Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 4 décembre 2000.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 23.)

4 M. le Président: Bonjour, Mesdames et Messieurs. Bonjour, cabine

5 technique. Bonjour, interprètes.

6 Interprètes: Bonjour, Monsieur le Président.

7 M. le Président: Bonjour, Procureur, conseils de la défense, Général

8 Krstic.

9 Comme vous le voyez, le Juge Fuad Riad n'est pas présent pour des raisons

10 de santé; il ne pourra l'être au moins jusqu'à 11 heures et nous verrons

11 alors s'il est disponible. Aux termes de l'Article 15bis, nous avons

12 décidé de siéger à deux; c'est notre décision.

13 Maître Petrusic ou Me Visnjic, nous avons un témoin, s'il vous plaît?

14 M. Petrusic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, Madame la

15 Juge, mes chers collègues du Bureau du Procureur et autres personnes

16 présentes dans le prétoire.

17 Monsieur le Président, lors de la fin de notre dernière session, la

18 défense avait annoncé une audition d'un témoin aujourd'hui. Toutefois, en

19 raison de certains problèmes techniques, notamment concernant le visa et

20 le billet d'avion, ce témoin se trouve voyager pour La Haye aujourd'hui

21 seulement. C'est pourquoi, et nous avons appris la chose vendredi

22 seulement, nous en avons informé nos collègues de l'accusation et avons

23 annoncé l'audition d'un expert en matière militaire, le professeur

24 Radinovic.

25 C'est dans ce sens-là que la défense propose que cet expert militaire, M.

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1 le professeur Radinovic, soit introduit dans le prétoire. C'est mon

2 collègue Visnjic qui se propose de lui poser des questions.

3 M. le Président: Très bien. Monsieur Cayley?

4 M. Cayley (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président. Bonjour,

5 Madame la Juge Wald. Je salue aussi nos collègues de la défense.

6 Nous n'avons aucune objection à formuler quant à ce qui vient d'être dit,

7 mais nous voudrions ajouter quelque chose. Nous nous sommes déjà

8 entretenus à ce sujet avec la défense: d'une partie du rapport de ce

9 témoin expert, nous estimons qu'il s'agit d'une chose inacceptable.

10 Il s'agit d'une page sur laquelle le Pr Radinovic expose une opinion

11 juridique, c'est-à-dire qu'il interprète les articles 86 et 87 du

12 Protocole de convention de Genève; le bureau du Procureur estime, quant à

13 lui, qu'il appartient la Chambre d'en décider. Je me suis entretenu à ce

14 sujet avec M. Visnjic et il a été d'accord pour que cette page

15 particulière soit enlevée du rapport.

16 Pour le compte rendu d'audience, il s'agit de la page 51 de la version en

17 anglais, notamment des paragraphes 2 à 4; dans la version BCS, il s'agit

18 du fond de la page 49 jusqu'à presque la fin de la page 50. Il s'agit des

19 paragraphes 2.1 à 2.4.

20 M. le Président: Maître Visnjic, s'il vous plaît.

21 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je vérifie juste ce

22 que vient de nous dire M. Cayley, notamment quant à l'exactitude des

23 pages. Je tiens à dire que nous sommes d'accord avec la suggestion aux

24 termes de laquelle cette partie-là relève de l'interprétation de la

25 Chambre. Nous n'avons pas d'objection particulière à formuler concernant

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1 l'opinion exprimée par le Bureau du Procureur à ce sujet.

2 M. le Président: C'est tout? Merci beaucoup.

3 (Les Juges se consultent sur le siège.)

4 La Chambre décide donc de ne pas admettre cette page -je crois que c'est

5 la pages 5 dans la version anglaise-, dans les termes spécifiés par le

6 Procureur et acceptés aussi par la défense, ainsi que la page 49 en BCS,

7 dans les mêmes conditions. Je crois que nous avons fait la bonne

8 utilisation des éléments d'information. Donc cette partie du rapport n'est

9 pas admise.

10 Nous sommes en condition d'appeler à la barre le témoin, Maître Visnjic?

11 M. Visnjic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. La défense

12 propose que ces versions révisées de la traduction anglaise, que nous

13 avons reçues ce matin même de la part du Greffe, soient distribuées. Dans

14 le cas concret, nous aurons tous la même version de la traduction anglaise

15 afin d'éviter tout malentendu éventuel.

16 (L'huissier distribue le document.)

17 M. le Président: Maître Cayley?

18 M. Cayley (interprétation): Un commentaire final, Monsieur le Président.

19 Dans cette nouvelle traduction anglaise, les pages pertinentes à expurger

20 sont les pages 49 -cela commence avec le paragraphe 2- et la page 50. Je

21 suis en train de parler maintenant de cette traduction ou version anglaise

22 révisée.

23 M. le Président: S'agit-il, Monsieur Cayley, du paragraphe intitulé "The

24 concept of command responsability additional protocol to the Geneva

25 Convention". C'est cela.

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1 Donc, la décision pour le BCS, on va la maintenir. Oui, on va la

2 maintenir. Donc la décision que nous avons prise se rapporte maintenant à

3 cette révision de traduction à la page 49, paragraphe 2, qui va jusqu'à la

4 page 50.

5 M. le Président: Maître Visnjic, nous sommes en condition pour commencer

6 le témoignage du Pr Radinovic: c'est cela?

7 M. Visnjic (interprétation): C'est cela, Monsieur le Président.

8 M. le Président: Veuillez introduire le témoin, s'il vous plaît?

9 (Le témoin, Radovan Radinovic, est introduit dans le prétoire.)

10 Bonjour, Professeur Radinovic, vous m'entendez bien?

11 M. Radinovic (interprétation): Oui, je vous entends.

12 M. le Président (interprétation): Vous allez lire la déclaration

13 solennelle que M. l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

14 M. Radinovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

15 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

16 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

17 M. Radinovic (interprétation): Merci.

18 M. le Président: Merci beaucoup, Professeur Radinovic, de venir.

19 Maintenant, vous allez répondre aux questions que Me Visnjic va vous

20 poser; après, au Procureur, éventuellement ensuite aux questions des

21 Juges. Et maintenant, c'est à Me Visnjic, s'il vous plaît. Maître Visnjic,

22 vous avez la parole.

23 (Interrogatoire principal du témoin, M. Radinovic, par Me Visnjic.)

24 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 Général Radinovic, je vous demanderai, aux fins du compte rendu

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1 d'audience, que vous nous disiez votre nom et prénom et que vous épeliez.

2 M. Radinovic (interprétation): R-A-D-I-N-O-V-I-C.

3 Question: Je vois déjà une erreur au compte rendu d'audience: il manque le

4 N. Radinovic, le N manque. Merci.

5 Général Radinovic, de quel groupe ethnique êtes-vous?

6 Réponse: Monténégrin.

7 Question: Pouvez-vous donner un bref aperçu de votre carrière militaire à

8 l'intention de la Chambre, nous parler des fonctions et des différentes

9 activités que vous accomplissiez?

10 Réponse: Ma carrière militaire est une combinaison de services dans la

11 troupe et de travaux de recherche scientifique, de pratique au niveau du

12 grand état-major. Une partie de mon activité est également liée à

13 l'enseignement. J'ai été officier dans la troupe au cours de la première

14 partie de ma carrière jusqu'au début des années 70, à savoir jusqu'au

15 moment où j'ai réuni les conditions pour ma carrière dans la recherche

16 scientifique. Mes plus hautes fonctions dans la troupe ont été celles de

17 commandant d'un bataillon de génie. Pour ce qui est de ma carrière dans la

18 recherche scientifique, j'ai traversé toutes les fonctions et j'ai acquis

19 tous les titres. J'ai été chercheur débutant, puis collaborateur

20 scientifique, puis conseiller scientifique. Pour ce qui est des

21 dépositions de direction, dans ces activités de recherche scientifique,

22 j'ai atteint le titre de directeur de l'institut chargé des recherches

23 géostratégiques au grand état-major de l'armée populaire yougoslave. Dans

24 ma carrière liée à l'enseignement, j'ai également traversé tous les

25 niveaux de la hiérarchie dans l'enseignement et j'ai acquis tous les

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1 titres de l'enseignement. Donc j'ai été professeur, doyen et professeur

2 régulier. Dans cette carrière de professeur, j'ai également traversé

3 toutes les fonctions: j'ai été enseignant, puis chef de chaire; j'ai été

4 chef de deux chaires dans ma carrière et directeur de l'école de la

5 défense nationale. C'était la plus haute école -et c'est encore de nos

6 jours la plus haute école- des forces armées yougoslaves. Dans ces

7 activités de recherche scientifique, j'ai collaboré avec tous les centres

8 universitaires de l'ex-Yougoslavie et, si je puis me permettre de le dire

9 sans fausse modestie, je n'étais peut-être nullement inconnu.

10 Ma carrière au niveau du grand état-major a consisté dans les fonctions

11 suivantes. J'ai été chef du secteur militaire chargé de la doctrine

12 militaire au niveau du département opérationnel de l'état-major, puis j'ai

13 été chef du département du développement et de la planification de

14 l'utilisation des forces armées auprès du grand état-major, et chef de la

15 direction chargée de la stratégie et de la politique de la défense au

16 niveau du ministère fédéral de la Défense. Et j'étais à la fois adjoint du

17 ministre Fédéral à la Défense.

18 Vu toutes ces fonctions, comme je viens de les indiquer, au cours de ma

19 carrière militaire, j'ai eu ou exercé des activités variées dont je me

20 propose de vous dire quelques mots fort brièvement afin que vous sachiez

21 de quoi je me suis occupé. En ma qualité d'officier dans la troupe, j'ai

22 acquis ce métier de soldat, chose qui, indépendamment de ma carrière

23 militaire, est fort importante. Il est tout à fait naturel de le dire

24 parce que j'étais jeune, j'avais beaucoup d'élan, je crois que j'étais

25 apprécié par les soldats et estimé par mes supérieurs. Mon unité a

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1 d'ailleurs toujours reçu les plus hautes notes et a toujours été proclamée

2 meilleure des unités au niveau de la garnison.

3 Comme j'étais dans le génie, je suis très fier de dire que j'ai beaucoup

4 construit. Je ne vais pas parler de toute la pratique dans la

5 construction; je garde cela pour mon plaisir et pour mon âme, ma

6 satisfaction profonde personnelle. Dans ma carrière en matière de

7 recherche scientifique, j'ai joué beaucoup de rôles. J'ai été débutant

8 dans la recherche et chef de projet. Et le plus grand des projets auxquels

9 j'ai participé, c'est justement la défense populaire généralisée; le plus

10 grand des projets qui concernaient toute l'ex-Yougoslavie, toute la

11 République socialiste fédérative de la Yougoslavie. Y ont pris part dix

12 instituts de toutes les République de l'ex-Yougoslavie. Partant des

13 résultats de ce projet, il a été rédigé une stratégie de la défense de la

14 Yougoslavie vers la moitié des années 80.

15 J'ai été participant actif lors de l'élaboration des trois versions de la

16 doctrine de la défense yougoslave depuis le début, donc depuis la moitié

17 des années 70 jusqu'à la fin des années 80. Après mon départ à la

18 retraite, je me charge de la gestion, de la conduite des recherches

19 scientifiques à l'Institut des recherches géopolitiques et j'ai rédigé

20 plusieurs textes, plusieurs analyses qui ont retenu l'attention tant du

21 public national que du public international.

22 Il s'agit, par exemple, de titres tels que "Le peuple serbe dans la

23 nouvelle réalité géopolitique", ensuite "Les conditions politiques et

24 militaires de l'établissement de nouvelles circonstances de sécurité sur

25 les Balkans" et "Importance géostratégique du Kosovo et de la Metohija".

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1 En ma qualité de retraité, je suis expert scientifique au niveau de la

2 Yougoslavie, et ce, pour la sociologie, pour la méthodologie des

3 recherches scientifiques, pour la stratégie et les questions liées à la

4 stratégie et à la défense. Dans cette partie de mon activité, j'ai

5 également réalisé des activités qui seraient peut-être utiles de

6 mentionner, à savoir la réorganisation des forces armées de la Yougoslavie

7 vers le la moitié des années 80. Cette tâche a été terminée en 1987 et le

8 nom codé de ces travaux s'appelle le "Plan Unités" avec la répartition des

9 unités de l'armée sous ma direction. C'est donc là que je me trouvais au

10 moment où le pays a été démantelé et où se sont créées des nouvelles

11 unités territoriales au niveau de l'ex-Yougoslavie.

12 Depuis 1984, date de mon départ à la retraite, jusqu'en 1993, aucun des

13 plans de développement de l'armée n'a été élaboré sans mon engagement

14 direct; ce qui est tout à fait compréhensible étant donné les tâches que

15 j'avais à accomplir au niveau du grand état-major et au niveau du

16 ministère de la Défense au niveau fédéral. Partant de cette partie-là de

17 ma carrière, en 1985, j'ai été proposé pour être promu au rang de général.

18 En 1988, j'ai été promu général de division.

19 Je crois qu'en dépit de tout ceci, mes plus grandes réalisations ont été

20 celles du domaine de la recherche scientifique. J'ai été professeur de

21 méthodologie au niveau des recherches scientifiques militaires. C'est dans

22 ce professorat que j'ai posé les fondations d'une nouvelle discipline

23 scientifique, à savoir la recherche scientifique militaire, tant au niveau

24 de la théorie qu'au niveau de l'université, c'est-à-dire au niveau de la

25 mise en place de cette discipline dans l'enseignement militaire supérieur.

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1 Je suis très fier également d'un livre intitulé "Méthodologie des sciences

2 militaires" qui, en 1983, a reçu un prix, qui est le prix du 22 décembre.

3 C'est le plus grand des prix que l'on peut obtenir au niveau des travaux

4 de recherche scientifique dans l'armée.

5 J'ai été chef de la chaire de stratégie pendant cinq ans, au niveau de

6 l'école de la défense nationale. J'ai enseigné dans toutes les écoles

7 supérieures militaires du pays. Je suis maintenant professeur invité au

8 niveau de l'académie militaire de l'armée de la Yougoslavie, au niveau de

9 l'école de la défense nationale de cette même armée, ainsi qu'au niveau de

10 l'académie de la police.

11 Question: Quelles ont été les tâches que vous avez accomplies au cours de

12 votre carrière et que vous estimez fort importantes?

13 Réponse: Au cours de toute ma carrière militaire, j'évaluerais de façon

14 particulière le projet scientifique lié à la défense populaire généralisée

15 et à l'autoprotection civile, car y ont pris part un bon nombre de

16 chercheurs scientifiques de l'ex-Yougoslavie, avec la participation des

17 instituts du pays tout entier. C'est partant de ces résultats-là que nous

18 avons élaboré la stratégie de la défense et cela a été, si vous voulez, la

19 confirmation de tout ce que nous avons fait comme efforts au cours de ces

20 années.

21 Ce que j'estime également important, c'est ma contribution personnelle à

22 la mise en place d'une nouvelle discipline théorique dans les sciences

23 militaires, à savoir la technologie des recherches scientifiques

24 militaires.

25 Question: Général Radinovic, pouvez-vous dire à la Chambre quand est-ce

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1 que vous êtes parti à la retraite et quelles sont les fonctions que vous

2 accomplissiez à l'époque?

3 Réponse: J'ai pris ma retraite en 1993, en date du 31 décembre, donc à la

4 fin de l'année. Le décret avait été publié quelque peu avant et la fin de

5 mon service militaire a eu lieu le 31 décembre 1993.

6 J'étais général de brigade; j'occupais mes fonctions de chef du

7 département de la politique de la défense, au niveau du ministère général

8 fédéral de la Défense, et j'étais adjoint du ministre général de la

9 Défense. J'ai été également le conseiller militaire du Président fédéral,

10 c'est-à-dire du Président de la présidence de l'Etat fédéral. J'ai été

11 membre de la délégation militaire de la République fédérale de Yougoslavie

12 aux négociations de Genève.

13 Question: Quand est-ce que vous avez commencé à travailler dans l'analyse

14 des événements et notamment ceux de Srebrenica en 1995?

15 Réponse: Eh bien, pour ce qui est de Srebrenica et tout ce qui a

16 conditionné les événements de Srebrenica, j'en ai traité au cours de mon

17 service militaire actif, et ce, au niveau de mes tâches professionnelles

18 et fonctionnelles. J'ai étudié les guerres qui se sont déroulées sur le

19 territoire de l'ex-Yougoslavie, y compris cette guerre civile sur le

20 territoire de la Bosnie-Herzégovine. J'ai fait des recherches en tant que

21 particulier et, en ma qualité de directeur de l'institut chargé des études

22 géostratégiques au niveau de l'état-major, deux études ont été faites au

23 niveau de cet institut pour ce qui est des causes de la guerre de 1991 à

24 1992.

25 Srebrenica et Podrinje se sont trouvées au centre même des recherches

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1 stratégiques dès le début de la guerre même, en 1992. Il y a eu

2 prédominance de plusieurs événements quand il s'agit de cette partie-là de

3 la Bosnie-Herzégovine. J'entends par là, d'abord, cette décision

4 précipitée de la présidence de la Yougoslavie actuelle qui avait été prise

5 sous la pression des facteurs extérieurs, concernant le retrait de l'armée

6 populaire yougoslave de la Bosnie-Herzégovine, au cours de l'année 1992,

7 et ce, en date du 4 mai et dans un délai de seulement 19 jours. Nous, nous

8 savions fort bien que cela n'était pas réalisable et que les conséquences

9 pour la Bosnie-Herzégovine allaient être terribles, nous en avons été

10 choqués, nous tous qui étions au courant et qui savions ce que cela devait

11 et pouvait signifier.

12 Les événements n'ont fait que confirmer nos appréhensions. Les colonnes de

13 l'armée populaire yougoslave qui se sont retirées au travers de la région

14 de Tuzla ont été exposées à des pertes terribles. Un événement revêt une

15 importance particulière pour tout ce qui allait se passer au niveau de

16 Podrinje: il y avait la menace de Banovic et, avec l'accord de certains

17 leaders de la Bosnie-Herzégovine concernant la destruction du barrage, de

18 la retenue d'eau à Visegrad. Si cela était effectivement arrivé, toute la

19 région de Podrinje aurait été détruite.

20 Vient ensuite Srebrenica, en 1993: une grande crise qui s'était installée

21 au niveau de la première moitié de cette année-là, autour de Srebrenica.

22 C'est là que l'on note le premier cas la première ingérence de la Forpronu

23 de la communauté internationale de l'Union européenne dans ce conflit:

24 dans ces relations entre les deux parties et, comme on le sait, il

25 s'agissait d'une contre-attaque de l'armée de la Republika Srpska pour

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1 récupérer et ces positions dans Podrinje central. Après mon départ à le

2 retraite congé qu'on t'y nuit ah à ne lisait laquelle gai une bonne partie

3 de mes activités ont été liées à ce sujet. Je me suis notamment penché sur

4 les questions de Srebrenica à partir du moment où j'ai été accrédité par

5 le Tribunal pour ce qui est de la participation ou un d'un rapport de la

6 de contrite au niveau de ce procès. Dans les tubes les prête ras tas

7 tissent personnel que j'ai fait dans les rédactions de ce document ou

8 analyse d'expert, j'ai investi plus d'un an de travail. On dirait beaucoup

9 mais je pense que cela n'est pas suffit je regrette que le fait de ne pas

10 avoir eu davantage de temps, car le matériel relatif à ces événements est

11 énorme.

12 Je me suis penché sur les documents au fur et à mesure qu'ils me sont

13 parvenus ou au fur et à mesure que j'en ai trouvé. Ce document est truffé

14 de faits, de controverses, de partis pris, d'émotions et, malheureusement,

15 de manipulations, et ce, au niveau de toutes les parties concernées. Si

16 j'avais eu davantage de temps, je suis persuadé que j'aurais mieux arrangé

17 les choses dans ma tête dans l'analyse en question et je crois que je me

18 trouverais dans une situation beaucoup plus détendue lors de mon

19 témoignage d'aujourd'hui.

20 Question: Sur quelles sources avez-vous basé votre analyse? Quels sont les

21 documents que vous avez eus à votre disposition?

22 Réponse: Eh bien, les sources ont été fort nombreuses. Bien entendu, je me

23 demande aussi si j'ai réussi à choisir effectivement des échantillons

24 représentatifs de tout ce qui avait été à ma disposition. Donc je me

25 demande si j'ai réussi à prendre en considération tout ce qu'il y avait de

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1 plus pertinent pour ces événements. Je prendrais beaucoup de votre temps

2 si je vous parlais de tous les documents, mais je vais me référer à des

3 groupes de documents que j'ai utilisés et de la façon dont j'ai valorisé

4 la pertinence de ces documents. Et ce, d'une manière principale.

5 Un groupe de sources primaires pour ce type d'activité et pour mon analyse

6 d'expert a été celles qui avaient le plus de pertinence. Il s'agissait en

7 effet de documents relatifs ou liés de façon directe aux événements autour

8 de Srebrenica.

9 J'avais à ma disposition des documents d'origines différentes: en

10 provenance de sources musulmanes, de sources serbes, des documents des

11 Nations Unies et des documents de la Forpronu. Quand je parle de documents

12 des Nations Unies, j'entends par là le rapport du Secrétaire général de

13 1999 et plusieurs autres rapports qui sont rédigés par des institutions

14 autorisées, faisant partie des instances des Nations Unies, en corrélation

15 avec la guerre en Bosnie-Herzégovine.

16 Malheureusement, les documents de la Forpronu ont été insuffisants; ils

17 étaient fort peu nombreux. Je n'avais à ma disposition que ce qui nous est

18 parvenu du ministère de la Défense des Pays-Bas, concernant l'engagement

19 du bataillon néerlandais, et les déclarations du ministre de la Défense

20 néerlandais. Nous n'avons pas, ou plutôt je n'avais pas à ma disposition

21 les documents opérationnels relatifs au commandement de la Forpronu en

22 provenance de Sarajevo, des différents secteurs, entre autres Zagreb. Je

23 ne pense pas que cette documentation n'existe pas; je dirais même qu'en

24 étudiant les documents à la disposition du Bureau du Procureur, je suis

25 plutôt enclin à penser qu'il y avait plus de documentation de ce type

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1 mais, malheureusement, elle ne m'avait pas été accessible: la défense ne

2 me l'a pas communiquée et je suppose que les conseils de la défense n'en

3 disposaient pas non plus. Il aurait été préférable pour moi de disposer de

4 ce type de documents également afin de couvrir ce volet ou cet aspect de

5 mon analyse d'expert.

6 Pour ce qui est des sources secondaires, il s'agirait de livres et

7 d'études auxquelles je suis parvenu et qui traitent de la thématique de

8 Srebrenica. Il s'agirait notamment d'auteurs du côté musulman, à savoir

9 d'auteurs étrangers du type (inaudible): géopoliticiens, stratèges et

10 intellectuels français, dont Alexandre Delvale, un jeune intellectuel

11 français qui traite dernièrement de la crise sur le territoire des

12 Balkans; ensuite Michael Rose, David Owen, Carl Bildt.

13 Du côté serbe, les sources sont moins nombreuses. J'ai eu l'occasion

14 d'étudier l'étude de Bata Ivanisevic, "Chroniques de nos temps", et le

15 livre de Dejan Lukic, "Radovan Karadzic - Ma défense". Il n'y a pas

16 d'appréciation d'auteurs concernant cette réalité, pas plus que

17 d'appréciations des dirigeants militaires et politiques de la Republika

18 Srpska, ni d'ailleurs de la République fédérale de Yougoslavie.

19 Si j'avais eu à ma disposition ce type de littérature, ce type d'ouvrages,

20 je crois que j'aurais été en mesure de mieux me préparer pour ce

21 témoignage. Et puis, il y a aussi les livres du genre de ceux écrits par

22 M. Halilovic qui, à un moment donné, a été le numéro un de l'armée de

23 Bosnie-Herzégovine, anciennement membre de l'armée populaire yougoslave,

24 chargé du travail d'organisation dans la caserne de Dzakovo, qui est une

25 caserne relevant du 17e Corps d'armée basé à Tuzla.

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1 Publication et médias: c'est la source d'information la moins sûre.

2 M. le Président: Monsieur Cayley?

3 M. Cayley (interprétation): Oui, Monsieur le Président, je vous prie de

4 m'excuser et je présente également mes excuses aux autres Juges. Je dois

5 dire que j'écoute le témoin depuis pas mal de temps et qu'il m'apparaît de

6 plus en plus clairement que le témoin lit quelque chose qui est écrit noir

7 sur blanc dans une espèce de déclaration.

8 Je ne crois pas qu'il s'agisse de son rapport puisque son rapport est à sa

9 droite. Donc, s'il lit effectivement ce qui est écrit dans une

10 déclaration, il y a dans cette déclaration des éléments qui ne figurent

11 pas dans le rapport. A mon avis, ces éléments, le Procureur serait

12 habilité à les avoir en sa possession.

13 M. le Président: Maître Visnjic?

14 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je sais quel est le

15 document que le général a sous les yeux; je crois savoir qu'il s'agit de

16 notes personnelles et pas d'une déclaration ou de quelque document formel

17 que ce soit. Il s'agit simplement de notes personnelles jetées sur le

18 papier par le général en prévision des questions qui lui seraient posées,

19 donc une espèce de document servant sa mémoire.

20 M. le Président: Une chose sont les notes personnelles pour aider sa

21 mémoire, une autre chose c'est un texte que le témoin lit. Donc je crois

22 que, s'il s'agit vraiment d'un texte, nous sommes dans une position, s'il

23 s'agit de notes pour aider sa mémoire -et vous savez que nous avons des

24 notes pour aider la mémoire-, on regarde et on parle, on n'a pas besoin

25 d'être sur le texte.

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1 Donc quelle est la situation entre les deux, Maître Visnjic??

2 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'il s'agit

3 de notes personnelles qui servent à rafraîchir la mémoire du témoin et pas

4 d'une déclaration écrite. Je crois que, dans ce sens, nous pouvons

5 poursuivre.

6 M. le Président: Il faut peut-être aller un peu plus vite parce que nous

7 avons pris beaucoup de temps à dire "si j'avais cet ouvrage, si j'avais ce

8 livre, si j'avais cet article". Il faut vraiment travailler sur le

9 résultat de l'expertise et pas sur les résultats qui pourraient arriver,

10 Maître Visnjic, s'il vous plaît.

11 Monsieur Cayley, êtes-vous satisfait de la réponse ou avez-vous

12 d'autres...?

13 M. Cayley (interprétation): Je ne peux pas donner aux Juges un avis

14 personnel quant au fait de savoir s'il s'agit d'un aide-mémoire ou d'un

15 document plus formel, mais en tout cas, ce qui est visible, c'est que le

16 témoin lit quelque chose devant vous, Madame et Monsieur les Juges, qui

17 est écrit sur une feuille de papier. Je n'irai pas plus loin que cela

18 mais, en tout cas, on nous dit qu'il s'agit de notes personnelles qui

19 servent d'aide-mémoire; si tel est le cas, cela va, mais si ce n'est pas

20 un document en la possession du Procureur.

21 M. le Président: Nous allons observer, nous allons voir s'il s'agit

22 vraiment d'un aide-mémoire ou de notes, ou s'il s'agit d'un texte. Donc

23 poursuivez, Maître Visnjic, s'il vous plaît.

24 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

25 Monsieur le Témoin...

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1 M. Radinovic (interprétation): Est-ce que je peux terminer ce que j'avais

2 commencé?

3 Si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, j'aimerais faire une petite

4 digression. J'ai passé toute ma vie à travailler comme professeur et j'ai

5 très souvent donné des cours avec des notes personnelles, mais je n'ai

6 jamais lu ces notes. Ce que je faisais ici depuis le début, c'était un

7 exercice destiné à être le plus précis possible devant les Juges, devant

8 ce Tribunal, mais je peux aussi parler sans avoir cette feuille de papier

9 sous les yeux. Je peux donc très bien retirer la feuille de papier, ce qui

10 vous prouva bien qu'il ne s'agissait que d'un aide-mémoire.

11 M. le Président: Oui, peut-être que c'est préférable, Professeur

12 Radinovic. Je crois que, de cette façon, vous pouvez aller plus

13 directement dans votre réponse à la question que Me Visnjic vous pose

14 maintenant, et après, le Procureur. Vous pouvez peut-être répondre sans

15 cette aide, si vous êtes capable de le faire, si vous êtes en condition de

16 le faire, et vous pouvez ainsi répondre plus directement à la question.

17 Merci beaucoup, Professeur.

18 Maître Visnjic, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.

19 M. Radinovic (interprétation): Je voudrais donc en finir au sujet des

20 sources, si c'est un aspect intéressant des choses. S'agissant des

21 publications, j'ai donc lu également un certain nombre de documents et de

22 doctrines qui étaient utilisés dans l'armée de la Republika Srpska,

23 notamment les documents réglementaires et statutaires qui établissent les

24 lois et règles régissant les rapports entre les hommes au sein de l'armée

25 de la Republika Srpska. J'ai acquis également une partie de mes

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1 connaissances grâce à des contacts directs avec des participants à ces

2 événements, à savoir un certain nombre de commandants de Corps d'armée, de

3 brigades, chefs d'état-major, de brigades et de corps d'armée, et

4 quelques-uns des membres du grand quartier général de l'armée de la

5 Republika Srpska.

6 Malheureusement, je n'ai pas eu la possibilité de parler avec des

7 représentants de l'autre partie, ce qui m'aurait beaucoup intéressé et qui

8 aurait d'ailleurs été souhaitable, à mon avis.

9 M. Visnjic (interprétation): Général, quels sont les textes officiels qui

10 régissaient les rapports entre les hommes de l'armée de la Republika

11 Srpska, en 1995?

12 Réponse: Les rapports entre les membres de l'armée de la Republika Srpska

13 étaient régis par des textes officiels établis au sein de cette armée, et

14 une partie de ces normes et règlements émanaient directement, étaient les

15 héritiers directs de l'ancienne armée populaire yougoslave.

16 S'agissant des textes établis au sein de l'armée de la Republika Srpska,

17 on trouve les règlements de service au sein de l'armée, les règlements

18 régissant les tribunaux et notamment les tribunaux militaires, les cours

19 martiales. On y trouve également les lois régissant le fonctionnement de

20 l'armée, et puis un certain nombre de documents qui découlent directement

21 de l'ancienne armée populaire yougoslave, c'est-à-dire les textes relatifs

22 à l'emploi de toutes les unités, de toutes les formations, depuis le

23 niveau le plus bas jusqu'au corps d'armée.

24 Il s'agit donc des textes qui prévoient les compétences des unités

25 respectives du corps d'armée notamment, les lois régissant les brigades,

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1 les bataillons, les régiments, et les instructions applicables par les

2 commandants et les états-majors, ainsi qu'un certain nombre de documents

3 qui sont de nature plus normative et qui règlent dans le plus petit détail

4 la façon, les modalités de l'emploi des différentes formations au cours

5 d'un conflit armé.

6 Question: Général Radinovic, au cours de ce procès, les instructions

7 régissant le travail du commandement du 4e Corps d'armée ont été

8 présentées ici à plusieurs reprises, à titre d'éléments de preuve de

9 l'accusation. D'ailleurs, sa cote est la pièce à conviction de

10 l'accusation 402; il s'agit également d'une note qu'on trouve en bas de

11 page, une note 7.

12 Pouvez-vous nous donner votre avis au sujet de la possibilité que ce

13 règlement, ces instructions relatives au 4e Corps d'armée aient été

14 appliqués notamment au Corps de la Drina?

15 Réponse: J'ai passé en revue, au cours de mon travail, le témoignage

16 d'expert du général Dannat et de M. Butler; j'ai constaté que les

17 instructions en vigueur au sein du 4e Corps d'armée de la JNA étaient

18 utilisées comme élément de preuve, sans doute dans l'idée que la zone de

19 responsabilité du 4e Corps d'armée de la JNA était comparable, sinon

20 identique, à la zone de responsabilité du Corps de la Drina.

21 Ce que je tiens à dire ici, c'est que la JNA a établi et publié les règles

22 applicables à un corps d'armée de l'armée de terre; c'était un document

23 qui émanait du ministère de la Défense à l'époque, du général Kadijevic et

24 du quartier général du chef du grand état-major de l'époque. Donc il

25 s'agissait de consignes obligatoirement applicables par tous les corps

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1 d'armée au sein de la JNA.

2 Quant aux instructions, aux consignes applicables par le 4e Corps d'armée,

3 ce n'étaient pas des consignes applicables à l'ensemble de l'armée;

4 c'était un document interne qui ne concernait que le 4e Corps d'armée, qui

5 n'était donc pas un document officiellement applicable à l'ensemble des

6 forces terrestres militaires de l'armée.

7 J'ai donc examiné les témoignages de Butler et de Dannat, et j'ai comparé

8 le règlement applicable au 4e Corps d'armée et le règlement applicable à

9 l'ensemble des forces armées de la JNA. J'ai constaté que, dans le

10 règlement relatif au 4e Corps d'armée, on trouve un certain nombre de

11 consignes qui sont beaucoup plus détaillées, beaucoup plus précises que

12 dans l'autre texte officiel. Et ces consignes plus détaillées corrigent

13 dans bien des cas -pour ne pas dire qu'elles s'y opposent complètement-

14 les consignes que l'on pouvait trouver dans le document relatif à l'armée

15 de terre. Et le cas échéant, lorsque nous en viendrons à discuter de façon

16 plus précise de ces éléments particuliers, je pourrai vous donner des

17 exemples précis.

18 En effet, s'agissant de la responsabilité fonctionnelle du commandant du

19 corps d'armée, à la lecture de ces deux textes officiels, on trouve une

20 définition tout à fait différente, donc différente dans le document

21 relatif au 4e Corps d'armée de ce que l'on trouve dans le texte officiel

22 relatif aux forces terrestres en général.

23 Question: Général Radinovic, pouvez-vous, à l'intention des Juges de cette

24 Chambre, expliquer brièvement et assez rapidement comment se transmettent

25 les ordres et comment se fait l'exécution des ordres au sein de l'armée de

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1 la Republika Srpska?

2 Réponse: L'exécution des ordres au sein de l'armée de la Republika Srpska

3 est réglementée, dirais-je, comme c'est le cas dans toutes les armées du

4 monde d'ailleurs. Je parlerai d'abord de l'endroit, du lieu où se fait

5 cette réglementation et ensuite des modalités.

6 Le lieu d'abord: eh bien, ces règlements se trouvent dans le document

7 intitulé "Règlement régissant le service au sein de l'armée de la

8 Republika Srpska", qui est une partie du règlement applicable à l'ensemble

9 des forces armées. Dans une partie de ce texte, on trouve un chapitre

10 consacré à l'exécution des ordres.

11 Maintenant, j'en arrive à la manière dont les ordres sont exécutés. Eh

12 bien, un ordre est émis par un supérieur et transmis à des subordonnés.

13 Les unités et les hommes subordonnés ont donc pour devoir d'exécuter dans

14 les délais prévus le contenu de l'ordre. Si un ordre implique de faire

15 infraction à la loi, cet ordre n'est pas exécuté, mais un supérieur de

16 niveau encore plus élevé est donc informé de la réception d'un ordre

17 impliquant une infraction à la loi. Et si l'officier supérieur continue à

18 insister pour que cet ordre qui constitue une violation de la loi soit

19 exécuté, le subordonné a le droit de demander et d'exiger que cet ordre

20 soit mis par écrit. Maintenant, si l'exécution de l'ordre implique de

21 violer les règlements et lois internationales, si l'exécution d'un ordre

22 implique de commettre un crime, un tel ordre ne peut pas être exécuté

23 quelles qu'en soient les conséquences. Mais le supérieur hiérarchique au

24 niveau encore plus élevé est informé de l'existence de cet ordre et c'est

25 à lui qu'il appartient de demander des comptes à l'officier supérieur qui

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1 est l'auteur de l'ordre au départ.

2 Question: Général Radinovic, j'aimerais que nous revenions un instant en

3 Podrinje central. Quelle était l'importance de ce secteur, de cette zone

4 du Podrinje central, où l'on trouve Srebrenica au milieu? Donc quelle

5 était l'importance de ce secteur pour les trois parties belligérantes: les

6 Serbes, les Croates et les Musulmans?

7 Réponse: Pour répondre à votre question, je dirais que les trois parties

8 accordaient une importance très grande à la région du Podrinje central. Si

9 nous parlons des conflits qui ont opposé les Musulmans et les Serbes, en

10 Bosnie-Herzégovine, le Podrinje central est ce qu'on peut appeler une zone

11 de contact, c'est-à-dire une zone mixte sur le plan ethnique et c'est

12 malheureusement pour cela que les heurts y ont été les plus violents.

13 Je voudrais d'ailleurs vous donner quelques exemples de cette importance

14 stratégique accordée par telle ou telle partie à la zone de Podrinje.

15 Parlons d'abord des Musulmans et des objectifs stratégiques des Musulmans.

16 En effet, sur le plan stratégique, les Musulmans avaient pour ambition de

17 conserver l'ensemble, la totalité de la Bosnie-Herzégovine en y faisant

18 régner son idéologie précise et sa politique. C'était Izetbegovic qui, en

19 tant que politologue et idéologue de son parti, en tant que responsable

20 des grandes conceptions, des grandes idées de son parti, aurait été la

21 tête de tout cela. Bien sûr, cette idée n'était pas acceptable pour les

22 deux autres parties au conflit.

23 Donc s'agissant de la politique stratégique des Musulmans qui s'étaient

24 donné pour but de prendre le contrôle de l'intégralité de la Bosnie-

25 Herzégovine pour en faire un pays qui constituerait un Etat unique, un

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1 Etat distinct, la zone du Podrinje central avait une importance tout à

2 fait particulière compte tenu de sa position géostratégique. En effet,

3 c'est une région qui s'enfonce en profondeur entre la Serbie, à

4 l'intérieur de la Serbie et qui constitue une espèce de trait d'union

5 entre deux secteurs habités par une population serbe, les deux rives de la

6 Drina. Donc ceux qui prendraient le contrôle du secteur de Podrinje

7 obtiendraient le contrôle d'une zone très importante sur le plan

8 superficie, zone habitée par une population serbe et qui pouvait être

9 transformée en enclave. La partie serbe de l'Herzégovine, donc l'est de la

10 Bosnie-Herzégovine, pouvait de cette façon être coupée de la Serbie et du

11 reste de la Republika Srpska.

12 Là, j'ai dit des choses très rapidement, sans entrer dans les détails,

13 mais je pense que c'était ce qui était intéressant à ce stade de ma

14 déposition.

15 Maintenant, qu'en est-il de l'importance de ce secteur pour les Croates et

16 pour leurs objectifs stratégiques, c'est-à-dire les objectifs du HVO en

17 Bosnie-Herzégovine? L'objectif du HVO, bien entendu, consistait à relier

18 certains territoires de Bosnie-Herzégovine habités par les Croates avec

19 l'Etat de Croatie. Les Croates n'avaient pas pour ambition particulière de

20 s'attacher le secteur de Podrinje; cependant, si nous considérons

21 qu'encore aujourd'hui, les Croates de Bosnie considèrent que la frontière

22 qui les sépare des Serbes se situe au niveau de la Drina, on comprend

23 mieux dans ce contexte quelles étaient les inspirations des Croates,

24 inspirations qui n'étaient pas totalement détachées du secteur de

25 Podrinje. Mais je répète que, si l'on pense à la création de l'Herceg-

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1 Bosna et aux objectifs stratégiques particuliers des Croates de l'époque,

2 ils n'avaient pas pour objectif particulier d'atteindre cette partie de la

3 Drina avec leurs forces armées.

4 Maintenant, l'importance de Podrinje central dans le cadre de la stratégie

5 des Serbes: troisième élément. Pour les Serbes, cette importance était

6 beaucoup plus grande que l'importance stratégique accordée par les

7 Musulmans ou les Croates à cette zone.

8 Pourquoi? Parce que les Serbes avaient l'intention de conserver la Bosnie-

9 Herzégovine comme partie intégrante de l'Etat qui existait précédemment.

10 C'était véritablement l'ambition, le but politique durable, fondamental,

11 profond des Serbes de Bosnie au cours de ce conflit.

12 Pourquoi? Eh bien, ce n'est pas difficile à comprendre: ils tenaient

13 beaucoup à continuer à vivre dans cette région dans le cadre politique

14 précédent, c'est-à-dire de l'ex-Yougoslavie. Lorsque la Yougoslavie en est

15 arrivée au démantèlement, à l'éclatement et que la survie même de la

16 Bosnie-Herzégovine au sein de la Yougoslavie a été remise en question, le

17 but des Serbes de Bosnie a consisté à maintenir l'Etat de Bosnie-

18 Herzégovine dans un Etat fédéral comprenant la Serbie, la Macédoine, le

19 Monténégro et la Serbie, après la sécession de la Croatie.

20 Cet objectif n'a pas pu être obtenu. Donc de nouvelles questions se sont

21 posées au sujet de l'avenir et de la survie de la Bosnie-Herzégovine sur

22 le plan politique. Et la dernière possibilité d'empêcher un conflit a

23 consisté à appliquer le plan de 1992, qui prévoyait une confédération de

24 la Bosnie-Herzégovine selon les principes classiques. Malheureusement,

25 pour des raisons assez obscures, ce plan n'a pu être appliqué et la

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1 Bosnie-Herzégovine s'est vue poussée vers la guerre.

2 Lorsque ce mode d'organisation de la Bosnie-Herzégovine prévoyant une

3 égalité pleine et entière en droits des trois peuples fondateurs de la

4 Bosnie-Herzégovine, lorsque ce plan s'est écroulé, les Serbes de Bosnie

5 ont établi leur propre stratégie, à savoir qu'ils ont défini leur ambition

6 stratégique qui consistait à ce moment-là à créer leur propre entité au

7 sein de la Bosnie-Herzégovine, leur entité politique.

8 Il s'agissait donc de s'organiser politiquement sur les territoires qu'ils

9 considéraient comme étant leur territoire d'origine sur le plan ethnique,

10 et notamment dans le secteur de Podrinje qui avait pour eux une importance

11 stratégique tout à fait capitale. En l'absence de ce secteur de Podrinje

12 central, il ne pouvait pas exister de Republika Srpska et il ne pouvait

13 pas être envisageable de rassembler les différents territoires ethniques

14 des Serbes de Bosnie.

15 Au lieu de cela, la population serbe de Bosnie-Herzégovine se serait vue

16 contrainte à admettre, si je puis m'exprimer ainsi, le statut d'enclave au

17 sein de ces territoires. Donc l'enclave aurait été coupée physiquement,

18 séparée des territoires d'origine telle que la Romanija, par exemple, qui

19 est majoritairement peuplée de Serbes et même peut-on dire à 100% peuplée

20 de Serbes.

21 Donc, si l'on ne comprend pas bien cette importance absolument énorme

22 accordée par les uns et les autres, sur le plan stratégique, au secteur de

23 Podrinje central, on a beaucoup de mal à comprendre l'intensité, la

24 violence et les caractéristiques de ce conflit qui s'est déroulé en

25 Podrinje central, c'est-à-dire dans les environs de Srebrenica.

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1 Pour terminer, j'ajouterai encore une phrase sur ce sujet, après quoi j'en

2 aurai terminé avec la description et l'explication de l'importance

3 stratégique de ce secteur.

4 Donc ma dernière phrase est la suivante: si l'on ne contrôlait pas le

5 Podrinje central, les Serbes de Bosnie-Herzégovine, s'ils n'avaient pas

6 contrôlé le Podrinje central, n'auraient pas pu atteindre même leur

7 objectif stratégique réduit, le minimum stratégique qui constituait leur

8 objectif, à savoir créer une entité.

9 La même chose peut se dire des autres parties en présence, à savoir les

10 Croates, y compris les Musulmans. En effet, les Croates et les Musulmans,

11 eux, auraient pu, même s'ils ne contrôlaient pas le Podrinje central,

12 atteindre leur objectif a minima, c'est-à-dire leur objectif réduit, ce

13 qui n'était pas le cas de la Serbie. Les Croates auraient pu réunir la

14 Semberija à l'Herzégovine, l'Herzégovine au plateau de Romanija, la partie

15 frontalière de la Croatie, c'est-à-dire les secteurs de Kasara, les zones

16 qui longent, qui bordent la Save n'auraient pas pu être reliés aux autres

17 parties de la communauté croate. C'est la raison pour laquelle cette zone,

18 le secteur de cette zone était si important.

19 Question: Général Radinovic, d'après vos connaissances d'expert, quels

20 étaient les objectifs de guerre pour les uns et pour les autres, à

21 l'époque?

22 Réponse: Eh bien, je viens de parler assez longuement de l'importance

23 stratégique accordée par les trois parties belligérantes au secteur de

24 Podrinje central et, sur la base de ce que je viens de dire, il est tout à

25 fait aisé de reconstituer les objectifs de guerre des trois parties.

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1 En effet, une formule bien connue veut que les objectifs d'une guerre

2 soient définis par la politique. Eh bien, cette formule s'est vue tout à

3 fait respectée dans la guerre dont nous parlons, avec une importance

4 stratégique plus importante ou un peu moins importante selon les moments

5 de telle ou telle décision politique. Mais en tout cas, de façon générale,

6 on peut dire que c'est la politique qui a joué le rôle principal dans

7 cette guerre.

8 Une option politique consistait à créer un Etat, donc un Etat unique

9 recouvrant l'ensemble du territoire de Bosnie-Herzégovine. C'était la

10 stratégie musulmane, c'était donc le plan stratégique défendu par les

11 Musulmans. Et une telle stratégie politique impliquait la guerre,

12 impliquait donc un conflit ouvert avec les deux autres parties en présence

13 qui étaient opposées à ce concept politique de départ.

14 Et il est tout à fait aisé de reconstituer l'ensemble de la guerre: on

15 constate que, pendant toute la guerre, la partie musulmane a insisté pour

16 obtenir une victoire militaire sur les Croates, au moment où Croates et

17 Musulmans se sont opposés, la victoire militaire sur les Serbes étant

18 voulue du début à la fin de la guerre.

19 Mais quel problème ceci a-t-il posé? Eh bien, le problème principal pour

20 les Musulmans venait du fait que les Musulmans n'avaient pas les moyens

21 militaires nécessaires pour réaliser leurs ambitions, d'où l'insistance

22 pressante auprès des Nations Unies pendant toute la guerre, insistance

23 pour que les Nations Unies et l'OTAN soient mêlés à cette guerre, objectif

24 qui a finalement été atteint.

25 La Bosnie-Herzégovine a établi une coalition militaire avec le HVO et, de

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1 ce fait avec la Croatie. Cette alliance, cette coalition a été encouragée

2 par la communauté internationale de sorte que les ennemis traditionnels en

3 Bosnie-Herzégovine, les Croates et les Musulmans, ont fini par s'allier

4 contre les Serbes en créant les conditions d'une organisation politique

5 particulière, définie à Dayton pour la Bosnie-Herzégovine. Cette alliance,

6 cette coalition a été la base de la création de la Fédération croato-

7 musulmane.

8 Est-ce qu'il était bon pour cette Fédération de survivre? Je ne sais pas,

9 ce n'est pas le problème qui nous occupe aujourd'hui. Nous n'allons donc

10 pas nous appesantir sur ce point, mais parlons plutôt des différences qui

11 rendent cette coopération encore assez difficile aujourd'hui.

12 Enfin, je passe à un autre sujet. Le HVO en Bosnie a toujours eu l'appui

13 de la Croatie et l'effort militaire du HVO en Bosnie-Herzégovine a

14 toujours été appuyé par la Croatie et son armée. C'est ainsi qu'au cours

15 des premiers conflits importants en Bosnie-Herzégovine, la République de

16 Croatie a apporté un soutien tout à fait notable dans la région que l'on

17 appelle la Posavina, où des massacres importants ont eu lieu, des crimes

18 dus aux Croates et aussi malheureusement aux Musulmans, dans la région de

19 Livno, Kupres qui, en automne 1991, a subi l'agression de l'armée de

20 Croatie, de l'armée de la République de Croatie. L'armée de la République

21 de Croatie a donc été présente pendant toute la guerre sur le territoire

22 de Bosnie-Herzégovine, dans la région de Posavina, dans la Krajina

23 bosniaque.

24 D'ailleurs, très peu de temps avant la fin de la guerre, c'est-à-dire

25 durant l'opération de Srebrenica, l'armée croate était présente; elle

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1 menait des opérations en Bosnie-Herzégovine pour préparer le terrain pour

2 l'agression contre la JNA serbe. Ces opérations se menaient dans le

3 secteur de Glamoc. En août 1995, l'armée croate a donc pris la tête de

4 cette offensive pour atteindre les environs immédiats de la ville des

5 Banja Luka.

6 Donc ce que je voulais établir, c'est que le HVO a toujours défendu des

7 objectifs militaires précis en jouissant de l'aide de la République de

8 Croatie en Bosnie-Herzégovine, pour combattre les Serbes ou les Musulmans

9 selon les cas. Mais malheureusement, il n'y a eu aucune condamnation de la

10 communauté internationale contre la Croatie à cet égard.

11 S'agissant maintenant des objectifs militaires serbes, il ne faut pas

12 perdre de vue l'importance qu'a l'identité politique des Serbes dans la

13 région, et donc leur objectif de créer une entité politique particulière.

14 Dès lors qu'ils ont pris le contrôle d'une partie du territoire qu'ils

15 considéraient comme correspondant, comme synonyme de leur identité

16 politique, les forces serbes sont passés à des actions de défensive, de

17 défense. Donc ce que je veux dire, c'est que les objectifs militaires

18 défendus par les Serbes de Bosnie-Herzégovine n'impliquaient pas le départ

19 de la région des Musulmans et des Croates, mais simplement la défense des

20 territoires qui leur appartenaient traditionnellement.

21 Alors, bien entendu, dans ces conditions, il est permis de se demander si

22 la conception des Serbes de Bosnie qui parlent de territoire ethnique, de

23 territoire qui serait leur territoire et correspondrait à leur identité

24 ethnique, on peut se demander si cette question est justifiée ou pas, si

25 cette vision est justifiée ou pas. Il ne m'appartient pas d'en décider

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1 mais, en tout cas, ce qui est important de constater, c'est que les Serbes

2 de Bosnie, au cours de cette guerre, n'ont pas eu pour objectif militaire

3 de détruire militairement les deux autres parties belligérantes. En 1992,

4 1993 et même jusqu'à la fin de 1994, et peut-être même jusqu'au début de

5 1995, les Serbes de Bosnie disposaient de moyens militaires suffisants

6 pour obtenir l'élimination militaire des deux parties, des deux autres

7 parties belligérantes. Mais cela n'a pas été fait parce que cet objectif

8 militaire n'existait pas dans le contexte des objectifs militaires des

9 Serbes de Bosnie.

10 Question: Monsieur Radinovic, quelle était la nature et quels étaient les

11 caractéristiques de l'armée de la Republika Srpska?

12 Réponse: L'armée de la Republika Srpska, je pourrais vous dire que ce qui

13 caractérisait celle-ci, c'est ce qui ressemble aussi aux deux autres

14 armées qui existaient au sein de la Bosnie-Herzégovine, bien sûr avec

15 quelques nuances: il s'agirait donc, à la base, d'une armée populaire.

16 Qu'est-ce que j'entends par là? Eh bien, c'est une armée qui, dans le sens

17 le plus propre du mot, provient du peuple. Les soldats étaient vraiment

18 recrutés de la part de la population, les unités étaient formées sur un

19 principe territorial, les unités faisaient leurs actions sur le point de

20 vue territorial, une partie de ce cadre qui était le cadre professionnel;

21 en fait, les commandants et les supérieurs provenaient vraiment de la JNA.

22 Il s'agissait d'officiers qui avaient été à l'école à la JNA, et qui sont

23 soit d'origine de la Bosnie-Herzégovine: ou bien ces personnes sont nées

24 en Bosnie-Herzégovine ou ont vécu en Bosnie-Herzégovine. Donc il

25 s'agissait de personnes originaires de cet endroit, de personnes qui sont

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1 nées sur le territoire.

2 Cette armée avait donc été formée sur ce territoire d'après tous les

3 principes d'une armée populaire. Ce n'était pas différent s'agissant des

4 deux autres armées: le commandement de l'armée croate en Bosnie

5 appartenait également à la JNA et ses cadres étaient tous des élèves de

6 l'école dans laquelle j'ai enseigné; c'étaient des personnes que je

7 connaissais très bien. Le commandement suprême de l'armée de la Bosnie-

8 Herzégovine, donc ces personnes provenaient également des écoles dans

9 lesquelles j'avais enseigné.

10 La structure ou le caractère de ces armées était très semblable,

11 s'agissant de ces trois armées. Les différences se trouvent au niveau de

12 la participation des personnes étrangères, donc des membres qui

13 appartenaient à des armées étrangères pour la Republika Srpska. Au sein de

14 l'armée de la Republika Srpska, il y avait peut-être, si l'on parle des

15 trois parties belligérantes, des volontaires comme des membres externes.

16 Mais tous ceux qui connaissent l'histoire de la Serbie savent très bien

17 que la tradition du volontarisme est très prononcée chez les Serbes.

18 Concernant la HVO, eh bien, c'étaient les Croates et, du côté des

19 Musulmans, les belligérants ou les soldats étaient plutôt des soldats qui

20 appartenaient à plusieurs armées appartenant à l'Asie, à l'Afrique et des

21 formations paramilitaires qui proviennent du Kosovo et Metohija, et

22 également de la région de Raska, c'est-à-dire le Sandzak qui appartenait à

23 la République fédérale de la Yougoslavie. Mais ce n'étaient pas de très

24 grandes différences si l'on parle du caractère de ces armées: il y avait

25 peut-être une différence concernant la façon dont cette armée avait été

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1 peut-être armée, mais il ne faudrait pas essayer de chercher de grandes

2 différences.

3 Question: Monsieur le Président, je vois une erreur dans le compte rendu

4 d'audience. Elle concerne la page 29, la ligne 17: il ne s'agit pas de

5 Lasva Sandzak, mais de la Raska et du Sandzak.

6 Réponse: Lasva se trouve en Bosnie centrale.

7 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je ne sais pas si ce

8 serait le moment opportun de prendre une pause. Je me suis entretenu avec

9 le général Krstic concernant ses problèmes médicaux et je crois que cela

10 serait peut-être opportun de garder le rythme que nous avions déjà établi

11 auparavant, c'est-à-dire de prendre des pauses peut-être un peu plus

12 courtes mais plus fréquentes.

13 M. le Président: Très bien, nous allons le faire. Je crois qu'il est

14 convenable de le faire maintenant. Donc nous allons faire une pause

15 maintenant de vingt minutes.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 40, est reprise à 11 heures.)

17 M. le Président: Maître Visnjic, nous allons entamer une période de

18 travail d'une heure vingt. Est-ce que cette période de travail convient au

19 général Krstic pour des raisons de santé ou doit-on couper et organiser

20 des pauses d'un quart d'heure? Avant la pause, vous m'avez dit que c'était

21 convenable, donc… Mais, de toute façon, nous avons fait une heure et

22 demie.

23 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je ne pourrais pas

24 vous le dire présentement. Nous essaierons de respecter cette dynamique

25 d'une heure dix. Si jamais, il y avait des problèmes, je suppose que le

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1 général Krstic nous en fera part.

2 M. le Président: Vous pouvez donc continuer, s'il vous plaît.

3 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

4 Général Radinovic, nous avons parlé de la nature et des caractéristiques

5 de l'armée de la Republika Srpska. Pourriez-vous dire à la Chambre quelle

6 était la doctrine de l'armée de la Republika Srpska?

7 Réponse: La doctrine de la VRS était à la défensive, c'est-à-dire que,

8 dans un sens important, c'était une doctrine de défense. Et, si vous le

9 permettez, j'aimerais vous donner quelques commentaires et me baser sur

10 les exposés du général Butler et Dannat. Ce qu'ils ont reproché à la VRS,

11 c'est que, dans ce sens-là, elle était tellement défensive que, d'après

12 eux, d'après leur conception, cela a fait en sorte qu'il y a eu une

13 absence d'une initiative dans le cadre du système de commandement de la

14 VRS. Je souhaiterais donc démontrer ou parler de cela.

15 Il est vrai que, du point de rue de la doctrine, la VRS a hérité des

16 principe généraux de la doctrine qu'avait élaborée la JNA et que la JNA

17 appliquait. Croyez-moi, d'après mes recherches, les deux autres parties

18 belligérantes en Bosnie-Herzégovine m'ont fait comprendre qu'en fait,

19 c'était la même chose: il n'y a pas eu de différence au point de vue de la

20 doctrine, ni au point de vue de l'armée musulmane ni croate, au sein de la

21 Bosnie-Herzégovine.

22 C'est-à-dire que la doctrine de la VRS, qui était défensive, n'était pas

23 seulement une doctrine défensive parce qu'elle avait hérité de la doctrine

24 de la JNA, car ceux qui avaient étudié la doctrine de la JNA - et croyez-

25 moi d'être une personne compétente dans le domaine, car j'ai participé à

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1 la confection de cette doctrine- savent que la doctrine de la JNA n'était

2 pas une doctrine de défense; au contraire, c'était une doctrine offensive.

3 Le concept stratégique, c'est-à-dire le concept général, était la

4 défensive stratégique mais dans le sens de la doctrine élaborée afin de

5 défendre le territoire de l'Etat, c'est-à-dire que l'armée n'était pas

6 conçue pour faire la guerre sur un territoire autre que le sien. Ainsi la

7 doctrine de la JNA dont l'armée et de la VRS ont hérité était défensive.

8 Mais, de la façon dont les moyens étaient utilisés au point de vue

9 tactique et opérationnel, la doctrine de la JNA était très offensive, et

10 ce, en se basant sur le modèle de la guerre, du combat dans l'espace.

11 Voilà, c'est là la différence principale entre les deux doctrines, c'est-

12 à-dire que, du point de vue général, la conception stratégique des deux

13 armées était une stratégie de défense; là, elles sont égales, à niveau-là.

14 Par contre, la doctrine de la VRS est demeurée complètement défensive,

15 même là où la doctrine de la JNA était offensive, c'est-à-dire dans le

16 sens où l'on parle d'utilisation des forces.

17 L'un des indicateurs de "l'offensivité" de la doctrine était d'infiltrer

18 les forces dans les arrières de l'ennemi. Il n'y a absolument aucun

19 exemple qui existe, au cours de toute la guerre, nous permettant de voir

20 que la VRS s'est servie de cette manœuvre d'infiltration, c'est-à-dire de

21 s'infiltrer dans les lignes arrières de l'ennemi. Les deux autres armées,

22 des deux autres parties belligérantes se sont servies de cette manœuvre.

23 Dans le cas de Srebrenica et du Podrinje central, la plus grande partie de

24 l'armée musulmane était menée dans le sens où l'on infiltrait des troupes

25 et des brigades entières aux arrières de la VRS. C'est de cette façon-là

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1 qu'ils ont démontré le caractère offensif. L'armée de la VRS ne l'a pas

2 fait, ne s'est pas servie de cette manœuvre-là et c'est de ce point de vue

3 qu'elle est restée défensive.

4 Quelle est la raison de ceci? C'est que l'espace dont on se servait pour

5 les combats était un espace ethnique propre, c'est-à-dire que la partie

6 que la politique de la VRS considérait comme son territoire ethnique,

7 l'armée de la VRS est arrivée jusqu'à cette frontière: elle s'est arrêtée

8 là en utilisant une stratégie de défensive et n'a pas essayé d'infiltrer

9 des forces à l'extérieur de cette ligne de démarcation et, de cette façon,

10 de démontrer son côté offensif. Elle est donc restée là, elle a respecté

11 cet espace. De cette façon-là, l'armée de la VRS a simplement défendu son

12 espace national.

13 Monsieur Dannat a tout à fait tort quand il dit qu'il s'agissait d'un

14 manque de connaissance ou que la VRS s'est modelée sur une doctrine

15 qu'elle avait déjà hérité; mais elle s'est modelée en fait sur le sens de

16 cette stratégie de l'armée de la VRS. C'est ainsi que le commentaire fait

17 par MM. Butler et Dannat étaient en effet qu'il y avait un manque

18 d'initiative au point de vue du commandement. C'est-à-dire qu'il

19 s'agissait d'un système très contrôlé, très centralisé dans lequel règne

20 une très grande subordination, du haut vers le bas, et ainsi de suite.

21 C'est très important. Et la connotation est très négative dans le sens où

22 c'est un point qui dérange ou qui empêche le système de commande. Il y a

23 une différence principale entre le système de commandement au sein des

24 armées de ce type-ci telle que l'armée de la VRS, par exemple, et le

25 système de commandement qui est propre, par exemple, à l'armée du Royaume-

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1 Uni, à laquelle appartient M. Dannat. Si l'on parle des armées qui

2 combattent sur un territoire extérieur, si l'on ne prend pas un contexte

3 idéologique, les armées qui se trouvent sur un territoire autre que le

4 leur doivent avoir un degré d'initiative beaucoup plus grand que les

5 armées qui ne se trouvent que sur leur propre territoire.

6 De plus, les armées qui ont une expérience coloniale, lorsque les corps

7 d'expédition avaient été envoyés pendant une longue période de temps à

8 l'étranger, très loin, c'était assez difficile pour eux de compter sur

9 leur niveau de commandement, de s'appuyer sur... Les subordonnés, ils

10 recevaient des tâches directives à long terme et ils devaient se

11 débrouiller tout seuls pour résoudre, pour arriver à la mise en place de

12 ces tâches.

13 Si vous pouvez prendre, par exemple, l'expédition de la guerre des

14 Falklands. C'est une expédition qui avait été menée à des centaines de

15 milles à l'étranger, si l'on pense au commandement de cette expédition qui

16 avait été envoyé aux Malouines, si vous croyez que ce commandement

17 s'attendait à recevoir des ordres de ses supérieurs à Londres, de l'un ou

18 de l'autre poste de commandement, et s'attendait à ce que son commandement

19 leur donne des ordres directs, il ne pouvait pas le faire, le commandant

20 devait décider pour lui-même, il ne pouvait pas prendre ses propres

21 décisions.

22 Et donc qu'est-ce que ce serait s'il y avait une initiative complète de la

23 part des commandants dans un système militaire à l'intérieur de la zone de

24 responsabilité, dans laquelle il y avait plus d'unités et plus de niveaux

25 de commandement? Quand on parle du Corps de la Drina, sa zone de

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1 responsabilité qui était une zone limitée, s'il y avait eu une initiative,

2 une auto-initiative qui avait été mentionnée par MM. Butler et Dannat, il

3 y aurait eu un chaos complet dans cette zone de responsabilité, et il y

4 aurait eu un manque de responsabilité, comme j'ai dit. Un chaos général

5 existerait si l'on avait donné à l'initiative…

6 Si nous prenons Montgomery et Rommel, ils l'ont fait avec un système de

7 commandement où il n'y a pas de contre-initiative, quand on parle des

8 alliés et du débarquement. Et pour ce qui est arrivé en Europe centrale,

9 ils avaient également un système de subordination très élaboré. Le système

10 de Eisenhower, par exemple, était très strict: le débarquement en

11 Normandie, de nouveau la 82e Division, lorsqu'on parle de cela, il n'y a

12 pas eu d'initiative non plus; il n'y a pas eu place pour l'initiative. La

13 chaîne de commandement était très centralisée. Il y avait donc un système

14 de commandement très centralisé.

15 Une opération très liée était l'opération "Desert Storm". Dans les armées

16 en général, pour les armées qui ont mené la guerre de cette façon-là,

17 c'est très difficile de s'attendre à ce qu'il y ait beaucoup d'initiatives

18 ou plus d'initiatives au niveau de ces niveaux de subordination.

19 Question: Je vois dans le compte rendu d'audience, Monsieur le Président,

20 pas mal d'erreurs. Je suppose que nous aurons l'opportunité de rectifier

21 par la suite; il s'agit d'appellations et de noms.

22 Général Radinovic, pouvons-nous passer à une question tout à fait autre?

23 Je vous prie de dire quelque chose à la Chambre concernant un sujet dont

24 on a déjà parlé: il s'agirait de la structure organisationnelle de la VRS.

25 Je demanderai à M. l'huissier de bien vouloir présenter la pièce D147 et

Page 7826

1 D148 au témoin.

2 (L'huissier s'exécute.)

3 Général Radinovic, vous avez devant vous un schéma.

4 Réponse: Oui. On montre ici la structure organisationnelle de la VRS et

5 ce, notamment en simplifiant la présentation afin que l'on voie clairement

6 ce qui importe de voir. Moi, je me suis proposé de réduire toute l'image

7 au segment opérationnel de l'armée qui est ici, celui qui importe.

8 Question: Je dois procéder à une rectification ici: dans le titre de

9 l'intitulé, il y a une erreur alors qu'on parle des structures de la VRS,

10 sans le corps d'armée de la Drina. Nous allons rectifier cela

11 ultérieurement. On parle ici de structure de l'armée de la Republika

12 Srpska sans Corps d'armée de la Drina.

13 Réponse: L'organisation, la structure organisationnelle de la VRS sous-

14 entend un grand état-major de cette VRS au sommet. On voit, dans la

15 composition de cette VRS, le Corps de la Krajina, le 1er Corps de la

16 Krajina, puis le 2e Corps de la Krajina, puis le Corps de la Bosnie de

17 l'Est, puis le Corps d'armée de la Drina, puis le Corps d'armée de

18 l'Herzégovine et le Corps d'armée de Sarajevo Romanija.

19 Ensuite, on voit le 65e Régiment de protection et le 10e Détachement de

20 sabotage; ce sont les compositions de combat. Etant donné qu'il importe

21 pour notre récit, par la suite, de noter qu'en tête de l'armée de la

22 Republika Srpska, se trouve l'état-major, le grand état-major de la VRS,

23 ce n'est pas le commandement suprême qui est indiqué ici, c'est une

24 spécificité en effet pour ce qui est de la structure organisationnelle de

25 la VRS.

Page 7827

1 Mais je dois aussi dire qu'il s'agit d'une inconséquence. C'est une chose

2 où l'on voit que cela ne coïncide pas avec les principes adoptés de longue

3 date dans la doctrine militaire. Il ne serait pas bon de comprendre ici

4 que la politique et les pouvoirs civils n'exercent pas de contrôle sur

5 l'armée, mais en nommant le grand état-major de la VRS, en lui accordant

6 ses attributions de commandement, d'une certaine façon, cela a généré des

7 malentendus qui se manifesteront par la suite entre la stratégie militaire

8 et les stratégies politiques, à savoir entre les directions militaires et

9 politiques de la Republika Srpska, les solutions et les normes mondiales

10 ainsi que les solutions adoptées au niveau de l'armée de Yougoslavie ou de

11 l'armée populaire yougoslave.

12 Au sommet, on a le commandement suprême, puis le grand état-major qui est

13 un organe, un quartier général professionnel pour la préparation des

14 armées, mais non pour l'usage des armées, non pas pour le commandement.

15 C'est le rôle de tous les états-majors dans les armées du monde entier. Et

16 l'armée de la Bosnie-Herzégovine avait aussi un grand état-major; cela

17 avait introduit une certaine dualité au niveau du commandement

18 stratégique. Par conséquent, il serait naturel qu'il n'y ait pas un

19 commandement de grand état-major mais qu'il y ait un quartier général

20 auprès du commandement suprême.

21 M. Cayley (interprétation): Excusez-moi, Monsieur le Président, je

22 m'adresse au Greffe parce que nous souhaiterions obtenir des copies de ces

23 documents, étant donné que nous les avons pas reçues. Il s'agit de

24 documents qui sont assez récents et que l'on vient de mettre sur le

25 rétroprojecteur. Merci.

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1 M. Radinovic (interprétation): Je voudrais ajouter une phrase, si vous le

2 permettez. De telles solutions sont pratiquées dans des armées

3 révolutionnaires. Peut-être voulait-on annoncer par là la volonté de créer

4 quelque chose de nouveau en Bosnie mais, comme vous le savez, il

5 s'agissait de choses tout à fait nouvelles dans un Etat.

6 M. Visnjic (interprétation): Je demanderais à M. l'huissier de placer

7 devant le témoin ou sur le rétroprojecteur la pièce à conviction D 148.

8 (L'huissier s'exécute.)

9 Il s'agit d'une carte où l'on présente les zones de responsabilité des

10 différentes corps d'armée de la Republika Srpska et qui étaient reprises

11 depuis le rapport présenté à la Chambre par M. Butler.

12 Général Radinovic, ce que je voudrais vous demander, c'est, dans le

13 contexte de cette structure organisationnelle de la VRS, de nous présenter

14 sur cette carte la répartition des Corps d'armée avec une attention

15 particulière à leur importance et à la position du Corps de l'armée de la

16 Drina, dans le contexte qui nous intéresse.

17 Réponse: Monsieur Butler a fait les choses de façon excellente. Je n'ai

18 pas à inventer des schèmes étant donné que M. Butler l'a fait très bien;

19 je lui suis reconnaissant de l'avoir fait parce que cela me libère de

20 l'obligation de refaire cette carte. Et j'ai vérifié les choses: la carte

21 a été faite de toutes façons exacte.

22 Nous allons commencer par la gauche ou par la droite? Eh bien, nous voyons

23 ici la zone des responsabilités du 2e Corps d'armée de la Krajina. Pour

24 ceux qui ne connaissent pas bien la géographie de la Bosnie-Herzégovine

25 -je crois que ce n'est pas le cas ici parce qu'ici, vous devez la

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1 connaître-, il s'agit de la partie occidentale de la Bosnie-Herzégovine,

2 qui est frontalière avec la Croatie. Ce Corps d'armée va subir le plus de

3 frappes au cours des offensives, tant de la part de l'armée de la Bosnie-

4 Herzégovine que de l'armée de la Croatie, en automne 1994 et au cours de

5 l'année 1995.

6 C'est donc contre ce corps-là qu'ont été lancées bien des attaques et

7 notamment celle du 5e Corps d'armée en provenance de Bihac, en automne

8 1994 et, bien entendu, c'est ce corps-là qui a reçu le gros des frappes de

9 l'armée croate qui a attaqué la Krajina serbe et la Republika Srpska.

10 Ici, on voit la zone de responsabilité du 1er Corps de l'armée de la

11 Drina. Comme on peut le voir sur ce schéma, c'est la zone qui est

12 effectivement la plus grande et c'est le corps d'armée le plus nombreux et

13 le plus puissant. Si l'on faisait une comparaison entre ce corps d'armée

14 et celui des corps d'armée dans la doctrine occidentale, c'est un

15 véritable corps d'armée. Et si l'on se réfère au gabarit de l'armée de la

16 Republika Srpska et du territoire concerné, il s'agit également là d'un

17 territoire qui se trouve à l'occident; alors il y a toute la Posavina,

18 donc toutes les rives de la Save, y compris ce petit corridor de Brcko. Et

19 cela va jusqu'à Doboj et une partie de la Bosnie centrale jusqu'aux

20 frontières avec la Fédération bosnienne et croate. Le siège du corps se

21 trouvait à Banja Luka.

22 Alors maintenant, le corps de l'armée de la Bosnie de l'Est comprend cette

23 partie nord-est de la Bosnie-Herzégovine, à savoir le segment est de la

24 Republika Srpska et le siège se trouve à Bjelina. Ici, se trouve la

25 rivière Drina et, à droite, la République fédérale de Yougoslavie. Voici

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1 la zone de responsabilité de ce corps d'armée. Ce corps d'armée se trouve

2 juste à côté du Corps de l'armée de la Drina; on peut le voir ici. Il

3 s'agit notamment d'une zone qui couvre 30 à 40 kilomètres au nord du Corps

4 d'armée de la Drina qui se trouve plus au sud. Alors cette zone de

5 responsabilité va jusqu'à la rivière de la Drina à l'est, au sud jusqu'à

6 Gorazde, sans comprendre Gorazde et, à l'ouest jusqu'à Olovo, mais Olovo

7 non compris.

8 Voilà. C'est bien la zone de responsabilité de ce Corps d'armée de la

9 Drina qui nous intéresse le plus dans le cas concret. Son siège se trouve

10 à Vlasenica. D'abord, il se trouvait à Han Pijesak, puis il est passé à

11 Vlasenica. Ensuite, la zone de responsabilité du Corps d'armée de Sarajevo

12 Romanija se trouve dans cette partie centrale autour de Sarajevo, alors

13 qu'à l'extrême sud, au sud-est, se trouve ce Corps de l'Herzégovine, qui

14 arrive au sud jusqu'aux frontières de la Croatie, au-dessus de Dubrovnik,

15 qui se trouve aussi aux limites du Monténégro, entre Trebinje et Niksic.

16 Au nord, ces frontières touchent à Gorazde. Donc il y a une délimitation

17 entre ce Corps d'armée et celui de la Drina. Le siège du Corps de

18 l'Herzégovine se trouvait à Bileca.

19 Si vous me le permettez, je vous apporterai quelques commentaires. Dans

20 les expertises de M. Butler et, dans une certaine mesure, celles du

21 général Dannat, il y a une thèse qui dit que les zones de responsabilité

22 permettent de conclure que les corps d'armée de la Republika Srpska

23 avaient copié les zones de responsabilité qu'avaient les différents corps

24 d'armée du temps où ces territoires étaient occupés par l'armée populaire

25 yougoslave. Je ne vois pas le poids spécifique de cette remarque, mais

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1 j'en parle pour que l'on ait conscience de cette remarque.

2 Pour ce qui est de l'ex-Yougoslavie, comme je l'ai dit dans la partie

3 introductive, il a été procédé à une réorganisation qui s'est achevée en

4 1987. Les zones de responsabilité allaient dans les directions

5 opérationnelles et ces zones opérationnelles couvraient les limites, les

6 frontières administratives parce que ce 5e Corps d'armée, ici, allait

7 jusqu'aux frontières hongroises et arrivait jusqu'à Bihac. Le 17e Corps

8 d'armée de Tuzla avait une zone de responsabilité qui s'étirait jusqu'à la

9 rivière de la Drava; c'est ainsi que ces garnisons se trouvaient à

10 Vinkovci, Dzakovo, Slavonski Brod et ainsi de suite. Et en profondeur,

11 cela allait jusqu'à la Pod Romanija, c'est-à-dire sous le secteur de

12 Romanija et, à l'est, jusqu'à la Drina. Le Corps d'armée de Sarajevo

13 Romanija avait une zone de responsabilité qui englobait Mostar. Le Corps

14 de l'Herzégovine n'existait pas, il a été constitué par la suite; donc il

15 n'a pas été question de collision des différentes zones de responsabilité

16 avec l'ex-JNA et ces zones de responsabilité de la VRS. Les Corps d'armée,

17 à l'époque, avaient été beaucoup plus puissants et créés de façon beaucoup

18 plus ambitieuse avec des potentiels stratégiques, bien plus importants et

19 il est naturel que ces zones de responsabilité n'aient plus pu coïncider.

20 Question: Général Radinovic, je voudrais que nous passions maintenant à un

21 segment qui concerne la zone qui nous intéresse plus particulièrement,

22 c'est la zone du Podrinje central.

23 Pouvez-vous dire à la Chambre quelque chose sur les circonstances qui

24 avaient prévalu avant l'opération de Srebrenica en 1995, c'est-à-dire nous

25 parler de la situation dans le Podrinje central au cours de l'année 1993,

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1 et ce, certes brièvement, et des événements qui ont suivi pour conduire à

2 l'opération Krivaja 1995?

3 Réponse: En ce qui concerne les conditions qui avaient prévalu et qui

4 avaient précédé l'opération Krivaja et la situation autour de Srebrenica,

5 je citerai certains événements qui sont très importants pour l'évaluation

6 de la situation.

7 D'abord, il convient de ne pas perdre de vue la situation qui avait

8 prévalu en 1992, tout au long de 1992, jusqu'en janvier 1993. A l'époque,

9 dans ce Podrinje central, il n'y avait aucune cité ou agglomération serbe.

10 J'ai essayé ici d'expliquer quel avait été l'intérêt stratégique et

11 l'importance stratégique de ce Podrinje central pour l'armée de la

12 Republika Srpska, à savoir pour la stratégie serbe tant militaire que

13 politique. Tout simplement cette situation était intenable; elle

14 signifiait pour cette partie-là, la perte de la guerre, même si l'on met

15 de côté tout ce qui pourrait être attribué aux crimes, massacres,

16 dévastations des agglomérations serbes. Donc mettons cela de côté.

17 Le villages de Kravica avait été pris par les Musulmans au Noël orthodoxe

18 et, depuis lors, dans le Podrinje, il n'y avait plus de Serbes. Il aurait

19 été logique que l'armée de la Republika Srpska entreprenne une action

20 militaire pour récupérer ce territoire et ramener l'armée, et une partie

21 de la population qui avait survécu, vers ce Podrinje central. Il s'en est

22 suivi cette contre-offensive lancée par les effectifs du Corps de la

23 Drina, en 1993, pour libérer le Podrinje central et pour faire revenir

24 l'armée de la Republika Srpska vers ce Podrinje central. Et du reste le

25 Corps d'armée de la Drina avait été constitué dans cet objectif entre

Page 7833

1 autres.

2 Alors, d'un point de vue militaire -et c'est chose pertinente pour mon

3 témoignage devant ce Tribunal-, c'est ce segment militaire: il s'agissait

4 d'une contre-offensive limitée. On a appelé cela "opération", mais pour ce

5 qui est des visées objectives, on appelle cela "début d'opération". Il

6 s'agissait d'une opération à objectif limité; il s'agissait de faire

7 revenir l'armée de la VRS dans les Podrinje central, dans les zones où

8 avait vécu une population serbe, et de ramener cette population pour ce

9 qui est, notamment, de la population qui voulait revenir.

10 L'opération s'est dirigée dans trois directions: vers le nord, donc depuis

11 Zvornik; vers le sud, il s'agissait donc de cette direction de Zvornik

12 vers le sud, puis du sud de Visegrad vers le nord, puis de Ljubovija vers

13 l'ouest. Donc il y avait trois grandes directions suivies.

14 Pour que vous compreniez mieux comment ce corps d'armée a réussi, de façon

15 inattendue et rapide, en dépit du fait que ses effectifs aient été

16 limités, de même que ses moyens matériels et techniques, et en sus, en

17 dépit des possibilités limitées de ce corps d'armée, ce corps d'armée a

18 rapidement réalisé des résultats remarquables. Il s'agissait notamment de

19 combattants qui venaient de ces régions-là, originaires de ces régions et

20 qui, en se battant, avaient été pressés de rentrer chez eux pour voir ce

21 qu'il restait de leurs biens. Là, les images ont été plutôt émouvantes.

22 Très rapidement donc, des succès ont été obtenus et, dès avril 1993,

23 Srebrenica avait pratiquement été à la veille de sa chute. Et je dois

24 reconnaître devant vous et admettre que le système du commandement de la

25 VRS avait estimé qu'il s'agissait effectivement de libérer Srebrenica et

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1 de placer Podrinje sous le contrôle entier de l'armée de la Republika

2 Srpska. Très vite, la communauté internationale s'est mêlée de façon

3 radicale à la question par le biais des Nations Unies et de la Forpronu;

4 et c'est la grande crise de Srebrenica, en 1993, avec l'arrivée du général

5 Morillon à Srebrenica pour rendre impossible à la VRS la libération de

6 cette ville de Srebrenica.

7 Le commandement suprême serbe, le grand état-major et la direction

8 politique, évaluant les arguments pour et contre la libération de

9 Srebrenica, avaient conclu qu'il ne s'agissait pas de risquer un conflit

10 avec la communauté internationale qui risquait de façon évidente de

11 survenir -il apparaît avec certitude que le risque aurait été trop

12 important-; les aspirations stratégiques en ont été réduites au niveau du

13 contrôle ou de la mise en place d'un contrôle efficace sur les enclaves.

14 Et la conséquence de ce contrecoup opéré par l'armée a consisté en la

15 création d'une enclave de Zepa et de Srebrenica. On s'est donc contentés

16 de mettre en place un contrôle militaire et de centraliser, d'un point de

17 vue militaire, les enclaves de Srebrenica et de Zepa, et non pas de

18 conquérir ou de libérer les villes elles-mêmes.

19 Depuis lors et par la suite, des événements se sont enchaînés qui ont été

20 la conséquence de ces statuts d'enclave de Srebrenica et de Zepa. Ce

21 mécanisme tout entier qui avait été censé être mis en place en tant que

22 zone protégée, et le non-respect de ces zones ou de statuts vont par la

23 suite nous amener aux opérations de Srebrenica et de Zepa.

24 Question: Nous sommes arrivés en avril 1993 et à la mise en place des

25 zones protégées de ce Srebrenica et de Zepa. Pouvez-vous dire à la Chambre

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1 -je réitère brièvement pour nous faire une introduction aux événements qui

2 se sont ensuivis-, en parlant des statuts de zone protégée, la conclusion

3 de certains accords à ce sujet et le comportement des différentes parties

4 en présence? Mais commençons par les zones protégées.

5 Réponse: En effet, le Conseil de sécurité des Nations Unies, avec sa

6 résolution 8 à 9, datée du 16 avril 1993, a proclamé la ville de

7 Srebrenica et ses environs comme étant une zone protégée des Nations

8 Unies. Depuis lors, Srebrenica de fait et de par la forme a fonctionné

9 comme une enclave musulmane, protégée par les forces de paix des Nations

10 Unies, à savoir la Forpronu, et placée sous la protection de ces dernières

11 au niveau de ce Podrinje central, qui se trouvait sous le contrôle

12 militaire et politique de l'armée de la Republika Srpska et de la

13 Republika Srpska, d'une manière générale.

14 Il y a cinq régions de la Bosnie-Herzégovine qui ont eu ce même statut:

15 Sarajevo, Bihac, Gorazde, Tuzla et Zepa, mais ces territoires avaient été

16 placés sous la protection des Nations Unies ultérieurement. Mais

17 substantiellement, cela revenait à la même chose.

18 Question: Il y avait quand même une différence entre les zones protégées,

19 entre les zones sous protection particulière, et ce, aux termes des

20 Conventions de Genève, et les zones protégées telles qu'organisées par la

21 résolution ou les résolutions des Nations Unies et les accords techniques

22 et militaires. Est-ce que vous pouvez dire brièvement quelles avaient été

23 les différences entre ces deux situations juridiques en présence?

24 Réponse: En effet, en se penchant sur la réglementation juridique

25 notamment, celle afférent au droit international pour les zones protégées,

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1 et en comparant cela avec la mise en place du régime de zones protégées,

2 tant aux termes des accords du mois de mai 1993 et compte tenu de la

3 situation de fait, j'ai pu conclure qu'il y avait des différences

4 substantielles entre le système des zones protégées prévu dans la

5 réglementation juridique internationale, et le système des zones qui

6 avaient été mises en place et qui avaient fonctionné sur place. Cela se

7 rapporte en premier lieu à la démilitarisation.

8 Si j'ai bien compris la condition selon laquelle un espace peut

9 fonctionner en tant que zone protégée, c'est la suivante, à savoir

10 qu'aucune action militaire ne soit menée vers l'extérieur ou vers

11 l'intérieur de cette zone protégée, autrement dit aucune opération de

12 guerre. Et malheureusement, cette condition n'a pas été remplie à

13 Srebrenica. Ce qui est très intéressant, c'est la façon dont se sont

14 déroulés les pourparlers destinés à obtenir le statut de zone protégée et

15 la façon dont le général Halilovic analyse les pourparlers qui ont précédé

16 l'existence de cette zone protégée, et les pourparlers menés par la suite

17 avec y compris le général Morillon, en tant qu'interlocuteur.

18 Dans son ouvrage, Sefer Halilovic dit qu'il a réussi à convaincre chacun

19 que la démilitarisation ne concernait que les parties urbaines de

20 l'enclave, mais que les parties rurales de l'enclave n'avaient pas besoin

21 d'être désarmées. C'est grâce à cet élément tactique qu'un prétexte

22 automatique a été donné à la multiplication des conflits par la suite et

23 au fait que cette zone a été empêchée de fonctionner en tant que zone

24 protégée. Donc on y trouve l'origine des conflits ultérieurs.

25 Et puis, deuxième point: en dépit de l'accord selon lequel la partie

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1 urbaine de Srebrenica devait être démilitarisée, eh bien, elle ne l'a pas

2 été. Elle ne l'a pas été parce que l'appareil des Nations Unies n'a pas eu

3 suffisamment de poids et suffisamment de cohérence pour obtenir ce

4 résultat. Des forces militaires sont restées à l'intérieur de la ville de

5 Srebrenica sur consigne du Gal Sefer Halilovic et en dépit des décisions

6 prises dans le rapport des Nations Unis de 1980, du Secrétaire général des

7 Nations Unies de 1999. Il est bien indiqué que la partie musulmane n'a pas

8 respecté le statut de zone protégée dans la mesure où la ville de

9 Srebrenica n'a pas été démilitarisée.

10 Question: Je prierai à présent l'huissier de remettre au témoin la pièce à

11 conviction de la défense D152 pour que nous parlions du rapport des forces

12 dans le conflit.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Général Radinovic, nous allons attendre un instant.

15 Général Radinovic, pouvez-vous dire aux Juges de cette Chambre quel était

16 le rapport des forces entre l'armée de Bosnie-Herzégovine, donc les

17 Musulmans, et les autres parties? Quel était leur rapport à la conclusion

18 de cet accord relatif à la zone protégée?

19 Réponse: Eh bien, l'armée de Bosnie-Herzégovine, s'agissant donc de

20 l'accord du texte officiel qui a créé la zone protégée, a consisté à ne

21 pas respecter ce texte du tout. J'ai déjà parlé de l'ouvrage de Sefer

22 Halilovic, je n'ai pas cité le passage mot pour mot puisqu'on retrouve ce

23 passage dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, mais en

24 tout cas, il y dit que, dès la fin des pourparlers, il est retourné à son

25 commandement et a envoyé un ordre à Srebrenica. L'ordre qu'il a envoyé a

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1 consisté à dire que pas une seule balle ne devait être remise la Forpronu.

2 Le Secrétaire général des Nations Unies affirme qu'un nombre très limité

3 d'armes a été remis et qu'il s'agissait d'armes qui, de toute façon, ne

4 pouvaient pas fonctionner, car elles n'étaient accompagnées d'aucune

5 munitions. Donc de l'aveu même des forces concernées, les forces

6 musulmanes ne se sont pas pliées à la teneur de l'accord, et ce, dès le

7 début.

8 Quant aux Conventions de Genève, elles ont été violées pendant toute la

9 période qui va du mois d'avril ou du mois de mai, interventions actives

10 des forces militaires donc avril/mai 1993 et jusqu'à la fin juin 1995. Un

11 nombre d'exemples très important existe qui indique de quelle façon

12 multiple le statut et le régime de zones protégées ont été remis en cause

13 pour ne pas dire niés.

14 Je vais vous donner un certain nombre d'exemples; ensuite, nous retournons

15 dans les détails si cela m'est permis.

16 D'abord les déplacements militaires à l'intérieur de la zone, puis les

17 opérations militaires à l'intérieur de la zone, ensuite le regroupement

18 sans aucune difficulté de forces militaires, la création de nouvelles

19 unités, les survols d'hélicoptère et toute une série d'actions militaires

20 de nature de commandos, de sabotage, de diversion, des actions menées sur

21 les arrières des forces du Corps de la Drina qui tenaient des positions

22 aux alentours de l'enclave.

23 S'agissant de l'armée de la Republika Srpska, elle a respecté totalement

24 le statut de zones protégées et ceci est prouvé par un ordre envoyé par le

25 chef d'état-major du grand quartier général à toutes les unités, tout à

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1 fait au début de la période où la zone est devenue zone protégée.

2 Question: Général Radinovic, vous avez sous les yeux la pièce à conviction

3 de la défense D152, qui est un ordre du grand quartier général de l'armée

4 de la Republika Srpska, strictement confidentiel, n°03/8-9, daté du 18

5 avril 1993.

6 Cet ordre est signé par le Gal de division Manojlo Milovanovic, adjoint du

7 commandant. Je vous prierais de bien vouloir nous commenter ce document en

8 vous concentrant sur l'existence de cet accord signé, établissant et

9 créant la zone protégée de Srebrenica, ainsi que des opérations militaires

10 entreprises par l'armée de la Republika Srpska à ce moment-là.

11 Réponse: Le chef du grand quartier général de l'armée de la Republika

12 Srpska, dès la création de la zone protégée de Srebrenica, donc dès la

13 conclusion de l'accord relatif à la démilitarisation de cette zone, a

14 envoyé un ordre dans lequel il était dit que, le 18 avril 1993, à 4 heures

15 59, tous les commandants de corps d'armée, ainsi que les commandants et

16 officiers supérieurs sous leurs ordres, veilleraient à un cessez-le-feu

17 plein et entier à Srebrenica et dans ses environs, grâce à la suspension

18 définitive de toutes les opérations de combat.

19 Le Gal Milovanovic explique ensuite ce que signifie ce cessez-le-feu

20 total, plein et entier. Il s'agit donc d'interdire les tirs. Enfin, je ne

21 veux pas rentrer dans les détails. En tout cas, toutes les unités de

22 l'armée de la Republika Srpska sont informées de l'obligation dans

23 laquelle elles sont de respecter de façon très stricte le statut de zones

24 protégées de Srebrenica; et des consignes tout à fait précises sont

25 données à cette fin.

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1 En page 3 de ce document, au point 6, Milovanovic explique ce qu'il

2 convient de faire avant 11 heures, le 21 avril, pour respecter les

3 obligations de démilitarisation. Donc la démilitarisation implique de

4 cesser de tirer au moment prévu par l'armée de la Republika Srpska,

5 implique de livrer les comptes rendus et tous les documents relatifs aux

6 mines antipersonnel ainsi qu'à l'endroit où ces mines ont été placées,

7 implique également d'enlever toutes les mines, tous les obstacles

8 physiques empêchant les déplacements, implique de suspendre tout mouvement

9 et toute manœuvre des forces armées, ainsi que l'obtention de renforts

10 provenant de l'extérieur de la zone, implique de remettre toutes les

11 armes, tous les moyens techniques permettant de combattre, c'est-à-dire

12 par exemple les munitions, les mines, les explosifs, etc. à la Forpronu;

13 la Forpronu étant désormais responsable de la Sécurité de toutes les

14 personnes présentes à l'intérieur de l'enclave et donc bien entendu

15 responsable également du comportement à l'extérieur de l'enclave.

16 En d'autres termes, l'armée de la Republika Srpska, par cet ordre qui

17 émane du niveau suprême de commandement, informe les niveaux de

18 commandement subalternes qu'il importe au plus haut point de respecter la

19 teneur de l'accord créant la zone protégée.

20 Question: Cette pièce à conviction de la défense D152 correspond-elle

21 totalement à l'accord qui avait été signé?

22 Réponse: Oui.

23 Question: Sur tous les points donc?

24 Réponse: Oui, ce texte correspond sur tous les points au texte que j'ai eu

25 la possibilité de voir, de lire et qui parlait de démilitarisation.

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1 Question: A la lecture de ce document, nous voyons au paragraphe 6, au

2 point 6, dernier paragraphe, que la Forpronu est responsable de la

3 démilitarisation. Comment les forces des Nations Unies ont-elles exercé

4 leur influence sur l'application du statut de zone protégée?

5 Réponse: Je pense que c'est là que se situe la controverse, ils ont

6 veillé, contrôlé le statut de zone protégée de façon très controversée.

7 Je dirai d'abord que les forces qui ont été mises au service de cette

8 action, donc de la garantie du statut de zone protégée de Srebrenica,

9 étaient tout à fait insuffisantes pour protéger l'enclave des forces en

10 présence. Dans le rapport du Secrétaire général des Nations Unies, il est

11 question d'un certain nombre d'options qui étaient ouvertes aux forces de

12 la Forpronu pour garantir la sécurité, et l'une des options mentionnées

13 faisait état de la nécessité de 7000 hommes pour assurer ce travail.

14 Alors, imaginez 5 à 7000 hommes -c'est un nombre tout à fait considérable

15 comparé aux forces canadiennes- qui ont réellement pénétré dans l'enclave

16 de Srebrenica après la signature de l'accord. Donc le fait que les Nations

17 Unies n'aient pas garanti des effectifs suffisants pour imposer, par leur

18 puissance physique et leur nombre, le respect de l'accord par les deux

19 parties a bien été le premier pas qui a mené à la violation du statut de

20 zone protégée de Srebrenica.

21 Par ailleurs, la Forpronu n'a pas empêché les actions des Musulmans. Il

22 s'agissait d'actions militaires offensives qui, pendant tout le temps où

23 Srebrenica a bénéficié du statut de zone protégée, ont sans cesse violé ce

24 statut de zone protégée.

25 Autre point: la Forpronu. En tout cas, je n'ai trouvé aucun document qui

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1 le montre -d'ailleurs, c'est un handicap pour moi: je n'ai n'a pas pu

2 avoir sous les yeux un nombre suffisant de documents relatifs au

3 commandement des forces armées de Bosnie-Herzégovine au cours du conflit-,

4 donc je n'ai trouvé aucun document indiquant que la Forpronu ait adressé

5 des suggestions, des avertissements, des menaces aux forces musulmanes, en

6 leur disant qu'il ne fallait pas qu'elles poursuivent leurs opérations

7 militaires dans la zone protégée de Srebrenica, opérations militaires qui

8 allaient totalement à l'encontre du statut officiel de zone protégée.

9 En Bosnie-Herzégovine, alors que Srebrenica était une zone protégée,

10 l'interdiction de survol était en vigueur également; autrement dit, il

11 était absolument interdit à tout avion, à tout appareil de survoler la

12 Bosnie-Herzégovine, y compris d'ailleurs pour apporter de l'aide

13 humanitaire, sauf les avions de la Forpronu qui étaient les seuls

14 autorisés à voler. Les hélicoptères musulmans cependant ont volé au-dessus

15 la Bosnie-Herzégovine en dépit de cette interdiction, et l'un de ces

16 hélicoptères a été abattu par l'armée de la Republika Srpska à Zepa; je

17 crois que cela s'est passé en avril ou en mai 1995.

18 Donc, par tous ces exemples, je m'efforce d'illustrer le fait que même la

19 Forpronu n'a pas fait tout ce qu'elle aurait pu faire pour faire respecter

20 ce statut de zone protégée. Etant donné les moyens très imposants de

21 l'OTAN qui contrôlait l'espace aérien de la Bosnie-Herzégovine, la

22 Forpronu aurait sans doute pu faire beaucoup mieux.

23 Question: Général Radinovic, quelle était la situation au cours du premier

24 semestre 1995 sur les champs de bataille de Bosnie-Herzégovine?

25 Réponse: Eh bien, quelques phrases me suffiront pour vous décrire la

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1 situation. Ces quelques exemples, à mon avis, illustrent très bien la

2 réalité des événements de l'époque sur le terrain. Il était tout à fait

3 visible que la communauté internationale en avait assez de la guerre en

4 Bosnie-Herzégovine, elle en avait assez d'essayer de créer la paix entre

5 les parties belligérantes, consciente qu'elle aurait beaucoup de mal à les

6 contrôler. Elle avait de grandes difficultés à imposer le respect des lois

7 et des coutumes de la guerre sur place.

8 Donc la communauté internationale était tout simplement fatiguée de tout

9 cela et je dois dire qu'elle n'a pas fait la preuve de son efficacité pour

10 exercer un quelconque contrôle sur ce conflit. Pourquoi? Eh bien, sans

11 doute parce que les intérêts des uns et des autres au sein de la

12 communauté internationale étaient différents, ce qui a donc eu une

13 incidence négative sur le conflit. Mais à l'époque dont nous parlons,

14 c'est-à-dire à l'époque des événements survenus à Srebrenica et dans ses

15 environs, il était tout à fait manifeste que la communauté internationale

16 cherchait désespérément un moyen de mettre fin aux combats.

17 Pensons au plan célèbre, bien connu, du groupe de contact par lequel le

18 territoire de la Bosnie-Herzégovine était censé être réparti à raison de

19 51% pour la Fédération croato-musulmane et 49% pour la Republika Srpska!

20 Rappelons-nous également la contre-offensive des forces du 5e Corps

21 d'armée en provenance de la zone protégée de Bihac et contre l'ouest de la

22 Krajina serbe en Bosnie. Cette contre-offensive avait pour but de réduire

23 le territoire contrôlé par l'armée de la Republika Srpska, pour faire

24 tenir ce territoire dans les 49% que je viens d'évoquer.

25 Nous nous rappelons donc toutes ces études, tous ces pronostics, tous ces

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1 pourparlers. Sur cette base, je dois dire qu'à partir de la Yougoslavie où

2 j'étais à l'époque, j'avais le plus grand mal à comprendre que l'armée de

3 la Republika Srpska se soit comportée avec aussi peu de volonté de

4 décision personnelle et que cette opération, que l'on connaît sous le nom

5 de contre-offensive de Bihac de la part du 5e Corps d'armée, ait pu

6 réussir, c'est-à-dire qu'au bout de deux ans, deux ans et demi, les forces

7 serbes se sont trouvées totalement encerclées dans cette région. Ceci a

8 été le ferment de problèmes militaires très importants par la suite.

9 Autrement dit, la communauté internationale s'est efforcée à l'époque à

10 réunir les parties autour d'une table de négociation pour obtenir la

11 cessation des combats ou, pour être plus précis, le passage du conflit à

12 une étape de pourparlers préparatoires à une solution politique. L'accord

13 de cessez-le-feu, signé en janvier 1995, était censé durer trois mois. Je

14 crois qu'à ce moment-là, la communauté internationale a commis une grave

15 erreur.

16 Pourquoi? Là encore, j'aurai des difficultés à répondre de façon précise.

17 Mais pourquoi est-ce que la communauté internationale n'a pas, à l'époque,

18 exigé et imposé un arrêt des combats, un cessez-le-feu de durée plus

19 longue? Elle avait la possibilité de le faire, la stratégie politique mise

20 à en œuvre par le commandement suprême des forces serbes voulait un

21 cessez-le-feu de plus longue durée; or, cela n'a pas été fait. Pourquoi?

22 Sans doute parce que la communauté internationale a estimé que le

23 territoire tenu, contrôlé par les Serbes était encore trop important. Mais

24 je pense qu'il aurait été préférable que la guerre s'arrête à ce moment-là

25 et que des négociations politiques se déroulent pour obtenir l'application

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1 des principes souhaités par la communauté internationale, qu'il s'agisse

2 d'ailleurs de principes ou de conceptions reconnues comme acceptables de

3 façon générale.

4 Maintenant, ce qui est très important dans la suite de mon récit, c'est

5 d'essayer de voir comment les différentes parties en présence ont imaginé

6 l'application de ce cessez-le-feu ou plutôt la meilleure façon de le

7 mettre à profit.

8 Les forces musulmanes s'apprêtaient à lancer une offensive de printemps de

9 très grande envergure; elles ne le cachaient pas, c'était un fait

10 pratiquement connu par le public dans son ensemble. Les forces étaient en

11 train de se regrouper, on en faisait venir de l'extérieur, les médias

12 étaient informés, etc. Il s'agissait d'une ultime lutte de libération.

13 Pour la partie serbe d'autre part, la partie serbe a donc déployé des

14 efforts importants pour tenter d'avertir la communauté internationale de

15 ce qui se préparait et empêcher des conflits renouvelés dans la région,

16 conflits, opérations militaires qui étaient sur le point de démarrer.

17 Avant l'expiration du cessez-le-feu, les Musulmans ont donc lancé cette

18 très grande offensive de printemps qui s'était donné un certain nombre

19 d'objectifs sur le plan opérationnel, mais dont l'objectif stratégique

20 principal était de vaincre de façon définitive l'armée de la Republika

21 Srpska. Mais quels étaient donc ces objectifs opérationnels?

22 D'abord, arriver jusqu'à la Save, c'est-à-dire couper le couloir aux

23 environs de Brcko, couloir qui était le cordon ombilical assurant la

24 survie de la Republika Srpska, grâce à une liaison même minime entre l'est

25 et l'ouest des territoires tenus par la Republika Srpska. Couper donc ce

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1 corridor créait des difficultés très importantes pour la Republika Srpska

2 et, suite à cet objectif stratégique, il fallait installer des positions à

3 l'arrière des forces de la Republika Srpska.

4 Deuxième objectif opérationnel pour les enclaves de Gorazde et de Zepa:

5 créer un moyen de relier ces deux enclaves, de lancer une contre-offensive

6 à partir de Tuzla et de diviser en plusieurs parties la zone de

7 responsabilité du Corps de la Drina sur le plan géographique.

8 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, je crois que le moment

9 est peut-être venu d'une pause.

10 M. le Président (interprétation): Merci beaucoup. Nous allons faire une

11 pause jusqu'à 13 heures et quand je dis 13 heures, c'est 13 heures de

12 cette horloge ici.

13 (L'audience, suspendue à 12 heures 10, est reprise à 13 heures.)

14 (Monsieur le Juge Riad assiste à l'audience.)

15 M. le Président: Professeur Radinovic, nous avons maintenant un collègue

16 qui n'a pas pu venir le matin pour des raisons de santé. J'en avais déjà

17 parlé.

18 Maintenant, vous pouvez continuer, Maître Visnjic, s'il vous plaît.

19 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, avant de poursuivre,

20 je souhaiterais aviser la Chambre que, pour le compte rendu d'audience, il

21 y a eu une erreur: le Gal Radinovic a dit à la ligne 11 du paragraphe 34,

22 qu'il s'agit d'une expédition qui a eu lieu sur les îles Malouines au lieu

23 de Maldives. Je crois que même si nous aimerions bien nous rendre aux

24 Maldives, il s'agit quand même des Malouines, cette fois-ci.

25 M. Radinovic (interprétation): J'espère que je n'ai pas fait d'erreur.

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1 J'ai bien dit qu'il s'agissait des Malouines, des îles Malouines.

2 Question: Nous parlons maintenant du printemps 1995; il s'agit de

3 l'offensive du printemps faite par l'armée de la BiH. Général Radinovic,

4 dites-nous de quelle façon, quelles étaient les répercussions que cette

5 offensive a eu sur la zone de responsabilité du Corps de la Drina. Nous

6 parlons de mois de mai/juin 1995?

7 Réponse: Dans le cadre de l'offensive au printemps de 1995, dans la zone

8 de responsabilité du Corps de la Drina, il est arrivé quelque chose qui a

9 inquiété son système de commandement. Je ne sais pas si je me peux me

10 lever et vous montrer sur la carte?

11 Question: Juste un instant, Général. L'huissier va vous permettre de vous

12 lever en vous donnant le micro.

13 (L'huissier s'exécute.)

14 Réponse: Voici donc. Dans la zone de responsabilité du Corps de la Drina,

15 il y a eu quelques crises opérationnelles très difficiles. D'abord, Vis a

16 été attaquée; il s'agit de cette partie protubérante et c'est sur la cible

17 opérationnelle de Zvornik, Tuzla. Cette partie-ci, ce village s'appelle

18 Osmace. Ces deux points, ces deux endroits ont été pris et c'était très

19 dangereux puisque la zone de responsabilité est devenue maintenant très

20 vulnérable de la sorte, car il est arrivé une coupure de cette zone.

21 Ensuite, ce qu'il ne faut pas oublier ici, c'est qu'il y a eu une série

22 d'actions de diversion, d'actions terroristes dans les arrières de l'armée

23 de la VRS. La plus grande action terroriste de ce genre a eu lieu dans les

24 arrières du 1e Brigade de Podrinje de Visegrad et de la 5e Brigade de

25 Podrinje à Rogatica.

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1 D'après les documents de l'armée musulmane, c'est-à-dire dans les comptes

2 rendus opérationnels de l'armée qui ont eu lieu après cette action, ils

3 ont été très fiers de dire qu'ils ont tué quarante Chetniks. Il s'agit de

4 cette langue exotique des Balkans, on parle de Chetnik, d'Oustachi, de

5 Balisti, de Balija, de Turcs, etc. Mais il s'agissait de Serbes. Bien sûr,

6 il s'agissait des soldats de l'armée de la Republika Srpska. Des

7 infiltrations terroristes semblables ont eu lieu tout près de Zeleni

8 Jadar, également de Srebrenica, qui ont eu lieu le 29 juin et le 30 juin.

9 Il y a aussi des opérations de sabotage où l'on a infiltré des membres

10 dans les arrières de l'armée de la Republika Srpska; c'est à ce moment-là

11 que treize soldats ont péri. Il y a eu une opération semblable à Han

12 Pijesak où l'on a tué quatorze soldats de la VRS et tout cela dans une

13 période d'un mois.

14 Je voudrais souligner et parler de quelque chose de très important. Il

15 s'agissait de l'attitude de la communauté internationale envers nous tous.

16 L'un des buts de l'armée de la BiH était le blocus de Sarajevo dans le

17 cadre de cette offensive de printemps.

18 Maintenant, en tant qu'expert militaire, je n'ai absolument rien contre le

19 fait de mener des opérations de ce genre car, s'il y a une guerre, toute

20 opération est légitime qui est menée dans le cadre des lois de la guerre.

21 Par contre, si nous prenons en considération le fait que, dans Sarajevo, à

22 ce moment-là, il y avait environ 70000 soldats armés et que Sarajevo était

23 une zone protégée, on se demande quel est le facteur international qui est

24 un arbitre en Bosnie, qui respecte toutes les Conventions, qui respecte

25 cette zone démilitarisée. Maintenant si l'on oublie pour l'instant ce

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1 fait, les 70000 soldats en question qui provenaient de Sarajevo, en

2 additionnant le tout avec plusieurs unités qui ont été enlevées de

3 plusieurs autres fronts et qui ont été emmenées vers Sarajevo pour que

4 l'on débloque Sarajevo, cette opération n'a pas réussi puisque bien sûr

5 l'armée musulmane n'avait pas assez de forces stratégiques afin d'exercer

6 des buts de ce genre sur un front aussi large.

7 Et le blocage de Sarajevo n'a pas eu lieu, il n'a pas eu lieu avec succès

8 et l'offensive au complet en fait a résulté avec une défaite. Les

9 Musulmans ont vraiment perdu un grand nombre de soldats et donc des

10 ressources humaines et militaires. Après cela, l'OTAN a insisté pour que

11 les positions militaires de la VRS se retirent de Sarajevo à une distance

12 de vingt kilomètres à l'intérieur, dans les terres. C'est à ce moment-là

13 qu'on a commencé à bombarder les cibles serbes, vers la mi-mai.

14 Bien sûr, je ne veux pas être le défenseur du fait que l'opération de la

15 Republika Srpska, de l'armée de la VRS, je ne veux pas dire qu'elle était

16 légitime ou non -c'est à d'autres d'instances d'en déterminer le fait-,

17 mais je veux regarder la situation telle qu'elle est. Cela démontre les

18 intentions qui se sont démontrées vers la moitié de 1995, lorsque l'OTAN a

19 complètement adhéré aux côtés de la Fédération musulmane contre l'armée de

20 la VRS. Ce bombardement des objectifs et l'offensive musulmane qui ont eu

21 lieu avant avril 1995, le cessez-le-feu, donc en avril 1995, a fait en

22 sorte que nous n'avons pas pu… La stratégie serbe ne pouvait pas ne pas

23 observer le tout et donc le Corps de la Drina a dû adhérer et a dû faire

24 ces opérations, l'opération qui s'appelle "le contrôle de l'enclave",

25 c'est-à-dire la délimitation des activités militaires des Musulmans à

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1 l'intérieur de l'enclave.

2 (Le témoin se rassied.)

3 Question: Vous avez parlé d'une opération forcée. Je demanderai à

4 l'huissier de montrer au témoin la pièce à conviction de la défense D88 et

5 de montrer la pièce de la défense D 153.

6 (L'huissier s'exécute.)

7 Général Radinovic, il s'agit du document qui parle du commandement du

8 Corps de la Drina et qui a été fait le 19 juin 1995, donc deux mois, deux

9 semaines avant le début de l'opération.

10 Pourriez-vous nous donner quelques commentaires concernant ce document?

11 Quelles étaient les opérations militaires? De quoi parle ce document?

12 Réponse: J'ai déjà eu entre les mains ce document lors de la préparation

13 et il est certain que, d'après le contexte, il n'y a aucune ambiguïté.

14 Nous pouvons tout à fait comprendre, d'après ce document. Il est donc très

15 facile de voir de quel genre d'activité, de quel genre d'offensive on

16 parlait, de quel genre d'offensive ce document nous avertit.

17 Ce document a été émis par le commandement du Corps de la Drina,

18 Zivanovic... Activités non pas offensives. Le document a été émis le 19

19 juin 1995. La raison pour que ce document soit fait était les activités,

20 une activité terroriste, activité de sabotage des forces musulmanes dans

21 les arrières de la 1e Brigade de Podrinje et la 5e Brigade de Rogatica où

22 l'on a tué quarante personnes. Dans ce document, le Gal Zivanovic, qui

23 était le commandant du Corps de la Drina, avertit tous les commandants

24 subordonnés qu'il faudrait contrôler la zone de protection d'une façon

25 beaucoup plus stricte, et non pas comme l'a fait l'armée de la VRS lors de

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1 ses activités offensives.

2 Question: Il s'agit des activités de la VRS et non pas des activités de la

3 JNA, tel qu'il est consigné dans le compte rendu d'audience en anglais.

4 Est-ce que c'est exact?

5 Réponse: Est-ce que c'est moi qui ai dit la JNA?

6 Question: Je vois que c'est inscrit dans le compte rendu d'audience?

7 Réponse: Non, il s'agit de la VRS et non pas de la JNA. La JNA n'existait

8 plus; c'est une vieille histoire.

9 Question: Je vois en fait qu'on vient de corriger. Ces activités sont

10 liées aux activités de l'armée de la BiH, donc les activités de sabotage?

11 Réponse: Oui, les activités de sabotage de l'armée de la BiH, c'est-à-dire

12 que c'était la raison pour laquelle le commandant du corps a émis ce

13 document dans lequel il avise ou avertit ses subordonnés. Je cite la

14 première page: "Tous les commandements des brigades -5e Division mixte et

15 Bataillon indépendant de Skelani, donc le régiment d'artillerie mixte-

16 devraient se trouver dans les zones de responsabilité pour être sûrs, pour

17 établir une tactique et pour défendre d'une façon précise des ennemis." Il

18 s'agit donc d'un document qui a l'intention d'aviser, d'avertir et de

19 faire en sorte que la défense soit beaucoup plus claire.

20 Vous me demandez donc quelles sont les activités dont on parle: il s'agit

21 des activités de défense, il ne s'agit donc pas des activités d'offensive

22 mais des activités défensives.

23 Question: Au point 3 de ce document, il est précisé qui est tenu

24 responsable pour l'exécution de cet ordre. On dit expressément qu'un

25 rapport écrit devait être soumis jusqu'au 25 juin 1995.

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1 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de placer sur le rétroprojecteur

2 la pièce à conviction D153.

3 (L'huissier s'exécute.)

4 Je dois apporter un rectificatif: il s'agit de la page 29, ligne 20: "Les

5 réponses écrites étaient censées être expédiées avant le 26 juin 1995".

6 C'est bien ce qui figure au document ou plutôt non, je me reprends: c'est

7 le 25 juin 1995.

8 Revenons à cette pièce à conviction D153 de la défense. Il s'agit d'un

9 document qui porte ordre concernant la défense au commandement de la 1e

10 Brigade d'infanterie légère de Milici, n°1/01-675/1, daté du 24 juin 1995

11 et signé par le capitaine Milomir Nastic qui représente ici le commandant

12 en son absence.

13 Général Radinovic, est-ce que ce document correspond effectivement au

14 document précédent, qui est la pièce à conviction de la défense D88, que

15 vous aviez tout à l'heure sous les yeux?

16 Réponse: Oui, j'avais aussi ce document sous les yeux en préparant mon

17 analyse d'expert. Cela correspond entièrement à l'ordre du Gal Zivanovic,

18 commandant du Corps d'armée de la Drina, tant pour ce qui est des formes

19 d'activités demandées qu'au niveau des intentions qui consistent en la

20 défense des positions. Le commandant du corps oblige ses subordonnés de le

21 tenir informer de la réalisation de cet ordre avant le 25 juin 1995. Ce

22 document porte dans son dispositif un intitulé qui indique qu'il

23 s'agissait d'activités de défense.

24 Je tiens à ajouter encore une chose: les ordres explicites figurant dans

25 ce document -sa structure, le contexte, les intentions- sont entièrement

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1 de caractère défensif. Vous pouvez le voir au point 1 où l'on parle "des

2 intentions de l'ennemi à l'intention des commandants de Brigade". On dit

3 quels sont les devoirs des commandants de brigade et tous les éléments de

4 ce document, depuis le point 4 aussi, où l'on parle de l'idée ou des

5 visées de l'ordre, concernant toutes les unités pour ce qui est des

6 devoirs à accomplir et de la logistique. Il s'agit donc d'un document qui

7 a pour visée la préparation de l'organisation d'activités défensives et en

8 aucune façon le contraire.

9 Question: Merci. Général Radinovic, nous en sommes arrivés maintenant à

10 l'époque du début des opérations de Krivaja 1995. Que veut dire ce

11 syntagme "Krivaja 1995"?

12 Réponse: Dans la terminologie militaire, s'agissant de l'activité

13 spécifique, nous avons l'habitude d'adopter des noms codés. Ce syntagme

14 ici désigne l'appellation de l'opération qui est censée être réalisée,

15 "Krivaja 1995" est le nom de code donné à l'opération Srebrenica.

16 Question: Quelle est la composition opérationnelle de la VRS qui a été

17 chargée de la réalisation de cette opération?

18 Réponse: Eh bien, a été tenu responsable de la réalisation de cette

19 opération, le Corps d'armée de la Drina alors que l'opération elle-même a

20 été confiée à certaines parties déterminées du même Corps d'armée.

21 Question: Nous avons parlé jusqu'à présent de l'armée de la Republika

22 Srpska, de sa composition, de sa structure sans nous attarder outre mesure

23 au Corps d'armée de la Drina lui-même.

24 Est-ce que vous pouvez dire brièvement à la Chambre où et quand a été

25 formé le Corps d'armée de la Drina? Quelles avaient été les raisons de sa

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1 formation?

2 Donc une brève introduction à l'historique du Corps d'armée de la Drina

3 avant le début des opérations mêmes, en mettant l'accent sur les éléments

4 qui sont pertinents pour la réalisation de cette opération de Krivaja 95?

5 Réponse: Je m'efforcerai d'être bref. Le Corps d'armée de la Drina a été

6 constitué et ce fait-là est précisé dans les analyses d'experts, tant les

7 experts du Bureau du Procureur que les autres, et cela a été fait au 1er

8 novembre 1992. Cela était le dernier des corps d'armée de la Republika

9 Srpska qui a été créé; son siège avait été à Han Pijesak pour être

10 transféré très vite après à Vlasenica. Donc le siège du commandement du

11 Corps d'armée se trouvait à Vlasenica.

12 Pourquoi ce Corps d'armée a-t-il été formé à cette époque-là et pas avant?

13 Il serait peut-être important et intéressant de présenter ici quelques

14 remarques à ce sujet. Le Corps d'armée de la Drina n'avait pas pu être

15 constitué auparavant pour une simple raison, à savoir que, dans le

16 Podrinje central, il n'y avait aucune infrastructure sur les fondations

17 desquelles on pourrait constituer ou former une composition opérationnelle

18 aussi ambitieuse. Donc tout ce qui est relié à l'infrastructure militaire

19 se référait à Tuzla, en sa qualité de centre régional, et à Sarajevo, en

20 tant que grand centre. Et à Podrinje, il n'y avait pratiquement rien; donc

21 il n'y avait pas de fondements logistiques pour qu'un tel corps d'armée

22 soit constitué. Et autre raison plus importante encore pour ce qui est de

23 ne pas constituer un corps d'armée au moment où l'on avait constitué les

24 autres corps d'armée, c'était les besoins opérationnels de l'armée de la

25 Republika Srpska qui étaient centrés plutôt sur d'autres régions.

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1 C'est-à-dire que les priorités stratégiques se trouvaient dans d'autres

2 directions, déployées dans d'autres directions; j'entends par là la

3 Krajina occidentale de Bosnie, le 2e Corps de la Krajina, j'entends aussi

4 la Posavina et la Bosnie centrale qui avaient constitué une priorité

5 stratégique de premier ordre. J'entends là aussi la partie centrale du

6 front, à savoir le territoire occupé par le Corps de Sarajevo Romanija et

7 l'Herzégovine qui avait été un territoire un peu déplacé, pour la défense

8 duquel il s'agissait de créer et de mettre en place un Corps d'armée

9 particulier.

10 Cela fait que la zone de responsabilité du Corps d'armée de la Drina s'est

11 trouvée divisée entre les zones de responsabilité de trois corps d'armée

12 déjà constitués au niveau de la Republika Srpska. Donc j'entends le Corps

13 d'Herzégovine, qui s'étirait vers le la zone la plus au sud de la zone de

14 responsabilité du Corps de la Drina ultérieur; et sa zone de

15 responsabilité englobait aussi Visegrad qui a ensuite passé dans la zone

16 de responsabilité du Corps d'armée de la Drina. Ensuite, le Corps d'armée

17 de Sarajevo Romanija dont la zone de responsabilité englobait en partie

18 les territoires qui allaient ensuite être attribués au Corps de la Drina.

19 Et le Corps d'armée de la Bosnie de l'Est, qui englobait la zone de

20 Zvornik où il y avait la grande Brigade de Zvornik qui était l'une des

21 plus fortes et des plus nombreuses pour ce qui est de ce Corps d'armée de

22 la Bosnie de l'Est.

23 Je n'irai pas davantage dans le détail, mais il y avait des priorités. Le

24 Podrinje central, quoique stratégiquement très important pour la destinée

25 de la Republika Srpska et pour la stratégie militaire de la Republika

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1 Srpska, d'un point de vue militaire, était resté désert. Et les

2 conséquences se sont très vite manifestées: la population serbe a très

3 vite fui le Podrinje. L'armée musulmane avait conquis toute cette zone-là

4 et la situation devait être assainie.

5 C'est la raison pour laquelle une décision a été prise en date du 1er

6 novembre 1992 pour ce qui était de créer le Corps d'armée de la Drina pour

7 intervenir notamment dans le Podrinje central et, bien entendu, sa zone de

8 responsabilité s'est étirée vers le Podrinje supérieur et le Podrinje

9 inférieur, mais le centre d'attention portait sur le Podrinje central avec

10 la ligne Bratunac, Vlasenica, Han Pijesak, Visegrad. C'est là que se

11 trouvaient donc les principaux centres.

12 Il s'agit là d'un Corps d'armée qui s'était vu confier la tâche de

13 réassurer la présence de l'armée de la Republika Srpska dans ce Podrinje

14 central en sa qualité de territoire stratégiquement fort important pour

15 l'ensemble de la doctrine et de la stratégie militaire de la Republika

16 Srpska de l'époque.

17 Question: Général Radinovic, en juin 1995: la zone de responsabilité du

18 Corps de la Drina.

19 Vous en avez déjà parlé lorsque vous avez parlé des zones de

20 responsabilité des autres Corps de l'armée de la Republika Srpska, mais ma

21 question va porter sur autre chose: par rapport aux autres zones et à

22 l'importance de ces autres zones, est-ce que cette zone, ce territoire

23 était une grande zone de responsabilité ou une petite zone de

24 responsabilité? Est-ce que vous pouvez nous faire un comparatif?

25 Réponse: Il ne faut pas perdre de vue le fait que les Corps d'armée de la

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1 VRS étaient des zones de responsabilité assez petites. Et je crois que M.

2 Dannat a raison en disant qu'il s'agirait d'une division dans les forces

3 armées de l'occident. Mais pour ce qui est des ingérences de commandement

4 et pour ce qui est des structures, c'étaient des Corps d'armée. Mais les

5 compositions, les effectifs étaient relativement petits et les

6 possibilités, les puissances de combat étaient relativement limitées.

7 C'est la raison pour laquelle il avait été mis en place de telles zones de

8 responsabilité. Si l'on prenait en considération les normes des armées des

9 pays occidentaux développés et si l'on se référait à la JNA et à ses

10 normes, ces zones de responsabilités seraient plutôt petites mais, si l'on

11 considère les gabarits des zones des responsabilité de la Republika

12 Srpska, les zones étaient considérables.

13 Je pourrais dire qu'il s'agirait d'une zone de responsabilité qui serait

14 rangée par exemple dans le cadre des zones de responsabilité moyenne. Il

15 s'agirait de quelque 5000 mètres carrés et le point le plus large est de

16 100 kilomètres de l'est à l'ouest, plutôt 200, 210 kilomètres de l'est à

17 l'ouest; dans la partie la plus restreinte, les dimensions vont de 15 à 20

18 kilomètres donc. Et ceux de Sarajevo à Visegrad, en tout et pour tout,

19 cela reviendrait à quelque 5000 kilomètres carrés.

20 Il était très difficile de couvrir une telle zone de responsabilité avec

21 les effectifs disponibles et, comme je l'ai dit dans mon témoignage,

22 auparavant, la doctrine de l'armée de la Republika Srpska avait consisté

23 en un engagement territorial des unités dans des espaces déterminés, qui

24 sont surtout des espaces dont sont originaires les hommes, les membres de

25 ces effectifs. Et donc il y avait beaucoup de difficultés à couvrir un tel

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1 espace avec des effectifs relativement faibles.

2 Question: Pour le compte rendu d'audience, il s'agissait donc de la ligne

3 nord/sud, qui faisait combien?

4 Réponse: 100 kilomètres plus ou moins.

5 Question: Alors je pense qu'on dit, dans le compte rendu d'audience, qu'il

6 y avait 200 à 210 kilomètres. Je crois que c'est une erreur de

7 transcription. Je vous prie donc de faire en sorte que cela soit rectifié.

8 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de présenter au témoin la pièce à

9 conviction D149.

10 (L'huissier s'exécute.)

11 Général Radinovic, vous allez voir tout à l'heure la structure

12 organisationnelle du Corps d'armée de la Drina, en juin 1995. La Chambre a

13 déjà pris connaissance de la composition des unités à plusieurs reprises

14 et nous allons résumer l'ensemble des questions à trois questions qui

15 portent sur la composition organisationnelle du Corps d'armée de la Drina,

16 les zones de responsabilité de ce Corps d'armée, et ce, en guise de brève

17 introduction à la question principale qui consiste à nous parler de la

18 situation avant l'action même de Krivaja 1995.

19 Réponse: Le Corps d'armée de la Drina est une composition de brigades,

20 comme cela a d'ailleurs été le cas pour toute la VRS. Ces formations de

21 brigades avaient suivi un modèle qui avait été institué suite au projet

22 d'unification dont j'ai parlé au début de mon témoignage. Les brigades qui

23 avaient constitué la composante organique de ce Corps d'armée de la Drina

24 avait été la Brigade de Zvornik, la Brigade de Bratunac, la Brigade de

25 Vlasenica, la 2e Brigade de Romanija, la 1e Brigade de Bihac, la Brigade

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1 de Milici, la 1e Brigade de Podrinje et 5e Brigade de Podrinje. Il

2 s'agissait de compositions associées de nature tactique, qui constituaient

3 des unités de combats. Il y avait en sus le Bataillon autonome de Skelani.

4 Par surcroît, ce bataillon avait disposé d'unités indépendantes: il y

5 avait le 5e Régiment d'artillerie mixte, le 5e Bataillon des

6 transmissions, le 5e Bataillon du génie et le 5e Bataillon de la police

7 militaire également.

8 Alors à en entendre parler, cela peut donner l'impression qu'il s'agissait

9 d'une grande puissance. Mais, selon les normes européennes et mondiales en

10 fonction des types de brigade, les brigades comptent entre 2500 et 5000

11 hommes sous armes, avec une centaine des moyens blindés chacune et une

12 centaine de pièces d'artillerie pour le soutien des troupes, et les moyens

13 antiaériens. Mais toutes ces brigades, y compris les brigades de soutien,

14 étaient des brigades légères. Il va sans dire que la VRS se différenciait

15 de la JNA à l'époque.

16 Il y avait quatre types de brigades légères, certaines brigades étaient

17 composées de bataillons, évidemment les brigades sont toujours composées

18 de bataillons, mais les brigades du Corps d'armée de la Drina n'avaient

19 pas été toutes composées de bataillons: il y en avait qui étaient

20 composées uniquement de compagnies.

21 Donc ces brigades comptaient entre 1200 et 2500 personnes lorsque les

22 effectifs avaient été au complet. Je crois que seule une brigade avait

23 cette importance-là. Si vous prenez, par exemple, le 5e Bataillon de la

24 police militaire et le 5e Bataillon du génie -étant donné que j'ai

25 travaillé dans le génie, je le sais-, il ne s'agissait pas du tout d'un

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1 bataillon; on appelait cela un bataillon mais ce n'était même pas une

2 compagnie de par ses effectifs. Il en va de même pour ce qui est de ce

3 régiment de soutien. Cela se traduit sur la structure des brigades dans

4 ses composantes de combat.

5 On avait donc des appellations de brigade et de régiments, mais c'était

6 bien plus modeste que cela. Bien entendu, lorsque vous constituez une

7 armée, lorsque vous mettez en place des modèles d'organisation, vous

8 ménagez des possibilités pour recevoir de nouveaux effectifs, de nouveaux

9 systèmes de combat, de nouvelles unités adjointes à chacune de ces

10 formations. Mais lorsque cette possibilité n'apparaît pas, alors on

11 procède à une réorganisation fondamentale.

12 Le Corps d'armée de la Drina n'a jamais atteint ce niveau d'organisation,

13 comme cela a pu être compris si l'on se réfère à ce schéma, mais il

14 comportait tous les éléments nécessaires pour le devenir. Donc, par

15 rapport aux proportions des armées européennes, cela n'avait pas été le

16 cas.

17 Maintenant, pour ce qui est de la zone de responsabilité du Corps d'armée

18 de la Drina, je crois que les choses vous sont connues. Son centre s'était

19 trouvé à Zvornik; la Brigade de Zvornik ou plutôt c'était une localité à

20 côté de Zvornik, la Brigade de Bratunac avait une zone de responsabilité

21 autour Bratunac et avait pour siège Bratunac même. La Brigade de Milici se

22 trouvait avec son siège à Milici, la Brigade de Bihac avait pour siège

23 Cerovici, la brigade de Vlasenica avait pour siège Vlasenica, la 1e

24 Brigade de Podrinje avait son siège à Visegrad, la 5e Brigade avait son

25 siège à Visegrad et le Bataillon autonome de Skelani à Skelani, le 2e

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1 Bataillon motorisé se trouvait à Sokolac.

2 Je crois que j'ai tout énuméré et, si je ne l'ai pas fait, de toute façon,

3 cela n'a pas un très grand poids spécifique. Je crois avoir tout englobé

4 quand même.

5 Question: Quelles sont les brigades…? Vous venez de nous mentionner les

6 grands centres ou les sièges des commandements de ces brigades, mais

7 quelles sont les brigades qui se trouvaient à proximité immédiate de la

8 zone protégée?

9 Réponse: Eh bien, à proximité immédiate de la zone protégée, il y avait la

10 Brigade de Milici, le Brigade de Bratunac et le Bataillon autonome de

11 Skelani. Par conséquent, c'étaient les effectifs… Si je puis avoir la

12 liberté de faire un commentaire, je peux vous dire pourquoi cela s'était

13 fait ainsi: il s'agissait d'effectifs qui étaient supposés contrôler les

14 mouvements, les déplacements militaires dans toute la zone, à condition

15 que tout le mécanisme assurant le régime de la zone protégée fonctionne

16 comme il se devait. Malheureusement, comme on a pu l'entendre et

17 l'apprendre tout à l'heure, ni les forces musulmanes ni la Forpronu n'ont

18 réussi à assurer un tel comportement. Il s'est vite avéré que ces

19 effectifs avaient fini par être insuffisants.

20 Question: Quels sont les forces et les effectifs musulmans qui se

21 trouvaient de l'autre côté, dans la zone protégée de Srebrenica? Que vous

22 ont montré vos analyses?

23 Réponse: Les effectifs musulmans comptaient cinq brigades. Quand nous

24 disons brigades, une fois de plus, dites-vous bien qu'il s'agissait de

25 brigades de l'importance des nôtres, des brigades serbes, donc avec toutes

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1 les limitations dont je viens de parler tout à l'heure. Ces brigades se

2 trouvaient être réparties dans cette zone, telle que vous la voyez, cette

3 zone protégée, là où vous avez des couleurs bleues.

4 Sur les axes Potocari, Skelani et Srebrenica, il y avait une brigade. Sur

5 l'axe où il y a les flèches au nord-ouest de Ravni Vujen, à Potocari, il

6 y avait une brigade, vers Sutjeska, de l'ouest donc vers l'est, il y avait

7 une brigade; et une autre brigade se trouvait sur l'axe Zeleni Jadar vers

8 Srebrenica, et une brigade se trouvait à Srebrenica; c'était cette brigade

9 de manœuvre chargée des interventions. Ils avaient des effectifs policiers

10 en guise de réserve pour les commandants situés à Potocari et Srebrenica.

11 Ses effectifs appartenaient à la 28e Division d'infanterie, à la tête de

12 laquelle se trouvait Naser Oric, ex-policier de la police spéciale de

13 Serbie, sans éducation militaire suffisante. Je pourrais même dire sans

14 l'éthique qui accompagne tout officier instruit. Il s'est avéré par la

15 suite qu'il manquait de pas mal de connaissances dans la conduite de sa

16 division. Cette 28e Division d'infanterie faisait partie du 2e Corps

17 d'armée dont le siège se trouvait à Tuzla.

18 Question: La 28e Division d'infanterie avait été constituée après la

19 proclamation de la zone protégée de Srebrenica?

20 R: Oui, en effet, cette 28e Division a été constituée après la

21 proclamation de Srebrenica en zone protégée. C'est une des données qui

22 nous parle des activités à l'intérieur, au sein de cette zone protégée,

23 qui avait été faite en violation des conventions qui réglemente cette

24 matière parce qu'il n'était pas question de réorganiser des forces ou de

25 regrouper ces forces, une fois la zone mise en place. Auparavant, cette

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1 zone avait appartenu au secteur de la région de Tuzla, de la ligue

2 patriotique de 1991, parce que c'est en 1991 que ces unités paramilitaires

3 du parti avaient été formées. Par la suite, vers le milieu de l'année

4 1992, cela a été transféré vers le quartier général des forces

5 opérationnelles musulmanes à Srebrenica. Et depuis lors jusqu'à la fin,

6 ces forces ont été commandées par Naser Oric.

7 Puis, au niveau des types d'organisation, il y a eu plusieurs

8 réorganisations de 1992 à 1994, mais toutes ces unités ont été constituées

9 et regroupées au niveau du 8e Groupe opérationnel, dont le siège se

10 trouvait à Srebrenica et qui était commandé également par Naser Oric.

11 Maintenant ces groupes opérationnels, juste avant les événements qui ont

12 marqué Srebrenica, s'étaient regroupés au niveau de cette 28e Division

13 d'infanterie, et partant de cette appellation formelle des effectifs en

14 place, il s'avère que l'armée musulmane disposait ou avait plutôt des

15 aspirations opérationnelles très importantes au niveau de Podrinje

16 central. Il ne s'agissait pas d'une division parce qu'une division est de

17 nature à donner confiance à ceux qui font partie des zones protégées par

18 cette division et est appelé à faire peur ou à imposer le respect à ceux

19 qui se trouvaient en face. Donc cela voulait symboliser d'une certaine

20 façon cette offensive annoncée des Musulmans vers le Podrinje central.

21 Question: Du point de vue stratégique militaire, est-ce que nous pouvons

22 justifier l'opération Krivaja, ayant en considération votre réponse

23 précédente?

24 Réponse: Je crois que oui. Il est possible de justifier cette opération;

25 mon expertise et mon analyse tendent dans ce sens. Je crois que j'ai

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1 mentionné le tout d'une façon très claire, mais même si je ne l'avais pas

2 mentionné, ce serait quand même assez clair. Il serait possible de déduire

3 le tout: la situation dans laquelle l'offensive musulmane du printemps se

4 trouvait dans le cadre de cette opération, c'est-à-dire de cette offensive

5 stratégique. On a fait l'opération Sauterelle ou opération Skakavac, sous

6 le commandement du grand quartier général de BiH. Si je comprends bien,

7 cette opération était assez ambitieuse avec des objectifs stratégiques

8 très ambitieux. Dans le cadre de cette opération de sabotage qui avait

9 pour nom Skakavac ou Sauterelle, c'était une opération de sabotage. Et

10 bien sûr, c'est la raison pour laquelle on lui a attribué ce nom

11 symbolique "Sauterelle". Donc cette opération était une opération

12 d'infiltration aux arrières des forces ennemies et les forces ennemies

13 étaient les forces serbes.

14 Donc les activités qui découlaient de l'opération Sauterelle nous ont

15 menés -ce dont j'ai parlé plus tard- nous ont menés à une grande perte

16 faite de la part de l'armée de la VRS; cette action n'a duré qu'un mois.

17 Si l'on tient compte du fait que l'un des objectifs opérationnels de

18 l'offensive musulmane et de la stratégie musulmane était le ralliement des

19 forces à l'intérieur de l'enclave, pour arriver sur la zone de

20 responsabilité du Corps de la Drina et de lier les forces en direction de

21 Tuzla, c'est-à-dire un 2e Corps, un autre Corps, il serait assez clair que

22 le Corps de la Drina, le Corps de la Drina pouvait souffrir de la coupure

23 de la zone de responsabilité; donc de cette façon-là, la guerre serait

24 presque terminée; de cette façon-là, l'Herzégovine aurait été coupée de

25 l'autre partie de la République de Serbie et je crois que c'est de cette

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1 façon-là que la guerre en Bosnie serait terminée, c'est-à-dire avec la

2 défaite stratégique de l'armée de la VRS.

3 En ce qui me concerne, je crois, en tant qu'homme qui est professionnel,

4 je crois qu'on ne peut même pas poser la question sur la légitimité de

5 l'opération lorsqu'on parle de la légitimité de l'opération, du point de

6 vue des objectifs ou du point de vue des actions qu'il aurait fallu

7 déployer, car l'armée de la Republika Srpska se trouvait dans une telle

8 position. Donc, du point de vue de ces objectifs-là, je crois qu'il

9 s'agissait d'une opération légitime et il faut penser aux méthodes, il

10 faut penser aux idées du point de vue, bien sûr, de sa mise en place. Mais

11 l'opération en tant que telle était tout à fait légitime.

12 M. le Président: Maître Visnjic, peut-être c'est un bon moment ici pour

13 faire une petite pause. Voilà, nous allons faire une pause de vingt

14 minutes. Nous allons revenir à 14 heures 10.

15 (L'audience, suspendue à 13 heures 50, est reprise à 14 heures 10.)

16 M. le Président: Oui, Maître Visnjic jusqu'à 15 heures, s'il vous plaît.

17 Vous pouvez continuer.

18 M. Visnjic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

19 Général Radinovic, on parle souvent de l'opération "Krivaja 95" en la

20 qualifiant précisément d'opération. Alors, à votre avis, quelle est la

21 nature exacte de cette doctrine militaire qui a été à l'origine de cette

22 opération?

23 Réponse: Eh bien, apparemment, je suis le seul dans ce prétoire qui

24 défende ce genre de théorie. Donc je vous prie de m'excuser d'avance si je

25 prends quelque temps pour vous informer de la teneur et de la pertinence

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1 de ma théorie. Une opération, à mon avis, c'est une partie d'une guerre,

2 c'est-à-dire l'élément armé de la guerre. En effet, il y a dans une guerre

3 des éléments financiers, logistiques, psychologiques, de propagande et

4 autres; il y a également cet élément armé que j'appelle l'opération.

5 Il y a une certaine époque, dans le passé, où la guerre était simplement

6 composée de combats; aujourd'hui, les choses ont grandement changé de ce

7 point de vue: il y a l'élément armé de la guerre et bien d'autres facteurs

8 qui interviennent également. Alors cet élément armé se divise lui aussi en

9 plusieurs composantes.

10 J'aimerais à cet égard mettre l'accent sur les différences qui existent

11 entre la doctrine occidentale, c'est-à-dire celle de l'OTAN, en

12 particulier, et celle qui est appliquée en Europe occidentale, et puis la

13 doctrine militaire de mon pays.

14 L'armée yougoslave, la JNA, a légué cette doctrine à l'armée de la

15 Republika Srpska. Selon cette doctrine, l'élément armé de la guerre se

16 compose de trois parties, de trois composantes. L'élément inférieur, situé

17 au niveau le plus bas, c'est le combat lui-même, la bataille qui est menée

18 par des unités tactiques qui s'appellent bataillons, régiments, brigades.

19 Et puis l'on a, au niveau un peu plus haut, la division qui se compose de

20 l'ensemble de plusieurs des éléments et des forces que je viens d'évoquer.

21 Enfin le Corps d'armée, les groupes opérationnels qui sont des formations

22 créées temporairement pour mener à bien telle ou telle opération. Et au

23 niveau suprême, au niveau le plus élevé, on trouve les armées, comme on

24 les appelle, c'est-à-dire le regroupement de toutes les armées qui mènent

25 ce qu'on appellera des opérations stratégiques.

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1 Alors, la doctrine militaire et la science militaire se divisent, elles

2 aussi, en trois éléments. Il y a la stratégie, qui consiste à étudier les

3 effets, les conséquences d'une opération, d'une action armée; il y a les

4 opérations qui s'appuient sur la discipline des sciences militaires qui

5 sont mises en œuvre ou menées à bien par l'école d'armée ou les groupes

6 opérationnels; et il y a les études tactiques qui étudient les combats,

7 les batailles et les différentes formations qui les mènent, c'est-à-dire

8 compagnies, brigades, divisions, pelotons et autres.

9 Selon la doctrine occidentale, les choses sont un peu différentes. La

10 science militaire occidentale se divise en deux disciplines et deux

11 domaines: la stratégie et la tactique. Cette subdivision en deux parties

12 se maintient en permanence. La tactique, c'est l'étude des combats réels

13 qui sont menés, dans le cadre de la théorie occidentale, sous la forme de

14 combats. De combats, pas de batailles: il y a une petite différence entre

15 les deux termes. Je vous prierai de m'excuser d'insister sur cette

16 différence dans la nature des opérations menées dans le cadre de la

17 doctrine occidentale, d'une part, et la doctrine de la JNA, d'autre part.

18 Je n'entends pas utiliser des termes péjoratifs en créant cette division

19 en deux régions géographiques, mais la science militaire intervient et se

20 subdivise donc en stratégies et tactiques selon les écrits, une

21 littérature qui date de 1830 déjà. Donc, dans la terminologie occidentale,

22 une opération n'est pas une bataille en tant que telle mais implique tout

23 ce qu'il faut mener à bien pour aboutir à ce combat, c'est-à-dire les

24 préparatifs, le regroupement des forces et tous les autres éléments

25 préliminaires à la confrontation, qui s'appelle combat en tant que tel.

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1 Donc, selon la science militaire, dans la terminologie occidentale, on ne

2 parle pas d'opération, on parle de tactique supérieure, de tactique à un

3 niveau supérieur. Les choses sont divisées en deux, alors que chez nous,

4 les choses sont divisées en trois parties. C'est notre héritage de la

5 théorie militaire soviétique. Est-ce que c'est une bonne chose ou une

6 mauvaise? La question peut se discuter, mais en tout cas, c'est comme

7 cela.

8 J'ai remarqué dans les témoignages de MM. Dannat et de Butler, et c'est

9 tout à fait normal, que le contexte stratégique et opérationnel qu'ils

10 mettent en avant relève de leurs connaissances, relève de leur expérience,

11 relève donc de ce qu'eux ont fait dans la pratique, au cours de leur

12 carrière militaire. Moi, j'agis exactement de même en attirant l'attention

13 de chacun ici sur ces légères différences, ces légères nuances qui

14 existent entre la théorie militaire et la doctrine militaire de mon pays

15 et la doctrine militaire occidentale.

16 Alors voilà. J'en ai terminé avec les concepts théorique, mais si nous

17 parlons maintenant de la signification que l'on peut accorder à

18 l'opération "Krivaja 95", je dirais que, dans notre terminologie à nous,

19 le terme opération implique un affrontement, une confrontation, une action

20 offensive de combat à laquelle participent des hommes qui se situent dans

21 des unités opérationnelles, à savoir les corps d'armée et les groupes

22 opérationnels.

23 L'opération se mène sur un territoire, dans un espace qui est considéré

24 comme un tout sur le plan géographique, c'est-à-dire qu'il a une certaine

25 largeur, une certaine profondeur et, dans cet espace, il y a des axes

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1 tactiques opérationnels, autrement dit des axes qui permettent

2 d'accueillir certains effectifs militaires d'une certaine qualité ainsi

3 que d'autres éléments. Parce que, lorsqu'on parle d'opération, on sous-

4 entend l'utilisation d'un certain nombre de dispositifs mécaniques; et

5 pour cela, il faut donc qu'il y ait un axe, il faut donc qu'il y ait aussi

6 une profondeur suffisante pour permettre le logement physique ainsi que le

7 déplacement et l'action de ces forces et de ces équipements.

8 Par exemple, l'axe Tuzla/Zvornik, dans la zone de responsabilité du corps

9 de la Drina: il n'y avait aucun autre axe qui aurait pu permettre

10 d'utiliser à ce niveau de qualité les équipements et les forces militaires

11 que je qualifierais de forces armées d'élite.

12 Et puis ensuite, pour mener à bien une opération, il y a toute sorte

13 d'axes tactiques, de secteurs, de positions qui sont donc proposés aux

14 unités. Vous vérifierez vous-mêmes que, dans la zone de responsabilité du

15 Corps de la Drina, il y avait plusieurs axes tactiques utilisables.

16 Voilà donc quel est le schéma qui s'applique à une opération sur le plan

17 de l'espace utilisé.

18 A présent, du point de vue de la réalisation d'une opération, on parle

19 d'un certain nombre d'étapes qui se situent dans le temps, ainsi que selon

20 leurs objectifs. Une étape dure entre trois et cinq jours. A chaque étape

21 est associé un objectif précis. Donc un objectif est assigné à la première

22 étape, et un autre objectif à la deuxième étape, dans tous les cas. Le

23 commandement se situe au niveau opérationnel; c'est le commandement du

24 corps d'armée, mais les opérations peuvent être réalisées dans le cadre

25 d'une opération de grande envergure mais également dans le cadre d'une

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1 opération de moins grande envergure, au niveau même du champ de bataille.

2 Maintenant vous me permettrez d'établir un parallèle entre l'opération

3 "Krivaja 95", qui était son nom de code donc et puis une opération telle

4 qu'elle est définie dans la théorie militaire. Ici, dans l'opération dont

5 nous parlons, il n'y a pas eu d'étapes, il n'y a eu qu'une seule étape en

6 fait. Or, selon la doctrine militaire, donc la théorie militaire, une

7 opération est un acte de combat qui implique de se mener sur une certaine

8 profondeur pour atteindre l'objectif; cette profondeur doit être

9 normalement de 50 à 100 kilomètres. Donc si l'on parle d'une opération

10 offensive, il faut qu'on ait un certain espace pour lancer les troupes

11 jusqu'à une profondeur de 100 kilomètres, par exemple. Or l'opération dont

12 nous parlons, bien entendu, n'a pas ce terrain permettant un élan des

13 forces; il n'y a même pas 10 kilomètres disponibles en profondeur.

14 Autre élément intéressant: une opération implique la participation de

15 forces opérationnelles, c'est-à-dire se situant au niveau du corps

16 d'armée. Or, dans l'opération dont nous parlons, pour autant que j'ai pu

17 m'en rendre compte d'après les études que j'ai examinées, il n'était pas

18 question d'un nombre d'hommes aussi important que celui qui correspond à

19 un corps d'armée. Ce dont il était question, c'était l'emploi d'effectifs

20 se situant en tout cas à un niveau inférieur à celui d'une brigade.

21 Ayant dit cela, j'aimerais appeler l'attention de chacun ici sur le

22 témoignage de M. Butler qui, au début de son intervention, a dit que

23 "l'opération Krivaja 1995 est une opération à grande échelle". Or Krivaja

24 1995, à mon avis, n'est pas une opération à grande échelle. D'ailleurs, je

25 dirais même qu'à mon avis, il ne s'agit même pas d'une opération. Il ne

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1 s'agit pas d'une opération militaire, mais simplement d'un combat qui

2 avait une portée géographique très limitée et des objectifs très

3 restreints également.

4 Pour identifier, pour définir ce type d'action de combat, il peut être

5 important pour moi de vous dire quel était le terme associé à ce genre

6 d'action par le commandement du Corps de la Drina dans un document tout à

7 fait important. Nous le verrons peut-être ce document; en tout cas, il

8 s'intitule "Ordre du commandant du Corps d'armée"; c'était donc l'intitulé

9 de ce document. S'il s'agissait d'une opération, le commandant du Corps

10 d'armée aurait donc considéré l'action comme une opération et aurait donné

11 pour titre à ce document: "Ordre destiné à telle et telle opération". Or

12 le commandant du Corps de la Drina, dans le cas qui nous intéresse, a

13 appelé ce qui était entrepris un acte effectif, une action effective mais

14 pas une opération. Et il s'agissait donc d'un ordre qui, dans son

15 intitulé, était destiné à un engagement actif. Je considère que le

16 commandant a eu raison d'utiliser ce terme plutôt que le terme opération.

17 Maintenant, après, pourquoi est-ce qu'on a appelé cela "opération"? Je ne

18 sais pas, croyez-moi. Très franchement, je ne sais pas pourquoi le terme

19 opération a été utilisé par la suite. Peut-être est-ce dû à une volonté de

20 donner plus d'importance à cette action qu'elle n'en a eu réellement,

21 peut-être que ceci est dû aux responsables de cette action qui ont voulu

22 la faire apparaître plus importante qu'elle n'était, mais croyez-moi, il

23 ne s'agissait pas d'une action qui méritait -du point de vue de sa portée,

24 de son importance et des effectifs engagés- la dénomination d'opération.

25 Question: Krivaja 1995 a été planifiée en fonction de quoi? Ou plutôt,

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1 non: je reformule ma question. Dites-moi, je vous prie, quelle est la

2 teneur exacte d'un plan destiné à être appliqué, par exemple, dans le

3 cadre de Krivaja 1995, que l'on parle de combat actif ou d'opération?

4 Quels éléments doivent se retrouver dans un plan destiné à une action de

5 ce genre?

6 Réponse: Eh bien, vous pensez sans doute à une opération plus importante

7 que ce dont je parlais il y a quelques instants. Mais, en tout cas, si

8 l'on établit un plan pour une opération, il faut tout d'abord disposer

9 d'une directive du commandement suprême, donc d'un document que l'on

10 appelle directive ou consigne de combat qui mandate le commandant du corps

11 d'armée pour mener à bien l'action en question. Donc un papier est

12 nécessaire.

13 Et puis, deuxième élément du plan, c'est un ordre émanant du commandant du

14 corps d'armée. Il ne s'agit donc plus de directive à ce niveau-là et je

15 l'ai expliqué; enfin, j'ai retrouvé un terme utilisé par les experts du

16 Procureur dans leur témoignage. C'est le terme "directive" utilisé pour

17 désigner ce qui était envoyé au Corps d'armée; or, le terme n'est pas

18 utilisé de façon opportune dans ce cas-là. Parce que la directive se situe

19 au niveau inférieur: c'est un ordre que l'on trouve au niveau du corps

20 d'armée. Sur la base de cet ordre, une série d'autres documents sont

21 rédigés, qui complètent le jeu de documents nécessaires pour la

22 réalisation d'une opération.

23 Nous avons dit que les unités menant une opération étaient multiples.

24 Donc, si c'est un corps d'armée qui établit le plan, une carte

25 géographique va être établie où l'on va trouver deux niveaux hiérarchiques

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1 inférieurs. Au niveau d'où émane l'ordre, donc dans le cas d'un ordre

2 émanant du Corps d'armée, on va trouver indiquées sur la carte

3 géographique les positions, y compris des bataillons, deux niveaux

4 hiérarchiques inférieurs. Par ailleurs, nous avons un plan qui décrit la

5 façon dont seront engagés l'artillerie, la défense antiaérienne, la

6 défense antichar, le génie, la logistique, les transmissions, le

7 renseignement, la sécurité, un plan pour chacune de ces composantes. Des

8 ordres seront émis qui s'appuieront sur ces documents de base et,

9 finalement, si vous examinez l'ensemble des documents nécessaires pour

10 planifier une opération, eh bien, leur quantité serait si grande que

11 j'aurais du mal à les faire entrer tous dans un des classeurs que je vois

12 là devant moi. Voilà donc ce qui est nécessaire pour qu'existe un plan

13 destiné à une opération.

14 Question: Et sur quoi s'appuyait le plan de Krivaja 1995?

15 Réponse: J'aurais le plus grand mal à vous donner une réponse définitive.

16 Voyez-vous, le plus grand mal. Dans le préambule des documents destinés à

17 des actions de combats actifs, le commandant du corps d'armée fait

18 référence à la directive 7.1 et 7.3. La première émane du commandant

19 suprême de l'armée de la Republika Srpska, donc le Président de la

20 Republika Srpska à l'époque; il s'agit de la directive n°7. Quant à la

21 directive 7.1 c'est la directive émanant du grand quartier général de

22 l'armée de la Republika Srpska. Moi, j'ai étudié ces deux documents; ayant

23 fait cela, je ne suis pas parvenu à établir un lien clair, manifeste,

24 évident entre la teneur de ces directives, donc ce qui est écrit dans ces

25 directives et ce qui a été mené à bien sous la dénomination d'opération

Page 7874

1 Krivaja 95. De sorte que je dirais tout simplement que je ne suis sûr de

2 rien à cet égard.

3 J'ajouterais d'ailleurs que je n'ai trouvé aucun autre document qui aurait

4 pu autoriser le commandant du corps d'armée à démarrer la planification

5 d'une telle opération. Je ne sais pas si des documents de ce genre

6 existent, en tout cas des opérations de ce genre ne sont jamais menées à

7 bien sur la base d'ordres verbaux uniquement, bien sûr. Le commandant d'un

8 corps d'armée a le droit bien sûr d'émettre des ordres verbaux, mais une

9 fois ces ordres émis, il faut qu'un document noir sur blanc soit écrit,

10 qui autorise le commandant du corps d'armée à agir comme il le fait. Eh

11 bien, des documents de ce genre, je n'en ai pas vu. Dans le préambule de

12 l'ordre relatif aux actions effectives, je n'ai rien vu qui puisse

13 s'assimiler à un document permettant de lancer une opération de ce genre.

14 Question: Général Radinovic, nous analyserons un peu plus tard de façon

15 plus approfondie les deux directives que vous avez évoquées, la 6 et la

16 7.1, mais sachez que devant cette Chambre l'existence de ces deux

17 directives a été évoquée à de multiples reprises, et l'importance de ces

18 directives en tant que document de commandement a été analysée.

19 Donc aujourd'hui, je vous demande de nous dire ce que représente une

20 directive en tant que document de commandement, et puis je demanderai à M.

21 l'huissier de remettre au témoin la pièce à conviction de la défense D150.

22 (L'huissier s'exécute.)

23 Je crois que mes collègues du Bureau du Procureur n'ont pas cette pièce à

24 conviction. Si oui.

25 Réponse: Vous pouvez y aller.

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1 Question: Oui, ma question avait été de savoir ce que l'on sous-entendait

2 par notion de directive en sa qualité de document portant ordre.

3 Réponse: Eh bien sur le rétroprojecteur ce que je vois ici, ce sont des

4 documents militaires, à savoir les types de documents militaires. Et cela

5 a été pris dans un manuel pour l'académie militaire, c'est donc partant de

6 ce manuel que nous formons nos officiers. Les documents militaires sont

7 répartis en documents de combat et ce que nous appelons la correspondance

8 officielle. La directive, la voici ici, elle appartient aux documents que

9 l'on appelle "document de combat".

10 Toutefois, dans la hiérarchie des documents de combat, elle occupe une

11 troisième position non pas par son caractère général -et nous allons voir

12 qui émet des directives-, mais nous parlons ici de la force d'obligation

13 des instructions ou positions qui sont destinées au commandement

14 subordonné, et compte tenu des rapports des subordonnés auxquels on

15 s'adresse et rapports à ce qui est demandé par la directive en question.

16 Maintenant, il convient de dire que la directive en tant que telle est en

17 effet un acte de commandement. C'est un document de combat. Elle est

18 adoptée par le commandement suprême.

19 Et maintenant, nous voyons intervenir un facteur perturbateur dont j'ai

20 parlé dans la première heure de mon intervention quand j'ai parlé de la

21 structure de l'armée de la Republika Srpska, j'ai mentionné, vous vous en

22 souviendrez, que l'état-major était une sorte de commandement suprême

23 parallèle, le grand état-major de la VRS émet des directives et le

24 commandement suprême et le commandant suprême, à savoir les autorités

25 civiles, le Président de la République émettent également des directives.

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1 Il n'est point habituel dans les armées d'une manière générale, et dans la

2 JNA la chose est tout aussi valable, de voir l'état-major donner des

3 directives. C'est le commandement suprême qui donne des directives et

4 l'état-major est là pour les élaborer et les transmettre aux unités qui

5 sont censées les réaliser, donc l'état-major n'est pas censé émettre des

6 directives dans ce cas-ci.

7 Par conséquent, dans le cas de l'armée de la Republika Srpska, les

8 directives sont à donner, à être données par le commandant suprême des

9 autorités civiles et le grand état-major de l'armée de la Republika

10 Srpska.

11 Maintenant, il convient de voir ce qu'elles comportent. Les directives

12 sont des actes de commandement qui établissent une perspective, des

13 objectifs et des tâches qui, dans cette même perspective, se doivent

14 d'être accomplies, mais il s'agit davantage d'une liste, d'un index

15 d'objectifs souhaités plutôt que d'un document ayant force obligataire

16 pour les commandements subordonnés et les unités subordonnées.

17 Pourquoi? Parce que les directives sont émises sur des périodes de temps

18 plus longues, et les directives dont il est question ici ont été émises

19 vers le mois de mars, donc bien avant le début des opérations. Ces

20 directives sont généralement données pour des périodes de temps plus

21 longues et ce de façon assez générale, et ce qui pourrait en découler

22 compte tenu de l'évolution de la situation, mais cela n'a pas une force

23 d'obligation aussi ferme qu'un ordre, donc dans le contexte ainsi

24 expliqué, suite à chaque directive de ce type, il doit s'en suivre des

25 ordres qui autorisent tel commandant à réaliser telle opération.

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1 Question: Dans ce contexte, quelles sont les obligations du commandement

2 vis-à-vis de ce qui figure dans les directives?

3 Réponse: Les commandements pour ce qui est d'une signification

4 obligataire, eh bien ces commandements ne sont pas tenus de soumettre des

5 rapports relatifs à la réalisation des tâches figurant dans une directive.

6 Indépendamment du fait que ces directives aient effectivement trait à une

7 projection de tâche, vis-à-vis d'un commandement subordonné, ces

8 commandements n'ont pas à soumettre des rapports pour ce qui est de la

9 présentation de la réalisation au commandement supérieur. Et ce parce

10 qu'avant chaque opération, il s'ensuit un document opérationnel habilitant

11 tel commandant à réaliser telle opération et c'est ainsi que les choses se

12 passent.

13 Vous pouvez donc vérifier par vous-mêmes l'exactitude de ces affirmations

14 car il n'y a aucune réponse de quelque corps d'armée à cette directive

15 7.1, pour ce qui est de la présentation d'un éventuel rapport relatif à la

16 réalisation des instructions qui y sont données.

17 Question: Je demanderai maintenant à M. l'huissier de présenter au témoin

18 la pièce à conviction du Procureur P 425 et de préparer la pièce 426

19 toujours du Bureau du Procureur.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 M. Riad (interprétation): Je m'excuse, mais je voudrais profiter de

22 l'opportunité pour vous poser une question.

23 Général, je m'efforce de suivre ce que vous nous dites, la directive...

24 Interprètes: Nous nous excusons, mais nous avons du mal à entendre le Juge

25 Riad parce que son micro a des perturbations.

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1 M. Radinovic (interprétation): Je n'ai pas reçu la traduction.

2 M. Visnjic (interprétation): Je crois que nous avons des problèmes de

3 traduction: les interprètes disent que le micro fait beaucoup de bruit.

4 M. Riad (interprétation): Vous m'entendez maintenant, Général? Que dois-je

5 faire?

6 Général, vous m'entendez maintenant?

7 Interprètes: Il y a encore ces grésillements.

8 M. Visnjic (interprétation): Vous avez, vous, des grésillements?

9 M. Riad (interprétation): Je vais m'efforcer de reposer la question.

10 Excusez-moi, Général, est-ce que vous m'entendez maintenant?

11 M. Radinovic (interprétation): Oui.

12 M. Riad (interprétation): Vous êtes professeur et moi, je voudrais

13 apprendre quelque chose. Vous venez de me dire que les directives adoptées

14 par le commandement ne sont pas des documents obligatoires ou ayant force

15 d'obligation, contraignants; nous parlons des unités subordonnées. Alors

16 ma question sera la suivante: est-ce qu'ils peuvent intervenir de façon

17 contraire à la directive? Est-ce que vous pouvez me donner un exemple de

18 directive qui n'a pas force contraignante? Quelle serait donc

19 l'objectivité de cette directive?

20 M. Radinovic (interprétation): Si vous vous penchez sur les directives 7

21 et 7.1, vous y verrez une dizaine d'opérations qui sont indiquées comme

22 étant des opérations appelées à être réalisées par la VRS, mais aucune de

23 ces opérations n'a été réellement réalisée, étant donné que les

24 circonstances avaient évolué entre-temps. Donc entre le moment où l'on

25 avait envisagé la chose de façon conceptuelle, les circonstances ont

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1 changé entre-temps et aucune des opérations prévues n'a été réalisée.

2 Donc celui qui a émis une directive prend un risque pour ce qui est de

3 savoir si les circonstances vont évoluer; et la guerre et les lignes de

4 combat sont quelque chose de très dynamique. C'est donc à cette échelle-là

5 que les choses évoluent d'un jour à l'autre. Il ne s'agit pas là de

6 grandes armées en présence ou de grands champs de bataille, ce ne sont pas

7 des opérations tactiques parce qu'on mesure à l'échelle de kilomètres et

8 non pas de centaines de kilomètres. Les changements se font très

9 rapidement et il y a beaucoup de facteurs qui interviennent et des

10 changements de situation se passent d'un jour à l'autre. Vous n'avez

11 souvent pas besoin d'entreprendre des opérations étant donné que les

12 choses ont changé.

13 Pour répondre à votre question, la logique imposerait une réponse au terme

14 de laquelle je devrais vous dire qu'il ne serait pas possible d'œuvrer de

15 façon contraire à la directive, mais la réalité nous le montre: parce que

16 si vous ne projetez pas convenablement ce qu'il faut faire, eh bien, on

17 n'obtempère pas et personne n'est tenu pour responsable. Dans une

18 situation contraignante, cette directive n'a donc pas force contraignante

19 si elle n'est pas suivie d'un ordre concret, parce qu'une directive peut

20 être formulée pour six mois ou un an. Au début, on trace des directives où

21 l'on cite une chose que l'on pourrait réaliser au cours d'une année, mais

22 il n'y a pas obligation effectivement de réaliser tout ce qui y figure.

23 Je voudrais aussi que nous ne perdions pas de vue une chose. Je

24 m'attendrais par exemple à ce qu'après ces directives 7 et 7.1, il

25 s'ensuive toute une série de directives qui auraient force contraignante

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1 vis-à-vis des corps d'armée pour la réalisation des opérations, c'est-à-

2 dire des documents élaborant, opérationalisant ce qu'on demandait de

3 faire, mais je n'ai pas réussi à trouver de tels documents. Je ne sais pas

4 si le Bureau du Procureur ou si la défense dispose de tels documents.

5 Enfin, je pense que si les conseils de la défense les avaient, on me les

6 aurait transmis; je pense que le Bureau du Procureur me les aurait

7 transmis également.

8 A ce sujet, je puis donc vous dire, en toute responsabilité

9 professionnelle, que ces deux directives ne sont pas les fondements pour

10 ce qui est de la planification de l'opération "Krivaja 95".

11 M. Riad (interprétation): Vous m'entendez, Monsieur?

12 M. Radinovic (interprétation): Oui.

13 M. Riad (interprétation): Ma question, Général, est un peu plus générale

14 et concerne l'autorité du commandant d'une unité subordonnée, par exemple,

15 pour ce qui est d'exprimer son attitude à l'égard d'une directive. Si j'ai

16 bien compris, la directive annonce une certaine politique: on demande à un

17 commandant donné d'être prêt pour une action.

18 Est-ce que ce commandant subordonné peut exprimer son désaccord ou ses

19 réserves à l'égard de cette politique? Ou alors s'agirait-il d'une théorie

20 abstraite au sujet de laquelle personne n'est censé faire quoi que ce

21 soit?

22 M. Radinovic (interprétation): Eh bien, je ne me suis peut-être pas très

23 bien exprimé dans mon explication. Après la directive émise par le

24 commandement suprême, en sa qualité de politique militaire sur un champ de

25 guerre, pour six mois ou un an -cela est fonction de la période

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1 concernée-, il doit s'ensuivre des documents qui ont force contraignante

2 pour la réalisation de certaines opérations. Ce type de directive peut

3 donc énumérer des actions souhaitées, mais cela ne suffit pas pour la

4 conduite d'opérations concrètes sur le champ de bataille. Pour chaque

5 opération concrète, il doit s'ensuivre des documents.

6 Par exemple, les documents dont nous avons parlé énumèrent une dizaine

7 d'opérations; pour chacune de ces opérations qui serait supposée devenir

8 opérationnelle du point de vue de son exécution, il devrait s'ensuivre un

9 ordre se référant à la directive pour la réalisation de telle ou telle

10 autre directive, mais aucune de ces opérations n'a été réalisée. Donc le

11 commandement suprême a jugé que les conditions n'étaient pas requises pour

12 leur réalisation: les commandements des corps d'armée n'ont pas réagi tout

13 simplement.

14 Ces opérations ne sont pas ordonnées aux corps, on leur a juste fait

15 savoir qu'il y aurait des opérations déployées, par exemple "Krivaja 95",

16 "Spreca 95" -et que je sais-je encore quelles opérations-, mais les

17 documents qui concrétiseraient les choses, dans le sens d'une force

18 contraignante à l'égard des commandants, font en sorte que cela n'est pas

19 contraignant. Bien entendu, cela ne signifie pas que ces commandements

20 subordonnés n'obéissent pas à leur commandement suprême; au contraire ils

21 sont censés obéir.

22 M. Riad (interprétation): Je vous remercie.

23 M. Visnjic (interprétation): Général Radinovic, je me propose de vous

24 demander de vous pencher sur cette pièce à conviction P425. Il s'agit

25 d'une directive qui porte le n°7 qui émane du commandant suprême de la

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1 Republika Srpska.

2 Vous avez donc pris connaissance de ce document, vous avez eu

3 l'opportunité de l'étudier. Je vous demanderai de vous pencher sur le

4 point 3 dans la partie où il est question de missions de la VRS. Donc je

5 vous demanderai de commenter ce qui figure au point 4.

6 Après par exemple les missions confiées, il y a les décisions; je voudrais

7 que vous commentiez ce paragraphe précisément dans le contexte du nombre

8 des opérations planifiées et de leur réalisation.

9 Je demanderai maintenant à M. l'huissier de passer à la page suivante de

10 la version anglaise

11 (L'huissier s'exécute.)

12 Réponse: Je peux y aller? Eh bien, il s'agit d'un document très

13 volumineux. Ce serait plus approprié pour ce qui est d'une appréciation ou

14 d'une analyse de la situation plutôt que cela ne pourrait se rapporter à

15 un document donnant ordre de faire quelque chose.

16 La première phrase du point 3 nous montre que l'armée de la Republika

17 Srpska, suivant les instructions de ces directives, a pour mission de

18 conduire des activités de défense très actives sur tous les points de la

19 défense de l'armée de la Republika Srpska. Conformément à cette phrase, il

20 y a une décision qui est communiquée par le commandement suprême. Par

21 conséquent, ce commandement suprême a décidé de mener des actions de

22 défense décisives dans la zone de responsabilité du corps à l'égard des

23 effectifs de la République de Croatie et de l'armée musulmane.

24 Bien entendu, le tout s'accompagne d'activités limitées de combat, au sens

25 offensif: porter des pertes à l'ennemi et empêcher des percées plus

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1 grandes pour ce qui est des axes opérationnels et tactiques et pour ce qui

2 est de percer dans le territoire de la Republika Srpska.

3 Les forces auxiliaires, elles, sont supposées réaliser une ou deux

4 opérations de niveau stratégique, trois ou quatre opérations de niveau

5 opérationnel, ce qui s'était avéré comme étant tout à fait irréalisable,

6 comme étant trop ambitieux, compte tenu de la situation qui régnait sur

7 les champs de bataille.

8 Personnellement, connaissant la situation opérationnelle sur les champs de

9 bataille en Bosnie-Herzégovine en mars 1995, quand cette directive a été

10 rédigée -et si je l'avais vue à cette époque et si vous m'aviez posé cette

11 même question, je vous aurais dit que cela était illusoire de penser

12 pouvoir réaliser cela dans les conditions en place à l'époque-, c'était

13 davantage tout simplement une liste de souhaits ou de désirs plutôt qu'une

14 appréciation de possibilités réelles.

15 Maintenant, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure

16 l'équipe qui a préparé ce document a été suffisamment en mesure, sur le

17 plan professionnel, d'évaluer les possibilités réelles sur le terrain.

18 Mais c'est un exemple éclatant de la signification et du sens des

19 directives dans notre terminologie ou, je dirai même, dans notre doctrine

20 du commandement. Toutes réserves faites, je pourrais éventuellement même

21 parler de l'échelle balkanique.

22 Je ne parle pas suffisamment bien l'anglais mais je pense que la

23 signification du mot directive n'est pas tout à fait la même dans la

24 langue dont je me sers que dans les langues des autres peuples occidentaux

25 de l'Europe. Je crois que, dans le sens étymologique, "directive" a force

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1 contraignante, quelque chose qui doit être forcément réalisé mais, dans

2 notre façon d'entendre, la directive est une projection, une évaluation,

3 une analyse, donc une chose qui est placée comme objectif; mais, quand il

4 s'avère que l'objectif n'est pas réalisable ou impossible à réaliser, eh

5 bien, on réadapte.

6 Alors tout ce qu'une directive énumère comme missions vis-à-vis des unités

7 subordonnées doit être compris de façon limitée et de façon très relative.

8 C'est davantage une évaluation politico-militaire ou une analyse politico-

9 militaire car, comme vous le voyez ici, il y a des phrases très longues,

10 des réflexions extensives, tout le contraire des ordres en leur qualité

11 d'actes contraignants qui sont courts, sévères et qui ne laissent, ne

12 ménagent aucune ambiguïté pour ce qui est de la réalisation de ces mêmes

13 ordres par les commandements concernés.

14 Question: Monsieur le Président, la défense se propose de mettre un terme

15 à ses questions pour aujourd'hui.

16 M. le Président: Oui, Maître Visnjic, cela convient. Dites-moi seulement,

17 pour avoir une vue prospective, de combien de temps plus ou moins aurez-

18 vous besoin pour l'interrogatoire principal du Pr Radinovic?

19 M. Visnjic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai l'impression que

20 nous pourrons terminer notre interrogatoire principal mercredi avant la

21 moitié de l'horaire de travail. Je crois que je pourrais être plus précis

22 demain, vers midi.

23 M. le Président: Très bien. Merci beaucoup. Nous nous retrouvons ici

24 demain; à 9 heures 20, nous serons donc là.

25 (L'audience est levée à 15 heures.)