Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 499

1 (Jeudi 2 novembre 2000.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 30.)

3 (Audience publique.)

4 (Le témoin, M. Safet Avdic, est déjà dans le prétoire.)

5 M. le Président (interprétation): Pouvez-vous citer l'affaire?

6 Mme Chen (interprétation): Oui, Monsieur le Président, il s'agit de

7 l'affaire IT-97-25-T, le Procureur contre Milorad Krnojelac.

8 M. le Président (interprétation): (inaudible.)

9 M. Bakrac (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le

10 Président. Je voulais tout simplement soulever un point d'ordre technique.

11 Le "case manager" nous a donné des explications aujourd'hui. Il y avait un

12 malentendu hier, à savoir nous avions proposé que les déclarations que M.

13 Vasic voulait utiliser soient versées au dossier, mais nous avons pensé

14 que cette Chambre disposait de toutes les copies des déclarations faites

15 en question.

16 Or, l'explication faite, c'est que ce n'était pas le cas et que nous

17 devons tout de même toujours communiquer une copie. Je voulais savoir

18 devant cette Chambre s'il ne serait pas trop tard de le faire à la

19 suspension d'audience et puis ultérieurement demander de verser au dossier

20 toutes les déclarations faites avec les cotes d'identification, c'est-à-

21 dire la cote de toutes ces pièces à conviction.

22 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, je suis tout à fait prêt

23 que soit attribuée une cote d'identification mais pourquoi en avez-vous

24 bien besoin? Parce que vous avez l'acquiescement du témoin, il a bien

25 souligné ce qu'il avait dit dans les parties pertinentes de la

Page 500

1 déclaration, il reconnaît qu'il l'a dit.

2 Nous ne voulons pas simplement avoir des documents dans le but d'en avoir

3 tout simplement. Si vous voulez vous baser sur une autre partie, Me Vasic

4 aurait dû soumettre cela au témoin, c'est ce que j'avais dit et il n'a

5 présenté que cet élément-là. Si le témoin n'avait pas reconnu que c'est ce

6 qu'il avait dit, bien sûr vous auriez pu demander le versement au dossier

7 de la déclaration pour montrer qu'il y avait incohérence entre ce qu'il

8 disait à l'audience et ce qu'il disait dans sa déclaration.

9 Mais le fait est qu'il a essayé de fournir une explication, alors je ne

10 vois pas pourquoi il faut que vous demandiez le versement au dossier de ce

11 document.

12 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, nous sommes d'accord.

13 Nous avons voulu tout simplement que ces documents soient versés au

14 dossier, alors que nous le pensions nous-mêmes que tout ceci existe dans

15 le transcript. Tout ceci n'est évidemment pas susceptible d'être une

16 origine de confusion. Si jamais il y a quelque chose de contestable, nous

17 en communiquerons toujours un exemplaire au prétoire. Je vous remercie.

18 M. le Président (interprétation): Il y aura attribution d'une cote pour

19 identification 1, puis par la suite ce document peut devenir une pièce à

20 conviction.

21 Quand vous parlez de la liste sur laquelle ce document figure, je ne sais

22 pas ce que vous entendez. Ce sont ceux qui sont uniquement cotés pour

23 identification? La seule partie qui est versée au dossier, c'est la partie

24 qui, de l'admission du témoin, a été reconnue par celui-ci comme étant ce

25 qu'il avait dit à la police.

Page 501

1 Est-ce qu'il y a un problème à ce que l'on attribue une cote provisoire

2 d'identification? Madame la Greffière d'audience est un peu surprise.

3 Mme Chen (interprétation): Ceci provient du classeur prévu pour le procès

4 et l'accusation avait déjà attribué une cote.

5 M. le Président (interprétation): Non, ce document qui a fini par être

6 produit ne se trouvait pas dans notre classeur. C'était la même date,

7 c'est un document lui même signé mais il était en fait différent, c'était

8 une version différente.

9 On peut peut-être attribuer une cote et vous verrez par la suite, Monsieur

10 Bakrac, si vous voulez le faire verser au dossier. On en discutera à ce

11 moment-là. Vous comprenez?

12 M. Bakrac (interprétation): J'ai parfaitement bien compris et j'aimerais

13 que ce document soit versé au dossier. Pendant la suspension d'audience,

14 nous allons tirer une copie de cette version que nous avons reçue de la

15 part du Bureau du Procureur. Il y avait un problème de traduction mais je

16 crois que nous allons le verser au dossier coté n°1. Et je vous prie de

17 m'excuser, Monsieur le Président, d'avoir pris trop de temps précieux.

18 M. le Président (interprétation): Pas de problème, pas de problème.

19 Madame Kuo, vous avez la parole.

20 (Interrogatoire principal du témoin, M. Safet Avdic, par Mme Kuo.)

21 Mme Kuo (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

22 Bonjour Monsieur le Témoin.

23 M. Avdic (interprétation): Bonjour.

24 Q: J'aimerais que nous apportions une précision s'agissant du moment où se

25 déroulaient certaines des choses dont vous avez parlé. Vous avez d'abord

Page 502

1 dit qu'il y avait aussi des prisonniers serbes détenus au KP Dom, vous les

2 voyiez dans la cour. Pouvez-vous situer ceci dans le temps? Au cours de

3 quel mois, de quelle année?

4 R: C'était, je le pense bien, lors de la seconde moitié de l'année 1993,

5 c'est seulement en 1993.

6 Q: Et avant ce deuxième semestre 1993, à partir du début de votre

7 détention 1992 et pendant les six premiers mois de 1993, est-ce qu'il y

8 avait aussi des prisonniers serbes détenus au KP Dom à votre connaissance?

9 R: Pendant cette période où j'y étais détenu, lorsqu'on m'a emmené, il y

10 avait -je ne peux pas vous dire le chiffre exact- mais il avait deux ou

11 trois prisonniers serbes qui étaient restés au KP Dom. C'étaient les

12 anciens jugés avant le conflit en Bosnie-Herzégovine qui purgeaient leur

13 peine au KP Dom et qui sont restés là, que nous avons trouvés là en

14 arrivant. Je ne peux pas vous dire le chiffre exact, enfin le nombre

15 qu'ils étaient, mais quelques-uns d'entre eux de l'ancien KP Dom pour

16 ainsi dire.

17 Q: Est-ce que vous avez eu des contacts avec ces quelques prisonniers

18 serbes qui se trouvaient déjà là au moment où vous avez commencé votre

19 détention?

20 R: (inaudible.)

21 Q: Hier, vous avez également fait état du moment où vous avez rencontré

22 Milorad Krnojelac, l'accusé, lorsqu'il était commandant de réserve. Vous

23 souvenez-vous de l'époque à laquelle ceci s'est passé?

24 R: Ce n'est pas à cette occasion-là que j'ai fait sa connaissance, je le

25 connaissais depuis longtemps. A Foca, on connaissait bien les cadres

Page 503

1 enseignants, les cadres ingénieurs de toutes les différentes firmes et

2 institutions. Mais c'était tout simplement une rencontre spécifique que

3 celle-là, dont j'ai parlé.

4 C'était sur le terrain à Zavajt, c'étaient les installations de l'ancienne

5 exploitation forestière Maglic à Zavajt. A cette époque-là, j'étais

6 directeur des exploitations forestières et Tesovic était chef de l'une des

7 unités de cette exploitation. Dans ces installations, en partie, on se

8 préparait pour ces manoeuvres militaires.

9 Q: Et lorsque cette fois-là vous l'avez vu, c'est cette date-là qui

10 m'intéresse, cela se passait en quelle année plus ou moins?

11 R: C'était certainement deux ou trois ans avant le commencement de

12 l'agression. Peut-être en 1987, 1988 comme ça. Je ne peux pas être sûr

13 maintenant, mais en tout cas deux ou trois ans avant l'agression.

14 Q: Et lorsque vous dites qu'il était commandant de réserve?

15 M. Bakrac (interprétation): Objection!

16 M. le Président (interprétation): Oui, Monsieur Bakrac.

17 M. Bakrac (interprétation): Le témoin a dit: "Deux ou trois ans", et il a

18 ajouté: "Oui, quelques années". Ceci ne figure pas dans le transcript.

19 Page 4, ligne 24, j'ai entendu le témoin dire "deux ou trois ans ou

20 quelques années avant".

21 M. le Président (interprétation): Eh bien, ceci figure dans sa dernière

22 réponse, il dit: "Je ne suis tout à fait sûr, mais je suis certain que

23 c'étaient deux ou trois ans avant l'agression".

24 C'est bien ce que vous avez dit? Ou maintenant c'est précisé "plusieurs

25 années avant l'agression", pourriez-vous apporter une précision?

Page 504

1 Mme Kuo (interprétation): On avait l'impression que vous aviez dit

2 plusieurs choses différentes, Monsieur le témoin. Soyons précis!

3 Quand avez-vous rencontré M. Krnojelac à cette occasion, plusieurs années,

4 comme vous l'avez dit, avant l'agression?

5 M. Avdic (interprétation): J'ai dit que je ne pouvais pas m'en souvenir

6 pour répondre avec précision, pour dire de combien d'années il s'agissait.

7 Mais je trouve maintenant qu'il peut y avoir plusieurs années, et qui dit

8 plusieurs années, cela peut-être trois, quatre ou cinq ans parce qu'on ne

9 peut pas préciser le chiffre. Evidemment pour moi cela veut dire quelques

10 années et sous ce terme de "quelques années", on y retrouve trois, quatre,

11 ou cinq.

12 Par conséquent cette expression "trois ou quatre" me semble identique à

13 celle de "quelques années". Je n'ai pas dit "beaucoup d'années". Qui dit

14 beaucoup d'années, il pense à une période de 10 ou 15 ans.

15 Q: Lorsque vous situez le moment de l'agression, quand selon vous a

16 commencé l'agression?

17 R: Je parle du commencement de l'agression en 1992, c'est à cette

18 agression-là que je me réfère.

19 Q: Je vous remercie. Revenons à la question que je voulais vous poser.

20 L'accusé, il était commandant de réserve de quelle organisation?

21 R: C'était un exercice militaire, une manoeuvre d'une unité militaire.

22 Q: Est-ce que c'était de la JNA ou d'une autre structure, d'une autre

23 organisation?

24 R: C'était la JNA, une manoeuvre militaire de l'armée yougoslave et autant

25 que j'ai pu voir, pour en juger, il portait cet uniforme de couleur gris

Page 505

1 olivâtre où toutes les unités territoriales de la région de Foca, région

2 de l'armée de Foca, qui étaient en âge de porter des armes dans la région

3 de Foca, y étaient inclus. Et le commandant en chef de cette manoeuvre

4 était un militaire permanent de la JNA, c'était un lieutenant-colonel qui

5 commandait les manoeuvres et qui était officier actif de la JNA, par

6 conséquent commandant des manoeuvres.

7 Q: Je vous remercie. Je vais demander l'aide de l'huissier pour que vous

8 soient montrées les photographies que je n'ai pas eu le temps de vous

9 montrer hier. Il s'agit des photographies portant les cotes 18, 7528 et

10 7259.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 Examinons la première qui porte la cote 7528, nous voulons comparer les

13 deux photographies. Est-il exact de dire que les arbres qu'on voit au

14 milieu de la photographie du bas...

15 Est-ce qu'on peut prendre une vue qui englobe les deux photographies? Je

16 vous remercie.

17 Dans la photographie du bas, on voit une flèche dans un cercle jaune qui

18 indique quelques arbres, est-ce exact Monsieur le témoin?

19 R: Oui.

20 Q: La photographie du dessus vous montre également certains arbres qui

21 sont au milieu de la photographie, est-ce que ce sont les mêmes arbres

22 mais vus de l'autre côté? Vous êtes un ingénieur en sylviculture.

23 R: Je pense que c'était bien cela.

24 Q: Est-ce que vous connaissez ces arbres?

25 R: Oui.

Page 506

1 Q: Qu'est-ce que c'est?

2 R: Devant le KP Dom, il y avait des peupliers en plantation. Il s'agit là

3 bien de peupliers, voici les peupliers. Je m'excuse.

4 Q: Pendant votre détention, votre captivité au KP Dom, est-ce que ces

5 arbres s'y trouvaient?

6 R: Oui.

7 Q: S'agissant de la photographie supérieure, est-ce que c'était à peu près

8 la vue que vous aviez depuis la salle 20 lorsque vous regardiez vers la

9 rivière donc à travers, si vous voulez une vue qui traversait le bâtiment

10 administratif?

11 R: Je ne suis pas sûr mais ça pourrait l'être car depuis notre salle,

12 comme on peut le voir ici sur cette photographie, on pouvait voir le pont

13 sur la Drina, on pouvait voir l'ensemble de la rive gauche -je parle de

14 ces quelques immeubles- et puis on pouvait voir au dessous du pont la

15 rivière Drina et puis quelques bâtiments ou maisons sur la rive gauche,

16 qui m'ont été très bien connus parce que je sais à quel moment ces maisons

17 ont été construites.

18 Q: La vue que vous aviez depuis la salle 20 à l'époque, est-ce que vous

19 pouvez la comparer à ce que vous voyez sur la photographie 7528? Est-ce

20 qu'à ce moment-là vous aviez une meilleure vue de la rivière et du pont ou

21 est-ce que c'était la même chose? Je veux savoir si vous étiez en mesure

22 de voir le pont?

23 R: Depuis notre salle, ma salle, salle 20, la vue est telle qu'elle n'est

24 pas bloquée par ces arbres-là parce que notre salle se trouvait beaucoup

25 plus au sud par rapport à ces arbres et par rapport au positionnement à

Page 507

1 partir duquel cette photographie a été prise.

2 Mais nous avons également eu une vue peut-être telle que nous avons pu

3 voir moins le pont, son milieu ou le côté gauche du pont lorsque je

4 regarde de la rive gauche de la Drina. Alors pour ce qui est du début

5 même, pour le voir le pont, nous ne pourrions pas le voir à partir de

6 notre salle.

7 Sur cette photographie, c'est présenté autrement. Nous avons pu voir le

8 début du pont, son côté droit et puis le passage vers la gauche, alors que

9 notre salle on ne pouvait pas voir le bout du pont, on voyait à partir de

10 la moitié vers le restant du pont, du côté de la rive gauche de la Drina.

11 Q: Vous avez déclaré que la vue que vous aviez de votre salle était un peu

12 différente. Vous l’avez situé plus au sud. Alors pourriez-vous nous donner

13 une direction? Par rapport à la photo, est-ce que vous étiez plus à gauche

14 ou plus à droite?

15 R: Nous étions plutôt à gauche.

16 Q: Autre précision. S'agissant de la photo, vous voyez qu'il y a une

17 flèche. Pourriez-vous nous dire ce qu'elle indique, cette flèche? Est-ce

18 qu’elle indique le pont?

19 R: Cette flèche encerclée de jaune, à ce point-là on peut voir une partie

20 de la construction du pont. A l'angle même où se trouve la flèche, ceci

21 pourrait être une partie de l'arc du pont. Voici, c’est ce que je pointe

22 maintenant, cette partie-là.

23 Q: Merci.

24 M. le Président (interprétation): Madame Kuo, je pense que vous avez le

25 droit de lui poser une question directe. Vous pourriez lui demander si les

Page 508

1 arbres avaient la même hauteur.

2 Mme Kuo (interprétation): J'avais l'intention de poser maintenant ces

3 questions. Je sais que vous avez dit que les arbres n'obstruaient pas la

4 vue que vous aviez depuis la salle 20, mais j’aimerais quand même vous

5 poser quelques questions à propos des arbres.

6 Je vais vous expliquer, ces photographies ont été prises en juin 1996. En

7 1992, pendant votre détention à la prison, est-ce que les arbres avaient

8 la même hauteur ou est-ce qu’ils étaient plus petits?

9 R: Les couronnes de ces arbres, en cette période-là où j'y étais par

10 rapport à la période de la prise de vue, peuvent mais ne doivent pas être

11 différentes, étant donné l'âge de ces arbres qui datent de plus de 30 ans.

12 Pour traiter de cette période je dirais qu'il y a un arrêt de croissance

13 de cet arbre. La croissance se fait plutôt en largeur du tronc et de la

14 couronne, parce que qui dit peuplier dit croissance en hauteur jusqu'à une

15 certaine mesure, après quoi il y a stagnation, et puis la croissance de

16 l’arbre se fait en épaisseur et en largeur.

17 Par conséquent, il n’y a pas vraiment une différence sensible pour parler

18 de cette période de trois ou cinq ans qui sépare... Surtout lorsque nous

19 parlons peuplier. Et hors la différence du peuplier, vous avez le pin noir

20 qui date de 15 ou 10 ans et qui montre une croissance beaucoup plus

21 importante pour cette même période que ces peupliers qui datent, comme je

22 le dis, de 30 ans. Et définitivement, on les abats ces peupliers à peine

23 supérieurs de 25 ou 30 ans pour traitement.

24 Voyez-vous, avant, il y avait beaucoup de peupliers, mais ces arbres ont

25 été abattus parce qu'il y avait des problèmes de parkings ou je ne sais

Page 509

1 pas quelle manipulation, donc ces peupliers ont été abattus et ils étaient

2 beaucoup plus nombreux.

3 Q: Vous dites que le peuplier arrête sa croissance pour ce qui est de la

4 hauteur et s'épaissit ou s'élargit. Vous parlez uniquement du tronc ou

5 aussi des branches supérieurs, parce qu’elles aussi, ces branches

6 supérieures gagnent en largeur, s’étendent?

7 R: Oui, bien sûr que ces couronnes se développent, mais ce n'est pas au

8 même rythme de croissance que, par exemple, durant la période il y a 25

9 ans, parce qu’il y a toujours un arrêt de croissance. Chaque arbre est

10 censé avoir évidemment son âge. Pour ce qui est du pin noir, lui, pendant

11 120 ans peut toujours accuser une croissance en hauteur. Or pour un

12 peuplier, c'est un arbre au rythme de croissance rapide. Par conséquent,

13 pendant un laps de temps très court, le peuplier atteint une hauteur du

14 pin noir qui pourrait peut-être aller jusqu'à 120 ans.

15 Q: Monsieur Avdic, quand on regarde à travers un peuplier, est-ce qu’il y

16 a de la visibilité, est-ce qu’on voit quelque chose ou est-ce que c’est

17 une épaisseur complète du fait du feuillage, si on essaie de regarder à

18 travers?

19 R: Pour ce qui est du peuplier, le peuplier peut obstruer beaucoup plus la

20 vue parce que la couronne est touffue. Les feuilles sont de sorte à ne pas

21 permettre une bonne visibilité. Mais pour parler de la couronne d'un

22 bouleau, par exemple, le bouleau, lui, est, je crois, beaucoup plus

23 transparent par rapport au peuplier. On voit mieux à travers la couronne

24 d’un bouleau qu’à travers la couronne d’un peuplier.

25 Q: S'il y avait des phares de voiture qui se trouvaient de l'autre côté de

Page 510

1 ce feuillage de peupliers, est-ce qu’à travers ce feuillage de peupliers

2 vous pourriez voir ces phares de voiture, à supposer qu’on parle de ces

3 peupliers ici, il n’y a donc qu’une épaisseur?

4 Q: Oui, on pourrait voir les lumières d'une voiture à travers les

5 branches, à travers la couronne d’un peuplier.

6 Q: Nous parlons de ces arbres-ci?

7 R: Oui, oui, oui on pourrait voir les phares. Bien sûr, la lumière des

8 phares, on pourrait l’apercevoir.

9 M. le Président (interprétation): Il se fait que je viens d'un pays où les

10 peupliers sont un arbre exotique. Je ne sais même pas si ce sont des

11 arbres au feuillage caduc. Est-ce que vous pourriez préciser ceci, est-ce

12 qu’ils perdent leurs feuilles?

13 Mme Kuo (interprétation): Pourriez-vous répondre à la question posée par

14 le Président?

15 M. Avdic (interprétation): Oui, bien sûr, qui dit peuplier dit un feuillu,

16 or le pin noir c'est un conifère, par conséquent peuplier ou bouleau, il y

17 avait des bouleaux autour du mur d’enceinte, tout comme les acacias qui

18 étaient en plantation comme un jardin fleuri, c'étaient des feuillus, or

19 le pin noir c'est un conifère.

20 M. le Président (interprétation): Merci d’avoir enrichi ma connaissance.

21 Mme Kuo (interprétation): Nous allons poursuivre par quelques questions

22 concernant à nouveau des arbres. Je vais vous montrer diverses parties du

23 KP Dom. Vous en aurez déjà vu certaines d'entres elles, mais voyons

24 d'abord les photographies 7572 et 7573.

25 Hier, vous avez précisé la nature de la première photographie. Mais à

Page 511

1 droite de cette photographie, on voit un arbre. Pourriez-vous nous dire

2 quelle est son espèce et s'il se trouvait là au moment où vous vous

3 trouviez, vous, au KP Dom?

4 M. Avdic (interprétation): C'est un bouleau, c'est un feuillu, par

5 conséquent chute de feuilles évidemment en hiver, et moi là où j'étais on

6 ne peut pas le voir, on ne peut pas le voir de notre salle.

7 Ici c'est le bâtiment administratif, cette grande porte menant depuis le

8 service de sécurité vers la cour, la cour du KP Dom.

9 Q: Le bouleau ou les bouleaux, est-ce qu'ils avaient à cette époque la

10 même hauteur, la même largeur?

11 R: Oui.

12 Q: Est-ce que le bouleau a lui aussi une croissance lente ou est-ce qu'il

13 ressemble au peuplier, en ceci qu'une fois qu'il a atteint une certaine

14 hauteur, une certaine maturité, il arrête sa croissance?

15 R: Le bouleau, lui aussi, est un arbre à rythme de croissance rapide mais

16 un peu plus lent quand même que le peuplier.

17 Q: Est-ce qu'il est possible de voir à travers le feuillage d'un bouleau?

18 R: Oui.

19 Q: Veuillez examiner maintenant la deuxième photographie. Là on voit un

20 arbre au milieu, à gauche du n°2. Quelle sorte d'arbre, est-ce?

21 R: Je crois qu'il s'agit d'un acacia, arbre à planter dans les jardins

22 publics, et sa couronne commence à se ramifier à partir de ce point que je

23 montre là. Cette couronne peut atteindre un mètre et demi et qui se

24 développe en champignon. Il s'agit d'une variété surtout choisie pour les

25 jardins publics.

Page 512

1 Mais n'oubliez pas qu'on essaye de façonner tous les ans en élaguant les

2 arbres pour bien tailler la couronne. Et une fois qu'évidemment au

3 printemps cela commence à pousser, ça a l'air d'une espèce de calotte.

4 Q: Si l'on compare l'aspect qu'avaient ces arbres en 1992, n'oubliez pas

5 que ces photographies ont été prises en 1996, est-ce que vous, vous

6 constatez une différence s'agissant de la hauteur, de la forme qu'ont ces

7 arbres?

8 R: Il n'y a pas de différence là.

9 Q: A l'extrême-droite de la photographie, est-ce que ce sont aussi des

10 bouleaux? Est-ce que ce sont les bouleaux dont nous avons vu la couronne

11 dans la photographie précédente?

12 R: Sur l'autre photographie, il y avait des arbres en dehors de l'enceinte

13 du KP Dom.

14 Q: Non, non je parlais de la photographie qui se trouve ici juste au-

15 dessous de celle dont nous venons de parler, de la 7472. Là vous aviez

16 reconnu certains bouleaux et vous aviez aussi indiqué le bâtiment

17 administratif.

18 Moi, j'ai l'impression et j'aimerais que vous confirmiez ou infirmiez

19 cette impression, que la photographie du dessus nous montre la couronne du

20 bouleau alors que la photographie du bas nous montre plutôt le bas de ce

21 même arbre. Pourriez-vous apporter des précisions?

22 R: Ceci pourrait être cette partie des arbres pour parler des

23 photographies 2 et 1, sur la photographie d'en bas surtout. Par conséquent

24 à partir de cet arbre-là que j'ai pointé tout à l'heure, c'est la

25 continuation de la photographie. La partie supérieure de la couronne de

Page 513

1 l'arbre éventuellement, il s'agit de cet arbre-là ou bien de la couronne

2 d'autres arbres que l'on ne voit pas, mais seule la couronne était prise

3 en vue ici.

4 Il se peut que ce ne soient pas ces arbres-là, que l'on voit la couronne

5 sur la photographie d'en haut, mais que c'est plutôt d'autres arbres qu'il

6 s'agit.

7 De ce côté-ci, voyez-vous, se trouvaient les bouleaux, ces arbres-là, les

8 bouleaux, et là où nous devions passer pour nous rendre dans ce bâtiment-

9 ci il y avait donc les bouleaux dont je parle.

10 Est-ce bien de cette partie-là des troncs que l'on voit la couronne sur la

11 photographie d'en haut pour parler de bouleaux? Je ne peux pas vous le

12 dire maintenant.

13 Q: Merci. Je vais maintenant vous montrer une autre photographie, elle

14 porte la cote 7512.

15 (L'huissier s'exécute.)

16 Voyons la photographie du dessus. Vous voyez là deux ou trois arbres que

17 l'on voit entre les chiffres 1 et 2 apposés à cette photographie.

18 Est-ce que ce sont là les bouleaux dont nous venons de parler?

19 R: Oui.

20 Q: A l'extrême droite, tout à fait à droite de la photographie, on voit

21 une moitié d'arbre. De quelle espèce s'agit-il?

22 R: Ici, c'est une espèce de sapin, à côté l'acacia sous forme de

23 champignon comme j'ai dit, et le grand arbre dont on voit la moitié, c'est

24 un sapin. Ca, c'est un conifère. Le restant, le bouleau ou l'acacia sont

25 des feuillus.

Page 514

1 Q: Veuillez maintenant examiner la photographie du bas qui porte la cote

2 7513. Est-ce qu'on retrouve ce même conifère sur cette photographie?

3 R: Oui, c'est cela, ce sapin-là. On voit bien la cime comment elle

4 s'élève. Et c'était tout à l'heure sur l'autre photographie à droite.

5 Q: Une dernière question concernant cet arbre. Ce conifère, ce sapin, est-

6 ce qu'il avait à peu près la même hauteur que celle que l'on voit sur

7 cette photographie au moment de votre détention en 1992?

8 R: Le sapin lui a pu pousser peut-être d'un à deux mètres en hauteur parce

9 que toujours il y a lieu de dire que ce sapin est en croissance en hauteur

10 et vers la hauteur. Il s'agit d'un arbre qui ne date pas plus de 20 ou 25

11 ans et encore cet arbre est toujours en croissance en hauteur et en

12 épaisseur. Par conséquent, je crois que le sapin a peut-être même pu

13 gagner deux mètres et demi en hauteur pour parler de sa croissance.

14 Q: Merci beaucoup. Avez-vous des questions en ce qui concerne les arbres,

15 Madame et Messieurs les Juges?

16 M. le Président (interprétation): C'est la fin de la leçon de botanique,

17 merci.

18 Mme Kuo (interprétation): Monsieur Avdic, revenons à ce qui s'est passé au

19 KP Dom. Pendant votre détention, hier vous avez dit qu'à certains moments

20 des groupes de cinq ou six hommes étaient emmenés et vous avez dit avoir

21 entendu les gémissements, les cris, les coups et puis les disparitions. Et

22 vous avez dit qu'à certains moments, vous avez entendu la voiture qui

23 démarrait et qui longeait la route et vous avez vu la voiture qui serait

24 partie du pont, et puis vous avez entendu des sons, des bruits de chute

25 dans l'eau.

Page 515

1 A combien de reprises, avez-vous entendu la voiture franchir le pont et

2 ces sons de chute dans l'eau? Parce que vous avez entendu ces bruits. Mais

3 à combien de reprises avez-vous entendu la voiture à la suite des passages

4 à tabac?

5 M. Avdic (interprétation): Quant à moi, une fois j'ai vu une voiture

6 traverser le pont, enfin se mouvoir sur le pont, s'arrêter. Après quoi,

7 j'ai entendu ce bruit que cause la chute d'un objet dans l'eau. Pour

8 parler de moi-même, je l'ai donc entendu une fois, mais pour ce qui est de

9 faire sortir des prisonniers, eh bien ce spectacle, je l'ai vu à plusieurs

10 reprises. Combien de fois j'ai pu entendre ces cris de douleur, ces

11 hurlements et tout ce que nous avons décrit hier!

12 Q: Puisque vous n'avez pas entendu la voiture, savez-vous ce qui est

13 advenu des corps des détenus qu'on était venu chercher et qu'on avait

14 traités de cette façon?

15 R: Non.

16 Q: S'agissant des détenus qui ont été emmenés de cette façon, est-ce que

17 vous les avez revus?

18 R: Non. Quant à leur famille et à d'autres gens à qui j'ai pu parler une

19 fois sorti du KP Dom, j'ai pu apprendre de tous ces gens-là qu'aucune de

20 ces personnes ne pouvait évidemment se manifester et leurs familles sont

21 toujours à leur recherche.

22 Q: Est-ce qu'on peut montrer la liste C de l'Acte d'accusation. Je vais

23 demander pour ce faire l'aide de l'huissier.

24 Monsieur le Président, puisque cela fait partie de l'Acte d'accusation,

25 cette liste, je croyais que nous n'étions pas tenus d'en mettre une cote,

Page 516

1 mais si vous désirez le contraire nous pouvons le faire.

2 M. le Président (interprétation): Je crois que ce serait mieux si vous

3 pouviez nous donner un exemplaire. Nous pourrions à ce moment-là apporter

4 une cote puisque l'Acte d'accusation n'est pas versé au dossier, et même

5 s'il l'était ce ne serait peut-être pas acceptable pour l'accusé à cause

6 des faits qu'il étale.

7 Mme Kuo (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'il y a un

8 numéro d'identification. Monsieur le Président, en fait la liste C a déjà

9 été marquée avec un numéro d'identification et c'est le n°55. Ce sera donc

10 la première page qui se trouverait au classeur que nous allons verser au

11 dossier comme élément de preuve, et c'est le classeur qui contient toutes

12 les informations personnelles de ces personnes. Nous aimerions donc garder

13 cette cote 55.

14 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'il y a une objection, Maître

15 Bakrac, concernant cette liste C?

16 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président.

17 M. le Président (interprétation): Merci. Nous allons donc coter cette

18 pièce comme étant P55.

19 Mme Kuo (interprétation): Merci. Pourrait-on montrer ce document au

20 témoin, s'il vous plaît?

21 (L'huissier s'exécute.)

22 Monsieur le témoin, il y a plusieurs noms sur cette liste. J'aimerais

23 qu'on commence à lire ces noms et à chaque fois que vous allez rencontrer

24 un nom de quelqu'un que vous avez vu au KP Dom, pourriez-vous nous faire

25 savoir s'il vous plaît de qui il s'agissait et nous dire ce que vous savez

Page 517

1 de cette personne, ce que vous avez vu, et ce qui est arrivé à cette

2 personne?

3 Et si je vous demande si vous connaissez cette personne, vous pourriez

4 peut-être nous donner un âge approximatif, sa profession et nous donner

5 d'autres renseignements sur cette personne, si vous le pouvez.

6 M. Avdic (interprétation): Excusez-moi. Je voulais vous demander: voulez-

7 vous que je lise simplement les noms que je connais avec les explications,

8 ou voulez-vous que je vous lise tous les noms qui figurent sur la liste?

9 Q: Non, seulement les noms dont vous savez quelque chose.

10 R: Cankusic Refik, il était ouvrier, il était employé de Maglic. C'était

11 un homme plutôt jeune.

12 Q: Je ne voulais pas vous interrompre mais lorsque vous décrivez la

13 personne, pourriez-vous nous dire également si vous savez ce qui lui est

14 arrivé au KP Dom, si vous avez vu que quelque chose lui est arrivé et si

15 spécifiquement vous avez vu que cette personne s'est fait sortir de la

16 manière dont vous nous l'avez déjà décrit auparavant concernant les

17 passages à tabac?

18 R: Cankusic Refik s'est fait sortir une nuit. Il faisait partie de ce

19 groupe de cinq à six personnes qui avaient été passées à tabac dans le

20 bâtiment administratif du KP Dom.

21 Dzelilovic Kemal, c'était également un homme plutôt jeune. On l'a fait

22 sortir également, il faisait partie de ce groupe. Pour ce qui est de

23 Hodzic Nail, il devait avoir une soixantaine d'années, il était chauffeur.

24 On l'a fait sortir également, il faisait partie de ces groupes-là.

25 Konjo Halim, c'était un homme plutôt jeune. Il était restaurateur. Il

Page 518

1 s'est fait sortir de la même façon.

2 Nisic Nurko, un homme plutôt jeune, c'était un ouvrier, il travaillait ou

3 peut-être pas… Non, je ne pourrai pas vous donner de précisions sur lui,

4 mais c'était un homme plutôt jeune et il s'est fait sortir durant la nuit.

5 Il faisait partie de ce groupe de cinq à six personnes.

6 Tulek Kemal, ex-employé gardien du KP Dom. Il s'est également fait sortir

7 et faisait partie de ces groupes. Il était avec moi dans la pièce n°20

8 lorsqu'on est venu le chercher un soir et il a disparu par la suite avec

9 ce groupe de cinq à six personnes qu'on faisait sortir le soir du bâtiment

10 administratif du KP Dom.

11 Il y avait également Veiz Munib, il était commerçant et il avait un

12 magasin à Foca, il s'est fait sortir et il faisait partie de ce groupe de

13 personnes qui se sont fait sortir le soir.

14 Q: Monsieur le témoin, est-ce que vous avez terminé avec la liste?

15 R: Oui.

16 Q: Lorsque vous avez décrit Munib Veiz, pourriez-vous nous donner son âge?

17 R: C'était un homme plutôt jeune, il devait avoir de 30 à 35 ans. C'était

18 un homme assez costaud. Il avait également une famille.

19 Q: Vous avez parlé de sept personnes de cette liste et vous nous avez

20 décrit que ces personnes ont été emmenées de la façon que vous avez

21 décrite auparavant. Y avait-il d'autres personnes qui se trouvent sur la

22 liste et que vous avez vues au KP Dom et qui ne se sont pas fait sortir de

23 cette façon-là? Y avait-il d'autres personnes, outre les personnes que

24 vous nous avez déjà mentionnées, que vous avez vues au KP Dom?

25 M. Bakrac (interprétation): Objection.

Page 519

1 M. le Président (interprétation): Oui, Maître Bakrac. Je ne suis pas

2 certain d'avoir compris la question moi non plus.

3 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je voulais simplement

4 apporter une objection, lorsque mon éminente collègue a posé cette

5 question elle a demandé que le témoin ne lise que les noms des personnes

6 qu'il connaît. Donc comment peut-il parler d'autres personnes qu'il ne

7 connaît pas? Comment peut-il dire que ces autres personnes ont été

8 emmenées s'il ne les connais pas?

9 La question était de savoir quelles étaient les personnes qu'il

10 connaissait sur cette liste.

11 M. le Président (interprétation): Je ne suis pas certain que la question

12 était aussi limitative. En fait on lui a demandé dans le contexte qui

13 connaissait-il qui s'est fait emmener pour ne plus jamais revenir?

14 Donc maintenant on lui demande s'il connaît d'autres personnes qui se

15 trouvaient en prison mais qu'il n'a pas vu se faire sortir. En fait c'est

16 comme que j'ai compris la question, mais en fait je pense qu'elle n'a pas

17 été formulée de la meilleure façon.

18 Mme Kuo (interprétation): Oui Monsieur le Président.

19 M. le Président (interprétation): Si vous pouviez peut-être reposer cette

20 question, je crois qu'elle serait tout à fait admissible.

21 Mme Kuo (interprétation): Je crois que le Tribunal a déjà posé cette

22 question, que vous avez déjà posée la question, Monsieur le Président.

23 Je crois que le témoin pourrait répondre à cette question.

24 M. Avdic (interprétation): Il y a des noms sur cette liste que je connais,

25 c'étaient des personnes qui étaient au KP Dom, par contre je n'avais pas

Page 520

1 de contact avec elles personnellement et je ne les connaissais pas

2 auparavant non plus. J'ai fait leur connaissance au KP Dom. Donc j'ai fait

3 leur connaissance par d'autres détenus qui étaient avec moi et qui me

4 donnaient leur nom.

5 Donc pour 80% des noms qui se trouvaient, si je me souviens de leur nom,

6 c'est parce qu'on a été ensemble au KP Dom, par exemple Altoka Alija, je

7 connais ce nom et je me souviens de son nom du KP Dom, Dzamalija Juso,

8 Dzendusic Ramo, Granov Adil.

9 Q: Très bien. Nous pourrions maintenant peut-être parler de ces personnes

10 et vous pourriez peut-être nous dire ce que vous savez de ces personnes?

11 M. le Président (interprétation): Oui, mais avant de le faire, est-ce que

12 vous avez quelques éléments de preuve que ce soit concernant les personnes

13 qui se trouvaient au KP Dom?

14 Je sais que nous avons entendu qu'ils n'avaient jamais été enregistrés

15 lorsqu'ils se sont présentés mais est-ce que c'est simplement pour

16 démontrer qu'ils se trouvaient bien au KP Dom?

17 Mme Kuo (interprétation): Oui et également parce que ces personnes ne sont

18 pas en mesure de venir témoigner, donc nous aimerions obtenir le plus

19 d'informations possibles.

20 M. le Président (interprétation): Très bien. Si vous n'avez pas de liste

21 concernant les noms des personnes qui se trouvaient au KP Dom, c'est la

22 seule façon de procéder. Je me demandais quel était le but de cet

23 exercice, mais je le comprends maintenant.

24 Mme Kuo (interprétation): Très bien.

25 Vous pouvez peut-être commencer avec le haut de la liste et nous dire si

Page 521

1 cette personne se trouvait bien au KP Dom? Soit que vous ayez une

2 connaissance personnelle de ce texte soit que vous l'ayez entendu dire par

3 d'autres personnes, par personnes interposées.

4 M. Avdic (interprétation): Altoka Alija, le nom de famille et le prénom. Je

5 l'ai vu personnellement. Je ne savais pas que cet homme que j'avais vu

6 s'appelait vraiment Altoka Alija, et l'un des détenus m'a dit: "Cet homme

7 s'appelle Altoka Alija."

8 Dzamalija Juso. Je ne le connaissais pas personnellement mais lorsque nous

9 observions les départs des chambres des personnes qui se dirigeaient au

10 réfectoire ou qui se faisaient emmener à l'extérieur de l'enceinte du KP

11 Dom, les gens qui se faisaient emmener et qui partaient soit dans le but

12 de se faire échanger soit pour d'autres faits, alors à ce moment-là on

13 était plus concentrés pour voir qui étaient ces personnes qui partaient.

14 Il est certain que je ne connaissais pas toutes ces personnes.

15 Ramo Dzendusic. C'était un homme qui devait être âgé d'environ 45 ans.

16 Granov Adil. Il était un homme de Granovski Sokak, c'était un homme quand

17 même assez jeune, il devait avoir de 35 à 40 ans.

18 Hodzic Nail. Il devait être âgé d'environ 60 ans, il était chauffeur, il

19 travaillait pour Focatrans.

20 Pour ce qui est de Konjo Halim, il était restaurateur, un homme plus tôt

21 jeune.

22 Nisic Nurko. Un jeune homme.

23 Tulek Kemal. Un jeune homme également, un ancien, ex employé du KP Dom, un

24 ex gardien du KP Dom.

25 Il y avait également Veiz Munib, j'ai déjà dit que c'était un homme qui

Page 522

1 était quand même assez jeune, il était commerçant.

2 Et Veiz Zulfo également.

3 Donc d'après les conversations que j'ai eues avec les autres personnes et

4 après mon départ du KP Dom, j'ai su ou j'ai entendu parler de ces noms

5 même après mon départ du KP Dom.

6 Q: Merci, Monsieur Avdic. Très bien, nous allons poursuivre.

7 Les détenus, est-ce qu'ils se faisaient emmener par ces gardiens dans le

8 but d'échanges? Est-ce que c'est ce que les gardiens leur disaient?

9 R: Oui.

10 Q: Pourriez-vous nous décrire de quelle façon est-ce que cela avait lieu?

11 Qu'est-ce qui se passait? Comment cela se déroulait?

12 R: Au cours de la journée, le gardien qui se trouvait au portail appelait

13 le gardien qui était à l'intérieur, il se présentait donc au portail

14 extérieur. Ce gardien donnait une liste de noms au gardien intérieur.

15 Q: Attendez, je vous arrête ici. Lorsque vous parlez du gardien qui se

16 trouvait à l'intérieur, à l'intérieur de quoi?

17 R: A l'intérieur de l'enceinte du camp, à l'intérieur donc des murs du

18 camp, à l'intérieur desquels nous nous trouvions.

19 Q: Lorsque vous parlez du portail, de quel portail parlez-vous?

20 Je pourrais peut-être vous montrer le plan de nouveau, il s'agit de la

21 pièce 61 et vous pourriez peut-être nous montrer cet endroit?

22 (l'huissier s'exécute.)

23 M. le Président (interprétation): Vous voulez dire 6/1?

24 Mme Kuo (interprétation): Oui, 6/1.

25 M. Avdic (interprétation): Je pense à ce portail-ci.

Page 523

1 Q: Très bien. Est-ce que c'est bien le même portail où l'on faisait passer

2 ces listes de l'extérieur vers l'intérieur? Le soir également, c'est-à-

3 dire vous nous avez décrit que cet événement précédait les passages à

4 tabac?

5 R: Oui.

6 Q: Qu'est-ce qui se passait lorsque le gardien de l'extérieur donnait

7 cette liste au gardien qui se trouvait à l'intérieur?

8 R: En se basant sur cette liste de détenus, le gardien se rendait dans la

9 pièce dans laquelle se trouvaient les détenus, il se présentait dans les

10 pièces en question pour appeler les détenus qui se trouvaient dans la

11 pièce en question, et il leur disait: "Préparez vos affaires, vous allez

12 partir dans le but de vous faire échanger".

13 Q: Lorsque cela avait lieu, est-ce qu'il vous est arrivé de vouloir faire

14 l'objet d'un échange également?

15 R: C'est ce qui se passait pendant le jour, mais après deux ou trois

16 échanges de ce genre, -j'ai des problèmes cardiaques et j'ai toujours eu

17 des palpitations et je me sens toujours un peu anxieux-, et donc tenant

18 compte du fait du policier qui disait: "Vous allez vous faire échanger, je

19 me sentais libéré, je me disais qu’à ce moment-là je pourrais peut-être

20 rencontrer même ma famille de l'autre côté.

21 Et il y avait donc un infirmier qui travaillait à l'hôpital, c'est

22 l'infirmerie qui jadis était là, au KP Dom, c'est là qu'on traitait les

23 malades. Alors à ce moment-là quand j'avais besoin de traitement, quand je

24 disais au gardien que je ne me sentais pas bien, le gardien pouvait

25 m'emmener chez l'infirmier, et lorsque j'allais voir l’infirmier, je lui

Page 524

1 demandais de me donner des médicaments pour calmer les palpitations et

2 l’anxiété.

3 Je lui ai posé des questions à plusieurs reprises, je lui ai dit: "Gojko,

4 écoute, je suis un vieil homme, je suis un homme malade. Est-ce que tu

5 pourrais essayer de faire en sorte que moi aussi je sois échangé, que mon

6 nom figure sur cette liste-ci?", et il me disait toujours: "Tais-toi,

7 n'insiste pas là-dessus. Tu es plus en sécurité ici", à l'intérieur donc

8 du KP Dom.

9 C'est seulement lorsque je suis sorti du KP Dom que j'ai compris ses

10 paroles, lorsqu’il a dit: "C'est ici que tu es le plus en sûreté". Parce

11 que pour la plupart de ces personnes qui sont parties, qui ont été

12 emmenées dans le but d’être échangées, qui avaient effectivement pris

13 leurs effets personnels, lorsqu'on leur a dit: "Vous allez vous faire

14 échanger" toutes ces personnes ont disparu, et leurs familles et leurs

15 amis sont encore à la recherche de ces personnes, et personne n'a aucune

16 d'information sur ces gens-là, c'est ce que j'ai su bien sûr après mon

17 départ du KP Dom.

18 Q: Est-ce qu'il est arrivé qu’à un moment donné un groupe de détenus s'est

19 fait sortir sans qu'on leur dise qu'ils se faisaient sortir dans le but

20 d'un échange mais qu’on leur ait dit qu’ils devaient aller faire de la

21 cueillette des prunes?

22 R: Dans la deuxième partie du mois de septembre, il y avait environ 35

23 personnes, je ne sais pas le nombre de personnes exact, mais pendant le

24 jour il est arrivé que le gardien arrive et apporte une liste, et dise:

25 "Bon, vous allez travailler", il n'a pas dit: "Il faut aller à la

Page 525

1 cueillette aux prunes". Comme c'était la deuxième partie du mois de

2 septembre, nous-mêmes, étant donné qu'on connaissait à quel moment les

3 prunes étaient mûres, nous les avons appelés "le groupe des prunes", et il

4 y a environ 30 personnes qui se sont faites sortir. Ils ne leur ont pas

5 dit: "Vous allez vous faire échanger", mais ils leur ont dit: "Il faut

6 aller travailler".

7 On les a donc rassemblés en vitesse, de sorte que plusieurs personnes

8 n'ont même pas eu le temps de bien se vêtir, alors elles se sont faites

9 sortir de la pièce dans laquelle j'étais, ils ont appelé des noms. L’une

10 de ces personnes dont a appelé le nom, a supplié le gardien, elle lui a

11 dit: "Je suis malade, je ne peux pas travailler, est-ce que je pourrai ne

12 pas aller travailler?", et finalement il a laissé cet homme, mais il en a

13 appelé un autre de notre pièce à nous qu’il a emmené également.

14 Q: Vous souvenez-vous qui était cet homme de votre pièce dans laquelle

15 vous étiez, qui s’est fait emmener pour pour faire partie de ce groupe?

16 R: C'était un infirmier, il s'appelait Hadzi Mesic, et il y avait

17 également l'ingénieur Trneta Muhad, il y avait également certaines

18 personnes qui se trouvaient à côté de la pièce dans laquelle j'étais, mais

19 je me souviens très bien de ces deux noms que je viens de nommer.

20 Mais dans ma pièce à moi, il y avait environ sept ou huit personnes qui se

21 sont faites appeler ce jour-là, dont on a lu le nom de cette liste ce

22 jour-là, dans la deuxième partie du mois de septembre. Mais pour ces deux

23 noms que je viens de vous donner, j’en suis certain.

24 Q: Simplement pour apporter des précisions, il s’agit de quelle année,

25 c’est le mois de septembre de quelle année?

Page 526

1 R: C'était en 1992.

2 Q: Est-ce qu’il vous est arrivé de revoir ces personnes qui se sont faites

3 appeler et qui se sont faites sortir de la sorte?

4 R: Non.

5 Q: J'aimerais maintenant que l'on parle des gardiens. Si vous vous

6 souvenez des noms des gardiens et ce qu'ils ont fait, nous pourrions peut-

7 être en parler, et si vous avez besoin de vous rafraîchir la mémoire

8 concernant certaines choses que vous avez dit sur les gardiens ou

9 concernant le nom des gardiens, vous pouvez demander de consulter votre

10 déclaration.

11 Vous souvenez-vous des noms des gardiens qui se trouvaient au KP Dom?

12 R: Je ne me souviens pas de tous les noms, mais je vous demanderai de

13 consulter ma déclaration si possible.

14 Q: Avec l’aide de l’huissier, j’aimerais demander...

15 M. Bakrac (interprétation): Objection.

16 Monsieur le Président, nous pouvons suivre la liste des personnes

17 employées. Ce n'est pas correct de permettre au témoin de consulter sa

18 déclaration puisque nous aurons certainement des questions concernant la

19 crédibilité et les différences, donc je crois qu’il serait beaucoup plus

20 approprié de donner la liste des noms des gardiens à ce témoin donc. De

21 cette façon-là, le témoin pourrait nous dire qui il connaissait et non pas

22 de lui permettre de consulter sa propre déclaration.

23 M. le Président (interprétation): Je vois que l’objection est acceptée.

24 Madame Kuo, vous devez faire en sorte qu’il essaie de parler de mémoire et

25 si jamais il ne peut pas se souvenir de certaines choses, je permettrai à

Page 527

1 ce moment-là qu'il rafraîchisse sa mémoire à partir de la déclaration,

2 mais il faut bien sûr essayer de faire un exercice de mémoire, comme dit

3 Me Bakrac il faudrait essayer de procéder de la sorte.

4 Mme Kuo (interprétation): Oui, certainement, nous pouvons certainement

5 procéder de la façon dont le suggère Me Bakrac. C’est une très longue

6 liste et je voulais essayer de sauver du temps.

7 M. le Président (interprétation): Je comprends mais l’objection est

8 acceptée, donc vous devriez procéder de la sorte.

9 Mme Kuo (interprétation): Oui, très bien. J'aimerais qu'on montre au

10 témoin la pièce à cnviction P3, il s'agit d'une liste sur laquelle

11 figurent des noms de gardiens.

12 (L'huissier s’exécute.)

13 Ce que j'aimerais vous montrer, Monsieur Avdic, c’est une liste des

14 employés qui travaillaient au KP Dom. J'aimerais maintenant que vous

15 parcouriez la liste et à chaque fois que vous voyez le nom d'un gardien

16 que vous reconnaissez, j’aimerais que vous nous donniez son nom et que

17 vous nous disiez, du meilleur de votre souvenir, ce que vous avez vu que

18 ce gardien avait fait.

19 Alors je demanderai à monsieur l’huissier de placer le document 3A sur le

20 rétroprojecteur pour que tout le monde puisse suivre.

21 (L'huissier s'exécute.)

22 M. Avdic (interprétation): Jegdic, je le connaissais comme étant Jegdic,

23 son prénom est Radivoja, c'était un magasinier, ce n'était pas un garde.

24 Q: Ivanovic Risto?

25 R: Oui, c’était un garde.

Page 528

1 Q: Je vais peut-être vous arrêter. Lorsque vous trouvez le nom de

2 quelqu'un que vous reconnaissez, veuillez nous donner le nom au regard de

3 cette personne à gauche. Nous pourrons ainsi mieux suivre vos propos. Vous

4 parliez de M. Jegdic, c'est bien le n°7?

5 R: Oui, c'est bien 7.

6 Q: Essayons de procéder de cette façon: d'abord le numéro et puis le nom.

7 R: Jegdic, je connais donc son nom de famille, je le connais d'après son

8 nom de famille. C'était un magasinier entreposeur au KP Dom, notamment

9 dans les entrepôts de vivres utilisés pour cuisiner, pour préparer les

10 plats à l'intention des prisonniers. C'est à partir de ces entrepôts que

11 les vivres étaient acheminés vers la cuisine où les plats étaient

12 préparés.

13 Au n°9, Ivanovic Risto, garde. Au n°11, Todovic Savo surnommé "Bunda",

14 c'est nous qui lui avons donné ce surnom.

15 Q: Vous avez parlé hier d'un certain Todovic qui semblait être responsable

16 des équipes de travail, est-ce ici la même personne?

17 R: Oui, c'est bien lui. Ce que j'ai raconté hier, pour parler de ces

18 appels nominaux, pour parler évidemment des obligations de travail pour

19 parler des mines ou autres travaux.

20 Au n°26, Cancar Milenko, garde.

21 Q: Est-ce qu'il vous est arrivé de voir ce gardien qui emmenait des

22 prisonniers soit pour ces soi-disant échanges ou pour les passage à tabac?

23 R: Je n'ai pas vraiment prêté attention, au point de savoir lequel des

24 gardes faisait l'appel nominal, lequel faisait emmener les gens. Par

25 conséquent, je ne peux pas dire que c'était bien lui, parce que je ne

Page 529

1 voulais même pas le connaître, pas plus que voir son visage. Pourquoi je

2 ne peux pas dire lequel des gardes concrètement s'est occupé de cet appel.

3 Parce qu'en fait c'était le garde qui était permanent tel ou tel jour,

4 c'est lui qui apportait la feuille sur laquelle figuraient les noms des

5 détenus, par conséquent tel ou tel jour, le garde qui était de service

6 devait le faire, il devait procéder à l'appel nominal et puis emmener les

7 prisonniers par la grande porte.

8 Q: Arrêtons-nous un instant sur cette question. Il est donc certain que

9 c'étaient des gardiens, ce n'étaient pas des soldats ces hommes?

10 R: C'étaient tous les gardes employés au KP Dom, policiers gardes, c'est

11 de cela que je parle, ce n'étaient pas des militaires. Est-ce… A des

12 périodes différentes, ils auraient pu engager des actions ou des attaques

13 à perpétrer mais dans d'autres terrains, parce qu'une partie de ces stages

14 (SIC) devaient partir aussi, prendre part à de telles actions. Or, pendant

15 ce temps-là, on postait ici d'autres gens qui n'étaient pas des gardes

16 employés, qui étaient peut-être d'autres employés et qui, de temps en

17 temps, s'étaient familiarisés avec ces postes de garde. Il y avait des cas

18 de ce genre-là, oui, mais dire qu'ils portaient des uniformes militaires,

19 ça non. A cette époque-là, non.

20 M. le Président (interprétation): Pendant que le témoin examine la liste

21 des témoins, à la lumière des réponses qu'il a fournies, à quoi sert tout

22 ceci puisqu'il ne peut pas dire qui a participé au fait d'emmener ces

23 soldats, il ne voulait pas en prendre connaissance.

24 Mme Kuo (interprétation): Effectivement, votre observation est tout à fait

25 pertinente et je crois que nous pourrons mettre ainsi fin à cet exercice.

Page 530

1 Je crois qu'il est inutile de poursuivre l'examen de cette liste. Je vous

2 remercie, Monsieur le témoin.

3 A quel moment avez-vous été inscrit sur les listes de la Croix-Rouge

4 internationale?

5 M. Avdic (interprétation): Fin décembre 1993, vers le 23, 24 décembre

6 1993.

7 Q: Savez-vous pourquoi vous n'avez pas été inscrit sur ces listes plus

8 tôt? Est-ce qu'on vous l'a dit?

9 R: Bien qu'avant, à plusieurs reprises, le représentant de la Croix-Rouge

10 internationale soit venu au KP Dom pour parler de nous autres, de notre

11 salle, nous étions une quinzaine, nous avons toujours été cachés de la

12 Croix-Rouge internationale, de sorte que nos noms ne figurent pas sur la

13 liste comme étant évidemment des gens détenus depuis longtemps au KP Dom.

14 Q: Comment est-ce qu'on vous a dissimulé de la Croix-Rouge?

15 R: J'ai dit à plusieurs reprises: ou bien on nous emmenait vers l'enceinte

16 de l'usine parce que comme je l'ai dit dans le périmètre du KP Dom il y

17 avait une usine, prétendument on y emmenait pour travailler. Parce qu'un

18 prisonnier qui serait évidemment venu là pour nous chercher, nous aurait

19 dit tout simplement: "Je viens vous emmener à l'usine pour travailler".

20 Une autre fois, nous étions à la boulangerie.

21 Une troisième fois, à Brioni, c'est là qu'on nous a pratiquement en

22 quelque sorte mis à l'écart. Nous savions déjà, nous avons deviné de quoi

23 il s'agissait. Nous avons dit: "Dites donc, vous voulez nous cacher

24 quelque part" parce qu'un représentant de la Croix-Rouge internationale

25 devait venir. L'autre disait qu'il n'en savait rien et qu'il avait reçu

Page 531

1 l'ordre qu'il n'était plus lieu de discuter. Dans notre chambre, il y

2 avait par exemple deux frères qui étaient détenus au KP Dom. L'un de ces

3 deux frères était enregistré par la Croix-Rouge internationale, l'autre a

4 été évidemment caché dans une autre salle. Et bien sûr, le frère

5 enregistré a insisté auprès de la Croix-Rouge pour que son frère puisse

6 être enregistré aussi, mais évidemment les gens de la Croix-Rouge ont

7 répondu calmement qu'ils avaient tout fait, toutes les démarches

8 nécessaires. Ils voulaient aussi venir dans la salle où nous étions

9 détenus, mais une fois venus dans notre salle, nous n'y étions plus. Je me

10 souviens qu'une fois, même nos effets, le peu d'effets personnels que nous

11 avons eu a été ramassé pour être mis à l'abri.

12 Et puis, à une autre occasion, on avait emmené les détenus serbes dans

13 notre salle pour les montrer à la délégation de la Croix-Rouge

14 internationale: "S'il vous plaît, vous avez affaire ici à des détenus

15 serbes. Ce ne sont pas des Musulmans". Voilà. A une autre occasion, comme

16 je l'ai dit tout à l'heure: "Regardez. Cette salle est tout à fait vide,

17 il n'y a même pas d'effet qui appartiendrait à des détenus dans cette

18 salle". Ce n'est que vers la fin de décembre 1993 qu'ils ont permis à la

19 Croix-Rouge internationale de nous visiter et c'est à cette occasion-là

20 qu'ils ont fait l'enregistrement de nous tous. Ensuite, moi même, j'ai

21 reçu un message, une lettre qui m'a été envoyée par ma famille, c'est à ce

22 moment-là seulement que j'ai eu connaissance du fait qu'ils étaient sains

23 et saufs et j'avais en retour la possibilité d'écrire à ma famille. C'est

24 ainsi peut-être que nous avons pu faire naître en chacun de nous, dans

25 l'esprit même des détenus que nous étions, la possibilité de survivre.

Page 532

1 Cela nous a encouragé et jusqu'à ce moment-là, tous les jours nous avons

2 dû justement ressasser cette insécurité, c'est-à-dire que le moment

3 arrivera où on viendra nous chercher, etc.

4 Q: Vous souvenez-vous de la première visite de la Croix Rouge?

5 R: Les gens de la Croix-Rouge venaient. Je ne peux pas dire maintenant à

6 quel moment. Mais au début de l'année 1992, lorsqu'ils sont venus une

7 première fois, nous les avons regardés du haut de la fenêtre.

8 Il n'y avait pas de caméra de télévision, mais je sais qu'ils s’étaient

9 arrêtés à un moment près de cette partie du jardin qui serait une espèce

10 de roseraie. Vous vous souvenez là où il y avait le bouleau, l’acacia et

11 le sapin, c'est à partir de cet endroit-là qu'ils ont essayé de faire

12 passer un paquet de cigarettes aux détenus etc., sans entrer évidemment

13 dans le KP Dom proprement dit.

14 Mais lorsqu'ils sont venus une première fois pour enregistrer une partie

15 des détenus c'était donc en 1992, mais je ne peux pas vous situer pour

16 parler de la période, certainement après cette première venue des employés

17 de la Croix Rouge. Après cela, quatre à cinq reprises, ils étaient venus

18 jusqu'au moment où ils nous ont enregistrés nous aussi de notre salle. A

19 plusieurs reprises, disais-je, les gens de la Croix-Rouge étaient venus

20 avant de nous enregistrer.

21 Q: Oui, je relève au compte rendu d'audience que vous avez parlé de la

22 première fois où la Croix-Rouge avait fait une visite, c'était début 1992.

23 Mais c'est seulement au mois de mai que vous avez été placé en détention

24 au KP Dom. Est-ce que vous pourriez préciser ce point, Monsieur?

25 R: Premièrement, ceci aurait pu être au mois de juin, juillet lorsqu'ils

Page 533

1 sont venus la première fois. Il est vrai que j'ai été détenu en date du 19

2 mai, mais pour moi, vous savez, mai, juin c'est un petit peu le début de

3 l'année, parce que cette année ne commence qu'en date du 19 mai pour

4 parler du KP Dom. C'est le début de l'année pour moi au KP Dom.

5 Q: Vous nous avez fait une description, vous avez dit avoir parlé avec cet

6 employé des services de santé. Est-ce que vous pourriez nous dire si vous

7 aviez à votre disposition des traitements médicaux? Est-ce que vous

8 pouviez voir un médecin à chaque fois que c'était nécessaire de le faire?

9 R: Pas à chaque fois quand je le voulais. Lorsque le représentant des

10 services de la santé était là, le garde venait pour ouvrir la porte, pour

11 dire: "Est-ce qu'il y a quelqu'un qui aurait besoin d'une visite

12 médicale?". Comme nous avons eu une espèce de chef de chambrée, disons

13 quelqu'un qui serait préposé à dire le nombre de présents, etc. etc.,

14 enfin toutes les fois où quelqu'un demandait de faire rapport, le garde

15 prenait cette liste: "Ah, mais! Il y en a trop pour demain. Alors, tu n'as

16 qu'à réduire de moitié cette liste-là".

17 S'il y avait moins de gens réclamant une visite médicale, alors on

18 l'acceptait, mais s'il y avait beaucoup trop de gens sur cette liste, il

19 disait: "Réduisez-moi tout cela de moitié". Cela se résume pratiquement à

20 dire que je ne pouvais pas toutefois aller où je le voulais. Si par

21 exemple, au cours de la semaine précédente, j'étais allé à une visite

22 médicale et si j'étais prévu pour la semaine à venir, alors le garde, lui,

23 répondait calmement: "Toi, tu y étais déjà la semaine dernière, tu ne peux

24 pas le faire cette fois-ci". Il ne m'a pratiquement pas été permis de me

25 rendre à une visite médicale lorsque j'en avais besoin, lorsque je voulais

Page 534

1 le faire.

2 Q: Est-ce qu'il existait une procédure quelconque selon laquelle il vous

3 était possible de demander qu'on revoit et qu'on réexamine les conditions

4 de votre détention? Est-ce qu'il était possible de demander officiellement

5 votre libération ou bien qu'on motive la poursuite de votre détention?

6 R: Non, et nous n'avons pratiquement pas essayé, ou pratiquement moi

7 personnellement je n'ai jamais essayé de faire quoi que ce soit pour

8 obtenir une réponse à cette question au KP Dom. Tout simplement, une fois

9 que j'ai réalisé que seuls des Musulmans seraient parmi les détenus au KP

10 Dom, j'ai pu en déduire que ces gens-là étaient détenus parce qu'ils

11 étaient des Musulmans, ils étaient pratiquement tous des civils, sans

12 aucun engagement militaire, et qui se trouvaient maintenant au KP Dom.

13 C'est-à-dire que tous ceux que j'avais connus, je sais que ces gens-là

14 n'ont jamais porté d'armes, qu'ils n'avaient pas d'armes du tout. C'est à

15 partir de ces connaissances-là que j'ai pu conclure que du simple fait que

16 nous sommes des Musulmans, que nous avons été détenus au KP Dom dans cette

17 espèce de camp de concentration.

18 D'aucun voulait avoir une explication auprès des gardes. Moi, je ne l'ai

19 pas fait parce que la réponse était laconique, pas de discussion. C'est ce

20 que nous avons reçu des gardes. Bien sûr, nous parlons des gardes et nous

21 étions loin de pouvoir parvenir à qui que ce soit auprès des autorités de

22 la direction. En essayant d'abord, par l'entremise des gardes…

23 Excusez-moi, il y avait bien sûr un contact, c'étaient les gardes et les

24 chefs de gardes, le commandant des gardes. C'étaient les seules personnes

25 que nous avons pu contacter si jamais nous avions des réclamations à

Page 535

1 faire, etc.

2 Q: Hier, vous avez déclaré dans le cadre de votre déposition que M.

3 Krnojelac était le directeur du KP Dom. Savez-vous à quel moment il a été

4 remplacé à ce poste?

5 R: Je ne sais pas à quel moment il a été remplacé. A quel moment ce

6 remplacement a eu lieu, je ne le sais pas.

7 Q: Est-ce qu'à un moment donné, il y a eu un nouveau directeur au KP Dom?

8 R: Plus tard, j'ai appris qu'un nouveau directeur était venu. Que ce

9 n'était plus Milorad qui était directeur, mais que c'était une autre

10 personne. Mais c'est plus tard que je l'ai appris, en 1994.

11 Mais dire à quel moment il serait venu pour remplacer Milorad? Cela je ne

12 le sais pas.

13 Q: Dans votre déclaration vous avez dit qu'en tout au KP Dom vous aviez

14 passé 897 jours. Au cours de ces 897 journées de détention vous avez sans

15 doute ressenti certaines séquelles à leur suite, pourriez-vous nous parler

16 de l'effet, de l'effet qu'a eu votre détention sur votre condition

17 physique? Je parlerai de la période qui a suivi par la suite, quels sont

18 les effets physiques?

19 R: Etant donné que nous avons été démunis de moyens, d'articles

20 d'hygiènes, du fait que nous n'avons pas eu de quoi nous protéger du froid

21 en 1992 et 1993 faute de chauffage. Pour moi pour parler j'étais venu en

22 vêtement d'été en habit d'été, je ne pouvais donc pas avoir de quoi me

23 protéger contre l'hiver. C'est comme ça que j'ai vu apparaître sur ma peau

24 par endroits, sur mon corps des plaies qui s'ouvraient.

25 Une fois sorti du KP Dom, j'ai dû les soigner, ses plaies pendant

Page 536

1 plusieurs années. J'ai dû utiliser des crèmes, des pommades pour essayer

2 évidemment de panser ses plaies, de les faire cicatriser. Avec des haut et

3 des bas évidemment ça s'améliorait, mais ensuite j'ai dû me soumettre à

4 une opération. C'était plus tard donc que j'ai appris que j'avais le

5 cancer de la peau et que ces plaies-là, ce n'était autre chose qu'un

6 cancer de la peau.

7 A trois endroits d'ailleurs pour que ces plaies puissent cicatriser, j'ai

8 dû être opéré, je suis encore sous contrôle permanent du médecin.

9 Cela pour vous expliquer les conséquences physiques directes, somatiques,

10 je dirais, de tout ce que j'ai vécu au KP Dom. Je ne me suis pas trop

11 renseigné auprès des médecins pour savoir si ce cancer de la peau aurait

12 pu être dû à cette insalubrité, à cette impossibilité de suivre un rythme

13 hygiénique pour traiter la peau, ou bien est-ce des gelures étant donné

14 qu'il a fait très très froid. Cela, je ne me suis pas trop renseigné ni

15 trop attirer l'attention des médecins pour savoir si ce cancer de la peau

16 en était le résultat.

17 Q: Et hormis ces problèmes dermatologiques dont vous venez de parler

18 pendant votre détention au KP Dom, est-ce que vous avez souffert d'autres

19 séquelles physiques? Vous aviez un problème cardiaque, est-ce que vous

20 l'aviez déjà avant le début de votre détention au KP Dom? Et est-ce que

21 cette condition a empiré pendant la détention?

22 R: Avant d'être détenu, j'avais déjà eu un infarctus donc j'étais déjà un

23 cardiaque et j'avais des problèmes de coeur. Mais une fois venu au KP Dom,

24 la situation a changé parce que je n'avais pas suffisamment de médicaments

25 qui m'avaient été administrés préalablement. Lorsque je me rendais de

Page 537

1 temps en temps à l'infirmerie du KP Dom, je pouvais en recevoir de temps

2 en temps.

3 Mais une fois je me souviens qu'un des gardes nous a pris tous nos effets,

4 et entre autres mes médicaments. C'était une tentative échouée pour

5 s'évader par un de nos détenus, alors en représailles les gens sont venus,

6 les gardes sont venus. Parce que vous savez mes médicaments à moi, je les

7 ai gardés, j'ai pris un couteau pour déchirer le matelas pour y cacher mes

8 médicaments. On m'avait même fouillé, on m'a ordonné d'enlever mon

9 pantalon, même on a regardé dans le caleçon pour savoir si je n'avais pas

10 dissimulé quelque chose.

11 Tout cela pour dire que ces états plutôt psychiques étaient dus à tout ce

12 que nous avions vécu au KP Dom, mais aussi dus au fait qu'il y avait le

13 problème de nos familles. Il y avait cette impossibilité de savoir quoi

14 que ce soit de la famille. Cette incertitude qui se gonflait

15 quotidiennement parce qu'on se posait toujours la question "d'un jour à

16 l'autre, est-ce que tu vas faire partie de cette liste demain, de ce dont

17 on va faire l'appel?"

18 Hormis ces quelques moments, petit déjeuner, déjeuner et dîner etc., on se

19 trouvait enfermés à clef dans la salle.

20 Alors nous ont été tout seuls sans aucune possibilité de savoir ce qui se

21 passait en dehors de l'enceinte du KP Dom. Au début il y avait des gens

22 qui avaient une petite radio, poste de radio mais aussitôt qu'ils l'ont

23 appris, les gardes les ont tout simplement réquisitionnés. Par conséquent

24 deux ou trois mois plus tard, nous étions restés sans aucun moyen

25 d'information. Bien sûr sans parler des informations qui seraient venues

Page 538

1 de la part de la direction du KP Dom ou des gardes, sans parler évidemment

2 de la possibilité d'avoir accès à la presse ou à la télévision. Mais

3 lorsque les Serbes étaient emmenés au KP Dom, ils avaient droit à la

4 presse, à la radio, à des information par radio et télévision etc.

5 Et puis la famine. Pour les deux ou trois mois, en premier temps, j'ai

6 perdu 40 kilos. De 95 kilos que je pesais, j'étais arrivé à 45 kilos. On

7 n'avait pas vraiment besoin d'aller au cabinet, aux WC pour les grands

8 besoins. Et pour parler de ce poids-là qui était le mien, de 55 kilos, je

9 l'ai maintenu pendant un an. Plus tard pour parler de la quantité des

10 plats, cela s'est amélioré mais la qualité était désastreuse.

11 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il faut terminer. J'avais

12 presque envie de vous empêcher de poser la question parce que je

13 m'attendais à une réponse assez longue, et j'aimerais que quelqu'un dans

14 votre équipe pense au temps qui s'écoule.

15 Mme Kuo (interprétation): J'avais pensé à la question du temps.

16 M. le Président (interprétation): Il n'aurait pas fallu poser la question.

17 Vous savez que les interprètes traversent toujours des moments difficiles

18 et quand ils doivent parler de chose comme ça, c'est également difficile

19 pour eux quand cela dure très longtemps.

20 Nous allons reprendre l'audience à 11 heures 35.

21 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 35.)

22 M. le Président (interprétation): Poursuivez, Madame Kuo.

23 Mme Kuo (interprétation): Monsieur Avdic, pourriez-vous nous parler des

24 effets psychologiques qu'a eus votre détention au KP Dom pendant notamment

25 le temps de la détention?

Page 539

1 M. Avdic (interprétation): C'étaient d'abord ces pressions épouvantables

2 que nous avons ressenties au niveau de l'existence même, de ce qu'était

3 notre vie. Tous ces événements ne nous permettaient ni de dormir ni de

4 manger. On ne connaissait ni paix ni répis. Il y a eu des moments où on

5 avait envie de se frapper la tête contre le mur.

6 En plus les problèmes de tous ces détenus qui se répercutaient sur nous,

7 chacun de nous, alors que les problèmes étaient individuels. Ce qui fait

8 que, lorsque vous avez d'abord cette peur dans laquelle vous êtes plongé,

9 la peur de pouvoir survivre, ensuite l'incertitude quand aux vôtres, votre

10 famille, ensuite l'impossibilité de savoir ce que la nuit qui vient allait

11 vous apporter, pour ne pas devenir fou, que peut faire l'homme que ce que

12 j'ai fait moi?

13 Lorsque je voulais exprimer ce voeu et exprimer quoi que ce soit pour

14 sortir de cette chambre fermée à clef, pour m'occuper de quelque corvée

15 que ce soit -parce que quand même j'ai un âge certain et puis je suis

16 censé être dans cet état de maladie-, c'était de la bonne volonté du garde

17 que dépendait de me laisser partir et faire quelque chose au KP Dom.

18 Q: Je vais vous poser quelques questions plus précises sur ce que vous

19 ressentiez. Est-ce que vous vous sentiez intimidé par l'atmosphère qui

20 avait été créée au KP Dom?

21 R: Intimidé jusqu'à la mort. Je dis bien jusqu'à la mort!

22 Q: Est-ce que vous vous sentiez aussi humilié par la façon dont vous étiez

23 traité? Est-ce que la façon dont on vous traitait était humiliante?

24 R: J'avais pris l'habitude d'être quand même un peu respecté. Or nous

25 autres détenus là-bas, nous étions tous des "zéro", nous n'étions pas des

Page 540

1 personnes humaines, nous étions des objets au KP Dom. D'aucun était

2 échangé contre argent, contre objet tel et tel. Quelqu'un a dû par exemple

3 offrir une voiture à quelqu'un pour qu'on le laisse sortir; d'autres

4 devaient payer des centaines de milliers d'argent pour être échangés. Nous

5 n'étions pas des personnes humaines, nous étions des objets, objets à

6 échanger.

7 Q: Est-ce que vous savez si des personnes ont pu être libérées contre de

8 l'argent qu'elles avaient donné à quelqu'un au KP Dom?

9 R: Oui, oui. Je peux citer par exemple le montant 100.000 deutsche marks.

10 Il y avait, et cela se passait plus tard, des détenus serbes qui,

11 évidemment à l'insu des gardes, me demandaient si j'avais de l'argent pour

12 qu'on me relâche du KP Dom. Je parle bien des détenus serbes, probablement

13 ces détenus serbes détenaient des informations de ce genre-là, à savoir

14 que l'on pouvait peut-être se faire relâcher du KP Dom si on avait de

15 l'argent.

16 Q: Ma dernière question sera la suivante. Est-ce que vous souffrez encore

17 aujourd'hui des séquelles psychologiques de ce qui vous a été infligé au

18 KP Dom?

19 R: Oui, c'est la nuit surtout que c'est terrible. Lorsque je m'endors, je

20 ne passe pas une seule nuit sans rêver, sans revoir toutes ces situations

21 et toutes ces souffrances. Et le matin ou au moment où je me réveille, je

22 suis en nage, je rêve de tout cela très souvent.

23 Et mon épouse, encore que je ne lui ai pas tout relaté, me demande

24 toujours: "Pourquoi tous ces appels au secours?" parce qu'elle me dit que

25 je crie à haute voix et je crie "au secours" dans le rêve. Mais je n'ai

Page 541

1 jamais dit à ma femme ce dont je rêvais, une fois réveillé je suis

2 vraiment complètement en nage.

3 Mme Kuo (interprétation): Madame et Messieurs les Juges, voilà la question

4 que je voudrais poser aux Juges. J'aimerais maintenant parler de quelques

5 pièces.

6 M. le Président (interprétation): Oui, nous avons reçu un nouveau document

7 qui porte la cote 122/1, et il y a bien sûr également le document du CICR

8 122. Vous en faites état, ou du moins ils ont été évoqués

9 (expurgé), il se peut qu'il y ait

10 suffisament de détails consignés. Mais à vous de juger.

11 Mme Kuo (interprétation): Eh bien nous aimerions avoir vos instructions,

12 comment voulez-vous que nous agissions?

13 Nous avons versé le compte rendu d'audience au dossier et ces pièces dont

14 je vais parler ont déjà été évoquées dans ce témoignage précédent dans une

15 autre affaire, et elles peuvent être rattachées au compte rendu de l'autre

16 témoignage (expurgé) avec la même cote, mais peut-être que

17 cela pourrait porter à confusion.

18 Donc nous avons attribué de nouvelles cotes qu'on pourrait verser

19 maintenant.

20 M. le Président (interprétation): Je crois qu'il serait préférable que

21 vous reversiez tous les documents avec une nouvelle cote.

22 Mme Kuo (interprétation): Fort bien. Ceux qui avaient reçu la cote

23 provisoire ID122, c'est le certificat du CICR, dans le compte rendu

24 d'audience on en parle comme étant la pièce 45, mais maintenant cela

25 deviendra la pièce P122.

Page 542

1 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une objection?

2 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président.

3 M. le Président (interprétation): Ce document deviendra donc la pièce

4 P122.

5 Mme Kuo (interprétation): On fait état d'une autre pièce dans ce compte

6 rendu d'audience, maintenant ce document porte la cote D122/1. Dans le

7 compte rendu d'audience, il portait la cote D45/1, nous vous demandons

8 donc maintenant d'avoir cette nouvelle cote P122/1.

9 M. le Président (interprétation): Objection Monsieur Bakrac?

10 M. Bakrac (interprétation): Je ne sais pas de quel document il s'agit, je

11 n'ai reçu que le 122/1, cote provisoire pour identification. Il s'agit

12 d'un certificat du CICR.

13 Y a-t-il lieu de parler de deux documents ou s'agit-il d'une erreur?

14 M. le Président (interprétation): Le 122, c'est le certificat du CICR. Le

15 122/1, c'est un certificat qui vient de la commission d'Etat de Bosnie-

16 Herzégovine chargée de l'échange des prisonniers de guerre, et il en est

17 fait état à la page 696.

18 Mme Kuo (interprétation): La confusion provient du fait que nous avons

19 remis des copies de toutes ces pièces à la Greffière d'audience avant les

20 débats. Je suppose qu'elle fait cette distribution au moment de l'audience

21 mais je pense que la confusion de l'avocat provient de cela.

22 Mme Chen (interprétation): Les documents avaient déjà été remis au conseil

23 de la défense.

24 M. le Président (interprétation): Est-ce qu'on peut montrer à M. Bakrac ma

25 copie du document pour voir si elle concorde avec la sienne?

Page 543

1 (L'huissier s'exécute.)

2 Le BCS, c'est le deuxième document.

3 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président, mais l'autre

4 document ne portait pas de cote, c'est pourquoi il y avait cette

5 confusion. Je parle de la version BCS, il n'y avait donc pas de cote.

6 M. le Président (interprétation): Il n'y a pas d'objection de toute façon?

7 Fort bien. Ce document deviendra la pièce P122/1.

8 Mme Kuo (interprétation): Nous vous demandons le versement au dossier

9 d'une pièce à laquelle on a fait allusion dans le compte rendu d'audience

10 à la page 670. Il s'agissait de la pièce 178 à l'époque, mais nous

11 demandons maintenant que lui soit attribuée une nouvelle cote qui sera la

12 pièce P396.

13 M. le Président (interprétation): Ceci concerne la mosquée qui a été

14 détruite?

15 Mme Kuo (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

16 M. Bakrac (interprétation): Oui, j'ai cette photographie, Monsieur le

17 Président, qui n'a pas été cotée non plus et je n'ai pas d'objection quant

18 au versement au dossier.

19 M. le Président (interprétation): Quelle cote va-t-on attribuer? Est-ce

20 que ce sera une nouvelle cote, 396?

21 Mme Kuo (interprétation): Oui, je crois que c'est bien le cas.

22 M. le Président (interprétation): Cette pièce deviendra donc la pièce

23 P396.

24 Mme Kuo (interprétation): S'agissant d'autres pièces dont on a fait état

25 dans le contre-interrogatoire dans l'autre procès, nous ne demandons pas

Page 544

1 pour le moment le versement de ces documents.

2 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

3 Maître Bakrac, voulez-vous procéder, vous, au contre-interrogatoire de ce

4 témoin ou est-ce M. Vasic qui va le faire?

5 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président, c'est moi qui vais

6 faire le contre-interrogatoire.

7 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Avdic Safet, par M. Bakrac.)

8 Monsieur Avdic, bonjour. Je m'appelle Mihajlo Bakrac. Je suis défenseur de

9 l'accusé, Milorad Krnojelac, dans cette affaire.

10 M. Avdic (interprétation): Bonjour.

11 Q: Je voudrais d'abord vous demander quelque chose au sujet de cette

12 manoeuvre militaire dont vous avez parlé tout à l'heure et pendant

13 laquelle vous avez vu l'accusé. Vous avez dit que vous n'étiez pas sûr

14 mais que vous pensiez qu'il s'agissait de l'année 1987 ou 1988. De même,

15 vous avez dit que ces manoeuvres militaires ont été commandées par un

16 militaire, un commandant de l'armée populaire yougoslave.

17 Vous ai-je bien compris, les autres participants aux manoeuvres étaient

18 des personnes de cette région-là incorporées dans les effectifs de la

19 défense territoriale de Foca, c'est-à-dire de la région en question?

20 R: Je n'étais venu que vers les heures de soirée sur le site avec le

21 commandant des manoeuvres et nous étions au bureau de cette exploitation

22 de Zavajt. Nous étions conviés à un petit dîner, entre autres, il y avait

23 un de mes collègues. Ce commandant donc est bien un militaire. Je n'ai pas

24 vu beaucoup de soldats à cet endroit-là. En général, j'ai vu monsieur ici

25 présent au bureau. Dans ce bureau, il y avait quelques autres personnes

Page 545

1 portant l'uniforme vert olivâtre. Le commandant parlait avec ces gens-là.

2 Le monsieur en question parlait de ses préparatifs faits en vue des

3 manoeuvres et le commandant n'avait pas approuvé.

4 M. Bakrac (interprétation): Si vous permettez, Monsieur le Président, je

5 pourrais interrompre le témoin car nous avons déjà entendu parler de cela.

6 Je suis intéressé par d'autres choses pour une économie de temps.

7 R: Je voulais dire que je n'ai pas pu voir l'ensemble des effectifs.

8 Q: Bon, vous n'avez pas vu l'ensemble des effectifs. A ce moment-là,

9 l'accusé était-il membre de l'armée populaire yougoslave?

10 R: Non, c'est-à-dire que si à ce moment-là parce qu'il portait l'uniforme.

11 Q: Etes-vous d'accord pour dire qu'il était membre de la défense

12 territoriale?

13 R: Oui, membre de la défense territoriale. Or, la défense territoriale

14 était incluse, incorporée dans ces manoeuvres, manoeuvres commandées par

15 un militaire.

16 Q: Par conséquent, l'accusé n'était pas employé, il n'était pas au service

17 de l'armée populaire yougoslave. De quoi s'occupait-il alors, si vous le

18 savez?

19 R: Il s'occupait d'éducation, il était instituteur.

20 M. le Président (interprétation): Monsieur le témoin, un instant.

21 N'oubliez pas que tous vos propos doivent être interprétés. Or, vous

22 parlez la même langue. Vous vous poursuivez mais les interprétes vous

23 suivent. Ménagez des pauses avant la question, avant la réponse.

24 Monsieur Avdic, je comprends bien que tout ceci est très important pour

25 vous mais ne vous énervez pas. Vous avez eu des problèmes de santé et je

Page 546

1 me souviens que (expurgé), à un moment, vous vous êtes

2 tellement énervé lors du contre-interrogatoire qu'il a fallu faire une

3 pause. Essayez de garder votre calme, s'il vous plaît. Nous comprenons

4 parfaitement qu'il y a une grosse pression affective qui pèse sur vous

5 mais nous ne voulons pas que votre santé se détériore.

6 M. Avdic (interprétation): Merci.

7 M. Bakrac (interprétation): Peut-être que ceci est important pour le

8 témoin, mais en ce qui me concerne, j'aimerais bien vous assurer que je

9 ferai de mon mieux pour être correct lorsque j'aurai à poser des

10 questions. Et sachez que je tiens bien compte de son état de santé, je

11 ferai donc de mon mieux pour être correct étant donné son état de santé.

12 Je m'excuse auprès des interprètes, je m'excuse auprès de ce prétoire et

13 j'espère que probablement dans les semaines qui viennent, il y aura moins

14 de problème pour parler évidemment de la rapidité de nos débits

15 respectifs.

16 Donc, l'accusé était un instituteur. A ces manoeuvres, il portait

17 l'uniforme en tant que membre de la défense territoriale, vous ai-je bien

18 compris?

19 R: Oui.

20 Q: En 1987 et en 1988, des personnes d'appartenance ethnique musulmane

21 portaient-elles un uniforme de l'armée populaire yougoslave?

22 R: Probablement que oui. Ceux qui se trouvaient aux manoeuvres avec

23 l'accusé devaient porter un uniforme militaire.

24 Q: Vous souvenez-vous du nom de ce militaire chez qui vous étiez venu?

25 R: Oui, je me souviens.

Page 547

1 Q: Voulez-vous nous le dire?

2 R: Monsieur le Président, dois-je dire son nom et son prénom?

3 M. le Président (interprétation): Il s'agit donc d'une autre personne qui

4 se trouvait sur les lieux à l'époque, à l’époque où le témoin a vu votre

5 client, c'est bien ce qui vous intéresse?

6 M. Bakrac (interprétation): Non, Monsieur le Président, je peux demander

7 tout simplement qu'elle était l’appartenance ethnique de cette personne au

8 service de l'armée populaire yougoslave et chez qui l’accusé était venu.

9 Nous ne sommes pas évidemment obligés de mentionner le nom et le prénom.

10 M. Avdic (interprétation): Il était d'appartenance ethnique musulmane.

11 Q: Merci.

12 R: Probablement il devait être d'appartenance ethnique serbe et plus tard

13 il s’est converti. Mais pour nous référer à cette époque-là, je pense que

14 tous les militaires devaient être d’appartenance ethnique serbe, parce que

15 je ne sais pas si on pouvait être Musulman. Enfin je ne lui ai jamais posé

16 la question!

17 Mais pour parler de son nom et de son prénom, c’était un Musulman. Mais

18 pour parler de sa déclaration, quelle était-elle? S’il s’est déclaré

19 Musulman, je ne lui ai jamais posé la question et je ne peux pas en

20 parler.

21 Q: Nous n'avons d’ailleurs guère besoin d'élaborer quoi que ce soit là-

22 dessus. Ma prochaine question est la suivante. Vous avez dit que les

23 salles dans lesquelles vous étiez détenus comprenaient quatre dortoirs.

24 R: Oui.

25 Q: Vous avez dit que le soir, ou autrement dit dans les heures d'après-

Page 548

1 midi, après le repas du soir, ces salles étaient fermées.

2 R: Tout le temps, non stop, la porte était fermée à clef sauf pendant les

3 heures où nous devions sortir, où on nous emmenait au xrepas du petit

4 déjeuner, du déjeuner et du dîner. Mais une fois de retour, une fois

5 entrés dans nos chambres respectives, elles étaient fermées à clef.

6 Q: Lorsque vous dites "fermées à clef", vous vous référez à chacun de ces

7 dortoirs ou pensez-vous uniquement à la grande porte de l'entrée de la

8 salle?

9 R: Je dis bien, et je l'ai bien dit, les salles qui portaient les numéros

10 16, 18 et 20 comportaient quatre dortoirs. Ces dortoirs n'étaient pas

11 fermés à clef. Et dans ces salles 16, 18, etc., tous les détenus qui y

12 étaient pouvaient se contacter entre eux. Les dortoirs n’étaient pas

13 fermés à clef.

14 Q: Vous avez dit aussi que les détenus s’en allaient dans les mines de

15 Miljevina pour travailler.

16 R: Oui.

17 Q: Soyez aimable de nous dire, si vous pouvez vous en souvenir, à partir

18 de quelle période?

19 R: Je ne peux pas vous situer la période avec exactitude, mais c'était un

20 peu plus tard lorsque la mine de Miljevina avait commencé à travailler,

21 qu’une partie a été emmenée pour travailler.

22 Q: Lorsque vous dites "plus tard", êtes-vous en mesure de mieux situer

23 dans le temps?

24 R: C'est en 1993 que commence l'envoi des gens pour travailler à la mine.

25 Q: En quelle période de 1993?

Page 549

1 R: Ceci ne peut être qu'une supposition que je peux faire, je ne peux pas

2 le dire avec exactitude.

3 Q: Est-ce que vous pouvez, avec un peu plus de précision, situer l'époque

4 de l'année?

5 R: Peut-être déjà au début du mois de mars.

6 Q: Vous avez dit qu'en 1993 et plus tard lorsque vous aviez déjà commencé

7 à travailler dans la cuisine, on préparait les plats moyennant les

8 cuisinières qui fonctionnaient au combustible solide.

9 Pouvez-vous dire les raisons?

10 R: C'est le bois qu'on utilisait.

11 Q: Du bois, oui, d'accord.

12 R: Mais les chaudrons en fait se trouvaient ailleurs, en dehors de la

13 cuisine. Et puis, on y faisait du feu, mais dans la cuisine aussi.

14 Q: Pouvons-nous en conclure que les chaudières centrales étaient hors

15 d'usage?

16 R: Hors d'usage.

17 Q: Détruites?

18 R: Je ne sais pas si elles étaient détruites, mais nous n'avons pas de

19 chauffage, et dans la cuisine même on devait faire du feu au dessous des

20 chaudrons dans lesquels on préparait les plats.

21 Q: Monsieur Avdic, pouvez-vous nous dire, d'après l’évaluation qui serait

22 la vôtre, qu’a partir de septembre 1993 il y avait tant et tant de détenus

23 au KP Dom. Combien en restait-il?

24 R: Depuis septembre 1993, peut-être de 300 à 350.

25 Q: Merci. Soyez aimable de nous dire, sans parler de la qualité des repas,

Page 550

1 si vous aviez trois repas par jour?

2 (Signe approbatif de la tête du témoin.)

3 Ma prochaine question concerne les photographies, ou plutôt essayons de

4 passer en vitesse cette liste que nous avons lue sous forme d'annexe C que

5 l'accusation vous a présentée. Pour le faire très vite, je pourrais vous

6 poser la question concernant uniquement les salles où se trouvaient les

7 détenus que vous connaissez.

8 Est-ce que Monsieur le Président m'y autorise?

9 M. le Président (interprétation): Il s'agit ici de la pièce P55, je vous

10 en prie Maître, montrez-là au témoin.

11 Est-ce que ce serait plus facile pour vous si vous déplaciez votre micro

12 de l'autre côté de l'écran? Vous auriez moins de difficulté, vous seriez

13 entendu plus aisément et vous n’auriez pas à tourner la tête sans arrêt?

14 (L'huissier s'exécute.)

15 M. Bakrac (interprétation): Oui, ainsi peut-être qu'on pourra mieux

16 travailler, merci Monsieur le Président.

17 Dites-nous un premier nom que vous avez mentionné et dont vous avez connu

18 l’homme, Refik Cankusic, dans quelle salle était-il?

19 R: Je ne le sais pas. Puis-je donner une explication, Monsieur le

20 Président? Lorsqu'il s'agit de savoir dans quelle salle étaient les gens

21 dont les noms figurent sur cette liste, il n'y avait qu'une seule porte

22 d'entrée ou de sortie de ce bâtiment, de cette aile-là. Il y avait les

23 salles 11, 13, 14, 15 où étaient installés les détenus. Dans l'autre aile

24 du bâtiment, se trouvent les salles 16, 18, 20, 19, 21.

25 Par conséquent, je ne peux pas savoir qui était installé dans quelle

Page 551

1 salle, sauf évidemment le détenu qui a été emmené et qui était installé

2 dans la salle où j'étais.

3 M. le Président (interprétation): Maître Bakrac, si vous acceptez cette

4 explication, vous pourrez peut-être lui demander d'où il venait, s'il

5 venait du bâtiment A ou du bâtiment B, mais je ne sais pas si le témoin

6 pourra vous être d'une quelconque utilité à ce propos.

7 M. Bakrac (interprétation): Si j'ai bien compris le témoin, il ne peut pas

8 dire avec précision de quelle salle il s'agit pour parler de ces

9 prisonniers. Ceci n'a guère d'importance pour moi de parler de l'aile,

10 etc.

11 Mais essayons quand même!

12 Qu'en à Refik Cankusic, était-il de l'aile A ou B, telles que nous les

13 avons identifiées?

14 M. Avdic (interprétation): S'il s'agit de la première porte à gauche, aile

15 A, alors oui.

16 Q: Bon. Quant à Kemal Dzelilovic?

17 R: Je ne peux pas vous le dire.

18 Q: Je ne vois pas dans le transcript que le témoin a dit: "Je ne peux pas

19 vous le dire." Je le vois maintenant, d'accord.

20 Nail Hodzic?

21 R: Je ne le sais pas.

22 Q: Qu'en est-il de Nurko Nisic?

23 R: Aile gauche, c'est-à-dire que nous parlons de l'aile A.

24 Q: Qu'en est-il de Kemal Tulek?

25 R: Il était dans la pièce n°20 puisque j'étais avec lui dans la même

Page 552

1 pièce.

2 Q: Munib Veiz?

3 R: Je ne sais pas.

4 Q: Merci. Excusez-moi mes questions seront...

5 M. le Président (interprétation): Monsieur Bakrac, vous avez demandé une

6 question avec deux noms, Halim Konjo et Nurko Nisic, et nous n'avons

7 obtenu qu'une réponse. Si j'ai bien compris, je croyais que la réponse

8 était donnée par rapport au deuxième nom, et le témoin n'avait pas semblé

9 donner une réponse concernant le premier nom, il s'agit de Halim Konjo.

10 Si vous voulez apporter des précisions là-dessus, c'est le moment.

11 M. Bakrac (interprétation): Oui Monsieur le Président, je n'ai pas vu de

12 transcription de réponse. Pourrions-nous maintenant apporter des

13 précisions sur ce nom-là M. Nahil Hodzic?

14 M. Avdic (interprétation): Je ne peux pas vous dire avec certitude, mais

15 je crois qu'il se peut que cette personne aurait pu provenir de l'aile A.

16 Q: Qu'en est-il pour Alim Kolju?

17 R: Je crois qu'il est possible qu'il provienne de l'aile A, mais je ne

18 peux pas vous le dire avec certitude.

19 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je crois que nous avons

20 éclairci ce problème et en fait je n'avais qu'une autre question.

21 Qu'en est-il de Nurko Nisic?

22 R: Nurko Nisic était dans l'aile A, donc il était à gauche, l'aile gauche.

23 Q: Les questions suivantes seront liées aux photographies que le témoin a

24 déjà vues lorsque l'accusation lui a montré cette photographie. Je

25 demanderais à l'huissier bien vouloir présenter ces documents au témoin.

Page 553

1 D'abord j'aimerais que l'on montre au témoin la photographie portant la

2 cote 7512.

3 (L'huissier s'exécute.)

4 Et il s'agit de la photographie du dessus et par la suite j'aimerais qu'il

5 nous commente la photographie du bas, il s'agit de la photographie 7513.

6 Alors d'abord la photographie supérieure, il s'agit de la photographie

7 7512. Auriez-vous l'obligeance, Monsieur Avdic, de nous montrer où se

8 trouve la pièce 18 et où se trouve la pièce 20 sur cette photographie, si

9 vous pouvez identifier ces deux pièces sur cette photographie?

10 R: Ici sous le n°2 dans le bâtiment n°2, le n°16 était ici, et au premier

11 étage vous voyez la pièce 18 et la pièce 20 se trouvait ici et en haut il

12 y avait la pièce 22.

13 Q: Merci. Auriez-vous l'obligeance, s'il vous plaît, de jeter un coup

14 d'oeil sur la photographie du bas? Pourriez-vous à partir de ce point de

15 vue-ci nous montrer également ces pièces?

16 R: Oui, voici la pièce 16, la pièce 18, la pièce 20 et la pièce 22.

17 Q: Très bien, merci. Maintenant seriez-vous d'accord avec moi, en

18 regardant cette photographie, le niveau du toit et le niveau des étages

19 sont absolument à niveau égal sur ce bâtiment?

20 R: Vous voulez dire le niveau du toit et les niveaux des étages?

21 Q: Il n'y a pas de dénivellement, le toit est toujours au même niveau. Il

22 n'y a aucune différence de dénivellement entre les deux, c'est-à-dire

23 entre les ailes et le bâtiment frontal, la partie principale si on peut

24 l'appeler ainsi?

25 R: Oui.

Page 554

1 Q: Merci. J'aimerais demander à l'huissier de présenter la photographie

2 suivante.

3 (L'huissier s'exécute.)

4 je souhaiterais que vous montriez au témoin la photographie 7442, il

5 s'agit de la photographie du haut. Je ne vais pas parler d'horticulture

6 mais je vais évoquer la perspective, -je parlais de construction de

7 bâtiments-.

8 Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que cette photographie a été prise

9 depuis la route qui est surélevée et qui se trouve sur l'autre rive de la

10 Drina et qui se trouve donc en face du KP Dom?

11 R: Du côté gauche de la rivière Drina.

12 Q: Donc en face du KP Dom?

13 R: Oui, de l'autre côté, donc sur l'autre rive du KP Dom, oui.

14 Q: En observant le véhicule qui se trouve sur cette photographie, seriez-

15 vous d'accord avec moi pour dire qu'il est clair que cette photographie

16 avait été prise pas mal au-dessus du niveau de la route, c'est-à-dire que

17 le photographe qui a pris cette photographie se trouvait au-dessus du

18 niveau de la route, donc était surélevé en prenant cette photographie?

19 R: Je ne sais pas. Est-ce que vous voulez dire s'il était pas mal au-

20 dessus de la route? Je ne pourrai pas vous le dire.

21 M. le Président (interprétation): Monsieur Bakrac, j'espère que vous allez

22 pouvoir poser toutes ces question au photographe. C'est dommage que le

23 photographe n'ait pu être appelé d'abord pour venir témoigner.

24 Cette personne malheureusement est malade, mais vous allez avoir la

25 présence du photographe et c'est le photographe qui va pouvoir vous

Page 555

1 renseigner sur toutes ces questions. Vous n'avez pas besoin de demander

2 ces questions au témoin.

3 M. Bakrac (interprétation): Oui, je suis d'accord, Monsieur le Président,

4 mais je voulais simplement savoir s'il serait d'accord avec moi.

5 Je ne lui demande pas à quel niveau, je voulais simplement savoir s'il

6 était d'accord avec moi que cette photographie a été prise un peu au-

7 dessus du niveau de la route?

8 M. Avdic (interprétation): On voit une partie de la route ici. On ne voit

9 pas toute la largeur de la route.

10 Q: Bon, nous n'allons pas insister là-dessus. Dites-moi, est-ce que vous

11 voyez le bâtiment que nous avons montré sur l'autre photographie dans

12 l'enceinte du KP Dom?

13 R: Oui, il s'agit de ce bâtiment-ci, nous pouvons apercevoir le toit et

14 les fenêtres, et ce sont des fenêtres du KP Dom.

15 Q: Il s'agit de fenêtres appartenant à quel étage, Monsieur Avdic?

16 R: Ce sont des fenêtres de la partie qui se trouve juste en dessous du

17 toit.

18 Q: Mais de quel étage s'agit-il, Monsieur Avdic?

19 R: Je crois que c'est… Un, deux, trois… C'est au troisième étage.

20 Q: Troisième étage? Merci. Je souhaiterais demander à l'huissier de bien

21 vouloir venir prendre le document suivant.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 Il s'agit de la photographie cotée 7529 et c'est la photographie du bas.

24 Monsieur Avdic, êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cette

25 photographie a également été prise depuis la rive opposée de la Drina?

Page 556

1 R: Oui.

2 Q: Pourriez-vous nous dire ce que vous apercevez sur cette photographie?

3 Quelle partie du bâtiment dont nous avons déjà parlé apercevez-vous?

4 R: Nous pouvons apercevoir cette partie-ci du bâtiment.

5 Q: Mais hormis bien sûr les arbres parce que nous avons déjà constaté que

6 c'est au même niveau?

7 R: Eh bien, le bâtiment B, si la première entrée était dans le bâtiment A,

8 nous pourrions apercevoir ici le bâtiment B.

9 Q: Est-ce que vous attendez la question ou…

10 La question était la suivante. Que voyez-vous, quelle partie du bâtiment B

11 pouvez-vous voir?

12 R: Je vois le toit et les fenêtres du bâtiment B.

13 Q: Est-ce que les fenêtres sont visibles dans leur totalité?

14 R: Nous apercevons sur cette photographie cinq à six fenêtres.

15 Q: Est-ce que vous pouvez voir toutes les fenêtres en entier ou apercevez-

16 vous seulement une partie des fenêtres?

17 R: Nous pouvons voir la fenêtre au complet.

18 Q: Monsieur Avdic, si vous pouvez apercevoir le troisième étage ainsi, de

19 quelle façon est-ce que vous pouviez voir le deuxième étage de la pièce

20 20?

21 R: Premièrement, l'angle duquel la photographie a été prise n'est pas le

22 même sous lequel nous pouvions voir de la pièce n°20. La pièce n°20 avait

23 des fenêtres desquelles il était possible de voir par-dessus le toit du

24 bâtiment administratif.

25 Q: Monsieur Avdic, ne perdons pas trop de temps sur des choses inutiles.

Page 557

1 Nous avons constaté que l'étage deux se trouve sur le même niveau.

2 Maintenant, si de l'aile qui se trouve plus près du bâtiment

3 administratif, si c'est de là que vous avez observé… Je suis juriste et je

4 crois que lorsqu'une fenêtre est plus proche d'un obstacle, l'angle du

5 champ visuel est également plus restreint.

6 R: Je vous affirme que j'ai vu avec certitude et je le jure sur ma vie,

7 que j'ai vu les fenêtres et que j'ai entendu le démarrage de cette voiture

8 et que j'ai vu que les lumières, les phares se sont arrêtés sur le pont et

9 j'ai pu entendre le bruit que des objets provoquaient en heurtant, en

10 entrant au contact de l'eau. Et je peux vous affirmer avec certitude,

11 puisqu'en se tenant debout derrière la fenêtre à partir de la partie ou

12 depuis la partie supérieure des fenêtres, nous pouvons apercevoir par-

13 dessus le toit, la deuxième partie du toit qui est située, qui va jusqu'à

14 la rive gauche.

15 Q: Sur cette photographie, nous apercevons l'autre partie de la rivière et

16 non pas le pont. Et il est très clair que nous ne pouvons même pas

17 apercevoir la fenêtre au complet du troisième étage. Il est très clair que

18 depuis le deuxième étage, on ne peut pas voir par-dessus le toit si une

19 telle photographie se trouve devant nous telle qu'elle est.

20 R: Oui, nous pouvons l'apercevoir et je l'ai vue.

21 Q: A ce sujet, j'aimerais demander à la Chambre de m'accorder la

22 permission de lui poser une autre question. Monsieur, lorsque vous étiez

23 au Centre de sécurité de Sarajevo, avez-vous le 12 octobre 1994 fait une

24 déclaration dans ce même centre?

25 R: Oui.

Page 558

1 Q: Est-ce que votre mémoire était plus fraîche à l'époque ou est-ce que

2 votre mémoire est plus fraîche au mois d'octobre 1995?

3 Monsieur Avdic, j'attends votre réponse.

4 R: Peut-être moins qu'en 1995, puisque mon état psychologique ou

5 psychique… parce que je venais seulement de sortir de là, et cette année-

6 là je n'avais pas encore rencontré ma famille, mon état psychique… je

7 n'avais pas encore récupéré mon état mental et je n'avais pas encore vu ma

8 famille.

9 Q: Alors pourquoi n'avez-vous pas dit, Monsieur Avdic, à l'enquêteur qui

10 avait pris votre déclaration, pourquoi ne lui avez-vous pas dit avoir vu

11 cela? Vous lui avez simplement dit que vous aviez entendu ce bruit.

12 R: Il n'a peut-être pas insisté là-dessus. Il n'a peut-être pas posé de

13 question à ce sujet. J'ai peut-être cru que ce n'était pas nécessaire de

14 le mentionner. Je ne sais pas, je n'ai aucune idée.

15 Q: Très bien, merci. Ma question suivante est celle-ci, ne vous ai-je pas,

16 Monsieur Avdic, bien compris lorsque vous avez dit que le 19 mai 1992 vous

17 avez presque été arrêté par un homme qui portait un uniforme militaire?

18 R: Oui.

19 Q: Est-ce qu'il s'agissait bien d'uniforme militaire ou c'était l'uniforme

20 d'un policier militaire?

21 R: C'était un uniforme de camouflage SMB, de couleur vert olive.

22 Q: Est-ce que c'est exact qu'il vous a emmené jusqu'au KP Dom et qu'il a

23 demandé au gardien de vous emmener vers une cellule?

24 R: Oui.

25 Q: Est-ce que le gardien se comportait en fonction de la demande?

Page 559

1 R: Oui, le gardien m'a emmené vers la pièce 18.

2 Q: Et ceci sans prendre votre nom ou prendre un registre quelconque?

3 R: Je ne sais pas s'ils l'ont fait, s'ils ont annoncé mon nom lorsque je

4 suis arrivé, ça je ne le sais pas.

5 Q: Monsieur Avdic, je ne suis pas tout à fait sûr d'avoir compris la

6 question de l'accusation et j'aimerais vous demander d'apporter des

7 précisions sur quelque chose. Alors que vous étiez dans la cour du KP Dom

8 depuis votre internement, est-ce que vous avez vu des gardiens qui

9 portaient des uniformes?

10 R: Au début.

11 Q: Mais à quoi ressemblaient leurs uniformes?

12 R: Certains portaient des uniformes de camouflage vert olive et d'autres

13 portaient des uniformes militaires. Il y avait également des gardiens qui

14 portaient des vêtements civils.

15 Q: Lorsqu’on parle d’uniforme de camouflage, de quelle couleur s’agissait-

16 il?

17 R: Eh bien, c'étaient des vêtements de camouflage.

18 Q: Est-ce que c’étaient des vêtements de couleur vert olive?

19 R: Oui, couleur vert olive, et un habit de camouflage.

20 Q: Quelle est la couleur?

21 R: Il n'y a d'uniformes de camouflage de couleur noire, de couleur verte,

22 de couleur bleue.

23 Q: Lorsque vous dites "au début", pourriez-vous nous dire de quelle

24 période il s’agit?

25 R: Je ne peux pas vous donner de précision sur la période, mais ça n'a pas

Page 560

1 duré très longtemps puisque les personnes qui portaient des uniformes de

2 camouflage et, d'après leur accent, étaient des personnes provenant des

3 unités paramilitaires et les autres étaient tous des gardiens qui venaient

4 de Foca, c’est-à-dire de la région de Foca, donc des gardiens qui avant la

5 guerre travaillaient comme gardiens au KP Dom.

6 Q: Monsieur Avdic, j'aimerais vous relire ce que vous avez dit à

7 l'accusation et que vous apportiez quelques précisions.

8 Je cite: "...Vers la fin du mois de juin ou au début de juillet 1992, dans

9 le village de Curovo, tout près de Tjentiste, sont emmenées au KP Dom.

10 Parmi ces personnes, il y avait Abid Lagamija, Ekrem Lagamija, Nazif

11 Lagamija, Hasib Vejo et Nazif Vejo. Tous ces hommes avaient été passés à

12 tabac après avoir été capturés".

13 Est-ce que c'était à l'extérieur du KP Dom ou à l'intérieur du KP Dom,

14 après leur arrestation?

15 R: D'abord, lors de leur arrestation, ils ont été battus. Ensuite, après

16 cela, ils ont été emmenés devant l'hôtel. Et Hasib Vejo, devant l'hôtel il

17 a fallu qu’il mange un kilogramme de sel.

18 Q: Oui, très bien, merci, Monsieur Avdic, j'ai compris.

19 R: Après cela, ils ont été emmenés au KP Dom, et Hasib Vejo, qui avait été

20 rasé, on l'appelait Oustacha, nous avait raconté qu’il avait été passé à

21 tabac dans le bâtiment administratif de l’hôtel. Il avait mentionné le nom

22 de Burilo qui l’avait battu avec une matraque en caoutchouc et il lui

23 avait enfoncé cette matraque en caoutchouc dans la bouche allant jusqu'à

24 la gorge.

25 Q: Maintenant je vais vous poser des questions concernant une autre partie

Page 561

1 de votre déclaration. Est-ce qu’il est exact que vous ayez déclaré aux

2 enquêteurs du Procureur du Tribunal de La Haye la chose suivante: "Milorad

3 Krnojelac était le directeur du KP Dom à Foca. Avant cela, il était

4 enseignant."? Et c'est tout ce que vous avez dit à ce moment-là.

5 Paragraphe suivant, je cite: "Son adjoint était Savo Todovic appelé Bunda.

6 Il était le plus actif et on le voyait très souvent parmi les détenus. Il

7 était chargé du travail et il répartissait les détenus à diverses tâches.

8 Lors d'une occasion, l'un des détenus a essayé de s'évader. Comme peine

9 collective, Todovic a ordonné qu'on reçoive moins de rations de famine,

10 les médicaments ont été confisqués. Et il était également chargé d'envoyer

11 les détenus dans les cellules d'isolement. C'est également lui qui m'a

12 envoyé dans une cellule d'isolement lorsqu’on a trouvé mes chaussettes."

13 Est-ce que c’est exact?

14 R: La première partie, c'est-à-dire lorsqu'on parle des cellules

15 d’isolement...

16 Q: Monsieur Avdic, je suis vraiment navré, je ne vous demande pas...

17 Si le Président n'a rien contre, je veux savoir si les 16 et 17 octobre

18 1995 vous avez fait une déclaration aux enquêteurs du Tribunal pénal

19 international de La Haye?

20 R: Oui.

21 Q: Est-ce que vous avez donné cette déclaration librement et

22 volontairement, et est-ce que vous l’avez signée?

23 R: Oui, je l’ai donnée d’une façon libre et volontaire.

24 Q: Ce que je viens de vous lire, ce passage, fait partie de la déclaration

25 que vous avez donnée à l'époque. Vous avez dit qu'elle vous a été relue et

Page 562

1 que vous avez donné cette déclaration librement et volontairement.

2 Je veux simplement savoir si vous l’avez bien donnée?

3 R: Oui.

4 Q: Très bien.

5 Je n'ai plus d'autres questions.

6 M. le Président (interprétation): Questions supplémentaires, Madame Kuo?

7 (Questions supplémentaires au témoin, M. Safet Avdic, par Mme Kuo.)

8 Mme Kuo (interprétation): Oui, très brièvement, Monsieur le Président

9 Monsieur Avdic, à la page 53 à la ligne 22 du compte rendu d’audience, en

10 fait c’est pour les références de la Chambre, vous avez dit que concernant

11 Hasib Vejo il vous avait dit que Burilo l'avait battu. La transcription

12 dit "dans le bâtiment administratif de l'hôtel".

13 Je voulais simplement apporter des précisions là-dessus. Est-ce qu’il

14 s'agissait du bâtiment administratif de l'hôtel ou bien du bâtiment

15 administratif du KP Dom?

16 M. Avdic (interprétation): Devant l'hôtel, ils l'ont forcé à manger un

17 kilogramme de sel, et dans le bâtiment administratif du KP Dom le gardien

18 Burilo l’avait battu, il lui a enfoncé la matraque en caoutchouc dans la

19 gorge; c’était donc dans le bâtiment administratif du KP Dom.

20 Donc les soldats l’ont forcé, les soldats paramilitaires et d’autres, je

21 ne sais trop qui, l’ont forcé à manger un kilogramme de sel, et lorsqu’ils

22 l'ont emmené au KP Dom c'est à ce moment-là qu'ils l'ont battu, et il m’a

23 dit que c’était Burilo qui, outre le fait de l’avoir battu parce qu’il

24 avait le corps recouvert d'ecchymoses, lui avait enfoncé sa matraque en

25 caoutchouc dans la bouche, c’est-à-dire dans la gorge.

Page 563

1 Mme Kuo (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

2 (Questions au témoin, M. Safet Avdic, par M. le Juge Liu.)

3 M. Liu (interprétation): J'ai une question pour le témoin. A quelle

4 fréquence avez-vous vu l'accusé Mirolad Krnojelac au KP Dom ou à d'autres

5 occasions? Par exemple lorsque vous avez regardé par la fenêtre alors que

6 vous vous dirigiez vers le réfectoire ou lorsque vous étiez affecté à

7 certains postes de travail? A quelle fréquence est-ce que vous le voyiez?

8 M. Avdic (interprétation): Pour la première fois lorsque j'ai rendu visite

9 au directeur et après cela c'était à deux ou trois reprises au plus. Je

10 l'ai vu donc à l'intérieur du KP Dom, c'est-à-dire qu’il n'était pas

11 derrière son bureau de travail, et par la suite, je ne suis plus allé dans

12 le bureau du directeur.

13 M. le Président (interprétation): Est-ce qu’une des parties aurait des

14 questions découlant de cette question?

15 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas si cela

16 est permis, ce n'est pas une duplique et ce n'est pas une question qui

17 découle de la question. J'ai simplement oublié de poser une question, si

18 vous le permettez.

19 M. le Président (interprétation): Vous voulez poser d'autres questions en

20 contre-interrogatoire?

21 M. Bakrac (interprétation): En fait, simplement une question dans le cadre

22 du contre-interrogatoire que j'ai oublié de poser, que j'ai omis de poser,

23 si vous le permettez, Monsieur le Président.

24 M. le Président (interprétation): C'est tout à fait correct bien sûr, mais

25 bien entendu cette question sera sujette à des questions supplémentaires,

Page 564

1 c’est tout.

2 (Questions supplémentaires dans le cadre du contre-interrogatoire au

3 témoin, M. Safet Avdic, de M. Bakrac.)

4 M. Bakrac (interprétation): En fait il s'agit simplement d'une question

5 qui est très courte.

6 Monsieur Avdic, vous avez déclaré avoir été enregistré pour la première

7 fois au mois de décembre 1993 et que c'est la Croix Rouge internationale

8 qui l'a fait?

9 M. Avdic (interprétation): Oui.

10 Q: Est-ce que vous savez ou est-ce que vous avez donné dans une

11 déclaration au Centre de sécurité de Sarajevo la date du 24 décembre 1992,

12 est-ce que c'est exact?

13 R: Non. Je suis vraiment désolé, si c'est cela qui est inscrit dans la

14 déclaration cela doit être une omission de ma part

15 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, je voudrais demander à

16 ce que ces déclarations soient versées au dossier, elles portent la cote

17 d'identification du Bureau du Procureur ID121 et c'est la version BCS.

18 Pour ce qui est de la version en langue anglaise, elle porte la cote

19 d'identification ID121A.

20 Je peux vous fournir un exemplaire au Greffe pour identification, et étant

21 donné que nous avons déjà demandé le versement au dossier de la pièce D1,

22 je suggère que ce document soit versé au dossier comme étant D2.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 M. le Président (interprétation): Pourriez-vous nous dire dans quel

25 endroit de la déclaration on fait référence à l'enregistrement auprès de

Page 565

1 la Croix Rouge internationale?

2 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, dites-moi en fait je

3 n'ai que devant moi la version en langue BCS et il s'agit de la page...

4 M. le Président (interprétation): Je crois que je l'ai trouvée, est-ce que

5 c'est la phrase qui dit: "Les représentants du CICR m'ont caché jusqu'au

6 24 décembre, j'ai été enregistré par les représentants du CICR le 24

7 décembre 1992." Est-ce que c'est cela que vous vous vouliez dire?

8 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

9 M. le Président (interprétation): Madame Kuo, ce n'est pas compatible avec

10 cela, en fait c'est déjà quelque chose que nous avons abordé dans la

11 transcription (expurgé).

12 Mme Kuo (interprétation): Oui, je crois que le témoin a déjà expliqué en

13 long et en large.

14 M. le Président (interprétation): Y a-t-il une objection concernant le

15 versement au dossier de ces déclarations?

16 Mme Kuo (interprétation): Non.

17 M. le Président (interprétation): Monsieur Bakrac, je ne veux pas qu'il y

18 ait de malentendu mais le document qui a été marqué pour fins

19 d'identification un peu plus tôt aujourd'hui est marqué pour des fins

20 d'identification. Ce n'est pas une pièce à conviction.

21 En fait cela sera votre première pièce à conviction et elle sera cotée D1.

22 M. Bakrac (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

23 A ce moment-là, j'aimerais fournir au Greffe la copie, l'exemplaire d'hier

24 et si vous n'avez rien contre, je voudrais qu'elle porte la cote D2 si je

25 vous ai bien compris.

Page 566

1 M. le Président (interprétation): Non, je vais vous l'expliquer de

2 nouveau. Vous avez obtenu ou M. Vasic a reçu du témoin hier son accord

3 concernant le fait que cette déclaration avait bel et bien été faite par

4 lui. Donc vous n'avez pas besoin de document pour montrer que c'est bien

5 la déclaration qui avait été faite par lui. Ce document porte une marque

6 pour le fait d'identification et ce n'est pas le document que l'accusation

7 nous avait fourni dans les classeurs. Ce document portera donc la cote D1,

8 le document émanant de M. Avdic portera la cote D1.

9 M. Bakrac (interprétation): Si je vous ai bien compris, le seul problème

10 ici est de savoir que la version BCS n'était pas identique et c'est la

11 raison pour laquelle il nous a fallu verser au dossier ce document, cette

12 déclaration. Hier il y avait une certaine différence dans la version en

13 langue BCS.

14 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous voulez dire qu'il y a un

15 certain écart concernant ces deux versions-là de la déclaration donnée par

16 M. Avdic.

17 M. Bakrac (interprétation): Non, hier, j'ai cru comprendre qu'il y a eu

18 justement un malentendu à cause de cela, ce n'est pas quelque chose sur

19 laquelle j'ai insisté.

20 M. le Président (interprétation): Il n'y avait aucune discordance entre

21 les versions BCS et anglaise du document, qui a fait l'objet du contre

22 interrogatoire de M. Vasic. Mais il y avait un autre document portant la

23 même date, mais qui était un document incomplet.

24 Les deux documents avaient été signés de la main de ce témoin, mais il

25 s'agissait de deux documents différents.

Page 567

1 S'agissant maintenant du contenu sur lequel s'est basé Me Vasic au cours

2 du contre-interrogatoire, celui-là a été accepté par le témoin et nous

3 n'avons pas versé ce document au dossier.

4 Est-ce que maintenant vous avez compris?

5 M. Bakrac (interprétation): Maintenant vous m'avez vraiment bien fait

6 comprendre, je vous remercie Monsieur le Président.

7 M. le Président (interprétation): Je n'ai pas de question à poser

8 personnellement au témoin, mais j'ai une question à poser à l'accusation

9 avant que le témoin sorte du prétoire.

10 Tous les principes de physique fournis par Me Bakrac au cours du contre-

11 interrogatoire sont bons mais en fait est-ce qu'il y a une photographie

12 prise depuis la pièce où se trouvait M. Avdic?

13 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'étais présente au moment où ces

14 photographies ont été prises, c'était assez tôt dans l'enquête, je ne me

15 rendais pas compte de l'importance qu'allait prendre la salle 20.

16 Nous n'avons pas de photographie prise depuis cette salle 20, et c'est

17 d'ailleurs la raison pour laquelle l'accusation avait l'intention de

18 déposer une requête pour demander à la Chambre de se déplacer sur les

19 lieux du crime. Mais le problème, c'est que vu les événements récents qui

20 se sont produits à Foca, pour ce qui est de la sécurité, ce ne sera pas

21 possible dans les toutes prochaines semaines. Nous avons janvier et

22 février, à ce moment-là les visites sont impossibles pour d'autres

23 raisons. Nous ne pourrons donc le faire au plus tôt qu'au mois de mars.

24 Mais j'ai peut-être une autre idée, je suppose que Me Bakrac a de

25 meilleures relations avec la Republika Srpska que nous, et pourrait peut-

Page 568

1 être obtenir que des photographies soient prises depuis cette autre pièce.

2 C'est la seule autre idée que j'ai.

3 M. le Président (interprétation): Même s'il serait fort agréable d'aller à

4 Foca, bien sûr pas en février, je pense que la façon la plus rapide c'est

5 d'envoyer un photographe sur place d'une façon ou d'autre. Il se peut que

6 Me Bakrac puisse en discuter avec vous, et il faudra préciser au

7 photographe quelle est la pièce dans laquelle a été détenu M. Avdic, et

8 des photographies pourront être prises depuis cette pièce.

9 Il y aura peut-être un problème avec les arbres, mais là on s'occupera de

10 ce problème-là au moment où on verra les photographies. Mais c'est vrai

11 que ceci revêt une certaine importance et même si je comprend la façon

12 dont M. Bakrac a procédé à son contre-interrogatoire, ce n'est pas facile

13 quand on parle d'angle, de proximité, de recul, il faudrait peut-être

14 plutôt qu'un expert, une photographie.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, je crois que ce serait la

16 meilleure chose à faire. Le problème est que nous n'avons qu'un accès très

17 limité à la Republika Srpska et si maintenant nous demandons que puisse

18 être envoyé un photographe de nos services, cela va durer des mois et cela

19 pourrait même ne pas se produire du tout. Nous allons en discuter avec les

20 conseils de la défense.

21 M. le Président (interprétation): Merci. J'avais une autre question à

22 poser à l'accusation. Il y a des lettres SMB, est-ce qu'on les décrit

23 quelque part dans le compte rendu d'audience? On parlait des uniformes

24 SMB, ceci a été utilisé très souvent pour décrire des vêtements

25 militaires, n'est-ce pas?

Page 569

1 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, et le témoin parle des anciens

2 uniformes de la JNA, les uniformes SMB, mais moi, je ne serai pas en

3 mesure de vous le décrire. Je suppose que les témoins seront mieux à même

4 que moi pour le faire.

5 M. le Président (interprétation): Eh bien, demandez à M. Avdic ce qu'il

6 entendait par là parce qu'il a utilisé aussi ce terme, et j'ai remarqué

7 que ça avait été aussi utilisé avec l'autre témoin, mais je n'ai pas eu le

8 temps de relever la chose. Moi, je me demandais quelle couleur cela

9 représentait?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur Avdic, pourriez-vous nous

11 dire à quoi ressemblait un uniforme SMB?

12 M. Avdic (interprétation): Il s'agit d'un vert, d'une couleur vert

13 olivâtre en fait d'olive verte, voilà pourquoi on l'appelle un vert

14 olivâtre.

15 M. le Président (interprétation): Merci. Quelqu'un a-t-il une question à

16 poser à ce propos?

17 M. Bakrac (interprétation): Non merci, Monsieur le Président.

18 M. le Président (interprétation): Et l'accusation?

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Non.

20 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez disposer.

21 Merci d'être venu déposer devant nous, j'espère que nous ne vous reverrons

22 plus, Monsieur.

23 (Le témoin, M. Safet Avdic, est reconduit hors du prétoire.)

24 Le témoin suivant sera le Témoin 85?

25 M. Smith (interprétation): Oui, c'est exact. Je m'appelle Bill Smith et je

Page 570

1 suis présent en tant que représentant de l'accusation. Ce témoin n'a pas

2 demandé de mesures de protection, Monsieur le Président. Je vais

3 simplement maintenant transmettre les documents que je vais sans doute

4 utiliser au cours de l'interrogatoire et auxquels fera référence le

5 témoin.

6 Le premier document dont je demanderai qu'il soit placé à la table du

7 témoin, ce sont les pseudonymes d'autres témoins.

8 (Le témoin, M. Dzevad Lojo, est introduit dans le prétoire.)

9 M. le Président (interprétation): Mais lui ne va pas avoir recours à un

10 pseudonyme?

11 M. Smith (interprétation): Non, non il va peut-être faire allusion à

12 certains témoins qui eux se sont vu octroyer un pseudonyme.

13 M. le Président (interprétation): Le Président, veuillez donner lecture de

14 la déclaration solennelle, Monsieur.

15 M. Lojo (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

16 vérité, toute la vérité et rien que le vérité.

17 M. le Président (interprétation): Veuillez, vous asseoir.

18 Maître Smith, vous avez la parole?

19 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dzevad Lojo, par M. Smith.)

20 M. Smith (interprétation): Bonjour, Monsieur le témoin. Pourriez-vous

21 décliner votre identité à l'attention de Juges?

22 M. Lojo (interprétation): Je suis Dzevad Lojo.

23 Q: Monsieur Lojo, je vais remettre dans un instant un document à

24 l'huissier pour qu'il vous le transmette comme nous en avons discuter

25 avant votre déposition.

Page 571

1 Si vous voulez faire référence au nom de personnes dont les noms sont

2 inscrits ici sur cette feuille de papier, utilisez les chiffres qui leur

3 ont été attribués et non pas les noms. Etes-vous d'accord?

4 R: Oui.

5 Q: Lorsque vous allez répondre aux questions, prenez votre temps. Vous

6 savez que tous vos propos sont interprétés et je vais vous demander

7 d'attendre que ma question soit interprétée pour y répondre.

8 R: Oui.

9 Q: Comment vous considérez-vous sous l'angle de l'appartenance ethnique?

10 R: Je suis Musulman ou bosnien musulman, c'est peut-être la meilleure

11 façon de le dire.

12 Q: Et vous avez grandi à Foca en Bosnie-Herzégovine?

13 R: Oui, j'y suis né et j'y ai grandi.

14 Q: Et dans quel quartier de Foca habitiez-vous avant la guerre de 1992?

15 R: Avant la guerre, j'habitais à deux ou trois endroits de la ville

16 différents, mais au moment du déclenchement de la guerre j'étais rue du 29

17 novembre n°100. C'est un grand immeuble d'habitation comportant un bon

18 nombre d'appartements. J'étais au dernier étage à la dernière entrée de

19 l'immeuble, 4e étage.

20 Q: Et cet immeuble se situe dans le centre de la ville?

21 R: Nous sommes vraiment en plein centre-ville.

22 Q: Combien d'autres familles occupaient-elles l'immeuble?

23 R: Je crois qu'il y avait environ neuf familles qui résidaient dans ce

24 bâtiment.

25 Q: Et avant la guerre que faisiez-vous, quel était votre métier?

Page 572

1 R: J'ai travaillé au combinat d'exploitation agricole et à des forêts,

2 Maglic. J'ai été directeur du développement et du plan, justement avant

3 cette année-là 1992, mais je me suis occupé aussi d'autres fonctions.

4 Q: Vous êtes ingénieur de formation?

5 R: Oui, je suis ingénieur diplômé en technologie chimique. Cela est exact.

6 Q: Ce combinat Maglic, de quelle importance était-il, quelle taille avait-

7 il?

8 R: C'était un combinat de grande envergure comptant environ 3000 ouvriers

9 qui possédaient ses propres forêts, ses propres scieries, plusieurs

10 ateliers de production de contre-plaqué et de panneaux à usine de meubles,

11 une fabrication de produits semi-finis et qui possédait également son

12 propre réseau commercial.

13 Q: Est-ce que vous aviez un poste de direction au sein de l'entreprise?

14 R: Oui, j'ai fait partie évidemment du collège de direction restreint de

15 la firme. qQuand on est directeur du secteur du développement et du plan,

16 on est quelqu'un de très important et responsable, chargé du développement

17 et des investissements. Mais j'étais aussi membre du conseil de direction

18 de l'entreprise chargé toujours du secteur de développement.

19 Q: Ce collège ou ce conseil de direction combien d'autres membres

20 comptait-il?

21 R: Je pense que nous étions huit à neuf membres, de huit à dix membres, je

22 n'en suis pas sûr, un peu près. C'était comme ça.

23 Q: Au début de la guerre en 1992, est-ce que vous aviez affaire avec des

24 activités militaires?

25 R: Non, je n'avais aucun rapport avec aucune des armées.

Page 573

1 Q: Est-ce que politiquement vous étiez un membre actif à Foca?

2 R: Je n'appartenais à aucun parti nationaliste, j'ai toujours eu de la

3 sympathie pour les sociaux-démocrates, mais à cette époque-là je n'ai pas

4 vraiment appartenu à des partis politiques en place.

5 Q: Quels étaient les principaux partis politiques à Foca à l'époque?

6 Partis représentés au niveau national.

7 R: Les principaux partis nationalistes étaient: le SDA -le parti de

8 l'action démocratique- et le SDS -le parti démocratique serbe-. Il y avait

9 d'autres partis aussi, mais ces deux partis étaient les partis au pouvoir.

10 Q: Est-ce que vous aviez des armes que vous possédiez ou est-ce que vous

11 en aviez chez vous avant le début de la guerre?

12 R: Non, je n'ai jamais eu d'arme à domicile.

13 Q: Le 19 avril 1992, vous avez été arrêté. Est-ce bien exact?

14 R: Oui.

15 Q: Où vous trouviez-vous au moment où vous avez été arrêté?

16 R: Au moment de mon arrestation, je me trouvais dans l'appartement de Jovo

17 Milosevic. Il s'agit du même immeuble que j'habite moi-même, c'est

18 seulement dans un autre côté, dans une autre entrée. Pour des raisons de

19 sécurité, j'étais passé par cette entrée parce que Jovo Milosevic qui est

20 un de mes collègues, ingénieur en sylviculture, lui était prêt à me

21 protéger d'une manière ou d'une autre.

22 Q: Quelle était l'appartenance de Joso Milosevic?

23 R: Jovo Milosevic est de nationalité serbe.

24 Q: Et qui vous a arrêté?

25 R: J'ai été arrêté par un groupe d'hommes armés, avec à leur tête un des

Page 574

1 gardiens que j'ai déjà connu avant, parce qu'ils ont fait irruption dans

2 l'appartement. Il y avait deux autres personnes armées d'appartenance

3 ethnique serbe de la ville de Foca même et que je connais. Si vous le

4 voulez bien, je peux vous citer les noms. J'en connais un, peut-être que

5 je ne connais pas… Oui, je m'excuse, peut-être que je connais les noms des

6 deux autres.

7 Q: Pourriez-vous nous donner ces noms?

8 R: L'un était le fils d'un de mes collègues, Vejo Vukadin. Vukadin, c'est

9 son nom de famille, je ne connais pas son prénom.

10 L'autre était Vukovic qui, je crois, est bien connu par ce prétoire et par

11 ce Tribunal et qui se trouve actuellement ici.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Smith, je crois que cette

13 réponse ne peut pas passer sans être (inaudible) parce qu'on a un certain

14 Zoran Vukovic qui est ici en jugement, mais il y a au moins 11 personnes

15 qui portent ce nom dans la région de Foca. S'il y a un problème

16 d'identification, il faut l'aborder.

17 M. Smith (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Président, mais

18 je ne pense pas que ce soit nécessaire.

19 Combien de personnes y avait-il dans ce groupe qui vous ont arrêté?

20 Donnez-nous un chiffre approximatif.

21 M. Lojo (interprétation): Je crois qu'ils étaient de trois à quatre

22 hommes, y compris le chauffeur du véhicule ou de la police militaire.

23 Q: Vous avez parlé de deux personnes qui étaient originaires de Foca qui

24 vous ont arrêté, mais selon vous et d'après ce que vous avez pu constater,

25 est-ce qu'il y avait dans ce groupe des personnes qui n'étaient pas de

Page 575

1 Foca?

2 R: Celui qui était le chef du groupe, il était venu à plusieurs reprises

3 jusqu'au palier de notre entrée, et avec laquelle personne nous avons eu

4 préalablement des rencontres désagréables.

5 Q: Et lorsque vous dites qu'il était le numéro 1, est-ce qu'il semblait

6 être le chef ou voulez-vous dire par là qu'il était le premier que vous

7 avez rencontré au moment de votre arrestation?

8 R: Oui, il était peut-être le plus diligent, le plus actif et je crois que

9 c'était lui qui était à la tête du groupe. Je crois que mon arrestation

10 aurait dû être peut-être moins efficace sans lui. L'arrestation n'aurait

11 probablement pas eu lieu.

12 Q: Est-ce que vous savez d'où il venait ce monsieur? Ainsi que l'autre

13 personne, d'où venait-elle?

14 R: D'après moi, telle était mon impression, ces gens-là étaient membres

15 des unités paramilitaires qui portaient un brassard blanc, on les

16 intitulait comme "Beli Orlovi". Celui-là, je le connaissais bien. Enfin,

17 ce n'étaient pas des gens du pays, de chez nous. Et pour compléter ma

18 réponse, de toute évidence, ils étaient venus de Serbie.

19 Q: Et pourriez-vous nous dire rapidement pourquoi vous pensez qu'ils

20 venaient de Serbie? Qu'est-ce qui vous a poussé à penser cela?

21 R: Eh bien, d'abord parce que cet homme-là appartenait à ce groupe plus

22 nombreux qui -comme je l'ai dit à deux reprises- était venu sur

23 l'escalier, devant notre appartement et avec qui j'ai eu des contacts

24 désagréables. Parce qu'en venant jusqu'au palier de notre appartement, ils

25 tiraient des coups de feu et puis après ils voulaient toujours avoir des

Page 576

1 règlements de compte avec nous et dans des conversations préliminaires on

2 a pu les entendre dire qu'ils étaient venus de Serbie pour seconder les

3 Serbes de Bosnie-Herzégovine.

4 Q: Ces deux hommes étaient-ils armés?

5 R: Oui.

6 Q: Auparavant, vous avez parlé de deux hommes qui, eux, étaient

7 originaires de Foca. Est-ce qu'ils étaient armés?

8 R: Oui.

9 Q: Etaient-ils en uniforme?

10 R: Oui.

11 Q: Est-ce que vous vous souvenez du type d'uniformes qu'ils portaient?

12 R: Autant que je m'en souvienne, c'étaient les uniformes de camouflage,

13 uniformes militaires.

14 Q: Quelle était la couleur de ce camouflage?

15 R: La couleur de ces tenues de camouflage était donc bigarrée, il y avait

16 du vert et du blanc. Mais auprès du véhicule, nous attendait le chauffeur

17 dont la couleur de la tenue de camouflage était différente, plutôt

18 caractéristique enfin pour la couleur des unités de police. Une espèce de

19 nuance bleu, gris, blanc. Quelque chose comme ça.

20 Q: Mais cet uniforme était porté par le chauffeur de la voiture de police

21 qui vous a emmené?

22 R: Sur le véhicule, on pouvait lire l'inscription "police militaire".

23 Q: C'est dans ce véhicule que vous avez été emmené? Où avez-vous été

24 emmené?

25 R: On m'a emmené mon frère et moi-même au KP Dom directement.

Page 577

1 Q: Comment s'appelle votre frère?

2 R: A quel nom pensez-vous?

3 Q: A votre frère.

4 R: Je ne sais pas si lui apparaît ici en qualité de témoin, mais je peux

5 vous le dire.

6 Q: Cela n'a pas d'importance.

7 R: Mais je n'ai qu'un seul frère et il est en vie et habite Sarajevo.

8 M. Smith (interprétation): Non, il est inutile que vous prononciez son

9 nom.

10 Monsieur le Président, il est près de 13 heures et j'ai pratiquement

11 terminé ce sujet.

12 M. le Président (interprétation): Par rapport à la question posée par Mme

13 Kuo, je crois que votre question ou la question était assez ouverte et

14 susceptible de fournir une longue réponse.

15 De toute façon, nous en aurons presque terminé lorsque j'aurai terminé.

16 Mais nous ne voulons pas perdre la moindre minute parce que minute par

17 minute cela fait des heures.

18 M. Smith (interprétation): Oui, mais ma collègue veut intervenir.

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, pour ce qui est des

20 photographies qu’il faudrait faire au KP Dom, lorsque Mme Kuo a pris congé

21 du témoin Avdic, celui-ci a précisé où il se trouvait exactement dans la

22 pièce. Et je me demande s’il suffit que, nous, nous soyons au courant de

23 l'endroit où il se trouvait ou si la défense veut en être informée?

24 Faudraitt-il rappeler ce témoin pour qu’il nous dise où il se trouvait

25 exactement et d'où exactement il faudrait prendre la photographie?

Page 578

1 M. le Président (interprétation): Discutez-en avec Me Bakrac parce qu’il

2 se peut qu’il soit d’accord avec vous sans qu’il soit nécessaire de

3 rappeler M. Avdic à la barre. Sinon il faudra peut-être le rappeler pour

4 éviter toute contestation selon laquelle il se trouvait dans telle ou

5 telle partie de la salle 20, parce qu'il y avait beaucoup de fenêtres dans

6 cette salle.

7 M. Bakrac (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, mais pour

8 faciliter les choses à l'avance, nous pouvons prendre des photographies à

9 partir de chacune de ces fenêtres, et nous le ferons avec un extrême

10 plaisir pour venir en aide à ma consoeur de l’accusation.

11 Vous ne m’avez pas posé la question lorsque ce thème était à l'ordre du

12 jour, je ne voulais pas vous interrompre, mais voilà le conseil de la

13 défense sera chargé d'engager un photographe professionnel de Foca en vue

14 de prendre une photographie à partir de chacune de ces fenêtres de la

15 salle 20 donnant évidemment sur le côté en vis-à-vis de la Drina.

16 M. le Président (interprétation): Ce sera vraiment d’une grande utilité.

17 Mais je pense qu’il y a peut-être contestation quand à l’endroit où se

18 trouvait debout M. Avdic. Si vous n’êtes pas d’accord, vous pourrez peut-

19 être lui parler à titre officieux, ou alors il faudra le rappeler à la

20 barre parce qu’il se peut que d'une fenêtre on ait une meilleure vue que

21 d'une autre. Il faut que vous vous entendiez sur cela, sinon il faudra

22 rappeler le témoin par la suite.

23 Voilà, maintenant Monsieur Smith, nous sommes à 13 heures 01 et nous

24 levons l’audience jusqu'à 14 heures 30.

25 (L'audience, suspendue à 13 heures 01, est reprise à 14 heures 30.)

Page 579

1 M. le Président (interprétation): Monsieur Smith.

2 M. Smith (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

3 Monsieur, avant la pause vous avez dit que vous avez été emmené au KP Dom

4 avec votre frère. Est-ce que votre frère était dans la voiture militaire?

5 M. Lojo (interprétation): Non.

6 Q: Est-ce qu'il avait une arme dans son appartement?

7 R: Non.

8 Q: Quand vous avez été arrêté, les personnes qui vous ont arrêté et qui

9 vous ont emmené au KP Dom, vous ont-elles dit la raison pour laquelle vous

10 étiez en train de vous faire arrêter?

11 R: Oui, il m'a été dit qu'on nous emmenait pour faire une brève

12 déclaration tout simplement.

13 Q: Combien de temps êtes-vous resté détenu au KP Dom?

14 R: Environ deux ans et demi.

15 Q: A quelle date avez-vous été relâché du KP Dom?

16 R: J'ai été échangé à Sarajevo le 6 octobre 1994.

17 Q: Que s'est-il passé avec votre famille?

18 R: Ma famille est restée à la maison. Non! A cette époque-là, ma famille

19 était bien entendu (expurgé). Mais

20 au moment de mon arrestation, ma famille était à la maison.

21 Q: Quand ont-ils quitté la ville de Foca?

22 R: Ma famille a quitté Foca, je pense, vers la fin du mois d'août ou début

23 septembre.

24 M. Smith (interprétation): Monsieur le Président, dans le compte rendu

25 d'audience il est fait mention de l'endroit où la famille se trouve. Je me

Page 580

1 demandais s'il serait possible d'expurger cet endroit simplement à des

2 fins de précaution?

3 M. le Président (interprétation): Oui, certainement.

4 M. Smith (interprétation): Quelle est la raison pour laquelle votre

5 famille a quitté Foca?

6 M. Lojo (interprétation): Ma famille était obligée de quitter la ville car

7 à cette époque-là on procédait à ce que l'on appelait le "nettoyage

8 ethnique" de la ville.

9 Q: Est-ce que vous savez si les Musulmans de Bosnie pouvaient rester à

10 Foca après la guerre ou en fait après le début du conflit dans la ville de

11 Foca?

12 R: Il y en avait très peu, un nombre symbolique. Je ne pense pas qu'il y

13 ait eu plus de deux ou trois familles, c'est peut-être même trop.

14 Q: Est-ce que vous savez si la majorité des habitants d'origine musulmane

15 de la ville de Foca a quitté la ville?

16 R: Je crois pour ma part que tout cela s'était achevé fin juillet, la

17 majeure partie d'entre eux ont dû quitter Foca. Après quoi certainement

18 pas, ils ne pouvaient plus le faire.

19 Q: Est-ce que votre épouse avait besoin d'obtenir des papiers lui

20 permettant de quitter Foca?

21 R: Oui, elle devait être munie de documents qu'elle a reçus de la part du

22 SUP de Foca. Il s'agit plus précisément de parler du secrétariat aux

23 Affaires Intérieures de Foca, c'est-à-dire il s'agit de police.

24 Q: A quel moment a-t-elle obtenu ces documents?

25 R: Je ne peux pas répondre avec précision, mais nous avons pas mal de

Page 581

1 documents, nous avons tous les papiers s'y rapportant. Il s'agit

2 probablement de la fin du mois de juillet ou peut-être la seconde moitié

3 du mois de juillet.

4 Q: J'aimerais vous demander à présent de revenir dans le temps et de nous

5 parler du moment avant votre arrestation. J'aimerais que vous nous parliez

6 du début de la guerre. D'après vous, quelle était la date du début du

7 conflit?

8 R: Je crois que la guerre a commencé officiellement le 8 avril 1992. C'est

9 à cette date-là que les opérations de guerre commencent.

10 Q: Et vous avez été arrêté le 19 avril. Pourriez-vous relater à la Cour et

11 nous dire ce que vous faisiez pendant ces onze jours-là?

12 R: J'étais d'abord incarcéré dans une maison c'est-à-dire plutôt dans

13 l'appartement de mon frère. Le premier voisin étant Jovo Milosevic que

14 nous avons connu et pour qui nous avons su qu'il était membre de la

15 direction du parti SDS. Et nous avons cru que lui en tant que voisin et

16 ami, il aurait pu nous assurer une certaine protection, c'est ce qu'il a

17 fait d'ailleurs pendant un certain temps.

18 Q: J'aimerais maintenant demander à ce que l'on produise la pièce à

19 conviction 18, en fait à ce que l'on montre au témoin la photographie

20 7289, il s'agit de la photographie du centre-ville de Foca.

21 (L'huissier s'exécute.)

22 Est-ce que c'est bien la photographie nous montrant le centre-ville de

23 Foca?

24 R: Oui.

25 Q: A l'aide du pointeur, pourriez-vous nous montrer à quel endroit était

Page 582

1 situé l'immeuble dans lequel vous habitiez ou nous montrer au moins la

2 zone générale dans laquelle votre immeuble se trouvait?

3 R: A gauche ici, à gauche par rapport… ce que je pointe par rapport au

4 chiffre trois. En face de cette tour ici, derrière se trouve la Privredna

5 Banka de Sarajevo. Faut-il montrer encore quelque chose?

6 Q: Non, c'est très bien. J'aimerais que l'on inscrive au compte rendu

7 d'audience que le témoin a montré un immeuble de couleur blanche avec un

8 toit orange et tout à fait à gauche, légèrement en dessous du chiffre

9 trois qui figure sur la photographie.

10 M. le Président (interprétation): Je vous crois sur parole, c'est un peu

11 difficile de voir qu'il s'agit bien d'un toit de couleur orange.

12 M. Jolo (interprétation): J'ai une remarque à faire.

13 M. Smith (interprétation): Oui, certainement. Pourriez-vous nous aider à

14 identifier l'immeuble dans lequel vous habitiez?

15 R: Je crois avoir bien montré, cette maison n'a pas de toit et à sa droite

16 se trouve un autre immeuble très long et qui va dans le sens

17 perpendiculaire par rapport à cet immeuble-là, qui fait d'ailleurs l'angle

18 d'une rue qui traverse la ville. Donc cet immeuble là avec un toit de

19 couleur orange n'appartient pas à l'immeuble auquel je pense. Cet immeuble

20 est peut-être distant d'environ une cinquantaine de mètres du premier.

21 Q: Serait-il possible de marquer un "x" juste au-dessus de ce bâtiment?

22 R: Oui.

23 M. le Président (interprétation): Sur votre exemplaire, cela va figurer

24 mais non sur l'exemplaire de la Chambre, n'est-ce pas?

25 M. Smith (interprétation): Oui, c'est très bien, Monsieur le Président,

Page 583

1 nous allons pouvoir verser ce document au dossier, à ce moment-là. Merci.

2 Et le témoin a indiqué un x pour nous montrer l'endroit où il habitait

3 avant la guerre.

4 Mme Chen (interprétation): Il s'agit du numéro P397.

5 M. le Président (interprétation): Est-il approprié de l'indiquer ainsi ou

6 il faudrait peut-être suivre cette cote avec une barre oblique. Il serait

7 peut-être mieux d'indiquer une barre oblique après ce chiffre?

8 M. Smith (interprétation): Non, Monsieur le Président, nous allons pouvoir

9 l'identifier comme étant à ce moment-là la pièce à conviction 18-00-00-

10 40/1. Vous dites que vous avez vécu dans ce bâtiment-là et que vous étiez

11 au quatrième étage.

12 Que faisiez-vous à l'époque quand vous avez compris que la guerre avait

13 débuté dans la ville de Foca?

14 M. Lojo (interprétation): Nous avons réfléchi à la possibilité d'éviter ce

15 danger. Eventuellement, c'était déjà trop tard pour organiser quoi que ce

16 soit, quoi que ce soit comme évasion de cette ville pour s'évacuer en

17 voiture, et nous sommes restés dans cet appartement de concert avec les

18 autres locataires. Mais les locataires de nationalité serbe étaient en

19 permanence absents de leur logement.

20 Ils étaient quatre au nombre, quatre familles et il y avait cinq familles

21 de Musulmans. C'est l'escalier à droite qu'il fallait prendre. Comme on

22 peut voir ici sur cette photographie ce bâtiment, cet immeuble a deux

23 entrées, à gauche et à droite.

24 Q: Très bien. Vous avez dit que la guerre a débuté dans la ville de Foca

25 le 8 avril. Qu'est-ce que vous avez entendu ou vu pour la première fois et

Page 584

1 de quelle façon est-ce que vous avez compris que la guerre avait débuté?

2 R: A ce moment-là, moment où je crois que la guerre avait commencé, j'ai

3 rencontré un de mes amis près du pont au centre-ville. Et à ce moment-là

4 n'oublions pas que cela se trouve sur la rive gauche de la rivière

5 Cehotina, à ce moment-là on a entendu des coups de feu tirés des deux

6 rives de la rivière. On a pu voir des personnes en tenue militaire qui

7 nous faisaient des signaux comme quoi il a fallu partir de là-bas. Je me

8 suis évadé aussitôt, il y a une distance environ 200 mètres depuis ce lieu

9 à ma maison. Comme c'était dangereux, j'ai zigzagué entre les différents

10 immeubles. Je ne pouvais pas emprunter une ligne directe.

11 Faut-il encore donner des détails dans le cadre de cette réponse?

12 Q: Je vous poserai des questions qui vous permettront de donner davantage

13 de détails. Vous dites que vous avez vu des personnes qui tiraient à

14 proximité de la rivière. Savez-vous qui étaient ces personnes? A quel

15 groupe militaire elles appartenaient? Et quelles étaient leurs cibles?

16 R: Ces personnes militaires qui tiraient, évidemment on tirait aussi de

17 l'autre côté, de l'autre rive de Cehotina, ces personnes en tenue

18 militaire qui étaient là et qui nous donnaient le signal de nous en aller,

19 avaient leur stationnement dans le foyer de l'armée, lequel immeuble se

20 trouve en face du pont. C'était certainement des militaires appartenant à

21 l'armée serbe.

22 Et si je pouvais en juger à ce moment-là, il s'agissait bien de membres

23 d'unités paramilitaires, de ces forces paramilitaires.

24 Q: Et apparemment sur qui tiraient-ils?

25 R: Ces gens-là tiraient sur des cibles qui se trouvaient de l'autre côté

Page 585

1 de l'autre rive ou plutôt de l'autre côté du pont, c'était un nid de

2 mitrailleuses qui se trouvait là.

3 Q: Vous parlez d'un nid de mitrailleuses. Est-ce que c'étaient les soldats

4 serbes qui s'y trouvaient ou bien plutôt les autres personnes sur qui les

5 soldats serbes tiraient?

6 R: C'étaient des soldats serbes.

7 Q: Après ces coups de feu, combien de temps vous a-t-il fallu pour

8 regagniez votre appartement?

9 R: Deux à trois minutes pas plus.

10 Q: Est-ce que les membres de votre famille se trouvaient dans votre

11 appartement?

12 R: Oui.

13 Q: Quelle heure était-il à ce moment-là?

14 R: C'était le matin, je pense entre 9 et 10 heures.

15 Q: Est-ce que vous avez passé toute la journée dans votre appartement?

16 R: Oui, parce aussitôt après, le pilonnage de la ville a commencé aussi.

17 C'est-à-dire, c'étaient d'abord des combats moyennant les armes

18 d'infanterie et ensuite c'était bien le pilonnage de la ville, lequel a

19 duré pendant plusieurs jours.

20 Q: Vous êtes donc rentré chez vous dans votre appartement, est-ce que vous

21 en êtes reparti jusqu'au moment de votre arrestation onze jours plus tard

22 le 19 avril?

23 R: Oui, mais pour sortir de temps en temps. Lorsqu'il y avait quelques

24 trêves disons -que j'ai pu ressentir comme telles- nous étions quelques-

25 uns, moi et quelques-uns de mes voisins qui sortions, mais pour ne pas

Page 586

1 nous éloigner plus de 30 à 40 mètres de chez nous.

2 Q: Vous dites que le pilonnage a commencé au moment ou vous êtes retrouvé

3 dans votre appartement. Est-ce que vous voulez dire que le pilonnage a

4 commencé ce premier jour?

5 R: Oui.

6 Q: Est-ce que depuis votre appartement, il était possible de voir une

7 partie de la ville de Foca?

8 R: Oui.

9 Q: Quel quartier pouvait-on voir? Je pense ici aux différents quartiers,

10 aux endroits qui ont reçu un nom particulier dans la ville de Foca?

11 R: J'ai pu voir cette agglomération intitulée Centar 1, Centar 2, je ne

12 peux pas dire avec précision dans le détail d'après la nomenclature

13 évidemment de la mairie où se trouvent les limites qui séparent les deux

14 quartiers. Mais étant donné que mon appartement se trouve au quatrième

15 étage, à partir de mon appartement, j'ai pu avoir une bonne vue sur les

16 deux quartiers.

17 Il s'agit de cette agglomération qui se trouve juste en face de l'immeuble

18 qui était le nôtre, c'est donc ici, mais de l'autre côté, ici mon

19 appartement a une fenêtre, à partir de la pièce réservée à nos enfants où

20 une bonne vue et sans obstacle se présente donnant sur le centre du SUP et

21 de cette partie-là de la ville.

22 Q: Est-ce que vous pouvez revenir à cette photo? Je vais vous demander

23 d'entourer d'un cercle la zone qu'il vous était possible de voir depuis

24 votre appartement.

25 (Le témoin s'exécute.)

Page 587

1 R: Voulez-vous que je vous les marque une fois de plus par ce feutre

2 rouge?

3 Q: Je vous en prie.

4 (Le témoin s'exécute.)

5 R: C'est de cette région-là qu'il s'agit. Excusez-moi, c'est cette façon

6 un peu grossière de dessiner mais quand même pour représenter une échelle

7 telle quelle, c'est ici que j'ai pu contourner cet immeuble parce que

8 cette tour d'ailleurs obstrue un peu notre vue, car c'est une tour à

9 plusieurs étages, à huit, neuf ou dix étages.

10 Q: Est-ce qu'on voit la zone d'Aladza sur la photographie?

11 R: Non, je n'ai aucun besoin de jeter un coup d'oeil sur cette

12 photographie. On ne pouvait pas voir Aladza, ma maison, depuis la fenêtre

13 de mon appartement. Aladza serait plutôt une région urbaine qui se trouve

14 de l'autre côté du pont. Je vais vous le montrer sur la photographie.

15 Eh bien, ce secteur serait ici. Mais vous ne devez pas considérer ce

16 secteur comme étant le centre même d'Aladza. Aladza s'étend encore à

17 gauche, un peu plus loin, et je ne pouvais pas le voir.

18 Q: Est-ce qu'il est possible de voir la zone de Prijeka-Carsija?

19 R: Oui, Prijeka-Carsija, oui, je pouvais le voir. Et d'ailleurs, je crois

20 que c'est déjà marqué parce que j'ai encerclé ici. Ici, se trouve un

21 bâtiment qu'on appelle Sahat Kula, "Tour de l'horloge", ici oui. Je crois

22 que c'est bien ça, oui. Et la Prijeka-Carsija se trouverait ici qui jouxte

23 justement avec le Sahat Kula, un des premiers sites à être incendié.

24 D'abord quelques maisons à Aladza, quelques autres maisons non loin de

25 chez moi, et puis j'ai vu ici de fait toute une rue intitulée Prijeka-

Page 588

1 Carsija toute incendiée, de fond en comble.

2 J'ai eu l'occasion de voir ce secteur qui a été incendié lorsqu'à une

3 occasion j'étais sorti du KP Dom pour me rendre à l'immeuble administratif

4 de l'entreprise Perucica où se trouvaient pas mal de stocks de vivres. On

5 devait y aller pour charger de la farine et c'est là où je me suis rendu

6 compte tenu du fait que tout ce secteur a été vraiment incendié. Mais même

7 avant, au début du pilonnage, j'ai vu d'énormes flammes s'élever et j'ai

8 vu que tout était en flammes.

9 Q: Je vais vous demander de tracer une ligne rouge pour indiquer la rue où

10 vous avez vu des maisons en flammes.

11 M. le Président (interprétation): Est-ce que vous allez utiliser une autre

12 couleur? Parce que sinon ça va devenir très confus.

13 M. Smith (interprétation): Je vais simplement maintenant… Il n'y aura plus

14 beaucoup de dessins à apporter.

15 Monsieur, utilisez le feutre vert pour indiquer cette rue qui selon vous

16 est la rue de Prijeka-Carsija où les maisons étaient en flammes. Cela peut

17 être simplement approximatif.

18 (Le témoin s'exécute.)

19 M. Jolo (interprétation): Ah, c'est déjà du vert. Bon, je crois que même

20 le fond de cette photographie est plutôt en vert. Verra-t-on quelque

21 chose? Mais en tout cas, c'est ici.

22 Q: Merci. Et quand avez-vous vu que cette partie était incendiée?

23 R: Mon dessin est encore un peu gauche mais enfin c'est un peu ça.

24 Q: Quand avez-vous vu cette zone incendiée?

25 R: Je crois que c'était le premier ou le second jour du pilonnage, je n'en

Page 589

1 suis pas tout à fait sûr mais en tout cas c'est bien de ces tout premiers

2 jours qu'il s'agit. Même peut-être pendant le premier jour du pilonnage au

3 cours des heures de l'après-midi.

4 Q: C'était donc le 8 avril?

5 R: Oui, le 8 ou le 9 avril, je ne peux pas en être certain. Mais je sais

6 que parmi les tout premiers immeubles qui ont été incendiés dans la ville,

7 c'est bien de ces immeubles qu'il s'agissait.

8 Q: Et selon vous, combien de bâtiments avez-vous vus qui étaient en proie

9 aux flammes dans cette zone?

10 R: C'étaient de petits immeubles, vous savez. En général, c'étaient des

11 magasins, des petits commerces. Il y avait peut-être quelques maisons un

12 peu plus grandes de taille mais pour la plupart toutes ces maisons étaient

13 petites. Mais pour parler du secteur incendié, je crois qu'il devait y

14 avoir de six à huit maisons.

15 Q: Et dans cette période qui va du 8 au 19? Excusez-moi, Monsieur, de vous

16 interrompre.

17 R: Je parle seulement d'un côté de cette Carsija, mais de l'autre côté je

18 ne suis pas sûr, peut-être qu'il y avait moins de dégâts. C'est surtout

19 l'axe que je viens de montrer qui a été ciblé et qui a été endommagé.

20 Allant donc de gauche à droite, c'est donc le côté droit de la rue.

21 Q: Vous avez dit que le pilonnage avait commencé le premier jour et

22 s'était poursuivi pendant quelques jours. A quel moment est-ce qu'il y a

23 eu le plus d'activités militaires? Je parle ici de tirs et de pilonnages

24 sur cette période de onze jours.

25 R: Je crois que les pilonnages les plus intenses se sont produits les

Page 590

1 trois premiers jours, mais en tout enfin les coups de feu tirés et le

2 pilonnage ensemble ont duré de cinq à sept jours.

3 Q: Permettez-moi de revenir à la zone de Prijeka-Carsija. Quel était le

4 type de bâtiments qui était incendié? Des bâtiments de type oriental, des

5 bâtiments qui auraient été en fait du patrimoine musulman? Est-ce que

6 c'étaient des bâtiments qui appartenaient à votre avis à des Musulmans ou

7 à des Serbes?

8 R: Moi, je pense que de fait il y avait deux immeubles un peu plus

9 importants. D'abord, il y avait la maison de l'un de mes amis, Milo Malis,

10 et en prolongement il n'y avait que des petits commerces qui n'étaient pas

11 de type vraiment turcs, mais il s'agit donc de petits magasins où il y

12 avait plusieurs points de vente. Par exemple, on y vendait du textile, des

13 peintures, des laques, tout ce qui est teinturerie. C'était dans

14 l'immeuble où habitait Milo Malis, mais le magasin étant au sous-sol et au

15 rez-de-chaussée. Ensuite, plus loin il y avait une boutique où on pouvait

16 acheter tous les articles de chasse. Ensuite un peu plus loin, un magasin

17 où on pouvait acheter de la matière plastique, des feuilles en plastique

18 etc. Et ensuite un peu plus loin, il y avait un horloger…

19 Q: Excusez-moi, Monsieur le témoin, permettez-moi de vous interrompre.

20 R: Je vous en prie, je vous en prie.

21 Q: Est-ce que vous savez si les propriétaires de ces bâtiments étaient des

22 Musulmans ou des Serbes de Bosnie ou appartenaient à des personnes d'autre

23 appartenance ethnique? Si vous ne le savez pas, il vous suffit de le dire.

24 R: Pour parler de l'autre côté, je sais qu'il y avait plusieurs magasins,

25 propriétés de Musulmans de Bosnie. Il y avait une auberge où on pouvait

Page 591

1 manger des kebabs, ensuite un couturier et puis un autre horloger et puis

2 un cordonnier, un excellent petit magasin artisanal d'un cordonnier.

3 Ensuite il y avait un plombier, un zinguier et puis un peu plus loin

4 encore un petit commerce de divers produits techniques. Voilà ce dont je

5 me souviens.

6 Q: Merci Monsieur Lojo.

7 M. le Président (interprétation): Mais est-ce qu'ils appartenaient à des

8 Musulmans parce que c'était là le sens de votre question et ma foi après

9 avoir entendu la réponse je ne suis pas très sûr. Je crois que le témoin

10 pourrait nous dire s'ils appartenaient à des Musulmans ou pas.

11 M. Smith (interprétation): Merci, Monsieur le Président. Vous venez de

12 mentionner ces magasins en dernier lieu, vous les avez décrits. Est-ce

13 qu'ils étaient la propriété de Musulmans ou de Serbes de Serbie ou

14 d'autres personnes appartenant à d'autre nationalité?

15 Répondez simplement par… et ce ne serait pas possible de répondre par oui

16 ou par non. Essayez de répondre de façon concise, merci.

17 R: Oui, je peux réponsdre à cette question. Cette auberge de kebabs,

18 c'était la propriété d'une famille musulmane, je ne peux pas me rappeler

19 exactement de leur nom. Ensuite il y avait le couturier des Aganovic qui

20 lui habitait à Aladza. Le cordonnier était Mojo Muco encore un Musulman.

21 Pour ce qui est de l'horloger, il s'appelait Pejkusic, je ne peux pas me

22 rappeler très exactement son prénom, on le surnommait "Braco". Et je pense

23 qu'il y avait une autre famille Karanovic, c'étaient ça les plombiers,

24 zinguiers quelque chose comme ça. Je ne peux plus me rappeler d'ailleurs

25 les détails.

Page 592

1 M. le Président (interprétation): On a toujours pas de réponse à votre

2 question et même avec le peu de familiarité que j'ai pour ce qui est des

3 différences de noms entre les Serbes et les Musulmans, je ne peux pas

4 distinguer toujours cette différence.

5 M. Smith (interprétation): Est-ce qu'il y avait des endroits qui étaient

6 la propriété de Musulmans ou de Serbes?

7 M. Lojo (interprétaiton): J'ai dit que là où se trouvait ce magasin de

8 peinture et de laque, c'était l'ensemble de la maison en propriété de Milo

9 Malis, c'est un Serbe.

10 Q: Et pour ce qui est des autres endroits, est-ce qu'il y en a d'autres

11 qui sont la propriété de Serbes de Bosnie?

12 R: De tous ces noms dont j'ai fait mention plus tard, non il n'y en a pas.

13 M. Bakrac (interprétation): Monsieur le Président, le témoin a dit: "De

14 tous ces noms que j'ai mentionnés," alors que la question était: "Y a-t-il

15 eu des magasins en propriété de Serbes en Bosnie?".

16 Parler de magasin ou de commerce, le témoin a dit que "de tous ces noms

17 que j'ai mentionnés", il s'agit de Musulmans.

18 M. le Président (interprétation): Il a dit en guise de réponse "parmi ces

19 noms que j'ai mentionnés, non il n'y avait pas de Serbes de Bosnie", cela

20 veut dire qu'il n'était pas la propriété de Serbes de Bosnie.

21 Et je suis d'accord avec vous pour dire que tout est très peu clair. Mais

22 il ne s'est pas trompé dans sa réponse lorsqu'il a cité les noms des

23 propriétaires ou des occupants de certains bâtiments. Il a expliqué que

24 certains des propriétaires étaient des Serbes, d'autres des Musulmans. Et

25 puis en réponse à une question posée, il a dit ceci. La question étant:

Page 593

1 "De tous ces endroits que vous avez mentionnés, est-ce qu'il y avait parmi

2 les propriétaires des propriétaires serbes?", il a répondu: "Non, non

3 parmi les noms que j'ai cités, il n'y en avait pas".

4 Nous ne savons toujours pas s'il s'agissait ici surtout d'un endroit, d'un

5 quartier musulman ou d'un quartier serbe. Est-ce que nous allons arriver à

6 un résultat, Monsieur Smith?

7 M. Smith (interprétation): Sans doute pas. Mais je vais vous poser la

8 question. Cette zone que vous avez vue en proie aux flammes, est-ce que

9 c'était un quartier musulman ou plutôt un quartier serbe?

10 M. Lojo (interprétation): Il y a deux choses à distinguer. C'est une chose

11 que de parler de propriété des immeubles et c'est une autre chose que de

12 parler de propriété des commerces et magasins. Il y avait deux ou trois

13 commerces en propriété de l'Etat. Par exemple il y avait un magasin de

14 vêtements qui était de l'Etat, et puis un magasin de chaussures aussi

15 magasin de l'Etat. Je ne peux pas me souvenir vraiment des Serbes qui

16 auraient pu avoir ici en propriété un magasin ou un commerce, peut-être

17 que oui, mais je ne m'en souviens pas en ce moment-ci.

18 Q: Merci de cette réponse. Vous avez dit qu'au moment de votre arrestation

19 par ce groupe d'hommes qui vous ont emmené au KP Dom, le chef de ce groupe

20 avait déjà fouillé votre appartement auparavant. Combien de fois votre

21 appartement a-t-il été fouillé au cours de cette période de 11 jours?

22 R: Mon appartement n'a jamais été fouillé en ma présence, je me dois de le

23 dire. Mon appartement a été plutôt visité plus tard quand j'étais déjà au

24 KP Dom.

25 Mais au temps où il y avait ces assauts de ces différents groupes, si

Page 594

1 j'ose dire ainsi, nous étions dans l'appartement du témoin n°86 et c'est

2 là où nous avons d'ailleurs connu tout cela. Nous avons d'abord été dans

3 la cave et puis on nous a chassés de la cave, il a fallu sortir de la cave

4 avec les bras en l'air. Ce groupe d'assaut justement a frappé sur la porte

5 et nous on a craint que les grenades soient lancées dans les endroits où

6 nous nous trouvions, la cave etc.

7 Et nous avons été obligés de nous rendre, c'était une scène extrêmement

8 difficile pour nous. Nous avons été terrifiés de peur bien sûr. Et cette

9 personne-là dont je vous ai fait mention tout à l'heure, il m'a dit qu'il

10 m'emmenait en sécurité. Moi, j'ai essayé de le supplier parce que j'ai

11 ressenti, j'ai deviné le danger. J'ai voulu avoir l'aide de cet autre

12 Milosevic qui se trouve sur l'autre palier, mais l'autre a interdit d'en

13 faire autant.

14 M. le Président (interprétation): C'est une première référence qui est

15 faite ici à ce document. Le témoin a cité un des numéros parce qu'il y a

16 trois noms et numéros. Je suppose qu'il s'agira ici de la cote P397 et qui

17 sera déposée sous scellés.

18 M. Smith (interprétation): Monsieur, je vais vous demander d'écouter la

19 question que je vous pose et d'essayer d'y répondre de façon plus précise.

20 Je pense que votre déposition pourra ainsi être plus rapide.

21 M. Lojo (interprétation): Je vous en prie.

22 Q: Est-ce que ce groupe de soldats, qui vous avait arrêté le 19, vous a

23 contacté ou est-ce qu'un autre groupe vous aurait contacté au cours de

24 cette période allant du 8 au 19 avril?

25 R: Ce groupe d'assaut de choc qui s'est manifesté dans l'appartement avant

Page 595

1 que je ne passe pour des raisons de sécurité à l'autre palier, non loin de

2 Jovo Milosevic, ce groupe-là était composé d'unités des milices

3 paramilitaires et portait comme brassard un ruban blanc.

4 Q: Merci. Et quand êtes-vous sorti pour la première fois de votre

5 appartement après le 8 avril?

6 R: Je ne peux pas vous le dire avec précision, mais c'était pendant un

7 temps très court, pendant une demi-heure. Mais disons que ça s'est passé

8 du 15 au 17 avril. Vraiment je ne peux pas vous le dire avec précision, ni

9 la date ni l'heure. Pour parler de l'heure, c'était peut-être au cours de

10 l'après-midi, de 14 à 15 heures.

11 Q: Précédemment, vous avez déclaré que vous étiez allé dans l'appartement

12 de Jovo Milosevic pour y trouver davantage de sécurité. Comment et

13 pourquoi avez-vous pensé que l'endroit était plus sûr?

14 R: Parce que j'ai considéré, en le sachant aussi, que lui étant membre de

15 la direction du SDS, lui à plusieurs reprises il s'est servi du téléphone,

16 je suppose pour intervenir afin qu'on nous assure un traitement davantage

17 favorable à ce moment-là.

18 Q: Est-ce qu'au cours de cette période un certain Simo Stankovic vous a

19 téléphoné?

20 R: Oui, ce n'est pas lui qui m'a téléphoné mais c'est moi qui lui ai

21 téléphoné parce que je l'ai appelé tout simplement à cause du fait que

22 pendant que j'étais dans l'appartement, chez le témoin 86, c'était avant

23 de passer en quelque sorte non loin d'ailleurs de Milosevic. Depuis

24 l'appartement du Témoin 86, nous avons essayé d'établir une liaison

25 quelconque avec des gens de Sarajevo, quelqu'un qui serait de la

Page 596

1 présidence. Ensuite, en téléphonant à l'hôpital, nous avons appelé Simo

2 Stankovic pour qu'il nous transfère à l'hôpital, moi et ma famille, pour

3 être déportés moyennant les forces de la Forpronu en direction de

4 Sarajevo. C'est avec Simo que j'ai eu ce seul coup de téléphone.

5 Q: Et ce coup de téléphone, vous l'avez reçu quand ou combien de jours à

6 peu près avant votre arrestation?

7 R: Tout cela s'est passé pendant ces trois premières journées dramatiques,

8 lorsque les pilonnages étaient les plus intenses. Nous étions pris de

9 panique, les gens pénétraient dans vos appartements. Sur les paliers, on

10 voyait beaucoup de gens. Nous avons essayé parce qu'on étaient obligés

11 définitivement de trouver une issue à la situation qui me semblait

12 extrêmement dangereuse.

13 Faut-il être davantage précis pour répondre à cette question?

14 Q: Pas sur ce point-ci. Merci.

15 R: S'il faut que je vous dise aussi sur quoi portait cette conversation

16 téléphonique à M. Simo, je suis là.

17 Q: Est-ce que vous pourriez nous dire ce que vous a dit M. Stankovic?

18 R: Lorsque je l'ai prié de faire en sorte que ma famille et moi soyons

19 transférés vers l'hôpital, là où je me sentais, il me semble, plus en

20 sécurité, il a dit: "Eventuellement pour parler de ta famille et de tes

21 enfants, parce que toi, tu dois rester un peu dans ton appartement. On

22 viendra te chercher. Tu dois rester au KP Dom. Tu dois y être gardé en

23 qualité de citoyen notable pendant un certain temps".

24 Par conséquent, M. Simo devait savoir que j'allais être arrêté.

25 Q: Est-ce qu'il a précisé pendant combien de temps on allait vous placer

Page 597

1 au KP Dom?

2 R: Il n'a rien dit mais voilà que "son citoyen notable" y est resté

3 pendant deux ans et demi.

4 Q: Est-ce qu'il vous a parlé d'autres personnes que l'on arrêtait et que

5 l'on emmenait au KP Dom?

6 R: Non.

7 Q: Quel était le métier ou la fonction qu'exerçait M. Simo Stankovic?

8 R: Simo Stankovic autant que je sache était juriste au centre médical ou

9 plutôt à l'hôpital de Foca.

10 Q: Est-ce que c'était un homme actif sur le plan politique?

11 R: Pour autant que je sache et d'après ce que j'ai pu entendre,

12 politiquement parlant il était très actif. A en juger d'après les données

13 qu'il m'a lui-même révélées, tout porte à croire que son engagement

14 politique était parfaitement important à ce moment-là.

15 Q: Est-ce qu'il était membre d'un parti politique et si oui duquel?

16 R: Oui, il appartenait au parti SDS, le parti démocratique serbe, et je

17 crois qu'il faisait partie de son comité de direction.

18 Q: Et quelle était son appartenance ethnique?

19 R: Il était Serbe.

20 Q: Au cours de cette période de onze jours, comment avez-vous interprété

21 les événements de Foca? Je pense ici plus particulièrement au fait qu'il y

22 avait le groupe des Serbes de Bosnie et le groupe des citoyens, des

23 Musulmans de Bosnie. Par rapport à ces deux groupes, qu'avez-vous pensé?

24 R: Je pense qu'à cette époque-là se déroulaient des actions préalablement

25 planifiées avec tant de précision, qui consistaient d'abord à prendre les

Page 598

1 armes auprès de la population musulmane, ensuite à détacher tous ceux qui

2 étaient aptes à porter les armes, et ensuite à créer des camps de

3 concentration. Tous ces gens-là qui étaient aptes à porter les armes à

4 combattre, ont été emmenés au KP Dom. Il y avait d'autres lieux de

5 rassemblement secondaire qui plus tard seront rattachés au KP Dom. C'est

6 en cela que consistait cette stratégie.

7 Restaient à la maison uniquement des membres de famille de sexe féminin,

8 des enfants restaient sans protection aucune. Si encore restaient des

9 enfants ou des jeunes de sexe masculin eux ne pouvaient certainement pas

10 résister. Voilà les conditions créées en vue d'une purification ethnique.

11 Q: Est-ce que vous avez eu des contacts avec d'autres Musulmans de Bosnie

12 au cours de cette période de 11 jours que ce soit par téléphone ou

13 personnellement pour essayer de prendre la température de ce qui passait

14 en ville?

15 R: Oui. J'ai eu plusieurs conversations par téléphone, d'autres m'ont

16 appelé également pour savoir ce qui passait. Une famille m'a demandé par

17 exemple si je pouvais faire quoi que ce soit pour aider. Après que le

18 maître de la maison, un médecin stomatologue, ait été emmené au soi-disant

19 centre Livade, c'était un abri improvisé où il a été incarcéré plus tard,

20 il en sera transféré vers le KP Dom, lui aussi.

21 Quant à moi, j'ai tâché d'entrer en contact avec certaines familles de

22 Serbes, j'ai pu parler directement avec Zdravko Begovic qui est un de mes

23 collègues pour qui j'ai appris également qu'il était d'une activité

24 intense au cours de la guerre, mais lui il n'a certainement pas pu

25 m'aider. Il ne m'a pas donné non plus de conseils pour m'aider.

Page 599

1 Q: Merci, Monsieur. Est-ce que vous avez vu qu'on a rassemblé, fait des

2 rafles d'hommes musulmans au cours de cette période de 11 jours?

3 R: Oui, oui j'en ai vu. J'ai vu dans mon voisinage d'abord rassembler des

4 gens, on leur prenait des armes et puis après on les séparait, les hommes

5 et les femmes, surtout les hommes qu'il a fallu ensuite transférés.

6 Tout ceci se passait non loin de ce bâtiment ici, là où je suis ici, et

7 tout cela se passait de ce côté-là qui donne sur la Drina. C'est là où ils

8 faisaient la collecte de toutes ces armes, armes qui ont été déposées par

9 les personnes en question, lesquelles personnes ensuite d'aucun d'entre

10 eux que j'ai pu rencontrer au KP Dom.

11 Q: Est-ce que vous pourriez replacer votre pointeur sur la photographie,

12 ne pas le bouger pendant un instant pour nous montrer exactement le

13 bâtiment, l'immeuble d'où l'on rassemblait les Musulmans de sexe masculin?

14 (Le témoin s'exécute.)

15 R: Cet immeuble est directement voisin de l'immeuble où j'habite. Il

16 s'agit là d'une aile ou d'une partie enfin de cet immeuble similaire au

17 nôtre. Il est pas mal cet immeuble d'ailleurs. Il me semble qu'il se

18 trouve dans un sens perpendiculaire par rapport à l'immeuble où je suis.

19 Et puis après si vous regardez ici les immeubles dont les toits sont en

20 couleur orange, j'ai vu des représentants d'appartenance serbe inviter les

21 gens pour les mobiliser. D'aucun au début refusait de se faire mobiliser,

22 mais plus tard ils se sont vu obligés d'être mobilisés et je les ai vu

23 même partir.

24 Q: Veuillez indiquer sur la carte à l'aide d'un feutre ou d'un surligneur

25 rouge l'endroit approximatif. Maintenant c'est un surligneur rose,

Page 600

1 Monsieur le Président.

2 M. le Président (interprétation): Voyez ce n'est pas rouge, c'est mieux.

3 M. Smith (interprétation): Et donc vous allez utiliser ce surligneur pour

4 indiquer de quel bâtiment les Serbes étaient rassemblés.

5 (Le témoin s'exécute.)

6 M. Lojo (interprétation): Je pense bien que c'est cet immeuble-là.

7 Q: Merci. Voilà la notation en rose. Est-ce que vous saviez que des civils

8 ou des militaires serbes de Bosnie étaient eux aussi rassemblés dans la

9 ville de Foca au cours de cette période?

10 R: Je dois avouer que cette question ne me paraît pas tout à fait claire.

11 S'il vous plaît, répétez votre question avec un peu plus de précision si

12 possible.

13 Q: Vous avez déclaré qu'un grand nombre de Musulmans, d'hommes musulmans

14 de Bosnie étaient l'objet d'une rafle, étaient rassemblés de ce bâtiment,

15 entre le 8 et le 19 avril ont été emmenés au KP Dom.

16 Est-ce que vous savez si par hasard ce fut le cas aussi de Serbes de

17 Bosnie? Est-ce qu'on aurait aussi rassemblé ces hommes? Est-ce qu'on les

18 aurait emmenés dans un endroit particulier au cours de cette même période?

19 R: Je sais qu'en cette période-là j'ai remarqué devant le restaurant de

20 poisson qu'il y avait de jeunes gens de nationalité serbe qui s'alignaient

21 et avec eux j'ai vu M. Ostojic. Et étant donné qu'ils étaient dans une

22 disposition régulière pour former presque un peloton, je considère qu'il

23 s'est agi bien là d'une mobilisation.

24 Q: Qui est ce M. Ostojic? Et pourriez-vous nous donner son nom complet?

25 R: Monsieur Ostojic est un haut responsable du SDS, originaire de Foca.

Page 601

1 Avant la guerre, j'ai eu l'occasion de le rencontrer dans le bâtiment de

2 l'assemblée de Bosnie-Herzégovine, je ne me souviens pas de la fonction

3 qu'il remplissait à cette époque-là, peut-être qu'il avait une fonction

4 dans les rangs du gouvernement. Je crois qu'il se prénomme Dalibor,

5 Dalibor, non Velibor, Velibor Ostojic.

6 Q: Vous dites l'avoir vu et qu'il donnait l'impression de mobiliser un

7 groupe de jeunes hommes serbes. A quelle date ceci s'est-il produit?

8 R: C'étaient les tout premiers jours, pendant les tout premiers jours,

9 donc du 15 au 17, du 15 au 17 avril 1992.

10 Un de mes collègues encore au KP Dom m'a informé que ce groupe s'était

11 dirigé vers Kalinovik pour une affectation, c'est-à-dire pour se munir

12 d'armes.

13 Q: Est-ce que vous savez s'il y a eu des arrestations massives au cours de

14 cette période, de Serbes de Bosnie, dans la ville de Foca?

15 R: Non. Non, je n'ai pas entendu parler de cela.

16 Q: Est-ce que nous pouvons revenir maintenant au moment de votre

17 arrestation, moment où vous avez été emmené au KP Dom.

18 Vous avez dit y avoir été emmené dans un véhicule de la police militaire,

19 que c'étaient des soldats serbes. Et certains Serbes de sexe masculin,

20 originaires de la région, vous y ont emmenés. Arrivé au KP Dom, est-ce

21 qu'il y a un responsable de l'endroit qui vous a accueillis?

22 R: Je pense bien que nous avons été emmenés au KP Dom par un seul homme,

23 une seule personne qui portait un uniforme de police.

24 Nous étions transportés au KP Dom et, une fois sortis du véhicule, nous

25 avons vu s'arrêter brusquement un autre véhicule dont sortait un officier

Page 602

1 haut gradé appartenant à l'armée des Serbes, pour lequel j'ai appris plus

2 tard -au moins c'est ce qu'il a dit en se présentant- qu'il était de Novi

3 Sad.

4 Et au moment de sortir de la voiture, il s'est mis à crier et à nous

5 engueuler pour savoir si nous avions eu des armes, et il a dit: "S'ils ont

6 eu des armes, abattez-les tout de suite!".

7 Après quoi, nous avons tout terminé pour regagner nos cellules.

8 Q: Pendant combien de temps êtes-vous resté à l'extérieur du KP Dom avant

9 que l'on ne vous emmène à l'intérieur? Combien de temps êtes-vous restés

10 arrêtés à cet endroit jusqu'au moment où l'on vous a donc emmenés à

11 l'intérieur?

12 R: C'était un laps de temps très court, deux ou trois minutes. Le temps de

13 voir un employé subalterne enregistrer nos noms dans un registre à la

14 réception même. Après quoi, nous avons été transférés vers la salle n°15.

15 Non, excusez-moi, n°13. C'était la pièce qui servait de lieu de

16 rassemblement à cette époque-là.

17 Q: Veuillez examiner maintenant, Monsieur, la pièce P88.

18 Je vais demander l'aide de l'huissier pour qu'elle soit placée sur le

19 rétroprojecteur.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 Voici un croquis en trois dimensions du KP Dom. Est-ce que vous

22 reconnaissez la disposition de ce bâtiment?

23 R: Oui, oui.

24 Q: Vous dites avoir été emmenés à l'intérieur, par quelle entrée?

25 R: Nous avons été transférés à la salle n°13.

Page 603

1 Q: Mais avant d'être emmenés dans la salle 13, par quelle entrée êtes-vous

2 entrés dans le KP Dom?

3 R: Par cette entrée-là.

4 (Le témoin la montre sur le croquis.)

5 Il s'agit de cette entrée-là.

6 Tout de suite à gauche, il y avait donc un portier où j'ai dû décliner mon

7 identité, moi et mon frère, nous étions ensemble.

8 Après quoi, nous sommes passés, on nous a emmenés plutôt par un couloir.

9 Ici, on ne peut pas le voir, ce n'est pas présenté en trois dimensions.

10 Ensuite, il y a une porte ici, par laquelle on entre par-là, pour prendre

11 ces escaliers par cette entrée-là et puis pour tourner à gauche vers la

12 salle n°13. La salle d'en bas étant la n°11.

13 Q: Le témoin vient de dire qu'il est entré par l'entrée indiquée avec le

14 chiffre 19. Il est passé par l'immeuble et il a franchi la cour et s'est

15 rendu à l'aile A -indiquée avec le n°8- et il est passé par l'entrée de la

16 section de l'autre bâtiment qui serait le bâtiment B. Il a indiqué ensuite

17 avec le pointeur qu'il s'est dirigé à gauche jusqu'à la pièce n°13.

18 Combien de temps est-ce que cela a pris pour qu'on décline votre identité,

19 qu'on prenne vos coordonnées avant que vous ne vous dirigiez à la pièce

20 n°13?

21 R: C'était très bref, cela a dû prendre de deux à trois minutes.

22 Q: Qui était la personne qui a pris vos coordonnées, vous souvenez-vous du

23 nom de cette personne? Et que portait cette personne, comment était-elle

24 vêtue?

25 R: La personne portait des vêtements civils. Et je sais comment cette

Page 604

1 personne s'appelle, j'ai besoin de quelques instants pour me concentrer.

2 Je crois que c'est une personne de nationalité croate. Il s'appelait

3 Dobnik, c'était son nom de famille, et je crois qu'il avait déjà travaillé

4 au KP Dom en tant qu'éducateur.

5 Q: Est-ce qu'il vous a donné les raisons pour lesquelles vous avez été

6 détenu? Ou est-ce qu'une personne quelconque vous a donné les raisons de

7 votre détention avant de vous rendre à la pièce n°13?

8 R: Non, personne ne m'a rien dit, et ce n'était certainement pas lui qui

9 l'aurait fait puisqu'il n'avait pas l'autorité nécessaire. Et personne ne

10 m'a jamais dit la raison pour laquelle j'étais arrêté. Même si la réponse

11 est connue!

12 Q: Quelles étaient les coordonnées ou quels étaient les détails concernant

13 vos renseignements personnels qui ont été pris?

14 R: Vous voulez dire: à la porte, à l'entrée?

15 Q: Oui, c'est exact.

16 R: Je crois qu'on a simplement pris mon nom et mon nom de famille et peut-

17 être également mon adresse. Je ne me souviens plus mais on n'a presque pas

18 pris de coordonnées. Je crois que cette personne a dû également entrer la

19 date à laquelle j'ai été emmené.

20 Q: Lorsque vous êtes arrivé dans la pièce n°13, y avait-il quelqu'un

21 d'autre dans cette pièce?

22 R: Il y avait déjà plusieurs personnes dans cette pièce. Il y avait une

23 très grande pièce. Je ne sais pas si vous avez le plan de cette pièce.

24 Elle était composée de quatre parties: deux petites pièces et deux plus

25 grandes pièces. J'étais dans une des plus petites pièces. Et dans la pièce

Page 605

1 qui est un peu plus grande, lorsque je suis entré, j'ai regardé à

2 l'intérieur, il y avait un grand nombre de personnes. Il devait y avoir de

3 60 à 80 personnes alors que, dans ma pièce à moi, il devait y avoir une

4 vingtaine de personnes.

5 Q: Combien de temps êtes-vous resté dans la pièce n°15?

6 R: Je ne peux pas vous donner de précision mais je crois qu'il s'agirait

7 de deux jours au plus. Je ne suis pas resté plus longtemps dans cette

8 pièce puisqu’on avait déjà commencé à remplir le KP Dom.

9 Q: Lorsque vous êtes arrivé au KP Dom et lorsque vous êtes entré dans la

10 pièce n° 13, est-ce que vous croyez que les personnes qui se trouvaient

11 dans cette pièce étaient les seuls détenus qui se trouvaient dans le KP

12 Dom ou est-ce que vous croyez qu'il y avait également d'autres détenus au

13 KP Dom?

14 R: Dans cette pièce, j'ai rencontré des personnes desquelles j'ai su

15 qu'ils se trouvaient également sur le pré de Livade et qu'ils avaient été

16 emmenés de cet endroit-là. Je crois donc que dans ce centre-là, Livade, il

17 y avait également d'autres personnes.

18 Par la suite, j'ai su qu'il y avait également des détenus dans d'autres

19 bâtiments également. Ces personnes ont peut-être été emmenées par la

20 suite, mais je sais pertinemment qu'au mois de juillet il y avait des

21 personnes qui étaient détenues. Il y avait des femmes également et des

22 enfants et des personnes âgées. Et ils se trouvaient dans le centre de

23 jeunesse, comme on l'appelait, en fait c'était une salle des sports qui

24 s'appelait Partizan autrefois. Et j'avais rencontré ces personnes lors

25 d'un échange non réussi.

Page 606

1 Q: J’aimerais vous arrêter ici et qu'on revienne à votre première journée.

2 Quand vous êtes arrivé pour la première fois, est-ce que vous croyiez

3 qu'il y avait d'autres détenus au KP Dom ou est-ce que vous pensiez qu’il

4 y avait simplement une centaine de détenus qui se trouvaient dans votre

5 pièce à vous, et que cela comprenait tous les détenus qui se trouvaient au

6 KP Dom, donc toutes ces personnes qui étaient dans la pièce n°13?

7 R: Je crois qu'il y avait un petit nombre de détenus qui avait même été là

8 depuis la période avant la guerre. Et je crois qu'il s'agirait peut-être

9 de quatre à cinq personnes, il n'y avait pas beaucoup de personnes qui

10 avaient été détenues puisque les autres détenus du KP Dom, je ne sais pas

11 de quelle façon, mais ils avaient tous quitté le KP Dom.

12 M. le Président (interprétation): Monsieur Smith, ce n'est pas une réponse

13 à votre question, mais vraiment ça ne nous aide pas énormément de savoir

14 ce que cette personne croyait. J'imagine qu’il y avait d'autres détenus,

15 outre les personnes qui étaient jugées coupables.

16 Donc quelle est la raison pour laquelle vous lui demandez de vous donner

17 son opinion personnelle?

18 M. Smith (interprétation): Simplement pour dresser le contexte de

19 l'arrestation, pour savoir si le 19 en fait c’étaient les 100 personnes

20 qui étaient là ce jour-là.

21 M. le Président (interprétation): S'il savait quelque chose pertinemment

22 parlons en, mais ce que le témoin croyait n'est pas suffisant, ne peut pas

23 nous aider.

24 M. Smith (interprétation): Très bien. Est-ce que vous connaissez d'autres

25 détenus musulmans qui se trouvaient dans le KP Dom, outre les personnes

Page 607

1 qui se trouvaient dans la pièce n°13 ce jour-là, lorsque vous êtes arrivé?

2 R: Je ne sais pas et je ne pouvais pas le savoir non plus.

3 Q: Quelle était la tranche d'âge de ces personnes qui étaient détenues

4 dans la pièce n°13 lors de votre arrivée?

5 R: C'est très difficile de donner une réponse précise, mais il y avait

6 certainement des gens qui devaient avoir de 15 à 80 ans. Je sais qu'il y

7 avait un homme qui ressemblait plus à un enfant qu'à un jeune homme, il

8 avait 15 ans. Mais je sais aussi qu'il y avait des personnes qui étaient

9 plus âgées et qui avaient même 80 ans. Et il y avait d'autres personnes

10 qui étaient également retardés mentaux, il y avait également des

11 invalides, il y avait également des blessés et ainsi de suite.

12 Q: Les quelques jours de votre séjour dans la pièce n°13, y avait-il assez

13 de lits dans cette pièce pour que tout ce groupe puisse dormir?

14 R: Dans cette petite chambre dans laquelle je me trouvais, il y avait

15 quelques lits et nous dormions deux par deux sur ces lits-là. Bien sûr il

16 n'y avait absolument aucune literie, il n'y avait qu'un matelas et un lit

17 en métal. Et dans l'autre chambre qui était plus grande de taille, j'avais

18 vu qu'il n'y avait pas de lit et les gens étaient couchés par terre.

19 Q: Des 100 personnes qui se trouvaient là, combien de personnes ont dû

20 dormir par terre pendant ces quelques jours?

21 R: Je ne pourrais pas vous répondre avec précision, il y avait peut-être

22 quelques matelas ou quelques couvertures. Mais il est certain que le

23 nombre de ces derniers n'était pas suffisant. Et je n'ai pas non plus été

24 en mesure de vérifier le tout en détail, puisque les premiers mois les

25 contacts entre les détenus étaient complètement défendus.

Page 608

1 Q: Vous avez dit que les gens étaient couchés sur ces lits deux par deux,

2 est-ce que vous voulez dire deux personnes par lit?

3 R: Oui. Vous savez, c'était une petite chambre, il y avait peut-être six à

4 huit lits, il y avait six lits et il y avait des personnes qui étaient

5 également couchées par terre, ça dépendait.

6 Q: Le nombre de détenus musulmans a-t-il augmenté après la première

7 journée?

8 R: Oui, ce nombre augmentait énormément et constamment.

9 Q: A quel moment est-ce que le nombre de détenus musulmans a atteint le

10 chiffre maximum au KP Dom?

11 R: Je crois que le plus grand nombre de détenus au KP Dom a été atteint au

12 mois de juin. Vers la fin du mois de juin, le KP Dom avait atteint son

13 maximum, et d'après certaines évaluations nous croyions qu'il y avait

14 environ 700 personnes dans le KP Dom. Voulez-vous d'autres précisions?

15 Q: De quelle année parlez-vous, vous parlez du mois de juin ou juillet de

16 quelle année?

17 R: De l'année 1992.

18 Q: Pendant combien de temps est-ce que le KP Dom comptait 700 détenus?

19 Est-ce que ce chiffre avait commencé à diminuer à partir du mois de

20 juillet 1992?

21 R: Le chiffre avait commencé à diminuer vers la fin du mois de mai, je

22 crois. Il y avait encore des personnes qui se faisaient emmener. Je ne

23 peux pas vous parler de diminution du chiffre parce que je crois qu'on

24 emmenait des personnes encore, mais je crois que vers la deuxième partie

25 du mois de mai on a laissé partir les retraités, c'étaient les premières

Page 609

1 personnes qu'on a laissé partir, et je crois qu'il s'agissait peut-être de

2 15 à 20 personnes.

3 Q: Il s'agirait du mois de mai de quelle année?

4 R: 1992.

5 Q: Vous nous avez dit que le nombre de détenus allait jusqu'à 700 au mois

6 de juillet, est-ce que c'est exact?

7 R: D'après une évaluation personnelle, je crois que c'était ce chiffre-là.

8 Ou si vous voulez avoir une estimation prudente, nous pourrions peut-être

9 dire de 560 à 700 personnes. Et je crois que lors d'une vérification que

10 nous avions faite, nous avons pu compter le nombre de personnes allant

11 jusqu'à 678 personnes.

12 M. Bakrac (interprétation): Je crois qu'il y a eu une erreur, le témoin a

13 dit "de 650 à 700", et ensuite vers la fin il a dit "678", il s'agirait de

14 la 19e ligne à la page 96 du compte rendu d'audience.

15 M. le Président (interprétation): Oui. C’est ce que j'ai entendu également

16 Maître Bakrac, mais je peux vous assurer que la transcription est contre-

17 vérifiée avec le ruban audio, et même si des erreurs apparaissent au

18 compte rendu d'audience les sténotypistes font en sorte que le tout soit

19 vérifié après l'audience.

20 M. Smith (interprétation): Au mois de décembre 1992, combien de personnes

21 y avait-il d'après votre connaissance personnelle au KP Dom à ce moment-

22 là? On parle du mois de décembre 1992.

23 R: C'est très difficile de répondre avec précision parce que les échanges

24 avaient déjà commencé vers la fin du mois d’août. Maintenant pour vous

25 donner une évaluation, au mois de décembre déjà le chiffre avait diminué.

Page 610

1 Et je crois que le chiffre aurait pu aller jusqu'à 400 personnes, mais je

2 ne suis pas sûr.

3 Q: Et cette réduction ou ce fait a été dû aux échanges, est-ce que c’est

4 exact?

5 R: Oui.

6 Q: Et au mois de juillet 1993 avez-vous une évaluation approximative des

7 personnes qui se trouvaient détenues au KP Dom à ce moment-là? Lorsque je

8 parle de personnes, je parle de détenus d'appartenance ethnique musulmane.

9 R: C'est très difficile à dire, mais beaucoup, c’est certain. Je ne peux

10 vraiment pas vous donner de chiffres précis pour cette période-là. Je sais

11 que le chiffre diminuait, que pendant une période assez longue on était

12 d'abord 200, ensuite 100 personnes pour ensuite descendre jusqu'à 60

13 personnes.

14 Les échanges les plus importants ont eu lieu vers la deuxième partie du

15 mois d’août 1992 et se sont poursuivis pendant les deux ou trois mois.

16 Donc on part du mois d’août et du mois de septembre.

17 Q: Vous avez dit qu'à Noël en 1992, le chiffre aurait pu être autour de

18 400 personnes. Pourriez-vous nous donner une évaluation et nous dire à

19 quel moment ce chiffre a diminué à 200?

20 R: Il faut vraiment faire un commentaire général concernant les échanges

21 et la chute du nombre, la diminution des détenus. Vous savez quand

22 quelqu'un prend le tramway et passe une heure dans le tramway, si vous

23 demandez à cette personne "combien y avait-il de passagers d'abord et

24 combien de passagers sont sortis par la suite au cours de ce trajet",

25 c'est donc un peu difficile de vous donner des estimations comme ça.

Page 611

1 Q: Lorsque vous avez été relâché au mois d'octobre 1994 combien de détenus

2 musulmans se trouvaient au KP Dom?

3 R: Il y avait probablement de 58 à 60 personnes, je crois qu’il y avait 58

4 personnes. A Sarajevo, il y avait un groupe qui avait été emmené de Foca à

5 Rudo, et ensuite ils ont été échangés avec nous à Sarajevo. C'était donc

6 un petit groupe de personnes, il devait y avoir de 6 à 8 personnes à ce

7 moment-là.

8 Q: Vous souvenez-vous à quel moment ce chiffre est tombé à un si petit

9 groupe avant le mois d'octobre 1994?

10 R: Je crois que déjà au mois d’août 1993 cela avait lieu parce qu'en 1993,

11 vers le milieu de ce mois, il y a eu de moins en moins d'échanges.

12 C'étaient de 5 à 6 personnes, de 4 personnes, de 2 personnes, et des fois

13 c’était une seule personne qui participait à ces échanges. C’est donc pour

14 cela qu’il est très difficile de donner des évaluations mais je crois que

15 déjà à partir du mois d’août 1993 nous étions à un chiffre inférieur à 100

16 personnes.

17 Q: Lorsque vous êtes arrivé au KP Dom, qui semblait avoir la charge ou

18 être en charge du KP Dom? Est-ce que c'étaient les autorités civiles ou

19 militaires?

20 R: Vous voulez dire quand je suis arrivé au KP Dom pour la première fois?

21 Q: Oui, c'est exact.

22 R: Bon, quand je suis arrivé à cette époque-là on avait commencé à remplir

23 le KP Dom avec des détenus. Et c'étaient ces groupes tactiques qui

24 emmenaient tous ces détenus. Et plus tard, un mois après mon arrivée, un

25 service de garde avait déjà été établi, on avait déjà commencé à établir

Page 612

1 les relations internes.

2 Q: Lorsque vous dites que c'étaient les groupes tactiques qui emmenaient

3 les personnes, pourriez-vous nous décrire ce groupe de personnes? Quel

4 genre d'uniforme portait-il et avec quel commandement militaire il

5 semblait être associé?

6 R: C'étaient des gens qui étaient très bien formés, c'étaient des membres

7 d'unités paramilitaires, et ils me semblaient être des membres d'une

8 police spéciale. Je crois qu’ils travaillaient de concert avec des membres

9 de la police régulière et ce sont eux qui emmenaient les gens au KP Dom.

10 Je sais que pendant un moment les opérations avaient lieu également dans

11 les villages environnants et on emmenait également des gens de ces

12 villages. Il arrivait également qu'on emmène des personnes du Monténégro,

13 de Herzégovine. On emmenait des personnes qui se trouvaient sur la plage

14 et on les emmenait au KP Dom.

15 Q: Quel genre d’uniforme portaient ces unités paramilitaires, ces gens qui

16 emmenaient des personnes au KP Dom?

17 R: Certains d'entre eux portaient des uniformes de camouflage tout à fait

18 normaux, d'autres personnes portaient des uniformes militaires. Par la

19 suite, j'ai pu apercevoir un nouvel uniforme qui était caractéristique

20 seulement pour la police, au lieu d'être de couleur vert et blanc, j'ai pu

21 remarquer qu'il y avait une couleur grise qui était combinée avec le

22 blanc, donc gris, bleu et blanc.

23 Q: Savez-vous d’où provenaient ces unités paramilitaires?

24 R: Je sais que ces unités paramilitaires étaient de Serbie, d'après ce que

25 je sais. Les gens avec qui j'ai eu des contacts provenaient tous

Page 613

1 exclusivement de la Serbie.

2 Q: Ces unités paramilitaires travaillaient à l'intérieur du KP Dom ou bien

3 est-ce que leur activité se limitait à emmener des gens à l'intérieur ou

4 au KP Dom?

5 R: Je crois que leur activité était liée simplement au fait d'emmener des

6 gens au KP Dom. Pour des raisons pratiques, je crois qu'ils ont séjourné

7 au KP Dom, mais très rapidement ils sont repartis.

8 Q: Au cours de ce premier mois, donc ces unités paramilitaires étaient

9 présentes et emmenaient des gens au KP Dom. Qui travaillait à l'intérieur

10 du KP Dom, qui supervisait les prisonniers, qui était en charge des

11 prisonniers à l'intérieur du KP Dom?

12 R: Je crois que c'est un peu difficile de répondre puisque, nous, les

13 détenus ont été en contact seulement avec les gardiens. J'ai déjà dit que

14 la sévérité était telle à l'intérieur du KP Dom qu'on n'avait même pas le

15 droit de nous tenir debout derrière les fenêtres, et on n'avait pas le

16 droit d'entrer en contact avec d'autres détenus non plus.

17 Tout ce que nous avons pu voir, c'étaient des supérieurs. Au début il y

18 avait des supérieurs qui n'étaient là que temporaiement, et par la suite

19 ils ont établi un service de gardiens réguliers qui travaillaient dans

20 cette prison. A cette époque-là, bien sûr nous ne savions absolument pas

21 qui et de quelle façon on dirigeait le KP Dom et quelle était

22 l'organisation interne de cet établissement, au tout début j'entends. Je

23 parle du premier mois ou des deux premiers mois.

24 M. Smith (interprétation): Merci. Monsieur le Président, je crois que je

25 vais aborder un autre sujet, ce serait peut-être le moment opportun.

Page 614

1 M. le Président (interprétation): J’espère que lundi vous allez revenir à

2 la question que vous avez demandée il y a trois pages. C’était la question

3 "Qui était en charge à l’intérieur" et le témoin a répondu: "Les

4 gardiens", mais nous ne savons pas qui étaient ces gardiens, vous allez

5 peut-être pouvoir reposer cette question lundi.

6 En parlant de correction qu’on devrait apporter au compte rendu

7 d’audience, je ne voudrais pas que Mme Kuo reparte pour le week-end

8 pensant que j'ai dit ce qui a été noté à la page 68 du transcript, quand

9 j'ai parlé de sa question juste avant l’ajournement de 11 heures. On dit

10 que j'ai dit: "C'était malheureusement une question ouverte", et moi j'ai

11 dit: "C’était certainement une question ouverte", et non pas

12 "malheureusement".

13 Donc nous allons lever la séance maintenant.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Monsieur le Président, pour la

15 semaine prochaine vous avez reçu, ou j’espère que vous avez reçu, notre

16 lettre avec les noms des témoins suivants à comparaître, mais néanmoins

17 pour ce qui est de cette semaine-ci, M. Yusi Kemppainen nous n'avons pas pu

18 l'entendre et nous n'allons pas l'appeler à la barre comme étant le

19 premier témoin.

20 Nous croyons qu’il est très flexible et nous pouvons toujours l'appeler à

21 la barre à chaque fois que nous avons besoin d’avoir un témoin flexible.

22 Il viendra soit vers la fin de la semaine prochaine soit dans une autre

23 semaine.

24 M. le Président (interprétation): Eh bien aussi longtemps que les avocats

25 de la défense sont avisés de l'ordre. La seule chose que j’aimerais savoir

Page 615

1 c’est concernant cette lettre que vous avez envoyée à la Chambre, il nous

2 faudra regarder le compte rendu d'audience des dépositions du même témoin

3 dans un autre procès.

4 M. Brakac (interprétation): Monsieur le Président, je voulais simplement

5 savoir s’il y a eu un changement concernant la liste des témoins.

6 M. le Président (interprétation): Vous avez plus de chance que nous

7 puisque nous n'avons pas encore cette liste, vous allez peut-être pouvoir

8 vous entretenir avec l’accusation, et nous vous laisserons le temps d'en

9 discuter.

10 S'il n'y a rien d'autre pour l'instant, nous levons la séance jusqu'à

11 lundi matin, 9 heures 30.

12 (L'audience est levée à 16 heures.)

13

14

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25