Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 31 octobre 2000.)

2 (Audience publique avec mesures de protection.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 30).

4 (Le Témoin 12 est déjà dans le prétoire).

5 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous citer l'affaire?

6 Mme Chen (interprétation): Il s'agit de l'affaire IT-97-25-T, le

7 Procureur contre Milorad Krnojelac.

8 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous pouvez

9 poursuivre votre interrogatoire principal.

10 (Interrogatoire principal du Témoin 12 par Mme Uertz-Retzlaff.)

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci. Bonjour, Monsieur le témoin.

12 Témoin 12 (interprétation): Bonjour.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, vous vous

14 souviendrez sans doute qu'hier vous aviez vu en fait le plan de masse du

15 KP Dom, c'était la pièce P6, nous avons repris ce plan pour le poser sur

16 le chevalet afin que vous vous en souveniez. Hier soir, nous avons fait

17 des agrandissements d'une partie précise de ce plan, ma collègue va vous

18 montrer quelle est la partie que nous avons agrandie.

19 C'est là précisément, le bâtiment administratif ainsi que le bâtiment où

20 étaient détenus les prisonniers et dont le témoin a parlé hier. A votre

21 attention, nous avons également la pièce P6, mais dans sa version de

22 taille supérieure afin que vous puissiez mieux vous diriger. Je crois que

23 ce document a été diffusé. Nous avons alors remis au témoin cinq

24 exemplaires, cinq copies.

25 M. le Président (interprétation): Un instant, s'il vous plaît. Il me

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1 semble que j'ai cinq copies du même document, je ne pense pas que c'était

2 l'intention que vous aviez.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Cela avait été disposé dans un ordre

4 précis, des feuilles avaient été classées d'une façon bien déterminée.

5 M. le Président (interprétation): Il nous faudrait normalement quatre

6 copies du même document, mais avec diverses annotations.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En Fait, cinq, Monsieur le Président.

8 En effet, le témoin va vous expliquer, il a indiqué sur ces copies

9 l'emplacement précis des salles, des pièces. Le problème provenait du fait

10 que les cellules des prisonniers et le bâtiment administratif ne se

11 trouvent pas sur le même niveau.

12 Ce qui est le rez-de-chaussée dans le bâtiment administratif ne représente

13 pratiquement rien au niveau du bâtiment des prisonniers. Et ce qui est en

14 fait le premier étage du bâtiment administratif est le rez-de-chaussée du

15 bâtiment des prisonniers, ce qui fait que vous avez aussi cinq dessins de

16 ces bâtiments du fait de la dénivellation.

17 Nous n'avons pas réussi à faire traduire les documents ce matin, mais je

18 vous assure que vous recevrez cette traduction au cours de la journée,

19 peut-être même dans le cadre de la déposition de ce témoin. Mais je pense

20 que même avec la version BCS nous pourrons nous débrouiller ce matin.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie, maintenant que j'ai

22 compris de quoi il retourne, je peux bien mieux suivre que sur le dessin

23 en perspective.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vais demander à l'huissier de

25 remettre ce jeu de documents au témoin.

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1 (L'huissier s'exécute.)

2 Je pense que les avocats de la défense disposent eux aussi de ces dessins.

3 Mme Chen (interprétation): Je vais peut-être attribuer une cote à ces

4 documents.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous allons demander le versement de

6 tous ces documents.

7 M. le Président (interprétation): Il est préférable d'avoir une cote

8 d'identification, comme le suggère la Greffière d'audience.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pourrons peut-être parler de 6A

10 ou 6/1.

11 M. le Président (interprétation): Et lorsque nous aurons la version en

12 anglais, cela deviendra 6/2.

13 Mme Chen (interprétation): On a déjà attribué la cote 6A à ce plan que

14 vous aviez sur le chevalet.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Alors est-ce qu'on peut avoir... On

16 aura 61A, 61B pour la traduction. Est-ce que c'est clair?

17 Mme Chen (interprétation): Je l'espère.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Le premier document portera la cote

19 6/1.

20 Monsieur le témoin, dites-nous rapidement ce que vous avez annoté

21 s'agissant du rez-de-chaussée du bâtiment administratif?

22 Témoin 12 (interprétation): Ici, j'ai fait le dessin, le plan du rez-de-

23 chaussée du bâtiment administratif dans lequel complexe de ce côté-ci que

24 je montre maintenant, vous avez d'abord la pièce réservée aux permanents,

25 ensuite deux pièces réservées au vestiaire et deux pièces réservées aux

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1 armes, où nous déposions nos armes.

2 De l'autre côté de ce couloir qui vous y mène se trouvent d'abord un

3 escalier ici, au premier étage ensuite les toilettes, la centrale

4 téléphonique où travaillait cette standardiste Dara, les archives et puis

5 un bureau.

6 Puis ici, ce que je montre maintenant, désigne l'entrée principale du

7 bâtiment administratif. En son prolongement le couloir ici présent mène

8 vers une pièce où d'abord parviennent les personnes condamnées pour que

9 l'on procède à la fouille corporelle. Après quoi, ils passent par cette

10 porte-là pour pénétrer dans la cour de l'enceinte du KP Dom.

11 Ici à votre droite, à l'entrée, vous pénétrez dans un très long couloir.

12 Première pièce, premier bureau à gauche à partir de ce couloir se trouvait

13 la censure, c'est-à-dire la pièce réservée à la réception où on annonçait

14 les visites, où on recevait tous ces différents colis que les gens

15 recevaient, où on triait le courrier, où on recevait tous mandats postaux

16 donc argent.

17 La pièce marquée par 1 et par 2 respectivement était les deux-pièces

18 réservées à des condamnés une fois qu'ils recevaient la visite de leur

19 épouse, fiancée ou petite amie ou pour passer quelques heures sans la

20 présence d'un garde. En prolongement se trouve une salle où peuvent avoir

21 lieu des conversations, une fois de plus sans présence aucune de gardes.

22 Ce que vous voyez ici, ce que je suis en train de montrer, c'est le

23 photographe qui y travaille, mais son entrée est de l'autre côté de la

24 cour, côté cour.

25 Cette partie-là comprend la cantine dans son ensemble, une fois de plus

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1 l'entrée de la cantine se trouve de l'intérieur, donc par la cour.

2 Q: Le bâtiment des prisonniers dans l'autre bâtiment, il n'y a qu'un

3 magasin ou un entrepôt au même niveau, donc au-dessous du niveau du sol

4 pour ce bâtiment.

5 R: Oui, vous avez raison. Les entrepôts se trouvent ici pratiquement en

6 sous-sol, mais pour ce qui est de la dimension en hauteur étant donné la

7 configuration du terrain, par sa hauteur les entrepôts allaient jusqu'au

8 rez-de-chaussée. Voilà pourquoi nous l'avons enfouis en quelque sorte sous

9 terre de façon à avoir au même niveau ici rez-de-chaussée et entrepôt par

10 cette hauteur.

11 Q: Je vous remercie. Examinez maintenant, Monsieur, le dessin suivant. Il

12 s'agira de la pièce 6/2. Hier vous nous aviez expliqué que dans cette

13 partie il y avait des bureaux, pourriez-vous nous indiquer sur le plan où

14 se trouvait le bureau du commandant des gardes?

15 R: Ce que je suis en train de vous montrer ici, cela désigne les pièces

16 réservées au commandant des gardes, ensuite les surveillants, eux qui

17 étaient subalternes au commandant des gardes.

18 Voilà où ils se trouvaient dans ces pièces-là. Cet ensemble de pièces

19 appartenait uniquement à la section, au service de gardes.

20 Q: Et dans les pièces qui donnent sur la cour, qu'est-ce qu'il y avait?

21 Parce qu'ici vous avez dessiné trois pièces différentes, il y a aussi une

22 toilette.

23 R: Oui, sauf ce palier, donc les escaliers, et les toilettes comme vous

24 dites, il y avait la pièce réservée au psychologue qui lui devait mener

25 une conversation avec les condamnés une fois parvenus au KP Dom. Ensuite

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1 il y avait leurs éducateurs. Ici, je ne me souviens pas ce que c'était,

2 qui a travaillé dans cette pièce-là, dans ce bureau.

3 Q: Hier vous nous avez également expliqué que l'autre aile du bâtiment

4 administratif comportait des bureaux, comme vous l'avez indiqué dans votre

5 dessin. Parlons maintenant du bâtiment réservé aux prisonniers. Donc là,

6 ce serait le rez-de-chaussée de ce bâtiment des prisonniers, là vous avez

7 dessiné toute une série de pièces.

8 R: Oui. J'ai dessiné le plan du rez-de-chaussée du bâtiment 1 et du

9 bâtiment 2, sur lesquels dessins on peut voir que dans le cas du bâtiment

10 1 à partir de ce tracé-là, de cette ligne-là qui pratiquement trace toute

11 la surface utile du bâtiment 1. Ce que je suis en train de montrer ici

12 présente la surface utile du bâtiment n°2.

13 Ici, au rez-de-chaussée, vous avez la pièce, la 11, celle-là qui se trouve

14 du côté gauche comprend une antichambre, des toilettes, pièce avec lavabo,

15 sanitaire, et quatre dortoirs, deux qui s'étendaient plus en longueur,

16 d'autres moins longs comme disposition de pièces.

17 A droite, la 12 était une pièce moins grande, il y avait donc les

18 toilettes, le lavabo, l'antichambre et les deux pièces, les deux dortoirs.

19 C'était la 12, donc la pièce n°12 à droite.

20 Q: Fort bien. Vous avez aussi indiqué la pièce 16 dans le bâtiment B et

21 cette pièce 16 a la même configuration que la pièce 11, n'est-ce pas?

22 R: La 16, la pièce n°16 semble identique à la 11. Pourtant, du côté droit,

23 ce que je suis en train de montrer ici comprend les cellules de secret

24 avec une cellule d'isolement, une pièce C, avec une antichambre, un lavabo

25 et les toilettes. Voilà toute la différence qui existe entre ces deux

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1 côtés.

2 Q: Passons maintenant au croquis suivant, au plan suivant qui portera

3 désormais la cote 6/3. Au rez-de-chaussée, veuillez indiquer où se

4 trouvait le bureau du directeur. Je vous disais "premier étage", je me

5 trompais, il s'agit du deuxième étage du bâtiment administratif. Pourriez-

6 vous nous indiquer où se trouvait ce bureau du directeur?

7 R: Le bureau du directeur se trouvait au deuxième étage. Le bureau

8 consistait en une pièce de réception où travaillait Borkica Starovic,

9 c'était sa secrétaire à cette époque-là. Le restant de la surface

10 comprenait pratiquement le bureau réservé au directeur.

11 Q: Je vois. Dites-nous les pièces qui se trouvaient dans le bâtiment

12 réservé aux prisonniers, à ce moment-là ce serait le premier étage de ce

13 bâtiment des prisonniers. Quels étaient les numéros des pièces? Parce que

14 votre croquis est très précis, je pense qu'il est inutile de revenir sur

15 chacune de ces pièces, contentez-vous de nous donner les numéros attribués

16 à ces pièces.

17 R: Le bâtiment A, les salles 13, 14 et dans le bâtiment 2, les pièces 18

18 et 19.

19 Q: Vous parlez du bâtiment 1, bâtiment 2. Utilisez si vous le voulez bien

20 les lettres A et B puisque ce sont celles-là que nous avions utilisées

21 hier.

22 R: Je m'excuse, Madame, c'était bien cela.

23 Q: Passons au dessin suivant qui portera la cote 6/4. Dans le bâtiment

24 administratif, il n'y avait plus rien du tout parce qu'il se trouve plus

25 bas, n'est-ce pas?

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1 R: Oui, c'est tout à fait cela. Je ne pouvais y faire entrer aucune

2 donnée. C'est pratiquement le toit du bâtiment, ensuite nous sommes au

3 deuxième étage.

4 Q: Oui, et au deuxième étage du bâtiment des prisonniers, vous avez

5 indiqué quelles étaient les pièces qui s'y trouvaient. Quelles étaient-

6 elles, Monsieur?

7 R: Ici, d'abord nous avons le bâtiment A, c'est une infirmerie, et la

8 salle n°15. Dans la salle n°15 se trouvaient les personnes condamnées,

9 plus âgées. Nous parlons d'infirmerie parce qu'ils y étaient souvent

10 stationnés, hospitalisés pour ainsi dire, l'infirmerie étant dotée d'une

11 pharmacie et bien sûr d'un personnel médical, médecin et le reste.

12 Ensuite, vous avez la pièce n°15.

13 Q: Et le bloc B?

14 R: Pour ce qui est du bloc B, vous avez d'abord la salle n°20 qui comprend

15 l'ensemble du complexe. Ensuite, la salle n°21 qui se trouvait à droite,

16 c'était tout de même une salle moins grande que l'autre, c'est-à-dire

17 n°20.

18 Q: Passons maintenant à votre dernier plan qui portera la cote 6/5.

19 Qu'avons-nous là au bloc A? Est-ce qu'il y a des cellules dans le bloc A?

20 R: Dans le bâtiment A, à cet étage il n'y avait pas de cellule. Ici, se

21 trouve également une partie de l'infirmerie que nous avons intitulée comme

22 étant réservée à TPC, c'est-à-dire une pièce réservée à des maladies

23 contagieuses que les condamnés auraient contractées. C'est là où ils

24 étaient hospitalisés pour se reposer et pour se faire soigner.

25 A droite, vous voyez également une disposition de pièce qui, elle aussi,

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1 appartenait à l'infirmerie où se trouvait le personnel médical avec leurs

2 bureaux, avec évidemment un appareil de radiologie, laboratoire, etc..

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci beaucoup. Voilà donc, Madame et

4 Messieurs les Juges, les plans que j'aimerais vous soumettre. Nous avons

5 la version en anglais, je viens de l'apprendre, je viens de l'apprendre.

6 M. le Président (interprétation): Ne serait-ce que pour insister sur ce

7 que je dis, je dis qu'il nous a fallu un tiers du temps par rapport à

8 hier, avec l'avantage supplémentaire que maintenant nous voyons très bien

9 où nous en sommes.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, votre suggestion était

11 excellente, Monsieur le Président. Je vais donc demander le versement au

12 dossier de ces documents.

13 M. le Président (interprétation): Y a-t-il des objections, Monsieur

14 Bakrac?

15 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président. Mais Monsieur le

16 Président, excusez-moi tout de même. Je ne sais si nous pouvons faire une

17 opposition, une objection en ce qui concerne la toute dernière

18 photographie. Nous n'avons pas entendu de commentaire concernant le côté

19 droit du bâtiment, peut-être que ce serait mieux de le faire faire par

20 l'accusation au lieu de me voir charger évidemment.

21 Je pourrais peut-être le faire dans le cadre du contre-interrogatoire

22 aussi.

23 M. le Président (interprétation): Oui, faites-le au moment du contre-

24 interrogatoire puisque vous aurez toute latitude de poser ce type de

25 questions. Il s'agira donc des pièces P6/1, 6/5 et puis P6/2 à 5.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, il s'agira donc 6/1 à 5, et puis

2 6/1A à 6/5A.

3 M. le Président (interprétation): C'est un système qui se prête à la plus

4 grande confusion, enfin j’espère qu’on s’y retrouvera.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je voudrais maintenant vous montrer

6 quelques photographies, Monsieur.

7 Tout ceci fait partie de la pièce P18, pièce qui a déjà été versée au

8 dossier.

9 Je vais demander au témoin de regarder la pièce qui porte la cote 7442. Ce

10 sont ces quatre derniers chiffres.

11 Est-ce que c'est bien le pont qui enjambe la Drina et qui se trouve devant

12 la prison?

13 Témoin 12 (interprétation): Oui, c'est le pont sur la Drina, la prise de

14 vue étant faite du côté de la rive gauche, nous pouvons voir dans toute sa

15 longueur ce KP Dom.

16 Q: Merci.

17 Nous n’avons plus besoin de cette photo, monsieur l’huissier.

18 (L’huissier s’exécute.)

19 Photo suivante, elle porte la cote 7444. Qu'est-ce que nous voyons,

20 Monsieur?

21 R: C’est l'entrée principale du KP Dom par cette entrée passaient les

22 travailleurs, les employés et les personnes condamnées.

23 Q: Merci.

24 Examinez maintenant la photo suivante. Elle porte la cote 7446. Que

25 voyons-nous, Monsieur, sur cette photo?

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1 R: Une fois entré par l'entrée principale, par cette porte principale,

2 vous êtes dans le hall et à votre gauche vous voyez le permanent. Il

3 s'agit d'une personne condamnée qui assure la garde et la permanence, donc

4 tout de suite à l'entrée à votre gauche.

5 Par cette porte-là, on entrait dans un long corridor qui menait vers la

6 gauche, c'est-à-dire jusqu'au bout du bâtiment.

7 Q: On voit une espèce de panneau noir du côté de cette fenêtre, où se

8 trouvait le garde ou la personne de permanence. Est-ce panneau s’y

9 trouvait au moment où vous travailliez?

10 R: Oui, il y avait toujours un tableau, c'est un tableau d'affichage, mais

11 aux dimensions moins importantes, qui se trouvait depuis cette petite

12 fenêtre-là jusqu'à ce tableau-là. Il y avait un autre tableau d'affichage

13 où nous devions lire l'emploi du temps qui était le nôtre pour la journée

14 à venir, donc pour ce qui est de nos postes de travail, et comme je vous

15 l’ai dit on travaillait par roulement et il fallait suivre cela sur le

16 tableau d'affichage.

17 Q: C’est un petit peu difficile de bien discerner sur la photo, mais

18 apparemment il y a une porte métallique du côté droit de la photo. Cette

19 porte, où menait-elle?

20 R: Cette porte-là, dont vous voyez les grilles en métal, lorsqu’elle

21 s'ouvre vous pénétrez dans un couloir assez long où se trouve employé un

22 des gardes. Au bout du couloir, à droite du couloir, se trouve la sortie

23 menant vers la cour du KP Dom.

24 Q: Et cette porte métallique était-elle, en règle générale, fermée ou est-

25 ce qu’on l’a laissée ouverte?

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1 R: Cette porte était presque toujours ouverte, au temps où j'y étais

2 employé. C’est seulement au cas où un groupe important de personnes

3 condamnées venaient, qui devait être escorté par des gardes, qui

4 arrivaient soit de Sarajevo, de Tuzla, de Banja Luka ou de Zenica, alors

5 au moment où ces gens-là devaient entrer pour les réceptionner cette porte

6 était fermée, le temps nécessaire de procéder à la fouille corporelle et

7 le temps nécessaire pour l’installation des personnes condamnées au KP

8 Dom. Après tout cela, évidemment cette porte était rouverte.

9 Q: Quelqu’un qui venait de l'extérieur et qui entrait dans le KP Dom, est-

10 ce qu’il pouvait se contenter de passer par ce couloir d'entrée, de

11 franchir cette porte métallique et arriver directement dans le bâtiment où

12 se trouvaient détenus des prisonniers?

13 R: Non. Personne qui ne serait autorisé ou qui n’aurait reçu une

14 convocation spéciale ne pourrait y pénétrer, parce que dans ce couloir se

15 trouvaient toujours de service un des gardes, un des services de garde.

16 Donc travailler par équipe, trois fois huit heures, cela fait le roulement

17 de leur équipe. Il y avait non stop un garde permanent.

18 Q: Autres photos. J'aimerais vous montrer en fait deux photographies qui

19 font plus ou moins un tout, elles portent les cotes 7450 et 7451. Il

20 faudrait que vous regardiez les deux photos pour vous orienter, pour vous

21 y retrouver, Monsieur.

22 Veuillez montrer l'autre photo également, Monsieur l’huissier. Voilà!

23 Monsieur, êtes-vous en mesure de nous dire ce qui se trouve sur ces

24 photos?

25 R: Ces escaliers-ci sont situés dans le bâtiment 1A et ils mènent à

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1 l'étage où les gardiens se trouvent. Le service de gardiens y est situé.

2 Ce sont les escaliers qui mènent vers cet étage.

3 Q: Très bien.

4 Si nous regardons maintenant la photo n° 2, lorsque vous regardez par la

5 fenêtre, pouvez-vous nous dire quelle est la chambre qu'on peut apercevoir

6 depuis ces fenêtres-ci?

7 R: Je suppose que nous apercevons ici la fenêtre de la pièce n°11, que

8 l'on peut apercevoir depuis cette fenêtre-ci.

9 Q: Et quelle est la raison pour laquelle vous en venez à cette question?

10 R: Puisque le bâtiment A est construit sur un terrain un peu plus élevé.

11 Q: Oui, très bien. Je souhaiterais vous montrer une autre photographie, il

12 s'agit de la photographie cotée 7468. Que représente-t-elle lorsque l'on

13 regarde par cette fenêtre-là? Qu'est-ce que nous pouvons apercevoir?

14 R: Si l'on regarde par cette fenêtre-là, nous pouvons apercevoir les

15 fenêtres de la pièce n°11.

16 Q: Très bien, maintenant où se trouverait cette fenêtre lorsque vous

17 regardez par cette fenêtre-ci, à quel niveau du bâtiment administratif se

18 trouverait cette autre fenêtre?

19 R: C'est à l'étage, cette fenêtre-ci ici, que je vous montre, se trouve au

20 premier étage.

21 Q: Très bien, merci. Je souhaiterais présenter deux autres photographies,

22 la photographie 7469 et 7470. Vous nous avez expliqué il y a quelques

23 instants que les personnes qui voulaient se diriger dans les pièces

24 destinées aux détenus devaient passer par la porte en métal, la première

25 porte en métal-ci qui se trouve dans le hall d'entrée.

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1 Et maintenant j'aimerais que vous regardiez la deuxième photographie,

2 c'est là que se trouvait un gardien qui vérifiait le tout, et les gens

3 passaient par une autre porte, est-ce que c'est bien c'est cela que nous

4 apercevons sur cette photographie-ci?

5 R: Oui, c'est exact. Voici le bureau du gardien et un fauteuil où ce

6 gardien était assis et qu'il était de service, en faisant son travail.

7 Et ce que vous apercevez ici c'est la porte de métal.

8 Q: Oui, très bien, merci. Maintenant la photographie suivante.

9 M. le Président (interprétation): Je crois que cela pourrait nous aider si

10 pour le compte rendu d'audience nous indiquions que la porte dont le

11 témoin vient de parler est celle qui est montrée par une flèche.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, c'est exact.

13 Maintenant la photographie suivante est cotée 7474 et il y a trois

14 chiffres qui apparaissent sur cette photographie. Pourriez-vous nous dire

15 ce que représente ce chiffre 1?

16 R: Donc le n°1 ou le chiffre 1 nous montre le bâtiment dans lequel étaient

17 les détenus et les instituteurs, les éducateurs qui étaient là pour ces

18 détenus, et il y a la pièce qui est également composée de l'aile A ou du

19 bâtiment A que nous avons vu auparavant. Ce n°3 représente une guérite de

20 gardiens, mais lorsque j'y travaillais elle n'était pas là, cette guérite.

21 Q: Oui, très bien. J'aimerais maintenant vous montrer la photographie

22 7479. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous voyez sur cette

23 photographie-là?

24 R: Oui, je vois ici l'intérieur ou la cour du KP Dom et c'est la vue que

25 nous avons depuis la pièce n°11.

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1 Q: Oui, très bien, merci. Et la prochaine photographie, maintenant

2 j'aimerais vous poser une autre question, il s'agit de la photographie

3 7495. J'aimerais vous demander si cela représente un dortoir typique de

4 ces pièces-là?

5 R: Oui, nous pourrions dire que oui puisque toutes les pièces étaient de

6 la même dimension dans le bâtiment à gauche, de sorte que nous avions deux

7 rangées de lits à l'étage entre lesquelles il y avait assez d'espace pour

8 qu'une personne puisse circuler.

9 Q: Oui, très bien. Maintenant j'aimerais vous montrer la photographie

10 cotée 7511. Il s'agit donc d'une autre prise de vue de la cour, pourriez-

11 vous nous montrez à l'aide du pointeur où était située l'entrée à la

12 cantine ou au réfectoire?

13 R: L'entrée à la cantine devait en fait se trouver ici, puisque la cantine

14 était un peu plus bas que cet espace-ci. Elle aurait été ici, donc elle

15 était à un niveau inférieur par rapport au niveau supérieur. D'après la

16 photographie que vous m'avez montrée, la cantine n'y est pas.

17 Q: Je vous demande simplement de nous expliquer de quelle façon est-ce que

18 les détenus entraient à l'intérieur? En fait la qualité de la photographie

19 n'est pas très bonne sur le rétroprojecteur, mais sur cette photographie-

20 ci vous pouvez apercevoir une personne qui est assise sur l'escalier.

21 Est-ce que cela serait l'entrée à la cantine? Vous voyez ici?

22 R: Non, c'était l'entrée qui menait vers la cuisine. Cette entrée-ci

23 servait seulement aux cuisiniers et cet escalier n'était réservé qu'à ces

24 gens-là. Tandis que les autres escaliers ici, que vous voyez là, se sont

25 des escaliers qui mènent vers les pièces où ces personnes mangeaient. Et

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1 ces escaliers qui se trouvent complètement au bout, ce sont des escaliers

2 du même type, il s'agit bien là d'escaliers qui menaient vers la

3 boulangerie qui se trouvait vraiment au bout de cet immeuble, de ce

4 bâtiment-ci, et il s'agit de la boulangerie.

5 Q: Oui, très bien, merci. Cela complète les photographies que je voulais

6 vous montrer.

7 M. le Président (interprétation): Encore une fois pour qu'on puisse

8 comprendre le tout, un peu plus tard ce serait très bien si le témoin

9 pourrait nous montrer l'escalier à gauche qui se trouve tout près de cette

10 flèche jaune, et non pas l'escalier où l'homme est assis qui désigne

11 l'entrée à la cantine.

12 Témoin 12 (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Voilà c'est tout.

14 M. le Président (interprétation): Simplement pour être pratique, lorsque

15 nous lisons la transcription, nous n'avons pas toujours accès à la vidéo.

16 Ce serait donc mieux pour le compte rendu d'audience d'avoir plus de

17 précisions.

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Monsieur le témoin, lorsque la

19 guerre a commencé, vous n'étiez pas à Foca. A quel moment est-ce que vous

20 avez entendu que la guerre avait éclaté?

21 Témoin 12 (interprétation): C'était au début du mois d'avril. Pour la

22 première fois j'ai su, j'ai entendu parler de cela alors que j'étais sur

23 le bateau, j'en ai entendu parler par mes collègues.

24 Q: Est-ce que vous avez essayé de rejoindre votre famille qui se trouvait

25 à Foca?

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1 R: Oui, j'ai essayé d'entrer en contact avec ma famille, par contre

2 c'était en vain puisque je n'arrivais pas à les contacter. Mais le

3 lendemain nous avons néanmoins réussi à obtenir la communication en

4 passant par la station qui se trouvait sur la terre et j'ai parlé à mon

5 épouse et elle m'a vraiment encouragé en disant…

6 En fait, je lui ai posé la question, je lui ai demandé ce qu'il se

7 passait. Elle me disait: "Non, mais ce n'est rien. Cela va durer

8 simplement quelques jours comme c'était le cas l'année dernière, avec Foca

9 Trans" puisqu'il y avait quelque chose de semblable une année auparavant.

10 Mais je lui ai conseillé que ce serait quand même une meilleure idée de

11 quitter la ville, qu'ils devaient tous quitter la ville puisqu'elle me

12 disait que la plupart des Serbes, même les amis serbes que nous avions et

13 même au Monténégro, que ces gens-là avaient quitté leur ville. J'insistais

14 donc pour qu'elle parte mais elle ne semblait pas prendre ça trop au

15 sérieux.

16 Q: Est-ce qu'il vous est arrivé de pouvoir lui parler à une autre occasion

17 et à quel moment est-ce que cela est arrivé?

18 R: Le lendemain, de nouveau j'ai tenté d'entrer en contact avec elle et

19 d'obtenir la communication mais malheureusement c'était impossible

20 d'obtenir quelque communication que ce soit. Quatre jours plus tard,

21 lorsque nous nous sommes rendus près de Gibraltar, tout près de là, j'ai

22 pu obtenir la ligne et j'ai entendu mon épouse pleurer, j'entendais des

23 détonations et tout le monde criait dans la maison. Elle m'a demandé quoi

24 faire, elle m'a dit: "Est-ce que tu peux m'aider?" et j'étais vraiment…,

25 j'avais les mains liées, je ne pouvais rien faire. C'était très difficile

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1 pour moi de lui venir en aide dans la situation dans laquelle j'étais.

2 Je lui ai simplement dit: "Que Dieu te vienne en aide". Ensuite,

3 soudainement, au cours de notre conversation, la ligne s'est interrompue

4 et je ne l'ai plus entendue pendant plusieurs mois.

5 Q: A quel moment est-ce que vous l'avez revue de nouveau?

6 R: C'était le 11, onzième ou le douzième mois, donc c'était au mois de

7 novembre ou décembre 1992 avec l'aide de la Croix-Rouge et en passant par

8 un avocat que j'ai engagé à Trogir, j'ai quand même su qu'elle se trouvait

9 en Turquie. Et alors, je me suis dirigé en Turquie et c'est là que je les

10 ai tous trouvés, c'était je crois au mois de décembre 1992.

11 Q: A quel moment est-ce que votre femme et votre famille ont quitté Foca,

12 est-ce que vous le savez?

13 R: C'était au milieu du mois d'août.

14 Q: Et comment est-ce qu'elle a pu quitter?

15 R: Après tous les mauvais traitements subis, à bord d'un autobus qui était

16 bondé de citoyens musulmans, alors elle, mon épouse, et mes cinq enfants

17 ont pu quand même… en fait, mes quatre enfants, puisque je me trompe, ma

18 fille, l'aînée se trouvait à Trebinje, les autres quatre enfants se

19 trouvaient avec elle, de sorte qu'ils se sont dirigés vers la Serbie, vers

20 Novi Pazar.

21 Q: Oui, et vous nous avez dit au début de votre témoignage que vous aviez

22 une maison et que vous aviez également une maison de famille. Qu'est-il

23 arrivé à vos maisons?

24 R: Elles n'ont pas été détruites, elles n'ont pas été incendiées non plus.

25 Dans ces maisons habitent présentement des gens, des Serbes avec leur

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1 famille.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, très bien, Monsieur le témoin.

3 Cela complète les questions que le Bureau du Procureur avait pour ce

4 témoin.

5 M. le Président (interprétation): Merci. Monsieur Bakrac?

6 (Contre-interrogatoire du Témoin 12 par M. Bakrac.)

7 M. Bakrac (interprétation): Merci, Monsieur le Président. J'aimerais

8 d'abord dire bonjour au Témoin n°12. J'aimerais me présenter, je m'appelle

9 Mihajlo Bakrac, je suis avocat-conseil et je défends l'accusé Milorad

10 Krnojelac.

11 Pour le témoin n°12, je souhaiterais d'abord poser la question suivante:

12 est-il exact que le 12 mai 1995 vous avez fait une déclaration au Bureau

13 du Procureur?

14 Témoin 12 (interprétation): Oui, c'est exact.

15 Q: Est-ce que vous avez donné cette déclaration de façon libre et

16 volontaire, sans aucune pression?

17 R: Oui, c'est exact, libre et volontaire.

18 Q: Vous avez lu et vous avez compris ce qui était écrit?

19 R: Oui.

20 Q: Dans la déclaration que nous mentionnons, vous avez dit qu'à Foca au KP

21 Dom vous avez travaillé à partir du 1er janvier 1973 jusqu'au 15 août

22 1977?

23 R: Oui.

24 Q: Hier, vous nous avez dit ici que vous y aviez travaillé à partir du

25 mois d'octobre 1972 jusqu'au mois de juillet 1977. Ces dates ne

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1 correspondent pas aux dates énumérées dans votre déclaration.

2 R: Bon nombre d'années se sont passées depuis que j'ai quitté le KP Dom,

3 mais j'ai mon livret de travail dans lequel les dates sont inscrites.

4 Q: Pourriez-vous être assez gentil de nous les expliquer? De ces quatre

5 dates-là, quelles sont les bonnes dates?

6 M. le Président (interprétation): Avant de répondre, Monsieur Bakrac,

7 n'oubliez pas que vous devriez ménager des pauses à la fin d'une question

8 avant une réponse puisque les traducteurs, les interprètes doivent

9 interpréter ce que vous dites, et donc c'est très compliqué.

10 M. Bakrac (interprétation): Je suis vraiment désolé, je voulais simplement

11 accélérer les débats. C'est la raison pour laquelle j'ai procédé à la

12 suite, mais je vais ménager des pauses.

13 Témoin 12 (interprétation): Depuis le mois de novembre 1972, c'est là que

14 j'ai commencé mon travail.

15 Q: Donc, c'est une troisième date que vous nous donnez là. Dans la

16 déclaration, vous parlez du mois de janvier 1973, hier vous avez mentionné

17 le mois d'octobre 1972 et aujourd'hui vous parlez de novembre.

18 R: C'était au mois d'octobre ou novembre. Je ne me souviens pas exactement

19 mais si c'est nécessaire, je pourrai vous montrer quel moment dans mon

20 livret de travail.

21 Q: Ce n'est pas nécessaire. Dans la déclaration que vous avez donnée en

22 1995, vous avez dit que la prison pouvait accueillir 1.300 détenus.

23 R: Oui, c'est exact, c'est ce que j'ai dit. Par contre, je maintiens ce

24 que j'ai dit dans ma déclaration.

25 Q: De quelle déclaration parlez-vous? Est-ce qu'il s'agit de 1.100 à 1.200

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1 personnes ou de 1.200 à 1.300 personnes?

2 R: Je parle de 1.200 personnes.

3 Q: Puisque nous parlons déjà du nombre de personnes que pouvait accueillir

4 le KP Dom, seriez-vous assez gentil de nous dire si le nombre de 1.200

5 personnes, est-ce que c'étaient les détenus qui pouvaient simplement se

6 trouver dans le bâtiment n°8 ou y avait-il d'autres pièces de détention?

7 R: Le bâtiment n°8.

8 Q: Donc, le bâtiment n°8 pouvait accueillir 1.200 personnes?

9 R: Je ne vous ai pas compris, excusez-moi. Est-ce que vous parlez du

10 bâtiment A et du bâtiment B?

11 Q: Je parle des deux, du bâtiment A et du bâtiment B, donc 8A et 8B. Est-

12 ce que c'est bien ce bâtiment-là qui pouvait accueillir 1.200 personnes?

13 R: Oui, Monsieur. C'est le nombre de personnes que pouvait accueillir le

14 bâtiment incluant la mine et Brioni et les pièces de l'économie puisque

15 même dans la mine il y avait certaines personnes, il y avait des gens qui

16 partaient, d'autres personnes revenaient et le nombre de personnes

17 fluctuait. Il y avait également des gens qui travaillaient dans les mines

18 mais le nombre de personnes que pouvait accueillir le KP Dom était entre

19 1.200... Cela variait toujours mais c'était environ 1.200 personnes.

20 Q: Mais est-ce que nous parlons du bâtiment n°8?

21 R: Je parle du bâtiment A et du bâtiment B.

22 Q: Donc, le bâtiment A et le bâtiment B pouvaient accueillir 1.200

23 personnes?

24 R: Oui.

25 Q: La réponse est bien oui?

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1 R: Oui.

2 Q: Hier, vous avez dit que dans la pièce n°1 le chef séjournait, c'était

3 la deuxième personne par ordre d'importance qui se trouvait au KP Dom.

4 Est-ce que vous pourriez nous expliquer quelles étaient ses

5 responsabilités? Vous avez essayé de nous expliquer hier mais je vais vous

6 aider. Est-ce que le chef était responsable des gardiens?

7 R: Non, puisque voilà, je vais vous expliquer. Voyez-vous, c'était le

8 service de garde et il y avait également le service juridique qui était

9 là. Dans le service de garde, il y avait un chef et dans le service de

10 rééducation, il y avait également un chef, et concernant les services

11 commerciaux il y avait un chef, en fait un directeur pour les autres

12 départements.

13 Q: Donc le chef des gardiens se trouvait dans le bâtiment n°1?

14 R: Oui.

15 Q: Vous avez également parlé d'une pièce de censure?

16 R: Oui.

17 Q: Est-ce que cette pièce qui servait aux censures avait également été

18 dotée de fenêtres?

19 R: Oui.

20 Q: Est-ce que les vitres de ces fenêtres étaient transparentes ou non?

21 R: La moitié de ces fenêtres était peinte avec de la peinture blanche et

22 la partie supérieure de ces fenêtres-là était transparente.

23 Q: Lorsque vous travailliez là, y avait-il une unité Drina, l'unité

24 commerciale Drina?

25 R: Oui.

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1 Q: Est-ce qu'il y avait également un directeur là?

2 R: Oui.

3 Q: Je demanderais l'indulgence de la Chambre pour me permettre de trouver

4 quatre photographies que le Bureau du Procureur vous a montrées. Il

5 s'agirait de la première photographie. J'aimerais demander à l'huissier de

6 montrer la photographie 7451.

7 (L'huissier s'exécute.)

8 Vous nous avez dit que cette photographie ou plutôt que cette flèche jaune

9 que nous apercevons est située au dessus de la pièce n°11, donc c'est ce

10 que vous avez répondu à la question du Procureur?

11 R: Oui.

12 Q: Lorsque vous avez montré le croquis du KP Dom, vous nous avez montré

13 que la pièce n°11 se trouvait au rez-de-chaussée?

14 R: Oui.

15 Q: Mais sur cette photographie devant vous, au bas de la fenêtre,

16 apercevez-vous une autre fenêtre qui est située au-dessous de la fenêtre

17 n°11?

18 R: Oui, c'était en fait la fenêtre d'un souterrain, c’était un sous-sol

19 qui servait d’entrepôt.

20 Q: Sur ces photographies est-ce que nous pouvons apercevoir la fenêtre de

21 cet entrepôt qui, sur la deuxième photographie, se trouve juste à côté de

22 la fenêtre?

23 R: Non.

24 Q: J'aimerais maintenant que l'on passe à la photo 7468.

25 A la question du Procureur, vous avez répondu de cette fenêtre-ci, telle

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1 que nous l'apercevons sur cette photographie, il est possible de

2 l'apercevoir depuis le bâtiment administratif.

3 Est-ce qu’il s'agit bien du bâtiment administratif ou du bâtiment n°1?

4 R: C'est le bâtiment n°2. En fait, oui, le bâtiment administratif.

5 Q: Savez-vous de quelle pièce il s'agit ici?

6 R: Je ne pourrais pas vous donner une réponse précise parce que je ne suis

7 pas sûr.

8 Q: Je demanderai à l'huissier de montrer au témoin la pièce à conviction

9 IDP6/3. Je demanderai au témoin de nous montrer à l’aide du pointeur la

10 pièce n°11, telle que vue sur la photographie, donc au-dessus de l'entrée

11 de l’entrepôt.

12 R: Elle était située ici, en dessous de la pièce n°13.

13 Q: Et qu’est-ce qui se trouve en face la pièce n°11, quel est le bâtiment

14 qui se trouve en face de la pièce n°11 que vous nous montrez en ce moment?

15 R: Il s’agit du bâtiment où le service des gardes se trouvait.

16 Q: Est-ce que ce bâtiment se trouve un petit peu plus plus élevé par

17 rapport à la cour?

18 R: Oui.

19 Q: Pourriez-vous nous montrer le début du bâtiment administratif, en fait

20 le côté gauche de ce bâtiment?

21 R: Ici. Voici cette partie-ci, et cette partie-ci est plus étroite que

22 l’autre bâtiment, le bâtiment n°1.

23 Q: Et donc je vous demande: est-ce qu’il est possible que la fenêtre, que

24 vous nous avez montrée tout à l'heure, pourrait vraiment être la fenêtre

25 du bâtiment administratif, en vous basant sur ce croquis que vous avez

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1 devant vous?

2 Ce serait plus facile!

3 R: Non, je ne peux pas orienter.

4 Q: Bien, vous ne pouvez pas vous orienter. Il serait peut-être plus facile

5 si Monsieur l’huissier pouvait montrer au témoin les photos 7472 et 7473.

6 M. le Président (interprétation): Pendant que le témoin examine ces

7 photographies, Madame Uertz-Retzlaff, est-ce qu’il y aura une personne qui

8 a pris cette photo qui viendra témoigner, nous dire de quelle pièce ils

9 ont pris ces photographies?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. En fait, nous avions planifié

11 que la personne, l'enquêteur qui avait pris cette photo, vienne témoigner

12 avant ce témoin. Malheureusement, elle était malade cette semaine.

13 M. le Président (interprétation): Très bien. Je comprends cela. Mais

14 j’essaie simplement de comprendre si cela est important ou non.

15 Monsieur Bakrac, est-ce que vous faites cet exercice simplement pour

16 essayer de démontrer la crédibilité du témoin ou est-ce qu’il a une

17 certaine importance?

18 M. Bakrac (interprétation): Je pose ces questions parce que j'essaie de

19 prouver, de mettre en cause la crédibilité de ceci.

20 M. le Président (interprétation): Mais cela serait peut-être plus

21 important de faire cet exercice lorsque nous aurons la personne qui a pris

22 cette photographie, à savoir de quelle fenêtre cette personne a pris ces

23 photographies, est-ce que c'était du bureau du directeur ou d’une autre

24 fenêtre, pour savoir si le directeur pouvait apercevoir la photographie

25 n°11.

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1 Vous pouvez poursuivre si vous voulez, mais j’aimerais simplement vous

2 dire que ce n'est pas un point important, puisque le témoin lui-même avoue

3 que c'est un peu difficile de s'orienter, ce n'est pas lui qui a pris

4 cette photographie bien sûr.

5 M. Bakrac (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président.

6 J'avais une autre question concernant une autre photographie. Et si vous

7 le permettez, j'en terminerai avec ce témoin sur une seule question

8 concernant une autre photographie.

9 J'aimerais demander à l'huissier de montrer au témoin la photo 7479.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 Vous nous avez dit qu'il s’agissait d’une prise de vue faite à partir de

12 la pièce n°11.

13 Témoin 12 (interprétation): C'est peut-être devant la fenêtre n°11, en

14 fait.

15 Q: Bien.

16 Mais est-ce qu’il s'agit de la partie qui se trouve sur le côté et qui

17 donne sur le bâtiment B ou à partir de l'entrepôt?

18 R: C'est au-dessus de l'entrepôt, puisque l'entrepôt se trouve en dessous

19 de cette pièce n°11.

20 Q: Je suis vraiment désolé, je n’ai peut-être pas été assez précis.

21 R: C'est ici qu'on trouve cet entrepôt.

22 Q: Je n'ai pas été assez précis. Est-ce que la photographie qui a été

23 prise, se trouvait au dessus de la fenêtre qui donne vers l'entrée de

24 l'entrepôt ou est-ce que c’était sur le côté?

25 R: Je n'ai pas compris votre question.

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1 Q: Je crois que cela simplifiera les choses si M. l'huissier vous montrait

2 le plan et de cette façon-là vous pourrez nous donner votre opinion

3 concernant cette photographie.

4 R: Toute cette partie-là s'appelle "pièce 11".

5 Q: Oui, nous le savons très bien.

6 R: C'est ici donc.

7 Q: Je vous demanderais maintenant de revenir sur la photographie.

8 Qu'apercevons-nous au coin droit?

9 R: Ici, à droite si vous pensez à ce bâtiment-ci.

10 Q: Oui, de quel bâtiment s'agit-il?

11 R: Il s'agit du bâtiment n°2 qui se termine avec la salle de projection.

12 Q: Mais est-ce que nous apercevons la totalité de ce bâtiment ici?

13 R: Oui, ce bâtiment-ci, oui nous apercevons sa totalité et cela représente

14 ici le réfectoire des détenus, et c'est là que les personnes pouvaient

15 acheter certaines choses comme par exemple des conserves ou des produits

16 d'hygiène, et elles payaient avec des coupons et non pas avec de la

17 monnaie. En fait c'était la façon de procéder.

18 Q: Je n'ai que deux autres questions.

19 Vous avez parlé de la pièce réservée aux censures et vous avez également

20 parlé des pièces intimes, si nous pouvons les appeler ainsi, puisqu'elles

21 se trouvaient juste à côté. Mais est-ce que ces pièces-là avaient

22 également des vitres transparentes?

23 R: La moitié de ces fenêtres étaient peintes en blanc. Donc toutes ces

24 fenêtres-là qui étaient de ce côté-là étaient peintes en blanc. Donc

25 c'était une fenêtre double avec des vitres doubles, alors la moitié de ces

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1 fenêtres étaient blanches.

2 Q: Ma dernière question est la suivante: est-il exact que votre témoignage

3 se base sur la façon dont vous avez vu le KP Dom en 1977 avant que vous ne

4 quittiez le KP Dom?

5 M. le Président (interprétation): Avez-vous des questions supplémentaires?

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non.

7 M. le Président (interprétation): Monsieur le témoin, je vous remercie,

8 vous avez terminé votre déposition, vous pouvez disposer. Merci.

9 (Le Témoin 12 est reconduit hors du prétoire.)

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): S'agissant du témoin suivant

11 certaines mesures de protection ont été accordées par la Chambre, il

12 faudra donc protéger le témoin de la vue du public et il y aura aussi

13 déformation des traits du visage. Tout ceci doit être aménagé avant

14 l'arrivée du témoin dans le prétoire.

15 M. le Président (interprétation): L'huissier est parti chercher le témoin.

16 Quelqu'un d'autre pourrait-il s'occuper des stores qu'il faudrait baisser?

17 Et il faudra préciser à l'intention de l'huissier qu'il faut apporter

18 l'écran de protection.

19 Mais la première chose à faire, me semble-t-il, c'est de baisser les

20 stores.

21 (Audience publique avec mesures de protection.)

22 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, est-ce que vous allez

23 avoir des difficultés à apercevoir le témoin si cet écran de protection

24 est disposé de la façon dont il l'est?

25 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président, je ferai de mon

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1 mieux pour que tout cela aille bien.

2 M. le Président (interprétation): Et vous, Madame Kuo, vous le voyez?

3 Mme Kuo (interprétation): Pas de problème.

4 (Le Témoin 139 est introduit dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Monsieur, veuillez donner lecture de la

6 déclaration solennelle au nouveau témoin.

7 Témoin 139 (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

8 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez vous asseoir. Je pense que

10 maintenant nous pouvons relever les stores.

11 Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la parole.

12 (Interrogatoire principal du Témoin 139 par Mme Uertz-Retzlaff.)

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le

14 Président.

15 Bonjour, Monsieur le témoin..

16 Témoin 139 (interprétation): Bonjour.

17 Q: Je vais demander l'aide de l'huissier afin que vous soit montrée,

18 Monsieur, une feuille sur laquelle figure votre nom.

19 Vous aviez demandé l'octroi d'un pseudonyme, ceci vous a été accordé, nous

20 allons donc faire en sorte que votre nom ne soit pas mentionné.

21 Veuillez regarder cette feuille de papier! Lorsque vous êtes en train de

22 le faire, vous voyez un chiffre, le n°139, c'est le numéro qui vous a été

23 attribué en tant que témoin dans ce procès, et sous ce chiffre il y a un

24 nom, est-ce bien le vôtre?

25 R: Oui.

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1 Q: Est-ce qu'on y trouve aussi votre surnom?

2 R: Oui.

3 Q: Ainsi que votre date de naissance?

4 R: Oui.

5 Q: Je vous remercie. Je pense que le témoin aura besoin de cette page,

6 mais il faut bien sûr la verser au dossier.

7 M. le Président (interprétation): Ce sera la pièce P395 et ce sera versé

8 au dossier sous scellés.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur, où êtes-vous né?

10 Témoin 139 (interprétation): A Foca.

11 M. le Président (interprétation): Pour que l'huissier puisse relever les

12 stores, nous allons vous demander d’avoir la prochaine fois deux copies,

13 l'une destinée au témoin, l'autre au Greffe.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous avions déjà fourni ces deux

15 copies à tout le monde.

16 M. le Président (interprétation): Alors pourquoi est-ce qu’il fallait la

17 remettre de façon officielle puisque cela avait été fait de façon

18 officieuse? Nous pourrons ainsi faire l’économie de temps puisque nous

19 aurons l'attribution de la cote et nous pourrons poursuivre les débats.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur, quelle est votre

21 appartenance ethnique?

22 Témoin 139 (interprétation): Je suis Musulman.

23 Q: Est-ce que vous êtes marié?

24 R: Oui.

25 Q: Avez vous des enfants?

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1 R: Oui, j'ai trois enfants.

2 Q: Avant la guerre, où habitiez-vous?

3 R: Avant la guerre, j'habitais à Gornja Sala, à Foca.

4 Q: Dans quel quartier habitiez-vous?

5 R: J'ai habité le quartier de Foca, qu'on appelait Podmusala.

6 Q: Est-ce que c'était un quartier uniquement musulman ou est-ce qu’on y

7 trouvait une population mixte?

8 R: Plutôt une population mixte.

9 Q: Où se trouve ce quartier dans la ville de Foca?

10 R: Ce quartier se trouve près du bâtiment de la municipalité.

11 Q: Au cours de la guerre, est-ce que vous avez également habité chez vos

12 parents?

13 R: Oui.

14 Q: Où se trouvait la maison de vos parents, dans quel quartier de la

15 ville?

16 R: La maison de mes parents se trouvait à Donje Polje.

17 Q: Est-ce que Donje Polje est aussi un quartier mixte ou est-ce plutôt un

18 quartier musulman?

19 R: C’est un quartier à majorité musulmane, pour la plupart.

20 Q: Que faisiez-vous comme métier avant la guerre?

21 R: J'ai travaillé au KP Dom en qualité de policier.

22 Q: Et au cours de quelle période avez vous travaillé au KP Dom en qualité

23 de policier? Donnez-nous les dates de début et de fin?

24 R: J’ai commencé le 1er octobre 1979 jusqu'au début de la guerre.

25 Q: A cette époque-là, qu’est-ce que c’était le KP Dom, quel type

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1 d'établissement pénitentiaire?

2 R: Le KP Dom était une prison qui abritait des personnes jugées et

3 condamnées.

4 Q: Est-ce qu’on n'y trouvait que des hommes ou est-ce qu’il y avait aussi

5 des femmes qui étaient incarcérées?

6 R: Non, non, le KP Dom était uniquement réservé aux hommes.

7 Q: Et qu'en était-il des femmes qui avaient été condamnées, où étaient-

8 elles détenues?

9 R: Il y avait un KP Dom spécial à une distance d'environ 3 kilomètres du

10 KP Dom pour hommes.

11 Q: Où se trouvait-il, cet établissement, dans quel quartier? Est-ce qu'il

12 portait un nom?

13 R: Le KP Dom pour femmes se trouvait à Velecevo.

14 Q: Cet établissement pénitentiaire de Velecevo se trouvait-il sous le

15 commandement du KP Dom, ou est-ce que c'était un établissement tout à fait

16 indépendant, séparé du KP Dom?

17 R: Non, ce KP Dom se trouvait comme partie intégrante du KP Dom.

18 Q: En d'autres termes, est-ce que cela voulait dire que le directeur du KP

19 Dom était aussi le chef de la prison réservée aux femmes à Velecevo?

20 R: Oui, pratiquement cette personne était le directeur des deux KP Dom.

21 Q: Mais est-ce qu'il y avait aussi d'autres installations qui

22 appartenaient au KP Dom?

23 R: Oui, il y en avait. Je peux les énumérer.

24 Q: Je vous en prie.

25 R: Il y avait Ekonomija qui se trouvait à Brioni, il y avait un atelier

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1 métallique tout près du KP Dom pour enfants. Nous avons eu un vivier à

2 Jelec et nous avons eu également un atelier économique à Sarajevo.

3 Q: En 1992, Monsieur, combien y avait-t-il de prisonniers qui purgeaient

4 leur peine au KP Dom? Vous en souvenez-vous?

5 R: Je me souviens mais il n'y en avait pas beaucoup. Il y en avait environ

6 200.

7 Q: Et vous avez parlé de la prison réservée aux femmes, vous souvenez-vous

8 du nombre de femmes qui s'y trouvaient détenues en 1992?

9 R: Pour ce qui est de ce KP Dom, il y en avait une quarantaine de femmes.

10 Q: S'agissant des autres installations, vous avez parlé d'Ekonomija avec

11 aussi l'endroit où l'on faisait de la pisciculture, est-ce qu'il y avait

12 aussi à ces différents endroits des cellules?

13 R: Les gens qui travaillaient donc à Ekonomija, ils y couchaient aussi et

14 ils y passaient tout le temps, il en était de même pour le vivier à Jelec.

15 Q: Et combien de personnes pouvaient résider à Brioni à la ferme?

16 R: Dans cette ferme, à Brioni, il y avait 60 à 80 personnes condamnées qui

17 travaillaient.

18 Q: Et pour ce qui est du vivier de Jelec?

19 R: Là-haut, il y en avait moins, de 6 à 8 personnes.

20 Q: Est-ce que le KP Dom avait aussi des installations à Miljevina?

21 R: Non pas en 1992.

22 Q: Et avant 1992, est-ce qu'ils en avaient des installations à Miljevina?

23 R: Il y avait des installations à Miljevina mais c'était une section de

24 gens qui travaillaient dans la mine. Mais au moment où j'ai commencé à

25 travailler, peut-être un an au plus tard, cette section était fermée.

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1 Q: Quelles étaient vos fonctions précises, Monsieur, au sein du KP Dom?

2 Vous avez dit être policier, est-ce que cela veut dire que vous étiez

3 gardien?

4 R: Oui, j'étais pratiquement un garde qui devait m'occuper dans la section

5 qui était réservée à des visites reçues par des personnes condamnées.

6 Q: Est-ce que vous étiez sous le commandement de la police de Foca? Qui

7 était votre supérieur?

8 R: Non, nous étions sous la direction du ministère de la Justice avec son

9 siège à Sarajevo, quant à la police, elle, elle a été évidemment sous la

10 direction du ministère de l'Intérieur.

11 Q: Nous avons déjà parlé du fait que vous vous occupiez des visiteurs.

12 Qu'est-ce que vous aviez comme attribution à ce poste?

13 R: Ma tâche consistait à recevoir le visiteur qui venait rendre visite au

14 condamné et d'être là pour que le contact soit établi entre le visiteur et

15 la personne visitée.

16 Q: En avril 1992, est-ce que vous travailliez toujours au KP Dom?

17 R: Oui.

18 Q: Et à ce moment-là, qui était le directeur de la prison?

19 R: Le directeur, l'administrateur de la prison était Tesovic Radojica.

20 Q: Est-ce qu'il était Serbe?

21 R: Oui.

22 Q: Quelles étaient ses fonctions, ses responsabilités?

23 R: C'était l'homme numéro 1, toutes ses responsabilités consistaient à

24 assurer la direction de l'ensemble du KP Dom, c'est-à-dire d'assurer la

25 direction des deux KP Dom. Par conséquent, il était une personne

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1 responsable, c'est lui qui avait la plus grande responsabilité.

2 Q: Et qui était son adjoint à l'époque?

3 R: A cette époque-là, son adjoint était Berberkic Alija.

4 Q: Et quelle était l'appartenance ethnique de Berberkic?

5 R: Il était Musulman.

6 Q: Quelles étaient ses fonctions et ses responsabilités?

7 R: Ses tâches étaient, en qualité de directeur-adjoint, importantes et sa

8 responsabilité était grande.

9 Q: Est-ce qu'il avait des fonctions particulières qu'il avait tout le

10 temps même quand le directeur du KP Dom était là, ou est-ce que c'était

11 simplement des fonctions qu'il avait temporairement?

12 R: Probablement que oui, mais j'ignore quelles étaient pratiquement ses

13 tâches.

14 Q: Et qui était le chef des gardes avant la guerre?

15 R: Le chef des gardes était Mitar Rasevic.

16 Q: Combien de gardes y avait-il en tout au KP Dom?

17 R: Environ une centaine de gardes.

18 Q: Ces gardes, est-ce qu'ils travaillaient, est-ce qu'ils faisaient des

19 pauses?

20 R: Oui, ils travaillaient en équipe.

21 Q: Combien de pauses y avait-il?

22 R: Ils travaillaient en quatre équipes.

23 Q: Quelles étaient les heures de travail? Pourriez vous le préciser?

24 R: Oui, on commençait à 6 heures pour travailler jusqu'à 2 heures, de 2

25 heures à 10 heures et de 10 heures à 6 heures. On travaillait 2 jours et

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1 puis après on avait 2 jours, évidemment en permission, réservés au repos.

2 Q: Vous parliez de équipes ou quatre pauses, alors est-ce que la quatrième

3 c'était celle qui se reposait pendant que les trois autres travaillaient?

4 R: Oui, étant donné que c'étaient des équipes par roulement, il devait y

5 avoir toujours une équipe au repos parce qu'on ne pouvait pas fonctionner

6 autrement.

7 Q: Quelle était la filière hiérarchique, la chaîne de commandement à qui

8 vous faisiez rapport et qui était le supérieur de votre supérieur?

9 J'entends par là la voie hiérarchique.

10 R: A commencer par les gardes, leur supérieur c'était le permanent du KP

11 Dom. Lui avait pour supérieur un inspecteur surveillant et après il y

12 avait le chef de la section des gardes.

13 Q: Et le commandant des gardes, à qui faisait-il rapport, le savez-vous?

14 R: Le commandant des gardes faisait rapport au directeur du KP Dom.

15 Q: Qui faisait partie de la direction de l'établissement? Vous avez déjà

16 parlé du numéro 1, du directeur, de son adjoint, vous avez parlé du chef

17 des gardes, est-ce qu'il y a d'autres membres du personnel, d'autres

18 cadres qui faisaient partie de la direction de l'établissement?

19 R: Oui, il y avait le soi-disant collège qui était composé de ces chefs de

20 différents secteurs, chefs de l'éducation, de la rééducation des

21 condamnés, le commandant des gardes et puis après, il y avait une personne

22 chargée de la direction des unités économiques.

23 Q: Vous avez mentionné les différentes entités économiques, est-ce que

24 celles-ci avaient aussi pour chacune son chef? Est-ce qu'il y avait un

25 responsable du vivier, un responsable de la fabrique de meubles? Est-ce

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1 qu'il y avait aussi dans cette voie hiérarchique ces supérieurs-là?

2 R: Oui, chaque atelier, chaque unité avait un chef à sa tête, et le chef

3 supérieur à chacun d'eux était évidemment le directeur chargé des unités

4 économiques.

5 Q: Le directeur du service économique, il avait des responsabilités, des

6 attributions. Les connaissez-vous?

7 R: Tout ce qui concernait l'activité économique relevait de ses fonctions

8 et par conséquent de ses responsabilités. Cette personne ne pouvait

9 influer sur d'autres activités, telles la rééducation et resocialisation

10 des condamnés non plus que la sécurité.

11 Q: Et le chef des services de rééducation, qu'est-ce qu'il avait pour

12 responsabilités, pour obligations?

13 R: Lui, il était responsable en premier lieu de la rééducation des

14 personnes condamnées.

15 Q: Est-ce que vous savez si les secteurs économiques de la prison avaient

16 des bénéfices?

17 R: Oui.

18 Q: Et est-ce que les prisonniers qui y travaillaient étaient payés?

19 R: Ils étaient payés mais très peu, disons qu'ils pouvaient avoir un tiers

20 ou un cinquième de la rémunération que normalement pouvait avoir la

21 population civile pour le même travail

22 Q: Vous avez déjà évoqué la chaîne de commandement, dites-nous comment

23 fonctionnait la structure de communication entre les différents niveaux de

24 la voie hiérarchique? Est-ce qu'il y avait des réunions quotidiennes?

25 R: Non, nous en tant que gardes, nous n'avons pas eu de réunion, mais il y

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1 avait simplement un programme, un emploi du temps qui était dressé par le

2 chef, lui étant en concertation avec ces collaborateurs et avec les

3 surveillants.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, il est 11

5 heures.

6 M. le Président (interprétation): Je vous remercie de l'indiquer, nous

7 reprendrons nos travaux à 11 heures 30.

8 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 35.)

9 M. le Président (interprétation): Avant de poursuivre, il y a un problème

10 d'intendance qui surgit du fait du plan du Procureur et non pas de

11 l'accusation, plan qui consiste à assurer deux procès simultanément. Nous

12 sommes en train de terminer le procès Kunarac et celui-ci a rencontré

13 toute sorte de problèmes. Il va s'avérer nécessaire de prévoir de

14 nouvelles dates pour réquisitoires et plaidoiries, ceci devra avoir lieu

15 au cours de la semaine du 20 novembre.

16 Actuellement, on avait prévu la semaine du 13 novembre, la semaine

17 précédente. Et on devait arrêter ce procès-ci pour permettre la

18 présentation de ces réquisitoires et plaidoiries. Bien sûr, s'il n'y avait

19 pas eu de problème, il aurait été facile de permuter les deux semaines

20 afin que nous puissions poursuivre ce procès-ci au cours de la semaine du

21 13 novembre et prévoir Kunarac la semaine du 20 novembre.

22 Mais je crois comprendre que le conseil de la défense dans ce procès a des

23 difficultés puisqu'ils ont déjà pris d'autres engagements chez eux dans

24 leur pays d'origine, à la demande du Tribunal et il sera maintenant

25 difficile de répéter l'opération pour eux. Nous comprenons parfaitement la

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1 chose. Ceci aura pour conséquence que s'il n'est pas possible de

2 poursuivre ce procès-ci au cours de la semaine du 13 novembre, après la

3 journée du jeudi 9 novembre, nous n'aurons plus comme autre plage de temps

4 que le 23 novembre, un jeudi et le lundi et le mardi suivant, les 27 et 28

5 novembre.

6 Cela va peut-être poser plus de problèmes que d'avantages. Est-ce qu'il

7 est utile que les conseils de la défense reviennent, ne serait-ce que pour

8 trois jours? Peut-être veulent-ils y réfléchir et nous dire après la pause

9 du déjeuner quelles sont leurs intentions? Sous l'angle de l'accusation,

10 nous n'avons pas encore posé la question, mais est-ce que vous aurez des

11 difficultés à appeler des témoins pour cette semaine-là, cette semaine du

12 13 novembre pour ce procès-ci? Parce que peut-être nous pourrons

13 poursuivre nos débats cette semaine-là.

14 Maître Bakrac, est-ce que vous pourriez en discuter avec votre confrère et

15 nous dire ce qu'il en est pour vous après la pause déjeuner. Je ne veux

16 surtout pas exercer de pression sur vous, mais vous comprendrez sans nul

17 doute les difficultés auxquelles nous devons faire face. Les difficultés

18 concernant l'autre procès sont insurmontables semble-t-il et les

19 réquisitoires et plaidoiries doivent être désormais prévus pour ce procès-

20 là dans la semaine du 20 novembre.

21 Avez vous quelque chose à dire dès maintenant?

22 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

23 Je comprends fort bien les problèmes surgis, mais nous à la maison nous

24 avons quelques affaires familiales qui font que problème il y a. Par

25 conséquent, nous les avons déjà déplacés d'une semaine à l'autre et avec

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1 toute ma bonne volonté que j'ai de passer le moins de temps possible ici

2 et de tirer toujours un très bon profit du temps qui est à notre

3 disposition, il me semble qu'il serait pour moi un grand problème de voir

4 déplacer ces dates.

5 Pour ce qui est de ces trois dates: jeudi 23 et les 27 et 28, le 26, le 27

6 novembre, pour ce qui est du conseil de la défense, il pourrait se

7 déplacer. C'est à vous évidemment d'en juger pour nous dire si vous

8 trouvez opportun de nous voir ici. Pour ce qui nous concerne, nous pouvons

9 le faire pour nous déplacer. Pour ce qui est de la pertinence même, c'est

10 à vous-même d'en juger. Nous ne voyons pas d'inconvénient quant à ces

11 trois dates-là.

12 M. le Président (interprétation): Nous sommes parfaitement conscients des

13 problèmes que vous rencontrez. Si vous pensez qu'il est utile d'essayer de

14 prévoir l'audience le jeudi 23 novembre ainsi que le lundi et mardi 27 et

15 28 novembre, nous le ferons. Bien sûr, sous réserve de problèmes que

16 pourrait rencontrer l'accusation s'agissant des témoins qui devraient

17 comparaître cette semaine-là.

18 Vous n'avez pas à trouver de solution sur-le-champ, Madame Uertz-Retzlaff.

19 Donnez-nous votre réponse après la pause déjeuner.

20 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Il faudra savoir ce qu'il en est des

21 témoins parce qu'il y en avait un qui était prévu pour cette semaine-là,

22 nous allons devoir établir s'il est possible de les retarder.

23 M. le Président (interprétation): Oui, vous voyez quel est le problème,

24 n'est-ce pas? Et il y a peut-être tout un problème en matière d'échange de

25 documents. Je pense que nous n'aurons pas la possibilité d'avoir le procès

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1 Kunarac au moment où il était prévu.

2 Voyez ce qu'il en est pour ce témoin au cours de la pause déjeuner. Nous

3 avions prévu une audience de toute façon le 27 et le 28, le tout est de

4 savoir si vous pouvez avoir des témoins pour le 23.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, c'est cette journée-là qui nous

6 intéresse et pour laquelle il faudra faire des vérifications mais je crois

7 qu'il devrait y avoir un témoin.

8 M. le Président (interprétation): Eh bien, nous pouvons partir de l'idée

9 que nous aurons une audience Krnojelac, le 23 novembre. S'il y a problème,

10 on peut toujours changer.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

12 M. le Président (interprétation): Il faudra faire une ordonnance portant

13 calendrier.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Tout à fait.

15 M. le Président (interprétation): Désolé d'avoir interrompu les débats

16 pour traiter d'une question tout à fait différente.

17 Poursuivez, Madame Retzlaff?

18 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur le Témoin, avant la pause vous nous disiez que vous, les gardes,

20 vous n'aviez pas de réunion d'information quotidienne, des briefings. Mais

21 qu'en est-il de la direction? Savez-vous si les membres de la direction

22 avaient des réunions d'informations quotidiennes ou même des réunions tout

23 court?

24 Témoin 139 (interprétation): Oui.

25 Ce collège avait des réunions quotidiennement.

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1 Q: Quand vous dites "collège", à quelles personnes pensez-vous?

2 R: Il s'agissait de directeur, de son adjoint, chef de la section de

3 rééducation, chef de la section des gardes et chef de la section activité

4 économique.

5 Q: Et ces personnes où se retrouvaient-elles, dans quels locaux pour ces

6 réunions quotidiennes?

7 R: Ils se réunissaient au bureau du directeur.

8 Q: Est-ce que ces réunions se passaient toujours au même moment de la

9 journée? Et si tel était le cas à quel moment se produisaient-elles?

10 R: Tous les jours, le matin. L'heure n'était pas toujours la même, enfin

11 pour parler précisément, heure et minute, mais le matin.

12 Q: S'il s'était produit un incident au cours de votre service par exemple,

13 pendant vos heures de travail, que faisiez-vous est-ce que vous deviez en

14 faire rapport, rédiger un rapport notamment?

15 R: Oui, de rigueur, on devait faire un rapport pour décrire l'incident. Et

16 est-ce que vous aviez un registre, disons, dans lequel vous inscriviez ces

17 rapports?

18 R: Oui, chaque poste de travail était doté d'un registre, d'un livre de

19 passation de toutes les évidences faites par conséquent d'une équipe à

20 l'autre.

21 Q: Est-ce que ce registre, ce livre était vérifié, contrôlé par vos

22 supérieurs hiérarchiques?

23 R: Les supérieurs hiérarchiques pouvaient à tout moment contrôler ce

24 registre-là. A n'importe quelle heure du jour et de la nuit, ils pouvaient

25 évidemment venir et jeter un coup d'oeil sur les données inscrites dans le

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1 registre.

2 Q: Et est-ce qu'il leur arrivait de le faire?

3 R: Tout dépend des besoins qu'ils ressentaient eux-mêmes. Des fois, ils

4 venaient, d'autrefois ils ne venaient pas.

5 Q: Et lorsque ce registre était rempli, qu'est-ce qu'on en faisait?

6 R: Ce registre devait finir chez le chef de la section des gardes pour

7 ensuite être déposé aux archives.

8 Q: Je vous remercie. A quelle moment la guerre a-t-elle commencé à Foca?

9 R: La guerre a éclaté à Foca le 8 avril 1992.

10 Q: Ce jour-là, vous trouviez-vous à la prison?

11 R: Oui, ce matin-là, j'étais venu à mon poste de travail à la prison.

12 Q: A ce moment-là, ce jour-là précisément, combien y avait-il de personnes

13 incarcérées?

14 R: Environ une centaine de prisonniers.

15 Q: Quelle était l'appartenance ethnique de cette centaine de prisonniers?

16 R: Pour la plupart, c'étaient des Musulmans.

17 Q: Pourquoi?

18 R: Un jour ou deux avant cet événement, il y avait eu une évasion de la

19 prison. Au cours de cette évasion, les autres prisonniers s'étaient sauvés

20 en sautant la muraille et c'étaient pour la plupart les prisonniers de

21 nationalité serbe.

22 Q: Et cette évasion a concerné combien de prisonniers?

23 R: Il me semble qu'il y en avait une centaine dans ce groupe.

24 Q: Est-ce que les gardes n'auraient pas pu empêcher qu'ils s'évadent?

25 R: Oui, ils pouvaient les empêcher. Mais sans l'ordre donné par le

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1 directeur, ils ne pouvaient pas les en empêcher. Le directeur donc a

2 laissé les prisonniers s'évader.

3 Q: Qu'est-ce que vous entendez par là, qu'il a permis aux prisonniers de

4 s'évader?

5 R: Lui pouvait donner l'ordre d'empêcher cette évasion, mais cet ordre n'a

6 pas été donné. Lorsque le chef de la section des gardes lui a adressé la

7 parole pour lui demander ce qu'il fallait faire, l'autre a répondu

8 sèchement qu'il ne fallait pas tirer sur les gens.

9 Q: Vous dites qu'ils ont escaladé le mur, mais il avait quel hauteur, ce

10 mur?

11 R: Ce mur devait avoir une hauteur de 4 à 5 mètres.

12 Q: Ces prisonniers, est-ce qu'ils ont pu vraiment s'évader, est-ce qu'ils

13 sont restés en liberté ou est-ce qu'ils ont été repris peu de temps après?

14 R: Eh bien, après leur évasion, ces gens-là se sont dirigés vers une

15 colline, non loin du KP Dom, et là-haut sur la colline il y avait un

16 village. Etait-il pris ou pas? Je ne sais pas. Mais je sais que parmi ces

17 prisonniers, il y avait des Musulmans qui ont été pris pour être retournés

18 évidemment au KP Dom.

19 Q: Vous venez de parler d'un certain village en surplomb du KP Dom. Les

20 habitants de ce village étaient de quelle appartenance ethnique?

21 R: C'était un village de Serbes et leur nom de famille était pour la

22 plupart Ivanovic.

23 Q: Le 8 avril 1992, est-ce que vous avez reçu des tâches particulières

24 qu'il vous fallait exécuter?

25 R: Oui, ce matin-là, une confusion générale régnait. On ne fonctionnait

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1 plus comme selon le plan prévu en temps normal, parce qu'il y avait des

2 gens qui avaient travaillé de suite pendant plus de 24 heures, faute de

3 cadres, de personnel pour remplir évidemment toutes ces équipes.

4 Et le 8 avril lorsque je suis venu à mon poste de travail, le directeur

5 chef de la section des gardes m'a tout simplement donné l'ordre de me

6 diriger vers le KP Dom pour femmes à Velecevo.

7 Q: Est-ce que vous êtes parvenu à Velecevo?

8 R: Non, j'ai pu venir moyennant la voiture de fonction jusqu'au KP Dom. Et

9 c'est là où des coups ont été tirés du haut de cette colline qui surplombe

10 le KP Dom. Nous avons tout simplement été obligés de rebrousser le chemin

11 pour regagner le KP Dom toujours en voiture.

12 Q: Comment s'appelle cette colline, ce mont dont vous venez de parler?

13 R: Je ne sais pas comment on l'appelle exactement, c'est une élévation qui

14 se trouve non loin du centre médical.

15 Q: Je vois. Et savez-vous qui avait ouvert le feu depuis cet endroit? Est-

16 ce que c'étaient des Serbes, des Musulmans ou d'autres personnes qui

17 l'avaient fait?

18 R: Oui, c'étaient des Serbes.

19 Q: Comment en êtes-vous si sûr?

20 R: Pour la plupart, c'étaient des Serbes qui habitaient ces endroits-là,

21 ces maisons là-haut sur la colline. Pour la plupart, c'étaient des Serbes.

22 Q: Quand avez-vous effectué votre dernière journée de travail au KP Dom?

23 R: Au KP Dom, j'ai travaillé, je crois, trois ou quatre jours en ce temps-

24 là. Je crois que c'était le 12 avril.

25 Q: Au cours de ces quatre journées, qu'avez-vous fait au KP Dom?

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1 R: Nous avons dû sécuriser d'abord les prisonniers et puis l'ensemble des

2 bâtiments, pris dans son ensemble, qui devaient être sécurisés, et c'était

3 bien de notre devoir qu'il s'agissait.

4 Q: Est-ce qu'il y avait des combats autour du KP Dom?

5 R: Non, autour du KP Dom, oui, mais pas dans l'enceinte du KP Dom.

6 Q: Les gardes, le personnel qui se trouvaient à l'époque au KP Dom, est-ce

7 que c'était un personnel mixte? Je parle ici d'appartenance ethnique

8 diverse?

9 R: Oui, à peu près, nous étions moitié, moitié. Enfin moitié de Serbes, et

10 l'autre moitié de Musulmans.

11 Q: Et même au cours de ces journées qui se sont déroulées entre le 8 et le

12 12 avril?

13 R: Oui, c'est bien de cela que je parle.

14 Q: Est-ce qu'il y a eu des combattants serbes ou musulmans ayant

15 participé à la guerre à Foca qui auraient été détenus dans les locaux du

16 KP Dom entre le 8 et le 12 avril?

17 R: Non, pas au KP Dom. Personne n'a été emmené, personne n'a été

18 écroué. Tout simplement, c'était la situation telle qu'elle était à cette

19 date-là, à savoir les prisonniers qui expiaient leur peine et nous autres

20 employés du KP Dom.

21 Q: Que s'est-il passé le 12 avril? Qu'est-ce qu'il s'est passé

22 qui a fait que vous avez cessé d'y travailler?

23 R: Le 12 avril a eu lieu l'évacuation des prisonniers en

24 direction du Monténégro sur ordre du directeur Tesovic. Ils avaient réussi

25 à en convenir avec les Musulmans de Donje Polje, à savoir sortir les

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1 prisonniers sous escorte des gardes serbes pour se diriger vers Velecevo

2 et continuer la route vers le Monténégro.

3 Q: Vous dites qu'ils avaient été escortés par des gardes serbes.

4 Pourquoi les gardes étaient-ils serbes?

5 R: Parce qu'ils devaient se rendre dans les quartiers de la

6 ville où l'autorité évidemment était contrôlée par les Serbes.

7 Q: Et comment s'appelait ce quartier en question?

8 R: A partir du centre-ville, à partir de Velecevo tout était sous

9 l'administration des Serbes.

10 Q: Les prisonniers, où sont-ils finalement arrivés après ce transfert?

11 R: Avec forces péripéties à travers le Monténégro, ils devaient être

12 installés à Spuz, il s'agit d'un KP Dom de Spuz près de Podgorica, mais là

13 on ne voulait pas d'eux, et puis après par le Monténégro et la Serbie. Ils

14 ont fini à Zvornik et c'est là qu'ils ont été remis aux Musulmans, les

15 Musulmans étant venus là de Tuzla pour les chercher, et ils ont fini

16 définitivement à la prison de Tuzla.

17 Q: Et qu'avez-vous fait une fois les prisonniers emmenés?

18 R: Après que les prisonniers étaient partis, restaient seuls les gardes et

19 les employés du personnel musulman et puis on s'est quittés. Moi, je me

20 suis dirigé vers Donje Polje pour regagner la maison de mes parents.

21 Q: Et combien de temps avez-vous passé à la maison de vos parents?

22 R: J'y suis resté deux ou trois jours, pas plus.

23 Q: Au cours de ces deux ou trois journées, est-ce qu'il y a eu des

24 combats?

25 R: Oui, il y avait des combats, mais pas dans cet endroit-là où je me

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1 trouvais à cette époque.

2 Q: Est-ce qu'il vous est arrivé de rejoindre les combattants?

3 R: Non encore que j'étais armé, je n'ai pas pris part à ces combats.

4 Q: Au cours de ces trois journées, est-ce que par exemple vous êtes allé

5 au KP Dom? Est-ce que vous vous êtes trouvé à l'intérieur de la prison au

6 cours de ces trois journées?

7 R: Oui, nous sommes retournés au KP Dom. Moi et puis une dizaine d'hommes

8 nous sommes retournés au KP Dom.

9 Q: Et qu'est-ce que vous y avez fait?

10 R: Rien, rien de spécial. J'ai dû tout simplement emmener ces gens-là là-

11 bas. Lorsque j'étais chez moi, on me posait la question s'il y avait

12 quelqu'un au KP Dom, j'ai répondu que non, alors il voulait savoir si je

13 voulais retourner au KP Dom. J'ai dit: "Pourquoi pas?" en réponse parce

14 qu'on risquait de voir les Serbes pénétrer dans le KP Dom, parce qu'ils

15 étaient non loin du KP Dom.

16 Q: Est-ce qu'au cours de ces trois journées, il y avait des combattants

17 serbes ou des civils serbes qui auraient été détenus au KP Dom?

18 R: Non, pendant ces deux ou trois jours je n'y étais pas, d'ailleurs

19 pendant trois journées. J'étais venu tout simplement pour rentrer le même

20 jour chez moi. Mais pendant que j'y étais, personne n'a été incarcéré.

21 Q: Savez-vous si au cours du mois d'avril 1992 il y a eu des Serbes qui

22 ont été détenus au KP Dom?

23 R: Autant que je sache, non.

24 Q: Vous avez déclaré qu'il n'y avait pas eu de combat à l'endroit, dans le

25 quartier où vous vous êtes trouvé. Mais est-ce qu'à partir de la mi-avril

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1 et au cours des jours suivants, est-ce qu'il y a eu des combats?

2 R: Oui, il y a eu des combats. Du haut des collines environnantes, cette

3 partie de la ville a été pilonnée souvent, pour ne pas dire tout le temps,

4 moyennant les mortiers. Et là où on pouvait parler de ligne, évidemment de

5 contact ou de démarcation, il y avait aussi des combats.

6 Q: Où se trouvait cette ligne de démarcation? Je parle de celle qui se

7 trouvait en ville?

8 R: Au sein de la ville, une ligne se trouvait auprès du centre médical

9 s'étendant jusqu'au pont et longeant la rivière Cehotina jusqu'au

10 confluent de Cehotina et de la Drina, là où celle-ci se jetait dans la

11 Drina.

12 Q: Est-ce que les maisons qui se trouvaient sur cette ligne de démarcation

13 ont été détruites au cours des combats?

14 R: Pour autant que je m'en souvienne, il y avait quelques maisons qui ont

15 été détruites.

16 Q: Est-ce que parmi ces maisons détruites, il y avait des maisons

17 appartenant aux Serbes?

18 R: Oui, il y avait aussi des maisons qui étaient la propriété de Serbes.

19 Q: Est-ce que la maison de l'accusé, Krnojelac, se trouvait dans cette

20 zone?

21 R: Oui, sa maison se trouvait à cet endroit-là.

22 Q: Est-ce que sa maison a été endommagée sinon détruite?

23 R: Je ne sais pas. Je ne m'y suis pas rendu. Je ne sais pas si la maison a

24 été endommagée.

25 Q: Du côté serbe, est-ce que les soldats étaient des gens originaires de

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1 la ville, de la défense territoriale ou est-ce qu'ils provenaient d'autres

2 régions de l'ex-Yougoslavie?

3 R: Il y avait un peu de tout, venant des autres régions de Yougoslavie,

4 mais il y avait aussi des citadins.

5 Q: Est-ce que vous pourriez être plus précis quand vous parlez des

6 personnes qui venaient d'autres régions? Est-ce que vous savez par hasard

7 qui étaient ces hommes et à quelles unités ils appartenaient?

8 R: Il y avait des gens du Monténégro et puis, venant de la Yougoslavie, il

9 y avait des membres du groupe d'Arkan, il y avait des Beli Orlovi, Aigle

10 blanc et d'autres unités. Enfin, je ne les connais pas toutes.

11 Q: Comment se fait-il que vous soyez au courant de tout cela? Est-ce que

12 vous les avez vus en train de livrer combat ou est-ce que vous en avez

13 entendu parler?

14 R: Non, j'en ai entendu parler. Je n'ai pas eu l'occasion de les voir

15 parce que je n'ai pas pris part au combat mais j'ai entendu dire par ceux

16 qui les avaient combattus et qui me disaient qu'il y avait des

17 Monténégrins, qu'il y avait des Serbes mais également qu'il y avait des

18 gens de la population locale.

19 Q: A quel moment les Musulmans se sont-ils repliés, retirés de Foca?

20 R: Autant que je sache, ça se passait du 15 au 16 avril.

21 Q: Et à quel moment avez-vous quitté Donje Polje?

22 R: J'étais resté à Donje Polje peut-être de deux à trois jours pour le

23 quitter ensuite.

24 Pendant un jour, il y avait une trêve à laquelle on était convenus, pour

25 ne pas s'échanger de tirs, pour qu'il y ait un cessez-le-feu, pour que la

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1 population civile, Serbes et Musulmans respectivement, puisse être

2 évacuée: les Serbes de Donje Polje, les Musulmans du centre-ville et de

3 Donje Polje. En cette journée-là, je me suis rendu à Podmusala où se

4 trouvait ma famille.

5 Q: Qu'avez-vous fait de votre arme? Est-ce que vous l'avez emportée?

6 R: Non, je n'ai pas osé porter d'armes, j'ai laissé mes armes à la maison

7 de mes parents.

8 Q: Qu'est-il advenu de la maison parentale? Est-ce qu'à un moment donné

9 elle a été détruite?

10 R: La maison de mes parents n'a été incendiée qu'en septembre 1992.

11 Q: Est-ce que c'était un incendie intentionnel?

12 R: Oui, oui c'est sûr.

13 Q: Comment en avez-vous entendu parler? Est-ce que vous l'avez vue en

14 proie aux flammes ou est-ce que vous l'avez vue alors qu'elle était

15 endommagée?

16 R: Oui, pendant une nuit, depuis le KP Dom, j'ai vu les flammes s'élever.

17 Je ne savais pas avec exactitude mais le lendemain lorsque je me suis un

18 peu inquiété et demandé au garde il me l'a confirmé.

19 Q: Et tout ce quartier de Donje Polje, que lui est-il arrivé?

20 R: Le majeure partie des maisons de Donje Polje ont été détruites,

21 incendiées, pillées.

22 Q: Comment le savez-vous?

23 R: Je sais parce que chaque jour il y avait du feu allumé quelque part.

24 Et vous savez lorsqu'une maison est incendiée, les flammes sont grandes.

25 On pouvait les repérer évidemment de très loin depuis l'endroit où j'étais

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1 à Podmusala.

2 Q: Au moment où vous avez vu ces maisons en flamme, est-ce qu'il y avait

3 des combats aussi?

4 R: Non, les maisons ont été incendiées pour la majeure partie des cas plus

5 tard lorsque j'étais déjà au KP Dom. Et pendant cette période-là où

6 j'étais à Podmusala, il n'y avait pas de combats, les Musulmans à cette

7 époque-là avaient déjà quitté les lieux et les Serbes n'avaient plus

8 personne à combattre dans Foca.

9 Q: Mais est-ce qu'il y avait d'autres quartiers plus particulièrement

10 musulmans à Foca?

11 R: Oui, il y en avait. A Codormahala, les Musulmans étaient en majorité. A

12 Aladza, il y avait également beaucoup de Musulmans résidents. A Cukovac,

13 en face, il y avait également beaucoup de Musulmans.

14 Q: Et qu'est-il advenu de ces quartiers musulmans?

15 R: Pour eux, on peut dire qu'ils étaient vraiment anéantis.

16 Q: Et plus particulièrement en ce qui concerne la mosquée?

17 R: Les mosquées jusqu'à la dernière ont été démolies, minées.

18 Q: Vous avez dit que les combats se sont arrêtés cinq à six jours plus

19 tard, qu'est-ce que vous avez fait, pourquoi est-ce que vous n'êtes pas

20 revenu au travail?

21 R: Je ne suis pas retourné parce qu'on ne m'a pas permis de me déplacer de

22 circuler.

23 Q: Qui vous a interdit de circuler librement?

24 R: Les Serbes qui se trouvaient dans la rue dans laquelle j'étais.

25 Q: Vous voulez dire vos voisins Serbes?

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1 R: Il y avait des voisins également, mais il y avait aussi ceux qui

2 n'étaient pas voisins mais que je connaissais de la ville.

3 Q: Ces personnes ou ces Serbes qui vous ont interdit de circuler librement

4 est-ce qu'ils vous ont donné un ordre officiel? Est-ce que c'étaient des

5 soldats qui vous ont interdit cela?

6 R: Ils étaient tous armés, ils portaient des uniformes de camouflage,

7 j'avais pris leur avertissement très aux sérieux.

8 Q: Et qu'en est-il des membres de votre famille, est-ce qu'ils sont

9 retournés au travail? Est-ce qu'ils ont pu circuler librement?

10 R: Non, mon épouse de toute façon ne travaillait pas avant la guerre, et

11 elle pouvait circuler librement, elle pouvait se rendre au marché. Les

12 femmes avaient la permission de circuler librement en fait du moins

13 jusqu'au marché pour acheter certaines choses, cela leur était permis.

14 Q: Et qu'en est-il pour les hommes? Vous nous avez dit que vous n'aviez

15 pas la permission de circuler, mais qu'en est-il pour les autres hommes?

16 R: C'était la même chose. Les hommes, les Musulmans n'avaient pas le droit

17 de circuler librement dans la ville.

18 Q: Et qu'en est-il des hommes serbes, est-ce que, eux, ils avaient le

19 droit de circuler librement?

20 R: Oui, bien sûr ils se promenaient librement.

21 Q: Alors que vous étiez dans la maison, est-ce que votre maison a été

22 fouillée à quelque moment que ce soit ou a fait l'objet d'une

23 perquisition?

24 R: A plusieurs reprises, ils sont venus fouiller ma maison.

25 Q: Quand vous parlez de "ils", de qui parlez-vous?

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1 R: Les soldats serbes, j'entends par là.

2 Q: Et que cherchaient-ils?

3 R: Ils cherchaient des armes, de l'argent, des bijoux et ce genre d'objet-

4 là.

5 Q: Est-ce que des objets de valeur vous ont été enlevés?

6 R: Non, ils ne m'ont rien enlevé.

7 Q: Et qu'en est-il des autres?

8 R: Plus tard, j'ai entendu parler d'autres personnes qui étaient détenues

9 que lors de la perquisition de leur demeure, il arrivait que l'on prenne

10 de l'argent et des objets de valeur.

11 Q: A quel moment est-ce que vous avez été arrêté?

12 R: J'ai été arrêté le 20 mai 1992.

13 Q: Vous souvenez-vous quelle heure de la journée c'était?

14 R: Le matin, très tôt le matin, il était peut-être 9 heures, 9 heures 30.

15 Q: Et à quel endroit étiez-vous quand vous avez été arrêté?

16 R: Dans la maison.

17 Q: Qui vous a arrêté?

18 R: C'étaient des serbes de Foca qui m'ont arrêté, ils se sont présentés

19 comme étant des membres de la police militaire.

20 Q: Est-ce qu'ils portaient un uniforme spécial ou particulier?

21 R: Oui, ils portaient tous des uniformes de camouflage.

22 Q: Vous avez dit que c'étaient des personnes originaires de la région,

23 est-ce que vous les connaissiez?

24 R: Oui, pour la plupart je les connaissais.

25 Q: Pourriez-vous me dire ou pourriez-vous nous dire qui vous a arrêté?

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1 R: Oui certainement, l'un d'eux s'appelait Zoran Vukovic, il y avait

2 également Slavisa Jojic, il y avait également Sasa, et ainsi de suite. En

3 fait, je connaissais la plupart de ces hommes, il y avait également un

4 Filipovic, les deux frères le plus âgé.

5 Q: Est-ce qu'ils avaient un mandat d'arrestation émis contre vous?

6 R: Non pas du tout, il se sont présentés à la porte, ils m'ont simplement

7 dit de me préparer et de les suivre.

8 Q: Est-ce qu'ils avaient quelques documents que ce soit par écrit,

9 document écrit avec eux?

10 R: Ils avaient un papier sur lequel figuraient des noms, c'est ce que

11 j'avais pu apercevoir et c'étaient des noms manuscrits et ils encerclaient

12 les noms; certains noms étaient, d'autres non.

13 Q: Est-ce que vous pouviez voir combien de noms figuraient sur cette

14 liste?

15 R: Il y avait peut-être une quinzaine de noms ou 16 noms. Il n'y avait pas

16 plus de noms que cela.

17 Q: Est-ce que vous avez vu votre propre nom sur la liste?

18 R: Non, mon nom ne figurait pas mais il y avait quand même mon surnom.

19 Q: Est-ce que les soldats vous ont dit pourquoi vous avez été arrêté?

20 R: Non, ils ne m'ont rien dit. Ils m'ont simplement dit de me préparer et

21 de les suivre.

22 Q: Est-ce que vous avez découvert à quelque moment que ce soit quelles

23 étaient les accusations qui pesaient contre vous?

24 R: Non, personne ne m'a jamais rien dit concernant la raison de mon

25 arrestation et la raison pour laquelle j'ai été emmené au KP Dom.

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1 Q: Est-ce que vous êtes la seule personne qui s'est fait arrêter cette

2 fois-là?

3 R: Non, je crois que nous étions cinq ce matin-là, cinq personnes de la

4 même rue, et on avait tous été emmenés au KP Dom.

5 Q: Pourriez-vous nous donner les noms des autres personnes qui se sont

6 fait arrêter avec vous?

7 R: Il y avait donc moi-même, Karabegovic Dzenan, il y avait Zekovic Ekrem,

8 et il y avait également Said. Je ne me souviens pas de son nom de famille,

9 et il y avait également Krso, je ne me souviens pas non plus de son nom de

10 famille.

11 Q: Est-ce que c'étaient tous des hommes musulmans?

12 R: Oui, c'étaient tous des Musulmans.

13 Q: Est-ce que c'étaient des civils?

14 R: Oui, toutes les personnes étaient des civils.

15 Q: Est-ce que vous étiez civil également?

16 R: Oui, j'étais également un civil.

17 Q: Y avait-il quelque chose de particulier, savez-vous, ces autres hommes

18 qui se sont fait arrêter, pour que vous vous soyez fait arrêter? Y avait-

19 il donc une raison particulière ou est-ce que vous avez quelque chose en

20 commun?

21 R: Eh bien, ce que nous avions en commun, c'est que nous étions tous

22 Musulmans.

23 Q: A quel endroit avez-vous été emmenés?

24 R: Nous avons été emmenés au KP Dom.

25 Q: Et combien de temps êtes-vous restés détenus au KP Dom?

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1 R: Jusqu'au 6 octobre 1994.

2 Q: Qu'en est-il des autres hommes qui se sont fait arrêter avec vous?

3 Combien de temps ont-ils été détenus et quel est le sort qui leur a été

4 réservé?

5 R: Ekrem Zegovic est resté le temps que j'y étais et Said a été échangé.

6 Je l'ai vu par la suite après la guerre, il avait été échangé un peu plus

7 tôt. Et en ce qui concerne Krso et Karabegovic, ils sont portés disparus.

8 Q: Lorsque vous êtes arrivés au KP Dom, qui vous a reçu?

9 R: A la réception, il y avait Koroman Slavko, c'était un gardien et en

10 fait avant la guerre il était chef des gardiens.

11 Q: Il était Serbe?

12 R: Oui, il était Serbe.

13 Q: Quand vous êtes arrivés KP Dom, est-ce que vous avez été enregistrés?

14 R: Non, ils n'ont pas enregistré nos noms.

15 Q: Est-ce que vous avez été fouillés?

16 R: Oui, ils nous ont fouillés.

17 Q: Est-ce que des objets vous ont été enlevés?

18 R: Non, on ne m'a rien enlevé sur ma personne et en ce qui concerne les

19 autres je crois que personne n'a rien enlevé des autres personnes non

20 plus.

21 Q: De quelle façon est-ce que votre ancien collègue Koroman se comportait

22 envers vous?

23 R: Il était surpris lorsqu'il m'a vu. Il m'a demandé comment j'allais. Et

24 il m'a dit: "Mais pourquoi est-ce qu'ils t'ont emmené ici? Tu ne devrais

25 pas être ici!", et donc j'ai vu qu'il était très surpris.

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1 Q: Avec l'aide de l'huissier, je souhaiterais vous présenter les dessins

2 que nous avons reçus ce matin ou les croquis.

3 Comme premier document, j'aimerais que l'on présente au témoin le croquis

4 portant la cote 6,6/1.

5 (L'huissier s'exécute.)

6 Monsieur le témoin, il s'agit d'un plan du premier étage du bâtiment

7 administratif. Pourriez-vous nous montrer…

8 M. le Président (interprétation): Je ne crois pas qu'il s'agisse du

9 premier étage mais du rez-de-chaussée, n'est-ce pas?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, c'est vrai.

11 M. le Président (interprétation): Nous ne sommes pas en Amérique.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, nous parlons vraiment du rez-de-

13 chaussée. Etes-vous en mesure de vous orienter en vous basant sur ce plan,

14 il s'agit du rez-de-chaussée du bâtiment administratif.

15 Pourriez-vous nous montrer à quel endroit vous avez été reçu quand vous

16 êtes arrivés ou est-ce qu'on vous a emmenés? Et pourriez-vous nous montrer

17 à l'aide du pointeur sur le rétroprojecteur?

18 Témoin 139 (interprétation): C'est là que je suis entré, ce sont les

19 portes d'entrer du KP Dom.

20 Q: Où est-ce qu'on vous a emmenés pas la suite?

21 R: Il y a une entrée ici qui mène vers une pièce qui sépare les deux

22 bâtiments et il y a un portail ici au coin et c'est par là qu'on pouvait

23 entrer à l'intérieur du KP Dom.

24 Q: Vous souvenez-vous dans quelle pièce vous avez été placé?

25 R: Eh bien, on m'a emmené, j'ai traversé la cour et on m'a emmené au

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1 bâtiment n°2 dans la pièce n°18.

2 Q: Avec l'aide de l'huissier, je souhaiterais maintenant qu'on montre au

3 témoin le plan portant la cote 6/3.

4 (L'huissier s'exécute.)

5 Témoin, il s'agit d'après la personne qui a confectionné ce croquis, il

6 s'agit bien d'un plan du premier étage des installations où se trouvaient

7 les prisonniers, les détenus. Nous apercevons également le n°18, est-ce

8 que c'est exact? Est-ce bien là que vous avez été emmené?

9 M. le Président (interprétation): Je crois que vous pouvez l'aider

10 puisqu'il n'y a absolument aucune contestation concernant ceci lorsque le

11 document a été versé au dossier avec le témoin précédent.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Eh bien, s'il n'y a aucune

13 contestation, je n'ai pas besoin de le répéter, je ne savais pas s'il y

14 aurait une contestation mais s'il n'y a aucun problème concernant la

15 contestation, nous n'avons pas besoin de demander à ce témoin.

16 M. le Président (interprétation): La seule contestation qui a existé

17 concernant ces plans, c'était le rez-de-chaussée. Ce n'est pas contesté,

18 c'est simplement qu'il n'y a aucune preuve à cet effet. Et s'il n'y a pas

19 eu de contestation préalable, vous pouvez donc poursuivre avec la

20 présomption qu'il n'y a aucune contestation.

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, très bien. Maintenant, pourriez-

22 vous revenir, s'il vous plaît, au premier croquis. Il s'agit bien du

23 croquis 6/1.

24 Monsieur le Témoin, si vous regardez ce rez-de-chaussée du bâtiment

25 administratif, au début vous nous avez expliqué que vous étiez la personne

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1 en charge du service des visiteurs ou de la partie où étaient reçus les

2 visiteurs, pourriez-vous nous montrer quelle était ou où se trouvait cette

3 section réservée aux visiteurs?

4 Témoin 139 (interprétation): Voici le bureau dans lequel je travaillais,

5 et mon collègue qui travaillait avec moi se trouvait également dans la

6 même pièce. Les deux pièces adjacentes sont deux petites pièces, c'est là

7 que les détenus recevaient leurs visites et c'étaient des visites privées,

8 c'est là qu'ils recevaient leur épouse. Et la troisième pièce est un peu

9 plus grande, en fait c'était une salle qui était réservée aux visites de

10 famille donc aux visites collectives.

11 Q: Et ces pièces, est-ce qu'elles étaient dotées de fenêtres qui donnaient

12 sur la cour?

13 R: Vous parlez de la cour intérieure du KP Dom?

14 Q: Et depuis la pièce 18 dans laquelle vous avez été détenu, est-ce que

15 vous pouviez regarder par ces fenêtres pour voir ce qui passait dans les

16 salles où les personnes recevaient leurs visites?

17 R: Oui, on pouvait apercevoir les fenêtres de ces pièces-là.

18 Q: Oui, très bien, vous pouviez voir les fenêtres en tant que telles, mais

19 par ces fenêtres-là est-ce qu'il vous arrivait de pouvoir voir à

20 l'intérieur des pièces qui se trouvaient derrière ces fenêtres?

21 R: Non, ce n'était pas possible de voir à l'intérieur puisque les vitres

22 étaient teintées, elles étaient non transparentes, elles étaient opaques.

23 Q: Et il y a une autre question que je voulais vous poser par rapport au

24 rez-de-chaussée du bâtiment administratif. Est-ce qu'il y avait une pièce

25 dans le bâtiment administratif où vous pouviez placer les détenus qui

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1 étaient agressifs ou qui étaient ivres?

2 R: Oui, il y avait une pièce qui était réservée à ces fins-là et elle se

3 trouvait dans le bâtiment à gauche ici. C'est très bien dessiné ici. Alors

4 derrière cette pièce qui était réservée aux gardiens, il y avait une pièce

5 avec des casiers, et juste après cette pièce-là il y avait cette pièce

6 réservée à ces fins-là.

7 Q: Donc, c'est la troisième pièce à compter du coin gauche du bâtiment.

8 Est-ce qu'il s'agissait de la deuxième ou de la troisième pièce, si l'on

9 compte à partir de la gauche du bâtiment. Je ne suis pas certaine si je

10 vous comprends bien mais pourriez-vous, s'il vous plaît, vous rendre à la

11 fin du bâtiment et compter?

12 R: Eh bien, je vais commencer à compter à partir de l'entrée du bâtiment.

13 Vous voyez, il y a un escalier vers la personne qui était de service, le

14 gardien du KP Dom. Derrière cette pièce-là se trouve une entrée qui mène

15 vers le couloir et qui se rend jusqu'au bout de ce bâtiment. A partir de

16 ce couloir-là, on peut pénétrer dans la pièce de la personne qui est de

17 service, ça c'est la deuxième pièce. Ensuite, il y a une garde-robe ou une

18 pièce où les gardiens se changeaient. Et il y a une troisième pièce ici et

19 c'est donc cette troisième pièce de laquelle vous parlez, c'est là que

20 nous gardions ces personnes qui revenaient de leur fin de semaine, ils

21 étaient en état d'ébriété, nous les gardions là afin qu'ils puissent

22 revenir à eux.

23 Q: Et donc est-ce que ces fenêtres-là donnaient sur la rue?

24 R: Oui. Quoiqu'au moment où la pièce avait été faite, il n'y en avait pas.

25 Je ne sais pas à quel moment on a construit cette pièce mais je sais

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1 qu'elle avait été construite peut-être quatre ou cinq ans avant la guerre

2 et cette fenêtre-là avait été fermée.

3 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, nous rencontrons

4 le même problème que nous avons déjà rencontré auparavant. Comme vous

5 voyez, le pointeur bouge et nous sommes en arrière avec la traduction.

6 Alors, est-ce que nous pouvons être d'accord qu'il s'agissait de la

7 troisième pièce à partir de la gauche où les prisonniers étaient placés

8 lorsqu'ils revenaient de leur week-end et qu'ils étaient en état

9 d'ébriété?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, justement, c'est la raison pour

11 laquelle je voulais que le témoin nous montre et compte à partir de la

12 gauche.

13 M. le Président (interprétation): Oui, mais cela ne nous aide pas

14 énormément puisque le pointeur ne coïncide pas avec la traduction ou

15 l'interprétation. Donc, est-ce que vous savez quelle est la réponse à

16 cette question?

17 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, je crois que oui.

18 M. le Président (interprétation): C'est donc la troisième pièce à partir

19 de la gauche? On va lui demander. Monsieur, est-ce qu'il s'agit bien de la

20 troisième gauche à partir de la gauche qui fait face à la rue?

21 Témoin 139 (interprétation): Oui.

22 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Simplement pour clarifier les choses,

23 lorsque vous regardez ce plan, est-ce qu'il s'agit bien de la troisième

24 pièce qui se trouve à partir de la gauche et qui fait face à la rue?

25 R: Oui, c'est la troisième pièce à partir de la gauche.

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1 Q: Et donc y avait-il quelque chose dans cette pièce qui pouvait faire en

2 sorte pour maîtriser un détenu agressif?

3 R: Dans la pièce, il n'y avait absolument aucun meuble. La pièce était

4 composée de quatre murs et il y avait eu une porte, le plancher était fait

5 en béton et sur ce plancher-là je crois qu'il y avait deux anneaux en

6 métal et c'est là qu'on attachait ce genre de personnes.

7 Q: Je souhaiterais maintenant vous montrer quelques photographies,

8 simplement pour pouvoir donner à la Chambre l'impression des lieux. De

9 nouveau, ce sont les photographies 7445, alors on parle de la pièce cotée

10 18.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 Est-ce qu'il s'agit bien du couloir qui menait vers votre bureau et les

13 pièces réservées aux visiteurs?

14 R: Oui. A partir de l'entrée du KP Dom, à droite, si on longe le couloir,

15 c'est la première porte à droite. Voilà, c'est cette porte-ci. Et voici,

16 c'est la porte du bureau dans lequel je travaillais.

17 Q: Quand le directeur voulait se diriger vers son bureau, est-ce qu'il

18 devait passer par là?

19 R: Oui, il fallait qu'il passe par là.

20 Q: Merci. Je souhaiterais maintenant vous montrer la photographie cotée

21 7477.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 Est-ce que c'est bien la vue que les détenus avaient de la pièce 16 ou 18?

24 Donc la pièce des visiteurs est la porte de métal?

25 R: Oui, c'est cette porte en métal qui permettait de pénétrer dans la cour

Page 328

1 de la prison. Voici la fenêtre du bureau dans lequel je travaillais. Voici

2 les deux autres fenêtres qui se trouvaient dans les pièces réservées aux

3 visiteurs.

4 Q: Très bien. Mais que pensez-vous, quelle était la distance des pièces 16

5 et 18 du bâtiment servant aux détenus et ces fenêtres-là?

6 R: Je ne sais pas exactement quelle était la distance, mais à vol d'oiseau

7 je dirais que la distance devait être de 30 à 40 mètres, pas plus.

8 Q: Oui, très bien. J'aurai une dernière photographie pour vous, il s'agit

9 de la photographie 7512.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 Il s'agit du n°1 et 2, ce sont bien les pièces qui servaient aux détenus?

12 R: Oui.

13 Q: Pourriez-vous nous montrer où se trouvait la pièce n°18, la pièce dans

14 laquelle vous avez été détenu?

15 R: Eh bien, voici les fenêtres de la pièce 18.

16 Q: Oui, très bien, merci. Vous nous avez dit que la pièce 18 finalement

17 était composée d'une série de pièces. Quelles étaient les installations

18 sanitaires que vous aviez dans la pièce 18?

19 R: Toutes ces pièces-là étaient dotées de toutes les installations

20 sanitaires pour les détenus qui séjournaient dans ces pièces-là. Donc il y

21 avait également des urinoirs.

22 Q: Et y avait-il également des douches dans ces pièces-là?

23 R: Non, il n'y avait pas de douche. Il y avait des lavabos.

24 Q: Où se trouvaient les cellules d'isolement, de secret?

25 R: En face de la pièce 16, donc elles étaient situées dans l'autre

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1 bâtiment c'est-à-dire dans l'aile droite au rez-de-chaussée.

2 Q: Et combien de cellules d'isolement se trouvaient à cet endroit?

3 R: Ce sont des cellules d'isolement ou secret, je crois qu'il y en avait

4 six, donc trois de chaque côté.

5 Q: Je vais montrer les photographies un peu plus tard. Lorsque vous êtes

6 arrivé dans la pièce n°18, est-ce qu'il y avait des détenus qui étaient

7 déjà dans cette pièce?

8 R: Oui. J'étais parmi les derniers à se faire emmener, donc la pièce était

9 déjà pleine de personnes.

10 Q: Et combien y avait-il de personnes dans cette pièce lorsque vous êtes

11 arrivé?

12 R: Dans cette pièce-là, il y avait environ 70 personnes.

13 Q: Est-ce que vous les connaissiez d'avant la guerre?

14 R: Certaines personnes, je les connaissais, d'autres non.

15 Q: Est-ce que vous avez trouvé à quelque moment que ce soit ou découvert à

16 quelque moment que ce soit quelle était leur appartenance ethnique?

17 R: Pour la plupart, pour 99% des personnes, ils étaient Musulmans.

18 Q: Et quelles étaient leur tranche d'âge?

19 R: Il y avait des adolescents jusqu'aux personnes âgées, jusqu'à 70 ans.

20 Donc toutes les tranches d'âge étaient représentées.

21 Q: Quel était l'état de santé de ces personnes? Est-ce qu'il y avait des

22 personnes malades parmi ces détenus qui étaient placés dans la pièce n°18?

23 R: Il y en avait qui étaient des malades dans cette pièce.

24 Q: Lorsque vous dites que 99% d'entre eux étaient des Musulmans,

25 s'agissant de l'autre pourcent qui demeure, de quelle appartenance

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1 ethnique étaient ces personnes?

2 R: Si c'était de l'ordre d'un pourcent au moins, je ne sais pas mais il y

3 avait quelques personnes qui étaient de nationalité croate.

4 Q: Mais il n'y avait pas de Serbes parmi vous?

5 R: Non, aucun d'entre eux n'était Serbe.

6 Q: Est-ce que vous avez été en mesure d'estimer le nombre total de détenus

7 dans ce bâtiment A, dans tout ce qui était les lieux où se trouvaient les

8 détenus?

9 R: Il devait y avoir certainement plus de 600 détenus.

10 Q: Sur quoi vous basez-vous pour faire cette estimation?

11 R: Eh bien, lorsque les prisonniers sortaient pour déjeuner, pour prendre

12 leur repas, on faisait en sorte que les détenus par chambre sortent les

13 uns après les autres. Et il nous a été évidemment interdit de les

14 approcher mais nous avons tout de même essayé de les décompter un peu.

15 Nous sommes parvenus au chiffre de 600, peut-être un peu plus, mais nous

16 n'avons jamais pu vraiment bien faire le compte pour constater le chiffre

17 exact.

18 Q: Est-ce que vous connaissiez beaucoup de ces détenus pour les avoir

19 rencontrés auparavant?

20 R: Oui, j'en connaissais pas mal pour ce qui est de ceux qui venaient de

21 la ville. Je connaissais personnellement la majeure partie des citoyens de

22 Foca.

23 Q: Vous avez donc vu des détenus que vous connaissiez. Ces personnes

24 étaient-elles des personnes civiles?

25 R: Oui, tous étaient des civils.

Page 331

1 Q: Combien de temps avez vous passé dans la salle 18?

2 R: Jusqu'en janvier ou février 1993, je ne me souviens pas très

3 exactement. Je sais que c'était un hiver bien rigoureux, il a fait très

4 froid, je crois que c'était en janvier ou février.

5 Q: Et dans quelle autre salle avez-vous été emmené par la suite?

6 R: A ce moment-là, on m'a déplacé à la pièce 21, c'est une petite pièce.

7 Q: Et pourquoi y a-t-il eu ce transfert dans la pièce 21?

8 R: Eh bien, il y avait eu des situations dans lesquelles les gens avec qui

9 on partageait la salle n°18 avaient des problèmes avec des Serbes qui se

10 trouvaient détenus pour ainsi dire à la salle 19. Ils n'étaient pas

11 vraiment détenus parce qu'ils étaient libres de circuler. Ils

12 s'échangeaient enfin de l'argent et quelques pièces de valeur contre

13 cigarettes avec ces gens-là.

14 Et moi, j'ai été choisi parmi ces gens-là de la salle 18 pour me charger

15 de l'ordre et de la discipline, au moins c'est ce qu'on m'a dit pour en

16 être responsable.

17 Et lorsque cet événement s'est produit, on m'a convoqué, j'ai dû faire

18 rapport là-dessus. J'ai été ensuite enfermé dans un secret, une cellule de

19 secret et puis après le lendemain j'ai été transféré à la salle 21.

20 Q: Vous dites qu'on vous a appelé pour un interrogatoire. Qui vous a

21 appelé et avec qui avez-vous appelé pour cet interrogatoire ou entretien?

22 R: J'ai été appelé par un des gardes qui est venu pour m'amener au rez-de-

23 chaussée au bureau des gardes de ce bâtiment et c'est dans cette pièce-là,

24 dans ce bureau-là que (expurgé) m'a interrogé.

25 Q: Mais il va falloir que je vous remontre ce croquis. Pour cela, je vais

Page 332

1 demander l'aide de l'huissier. Le croquis qui porte la cote B6/3.

2 (L'huissier s'exécute.)

3 Vous avez déclaré que les prisonniers serbes se trouvaient dans la salle

4 19. Elle est donc cette salle 19 au même niveau que celle dans laquelle

5 vous vous êtes trouvé, vous, dans la salle 18, n'est-ce pas?

6 R: Oui.

7 Q: Ces personnes serbes qui avaient été arrêtées ou condamnées, quand

8 sont-elles arrivées à la prison?

9 R: Ces gens-là ne sortaient pas de la prison, c'étaient les prisonniers

10 d'avant la guerre et qui étaient de nationalité serbe et anciens résidents

11 de l'intérieur de la Bosnie. Et par conséquent, étant donné les

12 événements, ils étaient empêchés de regagner leur domicile et ils sont

13 restés là-bas.

14 Q: Mais vous nous avez dit au début de votre déposition que tous les

15 prisonniers avaient été mutés à Tuzla. Est-ce que vous avez oublié ces

16 quelques prisonniers ou est-ce qu'il y a malentendu entre nous?

17 R: C'est peut-être un malentendu, ces gens-là sont restés pour ne jamais

18 quitter le KP Dom, au début je veux dire.

19 Q: Par conséquent, ils s'y trouvaient déjà avant que la guerre n'éclate?

20 R: Oui, ils s'y trouvaient avant l'éclatement de la guerre et lorsque des

21 prisonniers ont été transportés vers le Monténégro et Tuzla, ils sont

22 venus jusqu’à Velecevo pour y rester. Il s'agit de ces gens-là qui étaient

23 de nationalité serbe, ils sont bien restés à Velecevo.

24 Plus tard, lorsque le KP Dom a été pris et puis l'ensemble de la ville de

25 Foca, ces gens-là retournent maintenant de Velecevo au KP Dom.

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1 Q: Est-ce qu'ils ont toujours été détenus dans une pièce séparée,

2 notamment dans la salle 19?

3 R: Oui, ils étaient toujours séparés de nous. Il ne leur a jamais été

4 permis non plus qu'à nous de contacter les uns avec les autres.

5 Q: Je vais demander une fois de plus l'aide de l'huissier, pour que vous

6 soit montré le croquis P6/4.

7 (L'huissier s'exécute.)

8 Là, vous voyez la salle 21; elle était plus petite celle-là, n'est-ce pas?

9 R: Oui. Dans cette aile du bâtiment, les pièces étaient moins grandes de

10 par leur surface.

11 Q: Combien de détenus y avait-il dans cette salle au moment où vous avez y

12 été emmené?

13 R: Nous y étions de 12 à 15 personnes, évidemment ce chiffre évolué.

14 Q: Si je vous ai bien compris, Monsieur le témoin, c'était une sanction,

15 une punition que d'être emmené dans cette salle 21. Ou est-ce que je vous

16 ai mal compris? Ou est-ce que c'était véritablement une punition?

17 R: Je ne peux pas parler pour les autres parce qu'eux ils étaient séparés

18 d'avant et nous, de la salle 18, nous savions très bien qu'ils étaient

19 séparés, par suite évidemment d'une punition ou d'autres raisons, je ne le

20 sais pas. Quant à moi, lorsque j'étais venu là-bas, ce n'était pas par

21 punition pour parler d'eux. Mais quant à moi, évidemment j'ai été puni,

22 personnellement je crois que j'ai été puni.

23 Q: Quel genre de détenus y avait-il dans cette salle 21, est-ce que vous

24 pourriez les décrire et nous dire pourquoi ils avaient été séparés des

25 autres?

Page 334

1 R: Je ne sais pas pour quelles raisons ils avaient été séparés, mais en

2 tout cas c'étaient tous des notables de la ville de Foca, tous des gens

3 ayant une formation universitaire. Parmi eux, les anciens directeurs,

4 médecins, professeurs; seuls deux détenus parmi eux avaient une formation

5 secondaire en médecine et moi.

6 Q: Vous et les autres détenus de la salle 21, est-ce que vous avez été

7 repris dans les listes du CICR à un moment donné, enregistrés en tant que

8 tels?

9 R: Non, pour parler de notre groupe lorsqu'une délégation du CICR venait,

10 on nous sortait de cette pièce vers nos postes de travail. Pendant une

11 période de six mois, nous n'avons pas été enregistrés parce que nous avons

12 été cachés.

13 Q: Les autres détenus, ceux qui n'étaient pas dans la salle 21, à quel

14 moment ont-ils été enregistrés par le CICR?

15 R: Le même jour.

16 Q: Quel même jour? Soyez précis, s'il vous plaît.

17 R: En décembre 1993.

18 Q: En d'autres termes, vous avez été enregistrés dans les listes du CICR

19 en décembre 1993, mais qu'en était-il des autres détenus du KP Dom? A quel

20 moment, eux, ont-ils été enregistrés, repris sur ces listes du CICR?

21 R: Les autres ont dû être enregistrés en juin 1993.

22 Q: Combien de temps avez vous passé dans la salle 21?

23 R: Dans la salle 21, on est restés jusqu'au printemps 1993, moment où on a

24 été une fois de plus transférés dans la salle n°15 qui se trouvait dans

25 l'autre bâtiment.

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1 Q: Quelle a été la raison de ce transfert-ci?

2 R: Au printemps de cette année-là, un bon nombre de prisonniers serbes a

3 été emmené, il me semble qu'ils étaient venus de Bileca; et en vue de nous

4 séparer les uns des autres, nous étions transférés dans l'autre bâtiment

5 pour qu'ils restent évidemment dans le bâtiment, c'est la seule raison de

6 ce transfert.

7 Q: Ces Serbes de Bileca, est-ce que c'étaient des gens qui avaient été

8 condamnés?

9 R: Oui, c'étaient tous des prisonniers serbes.

10 Q: Est-ce que vous avez été détenus séparément de ces autres Serbes? Je ne

11 parle pas de vous mais est-ce que les Musulmans étaient séparés des

12 Serbes?

13 R: Oui, tous les Musulmans étaient tenus à l'écart, on ne nous a permis

14 aucun contact avec d'autres condamnés, d'autres prisonniers.

15 Q: Du fait de votre activité antérieure et des périodes antérieures de

16 détention, est-ce que vous pouvez nous dire si les détenus qui se

17 trouvaient à l'étage supérieur du bâtiment des prisonniers, est-ce que ces

18 prisonniers-là se trouvant à cet endroit pouvaient voir le pont enjambant

19 la rivière de la Drina, de là?

20 R: Oui. Les pièces qui se trouvaient les plus élevées du bâtiment, ce sont

21 les pièces 22 et 23. Autant que je puisse le savoir, je n'y étais pas à ce

22 moment-là mais j'y étais avant, par conséquent je sais qu'à partir de ces

23 pièces-là, on peut voir une partie -peut-être presque la moitié- du pont

24 sur la Drina par la fenêtre. On peut même regarder aussi couler la rivière

25 Drina.

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1 Q: Est-ce que ce pont était suffisamment large pour y laisser passer les

2 voitures?

3 R: Oui, parce que dans le temps c'était le seul pont qui enjambait la

4 rivière dans notre ville. Avant la construction d'un nouveau pont près de

5 la mairie, ce pont était également utilisé pour le transport routier.

6 Q: Est-ce que la rivière est profonde à cet endroit-là en dessous de ce

7 pont?

8 R: Probablement que la rivière doit être profonde auprès des supports des

9 ponts, mais pour le reste du cours d'eau, ça varie de 1 mètre à 1 mètre

10 20. Vous savez, c'est une rivière à courant très rapide. Voilà ce que je

11 peux dire pour sa profondeur.

12 Q: Selon vous, quelle est la distance qui sépare le bâtiment où se

13 trouvaient les prisonniers, donc les salles 22 et 23, et le pont?

14 R: A vol d'oiseau, il ne devait pas y avoir plus de cent mètres

15 approximativement.

16 Q: Avant de quitter ce bâtiment, j'aimerais vous remontrer… Excusez-moi,

17 j'ai oublié un élément. Je vais demander l'aide de l'huissier pour que

18 vous soit montré le croquis portant la cote P6/3.

19 (L'huissier s'exécute.)

20 Le deuxième étage du bâtiment administratif, le voici. Pourriez-vous nous

21 indiquer où se trouvait, à ce deuxième étage, le bureau du directeur?

22 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas de contestation à ce

23 propos?

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, je voudrais lui poser une

25 question connexe, à laquelle ne pouvait pas répondre le témoin précédent.

Page 337

1 M. le Président (interprétation): Posez une question plus précise parce

2 qu'il n'y a pas de contestation.

3 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui. Depuis l'entrée du bâtiment

4 jusqu'au côté droit, donc si vous examinez cette section-là du bâtiment,

5 pourriez-vous nous indiquer où se trouve le bureau du directeur?

6 Témoin 139 (interprétation): Le bureau du directeur se trouvait dans ce

7 bâtiment-là, c'est à peu près ce que je suis en train de pointer. C'est là

8 où se trouvait le bureau.

9 Q: D'accord. Où se trouvait, où séjournait le directeur-adjoint?

10 R: Entre le bureau du directeur et celui de son adjoint se trouvait le

11 bureau de leur secrétaire. Et c'est par ce bureau-là qu'on entrait dans le

12 bureau du directeur-adjoint.

13 Q: Pour ce qui est du bureau suivant, qui l'occupait?

14 R: Vous pensez à celui-là, celui que je viens de montrer?

15 Q: Oui.

16 R: Je pense que c'était le bureau du chef chargé des activités

17 économiques, de l'activité économique. Je ne suis pas sûr.

18 Q: Merci, Monsieur l'huissier.

19 Monsieur le témoin, pourriez-vous nous parler et nous décrire le mobilier

20 du bureau du directeur? Ce qui m'intéresse, ce sont les mois qui ont

21 directement précédé la guerre.

22 R: Il y avait des meubles de luxe, je dirais, un bureau, son bureau de

23 travail et puis après un autre, un très grand bureau, une table autour de

24 laquelle plusieurs personnes pouvaient s'asseoir et où le collège a tenu

25 ses réunions ou bien où le directeur recevait ses visiteurs.

Page 338

1 Q: Mais est-ce qu'il y avait aussi, disons, soit un lit, soit un divan, un

2 endroit où on pouvait dormir dans le bureau?

3 R: Je ne me souviens pas qu'il y avait des meubles de ce genre-là mais il

4 y avait des fauteuils, vraiment des meubles de luxe très bien aménagés.

5 Peut-être que oui mais si oui, je ne m'en souviens pas.

6 Q: S'agissant des normes de sécurité appliquées au KP Dom, au cours de

7 votre détention est-ce que les mêmes règles et les mêmes normes étaient

8 appliquées qu'avant la guerre?

9 R: Non, ce n'était pas le même règlement.

10 Q: Qu'est-ce qui était différent?

11 R: Il y avait avant la guerre un système bien rôdé. Pour parler de la

12 sécurité du KP Dom, il y avait ces guérites au haut des murs et puis la

13 garde de nuit. Pour parler de l'extérieur des murs et de l'intérieur,

14 évidemment la garde était montée par les chiens de garde.

15 Et au moment où j'ai été détenu, les guérites ne fonctionnaient plus, par

16 conséquent il n'y avait plus de permanence. Au niveau des guérites, il y

17 avait un nid de mitrailleuses, du côté du segment du bâtiment

18 administratif, qui avant appartenait au bureau du service juridique.

19 Q: Vous avez parlé d'un nid de mitrailleuses, où se trouvait-il, où avait-

20 il été érigé?

21 R: Il était aménagé au niveau du bâtiment administratif, face au bureau du

22 directeur, de l'autre côté donc du bâtiment, aménagé sur une fenêtre,

23 comme je l'ai dit antérieurement c'étaient les bureaux des services

24 juridiques du KP Dom.

25 Q: Et cette mitrailleuse elle était dirigée vers quoi, elle pointait vers

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1 quoi?

2 R: Elle était dirigée vers le bâtiment où nous étions installés.

3 M. le Président (interprétation): Ce n'est pas clair, dans mon esprit tout

4 du moins.

5 Cette mitrailleuse, ce nid de mitrailleuses comme on l'a décrit, est-ce

6 qu'il se trouvait là auparavant, ou est-ce qu’il avait été déplacé ou est-

7 ce qu’il a été installé après que cette personne, le témoin, ait été

8 détenu?

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Quand vous étiez garde avant la

10 guerre, est-ce qu'il y avait un nid de mitrailleuses dans ce segment-là du

11 bâtiment administratif?

12 Témoin 139 (interprétation): Non, il n'y avait jamais eu un nid de

13 mitrailleuses.

14 Q: A quel moment celui-ci a-t-il été installé? Est-ce que vous l'avez vous

15 vu quand vous êtes arrivé ou est-ce qu’il a été installé après votre

16 arrivée?

17 R: Au moment où j'ai été emmené au KP Dom ce nid de mitrailleuses était

18 déjà là.

19 Q: Et pendant combien de temps est-il resté à cet endroit, disposé de la

20 sorte?

21 R: Je ne peux pas vous dire exactement, mais je sais qu'avec le temps on

22 l'avait retiré.

23 Q: Mais est-ce que vous vous souvenez d'une date précise ou du moins de

24 l'année au cours de laquelle il a été retiré?

25 R: Oui, c'était bien au cours de l'année 1992, c'était encore l’été, peut-

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1 être le mois de septembre, et je ne m'en souviens plus d'ailleurs, cela a

2 été retiré plus tard.

3 Q: Avant la guerre est-ce que le complexe pénitentiaire avait été miné?

4 R: Non, ce plastiquage a été fait par une unité. Si je me souviens bien,

5 au mois de juin il y avait une unité qui portait l'uniforme de la JNA. Aux

6 endroits que tout à l'heure je désignais comme étant gardés par des chiens

7 de garde, eh bien ces endroits-là ont été plastiqués, on a posé des mines.

8 Q: Quand vous parlez du mois de juin, vous parlez du mois de juin 1992, au

9 moment où vous étiez déjà détenu?

10 R: Oui, moi j'ai été incarcéré le 20 mai, comme je vous l’ai déjà dit, et

11 quelques jours qui ont suivi jusqu'au début juin ces gens-là n’y étaient

12 pas, c'est seulement en juin qu'ils sont venus, en juin 1992, pour poser

13 des mines.

14 Q: Est-ce que des personnes ont été blessées du fait de la présence de ces

15 mines?

16 R: Il ne nous a pas été vraiment permis de trop circuler à l'intérieur de

17 la cour, mais je sais que deux prisonniers serbes ont été tués lors d'une

18 tentative d'évasion pour évidemment escalader le mur.

19 Q: Parlons maintenant des conditions de vie qui prévalaient pendant votre

20 détention.

21 Est-ce que vous aviez des lits?

22 R: Oui, nous avons eu des lits ou des parties plutôt, une espèce de

23 matelas, c'est-à-dire une espèce de grillage en ressort évidemment, et

24 puis après des morceaux en mousse plastique.

25 Q: Est-ce qu'il y avait suffisamment de lits pour tous les détenus?

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1 R: Dans un premier temps, il n'y en avait pas suffisamment parce qu'il y

2 avait beaucoup de détenus, et il y en avait qui étaient couchés évidemment

3 sans lit mais sur ce matelas en mousse, donc au ras du sol.

4 Q: Est-ce que vous aviez des couvertures?

5 R: Oui, nous avons eu des couvertures.

6 Q: Est-ce que les salles étaient chauffées l'hiver?

7 R: Non, il n'y avait pas de chauffage du tout et c'était un hiver très

8 froid.

9 Q: Quand vous dites très froid, donnez-nous une idée de la température qui

10 régnait à ce moment-là?

11 R: Je crois que le mercure descendait jusqu'à moins 20 degrés en cet

12 hiver, pendant toute cette période.

13 Q: Vous dites cet hiver-là, c'était l'hiver de quelle année?

14 R: Je pense à l'année 1992.

15 Q: Pour ne pas geler littéralement, qu'avez-vous fait?

16 R: Pour la majeure partie du temps nous avons dû nous mouvoir, marcher

17 rapidement dans cette pièce, qui était collective, et lorsqu’on marche

18 comme ça, vite, cela vous permet de vous chauffer.

19 Q: Est-ce que ceci, ce froid a eu une incidence quelconque sur votre

20 santé, sur la santé des autres détenus?

21 R: Oui, il y a vrai beaucoup de détenus qui avaient des bras ou des mains

22 enflés. Moi, j'avais des enflures sur la main comme des petits coussins.

23 Evidemment, la peau se brisait elle-même, avec de véritables ecchymoses.

24 De même en est-il pour mes oreilles, avec des enflures, les oreilles

25 gelées, il y avait même du sang qui en coulait. Tout cela étant du

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1 évidemment à ce froid.

2 M. le Président (interprétation): Je crois que nous pouvons terminer sur

3 cette note pour passer au déjeuner. Nous reprendrons à 14 heures 30.

4 (L’audience, suspendue à 13 heures 05, est reprise à 14 heures 30.)

5 M. le Président (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, vous avez la

6 parole.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je vous remercie. Avant la pause du

8 déjeuner, Monsieur le Témoin, nous avions parlé du froid qui régnait au KP

9 Dom. Parlons maintenant des conditions d'hygiène, est-ce qu'il vous était

10 possible de prendre une douche toutes les semaines, disons ce genre de

11 choses?

12 Témoin 139 (interprétation): Non, nous n'avons pas pu évidemment prendre

13 une douche. On n'a pas eu de moyens pas plus que d'articles d'hygiène, pas

14 plus qu'on n'a eu la possibilité de prendre une douche, parce que tout

15 simplement les chaudières qui devaient servir pour le chauffage et qui

16 assuraient de l'eau chaude pour les toilettes ne fonctionnaient pas. Il

17 n'y avait ni chauffage, ni eau chaude pour les salles de bain, par

18 conséquent pas de douche.

19 Q: Est-ce qu'on vous donnait du linge pour vous changer?

20 R: Non, ce que nous avons eu comme effets personnels sur nous, c'est ce

21 que nous avons dû utiliser tout le temps.

22 Q: Est-ce qu'on vous donnait régulièrement de la nourriture pendant votre

23 détention?

24 R: L'alimentation a été régulière, trois repas nous ont été servis par

25 jour, mais de très mauvais, très maigres repas.

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1 Q: Quand vous dites que la nourriture n'était pas bonne, qu'elle était

2 très mauvaise, est-ce qu'elle n'était pas en suffisante quantité?

3 R: Il n'y avait ni quantité ni qualité pour en parler.

4 Q: Est-ce qu'à l'époque, il n'y avait pas de denrées alimentaires du fait

5 de la guerre ou est-ce qu'on vous donnait délibérément de telles rations

6 aussi maigres? Est-ce que vous êtes au courant de cela?

7 R: Autant que je m'en souvienne, c'était plutôt intentionnel de leur côté.

8 On ne nous donnait pas suffisamment de nourriture, alors que je savais

9 qu'eux ils avaient de la nourriture, les Serbes avaient de la nourriture.

10 Q: Vous parlez ici des détenus serbes?

11 R: Oui, je pense également aux détenus mais je me souviens par exemple du

12 Noël 1992, dans l'enceinte même du KP Dom, on a fait beaucoup de

13 brochettes, beaucoup de grillades, beaucoup d'agneaux étaient rôtis à ce

14 moment-là.

15 Q: Est-ce que les Musulmans ont obtenu quelque chose de ce repas de Noël?

16 R: Je n'ai vraiment pas vu de viande de mes propres yeux, presque jamais

17 pour ainsi dire et surtout ce jour-là.

18 Q: S'agissant des prisonniers serbes, est-ce qu'ils recevaient des rations

19 plus importantes, une nourriture de meilleure qualité? C'était en fait la

20 question que je vous posais.

21 R: Oui, ils étaient nourris à part. Leur réfectoire était à part et les

22 repas aussi étaient présentés différemment et je crois que les plats

23 étaient meilleurs.

24 Q: Est-ce que vous avez perdu du poids? Et combien de kilos avez-vous

25 perdu si cela a été le cas?

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1 R: Nous avons tous perdu du poids. Enfin, moi j'étais maigre, j'ai perdu

2 plus de 20 kilos. D'autres qui étaient plutôt gros en ont perdu peut-être

3 moins. Moi, je parle de ces deux ou trois premiers mois où j'ai perdu

4 beaucoup de poids.

5 Q: Est-ce que ceci a eu des conséquences sur votre santé et sur la santé

6 des autres détenus?

7 R: Mais bien entendu que ceci devait se répercuter sur la santé parce que

8 perdre tant de poids ne pouvait pas se passer sans avoir des conséquences.

9 Au niveau de la santé, je me souviens que les gens, pour aller à la

10 cantine, pour que des plats puissent leur être servis, tombaient tout

11 simplement parce qu'à tel point ils étaient exténués, épuisés.

12 Q: Est-ce que les détenus musulmans pouvaient bénéficier de soins de

13 santé?

14 R: Au KP Dom, il y avait une infirmerie où travaillait Jokanovic Gojko,

15 c'est quelqu'un qui a travaillé toute sa vie dans le domaine de la

16 médecine. Retraité qu'il était, il était infirmier et c'est de lui que

17 nous recevions quelques médicaments au moment où nous en avions. Mais pour

18 ce qui est des soins médicaux et des traitements proprement dit, une fois

19 tous les 10 ou tous les 15 jours, venait nous rendre visite un médecin de

20 l'hôpital de la ville.

21 Q: Et ce médecin, il est venu dès le début de votre détention? Est-ce que

22 Gojko Jokanovic s'est trouvé là dès le début de votre détention ou est-ce

23 qu'ils ne sont intervenus que plus tard?

24 R: Au moment où je suis venu, je ne sais pas s'il était là avant ma venue

25 au KP Dom, c'est-à-dire à partir de la date du 20 mai, Gojko était là. Au

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1 temps de ma détention, un médecin venait aussi, mais avant ma détention,

2 je ne sais pas ce qui passait.

3 Q: Et ce médecin, est-ce qu'il est venu dès après votre détention ou plus

4 tard?

5 R: Plus tard seulement, au début il n'y avait pas de médecin.

6 Q: Est-ce que quelqu'un est mort faute de traitements médicaux adéquats?

7 R: Oui, il y avait des cas où les gens mouraient.

8 Q: Pouvez-vous nous donner des noms?

9 R: Pour parler de la salle où j'étais, par suite de passage à tabac, il y

10 avait Sandal Ibrahim qui a été tabassé, et je crois que si en temps

11 opportun un soin médical lui avait été donné, il aurait survécu

12 certainement, je le crois.

13 Q: Quand Ibrahim Sandal a-t-il été passé à tabac?

14 R: On l'a emmené au KP Dom déjà tabassé. Il est originaire de Sule et il

15 nous a relaté que c'est dans son village qu'il a été passé à tabac et que

16 c'est dans cet état de santé qu'il a été emmené au KP Dom.

17 Q: Est-ce qu'il a fait l'objet de nouveaux sévices au KP Dom aussi?

18 R: Non.

19 Q: Et de quelles blessures souffrait-il? Blessures qui nécessitaient un

20 traitement médical qu'il n'a pas reçu?

21 R: Il a été tabassé à un tel point que tout le long de son corps, il a eu

22 ce qu'on appelle ces hématomes, ces ecchymoses.

23 Q: Quand est-il mort?

24 R: Il est mort en 1992 autant que je m'en souvienne, mais je n'en suis pas

25 certain.

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1 Q: Est-il le seul à avoir trouvé la mort faute de traitement médical ou

2 est-ce que vous vous souvenez d'autres personnes?

3 R: Non, je me souviens d'autres hommes également. Je me souviens de Kubac

4 Sefik, lui aussi il appartenait à notre salle.

5 Q: Et de quoi souffrait-il, lui?

6 R: Lui, il avait un ulcère à l'estomac, autant que je sache.

7 Q: Et quand a-t-il trouvé la mort?

8 R: Il est décédé en 1993.

9 Q: Vous souvenez-vous du mois au cours duquel il est décédé?

10 R: Non, je ne peux pas me rappeler.

11 Q: Est-ce que vous étiez enfermés dans cette salle tout le temps, à

12 l'exception bien sûr des visites que vous faisiez au réfectoire ou à la

13 cantine?

14 R: Oui, nous avons été fermés à clef tout le temps.

15 Q: Est-ce que vous avez reçu des visites de la part des membres

16 de votre famille pendant votre détention?

17 R: Je n'ai pas reçu de visite de ma famille et, autant que je m'en

18 souvienne, personne n'en a reçu parce que les visites des membres des

19 familles ont été interdites.

20 Q: Est-ce qu'il vous est arrivé de recevoir des lettres de votre famille?

21 R: Non, j'en ai reçu seulement une fois que j'ai été enregistré par le

22 CICR, c'étaient les soi-disant messages.

23 Q: Est-ce que vous avez reçu des renseignements concernant votre famille

24 avant d'être enregistré auprès du CICR?

25 R: Oui, de temps en temps. J'ai eu des informations par l'intermédiaire

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1 des gardes et de la part de Mitar Rasevic chef des gardes aussi.

2 Q: Est-ce que vous avez reçu, outre ces informations de la part des gardes

3 sur votre famille, des informations concernant le monde à l'extérieur de

4 la prison?

5 R: Non, je n'ai jamais reçu d'informations concernant le monde extérieur.

6 Q: Alors que vous étiez dans cette prison, est-ce que vous avez été

7 interrogé?

8 R: Oui, une fois et autant que je m'en souvienne, tous les prisonniers ont

9 été interrogés.

10 Q: A quel moment avez-vous subi cet interrogatoire?

11 R: J'ai été interrogé en juin 1992.

12 Q: Et où s'est passé l'interrogatoire dans le bâtiment?

13 R: On m'a interrogé dans le bureau même du chef Mitar Rasevic.

14 Q: Cela s'est donc passé dans le bâtiment administratif dans l'aile gauche

15 au premier étage?

16 R: Oui, c'est bien cela. Cela se trouvait dans le bâtiment administratif

17 aile gauche à l'étage, oui.

18 Q: Et qui vous a interrogé?

19 R: J'ai été interrogé par l'inspecteur Koprivica.

20 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, j'ai une objection

21 quant à cette façon de mener l'interrogatoire. Jusqu'à maintenant, nous

22 avons montré des photographies. Le témoin d'avant et le présent témoin

23 disaient que le bureau de Mitar Rasevic se trouvait dans le bâtiment n°A,

24 or c'est le bâtiment 2 qui abrite le bâtiment administratif et

25 l'accusation ne peut pas poser de question comme quoi donc cela se

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1 trouverait dans le cadre du bâtiment administratif.

2 Je veux dire par là que si nous avons déjà présenté tant de photographies

3 et tant de croquis et de plans, on devrait très bien montrer où se trouve

4 le bureau de Mitar Rasevic pour ne pas qu'il y ait de confusion et qu'on

5 parle seulement du bâtiment administratif.

6 M. le Président (interprétation): Je relève que la question posée était

7 celle-ci: est-ce que ce bureau se trouvait dans le bâtiment administratif

8 aile gauche, premier étage? L'aile gauche, c'est peut-être imprécis mais

9 je pense qu'on parle bien du même bâtiment. En d'autres termes, il s'agit

10 du bâtiment n°1 qui se trouve plutôt du côté extérieur. Mais nous allons

11 peut-être vouloir apporter un éclaircissement et s'il demeure une

12 difficulté nous pourrons consulter la carte. Vous constatez que vous

13 employez des termes différents, Madame Retzlaff?

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

15 M. le Président (interprétation): Si vous parlez du bâtiment

16 administratif, il me semblait que jusqu'à présent c'était le bâtiment n°2,

17 celui qui était un peu plus en recul par rapport à l'autre.

18 Pourriez-vous préciser ceci avec le témoin?

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je voulais éviter d'avoir recours à

20 ce croquis parce que le témoin avait déjà indiqué où se trouvait le bureau

21 de Mitar Rasevic au moment où nous avons consulté ces croquis, donc ça me

22 semblait superflu.

23 M. le Président (interprétation): Un instant, Me Bakrac veut encore

24 intervenir.

25 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, juste pour que les

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1 choses soient présentées un peu plus clairement.

2 La pièce à conviction 6/3, au moins c'est ce que je reçois en traduction

3 BCS, nous présente comme suit: le côté gauche du bâtiment est intitulé

4 comme appartenant aux gardes et la partie droite serait le bâtiment

5 administratif.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'entrevois la difficulté maintenant.

7 Pour l'accusation, la totalité du bâtiment est appelée "bâtiment

8 administratif" et l'autre bâtiment, nous l'appelons le "bâtiment réservé

9 aux prisonniers".

10 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, je vous ai interrompu,

11 excusez-moi.

12 Moi, j'utilise le croquis 6A avec la traduction en anglais et le nom du

13 bâtiment de gauche n'a pas été traduit, mais si c'est bien ce qui apparaît

14 dans l'original, alors appelons l'un des bâtiments "le bâtiment des

15 gardes" et le bâtiment n°2 "le bâtiment administratif".

16 Je pense que deux des questions qui avaient été précédemment posées à ce

17 témoin semblaient indiquer qu'on appelait la partie de droite "bâtiment

18 administratif". Mais veuillez élucider ceci avec le témoin.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous venez de suivre cet échange,

20 Monsieur le témoin. Quand vous êtes devant le KP Dom, comment appelez-vous

21 le bâtiment qui se trouve à votre gauche?

22 Témoin 139 (interprétation): Je vais vous aider dans la mesure du

23 possible. Il y avait deux bâtiments qui constituaient le bâtiment

24 administratif, par conséquent ce que j'avais en face de moi sur le croquis

25 bâtiment des gardes, nous l'avons intitulé nous aussi bâtiment comme étant

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1 "bâtiment administratif". Ce qui faisait partie évidemment du bureau du

2 directeur, cette partie-là aussi les deux bâtiments, si vous voulez,

3 c'était pour nous le bâtiment administratif.

4 Lorsqu'on s'est arrêté à la question de savoir où j'ai été interrogé, moi,

5 j'ai été interrogé donc dans le bâtiment des gardes comme ceci a été noté

6 sur le croquis que vous m'avez soumis pour examen. Mais nous qui avons été

7 détenus du KP Dom, nous avons considéré les deux bâtiments comme

8 appartenant au bâtiment administratif et nous les avons intitulés comme

9 tels.

10 Q: Vous avez été interrogé dans le bâtiment des gardes au premier étage

11 dans le bureau de Mitar Rasevic?

12 R: Oui.

13 Q: Qui a mené cet interrogatoire?

14 R: J'ai été interrogé par l'inspecteur Koprivica.

15 Q: Qui était-il? Est-ce que c'était un officier de police? Est-ce que

16 c'est un militaire?

17 R: C'était un inspecteur du MUP, c'est-à-dire inspecteur de la police de

18 Foca donc du ministère de l'Intérieur.

19 Q: Quelles sont les questions qu'il vous a posées?

20 R: Il me demandait où j'étais, ce dont je m'occupais, si j'avais des

21 armes, si j'avais pris part au combat et ainsi de suite.

22 Q: Est-ce que vous avez été accusé de quelque chose en particulier?

23 R: Non, je n'étais accusé de rien.

24 Q: Est-ce qu'une déclaration écrite a été fournie?

25 R: Lui, il a noté quelque chose, mais on ne m'a jamais évidemment présenté

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1 ce qu'il avait noté.

2 Q: Est-ce que vous avez subi des mauvais traitements au cours de

3 l'interrogatoire?

4 R: Non.

5 Q: Est-ce qu'au cours de votre détention vous avez subi des sévices, des

6 mauvais traitements, vous personnellement?

7 R: Non, personnellement, je n'ai pas été maltraité par qui que ce soit.

8 Oui, il y avait peut-être un mauvais traitement d'ordre verbal, mais je

9 n'ai jamais été passé à tabac.

10 Q: Vous dites que certains vous ont injurié. De qui s'agit-il?

11 R: Je pense aux gardes, je pense à des gens qui étaient à la direction ou

12 à des gens qui étaient du côté serbe.

13 Q: Lorsque vous parlez de ces abus verbaux, en quoi consistaient-ils?

14 R: Nous en parlions déjà lorsqu'on m'a enfermé dans une cellule de secret.

15 Là, j'ai été insulté mais sans être battu, on m'a injurié. Mais voilà.

16 Q: Savez-vous si d'autres détenus ont été soumis à des passages à tabac?

17 M. le Président (interprétation): Excusez-moi, Maître Bakrac, peut-être

18 que vous dites que vous faites objection? Je regardais de votre côté parce

19 qu'en général je regarde le témoin et je ne vous vois pas dans mon champ

20 de vision.

21 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je n'ai pas d'objection

22 quant à la question de ma consoeur de l'accusation, mais je crois qu'il y

23 a une erreur de transcript. Je crois que le témoin a fait mention d'un nom

24 qui n'y figure pas. Tout simplement on dit que: "La personne qui était là

25 lorsque...", et si je ne m'abuse pas, le témoin a fait mention d'un nom.

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1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): De quelle ligne s'agit-il là?

2 M. le Président (interprétation): Je vois. Est-ce exact?

3 Ah oui, page 75, ligne 9 où l'on dit:"Lorsque j'étais au secret, oui la

4 personne qui se trouvait là m'a injurié, il m'a insulté de tous les noms".

5 Effectivement, apparemment il a utilisé des mots de quatre lettres en

6 anglais et de cinq en français.

7 M. Bakrac (interprétation): Autant que j'ai pu entendre, on a fait mention

8 de Savo Todovic.

9 M. le Président (interprétation): Veuillez préciser ceci avec le témoin,

10 Madame Uertz-Retzlaff. Moi, j'entends l'interprétation en anglais

11 malheureusement.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Moi non plus, je n'ai pas entendu ce

13 nom.

14 M. le Président (interprétation): Je vous remercie d'avoir relevé cela,

15 Monsieur Bakrac.

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Qui vous a insulté de la sorte

17 lorsque vous vous trouviez au secret?

18 Témoin 139 (interprétation): Savo Todovic.

19 Q: Je vous remercie. Je vous ai demandé si d'autres détenus avaient été

20 passés à tabac au KP Dom, et vous avez dit que oui. J’enchaîne sur votre

21 réponse: est-ce que c'était monnaie courante que d'avoir des passages à

22 tabac au KP Dom?

23 R: Est-ce que vous pensez que ceci se passait dans la cour du KP Dom ou

24 ailleurs?

25 Q: Oui.

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1 R: Dans la cour même, dans l'enceinte du KP Dom, on n'a pas vraiment vu

2 des tabassages, mais c'était plutôt un phénomène courant de voir des gens

3 sortis de l'enceinte de la cour, peut-être dans le bâtiment des gardes ou

4 dans le bâtiment administratif plutôt.

5 Q: Est-ce que ceci s'est passé pendant toute la durée de votre détention

6 ou plutôt à certains moments donnés de cette détention?

7 R: Uniquement au début, jusqu'au début juillet peut-être, les quelques

8 premiers mois de détention.

9 Q: Vous parlez des premiers mois, est-ce que le mois de juin serait un

10 mois exact? Parce que si j'ai bien compris, vous êtes arrivé le 20 mai au

11 KP Dom. Quand on parle des quelques premiers mois, ce ne serait pas tout à

12 fait juin, n'est-ce pas?

13 R: Oui, oui, jusqu'au début juillet peut-être.

14 Q: Pourriez-vous nous dire ce qui se passait lorsque c'était le cas?

15 R: A ces occasions-là, un garde serait venu à la porte pour faire l'appel

16 nominal de tel ou tel détenu, pour l'emmener et le sortir évidemment par

17 la porte d'entrée.

18 Q: Et en règle générale, ces détenus, on venait les chercher à quel moment

19 de la journée?

20 R: D'ordinaire cela se passait vers le déjeuner ou les heures d'après-

21 midi, mais également pendant les heures de nuit.

22 Q: Est-ce qu'on venait chercher des individus un par un, ou bien est-ce

23 qu'on venait les chercher en groupe?

24 R: On venait les chercher un par un, uniquement individuellement.

25 Q: Lorsque ces détenus étaient emmenés au bâtiment administratif, que se

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1 passait-il?

2 R: C'est là qu'ils ont été tabassés parce que quelques minutes plus tard

3 on pouvait entendre déjà des cris de douleur, des hurlements, mais aussi

4 des bruits de coups qu'on leur assénait.

5 Q: Est-ce qu'il vous était possible de voir dans quelle partie du bâtiment

6 administratif ces détenus étaient passés à tabac? Est-ce que vous avez pu

7 le voir de vos propres yeux?

8 R: Non, on ne pouvait pas le voir, mais on pouvait en juger d'après les

9 bruits et les sons qui venaient jusqu'à nous.

10 Q: Et d'où venaient ces bruits, de quelle partie du bâtiment?

11 R: Cela venait des pièces réservées à des visites pour la plupart des cas.

12 Q: Vous voulez dire ces pièces que vous nous avez indiquées comme étant

13 les pièces où vous aviez coutume de travailler, à l'époque où vous

14 travailliez là, lorsque vous aviez ces visiteurs et ces visites?

15 Est-ce que c'est bien là aussi qu'il y avait ces espèces de salles ou de

16 chambres à coucher qui étaient adjacentes?

17 R: Il y avait deux petites pièces et puis une autre pièce plus grande,

18 réservée à des visites collectives.

19 Q: Vous dites avoir entendu des cris, des gémissements. Est-ce que vous

20 avez également entendu ceux qui assénaient les coups? Vous dites avoir

21 entendu le bruit des coups assénés, mais est-ce que vous avez entendu

22 parler ceux qui les donnaient, ces coups?

23 R: Oui, on entendait des injures, des gros mots. On pouvait entendre

24 plusieurs voix à la fois, mais c'était vraiment une mêlée, enfin un

25 vacarme général, mais on entendait des jurons.

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1 Q: Est-ce qu'il vous est arrivé d'entendre des coups de feu en provenance

2 de ces salles de visite?

3 R: Moi, je ne peux pas me souvenir si on avait pu entendre des coups de

4 feu. Mais c'était déjà un phénomène normal d'entendre des coups de feu

5 tirés autour du KP Dom, mais je ne peux pas me souvenir maintenant

6 concrètement si j'en ai entendu comme vous le pensez.

7 Q: Est-ce que cela veut dire que vous avez entendu uniquement le bruit de

8 cris, de coups assénés de cette partie-là du bâtiment ou est-ce que cela a

9 été le cas pour d'autres parties du bâtiment?

10 R: A en juger d'après ces bruits-là, je pouvais dire que ces bruits

11 étaient plutôt étouffés et que ces hurlements étaient plutôt étouffés

12 comme s'ils venaient de loin. Par conséquent, je ne pouvais que supposer

13 que tout se passait dans les pièces dans lesquelles nous, avant la guerre,

14 nous avons dû isoler les personnes saoulées ou peut-être des gens

15 agressifs parmi les détenus.

16 Q: Est-ce que d'autres détenus, voire ceux qui sont revenus de ces

17 passages à tabac, est-ce que ces personnes vous auraient dit s'il y avait

18 d'autres pièces dans lesquelles ils ont été battus?

19 R: Non, je n'ai jamais entendu rien de la sorte.

20 Q: Vous rappelez-vous qui on est venu chercher parmi les personnes qui

21 étaient avec vous dans cette salle 18?

22 R: Oui, pour parler de ma salle, on a appelé Grosonja, Dzevad. Je ne me

23 souviens plus qui était parmi ces gens-là appelés de ma salle.

24 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je ne sais pas si c'est plus utile

25 lorsque le témoin vous donne un nom de personne, est-ce que je dois faire

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1 la référence aux personnes qui se trouvent dans l'Acte d'accusation?

2 M. le Président (interprétation): Dans d'autres Actes d'accusation ou dans

3 celui-ci, ils ont une numérotation différente?

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, pour ce qui est de Grosonja, il

5 s'agit de l'incident 23 dans la liste B. Est-ce que ceci vous aiderait?

6 M. le Président (interprétation): Tout à fait, tout à fait! S'il s'agit de

7 cet Acte d'accusation, tout à fait.

8 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): S'il s'agit de Grosonja, il est le

9 Témoin B23. Qui était ce Grosonja ou Grosona? Est-ce que vous le

10 connaissiez avant la guerre?

11 Témoin 139 (interprétation): Grosonja, oui, je le connaissais ce garçon

12 depuis longtemps.

13 Q: Bien. Il était jeune, quelle était sa profession, vous le savez?

14 R: Je ne le sais pas exactement mais je sais qu'il a été emmené au KP Dom

15 depuis un hôpital, il avait été blessé et après cela, on l'a fait sortir

16 et il n'est plus jamais revenu.

17 Q: Pour la personne qui s'appelle Dzevad, je ne pourrais pas vous dire de

18 qui il s'agit puisque nous en avons plusieurs, nous avons plusieurs

19 témoins qui s'appellent Dzevad. Enfin, pas plusieurs témoins mais

20 plusieurs personnes du nom de Dzevad.

21 Monsieur le Témoin, vous ne pouvez pas nous donner le nom de famille de ce

22 Dzevad-là?

23 R: Je connaissais son nom de famille mais je l'ai oublié puisque plusieurs

24 années se sont écoulées depuis.

25 Q: Oui, très bien mais qui était ce Dzevad? Est-ce que c'était une

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1 personne un peu plus âgée ou était-il plus jeune?

2 R: C'était un homme qui était quand même assez jeune.

3 Q: Vous souvenez-vous d'autres détenus ou pourriez-vous nous donner le nom

4 d'autres détenus qui avaient été appelés pour se faire sortir mais qui

5 n'étaient pas de votre pièce à vous?

6 R: Oui, je me souviens des frères Veiz, c'étaient Munib et Zulfo. Je me

7 souviens également de Konjo Halim. Je me souviens également des frères

8 Cankusic. Je me souviens également de l'infirmier Mandzo.

9 Q: Munib Veiz est mentionné à deux reprises dans l'Acte d'accusation, il

10 s'agit de la liste B sous le n°59 et également dans la liste C sous le

11 n°28. Qui était ce M. Veiz Munib? Est-ce qu'il était plus âgé? Quelle

12 était sa profession?

13 R: C'était un homme d'âge moyen et il était commerçant. Il vendait des

14 produits de cuir de la ville de Visoko.

15 Q: Est-ce qu'il était membre du SDA?

16 R: Je ne sais pas.

17 Q: L'autre personne qui s'appelle Zulfo Veiz, il s'agit de l'incident 5.27

18 dans l'Acte d'accusation, et l'incident est décrit plus en détail dans

19 l'Acte d'accusation. Il figure également dans la liste C sous le n°29.

20 Donc, ce Zulfo Veiz, qui était-il?

21 R: C'était le frère de Munib et il travaillait au MUP à Foca, donc dans la

22 police au MUP.

23 Q: Vous avez également parlé de Konjo Halim. Il s'agit d'une personne qui

24 est mentionnée également à deux reprises, soit sur la liste B au n°33 et

25 sur la liste C sous le n°13. Qui était ce monsieur du nom de Konjo Halim?

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1 R: Konjo Halim avait un café au Gornje Polje, donc il était restaurateur.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous avez également mentionné

3 Cankusic.

4 Monsieur le Président, ils sont tous les deux, leurs noms figurent sur la

5 liste C, et les numéros qui leur sont attribués sont les numéros 3 et 4.

6 Cankusic, ces personnes qui s'appellent Cankusic, est-ce que vous

7 connaissez quel était leur prénom?

8 R: Je ne connais pas leur prénom, je sais simplement qu'ils étaient

9 frères, ils étaient jeunes, je connaissais leur prénom mais j'ai oublié.

10 Q: Vous souvenez-vous de quelqu'un d'autre?

11 R: Présentement, je ne pourrai pas vous dire s'il y a eu plusieurs

12 personnes qui se sont fait sortir, mais présentement je ne pourrai pas

13 m'en souvenir.

14 Q: Monsieur le témoin, vous souvenez-vous d'avoir donné une déclaration au

15 Bureau du Procureur et à la police bosnienne?

16 R: Oui, je me souviens. J'ai donné des déclarations à la police de Bosnie

17 et également aux enquêteurs du Bureau du Procureur à La Haye ici.

18 Q: Et dans ces déclarations, est-ce que vous avez donné plus de noms?

19 R: Je crois que oui. Présentement, je ne m'en souviens pas mais je crois

20 avoir donné plus de noms à ce moment-là.

21 Q: Monsieur le Président, je vais maintenant mentionner quelques-uns des

22 noms que le témoin a mentionné dans ces déclarations précédentes et je ne

23 crois pas qu'il y aura quelque objection que ce soit. Murko Nisic?

24 R: Oui, Nisic.

25 Q: Est-ce qu'il avait été également emmené de la sorte?

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1 R: Non pas Misic, Nisic avec un "N". Nurko Nisic, oui, il s'est fait

2 sortir également et il travaillait au MUP. Je le connaissais

3 personnellement.

4 Q: Et il est également mentionné à deux endroits dans l'Acte d'accusation,

5 il s'agit de l'incident 5.27 et il figure également sur la liste C sous le

6 n°19.

7 Et qu'en est-il de Enes Uzunovic?

8 R: Oui, Enes oui. C'est Enes Uzunovic. Il était infirmier, il avait

9 travaillé à l'hôpital de Foca.

10 Q: Qu'en est-il de Aziz Sahinovic? En fait, Monsieur le Président, il

11 s'agit de la personne qui figure sur la liste C n°26.

12 Qu'en est-il de Aziz Sahinovic?

13 R: Oui, Aziz Sahinovic était un homme d'âge moyen et il travaillait dans

14 une banque d'après ce que je me souviens.

15 Q: Il s'agit de l'incident 5.29. Dans l'Acte d'accusation, il y a un

16 chapitre dédié à cet incident. Vous souvenez-vous de ce qui s'est passé

17 avec Aziz Sahinovic? Est-ce qu'il n'est jamais revenu de ces passages à

18 tabac?

19 R: Oui, il est revenu et il a passé un certain temps dans notre pièce. Par

20 la suite, il a été emmené dans une autre pièce et par la suite, on l'avait

21 emmené pour l'échanger, mais il était revenu de ce passage à tabac.

22 Q: Est-ce qu'il avait été blessé quand il est revenu?

23 R: Oui, il avait été blessé et il portait des traces très visibles sur

24 tout son corps et sur le visage, nous pouvions apercevoir des ecchymoses

25 suite à ce passage à tabac.

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1 Q: Vous dites qu'il a été échangé, est-ce que vous voulez dire que vous

2 l'avez rencontré par la suite?

3 R: Non, je ne voulais pas dire qu'il avait été échangé mais on l'avait

4 emmené dans le but de l'échanger.

5 Q: Mais effectivement, est-ce qu'il a fait l'objet d'un échange ou est-ce

6 qu'il a disparu? Qu'est-ce que vous voulez dire par là?

7 R: Non, il est porté disparu, il n'y est plus, il a disparu. Mais on nous

8 a dit lorsqu'on a posé des questions concernant ce groupe et lorsqu'on

9 voulait savoir où ils avaient été emmenés, on nous a répondu qu'ils

10 avaient été emmenés dans le but de faire un échange.

11 Q: Et à quel moment est-ce qu'il avait été emmené, est-ce que vous vous

12 rappelez de quel mois s'agissait-il?

13 R: Je ne sais pas. C'était peut-être au mois d'août ou au mois de

14 septembre. Je ne me souviens pas exactement, mais c'était à ce moment-là.

15 je sais que c'était l'été.

16 Q: Et vous avez également dit qu'il avait été emmené avec un groupe de

17 personnes?

18 R: Oui.

19 Q: Quelle était la taille de ce groupe?

20 R: Je ne sais pas exactement combien il y avait de personnes dans ce

21 groupe, mais il devait y avoir environ une dizaine de personnes.

22 Q: Témoin, vous avez parlé de plusieurs personnes, vous avez donné des

23 noms et également dit que Aziz Sahinovic est revenu du passage à tabac.

24 Mai est-ce que vous avez revu d'autres personnes revenir de ces passages à

25 tabac? Et si oui, de qui s'agit-il?

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1 R: Oui, des passages à tabac Mandzo est revenu et je crois que son nom

2 était Emir. C'était un infirmier qui travaillait à l'hôpital de Foca, et

3 il était revenu du passage à tabac dans un état pitoyable.

4 Q: Monsieur le Président, je ne suis pas certaine qu'il s'agit de

5 l'incident B33 ou de l'incident B37 qui figure sur la liste, mais je crois

6 que nous allons certainement le découvrir au long de ce procès. Dzemo

7 Balic, connaissez-vous cette personne? Et savez-vous quel sort lui a été

8 réservé?

9 R: Oui, Dzemo Balic, je le connaissais également. Il avait une maison au

10 début du Pod-Musala, donc tout près de la maison où j'habitais. Je le

11 connaissais personnellement et il est porté disparu.

12 Q: Est-ce qu'il avait également été emmené pour subir des passages à tabac

13 et est-ce qu'il est revenu à la suite de cela?

14 R: Oui, il avait fait l'objet d'un passage à tabac. Je ne sais pas s'il

15 est revenu, mais je crois qu'il avait passé un certain temps dans les

16 cellules d'isolement.

17 Q: Monsieur le Président, il s'agirait de l'incident B4.

18 Témoin, je sais que c'est probablement très difficile pour vous, mais est-

19 ce que vous seriez en mesure de placer ces incidents dont vous avez parlé,

20 pourriez-vous nous dire à quel moment ces incidents sont arrivés?

21 R: Oui, c'est arrivé dans les trois premiers mois, donc jusqu'à la mi-

22 juillet environ, sinon jusqu'au début du mois d'août. Je ne peux pas vous

23 dire avec précision, mais je sais que c'était au tout début de ma

24 détention.

25 Q: Outre les personnes que vous avez mentionnées dont vous vous souvenez

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1 le nom, y avait-il d'autres personnes et y avait-il d'autres détenus qui

2 se faisaient emmener pour subir des passages à tabac et qui, par la suite,

3 disparaissaient?

4 R: Oui, il y avait plusieurs événements de la sorte, plusieurs personnes

5 ont été emmenées. Il y a certaines personnes que je ne connaissais pas non

6 plus. Ils provenaient des environs de Foca, mais je ne les connaissais pas

7 personnellement.

8 Q: Pourriez-vous nous donner une évaluation à ce qui a trait au chiffre du

9 nombre de détenus qui avaient été emmenés pour être passés à tabac et qui

10 par la suite sont disparus?

11 R: Je ne pourrais pas vous donner ce détail avec précision.

12 Q: J'aimerais montrer au témoin la liste C, il s'agit de la liste C de

13 l'Acte d'accusation. Je souhaiterais que le témoin jette un coup d'oeil

14 sur cette liste, la liste C, et nous dise quelles sont les personnes,

15 outre les personnes dont il a déjà donné les noms, qu'il connaît.

16 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, est-ce que vous avez

17 quelques objections, une objection concernant cette façon de procéder? Je

18 crois que c'est quand même assez efficace.

19 M. Bakrac (interprétation): Est-ce qu'il s'agirait de savoir si le témoin

20 connaissait ces personnes auparavant? Je ne sais pas si j'ai bien compris

21 la question. Qu'est-ce que le Procureur désire atteindre? Quel est le but

22 de cette question posée par le Procureur?

23 M. le Président (interprétation): La question ou en fait le Procureur a

24 demandé "j'aimerais que le témoin jette un coup d'oeil sur la liste C et

25 nous dire quelles sont les personnes outre celles déjà mentionnées qu'il

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1 connaît?". C'est donc la question.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, bien sûr puisque je ne voulais

3 pas qu'on énumère maintenant les noms un par un.

4 M. le Président (interprétation): Oui, alors je demande à M. Bakrac s'il a

5 une objection?

6 M. Bakrac (interprétation): Je souhaiterais... Non dans ces conditions-là,

7 je n'ai absolument aucune objection, c'est-à-dire le témoin va jeter un

8 coup d'oeil sur la liste et nous dire s'il y a des noms qu'il connaît de

9 cette liste, si j'ai bien compris.

10 M. le Président (interprétation): Merci.

11 Madame Uertz-Retzlaff, vous pouvez poursuivre.

12 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Témoin, pourriez-vous jeter un coup

13 d'oeil sur la liste et nous dire s'il y a des personnes dont les noms

14 figurent sur cette liste que vous connaissiez?

15 Témoin 139 (interprétation): Je connaissais Granov Adil, Ivancic Mato, je

16 le connaissais également, Kiselica Esad.

17 Q: Un instant, s'il vous plaît. A chaque fois que vous allez nous donner

18 un nom, je vais vous poser une autre question par la suite. Vous avez

19 parlé de Granov Adil, il s'agit du n°9, vous le connaissiez, est-ce que

20 vous l'avez vu dans la prison? Est-ce que vous l'avez vu dans le camp?

21 R: Oui, il était au camp.

22 Q: Avez-vous vu si cette personne avait été emmenée?

23 R: Non, je n'ai pas vu, je ne peux rien vous dire sur lui.

24 Q: Est-ce qu'il était avec vous lorsque vous étiez en prison à un moment

25 donné?

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1 R: Non, il n'y est plus, il a disparu.

2 M. Bakrac (interprétation): Objection.

3 M. le Président (interprétation): Oui.

4 M. Bakrac (interprétation): Nous avons une objection en ce qui a trait à

5 la façon d'interroger ce témoin. Le témoin a bien dit qu'il connaissait

6 cette personne et qu'il ne sait pas s'il s'est fait emmener. Suite à cela,

7 on lui a posé la question: "Est-ce qu'il est resté avec lui?". Ce genre de

8 question est inacceptable puisque le témoin a déjà dit qu'il ne savait pas

9 si la personne avait été emmenée et ne sait pas quel était le sort qui

10 avait été réservé à cette personne.

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais Maître Bakrac, nous avons déjà

12 débattu de cela à la conférence de mise en état. Le Bureau du Procureur

13 doit établir si chacune de ces personnes est décédée ou est morte. Le

14 Bureau du Procureur doit également établir et s'assurer, elle doit savoir

15 de quelle façon ces gens sont morts.

16 Et à cette étape-ci, cette question est dirigée simplement à la première

17 partie de cette question, donc est-il mort ou non? Le fait que la personne

18 soit portée disparue ne fait que prouver que la personne est morte, ce

19 n'est pas suffisant mais cela fait partie des éléments de preuve sur

20 lesquels se base le Bureau du Procureur. Ce n'est pas lié au fait qu'il

21 soit emmené ou non.

22 M. Bakrac (interprétation): Oui mais si le témoin dit qu'il ne le sait

23 pas, "quel est le sort qui était réservé à cette autre personne?", le

24 Procureur devrait poser une question un peu plus précise, à savoir s'il

25 détient ces faits, s'il connaît ce qui lui est arrivé soit de la famille

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1 qui cherche cette personne et qui a déclaré cette personne portée

2 disparue, soit nous dire de quelle façon il a connaissance du fait que

3 cette personne est portée disparue.

4 M. le Président (interprétation): Toutes ces questions sont tout à fait

5 acceptables, ce sont des questions recevables. Mais on lui a posé la

6 question "Est-ce que vous l'avez vu depuis?", et il a dit: "Non, il est

7 porté disparu." Ce n'est donc qu'un tout petit point dans l'affaire du

8 Procureur pour établir qu'il est mort, donc on ne peut pas établir qu'il

9 est bel et bien mort. Mais si un nombre de personnes dit: " Nous ne

10 l'avons pas vu depuis une certaine date, le Bureau du Procureur donc nous

11 demandera ou l'accusation voudra essayer d'établir que cet homme est donc

12 mort.

13 Donc cette question ne sert qu'à cela.

14 Le mot "porté disparu" est peut-être problématique, mais cela ne veut rien

15 dire, ne veut rien prouver. Je ne crois pas qu'il y ait de base pour

16 quelque objection que ce soit.

17 Madame Uertz-Retzlaff, ce serait peut-être plus opportun de lui poser des

18 questions plus précises. Par exemple, "est-ce que vous l'avez vu depuis?"

19 et donc ne pas inviter une réponse de sa part qu'il ne connaît peut-être

20 pas!

21 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, très bien. Vous souvenez-vous à

22 quel moment vous l'avez vu pour la dernière fois?

23 Témoin 139 (interprétation): Je le voyais au KP Dom, mais je ne me

24 souviens pas exactement à quel moment je l'ai vu pour la dernière fois.

25 Q: Vous avez ensuite parlé de Mate Ivancic sous le n°11, de qui s'agit-il?

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1 R: Oui, Mato Ivancic. Il était également infirmier, il travaillait à

2 l'hôpital de Foca, il était de nationalité croate et faisait partie de ce

3 1% au moins de Croates qui avaient été enfermés avec les Musulmans, qui

4 avaient détenus et arrêtés avec les Musulmans.

5 Q: A quel moment est-ce que vous l'avez vu pour la dernière fois, si vous

6 vous rappelez? Et savez-vous ce qui lui est arrivé?

7 R: Eh bien, c'est la même chose qu'avec la personne précédente. Je l'ai vu

8 au début, et par la suite je ne l'ai plus jamais revu. Donc ce qui lui est

9 arrivé, je ne le sais pas.

10 Q: Très bien. Poursuivez maintenant la lecture de la liste.

11 R: Kiselica Esad, c'était aussi quelqu'un que je connais. Il travaillait

12 au centre d'électrodistribution et il habitait dans l'immeuble appelé Lepa

13 Brena. Et je le voyais également au début de ma détention, et par la suite

14 je ne le voyais plus.

15 Q: Oui.

16 R: Mandzo Fuad, je le connaissais également, et je l'ai vu au début de ma

17 détention, et par la suite je ne sais pas ce qui lui est arrivé.

18 Q: Et Fuad Mandzo, qui était-il? Est-ce que vous le connaissiez

19 d'auparavant?

20 R: Oui, je le connaissais auparavant. En fait, je ne parle ici que des

21 personnes que je connaissais auparavant.

22 Q: Que faisait-il et quelle était sa profession avant la guerre? Et quel

23 était son âge à peu près?

24 R: (expurgé)

25 Gradine, à Foca en construction.

Page 367

1 Q: Oui, très bien. Poursuivez, s'il vous plaît.

2 R: (expurgé)

3 (expurgé)

4 (expurgé)

5 (expurgé)

6 (expurgé)

7 Q: C'est tout? Ce sont tous les noms que vous connaissez de la liste?

8 R: Vahida Dzemal, je le connais également, il était policier au

9 MUP.

10 Q: Il avait également été en prison avec vous, il a disparu?

11 R: Oui, il était dans la prison, il a disparu et je ne sais pas ce qui lui

12 est arrivé.

13 Q: Merci. Témoin, est-ce que ces personnes que vous avez mentionnées

14 étaient des membres du SDA?

15 R: Je ne sais pas s'il était membre du SDA.

16 Q: Témoin, le fait d'entendre tous ces passages à tabac et d'entendre tous

17 ces bruits, de quelle façon est-ce que cela vous a personnellement

18 affecté?

19 R: Cela a eu des séquelles sur moi, et pas seulement moi, mais nous tous,

20 nous nous sentions très mal, nous avions très peur, nous craignions pour

21 nos vies et chacune des personnes croyaient que la prochaine fois ce

22 serait notre tour et qu'on serait emmené pour subir des passages à tabac.

23 Donc psychiquement parlant, c'était très difficile.

24 Q: Est-ce que vous vous rappelez d'un incident particulier où les passages

25 à tabac étaient particulièrement nombreux?

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1 R: Pour la plupart de ces passages à tabac, ils avaient eu lieu au mois de

2 juin. Mais si vous pensez à une journée plus précise, je ne pourrais pas

3 vous dire.

4 Q: Est-ce qu'il vous est jamais arrivé d'entendre, alors que vous étiez

5 détenu au KP Dom pendant cette période-là, des sons ou des bruits vous

6 indiquant qu'il y avait des combats aux alentours?

7 R: Oui, bien sûr. Chaque fois qu'il y avait une attaque sur Gorazde, on

8 pouvait entendre au loin le son, le bruit des grenades, des canons. Et

9 nous pouvions également entendre le bruit de l'ambulance qui passait

10 devant le KP Dom pour se rendre à l'hôpital, et donc, chaque fois qu'il y

11 avait des combats autour de Gorazde et que les soldats serbes périssaient,

12 ils venaient se venger contre nous. Ils arrivaient devant le KP Dom, on

13 pouvait entendre un vacarme, on entendait également des coups de feu et

14 c'est là que les gens se faisaient sortir le plus ou qu'on les emmenait le

15 plus souvent.

16 Q: Est-ce que les détenus subissaient des passages à tabac également dans

17 les cellules de prisonniers? Est-ce qu'il vous est arrivé de voir ces

18 incidents-là?

19 R: Non, pas dans le bâtiment. Mais alors que les gens se rendaient au

20 réfectoire et dans la cour, il y avait certains passages à tabac mais

21 c'était quand même des incidents un peu plus légers.

22 Q: Qu'est-ce que vous voulez dire par des "incidents plus légers" ou des

23 incidents mineurs? Est-ce que c'étaient simplement des gens qui recevaient

24 des gifles ou…?

25 R: Oui, c'était peut-être une gifle par-ci par-là ou un coup de pied, donc

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1 ces incidents étaient moins graves, ils ne laissaient pas de séquelles

2 très graves sur ces personnes.

3 Q: Et qui faisait ce genre de mauvais traitements?

4 R: La plupart du temps, c'étaient les gardiens. Cela arrivait soit au

5 réfectoire ou dans la cour. Si jamais il arrivait à quelqu'un de vouloir

6 se procurer un morceau de pain supplémentaire, si les gardiens

7 découvraient ce genre de comportement, ils leur donnaient des coups, soit

8 une gifle ou un coup de pied. Et une fois également quand un groupe de

9 soldats serbes s'est présenté, je crois que ce n'étaient pas des gens qui

10 venaient de Foca. D'après leur accent, j'ai pu juger qu'ils venaient

11 d'Herzégovine. Je crois que les gardiens m'avaient dit qu'un groupe allait

12 se faire échanger, qu'ils étaient venus chercher ce groupe de personnes.

13 Ils se trouvaient dans la cour et peut-être qu'ils se sont dirigés vers la

14 cuisine pour manger mais lorsque notre groupe s'est rendu au réfectoire,

15 il nous a fallu passer entre ces personnes puisqu'ils étaient là. C'est à

16 ce moment-là que quelques-uns d'entre eux ont frappé quelques personnes,

17 quelques détenus mais ce n'était pas un passage à tabac particulièrement

18 brutal, donc cela n'a pas laissé de séquelles.

19 Q: Mais lorsque vous parlez de soldats d'Herzégovine, qu'est-ce que cela

20 veut dire exactement? De quelle partie d'Herzégovine parlez-vous? Y a-t-il

21 des noms de ville que vous pourriez nous donner?

22 R: Eh bien, de Gazko jusqu'à Trebinje, toute cette région-là nous

23 l'appelions Herzégovina ou l'Herzégovine.

24 Q: Je ne sais pas si je vous ai bien compris mais vous les avez entendus

25 parler? Vous étiez présent dans la cour lorsque cet incident est survenu?

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1 R: Oui, les personnes qui étaient dans ma pièce se rendaient au réfectoire

2 et je les ai entendues parler. Je sais qu'ils ont un accent particulier et

3 j'ai pu en déduire qu'ils provenaient d'Herzégovine. Je me trouvais au

4 bout du groupe, à la fin du groupe et je n'ai pas fait partie de ces

5 personnes qui se sont fait gifler.

6 Q: Est-ce que les gardiens étaient présents quand cet incident est arrivé?

7 R: Oui, les gardiens étaient là à chaque fois qu'on sortait de la pièce.

8 Nous étions escortés par ces gardiens qui travaillaient au KP Dom.

9 Q: Et lorsque cet incident avec les soldats est survenu, est-ce que les

10 gardiens sont intervenus?

11 R: Non, ils étaient là simplement, debout, ils n'ont pas réagi.

12 Q: Est-ce que les détenus ont effectivement fait l'objet d'échange et à

13 quel moment est-ce que les échanges ont eu lieu?

14 R: Il y a eu plusieurs de ces échanges, de ce qu'on appelait "échanges",

15 et cela a eu lieu dans la période qui couvre le mois d'août jusqu'au mois

16 d'octobre, donc c'est à ce moment-là que les gens se sont faits échanger

17 le plus souvent.

18 Q: Et pourquoi dites-vous que c'étaient des supposés échanges, qu'on

19 appelait cela des "échanges"?

20 R: Plus tard seulement, lorsque j'ai été moi aussi échangé et sorti, j'ai

21 appris que nombre de ces gens-là n'ont pas survécu à tous ces épisodes,

22 portés disparus, alors qu'ils étaient –disait-on- emmenés pour être

23 échangés.

24 Q: Est-ce qu'il est arrivé qu'on fasse sortir des gens pour aller cueillir

25 les prunes?

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1 R: Oui, c'était en septembre 1992.

2 Q: Est-ce qu'ils sont revenus de la cueillette des prunes?

3 R: Jamais ils ne sont retournés de là-bas.

4 Q: Savez-vous ce qui leur est arrivé?

5 R: Tout simplement portés disparus, ils n'y sont plus.

6 Q: Et combien de prisonniers ont été emmenés pour cueillir des prunes?

7 R: Ils n'étaient pas emmenés en un seul groupe; rien qu'en cette journée

8 il y avait je pense bien deux ou trois groupes d'hommes qui ont été

9 emmenés. Je ne sais pas combien ils étaient par groupe, mais ils devaient

10 être certainement de 50 à 60 respectivement.

11 Q: Connaissez-vous un médecin qui s'appelait Aziz Torlak?

12 R: Oui je l'ai connu, il était avec moi dans la salle.

13 Q: Quelle était sa profession?

14 R: Il était médecin, spécialiste chirurgien, il a travaillé à l'hôpital de

15 Foca. Q: Et vous dites qu'il avait été détenu dans votre salle. Est-ce

16 qu'il se trouvait dans votre salle déjà à votre arrivée?

17 R: Oui, il était bien dans cette salle, la salle où j'ai été emmené moi-

18 même, donc je parle de la salle 21.

19 Q: Je vois je vois, c'est dans cette salle 21 que vous l'avez rencontré?

20 R: Oui.

21 Q: Savez-vous quel sort lui a été réservé?

22 R: Il a été emmené en vue d'échange, et il n'est plus. Et tant de fois

23 nous avons essayé de nous en informer; on nous disait toujours qu'il

24 devait être échangé contre un Vojvoda des Chetniks, mais une fois sorti du

25 camp, je n'ai jamais entendu parler de lui. Encore aujourd'hui, évidemment

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1 cet homme n'est plus.

2 Q: Est-ce que vous vous souvenez du moment où il a été porté disparu? A

3 quelle époque ceci s'est-il produit?

4 R: Sa disparition coïncide avec l'été 1993.

5 Q: Au début, vous avez dit que les détenus musulmans et croates étaient

6 des civils. Est-ce que plus tard, par la suite il y a eu d'autres détenus

7 dont on aurait pu dire qu'eux n'étaient pas des civils?

8 R: Oui, il y avait un groupe de plusieurs personnes qui eux aussi étaient

9 emmenés et qui étaient les combattants de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 Q: Et ces hommes quand sont-ils arrivés au camps?

11 R: Eux aussi, ils sont arrivés en 1993.

12 Q: Et est-ce qu'ils étaient détenus de façon séparée par rapport à vous,

13 les civils?

14 R: Oui, eux aussi, ils ont été détenus séparément un certain temps, mais

15 plus tard, ils ont été transférés chez nous.

16 Q: Vous avez déjà déclaré que vous étiez chef de votre chambre ou de la

17 salle et que de ce fait, vous avez été puni en étant placé dans une

18 cellule d'isolement, puis vous avez été emmené à cette salle 21. Est-ce

19 que vous avez été puni pour autre chose, si c'est le cas qu'est-ce qui

20 s'est passé?

21 R: Oui, à plusieurs reprises j'ai été isolé. Une fois parce que j'avais

22 pris froid, un rhume, c'était en hiver, j'ai voulu me faire voir par un

23 médecin chez le Dr Gojko, il m'avait donné des médicaments, des pastilles

24 et de retour, j'ai tenté de passer par la cuisine pour demander une tasse

25 de thé pour prendre de ces médicaments. J'ai été repéré par le garde qui

Page 373

1 m'a emmené à cette cellule d'isolement.

2 Une autre fois j'ai été dans la cour, et j'ai essayé de pénétrer dans ce

3 passage qui se trouvait près des cellules de secret, et c'est à ce moment-

4 là, étant donné qu'on nous laissait sortir de temps en temps pour une

5 promenade, une récréation et lorsque j'ai voulu passer à côté de ces

6 cellules de secret, une fois de plus, le garde m'a repéré et m'a enfermé

7 encore une fois dans une cellule de secret, mais je n'y ai pas passé un

8 temps très long pour les deux épisodes, Mitar Rasevic était venu au bout

9 de quelques heures et j'ai été relâché.

10 Q: Vous parlez de l'hiver. L'hiver de quelle année, ici?

11 R: Je parle de l'année 1992, de l'hiver 1992.

12 Q: Et puis vous avez mentionné un autre incident quand vous avez essayé

13 d'entrer dans ce couloir, quand cela s'est-il produit?

14 R: Cela s'est passé en 1993, en été.

15 Q: Vous souvenez-vous qu'il y a eu l'évasion d'un détenu?

16 R: Oui, Zekovic Ekrem a voulu s'évader. Il a été incarcéré de concert avec

17 moi, nous avons été emmenés ensemble au KP Dom et il a réussi

18 définitivement à s'évader, il n'a pas seulement tenté de le faire. Mais le

19 lendemain ou peut-être la même journée, il a été pris dans un village au-

20 dessus de Foca pour le ramener au KP Dom.

21 Q: Et est-ce qu'il y a eu des conséquences quelconques pour vous, tous les

22 détenus, suite à sa tentative d'évasion?

23 R: Nous avons été automatiquement punis, au niveau de la nourriture ; les

24 repas déjà maigres ont été réduits de moitié, nos rations de nourriture

25 ont été diminuées.

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1 Q: Savez-vous qui a donné ce type d'ordre?

2 R: Autant que je m'en souvienne, ceci aurait pu être l'ordre du directeur

3 ou de son adjoint.

4 Q: Que s'est-il passé quand on a ramené M. Zekovic? Est-ce que vous vous

5 souvenez de circonstances un peu particulières?

6 R: Oui, on l'a emmené pour l'enfermer dans une cellule de secret. Nous

7 autres, on nous a sortis tous dans la cour et en notre présence, on l'a

8 sorti lui aussi, ligoté, ferraillé pour ainsi dire, pour que tout le monde

9 le voie. En le désignant, on nous a dit que chacun finira comme celui-ci

10 pour toute tentative d'évasion lorsqu'il se fera prendre, il finira comme

11 Zekovic, enchaîné comme il l'a été et dans une cellule de secret.

12 Q: Et qui vous a donné ce type d'avertissement?

13 R: A cette occasion-là, c'est Savo Todovic qui a pris la parole.

14 Q: Est-ce que M. Krnojelac était présent au moment où cet avertissement

15 vous a été donné?

16 R: Oui, il était présent, il était là mais il n'a pas parlé, il était

17 assis sur un banc.

18 Q: Est-ce qu'il a été présent pendant toute la durée du discours qu'a tenu

19 M. Todovic?

20 R: Oui, il était présent.

21 Q: Vous souvenez-vous de la date à laquelle s'est produit cet incident? Au

22 cours de quel mois par exemple?

23 R: C'était soit au mois de juillet, soit au mois d'août 1992.

24 Q: Vous êtes sûr de l'année? Vous parlez du mois d'août 1992. C'est au

25 début de votre détention ou est-ce que cela s'est passé après les quelque

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1 premiers mois?

2 R: Il se peut que ce soit 1993, je ne suis pas sûr, mais c'était en plein

3 été. Excusez-moi, je ne suis plus sûr. Mais tout porte à croire qu'il

4 s'agissait de l'année 1993 parce que vous avez raison, on ne faisait pas

5 de la sorte en 1992.

6 Q: Est-ce que vous étiez obligé de travailler au sein de la prison, vous

7 personnellement?

8 R: Moi, personnellement au début je n'ai pas été obligé de travailler,

9 mais plus tard j'ai travaillé dans cette mine de Miljevina.

10 Q: Et vous parlez de ce travail dans la mine de Miljevina, à partir de

11 quand y avez-vous travaillé?

12 R: Depuis septembre 1993 jusqu'à la fin.

13 Q: Lorsque vous avez commencé à travailler à Miljevina, est-ce que M.

14 Krnojelac était toujours directeur?

15 R: Oui, pendant un temps assez court encore il était directeur.

16 Q: Lorsqu'on vous emmenait à Miljevina, est-ce que vous aviez des gardes

17 qui vous escortaient?

18 R: Oui toujours, nous étions sous escorte tous les jours et pour retourner

19 également, enfin toujours sous escorte.

20 Q: Est-ce que c'étaient des gardes qui vous escortaient ou plutôt des

21 soldats?

22 R: Les gardes du KP Dom nous escortaient.

23 Q: Et est-ce que vous avez fait ce travail à Miljevina dans la mine de

24 plein gré, vous auriez pu refuser de le faire?

25 R: Non, certainement pas, on devait travailler.

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1 Q: Et est-ce que vous avez été rémunérés pour ce travail?

2 R: Non, nous n'avons pas été payés mais chaque jour, nous avons reçu de la

3 mine même une dizaine de cigarettes et une boîte de conserve donc de la

4 nourriture et 10 cigarettes par jour.

5 M. le Président (interprétation): Désolé de vous interrompre, mais est-ce

6 que cette ration supplémentaire s'ajoutait à d'autres repas? Je pense que

7 vous auriez des difficultés pour prouver la nature obligatoire du travail.

8 S'il n'était pas payé, bien sûr, ça peut intervenir, mais est-ce qu'on

9 doit tenir compte du fait qu'on donnait un peu de nourriture en plus des

10 rations habituelles?

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous venez de parler de cette

12 nourriture, est-ce que cette nourriture s'ajoutait à la ration

13 habituellement que vous receviez, donc c'était un supplément de

14 nourriture?

15 Témoin 139 (interprétation): Outre les plats normalement, parce qu'on

16 partait le matin très tôt pour aller à la mine, on ne pouvait pas être là

17 pour le petit déjeuner ni pour le déjeuner, mais autant que nous le

18 sachions toute cette nourriture-là a été assurée par la mine et ce n'est

19 plus le KP Dom.

20 Q: Est-ce que vous receviez plus de nourriture que ce que vous receviez au

21 KP Dom?

22 R: Ceci devait être un peu plus parce que nous étions déjà fatigués,

23 exténués, on ne pouvait pas travailler. Or, le travail dans une mine est

24 bien difficile. Par conséquent, peut-être un peu plus, ça fait une

25 conserve, une boîte de conserve, ça fait une centaine de grammes.

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1 Q: Passons à un sujet différent. Nous allons parler de la structure du

2 commandement, la voie hiérarchique au KP Dom pendant votre détention. Qui

3 était le directeur?

4 R: Lorsque j'ai été capturé, lorsque j'ai été incarcéré, le directeur

5 était Milorad Krnojelac.

6 Q: Est-ce que vous connaissiez M. Krnojelac avant la guerre?

7 R: Oui, je le connaissais.

8 Q: Comment se fait-il que vous le connaissiez?

9 R: Il était instituteur à Gornja Skala, il habitait en bas près de

10 Stolarija. Je connaissais ses fils, il avait un qui tenait un café.

11 Q: Est-ce qu'avant la guerre il a travaillé à la prison?

12 R: Non.

13 Q: Vous nous avez dit qu'au moment où vous vous travailliez comme garde au

14 KP Dom, c'était M. Tesovic qui était le directeur.

15 Savez-vous pourquoi ce monsieur a été remplacé par l'accusé à ce poste?

16 R: Je ne sais pas.

17 Q: Et qui l'a placé à ce poste, le savez-vous?

18 R: Je ne peux que supposer pour dire que cela tenait de la politique du

19 SDS, mais j'ignore par qui il a pu être assigné à cette tâche, peut-être

20 par cette cellule de crise, je ne sais pas.

21 Q: Est-ce que M. Krnojelac était membre du SDS?

22 R: Oui.

23 Q: Comment le savez-vous?

24 R: Il faisait partie du comité exécutif du SDS de la ville de Foca. Je le

25 voyais, on en parlait dans la ville même. Il était aussi à un meeting tenu

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1 et organisé par le SDS auquel j'ai assisté au stade.

2 Q: Vous parlez de ce meeting du SDS. A quel moment a-t-il eu lieu?

3 R: C'était au moment où il y avait les élections pluripartites au moment

4 des campagnes électorales, peut-être vers les années 89 ou 88, lorsque le

5 SDA tenait ces campagnes électorales, le SDS en a fait autant. C'était à

6 cette époque évidemment des élections pluripartites.

7 Q: Est-ce que vous avez vu M. Krnojelac prendre la parole, parce que sinon

8 comment savez-vous qu'il faisait partie du SDS?

9 R: D'après ouï-dire, d'après ce qu'on racontait. Moi, j'ai travaillé avec

10 mes collègues qui étaient des Serbes et qui le connaissaient

11 personnellement. Un de mes collègues avec qui j'ai travaillé était de ses

12 voisins, etc…

13 On savait tout parce que Foca est une petite ville, on sait très bien qui

14 est quoi dans la ville.

15 Q: Et est-ce que vous avez vu que M. Krnojelac participait à ce meeting à

16 un titre quelconque?

17 R: Oui, il était présent, il était sur l'estrade même, mais il n'a pas

18 fait de discours, je ne l'ai pas vu faire de discours. Peut-être que

19 j'avais quitté ce meeting, avant.

20 M. le Président (interprétation): Un instant, Madame. Maître Bakrac?

21 M. Bakrac (interprétation): Ce qui m'intéresse uniquement c'est d'entendre

22 dire au témoin ce qu'il a lu très exactement sur cette feuille de papier

23 qu'il a reçue.

24 Témoin 139 (interprétation): Vous pouvez le voir vous-même pour en juger,

25 c’est la feuille de papier qui m’a été remise tout à l’heure et que j’ai

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1 eu sous les yeux tout le temps.

2 M. Bakrac (interprétation): Je vous remercie.

3 M. le Président (interprétation): C'est la liste C?

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non, pas du tout, la liste C c’est la

5 liste avec son nom. Vous savez qu'il a reçu cette liste de noms parce que

6 figurait un nom dans cette liste et je pensais qu'il allait en parler, il

7 ne l’a pas fait, donc on peut reprendre cette feuille de papier.

8 M. le Président (interprétation): Il s'agit de la pièce P375.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C’est exact.

10 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac?

11 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, j'ai vu tout à l'heure

12 le témoin lire quelque chose sur une feuille, et étant donné que je ne

13 pouvais pas savoir de quoi il s'agit, voilà le pourquoi de mon objection.

14 M. le Président (interprétation): Je comprends, je vous remercie.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Vous dites l'avoir vu sur une

16 estrade. Est-ce qu'il était sur un podium en compagnie d'autres personnes

17 de haut rang? Qu'entendez-vous par là?

18 Témoin 139 (interprétation): Oui, c'était une espèce d'estrade sur

19 laquelle il y avait les membres de ce parti et également les responsables,

20 les responsables du parti.

21 Q: Vous dites qu'il a été directeur du KP Dom pendant votre détention.

22 Est-ce qu'il s'est présenté lui-même en tant que tel aux détenus ou

23 comment avez-vous appris qu’il occupait ce poste?

24 R: Non, il ne s’est pas présenté, mais je sais qu'il était le directeur.

25 Et j'ai pu voir, j'ai pu entendre mes anciens collègues gardes le saluer

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1 comme monsieur le directeur, et je sais que d'autres allaient le voir pour

2 demander à avoir une conversation, demander audience. Ils ne pouvaient pas

3 demander audience à Milorad Krnojelac, il ne savait pas qui était le

4 directeur, mais lorsqu’ils demandaient audience au directeur ils savaient

5 de qui il s'agissait. Et ensuite, il y avait, dans cette salle n°18, un

6 collègue à lui, qui était instituteur comme lui, c'est ce second que nous

7 lui envoyions souvent pour que l'autre s'engage à ce que des conditions

8 soient améliorées, etc., alors que lui aurait certainement il aurait pu y

9 aller pour des raisons tout à fait privées étant donné qu’il s'agissait de

10 deux collègues peut-être, pour que l'autre lui rende un service, etc.

11 Q: Essayons de préciser les choses.

12 Vous dites avoir entendu les gardes s'adresser à M. Krnojelac comme étant

13 le directeur. A quel moment les avez-vous entendu tenir ces propos?

14 R: Au moment où il est entré dans la cour pour se promener, si nous étions

15 nous-mêmes en promenade, ou si nous pouvions l'entendre parler avec

16 quelqu'un du haut de notre fenêtre, nous avons pu voir qu'on lui adressait

17 la parole comme monsieur le directeur.

18 Q: Ces fenêtres de la salle 18, est-ce qu’il n'y avait pas des vitres?

19 Comment se fait-il que vous puissiez entendre de là ce qui se disait dans

20 la cour?

21 R: Oui, on pouvait ouvrir la fenêtre. Mais pendant les premiers temps, la

22 première année, il n'y avait pas de vitre, mais on nous a donné des

23 feuilles en plastique; mais quand même on pouvait entendre parce que c'est

24 justement au-dessous de notre dortoir que menait le chemin vers la

25 cuisine, ce n'est pas très éloigné.

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1 Q: Puisse vous étiez un ancien collègue des gardes, est-ce que ces gardes

2 vous ont parlé, est-ce qu'ils vous ont dit que M. Krnojelac était le

3 directeur?

4 R: Oui, c'est bien cela, et cela à plusieurs reprises. Et lorsque j'ai

5 voulu me renseigner, par exemple si nous avons voulu avoir un service

6 quelconque, on répondait toujours qu'il fallait aller au directeur, et

7 quand j'ai demandé savoir qui était le directeur on m'a répondu Milorad

8 Krnojelac.

9 Q: Vous avez déjà déclaré l'avoir vu dans la prison. Combien de fois

10 l'avez-vous vu, à quelle fréquence le voyiez vous, quotidiennement?

11 R: Non, pas tous les jours. Peut-être que deux fois par semaine lui

12 entrait dans la cour, le matin. Bien sûr c'était à lui de décider quand il

13 allait entrer dans la cour, mais disons que ça se produisait deux fois par

14 semaine, pas tous les jours.

15 Q: Et lorsque vous l'avez vu dans la prison, que faisait-il?

16 R: Rien de spécial, il se promenait, il regardait, inspectait, sans rien

17 faire.

18 Q: Etait-il seul ou est-ce qu'il y avait quelqu'un qui l'accompagnait?

19 R: Non, d'ordinaire il était soit avec Savo soit avec Mitar Rasevic.

20 Q: Quand vous parlez de Savo, vous parlez de l'adjoint M. Todovic?

21 R: Oui, c'est bien à lui que je pense.

22 Q: Et que portait-il comme vêtement lorsque vous l'avez vu?

23 R: Je l'ai vu porter la tenue de civil.

24 Q: Est-ce qu'il portait une arme?

25 R: Je l'ai pas vu porter d'arme, il me semble que non. Je ne sais plus. Je

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1 n'ai pas vraiment vu qu'il était en possession d'armes. Peut-être qu'à la

2 hanche, sous sa ceinture, il avait une arme, un pistolet, mais on ne

3 pouvait pas le voir.

4 M. le Président (interprétation): Est-ce que le moment se prête bien à la

5 fin des débats. Peut-être qu'un de vos collègues pourrait vous rappeler

6 qu’on arrive à la fin de l’audience.

7 Nous allons lever celle-ci et nous reprendrons les débats demain à 9

8 heures 30.

  1. (L'audience est levée à 16 heures.)