis une fois qu'on y

22 arriverait, nous pourrions nous pencher sur le sujet.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Est-ce que les parties en présence

24 ont reçu copie de cela ? Monsieur Stewart ?

25 M. STEWART : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, nous avons reçu

26 hier après-midi la version rectifiée. Ensuite, ce matin, une version juste

27 avant d'entrer en salle d'audience. A son sujet, je ne suis pas sûr de

28 savoir si elle diffère de celle d'hier.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas connaissance de la

2 distribution de deux versions. Les Juges de la Chambre savent qu'il y a une

3 nouvelle version en ce moment où il est dit, comme nous avons coutume de le

4 qualifier, --

5 [La Chambre de première instance et le Juriste se concertent]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] On vient de me faire savoir que c'était

7 exactement la même version qui se trouvait être présentée d'une façon

8 susceptible de faciliter les modifications apportées.

9 Est-ce que les parties en présence souhaitent soulever quoi que ce soit au

10 sujet de ce que Mme Plavsic a soulevé hier en guise de questions à

11 rectifier dans cette nouvelle version ?

12 M. STEWART : [interprétation] Oui, il y a quelque chose, Monsieur le

13 Président.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, quoi ?

15 M. STEWART : [interprétation] Tout simplement, Monsieur le Président, peut-

16 être nous étions-nous attendus - et ce n'est pas une critique à l'égard de

17 Mme Plavsic - mais nous nous étions attendus à ce que du fait de son

18 absence du prétoire, qu'elle réexaminerait sa déposition pour voir si elle

19 voudrait la signer ou pas.

20 Pour donner une illustration de ma préoccupation spécifique, c'est ce

21 qui apparaît dans le compte rendu d'audience, si MM. les Juges l'ont en

22 leur possession, cela commence à la page 26 787, si les Juges peuvent

23 l'obtenir.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je suis en train de le voir sur mon

25 écran.

26 M. STEWART : [interprétation] Je voudrais savoir si les Juges l'ont ? Parce

27 que sinon, il faudrait que nous présentions le compte rendu. Je crois que

28 c'est déjà fait.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Peut-être pourriez-vous vous pencher sur

2 l'écran.

3 Avançons.

4 M. STEWART : [interprétation] Je crois que l'on pourrait assez facilement

5 le faire.

6 M. LE JUGE HANOTEAU : [hors micro]

7 M. STEWART : [interprétation] Je serais très heureux de vous venir en aide.

8 Je précise, il s'agit de la page 26 787. Nous sommes en train de nous

9 pencher sur le paragraphe 9 de cette déclaration. Mme Plavsic y dit - et si

10 les Juges estiment qu'il ne serait pas approprié d'en débattre en la

11 présence du témoin, je ne m'y opposerais pas, mais je ne suggère point une

12 façon autre de procéder.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] A moins que l'Accusation n'ait des

14 objections.

15 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, en principe, j'estime

16 qu'elle devrait être là puisque c'est là son témoignage à elle.

17 Il est dit dans cette toute première phrase qu'elle croit que M.

18 Krajisnik avait un rôle très important à jouer au sein de l'assemblée des

19 Serbes de Bosnie. Et elle enchaîne au sommet de la page d'après, à savoir,

20 26 788, pour dire que le conseil suprême de la Défense, sans lequel il

21 aurait été impossible de faire quoi que ce soit, a eu une influence qui

22 était tout à fait différente de celle de l'assemblée.

23 Je ne vais pas donner lecture de chacun de ses propos, mais cela

24 descend vers le bas. Vous allez voir vers le bas de la page où elle dit en

25 ligne 20 --

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Stewart, je vais vous

27 interrompre, parce que je vois qu'il y une préoccupation pour vous au

28 paragraphe 9. Nous allons demander au témoin de se pencher sur ce

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1 paragraphe 9 pour voir si cela reflète bien ce qu'elle avait voulu dire.

2 M. STEWART : [interprétation] Oui, si cela vous semble acceptable.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

4 Madame Plavsic, pouvez-vous vous pencher sur ce paragraphe 9 ?

5 R. Je peux vous dire exactement de quoi il s'agit. J'ai dit hier ce que je

6 pensais. J'estimais qu'il était tout à fait normal que le président de

7 l'assemblée ait un rôle important à jouer au sein de l'assemblée.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter là. Parce qu'au

9 préalable, j'aimerais que vous lisiez le paragraphe 9 et que vous nous

10 indiquiez si les rectificatifs que vous avez mentionnés sont bien traduits

11 dans ce texte-ci suivant la façon et non pas au sens d'information

12 additionnelle à fournir, mais dans la façon que vous estimiez être

13 nécessaire pour refléter le fond de votre pensée. Est-ce que c'est bien ce

14 que ce paragraphe 9 nous dit ?

15 R. Je pense qu'ici au paragraphe 9, on a mis au même plan le niveau

16 d'importance de l'influence exercée par M. Krajisnik au sein de l'assemblée

17 ainsi qu'au sein du conseil suprême de la Défense, ce qui ne correspond pas

18 à la vérité. M. Krajisnik était quelqu'un de très important au niveau de

19 l'assemblée. Mais au conseil suprême de la Défense, il avait le même poids

20 que les autres membres.

21 Dans ce texte, il est dit que son influence était la même au sein de

22 l'assemblée qu'au conseil suprême de la Défense. Je crois que les choses ne

23 sont pas clairement dites là.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Comme vous venez de nous le dire,

25 et si cela peut vous aider, peut-être faudrait-il lire : "J'estime que la

26 participation de M. Krajisnik à l'assemblée du peuple serbe de la Bosnie-

27 Herzégovine, et dans une mesure moindre au sein du conseil suprême de la

28 Défense, était importante."

Page 26840

1 Est-ce que cela exprime suffisamment la distinction que vous souhaitiez

2 faire --

3 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, je vais faire

4 objection à cela --

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maître Stewart.

6 M. STEWART : [interprétation] Je crois en avoir le droit. Je suis en train

7 d'intervenir au profit de M. Krajisnik.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez une minute pour le faire. Le

9 témoin nous a dit ce qu'elle pensait.

10 M. STEWART : [interprétation] Bien sûr --

11 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je voudrais que le compte rendu reflète

12 bien ce que le témoin était en train de nous dire. J'ai attentivement

13 écouté ce qu'elle a dit. Vous allez avoir une minute.

14 M. STEWART : [interprétation] Justement, je crois qu'il faudrait que le

15 témoin amende le texte. C'est là le problème. La Défense exprime justement

16 sa préoccupation par le fait de conduire, de guider le témoin. Je crois

17 qu'il faudrait donner à Mme Plavsic l'opportunité de passer tranquillement,

18 de réexaminer tranquillement sa propre déclaration.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Le problème, c'est que nous avons

20 vu, il y a eu neuf heures d'interview qui ont servi de base appropriée pour

21 l'exercice que nous sommes en train de faire.

22 Cela avait été une chose qui n'était pas appropriée pour ce qui était d'une

23 façon directe de procéder.

24 Madame Plavsic, serait-il utile pour vous d'intégrer ici une

25 distinction qui serait celle de dire que M. Krajisnik avait moins

26 d'importance au sein du conseil suprême de la Défense ? Parce que ce que

27 vous avez souhaité, c'était exactement procéder à la mise en place d'une

28 distinction à ce sujet-là.

Page 26841

1 R. Ce qui était apparent, ce qui pu être vu et entendu s'agissant de son

2 influence, c'est que son influence n'avait pas un poids plus grand au sein

3 du conseil suprême de la Défense que cela n'a été le cas pour les autres

4 membres de ce conseil. Je ne sais pas comment on a mis sur un même plan son

5 importance pour ce qui est de l'assemblée du conseil suprême de la Défense.

6 Je n'ignore pas le fait que les finesses revêtent beaucoup

7 d'importance, parce que ce n'est plus une finesse, c'est un point crucial.

8 Je ne suis pas en mesure moi-même de vous fournir une formulation

9 appropriée. Peut-être qu'au cas où vous fourniriez une formulation, serais-

10 je plus à même de dire oui ou non. Comment procéderiez-vous, vous-même à la

11 différentiation que j'entends ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, peut-être cela est-il

13 justement le problème. Si nous biffions carrément la référence faite au

14 conseil suprême de la Défense et ce que vous avez dit à ce sujet, la

15 différence ne serait plus apparente dans le texte. Nous aurions ce que vous

16 avez dit en salle d'audience. En somme, cela signifierait que l'influence

17 de M. Krajisnik au sein du conseil suprême de la Défense avait le même

18 poids que cela n'a été le cas pour les autres membres de ce conseil suprême

19 de la Défense. A cette fin, je proposerais d'omettre "le conseil suprême de

20 la Défense" carrément. Est-ce que cela vous convient ?

21 R. Oui.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Y a-t-il d'autres requêtes à présenter à

23 ce sujet ? Est-ce que cela correspond bien à la correction que l'on a voulu

24 apportée ?

25 M. STEWART : [interprétation] Pas de commentaires à ce sujet, Monsieur le

26 Président.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Un autre point ?

28 M. STEWART : [interprétation] Sur un plan général, oui. Il serait peut-être

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1 une bonne idée que de fournir à Mme Plavsic la possibilité, cet après-midi

2 et ce soir, de s'assurer qu'elle est satisfaite de sa déclaration. Mais je

3 n'ai aucun doute sur le fait que cela se reflétera sur le texte.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'autres observations à formuler par

5 l'Accusation ?

6 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

7 M. TIEGER : [interprétation] Monsieur le Président, nous n'avons pas eu

8 l'occasion et nous n'avons pas mis à profit l'opportunité qui s'est offerte

9 à nous pour parcourir ce qui constituerait une comparaison entre ce que

10 nous avons et la version qui se trouve à présent entre les mains des Juges

11 de la Chambre. En substance, nous sommes d'accord avec ce qui a fait

12 l'objet de notre discussion au cours de la journée d'hier en salle

13 d'audience.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Madame Plavsic, nous voudrions vous

15 fournir l'occasion, et bien entendu, nous avons pris lecture de la

16 transcription de votre interview. Nous avons pu voir que cela a été traité

17 comme étant une déposition mise sur papier par vous, et nous avons entendu

18 les corrections apportées hier. Nous avons attentivement cherché à les

19 intégrer dans le texte. Vous vous êtes vu délivrer une copie avec reprise

20 clairement faite des modificatifs. Vous avez, pendant la pause peut-être,

21 ou alors cet après-midi ou ce soir allez-vous pouvoir le faire, pour nous

22 dire si cela reflète les corrections que vous avez voulu apporter, et est-

23 ce que maintenant, vous seriez d'accord avec l'énoncé du texte.

24 Je vous convierais à le faire ultérieurement, et nous allons

25 continuer en ce moment avec les questions autres que nous avons à vous

26 poser.

27 J'aimerais vous demander de vous centrer sur les questions et les

28 réponses que vous allez y apporter.

Page 26843

1 R. J'aimerais que la transcription complète de la conversation me soit

2 envoyée, comme M. Nilsson l'a dit lorsqu'il est venu à Hinseberg. Quand je

3 lui ai dit : "Que faire ensuite ?" Il m'a dit qu'il m'enverrait une

4 transcription. "Et sur chaque page, vous êtes priée de parapher si vous

5 êtes d'accord ou alors de procéder à des modifications éventuelles." Je me

6 suis entretenue avec lui et il m'a assuré qu'il allait m'envoyer un résumé.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Il doit y avoir un malentendu quelque

8 part. Ce que je puis vous assurer, Madame Plavsic, c'est que les parties en

9 présence disposent de la transcription complète qui se trouve être en

10 anglais. Au cas où elles retrouveraient un point quelconque où le résumé ne

11 coïnciderait pas --

12 R. Ou serait en contradiction --

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Et s'il n'y a pas de fondement pour ce

14 texte dans la déposition, il y a une bande audio à vérifier, il ne fait pas

15 l'ombre d'un doute qu'ils attireront l'attention des Juges de la Chambre

16 sur ce point. De ce point de vue-là, les parties en présence vont

17 activement procéder à la vérification pour voir, si effectivement, le

18 sommaire se fonde sur la déposition. Si des éclaircissements s'avèrent

19 nécessaires de votre part, nous pourrions prendre en considération

20 l'éventualité de vous les demander.

21 M. STEWART : [interprétation] Monsieur le Président, j'espère que les Juges

22 ne perdent pas de vue le fait que cet enregistrement audio et la

23 transcription ne sont guère utiles à M. Krajisnik, étant donné que le tout

24 se fait en anglais. Cela le prive de l'occasion qu'il devrait avoir de se

25 pencher. J'espère que les Juges de la Chambre vont garder ce fait-là à

26 l'esprit.

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous allons le garder à l'esprit,

28 Maître Stewart.

Page 26844

1 Madame Plavsic, j'aimerais à présent vous poser plusieurs questions, et

2 ensuite, la Défense ainsi que l'Accusation auront eux aussi l'opportunité

3 de vous interroger à ce sujet-là.

4 Avant que de ce faire, et étant donné que nous allons probablement

5 nous référer à votre déposition dans la forme qui est la sienne

6 actuellement, j'aimerais qu'on lui accorde une cote. Je parle notamment de

7 la version avec les modifications apportées.

8 Monsieur le Greffier.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce C7, Messieurs les Juges.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Monsieur le Greffier d'audience.

11 Madame Plavsic, dans votre déposition de témoin, vous avez indiqué que M.

12 Krajisnik a été perçu par vous-même et par d'autres personnes comme étant

13 une personne avec des pouvoirs. Vous avez dit - je pense avoir vérifié cela

14 sur le compte rendu ainsi que sur l'enregistrement original - il me semble

15 que vous aviez précisé qu'il était impossible de faire quoi que ce soit.

16 Les Juges de la Chambre comprennent bien que cela se trouve être dit dans

17 le livre que vous avez rédigé de même.

18 Pourriez-vous, à ce sujet, nous fournir un ou deux exemples clairs pour ce

19 qui est des raisons pour lesquelles vous aviez pensé que c'était là un

20 homme qui avait bien des pouvoirs, comme vous l'avez dit et sans lequel on

21 ne pouvait rien faire du tout ? Alors peut-être pourriez-vous nous fournir

22 le récit entier en un ou deux exemples, pour ce qui est de la manifestation

23 de son pouvoir, tel que vous l'avez perçu ?

24 R. Oui. C'était un homme très puissant. Grâce à ses aptitudes, l'aptitude

25 qu'il avait à être pratique et réaliste, je crois qu'il l'emportait sur

26 certains points vis-à-vis du président de la république, M. Karadzic.

27 Comment un homme peut-il devenir puissant ? Je ne sais pas si vous

28 vous êtes penché sur la question.

Page 26845

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

2 R. Laissez-moi terminer. Je dirais que pendant la guerre, s'agissant de la

3 politique étrangère - et quand je parle "de politique étrangère," ce sont

4 toutes ces réunions nombreuses à l'étranger au sujet des différents traités

5 de paix - il s'est avéré indispensable et il a été omniprésent. S'agissant

6 des entretiens qui ont eu lieu là-bas, je n'en sais rien. Je n'ai jamais

7 rien appris à leur retour de ce qui s'était passé, mis à part les

8 informations communiquées à l'assemblée. Pour ce qui est de cette sphère-là

9 de la vie, il a toujours été présent.

10 Pour ce qui est de l'intérieur du territoire, il se trouvait être le

11 président du Parlement. Il contactait directement les députés, mais pas

12 seulement les députés, les autorités municipales également. C'est ce qu'a

13 pu tirer comme conclusion une personne qui n'a pas procédé à des analyses

14 comme je l'ai fait. Son cabinet en terme simple était toujours bondé de

15 gens.

16 Lorsque la situation est devenue difficile pour ce qui est de la

17 signature des accords de Dayton, en temps de paix, plus de 100 000

18 habitants de Sarajevo se sont retirés, tout comme pendant la guerre. Tous

19 allaient demander à M. Krajisnik ainsi que M. Karadzic, ce qu'ils devaient

20 faire. Ils ont estimé eux-mêmes, je pense qu'il était plus pratique et plus

21 réaliste, aussi allaient-ils plutôt vers lui. Comment dirais-je, l'homme de

22 la rue qui savait observer pouvait tirer les conclusions qu'il fallait

23 parce que c'est devant ce cabinet que les gens attendaient et le cabinet

24 était bondé de gens. C'étaient des gens qui venaient du terrain.

25 Lorsqu'il y avait des entretiens chez M. Milosevic, je n'ai jamais

26 été là-bas. Je n'ai pas vu M. Milosevic pendant la guerre, mis à part le

27 moment où il est venu à Jahorina au sujet du plan Vance-Owen. Je me suis

28 permise de ne pas même lui dire bonjour. Pour ce qui est des conversations

Page 26846

1 avec M. Milosevic --

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Juste une seconde. Permettez-moi

3 de vous interrompre pour quelques instants. Je voudrais vous poser quelques

4 questions aux fins de clarifier ce que vous avez dit.

5 Je vous ai concrètement demandé de nous fournir des exemples. Je

6 dirais que les exemples ont été moins précis. Vous avez toutefois dit une

7 chose, à savoir qu'il a toujours été présent à ces réunions internationales

8 et qu'il ne vous a jamais informée à ce sujet, mis à part les informations

9 fournies au niveau de l'assemblée.

10 Est-ce que cela doit être compris de la façon suivante : il ne s'est

11 pas consulté avec nous autres, ils allaient eux-mêmes, ils allaient tout

12 seuls là-bas, ce qui constitue une démonstration de son pouvoir de facto.

13 Est-ce que c'est ainsi qu'on doit comprendre la chose ?

14 R. Oui. Vous utilisez le terme au pluriel car pour autant que je le sache,

15 et je crois que nous parlons de la période qui va jusqu'à la fin de l'année

16 1992, ce n'est qu'à ce moment-là que j'étais à Pale jusqu'à la mi-octobre.

17 Nous étions séparés physiquement lorsque nous nous trouvions à Pale. Je ne

18 rencontrais pas M. Krajisnik en devoir de nos obligations, et lorsque je le

19 croisais, je ne disais pas "Momo, est-ce que vous pourriez m'expliquer ce

20 qui s'est passé à Genève" ou quelque chose comme cela.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous étiez

22 physiquement parlant séparée. Au plan factuel, qu'est-ce que vous voulez

23 dire ? Où étiez-vous ? Où était M. Krajisnik ? Où étiez-vous ?

24 R. Il y avait cinq pièces qui étaient utilisées comme lieu de la

25 présidence, siège de l'assemblée, je ne sais pas. Le gouvernement était en

26 réalité à Jahorina. Lorsque le pilonnage de Pale a commencé, je me suis

27 rendue à Jahorina et quelques autres personnes sont restées, et M.

28 Krajisnik est resté.

Page 26847

1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Le président est resté où ?

2 R. A Pale.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] J'entends bien lorsque vous parlez "de

4 séparation physique." Vous dites qu'après le pilonnage, il était à Pale et

5 moi-même, j'étais à Jahorina. Vous remarquerez sans doute que j'essaie ici

6 de recueillir des éléments d'information factuels.

7 Une autre question. Vous avez dit : Nous n'avons jamais vu M. Milosevic

8 lorsqu'il l'a rencontré une seule fois seulement. Saviez-vous que d'autres

9 réunions se tenaient entre M. Krajisnik et M. Milosevic ? Je parle de

10 moments où vous n'avez pas vu M. Milosevic ?

11 R. Je n'ai jamais assisté à cela. La première fois que j'ai rencontré M.

12 Milosevic, c'était après la signature des accords de Dayton. Peut-être que

13 vous allez certainement vous poser la question et vous demander comment

14 cela était possible. Je m'exprimais ouvertement et je m'étais déclarée

15 contre la politique menée par M. Milosevic. Je crois que j'étais la seule

16 personne à exprimer mes idées aussi ouvertement. Je sais que M. Milosevic a

17 dit à M. Krajisnik, -- non à M. Karadzic, une fois, qu'il fallait qu'on me

18 retire de la présidence.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander de revenir sur ce

20 que vous venez de dire.

21 Vous avez dit : "Lorsqu'il y avait des pourparlers avec M. Milosevic,

22 je ne l'ai jamais vu. Je n'ai jamais vu M. Milosevic hormis l'occasion où

23 il est venu au mont Jahorina lorsqu'il s'agissait de discuter du plan

24 Vance-Owen. Et même à ce moment-là, je me suis permis le luxe de lui

25 tourner le dos et de ne même pas le saluer."

26 Ce qui est très clair lorsqu'il était là, vous n'avez pas communiqué

27 avec lui. Vous ne vous êtes exprimée que de façon gestuelle et cette

28 gestuelle était négative à son encontre.

Page 26848

1 R. Oui, je souhaite simplement que cela se sache. C'était jusqu'à la fin

2 de l'année 1992, autrement dit entre le début de la guerre et la fin de

3 l'année 1992. En tant que membre de la présidence de Bosnie-Herzégovine,

4 j'ai eu l'occasion de voir M. Milosevic mais ce, avant la guerre.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

6 R. Il était en contact avec M. Izetbegovic, et je n'étais pas là, donc je

7 ne sais pas quelle était la teneur de ces pourparlers.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai posé une question très claire

9 à cet égard. La question est la suivante : vous avez dit : "Lorsqu'il y

10 avait des pourparlers avec M. Milosevic, je n'étais jamais là." Cette

11 réponse porte-t-elle sur l'année 1992 ?

12 R. Oui.

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

14 R. Après la signature des accords de Dayton, parce que M. Milosevic a

15 signé les accords de Dayton. Dans l'intervalle, je suis devenue vice-

16 président et après quoi, après les élections, je suis devenue président. Je

17 devais à ce moment-là entrer en contact -- ou cela n'a pas d'importance si

18 je devais ou si je voulais. Ceci n'est pas important. Quoi qu'il en soit,

19 nous parlons de l'année 1992.

20 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, nous parlons de l'année 1992.

21 Lorsque vous répondez, vous semblez dire qu'en 1992 il y avait des réunions

22 avec M. Milosevic, réunions auxquelles vous n'avez pas assisté, mais

23 réunions auxquelles a assisté M. Krajisnik.

24 Est-ce que je vous ai bien compris et bien compris ce que vous

25 entendiez par votre réponse ?

26 R. Si vous deviez me poser la question et me dire : Est-ce que vous êtes

27 sûre à 100 %, je vous répondrais, non. Je ne l'ai pas accompagné, je ne me

28 suis pas rendue à Belgrade. Je ne suis pas entrée dans le bâtiment où se

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1 trouvait M. Milosevic, et je ne me suis pas assise à cet endroit-là. Peut-

2 être qu'ils se sont rendus à Belgrade et qu'ils se sont assis aux côtés de

3 Milosevic et qu'ils ont pris le café ensemble. Je ne sais pas.

4 J'essaie de vous faire une description. Ce n'est pas quelque chose

5 que je connais directement. Par exemple, si j'avais besoin de parler à M.

6 Krajisnik et sa secrétaire disait : "Non, il n'est pas ici. Il s'est rendu

7 à Belgrade. Il y a une réunion avec M. Milosevic," par exemple. Si j'ai

8 besoin de voir M. Karadzic, on me répond : "Il est à Belgrade depuis

9 quelques jours."

10 C'est ainsi que les choses se sont passées. Je ne sais pas si vous

11 pouvez comprendre ce que je vous dis. Lorsque ces derniers rentraient,

12 personne, -- j'avais mes principes. Si quelqu'un ne voulait rien me dire,

13 je posais une fois la question et la deuxième question, j'hésitais beaucoup

14 à reposer la question. Je ne la reposais pas. Et surtout parce que cela ne

15 m'était pas utile dans mon travail. Du début du mois de juillet, au sein de

16 la présidence, je m'occupais surtout de questions humanitaires. J'étais en

17 contact avec les chefs religieux.

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, je vais vous demander de

19 concentrer votre attention sur des points précis. J'ai quelques questions

20 suite aux réponses que vous venez de donner.

21 Vous avez dit qu'il y avait toujours des députés dans son bureau. Je

22 suppose que vous connaissiez ces députés et que c'est la raison pour

23 laquelle vous nous avez dit qu'ils étaient là ? Est-ce que je vous ai bien

24 compris ? Vous connaissiez ces personnes, ces députés et vous saviez que

25 ces députés se trouvaient dans son bureau ou pas loin de son bureau ?

26 R. Pour ce qui est des députés, je pourrais les diviser en plusieurs

27 catégories. Il y en a certains, je ne sais pas quelle est la raison

28 derrière cela, j'ai communiqué avec certains d'entre eux, nous nous

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1 saluions, nous nous disions bonjour, et pour ce qui est d'autres personnes,

2 d'autres députés, nous n'étions pas en contact. Je les connaissais de vue.

3 Il y a certains députés dont je ne me souviens même pas du nom, mais ceci

4 remonte à 14 ans.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez dit que vous les connaissiez

6 tous de vue. Est-ce à dire que vous pouviez constater qu'il s'agissait bien

7 de députés qui lui ont rendu visite dans son bureau ou se sont trouvés près

8 de son bureau ?

9 R. S'ils attendaient près du bureau de la secrétaire, ils attendaient leur

10 tour pour entrer dans le bureau de M. Krajisnik. Mais je crois qu'il n'y

11 avait pas que des députés. Il y avait beaucoup de gens et un nombre

12 important de personnes qui souhaitaient s'entretenir avec M. Krajisnik.

13 Effectivement, vous pouvez vous poser la question et vous demander

14 pourquoi.

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je n'ai pas posé cette question-là, mais

16 je souhaite tout d'abord vous poser cette question-ci. Je souhaite

17 connaître ou savoir ce que vous saviez.

18 Vous avez dit, hormis les députés, il y avait également différents

19 représentants des différentes municipalités. Comment saviez-vous cela ?

20 Comment avez-vous reconnu ces personnes comme étant des personnes qui

21 venaient de différentes municipalités ? Est-ce que vous leur avez parlé ?

22 Est-ce que vous les connaissiez de vue ? Est-ce que vous pourriez répondre

23 à ces questions, s'il vous plaît ? Est-ce que vous les connaissiez de vue,

24 ces personnes que vous avez estimé être des personnes venant de différentes

25 municipalités ?

26 R. Je ne connaissais pas un grand nombre de personnes qui venaient des

27 différentes municipalités, car je n'ai pas assisté aux réunions du SDS.

28 J'étais membre du SDS, et j'avais ma carte du parti, mais je n'ai pas

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1 assisté aux réunions des différents organes. Je crois que les autorités

2 locales favorisaient ces personnes-là ou du moins avaient demandé à ce que

3 les membres du SDS siègent au niveau du gouvernement local. Je ne peux pas

4 dire que ceci s'appliquait à tout le monde. Peut-être qu'il y avait des

5 représentants des autorités locales qui n'étaient pas membres du SDS.

6 Je vais essayer de répondre à votre question pour vous dire ce que je

7 sais. Lorsque la personne en second me disait que je ne pouvais pas entrer,

8 par exemple, parce que le président de la municipalité ou je ne sais pas,

9 disons que le président de la municipalité de Pale ou le président de la

10 municipalité de Vlasenica, je ne me souviens plus qui était dans son bureau

11 à ce moment-là. Ensuite, la personne en second me dirait : "Le président

12 est occupé." Je ne savais pas qui était dans son bureau à ce moment-là.

13 Peut-être que M. Krajisnik est quelqu'un qui communique facilement, peut-

14 être que les gens savaient cela. Et peut-être qu'il était à même de

15 répondre à leurs desiderata. Peut-être que c'était quelque chose, peut-être

16 que le bruit s'était répandu et on disait : "Va voir Momo et il va arranger

17 cela."

18 J'espère que j'ai réussi à bien rendre compte de la situation.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La Chambre cherche à savoir en réalité

20 ce qui s'est passé. Vous faite une déclaration assez générale et nous

21 aimerions savoir ce que vous savez vraiment. Nous savons pourquoi vous avez

22 dit cela.

23 Vous avez dit que cet homme avait beaucoup de pouvoir. Et vous avez

24 dit qu'il a assisté à bon nombre de réunions internationales. Lorsque nous

25 parlons de son pouvoir, est-ce que ce pouvoir se limite à des pouvoirs

26 officiels ou est-ce que ce pouvoir va au-delà du pouvoir officiel qui lui a

27 été confié par son poste en tant que président de l'assemblée ? Est-ce que

28 cela restait dans le cadre de ses fonctions officielles ou est-ce que ce

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1 pouvoir allait au-delà de ce cadre-là ?

2 R. Je dois vous donner un premier exemple qui parle de moi, donc je me

3 sens un petit peu mal à l'aise. Je préférerais éviter de faire cela.

4 Lorsque l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine a été créée avant

5 la guerre, à savoir, le 25 octobre 1991, l'assemblée dans ses conclusions a

6 déclaré que tout contact -- déjà, il y avait des représentants de

7 différentes organisations internationales qui venaient rendre visite à la

8 présidence, la Republika Srpska.

9 Je dois dire que tout ceci était toujours un peu étrange. Il était en

10 contact qu'avec le chef du parti ou les présidents, alors que la Bosnie-

11 Herzégovine avait une assemblée, une présidence et un gouvernement. M.

12 Carrington, par exemple, je crois que c'était la première personne à venir

13 lui rendre visite. Il avait des contacts avec M. Izetbegovic. M.

14 Izetbegovic était le président de la présidence de Bosnie-Herzégovine.

15 C'était le président du parti, du parti SDA, le parti musulman. C'était

16 également le président de la présidence. M. Klujic était également membre

17 de la présidence, un membre de la présidence et le président du HDZ. M.

18 Karadzic était la seule personne à être président du SDS à ne pas remplir

19 de fonction officielle. Cela m'a semblé étrange. Comment cela se faisait-il

20 qu'un homme qui venait d'un pays avec une tradition démocratique très

21 ancienne ou comment avec des institutions très fortes, comment se fait-il

22 que cet homme-là vienne rencontrer des présidents de parti et non pas les

23 représentants de ces institutions ?

24 Je vais essayer de répondre à votre question. Lorsque l'assemblée a

25 été créée, l'assemblée du peuple serbe de Bosnie-Herzégovine, je vous ai

26 déjà dit que c'était le

27 25 octobre 1991, je crois que lors de la première séance de l'assemblée,

28 l'assemblée a conclu qu'on confierait à moi-même et à

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1 M. Koljevic le soin de contacter les représentants internationaux. Je ne

2 sais pas qui est venu. Je me souviens, en revanche, bien de la visite de M.

3 Carrington. Telle était ma mission à ce moment-là.

4 A ce moment-là, les réunions se sont intensifiées entre les

5 différentes parties, les trois partis principaux, le HDZ, le SDA et le SDS,

6 bien qu'il y ait entre eux de nombreux désaccords. La présence de

7 représentants de la communauté internationale a provoqué la convocation de

8 réunions et de séances de l'assemblée auxquelles on m'a demandé d'assister.

9 C'était M. Koljevic et moi-même, je ne sais pas s'il y avait quelqu'un

10 d'autre. Je faisais partie de ce groupe auquel on avait demandé de rester

11 en contact avec les représentants du HDZ et les représentants du SDA.

12 Néanmoins, personne ne m'a jamais informée du fait que ces réunions

13 se tenaient. Quelquefois, ces réunions se tenaient même dans le bâtiment

14 même de la présidence, et quelquefois, M. Karadzic et

15 M. Krajisnik venaient me voir dans mon bureau, et j'avais l'impression

16 qu'ils venaient me voir comme s'ils venaient dans une antichambre, en

17 attendant le démarrage d'une réunion. Je leur posais la question, je leur

18 demandais : "Pourquoi êtes-vous dans le bâtiment de la présidence ?" Je

19 voyais qu'ils n'étaient pas venus me voir, ils n'étaient pas venus me voir

20 moi. A ce moment-là, ils me répondaient : "Nous avons une réunion avec les

21 représentants du HDZ et du SDA." Cela me surprenait, compte tenu de la

22 mission qu'on m'avait confiée.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] D'après votre déposition, vous dites,

24 qu'en réalité, il a participé aux pourparlers auxquels on vous avait

25 demandé de participer également, pas en même temps que vous, vous n'avez

26 pas été conviée, mais lui a pris part à ces pourparlers; c'est exact ? Est-

27 ce que j'ai bien compris ce que vous avez dit ?

28 R. Oui, vous avez parfaitement compris. Je cherchais une occasion. Tout

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1 ceci était très risqué. J'avais beaucoup de responsabilités. Ce que

2 j'essayais de faire, c'est d'être très claire. Parfois, je me disais que

3 quelqu'un d'autre assumerait mieux cette fonction, fonction qui m'avait été

4 confiée par l'assemblée. J'ai essayé simplement de tenir l'assemblée

5 informée. Je voulais que l'assemblée fasse une demande pour recevoir les

6 rapports, les rapports qui indiqueraient ce qui s'était passé. Ainsi,

7 j'aurais pu leur fournir les éléments d'information de façon indirecte.

8 Mais ce n'est pas moi qui organisais tout cela et qui définissais les

9 tâches qui devaient être faites et qui m'avaient été confiées. C'est à ce

10 moment-là que la guerre a éclaté. Je suis restée à Sarajevo. Je souhaitais

11 me rendre à Pale et avoir l'occasion de m'y rendre pour fuir en direction

12 de Pale. Hier, nous en avons parlé, lorsque j'ai fui dans cette direction-

13 là. J'ai eu l'occasion --

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, vous avez répondu à ma

15 question.

16 R. Oui.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaite vous poser ma question

18 suivante.

19 Dans votre déclaration, vous dites, et je vais maintenant parler de

20 la présidence qui est devenue par la suite la présidence de la Republika

21 Srpska, vous avez dit que M. Karadzic a évoqué le fait qu'il soit important

22 que cette présidence existe même si vous ne faisiez rien. Vous avez répondu

23 en disant, que d'après vous, cela correspondait à la manière dont lui

24 envisageait la présidence et la manière dont fonctionnait cette présidence.

25 Puis-je d'abord vous poser cette question : ces réunions de la

26 présidence, je vous demande de concentrer votre attention là-dessus, c'est

27 la question que je vous pose, comment ces réunions étaient-elles

28 convoquées ? Est-ce que c'était des réunions qui se tenaient régulièrement,

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1 le lundi et le vendredi, ou est-ce que ces réunions avaient lieu

2 occasionnellement ? Comment étaient-elles convoquées, organisées ?

3 Essayez de concentrer votre attention sur la question que je viens de

4 vous poser. Comment ces réunions de la présidence se déroulaient-elles, se

5 tenaient-elles ?

6 R. La présidence a été créée le 12 mai à Banja Luka.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous arrête tout de suite. Je ne vous

8 ai pas demandé comment, ce qui a présidé à la création de la présidence. La

9 question que je vous ai demandée, c'est comment étiez-vous tenus informés

10 des réunions que tenaient la présidence ? Est-ce que c'était par courrier ?

11 Vous receviez une lettre ? Est-ce qu'un calendrier avait été préparé à

12 l'avance ? Est-ce que vous receviez un coup de fil ? Comment saviez-vous

13 que la présidence allait tenir une réunion ?

14 R. Nous n'aurions pas pu recevoir de convocation écrite. Lorsque j'ai fui

15 en direction le 22 mai, on m'a informée, on m'a dit que les réunions de la

16 présidence se tenaient tous les jours. Je crois que c'était à 11 heures ou

17 peut-être un peu plus tôt. Non, non. J'estime que cela convenait tout à

18 fait à la situation, puisque nous étions en guerre. C'était normal que la

19 présidence se réunisse tous les jours.

20 Pour ce qui est des convocations, c'était la secrétaire qui nous

21 informait ou déclarait qu'il y avait une réunion qui se tenait tous les

22 jours. Je me présentais simplement.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce que les réunions de la présidence

24 se tenaient avec une certaine régularité à quelques exceptions près, à

25 quelle fréquence ? C'était cinq à six fois par semaine ?

26 R. On m'a dit que ce serait tous les jours. Dans la réalité, ce n'était

27 pas le cas, ce n'était pas tous les jours. Quelquefois, le président de la

28 présidence assurait la présidence de la réunion, quelquefois, il était

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1 absent, et quelquefois, M. Krajisnik était absent également. Dans ce cas-

2 là, il n'y avait pas de réunion de la présidence.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En l'espace d'un mois, par exemple,

4 combien de réunions de la présidence y avait-il, dix, 15, huit ? Environ.

5 R. Ce serait plus fréquent que cela. Ce n'est que lorsqu'ils étaient en

6 voyage à l'étranger, lorsqu'il y avait un laps de temps qui s'écoulait, je

7 dirais, dix jours.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vous ai cité différents chiffres pour

9 essayer de comprendre à quelle fréquence se tenaient ces réunions. Est-ce

10 que c'était plus de 15 fois par mois en l'espace d'un mois ?

11 R. En l'espace d'un mois ?

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

13 R. Quelquefois, oui, quelquefois, non. Pardonnez-moi, mais vous avez cette

14 idée de quelque chose qui est très structurée, très organisée. Lorsque

15 j'étais professeur à l'université, c'était le cas, et lorsque vous êtes

16 convoqué à une réunion, à ce moment-là, vous savez à quelle heure se tient

17 la réunion, quel jour, et cetera. J'étais le doyen de la faculté. Donc,

18 cela se passait ainsi. C'est ainsi que je suis entrée en politique. J'ai

19 été toujours surprise. J'ai également été membre de la présidence de

20 Bosnie-Herzégovine, cette présidence-ci également. Quelquefois, on avait

21 l'impression que, comme disent les Bosniaques, on se retrouve autour d'un

22 café, le café arrive, et pour finir, on peut partir sans vraiment savoir

23 pourquoi la réunion avait été convoquée. Quelquefois, je faisais une

24 observation à cet effet au président de la Bosnie-Herzégovine, et qu'un

25 département d'une petite université serait plus à même d'organiser une

26 réunion. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas vous répondre

27 directement, mais je suis obligée de vous faire une description.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous venez de nous parler de ces

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1 réunions. Est-ce qu'on pourrait appliquer ce que vous avez dit pour les

2 réunions de la présidence en 1992 ? Car vous avez fait référence à la

3 présidence de Bosnie-Herzégovine, alors que ma question portait sur la

4 présidence de ce qui est devenue plus tard la Republika Srpska. Donc, est-

5 ce que votre réponse avait trait à --

6 R. Pour être tout à fait clair, ce que je viens de vous dire à trait à la

7 présidence en 1992, enfin présidence qui avait eu lieu pendant la guerre en

8 1992. Il n'y avait rien de concret non plus au sein de la présidence de

9 Bosnie-Herzégovine. Peut-être que la salle dans laquelle se déroulaient les

10 réunions était un peu plus officielle. Vous savez, c'était en temps de

11 guerre. Mais il n'y avait rien d'officiel.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, je comprends. Je voudrais plutôt

13 que l'on se concentre sur des réunions de la présidence pendant la guerre

14 en 1992.

15 Lorsque vous avez dit, vous vous demandiez, il arrivait que vous soyez

16 convoquée à des réunions après lesquelles vous vous étiez demandé pourquoi

17 est-ce que cette réunion avait été convoquée. Est-ce que cela veut dire

18 qu'il y avait des réunions dans lesquelles on n'avait pas distribué l'ordre

19 du jour; est-ce exact ?

20 R. Vous avez tout à fait raison. Il n'y avait pas de convocation

21 officielle, il n'y avait pas non plus d'ordre du jour.

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Maintenant, pour ce qui est de la façon

23 de prendre des décisions, si les décisions avaient été prises lors de ces

24 réunions de la présidence, est-ce que vous pourriez nous donner une idée,

25 nous expliquer de quelle façon cela se faisait ? Par exemple, est-ce que

26 quelqu'un disait : "Nous devons décider sur ceci ou cela. Donc, je propose

27 telle et telle mesure, et cetera." De quelle façon est-ce que l'on

28 parvenait à une décision ? De quelle façon est-ce que l'on présentait un

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1 point ? Est-ce qu'il vous arrivait vous, par exemple, de présenter des

2 questions ou des points qui étaient importants et qui nécessitaient qu'une

3 décision soit prise sur cette question, par exemple ?

4 R. Je crois que vous pouvez vous imaginer ceci : il y avait une énorme

5 quantité de problèmes. Vous pouvez imaginer que les gens venaient, chacun

6 venait présenter des problèmes, mettait des problèmes sur la table, par

7 exemple, pour ce qui est du cabinet de

8 M. Krajisnik.

9 Voilà, je vais vous dire qu'étant donné que j'étais chargée du champ

10 qui vous est déjà connu, et je ne vais répéter, mon problème ou mes

11 problèmes étaient les suivants : d'abord, le problème A, réintroduire

12 l'électricité à Sarajevo, l'approvisionnement en eau à Sarajevo, car ils

13 estimaient que cela faisait partie de l'affaire des travaux humanitaires.

14 On m'avait dit, enfin, au sein de la présidence, on disait il faut réparer

15 les lignes de transmission, car l'électricité provient de la Croatie et

16 elle traverse notre territoire, et ainsi de suite. Pour vous parler de ceci

17 aujourd'hui, il est un peu difficile de comprendre comment les choses se

18 déroulaient à l'époque.

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous arrêter ici, Madame. Vous

20 avez dit, par exemple, qu'on pouvait soulever une question quant à

21 l'approvisionnement en électricité. De quelle façon est-ce qu'une décision

22 était prise ? Est-ce que quelqu'un proposait une décision ? Qu'est-ce qui

23 pouvait être fait ? Est-ce qu'une décision était prise sur ce qui doit être

24 fait par voie de vote ou de quelle façon ? Est-ce que vous pourriez nous

25 expliquer comment est-ce que cela était fait ?

26 R. Voilà, l'hiver arrive, il n'y a pas d'électricité à Pale, il n'y a pas

27 d'électricité à Sarajevo. Voici, il faut régler ce problème. Je savais que

28 nous ne pouvions absolument rien faire sans la présence de la FORPRONU.

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1 C'est eux qui devaient nous aider.

2 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais encore une fois devoir vous

3 interrompre.

4 R. Je ne peux pas vous expliquer autrement, croyez-moi. J'ai bien peur que

5 je ne pourrai pas vous expliquer autrement. Je ne veux pas donner une

6 réponse trop longue, mais permettez-moi de vous expliquer.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Mais néanmoins, vous êtes en train

8 de nous donner l'explication du problème, la régie du problème. Ce n'est

9 pas cela que je veux. Si, par exemple, il fallait résoudre un problème, de

10 quelle façon est-ce que l'on adoptait une décision ?

11 R. Ce n'était pas moi toute seule, de mon propre chef. De façon

12 indépendante, je n'avais l'autorisation de mener des pourparlers avec la

13 FORPRONU. Ce n'était pas jamais des décisions prises par Biljana Plavsic,

14 mais c'étaient des décisions de la présidence. J'énumérais les problèmes,

15 par exemple, et les gens disaient : "Oui, mais c'est Biljana qui est

16 chargée de ces tâches-là." Je m'affairais à ces questions et j'informais

17 les gens de ce qui se passait. Le problème était de trouver un réparateur

18 qui devait monter sur un toit pour ne pas être tué par sniper. Donc, il

19 fallait qu'un Musulman, un Serbe, un Croate monte sur les lignes de

20 transmission, sur les pylônes, parce que les tireurs embusqués tiraient.

21 Voilà, cela relevait de mon ressort, et c'est moi qui informais la

22 présidence de ce qui en était, puisqu'il y avait une personne qui avait été

23 tuée lors d'une tentative de réparation.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Très bien, je comprends. Vous informiez

25 la présidence sur ce qui se passait, la présidence se mettait d'accord pour

26 les actions qui devaient être prises, y compris les mesures qui doivent

27 être prises. Nous avons compris maintenant.

28 Maintenant, lorsque la présidence était d'accord, est-ce que cela se

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1 faisait par voie de vote ? Est-ce qu'il y avait des opinions dissidentes,

2 par exemple ? Est-ce que vous proposiez un vote ou est-ce qu'on n'a jamais

3 procédé à un vote ?

4 R. Je ne crois pas. En réalité, pour vous dire, je vais vous parler

5 comment j'ai travaillé dans mon ressort humanitaire. Au sein de la

6 présidence, je n'ai jamais rencontré de résistance, puisqu'il ne s'agissait

7 pas toujours seulement d'électricité, mais également d'eau. Il fallait

8 également assurer le passage d'un convoi en passant sur notre territoire à

9 nous, pour se rendre à --

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je --

11 R. L'armée devait être inclus également dans ceci.

12 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais encore une fois devoir vous

13 interrompre, Madame.

14 Vous nous avez dit que concernant les questions qui relevaient de votre

15 ressort, vous n'avez jamais, en réalité, eu de résistance. Les gens étaient

16 toujours d'accord avec vous.

17 Concernant d'autres sujets, je vais seulement énumérer les sujets,

18 mais y avait-il d'autres problèmes qui pouvaient rencontrer des

19 désaccords ? Est-ce que lorsque quelqu'un introduisait par exemple une

20 problématique, est-ce que l'on présentait un argument contraire ? Est-ce

21 qu'il y avait des opinions dissidentes, est-ce qu'il y avait d'autres

22 personnes qui disaient : Présentement, je ne suis pas d'accord. Il faudrait

23 procéder d'autres façons.

24 Y avait-il des sujets sensibles qui permettaient la discussion et les

25 désaccords ? Est-ce que vous pourriez nous donner un ou deux exemples ?

26 R. Il y avait des opinions dissidentes, cela est bien vrai mais il n'y

27 avait pas de désaccords parmi les députés. Il y avait effectivement des

28 opinions dissidentes. Je le comprenais très bien. Je croyais que cela était

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1 une bonne chose, et que c'est grâce à ces opinions dissidentes que nous

2 pourrions arriver à une solution optimale, pour les appeler ainsi.

3 C'étaient des conclusions, par exemple, optimales comme je les appelais à

4 l'époque.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous nous donnez des réponses et vos

6 réponses nous mènent clairement à comprendre qu'il s'agissait d'un collège

7 de députés, c'étaient des points de vue partagés. Il fallait trouver une

8 solution commune à ces points de vue partagés et dissidents. En même temps,

9 vous dites dans votre déclaration que vous vous demandez : A quoi bon

10 servait la présidence, Karadzic et Krajisnik avaient déjà pris leurs

11 décisions. Maintenant vous nous donnez d'autres réponses. Maintenant les

12 réponses que vous nous donnez maintenant semblent contredire ce que vous

13 avez dit dans votre déclaration et dans votre entretien.

14 Pourriez-vous m'expliquer, je vous prie, si je vous ai bien compris, et si

15 ces contradictions existent effectivement. Je ne sais pas comment

16 comprendre exactement. Pourriez-vous expliciter ce point ?

17 R. Je suis d'accord pour dire qu'il semblerait à prime abord qu'il

18 s'agisse d'une contradiction. Je vous ai donné un exemple selon lequel il

19 était difficile de trouver un homme qui aurait pu dire : "Descends le

20 passage du convoi, qu'ils meurent de faim ou on ne va pas assurer la

21 réparation de l'électricité," par exemple. Cela n'est jamais arrivé.

22 Vous savez, à l'époque, les entretiens étaient menés sur des

23 questions très importantes. Le plan de Cutileiro, je ne sais plus à quel

24 moment il a été rejeté, mais nous savions très bien qu'il y avait des

25 solutions qui émanaient du plan Cutileiro. Maintenant, voyez-vous, dans

26 cette présidence, personne ne nous avait dit qu'est-ce que c'est.

27 Lorsque le plan Cutileiro a échoué, on a déjà entré dans une autre

28 vitesse, c'est-à-dire que le plan Vance-Owen avait déjà commencé à surgir,

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1 et dans chaque plan, vous avez une solution constitutive de la Bosnie-

2 Herzégovine et une solution territoriale. Les gens débattaient de ces

3 questions. Ils n'avaient pas demandé l'opinion du président ou du premier

4 ministre. Les personnes qui étaient sur place, qui menaient ces pourparlers

5 et qui en discutaient, vous serez d'accord avec moi pour dire qu'à

6 l'époque, c'était une question d'acuité. Je ne veux pas amoindrir

7 l'importance de l'électricité et de l'approvisionnement en eau, puisque les

8 gens vivent grâce à ces deux choses, mais c'était une solution fondamentale

9 pour le conflit en Bosnie-Herzégovine.

10 Je vais vous dire une autre chose. Il est bien difficile d'arriver à

11 des conclusions. Je dois toujours vérifier tout. C'est peut-être ma

12 profession qui fait en sorte que je suis ainsi, mais l'impression générale,

13 et non pas seulement moi, c'est toujours deux personnes qui prenaient les

14 décisions sur tout. J'avais moi-même cette même objection et je l'avais dit

15 très clairement à haute voix lors des sessions de la présidence de Bosnie-

16 Herzégovine. Pourquoi ne pas le dire maintenant ? Pourquoi ne pas dire que

17 je demandais beaucoup de confirmations de ceci ? Ensuite, le mois d'octobre

18 est arrivé, lorsque j'ai déclaré ouvertement cela à l'assemblée de

19 Prijedor. Alors que l'assemblée nationale, je crois que les propos de M.

20 Koljevic étaient vrais. J'ai bien aimé comment il a représenté les choses.

21 Il a dit : "Il nous faut arrêter de jouer à la mimique collective."

22 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Vous avez fait allusion aux questions

23 constitutionnelles et également aux questions territoriales. Sur ces

24 questions-là, M. Karadzic et M. Krajisnik étaient les personnes qui, si je

25 vous ai bien compris, agissaient seules, sans votre présence. Si je vous ai

26 bien compris, c'est eux qui prenaient des décisions là-dessus. Est-ce que

27 je vous ai bien compris ?

28 R. Oui, mais je ne peux pas vous dire que c'était une question qui leur

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1 appartenait à 100 %, c'est-à-dire, qu'il ne s'agissait pas de la question

2 de la présidence. Mais ce n'était pas une question qui découlait de leur

3 ressort. Voilà, j'attends votre réaction. Je vais peut-être avoir

4 l'occasion de vous dire pourquoi je crois que ce n'était pas peut-être à

5 100 % une question de personnalité.

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je vais vous demander la chose suivante

7 : lorsque vous avez fait allusions aux aspects territoriaux, est-ce que je

8 vous ai bien compris que -- ce que vous voulez dire par là, c'est qu'il

9 fallait décider quel territoire devait faire l'objet de négociations, ou

10 comment dois-je comprendre ces aspects territoriaux ? Pourriez-vous nous

11 l'expliquer, je vous prie ?

12 R. Oui, certainement. On peut analyser les accords. Je ne sais pas combien

13 il y en avait. Mais il y a un accord qui a été accepté, et c'est selon cet

14 accord que la Bosnie-Herzégovine est conçue aujourd'hui. Chacune de ces

15 propositions avaient en soi une solution constitutionnelle, une solution

16 territoriale. Ces solutions étaient différentes, mais il y avait un point

17 en commun à tous ces accords et propositions, c'était la séparation.

18 Cela a commencé avec le plan Cutileiro. Selon le plan Cutileiro, on a

19 procédé à une cantonisation de la Bosnie-Herzégovine. C'est de ces cantons-

20 là que d'autres plans, qui sont venus par la suite, ont séparé encore plus

21 les cantons jusqu'à ce que les accords de Dayton arrivent selon lesquels la

22 Bosnie-Herzégovine avait été séparée en deux parties.

23 Pour ce qui est de la solution constitutive, le problème principal

24 est le suivant : c'est de dire à quel point est-ce que le pouvoir central

25 est fort et peut être présent.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je souhaiterais maintenant que nous nous

27 concentrions sur les questions de territoire.

28 Ce que vous nous avez dit, si j'ai bien compris, c'étaient les

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1 cartes. Vous parlez des cartes, les territoires, les unités avaient été

2 dessinés sur ces cartes, et ce que vous nous avez dit un peu plus tard,

3 c'est que s'agissant de ces deux aspects, ces deux aspects étaient discutés

4 de façon indépendante. Dois-je comprendre que les cartes ne faisaient pas

5 l'objet d'une discussion collective lors de la présidence ou est-ce qu'on

6 discutait de ceci de façon collective, c'est-à-dire, que M. Krajisnik et M.

7 Karadzic ont-ils consulté les autres avant d'avoir ces conférences sur les

8 négociations qui allaient suivre ?

9 R. Oui. C'était avec M. Milosevic.

10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pas au sein de la présidence ? Cela veut

11 dire qu'avec M. Koljevic, avec vous-même --

12 R. Je ne peux pas parler pour M. Koljevic. Il lui arrivait d'aller là-bas.

13 M. Buha se rendait toujours.

14 Je ne peux même pas vous dire avec certitude puisque je ne savais pas

15 quand ils partaient et lorsqu'ils revenaient, je ne le sais pas non plus.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Pour ce qui vous concerne vous ?

17 R. Oui, je vous parle de mes propres connaissances, de ma propre

18 expérience. J'essaie toujours de --

19 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. On ne vous a jamais consulté sur

20 ces questions territoriales ?

21 R. Non. J'ai toujours tenté -- vous savez, je ne suis pas membre de

22 l'assemblée. Au sein de l'assemblée, j'avais le droit d'assister aux

23 réunions de l'assemblée de par ma fonction, mais je n'avais pas le droit de

24 voter. J'avais le droit de m'exprimer. C'étaient les droits que j'avais

25 dans l'assemblée et j'y allais. Je me rendais même depuis Belgrade.

26 Après 1992, lorsque je me suis trouvée à Belgrade, je me rendais à

27 l'assemblée pour obtenir des informations. Bien sûr que j'étais intéressée

28 par le sort de la Bosnie-Herzégovine. C'était le seul endroit où je pouvais

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1 recevoir et j'espérais recevoir une information qui avait été également

2 partagée par les députés, que les députés recevaient également.

3 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je comprends. Permettez-moi de consulter

4 mes confrères quelques instants.

5 [La Chambre de première instance se concerte]

6 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, nous avons certains

7 problèmes de nature pratique. Etant donné que nous avons commencé

8 relativement tard, je voudrais vous proposer de faire une pause puis de

9 continuer, à savoir, pendant très peu de temps, pas plus de 20 minutes

10 après la pause. Nous allons terminer vers deux heures. Cela nous donne

11 encore quelque 40 minutes et nous allons prendre une petite pause de 15 à

12 20 minutes entre-temps. Est-ce que ceci serait trop vous demander ou

13 préféreriez-vous dire qu'il vous serait possible de continuer pendant 20

14 minutes après la pause et que ce serait tout pour aujourd'hui ?

15 R. Oui, je peux le faire.

16 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci.

17 Nous allons faire une pause jusqu'à 2 heures moins 20 pour continuer sur 20

18 minutes encore.

19 --- L'audience est suspendue à 13 heures 24.

20 --- L'audience est reprise à 13 heures 45.

21 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur O'Sullivan.

22 M. O'SULLIVAN : [interprétation] Très brièvement, Monsieur le Président.

23 Dans votre courrier électronique de ce matin, dont vous avez donné

24 lecture, vous avez indiqué que le rapport médical de

25 Mme Plavsic a été traduit. Est-ce que nous pourrions vous demander de

26 veiller à ce que nous recevions cette traduction ?

27 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] La traduction, il se peut qu'elle ait

28 été orale. Je vais vérifier si une traduction écrite existe, et si c'est le

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1 cas, je crois que le problème ne se posera pas pour ce qui est de vous

2 procurer une copie. Oui.

3 Madame Plavsic, tout d'abord, avez-vous eu l'occasion de vous pencher sur

4 votre déposition écrite rédigée ou est-ce que vous n'avez pas encore trouvé

5 le temps de le faire ?

6 R. Non, ce n'est pas le cas.

7 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui. Vous avez reçu une copie ?

8 R. Oui.

9 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. On laissera ce que je voulais vous

10 poser comme question pour plus tard, parce que j'aimerais que vous vous

11 penchiez sur celle-ci d'abord.

12 Madame Plavsic, nous allons nous pencher sur un autre sujet.

13 Dans votre déclaration écrite, vous indiquez que M. Karadzic et

14 M. Krajisnik sont ceux qui ont décidé de toutes choses, et qu'il n'y a pas

15 eu, de ce fait, nécessité d'avoir une présidence des Serbes de Bosnie ou

16 autre institution de l'Etat. Nous avons déjà pu entendre plusieurs réponses

17 de votre part à ce sujet. Dans votre livre intitulé "Je témoigne," vous

18 expliquez que M. Karadzic et

19 M. Krajisnik ont veillé à ce que des personnes leur apportant leur soutien

20 occupent des positions éminentes. J'aimerais vous demander, s'agissant de

21 ce livre que vous avez rédigé, et vous avez attiré notre attention sur un

22 certain nombre de pages dudit livre, pour ce qui est du livre, cela

23 traduit-il de façon conforme à la vérité vos souvenirs de ce qui s'était

24 passé à l'époque ?

25 R. Pour ce qui est de la toute première page du livre, cela ne fait pas

26 partie du livre à proprement dit mais de l'avant-propos. Excusez-moi un

27 instant, j'ai mes écouteurs qui glissent. J'ai cela ici.

28 J'y ai écrit que le titre du livre avait force contraignante à mes

Page 26867

1 yeux. C'est la raison pour laquelle j'ai intitulé ce livre de "Témoignage".

2 C'est comme si j'avais prêté serment de dire la vérité et rien que la

3 vérité. Dieu m'aide à le faire. C'est exactement ce qui se profile au

4 travers de ce livre. J'en ai rédigé un autre qui porte le même titre. Ici,

5 il y a les événements jusqu'à la fin 1992, les événements dont j'ai eu

6 connaissance, il s'entend. Et dans l'autre livre, il est question de

7 l'année 1993 à l'année 1998.

8 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, nous avons certaines

9 contraintes de temps. Je crois comprendre que vous répondez pour confirmer

10 que ce que vous avez rédigé dans ce livre reflète la vérité. Et en réalité,

11 vous affirmez que sous serment, vous auriez rédigé exactement la même

12 chose. Je crois avoir bien compris.

13 Alors, en page 264, vous y dites : "Tous ceux qui n'étaient pas des

14 hommes à Radovan ou à Momo ont dû quitter très rapidement."

15 Pourriez-vous me donner un ou deux exemples ?

16 R. Je vais vous donner l'exemple du premier ministre, Branko Djeric.

17 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

18 R. M. Branko Djeric était un professeur éminent de la faculté de droit à

19 Sarajevo. J'ai considéré que c'était un grand patriote, et dans ces temps

20 critiques, il s'était sacrifié en acceptant d'assumer ces fonctions. De mon

21 point de vue à moi, c'était quelqu'un de très exceptionnel, un expert pour

22 ce qui est de sa profession, quelqu'un qui savait que les temps étaient

23 durs et qui savait également que les temps à venir allaient être plus durs

24 encore. Dans des circonstances de ce genre, il accepte d'assumer ces

25 fonctions.

26 Cet homme a travaillé et a fait son travail de la façon dont il

27 estimait devoir faire son travail en qualité de premier ministre. Il avait

28 un cabinet ministériel, et il était tout à fait normal de voir ses

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1 ministres répondre de ce qu'ils faisaient au devant de sa personne à lui.

2 Ensuite, le gouvernement entier répondait de ce qu'il faisait au devant du

3 Parlement.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me dois de vous interrompre et de

5 vous prier -- plutôt que de nous décrire ce à quoi l'on s'attendait de la

6 part d'un premier ministre, j'aimerais que vous m'indiquiez pourquoi vous

7 estimez que Djeric a dû quitter, s'en aller, du fait de ne pas être un

8 homme à Radovan ou à Momo. Vous affirmez que c'est sous leur influence à

9 eux qu'il a dû cesser d'effectuer ces fonctions. Pouvez-vous m'expliquer ?

10 R. Je pense que cela devait être leurs critères à eux. Il s'agissait

11 d'avoir leur homme. De ce point de vue-là, M. Djeric était un ressortissant

12 du peuple serbe, un homme qui représentait les intérêts de la Republika

13 Srpska dans le domaine qui était le sien. Tout comme j'étais membre de la

14 présidence, je n'étais pas l'homme à Karadzic, un homme à Karadzic ou un

15 homme à Krajisnik. Ce n'était pas à cause d'eux que j'étais membre de la

16 présidence. De façon analogue, j'estimais que M. Djeric n'avait pas accepté

17 ces dures fonctions en raison de Karadzic, mais pour les raisons que j'ai

18 énoncées tout à l'heure.

19 Maintenant, comment cela s'est-il manifesté ? Par exemple, deux

20 ministres qui, à l'époque, avaient de l'importance. Ils avaient de

21 l'importance même en temps de paix, mais vous comprendrez que dans ces

22 circonstances-là, le ministre de la Justice et le ministre de l'Intérieur

23 sont des gens qui ont beaucoup à faire, si je puis m'exprimer ainsi.

24 Ils ont dit publiquement à Branko Djeric d'une façon assez insolente,

25 à mon avis : "Tu n'a rien à voir avec nous. Nous sommes responsables devant

26 Karadzic et Krajisnik." J'étais présente lorsqu'ils l'ont dit. C'était M.

27 Mandic, surtout, qui avait cette façon de se comporter. Cela m'irritait

28 cette façon de dénigrer grandement une personne tout à fait respectable. Au

Page 26869

1 lieu d'être content de s'être trouvé à proximité de lui et d'avoir pu

2 travailler à ses côtés, à leurs tâches, ils ont fait le contraire, ils se

3 sont comportés de cette façon-là. Je pense que M. Djeric n'a pas pu

4 longtemps supporté cela. Il n'a pas eu, je pense, la protection nécessaire

5 de la part de M. Karadzic. Et là, je vous donne mon opinion personnelle. Au

6 contraire, on a laissé entendre à Mandic qu'il fallait qu'il fasse ce type

7 de déclarations. Il y a un seuil de dignité en dessous duquel M. Djeric ne

8 pouvait aller. Il s'est trouvé menacé de ce point de vue-là, et il a

9 démissionné à Zvornik, à l'assemblée de Zvornik.

10 Quand j'ai analysé cela, j'ai compris que ce n'était pas un homme du

11 peuple serbe ou de la Republika Srpska, mais il fallait être l'homme de

12 quelqu'un qui tenait à mettre en œuvre une politique qui était la sienne

13 par le biais et le truchement de cet homme-là.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Je me permets de vous interrompre une

15 fois de plus. Vous êtes plus ou moins en train de faire la description pour

16 dire que c'était peut-être suite à l'influence d'autrui que le ministre de

17 l'Intérieur et le ministre de la Justice traitaient de façon indûment ou de

18 façon inappropriée M. Djeric, et c'est ce qu'il l'a incité à partir.

19 Dans la réponse que vous dites, que vous avancez, le ministre de la

20 Justice, M. Mandic, et le ministre de l'Intérieur, c'était des hommes à

21 Radovan et Momo, à la différence de M. Djeric qui n'est pas qualifié de la

22 sorte, n'est-ce pas ?

23 R. Bien sûr.

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Bien. Merci pour cette réponse, Madame

25 Plavsic.

26 Je voudrais à présent que nous abordions un autre sujet. Dans votre

27 déposition, dans la déclaration écrite que vous avez faite en tant que

28 témoin - et là, c'est un sujet tout à fait autre - vous indiquez que la

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1 totalité des décisions tactiques a été prise par le général Mladic. Pouvez-

2 vous nous dire qui est-ce qui a adopté les décisions stratégiques ? Bien

3 sûr, nous sommes en train de parler de l'armée, de la VRS.

4 R. Je n'ai jamais été présente lorsqu'il a été débattu de cela, et je n'ai

5 pas vu d'ordres donnés par M. Karadzic, en sa qualité de commandant suprême

6 parce que l'autorité civile devait être au-dessus de l'autorité militaire.

7 Je ne sais pas si je m'exprime en termes appropriés mais je n'ai jamais été

8 en position de voir un ordre. Je parle ici de la période courant jusqu'en

9 1992. J'ai vu beaucoup d'ordres lorsqu'on m'a fait venir à Scheveningen. On

10 m'a montré des piles d'ordres qui pourraient également être analysés de

11 façon analogue à celle que j'ai utilisée pour analyser la première page du

12 texte.

13 Ce que je puis vous dire c'est que je n'ai pas eu l'occasion d'en

14 voir, comme ce serait le cas lorsque l'on lirait, par exemple, du Napoléon.

15 On ne va pas aller si loin que Napoléon. Il y a eu beaucoup de guerres chez

16 nous. Il y a eu des mémoires et des mémoires de rédigés sur la Première

17 Guerre mondiale, et je sais que le général Misic, lorsqu'il a reçu des

18 ordres de la part du prince héritier, Aleksandar, les ordres étaient

19 clairement énoncés. On pouvait voir qu'il y avait une ligne ou une filière

20 de commandement. Je crois que c'est ainsi que cela s'appelle.

21 Mais pour ce qui est de la personnalité du général Mladic, je crois

22 que c'est une personnalité que je connais assez bien. J'en ai dit quelque

23 chose ici, pas dans la continuité en parlant de Mladic, mais j'ai parlé

24 d'événements. S'il était impliqué dans les événements, j'ai présenté

25 certaines de mes observations. Il a été publié récemment un livre sur le

26 général Mladic. Ce que je peux vous dire c'est que l'auteur est un homme

27 que je ne connais pas, mais c'est quelqu'un qui l'a connu d'avant la

28 guerre. Tout ce que je peux vous dire est -- laissez-moi, je vous prie,

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1 terminer. Ce que je pourrais vous dire, c'est que lui aussi était d'avis

2 que c'était un homme d'une nature telle, qu'il était difficile de lui

3 donner quoi que ce soit comme ordre.

4 Si je vous dis qu'à l'époque que quelqu'un qui ne s'était pas

5 subordonné à des ordres en temps de paix dans l'armée populaire yougoslave,

6 qui était une armée du parti, comme cela a été le cas dans bon nombre de

7 pays communistes, alors si même il a été sanctionné, et vous vous imaginez

8 les sanctions que cela avait été; on l'avait transféré à Bitolj ou à une

9 frontière au fin fond du pays où il y avait beaucoup plus de marche à

10 faire, alors j'ai été surprise, je n'ai posé la question à personne mais je

11 savais comment fonctionnait l'autre système, et j'ai supposé que c'était un

12 homme qui n'avait que sa tête à lui et qui n'entendait que soi-même. J'ai

13 estimé que c'était quelqu'un qui n'était pas sujet à changement. C'était

14 une personnalité très forte. Et il n'a pas --

15 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Quoi qu'il en soit, je me dois de vous

16 interrompre parce que ce n'est pas peut-être la véritable réponse à ma

17 question. Peut-être aurais-je dû la poser autrement. Ce que je crois

18 comprendre de votre témoignage, c'est que l'idée est celle de dire que le

19 général Mladic était une personnalité qu'il était difficile de garder sous

20 le contrôle.

21 Or, pour être tout à fait concret, et étant donné que vous avez

22 mentionné des décisions tactiques, j'avais souhaité attirer votre attention

23 sur les décisions stratégiques. Tout d'abord, avez-vous eu connaissance

24 desdits objectifs stratégiques adoptés par l'assemblée des Serbes de

25 Bosnie ? Il est question là de six objectifs stratégiques qui, à mon avis,

26 ont même été publiés à titre officiel un peu plus tard. Vous devez

27 forcément savoir de quoi je parle lorsque je me réfère aux six objectifs

28 stratégiques ?

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1 R. Je sais ce que c'est que la stratégie, mais croyez-moi bien que je ne

2 sois pas au courant de ces objectifs-là. Je vais vous dire autre chose. Il

3 y a 14 ans qui nous séparent des événements en question. Je sais quel a été

4 mon objectif à moi. Je sais également quel a été l'objectif poursuivi par

5 le peuple serbe. D'abord, il s'agissait de ne pas périr afin que l'année

6 1941 ne se renouvelle pas; c'était là l'objectif principal. Nous voulions

7 être un peuple constitutif au sein d'un pays, le pays où nous résidons

8 depuis des centaines d'années.

9 Pour ce qui est de ces six objectifs que vous mentionnez, je ne sais

10 trop pas quoi vous dire. Peut-être les ai-je connus à l'époque, mais

11 maintenant je ne sais plus.

12 [La Chambre de première instance se concerte]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, une dernière question.

14 C'est M. le Juge Hanoteau qui se trouve à ma droite qui va vous poser une

15 question.

16 M. LE JUGE HANOTEAU : Madame Plavsic, vous avez parlé dans votre interview

17 du rôle joué par le "personnel committee" du SDS. Est-ce que vous vous

18 souvenez de votre déclaration à ce sujet ?

19 R. Dans mon livre ?

20 M. LE JUGE HANOTEAU : Dans votre interview.

21 R. Cela est probable. Je sais que j'en ai parlé dans le livre également.

22 Tout ce qui s'est passé sur cette planète nous intéressait. Tout

23 dépendait des hommes. Tout dépendait des hommes. Si vous aviez des

24 personnes aptes et des personnes, dirais-je honnêtes, à des postes

25 appropriés, cela ne fournit pas des garanties à 100 % pour affirmer que

26 tout se passerait à l'optimum. Tout dépendait de cela. Les communistes ont

27 compris cela de façon excellente. Ils ont compris l'importance des

28 commissions chargées des cadres. Si vous aviez vos hommes à vous à des

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1 postes déterminés et pour eux, malheureusement c'était la fidélité au Parti

2 communiste qui apportait non pas l'aptitude individuelle de l'homme.

3 Par conséquent, ce que je voulais dire, pour ce qui est de ces

4 commissions chargées des cadres, au fil de mon existence, j'ai eu à

5 souffrir de choses terribles parce que ce qui les intéressait ce n'était

6 pas de savoir si j'étais capable en ma qualité de professeur ou d'homme de

7 sciences, mais si j'étais plutôt active sur le plan politique. Et comme je

8 ne l'ai pas été, c'est un truc qui m'a suivi. J'ai une espèce d'aversion

9 vis-à-vis de ces commissions chargées des cadres. Quand on me parle de

10 cela, j'ai l'impression que c'est calqué sur l'époque d'avant parce que

11 nous étions sortis du communisme et il est survenu tout de suite ce dont

12 nous sommes en train de débattre ici. Alors j'ai cette aversion mais ce que

13 je puis vous dire c'est que quand eux organisent des cadres, ils élèvent

14 les incapables, ils détruisent les hommes honnêtes parce qu'avec les hommes

15 honnêtes vous ne savez pas manipuler. La politique que vous voulez mettre

16 en place n'est pas réalisable. C'est dans ce sens-là que j'ai parlé de

17 commissions chargées des cadres. Les commissions chargées des cadres

18 déterminent l'emplacement auquel se trouvera tel ou tel individu.

19 M. LE JUGE HANOTEAU : Madame Plavsic, s'il vous plaît, est-ce que vous

20 confirmez que M. Karadzic et M. Krajisnik faisaient partie de ce comité du

21 personnel du SDS ?

22 R. Je ne sais pas qui étaient membres du comité principal ou du comité

23 exécutif, le parti ne m'intéressait pas du tout. Je n'avais aucune

24 expérience en matière de parti. Il était difficile de trouver quelqu'un à

25 l'université sans pour autant être membre du parti, pas parce qu'ils

26 croyaient au communisme mais parce que les choses se passaient mieux pour

27 eux s'ils l'étaient.

28 Pour répondre directement à votre question, je vais vous dire que

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1 rien ne pouvait se passer sans eux. Pas un seul individu ne pouvait se

2 trouver à tel ou tel autre poste. Je n'ai pas été présente, je ne savais

3 pas non plus qui faisait partie de cette commission chargée des cadres, qui

4 ils désignaient et qu'est-ce qu'ils faisaient. Mais d'expérience, je sais

5 que cela ne pouvait pas se faire sans eux. Occuper tel poste, savoir qui

6 occuperait ce poste, cela a été fonction du -- il faut bien que nous

7 répartissions nos hommes à nous. Quand on dit "nos hommes," c'est loin

8 d'être ce que j'aimerais considérer comme étant nos hommes à nous.

9 Je n'ai exercé aucune fonction au SDS. J'avais un bout de papier où

10 il était écrit que j'étais membre du SDS, mais je n'ai pas été présente à

11 ces réunions. Ce que je puis, c'est seulement conclure.

12 Par exemple, je me souviens d'un homme, Branko Ostojic. Il ne

13 connaissait personne et il était censé être vice-premier ministre. Il n'est

14 pas sur notre liste et il n'est connu de personne. Et je demande à Karadzic

15 : "Mais qui est donc cet homme ?" Avant cela, j'ai eu des gens à nous qui

16 étaient venues de Suède et qui m'ont dit : "Un certain Branko Ostojic que

17 nous connaissons très bien, il doit être vice-premier ministre." Moi,

18 membre de la présidence on me dit cela, moi, je n'en sais rien. Alors, j'y

19 vais et ils ont parlé en termes négatifs. Je crois qu'en Suède, il y a eu

20 des problèmes avec la loi le concernant. Alors, j'ai prévenu Karadzic, de

21 ne pas placer en poste des gens. "Qui est-ce celui-là ?" il m'a dit :

22 "Celui qui et au coin là-bas."

23 Alors, est-ce que cela vous illustre un peu ce que je voulais dire ?

24 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Est-ce à dire que vous dites que M.

25 Karadzic connaissait bien cet homme et a soutenu sa candidature pour qu'il

26 devienne vice-premier ministre. La question qui vous a été posée portait

27 sur M. Karadzic et M. Krajisnik.

28 R. C'est lui qui l'a posté là-bas.

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1 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Merci, Madame Plavsic. Nous allons

2 arrêter pour aujourd'hui. Nous aimerions vous revoir demain.

3 R. Je suis encore vivante. Je suis encore vivante.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Madame Plavsic, nous aimerions vous

5 revoir demain matin, et je vais vous enjoindre de ne parler à personne de

6 la déposition que vous avez faite aujourd'hui et que vous devez encore

7 faire à l'avenir.

8 Je vais maintenant demander à un membre de la sécurité de

9 raccompagner Mme Plavsic pour qu'elle puisse quitter le prétoire. Je viens

10 de demander à ce que l'on vous raccompagne et que vous puissiez quitter le

11 prétoire assistée d'un garde, et nous aimerions vous revoir demain.

12 [Le témoin se retire]

13 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] En tenant compte de toutes les

14 circonstances, la Chambre de première instance a décidé que les parties

15 pourront demain poser des questions au témoin, ceci a été prévu de la

16 manière suivante.

17 [La Chambre de première instance se concerte]

18 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Comme nous l'avons dit plus tôt, pour

19 les témoins de la Chambre, c'est l'Accusation qui prend la parole en

20 premier, et ensuite la Défense. Demain, un tiers du temps qui est

21 disponible, à savoir, une heure et 20 minutes sera accordé à l'Accusation,

22 et deux tiers du temps seront accordés à la Défense, deux heures et 40

23 minutes. C'est ainsi que nous allons travailler demain.

24 Nous suspendons l'audience jusqu'à demain.

25 Monsieur Tieger, il semble que vous ayez quelque chose --

26 M. TIEGER : [interprétation] Je comprends bien que la décision prise par la

27 Chambre reflète les circonstances pertinentes, en l'occurrence,

28 l'Accusation aura peut-être des questions en réponse aux questions

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1 soulevées par la Défense. Nous allons évidemment essayer de nous en tenir

2 au temps qui nous est imparti, mais étant donné l'ordonnance qui a été

3 rendue, il y aura peut-être des questions qui découleront des questions

4 posées par l'équipe de la Défense.

5 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'entends bien. Vous aimeriez

6 pouvoir poser des questions supplémentaires. Je ne sais pas. Nous verrons

7 demain, nous verrons combien de temps vous allez utiliser, à la fois

8 l'Accusation et la Défense, et nous verrons comment nous allons aborder la

9 question.

10 Mais il est hors de question de commencer à 9 heures du matin pour

11 terminer à 17 heures.

12 M. STEWART : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. La Défense a

13 également un bref argument à soumettre.

14 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui.

15 M. STEWART : [interprétation] Nous sommes tout à fait heureux d'entendre

16 cette dernière remarque, merci.

17 C'est quelque chose auquel nous opposerions par principe que

18 l'Accusation maintenant, compte tenu de la décision que vous venez de

19 rendre, a précisé qu'il souhaitait peut-être avoir l'occasion de poser des

20 questions qui découleraient des questions soulevées par la Défense. Et

21 donc, il est important de poser des jalons tout de suite.

22 Je souhaite simplement, Monsieur le Président, ajouter ceci, à

23 savoir, la question qui se pose souvent dans cette affaire, si M. Krajisnik

24 aura l'occasion de poser des questions également, si la Chambre de première

25 instance souhaite que nous lui donnons la parole. Nous allons voir avec M.

26 Krajisnik cet après-midi et c'est quelque chose qui figurera certainement à

27 l'ordre du jour.

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, Monsieur Stewart. Connaissant les

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1 principes qui sont appliquées ici, et si M. Krajisnik s'adresse d'abord à

2 son conseil et voir si c'est la manière habituelle de procéder par le biais

3 de la représentation de ce dernier, à savoir, si des questions pourraient

4 être posées au témoin, ou s'il a des questions qui resteront en suspend

5 après avoir consulté son conseil, s'il n'a pas des questions qui pourraient

6 plus aisément être posées par son conseil car nous avons toujours permis à

7 M. Krajisnik de poser des questions.

8 En même temps vous savez très bien qu'étant donné que ce témoin, -- vous

9 savez quelles sont les relations entre ce témoin et M. Krajisnik. Compte

10 tenu de cela, vous savez que c'est une question extrêmement sensible et la

11 Chambre de première instance sera très stricte à cet égard lorsqu'elle

12 entend faire appliquer les règles professionnelle ici, règles qui

13 s'appliquent communément, à savoir, comment se comporte une des parties

14 lorsqu'un accusé assure sa propre défense qui n'est pas le cas ici. Dans ce

15 cas-là, ce dernier doit s'en tenir strictement au Règlement ou à la

16 pratique juridique communément adoptée.

17 Cela n'est pas pour dire que nous ne n'autoriserons M. Krajisnik à

18 poser des questions au témoin, mais nous serons très stricts, en termes

19 juridiques, en ce qui concerne ce témoin-ci.

20 M. STEWART : [interprétation] Merci beaucoup. Il est très important d'avoir

21 votre conseil sur la question avant de pouvoir nous entretenir avec M.

22 Krajisnik cet après-midi.

23 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Si les choses évoluent différemment,

24 nous n'allons pas nous départir de la pratique juridique communément

25 adoptée dans ce prétoire. A ce moment-là, nous ne vous permettrons pas de

26 poser d'autres questions si tel est le cas.

27 M. STEWART : [aucune interprétation]

28 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Monsieur Tieger.

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1 M. TIEGER : [interprétation] Un dernier point qui pourrait être utile pour

2 les deux parties lors de l'interrogatoire. C'est le point qui suit : il

3 semble que l'Accusation ne dispose que d'extraits de son livre.

4 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Oui, j'avais oublié cela.

5 Tout d'abord, nous devons donner une cote provisoire à la déclaration du

6 témoin, la déclaration de témoin qui est encore confidentielle. Les choses

7 doivent changer, car nous avons évoqué cette question en audience publique.

8 Donc, il faudrait expurger cela et ne pas tenir compte des réflexions de

9 Mme Plavsic.

10 Nous avons fait référence à cet ouvrage. Mme Plavsic a également

11 évoqué certains passages de ce livre. C'est pour cette raison-là que je

12 demande au Greffier d'attribuer une cote provisoire pour l'instant à ces

13 extraits du livre auxquels il a été fait référence, les pages du livre

14 auxquelles a fait référence Mme Plavsic. En l'état actuel des choses, il

15 n'y a que les pages auxquelles elle a fait référence dans sa déclaration

16 préalable, car les pages ultérieures ont été traduites récemment et doivent

17 être ajoutées.

18 J'ajoute que Mme Plavsic dans sa déposition a parlé de la véracité de

19 son ouvrage, l'authenticité de son ouvrage. Nous verrons plus tard si cette

20 cote provisoire ne devrait pas inclure d'autres pages également, car cela

21 pourrait porter sur la pertinence de certaines parties, et cetera. C'est

22 quelque chose que nous évoquerons plus tard. Nous en reparlerons lorsque

23 nous parlerons du versement au dossier de ce livre.

24 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera le numéro C8, Messieurs les

25 Juges.

26 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] C8, pages du livre "Je témoigne" de Mme

27 Plavsic, C8.1, traduction.

28 L'audience est levée. Nous reprendrons demain à 9 heures.

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1 --- L'audience est levée à 14 heures 21 et reprendra le vendredi 7 juillet

2 2006, à 9 heures 00.

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