Affaire No : IT-98-33-T

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE

Composée comme suit :
M. le Juge Almiro Rodrigues, Président
M. le Juge Fouad Riad
Mme le Juge Patricia Wald

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
8 mai 2001

LE PROCUREUR

C/

RADISLAV KRSTIC

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DÉCISION CONCERNANT LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS DE COMMUNICATION DE PIÈCES RELATIVES À LA REQUÊTE DU PROCUREUR EN VUE DE ROUVRIR LA PRÉSENTATION DE SES MOYENS ET À L’ORDONNANCE PORTANT CALENDRIER

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Le Bureau du Procureur :

M. Mark Harmon

Le conseil de la Défense :

M. Nenad Petrusic

 

LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de l’ex-Yougoslavie depuis 1991 («le Tribunal international»),

VU la Requête du Procureur en date du 24 avril 2001 aux fins de rouvrir la présentation de ses moyens en vue de produire de nouveaux éléments de preuve (la «Requête du Procureur»),

VU l’Ordonnance portant calendrier rendue par la Chambre de première instance le 27 avril 2001 (l’«Ordonnance portant calendrier»),

VU la Requête de la Défense du 1er mai 2001 aux fins de la «Communication de pièces relatives à la Requête du Procureur aux fins de rouvrir la présentation de ses moyens» (la «Requête 2»),

VU le «Dépôt supplémentaire à l’appui de la Requête du Procureur aux fins de rouvrir la présentation de ses moyens en vue de produire de nouveaux éléments de preuve», en date du 1er mai, et la Réponse du Procureur à la Requête 2, en date du 3 mai 2001,

VU l’«Opposition de la Défense à la Requête du Procureur en vue de rouvrir la présentation de ses moyens» en date du 4 mai (l’«Opposition»),

EN APPLICATION des articles 20 et 21 du Statut du Tribunal et des articles 39, 54 et 75 du Règlement de procédure et de preuve («le Règlement»),

ATTENDU que dans sa Requête aux fins de rouvrir la présentation de ses moyens, l’Accusation affirme n’être en possession que depuis peu d’un document (la «Lettre») qui a été remis à un de ses enquêteurs, et qui aiderait la Chambre de première instance à déterminer quand le général Krstic est devenu commandant du Corps de la Drina,

ATTENDU que la Défense, dans sa Requête 2, demande à ce que soit délivrée une ordonnance enjoignant à l’Accusation de communiquer six catégories de documents (les Documents des catégories A à E), dont la Défense prétend avoir besoin afin de vérifier si l’Accusation a exercé toute la «diligence voulue», et de s’assurer de «l’authenticité de la lettre» ; que la Défense stipule clairement que sa Requête 2 fait suite à la Requête du Procureur, à laquelle la Défense s’oppose ; et que la Défense affirme être en droit d’obtenir la communication desdits documents, en application des articles 66 A) et B) et 68 du Règlement,

ATTENDU que l’Accusation indique ce qui suit au sujet de :

- catégorie A : elle «permettra à la Défense d’inspecter» certains documents et n’est en possession d’aucun des autres documents demandés dans cette catégorie ;

- catégories B, C et D : elle ne possède aucun document ;

- catégories E et F : les documents «tombent sous l’effet de l’article 70 A) du Règlement en ce qu’ils constituent des «documents internes établis […] dans le cadre d’une enquête» et «ne contiennent pas d’éléments de nature à disculper l’accusé au sens de l’article 68 du Règlement»,

ATTENDU que les documents des catégories E et F tombent effectivement dans la catégorie des «rapports, mémoires ou autres documents internes établis par» l’Accusation, «ses assistants ou ses représentants dans le cadre de l’enquête ou de la préparation du dossier», et qu’en tant que tels, ils «n’ont pas à être communiqués ou échangés» en vertu des articles 66 et 67 du Règlement, comme le prévoit l’article 70 A) ; que la Défense ne saurait dès lors invoquer les dispositions de l’article 66 B) du Règlement, même s’il était encore possible de déposer une telle requête à ce stade avancé de la procédure,

ATTENDU en outre que, bien que l’Accusation soit constamment tenue de fournir à la Défense les éléments qui seraient de nature à disculper l’accusé, la Défense n’a fourni, en l’espèce, aucun indice sérieux susceptible de prouver que l’Accusation ne s’est pas acquittée de ses obligations en la matière,

ATTENDU que la Défense n’a, à ce stade, soumis aucun élément qui tendrait à indiquer que l’Accusation n’a pas fait preuve de la diligence voulue pour essayer d’obtenir la Lettre,

ATTENDU que dans son Opposition, la Défense affirme que le Procureur n’a pas fait preuve d’une diligence raisonnable et s’appuie sur une question précise posée par le Procureur au général Radinovic, expert militaire à décharge, pour soulever la question de savoir si l’Accusation avait reçu la Lettre avant la clôture de la présentation des moyens en l’espèce, ainsi que sur des interviews, dont le texte est joint en annexe à l’Opposition,

ATTENDU néanmoins qu’il ressort clairement du dossier que le Procureur avait d’amples raisons de poser ladite question au général Radinovic et que les interviews en soi n’étayent pas l’interprétation que leur en donne la Défense ;

ATTENDU en outre que le procès est à présent terminé ; que la Chambre de première instance doit assurer le respect des principes de l’égalité des armes et du droit de l’accusé à un procès équitable et rapide,

ATTENDU dès lors que les deux parties doivent se voir accorder l’opportunité de présenter leurs arguments concernant la réouverture de la présentation des moyens ; qu’il est néanmoins dans l’intérêt de la justice que les parties préparent simultanément leur argumentation sur la question de l’admission de la Lettre ; que la Chambre de première instance sait, en particulier, que l’Accusation a déjà invité la Défense à inspecter l’original de la Lettre qu’elle a en sa possession ; qu’en accordant aux parties un délai suffisant mais raisonnable pour arrêter définitivement leurs vues à cet égard, la Chambre de première instance garantira à la fois l’équité et la rapidité du procès,

ATTENDU qu’à cet égard, il convient que la Chambre de première instance aide la Défense à obtenir l’assistance des autorités dont il est question à l’annexe A de l’Opposition (les «Autorités»),

ATTENDU que les circonstances justifient qu’il soit, le cas échéant, fait exception aux délais prévus par le Règlement,

PAR CES MOTIFS,

REJETTE la Requête de la Défense aux fins de la communication de pièces relatives à la Requête du Procureur aux fins de rouvrir la présentation de ses moyens, mais NOTE que l’Accusation convient de permettre à la Défense d’inspecter certains des documents énumérés dans ladite Requête,

DÉCIDE de solliciter par lettre l’assistance des Autorités,

DÉCLARE que si les parties viennent à décider d’avoir recours à un rapport d’expert, ce dernier sera déposé le 28 mai 2001 au plus tard ; que si une partie n’accepte pas un rapport d’expert, elle en informera l’autre partie aussi rapidement que possible ; que le(s) expert(s) choisis par chacune des parties sera(seront) disposé(s) à comparaître devant le Tribunal, si besoin est, aux dates fixées ci-après,

ANNULE l’Ordonnance portant calendrier rendue par la Chambre de première instance, et DÉCIDE que le calendrier en l’occurrence sera le suivant :

- 5 et 6 juin 2001 : les deux parties seront prêtes à exposer leurs arguments sur cette question, que ce soit au moyen d’écritures, de dépositions de témoins ou de témoins experts, d’éléments de preuve documentaires ou autres ;

- 13 juin 2001 : décision finale de la Chambre de première instance concernant la Requête du Procureur et la Lettre ;

- 21 juin 2001 : mémoires en clôture ;

- 26 au 29 juin 2001 : plaidoiries et réquisitoire (pas de réplique) ;

- 29 juin au plus tard : le Président de la Chambre déclarera les débats clos.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Fait le 8 mai 2001
La Haye (Pays-Bas)

Almiro Rodrigues
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Président de la Chambre de première instance

[Sceau du Tribunal]