Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-98-33-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

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4 Mercredi 05 avril 2000

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6 L'audience est ouverte à 09 heures 40.

7

8 M. le Président (interprétation). - Bonjour. J'aimerais d'abord

9 saluer les deux parties, l'accusé, les techniciens, les assistants

10 juridiques, les sténotypistes et les huissiers ; et saluer également les

11 personnes présentes dans la galerie du public.

12 Peut-on maintenant faire entrer le témoin, je vous prie ?

13 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

14 Bonjour.

15 Avant de commencer votre déposition, Monsieur, je vous prierai

16 de prononcer la déclaration solennelle. Et nous apprécions beaucoup votre

17 présence, ici, ce matin. Veuillez à présent prononcer la déclaration

18 solennelle.

19 M. Rutten (interprétation). - Je déclare solennellement que je

20 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous

22 asseoir.

23 Monsieur Harmon, c'est vous qui représentez l'accusation ce

24 matin, n'est-ce pas ?

25 M. Harmon (interprétation). - Oui, Monsieur le Juge Riad.

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1 Bonjour Monsieur le Juge, bonjour Madame le Juge, bonjour collègues de la

2 défense, bonjour Capitaine.

3 Pouvez-vous décliner votre nom, et l’épeler pour le compte rendu

4 d'audience ?

5 M. Rutten (interprétation). - Je m'appelle Rutten.

6 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes bien soldat de métier

7 dans l'armée néerlandaise ?

8 M. Rutten (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - En ce moment, vous avez le grade

10 de capitaine ?

11 M. Rutten (interprétation). - Oui.

12 M. Harmon (interprétation). - Nous parlerons ensemble au cours

13 de cet interrogatoire. Je vous l'ai déjà signalé. Je vous prierai de bien

14 vouloir, après mes questions, ménager une légère pause de façon à aider

15 les interprètes dans leur travail.

16 M. Rutten (interprétation). - Oui.

17 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes entré dans l'armée

18 néerlandaise en 1981, n'est-ce pas ?

19 M. Rutten (interprétation). - Oui.

20 M. Harmon (interprétation). - Vous avez servi dans les rangs du

21 Bataillon néerlandais n°3, dans l'enclave de Srebrenica, entre janvier1995

22 et juillet 1995, n'est-ce pas ?

23 M. Rutten (interprétation). - C'est exact.

24 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous serviez dans les

25 rangs du Bataillon néerlandais, vous aviez entre autres missions d'aider à

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1 la livraison de l'aide humanitaire, n'est-ce pas ?

2 M. Rutten (interprétation). - C'est exact.

3 M. Harmon (interprétation). - Pendant votre séjour dans

4 l'enclave, des convois d'aide humanitaire transportant des vivres et des

5 médicaments sont-ils arrivés dans l'enclave ?

6 M. Rutten (interprétation). - Ces convois du HCR sont

7 effectivement arrivés dans l'enclave.

8 M. Harmon (interprétation). - Y a-t-il eu des obstacles à

9 l'entrée de ces convois dans l'enclave ?

10 M. Rutten (interprétation). - Il faut dire, tout d'abord, qu'il

11 fallait remplir toutes sortes de papiers destinés aux Serbes avant qu'un

12 convoi ne puisse pénétrer dans l'enclave. Et puis, j'ajouterai que nous

13 avons vu le nombre des convois décroître au cours des sept mois de notre

14 présence dans l'enclave.

15 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi les convois transportant

16 de l'aide alimentaire, c'est-à-dire des vivres, des médicaments et des

17 objets de ce genre, pourquoi leur nombre a-t-il décru ?

18 M. Rutten (interprétation). - Les Serbes ne les autorisaient pas

19 à pénétrer dans l'enclave. La situation à l'intérieur de l'enclave a été

20 très difficile à certains moments. L'équipe de négociation néerlandaise a

21 demandé une aide supplémentaire du HCR, mais à ce moment-là les Serbes ne

22 les laissaient pas entrer.

23 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, quel a été l'effet de

24 l'obstruction faite à ces convois d'aide alimentaire sur la population

25 habitant à l'intérieur de l'enclave ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, les habitants essayaient

2 de mettre la main sur tout ce qu'il était possible de manger, y compris

3 dans la décharge où nous jetions nos ordures. Un grand nombre de personnes

4 se réunissait pour essayer de trouver quelque chose à manger.

5 M. Harmon (interprétation). - Y avait-il suffisamment à manger

6 pour la population ?

7 M. Rutten (interprétation). - Non, absolument pas !

8 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai la pièce à

9 conviction de l'accusation n°85, c'est une photographie. Je demanderai à

10 M. l'huissier de bien vouloir placer une copie de cette pièce sur le

11 rétroprojecteur.

12 Pendant que nous attendons cette pièce, capitaine Rutten, je

13 vous demanderai si l'obstruction faite au convoi d'aide humanitaire par

14 les Serbes de Bosnie s'est produite de façon permanente, ou si cette

15 obstruction a grandi au fil du temps ?

16 M. Rutten (interprétation). - Elle a probablement grandi au fil

17 du temps, puisque nous avons vu le nombre des convois décroître pendant

18 cette période.

19 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, une photographie vient

20 d'être placée sur le rétroprojecteur. Je vous demande si c'est vous qui

21 avez pris cette photographie ?

22 M. Rutten (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Quand l'avez-vous prise ?

24 M. Rutten (interprétation). - Pendant un contrôle dans

25 l'enclave, sur la route entre les postes d'observation Québec et Roméo.

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1 Nous avons vu notre camion de ramassage des ordures qui avait été arrêté

2 par les habitants de l'enclave et par les réfugiés qui étaient arrivés

3 dans l'enclave de Srebrenica.

4 Vous voyez sur cettte photo que toutes ces personnes essayent de

5 se procurer quelque chose de comestible sur place.

6 M. Harmon (interprétation). - Cette scène s'est-elle reproduite

7 chaque fois que des camions de ramassage d'ordure des Nations Unies se

8 dirigeaient vers la décharge ?

9 M. Rutten (interprétation). - Oui. Je ne suis pas le seul à

10 avoir assisté à cette scène. Mes collègues m'en ont parlé également. Ils

11 trouvaient cela absolument incroyable de voir tant de gens rassemblés

12 autour de ce camion comme on le voit sur la photographie.

13 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, quand l'attaque a-t-

14 elle commencé contre l'enclave ? Quel jour ?

15 M. Rutten (interprétation). - Nous avons eu des problèmes au

16 mois de juin. Mais l'attaque en bonne et due forme contre l'enclave a

17 commencé le 10 juillet, y compris du côté du nord.

18 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous dire aux Juges ce qui

19 s'est passé le 10 juillet ? Et dire également ce que vous vous rappelez de

20 cette journée et ce que vous avez fait vous-même.

21 M. Rutten (interprétation). - Le 10 juillet, nous avions déjà

22 entendu des coups de feu pendant la nuit, derrière la base, un feu très

23 nourri qui, par la suite, s'est avéré provenir d'un lance-roquettes M77-

24 Oganj situé à Bratunac. Nous le savons parce que, plus tard, nos

25 négociateurs locaux, au cours de négociations organisées à Bratunac, ont

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1 appris que cet Oganj-M77 était toujours sur place. Et le jour qui a suivi

2 ce pilonnage, nous avons trouvé des roquettes qui n'avaient pas explosé et

3 qui se trouvaient juste derrière la base.

4 Les jours suivants, les pilonnages ont été plus importants

5 pendant la journée et ils cessaient tard dans la soirée, s'interrompant

6 donc pendant la nuit. Ce qu'ils essayaient de faire, c'était nous obliger

7 à ne pas bouger de la base, à partir des collines situées non loin du

8 poste d'observation Papa, tout près de l'entrée de l'enclave, ils tiraient

9 sur nous en visant notamment la route qui relie Potocari à Srebrenica. Ils

10 tiraient également sur nos véhicules pour nous intimider et nous forcer à

11 rester sur place.

12 Ce soir-là, le lundi pour être très précis, nous avons entendu

13 notre Compagnie B de Srebrenica nous dire que la situation devenait

14 incontrôlable, que les réfugiés de l'enclave étaient en train de se

15 déplacer vers Potocari.

16 A ce moment-là, j'ai reçu l'ordre de faire un trou dans la

17 clôture de la base pour permettre éventuellement à ces personnes, si elles

18 arrivaient, de s'introduire dans la base, par l'arrière de la base.

19 Ce soir-là, des soldats de la Compagnie B sont arrivés,

20 escortant les premiers réfugiés, et puisque nous ne souhaitions pas faire

21 pénétrer à l'intérieur de la base un nombre exagéré de réfugiés -en effet,

22 j'avais reçu l'ordre de laisser pénétrer les gens-, mais nous les avons

23 tout de même arrêtés à l'entrée.

24 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi, le capitaine

25 vient de parler du lundi soir. Etait-ce le 10 au soir ou le 11 au soir ?

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1 M. Rutten (interprétation). - J'ai commencé ce travail le 10,

2 le 10 était un dimanche, et le lundi c'est le 11.

3 M. le Président (interprétation). - Ah ! Le 11, merci.

4 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Rutten, pendant votre

5 séjour à Srebrenica, quelles étaient vos fonctions exactes ?

6 M. Rutten (interprétation). - Normalement, j'étais commandant

7 d'un peloton antichar. Mais puisqu'il y avait ces postes d'observation

8 dans lesquels se trouvaient des soldats, j'avais une deuxième mission qui

9 consistait à coordonner les patrouilles dans le Nord de l'enclave et

10 j'avais également des fonctions de renseignements.

11 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Rutten, pouvez-vous

12 décrire ce pilonnage très violent qui s'est produit dans l'enclave de

13 Srebrenica, compte tenu du fait que vous patrouilliez à ce moment-là et

14 que vous étiez toujours présent dans l'enclave ? Pouvez-vous nous dire

15 s'il existait des cibles militaires dans la ville de Srebrenica et dans la

16 ville de Potocari ?

17 M. Rutten (interprétation). - Il n'y avait pas de véritables

18 cibles militaires. Les cibles militaires existantes se trouvaient sur la

19 ligne de démarcation de l'enclave à ce moment-là. Il y avait quelques

20 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine toujours présents, mais pas à

21 Potocari ou à Srebrenica.

22 M. Harmon (interprétation). - Quel est votre avis s'agissant de

23 l'objectif poursuivi par ce pilonnage ?

24 M. Rutten (interprétation). - Ce pilonnage avait pour premier

25 but de nous intimider de façon à nous empêcher de quitter la base pour

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1 éventuellement voir ce qui se passait réellement à l'extérieur. Il

2 s'agissait donc de ce que j'appellerais un acte de terreur, car ce

3 pilonnage ne visait pas des objectifs militaires particuliers.

4 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais que vous vous

5 concentriez sur la journée du 11 juillet. Pouvez-vous dire aux Juges ce

6 qui s'est passé ce jour-là ?

7 M. Rutten (interprétation). - Le 11 juillet, comme je vous l’ai

8 déjà dit, dans la soirée, nous avons pratiqué une ouverture dans la

9 clôture mais, finalement, personne n'a pénétré dans la base. Nous avons

10 envoyé un blindé transport de troupes de la Croix-Rouge sur la route de

11 Potocari car les gens qui s'y trouvaient étaient en train de se faire

12 pilonner, et ce blindé était escorté de quelques soldats néerlandais de la

13 Compagnie B qui ont quitté Srebrenica pour accompagner toute cette

14 population jusqu'à Potocari.

15 Mais en raison du pilonnage, les soldats néerlandais n'ont pas

16 pu poursuivre leur route. A un certain moment, la population a été

17 arrêtée. Nous avons donc envoyé ce blindé transport de troupes de la

18 Croix-Rouge pour aider éventuellement les blessés.

19 A ce moment-là j'étais avec un groupe, tout près de la clôture

20 située à l'arrière de la base, j'attendais à cet endroit pour voir si des

21 réfugiés allaient éventuellement arriver.

22 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Rutten, quand le flux le

23 plus important de réfugiés est-il arrivé à Potocari ?

24 M. Rutten (interprétation). - Le lundi soir, finalement, nous

25 avons fermé de nouveau la clôture, nous avons bouché l'ouverture qui avait

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1 été aménagée puisque personne n'était arrivé. Nous avons simplement

2 transporté une femme gravement blessée dans nos bras, nous lui avons fait

3 passer la clôture et nous l'avons emmenée à l'hôpital de notre bataillon,

4 à Potocari. Ensuite, plus tard dans la soirée, lorsque son état s'est

5 amélioré, elle a été transportée par un blindé transport de troupes

6 jusqu'à Srebrenica, un blindé néerlandais de la Croix-Rouge.

7 Le lendemain, donc le mardi, nous étions tous dans un bunker en

8 raison du pilonnage très intensif qui avait lieu. Le matin, nous avons

9 appris que quelqu'un se trouvait à l'entrée principale et qu'il tenait à

10 la main quelque chose qui ressemblait à une carte de la région, une carte

11 géographique. Le garde avait pensé qu'il s'agissait sans doute d'un soldat

12 musulman ou en tout cas d'un habitant musulman.

13 Je suis donc sorti avec un collègue pour voir ce qui se passait.

14 J'y suis allé avec un autre lieutenant et nous avons vu deux soldats, dont

15 l'un était blessé à l'aisselle, et j'ai vu qu'il avait une carte,

16 effectivement, sur le bras.

17 Il a été soigné. Nous lui avons demandé d'où il venait, et il a

18 répondu qu'il venait du poste d'observation Mike. Nous l'avons renvoyé à

19 Srebrenica parce que nous ne pouvions pas l'aider davantage. Nous lui

20 avons donné à boire et c'est tout.

21 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre.

22 Etait-ce un soldat musulman ?

23 M. Rutten (interprétation). - Oui, oui, un soldat musulman.

24 M. Harmon (interprétation). - Veuillez poursuivre.

25 M. Rutten (interprétation). - A ce moment-là, je suis retourné

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1 dans le bunker pour rendre compte de ce que j'avais vu. Je suis entré dans

2 la salle des opérations et, peu de temps après, nous avons reçu l'ordre de

3 retourner auprès de l'ouverture que nous avions aménagée dans la clôture,

4 la veille, avec un groupe d'hommes pour la rouvrir. J'ai donc rouvert ce

5 trou et nous avons commencé à attendre. Un autre groupe est arrivé avec le

6 lieutenant Koster qui dirigeait ce groupe. Et ce groupe avait pour tâche

7 de se rendre à la gare routière pour voir ce qui s'y passait.

8 A ce moment-là, j'ai entendu -grâce à mon poste de radio- qu'un

9 groupe de réfugiés très important se dirigeait vers Potocari et que la

10 Compagnie B avait dû quitter Srebrenica en raison des pilonnages intenses.

11 Et qu'à Srebrenica le chaos le plus total régnait.

12 Nous avons envoyé un certain nombre de camions hors de la base

13 de Potocari pour voir si ceux-ci pouvaient porter secours aux réfugiés. A

14 ce moment-là, les premiers groupes de réfugiés sont arrivés depuis

15 l'arrière de la base. Ils avaient été envoyés par le lieutenant Koster

16 depuis la gare routière et donc dirigés vers l'arrière de la base. Ils ont

17 continué à affluer toute la journée, jusqu'à 5 ou 6 heures de l'après-

18 midi. Nous avons donc accueilli dans la base 4 à 5 000 réfugiés ce jour-

19 là.

20 A ce moment-là, j'ai reçu l'ordre de ne pas laisser pénétrer

21 d'autres réfugiés puisque les locaux de l'usine étaient totalement bondés.

22 Nous ne pouvions plus accueillir personne. Des repas ont été préparés sur

23 la base de nos réserves, repas destinés aux réfugiés.

24 J'étais donc toujours auprès de la clôture, j'ai refermé

25 l'ouverture une fois que j'ai reçu cet ordre. Je suis retourné avec un de

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1 mes collègues, le commandant Otter.

2 Je suis allé remplir une autre mission qui consistait à

3 organiser des groupes de 10 hommes pour assurer la sécurité des réfugiés

4 pendant la nuit. Ces réfugiés dormaient à la belle étoiles non loin de la

5 gare routière. Nous sommes donc allés assurer leur sécurité de cette

6 façon.

7 M. Harmon (interprétation). - Je demanderai l'aide de l'huissier

8 pour placer la pièce à conviction de l'accusation 5/2 sur le

9 rétroprojecteur.

10 Capitaine Rutten, vous avez parlé de cette gare routière.

11 Pouvez-vous regarder cette pièce à conviction 5/2 et nous dire ce que vous

12 avez appelé "le lieu de stationnement des autobus" ?

13 Pour le compte rendu d'audience, le témoin a placé son stylo sur

14 ce qui est indiqué comme étant le Express Bus Compound, sur la pièce à

15 conviction.

16 M. Rutten (interprétation). - Oui, j'ai indiqué cet endroit,

17 c'est là que nous étions moi-même et le groupe d'hommes qui

18 m'accompagnaient, les 10 hommes, et de l'autre côté il y avait un autre

19 groupe. De l'autre côté de la route, il y avait de très nombreux réfugiés

20 également qui étaient gardés aussi par 10 soldats néerlandais dirigés par

21 le lieutenant Schotman.

22 M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu d'audience,

23 le lieutenant Schotman était de l'autre côté de la route, près de l'usine

24 de zinc, sur la pièce à conviction 5/2, et le lieutenant Koster était sur

25 la route non loin de la gare routière. C'est exact ?

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1 M. Rutten (interprétation). - C'est exact.

2 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous resté à cet endroit

3 toute la nuit ?

4 M. Rutten (interprétation). - Nous avions l'ordre d'y passer la

5 nuit. Nous avons trouvé à cet endroit un très grand nombre de réfugiés.

6 Nous avons essayé d'organiser un peu la situation. Nous avons encerclé le

7 secteur avec une bande de couleur rouge et blanche de façon que chacun

8 puisse voir, y compris à une certaine distance, qu'il s'agissait d'une

9 zone protégée et surveillée par les Nations Unies.

10 M. Harmon (interprétation). - Le lendemain matin, qu'avez-vous

11 pu observer ?

12 M. Rutten (interprétation). - Le lendemain matin, aux premières

13 heures de la matinée, il y a eu à nouveau des échanges de coups de feu sur

14 les collines.

15 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites "échanges de

16 coups de feu", que voulez-vous dire exactement ?

17 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, des tirs d'armes légères,

18 c'est ce que nous avons entendu d'abord. Un petit peu plus tard, nous

19 avons entendu des tirs de mortiers, et nous avons vu un certain nombre de

20 maisons partir en flammes. Et nous avons vu comme des meules de foin, si

21 vous voulez, qui avaient été entassées par les agriculteurs locaux, partir

22 en flammes également. Je crois qu'en fait, en incendiant ces meules de

23 foin, on essayait de faire paraître la situation pire qu'elle n'était

24 vraiment, mais la situation était quand même vraiment sérieuse.

25 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, je vais vous demander

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1 de regarder la pièce de l'accusation 5/19. Je voudrais que cette pièce

2 soit placée sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

3 Capitaine Rutten, est-ce que vous reconnaissez la zone montrée

4 sur la photographie que vous avez sous les yeux, la pièce 5/19 ?

5 M. Rutten (interprétation). - Oui, je la connais.

6 M. Harmon (interprétation). - Et vous étiez dans cette zone le

7 matin dont vous venez de nous parler ?

8 M. Rutten (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous expliquer aux Juges ce

10 que vous avez pu observer dans ce secteur ?

11 M. Rutten (interprétation). - Lorsque vous regardiez ce secteur

12 à ce moment-là, vous pouviez voir qu'il y avait des réfugiés partout.

13 (Il montre les bâtiments bleus.)

14 M. Harmon (interprétation). - Oui, les batiments bleus ?

15 M. Rutten (interprétation). - Il y avait des réfugiés partout.

16 Les bâtiments étaient bondés. Et, sur les collines, il y avait un certain

17 nombre de maisons qui brûlaient. Il y avait des récoltes qui avaient été

18 incendiées également, ils les avaient mises à feu.

19 Et lorsque je dis "Ils", eh bien je parle des premiers Serbes

20 que nous avons vu descendre de la colline. Alors de qui s'agissait-il

21 exactement ? Eh bien, le premier que j'ai vu était un homme habillé un peu

22 comme Rambo, si vous voulez.

23 M. Harmon (interprétation). - Je vous interromps pour vous poser

24 une question. Est-ce que vous pouvez nous dire quoi que ce soit des

25 maisons qui se trouvent, que nous voyons sur le premier plan de la

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1 photo 5/19 ?

2 M. Rutten (interprétation). - Oui, certaines des maisons que

3 nous voyons ici, au premier plan, étaient en train de brûler. Elles sont

4 autour de garages à bus.

5 M. Harmon (interprétation). - Et quel a été l'effet de ces

6 différents incidents sur les réfugiés ? Comment ont-ils réagi ?

7 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, la réaction a été une

8 réaction de panique absolue. Il y avait des échanges de tirs, il y avait

9 des incendies. Ils pouvaient voir également les Serbes qui dévalaient la

10 colline, qui arrivaient de toutes parts.

11 Et donc, bien évidemment, les réfugiés se sont dit qu'ils

12 allaient se passer quelque chose de très grave. Nous avons essayé de les

13 rassurer. Lorsque les premiers soldats ont commencé à descendre de la

14 colline, les soldats serbes, j'ai essayé de m'entretenir avec le premier

15 d'entre-eux qui m'avait tout l'air d'un dirigenat. J'ai essayé de lui

16 parler.

17 Je lui ai dit : "Vous ne pouvez pas aller au-delà de la bande

18 rouge et blanche, parce que vous êtes dans un territoire contrôlé par les

19 Nations Unies. Il y a là des réfugiés qui sont placés sous notre

20 surveillance".

21 Mais ce soldat serbe, ainsi que tous les autres, n'a fait que

22 rire. Il a essayé de franchir la barrière que constituait la bande rouge

23 et blanche.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez vu des

25 soldats menacer les réfugiés ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Pendant la nuit, un homme qui se

2 trouvait à bord d'une brouette est arrivé. Je connaissais cet homme parce

3 qu'il faisait partie de l'armée de Bosnie-Herzégovine.

4 A ce moment-là, quand je l'ai vu, il portait des habits civils,

5 il était blessé. Il avait été blessé à la balle. La balle avait traversé

6 sa jambe. Un médecin était sur place cette nuit-là, il a pris soin de ce

7 blessé juste à côté du hangar où se trouvaient garés les autobus.

8 Le premier soldat serbe dont j'ai parlé, dont j'ai dit qu'il

9 était habillé en Rambo, a fait ce signe ; vous savez le doigt qui passe au

10 travers de la gorge. Il a fait ce signe à l'intention de ce soldat

11 musulman qui était encore relativement jeune et qui était dans la

12 brouette.

13 M. Harmon (interprétation). - Le témoin a fait le signe de

14 passer son doigt sur sa gorge. C'est de ce geste-là dont il parle. Quelle

15 a été votre interprétation de ce geste ?

16 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, en voyant ce geste-là,

17 j'ai tout de suite compris qu'il était en train de chercher cet homme, et

18 que ce qu'il réservait comme sort à cet homme était quelque chose d'assez

19 affreux.

20 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous vous trouviez

21 toujours près du hangar des bus ?

22 M. Rutten (interprétation). - Oui, toujours au même endroit.

23 M. Harmon (interprétation). - Et vous aviez avec vous votre

24 petit groupe de soldats, n'est-ce pas ?

25 M. Rutten (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). - Qu'est-il arrivé à votre

2 équipement ? Et quel équipement aviez-vous ?

3 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, un certain nombre

4 d'autobus étaient très anciens, ils étaient très abîmés, ils étaient très

5 détériorés. Nous avons passé la nuit en petites équipes. Nous avions là

6 notre paquetage, notre armement. Nous nous étions préparés à y passer la

7 nuit de toute façon, parce que nous ne savions pas combien de temps nous

8 allions rester là.

9 Lorsque les premiers soldats serbes sont arrivés, ils ont

10 commencé à nous voler une partie de notre équipement, ce dont ils

11 pouvaient se servir. Ils nous ont volé également un certain nombre

12 d'effets personnels.

13 Moi, j'ai envoyé des soldats pour essayer de mettre un terme à

14 ces agissements, mais ces soldats ont été écartée. Ces soldats sont

15 revenus accompagnés par des soldats serbes qui disaient : "Sortez de

16 là !".

17 A ce moment-là, il y a eu un échange de coups de feu. Les tirs

18 provenaient notamment de la colline. Sans doute s'agissait-il de l'armée

19 de Bosnie-Herzégovine. Les soldats serbes ont ouvert le feu en réponse et

20 ils ont utilisé certains de mes hommes comme boucliers.

21 A ce moment-là, je me suis dirigé vers les soldats serbes. Je

22 leur ai dit qu'il fallait absolument que je récupère mes hommes, que je

23 les ramène avec moi. C'était vraiment une situation très critique, la

24 panique régnait.

25 J'ai saisi mon arme, j'ai pointé en direction des Serbes. Et à

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1 ce moment-là, ils ont laissé partir mes hommes. Ce qui a fait qu'ils ont

2 pu revenir vers moi. Et finalement, les échanges de coup de feu ont cessé.

3 Ils sont partis en emportant avec eux ce qu'ils avaient pris dans notre

4 équipement.

5 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, avez-vous déposé

6 plainte suite à ces actes ?

7 M. Rutten (interprétation). - Un peu plus tard, peut-être une

8 heure plus tard, j'ai aperçu le capitaine néerlandais Matthijsen qui

9 faisait partie de l'équipe S5. Il y avait avec lui la personne dont j'ai

10 cru à l'époque qu'il s'agissait du commandant Nikolic.

11 M. Harmon (interprétation). - Le commandant Nikolic était-il

12 membre de l'armée serbe ?

13 M. Rutten (interprétation). - Oui, tout à fait. Donc je me suis

14 plaint à Matthijsen du fait que nous avions subi des actes de pillage de

15 la part des Serbes, du fait que les Serbes avaient menacé les réfugiés.

16 Je me suis également adressé au commandant Nikolic de l'armée

17 Serbe de Bosnie. Lui a dit qu'il ne pouvait absolument pas intervenir,

18 mais qu'aucun mal ne serait fait aux réfugiés. Il a expliqué qu'il lui

19 était extrêmement difficile d'essayer d'obtenir les pièces d'équipement

20 qui nous avaient été volées.

21 Donc, effectivement, j'ai porté plainte, si vous voulez, mais je

22 doutais de l'efficacité de cette plainte.

23 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous demander de vous

24 reporter de nouveau au commandant Nikolic. Saviez-vous à l'époque à quelle

25 unité appartenait le commandant Nikolic ?

Page 2120

1 M. Rutten (interprétation). - Le commandant Nikolic était à mes

2 yeux notre contact, si vous voulez, avec le bataillon qui se trouvait dans

3 la partie nord du secteur, là où se trouvait la brigade Bratunac.

4 M. Harmon (interprétation). - Aviez-vous connaissance d'un autre

5 officier de liaison qui vous permettait d'avoir des contacts avec l'armée

6 serbe de Bosnie ?

7 M. Rutten (interprétation). - Autant que je le sache, il y avait

8 un autre soldat appelé Jovo qui se trouvait au poste d'observation Papa.

9 Cela, c'était le premier contact entre le poste d'observation Papa, le

10 Bataillon et l'armée serbe de Bosnie.

11 M. Harmon (interprétation). - Donc si vous aviez besoin de

12 contacter le commandant Nikolic, vous alliez voir Jovo qui se trouvait au

13 poste d'observation Papa, et ensuite votre demande était transmise au

14 commandant Nikolic. C'est ainsi que cela fonctionnait ?

15 M. Rutten (interprétation). - Oui, tout à fait.

16 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il vous est arrivé, plus

17 tard, quelque chose à vous-même et à vos hommes ? Je parle de la même

18 journée.

19 M. Rutten (interprétation). - Lorsque les soldats de l'armée

20 serbe de Bosnie sont arrivés, nous avions avec nous nos vestes, nos armes

21 et moi j'avais mon équipement de communication, de transmission, parce que

22 je voulais pouvoir mener à bien mes tâches.

23 Pendant la journée, j'ai été menacé par des soldats serbes de

24 Bosnie qui me demandaient de remettre mes armes, ma veste, mon gilet pare-

25 balles et mon équipement de transmission.

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1 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous demander de nous

2 replacer tout cela dans le contexte de façon très précise. Est-ce que, à

3 ce moment-là, au moment des événements que vous décrivez, est-ce que des

4 bus étaient déjà arrivés dans l'enclave ?

5 M. Rutten (interprétation). - Les menaces ont commencé avant que

6 les bus arrivent dans l'enclave. Et les menaces bien réelles dont j'ai été

7 l'objet plus tard ont été formulées au moment où les bus commençaient à

8 arriver.

9 M. Harmon (interprétation). - Donc l'événement que vous venez de

10 nous décrire s'est produit alors que les bus arrivaient dans l'enclave ?

11 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est exact.

12 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Veuillez continuer à

13 décrire ce qui vous est arrivé à vous-même et à vos hommes à ce moment-

14 là ?

15 M. Rutten (interprétation). - Alors que les bus commençaient à

16 arriver, nous avons été menacés. Moi, j'ai d'abord dû donner mon arme,

17 j'ai dû donner mon gilet pare-balles et le reste des objets que j'avais

18 avec moi. J'ai renvoyé l'homme qui me menaçait, parce que j'ai dit : "Moi,

19 je ne parle pas aux sous-officiers ou aux non-gradés", parce que j'avais

20 l'impression que ce n'était pas un gradé.

21 J'ai dit : "Je dois parler avec votre commandant". Et j'ai dit :

22 "Vous savez, ici, c'est de l'équipement qui appartient aux Nations Unies,

23 donc je ne peux pas donner cet équipement".

24 M. Harmon (interprétation). - Et est-ce que les mêmes incidents

25 se sont produits vis-à-vis des dix hommes qui étaient en votre compagnie ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Oui, mais j'ai ordonné à ces

2 hommes qu'ils ne donnent pas leurs armes.

3 M. Harmon (interprétation). - Mais est-ce qu'ils ont donné leurs

4 armes ?

5 M. Rutten (interprétation). - Oui, finalement ils ont dû

6 remettre leurs armes parce qu'ils étaient menacés et que l'on pointait

7 vers eux des armes. Ils ont dû rendre également leur gilet pare-balles.

8 M. Harmon (interprétation). - Donc la même chose vous est

9 arrivée à vous aussi. Vous avez finalement dû remettre votre arme et votre

10 équipement.

11 M. Rutten (interprétation). - Oui. Et puis, il y avait à mes

12 côtés le médecin. Et puis un soldat serbe de Bosnie est arrivé vers moi et

13 il m'a dit : "J'ai besoin de ton équipement". Près de moi, il y a eu

14 également subitement un autre soldat qui a saisi mon équipement, j'ai

15 dit : "Je ne peux pas vous remettre mon équipement, je ne peux pas vous

16 remettre mon équipement".

17 J'ai tourné le dos, il a pris mon fusil par l'arrière, il l'a

18 tiré vers lui, il a dit, j'ai dit : "J'ai besoin de ton équipement de

19 transmission". Je lui ai donné un des talkie-walkie dont je disposais.

20 J'ai envoyé un dernier signal à mon officier supérieur.

21 J'ai ainsi informé mon supérieur du fait que j'avais perdu mon

22 arme, je l'ai informé du fait que j'étais maintenant sous la garde de

23 l'armée serbe de Bosnie.

24 Nous avons été emmenés, nous étions à ce moment-là toujours près

25 du hangar des autobus, mais nous avons été emmenés dans un hangar qui

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1 était à proximité de ce même hangar, moi-même et l'ensemble de mon groupe.

2 Nous avons dû rester sur place sous la surveillance de deux soldats serbes

3 de Bosnie.

4 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps vous êtes restés

5 à cet endroit que vous venez de nous décrire ?

6 M. Rutten (interprétation). - Plusieurs heures.

7 M. Harmon (interprétation). - Vos hommes étaient avec vous ?

8 M. Rutten (interprétation). - Oui, oui, moi-même, les 10 hommes

9 qui étaient avec moi, ainsi que le médecin, nous nous trouvions sur les

10 lieux.

11 A ce moment-là, j'ai aperçu quelqu'un qui m'a semblé être un

12 officier. Par la suite, il s'est avéré qu'il s'appelait le capitaine Mane.

13 Je me suis plaint du fait que nous étions détenus. Je lui ai dit que nous

14 nous étions vus confisquer notre équipement. Il ne m'a même pas regardé

15 lorsque j'ai formulé cette plainte. Il s'est contenté de me renvoyer vers

16 le reste du groupe.

17 Et, un peu plus tard, quand il est revenu -quand je dis plus

18 tard, il s'agit de plusieurs heures plus tard-, j'ai à nouveau protesté :

19 j'ai dit qu'il fallait absolument que nous puissions réintégrer la base.

20 Et enfin il a dit que nous pouvions repartir.

21 Mon groupe et moi-même sommes repartis sous escorte de deux

22 soldats serbes de Bosnie. Nous sommes retournés vers la base.

23 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que je pourrais avoir la

24 pièce de l'accusation 71, s'il vous plaît ? Je souhaiterais qu'elle soit

25 placée sur le rétroprojecteur.

Page 2124

1 (L'huissier s'exécute.)

2 Capitaine Rutten, pouvez-vous nous dire qui est l'homme qui

3 apparaît à gauche de la photographie ?

4 M. Rutten (interprétation). - C'est le capitaine Mane.

5 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'à un moment donné de

6 cette même journée, après avoir été remis en liberté, vous avez aperçu le

7 général Mladic circuler dans le secteur de Potocari ?

8 M. Rutten (interprétation). - Je ne l'ai pas vu le 12. En effet,

9 le 12, nous avons réintégré la base et nous avons passé la nuit. En

10 revanche, le 13, dans le courant de l'après-midi, en début d'aprè-midi

11 j'ai aperçu M. Mladic qui arrivait dans la base.

12 Pardon, je dois me reprendre. Le 12, j'ai vu M. Mladic pour la

13 première fois, je l'ai vu qui... ou plutôt c'étaient ces troupes qui

14 distribuaient du pain et de l'eau. Cela se passait le 12, effectivement.

15 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'on pourrait, s'il

16 vous plaît, baisser un peu la lumière, et diffuser la bande vidéo qui

17 constitue la pièce 78 de l'accusation ? Merci.

18 Les Juges de cette Chambre ont déjà vu cette bande vidéo, mais

19 il s'agit ici d'aider le témoin à remettre son témoignage dans un contexte

20 plus précis.

21 (Diffusion de la cassette vidéo.)

22 C'était un extrait extrêmement bref d'une bande vidéo que vous

23 avez vue dans mon bureau avant de venir témoigner ici dans ce prétoire.

24 Avez-vous pu observer cette scène ?

25 M. Rutten (interprétation). - Oui, oui, cette scène se déroule

Page 2125

1 près de la route. Il y avait une maison près de la route qui va de

2 Potocari à Srebrenica. En fait la scène se passe le 12, lorsque Mladic est

3 arrivé accompagné de ses gardes du corps. Il y avait également un camion

4 qui le suivait, et un camion de pompiers. Dans le premier camion, il y

5 avait du pain qui a été distribué aux réfugiés. Et puis, dans le camion de

6 pompiers, il y avait bien sûr de quoi approvisionner les réfugiés en eau.

7 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous expliquer aux

8 Juges... Pardon, je reprends ma question. Au moment où le pain était

9 distribué, nous avons vu sur la cassette vidéo une partie de l'épisode.

10 Est-ce que cette distribution de pain a également été filmée ?

11 M. Rutten (interprétation). - D'abord, les deux scènes ont été

12 filmées, distribution du pain et de l'eau, et puis il y a eu effectivement

13 distribution de bonbons aux enfants qui se trouvaient là. Un tout petit

14 extrait de cette scène a été filmé.

15 M. Harmon (interprétation). - A quel moment y a-t-il eu

16 interruption du film ?

17 M. Rutten (interprétation). - Au moment où ils ont arrêté de

18 filmer, il y a eu arrêt de la distribution de pain, de l'eau et des

19 bonbons. Ils ont même repris certaines des choses qu'ils avaient

20 distribuées aux réfugiés.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'à un quelconque autre

22 moment, alors que vous vous trouviez à Potocari le 12 ou le 13, vous avez

23 vu des soldats serbes de Bosnie distribuer du pain, de l'eau ou d'autres

24 types d'aliments aux réfugiés qui se trouvaient là ?

25 M. Rutten (interprétation). - Absolument pas. La seule chose qui

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1 était distribuée, c'était ce que nous distribuions, c'est-à-dire en

2 l'occurrence de l'eau ; et ce dont nous disposions encore, nous donnions

3 tout cela aux réfugiés qui se trouvaient sur la base.

4 M. Harmon (interprétation). - Les images que nous avons vues sur

5 la pièce de l'accusation 78, où l'on voit notamment un soldat serbe de

6 Bosnie qui distribue des bonbons, et puis les scènes que vous avez pu

7 voir, qui consistaient dans la distribution de pain et d'eau, est-ce que

8 cela donnait une idée bien réelle de la façon dont les soldats serbes de

9 Bosnie, qui se trouvaient dans l'enclave, traitaient les réfugiés ?

10 M. Rutten (interprétation). - Non, pas du tout, parce que c'est

11 un incident ou un moment extrêmement bref qui essaie d'illustrer la

12 compassion des soldats serbes vis-à-vis des réfugiés. Mais à partir du

13 moment où les caméras ont cessé de tourner, les soldats sont partis et ils

14 ont commencé à faire monter les réfugiés à bord des bus qui sont arrivés à

15 ce moment-là. Derrière les bus, on pouvait voir très bien les hommes

16 séparés du reste des réfugiés.

17 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Rutten, d'après vous,

18 quel était l'objectif visé par le tournage de ces images qui démontraient

19 les actes généreux de ces soldats ?

20 M. Rutten (interprétation). - A mes yeux, il s'agissait d'une

21 campagne de propagande médiatique, quel que soit le mot qui soit utilisé

22 pour décrire la situation, parce que ces actes ont cessé très, très

23 rapidement.

24 Alors aux yeux du monde et à nos yeux d'ailleurs, au début il

25 semblait que les soldats serbes manifestaient une certaine compassion vis-

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1 à-vis des réfugiés. Mais, en fait, c'était une farce, un simulacre, et

2 tout a cessé après que les caméras ont cessé de tourner.

3 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, est-ce que vous avez pu

4 avoir accès aux images diffusées par la télévision néerlandaise dans la

5 base ?

6 M. Rutten (interprétation). - Oui.

7 M. Harmon (interprétation). - Par le biais d'une transmission

8 satellite ?

9 M. Rutten (interprétation). - Oui, par transmission satellite.

10 Mais lorsque nous devions nous occuper des réfugiés, lorsque

11 nous devions mener à bien nos tâches, nous ne pouvions pas suivre les

12 informations. Mais, deux jours plus tard, c'est-à-dire le vendredi, nous

13 avons pu voir les informations télévisées néerlandaises et nous avons vu

14 ces mêmes scènes, que vous avez pu voir à l'instant même, où nous voyons

15 donc que Mladic entouré de ces soldats qui distribuait des bonbons, du

16 pain. Et c'est ce que le monde entier a vu deux jours plus tard.

17 Et nous, nous étions sidérés. Nous étions là dans notre pièce

18 commune où se trouvait la télévision et nous ne pouvions pas comprendre

19 comment il était possible qu'aussi rapidement ces images soient diffusées

20 dans le monde entier.

21 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous avez vu ces images, y

22 avait-il encore des réfugiés à l'intérieur de la base ou dans le secteur

23 de Potocari ?

24 M. Rutten (interprétation). - Non, parce que le moment où nous

25 avons vu ces images, c'était déjà vendredi.

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1 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous soumettre la pièce de

2 l'accusation 28/4, et je demande qu'elle soit placée sur le

3 rétroprojecteur.

4 Avant que cette pièce soit placée sur le rétroprojecteur,

5 Capitaine, l'huissier a à la main un certain nombre de photographies de

6 personnes. Je vais vous demander d'identifier si possible certaines des

7 personnes dont les photographies constituent la pièce à conviction 28/4.

8 Est-ce que cette pièce peut maintenant être placée sur le

9 rétroprojecteur ?

10 Capitaine Rutten, est-ce que vous reconnaissez l'une des

11 personnes qui apparaissent sur cette photographie ?

12 M. Rutten (interprétation). - Oui, je reconnais cet homme.

13 M. Harmon (interprétation). - Le témoin indique la personne qui

14 apparaît en premier plan, à droite de la photographie ; il a un visage

15 assez rouge, de couleur orangée. Quand avez-vous vu cette personne ?

16 M. Rutten (interprétation). - J'ai vu cette personne dans une

17 des voitures qui accompagnaient M. Mladic et qui se trouvaient à proximité

18 de la base.

19 M. Harmon (interprétation). - Bien. Je vais passer à autre chose

20 à présent et je vais vous demander, Capitaine Rutten, si vous connaissez

21 le lieu appelé la "maison blanche".

22 M. Rutten (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Vous êtes-vous rendu à la maison

24 blanche ?

25 M. Rutten (interprétation). - Oui, à plusieurs reprises.

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1 M. Harmon (interprétation). - Quand vous y êtes-vous rendu pour

2 la première fois, quel jour ?

3 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, je me suis rendu à la

4 maison blanche la première fois le jeudi matin.

5 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Je vais vous demander,

6 Monsieur l'huissier, la pièce de l'accusation 5/17 de la pièce 83 de

7 l'accusation. Monsieur l'huissier, pouvez-vous placer la pièce 5/17 sur le

8 rétroprojecteur ? Pour ce qui est de la pièce 83, j'aimerais qu'elle soit

9 d'abord montrée aux Juges et au conseil de la défense avant qu'elle ne

10 soit remise au témoin.

11 Capitaine Rutten, la pièce 5/17 est sur le rétroprojecteur, elle

12 nous montre un bâtiment. Le reconnaissez-vous ?

13 M. Rutten (interprétation). - C'est le bâtiment que tous nous

14 appelions la maison blanche.

15 M. Harmon (interprétation). - Monsieur l'huissier, pouvez-vous

16 placer, s'il vous plaît, la pièce 83 de l'accusation sur le

17 rétroprojecteur ?

18 Capitaine Rutten, cette photographie, vous en êtes l'auteur,

19 n'est-ce pas ?

20 M. Rutten (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que nous

22 voyons au portail d'entrée de la base des Nations Unies ? Pouvez-vous nous

23 indiquer l'emplacement de la maison blanche ?

24 M. Rutten (interprétation). - Voici l'entrée de la base...

25 M. Harmon (interprétation). - Laissez votre pointeur là où il

Page 2130

1 est pour que je puisse décrire l'endroit que vous montrez. Le témoin, je

2 le dis aux fins du compte rendu, indique à peu près au centre de la photo

3 un lieu qui se trouve à proximité de la route. On voit une route qui part

4 du centre de la photographie, qui part en diagonale vers la gauche : il y

5 a là un bunker qui porte au sommet un drapeau bleu. Et c'est là l'entrée

6 de la base, n'est-ce pas ?

7 M. Rutten (interprétation). - Oui.

8 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, veuillez déplacer

9 votre pointeur en direction de la maison blanche.

10 M. Rutten (interprétation). - Voici la maison blanche.

11 M. Harmon (interprétation). - Le témoin indique un bâtiment dont

12 le toit est rouillé et qui se trouve sur une zone assez plane qui se

13 trouve en-dessous des collines, et qui se trouve également à gauche de

14 l'entré de la base. Merci beaucoup, Capitaine Rutten.

15 La maison blanche était donc vraiment tout près de l'entrée de

16 la base, n'est-ce pas ?

17 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, oui. Lorsque l'on se

18 trouvait à l'entrée de la base, on pouvait la voir constamment, notamment

19 le garde qui se trouvait à l'entrée de la base.

20 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi vous êtes-vous rendu à la

21 maison blanche ?

22 M. Rutten (interprétation). - Ce matin-là, j'avais un certain

23 nombre de tâches à remplir dans la salle des opérations. Nous avons

24 entendu qu'un de nos collègues avait pu observer le départ de deux bus ;

25 c'était le lieutenant Firtstaih qui a observé cela. Ces deux bus

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1 quittaient la maison blanche et ces deux bus étaient emplis d'hommes.

2 A l'extérieur, nous disposions d'un certain nombre de Jeeps, et

3 ces Jeeps étaient destinées à escorter les bus lorsqu'ils devaient quitter

4 l'enclave. Mais ce lieutenant a donc vu les deux bus quitter l'enclave, et

5 il nous a demandé s'il fallait qu'il les escorte, justement. Je lui ai

6 tout de suite dit, depuis la salle des opérations, qu'il fallait qu'il

7 suive ces bus impérativement parce qu'ils étaient en train de quitter

8 l'enclave de façon isolée et non pas en même temps que les autres bus, en

9 quantités plus importantes, qui étaient déjà sur la route.

10 Il a accompagné ces bus vers Bratunac. Par la suite, il nous a

11 dit par voie de transmission : "Les bus ne vont pas vers Kladanj, ils vont

12 dans une autre direction et on m'empêche, les soldats serbes m'empêchent

13 de suivre ces autobus". J'ai dit : "Eh bien, essaie tout de même de rester

14 à proximité des autobus", mais c'était totalement impossible parce que les

15 soldats serbes de Bosnie empêchaient le véhicule de ce soldat d'avancer.

16 Ils ont même pris d'assaut son véhicule, si vous voulez, et lui-même et

17 son chauffeur ont par la suite été ramenés à la base.

18 Nous n'avons donc jamais su vers quelle direction ces deux bus

19 se sont dirigés.

20 M. Harmon (interprétation). - Donc, en vous basant, après cette

21 série d'événements est-ce que vous avez décidé de vous rendre à la maison

22 blanche personnellement ?

23 M. Rutten (interprétation). - J'ai parlé au commandant de la

24 compagnie et je me suis dit qu'il serait peut-être bon de regarder à

25 l'extérieur et de voir ce qui se passe exactement. Parce que, si nous

Page 2133

1 recevons des informations de tout de qui se passe, on n'a peut-être pas

2 une image très claire de ce qui se passe.

3 Je me suis rendu à l'extérieur accompagné du sergent-major. Nous

4 avons pris avec nous une charrette avec de l'eau, remplie d'emballages

5 d'eau, nous nous sommes rendus à la maison blanche de sorte que nous avons

6 pu avoir une raison d'y être. Nous avons essayé de pénétrer à l'intérieur

7 de la maison blanche, et lorsque nous nous sommes présentés au portail,

8 nous avons vu que, à gauche de l'entrée, là où j'indique avec le pointeur,

9 il se trouvait donc un tas d'effets personnels, de sacs à dos appartenant

10 aux réfugiés. Quelques mètres plus loin, sur le sol, il y avait toute

11 sorte de cartes d'idendité, des passeports.

12 Par la suite, une fois rendus à la maison blanche -elle était

13 très bien gardée par des soldats serbes de Bosnie-, nous avons essayé de

14 pénétrer à l'intérieur. Tout d'abord, ils n'ont pas voulu nous laisser

15 entrer. Devant la maison, il y avait également deux soldats néerlandais,

16 c'étaient des caporaux, ils portaient des étoiles sur leurs épaules. La

17 raison pour laquelle ils avaient des étoiles, c'était parce que cela

18 paraît mieux aux yeux des Serbes de Bosnie d'avoir des lieutenants que

19 d'avoir simplement de simples soldats devant la maison.

20 Nous avons donc essayé de pénétrer à l'intérieur de la maison,

21 mais nous n'avons pas pu pénétrer à l'intérieur. Finalement, nous avons

22 fait le tour de la maison et nous sommes entrés par l'arrière. Je le

23 montre avec le pointeur, ici. C'est donc l'arrière de la maison.

24 M. Harmon (interprétation). - Le témoin indique, avec le

25 pointeur, l'arrière de la maison blanche, aux fins du compte rendu.

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1 M. Rutten (interprétation). - Donc nous sommes entrés à

2 l'intérieur. Le sergent et moi-même avons regardé en bas et au premier

3 étage. Partout, nous avons pénétré dans chaque salle, nous avons vu sur le

4 plancher, sur les lits et sur les sofas, nous avons vu toutes sortes de

5 photos empilées les unes sur les autres. J'avais l'impression qu'ils

6 étaient en train de rechercher des visages connus ou de rechercher quelque

7 chose par ces photos. Toute cette maison ressemblait à une maison qui

8 venait juste d'être pillée, comme si quelqu'un était entré et avait tout

9 volé.

10 Nous n'avons donc pas pu rien trouver. Nous sommes allés à

11 l'arrière de la maison. C’est juste ici, je le montre à l'aide du

12 pointeur, derrière le poteau électriques. Il y avait assis sur deux

13 chaises, des soldat serbes. Je me suis approché de ces soldats, ils

14 étaient assis devant un petit verger. Je leur ai demandé si je pouvais

15 aller plus loin pour voir ce qu’il en était. Il ne m'ont pas permis. J'ai

16 insisté. En fait, l'un d'eux a pointé une arme dans ma direction et m’a

17 dit de partir. J'ai dû partir.

18 De nouveau , devant l'entrée, je suis retourné dans la maison et

19 j'ai entendu des voix à l'arrière de la maison et qui provenaient de

20 l’intérieur de la maison. Je ne pouvais pas voir à travers la fenêtre

21 parce qu'il y avait des rideaux, plus ou moins. J'ai dit au sergent-major

22 qu’il faudrait essayer d’entrer de nouveau.

23 Nous sommes allés de nouveau à la charrette, nous avons offert

24 de l'eau aux soldats serbes. A ce moment-là, on nous a permis d'entrer à

25 l'intérieur de la maison. Lorsque nous sommes trouvés dans le couloir,

Page 2135

1 nous avons vu un homme musulman attaché à l'escalier. Un bras était

2 attaché à l’escalier. J’ai demandé à un soldat serbe de Bosnie de faire en

3 sorte qu'il soit un peu plus confortablement attaché à cet escalier, pour

4 qu'il puisse au moins toucher le sol avec ses orteils.

5 Après cela, je me suis rendu à droit dans le couloir. C'était

6 une chambre de laquelle les voix parvenaient. Cela ressemblait à une salle

7 d'interrogatoire. A ce moment-là, un soldat serbe de Bosnie a pointé une

8 arme vers ma tempe. Par la suite, il l'a mise dans ma bouche. Il m'a dit

9 de partir. J’ai donc dû plus ou moins me retirer. Il était clair, à ce

10 moment-là, que quelque chose de sérieux se passait. Et j'ai essayé d'avoir

11 une meilleure idée de ce qui se passait, nous avons obtenu de l'eau.

12 De nouveau, j'ai dit au sergent-major qu'il fallait qu'il reste

13 près de l'escalier, que j’allais monter à l'étage pour voir ce qui se

14 passait. Alors, nous sommes sortis, et nous avons vu à l’entrée d'autres

15 hommes, de nouveaux hommes entrer ou être conduits à la maison blanche. Il

16 y avait un soldat serbe au portail. Il a dit : "Jetez vos choses", avec

17 une geste de la main. Quelques mètres plus loin, il a fallu que ces hommes

18 jettent leur carte d'identité par terre et laissent leurs effets

19 personnels.

20 Je me suis de nouveau diriger à l'étage. Le serment major est

21 resté près de l'escalier. Lorsque je suis monté au premier étage, il y

22 avait deux salles, deux chambres et elles étaient remplies de plus ou

23 moins 50 hommes. Lorsque je parle d'hommes, je parle d’hommes âgés de 45 à

24 55 ans.

25 Il y avait également des enfants, ils avaient de 12 à 13 ans. Ce

Page 2136

1 n'était que des garçons. J'ai fait un geste de la main, en haut, dans les

2 deux chambres ; ce qui voulait dire qu'il fallait qu'il s’assoient les uns

3 à côté des autres. Je leur ai demandé d’un geste de la main de s’asseoir

4 les uns à côté des autres. J’avais un appareil photo avec moi et j'ai pris

5 une photo d’eux. J'ai pris plusieurs photos en fait dans chaque chambre,

6 pour avoir une image, une photo de tous ces gens pour plus tard, pour

7 pouvoir prouver que ces hommes se trouvaient bel et bien dans cette maison

8 ce jour-là.

9 Il a fallu que j'arrête, puisque de nouveaux hommes se sont

10 présentés. Les soldat serbes sont montés à l'étage, j’ai donc remis mon

11 appareil photo en place. Je suis descendu. Nous avons quitté la maison.

12 Pour moi, il était clair lorsque nous avons quitté la maison qu'il ne

13 s'agissait pas d'un interrogatoire conventionnel, tel que nous le faisons

14 avec nos propres soldats, ou tel que nous l'avons appris puisque, quand

15 les effets personnels et les cartes d’identité sont laissés à la porte

16 d'entrée, ce n'est pas la façon d'agir.

17 Quand nous avons des prisonniers de guerre, nous marquons quel

18 est le nom de la personne à qui appartient l’enveloppe qui contient la

19 carte d'identité. Sinon, ce n’est pas clair et, par la suite, on ne peut

20 pas savoir ce qui appartient à qui. Donc, à mon avis, il était très clair

21 que ces personnes-là n'auraient plus jamais besoin de leurs effets

22 personnels ni de leur carte d'idendité.

23 M. Harmon (interprétation). – Capitaine, avez-vous vu par la

24 suite ce qui s'est passé avec ces effets personnels se trouvant dans la

25 maison blanche ?

Page 2137

1 M. Rutten (interprétation). - Pas dans la soirée du jeudi. Très

2 tôt le matin du vendredi matin, ils ont mis un feu à toutes ces cartes

3 d'idendité et aux effets personnels.

4 M. Harmon (interprétation). - Pourrait-on placer, s’il vous

5 plaît, la pièce à conviction de l'accusation cotée 84 sur le

6 rétroprojecteur ?

7 Monsieur le Président, vous avez déjà pu voir les images des

8 effets personnels en feu. Je vais maintenant vous montrer une autre pièce.

9 Capitaine, que représente cette pièce ?

10 M. Rutten (interprétation). - C'est une photo que j'avais prise

11 me tenant sur une table et regardant devant, ici, avec cette construction

12 préfabriquée se trouvant devant nous. Ici, -je pointe le pointeur ici-, le

13 feu devant la maison blanche. Nous voyons la fumée s'échappant des effets

14 personnels et des cartes d'identité des hommes qui ont pénétré dans la

15 maison, des hommes musulmans qui se sont trouvés dans la maison.

16 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps ce feu a duré ?

17 M. Rutten (interprétation). - Le feu a brûlé pendant deux jours

18 environ.

19 M. Harmon (interprétation). – Simplement pour apporter quelques

20 clarifications pendant votre séjour à la maison blanche. Vous avez dit,

21 dans votre témoignage, que lorsque vous vous êtes présenté pour la

22 première fois à la maison blanche, vous vous êtes dirigé vers l'arrière,

23 et vous avez pénétré un endroit presque vide. Il n’y avait personne. Cette

24 maison blanche était donc divisée en deux parties, n'est-ce pas ?

25 M. Rutten (interprétation). - Oui, on pourrait dire qu'elle

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1 était divisée en deux parties, comme si c'étaient deux maisons séparées se

2 trouvant sous le même toit.

3 M. Harmon (interprétation). – Capitaine, vous avez mentionné

4 avoir vu un nombre de photographies éparpillées un peu partout ? Etaient-

5 elles éparpillées de façon ordonnée ou comme si elles avaient été lancées

6 là ?

7 M. Rutten (interprétation). – Elles se trouvaient là de façon

8 ordonnée. Les photos qui se trouvaient les unes à côté des autres ne

9 représentaient que des images d'hommes et non pas de femmes.

10 M. Harmon (interprétation). – Qui pensez-vous qui avait mis ces

11 photos là ?

12 M. Rutten (interprétation). - Je crois que c’étaient les homme

13 serbes de Bosnie qui se trouvaient autour et qui se trouvaient dans

14 l’autre partie de la maison.

15 M. Harmon (interprétation). - Pour apporter une clarification,

16 vous avez dit, à un moment donné, avoir essayé de pénétrer dans une salle

17 d'interrogatoire, et qu'une arme était pointée sur votre visage. Pourriez-

18 vous décrire l’homme qui a fait ce geste ? Que portait-il ?

19 M. Rutten (interprétation). – C’était un soldat serbe de Bosnie,

20 il était vêtu d'un uniforme vert de camouflage.

21 M. Harmon (interprétation). - Après avoir quitté la maison

22 blanche, capitaine Rutten, où êtes-vous allé ?

23 M. Rutten (interprétation). - Après avoir quitté la maison

24 blanche, nous nous sommes dirigés vers le barrage routier. Il y avait

25 4 blindés de transport de troupes. C'est à ce moment-là que j'ai parlé à

Page 2139

1 un interprète local, un de nos interprètes ; c'était un Musulman qui

2 vivait dans l'enclave. Son nom était Admir.

3 Il nous a dit qu'il avait entendu des rumeurs de la part des

4 réfugiés, que des hommes avaient été tués près d'un puits, près de la

5 route sur le côté Budak de la route.

6 J'ai demandé à mon collègue qui était en charge -c'était le

7 lieutenant Koster-, qu'il fallait peut-être aller voir ce qui s'était

8 passé parce que des choses s'étaient passées sous nos yeux, et nous

9 n'avions pas entendu parler de cela auparavant. Nous n'avions pas vu ce

10 qui s'était passé.

11 Je me suis dirigé avec le lieutenant Koster et le sergent-major

12 Srike. Nous avons pénétré la bloquade parce qu'il y avait 4 blindés de

13 transports de troupes, puisque le...

14 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de vous interrompre

15 juste un instant. Ce sera peut-être plus facile de montrer sur la pièce à

16 conviction que je vais vous montrer. Pourrait-on, s'il vous plaît, montrer

17 au témoin la pièce de l'accusation cotée 5/3 ?

18 Pourriez-vous nous montrer à l'aide de cette pièce l'endroit où

19 vous avez commencé... où se trouvait la bloquade et où vous êtes allé ?

20 M. Rutten (interprétation). - Bien. Vous pouvez voir, ici, que

21 le barrage routier était fait juste ici. C'est là que se trouvaient les

22 quatre blindés de transports de troupes.

23 M. Harmon (interprétation). - Indiquant les lignes jaunes ? En

24 fait, de l'autre côté de la ligne jaune il y avait un cercle ovale où l'on

25 avait trouvé les corps ?

Page 2140

1 M. Rutten (interprétation). - Oui. Nous nous sommes dirigés en

2 direction des lignes jaunes. Nous avons tourné à droite sur la route. Il y

3 a un chemin de terre battue. C'est là que nous avons vu un homme courir

4 qui provenait de la direction d'une de ces maisons. J'ai essayé de lui

5 parler mais il a couru, il s'est sauvé.

6 Par la suite, un peu plus loin, j'ai vu une femme. Je lui ai

7 demandé si elle avait entendu quelque chose. Elle avait entendu des

8 rumeurs : il y aurait eu des hommes près d'un puits ou quelque chose de ce

9 genre. Je connais quelques mots que j'avais appris pendant mes fonctions

10 de patrouilleur.

11 Elle a montré du doigt, plus loin, vers la route. Elle nous a

12 montré à l'aide d'un geste qu'il y avait eu un égorgement, ou qu'il y

13 avait eu des corps tués. Donc nous avons parcouru notre chemin. Nous avons

14 monté la route. Il y avait plusieurs buissons. C'est à cet endroit-ci que

15 nous avons vu un petit ruisseau derrière la maison. Il y a un pré se

16 trouvant juste ici, derrière.

17 Lorsque nous avons vu le pré, c'est à ce moment-là que nous

18 avons également pu observer, le long du ruisseau, des corps d'hommes par

19 terre. Lorsque nous avons pénétré à l'intérieur du pré, nous avons vu que

20 des hommes ont été tués. J'ai jeté un coup d'oeil sur tous les hommes qui

21 se trouvaient par terre. J'ai inspecté la scène.

22 Il y avait des hommes portant des vêtements civils. Il y avait

23 9 corps. Ils étaient tous couchés le visage vers le sol, ou en fait vers

24 le ruisseau. Deux d'entre eux étaient couchés sur le côté, et les autres

25 étaient couchés avec le visage faisant face au ruisseau.

Page 2141

1 Ils avaient tous des impacts de balle à l'arrière, au dos,

2 c'étaient des tirs provenant de petit calibre. Ces hommes étaient tous

3 âgés de 45 à 55 ans. Le sang jaillissait encore de leur corps. Il n'y

4 avait pas encore de mouches autour d'eux, quoique la journée était très

5 chaude. Il faisait très chaud ce jour-là. Donc on pouvait très bien

6 conclure que cela ne faisait pas longtemps qu'ils avaient été tués.

7 Alors, j'ai dit au sergent-major de ramasser les cartes

8 d'idendité qui se trouvaient sur le pré, dans l'herbe, devant les

9 réfugiés. J'ai pris une photographie ; une photo avec mon collègue

10 accroupi à côté des cadavres. J'ai pris une autre photo de la vue

11 d'ensemble des 9 hommes qui se trouvaient là, le long du ruisseau.

12 C'est à ce moment-là que nous avons été victimes de coups de

13 feu. On nous tirait dessus, donc on ne pouvait plus rester là. Lorsque les

14 coups de feu ont commencé, après le premier tir, j'ai vu une femme qui

15 courait des maisons se trouvant juste ici, entre les buissons. Elle était

16 pourchassée par un soldat serbe de Bosnie.

17 A ce moment-là, j'ai demandé au sergent-major de laisser tomber

18 toutes les cartes d'identité qu'il avait sur lui, qu'il avait ramassées,

19 et je lui ai dit de quitter. Le lieutenant Koster a dit que les coups de

20 feu provenaient de très près et qu'il fallait absolument quitter

21 immédiatement.

22 C'est à ce moment-là que nous sommes retournés sur le chemin de

23 terre battue. Nous avons suivi la route de Potocari à Srebrenica. Nous

24 avons essayé de retourner. Rendus à la bloquade, nous avons pris deux

25 brancards pour que l'on puisse prétendre aider des réfugiés. Nous sommes

Page 2142

1 retournés à la bloquade du côté néerlandais.

2 Peu de temps après, je crois que c'était 5 à 10 minutes plus

3 tard, j'ai parlé au lieutenant-colonel Karremans. Je lui ai dit que

4 j'avais trouvé 9 corps et que j'avais pris une photo de ces corps. J'ai

5 dit qu'il apparaissait très clair qu'effectivement les hommes avaient été

6 assassinés, que l'on tuait les hommes musulmans.

7 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais simplement clarifier

8 quelque chose pour le compte rendu d'audience. Dans le témoignage du

9 capitaine Rutten, il a indiqué qu'en montant la route et avant de trouver

10 les corps, il a vu un homme courir de la maison.

11 Donc pour le compte rendu, le capitaine Rutten a montré, à

12 l'aide du pointeur, 3 maisons qui se trouvent au-dessus de la ligne jaune,

13 qui se trouvent au centre de la photo. C'est à partir de cet endroit qu'il

14 a dit avoir vu l'homme courir de la maison.

15 Il a dit également que la femme qui se trouvait tout près du

16 puits, qui lui a montré l'endroit où elle pensait que les corps se

17 trouvaient, qui a montré à l'aide du doigt que les hommes avaient été

18 égorgés ; lorsque le capitaine a témoigné à cet effet qu'il a vu une femme

19 sortir d'une maison tout près des arbres, il se référait à un emplacement

20 qui se trouvait dans les arbres, légèrement à gauche du cercle ovale.

21 C'est juste avant de sortir sur la route qui mène à Bratunac et Potocari.

22 Je voulais simplement apporter une clarification pour le compte

23 rendu d'audience.

24 Maintenant, j'aimerais vous poser quelques autres questions

25 concernant ce que vous avez pu remarquer.

Page 2143

1 Vous avez touché ces corps, n'est-ce pas ?

2 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est exact.

3 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les corps étaient

4 froids ou chauds ?

5 M. Rutten (interprétation). - Non, ils étaient encore chauds.

6 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des hommes

7 parmi les neuf corps que vous avez vus ?

8 M. Rutten (interprétation). - Non, il n'y avait pas de garçons.

9 M. Harmon (interprétation). - Les hommes que vous avez vus, les

10 cadavres que vous avez vus étaient-ils blessés à la tête ?

11 M. Rutten (interprétation). - Non, ils étaient blessés au dos.

12 M. Harmon (interprétation). - Permettez-moi de placer sur le

13 rétroprojecteur la pièce de l'accusation cotée 82.

14 Capitaine, c'est une zone dont vous êtes familier, vous aviez

15 patrouillé dans cette zone-là, n’est-ce pas ?

16 M. Rutten (interprétation). - C'est exact. C'est un terrain que

17 je connais bien.

18 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, est-ce que vous savez

19 que d'autres collègues, d'autres soldats néerlandais ont trouvé des corps

20 dans la même région ?

21 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est exact.

22 M. Harmon (interprétation). - L'un de ces collègues est

23 nommé Osterveen ?

24 M. Rutten (interprétation). – Oui, c'est exact.

25 M. Harmon (interprétation). - Le diagramme qui se trouve ici,

Page 2144

1 c'est un diagramme que vous avez préparé ou écrit vous-même, dessiné vous-

2 même ?

3 M. Rutten (interprétation). - Oui.

4 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous montrer au Tribunal,

5 en vous servant du pointeur, quel est le chemin que vous avez pris et qui

6 était indiqué sur la pièce à conviction précédente ? Pouvez-vous nous

7 montrer l'endroit où vous avez trouvé les corps que vous avez trouvés, en

8 vous aidant à l'aide du pointeur ?

9 M. Rutten (interprétation). - Voici la route que j’ai empruntée.

10 J'ai monté ici, voici le pré dont j'ai parlé. C'est juste là que j'ai

11 placé 9 traits, et c'est là que j'ai trouvé les 9 corps.

12 M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu, il y a un

13 rectangle au-dessus du diagramme, et il y a 9 lignes parallèles qui

14 représentent la zone dont se réfère le capitaine Rutten, et donc la route

15 que le capitaine a empruntée qui se trouve sur la pièce à conviction 82.

16 C’est la route qui commence à droite du rectangle et qui se dirige

17 directement vers le bas, et qui passe de gauche à droite de la page.

18 Capitaine, était-ce le lieutenant Stering qui a découvert les

19 autres corps ?

20 M. Rutten (interprétation). - Non, c'était un officier qui

21 s'appelait Osterveen, un officier de grade supérieur. Juste ici, il y

22 avait également un petit ruisseau. Quand il pleuvait, il formait un petit

23 ruisseau. Nous sommes montés par ici, et c’est cet endroit-là qu'il a pris

24 sa photo. Osterveen était sous-officier, donc il n'était pas aussi souvent

25 à l'extérieur que nous. Et donc, les autres corps -je les appelle ainsi-

Page 2145

1 dont j'ai parlé, se trouvant sur le pré, le long du ruisseau qui coule du

2 nord vers le sud, il y avait de l'eau derrière la maison. Cet autre petit

3 ruisseau n'était rempli d'eau que lorsqu'il pleuvait.

4 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, j'aimerais vous poser

5 la question suivante. En fait, pour le compte rendu, le chemin qu’indique

6 le capitaine Rutten, sur la pièce 82, est le petit chemin qui descend sous

7 l’indication Pat Osterveen, et la route qu'avait empruntée l'officier

8 Osterveen coupe encore une fois la route principale.

9 Maintenant, j'aimerais que l'on montre au témoin la pièce à

10 conviction 5/3A.

11 M. le Président (interprétation) - Monsieur Harmon, croyez vous

12 qu'à 11 heures, on pourrait prendre une pause ?

13 M. Harmon (interprétation). - Oui.

14 Voici un diagramme, Monsieur le Président et Madame le Juge, qui

15 a été montré au témoin F. Nous voyons la zone en ovale sur la pièce à

16 conviction 5/3A. Cette zone tracée en ovale, est-ce le même endroit où

17 vous avez trouvé les corps ou est-ce un autre endroit ?

18 M. Rutten (interprétation). - D'après moi, si on regarde sur la

19 carte, c'est une autre zone, un autre endroit. Sur le dessin que vous

20 venez juste de voir, on voit clairement que c'est le chemin que j'ai

21 dessiné.

22 M. Harmon (interprétation). – C’est donc la route empruntée par

23 Osterveen ?

24 M. Rutten (interprétation). – Oui, c'est exact. C’est la route

25 d’Osterveen jusqu’ici et, moi, je me suis dirigé juste là, en voyant les

Page 2146

1 blindés transports de troupes. Je me suis dirigé ici, et j’ai pris le

2 chemin un peu plus large, ici, et je me suis dirigé un peu plus loin, vers

3 le pré qui se trouve juste ici, derrière la maison. C'est là que se trouve

4 cette maison. C'est la maison derrière laquelle se trouve un petit

5 ruisseau avec un puits.

6 M. Harmon (interprétation). – Capitaine Rutten, est-ce que vous

7 concluez que les corps que vous avez vus sont différents des corps

8 identifiés et vus par Osterveen ?

9 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est exact.

10 M. Harmon (interprétation). – Monsieur le Président, je crois

11 que c'est peut-être le moment opportun pour faire une pause.

12 M. le Président (interprétation) - Oui, nous allons revenir dans

13 vingt minutes.

14 (L'audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 20.)

15 M. le Président (interprétation). - Monsieur Harmon, vous pouvez

16 poursuivre.

17 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Président,

18 Monsieur le Juge.

19 Capitaine Rutten, avant la pause je vous interrogeais au sujet

20 de la découverte d'un certain nombre de cadavres, et vous avez dit dans

21 votre déposition qu'après avoir découvert ces cadavres vous avez trouvé

22 une civière et que vous êtes retourné dans l'enceinte de la base, si je ne

23 m'abuse, n'est-ce pas ?

24 M. Rutten (interprétation). - Non, nous ne sommes pas allés

25 directement dans l'enceinte de la base. J'ai d'abord, quelques minutes

Page 2147

1 plus tard, rencontré le lieutenant-colonel Karremans à qui j'ai parlé. Je

2 lui ai dit que j'avais découvert 9 cadavres dans le pré et que je les

3 avais photographiés. Lui m'a dit qu'il allait transmettre un rapport au

4 niveau supérieur.

5 Et à partir de ce moment-là nous ne nous sommes pas dirigés

6 directement vers la base, mais nous sommes restés quelques temps au

7 barrage, là où se trouvaient nos blindés transports de troupes. J'ai

8 essayé de prendre quelques photos à l'arrière des blindés pour avoir une

9 illustration de ce que faisaient les Serbes et de ce que nous faisions

10 également.

11 A travers l'objectif de mon appareil photo, j'ai vu quelque

12 chose qui avait l'air de très mauvais présage. En effet, l'un de nos

13 lieutenants et l'un de nos soldats étaient, en fait, en train d'aider à la

14 déportation des Musulmans. Ils s'efforçaient de faire de leur mieux pour

15 aider les réfugiés, bien entendu, mais cette scène vue par l'objectif d'un

16 appareil photo risquait de ne pas produire une très bonne impression de ce

17 que faisaient les Nations Unies à cet endroit.

18 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, les photographies que

19 vous avez prises des cadavres et la photographie que vous avez prise dans

20 la maison blanche ont-elles été développées ou bien ces photos n'ont-elles

21 jamais été développées car quelque chose s'est produit en cours de

22 développement ?

23 M. Rutten (interprétation). - J'ai conservé la pellicule sur moi

24 jusqu'à mon retour aux Pays-Bas, c'est-à-dire après le 21 juillet 1995.

25 Deux jours plus tard ou un jour plus tard... En fait, je suis arrivé chez

Page 2148

1 moi le 23 et, ce jour-là, un représentant des services de renseignements

2 de l'armée est venu me voir et m'a demandé cette pellicule. Je l'ai

3 remise, cette pellicule, en pensant qu'elle allait être développée.

4 M. Harmon (interprétation). - Mais par la suite on vous a

5 informé que quelque chose s'était produit au cours du développement et que

6 la pellicule n'avait pas été développée ?

7 M. Rutten (interprétation). - C'est exact.

8 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais, si vous le voulez

9 bien, que nous nous concentrions à présent sur la série d'événements

10 suivante à laquelle vous avez participé, à savoir l'escorte donnée aux

11 autobus. Pouvez-vous dire aux Juges quel ordre vous avez reçu et ce que

12 vous avez fait pour l'exécuter ?

13 M. Rutten (interprétation). - Ce jour-là, j'ai reçu un ordre

14 provenant du commandant de ma compagnie qui me demandait d'escorter les

15 derniers autobus qui quittaient l'enclave. Mon chauffeur et moi-même nous

16 nous sommes préparés à cette tâche. Nous avons fait avancer la Jeep que

17 nous avions jusqu'à l'entrée pour attendre le départ des derniers

18 réfugiés.

19 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites que vous avez

20 placé la Jeep devant l'entrée, vous parlez de l'entrée de la base des

21 Nations Unies ?

22 M. Rutten (interprétation). - Oui, je parle de l'entrée de la

23 base des Nations Unies.

24 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous attendiez pour

25 escorter les autobus, avez-vous eu la possibilité de retourner dans la

Page 2149

1 maison blanche ?

2 M. Rutten (interprétation). - Alors que nous attendions le

3 départ des derniers autobus, j'ai dit à mon chauffeur qu'il serait bon que

4 je lui montre ce qui se passait dans la maison blanche de façon à

5 multiplier le nombre des témoins ayant vu ce qui se passait à cet endroit.

6 Il m'a donc accompagné. Nous nous sommes dirigés vers la maison

7 blanche et, à ce moment-là, devant la maison blanche, il y avait un énorme

8 tas d'objets personnels appartenant aux réfugiés. Et le nombre des

9 passeports et des pièces d'identité jetés au sol avait considérablement

10 grandi également.

11 Nous sommes allés du côté du bâtiment qui était vide le matin,

12 et nous y avons vu deux soldats serbes de Bosnie, et sur les marches de

13 l'escalier était regroupée une foule d'hommes musulmans. Au moment où je

14 suis apparu au coin du bâtiment, les soldats m'ont regardé et ils

15 pointaient une arme sur les Musulmans. Ils exigeaient de ces Musulmans

16 qu'ils leur donnent les marks allemands ou l'argent, ou d'autres objets

17 qu'ils avaient sur eux.

18 Les soldats se sont donc arrêtés au moment où je suis arrivé.

19 Moi, j'ai contourné la maison pour arriver devant la maison. Là, il y

20 avait un balcon qui était également rempli de réfugiés, tous des hommes et

21 des jeunes gens.

22 Nous sommes ensuite allés de l'autre côté de la maison. Je n'ai

23 pas pu pénétrer à l'intérieur car il y avait de très nombreux soldats

24 serbes de Bosnie tout autour, et je crois qu'à ce moment-là on peut parler

25 de 300 hommes enfermés à l'intérieur de la maison et sur le balcon. La

Page 2150

1 maison était absolument comble.

2 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire l'état de ces

3 hommes ?

4 M. Rutten (interprétation). - De l'endroit où nous nous

5 trouvions, près de l'escalier, nous avons pu constater la terreur la plus

6 complète sur leur visage, et je ne sais pas si c'était effectivement le

7 cas dans la réalité, mais on pouvait sentir la mort à cet endroit car la

8 terreur était si totale, on la voyait à tel point sur les visages des

9 hommes et des jeunes gens, que cela sentait la mort.

10 Ensuite nous avons fait le tour du bâtiment pour voir d'un peu

11 plus près ce qui passait et nous avons vu un nombre si important de

12 réfugiés que nous nous sommes dit l'un à l'autre : "Il faudra bien qu'ils

13 partent d'ici ! Il n'y a pas moyen qu'ils restent dans cette maison." J'ai

14 parlé à deux soldats néerlandais qui étaient tout de même encore postés

15 devant la maison, je leur ai dit : "Ecoutez, la maison est totalement

16 comble". Ils l'ont confirmé. Ensuite, nous sommes retournés vers l'entrée,

17 et j'ai parlé à deux hommes, un commandant néerlandais et un homme qui

18 s'appelait Varend et qui était là également.

19 Nous nous sommes dit qu'il fallait faire quelque chose pour

20 faire sortir ces hommes de la maison, qu'il était impossible de les

21 maintenir à l'intérieur, qu'il fallait parler aux Serbes de Bosnie qui les

22 avaient enfermés dans cette maison pour voir s'il était possible de les

23 faire partir en autobus ou d'une autre façon, car il était véritablement

24 impossible qu'ils restent dans cette maison.

25 Finalement, le commandant Kingori et Rave sont allés dans la

Page 2151

1 maison blanche. Ils sont allé parler aux Serbes de Bosnie, et un peu plus

2 tard un autobus est arrivé, suivi de plusieurs autres. Ils ont évacué ces

3 hommes. Mais nous n'avons pas pu les escorter puisqu'il nous fallait

4 attendre le départ du dernier autobus, notre mission consistant à escorter

5 ces derniers autobus.

6 Nous avons donc dû rester sur place et personne d'autre n'a pu

7 escorter les autobus dans lesquels les hommes sont montés puisque les

8 Jeeps et les soldats qui escortaient les autobus étaient le plus souvent

9 rejetés hors du convoi, les chauffeurs étant forcés de descendre de leur

10 véhicule et les Jeeps étant saisies, confisquées.

11 Donc si nous continuions à insister pour escorter les autobus,

12 nous risquions fort de nous retrouver sans une seule Jeep. Et il n'aurait

13 pas été très utile de poursuivre ce travail pour se retrouver un jour ou

14 deux plus tard à l'intérieur de l'enceinte sans le moins véhicule. Cela

15 eût été le signe d'un échec total de ce travail.

16 M. Harmon (interprétation). - Capitaine, lorsque vous avez

17 contourné la maison blanche et que vous avez vu des soldats serbes de

18 Bosnie qui dépouillaient les Musulmans de leur marks allemands, quelle

19 était la tenue vestimentaire de ces soldats ?

20 M. Rutten (interprétation). - Ils portaient l'uniforme de

21 camouflage vert de l'armée des Serbes de Bosnie.

22 M. Harmon (interprétation). - J'aimerais à présent que l'on

23 montre au témoin la pièce à conviction de l'accusation 28/8.1 et qu'on la

24 place sur le rétroprojecteur, je vous prie.

25 Vous avez déjà vu cette photographie, Capitaine Rutten ? Dès

Page 2152

1 qu'elle sera placée sur le rétroprojecteur...

2 (L'huissier s'exécute.)

3 ... je vous poserai ma question suivante que voici : au cours de

4 votre deuxième visite dans la maison blanche, y avez-vous vu un homme que

5 vous avez reconnu sur la pièce à conviction de l'accusation 28/8.1 ?

6 M. Rutten (interprétation). - C'est l'homme que je vois, ici. Il

7 était dans la maison blanche.

8 M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu d'audience,

9 le témoin a indiqué l'homme qui porte un tee-shirt brun, qui se trouve à

10 gauche de la pièce à conviction 28/8.1.

11 Qu'avez-vous vu faire à cet homme, à ce moment-là ?

12 M. Rutten (interprétation). - Il parlait aux soldats de l'armée

13 serbe de Bosnie. Il ne m'avait pas l'air d'être un simple soldat parce

14 qu'il parlait à tous les hommes qui se trouvaient autour, pas seulement

15 aux soldats serbes de Bosnie, mais également aux hommes âgés -de la

16 population serbe de Bosnie des environs- qui arrivaient en voiture devant

17 la maison.

18 Ces voitures étaient des voitures particulières dans lesquelles

19 se trouvaient parfois des soldats qui portaient un uniforme différent,

20 leur uniforme était noir. Et il parlait aussi à ces hommes.

21 Certaines de ces voitures venaient de Srebrenica, de la ville de

22 Srebrenica, pour s'arrêter devant la maison blanche. A ce moment-là, il

23 parlait aux hommes qui se trouvaient à l'intérieur du véhicule. D'autres

24 voitures venaient de Potocari. Elles s'arrêtaient également devant la

25 maison blanche, et ils parlaient également aux hommes qui se trouvaient à

Page 2153

1 l'intérieur. Puis, les voitures repartaient vers Srebrenica.

2 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous jamais vu pénétrer à

3 l'intérieur de la maison blanche ces hommes portant des uniformes noirs ?

4 M. Rutten (interprétation). - Non, ils n'ont pas pénétré dans la

5 maison blanche.

6 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire les soldats,

7 leur tenue vestimentaire ? Je parle plus précisément de ceux qui ont

8 pénétré dans la maison blanche ou qui circulaient aux alentours, aux

9 abords de la maison blanche.

10 M. Rutten (interprétation). - Ceux qui étaient à l'intérieur, et

11 aux abords de la maison blanche, étaient tous des soldats de l'armée serbe

12 de Bosnie et portaient l'uniforme de camouflage vert.

13 M. Harmon (interprétation). - Combien de temps avez-vous observé

14 l'homme que vous voyez, sur la pièce à conviction de l'accusation 28/8.1,

15 devant la maison blanche ?

16 M. Rutten (interprétation). - C'est difficile à préciser, mais

17 je pense pouvoir parler de 15 à 20 minutes.

18 M. Harmon (interprétation). - A un certain moment, Capitaine

19 Rutten, avez-vous quitté la maison blanche et avez-vous commencé à

20 escorter les autobus ?

21 M. Rutten (interprétation). - Oui. Plus tard, lorsqu'il est

22 apparu manifestement que les derniers autobus étaient pleins, nous nous

23 sommes dits qu'escorter ces autobus n'étaient pas très utile. J'ai demandé

24 à un de mes collègues, dans la salle des opérations, s'il pouvait être bon

25 d'essayer tout de même d'escorter les derniers autobus. J'ai obtenu son

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1 accord.

2 Je me suis donc rapidement dirigé vers la tête du convoi, en

3 voiture. Les premiers autobus étaient en train de démarrer. Lorsque nous

4 sommes arrivés à la tête du convoi, nous avons vu dans notre rétroviseur

5 -en tout cas le chauffeur l'a vu le premier- une voiture particulière qui

6 arrivait derrière nous et qui contenait 3 soldats serbes de Bosnie.

7 J'ai dit à mon chauffeur, avant d'attendre qu'il n'arrive quoi

8 que ce soit, parce que je craignais que l'on essaie de nous arrêter, je

9 lui ai dit : "Fais demi-tour. Ce n'est pas la peine d'essayer d'escorter

10 cet autobus".

11 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Rutten, avez-vous pris

12 la direction de Bratunac avec ces autobus ?

13 M. Rutten (interprétation). - Non, nous ne sommes pas arrivés

14 jusqu'à Bratunac.

15 M. Harmon (interprétation). - Mais vous avez pris le chemin de

16 Bratunac et de Potocari, n'est-ce pas ?.

17 M. Rutten (interprétation). - J'avais pris la direction de

18 Bratunac, ce qui était également la direction de l'entrée de l'enclave,

19 c'est-à-dire le chemin menant plus ou moins au poste d'observation Papa.

20 M. Harmon (interprétation). - D'où venait la voiture

21 particulière ?

22 M. Rutten (interprétation). - D'une des petites pistes, d'un des

23 petits chemins de terre qui croisaient la route et qui longeaient les

24 prés. Et la voiture est arrivée de cet endroit, derrière nous.

25 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous identifier ou décrire

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1 les gens qui étaient à bord de cette voiture ?

2 M. Rutten (interprétation). - Ils étaient tous soldats serbes de

3 Bosnie, et portaient tous l'uniforme de camouflage vert.

4 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

5 M. Rutten (interprétation). - Une autre voiture est arrivée,

6 latéralement, sur la route et a bloqué notre chemin. Il y avait deux

7 soldats à bord. Nous ne pouvions plus avancer. Ils ont pointé leurs armes

8 sur nous.

9 A ce moment-là, j'ai dit à mon chauffeur, je lui ai fait signe

10 de la main pour lui indiquer qu'il convenait de faire demi-tour et de

11 retourner d'où nous venions. Nous sommes donc retournés en longeant les

12 autobus jusqu'au poste d'observation Papa, puisqu'il n'était pas très

13 utile de se faire enlever la voiture ; ce qui aurait réduit à néant notre

14 mission.

15 M. Harmon (interprétation). - Pouvez-vous décrire les soldats

16 qui ont bloqué votre véhicule en tête de convoi ?

17 M. Rutten (interprétation). - Elle était également conduite par

18 des soldats serbes de Bosnie.

19 M. Harmon (interprétation). - Une fois que vous avez fait ce

20 demi tour, est-il resté quelqu'un pour escorter les autobus du convoi ?

21 M. Rutten (interprétation). - Non, plus personne.

22 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous ce qu'il est advenu de

23 ce convoi particulier ?

24 M. Rutten (interprétation). - Je n'en suis pas trop sûr. Je sais

25 qu'il a pris le chemin de Kladanj, mais je ne sais pas s'il y est arrivé.

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1 M. Harmon (interprétation). - A quelle distance de Potocari tous

2 ces événements que vous venez de décrire se sont-ils déroulés ?

3 M. Rutten (interprétation). - A un kilomètre, un kilomètre et

4 demi de Potocari.

5 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous atteint le poste

6 d'observation Papa ?

7 M. Rutten (interprétation). - Non.

8 M. Harmon (interprétation). - Vous est-il apparu que ce qui vous

9 était arrivé faisait partie de quelque chose d'organisé ?

10 M. Rutten (interprétation). - Je pense que cette action était

11 très organisée, car le fait de n'avoir personne à bord des autobus, de

12 n'avoir aucun véhicule des Nations Unies autour des autobus, faisait que

13 nous n'avions pas la possibilité d'assurer la route menant à Kladanj. Il

14 nous était impossible de savoir ce qu'il advenait des réfugiés à bord des

15 autobus.

16 M. Harmon (interprétation). - Je crois comprendre qu'après cela

17 vous êtes retourné à la base des Nations Unies ?

18 M. Rutten (interprétation). - Oui, en effet. Et au moment où je

19 suis arrivé à l'entrée, le commandant d'état-major Koj m'a dit qu'il

20 fallait que j'accompagne des membres du service militaire avec des camions

21 jusqu'à Srebrenica pour essayer de recueillir les dernières personnes qui

22 y étaient encore, ou qui peut-être se trouvaient sur la route. Et nous

23 devions les placer à bord des derniers autobus et des derniers camions,

24 qui se tenaient sur la route attendant les derniers réfugiés.

25 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous exécuté ces ordres ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Oui. J'ai pris la route de

2 Srebrenica à bord d'un camion. J'ai accompagné le camion.

3 M. Harmon (interprétation). - Mais vous étiez au volant de quel

4 véhicule ?

5 M. Rutten (interprétation). - D'une Jeep Mercedes.

6 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé ?

7 M. Rutten (interprétation). - Arrivé au niveau d'un virage, j'ai

8 d'abord vu quelques soldats. Nous nous sommes arrêtés. Il y avait deux

9 soldats qui étaient au bord de la route. Je leur ai parlé. C'étaient des

10 soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui ne portaient pas d'armes,

11 mais qui venaient certainement de la maison que l'on voyait sur la

12 colline, et où les autres soldats se trouvaient ; ils étaient au moins 10.

13 M. Harmon (interprétation). - Les connaissiez-vous ces 10 hommes

14 dans le cadre de vos patrouilles ?

15 M. Rutten (interprétation). - Oui, j'en connaissais quelques-

16 uns.

17 M. Harmon (interprétation). - Très bien.

18 M. Rutten (interprétation). - Je suis sorti de la voiture, j'ai

19 parlé à ces hommes. Je leur ai dit qu'il ne fallait pas qu'ils aillent à

20 Srebrenica ni à Potocari, parce que cela présentait un risque énorme pour

21 eux d'aller à Potocari ; c'et ce que je leur ai dit. Je leur ai dit qu'il

22 serait préférable pour eux de quitter l'enclave, et que le chemin le moins

23 risqué était sans doute de passer par la forêt puisqu'il y avait beaucoup

24 d'arbres ; cela leur donnait une véritable chance d'atteindre le

25 territoire musulman.

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1 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé ensuite ?

2 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, nous sommes rentrés dans

3 notre voiture. J'ai pris les quelques paquets de nourriture que nous

4 avions dans la voiture, je les leur ai donnés parce que traverser par les

5 bois pour aller à Kladanj à partir de la base, cela signifie un long

6 voyage.

7 Et puis nous avons poursuivi notre chemin et, quelques centaines

8 de mètres plus loin, j'ai été de nouveau arrêté par les soldats de l'armée

9 serbe de Bosnie qui ont pointé leurs armes sur moi. Ils étaient très

10 énervés, ils ont fait sortir le chauffeur. Ils m'ont donné, à moi aussi,

11 l'ordre de sortir de la Jeep. Le sergent qui était derrière dans la Jeep a

12 envoyé son dernier message par radio et a changé de fréquence, parce que

13 nous savions que notre Jeep allait être confisquée. C'est d'ailleurs ce

14 qui a été le cas.

15 Et nous avons décidé que nous allions expliquer notre mission,

16 c'est-à-dire leur dire que nous étions censés recueillir des personnes

17 âgées, etc.

18 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous poursuivi dans la

19 direction de Srebrenica avec le camion ?

20 M. Rutten (interprétation). - Oui.

21 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu quelque chose

22 d'inhabituel, alors que vous rouliez vers Srebrenica ?

23 M. Rutten (interprétation). - Sur la route régnait le chaos le

24 plus total, mais quand nous sommes arrivés à côté du terrain de football,

25 j’ai vu tout près de la colline, c'est-à-dire assez loin, des soldats

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1 serbes de l'armée de Bosnie en uniforme de camouflage et des civils, mais

2 il y avait aussi des soldats serbes de Bosnie qui m’ont fait signe de

3 circuler, de ne pas m'arrêter.

4 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous fini par arriver dans la

5 base de la Compagnie Bravo des Nations Unies ?

6 M. Rutten (interprétation). – Oui, nous avons été arrêtés à

7 plusieurs reprises par des hommes qui, chaque fois, nous demandaient toute

8 sorte de choses mais, finalement, nous sommes arrivés à la base de la

9 Compagnie Bravo qui, en tant que base, était très endommagée.

10 Les défenses avaient été démolies. Il y avait de très nombreux

11 soldats serbes de Bosnie qui avaient pénétré dans la base et pillé tout ce

12 qui s’y trouvait. Ils emportaient les objets ayant appartenu aux

13 Néerlandais et ils se sont même emparés des blindés transports de troupes

14 néerlandais. Ils ont donc emporté tout ce qu'ils pouvaient emporter, ils

15 ont nettoyé l'entrepôt où se trouvaient les armes et les équipements de

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils sont partis à bord des chars T 54 et

17 T 55 qui avaient également été regroupés dans la base de la Compagnie

18 Bravo des Nations Unies.

19 A un certain moment, j'ai parlé à un soldat serbe de Bosnie qui

20 m'est apparu comme un simple soldat. Je lui ai demandé s'il y avait dans

21 les environs des hommes, des femmes musulmans, des malades éventuellement

22 que j'aurais pu emmener avec moi et il m'a répondu : "Il y a un homme". Il

23 m'a escorté jusqu'à un certain endroit dans la base où on pouvait voir que

24 quelqu'un avait été allongé sur le sol, puisqu’on a trouvé une couverture,

25 mais l'homme en question n'était plus là.

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1 Nous sommes donc repartis et, au moment où nous repartions, nous

2 avons vu un Serbe de Bosnie en uniforme noir qui m'a dit : "Il y a

3 beaucoup de monde dans les maisons. Alors vous pouvez vous diriger vers

4 les maisons et emmener les gens qui se trouvent à l'extérieur, mais ne

5 pénétrez pas à l'intérieur des maisons".

6 Nous y sommes allés et nous avons vu un certain nombre de

7 vieillards autour des maisons. Les infirmiers se sont occupés d'eux,

8 certains étaient vraiment très âgés et ils ne voulaient pas quitter

9 l'enclave. Il ont dit que cela ne leur servirait à rien.

10 Alors que nous circulions dans Srebrenica, nous avons vu aussi

11 deux cadavres dans la rue. Ces cadavres étaient très gonflés, sans doute

12 en raison de la chaleur. Je crois pouvoir dire qu'ils avaient été abattus

13 par balle.

14 Nous avons continué notre chemin et, devant un grand magasin, un

15 supermarché, de Srebrenica, nous avons vu un homme serbe de Bosnie à qui

16 nous avons parlé. Il m'a dit : "Ne vous inquiétez pas. Dans une semaine,

17 vous serez de retour aux Pays-Bas et vous pourrez tout oublier".

18 M. Harmon (interprétation). – Merci, Capitaine Rutten.

19 Monsieur le Juge Riad, j'en ai terminé avec mon interrogatoire

20 principal du capitaine Rutten.

21 M. le Président (interprétation). - Merci, monsieur Harmon.

22 Capitaine Rutten, vous allez à présent entendre les questions

23 que vous posera le conseil de la défense à qui je donne la parole.

24 Lequel d'entre vous va interroger le témoin, messieurs ? Est-ce

25 Maître Visnjic ?

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1 M. Visnjic (interprétation). – Oui, merci Monsieur le Juge.

2 Capitaine Rutten, dans votre déposition, en réponse aux

3 questions de l’interrogatoire principal, vous avez reconnu la personne que

4 l'on voit dans la pièce à conviction de l'accusation 28/4, qui est une

5 photographie.

6 Je demanderai à M. l'huissier de bien vouloir remettre cette

7 photographie sur le rétroprojecteur.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Pouvez-vous nous dire quand et où vous avez vu cette personne ?

10 M. Rutten (interprétation). - Oui, j'ai vu cet homme alors qu'il

11 accompagnait M. Mladic, quand il était devant la base le jeudi

12 13 juillet 1995.

13 M. Visnjic (interprétation). - Merci.

14 Capitaine Rutten, aviez-vous déjà vu le général Krstic, qui est

15 aujourd'hui assis ici dans ce prétoire ?

16 M. Rutten (interprétation). - Je l'ai vu avant le jour

17 d'aujourd'hui mais pas pendant mon séjour dans l'enclave.

18 M. Visnjic (interprétation). - Merci.

19 Avant de vous poser ma question suivante, j'aimerais faire

20 savoir aux Juges de cette Chambre que M. Harmon m'a appris que les

21 rapports du ministère des Affaires étrangères néerlandais relatifs à

22 Srebrenica, établis après des séances de debriefings, constituent des

23 documents publics. Donc je prendrai la liberté de les utiliser dans mon

24 contre-interrogatoire.

25 M. Harmon (interprétation). – Oui, j’allais évoquer cette

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1 question suite à l’interrogatoire, mais la pièce à conviction D1 a été

2 proposée pour versement au dossier par la défense à l'instant.

3 Je suis donc d'accord pour dire qu'il s'agit bien de documents

4 publics, nous n'avons donc pas d'objection au versement au dossier de la

5 pièce de la défense D1.

6 M. le Président (interprétation). - Merci, maître Harmon.

7 Maître Visnjic, vous pouvez poursuivre.

8 M. Visnjic (interprétation). – Monsieur le Juge, nous

9 utiliserons plusieurs extraits, de ce même rapport du ministère

10 néerlandais, au cours de notre interrogatoire du témoin.

11 Je demande à présent l'aide de l'huissier pour remettre ce

12 document au témoin.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Malheureusement, le texte est en serbo-croate. J'ai déjà donné

15 le texte écrit de ce document aux interprètes, donc j'espère qu'il n'y

16 aura pas de grandes difficultés d'interprétation.

17 Capitaine Rutten, entre le mois de janvier et le mois de

18 juillet 1995, pendant votre séjour dans l'enclave, avez-vous évalué les

19 effectifs de l'armée de Bosnie-Herzégovine et de l'armée des Serbes de

20 Bosnie, présentes sur ce territoire ?

21 M. Rutten (interprétation). - Je savais qu'il y avait la Brigade

22 de Bratunac, donc une brigade des Serbes de Bosnie dans le nord.

23 M. Visnjic (interprétation). - Pouvez-vous nous donner une

24 évaluation d'abord plus générale et ensuite nous rentrerons dans les

25 détails ? Avez-vous évalué, oui ou non, les effectifs des forces présentes

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1 de l'armée de Bosnie-Herzégovine et les forces de l'armée serbe de Bosnie

2 présentes dans le secteur ?

3 M. Rutten (interprétation). - Oui, nous avons établi cette

4 évaluation.

5 M. Visnjic (interprétation). - Merci. J'aimerais à présent vous

6 donner lecture du paragraphe 2.34 du rapport, après quoi je vous

7 demanderai votre commentaire. Je cite :

8 "Les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans l'enclave

9 étaient réparties en quatre brigades qui comprenaient au total 3 000 à

10 4 000 hommes. Leur armement se composait presque exclusivement d'armes

11 légères complétées par, entre autres, un nombre limité de mitrailleuses

12 lourdes, d'armes antichars et de mortiers.

13 En dépit du fait que le Bataillon néerlandais, en accord avec sa

14 mission, a tout fait pour désarmer l'armée de Bosnie-Herzégovine, le

15 bataillon n'y est parvenu que de façon limitée. Les troupes régulières de

16 l'armée de Bosnie-Herzégovine se sont renforcées grâce à l'apport de la

17 police locale. Les opérations étaient relativement imprévisibles car ces

18 unités n'avaient aucun entraînement et étaient assez peu disciplinées.

19 Les forces de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans l'enclave

20 menaient des actions systématiques. Après quoi, elles se sont retirées

21 dans le territoire protégé par les Nations Unies."

22 Capitaine, ce que l'on lit dans ce paragraphe 2.34 est-il

23 exact ?

24 M. Rutten (interprétation). - C'est partiellement exact car ce

25 nombre de soldats était probablement présent, mais on ne peut les

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1 qualifier de soldats en bonne et due forme puisque c'étaient en fait des

2 réfugiés -je parle des soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine-, donc il

3 s'agissait de réfugiés qui avaient été organisés en brigades par M. Oric.

4 Mais il n'est pas permis, me semble-t-il, de parler

5 véritablement d'une structure militaire, d'une armée, mais bien plutôt de

6 la création de groupes permanents de plusieurs centaines d'hommes, le

7 reste se composant de réfugiés à qui on avait donné l'ordre d'entrer dans

8 ce que certains appellent "l'armée de Bosnie-Herzégovine". Et cet ordre

9 avait été donné par M. Oric, donc ils y avaient été contraints.

10 Quant à estimer les effectifs de l'armée des Serbes de Bosnie,

11 c'était difficile pour nous parce que nous ne voyions pas ce qui se

12 passait de l'autre côté de la frontière de l'enclave.

13 M. Visnjic (interprétation). - Capitaine Rutten, excusez-moi de

14 vous interrompre, mais j'aimerais que nous parlions de cela dans quelques

15 instants. Je voudrais que nous parlions un peu plus longtemps de

16 l'évaluation des forces musulmanes, si vous le voulez bien. Mais j'ai

17 l'impression que M. Harmon a quelque chose à dire ?

18 La dernière phrase de ce paragraphe du ministère de la Défense

19 dit : "Les forces de l'armée de la Bosnie-Herzégovine ont mené des actions

20 systématiques après lesquelles ils se sont retournés, ils sont revenus, ou

21 se sont retirés plutôt sur le territoire protégé par les Nations Unies".

22 Est-ce exact ?

23 M. Rutten (interprétation). - Je ne peux pas vous dire avec

24 certitude si c'est exact ou non. Nous étions au courant, nous avions

25 entendu quelque chose dans ce sens-là. Plus tôt, le major Nikolic nous

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1 avait dit, de par notre équipe de négociations, quelque chose de

2 semblable. Mais nous-mêmes nous n'avions pas vérifié ces informations que

3 l'armée de la Bosnie-Herzégovine à l'extérieur de l'enclave avait des

4 raids.

5 En ce qui nous concerne, l'armée de la Bosnie-Herzégovine était

6 partiellement désarmée et les armes se trouvaient au point de

7 recueillement. Donc nous n'avions pas réussi à désarmer l'armée de la

8 Bosnie-Herzégovine.

9 Mais d'après ce que j'ai pu observer de l'armée de la Bosnie-

10 Herzégovine, je savais simplement qu'ils avaient des armes légères, des

11 mortiers légers. C'est tout ce que j'ai pu observer comme appartenant à

12 l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Ils avaient également quelques armes

13 antichars, et c'est à peu près tout. Ils n'avaient presque pas de

14 munitions puisque je me rappelle avoir parlé à plusieurs dirigeants de la

15 Bosnie-Herzégovine du Nord, de la partie nord et, pendant que je

16 patrouillais, je patrouillais régulièrement cet endroit, je n'ai jamais vu

17 pendant toute cette période, je n'ai jamais vu une quantité assez large de

18 munitions appartenant à l'armée de la Bosnie-Herzégovine.

19 M. Visnjic (interprétation). - Merci. Maintenant j'aimerais que

20 l'on parle du paragraphe suivant, j'aimerais demander à l'huissier de

21 montrer ce document au témoin.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 Il s'agit du paragraphe 2.35 du même document. Donc le

24 paragraphe 2.35 parle de l'évaluation des effectifs des Serbes de Bosnie

25 et dit : "La VRS a, inclusivement jusqu'en juin, avait trois bataillons

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1 qui appartenaient à trois brigades du Corps de la Drina réparties autour

2 de l'enclave. La force du bataillon était environ de 250 soldats. Les

3 unités étaient très bien munies, il y avait des tanks, des chars

4 d'artillerie et la partie qui se trouvait..."

5 "Les hommes du bataillon étaient au nombre approximatif de 250.

6 Ces forces étaient bien équipées, elles disposaient de chars, de blindés

7 transports de troupes, d'obus, de canons et de mortiers. Les hommes qui

8 faisaient partie de ces unités se composaient presque exclusivement de

9 Serbes de Bosnie, de réfugiés serbes de Bosnie qui vivaient auparavant

10 dans l'enclave.

11 Il n'est pas possible d'exclure la possibilité que ces unités

12 régulières de l'armée des Serbes de Bosnies aient été renforcées par la

13 police radicale. Le territoire longeant la frontière sud de l'enclave

14 n'était pas occupé par l'armée des Serbes de Bosnie, elle était protégée

15 par des patrouilles armées. La seule route sur ce territoire était bloquée

16 par des mines. L'armée des Serbes de Bosnie utilisait l'infanterie au

17 cours de ces quelques offensives, qui n'était pas d'une très grande

18 importance compte tenu de la pénurie en hommes. Les forces de l'armée de

19 Bosnie-Herzégovine avaient à leur disposition des armes lourdes. Les

20 opérations réalisées par les troupes de l'armée des Serbes de Bosnie

21 étaient destinées à établir le statu quo en protégeant la population serbe

22 de Bosnie de l'enclave contre les attaques de l'armée serbe de Bosnie-

23 Herzégovine qui étaient réalisées depuis l'extérieur de l'enclave".

24 M. Rutten (interprétation). – Oui, c'est exact.

25 M. Visnjic (interprétation). - Merci.

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1 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous pourriez

2 nous lire ce passage ?

3 M. Rutten (interprétation). – Vous voulez dire le passage 2.35 ?

4 Vous voulez dire jusqu'à : "..inclusivement au mois de juin,

5 l’armée de la Bosnie-Herzégovine avait trois ou quatre bataillons

6 appartenant au Corps de la Drina positionné autour de l'enclave". Les

7 effectifs moyens de ces bataillons étaient de 250 hommes. Les unités

8 étaient relativement bien équipées, elles disposaient de chars, de

9 blindés, de pièces d’artillerie, de mortiers. Ces unités étaient

10 constituées principalement de réfugiés serbes de Bosnie qui, auparavant,

11 vivaient à l’intérieur de l'enclave. Il n'est pas exclu que des membres

12 des unités régulières aient été renforcées par la police radicale.

13 Le secteur situé le long de la frontière sud de l'enclave

14 n'était pas occupé par l'armée des Serbes de Bosnie mais gardé par des

15 patrouilles militaires. La principale route de la région du secteur était

16 fermée par des mines. Une pénurie structurelle d'infanterie entraînait

17 l’impossibilité pour l'armée des Serbes de Bosnie de lancer autre chose

18 que des offensives mineures d'infanterie.

19 La force de l'armée des Serbes de Bosnie résidait dans le fait

20 qu’elle disposait d’armes lourdes. Les opérations des troupes de l’armée

21 des Serbes de Bosnie autour de l’enclave avaient pour but de maintenir le

22 statu quo et de protéger la population serbe de Bosnie dans l’enclave

23 contre les attaques de l'armée de Bosnie-Herzégovine provenant de

24 l'extérieur de l'enclave".

25 A relire le texte, je me rends compte -je parle du texte de ce

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1 rapport- qu'il est exact qu'il y avait quelques Serbes de Bosnie qui

2 vivaient aux alentours de l'enclave et dans l'enclave avant que nous n'y

3 arrivions. A la fin du mois de juin, depuis notre poste d’observation,

4 nous avons vu des mouvements réguliers de soldats de l'armée des Serbes de

5 Bosnie qui étaient bien équipés -comme on le dit dans le rapport- et qui

6 avaient davantage d'infanterie à leur disposition qu'on ne le lit dans le

7 rapport. Et à la fin du mois de juin, nous avons vu de nouvelles pièces

8 d'artillerie qui sont arrivées en renfort et qui ont été placées dans les

9 alentours de l'enclave.

10 M. Visnjic (interprétation). – C’est-à-dire que les renforts ont

11 commencé à arriver vers la fin du mois de juin, si j'ai bien compris votre

12 déposition ?

13 M. Rutten (interprétation). – Oui, c'est ce que nous avions

14 remarqué. En fait, du début du mois de juin jusqu'à la fin du mois de

15 juin, nous avons vu d'autres forces se multiplier.

16 M. Visnjic (interprétation). – Capitaine Rutten, j’aimerais à

17 présent que vous commentiez la dernière phrase, s’il est possible, de ce

18 paragraphe 23.5. On parle donc de l'opération faite de la part de la VRS,

19 qui parle de la période juste après l'attaque de l'enclave. Cela veut dire

20 qu'on maintenait le statu quo et que la VRS donnait…, donc les opérations

21 faites par la VRS se sont faites pour maintenir le statu quo et protéger

22 les Serbes de Bosnie dans l'enclave contre les offensives de l'armée de la

23 Bosnie-Herzégovine lancées à l'intérieur de l'enclave ? Que pouvez-vous

24 nous dire là-dessus ?

25 M. Rutten (interprétation). – Cela s'est passé au sud et tout ce

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1 que je peux vous dire des rapports faits par notre officier de

2 renseignements, qui était stationné au nord, c'est que j’ai lu le rapport

3 pendant les sessions du matin que le Bataillon faisait…

4 Ce que je sais, c’est que les renforts arrivaient à la VRS et

5 c’était avant que l'enclave ne tombe, mais nous ne savions pas si l'armée

6 de la Bosnie-Herzégovine allait lancer des raids à l'extérieur de

7 l'enclave. Ce que je veux dire par là, c'est que nous avons vu les soldats

8 de la Bosnie-Herzégovine défendre la dernière phase. Ils essayaient de

9 défendre l'enclave. Ils essayaient également d'aider l'armée de la Bosnie-

10 Herzégovine mais nous ne pouvions pas les aider. Nous étions des soldats

11 des Nations Unies et nous devions être impartiaux.

12 M. Visnjic (interprétation). - Capitaine Rutten, ma question

13 porte sur avant cette période. Aviez-vous eu des informations concernant

14 le fait... Donc je parle de la période qui est située avant le mois de

15 juin 1995.

16 M. le Président (interprétation). - Je suis désolé, dans la

17 transcription, vous parlez..., donc "accumulation des forces", la Bosnie-

18 Herzégovine... C'est cela que vous voulez dire ? C'est l'accumulation de

19 forces de la Bosnie-Herzégovine, est-ce que c'est de cela que vous

20 parlez ?

21 Vous avez dit dans la transcription, à la septième ligne à

22 partir du bas : "Et nous avons vu que l'armée de la Bosnie-Herzégovine a

23 reçu des renforts et qu'elle se dirigeait vers le sud de l'enclave, en

24 commençant par le poste de d'observation Echo".

25 M. Rutten (interprétation). - Non, l'armée de la Bosnie-

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1 Herzégovine avait commencé à engager notre poste d'observation ; je crois

2 qu'il y a une légère différence.

3 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est exact.

4 M. Visnjic (interprétation). - Je pense qu'on n'a pas donné la

5 réponse à ma question.

6 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est possible.

7 M. Rutten (interprétation). - Je crois avoir répondu à votre

8 question concernant les renforts qui ont eu lieu au début de juin. On ne

9 savait pas, à ce moment-là, si l'armée de la Bosnie-Herzégovine était en

10 train de lancer des attaques à l'extérieur de l'enclave sur les villages

11 appartenant à la VRS, qui se trouvaient autour de l'enclave.

12 M. Visnjic (interprétation). - Capitaine Rutten, à votre avis,

13 est-ce que quelqu'un d'autre de l'armée néerlandaise, à part votre

14 bataillon, aurait pu recevoir des renseignements de ce genre, mais

15 n'appartenant pas à votre Bataillon ? Ou quelqu'un qui était attaché à

16 votre Bataillon ?

17 M. Rutten (interprétation). - Nous ne pouvions pas franchir les

18 frontières de l'enclave, nous pouvions seulement observer à l'aide de nos

19 jumelles ce qui se passait. On n'avait pas entendu parler des raids de la

20 Bosnie-Herzégovine à travers l'enclave ou sur l'enclave, sur les villages

21 serbes se trouvant autour de l'enclave. Et je ne sais pas..., ou au moins

22 il n'est pas de ma connaissance si quelqu'un d'autre avait des

23 informations de ce genre.

24 M. Visnjic (interprétation). - Je vous pose cette question parce

25 que c'est de cela que l'on parle dans le document qui émane du ministère

Page 2172

1 de la Défense néerlandaise.

2 Je vous pose une autre question : vous avez parlé de convois qui

3 venaient à travers le territoire serbe. Savez-vous si dans ces convois on

4 a trouvé des armes ? Est-ce que vous avez reçu une information quelconque

5 à cet effet ? Ou bien que l'on ait trouvé des munitions à bord de ces

6 camions ?

7 M. Rutten (interprétation). - Lorsque les convois humanitaires

8 se sont présentés, les camions étaient conduits par des personnels des

9 Nations Unies. Nous avons escorté les convois du poste d'observation Papa

10 jusqu'à l'entrepôt à Srebrenica. Au poste d'observation Papa, j'ai vu à

11 plusieurs reprises que les convois étaient vérifiés, que l'armée des

12 Serbes de Bosnie vérifiait les convois. Pendant que j'étais sur place,

13 nous n'avons jamais trouvé d'armes sur les convois portant l'aide

14 humanitaire.

15 M. Visnjic (interprétation). - Vous avez dit seulement pendant

16 que "vous y étiez", mais avez-vous eu connaissance, avez-vous entendu

17 parler d'autres membres des forces néerlandaises si, à un quelconque autre

18 moment, on aurait pu trouver des armes à bord de ces convois ?

19 M. Rutten (interprétation). - A ma connaissance, et d'après ce

20 que j'en ai entendu dire d'autres soldats, d'autres patrouilles qui

21 accompagnaient les convois des Nations Unies, je n'ai jamais entendu dire

22 que l'on aurait trouvé des armes à bord de ces convois. Il est possible

23 que cela ait pu arriver mais ce n'est pas à ma connaissance.

24 M. Visnjic (interprétation). - Merci. Capitaine Rutten, avez-

25 vous reçu des informations à l'effet de ce que nous appelons "l'armée des

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1 Musulmans de Bosnie" ou bien "l'armée de Bosnie-Herzégovine" ? Est-ce que

2 vous avez entendu parler que leurs armes provenaient de l'extérieur de

3 l'enclave ou de l'intérieur de l'enclave ? Avez-vous reçu des

4 renseignements à cet effet ?

5 M. Rutten (interprétation). - Oui, nous avons reçu quelques

6 informations à cet effet, qu'il y avait certains chemins, des routes

7 empruntées qui venaient du sud, et que l'armée de la Bosnie-Herzégovine

8 recevait des armes provenant de ces endroits. Nous avons également vu

9 qu'il y avait eu de nouveaux uniformes pour l'armée de Bosnie-Herzégovine.

10 M. Visnjic (interprétation). - Capitaine Rutten, est-ce qu'il

11 est de votre connaissance qu'une partie de ces armes provenait

12 d'hélicoptères, ou est-ce que vous en avez entendu parler ?

13 M. Rutten (interprétation). - Nous avions reçu quelques rapports

14 de nos postes d'observation mentionnant qu'ils avaient vu des hélicoptères

15 voler au-dessus ou survoler l'enclave. Mais ils n'avaient pas vu avec

16 précision si ces hélicoptères avaient atterri et s'ils avaient déchargé

17 leurs charges. Donc aucun personnel des Nations Unies appartenant au

18 Bataillon n'a vraiment vu que les hélicoptères déchargeaient de

19 l'équipement pour l'armée de la Bosnie-Herzégovine. Nous avons vu

20 seulement ce que j'ai mentionné plus tôt, qu'il y en avait qui entraient

21 mais que nous avons vu des uniformes. Les uniformes avaient l'air tout à

22 fait neufs, et il nous apparaissait qu'il y avait quand même du matériel

23 qui entrait dans l'enclave, mais pas en grande quantité.

24 M. Visnjic (interprétation). - Merci. J'aimerais demander à

25 l'huissier... Monsieur le Président, je ne vais pas abuser de votre

Page 2174

1 patience. Je n'ai qu'un autre paragraphe à citer. Il s'agit des

2 paragraphes 4.13 et 4.14.

3 Capitaine Rutten, je vais vous lire d'abord le paragraphe 4.13,

4 et je vous demanderai ensuite de nous dire si l'événement qui y est évoqué

5 est connu de vous.

6 Je cite : "Les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine,

7 totalement équipés, portant un béret bleu ou un couvre-chef bleu, sont

8 arrivés à 15 mètres d'une position d'observation. Ils se comportaient

9 comme des représentants des Nations Unies et ont ouvert le feu à partir de

10 cette position dans la direction des lignes de front de l'armée des Serbes

11 de Bosnie, de sorte que cela donnait l'impression que c'étaient les

12 Nations Unies qui avaient ouvert le feu.

13 De cette façon, ils se sont efforcés d'attirer une riposte armée

14 de l'armée de Republika Srpska contre le poste d'observation, et donc de

15 plonger le Bataillon néerlandais dans des opérations de guerre".

16 M. Harmon (interprétation). - Je vous prie de m'excuser pour

17 cette interruption, mais j'ai encore la traduction anglaise de ce texte.

18 Elle peut être fournie au témoin, cela pourrait l'aider à répondre aux

19 questions.

20 M. le Président (interprétation). - Très bien. C'est très utile,

21 merci.

22 M. Harmon (interprétation). - Les paragraphes 5.13 et 5.14, qui

23 représentent des extraits de l'avocat de la défense, se réfèrent,

24 pourraient être les seuls que l'on montre, puisque le paragraphe précédent

25 n'est pas celui mentionné par mon collègue. Je crois que ce serait

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1 approprié si nous voulions verser aux dossiers tous les deux ce document.

2 Il serait bien de montrer sur le rétroprojecteur seulement les deux

3 paragraphes en question, donc les paragraphes 5.13 et 5.14.

4 M. Visnjic (interprétation). - Capitaine Rutten, est-ce que ces

5 événements décrits au paragraphe 4.13 vous sont connus ?

6 M. Rutten (interprétation). - Non, pas ce genre d'incidents-là.

7 Ce que je vois, ici, c'est qu'il n'y a pas d'endroit spécifique de

8 mentionné appartenant à l'enclave. Donc c'est une déclaration très vague.

9 La seule chose que je peux dire concernant l'équipement des

10 Nations Unies, c'est qu'à chaque fois que nous manquions de quelque chose

11 à la base, qu’à chaque fois que quelque chose avait disparu de la base,

12 nous organisions une action de recherche immédiate pour essayer de

13 retrouver la perte des uniformes ou les bérets qui avaient disparu.

14 C'est donc une déclaration très vague d'après moi. Vous devriez

15 me donner un endroit plus spécifique pour que je puisse voir où ces

16 événements ont eu lieu.

17 M. Visnjic (interprétation). - Malheureusement, dans la

18 déclaration du ministère de la Défense néerlandaise, nous n'avons que

19 cette déclaration vague. Alors il va falloir enquêter un peu plus en

20 profondeur.

21 Mais, Capitaine Rutten, j'aimerais quand même qu'on lise le

22 paragraphe 4.14, puisque nous avons déjà la traduction anglaise devant

23 nous.

24 "Il apparaissait également clairement qu'on ne pouvait pas

25 toujours reconnaître les soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine comme

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1 étant des militaires. Les hommes qui étaient vus auparavant comme portant

2 des uniformes étaient reconnus de la part du Bataillon néerlandais et donc

3 on les reconnaissait lorsqu'on pouvait les voir à la base de Potocari.

4 Pour les femmes pour lesquelles on savait qu'elles étaient des femmes de

5 l'armée de Bosnie-Herzégovine, elles étaient également vues en civil un

6 peu plus tard."

7 Capitaine Rutten, êtes-vous familier avec ces événements ?

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que je pourrais vous

9 demander que la traduction anglaise soit donnée au témoin pour qu'il

10 puisse relire la traduction. C'était un peu rapide, je ne sais pas s'il a

11 saisi le tout ? Est-ce que nous pourrions placer le document devant le

12 capitaine pour qu'il puisse le lire et, de cette façon, répondre ?

13 M. le Président (interprétation). - A chaque fois qu'il y a une

14 traduction anglaise, nous apprécions de l'avoir, merci.

15 M. Rutten (interprétation). - J'ai mentionné plus tôt d'avoir vu

16 un soldat dans une charrette. C’est également un soldat de la Bosnie-

17 Herzégovine qui portait des vêtements civils.

18 Je vois cette même phrase sur ce papier, ici, disant que des

19 femmes appartenaient à l'armée de la Bosnie-Herzégovine, il est vrai que

20 quelques-unes d'entre elles l'étaient.

21 Mais malgré la situation, j'aimerais ajouter quelque chose. Il

22 faudrait savoir que chaque soldat de la Bosnie-Herzégovine regardait les

23 hommes et faisait des gestes, comme je l'ai fait ce matin, concernant la

24 gorge, des gestes d'égorgement. Et quand on pense qu'ils avaient un regard

25 de terreur, et si l'on se base sur ce qui s'est passé auparavant, sur les

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1 antécédents de l'armée de la Bosnie-Herzégovine, maintenant si on avait

2 également le problème de quitter l'enclave, moi-même, je porterai des

3 vêtements civils et je quitterai l'armée, parce qu'elle est vraiment votre

4 chance !

5 Si je vous posais la question, quelle est vraiment la chance de

6 sortir vivant de l'enclave, si vous savez qu'on vous tuera ou que vous

7 serez détenu dans une maison dans laquelle vous ne serez pas gardé en tant

8 que prisonnier de guerre mais simplement pour être détenu, pour être mis à

9 bord d'autobus et pour être envoyé à l'extérieur de l'enclave ; alors

10 sachant toutes ces informations, je m'habillerais également en vêtements

11 civils et je quitterais l'enclave.

12 Ce qui apparaît sur papier, ici, oui…, il est possible que si

13 j'étais dans la même situation, je ferais la même chose.

14 M. Visnjic (interprétation). - Merci. Donc cet événement est

15 confirmé.

16 Capitaine Rutten, j'aimerais vous poser une autre question. Vous

17 avez décrit l'endroit où vous avez trouvé les 9 cadavres. Il n'est pas

18 nécessaire maintenant de nous référer aux photos et à la carte. Mais vous

19 serait-il possible d'évaluer à quelle distance vous avez trouvé les

20 9 cadavres ? Donc quelle est la distance entre cet endroit-là et l'endroit

21 où le lieutenant Osterveen a trouvé également les 9 corps ? Entre les

22 deux, quelle est la distance ?

23 M. Rutten (interprétation). - Eh bien la distance est environ à

24 150 mètres des deux endroits, peut-être même moins entre les deux endroits

25 où on a trouvé les corps.

Page 2178

1 M. Visnjic (interprétation). - Merci. Monsieur le Président, je

2 n'ai plus d'autres questions.

3 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

4 Visnjic.

5 Je crois que que nous allons poursuivre encore quelques

6 instants. Madame le Juge Wald, préférez-vous prendre une pause maintenant

7 ou un peu plus tard ? Et qu'en pensent les interprètes ? Je me tourne vers

8 les interprètes dont nous avons grandement besoin. Est-ce que les

9 interprètes peuvent continuer ou préfèrent-ils faire une pause ? Je

10 suggère pour ma part une pause de 20 minutes. C'est entendu, 20 minutes de

11 pause.

12 (L'audience, suspendue à 11 heures 27, est reprise à

13 12 heures 50.)

14 M. le Président (interprétation). - Monsieur Harmon, je vous

15 cède la parole.

16 M. Harmon (interprétation). - Merci, Monsieur le Juge, mais je

17 n'ai pas de questions supplémentaires à poser au témoin.

18 M. le Président (interprétation). - Je me tourne vers mon

19 collègue, le Juge Wald. Souhaitez-vous poser des questions ?

20 Mme Wald (interprétation). - Capitaine Rutten, au début de votre

21 témoignage vous avez expliqué que, petit à petit, le nombre de convois qui

22 se voyaient autorisés l'entrée de l'enclave de Srebrenica avait diminué au

23 cours des mois qui avaient précédé l'offensive sur cette même enclave.

24 Voici ma question.

25 Est-ce que cette chute du nombre de convois humanitaires a fait

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1 l'objet d'un entretien avec les officiers de liaison serbes, et si c'est

2 le cas, quelle raison ont-ils invoquée pour l'application d'une politique

3 beaucoup plus stricte en matière d'accès des convois ?

4 M. Rutten (interprétation). - De façon générale, ce type

5 d'information ne nous était pas communiquée. Mais ce que j'ai pu entendre

6 dire, c'est que les Serbes réduisaient le nombre de convois humanitaires

7 tout simplement en ne leur donnant pas l'autorisation d'entrer dans

8 l'enclave.

9 Mme Wald (interprétation). - Très bien, mais est-ce que ceci a

10 fait l'objet d'un entretien ? Est-ce que les forces du Bataillon

11 néerlandais ont soulevé ce sujet auprès des Serbes ? Par exemple, ont-ils

12 demandé à obtenir des explications ?

13 M. Rutten (interprétation). - Ce que je sais, c'est que notre

14 équipe chargée des négociations a effectivement abordé cette question

15 auprès du commandant Nikolic au poste d'observation Papa.

16 Mme Wald (interprétation). - Vous ne savez pas quelles étaient

17 les raisons invoquées par les officiers de liaison serbes ?

18 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, non, je ne le sais pas.

19 Mme Wald (interprétation). - Je vois, merci.

20 Lorsque certains des camions des Nations Unies ont transporté

21 les réfugiés depuis Srebrenica même jusqu'à Potocari, et nous avons

22 précédemment vu des passages vidéo nous montrant ces personnes à bord des

23 camions, savez-vous où ces camions emmenaient ces personnes : à

24 l'intérieur même de la base, ou bien les camions ont-ils laissé ces

25 personnes à l'extérieur, en bordure de la base ?

Page 2180

1 M. Rutten (interprétation). - Les camions des Nations Unies ou

2 les camions néerlandais ? Eh bien, ils allaient en direction de

3 Srebrenica, ils passaient à côté du poste d'observation Bravo, ils

4 rassemblaient les réfugiés. Ils n'avaient pas vraiment à les rassembler,

5 d'ailleurs, parce que les réfugiés prenaient quasiment les camions

6 d'assaut !

7 Ils rassemblaient donc ces réfugiés sur le camion, les gens ne

8 prenaient même pas le temps de s'asseoir ou quoi que ce soit, parfois le

9 chauffeur ne pouvait même pas voir la route devant lui tellement les gens

10 s'agglutinaient. Ensuite, le camion les emmenait presque dans l'enceinte

11 de l'usine pour leur assurer une certaine sécurité.

12 Mme Wald (interprétation). - Très bien. Donc, pour autant que

13 vous le sachiez, de façon générale il était plutôt emmené à l'intérieur de

14 l'usine.

15 M. Rutten (interprétation). - Oui.

16 Mme Wald (interprétation). - A un autre moment de votre

17 déposition vous avez expliqué que, je crois lors de la première nuit ou de

18 la seconde nuit peut-être, on vous a demandé de vous assurer de la

19 surveillance des réfugiés qui se trouvaient à l'extérieur de la base à

20 Potocari.

21 Cela voulait dire quoi exactement "Assurer la sécurité des ces

22 personnes" ? Est-ce que cela veut dire ce dont vous nous avez parlé

23 précédemment ? Fallait-il essayer de délimiter une zone de protection par

24 l'implantation d'une bande rouge et blanche pour essayer de montrer aux

25 Serbes que c'était là un endroit exclusivement réservé aux réfugiés ? Ou

Page 2181

1 bien vous deviez essayer de patrouiller le secteur, essayer de vous

2 assurer que les réfugiés n'étaient l'objets d'aucun harcèlement ?

3 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, ce que je voulais dire...

4 Permettez-moi de vous donner une idée générale de la situation. Vers le

5 Sud il y avait donc le hangar à bus, il y avait ce qui restait de la

6 Compagnie B qui essayait donc d'assurer le contrôle du côté sud ; et puis

7 de l'autre côté il y avait trois groupes dont j'ai parlé plus tôt,

8 trois groupes de 10 hommes. Nous, nous patrouillions ce secteur dont nous

9 venons de parler.

10 Nous sommes entrés en discussion avec les personnes qui se

11 trouvaient là. Nous les avons aidées. Il y avait un médecin qui a assuré

12 certains soins pendant cette nuit-là. Et puis nous avons donc établi cette

13 zone délimitée, cette zone avec la bande rouge et blanche, et nous nous

14 déplacions pour voir si quelqu'un arrivait par les collines. Du côté où je

15 me trouvais cette nuit-là, je n'ai vu personne descendre des collines.

16 Mme Wald (interprétation). - Je vois, merci. Un peu plus tard,

17 vous nous avez dit que vous avez été effectivement détenu pendant un

18 certain nombre d'heures par les soldats serbes de Bosnie, avant que ceux-

19 ci ne vous autorisent à regagner la base. Cela s'est produit au cours de

20 l'une des journées au cours desquelles il y avait également déplacement

21 des réfugiés à bord d'autobus, n'est-ce pas ? Bien.

22 Lorsque vous avez pu regagner la base, est-ce que tous les

23 autobus ou la majeure partie était déjà partie ? Ou bien y avait-il encore

24 des déplacements de bus ? Ces déplacements se sont-ils prolongés encore

25 longtemps ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Vous parlez de la journée du 12 ?

2 Dans les premières heures de la soirée de ce jour-là, les bus ont cessé

3 d'arriver, il n'y avait plus de bus aux alentours. Le lendemain, très tôt

4 le matin, de nouveaux autobus sont arrivés. Les chauffeurs ont dû attendre

5 les instructions de l'armée serbe de Bosnie.

6 Mme Wald (interprétation). - Vous avez également dit que l'une

7 des photographies que vous avez prises, ou plutôt que vous avez failli

8 prendre -vous ne l'avez pas prise, en fait vous n'en avez pas eu le

9 temps-, vous avez donc dit : "Cette photo n'aurait pas été la réflexion

10 fidèle de la situation parce qu'il semblait que les soldats des Nations

11 Unies prenaient une part active à la séparation des hommes du groupe et à

12 l'évacuation des personnes".

13 Est-ce que vous pourriez nous dire très précisément ce qui s'est

14 passé au cours de cette scène, et dans quelle situation réelle se

15 trouvaient les soldats des Nations Unies ? Prenaient-ils une part

16 quelconque à ces activité de séparation et d'exclusion ?

17 M. Rutten (interprétation). - J'ai pris un certain nombre de

18 photos, mais c'était parfois difficile parce qu'il y avait autour des

19 véhicules transporteurs de troupes des soldats serbes de Bosnie. Ce

20 n'était donc pas simple. Et puis, ils avaient délimité une zone dans

21 laquelle on pouvait placer à peu près 60 à 70 personnes. C'est donc le

22 personnel néerlandais des Nations Unies qui a délimité cette zone.

23 Soixante à 70 personnes sont arrivées. On leur a indiqué là où se

24 trouvaient les bus, on leur a demandé de se diriger vers eux.

25 Et puis par ailleurs il y avait tous les groupes de gens qui

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1 attendaient. Il y avait une grande chaleur qui régnait, donc beaucoup de

2 gens ont été saisis de malaises, s'affaissaient au sol. Les soldats

3 néerlandais tâchaient de les aider, les relevaient, leur donnaient de

4 l'eau, aidaient les femmes qui avaient des enfants, aidaient les enfants à

5 se rafraîchir. Voilà la situation qui régnait.

6 Et donc les images n'auraient pas reflété fidèlement la

7 situation parce que ce que je voyais à travers mon objectif -et j'ai bien

8 pris des photos tout de même-, c'est que l'armée serbe de Bosnie était au

9 bord de la route, faisant toutes sortes de choses avec leurs armes,

10 notamment, et nous, nous étions en train d'assurer certaines tâches. Dans

11 une certaine mesure donc, nous aidions à la déportation.

12 Il m'a semblé que ce n'était pas la bonne façon de procéder,

13 malgré ce que j'ai entendu mon commandant me dire, malgré ce que j'ai

14 entendu mes autres collègues me dire parce qu'il semblait qu'effectivement

15 nous n'étions pas un tiers impartial. Nous avons gardé nos bérets bleus

16 et, en tant que personnes portant le symbole des Nations Unies, nous

17 devions rester parfaitement impartiaux.

18 J'ai demandé au lieutenant Van Duijn ce qu'il en pensait, et lui

19 a dit qu'il avait une perception des choses un petit peu différente. Mais

20 j'ai effectivement abordé la question avec lui, mais la situation s'est

21 prolongée.

22 Mme Wald (interprétation). - Est-ce que les soldats des Nations

23 Unies travaillaient en étroite coopération avec les réfugiés au moment où

24 il y a eu séparation des hommes et des femmes ?

25 M. Rutten (interprétation). - Non. A ce moment-là, tout cela

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1 s'est passé de l'autre côté de la file d'autobus. Il y avait là des

2 soldats serbes de Bosnie qui donnaient des instructions selon lesquelles

3 les hommes devaient être séparés des familles.

4 Mme Wald (interprétation). - Donc il n'y avait pas là des

5 soldats des Nations Unies qui prenaient part à cette opération

6 particulière ?

7 M. Rutten (interprétation). - Non.

8 Mme Wald (interprétation). - Lorsque vous vous êtes rendu à

9 plusieurs reprises à la maison blanche, n'avez-vous jamais pu voir à

10 l'intérieur de cette maison des manifestations de violence ou des

11 manifestations de torture, telles que nous avons pu en entendre la

12 description en d'autres endroits ? Avez-vous vu des traces de sang, des

13 membres peut-être humains ?

14 M. Rutten (interprétation). - Eh bien, nous n'avons rien pu

15 voir. Nous essayions d'éviter ce type d'agissements en plaçant ça et là

16 des soldats des Nations Unies.

17 Mme Wald (interprétation). - Vous avez également identifié un

18 homme qui portait une moustache et qui apparaissait sur l'une des pièces

19 de l'accusation. Vous avez dit que cet homme semblait être un homme qui

20 avait -au moins à un certain moment donné- les rênes de la situation entre

21 les mains. Il semblait être un homme chargé de certaines responsabilités

22 puisqu'il s'entretenait avec toutes les personnes qui arrivaient ; il

23 semblait même parfois donner des ordres.

24 Est-ce que c'est la seule personne dont vous ayez pu conclure,

25 ou de qui vous auriez pu entendre dire qu'elle avait des responsabilités

Page 2185

1 vis-à-vis des opérations qui étaient en cours, notamment à la maison

2 blanche, puisque vous avez vu toute sorte d'hommes circuler ? Est-ce que

3 c'est la seule personne que vous avez pu repérer à ce moment-là comme

4 étant une personne ayant une certaine autorité pour ce qui était fait à la

5 maison blanche ?

6 M. Rutten (interprétation). - Il y a d'autres personnes que j'ai

7 pu identifier. Par exemple, celui que l'on appelait "le capitaine Mane"

8 -j'en ai parlé un peu plus tôt ce matin-, lui, se trouvait au barrage

9 routier. Il n'était pas lié directement à la maison blanche. Mais

10 effectivement, je n'ai pas pu identifier un dirigeant ou un meneur. Je

11 n'ai pas indiqué une telle personne sur les photos que l'on m'a soumises.

12 Mme Wald (interprétation). - Encore deux questions, s'il vous

13 plaît. Les premiers bus à bord desquels se trouvaient les femmes et les

14 enfants ont commencé à quitter les lieux. Ils se sont dirigés vers

15 Kladanj. Est-ce que, par la suite, vous avez eu des informations en retour

16 du côté opposé ? Est-ce que vous avez appris, si oui ou non, ces bus sont

17 arrivés à destination ? Est-ce que vous avez pu savoir si ces femmes et

18 ces enfants avaient finalement atteint le territoire musulman ? Est-ce que

19 vous avez pu vous assurer qu'au moins ces femmes et ces enfants ont

20 effectivement atteint la destination qui était prévue ?

21 M. Rutten (interprétation). - Nous avons eu un certain nombre

22 d'informations émanant des collègues qui sont revenus et qui avaient

23 escorté certains des autobus.

24 Deux jours plus tard, le lieutenant Egbers par exemple est

25 revenu. Il nous a parlé de ce qui s'était passé. Et puis, il y avait

Page 2186

1 également les images diffusées par la télévision néerlandaise deux jours

2 plus tard.

3 C'est un petit incident que je rapporte, mais nous avons vu à la

4 télévision une des femmes que nous avions aidées. Elle avait souffert

5 d'une blessure de grenade à la jambe, et elle portait un jogging rose.

6 Cette même femme donc, je l'ai vue deux jours plus tard à la télévision,

7 aux alentours de Tuzla, expliquant que les soldats néerlandais n'avaient

8 rien fait. Deux jours plus tard, elle disait que les soldats néerlandais

9 n'avaient rien fait !

10 Donc nous avons pu savoir par ces moyens que certaines femmes et

11 certains enfants avaient pu atteindre le terrain d'atterrissage de Tuzla.

12 Mme Wald (interprétation). - Très bien. Mais alors que

13 l'évacuation avait cours, au cours de ces deux journées, alors que les bus

14 quittaient Potocari, est-ce que vous avez eu, à un moment quelconque, la

15 certitude que les femmes et les enfants que l'on autorisait à franchir la

16 frontière arrivaient effectivement de l'autre côté ? Ou vous ne saviez pas

17 ce qu'il leur arrivait ?

18 M. Rutten (interprétation). - Nous ne savions pas ce qui leur

19 arrivait, nous n'avions pas d'information.

20 Mme Wald (interprétation). - Très bien. Ma dernière question a

21 trait aux deux extraits du rapport du ministère néerlandais. J'ai eu un

22 petit peu de mal à suivre ce qui se passait tout à l'heure.

23 Vous étiez, d'une façon générale, d'accord avec ce qui était dit

24 dans ces rapports mais j'ai dû mal à établir certains liens. Il apparaît

25 que parfois les Musulmans qui se trouvaient à l'intérieur de l'enclave de

Page 2187

1 Srebrenica étaient aidés par les membres de la police locale. Voici la

2 première partie de ma question.

3 La deuxième partie est qu'il apparaît, dans le deuxième extrait

4 qui a été lu par M. Visnjic, que certaines unités de l'armée serbe de

5 Bosnie recevaient l'aide de ce qui a été appelée "la police radicale".

6 Alors, sur la base de vos observations faites sur place à

7 Srebrenica, est-ce que vous pouvez effectivement dire que la police locale

8 était impliquée avec les activités de l'une des parties en présence ou de

9 l'autre ? Et si c'est le cas, avec quelle partie ?

10 M. Rutten (interprétation). - La police qui se trouvait toujours

11 dans l'enclave même, dans Srebrenica, était constituée exclusivement de

12 personnes musulmanes. Donc sans doute y avait-il des liens avec la

13 communauté musulmane. Mais c'est la conclusion à laquelle j'arrive moi,

14 parce que je ne veux pas arriver à une autre conclusion.

15 Mme Wald (interprétation). - Très bien. Et il y a donc ce

16 deuxième extrait qui parle du fait que l'armée serbe reçoit l'aide de

17 membres de la "police radicale", comme elle a été appelée. C'est donc

18 quelque chose de totalement différent, d'après vous ?

19 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est tout à fait autre

20 chose.

21 Mme Wald (interprétation). - Je vous remercie. Merci beaucoup.

22 M. le Président (interprétation). - Merci Madame le Juge Wald.

23 Capitaine Rutten, j'aurais pour ma part un certain nombre de

24 questions à vous poser. J'ai écouté très attentivement votre déposition,

25 mais je voudrais m'assurer d'un certain nombre de points.

Page 2188

1 Premièrement, en réponse à une question posée par M. Visnjic,

2 vous avez déclaré qu'on ne pouvait pas vraiment parler d'une structure de

3 l'armée de Bosnie-Herzégovine. Il s'agissait de réfugiés rassemblés par

4 M. Oric, avec l'utilisation d'armes légères.

5 Si l'on vous pose la même question à propos de l'armée serbe de

6 Bosnie, que répondez-vous ?

7 M. Rutten (interprétation). - Je répondrai de façon totalement

8 différente. C'était une armée très bien organisée. J'ai essayé de

9 l'expliquer au conseil de la défense.

10 Dans la partie nord du secteur, il y a avait la Brigade Bratunac

11 par exemple. Au sud, il y avait la Brigade Milica. Il y avait certaines

12 unités du Corps d'armée de la Drina. Nous avions un certain nombre

13 d'éléments d'information sur ces unités, mais pas des informations très

14 détaillées.

15 Et pendant l'ensemble des opérations, vous pouviez constater

16 -j'ai moi-même constaté-, que tout se faisait conformément à des plans,

17 une organisation extrêmement poussée. C'était une mécanique bien huilée si

18 vous voulez, tout était préparé à l'avance, tout était prévu, chaque homme

19 savait ce qu'il avait à faire.

20 Ils portaient même des insignes, comme moi j'en porte qui

21 montrent que je suis capitaine. Chacun savait qui était son interlocuteur.

22 Et c'est ainsi que l'on peut atteindre un degré de collaboration entre

23 personnes, parfait. Et cela veut dire également que les intervenants

24 impartiaux ne peuvent jamais savoir exactement à qui ils ont à faire.

25 Par exemple, j'ai parlé de M. Mane, mais "Mane" c'était une

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1 espèce de surnom qu'il avait. Moi, je ne savais pas exactement de qui il

2 s'agissait.

3 Donc vous voyez quelle était la structure. Vous voyez quel était

4 le raisonnement qui la sous-tendait. C'était quelque chose

5 d'extraordinairement bien préparé.

6 M. le Président (interprétation). - Bien, très organisé, très

7 bien préparé.

8 Qu'en est-il de la chaîne de commandement, de la chaîne de

9 transmission des ordres ? Est-ce que, en tant qu'officier de carrière,

10 vous pouvez dire qu'il s'agissait de quelque chose qui était conforme aux

11 règles généralement utilisées en matière militaire ? Y avait-il des

12 officiers supérieurs qui envoyaient des ordres de façon très précise ?

13 M. Rutten (interprétation). - Ce que j'ai pu observer, c'est que

14 les personnes qui étaient aux commandes n'avaient qu'à dire les choses une

15 seule fois et chacun comprenait ce qui était dit, chacun comprenait ce que

16 l'officier supérieur voulait dire. Donc on pouvait, dès lors, très

17 facilement comprendre qui était la personne responsable des opérations. Je

18 le répète, c'était très structuré.

19 M. le Président (interprétation). - D'après ce que vous avez dit

20 ce matin, enfin je synthétise un peu, vous avez traversé notamment deux

21 expériences pénibles.

22 L'une relative au Bataillon néerlandais des Nations Unies et à

23 ses membres. J'ai bien noté les descriptions que vous nous avez données.

24 Vous avez dit que parfois vos hommes étaient utilisés comme bouclier,

25 n'est-ce pas ? Est-ce que l'un quelconque de vos hommes a été tué ou

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1 blessé alors qu'il était utilisé comme bouclier humain ?

2 M. Rutten (interprétation). - Pas au moment où l'incident dont

3 j'ai parlé a eu lieu.

4 M. le Président (interprétation). - Mais, par la suite, il y a

5 eu des victimes ?

6 M. Rutten (interprétation). - Oui.

7 M. le Président (interprétation). - Quelqu'un a été blessé ?

8 M. le Président (interprétation). - Non, à ce moment-là personne

9 n'a été blessé.

10 M. le Président (interprétation). - Mais ils ont été utilisés ?

11 M. Rutten (interprétation). - Oui.

12 M. le Président (interprétation). - Les soldats des Nations

13 Unies représentant la communauté internationale ?

14 M. Rutten (interprétation). - Oui.

15 M. le Président (interprétation). - Je suis toujours le

16 déroulement de votre déposition. Vous dites que l'on vous riait au nez

17 lorsque vous essayiez d'intervenir, lorsque vous demandiez quelque chose.

18 On vous riait au nez, c'est ça ? On vous ridiculisait ?

19 M. Rutten (interprétation). - Oui.

20 M. le Président (interprétation). - Je continue. Vous avez été

21 victimes d'actes de pillage ?

22 M. Rutten (interprétation). - Oui, c'est exact, Monsieur.

23 M. le Président (interprétation). - Vos Jeep ont été prises

24 d'assaut ?

25 M. Rutten (interprétation). - Oui.

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1 M. le Président (interprétation). - Et vous avez expliqué que

2 l'on vous a appliqué une arme au niveau de la tempe, au niveau de la

3 bouche ?

4 M. Rutten (interprétation). - Oui, partout on m'a menacé.

5 M. le Président (interprétation). - Est-ce que c'était quelque

6 chose de grave ? Est-ce que c'était une menace sérieuse ? Ou est-ce que

7 l'on vous malmenait ? Et est-ce que les intentions n'étaient pas vraiment

8 sérieuses ?

9 M. Rutten (interprétation). - Je crois que c'était vraiment

10 sérieux. Moi, je me déplaçais sur le terrain, j'essayais d'obtenir des

11 informations. Eux, ils comprenaient très bien quelles étaient les

12 personnes dont il fallait se débarrasser.

13 Alors, il était parfois difficile pour eux de se débarrasser de

14 certaines personnes simplement en leur disant de quitter les lieux. Alors

15 il fallait qu'ils soient un peu plus précis, si vous voulez, en plaçant

16 par exemple une arme contre la tempe de la personne dont ils souhaitaient

17 se débarrasser. Et donc oui, c'étaient des menaces très sérieuses.

18 M. le Président (interprétation). - Donc vous en avez conclu que

19 votre vie pouvait être menacée si vous meniez à bien votre mission ?

20 M. Rutten (interprétation). - Oui.

21 M. le Président (interprétation). - Avez-vous évoqué cette

22 question devant vos supérieurs ? Et le cas échéant, devant qui l'avez-vous

23 évoquée ?

24 M. Rutten (interprétation). - A partir du moment où on nous a

25 pris notre équipement dans le garage des bus -ou peut-être un peu plus

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1 tard-, il y a eu le capitaine Merchers, un Néerlandais qui est venu. Il

2 accompagnait le commandant Nikolic -comme il était appelé. J'ai dit que

3 non seulement nous avions été victimes d'actes de pillage, mais aussi que

4 nous avions été victimes de menaces proférées par l'armée serbe de Bosnie.

5 Il a dit : "Mais non ! Pas du tout ! Et si vous restez calme,

6 tout s'apaisera". Il disait donc à peu près la même chose que les autres

7 soldats et les autres commandants, si vous voulez. Il n'en a vraiment pas

8 tenu compte, il en a rit un petit peu.

9 M. le Président (interprétation). - Mais après vos plaintes, ces

10 activités n'ont pas cessé ? Cela a continué ?

11 M. Rutten (interprétation). - Cela a continué partout.

12 M. le Président (interprétation). - Partout ?

13 M. Rutten (interprétation). - Partout.

14 M. le Président (interprétation). - A tout moment ?

15 M. Rutten (interprétation). - Oui.

16 M. le Président (interprétation). - C'est donc un comportement

17 général, appliqué de façon systématique ?

18 M. Rutten (interprétation). - Oui.

19 M. le Président (interprétation). - Et ce, en dépit des plaintes

20 déposées ?

21 M. Rutten (interprétation). - Oui, en dépit de ces plaintes.

22 M. le Président (interprétation). - Bien. Je voulais m'assurer

23 que vous n'étiez pas tombé entre les mains de soldats totalement

24 indisciplinés, et qui ne savaient pas qui vous étiez et qui vous

25 représentiez ?

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1 M. Rutten (interprétation). - Ils savaient parfaitement qui

2 j'étais, ils ont même demandé quel était mon grade. Ils savaient très

3 exactement qui était en présence ; ils pouvaient le vérifier de leurs

4 propres yeux. Ils ne s'adressaient pas aux simples soldats. Ils parlaient

5 toujours -généralement- au lieutenant qui se trouvait sur place, donc ils

6 savaient très exactement ce qu'ils faisaient.

7 M. le Président (interprétation). - Et puis il y a eu cette

8 deuxième expérience dont vous nous avez fait part. Il y a eu le sort

9 réservé aux Musulmans de Srebrenica. Vous avez été témoin oculaire de la

10 découverte de 9 cadavres ?

11 M. Rutten (interprétation). - Oui.

12 M. le Président (interprétation). - Des personnes qui venaient

13 d'être abattues, apparemment.

14 Et puis vous avez vu ce qui s'est pas passé à la maison

15 blanche ; vous avez parlé de l'odeur de la mort. Vous avez même vu des

16 enfants de 13 ans. Ils ont même essayé de menacer, de s'attaquer à des

17 enfants de 13 ans ?

18 M. Rutten (interprétation). - Oui, il y avait des enfants de 12,

19 13 ans, 14 ans ; des enfants qui se trouvaient en compagnie des autres

20 hommes dans la maison blanche. Oui, c'est certain.

21 M. le Président (interprétation). - Et vous ne savez pas ce

22 qu'il est advenu de ces enfants par la suite ?

23 M. Rutten (interprétation). - Un peu plus tard, plus tard, pas

24 sur le moment, mais plus tard, j'ai appris... Ou plutôt si vous voulez, si

25 vous imaginez la situation, vous êtes devant la maison, vous voyez les

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1 différentes étapes qui se sont suivies ; à savoir prélever les effets

2 personnels, les jeter au sol, emmener les personnes à l'intérieur de la

3 maison.

4 Si vous vous imaginez cela, vous voyez fort bien qu'il n'y avait

5 pas lieu d'avoir identification des personnes par la suite. L'idée était

6 de rassembler tous les hommes et d'essayer de les faire monter à bord de

7 ces bus qui partaient vers je ne sais où.

8 M. le Président (interprétation). - Donc, à première vue, ils se

9 rendaient à la maison blanche pour y subir un interrogatoire ?

10 M. Rutten (interprétation). - Cela, c'est ce qui était dit. Mais

11 ce matin, j'ai également expliqué que lorsque l'on mène une enquête digne

12 de ce nom on garde toujours la pièce d'identité de façon extrêmement

13 organisée ; c'est-à-dire qu'on la place par exemple dans une enveloppe qui

14 porte le nom de la personne interrogée pour pouvoir établir un lien très

15 précis entre les personnes interrogées et leur pièce d'identité, afin de

16 ne pas la perdre, ne serait-ce que pour savoir quelles sont les personnes

17 qui sont dans la maison.

18 Mais si vous jetez tout à terre et si, ensuite, vous entrez dans

19 la maison, eh bien, vous pouvez être certain que personne ne saura jamais

20 de façon catégorique qui se trouvait dans la maison.

21 M. le Président (interprétation). - Donc ils étaient emmenés au

22 hasard, il n'y avait pas de tri effectué ?

23 M. Rutten (interprétation). - Oui, de façon totalement

24 indéterminée.

25 M. le Président (interprétation). - Tout simplement parce qu'il

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1 s'agissait d'hommes ?

2 M. Rutten (interprétation). - Oui, je le crois. C'était là la

3 raison principale. Il y a eu pratiquement immédiatement séparation des

4 hommes de leur famille. A partir du moment où les hommes ont commencé à

5 être emmenés vers les bus ou vers la maison blanche, tout devenait

6 évident. Et c'était là quelque chose qui avait été préparé à l'avance, qui

7 avait été parfaitement organisé.

8 M. le Président (interprétation). - Et les femmes n'étaient pas

9 emmenées ?

10 M. Rutten (interprétation). - Non, les femmes n'étaient pas

11 emmenées et les enfants non plus.

12 M. le Président (interprétation). - Pas les enfants ?

13 M. Rutten (interprétation). - Non, pas les enfants.

14 M. le Président (interprétation). - Et les enfants qui avaient

15 moins de 13 ans donc ?

16 M. Rutten (interprétation). - Oui, les très jeunes enfants.

17 M. le Président (interprétation). - Pour ce qui est des femmes

18 maintenant, est-ce que vous n'avez pas vu vous-même une femme courir,

19 poursuivie par un soldat serbe ? Est-ce qu'elle fuyait de chez elle ? Que

20 se passait-il exactement ?

21 M. Rutten (interprétation). - Sans doute cette femme fuyait-

22 elle, s'échappait-elle de sa propre maison, mais je ne sais pas

23 exactement. Enfin, elle fuyait et, juste derrière elle, un soldat serbe

24 est sorti. Il portait un uniforme de camouflage. Il l'a poursuivie autour

25 de la maison ; voilà ce que j'ai vu en l'espace d'un instant. Ensuite,

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1 nous avons entendu des tirs mais nous étions en train de prendre des

2 photos à ce moment-là, je n'ai donc rien vu d'autre.

3 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous pensez que

4 c'était la suite d'un acte de pillage ? Est-ce qu'il y aurait pu y avoir

5 viol ?

6 M. Rutten (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai pas bien

7 compris la situation. Moi, la seule chose que j'ai vue, c'est cette femme

8 se faisant poursuivre par un soldat serbe de Bosnie.

9 M. le Président (interprétation). - C’est le seul incident de ce

10 type que vous avez pu observer dans le cadre duquel une femme était

11 poursuivie ?

12 M. Rutten (interprétation). - Oui, c’est le seul incident de ce

13 genre que j'ai pu observer.

14 M. le Président (interprétation). - Avez-vous entendu parler

15 d'autres événements de ce genre ?

16 M. Rutten (interprétation). - J'ai entendu parler d'incidents

17 mais je ne peux pas me prononcer sur ces incidents ici.

18 M. le Président (interprétation). - Voici ma dernière question :

19 bien sûr, vous ne pouviez absolument pas suivre les autobus qui emmenaient

20 les réfugiés. Vous avez dit que vos Jeep avaient été prises d'assaut par

21 exemple. Avez-vous pu apprendre par la suite où ces bus s'étaient dirigés,

22 ce qu'il en était advenu ?

23 M. Rutten (interprétation). - On nous a dit que tous les bus

24 prenaient la route de Kladanj, mais jamais nous n'avons su ce qui s'était

25 passé. Ce n'était pas une route sûre et les hommes de notre Bataillon, qui

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1 se trouvaient le long de cette route, ont été retenus. Jamais, nous

2 n'avons donc pu nous assurer de ce qu'il est advenu de ces réfugiés qui

3 étaient à bord des bus, parce que cette route n'était pas sous le contrôle

4 des Nations Unies ; elle était sous le contrôle de l'armée des Serbes de

5 Bosnie. Par conséquent, il nous fallait attendre de voir et essayer de

6 voir qui débarquait de l'autre côté, à Kladanj.

7 M. le Président (interprétation). - Est-ce que par la suite, on

8 a pu établir quoi que ce soit, découvrir quoi que ce soit ?

9 M. Rutten (interprétation). - Comme nous l'avons vu ou entendu

10 dire plus tard, des personnes ont finalement réussi à atteindre Tuzla et

11 la base aérienne de Tuzla. Toutes ces personnes étaient des réfugiés de

12 l'enclave de Srebrenica.

13 M. le Président (interprétation). - Il s'agissait de femmes, de

14 personnes âgées, d'hommes ?

15 M. Rutten (interprétation). - Des femmes, des enfants en bas âge

16 et certains hommes extrêmement âgés.

17 M. le Président (interprétation). - Et d'autres hommes ? Pas

18 d'autres hommes ?

19 M. Rutten (interprétation). - Non. Dans l'un des premiers

20 convois -si on peut l'appeler ainsi- se trouvaient deux officiers

21 néerlandais. Il y avait le commandant Boering et le capitaine Voerman. Ces

22 deux officiers ont vu beaucoup de réfugiés arriver à la base aérienne de

23 Tuzla. Ils ont bien dit que ces réfugiés étaient des femmes, des hommes

24 très âgés, de très jeunes enfants.

25 M. le Président (interprétation). - Et rien n'a été découvert

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1 pour ce qui est du sort réservé aux hommes qui ont été séparés de leur

2 famille ?

3 M. Rutten (interprétation). - Non, on n'a rien pu découvrir

4 parce que ces hommes ont également pris cette même route. Et à la base

5 aérienne de Tuzla, on n'a rien vu arriver d'autre.

6 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup, Capitaine

7 Rutten. Je crois que vous en êtes arrivé à la fin de votre déposition.

8 Maître Harmon, voulez-vous ajouter quelque chose ou le témoin

9 peut-il se retirer ?

10 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, je voulais

11 simplement demander le versement au dossier des pièces de l'accusation 82

12 à 85 et la pièce de l'accusation 5/3C.

13 M. le Président (interprétation). - Des objections, Monsieur

14 Visnjic ?

15 M. Visnjic (interprétation). - Monsieur le Président, nous

16 n'avons pas d'objection, mais nous aimerions saisir l'occasion pour

17 demander le versement au dossier de nos 3 pièces à conviction également.

18 Il s'agit des pièces à conviction de la défense 11, 12 et 13, si je ne m

19 'abuse.

20 M. le Président (interprétation). - Maître Harmon ?

21 M. Harmon (interprétation). - Pas d'objection.

22 M. le Président (interprétation). - Eh bien, toutes ces pièces

23 sont versées au dossier. Merci.

24 Je voudrais vous remercier une fois encore, Capitaine Rutten,

25 d'être venu devant ce Tribunal. Merci de l'aide que vous nous avez

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1 apportée.

2 M. Rutten (interprétation). - Je vous remercie, monsieur

3

4 (Le témoin est reconduit hors du prétoire)

5 M. le Président (interprétation). - Qui est notre prochain

6 témoin ?

7 M. Harmon (interprétation). - Il s'agit du capitaine Visentus

8 Egbers.

9 Pendant que nous attendons l'entrée de ce témoin, je demande le

10 versement au dossier de la pièce de l'accusation 1/E/1. C'est une pièce

11 d'accusation qui est, en fait, une version de taille réduite du plan qui

12 est sur le chevalet dans la salle d'audience.

13 Je demande le versement au dossier de cette pièce parce qu'il me

14 semble que c'est beaucoup plus pratique pour les Juges de la Chambre de se

15 servir d'une version plus maniable de cette grande carte. Et je pense que

16 c'est également plus facile pour les conseils de la défense.

17 M. le Président (interprétation). - Merci Maître Harmon. Est-ce

18 que Me Visnjic est d'accord ?

19 M. Visnjic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président.

20 M. le Président (interprétation). - Fort bien, cette pièce est

21 donc versée au dossier. Eh bien, on peut introduire le témoin suivant.

22 M. Harmon (interprétation). - Je crois que l'huissier est parti

23 chercher le capitaine.

24 (Le nouveau témoin, Vicentius Egbers, est introduit dans le

25 prétoire - Audience publique.)

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1 M. le Président (interprétation) - Maître Harmon, est-ce que

2 nous pourrions essayer d'avoir une pause à 13 heures 40, une pause de

3 dix minutes ?

4 M. Harmon (interprétation). - Certainement, nous le ferons.

5 M. le Président (interprétation) - Je vous en prie, veuillez

6 prononcer la déclaration solennelle ?

7 M. Egbers (interprétation). - Je déclare solennellement que je

8 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

9 M. le Président (interprétation) - Merci, vous pouvez prendre

10 place.

11 Je voudrais commencer par vous remercier. Merci d'être venu

12 déposer devant cette Chambre. Vous contribuez à la bonne administration de

13 la justice. Le représentant du bureau du Procureur, Me Harmon, va vous

14 poser un certain nombre de questions, puis ce sera le tour du conseil de

15 la défense.

16 M. Harmon (interprétation). – Merci, Monsieur le Juge Riad.

17 Capitaine, pourriez-vous épeler votre nom de famille ?

18 M. Egbers (interprétation). - Egbers.

19 M. Harmon (interprétation). - A l'heure actuelle, vous êtes

20 membre des forces aériennes royales néerlandaises ?

21 M. Egbers (interprétation). – Oui, c’est exact.

22 M. Harmon (interprétation). - Vous avez le grade de capitaine ?

23 M. Egbers (interprétation). - C'est exact.

24 M. Harmon (interprétation). – De 1988 à 1998, étiez-vous dans

25 les forces de l’armée néerlandaise ?

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1 M. Egbers (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous été envoyé à Srebrenica

3 dans le courant du mois de janvier 1995, vous étiez membre du Bataillon

4 néerlandais 3, vous êtes resté sur place, dans l’enclave, jusqu’en

5 juillet, le 21 juillet 1995 ?

6 M. Egbers (interprétation). - C'est exact.

7 M. Harmon (interprétation). – Quelles étaient vos

8 responsabilités, vos tâches au sein de l'enclave ?

9 M. Egbers (interprétation). - J'étais commandant de peloton au

10 sein de l'enclave.

11 M. Harmon (interprétation). - Quelles étaient vos

12 responsabilités en tant que tel ?

13 M. Egbers (interprétation). – En tant que commandant de peloton,

14 je devais surveiller les opération des différentes unités de notre

15 compagnie sur le terrain.

16 M. Harmon (interprétation). - Peut-on placer sur le

17 rétroprojecteur la pièce à conviction de l’accusation 89, s’il vous

18 plaît ? Monsieur l’huissier, ce qui m'intéresse plus particulièrement,

19 c'est la partie de la pièce qui indique la zone de l'enclave de

20 Srebrenica.

21 Capitaine, cette pièce, je l'ai préparée avec votre

22 collaboration, après m’être entretenu avec vous. Pourriez-vous expliquer

23 aux Juges ce que nous voyons sur le rétroprojecteur ?

24 M. Egbers (interprétation). – Au nord de l'enclave, vous voyez

25 le terrain de la compagnie Charly. Au sud, il y avait la compagnie Bravo.

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1 Mon commandant de compagnie avait divisé son secteur d'intervention en

2 trois, il y avait le 1er Peloton, le 2e Peloton et le 3e Peloton.

3 J'avais pour responsabilité d'assurer le contrôle des postes

4 d'observation qui se trouvaient dans la zone que j'indique maintenant.

5 J'étais commandant du 3e Peloton.

6 M. Harmon (interprétation). - Le 3e Peloton, ou plutôt la zone

7 que vous patrouilliez avec le 3e Peloton, c'est la zone marquée en jaune,

8 sur la pièce de l’accusation 89 ?

9 M. Egbers (interprétation). - Absolument.

10 M. Harmon (interprétation). - Quand vous dites poste

11 d’observation Alpha, c'est en fait le poste d’observation qui est indiqué

12 par l’indication A, n'est-ce pas ?

13 M. Egbers (interprétation). - Oui.

14 M. Harmon (interprétation). - Et la lettre M indique-t-elle

15 l’emplacement d’un point qui faisait partie de votre zone d’intervention ?

16 M. Egbers (interprétation). – Oui, à partir du mois de juillet.

17 M. Harmon (interprétation). – Etait-ce le poste d'observation

18 Mike ?

19 M. Egbers (interprétation). – Oui, c’était le poste

20 d’observation Mike, un point d'observation non permanent jusqu'au mois de

21 juin 1995.

22 M. Harmon (interprétation). - Vos responsabilités, Capitaine

23 Egbers, supposaient donc que vous interveniez sur la zone coloriée en

24 jaune sur la carte ?

25 M. Egbers (interprétation). - Oui.

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1 M. Harmon (interprétation). – En outre, est-ce que vous faisiez

2 partie d'un peloton de réserve, d’une unité de réserve du Bataillon

3 néerlandais ?

4 M. Egbers (interprétation). - A partir du mois d'avril 1995,

5 nous avons souffert de pénurie d’essence. Et nous avions un certain nombre

6 de problèmes dus aux soldats qui partaient en permission. En fait, les

7 soldats serbes ne leur permettaient plus de regagner l'enclave après leur

8 permission. Normalement, nous avions un peloton de 30 hommes, et là nous

9 avions pénurie d'hommes, car la plupart des hommes se trouvaient à Zagreb

10 et attendaient la permission d'accéder à nouveau à l'enclave. Mon peloton

11 était beaucoup plus réduit.

12 M. Harmon (interprétation). - Un peloton c’est environ

13 30 personnes, n'est-ce pas ?

14 M. Egbers (interprétation). - En effet.

15 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi votre peloton était-il de

16 taille plus réduite ?

17 M. Egbers (interprétation). – Eh bien parce que les Serbes de

18 Bosnie devaient donner, à chaque fois, une autorisation pour le

19 déplacement des troupes à l’extérieur de l’enclave. Bien sûr, cela

20 supposait qu’ils donnent une autorisation pour que les troupes regagnent

21 l’enclave. Les troupes ont donc pu quitter l'enclave mais, en avril 1995,

22 elles n'ont plus reçu l'autorisation de regagner l'enclave. Elles

23 attendaient donc à Zagreb l’autorisation de regagner l’enclave.

24 M. Harmon (interprétation). - Comme les Serbes de Bosnie n'ont

25 pas donné l'autorisation, la taille de votre peloton était réduite ?

Page 2205

1 M. Egbers (interprétation). - Tout à fait. C’est la raison pour

2 laquelle les officiers responsables de la partie nord de la compagnie

3 Charly étaient à la base principale à Potocari, et les officiers avec un

4 certain nombre de soldats ont formé ce qui était appelé un bataillon de

5 réserve, notamment pour les véhicules transporteurs de troupes. Ils

6 étaient placés sous mon commandement.

7 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ces forces de réserve

8 se sont ensuite déployées dans d’autres zones de l'enclave de Srebrenica

9 pour palier l'absence de certains hommes au sein des unités en place ?

10 M. Egbers (interprétation). - Effectivement.

11 M. Harmon (interprétation). - Il y a eu diminution du nombre de

12 soldats placés sous vos ordres. En quoi cela a-t-il affecté la capacité du

13 Bataillon néerlandais à accomplir sa mission ?

14 M. Egbers (interprétation). - Il est clair que lorsque vous

15 perdez un tiers de votre bataillon, il est difficile d’assurer une

16 présence dans tous les postes d’observation et de patrouiller la zone de

17 façon efficace. Nous étions donc sous une pression extrême. Nous, c’est-à-

18 dire les hommes qui étaient encore dans l'enclave, avons constitué ce

19 peloton de réserve et nous avons essayé d'aider la compagnie Bravo qui se

20 trouvait au sud de l'enclave.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez pu

22 patrouiller le secteur en utilisant vos véhicules, ou pour une raison

23 quelconque vous n'avez pas pu utiliser votre véhicule ?

24 M. Egbers (interprétation). - Nous ne pouvions pas utiliser nos

25 véhicules pour ces patrouilles parce que nous n'avions pas assez

Page 2206

1 d'essence. Par exemple, lorsque nous devions apporter de l'eau ou de la

2 nourriture aux soldats qui se trouvaient dans d'autres parties de

3 l'enclave, nous utilisions les chevaux qui se trouvaient sur le terrain.

4 C'est ainsi que nous allions vers Potocari ou vers le point d'observation

5 Alpha, ou parfois nous y allions à pied.

6 Nous avions donc un peu d'essence, mais nous devions en garder

7 un petit peu au cas où il se passerait quelque chose d'inattendu, au cas

8 où il faudrait absolument emprunter un véhicule. Nous avions donc

9 effectivement une grave pénurie d'essence.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous manquiez d'autres

11 types de fournitures du fait des interventions des forces serbes de

12 Bosnie ?

13 M. Egbers (interprétation). - Oui, Monsieur, parce que nous

14 étions notamment en difficulté du fait de la pénurie de nourriture. Nous

15 n'avions que du riz et certains paquets de nourriture, mais ce n'était pas

16 très bon pour le moral des troupes.

17 M. Harmon (interprétation). - Et pour ce qui est des

18 médicaments ?

19 M. Egbers (interprétation). - Je n'ai aucune information à vous

20 donner sur ce sujet, pardon.

21 M. Harmon (interprétation). - Pendant que vous étiez à

22 l'enclave, étiez-vous en mesure de faire une évaluation concernant les

23 forces musulmanes militaires à l'intérieur de l'enclave ?

24 M. Egbers (interprétation). - Pendant les premiers six mois de

25 mon séjour à l'enclave, les soldats musulmans -si on pouvait les appeler

Page 2207

1 soldats, je ne sais pas trop-, enfin, les Musulmans ne portaient pas leurs

2 armes ouvertement.

3 Lorsque le poste d'observation Echo est tombé et que nous avons

4 eu des menaces provenant du sud, les Musulmans bosniens ont commencé à

5 porter leurs armes ouvertement. J'ai vu des AK47 et des mitrailleuses

6 également. Cela, c'était dans le sud de l'enclave.

7 M. Harmon (interprétation). - A quel moment le poste

8 d'observation Echo est-il tombé ?

9 M. Egbers (interprétation). - Je ne sais pas si c'était à la fin

10 du mois de juin ou au début de juillet.

11 M. Harmon (interprétation). - De quelle façon pouvez-vous

12 évaluer l'organisation des forces musulmanes à l'intérieur de l'enclave ?

13 M. Egbers (interprétation). - Ils n'étaient pas très bien

14 organisés, ils étaient mal vêtus, ils n'avaient pas d'uniforme ; ils

15 avaient quelques uniformes seulement et seulement quelques armes aussi.

16 Leur communication était mal structurée. Ils nous ont dit qu'ils avaient

17 quelques brigades, mais nous n'avons vu que des réfugiés.

18 A la fin du mois de juin, nous avons commencé à apercevoir des

19 armes, mais pas en grande quantité.

20 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, le dépôt d'armement de

21 la compagnie Bravo des Nations Unies, est-ce que les Musulmans de cet

22 emplacement-là portaient des armes lourdes ?

23 M. Egbers (interprétation). - Oui.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez vu une pièce

25 d'artillerie pendant votre séjour à Srebrenica ?

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1 M. Egbers (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Sans entrer dans les détails et

3 les circonstances de l'événement, pourriez-vous nous dire à quel moment

4 vous avez vu des pièces d'artillerie ?

5 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu des pièces d'artillerie le

6 deuxième jour, lorsque j'ai pris une position de blocage tout près de

7 Srebrenica, de la ville de Srebrenica.

8 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce pendant l'invasion de

9 l'enclave par les Serbes de Bosnie ?

10 M. Egbers (interprétation). - Pendant l'invasion du sud de

11 l'enclave, j'ai vu un morceau d'artillerie, c'était le Mike 48.

12 M. Harmon (interprétation). - Etait-ce une artillerie lourde ?

13 M. Egbers (interprétation). - Non, c'était une petite pièce

14 d'artillerie.

15 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire aux Juges ce

16 que vous savez de cette pièce d'artillerie ?

17 M. Egbers (interprétation). - Ils l'avaient cachée pendant

18 quelques années. Tout autour de ma position Bravo, il n'y avait que peu

19 d'obus, et on m'a dit qu'il n'y en avait que quatre ou cinq. Il y avait un

20 commandant de cette artillerie avec quelques soldats et ils communiquaient

21 entre eux en écrivant des notes à leurs supérieurs.

22 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu ces pièces

23 d'artillerie tirer ?

24 M. Egbers (interprétation). - Non.

25 M. Harmon (interprétation). - A cette époque, avez-vous vu des

Page 2209

1 Serbes de Bosnie avancer vers l'enclave ?

2 M. Egbers (interprétation). - Oui, ils avaient avancé vers

3 l'enclave.

4 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, permettez-moi de vous

5 poser la question suivante : en tant qu'officier de carrière, quelle était

6 l'évaluation des Musulmans à l'intérieur de l'enclave, tels que vous les

7 avez vus ou aperçus ?

8 M. Egbers (interprétation). - Je crois qu'ils étaient mal

9 organisés, ils n'avaient pas assez d'armes. C'étaient des réfugiés qui

10 agissaient en tant que soldats, ils n'avaient pas de formation. Je ne

11 pensais pas à eux comme étant une armée, non plus.

12 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, si l'on regarde les

13 forces serbes de Bosnie, pourriez-vous nous donner votre évaluation de la

14 VRS, telle que vous l'avez aperçue, vue ?

15 M. Egbers (interprétation). - J'ai quitté l'enclave au mois de

16 juillet 1995 avec des autobus de réfugiés. Par la suite, j'ai remarqué la

17 force militaire de la VRS. Ils avaient des missiles antiaériens, des

18 mitrailleuses lourdes et ils avaient beaucoup de AK 47. Ils avaient

19 beaucoup de grenades, ainsi de suite. Ils étaient très bien structurés,

20 bien armés. Ils avaient des moyens de communication très bien élaborés. Il

21 y avait des commandants et des lieutenants qui assuraient le contrôle des

22 pelotons, et leur structure militaire était très bien organisée.

23 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous vu des chars ?

24 M. Egbers (interprétation). - Oui, j'ai vu des chars et des

25 voitures d'ambulance. J'ai vu des blindés, des camions. Ils avaient tout.

Page 2210

1 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'armée de la VRS...

2 Est-ce que vous pourriez nous donner votre évaluation, de quelle façon

3 l'armée de la VRS fonctionnait ?

4 M. Egbers (interprétation). - Ils entraient par groupes de

5 quatre tanks, ils supportaient les uns les autres et ils tiraient sur la

6 ville de Srebrenica.

7 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que les composantes de la

8 VRS que vous avez vues fonctionnaient de façon coordonnée ?

9 M. Egbers (interprétation). - Oui.

10 M. Harmon (interprétation). - Quelle est votre évaluation,

11 alors, de la VRS ?

12 M. Egbers (interprétation). - Ils étaient bien formés ou

13 entraînés. Ils étaient bien struturés, ils avaient beaucoup d'armes, ils

14 ressemblaient plus à une armée.

15 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous en mesure de comparer

16 les deux ?

17 M. Egbers (interprétation). - Je crois que l'armée des Serbes de

18 Bosnie était une vraie armée telle que nous les connaissons, et que les

19 Musulmans n'étaient que des réfugiés qui portaient des armes.

20 M. Harmon (interprétation). - Pensez-vous que les éléments armés

21 de la part des Musulmans à l'intérieur de Srebrenica posaient vraiment une

22 grande menace à la VRS qui avait encerclé l'enclave ?

23 M. Egbers (interprétation). - Je ne sais pas.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que ce serait un bon moment

25 pour prendre une pause ?

Page 2211

1 M. le Président (interprétation). - Oui, c'est un moment

2 approprié pour prendre une pause. Juste dix minutes.

3 (L’audience, suspendue à 13 heures 40, est reprise à

4 13 heures 50).

5 M. le Président (interprétation). - Maître Harmon, vous pouvez

6 continuer.

7 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que l'on pourrait placer la

8 pièce à conviction°90, s'il vous plaît, sur le rétroprojecteur ?

9 Capitaine Egbers, j'aimerais attirer votre attention sur le

10 9 juillet, en tant que réserviste de l'Unité néerlandaise, vous avez pris

11 une position au sud de l'enclave. Pourriez-vous d'abord expliquer aux

12 Juges, ou pourriez-vous nous indiquer, sur la pièce à conviction 90, à

13 quel moment vous avez pris votre position de blocage ? Pouvez-vous, s'il

14 vous plaît, nous l'indiquer à l'aide du surligneur ? Vous pourriez peut-

15 être vous servir du surligneur vert.

16 M. Egbers (interprétation). - Voici donc la route qui mène vers

17 l'ouest. Voici la route. Cela constitue deux angles de 180°, je me

18 trouvais sur cet angle-ci, juste a codé du V.

19 M. Harmon (interprétation). - Ce qui m'intéresse plus

20 précisément, Capitaine Erbergs, c'est… D'abord et avant tout, pourriez-

21 vous expliquer aux Juges quelles étaient les circonstances sous lesquelles

22 vous avez pris ces positions de blocage ? Et quel était le but de cette

23 position de blocage ?

24 M. Egbers (interprétation). - Les circonstances étaient les

25 suivantes : il nous a fallu prendre une position de blocage pour être vus

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1 par l'armée des Serbes de Bosnie avec nos véhicules blancs. Il a fallu

2 absolument tirer ou tracer une ligne, faire une ligne ou faire un barrage

3 qui ne pouvait pas être franchi par l'armée des Serbes de Bosnie. Alors

4 c'est cette ligne-ci. Donc les Serbes de Bosnie savaient que nous étions

5 sur cette ligne et qu'ils ne pouvaient pas franchir cette frontière.

6 M. Harmon (interprétation). - Pour le compte rendu, le capitaine

7 Egbers indique une ligne qui apparaît être une ligne qui se trouve...,

8 c'est la ligne sombre. C'est la ligne noire qui apparaît sous le mot

9 "Srebrenica".

10 M. Egbers (interprétation). - Donc nous étions en position de

11 blocage, non pas en position cachée mais sur le dessus de la colline avec

12 les véhicules blancs et nos casques bleus pour que les deux parties

13 puissent nous voir. Cette façon représentait la ligne ou la frontière qui

14 ne pouvait pas être franchie. Et de cette position-là, j'avais une très

15 bonne vue sur le sud. Mon commandant, qui se trouvait à Srebrenica et qui

16 était à la base de la Compagnie Bravo, ne pouvait plus rien voir au sud de

17 l'enclave. A partir de son poste d'observation, il ne pouvait plus rien

18 voir. La position de blocage devait donc surveiller le sud de l'enclave.

19 M. Harmon (interprétation). - Et à ce moment-ci, le 9 juillet,

20 est-ce que l'invasion de l'enclave par l'armée serbe de Bosnie était déjà

21 en train d'avoir lieu ?

22 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'est exact.

23 M. Harmon (interprétation). - Votre position de blocage était-

24 elle pour essayer de décourager les mesures de l'enclave au-delà de la

25 ligne que vous avez indiquée ?

Page 2213

1 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'est exact. Il a fallu que

2 nous surveillions le terrain pour voir s'il y avait une présence

3 d'artillerie ou de chars serbes de Bosnie.

4 M. Harmon (interprétation). - Pendant combien de temps êtes-vous

5 resté sur cette position de blocage ?

6 M. Egbers (interprétation). - Trois jours.

7 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous vu le 9 juillet ?

8 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu un char des Serbes de

9 Bosnie entrer à l'intérieur de l'enclave, tirer sur Srebrenica et se

10 retirer.

11 J'ai également vu, tout près de Milici, inscrit en jaune ici,

12 c'est le village qui se trouve environ à 3 kilomètres de ma position de

13 blocage, et à travers mes jumelles, je pouvais voir l'infanterie des

14 Serbes de Bosnie pénétrer à l'intérieur des maisons, incendier ces maisons

15 et les piller ces maisons également.

16 M. Harmon (interprétation). - Vous avez dit également que vous

17 étiez en mesure de voir des chars venir et tirer. Savez-vous la direction

18 de leurs tirs ?

19 M. Egbers (interprétation). - Oui, je peux vous le dire. Ils

20 tiraient à l'intérieur de la ville de Srebrenica.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des objectifs

22 militaires, d'après ce que vous sachiez, à l'intérieur du village de

23 Srebrenica ?

24 M. Egbers (interprétation). - Non, il n'y avait que des réfugiés

25 et une base des Nations Unies.

Page 2214

1 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous aviez eu une

2 opinion à l'époque en ce qui a trait au but, la raison pour laquelle ce

3 char avait tiré dans la ville de Srebrenica ?

4 M. Egbers (interprétation). - Je crois qu'il voulait faire peur

5 aux réfugiés qui se trouvaient dans la ville de Srebrenica, pour qu'ils

6 puissent se diriger au nord de Potocari et pour qu'ils puissent entrer

7 dans la ville. Il leur faisait peur et bien sûr, il les tuait, les

8 blessait de cette façon.

9 M. Harmon (interprétation). - Maintenant, à cet endroit précis

10 où vous avez vu les pièces d'artillerie que vous avez mentionnées dans

11 votre témoignage précédent...

12 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'était l'endroit où était

13 situé Mike 48. C'est de là que l'on regardait vers le sud. On voyait un

14 groupe de soldats. Le groupe de soldats était tout près de cette pièce

15 d'artillerie qui n'avait pas tiré. Mais ils étaient simplement là au cas

16 où il aurait fallu riposter ou tirer.

17 M. Harmon (interprétation). - Combien de soldats de la VRS avez-

18 vous vu avancer vers l'enclave à partir du point où vous étiez le

19 9 juillet ?

20 M. Egbers (interprétation). - Au début, je n'ai vu que des chars

21 entrer à l'intérieur de l'enclave qui tiraient et se retiraient. Mais vers

22 la fin de la soirée, j'ai vu de l'infanterie entrer dans l'enclave

23 également.

24 M. Harmon (interprétation). - Comment entraient-ils dans

25 l'enclave ?

Page 2215

1 M. Egbers (interprétation). - Ils venaient avec une ambulance,

2 des véhicules, et ils marchaient un par un.

3 M. Harmon (interprétation). - Un par un donc ?

4 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'est exact.

5 M. Harmon (interprétation). - De quelle façon étaient-ils

6 vêtus ?

7 M. Egbers (interprétation). - Ils étaient vêtus en uniforme de

8 camouflage de couleur verte.

9 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous dire, de l'endroit

10 où vous étiez, de quelle façon ils étaient armés ?

11 M. Egbers (interprétation). - Ils étaient armés avec des AK 47

12 et des fusils. Il me semblait qu'il y avait peut-être un ou deux pelotons

13 d'infanterie qui se dirigeaient vers la ville de Srebrenica.

14 M. Harmon (interprétation). - Vous l'avez peut-être déjà

15 mentionné plus tôt, mais avec quoi faisiez-vous vos observations ? Quel

16 genre de dispositif oculaire ?

17 M. Egbers (interprétation). - Nous avions quelques jumelles,

18 mais nous avions une paire de jumelles spéciales qui pouvaient aller

19 jusqu'à 60 fois plus loin. Nous pouvions voir très clairement le sud de

20 l'enclave. C'est ce que nous avons rapporté lorsque nous avons rapporté

21 que l'infanterie entrait ou se dirigeait vers la ville de Srebrenica. Nous

22 avons reçu l'ordre d'accompagner les quatre blindés qui se trouvaient déjà

23 sur le marché, près du marché.

24 M. Harmon (interprétation). - Donc vous êtes retourné à la ville

25 de Srebrenica ?

Page 2216

1 M. Egbers (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous vu à la ville de

3 Srebrenica lorsque vous y êtes retourné ?

4 M. Egbers (interprétation). - Lorsque je suis arrivé sur le

5 marché, la place du marché, j'ai vu des milliers de femmes et d'enfants et

6 d'hommes. Et j'ai également vu les hommes qui portaient des outils

7 antichars ; j'ai vu des mitrailleuses, et j'ai également noté la présence

8 des AK 47. C'était un chaos absolu qui régnait sur cette place, puisque

9 les Serbes de Bosnie entraient dans la ville, c'est-à-dire au sud de la

10 ville de Srebrenica, les gens avaient très peur. Ils me demandaient quoi

11 faire et ils pointaient des lance-roquettes sur mon véhicule et ils

12 voulaient se joindre aux quatre blindés transports de troupes.

13 M. Harmon (interprétation). – Lorsque vous dites "eux", vous

14 parler des hommes musulmans qui étaient armés ?

15 M. Egbers (interprétation). – Oui, c’est exact.

16 M. Harmon (interprétation). – Aviez-vous jamais vu auparavant

17 autant d’hommes musulmans armés avant ce jour-là ?

18 M. Egbers (interprétation). - Avant ce jour-là ou avant cette

19 date, j'ai vu quelques Musulmans portant des armes au sud de l'enclave,

20 après la chute du poste d'observation Echo. Nous avions deux postes

21 d’observation mobiles au sud qui s’appelaient Serra/Uniform, alors j'ai vu

22 les Musulmans porter ouvertement leurs armes.

23 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous redéployé vers une

24 autre… Vous êtes-vous dirigé ailleurs dans une autre localité ou êtes-vous

25 allé ailleurs ?

Page 2217

1 M. Egbers (interprétation). – Oui, je me suis joint aux quatre

2 autres blindés et je suis retourné pour couvrir les blindés, et c'est là

3 que je suis resté toute la nuit.

4 M. Harmon (interprétation). - A un moment donné, pendant que

5 vous vous trouviez à cet endroit, est-ce que vous étiez au courant qu’un

6 soutien aérien rapproché avait été demandé ?

7 M. Egbers (interprétation). - Très tôt le matin, mon contrôleur

8 aérien qui se trouvait dans mon blindé devait regagner la position

9 Bravo 1, parce qu’à 7 heures du matin les tirs tireraient au sud de

10 l'enclave.

11 M. Harmon (interprétation). - Savez-vous quel était le résultat

12 du support aérien que vous avez reçu ?

13 M. Egbers (interprétation). - Plus tard, dans l’après-midi, il y

14 avait des F 16 néerlandais qui attaquaient un ou deux chars qui se

15 trouvaient dans mon voisinage et qui me menaçaient. Ils ont bien mené leur

16 opération. Les chars ont disparu et j'ai été en mesure de retourner dans

17 la ville de Srebrenica et d'aider le capitaine Green avec sa Compagnie

18 Bravo. Il y avait donc un soutien aérien de près. Il y avait deux F 16

19 dans l'après-midi au lieu d'un contingent de fusils qui nous avait été

20 promis le matin.

21 M. Harmon (interprétation). – Quand vous dites l’après-midi,

22 savez-vous quel jour c’était ? Quelle était la date ?

23 M. Egbers (interprétation). – C’était le 11.

24 M. Harmon (interprétation). – Vous avez dit que vous étiez

25 retourné à Srebrenica, dans la ville même de Srebrenica. Qu'avez-vous vu

Page 2218

1 et qu’avez-vous fait à ce moment-là ?

2 M. Egbers (interprétation). – Il y avait des milliers de gens.

3 Ils nous regardaient, ils nous posaient des questions, ils nous

4 demandaient que faire et nous avons essayé de transporter tous ces gens-là

5 vers Potocari et de faire en sorte qu'ils se dirigent par là, parce que

6 nous étions certains que les Serbes de Bosnie allaient attaquer la ville

7 très vite.

8 J’ai donc demandé à mes soldats de quitter les blindés et j'ai

9 pu ramasser les gens qui étaient mentalement malades et qui étaient

10 blessés. Je les ai pris à bord de mon blindé et je les ai emmenés vers

11 Potocari.

12 M. Harmon (interprétation). - Quand vous dites que vous avez

13 pris, que vous conduisiez entre eux, à qui vous référez-vous ?

14 M. Egbers (interprétation). – Je me dirigeais entre les

15 réfugiés.

16 M. Harmon (interprétation). – Où étiez-vous en rapport avec la

17 colonne de réfugiés sur la route de Srebrenica à Potocari ? Quelle était

18 votre position ?

19 M. Egbers (interprétation). - J'étais peut-être à un kilomètre

20 derrière eux, donc pas en avant mais presque à l’avant.

21 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous étiez les premiers

22 blindés des Nations Unies dans la colonne ?

23 M. Egbers (interprétation). – Oui, l'un des premiers, j’étais

24 l’un des premiers.

25 M. Harmon (interprétation). – Lorsque vous avanciez vers

Page 2219

1 Potocari, avec la colonne, avez-vous vu ou entendu des tirs d'artillerie

2 tirés soit sur la colonne ou autour de la colonne qui avançait vers

3 Potocari ?

4 M. Egbers (interprétation). – Oui, c'est exact. J'ai vu de

5 l'artillerie des Serbes de Bosnie à gauche et à droite de la route, et sur

6 la route des réfugiés qui étaient emmenés à Potocari.

7 J’étais persuadé qu’ils voulaient leur faire peur, les

8 impressionner. Ils n’avaient pas frappé la route mais tout près de la

9 route.

10 M. Harmon (interprétation). – Mon collègue me rappelle que nous

11 devrions essayer de ménager des pauses entre les questions et les réponses

12 que vous y apportez. Tâchons de ralentir un peu le rythme parce que cela

13 permettra aux interprètes de travailler avec un plus grand confort. C’est

14 quelque chose que je vous ai déjà dit, je vous le répète.

15 Je reviens à ce que vous étiez en train de nous dire que... Ces

16 obus, où tombaient-ils par rapport à la colonne de réfugiés ?

17 D’autre part, pourriez-vous nous dire quels types d’armes ou de

18 pièces d'artillerie étaient utilisés pour ce pilonnage ?

19 M. Egbers (interprétation). - J'ai pu entendre des détonations

20 qui partaient d'un secteur qui était à environ 100 mètres de la route

21 qu’empruntaient les réfugiés. Je ne sais pas s’il s’agissait de tirs de

22 mortiers ou bien si c’était des pièces d’artillerie qui étaient utilisées

23 mais c'était l’une de ces deux armes qui était utilisée.

24 M. Harmon (interprétation). – Quel a été l'effet de ces tirs sur

25 les personnes qui constituaient cette colonne de réfugiés ?

Page 2220

1 M. Egbers (interprétation). – Les réfugiés étaient bien sûr

2 terrorisés. Ils ont vu les deux F16 qui arrivaient au-dessus de la ville

3 pour nous apporter leur aide et, lorsqu’ils ont vu que les Serbes de

4 Bosnie recommençaient à les pilonner aux alentours de la route, ils ont

5 été saisis de panique, évidemment.

6 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous pu finalement atteindre

7 Potocari le 11 juillet ?

8 M. Egbers (interprétation). - Oui.

9 M. Harmon (interprétation). - Et, cette nuit-là, qu'avez-vous

10 fait ?

11 M. Egbers (interprétation). - Lorsque je suis arrivé à Potocari,

12 je me suis occupé de toutes les personnes blessées ou malades qui se

13 trouvaient à bord de mon blindé transporteur de troupe et, après

14 quatre jours sur cette position de blocage, je me suis reposé.

15 M. Harmon (interprétation). – Vous aviez donc passé les

16 quatre jours précédents sur le terrain ?

17 M. Egbers (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). – Nous en venons au jour où vous

19 vous réveillez, si je puis m'exprimer ainsi.

20 Le 12 juillet, est-ce que vous avez reçu, ce jour-là, des ordres

21 du commandant Franken ?

22 M. Egbers (interprétation). – Oui.

23 M. Harmon (interprétation). – Quels étaient ces ordres ?

24 M. Egbers (interprétation). – Il fallait que je le retrouve dans

25 la salle réunion. Il fallait que j’emmène 12 soldats avec moi.

Page 2221

1 M. Harmon (interprétation). - Quels étaient les ordres ensuite ?

2 M. Egbers (interprétation). – Eh bien je devais assurer

3 l’escorte des autobus que l’on commençait à voir arriver aux alentours de

4 l’entrée principale. Il fallait que j’emmène de la nourriture, de l'eau et

5 des sacs de couchage parce que nous ne savions pas où allaient les bus.

6 Le commandant Franken a dit : "Je ne sais pas où vous allez et

7 combien de temps vous partez, mais il faut que vous escortiez ces bus et

8 que vous faisiez un rapport précis de tout ce que vous voyez sur la

9 route".

10 M. Harmon (interprétation). - Qui se trouvait à bord des bus ?

11 M. Egbers (interprétation). – A bord des bus, il y avait les

12 réfugiés, les femmes, les enfants, les Musulmans qui avaient été

13 rassemblés par le quartier général du Bataillon néerlandais.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que d'autres officiers

15 néerlandais vous ont accompagné dans le cadre de cette mission d'escorte ?

16 M. Egbers (interprétation). - J'ai assuré l'escorte du premier

17 convoi de déportation et, en tête de cette ligne de bus, il y avait un

18 autre véhicule des Nations Unies avec à son bord le commandant Boering et

19 un autre capitaine. Et moi, j'étais à la queue du convoi.

20 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous demander de bien

21 vouloir nous décrire ce déplacement, le déplacement de ce premier convoi

22 qui a quitté Potocari. Je voudrais que vous expliquiez aux Juges ce que

23 vous avez pu observer, notamment dans la ville de Bratunac.

24 M. Egbers (interprétation). - Quand vous quittez le poste

25 d'observation Papa, c'est-à-dire le poste qui se trouve dans le nord de

Page 2222

1 l'enclave, vous vous retrouvez très rapidement sur une route qui traverse

2 Bratunac. Il y avait des centaines de soldats serbes de Bosnie qui se

3 tenaient de part et d'autre de la route. Ils chantaient, ils buvaient, ils

4 criaient, ils jetaient des projectiles sur les autobus. C'était

5 extraordinairement effrayant.

6 Cela m'a fait penser à un film que l'on avait vu quelques

7 semaines auparavant, "La liste de Schindler". Dans ce film, on voit des

8 juifs qui se dirigent vers des trains et on voit, de part et d'autre, des

9 personnes qui se trouvent au bord de la route qui crient, qui invectivent

10 ces juifs. C'était exactement la même situation que nous vivions.

11 M. Harmon (interprétation). - Vous avez finalement réussi à

12 passer tout de même, et à atteindre Bratunac, n'est-ce pas ?

13 M. Egbers (interprétation). - Exact.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il est arrivé quelque

15 chose à l'un des bus qui constituait le convoi que vous escortiez ?

16 M. Egbers (interprétation). - Bien, l'un des moteurs de l'un des

17 bus a pris feu. Il s'est donc arrêté sur le côté droit de la route, tous

18 les autobus ont poursuivi leur route et suivaient le bus de tête vers

19 Kladanj. Moi, je me suis arrêté en contre-bas, à côté de ce bus.

20 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé ?

21 M. Egbers (interprétation). - Plusieurs soldats serbes de Bosnie

22 se sont dirigés vers les réfugiés qui étaient à bord du bus. J'ai demandé

23 à tous ces réfugiés de descendre du bus, je voulais assurer leur sécurité

24 parce que le moteur brûlait. A ce moment-là, je leur ai donné tous les

25 aliments que j'avais sur moi : l'eau, les médicaments que je transportais

Page 2223

1 parce que, notamment, ils avaient très soif, très faim et puis ils étaient

2 très effrayés. Ils souffraient de migraines.Et puis, je leur ai conseillé

3 de se rendre vers un petit ruisseau qui passait plus loin et de se

4 rafraîchir.

5 C'est là que j'ai vu les soldats serbes de Bosnie se diriger

6 vers ce groupe de personnes. Ils se sont dirigés vers eux et ont commencé

7 à les observer.

8 Puis, un certain nombre de Serbes de Bosnie se sont approchés

9 avec des appareils photos, avec des canettes de limonade, et ils ont

10 commencé à prendre des photos dans le but d'entamer une campagne de

11 propagande, sans doute.

12 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que le bus a pu être

13 réparé ? A-t-il pu reprendre sa route ?

14 M. Egbers (interprétation). - Non. Il n'a pas pu reprendre sa

15 route.

16 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'un autre bus a été amené

17 à proximité pour que les réfugiés puissent reprendre leur chemin ?

18 M. Egbers (interprétation). - Le chauffeur du bus a demandé à

19 emprunter mon véhicule pour essayer d'aller chercher un autre bus, mais je

20 lui ai dit qu'il fallait qu'il trouve une autre solution, et il a réussi à

21 trouver un autre bus.

22 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous soumettre la pièce de

23 l'accusation 1E. En fait, elle se trouve à votre droite. Prenez le

24 pointeur et indiquez-nous la route que vous avez empruntée à bord de ce

25 nouveau bus qui a été amené par le chauffeur.

Page 2224

1 M. Egbers (interprétation). - Voici la ville de Bratinac. Donc

2 nous avons quitté Potocari en direction de Bratunac. Nous sommes allés

3 vers le sud, vers Nosa Kasava, vers Milici, Vrecesica, et nous nous sommes

4 dirigés vers Kladanj.

5 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous s'il vous plaît

6 utiliser votre pointeur et nous montrer à quel endroit de la route le bus

7 a souffert de la panne, si vous vous en rappelez ?

8 M. Egbers (interprétation). - Eh bien, le bus s'est arrêté à peu

9 près ici.

10 M. Harmon (interprétation). - Je précise que le témoin montre la

11 région qui se trouve à gauche et à droite de la ville de Klogova. Merci,

12 Capitaine, vous pouvez vous rasseoir.

13 Capitaine Egbers, alors que vous vous dirigiez vers Kladanj,

14 qu'avez-vous pu observer ?

15 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu beaucoup de soldats serbes

16 de Bosnie qui faisaient partie des forces d'infanterie. Ils étaient sur la

17 route, ils étaient face à la forêt, donc face à l'enclave. Ils tiraient en

18 direction de la forêt et ils expliquaient qu'il y avait dans les bois des

19 combattants musulmans et qu'ils ouvraient le feu sur ces combattants.

20 Ils m'ont donc arrêté, ils ont ouvert le feu avec un fusil

21 antiaérien en direction de la forêt. Lorsqu'ils ont eu terminé, ils nous

22 ont permis de passer avec le bus.

23 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu des

24 ripostes provenant de la forêt et en direction des Serbes de Bosnie ?

25 M. Egbers (interprétation). - Non.

Page 2225

1 M. Harmon (interprétation). - D'après vous, combien de soldats

2 se trouvaient sur cette section de la route qui est entre Santici et

3 Nova Kasava, à peu près ?

4 M. Egbers (interprétation). - J'en ai vu des centaines : par

5 petits groupes de 5 ou 6, et puis 20 mètres plus loin il y avait un autre

6 groupe ; et tous faisaient face à la forêt. Nous parlons bien de ce

7 secteur qui va de Santici à Nova Kasava.

8 M. Harmon (interprétation). - Que portaient-ils ?

9 M. Egbers (interprétation). - Ils étaient tous en uniforme vert,

10 ils étaient soldats d'infanterie de l'armée serbe. Ils étaient bien armés,

11 ils portaient des AK 47, des mitrailleuses. Ils disposaient de véhicules

12 dotés de fusils antiaériens à 4 barillets, ils tiraient en direction de la

13 forêt.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion

15 de passer à proximité d'un stade de football, près de Nova Kasava, alors

16 que vous vous rendiez vers votre destination à bord de ce bus ?

17 M. Egbers (interprétation). - Oui.

18 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous soumettre la pièce de

19 l'accusation, ou plutôt deux pièces de l'accusation : les pièces 12/4 dont

20 je souhaiterais qu'elle soit placée sur le rétroprojecteur en premier, et

21 la pièce de l'accusation 12/2. Monsieur l'huissier, je vous demande donc

22 de placer d'abord la pièce 12/4 sur le rétroprojecteur.

23 (L'huissier s'exécute.)

24 Capitaine Egbers, avez-vous déjà vu cette photographie ?

25 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'est le terrain de football

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1 qui est à côté de Nova Kasava.

2 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous décrire aux Juges de

3 la Chambre ce que vous avez pu observer près de ce terrain de football le

4 12 juillet ?

5 M. Egbers (interprétation). - Nous avons emprunté la route que

6 vous pouvez voir, elle passe près des arbres, et j'ai vu ce terrain de

7 football. Et sur ce terrain de football il y avait des hommes assis par

8 terre, leurs mains sur la nuque. Il y avait des tables, il y avait des

9 soldats assis autour de ces tables et puis, autour du terrain, il y avait

10 des soldats.

11 M. Harmon (interprétation). - Combien de personnes se trouvaient

12 agenouillées sur le terrain, leurs mains sur la nuque ?

13 M. Egbers (interprétation). - Eh bien, je peux dire que c'est la

14 quasi totalité du terrain qui était occupée par ces hommes.

15 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous soumettre maintenant

16 la pièce de l'accusation 12/2. Voici une photographie aérienne, Capitaine

17 Egbers, elle porte la date du 13 juillet 1995. Elle a été prise à environ

18 14 heures.

19 Vous pouvez voir que, au niveau du terrain de football, deux

20 ovales ont été tracées. Et puis, il y a au centre de ces cercles des zones

21 sombres qui ont été identifiées comme étant des attroupements de

22 prisonniers.

23 Est-ce qu'il y avait, sur ce terrain de football, plus de

24 prisonniers que ce que l'on peut voir sur la pièce à conviction de

25 l'accusation 12.2 ?

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1 M. Egbers (interprétation). - Oui, parce que moi, j'ai vu que

2 tout le terrain de football était couvert. Il devait y avoir des centaines

3 de prisonniers.

4 M. Harmon (interprétation). - Je vous remercie. Est-ce que vous

5 avez pu essayer de savoir qui étaient ces hommes rassemblés sur le

6 terrain ?

7 M. Egbers (interprétation). - Lorsque j'ai emprunté cette route

8 en direction de Nova Kavasa, j'ai vu des groupes de Musulmans qui se

9 dirigeaient vers le terrain de football et qui avaient aussi les mains sur

10 la nuque. Ces hommes musulmans avaient été faits prisonniers dans la

11 forêt.

12 M. Harmon (interprétation). - Capitaine Egbers, est-ce que vous

13 avez finalement pu atteindre votre destination ? Est-ce que les bus se

14 sont arrêtés et les réfugiés sont descendus des bus ?

15 M. Egbers (interprétation). - Oui.

16 M. Harmon (interprétation). - Où vous êtes-vous arrêté ?

17 M. Egbers (interprétation). - C'était dans le voisinage de

18 Kladanj, près de la ligne de confrontation.

19 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il s'est passé quoi que

20 soit d'inhabituel à ce moment-là ?

21 M. Egbers (interprétation). - Tout était très bien organisé, les

22 bus se sont arrêtés, les femmes et les enfants m'ont vu ; ils ont fait ce

23 signe de passer le doigt au travers de la gorge, comme s'ils allaient se

24 faire tuer, et c'était au milieu des bois.

25 M. Harmon (interprétation). - Lorsque vous dites "ce signe",

Page 2228

1 vous passez votre doigt au travers de votre gorge, n'est-ce pas ?

2 M. Egbers (interprétation). - C'est exact. Ils étaient persuadés

3 que leur voyage s'arrêtait. Ils étaient persuadés qu'ils allaient être

4 massacrés.

5 Puis, j'ai vu trois de ces autobus s'arrêter à un endroit. Les

6 réfugiés ont dû descendre et ont dû se diriger, à pied, en direction de la

7 Bosnie centrale. Ces trois bus étaient donc vides et ces bus ont dû

8 ensuite reprendre leur route. Donc c'était très bien organisé. Je le

9 répète, les gens du premier convoi se sont dirigés à pied en direction de

10 la Bosnie centrale,.

11 M. le Président (interprétation). - Excusez-moi. Qu'entendez-

12 vous exactement par "Bosnie centrale" ? Et puis vers les bois, vers la

13 ville ?

14 M. Harmon (interprétation). - Très bien, Monsieur le Président.

15 Qu'entendez-vous par "ils sont partis en direction de la Bosnie

16 centrale" ? Vers où se dirigeaient-ils ?

17 M. Egbers (interprétation). - Ils ont pris la direction de

18 l'ouest. Ils sont partis vers la ligne de confrontation, vers Kladanj.

19 M. Harmon (interprétation). - Merci.

20 M. Egbers (interprétation). - Mais nous avons été arrêtés peu de

21 temps avant la ville. Nous étions en plein milieu de la forêt. La route

22 traversait la forêt, c'est la raison pour laquelle les femmes ont pensé

23 que leur voyage et que leur vie allaient s'achever ici.

24 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous êtes revenu à

25 Potocari après tout cela ?

Page 2229

1 M. Egbers (interprétation). - Oui.

2 M. Harmon (interprétation). - Etes-vous passé à proximité de ce

3 même terrain de football dont vous nous avez parlé précédemment, à savoir

4 le terrain de football près de Nova Kasaba ?

5 M. Egbers (interprétation). - Oui.

6 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous pu observer au niveau

7 du terrain de football ?

8 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu qu'il était occupé par des

9 centaines d'hommes qui étaient agenouillés par terre, les mains sur la

10 nuque.

11 M. Harmon (interprétation). - Donc la situation était tout à

12 fait semblable à celle que vous aviez observée lorsque vous étiez passé à

13 proximité, la première fois ?

14 M. Egbers (interprétation). - Effectivement.

15 M. Harmon (interprétation). - J'attire votre attention sur la

16 journée du 13 juillet. Vous êtes de retour à Potocari. Est-ce qu'à ce

17 moment-là vous avez reçu des ordres ? Est-ce qu'on vous a confié une tâche

18 particulière le 13 juillet ?

19 M. Egbers (interprétation). - Mon capitaine m'a donné l'ordre de

20 me présenter à 6 heures et d'escorter un autre convoi. Mais mon convoi, le

21 convoi n° 4, ne devait partir qu'à 11 heures. Il était donc entre 6 heures

22 et 11 heures, et je suis resté au portail principal.

23 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez eu l'occasion

24 d'observer quoi que ce soit aux alentours du lieudit "la maison blanche" ?

25 M. Egbers (interprétation). - Effectivement, j'ai vu des choses

Page 2230

1 et j'ai entendu des choses. J'ai notamment entendu une femme appeler à

2 l'aide ; elle hurlait, j'ai réagi.

3 M. Harmon (interprétation). - Pourquoi criait-elle ?

4 M. Egbers (interprétation). - Elle hurlait parce qu'on voulait

5 qu'elle monte à bord des bus, alors que les hommes de sa famille devaient

6 rester au niveau de la maison blanche. C'étaient les soldats de

7 l'infanterie de l'armée serbe de Bosnie qui avaient emmené ces hommes à la

8 maion blanche.

9 M. Harmon (interprétation). - Je vais vous soumettre la pièce de

10 l'accusation 5/17, s'il vous plaît. Je demande à ce qu'elle soit placée

11 sur le rétroprojecteur.

12 Je vais vous demander, Capitaine, si vous pouvez nous dire quel

13 est le bâtiment que l'on aperçoit sur cette pièce ? Est-ce qu'il s'agit de

14 la maison blanche ?

15 (La pièce 5/17 est placée sur le rétroprojecteur).

16 M. Egbers (interprétation). - Oui, il s'agit de la maison

17 blanche.

18 M. Harmon (interprétation). - Le témoin indique le bâtiment qui

19 se trouve au fond, à droite, de cette pièce à conviction.

20 M. Egbers (interprétation). - C'est exact.

21 M. Harmon (interprétation). - Après avoir entendu cette femme

22 hurler, qu'avez-vous fait ?

23 M. Egbers (interprétation). - Je suis entré en contact avec deux

24 caporaux qui se tenaient à proximité de la maison blanche, et je leur ai

25 demandé ce qui se passait. Ils m'ont dit qu'ils ne le savaient pas parce

Page 2231

1 qu'ils n'avaient pas le droit de pénétrer dans la maison blanche.

2 Quand je leur ai demandé : "Pourquoi ne pouvez-vous pas

3 entrer ?", ils ont répondu que les Serbes de Bosnie ne le leur

4 permettaient pas.

5 C'est alors que je me suis approché des soldats serbes de Bosnie

6 qui se trouvaient là. Je leur ai dit que j'étais Premier lieutenant. Je

7 leur ai dit que je souhaitais inspecter les locaux de la maison blanche et

8 je suis entré.

9 M. Harmon (interprétation). - Ces soldats serbes aux alentours

10 de la maison blanche, que portaient-ils ?

11 M. Egbers (interprétation). - Ils étaient en uniforme de

12 camouflage d'infanterie vert.

13 M. Harmon (interprétation). - Que s'est-il passé quand vous êtes

14 entré ?

15 M. Egbers (interprétation). - Eh bien, j'ai vu un homme...

16 Pardon un homme assis dans une pièce, puis dans une autre ; ils semblaient

17 attendre certains événements.

18 M. Harmon (interprétation). - Avez-vous eu une conversation avec

19 les soldats serbes qui se trouvaient sur place ?

20 M. Egbers (interprétation). - Oui. Je leur ai demandé :

21 "Pourquoi séparez-vous les hommes des femmes ?". Il a indiqué un

22 amoncellement de couteaux; de couteaux de poche, qui se trouvaient au sol

23 et il disait : "Eh bien, vous voyez, ils sont tous armés avec des

24 couteaux, donc nous ne voulons pas qu'ils nous attaquent ou qu'ils

25 attaquent les chauffeurs des bus".

Page 2232

1 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'ils ont dit quelque

2 chose d'autre ?

3 M. Egbers (interprétation). - Ils ont dit qu'ils allaient les

4 emmener à Kladanj.

5 M. Harmon (interprétation). - Donc les soldats serbes de Bosnie

6 vous ont dit qu'ils allaient emmener les personnes à Kladanj ?

7 M. Egbers (interprétation). - C'est exact.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez vu quelque

9 chose d'autre, à part ces couteaux de poche ?

10 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu des devises de l'ex-

11 Yougoslavie, j'ai vu des photos de famille, j'ai vu beaucoup de bagages

12 laissés là par les hommes qui se trouvaient dans la maison blanche.

13 M. Harmon (interprétation). - Où avez-vous vu ces photos, cet

14 argent ?

15 M. Egbers (interprétation). - Par terre.

16 M. Harmon (interprétation). - Devant la maison blanche ?

17 M. Egbers (interprétation). - Oui, devant la maison blanche.

18 M. Harmon (interprétation). - Fort bien. Est-ce que vous avez vu

19 des hommes qui, auparavant, se trouvaient dans la maison blanche monter

20 dans des bus ?

21 M. Egbers (interprétation). - Oui, monsieur. J'ai vu des bus,

22 trois bus, au bord desquels se trouvaient des hommes. Un des bus portait

23 le n° 3. Il était escorté par mon collègue et moi-même, je devais escorter

24 le bus n° 4. J'étais sur place. Je leur ai dit que les Serbes de Bosnie

25 emmèneraient ces bus à Kladanj, mais les hommes à bord m'ont dit que ce

Page 2233

1 n'était pas le cas. Ils ont fait le même signe que les femmes dont j'ai

2 parlé précédemment.

3 Ils m'ont dit : "Ils vont nous tuer", et ils m'ont même proposé

4 des marks allemands.

5 M. Harmon (interprétation). - Pourriez-vous, s'il vous plaît,

6 refaire pour le bénéfice des Juges de la Chambre le geste que ces hommes

7 musulmans vous ont fait, ces hommes que vous aviez vus dans la maison

8 blanche ?

9 M. Egbers (interprétation). - C'était ce signe-là.

10 M. Harmon (interprétation). - Eh bien, une fois encore, le

11 témoin passe son doigt au travers de sa gorge.

12 Vous dites qu'ils vous ont offert des marks allemands.

13 Pourquoi ?

14 M. Egbers (interprétation). - Eh bien, parce que ces hommes

15 musulmans disaient que ces marks ne leur seraient plus d'aucune utilité,

16 parce qu'ils n'allaient pas aller à Kladanj et qu'ils allaient être tués.

17 Moi, j'ai dit : "Mais non ! Gardez votre argent, je n'en veux pas".

18 M. Harmon (interprétation). - Combien d'hommes avez-vous vu

19 monter à bord de ces bus, approximativement ?

20 M. Egbers (interprétation). - Environ 200.

21 M. Harmon (interprétation). - Ces hommes, à quoi ressemblaient-

22 ils ? Quelle était leur apparence quand ils montaient à bord de ces bus ?

23 M. Egbers (interprétation). - Ils avaient l'air effrayé. Il

24 s'agissait pour la plupart d'hommes relativement âgés, absolument

25 effrayés.

Page 2234

1 M. Harmon (interprétation). - On me fait signe qu'une fois

2 encore il faut tâcher de ralentir notre rythme. Mon collègue me rappelle

3 que nous devons absolument tâcher de ménager des pauses.

4 Avez-vous jamais pu observer des hommes musulmans se diriger en

5 direction de la maison blanche, sous l'escorte de soldats serbes de

6 Bosnie ?

7 M. Egbers (interprétation). - J'ai vu un homme qui avait les

8 mains sur la nuque, qui était emmené à la maison blanche par un Serbe de

9 Bosnie.

10 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il y a quelque chose

11 d'autre que vous puissiez nous dire à propos de la maison blanche ? Est-ce

12 que vous vous souvenez d'autres éléments dont vous pourriez nous faire

13 part ? Ou est-ce que vous nous avez tout dit à propos de la maison

14 blanche ?

15 M. Egbers (interprétation). - Je vous ai tout dit.

16 M. Harmon (interprétation). - Très bien. Savez-vous ce qu'il est

17 advenu de ce convoi constitué de trois bus que vous avez pu voir quitter

18 le secteur, avec tous ces hommes à bord ?

19 M. Egbers (interprétation). - Je suis parti avec le convoi n° 4

20 un petit peu plus tard. Mais plusieurs jours plus tard, j'ai appris que

21 ces trois bus n'avaient jamais quitté Bratunac, qu’ils sont arrivés à

22 Bratunac et l'escorte n'a pas pu aller plus loin parce que les Serbes de

23 Bosnie s'y sont opposés.

24 M. Harmon (interprétation). - Ensuite vous êtes parti avec votre

25 convoi, n'est-ce pas ?

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1 M. Egbers (interprétation). - C'est exact.

2 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez emprunté le

3 même chemin que celui que vous aviez emprunté la veille ?

4 M. Egbers (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Combien de bus environ

6 constituaient le convoi que vous escortiez ?

7 M. Egbers (interprétation). - 14, 15 peut-être.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez pu observer

9 des incidents inhabituels, des incidents qui vous ont marqué, alors que

10 vous vous dirigiez vers Kladanj ?

11 M. Egbers (interprétation). - Nous avons été arrêtés un certain

12 nombre de fois, des kalachnikov ont été pointées vers nous. On nous a

13 demandé de remettre nos gilets parre-balles, de remettre nos casques, ils

14 voulaient tout notre équipement ; c'est arrivé à peu près à 7 reprises au

15 cours de ce voyage.

16 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez refusé...

17 enfin vous avez dû refuser à peu près 6 fois, non ?

18 M. Egbers (interprétation). - Oui, j'ai indiqué quel était mon

19 grade, j'ai indiqué mon insigne. J'ai fait en sorte que mes propos soient

20 interprétés en BCS, et j'ai dit aux Serbes de Bosnie que j'étais Premier

21 lieutenant. Et nous avons toujours fini par passer.

22 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que finalement vous avez dû

23 rendre votre équipement, votre gilet pare-balles, votre casque ? Est-ce

24 que de même votre chauffeur a dû donner son équipement ?

25 M. Egbers (interprétation). - Oui, à une occasion effectivement

Page 2236

1 on nous a pointé une Kalachnikof vers le crâne.

2 M. Harmon (interprétation). - Donc vous avez cédé sous la

3 contrainte et sous la force ?

4 M. Egbers (interprétation). - Oui.

5 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez pu observer

6 des soldats dans le secteur que vous avez traversé pour vous rendre à

7 Kladanj ? Je parle de soldats serbes ?

8 M. Egbers (interprétation). - Entre Santici et Nova Kasava, j'ai

9 pu observer -tous les trois mètres environ- un petit attroupement de

10 soldats, donc il y avait beaucoup de soldats. Ils étaient en uniforme

11 vert, pas aussi disciplinés que j'avais pu voir dans le secteur

12 auparavant. Ils étaient lourdement armés, ils tiraient en direction des

13 bois où se trouvaient supposément des combattants musulmans. C'étaient des

14 soldats de l'armée régulière, mais pas aussi disciplinés que ceux que

15 j'avais pu voir.

16 M. Harmon (interprétation). - Dans ce secteur, est-ce que vous

17 avez peu entendre des tirs tirés depuis la forêt en direction de ces

18 soldats ?

19 M. Egbers (interprétation). - Non.

20 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous êtes passé à

21 proximité du terrain de football de Nova Kasava ?

22 M. Egbers (interprétation). - Oui.

23 M. Harmon (interprétation). - Ce même terrain de football dont

24 nous avons parlé plus tôt et que nous avons identifié sur une

25 photographie, n'est-ce pas ?

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1 M. Egbers (interprétation). - Oui, c'est le même terrain.

2 M. Harmon (interprétation). - Qu'avez-vous pu observer sur ce

3 terrain de football, le 13 juillet, alors que vous vous dirigiez vers

4 Kladanj ?

5 M. Egbers (interprétation). - Il était toujours empli d'hommes

6 agenouillés à terre et leurs mains sur la nuque.

7 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il y en avait un petit

8 peu moins ? Est-ce qu'il y avait la même quantité d'hommes agenouillés à

9 terre ? Est-ce qu'il y en avait plus ? Pourriez-vous nous dire environ

10 combien d'hommes vous avez pu voir dans cette position, sur le terrain de

11 football de Nova Kasava ?

12 M. Egbers (interprétation). - Il y avait à peu près la même

13 quantité d'hommes.

14 M. Harmon (interprétation). - Est-ce qu'il vous a semblé qu'il

15 s'agissait de Musulmans de Bosnie qui avaient été sortis des bois ?

16 M. Egbers (interprétation). - Oui, Monsieur, parce qu'il y avait

17 des groupes de Musulmans qui se dirigeaient les mains sur la nuque vers le

18 terrain de football.

19 M. Harmon (interprétation). - Et qui surveillait ces hommes qui

20 se trouvaient sur le terrain de football ?

21 M. Egbers (interprétation). - Je n'en suis pas sûr, mais j'ai vu

22 un camion avec la tête d'un loup blanc peinte sur l'une des portes.

23 C'était un loup qui hurlait. Et on m'a dit plus tard que c'était un

24 véhicule qui appartenait aux Loups de la Drina, comme ils étaient appelés.

25 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, est-ce que

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1 nous nous interrompons aujourd'hui à 14 heure 30 ?

2 M. le Président (interprétation). - Est-ce que vous avez besoin

3 encore de beaucoup de temps ?

4 M. Harmon (interprétation). - J'ai besoin d'un certain temps.

5 M. le Président (interprétation). - Alors peut-être pouvez-vous

6 terminer la question que vous avez encore à poser au témoin, et nous nous

7 arrêterons ensuite.

8 M. Harmon (interprétation). - Est-ce que vous avez ensuite

9 repris votre chemin vers Kladanj, après avoir vu le terrain de football ?

10 M. Egbers (interprétation). - Oui.

11 M. Harmon (interprétation). - Monsieur le Président, le

12 capitaine Egbers sait encore bien des choses à nous apprendre sur cette

13 partie de son déplacement vers Kladanj, mais je crois que nous en sommes

14 arrivés à un bon moment pour nous interrompre.

15 M. le Président (interprétation). - Si vous souhaitez vous

16 interrompre, alors cela nous convient parfaitement. Je vous remercie.

17 M. Harmon (interprétation). - Merci à vous.

18 M. le Président (interprétation). - Capitaine Egbers, je vais

19 vous demander de bien vouloir revenir demain à 9 heures 30.

20 L'audience est levée jusqu'à demain à 9 heures 30.

21 Merci à tous.

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23 L'audience est levée à 14 heures 30.

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