Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 26 novembre 2003

2 [Audience d'appel]

3 [Audience publique]

4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez prendre place.

7 Je vais demander au Greffier d'audience de bien vouloir citer l'affaire

8 inscrite au role de la Chambre d'appel. Je vous ai appelé, Madame la

9 Greffière, je m'en excuse, nous avons d'habitude des dames à votre place.

10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Affaire IT-98-33-A, le Procureur contre

11 Radislav Krstic.

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

13 Je vous m'assurer que les interprètes m'entendent. Veuillez vous manifester

14 visuellement, si c'est le cas, merci.

15 L'appelant, le général Krstic est dans le prétoire. Monsieur Krstic pouvez-

16 vous m'entendre ?

17 L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'aussi bien du côté de

19 l'Accusation que de la Défense, on peut m'entendre. Bien.

20 Maintenant, je souhaiterais pour le compte rendu d'audience demander aux

21 parties de se présenter. Nous allons commencer par la Défense. La Défense

22 s'il vous plaît.

23 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Je m'appelle

24 Nenad Petrusic, je suis accompagné de M. Sepenuk dans le cadre de la

25 Défense du général Krstic. Et pendant l'appel Sandra Djuric à nos côtés

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1 dans le prétoire. Merci.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je vais maintenant me tourner

3 vers l'Accusation pour demander qu'elle se présente.

4 M. FARRELL : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président,

5 Messieurs les Juges. Je m'appelle Norman Farrell, je suis accompagné de M.

6 Mathias Marcussen pendant toute la durée de la procédure, de M. Xavier

7 Tracol et Mme Magda Karagiannakis, qui sera présente pendant l'intervention

8 de la Défense. Et pendant la présentation des moyens de la Défense, dans le

9 cadre de cet appel, notre assistant est Lourdes Galicia.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

11 Je veux maintenant vous expliquer comment nous allons procéder. Comme vous

12 le savez, nous sommes réunis à l'occasion de l'appel concernant l'appelant,

13 Krstic. Il s'agit ici d'un appel interjeté suite au jugement prononcé par

14 la Chambre de première instance numéro I, le 2 août 2001. La Chambre de

15 première instance a déclaré M. Krstic coupable de génocide au titre de

16 l'Article 4 du statut du Tribunal pour son rôle dans l'exécution de 7 000 à

17 8 000 Musulmans de Bosnie suite à la chute de Srebrenica. Il s'agissait là

18 du chef numéro 1 de l'acte d'accusation.

19 M. Krstic a également été reconnu coupable de persécution, un crime contre

20 l'humanité au titre de l'Article 5 pour des actes commis entre le 10 et le

21 13 juillet 1995. Il s'agissait là d'une partie du chef numéro 6 de l'acte

22 d'accusation.

23 Enfin, M. Krstic a été reconnu coupable de meurtre en tant que violation

24 des lois aux coutumes de la guerre au titre de l'Article 3 du statut du

25 Tribunal. Cette déclaration de culpabilité a été prononcée au titre du chef

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1 numéro 5 de l'acte d'accusation.

2 La Chambre de première instance a acquitté M. Krstic de complicité de

3 génocide, il s'agissait du chef 2; et d'expulsion, un crime contre

4 l'humanité, il s'agissait là du chef d'accusation numéro 7. La Chambre de

5 première instance d'autre part n'a pas prononcé de déclaration de

6 culpabilité à plusieurs reprises et pour plusieurs chefs parce qu'elle

7 estimait qu'il y aurait là cumul de déclarations de culpabilité. Il

8 s'agissait des infractions d'extermination en tant que crime contre

9 l'humanité, chef 3; assassinat en tant que crime contre l'humanité au titre

10 du chef 5 -- de l'Article 5, chef 4; persécution en tant que crime

11 sanctionné par l'Article 5, il s'agissait là des actes commis du 13 au 19

12 juillet 1995 - chef 6; et actes inhumains ou à défaut transferts forcés en

13 tant que crime contre l'humanité au titre du chef -- de l'Article 5, chef

14 8.

15 M. Krstic a été condamné à une peine unique d'emprisonnement de 46 ans.

16 Aussi bien M. Krstic que l'Accusation a interjeté appel du jugement.

17 Vendredi dernier, nous avons entendu des arguments au sujet du poids et de

18 la crédibilité qu'il convient d'accorder à des éléments de preuve

19 supplémentaires ainsi qu'à des éléments de preuve en réplique qui ont été

20 acceptés au titre de l'appel. Aujourd'hui et demain, nous allons entendre

21 les parties sur le fond de l'appel. Nous travaillons aujourd'hui en

22 l'absence de M. le Juge Schomburg. L'Article 15 bis(A) permet à une

23 audience de se poursuive en l'absence d'un juge lorsque, pour des raisons

24 personnelles ou pour des raisons médicales, il n'est pas en mesure de

25 travailler -- de siéger. Un juge -- lorsque le juge ne peut continuer à

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1 siéger dans une affaire en cours pendant une période qui semble devoir être

2 de courte durée, et lorsque les Juges de la Chambre estiment que c'est dans

3 l'intérêt de la justice que l'audience se poursuit malgré tout sans eux. Le

4 Juge Schomburg est actuellement absent. Il est absent pour des raisons qui

5 ont trait à ses activités au sein du Tribunal. Son absence a été évoquée

6 par les autres Juges de la Chambre, et ils estiment qu'il est dans

7 l'intérêt de la justice que l'audience de ce jour ait lieu. Avant de donner

8 la parole aux conseils des deux parties, je vais résumer les motifs d'appel

9 qui ont été présentés par les parties dans leurs écritures.

10 La première -- le premier motif d'appel de l'Accusation a trait au cumul de

11 déclarations de culpabilité. L'Accusation estime que la Chambre de première

12 instance s'est fourvoyée en ne condamnant pas l'accusé pour les chefs 3,

13 extermination; chef 6, persécution un crime contre l'humanité, pour les

14 meurtres commis entre le 13 et le 19 juillet 1995; et chef 4, assassinat en

15 tant que crime contre l'humanité; et chef 8, actes inhumains en tant que

16 crime contre l'humanité. L'Accusation avance que les déclarations de

17 culpabilité pour génocide et extermination, pour génocide et persécutions,

18 pour persécutions et meurtre, et pour persécutions au titre de l'Article 5

19 et actes inhumains au titre de l'Article 5, à raison de même comportement,

20 peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité cumulées.

21 Je vais maintenant passer au deuxième motif d'appel de l'Accusation, qui a

22 trait à la peine qui a été prononcée par la Chambre de première instance.

23 L'Accusation argue du fait que la Chambre de première instance s'est

24 fourvoyée en prononçant une peine de 46 ans, et que l'accusé aurait dû être

25 condamné à une peine d'emprisonnement à vie. Premièrement, l'Accusation

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1 fait valoir que la peine qui a été prononcée n'est pas suffisamment lourde

2 vu la gravité des crimes commis. Deuxièmement, elle fait valoir que cette

3 peine prononcée est fort différente de celle qui a été prononcée dans des

4 affaires semblables pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

5 Troisièmement, la Chambre de première instance s'est fourvoyée en faisant

6 reposer sa décision relative à la peine sur le fait que, pour la Chambre de

7 première instance, la culpabilité de M. Krstic était moindre que celle des

8 hauts dirigeants serbes de Bosnie ainsi que les plus hauts représentants

9 militaires. Enfin, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première

10 instance aurait dû estimer que l'état d'esprit de M. Krstic constituait une

11 circonstance aggravante, au moment de déterminer sa peine.

12 Le premier motif d'appel de la Défense a trait à la déclaration de

13 culpabilité de M. Krstic pour génocide. La Défense fait valoir que la

14 Chambre de première instance s'est fourvoyée en déclarant M. Krstic

15 coupable de génocide parce qu'elle a à tort assimilé le déplacement d'un

16 groupe à la destruction de ce même groupe. La Défense fait valoir que la

17 Chambre de première instance s'est fourvoyée en estimant que M. Krstic

18 était animé de l'intention suffisante et nécessaire pour commettre le

19 génocide. Plus particulièrement, la Défense fait valoir que les conclusions

20 de la Chambre de première instance ne sont pas étayées par suffisamment de

21 faits.

22 Le deuxième motif d'appel de la Défense a trait aux pratiques de

23 l'Accusation en matière de communication des pièces. La Défense fait valoir

24 que cette pratique enfreint le droit de M. Krstic à un procès équitable, et

25 que justifie un nouveau procès. Cet argument s'articule en quatre volets :

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1 Premièrement, la Défense fait valoir que la Chambre de première instance

2 s'est fourvoyée en estimant que l'Accusation n'était pas tenue de respecter

3 l'Article 65 ter --

4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je répète la phrase.

5 Premièrement, la Défense fait valoir que la Chambre de première instance

6 s'est fourvoyée en estimant que l'Accusation n'était pas tenue de respecter

7 l'Article 65 ter, comme c'était le cas à l'époque, qu'il lui faisait donc

8 obligation de communiquer les copies et les pièces à conviction avant le

9 début de la présentation des moyens à charge; deuxièmement, que la non

10 communication d'un enregistrement et l'audition de cet enregistrement

11 ultérieurement dans le prétoire a porté préjudice à M. Krstic au moment du

12 procès; troisièmement, que l'Accusation n'a pas communiqué à la Défense des

13 éléments à décharge tel qu'elle était dans l'obligation de le faire aux

14 termes de l'Article 68 du Règlement; enfin, la Défense fait valoir que

15 l'Accusation a enfreint l'Article 68 du Règlement en ne communiquant pas

16 des éléments relatifs à l'enquête de -- sur deux témoins qui avaient été

17 demandés proprio motu par la Chambre de première instance.

18 Le troisième motif d'appel de la Défense, c'est que la Chambre de première

19 instance s'est fourvoyée dans ses conclusions sur les faits et sur des

20 points de droit. La Défense fait valoir que la Chambre de première instance

21 ne disposait pas de suffisamment de faits pour justifier un certain nombre

22 des conclusions qu'elle a tirées dans son jugement. Ces conclusions ont

23 trait aux crimes commis à Potocari, à la participation alléguée de la

24 Brigade de Bratunac aux exécutions à la ferme de Branjevo et au centre

25 culturel de Pilica, à l'existence d'une chaîne de commandement parallèle,

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1 autant dit que sur la date à laquelle M. Krstic a pris le commandement du

2 Corps de la Drina.

3 Le quatrième et dernier motif d'appel de la Défense a trait à la peine

4 prononcée. La Défense argue que la Chambre de première instance n'a pas

5 suffisamment pris en compte la grille des peines et des pratiques en

6 matière de peine qui existent en Bosnie-Herzégovine depuis la perpétration

7 des crimes et d'autres parts la Défense fait valoir que la Chambre de

8 première instance n'a pas pris suffisamment en compte la situation

9 personnelle de M. Krstic.

10 Maintenant je souhaiterais rappeler aux parties, quels sont les critères

11 qui s'appliquent aux erreurs de fait ou de droit qui sont allégués lors

12 d'une procédure d'appel. Lorsque la -- comme la Chambre d'appel l'a signalé

13 à de nombreuses reprises, une procédure d'appel n'est pas une occasion qui

14 permet aux parties de plaider à nouveau leur thèse. Il ne s'agit pas d'un

15 de novo procès. Lors d'une procédure d'appel les parties doivent limiter

16 leurs arguments aux questions qui relèvent de l'Article 25 du Tribunal du

17 statut. Globalement, la Chambre d'appel n'entend aucuns arguments que ceux

18 qui reposent sur des erreurs de droit dont il est allégué qu'elle infirme

19 le jugement. Très exceptionnellement, les parties peuvent soulever des

20 questions d'un intérêt général pour la jurisprudence du Tribunal.

21 S'agissant maintenant des erreurs de fait, seul les erreurs qui auraient

22 entraîné un déni de justice seront prises en compte.

23 Comme les parties devraient parfaitement le savoir, la Chambre d'appel

24 exige d'un appelant qu'il allègue des erreurs de fait de prouver qu'aucun

25 Juge des faits raisonnables n'aurait pu arriver à la conclusion qui est

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1 contestée et que cette erreur de fait est une gravité telle qu'elle a

2 entraîné un déni de justice.

3 Je souhaiterais également demander aux parties d'être précises et claires

4 dans la présentation de leurs moyens d'appel ainsi que dans leurs réponses

5 et dans leurs répliques. Je vais maintenant vous donner l'ordre précis dans

6 lequel nous allons entendre les arguments des parties. Il s'agit d'un ordre

7 de comparution -- d'intervention qui figure dans notre ordonnance portant

8 calendrier du 19 novembre 2003.

9 Nous allons d'abord entendre l'Accusation. Le conseil de l'Accusation aura

10 une heure et demie pour présenter ses arguments. Nous ferons ensuite une

11 pause de 30 minutes. Lorsque nous reviendrons dans le prétoire, la Défense

12 répondra pendant une heure et demie également. Nous aurons ensuite une

13 pause pour le déjeuner qui durera une heure et demie. Après la pause du

14 déjeuner, l'Accusation aura 20 minutes pour répondre. Ensuite nous

15 entamerons l'audition de l'appel de la Défense. La Défense disposera d'une

16 heure cet après-midi pour commencer à nous présenter ses moyens. Nous

17 mettrons ensuite fin à notre audience de ce jour pour reprendre à 9 heures

18 30 demain matin. A ce moment-là, la Défense disposera d'une heure et demie

19 pour finir la présentation de ses moyens, nous observerons ensuite une

20 pause de 30 minutes. Suite à quoi, l'Accusation disposera d'une heure et

21 demie pour répondre. Ensuite, nous ferons une pause d'une heure et demie,

22 puis l'Accusation disposera d'une heure supplémentaire pour terminer sa

23 réponse. La Défense bénéficiera ensuite de 30 minutes pour répliquer à

24 l'Accusation. Puis si M. Krstic, s'il le souhaite, pourra s'adresser à la

25 Chambre d'appel pendant 15 minutes.

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1 S'il n'y a pas de questions au sujet de notre calendrier, de notre ordre du

2 jour, je vais maintenant passer à une question dont il convient que nous

3 traitions avant d'entendre les arguments des parties. Il s'agit d'une

4 question qui reste en suspens, suite à l'audience de vendredi, il convient

5 que nous en traitions maintenant. Comme vous le savez vendredi les parties

6 ont demandé oralement ou présenté une requête orale pour demander le

7 versement au dossier, dans le cadre de cet appel de la déposition de M.

8 Butler, dans l'affaire Blagojevic. L'Accusation a indiqué qu'elle n'avait

9 quant à elle aucune objection quant à la requête présentée par la Défense.

10 Et la Chambre d'appel a fait droit à cette requête. Si j'ai bien compris la

11 Défense veut citer à la barre M. Butler, ai-je bien compris ?

12 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Dans ces conditions, je vais

14 citer M. Butler à la barre en tant que témoin à décharge. La Chambre cite à

15 la barre M. Butler.

16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de

18 prêter serment.

19 Monsieur Butler, est-ce que vous m'entendez ?

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Monsieur Butler, je vais vous

22 demander de lire la déclaration solennelle qui vous est présentée par

23 l'Huissier.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 LE TÉMOIN: RICHARD BUTLER [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Butler. Vous pouvez

4 prendre place. La Défense va maintenant vous poser des questions, M.

5 Butler.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Interrogatoire principal par M. Sepenuk :

8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Butler.

9 R. Bonjour.

10 Q. Je m'appelle Norman Sepenuk, je suis un des avocats de l'équipe de la

11 Défense du général Krstic.

12 Vous avez déposé en tant que témoin expert militaire dans l'affaire

13 concernant le colonel Blagojevic, est-ce bien exact ?

14 R. Oui, c'est exact.

15 Q. Et vous avez déposé pendant plusieurs jours dans cette affaire, n'est-

16 ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Et si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions que celles qui

19 vous ont été posées au cours du procès Blagojevic, j'imagine que vous me

20 répondriez de la même manière.

21 R. C'est exact.

22 Q. Est-ce qu'il y a des exceptions à cette règle ?

23 R. J'ai passé en revue le compte rendu d'audience, et il y a trois

24 corrections mineures que je pourrais apporter mais qui sont dues au fait

25 que la personne assurée de la transcription, la sténotypiste n'a pas été en

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1 mesure d'entendre un nom bien spécifique, en dehors de cela, il n'y a rien.

2 M. SEPENUK : [interprétation] J'en ai fini, Monsieur le Président. Ces

3 trois erreurs Me Farrell les connaît. Il va maintenant avec la permission

4 de la Chambre vous expliquer de quoi elles retournent.

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, Monsieur Farrell.

6 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

7 Contre-interrogatoire par M. Farrell :

8 Q. [interprétation] M. Butler, il y a trois passages dans votre déposition

9 dont la transcription ne reflète pas exactement ce que vous avez dit dans

10 Blagojevic.

11 M. FARRELL : [interprétation] Puis-je s'il vous plaît demander au Greffe de

12 remettre un exemplaire de sa déposition à M. Butler, afin qu'il puisse nous

13 confirmer les passages concernés.

14 Q. Monsieur Butler, est-ce que le document qui se trouve devant vous est

15 le suivant. "Déposition de Richard Butler déposée en vertu de l'ordonnance

16 de la Chambre de première instance faisant droit à requête orale de

17 l'appelant en vertu de l'Article 115 du règlement." Pouvez-vous vérifier le

18 numéro en haut de la page ? Est-ce que c'est bien le numéro 5433, 5433.

19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu les chiffres.

20 5423, 5433.

21 R. C'est exact.

22 Q. Sur la deuxième page du document, vous voyez qu'il y a trois annexes.

23 Annexe A page 4608 à 4624. Annexe B, page 4510 à

24 4520, Annexe C, 4699 à 4736. Passages de votre déposition dans Blagojevic,

25 n'est-ce pas ?

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1 R. Oui.

2 Q. La première à laquelle je souhaite faire référence c'est la page

3 portant le numéro 5412 en haut à droite.

4 R. Oui.

5 Q. La copie que j'ai porte des mentions manuscrites, car ce sont des

6 copies -- ce sont des copies que nous avons faites ce matin. Ces mentions

7 manuscrites, est-ce qu'elles figurent sur votre copie ?

8 R. Oui.

9 Q. -- tenir compte de ces mentions manuscrites, mais nous intéresser à la

10 partie dactylographiée à la page -- à la ligne 11, il y a une question, et

11 ensuite à la ligne 16 la question s'interrompt pour se poursuivre de la

12 manière suivante :

13 "Qu'a dit -- comment M. Obrenovic a-t-il qualifié le problème auquel était

14 confronté son unité dans le cadre du meurtre de 1 000 prisonniers musulmans

15 le 16 juillet à la ferme de Branjevo ?"

16 Est-ce qu'on parlait de M. Obrenovic lorsqu'on vous a posé cette question ?

17 R. Non, en fait quand on a posé cette question, "on a parlé de M.

18 Erdemovic et pas de M. Obrenovic"

19 Q. Merci, Nous allons maintenant passer à un autre passage, page 5406. Il

20 s'agit encore d'un passage de votre déposition dans le procès Blagojevic, à

21 la ligne 16 de cette page ou plutôt à la ligne 14, il y a une question qui

22 est la suivante, réponse :

23 "Pour revenir aux hommes de M. Erdemovic de Bratunac, à quelle heure sont-

24 ils arrivés à la ferme de Branjevo ?"

25 Et la réponse à la ligne 16 est la suivante, je cite :

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1 "On peut dire sur la base de la déposition de M. Obrenovic dans l'affaire

2 Krstic qu'ils sont arrivés vers midi ou au milieu de journée." Est-ce que

3 c'est bien de la déposition de "M. Obrenovic" dans l'affaire Krstic qu'on a

4 parlé lorsqu'on vous a posé cette question ?

5 R. Non, on a parlé de M. Erdemovic à ce moment-là également.

6 Q. Est-ce sur l'exemplaire que vous avez, il a été écrit à la main le mot

7 "Obrenovic" -- le mot "Erdemovic" au dessus du mot " Obrenovic" ?

8 R. Oui.

9 Q. C'est bien l'exemplaire qui vient de vous être remis, ce n'est pas vous

10 qui avez écrit quoi que ce soit sur ce document ?

11 R. Effectivement.

12 Q. Maintenant, nous allons passer à la page 5376. Il s'agit du numéro

13 d'ordre donné par le Greffe à cette page, numéro qui se situe en haut, à

14 droite de la page. Ici c'est un passage dans lequel vous êtes interrogé par

15 le conseil de la Défense, la ligne 18, vous répondez au conseil de la

16 Défense, en disant : "Bien." Et ensuite, plus loin, la ligne 19, il y a une

17 réponse qui commence par le mot suivant : "Le témoin" et qui se poursuit

18 par la mention suivante : "Je veux simplement faire la lumière sur ce

19 point." Est-ce que c'était vous qui parlez à ce moment-là ?

20 R. Non, à ce moment-là, c'était M. McCloskey, le Procureur qui parlait.

21 Q. Je vous remercie de nous avoir précisé cela, M. Butler.

22 M. FARRELL : [interprétation] Je demanderais au Greffe, Monsieur le

23 Président, de faire consigner cela pour que ce soit clair dans le compte

24 rendu d'audience en appel. Je n'ai pas d'autres questions pour M. Butler.

25 Je vous remercie.

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, la Défense.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Alors lundi, nous avons présenté cette

3 déposition à la Chambre et nous fournissons la déposition à la Chambre

4 d'appel ainsi que les corrections apportées par M. Butler ce matin.

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. La déposition de M. Butler

6 est versée au dossier avec les corrections qui sont apportées. Donc nous

7 avons corrigé sa déposition.

8 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.

9 Et très brièvement, nous avons fourni aussi la déposition de M. Obrenovic

10 et nous l'avons fait lundi suite à l'autorisation de la Chambre en

11 application de l'Article 115 et notre requête à laquelle il a été fait

12 droit.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître, Nous pouvons

14 commencer. Je donnerais la parole à l'Accusation.

15 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]

16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Butler

17 d'être venu. Vous pouvez partir.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.

19 [Le témoin se retire]

20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Farrell, vous avez la parole.

21 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de

22 commencer, permettez moi d'observer la chose suivante, M. Butler s'est

23 référé aux transcriptions que nous voyons à présent sur la table des

24 témoins. Tout simplement, je pense qu'il faudrait verser cela au dossier de

25 l'audience puisqu'il s'agit de transcriptions auxquelles on s'est référé

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1 pendant son audition. Cela a fait partie de sa déposition.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui. On considérera qu'il s'agit d'une

3 pièce à conviction.

4 M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

5 Pour ce qui est de l'Accusation, nous allons présenter nos arguments avec

6 M. Xavier Tracol et M. Mathias Marcussen, ils sont tous les deux les

7 conseils présents ici.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tracol, nous vous entendons à

9 présent.

10 M. TRACOL : Bonjour Messieurs les Juges, je m'exprimerais aujourd'hui en

11 français.

12 Messieurs les Juges, le premier motif d'appel de l'Accusation est relatif à

13 l'erreur de droit commise par la Chambre de première instance dans son

14 application du critère relatif au cumul de responsabilités. L'Accusation

15 fait valoir que la Chambre de première instance a commis une erreur dans

16 son application du test aux génocides et aux crimes contre l'humanité d'une

17 part et aux persécutions et à d'autres crimes contre l'humanité d'autre

18 part. Je rappellerais brièvement le critère qui a été posé par la Chambre

19 d'appel pour le cumul de déclarations de culpabilité avant de démontrer en

20 quoi la Chambre de première instance a commis ses erreurs dans l'affaire

21 Krstic.

22 La Chambre d'appel a posé le critère relatif aux déclarations du cumul de

23 responsabilités dans les arrêts de Delalic et plus précisément au

24 paragraphe 412 et 413 de cet arrêt. Et puis la Chambre d'appel a confirmé

25 ce même critère au paragraphe 168 à 174 de l'arrêt Kunarac. Ce critère a

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1 souvent été appelé le critère des éléments nettement distinct.

2 Il est simple si ce critère n'est pas rempli, l'accusé est déclaré coupable

3 seulement du crime le plus spécifique, à savoir, celui qui présente un

4 élément nettement distinct.

5 L'Accusation fait valoir dans le jugement Krstic, la Chambre de première

6 instance il faut envoyer tout d'abord dans son application du critère aux

7 génocides et aux crimes contre l'humanité.

8 S'agissant tout d'abord de la distinction juridique entre le génocide et

9 les crimes contre l'humanité. La Chambre de première instance a conclu au

10 paragraphe 682 du jugement que je cite : "L'exigence d'une attaque

11 généralisée ou systématique contre une population civile formulée à

12 l'Article 5 du statut, est incluse dans celle propre au génocide, d'une

13 intention de détruire un certain type de groupe." L'Accusation fait valoir

14 que la Chambre de première instance a ainsi commis une erreur de droit dans

15 la mesure où des éléments nettement distincts caractérisent le génocide et

16 les crimes contre l'humanité.

17 Dans l'arrêt Musema qui est postérieur au jugement Krstic, la Chambre

18 d'appel de TPIR a considéré que la preuve de la commission des crimes

19 contre l'humanité dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique

20 contre une population civile n'est négligée pour le génocide. A l'inverse,

21 le génocide exige la preuve de l'intention de détruire en toute partie, un

22 groupe protégé à la différence des crimes contre l'humanité, il n'exige pas

23 la présence de cet élément. Par conséquent la Chambre d'appel de TPIR

24 indirectement a déjà décidé dans l'arrêt Musema et plus précisément au

25 paragraphe 366 et 367 de cet arrêt que les éléments constitutifs de

Page 225

1 génocides et des crimes contre l'humanité sont nettement distincts. En

2 pratique, l'Accusation a fait donc valoir que le cumul de déclarations de

3 culpabilité est possible dans tous les cas entre le génocide et les crimes

4 contre l'humanité dans la mesure au chaque crime présente un élément

5 nettement distinct, à savoir, une attaque généralisée ou systématique

6 dirigée contre une population civile pour les crimes contre l'humanité et

7 l'intention de détruire en toute partie un groupe protégé en tant que tel

8 pour le génocide.

9 S'agissant maintenant plus précisément de l'application du critère relatif

10 au cumul de déclarations de culpabilité au génocide et à l'extermination.

11 La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 685 du jugement que

12 je cite :

13 "Il n'est pas possible à raison des mêmes actes de déclarer l'accusé

14 capable à la fois d'extermination et de génocide."

15 En cela, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance a

16 commis une erreur de droit en appliquant le critère relatif aux cumules de

17 déclarations de culpabilité. Toujours dans l'arrêt Musema, la Chambre

18 d'appel du TPIR a déjà réglé cette question et abouti à la conclusion

19 opposée à la Chambre de première instance dans le jugement Krstic.

20 Aux paragraphes 362 et 363 de l'arrêt Musema, la Chambre d'appel du TPIR a

21 expressément appliqué le critère qui a été posée par la Chambre d'appel de

22 ce Tribunal dans l'arrêt Delalic et a examiné si le génocide et

23 l'extermination présentent des éléments nettement distants --

24 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

25 M. TRACOL : Je m'en excuse, et je vais tenter de ralentir, Monsieur le

Page 226

1 Président.

2 La Chambre de première instance a donc conclu, dans l'arrêt Musema, que

3 l'élément moral du génocide, à savoir l'intention de détruire en tout ou en

4 partie le groupe protégé ne constitue pas un élément de l'extermination. A

5 l'inverse, un élément nécessaire pour les crimes contre l'humanité, à

6 savoir une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une

7 population civile n'est pas nécessaire pour le génocide.

8 La Chambre d'appel du TPIR a donc conclu au paragraphe 366 de l'arrêt

9 Musema que les éléments constitutifs de chaque crime sont nettement

10 distants. Elle en a donc conclu que les déclarations de culpabilité, ce

11 n'est que la conséquence de son raisonnement, pour génocide et pour

12 extermination, sur le fondement du même comportement est possible et

13 autorisée.

14 L'Accusation fait valoir que l'arrêt Musema répond au motif d'appel du

15 Procureur relatif à l'erreur de droit commise par la Chambre de première

16 instance en ne déclarant pas le général Krstic coupable d'extermination.

17 Selon l'Accusation, il n'existe aucune raison pour que la Chambre d'appel

18 modifie l'analyse et la conclusion de l'arrêt Musema relatif à cette

19 question.

20 L'Accusation fait encore valoir que les conclusions et le raisonnement qui

21 sous-tendent ces conclusions dans l'arrêt s'appliquent également en

22 l'espèce, et que la Chambre d'appel doit aboutir à la même conclusion.

23 L'Accusation conclu donc que la Chambre de première instance a bien commis

24 une erreur de droit en considérant que l'accusé ne peut être déclaré

25 coupable à raison du même comportement pour génocide et pour extermination

Page 227

1 au paragraphe 685 du jugement Krstic. C'est la raison pour laquelle

2 l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler la conclusion de la

3 Chambre de première instance relative à ce non cumule de déclarations de

4 culpabilité entre génocide et extermination, de réviser, bien entendu, le

5 paragraphe 685 du jugement Krstic et de déclarer le général Krstic coupable

6 d'extermination.

7 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumule de

8 déclarations de culpabilité aux génocides et aux persécutions. La Chambre

9 de première instance a considéré, au paragraphe 684 du jugement Krstic,

10 l'infraction de persécution ne comporte aucun élément qui ne serait pas

11 déjà inclus dans la volonté de destruction qu'exige le génocide."^ Par

12 conséquence, la Chambre de première instance n'a pas déclaré le général

13 Krstic coupable de persécution.

14 Toujours dans l'arrêt Musema, la Chambre d'appel du TPIR a déjà décidé que

15 les éléments constitutifs du génocide et des crimes contre l'humanité sont

16 nettement distants. Les persécutions sont un crime contre l'humanité.

17 Les conclusions de la Chambre d'appel du TPIR relatives aux éléments

18 nettement distants du génocide et des crimes contre l'humanité

19 s'appliquent, par conséquent, logiquement également aux persécutions. Par

20 conséquent, la Chambre -- la conclusion de la Chambre d'appel doit être

21 identique en l'espèce. Sur le fondement du raisonnement de la Chambre

22 d'appel du TPIR dans l'arrêt Musema, la Chambre d'appel ne peut aboutir à

23 une autre conclusion qu'à la présence d'un élément nettement distant entre

24 les persécutions et le génocide. La Chambre d'appel a donc logiquement

25 commis une erreur dans son application du critère relatif aux déclarations

Page 228

1 de culpabilité entre le génocide et les persécutions. Pour les mêmes motifs

2 que ceux déjà exprimés par la Chambre d'appel du TPIR, dans l'arrêt Musema,

3 l'Accusation demande à la Chambre d'appel de ce Tribunal de conclure que la

4 Chambre d'appel -- que la Chambre de première instance a commis une erreur

5 de droit en considérant, au paragraphe 684 du jugement, que seule la

6 qualification de génocide doit être retenue à l'encontre du général Krstic.

7 C'est pourquoi l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler cette

8 conclusion de la Chambre de première instance, de réviser le paragraphe 684

9 du jugement et de déclarer le général Krstic cumulativement coupable de

10 génocide et de persécutions.

11 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumule de

12 déclarations de culpabilité aux persécutions et à d'autres crimes contre

13 l'humanité. Aux paragraphes 675 et 676 du jugement, la Chambre de première

14 instance a déclaré le général Krstic coupable de persécutions, mais non

15 d'assassinat et non d'autres actes inhumains. La Chambre de première

16 instance a défini les crimes et a estimé que le crime de persécution exige

17 un élément spécifique supplémentaire, à savoir que l'acte a été commis pour

18 des raisons discriminatoires. Cependant, la Chambre de première instance a

19 conclu, sans aucune explication, que l'assassinat et les autres actes

20 inhumains n'exigent aucun élément nettement distant par rapport aux

21 persécutions.

22 La Chambre d'appel n'a jamais eu l'opportunité de se prononcer sur la

23 question générale du cumule de déclarations de culpabilité entre

24 persécution et d'autres crimes contre l'humanité. Cependant, les Chambres

25 de première instance ont rendu des jugements relatifs à cette question à la

Page 229

1 fois avant et après l'arrêt Delalic qui a posé -- dans lequel la Chambre

2 d'appel a posé le critère relatif au cumule de déclarations de culpabilité.

3 Les Chambres de première instance ont ainsi abouti à des conclusions, pour

4 le moins, divergentes, que je vous propose de présenter rapidement.

5 Tout d'abord, dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance

6 II a déclaré Drago Josipovic et Vladimir Santic cumulativement coupables de

7 persécution et d'assassinat d'une part, et de persécution et d'autres actes

8 inhumains d'autre part. Toutes les parties ont interjeté appel de ce

9 jugement, mais la Chambre d'appel n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur

10 cette question dans le cadre de l'affaire Kupreskic.

11 Le jugement Kupreskic a été rendu avant l'arrêt Delalic, dans lequel la

12 Chambre d'appel a posé le critère relatif au cumule de déclarations de

13 culpabilité. Cependant, l'Accusation fait valoir que la valeur juridique de

14 ce jugement demeure intacte dans la mesure où la Chambre de première

15 instance a examiné les mêmes sources que la Chambre d'appel dans l'arrêt

16 Delalic. Ces sources comprennent notamment le critère Blockberger, qui a

17 apparemment servi de fondement à la Chambre d'appel pour déterminer le

18 critère qui a été arrêté relatif pour cumule de déclarations de

19 culpabilité. Selon l'Accusation, le critère de la spécialité réciproque qui

20 a été retenu et appliqué par la Chambre de première instance dans le

21 jugement Kupreskic au paragraphe 685, est semblable et pratiquement

22 identique au critère qui a finalement été adopté par la Chambre d'appel

23 dans l'arrêt Delalic.

24 Dans le jugement Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance III a

25 déclaré Dario Kordic cumulativement coupable de persécution et d'assassinat

Page 230

1 à raison du même comportement. Elle a également déclaré les deux co-accusés

2 cumulativement coupables pour persécutions et pour autres actes inhumains.

3 Contrairement au jugement Kupreskic, le jugement Kordic et Cerkez a été

4 rendu moins d'une semaine après l'arrêt Delalic. Et aux paragraphes 814 à

5 816 du jugement Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance s'est

6 expressément fondée sur le critère relatif aux déclarations de culpabilité

7 qui a été posé par la Chambre d'appel dans l'arrêt Delalic. Aucun des deux

8 condamnés n'a interjeté appel de cette conclusion de la Chambre de première

9 instance. Par conséquent, le jugement Kupreskic est définitif sur cette

10 question du cumule de déclarations de culpabilité.

11 Dans le jugement Kvocka, la Chambre de première instance I, qui était

12 composée d'exactement les mêmes Juges que dans le jugement Krstic a

13 considéré que le crime de persécution lorsqu'il s'agit des mêmes actes

14 commis à l'encontre des mêmes victimes recouvre les mêmes faits -- les

15 autres faits reprochés constituant à eux seuls des crimes contre l'humanité

16 dès lors qu'il comporte un élément constitutif supplémentaire, à savoir, la

17 discrimination pour l'un des motifs énumérés.

18 La Chambre de première instance a conclu, sans aucune explication au

19 paragraphe 220, jugement Kvocka, que l'assassinat ne contient aucun élément

20 nettement distinct par rapport aux persécutions. Par conséquent, la Chambre

21 de première instance a conclu que le crime de persécution est plus

22 spécifique que l'assassinat au même paragraphe du jugement.

23 Par le jugement Vasiljevic, la Chambre de première instance II a conclu au

24 paragraphe 267 du jugement que les persécutions exigent la preuve d'un acte

25 et d'une intention discriminatoire. Ils sont par conséquent plus

Page 231

1 spécifiques que l'assassinat ou les autres actes inhumains qui ne

2 présentent, selon la Chambre de première instance, aucun élément nettement

3 distinct par rapport aux persécutions. La Chambre de première instance,

4 dans l'affaire Vasiljevic, a donc déclaré l'accusé coupable de persécution

5 mais non d'assassinat et non d'autres actes inhumains. Le raisonnement de

6 la Chambre dans l'affaire Vasiljevic était limité à l'affirmation que les

7 persécutions exigent la preuve d'un acte et d'une intention discriminatoire

8 et que les persécutions sont par conséquent plus spécifiques que les autres

9 crimes contre l'humanité.

10 Mais à nouveau sans aucune explication, la Chambre de première instance

11 fait simplement partie du principe que l'assassinat et les autres actes

12 inhumains ne présentent aucun élément distinct par rapport aux

13 persécutions.

14 Enfin, dans le jugement Naletilic et Martinovic, la Chambre de première

15 instance I, section A, a conclu au paragraphe 724 du jugement que je cite :

16 "Lorsqu'un accusé est déclaré coupable de persécution et d'un autre crime

17 contre l'humanité, la déclaration de culpabilité à retenir contre lui et

18 celle prononcée pour persécution."

19 Je précise que l'Accusation a interjeté appel de cette conclusion de la

20 Chambre de première instance dans le jugement Martinovic et Naletilic.

21 Comme vous pouvez le constater la jurisprudence des Chambres de première

22 instance relative au cumul de déclarations de culpabilité entre

23 persécutions et d'autres crimes contre l'humanité est pour le moins

24 incohérente et divergente. En relevant cette erreur de droit commise par la

25 Chambre de première instance dans le jugement Krstic, l'Accusation donne

Page 232

1 ainsi l'opportunité à la Chambre d'appel de clarifier cette jurisprudence

2 des Chambres de première instance.

3 L'Accusation fait valoir que les Chambres de première instance qui ont

4 refusé le cumul de déclarations de culpabilité, pour persécutions et

5 d'autres actes -- d'autres crimes contre l'humanité, le fait sur le

6 fondement que les autres crimes contre l'humanité ne présenteraient aucun

7 élément nettement distinct au sens de l'arrêt de Delalic. Et ce, en dépit

8 de différences évidentes entre les différents éléments constitutifs de

9 chaque crime. L'Accusation ne peut donc pas conclure que cette conclusion

10 des Chambres de première instance est erronée.

11 S'agissant tout d'abord de l'application du critère relatif aux

12 déclarations de culpabilité, aux persécutions et à l'assassinat, la Chambre

13 de première instance a conclu au paragraphe 675 du jugement que

14 "l'assassinat ne présente aucun élément distinct par rapport aux

15 persécutions." L'Accusation fait valoir que cette conclusion de la Chambre

16 de première instance constitue une erreur de droit. L'assassinat se

17 distinct des persécutions par deux éléments, l'assassinat exige la preuve

18 premièrement que la mort de la victime résulte des actions de l'accusé et

19 deuxième élément avec l'intention de donner la mort ou de porter des

20 atteintes graves à l'intégrité physique dont l'accusé ne pouvait que

21 raisonnablement prévoir qu'il était susceptible d'entraîner la mort. A

22 l'inverse, les persécutions, d'après une jurisprudence constante des

23 Chambres de première instance se distinguent de l'assassinat puisqu'ils

24 exigent la preuve premièrement d'un déni manifeste au flagrant d'un droit

25 fondamental consacré par le droit international coutumier qui attend le

Page 233

1 même degré de gravité que les autres crimes contre l'humanité. Deuxième

2 élément qui distingue les persécutions de l'assassinat c'est bien entendu,

3 le motif, l'intention discriminatoire de l'auteur de l'acte. Dans le

4 jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a conclu à juste titre

5 que les persécutions exigent un élément de discrimination que l'assassinat

6 ne retire pas. Et je me réfère précisément au paragraphe 706 au jugement

7 Kupreskic. Dans le jugement Kupreskic, l'Accusation fait également valoir

8 que la Chambre de première instance a eu raison de conclure qu'une personne

9 peut être accusée à la fois d'assassinat et de persécution.

10 Pour citer le paragraphe 708 du jugement Kupreskic, les mêmes actes causant

11 la mort peuvent alors être constitutifs des deux crimes, s'il est prouvé

12 premièrement que l'assassinat en tant qu'acte de persécution répond aux

13 deux conditions d'intention discriminatoire et de pratique généralisée ou

14 systématique de la persécution. Deuxième condition que l'assassinat en tant

15 que crime contre l'humanité satisfait aux deux conditions du sacrifice

16 délibéré de la vie de civils innocents et de la pratique généralisée ou

17 systématique du meurtre de civils.

18 Dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a ainsi conclu

19 qu'un accusé peut être déclaré coupable sur le fondement du même

20 comportement à la fois pour persécution et pour assassinat.

21 L'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance dans le

22 jugement Kupreskic a conclu à juste titre que les persécutions et

23 l'assassinat constituent des crimes différents en droit international

24 humanitaire dans la mesure où chaque crime est composé d'un élément

25 nettement distinct. La Chambre de première instance, dans le jugement

Page 234

1 Krstic, a donc commis une erreur de droit en aboutissant à la conclusion

2 opposée et en ne déclarant pas le général Krstic coupable d'assassinat.

3 C'est la raison pour laquelle l'Accusation demande à la Chambre d'appel

4 d'annuler cette conclusion du jugement Krstic, de réviser le paragraphe 675

5 du jugement et de déclarer le général Krstic coupable cumulativement de

6 persécution et d'assassinat.

7 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumul de

8 déclarations de culpabilité aux persécutions et aux autres actes inhumains,

9 la Chambre de première instance, dans le jugement Krstic n'a pas déclaré le

10 général Krstic coupable d'autres actes inhumais dans la mesure où elle a

11 estimé que les autres actes inhumains ne présentent aucun élément nettement

12 distinct par rapport aux persécutions au paragraphe 676 du jugement Krstic.

13 L'Accusation a connaissance de l'arrêt Krnojelac dans lequel la Chambre

14 d'appel a estimé au paragraphe 188, que je cite : "Que le crime de

15 persécution pour acte inhumain englobe le crime contre l'humanité d'actes

16 inhumains rendant ainsi impossible les condamnations multiples sur la base

17 des mêmes faits."

18 L'Accusation a bien entendu également connaissance de l'arrêt Aleksovski

19 dans lequel la Chambre d'appel a considéré au paragraphe 107, que

20 l'interprétation correcte du statut, à la lumière de son texte et de son

21 but, porte à conclure que dans l'intérêt de la sécurité et de la

22 prévisibilité juridique, la Chambre d'appel doit suivre ses décisions

23 impérieuses et reste libre de s'en écarter si des raisons antérieures lui

24 paraissent recommandées dans l'intérêt de la justice.

25 Permettez-moi également de citer le paragraphe suivant, le paragraphe 108

Page 235

1 de l'arrêt Aleksovski :

2 "Parmi les situations où dans l'intérêt de la justice, des raisons

3 impérieuses commandent de s'écarter d'une décision antérieure, citons

4 l'exemple d'une décision prise sur la base de pratique juridique erronée ou

5 d'une décision rendue per incurium, c'est-à-dire tranchée à tord

6 généralement parce que le ou les Juges n'étaient pas bien au fait du droit

7 applicable."

8 Dans l'arrêt Krnojelac, l'Accusation relève que la Chambre d'appel a

9 examiné la question du cumul de déclarations de culpabilité entre

10 persécutions et autres actes inhumains de sa propre initiative. En d'autres

11 termes, les parties n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs arguments

12 relatifs à cette question dans leurs mémoires respectifs. Cette question

13 n'a pas non plus été discutée lors de l'audience d'appel. Donc elle n'a été

14 argumentée par les parties ni de manière écrite dans les mémoires des

15 parties ni oralement lors de l'audience d'appel. Dans ces conditions

16 l'Accusation constate que la Chambre d'appel ne peut pas être bien au fait

17 du droit applicable au sens du paragraphe 108 d'Aleksovski puisque les

18 parties n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs arguments relatifs à

19 cette question mais que la Chambre d'appel l'a tranché de sa propre

20 initiative. Par conséquent, l'Accusation a conclu que le paragraphe 188, de

21 la Krnojelac a été rendu per incurium toujours au sens du paragraphe 108,

22 de l'arrêt Aleksovski.

23 Dans l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a également énoncé au paragraphe

24 42 que je cite : Le raisonnement qui sous-tend un arrêt de la Chambre

25 d'appel doit être clairement expliqué. Un peu plus loin dans le même

Page 236

1 paragraphe la Chambre d'appel a indiqué qu'elle doit exposer de manière

2 suffisamment claire les motifs sur lesquels elle fonde son arrêt. Dans

3 l'arrêt Kunarac, l'Accusation relève également que la Chambre d'appel n'a

4 pas clairement expliqué le raisonnement ni exposé les motifs sur lesquels

5 elle a fondé sa conclusion du paragraphe 188 de la Krnojelac relatif à

6 cette question du cumul de déclaration de culpabilité entre les

7 persécutions et les autres actes inhumains. Par conséquent, le paragraphe

8 188 de Krnojelac n'est pas conforme aux exigences du paragraphe 42 de la

9 Kunarac. Dans ces conditions l'Accusation ne comprend pas le paragraphe 188

10 de la Krnojelac comme une décision finale qui entend régler définitivement

11 la question du cumul de déclaration de culpabilité entre les persécutions

12 et les autres actes inhumains. L'Accusation a conclu, que la Chambre

13 d'appel reste libre dans l'intérêt de la justice de s'écarter de sa

14 décision prise au paragraphe 188 de la Krnojelac et ce, en application du

15 paragraphe 108 de l'Aleksovski. Par conséquent, l'Accusation maintient son

16 motif d'appel relatif à cette question et présente maintenant à la Chambre

17 d'appel ses arguments relatifs à cette question.

18 L'Accusation fait bien entendu valoir que les autres actes inhumains et les

19 persécutions remplissent le critère posé par la Chambre d'appel dans

20 l'arrêt [sic] Delalic, dans le jugement Delalic. La Chambre de première

21 instance a considéré que les autres actes inhumains comprennent

22 exclusivement les actes et je cite le paragraphe 543 du jugement Delalic :

23 "Qui causent de graves souffrances mentales ou physiques ou constituent une

24 atteinte grave à la dignité humaine."

25 Cette conclusion du jugement Delalic est conforme à la jurisprudence des

Page 237

1 autres Chambres de première instance. Et notamment, au paragraphe 818 du

2 jugement Kupreskic et 728 à 764 du jugement Tadic : La souffrance mentale

3 ou physique ou l'atteinte grave à la dignité humaine caractérise donc les

4 autres actes inhumains. A l'inverse cette caractéristique n'est pas

5 juridiquement exigée pour les persécutions. L'Accusation en conclut donc

6 que les persécutions et les autres actes inhumains constituent des crimes

7 différents qui sont composés d'éléments nettement distants au sens de

8 l'arrêt Delalic. Les autres actes inhumains se distinguent des persécutions

9 puisqu'ils exigent la preuve que la victime a subi de graves souffrances

10 mentales ou physiques ou une atteinte grave à la dignité humaine. Une fois

11 de plus, le crime de persécution n'exige pas la preuve de cet élément.

12 L'Accusation a fait donc valoir que la Chambre de première instance, dans

13 le jugement Krstic, a commis une erreur de droit en ne déclarant pas le

14 général Krstic coupable d'autres actes inhumains. C'est la raison pour

15 laquelle l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler cette

16 conclusion de la Chambre de première instance relative à cette question,

17 réviser le paragraphe 675 du jugement et de déclarer le général Krstic

18 cumulativement coupable pour persécutions et pour d'autres actes inhumains.

19 L'Accusation fait également valoir que la distinction juridique entre les

20 persécutions et les autres crimes contre l'humanité n'est pas une question

21 purement technique. Cette question reflète des valeurs juridiques

22 fondamentalement différentes qui sont protégées par chaque disposition.

23 Dans l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a souligné au paragraphe 174 de

24 l'arrêt qu'il faut se garder d'une application mécanique ou aveugle des

25 principes. Dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a

Page 238

1 conclu au paragraphe 695 et 710 du jugement que le critère des valeurs

2 différentes protégées confirment et corroborent le résultat obtenu à

3 travers le critère des éléments nettement distants. L'Accusation remarque

4 également que la protection des différents intérêts publics a été reconnue

5 par Monsieur le Juge Shahabuddeen dans son opinion partiellement dissidente

6 annexée à l'arrêt Jelisic. Au paragraphe 42 de cette opinion, Monsieur le

7 Juge Shahabuddeen a déclaré que

8 "La pleine protection des différents intérêts publics reflétés dans les

9 éléments spécifiques d'un crime, exigent un cumul de déclaration de

10 culpabilité."

11 Le critère des différents intérêts publics représentent donc un critère

12 additionnel mais ne se substitut nullement au critère qui a été posé par la

13 Chambre d'appel dans l'arrêt de Delalic.

14 Tout d'abord, s'agissant des intérêts publics protégés par la

15 criminalisation des persécutions et de l'assassinat, la Chambre de première

16 instance a souligné à juste titre dans le jugement Kupreskic que :

17 "La prohibition des persécutions protège des intérêts publics différents,

18 de se protéger par la prohibition de l'assassinat."

19 Pour citer le paragraphe 709 du jugement Kupreskic. Il est clair que la

20 criminalisation de l'assassinat et des persécutions peuvent servir des

21 valeurs différentes. La prohibition de l'assassinat vise en effet à

22 empêcher le meurtre à grande échelle de civils innocents. Plus

23 généralement, elle entend sauvegarder la vie humaine en temps de conflits

24 armés. Pour sa part la prohibition des persécutions d'en mettre les civils

25 à l'abri des formes graves de discrimination. Elles disent donc réaffirmer

Page 239

1 le principe d'égalité entre groupes et êtres humains et en garantir le

2 respect. L'Accusation ne peut que se souscrire à cette analyse de la

3 Chambre de première instance dans le jugement Kupreskic et fait valoir que

4 la criminalisation des persécutions et de l'assassinat protège

5 effectivement des intérêts publics qui sont différents. La prohibition de

6 l'assassinat protège à l'encontre des atteintes définitives les plus

7 directes à l'existence humaine mettant la vie des victimes en cause. Il

8 protège ainsi finalement la valeur de la vie humaine et le respect du droit

9 à la vie.

10 S'agissant maintenant des intérêts publics différents qui sont protégés par

11 la criminalisation des persécutions et des autres actes inhumains, au

12 paragraphe 235, du jugement Blaskic, la Chambre de première instance a

13 considéré que les auteurs de persécution visent une personne humaine en

14 tant qu'appartenant à un groupe ou à une communauté. Les persécutions

15 concernent généralement et principalement la protection de l'identité des

16 groupes politiques, raciaux et religieux des attaques graves ainsi que la

17 liberté des êtres humains à s'identifier à ces groupes. De la même façon

18 que le groupe est l'objet de l'attaque, le groupe est également le sujet de

19 la protection juridique.

20 La prohibition des persécutions protège donc à l'encontre de la privation

21 discriminatoire du droit fondamental internationalement reconnu, vaste

22 catégorie qui comprend les droits sociaux, économiques et politiques, et

23 qui va bien au-delà des attaques contre l'intégrité corporelle et mentale.

24 A l'inverse la prohibition des autres actes inhumains protège précisément

25 l'intégrité physique et mentale ainsi que la dignité humaine de la personne

Page 240

1 en tant que telle et non en tant que membre d'un groupe, non en tant que

2 membre d'une communauté. Les autres actes inhumains protègent ainsi

3 l'atteinte à l'humanité et la dignité humaine de la victime. L'Accusation

4 en conclut que toute évidence les éléments distants qui composent chaque

5 crime sont fondés sur des intérêts publics qui sont également différents

6 pour chaque disposition.

7 Le cumul de déclaration de culpabilité contribue de manière importante à

8 faire que les différents intérêts publics que protègent les dispositions

9 statutaires. Au paragraphe 169 de l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a

10 reconnu que les déclarations de culpabilité permettent de rendre pleinement

11 compte de toute l'ampleur du comportement criminel de l'accusé. Faut-il

12 pour autant que la peine le reflète ? En d'autres termes, une peine plus

13 lourde doit-elle également être prononcée dès lors qu'un même comportement

14 vole plusieurs intérêts publics et donc plusieurs dispositions du statut ?

15 D'après une jurisprudence constante du Tribunal, tel n'est pas le cas. Le

16 cumul de déclarations de culpabilité n'entraîne pas automatiquement,

17 systématiquement à une peine plus lourde.

18 En l'espèce, l'erreur de droit qui a été commise par la Chambre de première

19 instance relative à cette question du cumul de déclarations de culpabilité,

20 a des conséquences sur la peine puisque l'Accusation demande que le général

21 Krstic soit déclaré coupable de quatre chefs d'accusation supplémentaires;

22 à savoir l'extermination, les persécutions, assassinat et autres actes

23 inhumains. Comme M. le Président l'a rappelé en introduction. Etant donné

24 que le même comportement criminel du général Krstic fonde le cumul de

25 déclarations de culpabilité, l'Accusation ne demande pas une augmentation

Page 241

1 de la peine prononcée à l'encontre du général Krstic sur le fondement du

2 cumul de déclarations de responsabilité au cas, bien entendu, où la Chambre

3 d'appel ferait droit au premier motif d'appel de l'Accusation. Cependant,

4 l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler, bien entendu, les

5 conclusions de la Chambre de première instance relatives au non cumul de

6 déclarations de culpabilité, et de déclarer le général Krstic coupable

7 d'extermination, de persécution, d'assassinat et d'autres actes inhumains.

8 Je me tiens maintenant à la disposition de la Chambre d'appel pour toute

9 question éventuelle.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mes collègues, Messieurs les Juges,

11 souhaitent-ils poser leurs questions à présent ou souhaitent-ils plutôt que

12 l'Accusation poursuive avec la présentation de ses arguments au sujet des

13 autres motifs d'appel, à savoir le prononcé de la peine ? Souhaitez-vous en

14 parler maintenant ?

15 M. TRACOL : L'Accusation est tout à fait disposée à passer au second motif

16 d'appel si la Chambre d'appel le souhaite, et si vous avez des questions à

17 poser, bien entendu, sur le premier motif d'appel, je pourrai y répondre

18 ultérieurement, après la présentation du motif d'appel relatif à la peine.

19 [La Chambre d'appel se concerte]

20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Personnellement je souhaite vous poser

21 quelques questions au sujet des déclarations de culpabilité cumulées, mais

22 tout d'abord nous vous demanderons de présenter vos arguments au sujet de

23 vos autres motifs d'appel, à savoir la question de la peine. Et par la

24 suite, je donnerai la parole à mes collègues les Juges afin de vous poser

25 des questions au sujet de l'ensemble de votre argumentation de ce matin.

Page 242

1 Donc nous vous invitons à poursuivre et à présenter les arguments au sujet

2 des autres motifs d'appel.

3 M. TRACOL : Très bien, Monsieur le Président. Je passe donc la parole à mon

4 collègue, Mathias Marcussen, qui va présenter le second motif d'appel de

5 l'Accusation relatif à la peine.

6 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de

7 m'avoir donné la parole. Comme mon collègue vient de le dire, je

8 m'exprimerais au sujet du deuxième motif d'appel de l'Accusation.

9 Le deuxième motif d'appel de l'Accusation contient une requête de

10 l'Accusation où elle demande qu'il y ait révision de la peine de 46 ans de

11 prison qui a été décidée à l'encontre de l'appelant et où l'Accusation

12 demande une peine de prison à vie.

13 Alors, l'essentiel du deuxième motif d'appel de l'Accusation repose sur une

14 constatation tout à fait simple, à savoir lorsqu'il s'agit d'un accusé qui

15 est condamné, qui est déclaré coupable en tant qu'auteur de 8000 meurtres,

16 transferts forcés, de 20 à 25 000 dans les circonstances où il a été -- où

17 ceci constituait une conséquence raisonnable et prévisible pour l'accusé, à

18 savoir qu'au moins des dizaines de personnes seraient tuées, seraient

19 violées, seraient passées à tabac et que par -- et que de surcroît l'accusé

20 a été déclaré avoir joué un rôle clé dans la perpétration de ces crimes, et

21 bien, une seule peine s'impose, à savoir aux termes de l'Article 101, "Une

22 peine de prison à vie".

23 L'Accusation non seulement n'est pas d'accord avec la peine qui a été

24 prononcée par la Chambre de première instance mais, qui plus est,

25 l'Accusation estime que la Chambre de première instance s'est fourvoyée de

Page 243

1 quatre manières que nous avons présentées par écrit dans notre mémoire

2 d'appel. La première sous catégorie de motifs -- de nos motifs d'appel, si

3 vous le souhaitez, concerne le fait que la Chambre de première instance est

4 sortie du cadre de son pouvoir discrétionnaire et que, de toute évidence,

5 elle a imposé une peine inadéquate à la lumière de la gravité des crimes

6 commis par l'appelant. Le deuxième motif consiste à dire que la Chambre de

7 première instance a erré lorsqu'elle n'a pas pris en considération les

8 peines imposées par le Tribunal de Rwanda dans des affaires comparables. En

9 troisième lieu, nous estimons que l'erreur a été faite lorsqu'il a été

10 considéré que l'appelant est moins coupable que d'autres personnes,

11 d'autres auteurs, identifiés ou non identifiés. Et enfin, la quatrième

12 catégorie consiste à dire que la Chambre de première instance s'était

13 fourvoyée lorsqu'elle a considéré qu'il n'y avait pas de préméditation de

14 la part de l'appelant.

15 Je vais à présent parler de ces quatre sous catégories, mais je n'entrerai

16 pas dans les détails de l'ensemble de notre mémoire d'appel. Il n'y a pas

17 lieu de le faire puisque vous en avez déjà pris connaissance. Tout

18 simplement, j'ajouterais quelques éléments au sujet de nos arguments déjà

19 présentés, en m'appuyant sur la jurisprudence la plus récente, et aussi la

20 jurisprudence du Tribunal du Rwanda. Donc les éléments nouveaux connus

21 depuis le moment où nous avons présenté notre mémoire d'appel.

22 Tout simplement, je tiens aussi à rappeler que je ne prendrai pas les

23 motifs d'appel dans le même ordre. A savoir, j'inverserai l'ordre des deux

24 dernières catégories.

25 Donc tout d'abord, permettez-moi de parler de la première sous catégorie de

Page 244

1 motif d'appel. Nous reconnaissons, bien entendu, que la Chambre de première

2 instance dispose de pouvoir discrétionnaire considérable lorsqu'elle est

3 appelée à prononcer la peine. Et l'Accusation reconnaît tout à fait qu'il

4 s'agit -- à la charge de démontrer que la Chambre de premier appel [sic]

5 est sortie du cadre

6 -- a outrepassé le cadre où son pouvoir discrétionnaire lui appartient,

7 donc revient à l'Accusation. Mais nous estimons qu'en effet ceci s'est

8 produit dans la détermination de la peine en l'espèce. Et comme je l'ai

9 déjà dit, au fonds donc pour l'essentiel, la peine, même si elle est

10 lourde, est de toute évidence inappropriée, inadéquate, à la lumière de la

11 gravité extrême des crimes qui ont été commis par l'appelant.

12 Et comme je l'ai déjà dit, nous avons ici un grand nombre de victimes. La

13 qualification juridique du comportement de l'accusé aux termes des crimes

14 qui ont été commis a incité à la Chambre de premier appel [sic] à prononcer

15 des peines pour des crimes les plus sérieux. On a déclaré l'appelant

16 coupable de génocide, d'assassinat -- je m'excuse, je suis trop rapide. Je

17 m'excuse auprès des interprètes…

18 Donc, il a été déclaré coupable du crime contre l'humanité, donc aux chefs

19 de persécutions commis à travers des assassinats, le traitement cruel, la

20 terreur entre la population civiles, le transfert forcé, la destruction de

21 la propriété personnelle. Et il a été déclaré coupable d'assassinat en tant

22 que violation ou plutôt en tant que violation des crimes -- les lois de la

23 guerre.

24 Alors il s'agit de crimes sérieux, mais deux d'entre eux sont

25 -- recouvrent un caractère tout particulièrement sérieux, à savoir, le

Page 245

1 crime de persécution a été reconnu en tant que crime particulièrement grave

2 puisque l'exigence de l'intention discriminatoire existe pour ce crime. Le

3 crime de génocide a été reconnu comme le crime des crimes. Et c'est

4 récemment la Chambre de première instance -- la Chambre d'appel dans

5 l'affaire de Rutaganda a souligné la gravité extrême de ce crime et sa

6 gravité intrinsèque. L'Accusation estime que lorsqu'un accusé a été déclaré

7 coupable soit de génocides, soit de persécutions, le Tribunal doit imposer

8 la sentence la plus grave, mais l'Accusation estime qu'il doit y avoir un

9 moyen d'imposer la peine la plus importante.

10 Et comme je l'ai déjà dit dès le départ en l'espèce, nous avons 20 à 25 000

11 Musulmans civiles qui constituent les victimes, il s'agit de leur transfert

12 forcé de Potocari. Des dizaines d'hommes ont été tués, des femmes ont été

13 violées, des quantités, des nombres importants de civiles ont été passés à

14 tabac à Potocari, sept à huit milles hommes Musulmans de Bosnie ont été

15 exécutés lors des massacres qui ont suivi ces événements.

16 L'appelant a joué un rôle clé dans ces crimes, ces crimes. Et bien la

17 Chambre de première instance a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement

18 de crimes à grande échelle, mais qu'il s'agissait aussi de crimes qui

19 étaient particulièrement graves. La Chambre de première instance a décrit

20 ces crimes qui ont suivi la chute de Srebrenica comme des crimes les plus

21 odieux commis en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale, des crimes de

22 guerre. La Chambre de première instance décrit les circonstances

23 terrifiantes qui régnaient à Potocari, lorsqu'il n'y avait ni nourritures,

24 ni eaux et la Chambre de première instance a fait mention au paragraphe

25 115, que les réfugiés civiles ont fait l'objet d'une campagne de terreur

Page 246

1 qui a compris des menaces, des insultes, des pillages, l'incendie des

2 maisons, des passages à tabac, des violes, des meurtres.

3 La Chambre de première instance a également relevé les conditions

4 terrifiantes dans lesquelles des hommes bosniaques ont été séparés mis de

5 côté dans ce groupe de civils à Potocari, étaient détenus dans la maison

6 blanche, appelé maison blanche. La Chambre de première instance a décrit le

7 bombardement de cette colonne de Musulmans de Bosnie qui ont essayé de

8 traverser la route, qui essayaient de s'enfuir de Srebrenica. Elle a décrit

9 la manière dont laquelle ces exécutions ont été menées, elle a parlé de

10 carnage qui a été orchestré de manière très minutieuse. Les exécutions se

11 sont produites d'une manière que la Chambre de première instance a décrite,

12 je cite : "Mal indescriptible, innommable", et elle en parle aussi en se

13 référant à la déposition d'Erdemovic lorsqu'il dit qu'il a demandé à

14 certains de ces bourreaux de ne pas utiliser les mitrailleuses, qu'ils ne

15 tueraient pas immédiatement les victimes et comment les autres victimes à

16 d'autres sites massacres gisaient par terre, n'étaient pas encore mortes et

17 comment on les a laissé agonisées.

18 Donc la Chambre de première instance a constaté non seulement que des

19 crimes de masse ont été commis, mais aussi que de nombreuses personnes ont

20 été exécutées de manière particulièrement cruelle. La Chambre de première

21 instance s'est servi des termes tels que : "Odieux", "disproportionnés"

22 "terrifiants", afin de décrire ces crimes. Nous estimons que pour ces

23 raisons là, déjà la peine la plus sévère devrait être prononcée à

24 l'encontre de la personne qui a été déclarée coupable d'avoir commis ces

25 crimes.

Page 247

1 Bien entendu, l'appelant n'a pas commis lui-même ces crimes, mais il a été

2 constaté -- il a été établi qu'il a été participant à deux entreprises

3 criminelles communes et il en ressort de la jurisprudence du Tribunal que

4 ceci doit avoir pour conséquence que la peine qui s'applique à lui c'est

5 celle qui doit s'appliquer à la personne qui a elle-même commis les crimes.

6 Le crime est de même gravité. Vous en avez parlé de manière plus

7 approfondie dans le jugement -- dans l'arrêt de la Chambre d'appel, dans

8 l'affaire Tadic au paragraphe 191 et 192.

9 Dans le jugement dans Stakic, Vasiljevic, et Krnojelac, les Chambres de

10 première instance ont insisté, sur le fait que si le crime est commis par

11 l'un de ces participants à l'entreprise criminelle commune, tous les

12 participants sont coupables au même titre quelque soit le rôle qu'ils ont

13 joué dans la perpétration du crime. Et la référence la plus récente serait

14 celle du paragraphe 435, dans l'affaire Stakic, des références pouvaient se

15 retrouver à cet endroit.

16 L'Accusation reconnaît aussi que lorsqu'il s'agit de la peine, la

17 participation effective de l'accusé doit être prise en considération. La

18 Chambre de première instance a constaté en l'espèce que l'appelant a joué

19 un rôle décisif, un rôle clé dans l'entreprise criminelle commune qui a

20 consisté aussi au transfert forcé et au génocide.

21 S'agissant du transfert forcé, la Chambre de première instance a constaté

22 qu'il a joué le rôle majeur dans l'organisation -- excusez-moi, je me

23 reprends -- "qu'il a joué le rôle principale dans l'organisation des

24 évacuations par autocars." Donc qu'il a fourni les moyens permettant le

25 transfert.

Page 248

1 Il a ordonné que 50 autocars soient fournis pendant la journée en question,

2 il s'est assuré de l'avancer de l'opération afin de savoir donc les

3 autocars étaient bien arrivés à Potocari. Et la Chambre de première

4 instance a établi qu'il a été présent à Potocari afin de surveiller le

5 transfert ensemble avec Mladic. La Chambre de première instance s'en est

6 arrivée à la conclusion, en se basant sur les éléments de preuve que

7 l'appelant a généralement supervisé l'opération du transport. Donc son

8 application dans l'opération du transfert de 20 à 25 000 civils de Potocari

9 a été telle que son rôle a été majeur.

10 Conformément aux conclusions de la Chambre de première instance, son rôle

11 dans l'opération d'assassinat a été génocidaire, a été également important,

12 sinon plus important puisque l'état major n'avait pas réellement de moyens

13 afin de commettre ces crimes. Donc l'état major n'a été qu'un noyau qui a

14 organisé les choses, c'est le rôle de l'appelant qui a été indispensable.

15 Dans les paragraphes 410 à 417, l'Accusation présente plus de détails au

16 sujet des parties pertinentes du jugement où le rôle joué par l'intimé dans

17 les exécutions est décrit par la Chambre de première instance. Et je me

18 propose de résumer ces conclusions. Lorsque l'intimé est devenu commandant

19 du corps de la Drina, il savait que des milliers de Musulmans avaient été

20 capturés dans ses zones de responsabilité, à partir de ce moment-là, il

21 savait que son personnel, son équipement, ces installations étaient

22 utilisées dans les opérations d'assassinat. La Chambre de première instance

23 constate en particulier, qu'il était au courant du fait que ces moyens ont

24 été utilisés pour tuer au moins 4 700 hommes musulmans. Il s'agit de

25 massacres qui ont été commis le 14 juillet, lorsque 1 000 personnes ont été

Page 249

1 tuées au barrage de Petkovic le 15 juillet, où 1 500 à 2 000 personnes ont

2 été tuées à la ferme de Branjevo, 1 000 à 1 200 personnes de tuées au

3 centre culturel de Pilica, 500 personnes tuées le 16 juillet, et deux sites

4 où des massacres moins importants ont été commis, à Kozluk notamment.

5 L'intimé était au courant de ces événements. Il était commandant du Corps

6 de la Drina, il n'a rien fait afin d'empêcher -- d'arrêter ces crimes dans

7 sa zone de responsabilité.

8 Le 15 juillet, il a été informé directement par Beara qu'il y avait encore

9 3 500 prisonniers qui n'avaient pas été exécutés, et Beara lui a demandé

10 d'apporter son assistance. L'intimé [sic] n'a pas refusé, en fait, il a dit

11 que certaines de ces unités pouvaient aider dans cette opération. Lorsqu'il

12 s'est trouvé qu'aucune n'était disponible, il a dit qu'il allait voir ce

13 qu'il allait pouvoir faire.

14 La Chambre de première instance a constaté, est arrivé à la conclusion

15 qu'il a en effet fourni des hommes -- qu'ils ont pris part à cette

16 opération. Je sais que nous allons entendre plus de débats à ce sujet

17 demain, mais la thèse de l'Accusation est qu'il a été impliqué à tous ces

18 crimes et que son rôle a été très significatif.

19 D'ailleurs, le 16 juillet il s'est assuré qu'il y ait du carburant pour les

20 transports, que la police militaire soit impliqué et qu'elle escorte les

21 prisonniers et il était impliqué aux assassinats sur l'affaire Branjevo qui

22 se sont produits le 16 à cette installation militaire. Il a été mis au

23 courant de ces événements par un de ses subordonnées directes, à savoir,

24 Popovic le 16, et Popovic a fait rapport à l'intimé le 17. Donc de toute

25 évidence, il a été mis au courant de ces crimes et il a continué à fournir

Page 250

1 ses hommes et son équipement pour qu'ils participent à ces opérations.

2 La Chambre de première instance en a conclus dans les derniers paragraphes

3 de son jugement, qu'il a pris part entièrement au plan criminel visant à

4 assassiner les hommes musulmans de Bosnie, et comme je l'ai dit la Chambre

5 de première instance a dit que son application -- sa participation dans la

6 commission de ces crimes a été de toute évidence indispensable.

7 L'Accusation avance que lorsqu'il s'agit de crimes aussi graves, lorsque

8 l'accusé est aussi sérieusement impliqué dans la commission des crimes

9 lorsque les crimes sont particulièrement odieux il n'y a qu'une seule peine

10 qui peut être prononcée, à savoir, la peine de prison à vie.

11 A présent, je souhaite présenter nos arguments au sujet de la jurisprudence

12 du Tribunal du Rwanda.

13 Et je voudrais dire que nous avons -- donc présenté ces arguments de notre

14 -- et dans notre mémoire écrit. Mais depuis, cinq jugements ont été

15 prononcés par ce Tribunal. Deux arrêts en appel pour Musema et Rutaganda.

16 Et ces jugements confirment -- ont confirmé les peines qui ont été

17 prononcés à l'encontre de Musema et Rutaganda, donc il ne change rien pour

18 ce qui est de la substance de notre thèse. Et je pense qu'il s'agit d'un

19 point important qu'il convenait de relever.

20 Alors trois jugements ont été prononcés par les Chambres de première

21 instance, il y a des accusés qui ont été considérés comme étant complices

22 et on a estimé que les circonstances aggravantes l'emportaient sur -- ne

23 l'emportaient pas sur les circonstances atténuantes. Personne n'a été

24 condamné à dix ans.

25 Un autre accusé a été condamné pour génocide et il a reçu une peine de 25

Page 251

1 ans. On a estimé, que les circonstances aggravantes l'emportaient sur les

2 circonstances atténuantes. Et on peut dire, que ce jugement a un impact sur

3 nos arguments présentés dans notre mémoire préalable à l'appel. Cependant,

4 cette personne n'a été reconnue coupable que de deux meurtres ou plutôt

5 deux assassinats dans le cadre du génocide, si bien, qu'on se saurait

6 comparer cette affaire à l'affaire de l'intimé. Semanza, quant à lui, a été

7 condamné pour un certain nombre de crimes, plusieurs crimes, dont notamment

8 le génocide, et pour ce crime il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement

9 -- pour complicité de génocide. Et étant donné, qu'il a été reconnu

10 coupable de complicité de génocide, la Chambre de première instance a

11 estimé qu'il convenait de prononcer une peine moins lourde, cette affaire

12 n'a pas d'impact important sur les arguments que nous avons présentés dans

13 notre mémoire.

14 Enfin, dans une autre affaire -- une autre affaire dont il a été jugé

15 récemment, la personne a été condamnée -- reconnue coupable de génocide.

16 Condamné à la prison à vie.

17 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que le conseil de la Défense prononce

18 des noms Rwandais d'une façon qui malheureusement est incompréhensible. On

19 se référa à la version en anglais pour trouver ces noms.

20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Toutes ces affaires qui récemment ont été

21 jugées en première instance se sont frappées d'appel.

22 Pour toutes les raisons qui figurent également dans notre mémoire

23 préalablement à l'appel, nous estimons que la Chambre de première instance

24 s'est fourvoyée quant elle n'a pas tenue compte des peines prononcées par

25 le Tribunal du Rwanda. Nous estimons que la pratique en matière de peine a

Page 252

1 un intérêt pour notre Tribunal, parce que, bien que, les crimes dont

2 traitent le Tribunal du Rwanda se soient passés dans des circonstances

3 complètement différentes, il s'agit toujours de crimes contre l'humanité,

4 de crimes de génocide. Et la pratique du Rwanda en matière de peine est

5 importante pour nous. On voit que c'est important pour nous surtout quand

6 les personnes concernées c'étaient des hauts responsables et qu'ils étaient

7 impliquées dans des affaires de génocide, on voit que toutes ces personnes

8 généralement ou la plupart de ces personnes ont été condamnées à des peines

9 extrêmement lourdes.

10 Donc nous estimons que si la Chambre de première instance avait tenu compte

11 de ce qui se passe au Tribunal du Rwanda, elle aurait prononcé une peine

12 d'emprisonnement à vie à l'encontre du général Krstic.

13 Je vais maintenant passer à notre quatrième moyen, tel qu'il est développé

14 dans notre mémoire, il s'agit de mon troisième point. Il s'agit de ce qui

15 figure au paragraphe 712 du jugement. La Chambre de première instance

16 convient avec l'Accusation que la préméditation doit dans l'abstrait être

17 considérée comme une circonstance aggravante et dit :

18 "Le général Krstic n'ayant pas été d'ambler associé au procès génocidaire

19 conçue par le général Mladic et par d'autres, la Chambre estime qu'elle ne

20 peut être en l'espèce -- que la théorie ne peut être en l'espèce considéré

21 comme une circonstance aggravante." Nous estimons que la Chambre de

22 première instance en l'espèce s'est fourvoyée.

23 La jurisprudence montre que s'il y a planification des crimes, à ce moment-

24 là, il faut considérer qu'il y a préméditation et considérer cela comme une

25 circonstance aggravante. Dans l'affaire Celebici, la Chambre de première

Page 253

1 instance a estimé "qu'une personne ayant commis un acte de sang-froid avec

2 préméditation, doit être condamnée plus lourdement."

3 La TPIR a défini la préméditation liée au meurtre comme l'intention de tuer

4 après un moment de réflexion. Dans le dictionnaire Black juridique, il est

5 précisé que "La préméditation c'est le destin de commettre un crime avec un

6 moment de réflexion." Dans notre mémoire d'appel, paragraphe 4117 et 4118,

7 nous faisons référence à des systèmes juridiques s'agissant de la

8 préméditation en tant que plan pour commettre un meurtre.

9 Nous estimons qu'il est suffisant que l'accusé ait connaissance de ce plan,

10 qu'il l'adopte et qu'il exécute. Il n'est pas nécessaire que l'accusé

11 conçoive lui-même ou elle-même ce plan. Nous donnons quelques exemples dans

12 notre mémoire, la Reine contre Brown au Canada et ceci est aussi mentionné

13 au paragraphe 4112 dans notre mémoire d'appel.

14 Exemples de préméditation dans la jurisprudence de notre Tribunal, nous

15 pouvons citer notamment la destruction d'une mosquée et ceci n'aurait pu

16 être que le fait d'un expert qui savait exactement où placer les explosifs,

17 Blaskic, paragraphe 421 où une attaque terroriste dirigée sur un camion,

18 attaque préméditée parce qu'il aurait été nécessaire de disposer des

19 quantités considérables d'explosifs, organiser le déplacement des véhicules

20 piégés et de savoir où le placer. Une fois de plus, ceci se trouve dans

21 Blaskic au paragraphe 405 [sic]. Dans l'affaire Celebici, il a été décidé

22 que lorsque l'accusé infligeait des brûlures à un détenu, c'était

23 nécessairement quelque chose de préméditée. Toujours dans l'affaire

24 Celebici, lorsqu'un accusé dit que quelqu'un ne doit pas rester en vie, là

25 aussi, c'est un acte de préméditation.

Page 254

1 Dans son mémoire, en réplique l'intimé laisse entendre que la préméditation

2 englobe nécessairement l'élément de génocide en tant que crimes contre

3 l'humanité et dès lors, ne peut pas être une circonstance aggravante lors

4 de la commission d'un tel crime. Pour sa part, l'Accusation rejette cet

5 argument et renvoie à l'affaire Serushago du TPIR où il est considéré que

6 l'interprétation est une circonstance aggravante et qui est pris en compte

7 lorsqu'on condamne cette personne pour crimes contre l'humanité et

8 génocide, sentence qui a été corroborée et maintenue par la Chambre

9 d'appel.

10 Vu les principes juridiques que je viens d'esquisser, l'Accusation pense

11 que la Chambre s'est fourvoyée à deux titres : Tout d'abord, elle n'a

12 examiné la préméditation dans le cadre de l'entreprise criminelle commune

13 que pour la commission du génocide mais ne s'est pas demandée s'il y avait

14 préméditation par rapport à Potocari. Deuxième erreur, elle n'a pas tenue

15 compte de ses conclusions précédentes pour ce qui est de déterminer les

16 circonstances dans lesquelles se sont déroulés l'acte génocidaire. Elle n'a

17 pas tiré les conclusions de droit qui s'imposaient, à savoir qu'il y avait

18 responsabilité vu la préméditation.

19 Pour ce qui est de Potocari, l'Accusation fait valoir que les éléments que

20 j'ai déjà décrits, à savoir que tout au long de la journée, les bus ont été

21 organisés et que ceux-ci, en soit, constituent une préméditation. Il est

22 manifeste que l'intimé aurait eu le temps de réfléchir à ce qu'il faisait.

23 De fait, il a réfléchi à la façon dont il fallait exécuter ce crime et voir

24 comment ses subordonnés devaient agir. Il a pris des mesures, il a

25 surveillé l'exécution de ses mesures. De l'avis de l'Accusation, ces actes

Page 255

1 ne sauraient être qualifiés que d'une façon, à savoir, celle de la

2 préméditation.

3 S'agissant de l'exécution des Musulmans de Bosnie, je vous ai déjà décrit

4 la façon dont l'intimé a grandement participé à l'exécution de ces crimes

5 pendant toute la durée de ces exécutions. Il était commandant du Corps de

6 la Drina, fin d'après-midi début de soirée du 13 juillet, à partir de ce

7 moment, il était informé de ce qui se passait et il a autorisé

8 l'utilisation de ses effectifs. On lui a demandé des éléments, il les a

9 fournis. On ne peut tirer qu'une seule conclusion aux yeux de l'Accusation,

10 à savoir, celle-ci, il a participé au plan qui visait à l'exécution de ces

11 hommes. Il était au courant de son existence. Il a participé à ce plan et

12 je le dis depuis le début, ceci en tant que tel, constitue déjà une notion

13 de préméditation. Mais chacun de ces actes et chaque fois qu'il a contribué

14 à l'exécution de ce plan, il aurait eu le temps, largement le temps de

15 réfléchir à ce qu'il faisait. Il a décidé d'exécuter ce plan, de le suivre.

16 Il a décidé de prêter assistance et aux yeux de l'Accusation, ceci

17 constitue une préméditation.

18 Ce sont là les motifs, Messieurs les Juges, qui nous pousse à dire que la

19 Chambre s'est fourvoyée lorsqu'elle n'a pas considéré comme circonstance

20 aggravante en l'espèce la préméditation. Nous faisons également valoir que

21 si le Chambre de première instance avait utilisé cette circonstance

22 aggravante, une seule conclusion s'imposait à elle. Si l'on ajoutait cette

23 circonstance aggravante à toutes celles qui avaient été retenues par la

24 Chambre de première instance et si on tenait compte de l'ampleur de

25 l'infraction, du caractère odieux de celle-ci et la participation de

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1 l'accusé, à ce moment-là, une seule conclusion s'imposait à la Chambre de

2 première instance, à savoir, la réclusion à perpétuité, la prison à vie.

3 Ne serait-ce que pour ces raisons-là, la Chambre est exhortée à réviser la

4 peine imposée à l'intimé.

5 Enfin, j'en arrive au troisième moyen d'appel.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Marcussen, je pense qu'il faut

7 tenir compte de la pause. Les interprètes en ont besoin. Il vous faudra

8 combien de temps pour terminer ?

9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cinq minutes.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les interprètes sont prêts à

11 poursuivre.

12 Cinq minutes de plus.

13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci. Et je m'excuse auprès des

14 interprètes.

15 En bref, l'Accusation fait valoir qu'au paragraphe 724, la Chambre de

16 première instance s'est fourvoyée en faisant une comparaison entre la

17 participation de l'intimé et la participation de Mladic et d'autres

18 personnes qu'ils ne sont pas nommés et qui ont aussi participé à ces

19 crimes. De l'avis de l'Accusation, même si la Chambre de première instance

20 estime qu'il y a un principe d'échelonnement de la peine dont il faut tenir

21 compte, il y a un moment où vu la gravité des crimes, il faut ne plus

22 penser en étapes. Il suffit de voir le comportement de l'accusé,

23 comportement suffisamment important, ces crimes étant suffisamment graves,

24 il n'y a qu'un peine qui s'impose, comme je le disais, peu importe s'il y a

25 d'autres qui ont participé à ces crimes dont on pourrait dire qu'ils ont

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1 une responsabilité morale ou légale ou juridique supérieur, ceci importe

2 peu.

3 Il faut tenir compte de l'ampleur des crimes, de leur caractère odieux et

4 de la lourde participation de l'intimé. Et ce sont d'ailleurs là les

5 constatations, les conclusions de la Chambre de première instance. J'ai

6 tendance à le répéter et je vais succomber à cette tentation. La Chambre de

7 première instance a déclaré que l'intimé était indispensable pour que soit

8 commis le génocide. Sans lui, ces crimes n'auraient pas été commis. Il

9 était la clé de ces crimes à Potocari parce que c'est lui qui a organisé

10 l'arrivé de ces véhicules. Sans lui, il n'y aurait pas pu y avoir de

11 transferts forcés.

12 L'Accusation, je le répète, reconnaît ce que ceci signifie. Il y a d'autres

13 personnes qui étaient peut-être encore plus impliquées, qui auraient la

14 même peine que celle imposée à l'intimé mais ceci n'est pas quelque chose

15 d'inconnu en droit pénal. En fait, dans des systèmes nationaux, un accusé

16 peut être déclaré coupable de cinq meurtres. Il va écoper de la peine la

17 plus lourde et l'accusé déclaré coupable du crime de 15, 10 ou 100

18 personnes pareil. Mais ici nous avons un cas où la peine la plus lourde est

19 la seule appropriée. Vous avez 7 000 personnes qui ont été assassinées, 25

20 000 transférées de force, des dizaines de personnes tuées, violées,

21 brutalisées. Des conséquences prévisibles de ce plan qui avaient été mis en

22 place, destinées à effectuer ce transfert forcé existaient. L'intimé était

23 un pion important dans l'exécution de ces crimes, et il doit recevoir la

24 peine la plus lourde.

25 Voilà je pense que j'en ai terminé. Les interprètes méritent bien leur

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1 pause. Je terminerai ma réquisition en disant ceci. Nous pensons qu'il

2 revient à la Chambre d'appel, d'imposer une peine de réclusion à perpétuité

3 à l'intimé. Nous demandons une peine minimale de 30 ans. Voilà je voudrais

4 en terminer pour ce qui est de l'appel de l'Accusation, mais j'attendrai

5 pour se faire que soit terminée la pause.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

7 Je vais vous expliquer ce que nous allons faire maintenant. Nous allons

8 faire une pause de 30 minutes. En d'autres termes, nous reprendrons nous

9 reprendrons à 11 heures 50. A ce moment-là, ce sont d'abord les Juges qui

10 poseront des questions. Puis nous nous retournerons vers la Défense qui va

11 commencer sa réplique.

12 Pause de 30 minutes.

13 --- L'audience est suspendue à 11 heures 20.

14 --- L'audience est reprise à 11 heures 51.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris ? Est-ce

16 que l'Accusation a demandé la parole ?

17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, effectivement. Merci beaucoup. Je

18 souhaiterais, avec l'indulgence de la Chambre, pouvoir ajouter un petit

19 point à mes arguments. Il est possible que j'aie oublié un élément que je

20 voulais vous présenter.

21 Je souhaitais simplement vous dire que, si la Chambre d'appel accepte en

22 tant qu'éléments de preuve fiables certains des éléments qui ont ajoutés au

23 dossier d'appel, et si la Chambre de première instance [sic] en arrive à la

24 conclusion que ces éléments de preuve modifient la nature ou le niveau de

25 responsabilité et de participation dans le crime de l'intimé, nous estimons

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1 que ces éléments de preuve peuvent aussi avoir un impact sur la peine. Je

2 souhaitais simplement souligner cet élément, mais je ne vais pas présenter

3 d'arguments sur la manière dont ceci pourrait avoir un impact sur la peine.

4 Ces éléments vont être présentés demain et vous allez en tenir compte sans

5 doute au moment-là de la peine. En fait, de toute façon, c'est ce que nous

6 espérons.

7 Merci.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen. Nous sommes

9 prêts maintenant à laisser la parole aux Juges pour leur permettre de poser

10 des questions.

11 Et si mes collègues en sont d'accord --

12 Questions de la Cour :

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai une question au sujet de la peine.

14 Donc c'est à M. Marcussen que je vais m'adresser. Ensuite, après, nous

15 verrons si d'autres Juges souhaitent vous interroger au sujet de la peine,

16 puis nous passerons au cumul des déclarations de culpabilité, le premier

17 motif d'appel.

18 Dans le cadre de votre mémoire, vous avez demandé à la Chambre d'appel de

19 prononcer une peine de réclusion à perpétuité avec peine incompressible de

20 30 ans, en tenant compte du fait qu'il est possible que M. Krstic bénéficie

21 d'une mise en liberté anticipée. Vous souviendrez que la Chambre de

22 première instance ait condamné à une peine de prison de 46 ans. Mais si on

23 suppose qu'il a droit à une libération anticipée, après avoir, comme s'est

24 de l'usage, purgé les deux tiers de sa peine, cela signifie que, si l'on

25 prend la peine qui a été prononcée par la Chambre de première instance, il

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1 devrait purger une peine minimum de 30 ans ou d'un peu plus de 30 ans.

2 Monsieur Marcussen, veuillez, dans ces conditions, me dire quelle est la

3 différence concrète entre ce que vous demandez à l'appel et la peine qui

4 effectivement a été prononcée par la Chambre de première instance, parce

5 que finalement, il finirait par purger à peu près la même peine.

6 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci. Nous interjetons appel de la peine.

7 Nous demandons la réclusion à perpétuité, car nous estimons que c'est là la

8 seule peine appropriée. Et suivant l'endroit où l'intimé purge sa peine, et

9 suivant la manière dont il la purge, il est possible qu'il purge sa peine

10 jusqu'à la fin de ses jours. Mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent

11 en compte, notamment le pays dans lequel l'intimé va purger sa peine. Ça

12 dépendra des recommandations faites par ce pays, recommandations selon

13 lesquelles il devrait être libéré de manière anticipée éventuellement. Tout

14 ceci dépend de l'endroit où il ira purger sa peine, et nous ignorons quel

15 pays ce sera pour l'instant. Mais en demandant une peine de prison à vie,

16 nous demandons essentiellement, et en premier lieu, que l'intimé purge sa

17 peine -- cette peine jusqu'à la fin de ses jours -- passe le reste de son

18 existence en prison. Et pour nous assurer qu'il purge une peine minimum,

19 nous demandons une peine incompressible de 30 ans. Cependant, nous

20 demandons également une augmentation de la peine.

21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen. Est-ce que

22 mes confrères, mes collègues, souhaitent également poser une question au

23 sujet de la peine ?

24 Monsieur le Juge Shahabuddeen.

25 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Marcussen, si j'ai bien

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1 compris, vous nous dites qu'en principe il est difficile d'envisager une

2 affaire où la peine de prison à vie serait plus appropriée qu'en l'espèce,

3 si l'on maintient la déclaration de culpabilité. Est-ce bien cela la teneur

4 de votre argument ?

5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui.

6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pouvez-vous me dire, peut-être

7 aurais-je dû le lire quelque part, je m'excuse si je n'ai pas fait mes

8 devoirs, j'aurais peut-être pu trouver cela dans des documents, mais est-ce

9 qu'au Tribunal on s'est interrogé déjà sur la légalité de l'action d'une

10 Chambre qui recommanderait une peine incompressible ?

11 Aux termes du Statut et de l'Article 27, plus particulièrement, il est

12 prévu que : "La peine d'emprisonnement est soumise aux règles nationales de

13 l'état concerné, sous le contrôle du Tribunal international." Est-ce que

14 cela veut dire que si un condamné est envoyé dans un état donné, sous le

15 coup d'une peine d'emprisonnement à vie, l'état en question a le droit de

16 déterminer le moment à partir duquel il pourra bénéficier d'une libération

17 anticipée, sous réserve bien entendu, sous le contrôle du Tribunal

18 international ? Est-ce qu'il n'y a pas un conflit ici entre ce que vous

19 nous dites et ce qui est écrit dans le statut ? Je n'ai pas une idée bien

20 arrêtée sur la question, et je serais intéressé de savoir vos vues.

21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y a deux cas où des peines minimums ont

22 été imposées par la Chambre; dans Tadic en premier lieu, et ceci a été

23 confirmé par la Chambre d'appel, et récemment la même chose s'est produite

24 dans Stakic. Mais votre question est une question d'ordre pratique,

25 concrète : Comment est-ce que ça fonctionne quand la personne condamnée est

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1 envoyée dans un pays donné pour y purger sa peine ? Qu'est-ce qui se passe

2 à ce moment-là ?

3 Bien, je vous répondrai la chose suivante : Je pense que cette peine

4 minimum, cette peine incompressible, devrait être respectée par l'état où

5 la personne concernée va purger sa peine. Si l'état dans lequel la personne

6 purgera la peine ne prévoit pas cette possibilité, ne prévoit pas la

7 possibilité d'une peine incompressible de 30 ans pour des raisons

8 juridiques du fait de sa législation nationale, à ce moment-là, l'état en

9 question devra refusé d'accueillir le condamné pour qu'il purge dans ces

10 geôles. Voilà la réponse que je peux vous faire.

11 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je remercie le Juge Shahabuddeen.

13 Nous allons maintenant parler du cumul des déclarations de culpabilité.

14 Monsieur le Juge Shahabuddeen, vous souhaitiez intervenir à ce sujet.

15 Commençons par vous.

16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Tracol, excusez-moi

17 d'avoir mal prononcé votre nom. Je m'attache à cette partie-là de vos

18 arguments qui portaient sur la question de savoir s'il est possible d'avoir

19 cumul de déclarations de culpabilité pour ce qui est de l'assassinat et de

20 la persécution. Je sais que vous avez parlé d'autres choses également. Les

21 critères ont été établis dans des affaires antérieures. Si je comprends ces

22 critères, ils sont de la nature suivante : Le critère c'est de savoir si

23 une infraction est englobée dans d'autres infractions et ceci est fonction

24 de la question de savoir si l'infraction A contient un élément que ne

25 détient pas l'infraction B, ou que l'infraction B a un élément constitutif

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1 qu'on ne retrouve pas dans l'infraction A.

2 Article 5(h) du statut en matière de persécutions, je m'interroge pourrait-

3 on dire que cette disposition du statut -- fait référence à d'autres actes.

4 Dans une certaine mesure, à certaines infractions, certains actes qui

5 équivalent à la persécution. Si c'est le cas, voilà la situation qui se

6 présente à nous : Le Procureur a le choix. Il peut faire référence à la

7 conduite aux comportements en question, soit en faisant référence aux actes

8 concernés ou en faisant référence à la qualification juridique de ces

9 actes. En état, je vois que cet homme est accusé -- notamment au chef

10 d'accusation 6, paragraphe 31 de l'acte d'accusation, il est accusé du

11 crime de persécution, en rapport avec A, nous avons l'assassinat de

12 milliers de Musulmans de Bosnie, et ainsi de suite. J'ai donc l'impression

13 qu'on pourrait formuler la question de la façon suivante : Vu la façon dont

14 est formulé l'acte d'accusation, si l'on veut établir un certain chef, le

15 chef de persécution, est-ce qu'il faut prouver chacun des éléments

16 constitutifs du crime de meurtre au sujet duquel, qui est en référence avec

17 la persécution alléguée dans l'acte d'accusation, la conclusion est donc

18 celle-ci : Si on déclare cet homme coupable de persécution, on aura aussi

19 prouvé chacun des éléments constitutifs du crime de meurtres,

20 d'assassinats, en référence auxquels on affirme qu'il y a eu persécution ?

21 Si c'est exact, est-ce qu'il reste un élément constitutif quelconque du

22 crime d'assassinats qui n'aurait pas été englobé dans le chef d'accusation

23 de persécution ?

24 M. TRACOL : Monsieur le Juge, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

25 comme Monsieur le Juge Shahabuddeen l'a énoncé, le critère est

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1 effectivement celui des éléments nettement distincts de chaque crime dans

2 le statut. La jurisprudence du Tribunal - et l'Accusation a adopté de ce

3 point de vue, une position tout à fait conforme à la jurisprudence du

4 Tribunal - a toujours été de prendre en compte les crimes en tant que tels

5 et non la forme spécifique que prennent ces crimes pour appliquer le

6 critère relatif au cumul de responsabilités. S'agissant des deux crimes en

7 question - de persécution et l'assassinat - la Chambre d'appel doit donc

8 appliquer le critère relatif au cumul de responsabilités à ces persécutions

9 et à l'assassinat, mais non pas prendre en compte la forme avec lequel le

10 crime de persécution a été énoncé dans l'acte d'accusation. Comme vous

11 l'avez souligné, Monsieur le Juge Shahabuddeen, le chef 6 de l'acte

12 d'accusation prend effectivement une différente forme. L'assassinat est

13 l'un deux, mais ce n'est pas la seule forme que prenne les persécutions. Et

14 il en va de même dans toute la jurisprudence du Tribunal. Les persécutions

15 ne sont pas seulement un assassinat plus une intention discriminatoire, un

16 élément moral discriminatoire de la part de l'auteur des persécutions.

17 Vous avez également fait référence à la preuve des éléments constitutifs de

18 chaque crime. Je pense que c'est une question qui est distincte de

19 l'application du critère relatif au cumul de déclaration de culpabilité.

20 Certes, si la forme que prennent les différentes persécutions sont

21 notamment l'assassinat, l'Accusation devra prouver qu'il y a bien eu

22 assassinat en l'espèce. Mais ce n'est pas la façon dans la jurisprudence du

23 Tribunal, et également dans l'Accusation conçoit l'application de ce

24 critère. J'espère avoir répondu à vos questions. Si tel n'est pas le cas,

25 je me tiens à vos dispositions pour une réponse supplémentaire.

Page 265

1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Monsieur Tracol. Vous

2 m'avez aidé. Mais je pensais à ceci : Paragraphe 29 de ce même chef

3 d'accusation de l'acte d'accusation, il est fait référence à un certain

4 paragraphe antérieur, précédent, celui-ci dans l'acte d'accusation - 11,

5 22 jusqu'à 26 - et si vous examinez ces paragraphes, ils font clairement

6 référence à des exécutions. Vous le voyez au paragraphe 22, au 23, au 24,

7 au 24.6 [sic] et ainsi de suite, et ceci jusqu'au paragraphe 26. Je pensais

8 donc à ceci : Pourrait-on faire valoir que l'acte d'accusation en matière

9 de persécution a été construit de façon à ce qu'il fasse référence non

10 seulement à la conduite, au comportement physique pour ainsi dire de

11 l'accusé, mais aussi au fait qu'il aurait commis un assassinat eu égard à

12 ces nombreuses exécutions, et en prix de diverses formes, ce qui veut dire

13 que l'assassinat serait absorbé, englobé dans la persécution et on ferait

14 partie intégrale. Est-ce qu'il resterait par conséquent un seul élément

15 constitutif d'assassinat qui ne serait pas compris dans le chef

16 d'accusation de persécution ?

17 M. TRACOL : Monsieur le Juge, ma réponse sera simple et peut-être même

18 simpliste. Le bureau du Procureur a choisi d'accuser le général Krstic pour

19 persécution, prenant notamment la forme d'assassinat et également pour

20 assassinat en tant que crime contre l'humanité. Si le bureau du Procureur

21 avait eu l'intention d'englober cet assassinat dans un crime plus large de

22 persécution, il n'aurait en ce cas pas ajouter en chef d'accusation séparé

23 d'assassinat, mais aurait simplement mentionné l'assassinat comme l'une des

24 nombreuses formes que prend le chef d'accusation de persécution. Mais ce

25 n'est pas la position du bureau du Procureur, étant donné que les éléments

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1 sont, d'après le bureau du Procureur, distincts pour les persécutions et

2 pour l'assassinat. D'ailleurs, les persécutions peuvent certes prendre la

3 forme d'un autre crime contre l'humanité; par exemple, l'assassinat comme

4 dans le cas d'espèce, mais également peuvent ne pas prendre la forme d'un

5 assassinat du tout. Les persécutions peuvent également prendre la forme

6 d'un crime qui n'est pas spécifiquement énuméré dans le statut. Je pense,

7 par exemple, aux sévices. Cela prouve bien que les éléments constitutifs de

8 ces deux infractions sont nettement distincts.

9 Une fois de plus, j'espère avoir répondu à votre question.

10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Une dernière chose, et j'essai

11 simplement de m'instruire sur la nature de votre thèse. Je ne vous soumets

12 pas de position déjà établie à l'avance. Est-ce que j'aurais le droit de

13 comprendre votre réponse comme étant celle-ci : Indépendamment de

14 l'assassinat, il n'est pas accusé du meurtre simplicitaire [sic] mais

15 d'assassinat en tant que crime contre l'humanité, et ceci englobe les

16 éléments constitutifs du crime contre l'humanité qui ne sont pas

17 nécessairement compris dans la persécution ? Mais est-ce que la persécution

18 en tant que telle est un crime contre l'humanité ?

19 M. TRACOL : Monsieur le Juge, pour répondre à votre question, cela demande

20 presque de remonter à la volonté de législateur, le législateur étant ce

21 cas de figure, le conseil de Sécurité. Le Tribunal doit simplement

22 appliquer le statut et ces différentes dispositions. Le fait que l'Article

23 5, relatif aux crimes contre l'humanité, comporte les persécutions avec un

24 élément discriminatoire, effectivement très clair dans l'énoncé du statut à

25 l'Article 5(h).

Page 267

1 Le statut comporte également, parmi ces crimes contre l'humanité, la

2 mention de l'assassinat. L'interprétation du bureau du Procureur est qu'en

3 incriminant ces deux infractions, le conseil de Sécurité, donc le

4 législateur en l'espèce, a souhaité protéger différents intérêts publics et

5 a souhaité également le refléter dans la criminalisation des comportements

6 de l'accusé. C'est la raison pour laquelle le Tribunal doit maintenant

7 appliquer le statut, et je pense effectivement, une fois de plus, que les

8 éléments de ces deux infractions sont distincts. Une fois de plus,

9 l'assassinat comporte la mort de la victime. Les persécutions n'appliquent

10 pas forcément une mort de victime, n'impliquent pas forcément un

11 assassinat.

12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Je vous remercie, Monsieur

13 Tracol. Je vous remercie infiniment.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Juge

15 Shahabuddeen.

16 Avant de poser mes questions, suite à l'échange qui vient d'avoir lieu, je

17 voudrais dire ceci : Effectivement, l'intention de législateur c'est un

18 point cardinal de nos travaux; mais l'intention de législateur n'est pas

19 toujours si claire que ça. Et ceci explique pourquoi le Tribunal doit

20 interprété l'intention de législateur, et le Tribunal l'a fait en

21 développant une jurisprudence très complexe et très sophistiquée en matière

22 du cumul de déclaration de culpabilité. Donc je pense que l'intention de

23 législateur n'est pas toujours si utile que cela.

24 Mais, j'aimerais toujours sur cette question des cumuls de déclarations de

25 culpabilité, j'aimerais aborder un autre aspect pour ce qui est de mettre

Page 268

1 en tandem des infractions. Il y a ici la question de génocide et

2 d'extermination. Je vous saurais gré de déclarer ma lanterne. Comment peut-

3 on définir l'actus reus de génocide en établissant une comparaison avec

4 l'actus reus de l'extermination. Le statut décrit les actes prohibés, comme

5 le fait de tuer des membres d'un groupe. Vous savez, ici on parle de

6 certains groupes protégés. Mais lorsqu'on parle de "membres," est-ce qu'on

7 prévoit un nombre minimum de personnes qu'on doit assassiner pour qu'il ait

8 génocide ? Est-ce qu'il y a un seuil numérique qui est établi, et comment

9 pourrait-on comparer ceci avec l'actus reus de l'extermination ? Ça sera ma

10 première question.

11 M. TRACOL : Messieurs les Juges, tout d'abord en ce qui concerne l'élément

12 matériel de génocide, il y a plusieurs façons dans le statut, à la lecture

13 du statut et de l'Article 4, de commettre le génocide. Le meurtre est l'une

14 de ces façons de commettre le génocide, et ce n'est certainement pas à la

15 lecture du statut et peut-être donc dans le point de vue strictement

16 théorique, la seule façon de commettre un génocide. Le statut prévoit

17 également, par exemple, d'essayer qu'une personne essaie d'avoir des

18 conséquences sur la naissance de membre d'un groupe, excusez-moi, j'ai

19 oublié le libellé exact du statut de ce point de vue que je reprends. Des

20 mesures visant à entraver les naissances au sein d'un groupe par exemple,

21 c'est là --

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vais vous aider. Ma question portait

23 uniquement sur le paragraphe 2(a) de l'Article 4, à savoir, le fait de tuer

24 des membres du groupe. Inutile de compliquer davantage la question en

25 abordant les autres facettes de l'Article 4, au paragraphe 2.

Page 269

1 M. TRACOL : Effectivement, j'avais certainement mal interprété votre

2 question en ce cas.

3 Alors en ce qui concerne le génocide qui est commis par le meurtre, le

4 Tribunal, et notamment la Chambre d'appel, a déjà se réglé cette question

5 dans l'affaire Jelisic. Il ressort de l'affaire Jelisic, tant du jugement

6 que de l'arrêt de la Chambre d'appel, que le meurtre d'une seule victime

7 est suffisant pour constituer un génocide, à partir du moment où l'accusé a

8 l'élément moral de voir détruire en tout au partie un groupe protégé.

9 C'est une différence assez essentielle avec l'extermination, dont l'élément

10 matériel A comporte également un élément je dirais contextuel. Puisque

11 d'après la jurisprudence tant de ce Tribunal que du Tribunal pour le

12 Rwanda, le meurtre doit être commis dans le contexte d'un crime de masse.

13 Je dis bien dans le contexte ce qui ne veut pas dire qu'une personne

14 accusée d'extermination doit nécessairement elle-même avoir commis des

15 meurtres vis-à-vis d'un grand nombre de victimes. On peut tout à fait

16 imaginer qu'un accusé tue une seule victime dans le cadre d'un contexte

17 global de meurtre de masse, et qu'une Chambre puisse le qualifier

18 juridiquement d'extermination. Mais en tout état de cause, il faut un

19 meurtre dans les deux cas, figure d'au moins une victime tant d'après

20 l'affaire Jelisic du Tribunal pour le génocide que pour l'extermination

21 même si ce meurtre unique en théorie au moins, doit avoir lieu dans le

22 contexte d'un crime de masse.

23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pourriez-vous étoffer votre propos pour

24 ce qui est du contexte de crime de masse pour l'extermination. Quel serait

25 l'élément requis pour qu'un seul meurtre ou assassinat soit considéré comme

Page 270

1 étant une partie d'une extermination ?

2 M. TRACOL : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je

3 pense que tout dépend du mode de commission de l'infraction. Notamment avec

4 l'application, au moins dans ce Tribunal, de l'entreprise criminelle

5 commune, un accusé peut tout à fait être associé à une entreprise

6 criminelle commune qui vise à commettre un génocide, ou une extermination

7 en tuant des victimes sans pour autant lui-même tuer un grand nombre de

8 personnes. Néanmoins l'accusé se verra associé à d'autres auteurs du

9 génocide ou de l'extermination.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Une dernière

11 question. Si vous examinez les pages 240 et 241 et surtout la note de bas

12 de page 1455 du jugement de la Chambre de première instance, on parle là de

13 règlement de la Cour pénale internationale où on décrit le génocide comme

14 étant une conduite prohibée qui je cite : "s'est déroulée dans le contexte

15 d'un schéma systématique de comportement similaire." Ceci nous le savons

16 bien n'est pas entré dans le statut de la Chambre de première instance,

17 s'est déclaré dans le document appelé élément de crime adopté par la

18 commission préparatoire à la CPI. Pensez-vous que cette définition que je

19 viens de lire, qui figure dans le document élément de crime, reflète le

20 droit international coutumier au moment où M. Krstic a eu le comportement

21 qui lui est imputé ? Si ce n'est pas le cas, est-ce qu'il serait adéquat

22 que nous nous fassions nôtre cette déclaration qui figure dans les éléments

23 du crime de la CIP.

24 M. TRACOL : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation

25 considère effectivement que la Chambre de première instance a commis une

Page 271

1 erreur en accordant autant d'importance et surtout en accordant la valeur

2 juridique qu'elle a accordé au statut de Rome dans le jugement. Le statut

3 de Rome qui a mis en place les Cours pénales internationales permet

4 effectivement de déterminer l'opinion juriste des états au moment où le

5 statut de Rome a été adopté, c'est-à-dire en 1998. Au moins deux Chambres

6 de première instance, dans la jurisprudence jusqu'à présent, ont conclu que

7 le statut de Rome n'a pas en tant que tel valeur de droit international

8 coutumier. Et je me réfère spécifiquement au paragraphe 227 du jugement

9 Furundzija et à la note de bas de page 1210 du jugement Kunarac.

10 Je l'ai indiqué tout à l'heure le statut de Rome a été adopté en 1998, soit

11 après les crimes qui ont été commis par le général Krstic à Srebrenica en

12 1995. On ne peut pas donc raisonnablement considérer que le statut de Rome

13 fait partie intégrante du droit international, qui était en vigueur en

14 1995. Je le répète l'Accusation fait valoir que la Chambre de première

15 instance a commis une erreur dans sa définition de l'extermination dans la

16 conclusion du paragraphe notamment 502 du jugement.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

18 Monsieur Juge Guney vous avez la parole.

19 M. LE JUGE GUNEY : Je veux vous permettre de préciser vos idées. Le statut

20 de Rome est l'œuvre du développement progressif ainsi que la codification

21 de droit international coutumier. Donc en ce qui concerne les dispositions

22 de -- qui font l'objet du développement progressif, bien sûr le statut

23 n'est pas partie intégrante du droit international coutumier, mais pour ce

24 qui est la partie où les dispositions, en ce qui concerne le développement

25 progressif du droit, il fait partie du droit international coutumier. Il

Page 272

1 fait partie intégrante. Merci.

2 M. TRACOL : Monsieur le Juge Guney merci de me permettre de préciser la

3 position de l'Accusation sur -- à ce sujet. Le statut Rome fait certes

4 partie du droit international depuis son adoption en 1998, mais en ce qui

5 concerne sa valeur de droit international coutumier, je ne pense pas qu'il

6 puisse être appliqué rétroactivement au cas de l'espèce et des crimes qui

7 ont été commis en 1995. Certes le statut de Rome peut permettre de guider

8 les Chambres dans l'application du droit international humanitaire. Certes

9 il représente une avancée en droit pénal international mais le statut de

10 Rome reste pour autant inapplicable au Tribunal. Il peut être appliqué bien

11 entendu à la Cour pénale internationale mais en ce qui concerne le

12 Tribunal, le statut de Rome peut seulement servir de guide mais pas

13 rétroactivement à des faits commis en 1998 alors qu'il a été adopté en

14 1995, -- alors que son adoption date de 1998.

15 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

16 M. TRACOL : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Farrell souhaite

17 prendre la parole sur cette question.

18 M. FARRELL : [interprétation] Désolé de vous interrompre mais la question

19 de l'interprétation du statut de Rome et de sa pertinence par rapport au

20 droit coutumier international, c'est une des questions qui surgit de la

21 question que vous posez Monsieur le Président.

22 La question précise qui se pose est de savoir si le contexte est le schéma

23 de comportement est nécessaire en vertu du droit international coutumier,

24 j'en parlerais demain. Mais ceci est dans le contexte aussi de la CPI c'est

25 un point que j'aborderais demain peut-être lorsque je parlerais du

Page 273

1 génocide. Je ne sais pas si ceci vous aide, Messieurs les Juges.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie M. Farrell et ceci

3 convient tout à fait aux Juges. Vous pourrez relever cette question demain.

4 Je vous serai gré d'avoir précisé que j'ai posé une question très concrète,

5 elle ne portait pas sur le statut de la CPI de façon générale, elle portait

6 sur une décision bien précise, celle qui est donnée du génocide où on dit

7 qu'il faut qu'il y ait un schéma systématique de comportement similaire.

8 Et nous avons même précisé ce libellé. Nous disons que ce libellé précis ne

9 figure pas dans le statut de la CPI mais dans le document intitulé élément

10 de crime, adopté par la commission préparatoire à la CPI, avant l'adoption

11 du statut -- après l'adoption du parti. Voilà je voulais que ceci soit tiré

12 au clair.

13 Enfin nous allons maintenant nous tourner vers l'avocat de la Défense. Les

14 Juges savent pertinemment que vous allez commencer beaucoup plus tard que

15 le moment qui avait été prévu. Je peux vous garantir que nous allons

16 réajuster nos prévisions en conséquence. Cet après-midi, je vous donnerai

17 davantage de précisions pour ce qui est du calendrier précis s'agissant des

18 soumissions des parties. Veuillez commencer, Maître Sepenuk, vous nous

19 donnerez votre réplique d'abord. Et vous avez maintenant 45 minutes, ce qui

20 nous mènera à 13 heures 15, moment où nous ferons la pause du déjeuner. Je

21 vous remercie.

22 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

23 merci de me donner la parole.

24 Soit dit en passant, j'ai le sentiment que j'aurai terminé d'ici à 13

25 heures 15. Bien sûr ceci ne tient pas compte des questions que vous voudrez

Page 274

1 me poser. En tout cas, ma présentation formelle sera terminée d'ici là.

2 Mais commençons si vous le voulez bien et si vous me le permettez, par la

3 question de la peine. Au début, M. Marcussen, au moment où il a commencé

4 son intervention, je pense bien le citer en disant ceci. Il a déclaré que

5 "Lorsque vous avez l'assassinat de sept à huit mille Musulmans de Bosnie,

6 associé à la déportation ou au transfert forcé de 25 000 hommes âgés, de

7 femmes, d'enfants, associés aux crimes prévisibles qui allaient se

8 commettre à Potocari, les 12 et 13 juillet 1995. Et là je cite de nouveau,

9 M. Marcussen, "C'est là une thèse simple, et il sera facile à la Chambre de

10 décider que le seul remède vu ce concours de circonstances, est la

11 réclusion à perpétuité."

12 Et M. Marcussen a répété cet argument lorsqu'il a parlé de la culpabilité

13 relative. On ne peut pas voir simplement la culpabilité du général Mladic.

14 Il a dit : "Voilà, il y a une échelle. Et l'échelle de gravité, elle doit

15 être écartée." J'espère bien le citer en disant que "cette échelle de

16 gravité doit être écartée lorsqu'on a un crime aussi odieux que celui-ci."

17 A mon avis, la Chambre de première instance, dans un de ses paragraphes a

18 répondu à ce qu'avançait manifestement M. Marcussen, paragraphe 700. La

19 Chambre a dit ceci : "Le génocide englobe un concept odieux effectivement.

20 Mais il faut voir la multitude de situations qui peut se trouver dans ces

21 confins, où on ne peut pas parler plus d'une punition monolithique pour un

22 seul crime, ou d'appliquer une même peine pour tous les génocides ou pour

23 tous les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre." Ceci semble

24 marquer du point du bon sens. Mais M. Marcussen était assez absolu

25 aujourd'hui. Pourtant moi, je pense que c'est là précisément l'essentiel du

Page 275

1 jugement porté par la Chambre de première instance. Elle essayait de porter

2 un jugement après avoir entendu bon nombre de témoins, après avoir reçu

3 énormément d'éléments de preuve.

4 Et je pense que c'était tout à fait sage de la part de la Chambre de

5 première instance de dire qu'il serait erroné de faire une comparaison

6 abstraite s'agissant de la gravité des crimes. Ce qu'a fait la Chambre de

7 première instance bien sûr, nous pensons qu'elle s'est trompée à certains

8 égards. Mais ici en l'occurrence, elle a fait l'évaluation de tous les

9 moyens de preuve pour parvenir à un jugement raisonné s'agissant de la

10 gravité de la peine.

11 A notre avis, contrairement à ce qu'affirme l'Accusation, nous estimons que

12 la conduite du général Krstic en l'espèce, se situe vraiment à l'extrémité

13 de cette échelle de culpabilité. Nous estimons que les trois catégories de

14 crimes qui sont concernés ici, montrent qu'il n'y avait pas de

15 préméditation de sa part, et montrent qu'il n'était pas indispensable à la

16 perpétration de l'un quelconque de ces crimes. Et je me permets de rentrer

17 plus en détails quant à ces trois catégories de crimes.

18 Nous parlons ici tout d'abord du transfert forcé. Nous parlons des crimes à

19 Potocari. Et nous allons également nous référer aux meurtres, aux

20 assassinats des hommes musulmans de Bosnie.

21 Alors commençons par le transfert forcé. Il n'y a pas de preuves que le

22 général Krstic a pris part à l'organisation de cela. Ce n'était pas son

23 intention. Il ne l'a pas planifié. Il s'est simplement trouvé sur place. Le

24 12 juillet 1995, lorsque la réunion a eu lieu à l'hôtel Fontana, les Juges

25 se rappelleront cela de la déposition de M. Deronjic. Et bien, M. Deronjic

Page 276

1 est arrivé à la réunion, et il a dit : "Il y a trois possibilités, trois

2 options quant au sort des civils. Ils peuvent partir. Ils peuvent rester,

3 ou bien ils peuvent se rendre dans un autre pays." Bien entendu, cette

4 troisième variante, cette troisième possibilité n'était pas très pratique.

5 Alors M. Deronjic a dit que ce n'était qu'un écran de fumée, et nous le

6 savons à présent. Mais M. Deronjic a été entendu à plusieurs reprises avant

7 cela. Et vous vous rappellerez que nous avons essayé de verser ses

8 déclarations en application de l'Article 115. Et nous avons également dit

9 qu'il s'agissait là d'une infraction à l'Article 68 de la part de

10 l'Accusation, puisqu'il ne nous a pas communiqué cela. Parce que compte

11 tenu des entretiens, ceci semblait plutôt être un transfert volontaire. Et

12 nous estimons que l'Accusation a commis une erreur en ne nous communiquant

13 pas ces déclarations. Du moins si vous acceptez ce que M. Deronjic a dit,

14 les citoyens avaient une possibilité de choisir entre rester ou partir.

15 Quoiqu'il en soit, en application, nous n'avons eu satisfaction quant à

16 notre requête en application de l'Article 115. Mais ce que je souhaite

17 dire, c'est que nous sommes tous prêts à admettre qu'il s'agissait d'un

18 écran de fumée. Et nous ne contestons pas cela en l'espèce, puisqu'il a été

19 interrompu par le général Mladic pour la raison que vous connaissez. Le

20 général Mladic a dit quelque chose signifiant, "Vous pouvez choisir, soit

21 vous serez morts, soit partez." Donc telle a été la situation à ce moment-

22 là.

23 Alors peut-on attribuer cela au général Krstic ? Non. Le général Krstic --

24 y a-t-il un seul élément de preuve montrant que le général Krstic savait

25 qu'il s'agissait là d'un écran de fumée. Y a-t-il des éléments de preuve

Page 277

1 montrant que d'une manière quelconque il a partagé cette rigidité, cette

2 cruauté du général Mladic ? Et la réponse est encore négative.

3 Donc qu'a fait le général Krstic ? Il a pris part à l'opération des

4 autocars. Il a organisé en effet les autocars. Mais était-ce indispensable,

5 et à quel point il s'agissait d'une opération technique. Et bien, il

6 n'était pas à ce moment-là le commandant du corps d'armée.

7 Il était adjoint au commandant. Et j'avance que n'importe qui aurait pu

8 organiser ces bus. Il s'agissait simplement d'un point technique. Compte

9 tenu des circonstances, la seule réaction humainement naturelle, était

10 d'organiser ces bus, de les procurer. Si les civils se trouvaient

11 effectivement face à la mort; et bien s'ils ne partaient pas, la première

12 chose qu'il fallait faire c'était de les écarter de là-bas, de les mettre à

13 l'abri. Et le général Krstic, ce que nous savons à présent, a dit : "Soyez

14 certains que pas un cheveu ne manque -- ne leur manque, qu'on ne leur fasse

15 aucun mal." Et ceci a été cohérent compte tenu de l'attitude humanitaire

16 qu'il a eu, dont il a fait preuve tout au long de sa vie. Et je ne veux pas

17 répéter ce que nous avons déjà dit là-dessus. Nous l'avons écrit dans nos

18 mémoires. Pendant toute sa vie, à l'égard des Musulmans de Bosnie, à

19 l'égard de qui que ce soit d'autres, il n'a jamais fait preuve d'une

20 attitude contraire. "Et plus tard au cours de l'opération de Zepa, il a été

21 tellement préoccupé par cet aspect, qu'il a dit que si qui que ce soit

22 empêchait le transfert pacifique de Zepa, et bien que ces personnes

23 seraient tuées." Il ne voulait que rien se mette en travers -- empêche que

24 l'on assume la sécurité de ces civils.

25 Encore une fois donc, le général Krstic a été impliqué dans cette affaire

Page 278

1 au dernier moment, à partir du moment qu'il est devenu évident que le

2 général Mladic avait l'intention de mettre en place un transfert forcé.

3 Donc c'est vrai que le général Krstic l'a appris à ce moment-là. Il a pris

4 part à cela. Mais tout ce qu'il a fait, c'était de s'assurer qu'il y a un

5 transfert sûr et pacifique des civils. Et je pense que cela montre que sa

6 culpabilité se situe vraiment au bas de cette échelle de responsabilité.

7 Les crimes de Potocari, ça c'est le deuxième sujet qui nous intéresse. Il y

8 a eu des crimes, il y eu des actes violents tels que viols, passages à

9 tabac, destruction de la propriété, le 12, le 13 juillet 1995, lorsque les

10 civils ont été réunis à cet endroit, et nous avons abordé cela en détail

11 dans nos écritures. Il est tout à fait clair que la Chambre de première

12 instance en a conclu qu'il n'y a pratiquement aucun élément de preuve

13 montrant que les membres du Corps de la Drina ont pris part à l'un

14 quelconque de ces meurtres et de ces passages à tabac, violences. Donc il

15 n'y avait simplement un petit fragment d'élément de preuve au sujet duquel

16 il me semble que la Chambre de première instance a dit qu'elle ne l'a pas

17 pris en compte, qu'il n'avait pas de poids. Et ces crimes ont été commis

18 par des groupes paramilitaires et par d'autres groupes qui se sont rendus

19 dans cette zone et non par les membres du Corps de la Drina. Et vous vous

20 rappelez la lettre que M. Petrusic a montré à M. Deronjic l'autre jour et

21 cela, pendant l'audience de l'autre jour. Il s'agit de la lettre du 9

22 juillet 1995, écrite par le général Tolimir, où il cite les instructions

23 données par le président Karadzic et demandant que les civils soient

24 traités d'une manière correcte. Enfin la lettre va dans ce sens-là et qu'il

25 ne fallait pas détruire leurs biens. Il s'agit de la pièce à conviction du

Page 279

1 bureau du Procureur 432, de l'affaire Krstic. La population civile devrait

2 se voir réserver un traitement correct, ainsi que les prisonniers de guerre

3 qui devaient être traités conformément aux dispositions de la convention de

4 Genève.

5 Donc pourquoi a-t-on condamné le général Krstic pour des crimes commis à

6 Potocari ? Il a été condamné parce qu'on a constaté qu'il a été membre

7 d'une entreprise criminelle commune visant à transférer de force des

8 civils, et ceci est le cas. Conformément au statut du Tribunal, les

9 meurtres ou les actes violents sont une conséquence prévisible du fait que

10 quelqu'un est membre d'une entreprise criminelle commune et ceci est

11 suffisant, conformément au statut du Tribunal pour condamner quelqu'un.

12 D'un point de vue de l'intimé, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

13 il s'agit d'une norme très difficile -- d'un critère difficile de

14 responsabilités pénales, et je reconnais qu'il s'agit d'un critère appliqué

15 par ce Tribunal. Mais le général Krstic a été condamné de ces crimes, non

16 parce qu'il a pris part à ces crimes, il a dit : "Ne touchez pas aux

17 civils." Il a dit tout ce qu'il a pu. Il l'a annoncé à plusieurs occasions.

18 Il a dit que personne ne devait subir un tort quel qu'il soit. Et nous

19 avons présenté cela dans notre mémoire. Même Erdemovic, qui est l'un de ces

20 assassins -- l'un des personnes qui ont commis des exécutions à la ferme de

21 Branjevo, est venue déposer et a dit : "Qu'à Potocari, pendant cette

22 période, le 12, le 13 juillet, on leur a dit de ne pas toucher aux civils."

23 Mais ces civils ont, en fait, l'objet de violence. Et encore une fois, le

24 général Krstic a fait tout ce qu'il a pu afin de s'assurer qu'un traitement

25 correct leur a été réservé.

Page 280

1 Et vous savez qu'il n'a pas été le commandant du corps pendant cette

2 période. Il a été adjoint au commandant les 12 et 13 juillet 1995. Et aussi

3 il s'est efforcé d'agir de manière correcte. Donc, ces efforts, afin qu'il

4 ne se produise rien de mal, montrent qu'il n'y avait pas de mauvaise

5 intention de sa part. La seule intention mauvaise, si l'on peut le

6 qualifier de tel, est le fait qu'il a pris part à une entreprise criminelle

7 commune consistant à transférer des civils, mais c'est tout.

8 Et, enfin, passons à un troisième domaine de responsabilités -- de

9 culpabilité, à savoir, les assassinats des hommes musulmans de Bosnie. Et

10 bien, ils se sont produits entre le 13 et le 19 juillet 1995. Le fait est

11 que le général Krstic n'était pas le commandant du corps, du moins jusqu'au

12 13 juillet. Nous acceptons les conclusions de la Chambre là-dessus. Notre

13 thèse était différente pendant le procès. Comme vous le savez, nous

14 avancions qu'il n'est devenu le commandant du corps que le 20, mais,

15 acceptant les conclusions de la Chambre de première instance, il est

16 devenu, de fait, le commandant du corps le 13 juillet, et de droit cela ne

17 s'est produit que le 15 juillet.

18 Alors, il n'est pas contesté que, dans la soirée du 11 juillet, le général

19 Krstic a été nommé par le général Mladic, chargé par le général Mladic de

20 l'aspect militaire de l'opération de Zepa. Il a fallu qu'il mette sur pied

21 un nouveau poste de commandement là-bas et, à partir de ce moment-là, à

22 partir de la soirée du 11, à l'exception d'une ou deux heures où il s'est

23 trouvé à Potocari, le 12, il a été plus ou moins, de manière continue, au

24 poste de commandement de Zepa. Et là, je cite les conclusions de la Chambre

25 de première instance là-dessus. Vous vous rappellerez que, lorsque le

Page 281

1 général Krstic a été appelé, on l'a appelé pour lui dire à quel point la

2 situation était affreuse, la situation qui a résulté donc de la fuite des

3 hommes musulmans de Bosnie, cette colonne d'hommes et le combat acharné qui

4 s'est produit sur place. Et à en juger d'après les déclarations de

5 M. Obrenovic, le général Krstic apparemment n'était pas au courant de ce

6 qui se passait. Il ne savait réellement pas ce qui était en train de se

7 produire.

8 Alors, nous ne sommes pas en train d'avancer qu'il ignorait totalement ce

9 qui était en train de se dérouler, mais il n'était certainement pas au

10 courant de tous les détails. Et comme l'a conclu la Chambre de première

11 instance, il était très pris par la situation de Zepa. Encore une fois, je

12 vais aborder cela plus en détail cet après-midi et demain, mais les seuls

13 éléments de preuve directs de sa participation à l'opération, c'est qu'il y

14 a eu une conversation -- c'est la conversation par téléphone le 15 juillet

15 entre lui et le colonel Beara -- et vous pouvez en déduire de manière tout

16 à fait légitime que le général Krstic était au courant du fait qu'on était

17 en train d'assassiner des gens. Il n'était pas au courant d'un plan

18 génocidaire. Il savait qu'on était en train de tuer des gens. Et nous

19 sommes en train d'avancer qu'il n'a jamais rien à faire afin de mener à

20 bien cette entreprise. Il n'a pas participé à ces entreprises dans ce sens-

21 là. Et lorsque M. Marcussen a dit qu'il a pris part, nous avançons qu'il

22 n'a certainement jamais rien fait afin d'aider et encourager ces

23 exécutions. Et comme je l'ai dit, il n'était pas au courant des

24 assassinats. Il n'a jamais fait part de ce plan visant à assassiner des

25 gens. Et je ne pense pas qu'il était indispensable d'une manière quelle

Page 282

1 qu'elle soit à cette troisième opération. Alors, voyons maintenant ce qui

2 est du Corps de la Drina, s'agissant des effectifs du corps qui ont été

3 utilisés. Il n'y a pas d'éléments de preuve montrant que le général Krstic

4 a jamais eu recours à ces effets, à son équipement ou le personnel. Il n'y

5 a pas de preuve montrant que ces éléments aient été indispensables, mais

6 pas le général Krstic.

7 Donc nous en avons dit beaucoup plus dans notre mémoire. M. Marcussen n'a

8 pas beaucoup parlé du Tribunal du Rwanda. Je vais peut-être aller un peu

9 plus dans les détails au sujet des affaires du Rwanda. Alors, nous avons un

10 génocide prouvé au Rwanda, où 800 000 personnes ont été assassinées. Un

11 grand nombre d'accusés ont été condamnés à des peines parce qu'ils ont,

12 effectivement, personnellement, pris part à des assassinats. La situation

13 qui nous intéresse ici est tout à fait différente.

14 Alors, permettez-moi, à présent, de parler de la question des peines

15 cumulatives et, après avoir entendu mon éminent collègue de l'Accusation,

16 après avoir entendu les questions de la Chambre, en toute franchise -- et

17 là je parle au nom de M. Petrusic aussi -- je dois dire que nous

18 connaissons beaucoup moins bien cet aspect. Nous ne pouvons pas comparer

19 notre maîtrise du sujet à celle des éminents membres de la Chambre. Alors,

20 il y a ici un aspect pratique pour ce qui est du général Krstic.

21 L'Accusation ne demande pas une aggravation de la peine. Il s'agit d'une

22 peine unique de 46 ans de prison qui a été prononcée après mûr examen de la

23 part de la Chambre de première instance. Si la Chambre d'appel confirme

24 cette peine ou une partie du jugement qui a été prononcé, nous demanderions

25 -- nous vous demandions de ne pas porter préjudice au général Krstic, que

Page 283

1 la peine qu'il aura à purger soit la même qu'il aurait eu à purger

2 conformément au jugement de la Chambre de première instance.

3 Il y a eu une peine unique, fondée sur une conduite sur une brève période,

4 et nous estimons que cette peine unique a été tout à fait appropriée. Nous

5 ne sommes certainement pas d'accord avec la durée de la peine de prison, et

6 encore une fois, nous en avons parlé dans notre mémoire. Je vous réfère à

7 ce que nous avons dit dans notre texte.

8 Alors, un seul autre point que je souhaite aborder au sujet du cumul des

9 peines : l'arrêt Musema était en français pendant très longtemps, si bien

10 que ça n'a pas posé de problèmes à nos éminents collègues de l'Accusation,

11 mais à nous, oui. Maintenant, ce document est en anglais. Nous en avons

12 pris connaissance et nous avons également bien pris note. Je pense qu'il

13 est possible que la Chambre décide de prononcer une déclaration de

14 culpabilité pour extermination et génocide. Il semble que cela puisse

15 découler de Musema. Là non plus, nous n'avons pas toute la connaissance --

16 la connaissance approfondie de l'Accusation à ce sujet, mais, en lisant

17 Musema, nous pensons que l'Accusation a, effectivement, un argument que

18 nous avons bien entendu, s'agissant toujours du cumul des déclarations de

19 culpabilité.

20 Nous pensons que la Chambre pourrait essayer d'arriver à trouver une

21 résolution pratique de la question. Nous l'avons abordé dans notre mémoire

22 préalable à l'appel, et nous nous y tenons.

23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk.

24 Est-ce que vous avez des questions ou est-ce qu'on les laisse pour après la

25 pause ?

Page 284

1 [La Chambre d'appel se concerte]

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Après la pause.

3 Pas de commentaires de l'Accusation pour l'instant. Je regarde l'horloge,

4 je regarde notre ordre du jour.

5 [La Chambre d'appel se concerte]

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk, d'avoir été

7 aussi bref. Ça nous a fait gagner du temps. Donc suspension d'audience

8 jusqu'à 14 heures 45.

9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 51.

10 --- L'audience est reprise à 14 heures 48.

11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

12 Nous allons maintenant écouter la réponse de l'Accusation. Vingt minutes

13 ont été prévues. Et si j'ai bien compris, vous n'aurez pas forcément besoin

14 de tout ce temps mais je vous donne la parole et on va voir comme ça se

15 passe.

16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le

17 Président, Messieurs les Juges. Je ne vais pas revenir sur un certain

18 nombre de points qui a été évoqué par l'intimé. J'estime que cela n'est pas

19 nécessaire puisque dans notre mémoire nous avons traité de la plupart de

20 ces questions. Si bien que je vais me concentrer sur une question en

21 particulier -- un volet en particulier de la réponse de l'intimé. Là, nous

22 estimons qu'il est nécessaire pour nous de répondre à l'appui des arguments

23 de l'intimé selon laquelle il convient de ne pas augmenter la peine.

24 L'intimé s'est appuyé sur un certain nombre d'arguments d'ordre factuel.

25 Or, par là, il ne répond pas directement au motif d'appel de l'Accusation.

Page 285

1 Mais comme l'intimé s'est appuyé sur un certain nombre de faits pour

2 plaider que l'on ne devrait pas augmenter la peine, nous estimons qu'il est

3 nécessaire d'apporter un certain nombre d'éclaircissements au sujet des

4 conclusions tirées par la Chambre de première instance, s'agissant des

5 faits qu'il a présenté à l'appui de ces arguments.

6 Je ne suis nullement en train de traiter des intentions que n'a pas

7 l'intimé mais je voudrais reprendre notre interprétation du jugement sur un

8 certain nombre de questions, quatre ou cinq questions qui ont été évoquées

9 par l'intimé.

10 L'intimé en premier lieu, a déclaré, en parlant des faits, qu'il n'avait

11 pas connaissance des crimes qui étaient commis à Potocari. Et de manière

12 plus générale même, il n'avait pas connaissance des crimes qui ont été

13 commis après la chute de Srebrenica. L'Accusation fait valoir que les

14 conclusions sur les faits de la Chambre de première instance montrent le

15 contraire. L'intimé a planifié l'attaque de Srebrenica. Ce faisant, il a

16 déclaré dans sa déposition, page 2163 à 2165, qu'il avait connaissance de

17 ce plan, qu'il l'avait préparé suite à directive numéro 1, délivrée par

18 Karadzic en mars 1995.

19 Au paragraphe 28 du jugement, on retrouve une partie de la directive numéro

20 1, je vais me contenter d'en citer une seule

21 phrase :

22 "La directive prévoit que par des actions de combats planifiées et bien

23 conçues, il faut créer un climat d'insécurité totale et une situation

24 insupportable et sans espoir de survie pour la population de Srebrenica."

25 Préparant le plan d'attaques de Srebrenica, l'intimé avait connaissance de

Page 286

1 cette directive et le plan consistait à mettre en œuvre cette directive. Il

2 était en charge de l'opération de Srebrenica et la Chambre de première

3 instance, au paragraphe 335, a conclu que ce n'était pas un participant

4 ordinaire à cette opération. La Chambre a conclu qu'il a pu voir, le 10 et

5 le 11, le pilonnage de Srebrenica, et que ces deux journées de pilonnage

6 avaient pour objectifs de terroriser la population civile et de la faire

7 fuir de Srebrenica. Ça, on le trouve au paragraphe 125.

8 Le lendemain, le pilonnage avait pris fin, le 11, l'intimé se trouvait au

9 côté du général Mladic au centre de la ville de Srebrenica. Lorsque le

10 général Mladic a dit que le moment était enfin venu de se venger de la

11 population.Nous estimons que ceci montre que l'intimé avait connaissance du

12 plan en question.

13 Au paragraphe 337 :

14 "La Chambre de première instance a conclu que le général Krstic était

15 pleinement au courant des -- parfaitement conscient de ce que les

16 bombardements de Srebrenica feraient fuir des dizaines de milliers civils

17 musulmans de la ville vers la petite localité de Potocari."

18 Il devait savoir qu'inévitablement les besoins fondamentaux, hébergements,

19 vivres ou médicaments excéderaient de loin les capacités de la localité. De

20 surcroît, la Chambre de première instance conclut que le général Krstic

21 était pleinement au courant des objectifs territoriaux poursuivis par la

22 VRS dans l'enclave de Srebrenica qui comprenait notamment l'expulsion de la

23 population musulmane de Bosnie. Voici les faits qui forment le contexte

24 dans lequel se sont ensuite produits les crimes que nous savons. Et

25 l'intimé, la Chambre de première instance l'a conclu, l'intimé était

Page 287

1 conscient de tout ce qui se passait.

2 Nous estimons donc que sur la base de ces simples faits, l'argument de

3 l'intimé ne répond pas lorsqu'il n'a pas raison -- lorsqu'il répond à nos

4 arguments que l'intimé ne savait pas ce qui se passait. Ceci n'a pas lieu

5 d'être. Je ne vais pas cependant répéter tous nos arguments qui figurent

6 dans notre mémoire.

7 Il y a d'autres éléments, en effet, qui montrent qu'il était au courant de

8 la campagne génocidaire. D'autre part l'intimé, reprenant les faits à

9 l'appui de ses arguments, a dit que n'importe qui aurait pu organiser le

10 transport en bus et qu'il n'a pas joué un grand rôle dans ce domaine.

11 La Chambre conclut autrement au paragraphe 608, la Chambre estime que

12 l'intimé a joué un rôle considérable. Cela ne correspond donc pas à

13 l'argument selon lequel il n'aurait joué qu'un rôle mineur. Qu'il se

14 trouvait simplement là à ce moment-là, par hasard.

15 L'intimé fait également référence à l'ordre de Karadzic de prendre

16 Srebrenica, l'ordre du 9 juillet, dans la soirée. Il fait référence aux

17 faits que, dans cet ordre, il est stipulé qu'il convient de respecter les

18 conventions de Genève. Les conclusions de la Chambre de première instance

19 au sujet de la manière dont cette attaque a eu lieu et de ce qui est arrivé

20 aux civils pendant cette attaque, montre que cette partie de l'ordre soit,

21 n'a pas été respectée, soit n'a jamais été censée être respectée. Et à ce

22 sujet, mon éminent confrère a fait référence à la déposition de Deronjic

23 selon lequel -- qui nous a parlé la réunion à l'hôtel Fontana de l'offre

24 faite aux Musulmans de rester qui, en fait, n'était un écran de fumée. Nous

25 pensons qu'il en va de même pour ce respect des conventions de Genève, et

Page 288

1 qu'en tout cas, même s'il a effectivement pensé sincèrement, ça n'a pas été

2 respecté pendant l'attaque dans laquelle l'intimé a joué un rôle crucial

3 puisque c'est une attaque dont il a coordonné tous les éléments.

4 Mon collègue, gentiment attire mon attention sur le fait que j'ai peut-être

5 mentionné la directive numéro 1. En fait, j'aurais dû parler la directive

6 numéro 7. En tout cas, ce que je souhaitais vous mentionner figure au

7 paragraphe 28 du jugement, donc je ne pense pas qu'il puisse y avoir de

8 confusion.

9 L'intimé a également fait valoir, en parlant des faits, qu'il avait dans un

10 souci quasi humanitaire, fait en sorte, que les réfugiés de Potocari soient

11 placés à bord d'autocars pour être renvoyés ailleurs, loin de cet endroit

12 ou dans le complexe des Nations Unies. Et aux alentours régnait une

13 situation catastrophique du point de vue humanitaire. Cet argument est

14 fortement intéressant mais je souhaite insister sur le fait qu'on a estimé

15 qu'il s'agissait d'un acte criminel. C'est un acte qui est un acte que l'on

16 peut assimiler un transfert forcé. C'est de cette manière que le transfert

17 a été réalisé. Par cet acte, nous ne sommes donc pas d'accord avec cette

18 interprétation adoptée par l'intimé.

19 L'intimé fait également référence à l'instruction, aux ordres, selon

20 laquelle il ne fallait faire de mal à personne pendant le transfert des

21 civils, lorsque ceux-ci étaient emmenés à l'extérieur des zones contrôlées

22 par les Serbes. Nous ne disons nullement qu'il existent des éléments

23 permettant de dire qu'il s'agit d'un écran de fumée; cependant, la Chambre

24 de première instance a conclu, au paragraphe 48, du jugement, que les

25 soldats frappaient les civils qui montaient à bord des bus. Ces autocars

Page 289

1 étaient pleins à craquer. D'autre part, les soldats du bataillon

2 néerlandais n'ont pas eu l'autorisation d'escorter ces autocars pour

3 s'assurer que les civils étaient arrivés en toute sécurité à leur

4 destination. De surcroît, les hommes, qui essayaient de monter à bord des

5 autocars, dans ce qu'on nous présente ou dans ce qu'on veut nous présenter

6 comme une action ou opération humanitaire, n'ont pas eu le droit de le

7 faire. On les a emmenés à la "maison blanche" où ils ont été détenus --

8 fait prisonniers -- détenus avec d'autres hommes qui avaient séparés

9 précédemment du reste de la foule. Et à Cerska, les autocars ont été

10 interceptés. On les a arrêtés pour faire sortir de ces autocars tous les

11 hommes qui auraient pu, sans que l'on se rendre compte, monter à bord à

12 Potocari. Ces hommes, eux aussi, on les emmenés dans des centres de

13 détention pour les exécuter ultérieurement. Et à ce sujet, je souhaiterais

14 vous renvoyer aux paragraphes 53 à 59 et 368 à 369.

15 D'autre part, nous faisons valoir que certains des autocars qui ont été

16 utilisés pour transporter les civils ou qui devaient l'être ont ensuite été

17 utilisés pour transporter hommes musulmans qui ont été ensuite massacrés à

18 Kravica, paragraphe du jugement, 217 et 215. Et ils ont également permis de

19 transporter les hommes qui ont été faits prisonniers sur la route. On se

20 référera aux paragraphes 156 à 161 du jugement.

21 Enfin, l'intimé fait valoir, en tant que fait à prendre en considération,

22 et si j'ai bien compris son argument, et peut-être n'ai-je pas bien

23 compris. Mais moi, j'ai compris que mon éminent confrère nous dit qu'en

24 fait il y a eu un seul exemple de participation aux actes concernés, c'est-

25 à-dire, d'envoyer les hommes de la Brigade de Bratunac à la ferme de

Page 290

1 Branjevo pour y participer aux exécutions. Avec tout les respect que je

2 dois à mon éminent confrère, la Chambre de première instance a dit quelque

3 chose de complètement différent dans son jugement. Et l'intimé nous

4 présente des faits qu'il prétend tirer du jugement pour rejeter nos motifs

5 d'appel, et nous estimons qu'il à interprété le jugement ne tient pas. Et

6 que le jugement dit quelque chose de complètement différent. Je présente

7 mes excuses, mon confrère, mon anglais n'étant pas ma langue maternelle. Je

8 ne veux nullement faire croire qu'il ait souhaité induire en erreur

9 volontairement la Chambre d'appel.

10 Mais la Chambre de première instance a conclu qu'il y a un grand nombre

11 d'éléments de preuve qui montrent qu'entre le 14 et le 17 juillet, les

12 moyens des Brigades du Corps de la Drina ont été employés dans le cas des

13 exécutions massives, et que le Corps de la Drina avait dû -- devait savoir

14 ce qu'il en était, que ces unités étaient impliquées dans ces actes de

15 persécution, paragraphe 296, du jugement.

16 La Chambre a également tiré des conclusions au sujet de la participation de

17 ces troupes à six massacres. A Orahovac, la Chambre a conclu des membres de

18 la brigade étaient chargés de garder les prisonniers, et que des véhicules

19 de la brigade ont été utilisés pour transporter des gens jusqu'aux sites

20 d'exécution. Et on a conclu également que les membres de cette brigade

21 avaient participé aux exécutions, ainsi qu'à l'enfouissement des corps.

22 S'agissant du barrage de Petkovic, la Chambre a conclu que des éléments de

23 la brigade avaient transporté les prisonniers jusqu'au centre -- à partir

24 du centre de Détention jusqu'aux sites d'exécution avant de participer aux

25 opérations d'enfouissement des cadavres, paragraphes 281 à 282 -- 231 à

Page 291

1 232.

2 S'agissant de la ferme de Branjevo, la Chambre de première instance a

3 conclu que les moyens du Corps de la Drina avaient joué un rôle clé dans le

4 cadre des exécutions. Popovic, chargé de la sécurité, a été chargé de

5 superviser cette opération. Le commandement du Corps de la Drina a fait en

6 sorte de fournir des carburants pour cette exécution, pour transporter les

7 personnes jusqu'aux sites d'exécutions. Des hommes du Corps de la Drina,

8 notamment au niveau du commandement, ont joué un rôle de coordination. La

9 police militaire de la Drina a gardé les prisonniers dans les autocars

10 lorsque ces prisonniers étaient emmenés sur les sites d'exécution. De plus,

11 les moyens de la Brigade de Zvornik ont été utilisés pour l'enfouissement

12 des cadavres.

13 Le 16 juillet, au centre culturel de Pilica, des éléments de la Brigade de

14 Bratunac ont participé aux tueries. Ceci a été établi.

15 A Kozluk, des hommes de la Brigade de Zvornik ont participé à

16 l'enfouissement des cadavres et, à Nezuk, des exécutions ont été mises en

17 œuvre avec la participation des unités placées sous le commandement de la

18 Brigade de Zvornik. Il s'agit là de conclusions de la Chambre de première

19 instance, des conclusions qui ont permis à la Chambre de première instance

20 de conclure à la participation à tous ces actes criminels. Et la Chambre de

21 première instance, aux paragraphes 378 à 423, que l'intimé savait ce qui se

22 passait et a participé directement à ces crimes.

23 En dehors de cette participation précise à ces crimes, la Chambre de

24 première instance a résumé la participation -- de la participation de

25 l'accusé, en disant qu'il avait joué un rôle clé en matière de coordination

Page 292

1 dans le cadre de la mise en œuvre de cette campagne de tuerie.

2 Je ne vais pas parler des écoutes qui sont contestées. Je sais qu'on va y

3 revenir demain, mais, d'après nous, les écoutes du 15, 16 et 17 juillet

4 montrent -- sont la preuve de la participation. Mais je pense avoir passé

5 suffisamment de temps à répondre à la Défense et je ne souhaite pas prendre

6 plus de temps. Essentiellement, ce que nous souhaitons dire du côté de

7 l'Accusation, c'est que là où l'intimé s'est appuyé sur des faits, ces

8 faits ne sont pas ceux qu'a trouvés la Chambre de première instance, si

9 bien que ces arguments ne sont étayés par rien, si bien que nous estimons

10 que, dans ses arguments, l'intimé n'a absolument pas répondu à notre motif

11 d'appel et, deuxièmement, ses arguments ne permettent nullement de

12 justifier un argument selon lequel il ne faudrait pas augmenter la peine.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen.

14 Je me tourne maintenant vers la Défense.

15 [La Chambre d'appel se concerte]

16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais non, je m'excuse, je vais d'abord

17 donner la parole à M. Shahabuddeen. Monsieur le Juge Shahabuddeen.

18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ce matin, je vous ai posé une

19 question au sujet de la légalité d'une peine minimum recommandée par le

20 Tribunal. Vous m'avez répondu -- j'avais reconnu que je n'avais pas procédé

21 à des recherches moi-même, vous m'avez répondu. Mais, maintenant, je dois

22 vous dire qu'à la page 72, paragraphe 5.3, du mémoire de l'Accusation, vous

23 faites référence à cette question. Je dois également reconnaître que j'ai

24 consulté la décision Tadic du 26 janvier 2000, paragraphe 28. C'est un peu

25 près des -- ces zones-là et je dois avouer que -- je dois reconnaître à mon

Page 293

1 grand âme que j'étais présent. Je faisais partie de la Chambre qui a pris

2 la décision Tadic.

3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Moi-même je dois m'excuser parce qu'il est

4 fort possible que je n'ai pas bien compris l'étendu de votre question.

5 Merci.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, à Monsieur Marcussen, merci à

7 Monsieur le Juge Shahabuddeen.

8 Y a-t-il d'autres questions de la part du Juge Pocar ou du Juge Guney ?

9 Non.

10 Dans ces conditions, nous allons donner de nouveau la parole à la Défense.

11 La Défense, qui va maintenant présenter son appel, dispose d'une heure

12 aujourd'hui, et qui pourra poursuivre la présentation de ces arguments

13 demain.

14 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

16 M. SEPENUK : [interprétation] -- nous allons commencer par la question du

17 génocide. La question qui se pose c'est de savoir si la Chambre de première

18 instance a commis une erreur en estimant qu'il existait une entreprise

19 criminelle commune dans l'objectif, qui était de détruire le groupe des

20 Musulmans de Bosnie en partie à Srebrenica et, si le général Krstic

21 partageait cette intention génocidaire -- génocide, je voudrais tout

22 d'abord présenter les arguments juridiques qui d'après moi ont été établi

23 par le Tribunal au cours des années qui viennent de s'écouler. En tout cas,

24 je vais parler des principes qui me paraissent s'appliquer dans notre

25 affaire.

Page 294

1 Je sais que ces principes sont connus de tous ici, mais je pense bon de les

2 rappeler pour placer notre affaire dans son contexte.

3 Bien entendu, le génocide est un crime unique en son genre, où l'accent est

4 mis sur le dolus specialis, l'intention spécifique, comme l'a dit récemment

5 la Chambre Stakic. C'est un crime qui se distingue des autres par son

6 intention particulière, intention qui est plus importante que l'intention

7 que l'on trouve dans d'autres crimes. L'intention est de détruire un groupe

8 et comme ça a été dit dans Samardzija récemment, il n'y a pas de seuil

9 numérique des victimes requis pour établir le génocide.

10 Comme l'a dit la Chambre de première instance Stakic : "Il n'est pas

11 nécessaire d'établir le nombre de victimes, c'est le dolus specialis qui

12 constitue le point clé."

13 Encore quelques mots sur les chiffres. Bien entendu, il va s'en dire que

14 nous tous, dans l'équipe du général Krstic, nous sommes horrifiés par la

15 brutalité de ce qui s'est passé à Srebrenica et je cite du point de vue

16 humaniste : "Il est tout à fait abominable de jouer sur les chiffres de

17 victimes. Quand on parle de victimes, quand on parle de souffrance, les

18 mathématiques n'ont rien à faire, n'ont pas leur mot à dire." Je viens de

19 citer un essai sur le génocide et je suis tout à fait d'accord avec

20 l'extrait que je viens de vous dire -- de vous donner.

21 Donc, du point de vue -- quand on parle de tragédies humanitaires, c'est

22 avec réticence que l'on présente des chiffres, mais nous le faisons

23 uniquement parce qu'il s'agit ici de déterminer l'intention génocidaire.

24 Pour déterminer s'il y a eu génocide, il faut déterminer s'il y a eu

25 intention génocide et la jurisprudence de TPIR et de TPY ont stipulé que le

Page 295

1 crime de génocide est un crime pour lequel il est nécessaire de prouver

2 l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe donné. Une fois que

3 l'on a estimé qu'il y avait plan génocidaire, comme ça a été le cas dans la

4 TPIR, à ce moment-là, les meurtres commis par l'accusé s'inscrivaient dans

5 son plan. Hormis nous n'avons rien de tel ici au TPY, nous n'avons pas

6 d'intention génocidaire qui a été documentée de détruire un groupe en tout

7 ou partie. Et quand il y a un petit groupe de personnes qui est tué, cela

8 ne suffit pas nécessairement à prouver l'intention génocidaire. Dans

9 Jelisic, il y avait -- il y a moins de 100 personnes qui ont été tuées.

10 Mais l'intention était là, l'intention était là de détruire, de supprimer

11 les Musulmans de Brcko puisque Jelisic lui-même se présentait, se

12 proclamait en tant qu'Adolf serbe. Il avait proclamé son désir de tuer tous

13 les Musulmans.

14 Dans Stakic, il y a plus de personnes qui sont mortes, 1 000 à Sikirica, 3

15 000 ailleurs. Des centaines de personnes ont été tuées au camp de Keraterm

16 et Omarska, mais, dans Sikirica, en premier lieu, la Chambre de première

17 instance a estimé que le nombre des victimes n'était pas suffisant pour

18 établir l'intention génocidaire, l'important c'était le nettoyage ethnique

19 et c'est ce qui revient dans toutes ces affaires. Ce n'est pas le nombre

20 des victimes, c'est l'intention génocidaire.

21 Quelques centaines de personnes tuées s'il y a preuve d'une intention

22 génocidaire suffiront peut-être pour décider qu'il y a génocide comme se

23 fût le cas dans l'affaire Jelisic. Et comme la Chambre d'appel Jelisic l'a

24 relevé, mais, si l'on tue une multitude de personnes, comme ce fût, par

25 exemple, le cas lorsqu'on a fait sauté plusieurs bâtiments contenant des

Page 296

1 milliers de personnes, ou encore lorsqu'on laisse tomber -- lorsqu'on lance

2 une bombe atomique, ce n'est pas génocide, si ceci n'est pas accompagné de

3 l'intention génocidaire requise pour établir qu'on veut détruire la partie

4 d'un groupe en tant que tel.

5 Je poursuis sur ces principes généraux. Comment les tribunaux se sont-ils

6 pris pour déterminer s'il y a attention génocidaire ? La Chambre Stakic a

7 fourni une réponse à cette question, la voici, je cite : "Il est

8 généralement reconnu et ceci, en particulier, dans la jurisprudence dans ce

9 Tribunal-ci et dans le Tribunal de Rwanda, que le dolus specialis est

10 génocidaire, peut être déduit soit des faits

11 -- des circonstances concrètes ou s'il y a schéma systématique de conduite

12 délibérée." A partir de ces principes directeurs, ces principes généraux,

13 je veux en venir à ceci. La Chambre de première instance a versé dans

14 l'erreur, en disant qu'il y avait de la part d'une entreprise criminelle

15 commune une attention génocidaire et de la part du général Krstic qui

16 consistait à vouloir détruire une partie du groupe musulman en tant que

17 tel.

18 Pour savoir s'il y a eu génocide à Srebrenica, la Chambre de première

19 instance a examiné deux ensembles de faits séparés et qui n'ont pas été

20 controversés. Tout d'abord, il y a les éléments du 12 juillet 1995,

21 quelques 25 000 Musulmans de Bosnie -- la plupart d'entre eux étant des

22 femmes et des personnes âgées qui vivaient dans la région de Srebrenica,

23 ont été transférées par les forces serbes de Bosnie dans des territoires

24 par les Musulmans de Bosnie -- Serbes de Bosnie -- Musulmans de Bosnie. Et

25 puis du 10 au 15 janvier, quelques dix milliers de Musulmans de Bosnie ont

Page 297

1 tenté de fuir la région, beaucoup ont été fait prisonniers et quelques 7

2 500 Musulmans de Bosnie ont été exécutés. Lorsqu'on dit qu'il y a

3 entreprise criminelle commune pour commettre un génocide, ce que dit la

4 Chambre, au paragraphe 594, il est dit que : "Il y a de preuve montrant

5 qu'on a voulu éliminer les Musulmans de Srebrenica, en tant que communauté.

6 Au moins de sept jours, 7 000 hommes en l'âge de porter les armes ont été

7 massacrés systématiquement, alors que le reste de la population musulmane

8 présent à Srebrenica, quelques 25 000 personnes, ont été transférées par la

9 force ailleurs. Les forces serbes de Bosnie savaient au moment où ils ont

10 décidé de tuer tous les hommes en âge de porter des armes, que le transfert

11 forcé des femmes, des personnes âgées et des enfants associés aurait pour

12 résultat inévitable la disparition physique de la population musulmane de

13 Srebrenica."

14 La Chambre de première instance a conclu qu'il y avait entreprise

15 criminelle commune dans les intentions génocidaires. La Chambre est alors

16 passé à la responsabilité pénale de M. Krstic, paragraphe 64 [sic], elle

17 dit : "Qu'il avait joué un rôle clé dans le transfert forcé des femmes, des

18 enfants Musulmans, et des personnes âgées. Le général Krstic savait

19 l'impact tout à fait délétère et inévitable qu'aurait ce fait sur la

20 possibilité était de survie de la population musulmane de Srebrenica. Il a

21 donc participé à l'acte génocidaire visé par l'Article 4(2)(a), à savoir,

22 la volonté de tuer une partie du groupe.

23 M. SEPENUK : [interprétation] Paragraphe 634 -- je m'excuse auprès des

24 interprètes. Maintenant, je vais vraiment essayer de ralentir pour ne pas

25 me tromper.

Page 298

1 La Chambre a versé dans l'erreur, en disant qu'il y avait eu génocide aux

2 vues des faits soumis au moment du procès. La Chambre a eu raison de dire

3 que le groupe protégé était les Musulmans de Bosnie. Paragraphes 560 --

4 559, la Chambre a noté que ce groupe était des Musulmans de Bosnie, pas les

5 Musulmans de Bosnie, de Srebrenica, et je cite ce passage : "Le seul

6 critère distinctif, à savoir, les Musulmans de Bosnie et de Srebrenica

7 seraient le lieu géographique où il se trouvait et ce n'est pas un critère

8 retenu par la convention." La Chambre de première instance a aussi raison

9 de conclure, lorsqu'elle a examiné la thèse de destruction d'une partie du

10 groupe, elle a dit que ce groupe devait représenter une portion

11 substantielle de la totalité. Si l'on voit le nombre de Musulmans tués,

12 elle n'a pas comparé ce groupe à la totalité du groupe de Musulmans, il y a

13 1 400 000 Musulmans. Elle a plutôt examiné le fait -- ou les faits

14 qu'auraient les hommes en âges de porter les armes sur la possibilité de

15 survie de ce groupe à Srebrenica.

16 A notre avis, c'est là une comparaison erronée à deux d'outre

17 -- parce que ceci a dilué l'exigence numérique de la substantialité. Autre

18 erreur, elle a fait une équation entre le nettoyage ethnique et le

19 génocide. J'y reviendrai dans un instant.

20 Nous faisons valoir que la Chambre a versé dans l'erreur en concluant qu'il

21 y avait génocide basé sur la volonté de détruire une partie du groupe, les

22 hommes en âges de porter des armes -- d'une partie -- donc les Musulmans de

23 Srebrenica -- d'un groupe protégé, à savoir, les Musulmans de Bosnie.

24 Nous faisons valoir que, si on compare le nombre d'hommes tués, quelques 7

25 500 avec la totalité du groupe musulman, à savoir,

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1 1 400 000, si l'on prend ce critère et si l'on fait le pourcentage, on a

2 0,5 % de la population musulmane. Ceci est manifestement insuffisant si on

3 prend ceci comme seul facteur pour déduire qu'il y a intention génocidaire.

4 La Chambre de première instance n'a jamais établi une telle comparaison; au

5 contraire, elle a conclu que le fait de tuer ces hommes avaient eu une

6 incidence considérable sur la survie de la population musulmane à

7 Srebrenica.

8 Nous faisons valoir que c'était une erreur de la part de la Chambre de

9 première instance de conclure que les tueries de masse à Srebrenica avaient

10 été commises avec l'intention de détruire le groupe qui y habitait. Il faut

11 aussi montrer que cette infraction à Srebrenica a été commise dans le

12 contexte qui était la volonté de détruire le groupe en tant que tel. C'est

13 ça qu'a fait la Chambre de première instance dans l'affaire Sikirica où

14 elle a dit : "Qu'il y avait deux éléments" -- je cite ici -- "il y a le

15 chapeau de l'Article 4(2) et l'Accusation, en tant que droit, doit établir

16 ces faits -- elle doit établir tout d'abord l'intention de détruire, en

17 tout ou en partie, la population musulmane de Bosnie ou la population

18 croate de Bosnie à Prijedor. Elle doit également établir l'intention de

19 détruire les Musulmans ou les Croates de Bosnie, en tant que groupe. Ces

20 deux éléments sont cumulatifs. En d'autres termes, l'Accusation non

21 seulement doit établir qu'il y a intention de détruire les Musulmans ou les

22 Croates de Bosnie, en tout ou en partie, elle doit également établir cette

23 intention de détruire ces groupes en tant que tel."

24 La Chambre Sikirica a poursuivi, en disant : "Si, par conséquent, même si

25 les éléments de preuve établissent l'intention de détruire une partie des

Page 300

1 Croates ou des Musulmans de Bosnie, la requête Sikirica serait accueillie

2 car l'objectif n'était pas le groupe, en tant que tel, mais des membres

3 individuels de ce groupe," et la Chambre Sikirica a estimé qu'il y a ainsi

4 preuve de l'acte de persécution, mais pas de génocide.

5 La Chambre de première instance Krstic n'a jamais examiné le deuxième

6 aspect cumulatif évoqué par la Chambre Sikirica. Si elle l'avait fait, elle

7 aurait inévitablement conclu qu'il n'y avait pas de preuves montrant que

8 les tueries de Srebrenica avaient été réalisées avec l'intention de

9 détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe. Les conclusions tirées

10 par la Chambre, à savoir : "Qu'en tuant tous les hommes en âges de porter

11 les armes, les forces serbes de Bosnie avaient, à toutes fins utiles,

12 détruit la communauté musulmane de Srebrenica, en tant que tel, et éliminé

13 toute probabilité pour cette communauté de se rétablir sur ce territoire."

14 Ne montre pas qu'il y a intention de détruire le groupe des Musulmans de

15 Bosnie, en tant que tel, et ceci est à voir en contraste avec la volonté de

16 déplacer "seulement" ce groupe de cet endroit. C'est terrible, bien sûr,

17 mais il faut établir cette distinction. On voulait déplacer ces personnes,

18 pas les détruire en tant que groupe.

19 Schabas, qui est sans doute le commentateur de proue en matière de

20 génocide, vient d'écrire un article pour la revue de droit. Vous savez,

21 nous avons versé ceci en annexe à notre mémoire et c'est imprimé. Si on a

22 quelqu'un qui veut vraiment détruire physiquement un groupe et qui a

23 suffisamment de sang froid pour détruire plus de

24 7 000 hommes et jeunes hommes sans défense, qui a la volonté d'organiser

25 des transports pour que les femmes, les enfants ne vont pas chercher à

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1 évacuer des femmes, des enfants et les personnes âgées ?" Au contraire, on

2 peut se dire que ces hommes et ces enfants étaient la partie importante de

3 ce groupe parce que ce sont eux les clés de la survie de ce groupe. Dans ce

4 sens là, la déportation des femmes et des enfants de Srebrenica, à notre

5 avis, montre qu'il y a plutôt intention d'éviter le génocide davantage que

6 la volonté de le commettre.

7 Schabas conteste aussi les conclusions tirées par la Chambre de première

8 instance, à savoir que la volonté de tuer les jeunes hommes et les hommes

9 en âges de porter les armes auraient été de détruire la totalité de la

10 communauté. Il pose une question Schabas, à la page 46, de cet article :

11 "Il se demande s'il n'y a pas d'autres explications plausibles pour ce qui

12 est de la destruction de ces

13 7 000 hommes et jeunes hommes à Srebrenica." Est-ce qu'il n'aurait pas été

14 pris pour objectif précisément parce qu'ils étaient en âges de porter les

15 armes et, pour cette raison, auraient été en puissance des combattants ou

16 des combattants véritables ? Il conclut, je le cite : "En tant que crimes

17 contre l'humanité, les atrocités du mois de juillet 1995 à Srebrenica sont

18 véritablement des atrocités, mais, quant à dire que c'est un génocide,

19 c'est déformé la définition de façon déraisonnable."

20 Maintenant, j'en arrive à notre deuxième argument et vous expliquer

21 pourquoi, à notre avis, la Chambre s'est fourvoyée dans ses conclusions, à

22 savoir qu'elle a fait une équation erronée entre le déplacement de la

23 population ou nettoyage ethnique et génocide. On a le paragraphe 594, de

24 l'opinion : "La Chambre conclut que les forces de la VRS cherchaient à

25 éliminer tous les Musulmans de Bosnie et de Srebrenica, en tant que

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1 communautés." La Chambre poursuit, en disant que les forces de la VRS

2 inévitablement devaient savoir au moment où elles avaient pris la décision

3 de tuer tous les hommes que cette destruction sélective du groupe allait

4 avoir une incidence durable sur la totalité du groupe. Par conséquent, ceci

5 excluait toute tentative de la part des Musulmans de Bosnie de re-capturer

6 le territoire qui avait été le leur. Les forces serbes de Bosnie savaient

7 au moment où elles avaient décidé de tuer tous les hommes en âges de porter

8 les armes. Elles savaient que combiner ces tueries avec le transfert forcé

9 des femmes, des enfants et des personnes âgées aurait, comme résultat

10 inévitable, la disparition physique de la population des Musulmans de

11 Bosnie à Srebrenica."

12 De plus, dans son jugement, la Chambre de première instance dit la chose

13 suivante, je cite : "L'Accusation nous montre l'impact terrible qu'ont eu

14 les événements du 11 juillet 1995 sur la population musulmane de

15 Srebrenica. Ce qui reste de la communauté musulmane" -- ici ce sont des

16 citations prises du bureau du Procureur -- "montre qu'il n'y a qu'une

17 survie biologique pas plus." Nous faisons valoir respectueusement que, si

18 la communauté de Srebrenica survit au sens biologique ce qu'elle fait à ce

19 moment-là, il n'y a pas eu de génocide à Srebrenica.

20 Une fois de plus, dans cet article qu'il a écrit sur cette conclusion

21 précise de la Chambre, M. Schabas nous dit ceci : "Il y a un monde de

22 différence entre la destruction physique d'un groupe et un impact durable

23 sur une communauté. Si l'intention des forces serbes de Bosnie était

24 d'avoir un impact durable sur Srebrenica et ses Musulmans, à ce moment-là,

25 leur intention n'était pas de détruire la communauté. Le génocide classique

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1 du vingtième siècle ce qu'ont connu les Juifs d'Europe, les Tutsis

2 notamment aussi au Rwanda où on insistait pour tuer les femmes et les

3 enfants, précisément pour veiller à ce qu'il y ait destruction effective de

4 ce groupe."

5 Si une communauté survie, biologiquement parlant comme c'est le cas, ici,

6 puisque les femmes, les enfants et les hommes qui survivraient, ont

7 survécu, à notre avis, il n'y a pas eu génocide. Ceci cadre bien avec

8 l'objectif du statut sur le génocide ainsi qu'avec le libellé du statut

9 lui-même. J'y reviendrai dans un instant.

10 M. Schabas, dans son traité intitulé "Génocide et droit international", dit

11 à la page 196 : "Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les auteurs de la

12 Convention délibérément ont résisté à la tentation qui était d'inclure ce

13 phénomène du nettoyage ethnique avec tous ces actes répréhensibles." Il est

14 important de voir ce que dit le procès Eichmann qui a eu lieu au Tribunal

15 de Jérusalem, et le Tribunal a dit ceci : "La mise en œuvre d'une décision

16 finale au sens d'une extermination totale est en relation avec la cessation

17 de dénégations des Juifs des territoires se trouvant sous contrôle

18 allemand."

19 Jusqu'au milieu de l'année 1941 où il est apparu la décision finale, la

20 Cour israélite a dit : "Il reste un doute dans nos esprits quant à savoir

21 s'il y avait cette intention spécifique d'exterminer comme le requiert la

22 définition du 'génocide'." Le Tribunal a dit qu'il s'occuperait de ces

23 actes inhumains comme étant des crimes contre l'humanité davantage qu'un

24 génocide. Par conséquent, le Tribunal a acquitté Eichmann de génocide pour

25 les actes intervenus avant 1941. Il a été condamné pour tuerie.

Page 304

1 Mais et, bien sûr, ceci est à mettre à part des conclusions dans l'affaire

2 Sikirica et dans l'affaire Stakic où on dit que l'expulsion d'un groupe

3 n'est pas équivalente au génocide.

4 Donc en résumé, notre deuxième motif c'est que la Chambre a eu tort de

5 penser que le transfert des femmes et des enfants, et le fait de tuer les

6 hommes, était équivalent à la notion de génocide.

7 C'était un transfert forcé et le général Krstic a été condamné pour cela.

8 L'assassinat des hommes, des Musulmans de Bosnie, était peut-être

9 assassinat, persécution et extermination et le général Krstic a été aussi

10 condamné pour ça. M. Petrusic en parlera demain -- mais ces crimes,

11 extermination, l'assassinat, la persécution, sont individuels, sont isolés.

12 Si on les rassemble, ils ne constituent pas pour autant le génocide.

13 Enfin, le jugement en premier instance montre clairement que le plan de

14 l'armée des Serbes de Bosnie était d'assurer le nettoyage ethnique de la

15 région et n'était pas de commettre le génocide. La Chambre a conclu que le

16 plan de Krivaja 95 était un pas à franchir envers le but que visaient les

17 Serbes qui était de plonger les Musulmans de Bosnie dans la crise et de

18 trouver une solution en éliminant l'enclave. Le pilonnage constant de ces

19 forces, après avoir accompli l'objectif poursuivi par Krivaja 95, était de

20 "chasser les Musulmans de Srebrenica." C'est le paragraphe 125 du jugement.

21 Il est certain que la terrorisation [phon] a intensifiée et les tueries de

22 masse ont bien eu lieu par la suite, mais la Chambre a, elle-même, conclu,

23 au paragraphe 360 que les actes de l'assassinat n'avait même pas été

24 envisagé à Srebrenica jusqu'au 11 ou 12 juillet 1995, au moment où la VRS

25 s'est rendu compte qu'il y avait des hommes à Potocari et qu'il y avait des

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1 colonnes d'hommes musulmans de Bosnie qui prenaient la fuite.

2 Je vais faire un effort encore plus résolu pour ralentir mes débits.

3 Nous faisons valoir qu'une Chambre de première instance raisonnable, elle

4 applique la présomption d'innocence, aurait dû conclure que l'intention des

5 auteurs était ce qu'elle avait été d'emblée, à savoir, nettoyer la région

6 de ces Musulmans de Bosnie. Elle n'était pas d'éliminer biologiquement ou

7 physiquement le groupe en tant que tel. La Chambre a tiré une conclusion

8 indirecte d'intention génocidaire alors qu'il y avait une conclusion plus

9 logique qui s'imposait, à savoir que l'exécution des hommes en âge de

10 porter des armes, l'a été parce que ces hommes étaient en âge de combattre

11 et que le transfert des femmes, des enfants et des personnes âgées de

12 Srebrenica avait pour objectif d'assurer le nettoyage ethnique de la région

13 et non pas la destruction biologique ou physique du groupe.

14 En tirant cette conclusion, à savoir qu'il y a intention génocidaire par le

15 moyen d'une entreprise criminelle conjointe et en concluant qu'il y avait

16 intention génocidaire de la part du général Krstic, nous pensons que la

17 Chambre n'a pas suivi, appliqué le droit tel que l'établi ce Tribunal dans

18 l'arrêt Delalic que j'ai déjà mentionné. Et là, lorsqu'il y a des preuves

19 indirectes comme c'est le cas ici, il faut pour respecter ce test, que les

20 faits "soient établis au-delà de tout doute raisonnable. Il ne suffit pas,

21 dit Delalic, qu'il y ait une conclusion raisonnable qu'on puisse déduire de

22 ces moyens de preuve. Et dans l'opinion, c'est souligné, il ne peut pas y

23 avoir -- et la restriction est soulignée que "des conclusions logiques". Il

24 faut des preuves qui cadrent bien. Ici, il y a l'innocence de l'accusé, il

25 doit être acquitté.

Page 306

1 Dans l'affaire Vasiljevic, la Chambre de première instance présente les

2 faits de façon différente tout se basant sur les mêmes principes. Ici, je

3 cite : "Là où l'Accusation se fonde sur la preuve de l'élément de moral,

4 par déduction, la déduction soit de se baser sur les moyens de preuve."

5 Ici, dans l'affaire Krstic, tout en reconnaissant que ce fût un procès se

6 fondant sur, je cite : "couche après couche de preuves indirectes", ceci

7 aboutit à une série de questions factuelles en se basant sur des

8 présomptions, qui à notre avis, n'étaient pas les seules conclusions

9 raisonnables qu'il était possible de tirer. Nous énumérons plusieurs

10 conclusions de la Chambre. Je pense que ceci se situe aux pages 31 à 33. Et

11 les conclusions de la Chambre sont que le général Krstic, "s'il devait

12 savoir" ou "ne pouvait pas s'empêcher de savoir", on aurait pu supposer que

13 nous mentionnons ces principes de droit aujourd'hui, car ils seront encore

14 plus importants lorsque nous parlerons des conclusions tirées par la

15 Chambre selon lesquelles le général Krstic avait une intention génocidaire.

16 Faisons une petite discrétion pour parler de la déposition de M. Deronjic.

17 Vous le savez, Messieurs les Juges, nous estimons que la décision de tuer

18 ces hommes est une décision prise à la dernière minute. Elle s'est

19 concrétisée et c'est d'ailleurs ce qu'a dit la Chambre de première instance

20 dans la soirée du 11 ou au cours de la matinée du 12. Et nous avons la

21 déposition de M. Deronjic qui nous dit le contraire. C'est la seule chose

22 qui le montre. Et il n'y a rien dans sa déposition qui devrait vous pousser

23 à ne pas accepter le jugement rendu par la Chambre de première instance sur

24 la question. Je poursuis maintenant l'analyse de la déposition de

25 M. Deronjic.

Page 307

1 D'après mes notes, il a dit ceci : Le 8 ou le 9 juillet 1995, il a une

2 conversation avec Karadzic. Il a parlé du principe de la Slavonie

3 occidentale, ce n'était pas un plan. Ils en ont parlé comme étant une

4 possibilité. Deux options ont été mentionnées, l'une étant de réduire

5 l'enclave à son centre urbain ou l'autre étant de prendre la ville de

6 Srebrenica.

7 Le principe de la Slavonie occidentale est mentionné, qui était de les tuer

8 tous. L'histoire de la Slavonie occidentale est une situation où il y a

9 pilonnage aveugle de civils, de militaires qui fuient une ville. Ceci

10 n'existe pas dans ce procès. Il n'y a pas pilonnage aveugle de militaires

11 et de civils qui fuient une ville. Ce que nous avons, au contraire, c'est

12 le pilonnage de Srebrenica. Et je pense qu'on a pilonné aussi certains des

13 civils qui allaient vers Potocari. Si c'est là l'exécution du principe de

14 la Slavonie occidentale, ceci s'était terminé une fois arrivé le 9, au plus

15 tard le 10 juillet. De nouveau le 9 juillet, M. Karadzic donne cet ordre.

16 Rappelez vous la pièce 432 de l'Accusation. Le général Tolimir signe

17 l'ordre, mais il cite les dires de M. Karadzic qui veut les citoyens civils

18 soient traités avec soin, qu'il ne fallait pas faire de mal à ces civils.

19 Par conséquent, s'il y avait ce concept d'une destruction totale, cette

20 conversation, ce concept avait disparu puisque ce fût une conversation

21 brève. Et nous disons qu'il n'y a pas eu de résultats, s'il y avait

22 pilonnage sur Srebrenica le 8, le 9 et le 10. Si c'est là le principe de la

23 Slavonie occidentale, à ce moment-là, il était déjà révolu et on a mis les

24 Musulmans dans les bus pour les emmener en lieu sûr. Il y avait donc

25 modification du plan. Par exemple, M. Deronjic à assister à une réunion qui

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1 se tient à l'hôtel Fontana sur demande de M. Karadzic pour parler de

2 l'option qui permet soit de rester, soit de partir dans un pays tiers.

3 M. Deronjic a dit que c'était un écran de fumée. Peut-être bien mais le

4 général Krstic n'en savait rien -- c'était un écran de fumée pour

5 dissimuler le transfert forcé des civils. Ceci n'a, bien sûr, rien à voir

6 avec un écran de fumée destiné à dissimuler les tueries.

7 Autre conversation à noter, c'est celle qui se déroule le 13 juillet. Des

8 prisonniers sont à Bratunac et M. Deronjic demande à Karadzic ce qu'il faut

9 faire, il y a un message bref chiffré. Deronjic le comprend comme ceci-- il

10 dit, voilà, les gens qui se trouvent en détention à Bratunac doivent être

11 envoyés au camp de Batkovic et quelqu'un -- dit Karadzic à Deronjic -- va

12 venir leur dire comment s'en occuper. Et d'après lui, le code voulait dire

13 aller à Batkovic.

14 M. Deronjic l'a dit, il ne s'est pas qui a envoyé, le colonel Beara. Il

15 n'en a pas la moindre idée. Mais Beara dit qu'il a reçu un ordre de

16 l'échelon suprême pour dire de tuer les gens à Bratunac. Apparemment, il y

17 aurait des instructions spécifiques de Karadzic pour dire qu'il ne faut

18 tuer personne à Bratunac, il faut déplacer les prisonniers. C'est ce que

19 Deronjic dit à Beara. Maintenant nous avons Beara, qui est le chef de la

20 sécurité au Grand état major, un proche allié du général Mladic. Il

21 travaille pour le général Mladic -- le général Mladic et M. Karadzic ne

22 s'aiment pas beaucoup -- Beara est sous le contrôle direct du général

23 Mladic. Il exécute avec beaucoup de réticence l'ordre donné par le civil

24 Deronjic. Et si l'ordre était venu de Karadzic, Deronjic n'aura pas pu

25 bluffer et dire que cet ordre ne venait pas de lui, et si les ordres de

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1 Beara étaient aussi de Karadzic, il n'aurait pas exécuté cet ordre avec

2 répugnance, avec résistance. Il aurait plutôt dit à Deronjic que lui aussi

3 tenait ces ordres du président, ce qu'il n'a pas fait. La seule façon dont

4 Beara aurait pu être bluffé par Deronjic, c'est si celui-ci agissait sous

5 des ordres donnés par le commandement suprême, Mladic et s'il croyait que

6 ces ordres seraient très dépassés par l'ordre donné par le commandant tout

7 à fait suprême, à savoir, Karadzic. Quant à savoir si c'est Mladic qui a

8 donné l'ordre de ces tueries, ceci est encore davantage confirmé par le

9 témoignage de M. Obrenovic.

10 J'ai maintenant ici la transcription de ce que a dit M. Daniel Moylan,

11 s'agissant lorsque M. Obrenovic avait dit. Il a dit ceci, je cite : "M.

12 Obrenovic a dit qu'au cours du procès Nikolic" -- c'est devenu une pièce du

13 dossier -- "le chef de la sécurité est venu le voir, puisque lui était le

14 commandement en second de la Brigade de Zvornik et lui a dit que le chef de

15 la sécurité avait été informé de l'existence d'un plan destiné à exécuter

16 les prisonniers musulmans qui allaient l'être à Zvornik." A ce moment-là,

17 M. Obrenovic a répondu, je cite : "Impossible d'entreprendre une telle

18 opération sans l'appui tout d'abord de notre commandant de brigade mais

19 aussi sans faire rapport au Corps de la Drina, à savoir, le colonel Krstic

20 et au commandement du Corps de la Drina." Et la réponse du chef de la

21 sécurité est tout à fait révélatrice, car il dit -- et c'est le Procureur

22 qui nous parle, je cite : "inutile de faire rapport," là, il cite

23 Obrenovic. "Les ordres venaient de Mladic et notre commandant, à savoir, le

24 commandant de brigade le savait, comme le savait tout le monde."

25 Une fois de plus, aucune raison, à notre avis, de penser que la Chambre

Page 310

1 d'appel ne devrait pas tenir compte des conclusions tirées par la Chambre

2 de première instance, à savoir que la décision fut prise à la dernière

3 minute, décision de tuer les hommes musulmans de Bosnie, prise le 11 au

4 soir ou le 12 au matin pour essayer de résoudre une situation désastreuse

5 pour les Serbes sur le plan militaire, qui était de s'échapper et pour le

6 mouvement en direction de Tuzla entrepris par la colonne des hommes

7 musulmans de Bosnie.

8 A présent, je souhaite aborder un autre point, à savoir, comment la Chambre

9 de première instance est-elle arrivée à sa conclusion consistant à dire que

10 la déportation des femmes, des enfants et des personnes âgées a été

11 substantielle lorsqu'elle a pris en considération la question de

12 l'intention génocide. Et en particulier, à la lumière du fait que la

13 Chambre de première instance admet expressément, et ce au paragraphe 580,

14 que le droit international coutumier limite la définition du génocide, "aux

15 actes ou visant à la destruction physique ou biologique du tout ou de la

16 partie d'un groupe."

17 Nous estimons que la Chambre de première instance a énoncé ce principe

18 juridique demandant qu'il y ait intention de détruire physiquement ou

19 biologiquement un groupe, mais qu'elle s'est écartée de ce principe en se

20 fondant sur les termes employés dans le rapport final de la commission

21 d'experts datant de 1994.

22 Alors, j'estime que la plus grande défaillance, ici, a été de ne pas

23 mentionner les travaux de la commission d'experts. Il en a été fait

24 brièvement mention dans le mémoire du Procureur mais il me semble que le

25 plus mauvais service qu'on ait rendu à cette Chambre, est de ne pas

Page 311

1 débattre de manière adéquate le rôle tout à fait clé et fondamental jouer

2 par le rapport de la commission d'experts dans la manière dont la Chambre

3 de première instance s'est forgée son opinion. Et l'une des raisons

4 principales à cela est l'annexe additionnelle que vous avez versée au

5 dossier le 7 novembre, donc il s'agit d'un versement récent de l'annexe 3 à

6 notre mémoire d'appel. Il contient un certain nombre de documents qui

7 concernent non seulement des éléments supplémentaires, quant à l'état

8 d'esprit génocide, mais aussi des commentaires là-dessus, et il s'agit

9 d'une portion tout à fait substantielle de ce rapport de la commission.

10 Puisque nous estimons que le principe juridique énoncé par la Chambre de

11 première instance eu égard à la destruction physique a effectivement été

12 admis mais que la Chambre a, par la suite, pris en considération le

13 transfert forcé des civils et a mis un trait d'égalité entre les deux

14 compte tenu du langage sur lequel elle s'est appuyée, à savoir, celui conçu

15 dans le rapport final de 1994 de la commission d'experts.

16 Dans ce rapport de 1994, donc, rédigé par la commission d'experts sur

17 l'ex-Yougoslavie, il y est question de l'intention de détruire par le biais

18 de l'extermination des dirigeants lorsque cela s'accompagne d'autres actes

19 d'élimination d'un segment, d'une portion de la société et ces actes étant

20 déportation. Et il est dit, donc, que ceci peut-être considéré comme

21 génocide.

22 Cette idée a été débattue dans les affaires Jelisic et Sikirica où la

23 Chambre n'a pas considéré en dernière instance que ces actions

24 satisfaisaient le critère de génocide. La Chambre de première instance dans

25 l'affaire Krstic est la première qui est arrivée à cette conclusion.

Page 312

1 Et au paragraphe 634 du jugement, la Chambre a déclaré comme suit :

2 "Finalement, la Chambre est arrivée à la conclusion qu'au terme du critère

3 de l'Article 4(2) du statut, l'intention de détruire une partie seulement

4 du groupe doit néanmoins concerner une partie substantielle du groupe. La

5 Chambre de première instance a conclu que les hommes musulmans de

6 Srebrenica en âge de porter les armes constituaient une partie

7 substantielle du groupe musulman de Bosnie, puisque leur meurtre

8 entraînerait immanquablement et fondamentalement disparition de toutes

9 communautés musulmanes de Bosnie à Srebrenica." En arrivant à cette

10 conclusion la Chambre de première instance a entièrement accepté l'argument

11 qui est contenu dans le mémoire final de l'Accusation dont les extraits

12 pertinents figurent dans la partie J, de notre annexe 3. Et le Procureur

13 repose sur le rapport de la commission d'expert. Où il est dit et je cite :

14 "Le conseil donne lecture de la partie écrite --

15 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas le texte.

16 M. SEPENUK : [interprétation] -- en tuant ses dirigeants et les -- et ceux

17 qui défendaient le groupe, la VRS et le général Krstic se sont assurés à ce

18 que la communauté musulmane de Bosnie de Srebrenica ne revienne pas à

19 Srebrenica et ne se reconstitue pas dans la région ou que ce soit

20 ailleurs." Et ceci est la conclusion de la Chambre de première instance où

21 elle adopte en totalité l'argumentation du Procureur. Puisque au paragraphe

22 587, la Chambre déclare : "Les Serbes de force de Bosnie savaient que par

23 ces assassinats avec -- au moment où elles ont décidé de tuer tous les

24 hommes en âge de porter les armes, elles savaient déjà que ces meurtres

25 conjugués aux transferts forcés des femmes, des enfants et des personnes

Page 313

1 âgées entraîneraient inévitablement la disparition physique de la

2 population musulmane de Bosnie à Srebrenica."

3 Notre thèse est que ce rapport de la commission d'expert a établi deux

4 principes de droits qui ont été appliqués par la Chambre de première

5 instance en l'espèce et qui devraient être rejetés par la Chambre.

6 Premièrement dans le rapport, il est dit que le principe adopté par la

7 Chambre de première instance au paragraphe 587 du jugement à savoir que le

8 terme en partie dans -- lorsqu'il s'agit de la qualification du génocide

9 concerne uniquement la partie significative raisonnablement --

10 significative par rapport à l'ensemble du groupe. Et je cite à l'annexe 3,

11 la section G.

12 "La destruction d'un groupe signifie -- l'expulsion en partie semblerait

13 indiquer un nombre assez élevé par rapport à l'effectif total du groupe ou

14 encore une fraction importante de ce groupe tels que ces dirigeants."

15 Nous souhaitons démontrer que dans aucun document ou dans aucun rapport, il

16 n'y a rien qui puisse appuyer cette déclaration. Ne serait-ce, il n'y a que

17 cette phrase. Il n'y a rien dans la définition du génocide dans aucun

18 document à l'appui de la conclusion de la Chambre de première instance qui

19 figure au paragraphe 587, à savoir, qu'il s'agit d'extermination qui est

20 spécifiquement dirigée contre une portion du groupe et que cela rend le

21 groupe impuissant et incapable de se défendre contre d'autres sévisses de

22 ce genre ou d'un genre différent.

23 Un deuxième principe qui émerge du rapport de la commission comme la

24 Chambre l'a dit et je la citerais :

25 "Le conseil cite est l'attaque dirigée contre ces dirigeants. Et cela

Page 314

1 figure au paragraphe 587 du jugement. L'attaque contre les dirigeants doit

2 être évaluée dans le contexte de ce qui advient au reste du groupe. Si les

3 dirigeants d'un groupe sont exterminés et si en même temps ou peu après à

4 un nombre relativement élevée de membres du groupe sont tués ou soumis à

5 d'autres atrocités, par exemple, expulsés en masse ou forcés de fuir, il

6 faut envisager les diverses violations dans leur ensemble afin

7 d'interpréter les dispositions de la convention [imperceptible] conforme à

8 son but."

9 Encore une fois, le jugement reprend verbatim les expressions contenues

10 dans le rapport de 1994. Le rapport de la commission d'experts. La Chambre

11 de première instance reprend ce langage. Et je cite :

12 "Le conseil cite de nouveau les attaques contre les dirigeants doivent être

13 évaluées de ce qui advient au reste du groupe."

14 Dans [imperceptible] figure en italique. De toute évidence, il se réfère

15 aux déportations en montrant que la déportation est un facteur qui doit

16 être pris en considération, lorsqu'il s'agit de savoir si un génocide a eu

17 lieu. Et nous estimons qu'il s'agit d'une conclusion qui est erronée.

18 A présent, je tiens à me pencher sur la question du génocide à la lumière

19 de la question qui est de savoir si ceci concerne uniquement la destruction

20 physique et biologique d'un groupe.

21 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le Conseil ralentisse.

22 M. SEPENUK : [interprétation] A notamment, dans l'affaire Stakic, il y a eu

23 une -- nous avons reçu une analyse tout à fait importante et utile à ce

24 sujet, mais nous avons constaté au cours de nos recherches et nos enquêtes

25 depuis plusieurs mois qu'il n'y a des détails supplémentaires et je ne

Page 315

1 pense pas qu'ils aient été portés à la connaissance d'une Chambre de

2 première instance ou de la Chambre d'appel.

3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le Conseil ralentisse.

4 M. SEPENUK : [interprétation] Le conseil s'excuse. Nous allons donc

5 chercher à démontrer que la convention exclus spécifiquement les

6 déplacements de masse des populations de la définition du génocide. Et

7 qu'elle rejette l'idée que l'élimination des dirigeants d'un groupe peut

8 être considérés comme une preuve de l'intention génocide. Alors je

9 commencerais par une citation du rapport en date du 3 mai 1993 du

10 secrétaire général suite au paragraphe 2, de la résolution du Conseil de

11 sécurité 808, de 1993. Et dans ce rapport, le secrétaire général déclare

12 comme suit, Me Sepenuk cite :

13 "A la lumière de l'application du principe nullum crimen sine que le

14 Tribunal international doit appliquer des lois qui sont au-delà de tout

15 doute qui -- constitue au-delà de tout doute partie du droit coutumier, la

16 partie du droit international qui est devenue au-delà sous aucun doute

17 partie intégrante du droit international coutumier, et la convention sur la

18 prévention et le châtiment du crime de génocide."

19 Alors je m'empresse -- on m'empresse à dire que ces principes qui ont été

20 invoqués dans les décisions Yalitic et Stakic sont très bien connues de

21 nous tous. La raison de les citer aujourd'hui est qu'en dépit du fait que

22 vous connaissez parfaitement cela, il y a eu un commentaire de fait par le

23 Procureur dans son mémoire dès le départ -- dès le début de ce mémoire, en

24 page 3, où il dit : "L'Accusation constate que la convention sur le

25 génocide de 48, n'est pas le document en vertu duquel l'appelant a été

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1 poursuivi mais le fondement constitue le crime de génocide tel qu'établi au

2 moment pertinent conformément au statut de ce Tribunal. Ceci est sans doute

3 vrai, mais je pense que la déclaration du Procureur, donc qui figure au

4 début de son mémoire, nous laisse deviner ce qui -- qui sera sa thèse à

5 savoir, qu'il n'est pas à respect total de la convention de 48.

6 Et permettez-moi, de me référer maintenant aux différentes analyses et

7 révisions de la convention qui ont précédé à l'adoption du texte final de

8 la convention. Donc avant qu'il y ait eu le texte final, il y a eu deux

9 versions préliminaires. Et des "experts" sont arrivés à concevoir ce terme

10 de génocide. Tel que par exemple, Raphael Lempkin. Alors après avoir

11 entendu la dis -- enfin après qu'il y ait eu une discussion, le comité est

12 arrivé à adopter la version finale de la convention. Les trois versions

13 préliminaires figurent dans l'un des annexes de notre mémoire.

14 Alors l'Article 1e de la convention, tel qu'il a été premièrement présenté,

15 figure aussi dans l'un des annexes de notre convention. Et là le mot

16 "génocide", signifie un acte criminel. Dans cette convention, le terme

17 "génocide" signifie un acte criminel qui est dirigé contre eux, et ce dans

18 l'intention de détruire. Donc il est dirigé contre un groupe dans

19 l'intention de détruire une partie ou la totalité du groupe, ou afin

20 d'empêcher son maintien ou son développement.

21 Le conseil continue à citer des textes que les interprètes n'ont pas. En

22 expliquant cette version préliminaire, les auteurs ont fourni les

23 commentaires suivants. Et il s'agit encore une fois de la partie C à

24 l'annexe C, page 2. L'acte doit être commis. Autrement dit, son objectif

25 doit être la destruction des êtres humains. Par cette définition, certains

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1 actes dont le résultat peut être la destruction totale ou partielle du

2 groupe, d'un groupe d'êtres humains sont exclus de la mention du génocide.

3 Et nous avons ici une liste d'éléments tel que déplacement de population.

4 Et c'est la première indication que le transfert forcé, le nettoyage

5 ethnique, ou ce à quoi les auteurs se réfèrent comme étant un déplacement

6 de masses de population, n'est pas inclus dans la définition du génocide.

7 Encore une fois, on y revient dans le même document partie C(3) dans notre

8 annexe. Et le conseil cite :

9 "Le déplacement de masses de population d'une région à une autre, ne

10 constitue pas un génocide." Donc afin d'aborder la question du génocide

11 physique et biologique, les auteurs abordent la question du génocide

12 culturel qui lui aussi, a été proposé pour figurer comme l'un des éléments

13 de la définition du génocide. Et le génocide culturel concerné à aussi le

14 transfert -- il n'y avait non seulement le génocide culturel d'envisagé,

15 mais aussi le transfert forcé des enfants d'un autre groupe; c'était un

16 deuxième moyen. Là je cite : "La partie C, page 6 et 7, l'exil forcé et

17 systématique des individus représentant la culture du groupe donné. Ça

18 c'est le chapeau. Ces individus concernent socialement l'élite cultivé; les

19 écrivains, les artistes, les enseignants, et cetera. Le "et cetera" figure

20 dans le texte, ajoute le conseil. Il s'agit de la vie culturelle et morale

21 d'un groupe qui est assuré par ces membres éduqués ou cultivés. Si ceux-ci

22 sont écartés, le groupe ne devient plus qu'une masse amorphe et sans

23 défense."

24 Dans la suite du rapport, le conseil cite :

25 "Il est question d'individus qui représentent la culture du groupe, et qui

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1 sont éliminés de manière systématique par des actes de violences, ou par

2 des infractions à leur liberté personnelle. Cette convention dans sa

3 version de projet a été présentée au comité ad hoc travaillant sur le

4 génocide. Il y a eu le rapport qui a été rédigé par le rapport à l'annexe

5 3, partie D4." Le comité a déclaré, le conseil cite : "Qu'il allait prendre

6 en considération les versions préliminaires du secrétariat fournis donc par

7 le secrétariat, les Etats-Unis et la France. Qu'il dit expressément

8 qu'après avoir pris en considération les projets de texte fournis par les

9 experts, même s'il confirme les méthodes, donc pour ce qui est de commettre

10 le génocide" physique et biologique, il limite la manière dont le génocides

11 peut être commis. Cette disposition spécifique sur laquelle on s'est

12 appuyée, sur laquelle s'est appuyée la commission d'experts, à savoir que

13 la destruction des leaders, des dirigeants, la destruction d'une portion

14 qualitativement importante d'un groupe constituait le génocide. Et bien,

15 elle a été éliminée de manière expresse de ce projet de textes rédigé par

16 le comité ad hoc.

17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes interviennent encore une fois.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Puis-je demander au conseil combien de

19 temps il pense devoir utiliser encore.

20 M. SEPENUK : [interprétation] Peut-être une vingtaine de minutes.

21 [La Chambre d'appel et le juriste se concertent]

22 M. SEPENUK : [interprétation] Une demie heure, Monsieur le Président, peut-

23 être.

24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je m'adresse aux interprètes pour

25 savoir s'ils ont suffisamment de force, de robustesse pour continuer

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1 jusqu'à 16 heures 20.

2 M. SEPENUK : [interprétation] J'ai fait vraiment des efforts considérables

3 afin de ralentir. Je pense que j'ennuie tout le monde vu -- à quel point je

4 suis devenu lent.

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, continuez.

6 Testé notre résistance.

7 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie. Je vais résumer très

8 brièvement la disposition au sujet de l'expulsion forcée systématique des

9 individus qui représentent la culture d'un groupe. Donc cette disposition a

10 été éliminée du comité ad hoc, éliminée également du projet de textes, ont

11 été les actes de génocide commis afin de, et le conseil cite :

12 "Empêcher la préservation ou le développement d'un groupe donné."

13 Certainement le déplacement de la population, y compris l'expulsion des

14 dirigeants d'une communauté concerne non pas la destruction physique ou

15 biologique, mais plutôt et le conseil cite encore : "La prévention, la

16 préservation du développement d'un groupe," critère qui a été expressément

17 rejeté par le comité.

18 Dans la version définitive du texte de la convention, l'Article 4 tel

19 qu'adopté verbatim [sic] par le statut, a éliminé toutes les références au

20 génocide culturel, mais a ajouté à la définition du génocide, les mots

21 suivants; transfert forcé des enfants d'un groupe à un autre groupe. Et

22 ceci figure donc dans les dispositions statutaires de ce Tribunal.

23 La Chambre d'appel se rappellera la version provisoire de la convention qui

24 a été rédigée par Lempkin et ses collègues, au sujet du transfert des

25 enfants d'un groupe à un autre. Et celle-ci a été identifiée comme un moyen

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1 de commettre un génocide culturel. Tandis que pratiquement toute autre

2 disposition consistant donc à qualifier de génocide culturel a été

3 éliminée, soit par le comité ad hoc, soit dans la version finale. Et le

4 transfert forcé des enfants d'un groupe à l'autre a été ajouté en tant que

5 dernier acte, donc cinquième et dernier acte par lequel on déterminait

6 l'existence de l'intention génocide. C'est la seule définition qui est

7 contenue dans notre statut, dans le statut de ce Tribunal, qui concerne le

8 déplacement des êtres humains en tant qu'un acte de génocide. Mais la

9 disposition est tout à fait spécifique, elle concerne uniquement les

10 enfants, et elle a été conçue afin d'englober les actes où les enfants

11 étaient, de manière permanente, transférés d'un groupe à un autre, ce qui

12 donnait pour résultat des enfants déplacés qui perdaient leur identité et

13 leur culture. De toute évidence, en limitant de manière spécifique les

14 actes de transferts ou d'expulsion par lesquels on pouvait en constater

15 qu'il y a intention génocide, la convention a exprimé son intention de ne

16 pas considérer comme acte de génocide aucune autre forme de déplacement. Et

17 permettez-moi d'ajouter que cette interprétation trouve sa confirmation

18 dans le jugement du 31 juillet 2003 dans l'affaire Stakic. Dans la décision

19 Stakic, il y est fait mention du fait, et le conseil cite encore une fois,

20 que la convention rejette la possibilité d'obliger -- rejette d'inclure

21 dans la définition du génocide le fait de forcer les membres d'un groupe à

22 abandonner leur foyer afin de se mettre à l'abri de la menace ou de mauvais

23 traitements. Nous avons inclus la discussion au sujet de ce point dans la

24 section F de l'annexe 3. La Chambre de première instance dans l'affaire

25 Stakic a rejeté l'argument de l'Accusation consistant à dire que le

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1 génocide à été commis dans cette affaire. Se faisant, la Chambre de

2 première instance, après avoir pris note du fait que le génocide culturel,

3 en tant que différent du génocide physique ou biologique, a été

4 spécifiquement exclu de la convention sur le génocide. Et la Chambre a

5 particulièrement attiré l'attention sur les commentaires ou des commissions

6 du droit international disant que la définition du génocide -- dans la

7 définition du génocide, le mot "destruction" doit être pris uniquement dans

8 son sens matériel, dans son sens physique ou biologique. La Chambre de

9 première instance dans l'affaire Stakic continue en disant :

10 "Il n'est pas suffisant de déporter groupe ou une partie d'un groupe. La

11 distinction claire doit être tirée -- doit être effectuée entre une

12 destruction physique et simplement les menaces à l'égard d'un groupe.

13 L'expulsion d'un groupe ou d'une partie du groupe ne constitue pas ipso

14 facto un génocide. A la différence de la décision de la Chambre de première

15 instance dans l'affaire Stakic et contrairement aux conclusions de la

16 Chambre de première instance dans Sikirica, la Chambre dans l'affaire

17 Krstic est arrivée à la conclusion que le transfert de 25 000 femmes,

18 enfants et personnes âgées de Srebrenica doit être considéré comme un

19 élément d'intention génocide lorsque cela s'ajoute à l'assassinat de 7500

20 hommes musulmans de Bosnie. J'espère avoir démontré qu'il n'y a rien dans

21 la convention sur le génocide en tant que tel ou dans les textes précédents

22 ou dans la jurisprudence de ce Tribunal ou du Tribunal du Rwanda, qui

23 appuie la conclusion de la Chambre. La conclusion de la Chambre, comme je

24 l'ai dit, se fonde sur le rapport final de la commission d'experts de 1994.

25 Elle s'y appuie de manière abusive. Et c'est peut-être la majeure erreur

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1 qui a été commise à la fois par la Chambre de première instance et par

2 l'Accusation en l'espèce. Nous considérons donc qu'il s'agit de l'erreur

3 majeure et principale commise par la Chambre dans la présente affaire. Nous

4 demandons à la Chambre d'appel d'infirmer cette décision et ces

5 conclusions. Et j'estime qu'il est nécessaire que la Chambre d'appel le

6 fasse. Permettez-moi maintenant de revenir un petit peu sur l'historique

7 des travaux de la commission d'experts et de ce qui a été fait en 1994.

8 Comment cette commission a été créée, pourquoi elle a été créée. Parce que

9 je ne pense pas que les conclusions du rapport de la commission d'experts

10 peuvent être pris en compte sans tenir compte du contexte. Nous allons

11 démontrer que la commission à été créée afin de recueillir des éléments de

12 preuve sur des violations du droit humanitaire internationale et non pas

13 afin de suggérer des principes juridiques relatifs au génocide ou à

14 d'autres violations du droit international humanitaire. Alors, comme nous

15 le voyons, nous pouvons le retrouver dans la partie H de l'annexe 3 de

16 notre mémoire en appel et dans la lettre du 27 mai 1994 rédigée par le

17 secrétaire général et adressée au président du conseil de Sécurité. En

18 résumant très brièvement la résolution du 6 octobre 1992, le conseil de

19 Sécurité des Nations Unies a demandé au secrétaire général de créer une

20 commission d'experts afin d'examiner et d'analyser les informations réunies

21 afin de fournir au secrétaire général ses conclusions sur les preuves de

22 violations graves des conventions de Genève et d'autres violations du droit

23 international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.

24 Une commission de cinq membres a été créée.

25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il me semble que vous avez épuisé le

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1 temps imparti, et nous avons pris -- promis aux interprètes de nous

2 arrêter. Il serait correct de respecter notre promesse. Ils ont travaillé

3 de manière très difficile aujourd'hui, Monsieur Sepenuk. Je vous prie

4 d'arrêter et de reprendre demain, même si on vous interrompe au milieu de

5 votre argumentation.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Je présente mes excuses encore une fois aux

7 interprètes.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] L'audience est levée.

9 --L'audience est levée à 16 heures 16 et reprendra demain matin à 9 heures

10 30.

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