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1 Le mercredi 26 novembre 2003
2 [Audience d'appel]
3 [Audience publique]
4 [L'appelant est introduit dans le prétoire]
5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 35.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez prendre place.
7 Je vais demander au Greffier d'audience de bien vouloir citer l'affaire
8 inscrite au role de la Chambre d'appel. Je vous ai appelé, Madame la
9 Greffière, je m'en excuse, nous avons d'habitude des dames à votre place.
10 M. LE GREFFIER : [interprétation] Affaire IT-98-33-A, le Procureur contre
11 Radislav Krstic.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
13 Je vous m'assurer que les interprètes m'entendent. Veuillez vous manifester
14 visuellement, si c'est le cas, merci.
15 L'appelant, le général Krstic est dans le prétoire. Monsieur Krstic pouvez-
16 vous m'entendre ?
17 L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense qu'aussi bien du côté de
19 l'Accusation que de la Défense, on peut m'entendre. Bien.
20 Maintenant, je souhaiterais pour le compte rendu d'audience demander aux
21 parties de se présenter. Nous allons commencer par la Défense. La Défense
22 s'il vous plaît.
23 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, bonjour. Je m'appelle
24 Nenad Petrusic, je suis accompagné de M. Sepenuk dans le cadre de la
25 Défense du général Krstic. Et pendant l'appel Sandra Djuric à nos côtés
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1 dans le prétoire. Merci.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je vais maintenant me tourner
3 vers l'Accusation pour demander qu'elle se présente.
4 M. FARRELL : [interprétation] Oui, bonjour, Monsieur le Président,
5 Messieurs les Juges. Je m'appelle Norman Farrell, je suis accompagné de M.
6 Mathias Marcussen pendant toute la durée de la procédure, de M. Xavier
7 Tracol et Mme Magda Karagiannakis, qui sera présente pendant l'intervention
8 de la Défense. Et pendant la présentation des moyens de la Défense, dans le
9 cadre de cet appel, notre assistant est Lourdes Galicia.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
11 Je veux maintenant vous expliquer comment nous allons procéder. Comme vous
12 le savez, nous sommes réunis à l'occasion de l'appel concernant l'appelant,
13 Krstic. Il s'agit ici d'un appel interjeté suite au jugement prononcé par
14 la Chambre de première instance numéro I, le 2 août 2001. La Chambre de
15 première instance a déclaré M. Krstic coupable de génocide au titre de
16 l'Article 4 du statut du Tribunal pour son rôle dans l'exécution de 7 000 à
17 8 000 Musulmans de Bosnie suite à la chute de Srebrenica. Il s'agissait là
18 du chef numéro 1 de l'acte d'accusation.
19 M. Krstic a également été reconnu coupable de persécution, un crime contre
20 l'humanité au titre de l'Article 5 pour des actes commis entre le 10 et le
21 13 juillet 1995. Il s'agissait là d'une partie du chef numéro 6 de l'acte
22 d'accusation.
23 Enfin, M. Krstic a été reconnu coupable de meurtre en tant que violation
24 des lois aux coutumes de la guerre au titre de l'Article 3 du statut du
25 Tribunal. Cette déclaration de culpabilité a été prononcée au titre du chef
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1 numéro 5 de l'acte d'accusation.
2 La Chambre de première instance a acquitté M. Krstic de complicité de
3 génocide, il s'agissait du chef 2; et d'expulsion, un crime contre
4 l'humanité, il s'agissait là du chef d'accusation numéro 7. La Chambre de
5 première instance d'autre part n'a pas prononcé de déclaration de
6 culpabilité à plusieurs reprises et pour plusieurs chefs parce qu'elle
7 estimait qu'il y aurait là cumul de déclarations de culpabilité. Il
8 s'agissait des infractions d'extermination en tant que crime contre
9 l'humanité, chef 3; assassinat en tant que crime contre l'humanité au titre
10 du chef 5 -- de l'Article 5, chef 4; persécution en tant que crime
11 sanctionné par l'Article 5, il s'agissait là des actes commis du 13 au 19
12 juillet 1995 - chef 6; et actes inhumains ou à défaut transferts forcés en
13 tant que crime contre l'humanité au titre du chef -- de l'Article 5, chef
14 8.
15 M. Krstic a été condamné à une peine unique d'emprisonnement de 46 ans.
16 Aussi bien M. Krstic que l'Accusation a interjeté appel du jugement.
17 Vendredi dernier, nous avons entendu des arguments au sujet du poids et de
18 la crédibilité qu'il convient d'accorder à des éléments de preuve
19 supplémentaires ainsi qu'à des éléments de preuve en réplique qui ont été
20 acceptés au titre de l'appel. Aujourd'hui et demain, nous allons entendre
21 les parties sur le fond de l'appel. Nous travaillons aujourd'hui en
22 l'absence de M. le Juge Schomburg. L'Article 15 bis(A) permet à une
23 audience de se poursuive en l'absence d'un juge lorsque, pour des raisons
24 personnelles ou pour des raisons médicales, il n'est pas en mesure de
25 travailler -- de siéger. Un juge -- lorsque le juge ne peut continuer à
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1 siéger dans une affaire en cours pendant une période qui semble devoir être
2 de courte durée, et lorsque les Juges de la Chambre estiment que c'est dans
3 l'intérêt de la justice que l'audience se poursuit malgré tout sans eux. Le
4 Juge Schomburg est actuellement absent. Il est absent pour des raisons qui
5 ont trait à ses activités au sein du Tribunal. Son absence a été évoquée
6 par les autres Juges de la Chambre, et ils estiment qu'il est dans
7 l'intérêt de la justice que l'audience de ce jour ait lieu. Avant de donner
8 la parole aux conseils des deux parties, je vais résumer les motifs d'appel
9 qui ont été présentés par les parties dans leurs écritures.
10 La première -- le premier motif d'appel de l'Accusation a trait au cumul de
11 déclarations de culpabilité. L'Accusation estime que la Chambre de première
12 instance s'est fourvoyée en ne condamnant pas l'accusé pour les chefs 3,
13 extermination; chef 6, persécution un crime contre l'humanité, pour les
14 meurtres commis entre le 13 et le 19 juillet 1995; et chef 4, assassinat en
15 tant que crime contre l'humanité; et chef 8, actes inhumains en tant que
16 crime contre l'humanité. L'Accusation avance que les déclarations de
17 culpabilité pour génocide et extermination, pour génocide et persécutions,
18 pour persécutions et meurtre, et pour persécutions au titre de l'Article 5
19 et actes inhumains au titre de l'Article 5, à raison de même comportement,
20 peuvent faire l'objet de déclarations de culpabilité cumulées.
21 Je vais maintenant passer au deuxième motif d'appel de l'Accusation, qui a
22 trait à la peine qui a été prononcée par la Chambre de première instance.
23 L'Accusation argue du fait que la Chambre de première instance s'est
24 fourvoyée en prononçant une peine de 46 ans, et que l'accusé aurait dû être
25 condamné à une peine d'emprisonnement à vie. Premièrement, l'Accusation
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1 fait valoir que la peine qui a été prononcée n'est pas suffisamment lourde
2 vu la gravité des crimes commis. Deuxièmement, elle fait valoir que cette
3 peine prononcée est fort différente de celle qui a été prononcée dans des
4 affaires semblables pour le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
5 Troisièmement, la Chambre de première instance s'est fourvoyée en faisant
6 reposer sa décision relative à la peine sur le fait que, pour la Chambre de
7 première instance, la culpabilité de M. Krstic était moindre que celle des
8 hauts dirigeants serbes de Bosnie ainsi que les plus hauts représentants
9 militaires. Enfin, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première
10 instance aurait dû estimer que l'état d'esprit de M. Krstic constituait une
11 circonstance aggravante, au moment de déterminer sa peine.
12 Le premier motif d'appel de la Défense a trait à la déclaration de
13 culpabilité de M. Krstic pour génocide. La Défense fait valoir que la
14 Chambre de première instance s'est fourvoyée en déclarant M. Krstic
15 coupable de génocide parce qu'elle a à tort assimilé le déplacement d'un
16 groupe à la destruction de ce même groupe. La Défense fait valoir que la
17 Chambre de première instance s'est fourvoyée en estimant que M. Krstic
18 était animé de l'intention suffisante et nécessaire pour commettre le
19 génocide. Plus particulièrement, la Défense fait valoir que les conclusions
20 de la Chambre de première instance ne sont pas étayées par suffisamment de
21 faits.
22 Le deuxième motif d'appel de la Défense a trait aux pratiques de
23 l'Accusation en matière de communication des pièces. La Défense fait valoir
24 que cette pratique enfreint le droit de M. Krstic à un procès équitable, et
25 que justifie un nouveau procès. Cet argument s'articule en quatre volets :
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1 Premièrement, la Défense fait valoir que la Chambre de première instance
2 s'est fourvoyée en estimant que l'Accusation n'était pas tenue de respecter
3 l'Article 65 ter --
4 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je répète la phrase.
5 Premièrement, la Défense fait valoir que la Chambre de première instance
6 s'est fourvoyée en estimant que l'Accusation n'était pas tenue de respecter
7 l'Article 65 ter, comme c'était le cas à l'époque, qu'il lui faisait donc
8 obligation de communiquer les copies et les pièces à conviction avant le
9 début de la présentation des moyens à charge; deuxièmement, que la non
10 communication d'un enregistrement et l'audition de cet enregistrement
11 ultérieurement dans le prétoire a porté préjudice à M. Krstic au moment du
12 procès; troisièmement, que l'Accusation n'a pas communiqué à la Défense des
13 éléments à décharge tel qu'elle était dans l'obligation de le faire aux
14 termes de l'Article 68 du Règlement; enfin, la Défense fait valoir que
15 l'Accusation a enfreint l'Article 68 du Règlement en ne communiquant pas
16 des éléments relatifs à l'enquête de -- sur deux témoins qui avaient été
17 demandés proprio motu par la Chambre de première instance.
18 Le troisième motif d'appel de la Défense, c'est que la Chambre de première
19 instance s'est fourvoyée dans ses conclusions sur les faits et sur des
20 points de droit. La Défense fait valoir que la Chambre de première instance
21 ne disposait pas de suffisamment de faits pour justifier un certain nombre
22 des conclusions qu'elle a tirées dans son jugement. Ces conclusions ont
23 trait aux crimes commis à Potocari, à la participation alléguée de la
24 Brigade de Bratunac aux exécutions à la ferme de Branjevo et au centre
25 culturel de Pilica, à l'existence d'une chaîne de commandement parallèle,
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1 autant dit que sur la date à laquelle M. Krstic a pris le commandement du
2 Corps de la Drina.
3 Le quatrième et dernier motif d'appel de la Défense a trait à la peine
4 prononcée. La Défense argue que la Chambre de première instance n'a pas
5 suffisamment pris en compte la grille des peines et des pratiques en
6 matière de peine qui existent en Bosnie-Herzégovine depuis la perpétration
7 des crimes et d'autres parts la Défense fait valoir que la Chambre de
8 première instance n'a pas pris suffisamment en compte la situation
9 personnelle de M. Krstic.
10 Maintenant je souhaiterais rappeler aux parties, quels sont les critères
11 qui s'appliquent aux erreurs de fait ou de droit qui sont allégués lors
12 d'une procédure d'appel. Lorsque la -- comme la Chambre d'appel l'a signalé
13 à de nombreuses reprises, une procédure d'appel n'est pas une occasion qui
14 permet aux parties de plaider à nouveau leur thèse. Il ne s'agit pas d'un
15 de novo procès. Lors d'une procédure d'appel les parties doivent limiter
16 leurs arguments aux questions qui relèvent de l'Article 25 du Tribunal du
17 statut. Globalement, la Chambre d'appel n'entend aucuns arguments que ceux
18 qui reposent sur des erreurs de droit dont il est allégué qu'elle infirme
19 le jugement. Très exceptionnellement, les parties peuvent soulever des
20 questions d'un intérêt général pour la jurisprudence du Tribunal.
21 S'agissant maintenant des erreurs de fait, seul les erreurs qui auraient
22 entraîné un déni de justice seront prises en compte.
23 Comme les parties devraient parfaitement le savoir, la Chambre d'appel
24 exige d'un appelant qu'il allègue des erreurs de fait de prouver qu'aucun
25 Juge des faits raisonnables n'aurait pu arriver à la conclusion qui est
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1 contestée et que cette erreur de fait est une gravité telle qu'elle a
2 entraîné un déni de justice.
3 Je souhaiterais également demander aux parties d'être précises et claires
4 dans la présentation de leurs moyens d'appel ainsi que dans leurs réponses
5 et dans leurs répliques. Je vais maintenant vous donner l'ordre précis dans
6 lequel nous allons entendre les arguments des parties. Il s'agit d'un ordre
7 de comparution -- d'intervention qui figure dans notre ordonnance portant
8 calendrier du 19 novembre 2003.
9 Nous allons d'abord entendre l'Accusation. Le conseil de l'Accusation aura
10 une heure et demie pour présenter ses arguments. Nous ferons ensuite une
11 pause de 30 minutes. Lorsque nous reviendrons dans le prétoire, la Défense
12 répondra pendant une heure et demie également. Nous aurons ensuite une
13 pause pour le déjeuner qui durera une heure et demie. Après la pause du
14 déjeuner, l'Accusation aura 20 minutes pour répondre. Ensuite nous
15 entamerons l'audition de l'appel de la Défense. La Défense disposera d'une
16 heure cet après-midi pour commencer à nous présenter ses moyens. Nous
17 mettrons ensuite fin à notre audience de ce jour pour reprendre à 9 heures
18 30 demain matin. A ce moment-là, la Défense disposera d'une heure et demie
19 pour finir la présentation de ses moyens, nous observerons ensuite une
20 pause de 30 minutes. Suite à quoi, l'Accusation disposera d'une heure et
21 demie pour répondre. Ensuite, nous ferons une pause d'une heure et demie,
22 puis l'Accusation disposera d'une heure supplémentaire pour terminer sa
23 réponse. La Défense bénéficiera ensuite de 30 minutes pour répliquer à
24 l'Accusation. Puis si M. Krstic, s'il le souhaite, pourra s'adresser à la
25 Chambre d'appel pendant 15 minutes.
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1 S'il n'y a pas de questions au sujet de notre calendrier, de notre ordre du
2 jour, je vais maintenant passer à une question dont il convient que nous
3 traitions avant d'entendre les arguments des parties. Il s'agit d'une
4 question qui reste en suspens, suite à l'audience de vendredi, il convient
5 que nous en traitions maintenant. Comme vous le savez vendredi les parties
6 ont demandé oralement ou présenté une requête orale pour demander le
7 versement au dossier, dans le cadre de cet appel de la déposition de M.
8 Butler, dans l'affaire Blagojevic. L'Accusation a indiqué qu'elle n'avait
9 quant à elle aucune objection quant à la requête présentée par la Défense.
10 Et la Chambre d'appel a fait droit à cette requête. Si j'ai bien compris la
11 Défense veut citer à la barre M. Butler, ai-je bien compris ?
12 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Bien. Dans ces conditions, je vais
14 citer M. Butler à la barre en tant que témoin à décharge. La Chambre cite à
15 la barre M. Butler.
16 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons demander au témoin de
18 prêter serment.
19 Monsieur Butler, est-ce que vous m'entendez ?
20 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Monsieur Butler, je vais vous
22 demander de lire la déclaration solennelle qui vous est présentée par
23 l'Huissier.
24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
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1 LE TÉMOIN: RICHARD BUTLER [Assermenté]
2 [Le témoin répond par l'interprète]
3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Butler. Vous pouvez
4 prendre place. La Défense va maintenant vous poser des questions, M.
5 Butler.
6 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Interrogatoire principal par M. Sepenuk :
8 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Butler.
9 R. Bonjour.
10 Q. Je m'appelle Norman Sepenuk, je suis un des avocats de l'équipe de la
11 Défense du général Krstic.
12 Vous avez déposé en tant que témoin expert militaire dans l'affaire
13 concernant le colonel Blagojevic, est-ce bien exact ?
14 R. Oui, c'est exact.
15 Q. Et vous avez déposé pendant plusieurs jours dans cette affaire, n'est-
16 ce pas ?
17 R. Oui.
18 Q. Et si je vous posais aujourd'hui les mêmes questions que celles qui
19 vous ont été posées au cours du procès Blagojevic, j'imagine que vous me
20 répondriez de la même manière.
21 R. C'est exact.
22 Q. Est-ce qu'il y a des exceptions à cette règle ?
23 R. J'ai passé en revue le compte rendu d'audience, et il y a trois
24 corrections mineures que je pourrais apporter mais qui sont dues au fait
25 que la personne assurée de la transcription, la sténotypiste n'a pas été en
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1 mesure d'entendre un nom bien spécifique, en dehors de cela, il n'y a rien.
2 M. SEPENUK : [interprétation] J'en ai fini, Monsieur le Président. Ces
3 trois erreurs Me Farrell les connaît. Il va maintenant avec la permission
4 de la Chambre vous expliquer de quoi elles retournent.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, Monsieur Farrell.
6 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
7 Contre-interrogatoire par M. Farrell :
8 Q. [interprétation] M. Butler, il y a trois passages dans votre déposition
9 dont la transcription ne reflète pas exactement ce que vous avez dit dans
10 Blagojevic.
11 M. FARRELL : [interprétation] Puis-je s'il vous plaît demander au Greffe de
12 remettre un exemplaire de sa déposition à M. Butler, afin qu'il puisse nous
13 confirmer les passages concernés.
14 Q. Monsieur Butler, est-ce que le document qui se trouve devant vous est
15 le suivant. "Déposition de Richard Butler déposée en vertu de l'ordonnance
16 de la Chambre de première instance faisant droit à requête orale de
17 l'appelant en vertu de l'Article 115 du règlement." Pouvez-vous vérifier le
18 numéro en haut de la page ? Est-ce que c'est bien le numéro 5433, 5433.
19 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas entendu les chiffres.
20 5423, 5433.
21 R. C'est exact.
22 Q. Sur la deuxième page du document, vous voyez qu'il y a trois annexes.
23 Annexe A page 4608 à 4624. Annexe B, page 4510 à
24 4520, Annexe C, 4699 à 4736. Passages de votre déposition dans Blagojevic,
25 n'est-ce pas ?
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1 R. Oui.
2 Q. La première à laquelle je souhaite faire référence c'est la page
3 portant le numéro 5412 en haut à droite.
4 R. Oui.
5 Q. La copie que j'ai porte des mentions manuscrites, car ce sont des
6 copies -- ce sont des copies que nous avons faites ce matin. Ces mentions
7 manuscrites, est-ce qu'elles figurent sur votre copie ?
8 R. Oui.
9 Q. -- tenir compte de ces mentions manuscrites, mais nous intéresser à la
10 partie dactylographiée à la page -- à la ligne 11, il y a une question, et
11 ensuite à la ligne 16 la question s'interrompt pour se poursuivre de la
12 manière suivante :
13 "Qu'a dit -- comment M. Obrenovic a-t-il qualifié le problème auquel était
14 confronté son unité dans le cadre du meurtre de 1 000 prisonniers musulmans
15 le 16 juillet à la ferme de Branjevo ?"
16 Est-ce qu'on parlait de M. Obrenovic lorsqu'on vous a posé cette question ?
17 R. Non, en fait quand on a posé cette question, "on a parlé de M.
18 Erdemovic et pas de M. Obrenovic"
19 Q. Merci, Nous allons maintenant passer à un autre passage, page 5406. Il
20 s'agit encore d'un passage de votre déposition dans le procès Blagojevic, à
21 la ligne 16 de cette page ou plutôt à la ligne 14, il y a une question qui
22 est la suivante, réponse :
23 "Pour revenir aux hommes de M. Erdemovic de Bratunac, à quelle heure sont-
24 ils arrivés à la ferme de Branjevo ?"
25 Et la réponse à la ligne 16 est la suivante, je cite :
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1 "On peut dire sur la base de la déposition de M. Obrenovic dans l'affaire
2 Krstic qu'ils sont arrivés vers midi ou au milieu de journée." Est-ce que
3 c'est bien de la déposition de "M. Obrenovic" dans l'affaire Krstic qu'on a
4 parlé lorsqu'on vous a posé cette question ?
5 R. Non, on a parlé de M. Erdemovic à ce moment-là également.
6 Q. Est-ce sur l'exemplaire que vous avez, il a été écrit à la main le mot
7 "Obrenovic" -- le mot "Erdemovic" au dessus du mot " Obrenovic" ?
8 R. Oui.
9 Q. C'est bien l'exemplaire qui vient de vous être remis, ce n'est pas vous
10 qui avez écrit quoi que ce soit sur ce document ?
11 R. Effectivement.
12 Q. Maintenant, nous allons passer à la page 5376. Il s'agit du numéro
13 d'ordre donné par le Greffe à cette page, numéro qui se situe en haut, à
14 droite de la page. Ici c'est un passage dans lequel vous êtes interrogé par
15 le conseil de la Défense, la ligne 18, vous répondez au conseil de la
16 Défense, en disant : "Bien." Et ensuite, plus loin, la ligne 19, il y a une
17 réponse qui commence par le mot suivant : "Le témoin" et qui se poursuit
18 par la mention suivante : "Je veux simplement faire la lumière sur ce
19 point." Est-ce que c'était vous qui parlez à ce moment-là ?
20 R. Non, à ce moment-là, c'était M. McCloskey, le Procureur qui parlait.
21 Q. Je vous remercie de nous avoir précisé cela, M. Butler.
22 M. FARRELL : [interprétation] Je demanderais au Greffe, Monsieur le
23 Président, de faire consigner cela pour que ce soit clair dans le compte
24 rendu d'audience en appel. Je n'ai pas d'autres questions pour M. Butler.
25 Je vous remercie.
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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui, la Défense.
2 M. SEPENUK : [interprétation] Alors lundi, nous avons présenté cette
3 déposition à la Chambre et nous fournissons la déposition à la Chambre
4 d'appel ainsi que les corrections apportées par M. Butler ce matin.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. La déposition de M. Butler
6 est versée au dossier avec les corrections qui sont apportées. Donc nous
7 avons corrigé sa déposition.
8 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie.
9 Et très brièvement, nous avons fourni aussi la déposition de M. Obrenovic
10 et nous l'avons fait lundi suite à l'autorisation de la Chambre en
11 application de l'Article 115 et notre requête à laquelle il a été fait
12 droit.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Maître, Nous pouvons
14 commencer. Je donnerais la parole à l'Accusation.
15 [La Chambre de première instance et le juriste se concertent]
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Butler
17 d'être venu. Vous pouvez partir.
18 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie.
19 [Le témoin se retire]
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Farrell, vous avez la parole.
21 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Avant de
22 commencer, permettez moi d'observer la chose suivante, M. Butler s'est
23 référé aux transcriptions que nous voyons à présent sur la table des
24 témoins. Tout simplement, je pense qu'il faudrait verser cela au dossier de
25 l'audience puisqu'il s'agit de transcriptions auxquelles on s'est référé
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1 pendant son audition. Cela a fait partie de sa déposition.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Oui. On considérera qu'il s'agit d'une
3 pièce à conviction.
4 M. FARRELL : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
5 Pour ce qui est de l'Accusation, nous allons présenter nos arguments avec
6 M. Xavier Tracol et M. Mathias Marcussen, ils sont tous les deux les
7 conseils présents ici.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Tracol, nous vous entendons à
9 présent.
10 M. TRACOL : Bonjour Messieurs les Juges, je m'exprimerais aujourd'hui en
11 français.
12 Messieurs les Juges, le premier motif d'appel de l'Accusation est relatif à
13 l'erreur de droit commise par la Chambre de première instance dans son
14 application du critère relatif au cumul de responsabilités. L'Accusation
15 fait valoir que la Chambre de première instance a commis une erreur dans
16 son application du test aux génocides et aux crimes contre l'humanité d'une
17 part et aux persécutions et à d'autres crimes contre l'humanité d'autre
18 part. Je rappellerais brièvement le critère qui a été posé par la Chambre
19 d'appel pour le cumul de déclarations de culpabilité avant de démontrer en
20 quoi la Chambre de première instance a commis ses erreurs dans l'affaire
21 Krstic.
22 La Chambre d'appel a posé le critère relatif aux déclarations du cumul de
23 responsabilités dans les arrêts de Delalic et plus précisément au
24 paragraphe 412 et 413 de cet arrêt. Et puis la Chambre d'appel a confirmé
25 ce même critère au paragraphe 168 à 174 de l'arrêt Kunarac. Ce critère a
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1 souvent été appelé le critère des éléments nettement distinct.
2 Il est simple si ce critère n'est pas rempli, l'accusé est déclaré coupable
3 seulement du crime le plus spécifique, à savoir, celui qui présente un
4 élément nettement distinct.
5 L'Accusation fait valoir dans le jugement Krstic, la Chambre de première
6 instance il faut envoyer tout d'abord dans son application du critère aux
7 génocides et aux crimes contre l'humanité.
8 S'agissant tout d'abord de la distinction juridique entre le génocide et
9 les crimes contre l'humanité. La Chambre de première instance a conclu au
10 paragraphe 682 du jugement que je cite : "L'exigence d'une attaque
11 généralisée ou systématique contre une population civile formulée à
12 l'Article 5 du statut, est incluse dans celle propre au génocide, d'une
13 intention de détruire un certain type de groupe." L'Accusation fait valoir
14 que la Chambre de première instance a ainsi commis une erreur de droit dans
15 la mesure où des éléments nettement distincts caractérisent le génocide et
16 les crimes contre l'humanité.
17 Dans l'arrêt Musema qui est postérieur au jugement Krstic, la Chambre
18 d'appel de TPIR a considéré que la preuve de la commission des crimes
19 contre l'humanité dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique
20 contre une population civile n'est négligée pour le génocide. A l'inverse,
21 le génocide exige la preuve de l'intention de détruire en toute partie, un
22 groupe protégé à la différence des crimes contre l'humanité, il n'exige pas
23 la présence de cet élément. Par conséquent la Chambre d'appel de TPIR
24 indirectement a déjà décidé dans l'arrêt Musema et plus précisément au
25 paragraphe 366 et 367 de cet arrêt que les éléments constitutifs de
Page 225
1 génocides et des crimes contre l'humanité sont nettement distincts. En
2 pratique, l'Accusation a fait donc valoir que le cumul de déclarations de
3 culpabilité est possible dans tous les cas entre le génocide et les crimes
4 contre l'humanité dans la mesure au chaque crime présente un élément
5 nettement distinct, à savoir, une attaque généralisée ou systématique
6 dirigée contre une population civile pour les crimes contre l'humanité et
7 l'intention de détruire en toute partie un groupe protégé en tant que tel
8 pour le génocide.
9 S'agissant maintenant plus précisément de l'application du critère relatif
10 au cumul de déclarations de culpabilité au génocide et à l'extermination.
11 La Chambre de première instance a conclu au paragraphe 685 du jugement que
12 je cite :
13 "Il n'est pas possible à raison des mêmes actes de déclarer l'accusé
14 capable à la fois d'extermination et de génocide."
15 En cela, l'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance a
16 commis une erreur de droit en appliquant le critère relatif aux cumules de
17 déclarations de culpabilité. Toujours dans l'arrêt Musema, la Chambre
18 d'appel du TPIR a déjà réglé cette question et abouti à la conclusion
19 opposée à la Chambre de première instance dans le jugement Krstic.
20 Aux paragraphes 362 et 363 de l'arrêt Musema, la Chambre d'appel du TPIR a
21 expressément appliqué le critère qui a été posée par la Chambre d'appel de
22 ce Tribunal dans l'arrêt Delalic et a examiné si le génocide et
23 l'extermination présentent des éléments nettement distants --
24 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]
25 M. TRACOL : Je m'en excuse, et je vais tenter de ralentir, Monsieur le
Page 226
1 Président.
2 La Chambre de première instance a donc conclu, dans l'arrêt Musema, que
3 l'élément moral du génocide, à savoir l'intention de détruire en tout ou en
4 partie le groupe protégé ne constitue pas un élément de l'extermination. A
5 l'inverse, un élément nécessaire pour les crimes contre l'humanité, à
6 savoir une attaque généralisée ou systématique dirigée contre une
7 population civile n'est pas nécessaire pour le génocide.
8 La Chambre d'appel du TPIR a donc conclu au paragraphe 366 de l'arrêt
9 Musema que les éléments constitutifs de chaque crime sont nettement
10 distants. Elle en a donc conclu que les déclarations de culpabilité, ce
11 n'est que la conséquence de son raisonnement, pour génocide et pour
12 extermination, sur le fondement du même comportement est possible et
13 autorisée.
14 L'Accusation fait valoir que l'arrêt Musema répond au motif d'appel du
15 Procureur relatif à l'erreur de droit commise par la Chambre de première
16 instance en ne déclarant pas le général Krstic coupable d'extermination.
17 Selon l'Accusation, il n'existe aucune raison pour que la Chambre d'appel
18 modifie l'analyse et la conclusion de l'arrêt Musema relatif à cette
19 question.
20 L'Accusation fait encore valoir que les conclusions et le raisonnement qui
21 sous-tendent ces conclusions dans l'arrêt s'appliquent également en
22 l'espèce, et que la Chambre d'appel doit aboutir à la même conclusion.
23 L'Accusation conclu donc que la Chambre de première instance a bien commis
24 une erreur de droit en considérant que l'accusé ne peut être déclaré
25 coupable à raison du même comportement pour génocide et pour extermination
Page 227
1 au paragraphe 685 du jugement Krstic. C'est la raison pour laquelle
2 l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler la conclusion de la
3 Chambre de première instance relative à ce non cumule de déclarations de
4 culpabilité entre génocide et extermination, de réviser, bien entendu, le
5 paragraphe 685 du jugement Krstic et de déclarer le général Krstic coupable
6 d'extermination.
7 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumule de
8 déclarations de culpabilité aux génocides et aux persécutions. La Chambre
9 de première instance a considéré, au paragraphe 684 du jugement Krstic,
10 l'infraction de persécution ne comporte aucun élément qui ne serait pas
11 déjà inclus dans la volonté de destruction qu'exige le génocide."^ Par
12 conséquence, la Chambre de première instance n'a pas déclaré le général
13 Krstic coupable de persécution.
14 Toujours dans l'arrêt Musema, la Chambre d'appel du TPIR a déjà décidé que
15 les éléments constitutifs du génocide et des crimes contre l'humanité sont
16 nettement distants. Les persécutions sont un crime contre l'humanité.
17 Les conclusions de la Chambre d'appel du TPIR relatives aux éléments
18 nettement distants du génocide et des crimes contre l'humanité
19 s'appliquent, par conséquent, logiquement également aux persécutions. Par
20 conséquent, la Chambre -- la conclusion de la Chambre d'appel doit être
21 identique en l'espèce. Sur le fondement du raisonnement de la Chambre
22 d'appel du TPIR dans l'arrêt Musema, la Chambre d'appel ne peut aboutir à
23 une autre conclusion qu'à la présence d'un élément nettement distant entre
24 les persécutions et le génocide. La Chambre d'appel a donc logiquement
25 commis une erreur dans son application du critère relatif aux déclarations
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1 de culpabilité entre le génocide et les persécutions. Pour les mêmes motifs
2 que ceux déjà exprimés par la Chambre d'appel du TPIR, dans l'arrêt Musema,
3 l'Accusation demande à la Chambre d'appel de ce Tribunal de conclure que la
4 Chambre d'appel -- que la Chambre de première instance a commis une erreur
5 de droit en considérant, au paragraphe 684 du jugement, que seule la
6 qualification de génocide doit être retenue à l'encontre du général Krstic.
7 C'est pourquoi l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler cette
8 conclusion de la Chambre de première instance, de réviser le paragraphe 684
9 du jugement et de déclarer le général Krstic cumulativement coupable de
10 génocide et de persécutions.
11 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumule de
12 déclarations de culpabilité aux persécutions et à d'autres crimes contre
13 l'humanité. Aux paragraphes 675 et 676 du jugement, la Chambre de première
14 instance a déclaré le général Krstic coupable de persécutions, mais non
15 d'assassinat et non d'autres actes inhumains. La Chambre de première
16 instance a défini les crimes et a estimé que le crime de persécution exige
17 un élément spécifique supplémentaire, à savoir que l'acte a été commis pour
18 des raisons discriminatoires. Cependant, la Chambre de première instance a
19 conclu, sans aucune explication, que l'assassinat et les autres actes
20 inhumains n'exigent aucun élément nettement distant par rapport aux
21 persécutions.
22 La Chambre d'appel n'a jamais eu l'opportunité de se prononcer sur la
23 question générale du cumule de déclarations de culpabilité entre
24 persécution et d'autres crimes contre l'humanité. Cependant, les Chambres
25 de première instance ont rendu des jugements relatifs à cette question à la
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1 fois avant et après l'arrêt Delalic qui a posé -- dans lequel la Chambre
2 d'appel a posé le critère relatif au cumule de déclarations de culpabilité.
3 Les Chambres de première instance ont ainsi abouti à des conclusions, pour
4 le moins, divergentes, que je vous propose de présenter rapidement.
5 Tout d'abord, dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance
6 II a déclaré Drago Josipovic et Vladimir Santic cumulativement coupables de
7 persécution et d'assassinat d'une part, et de persécution et d'autres actes
8 inhumains d'autre part. Toutes les parties ont interjeté appel de ce
9 jugement, mais la Chambre d'appel n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur
10 cette question dans le cadre de l'affaire Kupreskic.
11 Le jugement Kupreskic a été rendu avant l'arrêt Delalic, dans lequel la
12 Chambre d'appel a posé le critère relatif au cumule de déclarations de
13 culpabilité. Cependant, l'Accusation fait valoir que la valeur juridique de
14 ce jugement demeure intacte dans la mesure où la Chambre de première
15 instance a examiné les mêmes sources que la Chambre d'appel dans l'arrêt
16 Delalic. Ces sources comprennent notamment le critère Blockberger, qui a
17 apparemment servi de fondement à la Chambre d'appel pour déterminer le
18 critère qui a été arrêté relatif pour cumule de déclarations de
19 culpabilité. Selon l'Accusation, le critère de la spécialité réciproque qui
20 a été retenu et appliqué par la Chambre de première instance dans le
21 jugement Kupreskic au paragraphe 685, est semblable et pratiquement
22 identique au critère qui a finalement été adopté par la Chambre d'appel
23 dans l'arrêt Delalic.
24 Dans le jugement Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance III a
25 déclaré Dario Kordic cumulativement coupable de persécution et d'assassinat
Page 230
1 à raison du même comportement. Elle a également déclaré les deux co-accusés
2 cumulativement coupables pour persécutions et pour autres actes inhumains.
3 Contrairement au jugement Kupreskic, le jugement Kordic et Cerkez a été
4 rendu moins d'une semaine après l'arrêt Delalic. Et aux paragraphes 814 à
5 816 du jugement Kordic et Cerkez, la Chambre de première instance s'est
6 expressément fondée sur le critère relatif aux déclarations de culpabilité
7 qui a été posé par la Chambre d'appel dans l'arrêt Delalic. Aucun des deux
8 condamnés n'a interjeté appel de cette conclusion de la Chambre de première
9 instance. Par conséquent, le jugement Kupreskic est définitif sur cette
10 question du cumule de déclarations de culpabilité.
11 Dans le jugement Kvocka, la Chambre de première instance I, qui était
12 composée d'exactement les mêmes Juges que dans le jugement Krstic a
13 considéré que le crime de persécution lorsqu'il s'agit des mêmes actes
14 commis à l'encontre des mêmes victimes recouvre les mêmes faits -- les
15 autres faits reprochés constituant à eux seuls des crimes contre l'humanité
16 dès lors qu'il comporte un élément constitutif supplémentaire, à savoir, la
17 discrimination pour l'un des motifs énumérés.
18 La Chambre de première instance a conclu, sans aucune explication au
19 paragraphe 220, jugement Kvocka, que l'assassinat ne contient aucun élément
20 nettement distinct par rapport aux persécutions. Par conséquent, la Chambre
21 de première instance a conclu que le crime de persécution est plus
22 spécifique que l'assassinat au même paragraphe du jugement.
23 Par le jugement Vasiljevic, la Chambre de première instance II a conclu au
24 paragraphe 267 du jugement que les persécutions exigent la preuve d'un acte
25 et d'une intention discriminatoire. Ils sont par conséquent plus
Page 231
1 spécifiques que l'assassinat ou les autres actes inhumains qui ne
2 présentent, selon la Chambre de première instance, aucun élément nettement
3 distinct par rapport aux persécutions. La Chambre de première instance,
4 dans l'affaire Vasiljevic, a donc déclaré l'accusé coupable de persécution
5 mais non d'assassinat et non d'autres actes inhumains. Le raisonnement de
6 la Chambre dans l'affaire Vasiljevic était limité à l'affirmation que les
7 persécutions exigent la preuve d'un acte et d'une intention discriminatoire
8 et que les persécutions sont par conséquent plus spécifiques que les autres
9 crimes contre l'humanité.
10 Mais à nouveau sans aucune explication, la Chambre de première instance
11 fait simplement partie du principe que l'assassinat et les autres actes
12 inhumains ne présentent aucun élément distinct par rapport aux
13 persécutions.
14 Enfin, dans le jugement Naletilic et Martinovic, la Chambre de première
15 instance I, section A, a conclu au paragraphe 724 du jugement que je cite :
16 "Lorsqu'un accusé est déclaré coupable de persécution et d'un autre crime
17 contre l'humanité, la déclaration de culpabilité à retenir contre lui et
18 celle prononcée pour persécution."
19 Je précise que l'Accusation a interjeté appel de cette conclusion de la
20 Chambre de première instance dans le jugement Martinovic et Naletilic.
21 Comme vous pouvez le constater la jurisprudence des Chambres de première
22 instance relative au cumul de déclarations de culpabilité entre
23 persécutions et d'autres crimes contre l'humanité est pour le moins
24 incohérente et divergente. En relevant cette erreur de droit commise par la
25 Chambre de première instance dans le jugement Krstic, l'Accusation donne
Page 232
1 ainsi l'opportunité à la Chambre d'appel de clarifier cette jurisprudence
2 des Chambres de première instance.
3 L'Accusation fait valoir que les Chambres de première instance qui ont
4 refusé le cumul de déclarations de culpabilité, pour persécutions et
5 d'autres actes -- d'autres crimes contre l'humanité, le fait sur le
6 fondement que les autres crimes contre l'humanité ne présenteraient aucun
7 élément nettement distinct au sens de l'arrêt de Delalic. Et ce, en dépit
8 de différences évidentes entre les différents éléments constitutifs de
9 chaque crime. L'Accusation ne peut donc pas conclure que cette conclusion
10 des Chambres de première instance est erronée.
11 S'agissant tout d'abord de l'application du critère relatif aux
12 déclarations de culpabilité, aux persécutions et à l'assassinat, la Chambre
13 de première instance a conclu au paragraphe 675 du jugement que
14 "l'assassinat ne présente aucun élément distinct par rapport aux
15 persécutions." L'Accusation fait valoir que cette conclusion de la Chambre
16 de première instance constitue une erreur de droit. L'assassinat se
17 distinct des persécutions par deux éléments, l'assassinat exige la preuve
18 premièrement que la mort de la victime résulte des actions de l'accusé et
19 deuxième élément avec l'intention de donner la mort ou de porter des
20 atteintes graves à l'intégrité physique dont l'accusé ne pouvait que
21 raisonnablement prévoir qu'il était susceptible d'entraîner la mort. A
22 l'inverse, les persécutions, d'après une jurisprudence constante des
23 Chambres de première instance se distinguent de l'assassinat puisqu'ils
24 exigent la preuve premièrement d'un déni manifeste au flagrant d'un droit
25 fondamental consacré par le droit international coutumier qui attend le
Page 233
1 même degré de gravité que les autres crimes contre l'humanité. Deuxième
2 élément qui distingue les persécutions de l'assassinat c'est bien entendu,
3 le motif, l'intention discriminatoire de l'auteur de l'acte. Dans le
4 jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a conclu à juste titre
5 que les persécutions exigent un élément de discrimination que l'assassinat
6 ne retire pas. Et je me réfère précisément au paragraphe 706 au jugement
7 Kupreskic. Dans le jugement Kupreskic, l'Accusation fait également valoir
8 que la Chambre de première instance a eu raison de conclure qu'une personne
9 peut être accusée à la fois d'assassinat et de persécution.
10 Pour citer le paragraphe 708 du jugement Kupreskic, les mêmes actes causant
11 la mort peuvent alors être constitutifs des deux crimes, s'il est prouvé
12 premièrement que l'assassinat en tant qu'acte de persécution répond aux
13 deux conditions d'intention discriminatoire et de pratique généralisée ou
14 systématique de la persécution. Deuxième condition que l'assassinat en tant
15 que crime contre l'humanité satisfait aux deux conditions du sacrifice
16 délibéré de la vie de civils innocents et de la pratique généralisée ou
17 systématique du meurtre de civils.
18 Dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a ainsi conclu
19 qu'un accusé peut être déclaré coupable sur le fondement du même
20 comportement à la fois pour persécution et pour assassinat.
21 L'Accusation fait valoir que la Chambre de première instance dans le
22 jugement Kupreskic a conclu à juste titre que les persécutions et
23 l'assassinat constituent des crimes différents en droit international
24 humanitaire dans la mesure où chaque crime est composé d'un élément
25 nettement distinct. La Chambre de première instance, dans le jugement
Page 234
1 Krstic, a donc commis une erreur de droit en aboutissant à la conclusion
2 opposée et en ne déclarant pas le général Krstic coupable d'assassinat.
3 C'est la raison pour laquelle l'Accusation demande à la Chambre d'appel
4 d'annuler cette conclusion du jugement Krstic, de réviser le paragraphe 675
5 du jugement et de déclarer le général Krstic coupable cumulativement de
6 persécution et d'assassinat.
7 S'agissant maintenant de l'application du critère relatif au cumul de
8 déclarations de culpabilité aux persécutions et aux autres actes inhumains,
9 la Chambre de première instance, dans le jugement Krstic n'a pas déclaré le
10 général Krstic coupable d'autres actes inhumais dans la mesure où elle a
11 estimé que les autres actes inhumains ne présentent aucun élément nettement
12 distinct par rapport aux persécutions au paragraphe 676 du jugement Krstic.
13 L'Accusation a connaissance de l'arrêt Krnojelac dans lequel la Chambre
14 d'appel a estimé au paragraphe 188, que je cite : "Que le crime de
15 persécution pour acte inhumain englobe le crime contre l'humanité d'actes
16 inhumains rendant ainsi impossible les condamnations multiples sur la base
17 des mêmes faits."
18 L'Accusation a bien entendu également connaissance de l'arrêt Aleksovski
19 dans lequel la Chambre d'appel a considéré au paragraphe 107, que
20 l'interprétation correcte du statut, à la lumière de son texte et de son
21 but, porte à conclure que dans l'intérêt de la sécurité et de la
22 prévisibilité juridique, la Chambre d'appel doit suivre ses décisions
23 impérieuses et reste libre de s'en écarter si des raisons antérieures lui
24 paraissent recommandées dans l'intérêt de la justice.
25 Permettez-moi également de citer le paragraphe suivant, le paragraphe 108
Page 235
1 de l'arrêt Aleksovski :
2 "Parmi les situations où dans l'intérêt de la justice, des raisons
3 impérieuses commandent de s'écarter d'une décision antérieure, citons
4 l'exemple d'une décision prise sur la base de pratique juridique erronée ou
5 d'une décision rendue per incurium, c'est-à-dire tranchée à tord
6 généralement parce que le ou les Juges n'étaient pas bien au fait du droit
7 applicable."
8 Dans l'arrêt Krnojelac, l'Accusation relève que la Chambre d'appel a
9 examiné la question du cumul de déclarations de culpabilité entre
10 persécutions et autres actes inhumains de sa propre initiative. En d'autres
11 termes, les parties n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs arguments
12 relatifs à cette question dans leurs mémoires respectifs. Cette question
13 n'a pas non plus été discutée lors de l'audience d'appel. Donc elle n'a été
14 argumentée par les parties ni de manière écrite dans les mémoires des
15 parties ni oralement lors de l'audience d'appel. Dans ces conditions
16 l'Accusation constate que la Chambre d'appel ne peut pas être bien au fait
17 du droit applicable au sens du paragraphe 108 d'Aleksovski puisque les
18 parties n'ont pas eu l'occasion de présenter leurs arguments relatifs à
19 cette question mais que la Chambre d'appel l'a tranché de sa propre
20 initiative. Par conséquent, l'Accusation a conclu que le paragraphe 188, de
21 la Krnojelac a été rendu per incurium toujours au sens du paragraphe 108,
22 de l'arrêt Aleksovski.
23 Dans l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a également énoncé au paragraphe
24 42 que je cite : Le raisonnement qui sous-tend un arrêt de la Chambre
25 d'appel doit être clairement expliqué. Un peu plus loin dans le même
Page 236
1 paragraphe la Chambre d'appel a indiqué qu'elle doit exposer de manière
2 suffisamment claire les motifs sur lesquels elle fonde son arrêt. Dans
3 l'arrêt Kunarac, l'Accusation relève également que la Chambre d'appel n'a
4 pas clairement expliqué le raisonnement ni exposé les motifs sur lesquels
5 elle a fondé sa conclusion du paragraphe 188 de la Krnojelac relatif à
6 cette question du cumul de déclaration de culpabilité entre les
7 persécutions et les autres actes inhumains. Par conséquent, le paragraphe
8 188 de Krnojelac n'est pas conforme aux exigences du paragraphe 42 de la
9 Kunarac. Dans ces conditions l'Accusation ne comprend pas le paragraphe 188
10 de la Krnojelac comme une décision finale qui entend régler définitivement
11 la question du cumul de déclaration de culpabilité entre les persécutions
12 et les autres actes inhumains. L'Accusation a conclu, que la Chambre
13 d'appel reste libre dans l'intérêt de la justice de s'écarter de sa
14 décision prise au paragraphe 188 de la Krnojelac et ce, en application du
15 paragraphe 108 de l'Aleksovski. Par conséquent, l'Accusation maintient son
16 motif d'appel relatif à cette question et présente maintenant à la Chambre
17 d'appel ses arguments relatifs à cette question.
18 L'Accusation fait bien entendu valoir que les autres actes inhumains et les
19 persécutions remplissent le critère posé par la Chambre d'appel dans
20 l'arrêt [sic] Delalic, dans le jugement Delalic. La Chambre de première
21 instance a considéré que les autres actes inhumains comprennent
22 exclusivement les actes et je cite le paragraphe 543 du jugement Delalic :
23 "Qui causent de graves souffrances mentales ou physiques ou constituent une
24 atteinte grave à la dignité humaine."
25 Cette conclusion du jugement Delalic est conforme à la jurisprudence des
Page 237
1 autres Chambres de première instance. Et notamment, au paragraphe 818 du
2 jugement Kupreskic et 728 à 764 du jugement Tadic : La souffrance mentale
3 ou physique ou l'atteinte grave à la dignité humaine caractérise donc les
4 autres actes inhumains. A l'inverse cette caractéristique n'est pas
5 juridiquement exigée pour les persécutions. L'Accusation en conclut donc
6 que les persécutions et les autres actes inhumains constituent des crimes
7 différents qui sont composés d'éléments nettement distants au sens de
8 l'arrêt Delalic. Les autres actes inhumains se distinguent des persécutions
9 puisqu'ils exigent la preuve que la victime a subi de graves souffrances
10 mentales ou physiques ou une atteinte grave à la dignité humaine. Une fois
11 de plus, le crime de persécution n'exige pas la preuve de cet élément.
12 L'Accusation a fait donc valoir que la Chambre de première instance, dans
13 le jugement Krstic, a commis une erreur de droit en ne déclarant pas le
14 général Krstic coupable d'autres actes inhumains. C'est la raison pour
15 laquelle l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler cette
16 conclusion de la Chambre de première instance relative à cette question,
17 réviser le paragraphe 675 du jugement et de déclarer le général Krstic
18 cumulativement coupable pour persécutions et pour d'autres actes inhumains.
19 L'Accusation fait également valoir que la distinction juridique entre les
20 persécutions et les autres crimes contre l'humanité n'est pas une question
21 purement technique. Cette question reflète des valeurs juridiques
22 fondamentalement différentes qui sont protégées par chaque disposition.
23 Dans l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a souligné au paragraphe 174 de
24 l'arrêt qu'il faut se garder d'une application mécanique ou aveugle des
25 principes. Dans le jugement Kupreskic, la Chambre de première instance a
Page 238
1 conclu au paragraphe 695 et 710 du jugement que le critère des valeurs
2 différentes protégées confirment et corroborent le résultat obtenu à
3 travers le critère des éléments nettement distants. L'Accusation remarque
4 également que la protection des différents intérêts publics a été reconnue
5 par Monsieur le Juge Shahabuddeen dans son opinion partiellement dissidente
6 annexée à l'arrêt Jelisic. Au paragraphe 42 de cette opinion, Monsieur le
7 Juge Shahabuddeen a déclaré que
8 "La pleine protection des différents intérêts publics reflétés dans les
9 éléments spécifiques d'un crime, exigent un cumul de déclaration de
10 culpabilité."
11 Le critère des différents intérêts publics représentent donc un critère
12 additionnel mais ne se substitut nullement au critère qui a été posé par la
13 Chambre d'appel dans l'arrêt de Delalic.
14 Tout d'abord, s'agissant des intérêts publics protégés par la
15 criminalisation des persécutions et de l'assassinat, la Chambre de première
16 instance a souligné à juste titre dans le jugement Kupreskic que :
17 "La prohibition des persécutions protège des intérêts publics différents,
18 de se protéger par la prohibition de l'assassinat."
19 Pour citer le paragraphe 709 du jugement Kupreskic. Il est clair que la
20 criminalisation de l'assassinat et des persécutions peuvent servir des
21 valeurs différentes. La prohibition de l'assassinat vise en effet à
22 empêcher le meurtre à grande échelle de civils innocents. Plus
23 généralement, elle entend sauvegarder la vie humaine en temps de conflits
24 armés. Pour sa part la prohibition des persécutions d'en mettre les civils
25 à l'abri des formes graves de discrimination. Elles disent donc réaffirmer
Page 239
1 le principe d'égalité entre groupes et êtres humains et en garantir le
2 respect. L'Accusation ne peut que se souscrire à cette analyse de la
3 Chambre de première instance dans le jugement Kupreskic et fait valoir que
4 la criminalisation des persécutions et de l'assassinat protège
5 effectivement des intérêts publics qui sont différents. La prohibition de
6 l'assassinat protège à l'encontre des atteintes définitives les plus
7 directes à l'existence humaine mettant la vie des victimes en cause. Il
8 protège ainsi finalement la valeur de la vie humaine et le respect du droit
9 à la vie.
10 S'agissant maintenant des intérêts publics différents qui sont protégés par
11 la criminalisation des persécutions et des autres actes inhumains, au
12 paragraphe 235, du jugement Blaskic, la Chambre de première instance a
13 considéré que les auteurs de persécution visent une personne humaine en
14 tant qu'appartenant à un groupe ou à une communauté. Les persécutions
15 concernent généralement et principalement la protection de l'identité des
16 groupes politiques, raciaux et religieux des attaques graves ainsi que la
17 liberté des êtres humains à s'identifier à ces groupes. De la même façon
18 que le groupe est l'objet de l'attaque, le groupe est également le sujet de
19 la protection juridique.
20 La prohibition des persécutions protège donc à l'encontre de la privation
21 discriminatoire du droit fondamental internationalement reconnu, vaste
22 catégorie qui comprend les droits sociaux, économiques et politiques, et
23 qui va bien au-delà des attaques contre l'intégrité corporelle et mentale.
24 A l'inverse la prohibition des autres actes inhumains protège précisément
25 l'intégrité physique et mentale ainsi que la dignité humaine de la personne
Page 240
1 en tant que telle et non en tant que membre d'un groupe, non en tant que
2 membre d'une communauté. Les autres actes inhumains protègent ainsi
3 l'atteinte à l'humanité et la dignité humaine de la victime. L'Accusation
4 en conclut que toute évidence les éléments distants qui composent chaque
5 crime sont fondés sur des intérêts publics qui sont également différents
6 pour chaque disposition.
7 Le cumul de déclaration de culpabilité contribue de manière importante à
8 faire que les différents intérêts publics que protègent les dispositions
9 statutaires. Au paragraphe 169 de l'arrêt Kunarac, la Chambre d'appel a
10 reconnu que les déclarations de culpabilité permettent de rendre pleinement
11 compte de toute l'ampleur du comportement criminel de l'accusé. Faut-il
12 pour autant que la peine le reflète ? En d'autres termes, une peine plus
13 lourde doit-elle également être prononcée dès lors qu'un même comportement
14 vole plusieurs intérêts publics et donc plusieurs dispositions du statut ?
15 D'après une jurisprudence constante du Tribunal, tel n'est pas le cas. Le
16 cumul de déclarations de culpabilité n'entraîne pas automatiquement,
17 systématiquement à une peine plus lourde.
18 En l'espèce, l'erreur de droit qui a été commise par la Chambre de première
19 instance relative à cette question du cumul de déclarations de culpabilité,
20 a des conséquences sur la peine puisque l'Accusation demande que le général
21 Krstic soit déclaré coupable de quatre chefs d'accusation supplémentaires;
22 à savoir l'extermination, les persécutions, assassinat et autres actes
23 inhumains. Comme M. le Président l'a rappelé en introduction. Etant donné
24 que le même comportement criminel du général Krstic fonde le cumul de
25 déclarations de culpabilité, l'Accusation ne demande pas une augmentation
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1 de la peine prononcée à l'encontre du général Krstic sur le fondement du
2 cumul de déclarations de responsabilité au cas, bien entendu, où la Chambre
3 d'appel ferait droit au premier motif d'appel de l'Accusation. Cependant,
4 l'Accusation demande à la Chambre d'appel d'annuler, bien entendu, les
5 conclusions de la Chambre de première instance relatives au non cumul de
6 déclarations de culpabilité, et de déclarer le général Krstic coupable
7 d'extermination, de persécution, d'assassinat et d'autres actes inhumains.
8 Je me tiens maintenant à la disposition de la Chambre d'appel pour toute
9 question éventuelle.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mes collègues, Messieurs les Juges,
11 souhaitent-ils poser leurs questions à présent ou souhaitent-ils plutôt que
12 l'Accusation poursuive avec la présentation de ses arguments au sujet des
13 autres motifs d'appel, à savoir le prononcé de la peine ? Souhaitez-vous en
14 parler maintenant ?
15 M. TRACOL : L'Accusation est tout à fait disposée à passer au second motif
16 d'appel si la Chambre d'appel le souhaite, et si vous avez des questions à
17 poser, bien entendu, sur le premier motif d'appel, je pourrai y répondre
18 ultérieurement, après la présentation du motif d'appel relatif à la peine.
19 [La Chambre d'appel se concerte]
20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Personnellement je souhaite vous poser
21 quelques questions au sujet des déclarations de culpabilité cumulées, mais
22 tout d'abord nous vous demanderons de présenter vos arguments au sujet de
23 vos autres motifs d'appel, à savoir la question de la peine. Et par la
24 suite, je donnerai la parole à mes collègues les Juges afin de vous poser
25 des questions au sujet de l'ensemble de votre argumentation de ce matin.
Page 242
1 Donc nous vous invitons à poursuivre et à présenter les arguments au sujet
2 des autres motifs d'appel.
3 M. TRACOL : Très bien, Monsieur le Président. Je passe donc la parole à mon
4 collègue, Mathias Marcussen, qui va présenter le second motif d'appel de
5 l'Accusation relatif à la peine.
6 M. MARCUSSEN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président, de
7 m'avoir donné la parole. Comme mon collègue vient de le dire, je
8 m'exprimerais au sujet du deuxième motif d'appel de l'Accusation.
9 Le deuxième motif d'appel de l'Accusation contient une requête de
10 l'Accusation où elle demande qu'il y ait révision de la peine de 46 ans de
11 prison qui a été décidée à l'encontre de l'appelant et où l'Accusation
12 demande une peine de prison à vie.
13 Alors, l'essentiel du deuxième motif d'appel de l'Accusation repose sur une
14 constatation tout à fait simple, à savoir lorsqu'il s'agit d'un accusé qui
15 est condamné, qui est déclaré coupable en tant qu'auteur de 8000 meurtres,
16 transferts forcés, de 20 à 25 000 dans les circonstances où il a été -- où
17 ceci constituait une conséquence raisonnable et prévisible pour l'accusé, à
18 savoir qu'au moins des dizaines de personnes seraient tuées, seraient
19 violées, seraient passées à tabac et que par -- et que de surcroît l'accusé
20 a été déclaré avoir joué un rôle clé dans la perpétration de ces crimes, et
21 bien, une seule peine s'impose, à savoir aux termes de l'Article 101, "Une
22 peine de prison à vie".
23 L'Accusation non seulement n'est pas d'accord avec la peine qui a été
24 prononcée par la Chambre de première instance mais, qui plus est,
25 l'Accusation estime que la Chambre de première instance s'est fourvoyée de
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1 quatre manières que nous avons présentées par écrit dans notre mémoire
2 d'appel. La première sous catégorie de motifs -- de nos motifs d'appel, si
3 vous le souhaitez, concerne le fait que la Chambre de première instance est
4 sortie du cadre de son pouvoir discrétionnaire et que, de toute évidence,
5 elle a imposé une peine inadéquate à la lumière de la gravité des crimes
6 commis par l'appelant. Le deuxième motif consiste à dire que la Chambre de
7 première instance a erré lorsqu'elle n'a pas pris en considération les
8 peines imposées par le Tribunal de Rwanda dans des affaires comparables. En
9 troisième lieu, nous estimons que l'erreur a été faite lorsqu'il a été
10 considéré que l'appelant est moins coupable que d'autres personnes,
11 d'autres auteurs, identifiés ou non identifiés. Et enfin, la quatrième
12 catégorie consiste à dire que la Chambre de première instance s'était
13 fourvoyée lorsqu'elle a considéré qu'il n'y avait pas de préméditation de
14 la part de l'appelant.
15 Je vais à présent parler de ces quatre sous catégories, mais je n'entrerai
16 pas dans les détails de l'ensemble de notre mémoire d'appel. Il n'y a pas
17 lieu de le faire puisque vous en avez déjà pris connaissance. Tout
18 simplement, j'ajouterais quelques éléments au sujet de nos arguments déjà
19 présentés, en m'appuyant sur la jurisprudence la plus récente, et aussi la
20 jurisprudence du Tribunal du Rwanda. Donc les éléments nouveaux connus
21 depuis le moment où nous avons présenté notre mémoire d'appel.
22 Tout simplement, je tiens aussi à rappeler que je ne prendrai pas les
23 motifs d'appel dans le même ordre. A savoir, j'inverserai l'ordre des deux
24 dernières catégories.
25 Donc tout d'abord, permettez-moi de parler de la première sous catégorie de
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1 motif d'appel. Nous reconnaissons, bien entendu, que la Chambre de première
2 instance dispose de pouvoir discrétionnaire considérable lorsqu'elle est
3 appelée à prononcer la peine. Et l'Accusation reconnaît tout à fait qu'il
4 s'agit -- à la charge de démontrer que la Chambre de premier appel [sic]
5 est sortie du cadre
6 -- a outrepassé le cadre où son pouvoir discrétionnaire lui appartient,
7 donc revient à l'Accusation. Mais nous estimons qu'en effet ceci s'est
8 produit dans la détermination de la peine en l'espèce. Et comme je l'ai
9 déjà dit, au fonds donc pour l'essentiel, la peine, même si elle est
10 lourde, est de toute évidence inappropriée, inadéquate, à la lumière de la
11 gravité extrême des crimes qui ont été commis par l'appelant.
12 Et comme je l'ai déjà dit, nous avons ici un grand nombre de victimes. La
13 qualification juridique du comportement de l'accusé aux termes des crimes
14 qui ont été commis a incité à la Chambre de premier appel [sic] à prononcer
15 des peines pour des crimes les plus sérieux. On a déclaré l'appelant
16 coupable de génocide, d'assassinat -- je m'excuse, je suis trop rapide. Je
17 m'excuse auprès des interprètes…
18 Donc, il a été déclaré coupable du crime contre l'humanité, donc aux chefs
19 de persécutions commis à travers des assassinats, le traitement cruel, la
20 terreur entre la population civiles, le transfert forcé, la destruction de
21 la propriété personnelle. Et il a été déclaré coupable d'assassinat en tant
22 que violation ou plutôt en tant que violation des crimes -- les lois de la
23 guerre.
24 Alors il s'agit de crimes sérieux, mais deux d'entre eux sont
25 -- recouvrent un caractère tout particulièrement sérieux, à savoir, le
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1 crime de persécution a été reconnu en tant que crime particulièrement grave
2 puisque l'exigence de l'intention discriminatoire existe pour ce crime. Le
3 crime de génocide a été reconnu comme le crime des crimes. Et c'est
4 récemment la Chambre de première instance -- la Chambre d'appel dans
5 l'affaire de Rutaganda a souligné la gravité extrême de ce crime et sa
6 gravité intrinsèque. L'Accusation estime que lorsqu'un accusé a été déclaré
7 coupable soit de génocides, soit de persécutions, le Tribunal doit imposer
8 la sentence la plus grave, mais l'Accusation estime qu'il doit y avoir un
9 moyen d'imposer la peine la plus importante.
10 Et comme je l'ai déjà dit dès le départ en l'espèce, nous avons 20 à 25 000
11 Musulmans civiles qui constituent les victimes, il s'agit de leur transfert
12 forcé de Potocari. Des dizaines d'hommes ont été tués, des femmes ont été
13 violées, des quantités, des nombres importants de civiles ont été passés à
14 tabac à Potocari, sept à huit milles hommes Musulmans de Bosnie ont été
15 exécutés lors des massacres qui ont suivi ces événements.
16 L'appelant a joué un rôle clé dans ces crimes, ces crimes. Et bien la
17 Chambre de première instance a considéré qu'il ne s'agissait pas uniquement
18 de crimes à grande échelle, mais qu'il s'agissait aussi de crimes qui
19 étaient particulièrement graves. La Chambre de première instance a décrit
20 ces crimes qui ont suivi la chute de Srebrenica comme des crimes les plus
21 odieux commis en Europe depuis la Deuxième guerre mondiale, des crimes de
22 guerre. La Chambre de première instance décrit les circonstances
23 terrifiantes qui régnaient à Potocari, lorsqu'il n'y avait ni nourritures,
24 ni eaux et la Chambre de première instance a fait mention au paragraphe
25 115, que les réfugiés civiles ont fait l'objet d'une campagne de terreur
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1 qui a compris des menaces, des insultes, des pillages, l'incendie des
2 maisons, des passages à tabac, des violes, des meurtres.
3 La Chambre de première instance a également relevé les conditions
4 terrifiantes dans lesquelles des hommes bosniaques ont été séparés mis de
5 côté dans ce groupe de civils à Potocari, étaient détenus dans la maison
6 blanche, appelé maison blanche. La Chambre de première instance a décrit le
7 bombardement de cette colonne de Musulmans de Bosnie qui ont essayé de
8 traverser la route, qui essayaient de s'enfuir de Srebrenica. Elle a décrit
9 la manière dont laquelle ces exécutions ont été menées, elle a parlé de
10 carnage qui a été orchestré de manière très minutieuse. Les exécutions se
11 sont produites d'une manière que la Chambre de première instance a décrite,
12 je cite : "Mal indescriptible, innommable", et elle en parle aussi en se
13 référant à la déposition d'Erdemovic lorsqu'il dit qu'il a demandé à
14 certains de ces bourreaux de ne pas utiliser les mitrailleuses, qu'ils ne
15 tueraient pas immédiatement les victimes et comment les autres victimes à
16 d'autres sites massacres gisaient par terre, n'étaient pas encore mortes et
17 comment on les a laissé agonisées.
18 Donc la Chambre de première instance a constaté non seulement que des
19 crimes de masse ont été commis, mais aussi que de nombreuses personnes ont
20 été exécutées de manière particulièrement cruelle. La Chambre de première
21 instance s'est servi des termes tels que : "Odieux", "disproportionnés"
22 "terrifiants", afin de décrire ces crimes. Nous estimons que pour ces
23 raisons là, déjà la peine la plus sévère devrait être prononcée à
24 l'encontre de la personne qui a été déclarée coupable d'avoir commis ces
25 crimes.
Page 247
1 Bien entendu, l'appelant n'a pas commis lui-même ces crimes, mais il a été
2 constaté -- il a été établi qu'il a été participant à deux entreprises
3 criminelles communes et il en ressort de la jurisprudence du Tribunal que
4 ceci doit avoir pour conséquence que la peine qui s'applique à lui c'est
5 celle qui doit s'appliquer à la personne qui a elle-même commis les crimes.
6 Le crime est de même gravité. Vous en avez parlé de manière plus
7 approfondie dans le jugement -- dans l'arrêt de la Chambre d'appel, dans
8 l'affaire Tadic au paragraphe 191 et 192.
9 Dans le jugement dans Stakic, Vasiljevic, et Krnojelac, les Chambres de
10 première instance ont insisté, sur le fait que si le crime est commis par
11 l'un de ces participants à l'entreprise criminelle commune, tous les
12 participants sont coupables au même titre quelque soit le rôle qu'ils ont
13 joué dans la perpétration du crime. Et la référence la plus récente serait
14 celle du paragraphe 435, dans l'affaire Stakic, des références pouvaient se
15 retrouver à cet endroit.
16 L'Accusation reconnaît aussi que lorsqu'il s'agit de la peine, la
17 participation effective de l'accusé doit être prise en considération. La
18 Chambre de première instance a constaté en l'espèce que l'appelant a joué
19 un rôle décisif, un rôle clé dans l'entreprise criminelle commune qui a
20 consisté aussi au transfert forcé et au génocide.
21 S'agissant du transfert forcé, la Chambre de première instance a constaté
22 qu'il a joué le rôle majeur dans l'organisation -- excusez-moi, je me
23 reprends -- "qu'il a joué le rôle principale dans l'organisation des
24 évacuations par autocars." Donc qu'il a fourni les moyens permettant le
25 transfert.
Page 248
1 Il a ordonné que 50 autocars soient fournis pendant la journée en question,
2 il s'est assuré de l'avancer de l'opération afin de savoir donc les
3 autocars étaient bien arrivés à Potocari. Et la Chambre de première
4 instance a établi qu'il a été présent à Potocari afin de surveiller le
5 transfert ensemble avec Mladic. La Chambre de première instance s'en est
6 arrivée à la conclusion, en se basant sur les éléments de preuve que
7 l'appelant a généralement supervisé l'opération du transport. Donc son
8 application dans l'opération du transfert de 20 à 25 000 civils de Potocari
9 a été telle que son rôle a été majeur.
10 Conformément aux conclusions de la Chambre de première instance, son rôle
11 dans l'opération d'assassinat a été génocidaire, a été également important,
12 sinon plus important puisque l'état major n'avait pas réellement de moyens
13 afin de commettre ces crimes. Donc l'état major n'a été qu'un noyau qui a
14 organisé les choses, c'est le rôle de l'appelant qui a été indispensable.
15 Dans les paragraphes 410 à 417, l'Accusation présente plus de détails au
16 sujet des parties pertinentes du jugement où le rôle joué par l'intimé dans
17 les exécutions est décrit par la Chambre de première instance. Et je me
18 propose de résumer ces conclusions. Lorsque l'intimé est devenu commandant
19 du corps de la Drina, il savait que des milliers de Musulmans avaient été
20 capturés dans ses zones de responsabilité, à partir de ce moment-là, il
21 savait que son personnel, son équipement, ces installations étaient
22 utilisées dans les opérations d'assassinat. La Chambre de première instance
23 constate en particulier, qu'il était au courant du fait que ces moyens ont
24 été utilisés pour tuer au moins 4 700 hommes musulmans. Il s'agit de
25 massacres qui ont été commis le 14 juillet, lorsque 1 000 personnes ont été
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1 tuées au barrage de Petkovic le 15 juillet, où 1 500 à 2 000 personnes ont
2 été tuées à la ferme de Branjevo, 1 000 à 1 200 personnes de tuées au
3 centre culturel de Pilica, 500 personnes tuées le 16 juillet, et deux sites
4 où des massacres moins importants ont été commis, à Kozluk notamment.
5 L'intimé était au courant de ces événements. Il était commandant du Corps
6 de la Drina, il n'a rien fait afin d'empêcher -- d'arrêter ces crimes dans
7 sa zone de responsabilité.
8 Le 15 juillet, il a été informé directement par Beara qu'il y avait encore
9 3 500 prisonniers qui n'avaient pas été exécutés, et Beara lui a demandé
10 d'apporter son assistance. L'intimé [sic] n'a pas refusé, en fait, il a dit
11 que certaines de ces unités pouvaient aider dans cette opération. Lorsqu'il
12 s'est trouvé qu'aucune n'était disponible, il a dit qu'il allait voir ce
13 qu'il allait pouvoir faire.
14 La Chambre de première instance a constaté, est arrivé à la conclusion
15 qu'il a en effet fourni des hommes -- qu'ils ont pris part à cette
16 opération. Je sais que nous allons entendre plus de débats à ce sujet
17 demain, mais la thèse de l'Accusation est qu'il a été impliqué à tous ces
18 crimes et que son rôle a été très significatif.
19 D'ailleurs, le 16 juillet il s'est assuré qu'il y ait du carburant pour les
20 transports, que la police militaire soit impliqué et qu'elle escorte les
21 prisonniers et il était impliqué aux assassinats sur l'affaire Branjevo qui
22 se sont produits le 16 à cette installation militaire. Il a été mis au
23 courant de ces événements par un de ses subordonnées directes, à savoir,
24 Popovic le 16, et Popovic a fait rapport à l'intimé le 17. Donc de toute
25 évidence, il a été mis au courant de ces crimes et il a continué à fournir
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1 ses hommes et son équipement pour qu'ils participent à ces opérations.
2 La Chambre de première instance en a conclus dans les derniers paragraphes
3 de son jugement, qu'il a pris part entièrement au plan criminel visant à
4 assassiner les hommes musulmans de Bosnie, et comme je l'ai dit la Chambre
5 de première instance a dit que son application -- sa participation dans la
6 commission de ces crimes a été de toute évidence indispensable.
7 L'Accusation avance que lorsqu'il s'agit de crimes aussi graves, lorsque
8 l'accusé est aussi sérieusement impliqué dans la commission des crimes
9 lorsque les crimes sont particulièrement odieux il n'y a qu'une seule peine
10 qui peut être prononcée, à savoir, la peine de prison à vie.
11 A présent, je souhaite présenter nos arguments au sujet de la jurisprudence
12 du Tribunal du Rwanda.
13 Et je voudrais dire que nous avons -- donc présenté ces arguments de notre
14 -- et dans notre mémoire écrit. Mais depuis, cinq jugements ont été
15 prononcés par ce Tribunal. Deux arrêts en appel pour Musema et Rutaganda.
16 Et ces jugements confirment -- ont confirmé les peines qui ont été
17 prononcés à l'encontre de Musema et Rutaganda, donc il ne change rien pour
18 ce qui est de la substance de notre thèse. Et je pense qu'il s'agit d'un
19 point important qu'il convenait de relever.
20 Alors trois jugements ont été prononcés par les Chambres de première
21 instance, il y a des accusés qui ont été considérés comme étant complices
22 et on a estimé que les circonstances aggravantes l'emportaient sur -- ne
23 l'emportaient pas sur les circonstances atténuantes. Personne n'a été
24 condamné à dix ans.
25 Un autre accusé a été condamné pour génocide et il a reçu une peine de 25
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1 ans. On a estimé, que les circonstances aggravantes l'emportaient sur les
2 circonstances atténuantes. Et on peut dire, que ce jugement a un impact sur
3 nos arguments présentés dans notre mémoire préalable à l'appel. Cependant,
4 cette personne n'a été reconnue coupable que de deux meurtres ou plutôt
5 deux assassinats dans le cadre du génocide, si bien, qu'on se saurait
6 comparer cette affaire à l'affaire de l'intimé. Semanza, quant à lui, a été
7 condamné pour un certain nombre de crimes, plusieurs crimes, dont notamment
8 le génocide, et pour ce crime il a été condamné à cinq ans d'emprisonnement
9 -- pour complicité de génocide. Et étant donné, qu'il a été reconnu
10 coupable de complicité de génocide, la Chambre de première instance a
11 estimé qu'il convenait de prononcer une peine moins lourde, cette affaire
12 n'a pas d'impact important sur les arguments que nous avons présentés dans
13 notre mémoire.
14 Enfin, dans une autre affaire -- une autre affaire dont il a été jugé
15 récemment, la personne a été condamnée -- reconnue coupable de génocide.
16 Condamné à la prison à vie.
17 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale que le conseil de la Défense prononce
18 des noms Rwandais d'une façon qui malheureusement est incompréhensible. On
19 se référa à la version en anglais pour trouver ces noms.
20 M. MARCUSSEN : [interprétation] Toutes ces affaires qui récemment ont été
21 jugées en première instance se sont frappées d'appel.
22 Pour toutes les raisons qui figurent également dans notre mémoire
23 préalablement à l'appel, nous estimons que la Chambre de première instance
24 s'est fourvoyée quant elle n'a pas tenue compte des peines prononcées par
25 le Tribunal du Rwanda. Nous estimons que la pratique en matière de peine a
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1 un intérêt pour notre Tribunal, parce que, bien que, les crimes dont
2 traitent le Tribunal du Rwanda se soient passés dans des circonstances
3 complètement différentes, il s'agit toujours de crimes contre l'humanité,
4 de crimes de génocide. Et la pratique du Rwanda en matière de peine est
5 importante pour nous. On voit que c'est important pour nous surtout quand
6 les personnes concernées c'étaient des hauts responsables et qu'ils étaient
7 impliquées dans des affaires de génocide, on voit que toutes ces personnes
8 généralement ou la plupart de ces personnes ont été condamnées à des peines
9 extrêmement lourdes.
10 Donc nous estimons que si la Chambre de première instance avait tenu compte
11 de ce qui se passe au Tribunal du Rwanda, elle aurait prononcé une peine
12 d'emprisonnement à vie à l'encontre du général Krstic.
13 Je vais maintenant passer à notre quatrième moyen, tel qu'il est développé
14 dans notre mémoire, il s'agit de mon troisième point. Il s'agit de ce qui
15 figure au paragraphe 712 du jugement. La Chambre de première instance
16 convient avec l'Accusation que la préméditation doit dans l'abstrait être
17 considérée comme une circonstance aggravante et dit :
18 "Le général Krstic n'ayant pas été d'ambler associé au procès génocidaire
19 conçue par le général Mladic et par d'autres, la Chambre estime qu'elle ne
20 peut être en l'espèce -- que la théorie ne peut être en l'espèce considéré
21 comme une circonstance aggravante." Nous estimons que la Chambre de
22 première instance en l'espèce s'est fourvoyée.
23 La jurisprudence montre que s'il y a planification des crimes, à ce moment-
24 là, il faut considérer qu'il y a préméditation et considérer cela comme une
25 circonstance aggravante. Dans l'affaire Celebici, la Chambre de première
Page 253
1 instance a estimé "qu'une personne ayant commis un acte de sang-froid avec
2 préméditation, doit être condamnée plus lourdement."
3 La TPIR a défini la préméditation liée au meurtre comme l'intention de tuer
4 après un moment de réflexion. Dans le dictionnaire Black juridique, il est
5 précisé que "La préméditation c'est le destin de commettre un crime avec un
6 moment de réflexion." Dans notre mémoire d'appel, paragraphe 4117 et 4118,
7 nous faisons référence à des systèmes juridiques s'agissant de la
8 préméditation en tant que plan pour commettre un meurtre.
9 Nous estimons qu'il est suffisant que l'accusé ait connaissance de ce plan,
10 qu'il l'adopte et qu'il exécute. Il n'est pas nécessaire que l'accusé
11 conçoive lui-même ou elle-même ce plan. Nous donnons quelques exemples dans
12 notre mémoire, la Reine contre Brown au Canada et ceci est aussi mentionné
13 au paragraphe 4112 dans notre mémoire d'appel.
14 Exemples de préméditation dans la jurisprudence de notre Tribunal, nous
15 pouvons citer notamment la destruction d'une mosquée et ceci n'aurait pu
16 être que le fait d'un expert qui savait exactement où placer les explosifs,
17 Blaskic, paragraphe 421 où une attaque terroriste dirigée sur un camion,
18 attaque préméditée parce qu'il aurait été nécessaire de disposer des
19 quantités considérables d'explosifs, organiser le déplacement des véhicules
20 piégés et de savoir où le placer. Une fois de plus, ceci se trouve dans
21 Blaskic au paragraphe 405 [sic]. Dans l'affaire Celebici, il a été décidé
22 que lorsque l'accusé infligeait des brûlures à un détenu, c'était
23 nécessairement quelque chose de préméditée. Toujours dans l'affaire
24 Celebici, lorsqu'un accusé dit que quelqu'un ne doit pas rester en vie, là
25 aussi, c'est un acte de préméditation.
Page 254
1 Dans son mémoire, en réplique l'intimé laisse entendre que la préméditation
2 englobe nécessairement l'élément de génocide en tant que crimes contre
3 l'humanité et dès lors, ne peut pas être une circonstance aggravante lors
4 de la commission d'un tel crime. Pour sa part, l'Accusation rejette cet
5 argument et renvoie à l'affaire Serushago du TPIR où il est considéré que
6 l'interprétation est une circonstance aggravante et qui est pris en compte
7 lorsqu'on condamne cette personne pour crimes contre l'humanité et
8 génocide, sentence qui a été corroborée et maintenue par la Chambre
9 d'appel.
10 Vu les principes juridiques que je viens d'esquisser, l'Accusation pense
11 que la Chambre s'est fourvoyée à deux titres : Tout d'abord, elle n'a
12 examiné la préméditation dans le cadre de l'entreprise criminelle commune
13 que pour la commission du génocide mais ne s'est pas demandée s'il y avait
14 préméditation par rapport à Potocari. Deuxième erreur, elle n'a pas tenue
15 compte de ses conclusions précédentes pour ce qui est de déterminer les
16 circonstances dans lesquelles se sont déroulés l'acte génocidaire. Elle n'a
17 pas tiré les conclusions de droit qui s'imposaient, à savoir qu'il y avait
18 responsabilité vu la préméditation.
19 Pour ce qui est de Potocari, l'Accusation fait valoir que les éléments que
20 j'ai déjà décrits, à savoir que tout au long de la journée, les bus ont été
21 organisés et que ceux-ci, en soit, constituent une préméditation. Il est
22 manifeste que l'intimé aurait eu le temps de réfléchir à ce qu'il faisait.
23 De fait, il a réfléchi à la façon dont il fallait exécuter ce crime et voir
24 comment ses subordonnés devaient agir. Il a pris des mesures, il a
25 surveillé l'exécution de ses mesures. De l'avis de l'Accusation, ces actes
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1 ne sauraient être qualifiés que d'une façon, à savoir, celle de la
2 préméditation.
3 S'agissant de l'exécution des Musulmans de Bosnie, je vous ai déjà décrit
4 la façon dont l'intimé a grandement participé à l'exécution de ces crimes
5 pendant toute la durée de ces exécutions. Il était commandant du Corps de
6 la Drina, fin d'après-midi début de soirée du 13 juillet, à partir de ce
7 moment, il était informé de ce qui se passait et il a autorisé
8 l'utilisation de ses effectifs. On lui a demandé des éléments, il les a
9 fournis. On ne peut tirer qu'une seule conclusion aux yeux de l'Accusation,
10 à savoir, celle-ci, il a participé au plan qui visait à l'exécution de ces
11 hommes. Il était au courant de son existence. Il a participé à ce plan et
12 je le dis depuis le début, ceci en tant que tel, constitue déjà une notion
13 de préméditation. Mais chacun de ces actes et chaque fois qu'il a contribué
14 à l'exécution de ce plan, il aurait eu le temps, largement le temps de
15 réfléchir à ce qu'il faisait. Il a décidé d'exécuter ce plan, de le suivre.
16 Il a décidé de prêter assistance et aux yeux de l'Accusation, ceci
17 constitue une préméditation.
18 Ce sont là les motifs, Messieurs les Juges, qui nous pousse à dire que la
19 Chambre s'est fourvoyée lorsqu'elle n'a pas considéré comme circonstance
20 aggravante en l'espèce la préméditation. Nous faisons également valoir que
21 si le Chambre de première instance avait utilisé cette circonstance
22 aggravante, une seule conclusion s'imposait à elle. Si l'on ajoutait cette
23 circonstance aggravante à toutes celles qui avaient été retenues par la
24 Chambre de première instance et si on tenait compte de l'ampleur de
25 l'infraction, du caractère odieux de celle-ci et la participation de
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1 l'accusé, à ce moment-là, une seule conclusion s'imposait à la Chambre de
2 première instance, à savoir, la réclusion à perpétuité, la prison à vie.
3 Ne serait-ce que pour ces raisons-là, la Chambre est exhortée à réviser la
4 peine imposée à l'intimé.
5 Enfin, j'en arrive au troisième moyen d'appel.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Marcussen, je pense qu'il faut
7 tenir compte de la pause. Les interprètes en ont besoin. Il vous faudra
8 combien de temps pour terminer ?
9 M. MARCUSSEN : [interprétation] Cinq minutes.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Les interprètes sont prêts à
11 poursuivre.
12 Cinq minutes de plus.
13 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci. Et je m'excuse auprès des
14 interprètes.
15 En bref, l'Accusation fait valoir qu'au paragraphe 724, la Chambre de
16 première instance s'est fourvoyée en faisant une comparaison entre la
17 participation de l'intimé et la participation de Mladic et d'autres
18 personnes qu'ils ne sont pas nommés et qui ont aussi participé à ces
19 crimes. De l'avis de l'Accusation, même si la Chambre de première instance
20 estime qu'il y a un principe d'échelonnement de la peine dont il faut tenir
21 compte, il y a un moment où vu la gravité des crimes, il faut ne plus
22 penser en étapes. Il suffit de voir le comportement de l'accusé,
23 comportement suffisamment important, ces crimes étant suffisamment graves,
24 il n'y a qu'un peine qui s'impose, comme je le disais, peu importe s'il y a
25 d'autres qui ont participé à ces crimes dont on pourrait dire qu'ils ont
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1 une responsabilité morale ou légale ou juridique supérieur, ceci importe
2 peu.
3 Il faut tenir compte de l'ampleur des crimes, de leur caractère odieux et
4 de la lourde participation de l'intimé. Et ce sont d'ailleurs là les
5 constatations, les conclusions de la Chambre de première instance. J'ai
6 tendance à le répéter et je vais succomber à cette tentation. La Chambre de
7 première instance a déclaré que l'intimé était indispensable pour que soit
8 commis le génocide. Sans lui, ces crimes n'auraient pas été commis. Il
9 était la clé de ces crimes à Potocari parce que c'est lui qui a organisé
10 l'arrivé de ces véhicules. Sans lui, il n'y aurait pas pu y avoir de
11 transferts forcés.
12 L'Accusation, je le répète, reconnaît ce que ceci signifie. Il y a d'autres
13 personnes qui étaient peut-être encore plus impliquées, qui auraient la
14 même peine que celle imposée à l'intimé mais ceci n'est pas quelque chose
15 d'inconnu en droit pénal. En fait, dans des systèmes nationaux, un accusé
16 peut être déclaré coupable de cinq meurtres. Il va écoper de la peine la
17 plus lourde et l'accusé déclaré coupable du crime de 15, 10 ou 100
18 personnes pareil. Mais ici nous avons un cas où la peine la plus lourde est
19 la seule appropriée. Vous avez 7 000 personnes qui ont été assassinées, 25
20 000 transférées de force, des dizaines de personnes tuées, violées,
21 brutalisées. Des conséquences prévisibles de ce plan qui avaient été mis en
22 place, destinées à effectuer ce transfert forcé existaient. L'intimé était
23 un pion important dans l'exécution de ces crimes, et il doit recevoir la
24 peine la plus lourde.
25 Voilà je pense que j'en ai terminé. Les interprètes méritent bien leur
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1 pause. Je terminerai ma réquisition en disant ceci. Nous pensons qu'il
2 revient à la Chambre d'appel, d'imposer une peine de réclusion à perpétuité
3 à l'intimé. Nous demandons une peine minimale de 30 ans. Voilà je voudrais
4 en terminer pour ce qui est de l'appel de l'Accusation, mais j'attendrai
5 pour se faire que soit terminée la pause.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
7 Je vais vous expliquer ce que nous allons faire maintenant. Nous allons
8 faire une pause de 30 minutes. En d'autres termes, nous reprendrons nous
9 reprendrons à 11 heures 50. A ce moment-là, ce sont d'abord les Juges qui
10 poseront des questions. Puis nous nous retournerons vers la Défense qui va
11 commencer sa réplique.
12 Pause de 30 minutes.
13 --- L'audience est suspendue à 11 heures 20.
14 --- L'audience est reprise à 11 heures 51.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Est-ce que j'ai bien compris ? Est-ce
16 que l'Accusation a demandé la parole ?
17 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui, effectivement. Merci beaucoup. Je
18 souhaiterais, avec l'indulgence de la Chambre, pouvoir ajouter un petit
19 point à mes arguments. Il est possible que j'aie oublié un élément que je
20 voulais vous présenter.
21 Je souhaitais simplement vous dire que, si la Chambre d'appel accepte en
22 tant qu'éléments de preuve fiables certains des éléments qui ont ajoutés au
23 dossier d'appel, et si la Chambre de première instance [sic] en arrive à la
24 conclusion que ces éléments de preuve modifient la nature ou le niveau de
25 responsabilité et de participation dans le crime de l'intimé, nous estimons
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1 que ces éléments de preuve peuvent aussi avoir un impact sur la peine. Je
2 souhaitais simplement souligner cet élément, mais je ne vais pas présenter
3 d'arguments sur la manière dont ceci pourrait avoir un impact sur la peine.
4 Ces éléments vont être présentés demain et vous allez en tenir compte sans
5 doute au moment-là de la peine. En fait, de toute façon, c'est ce que nous
6 espérons.
7 Merci.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen. Nous sommes
9 prêts maintenant à laisser la parole aux Juges pour leur permettre de poser
10 des questions.
11 Et si mes collègues en sont d'accord --
12 Questions de la Cour :
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'ai une question au sujet de la peine.
14 Donc c'est à M. Marcussen que je vais m'adresser. Ensuite, après, nous
15 verrons si d'autres Juges souhaitent vous interroger au sujet de la peine,
16 puis nous passerons au cumul des déclarations de culpabilité, le premier
17 motif d'appel.
18 Dans le cadre de votre mémoire, vous avez demandé à la Chambre d'appel de
19 prononcer une peine de réclusion à perpétuité avec peine incompressible de
20 30 ans, en tenant compte du fait qu'il est possible que M. Krstic bénéficie
21 d'une mise en liberté anticipée. Vous souviendrez que la Chambre de
22 première instance ait condamné à une peine de prison de 46 ans. Mais si on
23 suppose qu'il a droit à une libération anticipée, après avoir, comme s'est
24 de l'usage, purgé les deux tiers de sa peine, cela signifie que, si l'on
25 prend la peine qui a été prononcée par la Chambre de première instance, il
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1 devrait purger une peine minimum de 30 ans ou d'un peu plus de 30 ans.
2 Monsieur Marcussen, veuillez, dans ces conditions, me dire quelle est la
3 différence concrète entre ce que vous demandez à l'appel et la peine qui
4 effectivement a été prononcée par la Chambre de première instance, parce
5 que finalement, il finirait par purger à peu près la même peine.
6 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci. Nous interjetons appel de la peine.
7 Nous demandons la réclusion à perpétuité, car nous estimons que c'est là la
8 seule peine appropriée. Et suivant l'endroit où l'intimé purge sa peine, et
9 suivant la manière dont il la purge, il est possible qu'il purge sa peine
10 jusqu'à la fin de ses jours. Mais il y a beaucoup de facteurs qui entrent
11 en compte, notamment le pays dans lequel l'intimé va purger sa peine. Ça
12 dépendra des recommandations faites par ce pays, recommandations selon
13 lesquelles il devrait être libéré de manière anticipée éventuellement. Tout
14 ceci dépend de l'endroit où il ira purger sa peine, et nous ignorons quel
15 pays ce sera pour l'instant. Mais en demandant une peine de prison à vie,
16 nous demandons essentiellement, et en premier lieu, que l'intimé purge sa
17 peine -- cette peine jusqu'à la fin de ses jours -- passe le reste de son
18 existence en prison. Et pour nous assurer qu'il purge une peine minimum,
19 nous demandons une peine incompressible de 30 ans. Cependant, nous
20 demandons également une augmentation de la peine.
21 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen. Est-ce que
22 mes confrères, mes collègues, souhaitent également poser une question au
23 sujet de la peine ?
24 Monsieur le Juge Shahabuddeen.
25 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Marcussen, si j'ai bien
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1 compris, vous nous dites qu'en principe il est difficile d'envisager une
2 affaire où la peine de prison à vie serait plus appropriée qu'en l'espèce,
3 si l'on maintient la déclaration de culpabilité. Est-ce bien cela la teneur
4 de votre argument ?
5 M. MARCUSSEN : [interprétation] Oui.
6 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Pouvez-vous me dire, peut-être
7 aurais-je dû le lire quelque part, je m'excuse si je n'ai pas fait mes
8 devoirs, j'aurais peut-être pu trouver cela dans des documents, mais est-ce
9 qu'au Tribunal on s'est interrogé déjà sur la légalité de l'action d'une
10 Chambre qui recommanderait une peine incompressible ?
11 Aux termes du Statut et de l'Article 27, plus particulièrement, il est
12 prévu que : "La peine d'emprisonnement est soumise aux règles nationales de
13 l'état concerné, sous le contrôle du Tribunal international." Est-ce que
14 cela veut dire que si un condamné est envoyé dans un état donné, sous le
15 coup d'une peine d'emprisonnement à vie, l'état en question a le droit de
16 déterminer le moment à partir duquel il pourra bénéficier d'une libération
17 anticipée, sous réserve bien entendu, sous le contrôle du Tribunal
18 international ? Est-ce qu'il n'y a pas un conflit ici entre ce que vous
19 nous dites et ce qui est écrit dans le statut ? Je n'ai pas une idée bien
20 arrêtée sur la question, et je serais intéressé de savoir vos vues.
21 M. MARCUSSEN : [interprétation] Il y a deux cas où des peines minimums ont
22 été imposées par la Chambre; dans Tadic en premier lieu, et ceci a été
23 confirmé par la Chambre d'appel, et récemment la même chose s'est produite
24 dans Stakic. Mais votre question est une question d'ordre pratique,
25 concrète : Comment est-ce que ça fonctionne quand la personne condamnée est
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1 envoyée dans un pays donné pour y purger sa peine ? Qu'est-ce qui se passe
2 à ce moment-là ?
3 Bien, je vous répondrai la chose suivante : Je pense que cette peine
4 minimum, cette peine incompressible, devrait être respectée par l'état où
5 la personne concernée va purger sa peine. Si l'état dans lequel la personne
6 purgera la peine ne prévoit pas cette possibilité, ne prévoit pas la
7 possibilité d'une peine incompressible de 30 ans pour des raisons
8 juridiques du fait de sa législation nationale, à ce moment-là, l'état en
9 question devra refusé d'accueillir le condamné pour qu'il purge dans ces
10 geôles. Voilà la réponse que je peux vous faire.
11 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.
12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je remercie le Juge Shahabuddeen.
13 Nous allons maintenant parler du cumul des déclarations de culpabilité.
14 Monsieur le Juge Shahabuddeen, vous souhaitiez intervenir à ce sujet.
15 Commençons par vous.
16 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Tracol, excusez-moi
17 d'avoir mal prononcé votre nom. Je m'attache à cette partie-là de vos
18 arguments qui portaient sur la question de savoir s'il est possible d'avoir
19 cumul de déclarations de culpabilité pour ce qui est de l'assassinat et de
20 la persécution. Je sais que vous avez parlé d'autres choses également. Les
21 critères ont été établis dans des affaires antérieures. Si je comprends ces
22 critères, ils sont de la nature suivante : Le critère c'est de savoir si
23 une infraction est englobée dans d'autres infractions et ceci est fonction
24 de la question de savoir si l'infraction A contient un élément que ne
25 détient pas l'infraction B, ou que l'infraction B a un élément constitutif
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1 qu'on ne retrouve pas dans l'infraction A.
2 Article 5(h) du statut en matière de persécutions, je m'interroge pourrait-
3 on dire que cette disposition du statut -- fait référence à d'autres actes.
4 Dans une certaine mesure, à certaines infractions, certains actes qui
5 équivalent à la persécution. Si c'est le cas, voilà la situation qui se
6 présente à nous : Le Procureur a le choix. Il peut faire référence à la
7 conduite aux comportements en question, soit en faisant référence aux actes
8 concernés ou en faisant référence à la qualification juridique de ces
9 actes. En état, je vois que cet homme est accusé -- notamment au chef
10 d'accusation 6, paragraphe 31 de l'acte d'accusation, il est accusé du
11 crime de persécution, en rapport avec A, nous avons l'assassinat de
12 milliers de Musulmans de Bosnie, et ainsi de suite. J'ai donc l'impression
13 qu'on pourrait formuler la question de la façon suivante : Vu la façon dont
14 est formulé l'acte d'accusation, si l'on veut établir un certain chef, le
15 chef de persécution, est-ce qu'il faut prouver chacun des éléments
16 constitutifs du crime de meurtre au sujet duquel, qui est en référence avec
17 la persécution alléguée dans l'acte d'accusation, la conclusion est donc
18 celle-ci : Si on déclare cet homme coupable de persécution, on aura aussi
19 prouvé chacun des éléments constitutifs du crime de meurtres,
20 d'assassinats, en référence auxquels on affirme qu'il y a eu persécution ?
21 Si c'est exact, est-ce qu'il reste un élément constitutif quelconque du
22 crime d'assassinats qui n'aurait pas été englobé dans le chef d'accusation
23 de persécution ?
24 M. TRACOL : Monsieur le Juge, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
25 comme Monsieur le Juge Shahabuddeen l'a énoncé, le critère est
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1 effectivement celui des éléments nettement distincts de chaque crime dans
2 le statut. La jurisprudence du Tribunal - et l'Accusation a adopté de ce
3 point de vue, une position tout à fait conforme à la jurisprudence du
4 Tribunal - a toujours été de prendre en compte les crimes en tant que tels
5 et non la forme spécifique que prennent ces crimes pour appliquer le
6 critère relatif au cumul de responsabilités. S'agissant des deux crimes en
7 question - de persécution et l'assassinat - la Chambre d'appel doit donc
8 appliquer le critère relatif au cumul de responsabilités à ces persécutions
9 et à l'assassinat, mais non pas prendre en compte la forme avec lequel le
10 crime de persécution a été énoncé dans l'acte d'accusation. Comme vous
11 l'avez souligné, Monsieur le Juge Shahabuddeen, le chef 6 de l'acte
12 d'accusation prend effectivement une différente forme. L'assassinat est
13 l'un deux, mais ce n'est pas la seule forme que prenne les persécutions. Et
14 il en va de même dans toute la jurisprudence du Tribunal. Les persécutions
15 ne sont pas seulement un assassinat plus une intention discriminatoire, un
16 élément moral discriminatoire de la part de l'auteur des persécutions.
17 Vous avez également fait référence à la preuve des éléments constitutifs de
18 chaque crime. Je pense que c'est une question qui est distincte de
19 l'application du critère relatif au cumul de déclaration de culpabilité.
20 Certes, si la forme que prennent les différentes persécutions sont
21 notamment l'assassinat, l'Accusation devra prouver qu'il y a bien eu
22 assassinat en l'espèce. Mais ce n'est pas la façon dans la jurisprudence du
23 Tribunal, et également dans l'Accusation conçoit l'application de ce
24 critère. J'espère avoir répondu à vos questions. Si tel n'est pas le cas,
25 je me tiens à vos dispositions pour une réponse supplémentaire.
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1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci, Monsieur Tracol. Vous
2 m'avez aidé. Mais je pensais à ceci : Paragraphe 29 de ce même chef
3 d'accusation de l'acte d'accusation, il est fait référence à un certain
4 paragraphe antérieur, précédent, celui-ci dans l'acte d'accusation - 11,
5 22 jusqu'à 26 - et si vous examinez ces paragraphes, ils font clairement
6 référence à des exécutions. Vous le voyez au paragraphe 22, au 23, au 24,
7 au 24.6 [sic] et ainsi de suite, et ceci jusqu'au paragraphe 26. Je pensais
8 donc à ceci : Pourrait-on faire valoir que l'acte d'accusation en matière
9 de persécution a été construit de façon à ce qu'il fasse référence non
10 seulement à la conduite, au comportement physique pour ainsi dire de
11 l'accusé, mais aussi au fait qu'il aurait commis un assassinat eu égard à
12 ces nombreuses exécutions, et en prix de diverses formes, ce qui veut dire
13 que l'assassinat serait absorbé, englobé dans la persécution et on ferait
14 partie intégrale. Est-ce qu'il resterait par conséquent un seul élément
15 constitutif d'assassinat qui ne serait pas compris dans le chef
16 d'accusation de persécution ?
17 M. TRACOL : Monsieur le Juge, ma réponse sera simple et peut-être même
18 simpliste. Le bureau du Procureur a choisi d'accuser le général Krstic pour
19 persécution, prenant notamment la forme d'assassinat et également pour
20 assassinat en tant que crime contre l'humanité. Si le bureau du Procureur
21 avait eu l'intention d'englober cet assassinat dans un crime plus large de
22 persécution, il n'aurait en ce cas pas ajouter en chef d'accusation séparé
23 d'assassinat, mais aurait simplement mentionné l'assassinat comme l'une des
24 nombreuses formes que prend le chef d'accusation de persécution. Mais ce
25 n'est pas la position du bureau du Procureur, étant donné que les éléments
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1 sont, d'après le bureau du Procureur, distincts pour les persécutions et
2 pour l'assassinat. D'ailleurs, les persécutions peuvent certes prendre la
3 forme d'un autre crime contre l'humanité; par exemple, l'assassinat comme
4 dans le cas d'espèce, mais également peuvent ne pas prendre la forme d'un
5 assassinat du tout. Les persécutions peuvent également prendre la forme
6 d'un crime qui n'est pas spécifiquement énuméré dans le statut. Je pense,
7 par exemple, aux sévices. Cela prouve bien que les éléments constitutifs de
8 ces deux infractions sont nettement distincts.
9 Une fois de plus, j'espère avoir répondu à votre question.
10 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Une dernière chose, et j'essai
11 simplement de m'instruire sur la nature de votre thèse. Je ne vous soumets
12 pas de position déjà établie à l'avance. Est-ce que j'aurais le droit de
13 comprendre votre réponse comme étant celle-ci : Indépendamment de
14 l'assassinat, il n'est pas accusé du meurtre simplicitaire [sic] mais
15 d'assassinat en tant que crime contre l'humanité, et ceci englobe les
16 éléments constitutifs du crime contre l'humanité qui ne sont pas
17 nécessairement compris dans la persécution ? Mais est-ce que la persécution
18 en tant que telle est un crime contre l'humanité ?
19 M. TRACOL : Monsieur le Juge, pour répondre à votre question, cela demande
20 presque de remonter à la volonté de législateur, le législateur étant ce
21 cas de figure, le conseil de Sécurité. Le Tribunal doit simplement
22 appliquer le statut et ces différentes dispositions. Le fait que l'Article
23 5, relatif aux crimes contre l'humanité, comporte les persécutions avec un
24 élément discriminatoire, effectivement très clair dans l'énoncé du statut à
25 l'Article 5(h).
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1 Le statut comporte également, parmi ces crimes contre l'humanité, la
2 mention de l'assassinat. L'interprétation du bureau du Procureur est qu'en
3 incriminant ces deux infractions, le conseil de Sécurité, donc le
4 législateur en l'espèce, a souhaité protéger différents intérêts publics et
5 a souhaité également le refléter dans la criminalisation des comportements
6 de l'accusé. C'est la raison pour laquelle le Tribunal doit maintenant
7 appliquer le statut, et je pense effectivement, une fois de plus, que les
8 éléments de ces deux infractions sont distincts. Une fois de plus,
9 l'assassinat comporte la mort de la victime. Les persécutions n'appliquent
10 pas forcément une mort de victime, n'impliquent pas forcément un
11 assassinat.
12 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN: [interprétation] Je vous remercie, Monsieur
13 Tracol. Je vous remercie infiniment.
14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Grand merci, Monsieur le Juge
15 Shahabuddeen.
16 Avant de poser mes questions, suite à l'échange qui vient d'avoir lieu, je
17 voudrais dire ceci : Effectivement, l'intention de législateur c'est un
18 point cardinal de nos travaux; mais l'intention de législateur n'est pas
19 toujours si claire que ça. Et ceci explique pourquoi le Tribunal doit
20 interprété l'intention de législateur, et le Tribunal l'a fait en
21 développant une jurisprudence très complexe et très sophistiquée en matière
22 du cumul de déclaration de culpabilité. Donc je pense que l'intention de
23 législateur n'est pas toujours si utile que cela.
24 Mais, j'aimerais toujours sur cette question des cumuls de déclarations de
25 culpabilité, j'aimerais aborder un autre aspect pour ce qui est de mettre
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1 en tandem des infractions. Il y a ici la question de génocide et
2 d'extermination. Je vous saurais gré de déclarer ma lanterne. Comment peut-
3 on définir l'actus reus de génocide en établissant une comparaison avec
4 l'actus reus de l'extermination. Le statut décrit les actes prohibés, comme
5 le fait de tuer des membres d'un groupe. Vous savez, ici on parle de
6 certains groupes protégés. Mais lorsqu'on parle de "membres," est-ce qu'on
7 prévoit un nombre minimum de personnes qu'on doit assassiner pour qu'il ait
8 génocide ? Est-ce qu'il y a un seuil numérique qui est établi, et comment
9 pourrait-on comparer ceci avec l'actus reus de l'extermination ? Ça sera ma
10 première question.
11 M. TRACOL : Messieurs les Juges, tout d'abord en ce qui concerne l'élément
12 matériel de génocide, il y a plusieurs façons dans le statut, à la lecture
13 du statut et de l'Article 4, de commettre le génocide. Le meurtre est l'une
14 de ces façons de commettre le génocide, et ce n'est certainement pas à la
15 lecture du statut et peut-être donc dans le point de vue strictement
16 théorique, la seule façon de commettre un génocide. Le statut prévoit
17 également, par exemple, d'essayer qu'une personne essaie d'avoir des
18 conséquences sur la naissance de membre d'un groupe, excusez-moi, j'ai
19 oublié le libellé exact du statut de ce point de vue que je reprends. Des
20 mesures visant à entraver les naissances au sein d'un groupe par exemple,
21 c'est là --
22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vais vous aider. Ma question portait
23 uniquement sur le paragraphe 2(a) de l'Article 4, à savoir, le fait de tuer
24 des membres du groupe. Inutile de compliquer davantage la question en
25 abordant les autres facettes de l'Article 4, au paragraphe 2.
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1 M. TRACOL : Effectivement, j'avais certainement mal interprété votre
2 question en ce cas.
3 Alors en ce qui concerne le génocide qui est commis par le meurtre, le
4 Tribunal, et notamment la Chambre d'appel, a déjà se réglé cette question
5 dans l'affaire Jelisic. Il ressort de l'affaire Jelisic, tant du jugement
6 que de l'arrêt de la Chambre d'appel, que le meurtre d'une seule victime
7 est suffisant pour constituer un génocide, à partir du moment où l'accusé a
8 l'élément moral de voir détruire en tout au partie un groupe protégé.
9 C'est une différence assez essentielle avec l'extermination, dont l'élément
10 matériel A comporte également un élément je dirais contextuel. Puisque
11 d'après la jurisprudence tant de ce Tribunal que du Tribunal pour le
12 Rwanda, le meurtre doit être commis dans le contexte d'un crime de masse.
13 Je dis bien dans le contexte ce qui ne veut pas dire qu'une personne
14 accusée d'extermination doit nécessairement elle-même avoir commis des
15 meurtres vis-à-vis d'un grand nombre de victimes. On peut tout à fait
16 imaginer qu'un accusé tue une seule victime dans le cadre d'un contexte
17 global de meurtre de masse, et qu'une Chambre puisse le qualifier
18 juridiquement d'extermination. Mais en tout état de cause, il faut un
19 meurtre dans les deux cas, figure d'au moins une victime tant d'après
20 l'affaire Jelisic du Tribunal pour le génocide que pour l'extermination
21 même si ce meurtre unique en théorie au moins, doit avoir lieu dans le
22 contexte d'un crime de masse.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pourriez-vous étoffer votre propos pour
24 ce qui est du contexte de crime de masse pour l'extermination. Quel serait
25 l'élément requis pour qu'un seul meurtre ou assassinat soit considéré comme
Page 270
1 étant une partie d'une extermination ?
2 M. TRACOL : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je
3 pense que tout dépend du mode de commission de l'infraction. Notamment avec
4 l'application, au moins dans ce Tribunal, de l'entreprise criminelle
5 commune, un accusé peut tout à fait être associé à une entreprise
6 criminelle commune qui vise à commettre un génocide, ou une extermination
7 en tuant des victimes sans pour autant lui-même tuer un grand nombre de
8 personnes. Néanmoins l'accusé se verra associé à d'autres auteurs du
9 génocide ou de l'extermination.
10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Une dernière
11 question. Si vous examinez les pages 240 et 241 et surtout la note de bas
12 de page 1455 du jugement de la Chambre de première instance, on parle là de
13 règlement de la Cour pénale internationale où on décrit le génocide comme
14 étant une conduite prohibée qui je cite : "s'est déroulée dans le contexte
15 d'un schéma systématique de comportement similaire." Ceci nous le savons
16 bien n'est pas entré dans le statut de la Chambre de première instance,
17 s'est déclaré dans le document appelé élément de crime adopté par la
18 commission préparatoire à la CPI. Pensez-vous que cette définition que je
19 viens de lire, qui figure dans le document élément de crime, reflète le
20 droit international coutumier au moment où M. Krstic a eu le comportement
21 qui lui est imputé ? Si ce n'est pas le cas, est-ce qu'il serait adéquat
22 que nous nous fassions nôtre cette déclaration qui figure dans les éléments
23 du crime de la CIP.
24 M. TRACOL : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, l'Accusation
25 considère effectivement que la Chambre de première instance a commis une
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1 erreur en accordant autant d'importance et surtout en accordant la valeur
2 juridique qu'elle a accordé au statut de Rome dans le jugement. Le statut
3 de Rome qui a mis en place les Cours pénales internationales permet
4 effectivement de déterminer l'opinion juriste des états au moment où le
5 statut de Rome a été adopté, c'est-à-dire en 1998. Au moins deux Chambres
6 de première instance, dans la jurisprudence jusqu'à présent, ont conclu que
7 le statut de Rome n'a pas en tant que tel valeur de droit international
8 coutumier. Et je me réfère spécifiquement au paragraphe 227 du jugement
9 Furundzija et à la note de bas de page 1210 du jugement Kunarac.
10 Je l'ai indiqué tout à l'heure le statut de Rome a été adopté en 1998, soit
11 après les crimes qui ont été commis par le général Krstic à Srebrenica en
12 1995. On ne peut pas donc raisonnablement considérer que le statut de Rome
13 fait partie intégrante du droit international, qui était en vigueur en
14 1995. Je le répète l'Accusation fait valoir que la Chambre de première
15 instance a commis une erreur dans sa définition de l'extermination dans la
16 conclusion du paragraphe notamment 502 du jugement.
17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.
18 Monsieur Juge Guney vous avez la parole.
19 M. LE JUGE GUNEY : Je veux vous permettre de préciser vos idées. Le statut
20 de Rome est l'œuvre du développement progressif ainsi que la codification
21 de droit international coutumier. Donc en ce qui concerne les dispositions
22 de -- qui font l'objet du développement progressif, bien sûr le statut
23 n'est pas partie intégrante du droit international coutumier, mais pour ce
24 qui est la partie où les dispositions, en ce qui concerne le développement
25 progressif du droit, il fait partie du droit international coutumier. Il
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1 fait partie intégrante. Merci.
2 M. TRACOL : Monsieur le Juge Guney merci de me permettre de préciser la
3 position de l'Accusation sur -- à ce sujet. Le statut Rome fait certes
4 partie du droit international depuis son adoption en 1998, mais en ce qui
5 concerne sa valeur de droit international coutumier, je ne pense pas qu'il
6 puisse être appliqué rétroactivement au cas de l'espèce et des crimes qui
7 ont été commis en 1995. Certes le statut de Rome peut permettre de guider
8 les Chambres dans l'application du droit international humanitaire. Certes
9 il représente une avancée en droit pénal international mais le statut de
10 Rome reste pour autant inapplicable au Tribunal. Il peut être appliqué bien
11 entendu à la Cour pénale internationale mais en ce qui concerne le
12 Tribunal, le statut de Rome peut seulement servir de guide mais pas
13 rétroactivement à des faits commis en 1998 alors qu'il a été adopté en
14 1995, -- alors que son adoption date de 1998.
15 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]
16 M. TRACOL : Monsieur le Président, Messieurs les Juges, M. Farrell souhaite
17 prendre la parole sur cette question.
18 M. FARRELL : [interprétation] Désolé de vous interrompre mais la question
19 de l'interprétation du statut de Rome et de sa pertinence par rapport au
20 droit coutumier international, c'est une des questions qui surgit de la
21 question que vous posez Monsieur le Président.
22 La question précise qui se pose est de savoir si le contexte est le schéma
23 de comportement est nécessaire en vertu du droit international coutumier,
24 j'en parlerais demain. Mais ceci est dans le contexte aussi de la CPI c'est
25 un point que j'aborderais demain peut-être lorsque je parlerais du
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1 génocide. Je ne sais pas si ceci vous aide, Messieurs les Juges.
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie M. Farrell et ceci
3 convient tout à fait aux Juges. Vous pourrez relever cette question demain.
4 Je vous serai gré d'avoir précisé que j'ai posé une question très concrète,
5 elle ne portait pas sur le statut de la CPI de façon générale, elle portait
6 sur une décision bien précise, celle qui est donnée du génocide où on dit
7 qu'il faut qu'il y ait un schéma systématique de comportement similaire.
8 Et nous avons même précisé ce libellé. Nous disons que ce libellé précis ne
9 figure pas dans le statut de la CPI mais dans le document intitulé élément
10 de crime, adopté par la commission préparatoire à la CPI, avant l'adoption
11 du statut -- après l'adoption du parti. Voilà je voulais que ceci soit tiré
12 au clair.
13 Enfin nous allons maintenant nous tourner vers l'avocat de la Défense. Les
14 Juges savent pertinemment que vous allez commencer beaucoup plus tard que
15 le moment qui avait été prévu. Je peux vous garantir que nous allons
16 réajuster nos prévisions en conséquence. Cet après-midi, je vous donnerai
17 davantage de précisions pour ce qui est du calendrier précis s'agissant des
18 soumissions des parties. Veuillez commencer, Maître Sepenuk, vous nous
19 donnerez votre réplique d'abord. Et vous avez maintenant 45 minutes, ce qui
20 nous mènera à 13 heures 15, moment où nous ferons la pause du déjeuner. Je
21 vous remercie.
22 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,
23 merci de me donner la parole.
24 Soit dit en passant, j'ai le sentiment que j'aurai terminé d'ici à 13
25 heures 15. Bien sûr ceci ne tient pas compte des questions que vous voudrez
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1 me poser. En tout cas, ma présentation formelle sera terminée d'ici là.
2 Mais commençons si vous le voulez bien et si vous me le permettez, par la
3 question de la peine. Au début, M. Marcussen, au moment où il a commencé
4 son intervention, je pense bien le citer en disant ceci. Il a déclaré que
5 "Lorsque vous avez l'assassinat de sept à huit mille Musulmans de Bosnie,
6 associé à la déportation ou au transfert forcé de 25 000 hommes âgés, de
7 femmes, d'enfants, associés aux crimes prévisibles qui allaient se
8 commettre à Potocari, les 12 et 13 juillet 1995. Et là je cite de nouveau,
9 M. Marcussen, "C'est là une thèse simple, et il sera facile à la Chambre de
10 décider que le seul remède vu ce concours de circonstances, est la
11 réclusion à perpétuité."
12 Et M. Marcussen a répété cet argument lorsqu'il a parlé de la culpabilité
13 relative. On ne peut pas voir simplement la culpabilité du général Mladic.
14 Il a dit : "Voilà, il y a une échelle. Et l'échelle de gravité, elle doit
15 être écartée." J'espère bien le citer en disant que "cette échelle de
16 gravité doit être écartée lorsqu'on a un crime aussi odieux que celui-ci."
17 A mon avis, la Chambre de première instance, dans un de ses paragraphes a
18 répondu à ce qu'avançait manifestement M. Marcussen, paragraphe 700. La
19 Chambre a dit ceci : "Le génocide englobe un concept odieux effectivement.
20 Mais il faut voir la multitude de situations qui peut se trouver dans ces
21 confins, où on ne peut pas parler plus d'une punition monolithique pour un
22 seul crime, ou d'appliquer une même peine pour tous les génocides ou pour
23 tous les crimes contre l'humanité ou les crimes de guerre." Ceci semble
24 marquer du point du bon sens. Mais M. Marcussen était assez absolu
25 aujourd'hui. Pourtant moi, je pense que c'est là précisément l'essentiel du
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1 jugement porté par la Chambre de première instance. Elle essayait de porter
2 un jugement après avoir entendu bon nombre de témoins, après avoir reçu
3 énormément d'éléments de preuve.
4 Et je pense que c'était tout à fait sage de la part de la Chambre de
5 première instance de dire qu'il serait erroné de faire une comparaison
6 abstraite s'agissant de la gravité des crimes. Ce qu'a fait la Chambre de
7 première instance bien sûr, nous pensons qu'elle s'est trompée à certains
8 égards. Mais ici en l'occurrence, elle a fait l'évaluation de tous les
9 moyens de preuve pour parvenir à un jugement raisonné s'agissant de la
10 gravité de la peine.
11 A notre avis, contrairement à ce qu'affirme l'Accusation, nous estimons que
12 la conduite du général Krstic en l'espèce, se situe vraiment à l'extrémité
13 de cette échelle de culpabilité. Nous estimons que les trois catégories de
14 crimes qui sont concernés ici, montrent qu'il n'y avait pas de
15 préméditation de sa part, et montrent qu'il n'était pas indispensable à la
16 perpétration de l'un quelconque de ces crimes. Et je me permets de rentrer
17 plus en détails quant à ces trois catégories de crimes.
18 Nous parlons ici tout d'abord du transfert forcé. Nous parlons des crimes à
19 Potocari. Et nous allons également nous référer aux meurtres, aux
20 assassinats des hommes musulmans de Bosnie.
21 Alors commençons par le transfert forcé. Il n'y a pas de preuves que le
22 général Krstic a pris part à l'organisation de cela. Ce n'était pas son
23 intention. Il ne l'a pas planifié. Il s'est simplement trouvé sur place. Le
24 12 juillet 1995, lorsque la réunion a eu lieu à l'hôtel Fontana, les Juges
25 se rappelleront cela de la déposition de M. Deronjic. Et bien, M. Deronjic
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1 est arrivé à la réunion, et il a dit : "Il y a trois possibilités, trois
2 options quant au sort des civils. Ils peuvent partir. Ils peuvent rester,
3 ou bien ils peuvent se rendre dans un autre pays." Bien entendu, cette
4 troisième variante, cette troisième possibilité n'était pas très pratique.
5 Alors M. Deronjic a dit que ce n'était qu'un écran de fumée, et nous le
6 savons à présent. Mais M. Deronjic a été entendu à plusieurs reprises avant
7 cela. Et vous vous rappellerez que nous avons essayé de verser ses
8 déclarations en application de l'Article 115. Et nous avons également dit
9 qu'il s'agissait là d'une infraction à l'Article 68 de la part de
10 l'Accusation, puisqu'il ne nous a pas communiqué cela. Parce que compte
11 tenu des entretiens, ceci semblait plutôt être un transfert volontaire. Et
12 nous estimons que l'Accusation a commis une erreur en ne nous communiquant
13 pas ces déclarations. Du moins si vous acceptez ce que M. Deronjic a dit,
14 les citoyens avaient une possibilité de choisir entre rester ou partir.
15 Quoiqu'il en soit, en application, nous n'avons eu satisfaction quant à
16 notre requête en application de l'Article 115. Mais ce que je souhaite
17 dire, c'est que nous sommes tous prêts à admettre qu'il s'agissait d'un
18 écran de fumée. Et nous ne contestons pas cela en l'espèce, puisqu'il a été
19 interrompu par le général Mladic pour la raison que vous connaissez. Le
20 général Mladic a dit quelque chose signifiant, "Vous pouvez choisir, soit
21 vous serez morts, soit partez." Donc telle a été la situation à ce moment-
22 là.
23 Alors peut-on attribuer cela au général Krstic ? Non. Le général Krstic --
24 y a-t-il un seul élément de preuve montrant que le général Krstic savait
25 qu'il s'agissait là d'un écran de fumée. Y a-t-il des éléments de preuve
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1 montrant que d'une manière quelconque il a partagé cette rigidité, cette
2 cruauté du général Mladic ? Et la réponse est encore négative.
3 Donc qu'a fait le général Krstic ? Il a pris part à l'opération des
4 autocars. Il a organisé en effet les autocars. Mais était-ce indispensable,
5 et à quel point il s'agissait d'une opération technique. Et bien, il
6 n'était pas à ce moment-là le commandant du corps d'armée.
7 Il était adjoint au commandant. Et j'avance que n'importe qui aurait pu
8 organiser ces bus. Il s'agissait simplement d'un point technique. Compte
9 tenu des circonstances, la seule réaction humainement naturelle, était
10 d'organiser ces bus, de les procurer. Si les civils se trouvaient
11 effectivement face à la mort; et bien s'ils ne partaient pas, la première
12 chose qu'il fallait faire c'était de les écarter de là-bas, de les mettre à
13 l'abri. Et le général Krstic, ce que nous savons à présent, a dit : "Soyez
14 certains que pas un cheveu ne manque -- ne leur manque, qu'on ne leur fasse
15 aucun mal." Et ceci a été cohérent compte tenu de l'attitude humanitaire
16 qu'il a eu, dont il a fait preuve tout au long de sa vie. Et je ne veux pas
17 répéter ce que nous avons déjà dit là-dessus. Nous l'avons écrit dans nos
18 mémoires. Pendant toute sa vie, à l'égard des Musulmans de Bosnie, à
19 l'égard de qui que ce soit d'autres, il n'a jamais fait preuve d'une
20 attitude contraire. "Et plus tard au cours de l'opération de Zepa, il a été
21 tellement préoccupé par cet aspect, qu'il a dit que si qui que ce soit
22 empêchait le transfert pacifique de Zepa, et bien que ces personnes
23 seraient tuées." Il ne voulait que rien se mette en travers -- empêche que
24 l'on assume la sécurité de ces civils.
25 Encore une fois donc, le général Krstic a été impliqué dans cette affaire
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1 au dernier moment, à partir du moment qu'il est devenu évident que le
2 général Mladic avait l'intention de mettre en place un transfert forcé.
3 Donc c'est vrai que le général Krstic l'a appris à ce moment-là. Il a pris
4 part à cela. Mais tout ce qu'il a fait, c'était de s'assurer qu'il y a un
5 transfert sûr et pacifique des civils. Et je pense que cela montre que sa
6 culpabilité se situe vraiment au bas de cette échelle de responsabilité.
7 Les crimes de Potocari, ça c'est le deuxième sujet qui nous intéresse. Il y
8 a eu des crimes, il y eu des actes violents tels que viols, passages à
9 tabac, destruction de la propriété, le 12, le 13 juillet 1995, lorsque les
10 civils ont été réunis à cet endroit, et nous avons abordé cela en détail
11 dans nos écritures. Il est tout à fait clair que la Chambre de première
12 instance en a conclu qu'il n'y a pratiquement aucun élément de preuve
13 montrant que les membres du Corps de la Drina ont pris part à l'un
14 quelconque de ces meurtres et de ces passages à tabac, violences. Donc il
15 n'y avait simplement un petit fragment d'élément de preuve au sujet duquel
16 il me semble que la Chambre de première instance a dit qu'elle ne l'a pas
17 pris en compte, qu'il n'avait pas de poids. Et ces crimes ont été commis
18 par des groupes paramilitaires et par d'autres groupes qui se sont rendus
19 dans cette zone et non par les membres du Corps de la Drina. Et vous vous
20 rappelez la lettre que M. Petrusic a montré à M. Deronjic l'autre jour et
21 cela, pendant l'audience de l'autre jour. Il s'agit de la lettre du 9
22 juillet 1995, écrite par le général Tolimir, où il cite les instructions
23 données par le président Karadzic et demandant que les civils soient
24 traités d'une manière correcte. Enfin la lettre va dans ce sens-là et qu'il
25 ne fallait pas détruire leurs biens. Il s'agit de la pièce à conviction du
Page 279
1 bureau du Procureur 432, de l'affaire Krstic. La population civile devrait
2 se voir réserver un traitement correct, ainsi que les prisonniers de guerre
3 qui devaient être traités conformément aux dispositions de la convention de
4 Genève.
5 Donc pourquoi a-t-on condamné le général Krstic pour des crimes commis à
6 Potocari ? Il a été condamné parce qu'on a constaté qu'il a été membre
7 d'une entreprise criminelle commune visant à transférer de force des
8 civils, et ceci est le cas. Conformément au statut du Tribunal, les
9 meurtres ou les actes violents sont une conséquence prévisible du fait que
10 quelqu'un est membre d'une entreprise criminelle commune et ceci est
11 suffisant, conformément au statut du Tribunal pour condamner quelqu'un.
12 D'un point de vue de l'intimé, Monsieur le Président, Messieurs les Juges,
13 il s'agit d'une norme très difficile -- d'un critère difficile de
14 responsabilités pénales, et je reconnais qu'il s'agit d'un critère appliqué
15 par ce Tribunal. Mais le général Krstic a été condamné de ces crimes, non
16 parce qu'il a pris part à ces crimes, il a dit : "Ne touchez pas aux
17 civils." Il a dit tout ce qu'il a pu. Il l'a annoncé à plusieurs occasions.
18 Il a dit que personne ne devait subir un tort quel qu'il soit. Et nous
19 avons présenté cela dans notre mémoire. Même Erdemovic, qui est l'un de ces
20 assassins -- l'un des personnes qui ont commis des exécutions à la ferme de
21 Branjevo, est venue déposer et a dit : "Qu'à Potocari, pendant cette
22 période, le 12, le 13 juillet, on leur a dit de ne pas toucher aux civils."
23 Mais ces civils ont, en fait, l'objet de violence. Et encore une fois, le
24 général Krstic a fait tout ce qu'il a pu afin de s'assurer qu'un traitement
25 correct leur a été réservé.
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1 Et vous savez qu'il n'a pas été le commandant du corps pendant cette
2 période. Il a été adjoint au commandant les 12 et 13 juillet 1995. Et aussi
3 il s'est efforcé d'agir de manière correcte. Donc, ces efforts, afin qu'il
4 ne se produise rien de mal, montrent qu'il n'y avait pas de mauvaise
5 intention de sa part. La seule intention mauvaise, si l'on peut le
6 qualifier de tel, est le fait qu'il a pris part à une entreprise criminelle
7 commune consistant à transférer des civils, mais c'est tout.
8 Et, enfin, passons à un troisième domaine de responsabilités -- de
9 culpabilité, à savoir, les assassinats des hommes musulmans de Bosnie. Et
10 bien, ils se sont produits entre le 13 et le 19 juillet 1995. Le fait est
11 que le général Krstic n'était pas le commandant du corps, du moins jusqu'au
12 13 juillet. Nous acceptons les conclusions de la Chambre là-dessus. Notre
13 thèse était différente pendant le procès. Comme vous le savez, nous
14 avancions qu'il n'est devenu le commandant du corps que le 20, mais,
15 acceptant les conclusions de la Chambre de première instance, il est
16 devenu, de fait, le commandant du corps le 13 juillet, et de droit cela ne
17 s'est produit que le 15 juillet.
18 Alors, il n'est pas contesté que, dans la soirée du 11 juillet, le général
19 Krstic a été nommé par le général Mladic, chargé par le général Mladic de
20 l'aspect militaire de l'opération de Zepa. Il a fallu qu'il mette sur pied
21 un nouveau poste de commandement là-bas et, à partir de ce moment-là, à
22 partir de la soirée du 11, à l'exception d'une ou deux heures où il s'est
23 trouvé à Potocari, le 12, il a été plus ou moins, de manière continue, au
24 poste de commandement de Zepa. Et là, je cite les conclusions de la Chambre
25 de première instance là-dessus. Vous vous rappellerez que, lorsque le
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1 général Krstic a été appelé, on l'a appelé pour lui dire à quel point la
2 situation était affreuse, la situation qui a résulté donc de la fuite des
3 hommes musulmans de Bosnie, cette colonne d'hommes et le combat acharné qui
4 s'est produit sur place. Et à en juger d'après les déclarations de
5 M. Obrenovic, le général Krstic apparemment n'était pas au courant de ce
6 qui se passait. Il ne savait réellement pas ce qui était en train de se
7 produire.
8 Alors, nous ne sommes pas en train d'avancer qu'il ignorait totalement ce
9 qui était en train de se dérouler, mais il n'était certainement pas au
10 courant de tous les détails. Et comme l'a conclu la Chambre de première
11 instance, il était très pris par la situation de Zepa. Encore une fois, je
12 vais aborder cela plus en détail cet après-midi et demain, mais les seuls
13 éléments de preuve directs de sa participation à l'opération, c'est qu'il y
14 a eu une conversation -- c'est la conversation par téléphone le 15 juillet
15 entre lui et le colonel Beara -- et vous pouvez en déduire de manière tout
16 à fait légitime que le général Krstic était au courant du fait qu'on était
17 en train d'assassiner des gens. Il n'était pas au courant d'un plan
18 génocidaire. Il savait qu'on était en train de tuer des gens. Et nous
19 sommes en train d'avancer qu'il n'a jamais rien à faire afin de mener à
20 bien cette entreprise. Il n'a pas participé à ces entreprises dans ce sens-
21 là. Et lorsque M. Marcussen a dit qu'il a pris part, nous avançons qu'il
22 n'a certainement jamais rien fait afin d'aider et encourager ces
23 exécutions. Et comme je l'ai dit, il n'était pas au courant des
24 assassinats. Il n'a jamais fait part de ce plan visant à assassiner des
25 gens. Et je ne pense pas qu'il était indispensable d'une manière quelle
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1 qu'elle soit à cette troisième opération. Alors, voyons maintenant ce qui
2 est du Corps de la Drina, s'agissant des effectifs du corps qui ont été
3 utilisés. Il n'y a pas d'éléments de preuve montrant que le général Krstic
4 a jamais eu recours à ces effets, à son équipement ou le personnel. Il n'y
5 a pas de preuve montrant que ces éléments aient été indispensables, mais
6 pas le général Krstic.
7 Donc nous en avons dit beaucoup plus dans notre mémoire. M. Marcussen n'a
8 pas beaucoup parlé du Tribunal du Rwanda. Je vais peut-être aller un peu
9 plus dans les détails au sujet des affaires du Rwanda. Alors, nous avons un
10 génocide prouvé au Rwanda, où 800 000 personnes ont été assassinées. Un
11 grand nombre d'accusés ont été condamnés à des peines parce qu'ils ont,
12 effectivement, personnellement, pris part à des assassinats. La situation
13 qui nous intéresse ici est tout à fait différente.
14 Alors, permettez-moi, à présent, de parler de la question des peines
15 cumulatives et, après avoir entendu mon éminent collègue de l'Accusation,
16 après avoir entendu les questions de la Chambre, en toute franchise -- et
17 là je parle au nom de M. Petrusic aussi -- je dois dire que nous
18 connaissons beaucoup moins bien cet aspect. Nous ne pouvons pas comparer
19 notre maîtrise du sujet à celle des éminents membres de la Chambre. Alors,
20 il y a ici un aspect pratique pour ce qui est du général Krstic.
21 L'Accusation ne demande pas une aggravation de la peine. Il s'agit d'une
22 peine unique de 46 ans de prison qui a été prononcée après mûr examen de la
23 part de la Chambre de première instance. Si la Chambre d'appel confirme
24 cette peine ou une partie du jugement qui a été prononcé, nous demanderions
25 -- nous vous demandions de ne pas porter préjudice au général Krstic, que
Page 283
1 la peine qu'il aura à purger soit la même qu'il aurait eu à purger
2 conformément au jugement de la Chambre de première instance.
3 Il y a eu une peine unique, fondée sur une conduite sur une brève période,
4 et nous estimons que cette peine unique a été tout à fait appropriée. Nous
5 ne sommes certainement pas d'accord avec la durée de la peine de prison, et
6 encore une fois, nous en avons parlé dans notre mémoire. Je vous réfère à
7 ce que nous avons dit dans notre texte.
8 Alors, un seul autre point que je souhaite aborder au sujet du cumul des
9 peines : l'arrêt Musema était en français pendant très longtemps, si bien
10 que ça n'a pas posé de problèmes à nos éminents collègues de l'Accusation,
11 mais à nous, oui. Maintenant, ce document est en anglais. Nous en avons
12 pris connaissance et nous avons également bien pris note. Je pense qu'il
13 est possible que la Chambre décide de prononcer une déclaration de
14 culpabilité pour extermination et génocide. Il semble que cela puisse
15 découler de Musema. Là non plus, nous n'avons pas toute la connaissance --
16 la connaissance approfondie de l'Accusation à ce sujet, mais, en lisant
17 Musema, nous pensons que l'Accusation a, effectivement, un argument que
18 nous avons bien entendu, s'agissant toujours du cumul des déclarations de
19 culpabilité.
20 Nous pensons que la Chambre pourrait essayer d'arriver à trouver une
21 résolution pratique de la question. Nous l'avons abordé dans notre mémoire
22 préalable à l'appel, et nous nous y tenons.
23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk.
24 Est-ce que vous avez des questions ou est-ce qu'on les laisse pour après la
25 pause ?
Page 284
1 [La Chambre d'appel se concerte]
2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Après la pause.
3 Pas de commentaires de l'Accusation pour l'instant. Je regarde l'horloge,
4 je regarde notre ordre du jour.
5 [La Chambre d'appel se concerte]
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Sepenuk, d'avoir été
7 aussi bref. Ça nous a fait gagner du temps. Donc suspension d'audience
8 jusqu'à 14 heures 45.
9 --- L'audience est suspendue pour le déjeuner à 12 heures 51.
10 --- L'audience est reprise à 14 heures 48.
11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.
12 Nous allons maintenant écouter la réponse de l'Accusation. Vingt minutes
13 ont été prévues. Et si j'ai bien compris, vous n'aurez pas forcément besoin
14 de tout ce temps mais je vous donne la parole et on va voir comme ça se
15 passe.
16 M. MARCUSSEN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Monsieur le
17 Président, Messieurs les Juges. Je ne vais pas revenir sur un certain
18 nombre de points qui a été évoqué par l'intimé. J'estime que cela n'est pas
19 nécessaire puisque dans notre mémoire nous avons traité de la plupart de
20 ces questions. Si bien que je vais me concentrer sur une question en
21 particulier -- un volet en particulier de la réponse de l'intimé. Là, nous
22 estimons qu'il est nécessaire pour nous de répondre à l'appui des arguments
23 de l'intimé selon laquelle il convient de ne pas augmenter la peine.
24 L'intimé s'est appuyé sur un certain nombre d'arguments d'ordre factuel.
25 Or, par là, il ne répond pas directement au motif d'appel de l'Accusation.
Page 285
1 Mais comme l'intimé s'est appuyé sur un certain nombre de faits pour
2 plaider que l'on ne devrait pas augmenter la peine, nous estimons qu'il est
3 nécessaire d'apporter un certain nombre d'éclaircissements au sujet des
4 conclusions tirées par la Chambre de première instance, s'agissant des
5 faits qu'il a présenté à l'appui de ces arguments.
6 Je ne suis nullement en train de traiter des intentions que n'a pas
7 l'intimé mais je voudrais reprendre notre interprétation du jugement sur un
8 certain nombre de questions, quatre ou cinq questions qui ont été évoquées
9 par l'intimé.
10 L'intimé en premier lieu, a déclaré, en parlant des faits, qu'il n'avait
11 pas connaissance des crimes qui étaient commis à Potocari. Et de manière
12 plus générale même, il n'avait pas connaissance des crimes qui ont été
13 commis après la chute de Srebrenica. L'Accusation fait valoir que les
14 conclusions sur les faits de la Chambre de première instance montrent le
15 contraire. L'intimé a planifié l'attaque de Srebrenica. Ce faisant, il a
16 déclaré dans sa déposition, page 2163 à 2165, qu'il avait connaissance de
17 ce plan, qu'il l'avait préparé suite à directive numéro 1, délivrée par
18 Karadzic en mars 1995.
19 Au paragraphe 28 du jugement, on retrouve une partie de la directive numéro
20 1, je vais me contenter d'en citer une seule
21 phrase :
22 "La directive prévoit que par des actions de combats planifiées et bien
23 conçues, il faut créer un climat d'insécurité totale et une situation
24 insupportable et sans espoir de survie pour la population de Srebrenica."
25 Préparant le plan d'attaques de Srebrenica, l'intimé avait connaissance de
Page 286
1 cette directive et le plan consistait à mettre en œuvre cette directive. Il
2 était en charge de l'opération de Srebrenica et la Chambre de première
3 instance, au paragraphe 335, a conclu que ce n'était pas un participant
4 ordinaire à cette opération. La Chambre a conclu qu'il a pu voir, le 10 et
5 le 11, le pilonnage de Srebrenica, et que ces deux journées de pilonnage
6 avaient pour objectifs de terroriser la population civile et de la faire
7 fuir de Srebrenica. Ça, on le trouve au paragraphe 125.
8 Le lendemain, le pilonnage avait pris fin, le 11, l'intimé se trouvait au
9 côté du général Mladic au centre de la ville de Srebrenica. Lorsque le
10 général Mladic a dit que le moment était enfin venu de se venger de la
11 population.Nous estimons que ceci montre que l'intimé avait connaissance du
12 plan en question.
13 Au paragraphe 337 :
14 "La Chambre de première instance a conclu que le général Krstic était
15 pleinement au courant des -- parfaitement conscient de ce que les
16 bombardements de Srebrenica feraient fuir des dizaines de milliers civils
17 musulmans de la ville vers la petite localité de Potocari."
18 Il devait savoir qu'inévitablement les besoins fondamentaux, hébergements,
19 vivres ou médicaments excéderaient de loin les capacités de la localité. De
20 surcroît, la Chambre de première instance conclut que le général Krstic
21 était pleinement au courant des objectifs territoriaux poursuivis par la
22 VRS dans l'enclave de Srebrenica qui comprenait notamment l'expulsion de la
23 population musulmane de Bosnie. Voici les faits qui forment le contexte
24 dans lequel se sont ensuite produits les crimes que nous savons. Et
25 l'intimé, la Chambre de première instance l'a conclu, l'intimé était
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1 conscient de tout ce qui se passait.
2 Nous estimons donc que sur la base de ces simples faits, l'argument de
3 l'intimé ne répond pas lorsqu'il n'a pas raison -- lorsqu'il répond à nos
4 arguments que l'intimé ne savait pas ce qui se passait. Ceci n'a pas lieu
5 d'être. Je ne vais pas cependant répéter tous nos arguments qui figurent
6 dans notre mémoire.
7 Il y a d'autres éléments, en effet, qui montrent qu'il était au courant de
8 la campagne génocidaire. D'autre part l'intimé, reprenant les faits à
9 l'appui de ses arguments, a dit que n'importe qui aurait pu organiser le
10 transport en bus et qu'il n'a pas joué un grand rôle dans ce domaine.
11 La Chambre conclut autrement au paragraphe 608, la Chambre estime que
12 l'intimé a joué un rôle considérable. Cela ne correspond donc pas à
13 l'argument selon lequel il n'aurait joué qu'un rôle mineur. Qu'il se
14 trouvait simplement là à ce moment-là, par hasard.
15 L'intimé fait également référence à l'ordre de Karadzic de prendre
16 Srebrenica, l'ordre du 9 juillet, dans la soirée. Il fait référence aux
17 faits que, dans cet ordre, il est stipulé qu'il convient de respecter les
18 conventions de Genève. Les conclusions de la Chambre de première instance
19 au sujet de la manière dont cette attaque a eu lieu et de ce qui est arrivé
20 aux civils pendant cette attaque, montre que cette partie de l'ordre soit,
21 n'a pas été respectée, soit n'a jamais été censée être respectée. Et à ce
22 sujet, mon éminent confrère a fait référence à la déposition de Deronjic
23 selon lequel -- qui nous a parlé la réunion à l'hôtel Fontana de l'offre
24 faite aux Musulmans de rester qui, en fait, n'était un écran de fumée. Nous
25 pensons qu'il en va de même pour ce respect des conventions de Genève, et
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1 qu'en tout cas, même s'il a effectivement pensé sincèrement, ça n'a pas été
2 respecté pendant l'attaque dans laquelle l'intimé a joué un rôle crucial
3 puisque c'est une attaque dont il a coordonné tous les éléments.
4 Mon collègue, gentiment attire mon attention sur le fait que j'ai peut-être
5 mentionné la directive numéro 1. En fait, j'aurais dû parler la directive
6 numéro 7. En tout cas, ce que je souhaitais vous mentionner figure au
7 paragraphe 28 du jugement, donc je ne pense pas qu'il puisse y avoir de
8 confusion.
9 L'intimé a également fait valoir, en parlant des faits, qu'il avait dans un
10 souci quasi humanitaire, fait en sorte, que les réfugiés de Potocari soient
11 placés à bord d'autocars pour être renvoyés ailleurs, loin de cet endroit
12 ou dans le complexe des Nations Unies. Et aux alentours régnait une
13 situation catastrophique du point de vue humanitaire. Cet argument est
14 fortement intéressant mais je souhaite insister sur le fait qu'on a estimé
15 qu'il s'agissait d'un acte criminel. C'est un acte qui est un acte que l'on
16 peut assimiler un transfert forcé. C'est de cette manière que le transfert
17 a été réalisé. Par cet acte, nous ne sommes donc pas d'accord avec cette
18 interprétation adoptée par l'intimé.
19 L'intimé fait également référence à l'instruction, aux ordres, selon
20 laquelle il ne fallait faire de mal à personne pendant le transfert des
21 civils, lorsque ceux-ci étaient emmenés à l'extérieur des zones contrôlées
22 par les Serbes. Nous ne disons nullement qu'il existent des éléments
23 permettant de dire qu'il s'agit d'un écran de fumée; cependant, la Chambre
24 de première instance a conclu, au paragraphe 48, du jugement, que les
25 soldats frappaient les civils qui montaient à bord des bus. Ces autocars
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1 étaient pleins à craquer. D'autre part, les soldats du bataillon
2 néerlandais n'ont pas eu l'autorisation d'escorter ces autocars pour
3 s'assurer que les civils étaient arrivés en toute sécurité à leur
4 destination. De surcroît, les hommes, qui essayaient de monter à bord des
5 autocars, dans ce qu'on nous présente ou dans ce qu'on veut nous présenter
6 comme une action ou opération humanitaire, n'ont pas eu le droit de le
7 faire. On les a emmenés à la "maison blanche" où ils ont été détenus --
8 fait prisonniers -- détenus avec d'autres hommes qui avaient séparés
9 précédemment du reste de la foule. Et à Cerska, les autocars ont été
10 interceptés. On les a arrêtés pour faire sortir de ces autocars tous les
11 hommes qui auraient pu, sans que l'on se rendre compte, monter à bord à
12 Potocari. Ces hommes, eux aussi, on les emmenés dans des centres de
13 détention pour les exécuter ultérieurement. Et à ce sujet, je souhaiterais
14 vous renvoyer aux paragraphes 53 à 59 et 368 à 369.
15 D'autre part, nous faisons valoir que certains des autocars qui ont été
16 utilisés pour transporter les civils ou qui devaient l'être ont ensuite été
17 utilisés pour transporter hommes musulmans qui ont été ensuite massacrés à
18 Kravica, paragraphe du jugement, 217 et 215. Et ils ont également permis de
19 transporter les hommes qui ont été faits prisonniers sur la route. On se
20 référera aux paragraphes 156 à 161 du jugement.
21 Enfin, l'intimé fait valoir, en tant que fait à prendre en considération,
22 et si j'ai bien compris son argument, et peut-être n'ai-je pas bien
23 compris. Mais moi, j'ai compris que mon éminent confrère nous dit qu'en
24 fait il y a eu un seul exemple de participation aux actes concernés, c'est-
25 à-dire, d'envoyer les hommes de la Brigade de Bratunac à la ferme de
Page 290
1 Branjevo pour y participer aux exécutions. Avec tout les respect que je
2 dois à mon éminent confrère, la Chambre de première instance a dit quelque
3 chose de complètement différent dans son jugement. Et l'intimé nous
4 présente des faits qu'il prétend tirer du jugement pour rejeter nos motifs
5 d'appel, et nous estimons qu'il à interprété le jugement ne tient pas. Et
6 que le jugement dit quelque chose de complètement différent. Je présente
7 mes excuses, mon confrère, mon anglais n'étant pas ma langue maternelle. Je
8 ne veux nullement faire croire qu'il ait souhaité induire en erreur
9 volontairement la Chambre d'appel.
10 Mais la Chambre de première instance a conclu qu'il y a un grand nombre
11 d'éléments de preuve qui montrent qu'entre le 14 et le 17 juillet, les
12 moyens des Brigades du Corps de la Drina ont été employés dans le cas des
13 exécutions massives, et que le Corps de la Drina avait dû -- devait savoir
14 ce qu'il en était, que ces unités étaient impliquées dans ces actes de
15 persécution, paragraphe 296, du jugement.
16 La Chambre a également tiré des conclusions au sujet de la participation de
17 ces troupes à six massacres. A Orahovac, la Chambre a conclu des membres de
18 la brigade étaient chargés de garder les prisonniers, et que des véhicules
19 de la brigade ont été utilisés pour transporter des gens jusqu'aux sites
20 d'exécution. Et on a conclu également que les membres de cette brigade
21 avaient participé aux exécutions, ainsi qu'à l'enfouissement des corps.
22 S'agissant du barrage de Petkovic, la Chambre a conclu que des éléments de
23 la brigade avaient transporté les prisonniers jusqu'au centre -- à partir
24 du centre de Détention jusqu'aux sites d'exécution avant de participer aux
25 opérations d'enfouissement des cadavres, paragraphes 281 à 282 -- 231 à
Page 291
1 232.
2 S'agissant de la ferme de Branjevo, la Chambre de première instance a
3 conclu que les moyens du Corps de la Drina avaient joué un rôle clé dans le
4 cadre des exécutions. Popovic, chargé de la sécurité, a été chargé de
5 superviser cette opération. Le commandement du Corps de la Drina a fait en
6 sorte de fournir des carburants pour cette exécution, pour transporter les
7 personnes jusqu'aux sites d'exécutions. Des hommes du Corps de la Drina,
8 notamment au niveau du commandement, ont joué un rôle de coordination. La
9 police militaire de la Drina a gardé les prisonniers dans les autocars
10 lorsque ces prisonniers étaient emmenés sur les sites d'exécution. De plus,
11 les moyens de la Brigade de Zvornik ont été utilisés pour l'enfouissement
12 des cadavres.
13 Le 16 juillet, au centre culturel de Pilica, des éléments de la Brigade de
14 Bratunac ont participé aux tueries. Ceci a été établi.
15 A Kozluk, des hommes de la Brigade de Zvornik ont participé à
16 l'enfouissement des cadavres et, à Nezuk, des exécutions ont été mises en
17 œuvre avec la participation des unités placées sous le commandement de la
18 Brigade de Zvornik. Il s'agit là de conclusions de la Chambre de première
19 instance, des conclusions qui ont permis à la Chambre de première instance
20 de conclure à la participation à tous ces actes criminels. Et la Chambre de
21 première instance, aux paragraphes 378 à 423, que l'intimé savait ce qui se
22 passait et a participé directement à ces crimes.
23 En dehors de cette participation précise à ces crimes, la Chambre de
24 première instance a résumé la participation -- de la participation de
25 l'accusé, en disant qu'il avait joué un rôle clé en matière de coordination
Page 292
1 dans le cadre de la mise en œuvre de cette campagne de tuerie.
2 Je ne vais pas parler des écoutes qui sont contestées. Je sais qu'on va y
3 revenir demain, mais, d'après nous, les écoutes du 15, 16 et 17 juillet
4 montrent -- sont la preuve de la participation. Mais je pense avoir passé
5 suffisamment de temps à répondre à la Défense et je ne souhaite pas prendre
6 plus de temps. Essentiellement, ce que nous souhaitons dire du côté de
7 l'Accusation, c'est que là où l'intimé s'est appuyé sur des faits, ces
8 faits ne sont pas ceux qu'a trouvés la Chambre de première instance, si
9 bien que ces arguments ne sont étayés par rien, si bien que nous estimons
10 que, dans ses arguments, l'intimé n'a absolument pas répondu à notre motif
11 d'appel et, deuxièmement, ses arguments ne permettent nullement de
12 justifier un argument selon lequel il ne faudrait pas augmenter la peine.
13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Marcussen.
14 Je me tourne maintenant vers la Défense.
15 [La Chambre d'appel se concerte]
16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais non, je m'excuse, je vais d'abord
17 donner la parole à M. Shahabuddeen. Monsieur le Juge Shahabuddeen.
18 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Ce matin, je vous ai posé une
19 question au sujet de la légalité d'une peine minimum recommandée par le
20 Tribunal. Vous m'avez répondu -- j'avais reconnu que je n'avais pas procédé
21 à des recherches moi-même, vous m'avez répondu. Mais, maintenant, je dois
22 vous dire qu'à la page 72, paragraphe 5.3, du mémoire de l'Accusation, vous
23 faites référence à cette question. Je dois également reconnaître que j'ai
24 consulté la décision Tadic du 26 janvier 2000, paragraphe 28. C'est un peu
25 près des -- ces zones-là et je dois avouer que -- je dois reconnaître à mon
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1 grand âme que j'étais présent. Je faisais partie de la Chambre qui a pris
2 la décision Tadic.
3 M. MARCUSSEN : [interprétation] Moi-même je dois m'excuser parce qu'il est
4 fort possible que je n'ai pas bien compris l'étendu de votre question.
5 Merci.
6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, à Monsieur Marcussen, merci à
7 Monsieur le Juge Shahabuddeen.
8 Y a-t-il d'autres questions de la part du Juge Pocar ou du Juge Guney ?
9 Non.
10 Dans ces conditions, nous allons donner de nouveau la parole à la Défense.
11 La Défense, qui va maintenant présenter son appel, dispose d'une heure
12 aujourd'hui, et qui pourra poursuivre la présentation de ces arguments
13 demain.
14 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.
15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.
16 M. SEPENUK : [interprétation] -- nous allons commencer par la question du
17 génocide. La question qui se pose c'est de savoir si la Chambre de première
18 instance a commis une erreur en estimant qu'il existait une entreprise
19 criminelle commune dans l'objectif, qui était de détruire le groupe des
20 Musulmans de Bosnie en partie à Srebrenica et, si le général Krstic
21 partageait cette intention génocidaire -- génocide, je voudrais tout
22 d'abord présenter les arguments juridiques qui d'après moi ont été établi
23 par le Tribunal au cours des années qui viennent de s'écouler. En tout cas,
24 je vais parler des principes qui me paraissent s'appliquer dans notre
25 affaire.
Page 294
1 Je sais que ces principes sont connus de tous ici, mais je pense bon de les
2 rappeler pour placer notre affaire dans son contexte.
3 Bien entendu, le génocide est un crime unique en son genre, où l'accent est
4 mis sur le dolus specialis, l'intention spécifique, comme l'a dit récemment
5 la Chambre Stakic. C'est un crime qui se distingue des autres par son
6 intention particulière, intention qui est plus importante que l'intention
7 que l'on trouve dans d'autres crimes. L'intention est de détruire un groupe
8 et comme ça a été dit dans Samardzija récemment, il n'y a pas de seuil
9 numérique des victimes requis pour établir le génocide.
10 Comme l'a dit la Chambre de première instance Stakic : "Il n'est pas
11 nécessaire d'établir le nombre de victimes, c'est le dolus specialis qui
12 constitue le point clé."
13 Encore quelques mots sur les chiffres. Bien entendu, il va s'en dire que
14 nous tous, dans l'équipe du général Krstic, nous sommes horrifiés par la
15 brutalité de ce qui s'est passé à Srebrenica et je cite du point de vue
16 humaniste : "Il est tout à fait abominable de jouer sur les chiffres de
17 victimes. Quand on parle de victimes, quand on parle de souffrance, les
18 mathématiques n'ont rien à faire, n'ont pas leur mot à dire." Je viens de
19 citer un essai sur le génocide et je suis tout à fait d'accord avec
20 l'extrait que je viens de vous dire -- de vous donner.
21 Donc, du point de vue -- quand on parle de tragédies humanitaires, c'est
22 avec réticence que l'on présente des chiffres, mais nous le faisons
23 uniquement parce qu'il s'agit ici de déterminer l'intention génocidaire.
24 Pour déterminer s'il y a eu génocide, il faut déterminer s'il y a eu
25 intention génocide et la jurisprudence de TPIR et de TPY ont stipulé que le
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1 crime de génocide est un crime pour lequel il est nécessaire de prouver
2 l'intention de détruire, en tout ou partie, un groupe donné. Une fois que
3 l'on a estimé qu'il y avait plan génocidaire, comme ça a été le cas dans la
4 TPIR, à ce moment-là, les meurtres commis par l'accusé s'inscrivaient dans
5 son plan. Hormis nous n'avons rien de tel ici au TPY, nous n'avons pas
6 d'intention génocidaire qui a été documentée de détruire un groupe en tout
7 ou partie. Et quand il y a un petit groupe de personnes qui est tué, cela
8 ne suffit pas nécessairement à prouver l'intention génocidaire. Dans
9 Jelisic, il y avait -- il y a moins de 100 personnes qui ont été tuées.
10 Mais l'intention était là, l'intention était là de détruire, de supprimer
11 les Musulmans de Brcko puisque Jelisic lui-même se présentait, se
12 proclamait en tant qu'Adolf serbe. Il avait proclamé son désir de tuer tous
13 les Musulmans.
14 Dans Stakic, il y a plus de personnes qui sont mortes, 1 000 à Sikirica, 3
15 000 ailleurs. Des centaines de personnes ont été tuées au camp de Keraterm
16 et Omarska, mais, dans Sikirica, en premier lieu, la Chambre de première
17 instance a estimé que le nombre des victimes n'était pas suffisant pour
18 établir l'intention génocidaire, l'important c'était le nettoyage ethnique
19 et c'est ce qui revient dans toutes ces affaires. Ce n'est pas le nombre
20 des victimes, c'est l'intention génocidaire.
21 Quelques centaines de personnes tuées s'il y a preuve d'une intention
22 génocidaire suffiront peut-être pour décider qu'il y a génocide comme se
23 fût le cas dans l'affaire Jelisic. Et comme la Chambre d'appel Jelisic l'a
24 relevé, mais, si l'on tue une multitude de personnes, comme ce fût, par
25 exemple, le cas lorsqu'on a fait sauté plusieurs bâtiments contenant des
Page 296
1 milliers de personnes, ou encore lorsqu'on laisse tomber -- lorsqu'on lance
2 une bombe atomique, ce n'est pas génocide, si ceci n'est pas accompagné de
3 l'intention génocidaire requise pour établir qu'on veut détruire la partie
4 d'un groupe en tant que tel.
5 Je poursuis sur ces principes généraux. Comment les tribunaux se sont-ils
6 pris pour déterminer s'il y a attention génocidaire ? La Chambre Stakic a
7 fourni une réponse à cette question, la voici, je cite : "Il est
8 généralement reconnu et ceci, en particulier, dans la jurisprudence dans ce
9 Tribunal-ci et dans le Tribunal de Rwanda, que le dolus specialis est
10 génocidaire, peut être déduit soit des faits
11 -- des circonstances concrètes ou s'il y a schéma systématique de conduite
12 délibérée." A partir de ces principes directeurs, ces principes généraux,
13 je veux en venir à ceci. La Chambre de première instance a versé dans
14 l'erreur, en disant qu'il y avait de la part d'une entreprise criminelle
15 commune une attention génocidaire et de la part du général Krstic qui
16 consistait à vouloir détruire une partie du groupe musulman en tant que
17 tel.
18 Pour savoir s'il y a eu génocide à Srebrenica, la Chambre de première
19 instance a examiné deux ensembles de faits séparés et qui n'ont pas été
20 controversés. Tout d'abord, il y a les éléments du 12 juillet 1995,
21 quelques 25 000 Musulmans de Bosnie -- la plupart d'entre eux étant des
22 femmes et des personnes âgées qui vivaient dans la région de Srebrenica,
23 ont été transférées par les forces serbes de Bosnie dans des territoires
24 par les Musulmans de Bosnie -- Serbes de Bosnie -- Musulmans de Bosnie. Et
25 puis du 10 au 15 janvier, quelques dix milliers de Musulmans de Bosnie ont
Page 297
1 tenté de fuir la région, beaucoup ont été fait prisonniers et quelques 7
2 500 Musulmans de Bosnie ont été exécutés. Lorsqu'on dit qu'il y a
3 entreprise criminelle commune pour commettre un génocide, ce que dit la
4 Chambre, au paragraphe 594, il est dit que : "Il y a de preuve montrant
5 qu'on a voulu éliminer les Musulmans de Srebrenica, en tant que communauté.
6 Au moins de sept jours, 7 000 hommes en l'âge de porter les armes ont été
7 massacrés systématiquement, alors que le reste de la population musulmane
8 présent à Srebrenica, quelques 25 000 personnes, ont été transférées par la
9 force ailleurs. Les forces serbes de Bosnie savaient au moment où ils ont
10 décidé de tuer tous les hommes en âge de porter des armes, que le transfert
11 forcé des femmes, des personnes âgées et des enfants associés aurait pour
12 résultat inévitable la disparition physique de la population musulmane de
13 Srebrenica."
14 La Chambre de première instance a conclu qu'il y avait entreprise
15 criminelle commune dans les intentions génocidaires. La Chambre est alors
16 passé à la responsabilité pénale de M. Krstic, paragraphe 64 [sic], elle
17 dit : "Qu'il avait joué un rôle clé dans le transfert forcé des femmes, des
18 enfants Musulmans, et des personnes âgées. Le général Krstic savait
19 l'impact tout à fait délétère et inévitable qu'aurait ce fait sur la
20 possibilité était de survie de la population musulmane de Srebrenica. Il a
21 donc participé à l'acte génocidaire visé par l'Article 4(2)(a), à savoir,
22 la volonté de tuer une partie du groupe.
23 M. SEPENUK : [interprétation] Paragraphe 634 -- je m'excuse auprès des
24 interprètes. Maintenant, je vais vraiment essayer de ralentir pour ne pas
25 me tromper.
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1 La Chambre a versé dans l'erreur, en disant qu'il y avait eu génocide aux
2 vues des faits soumis au moment du procès. La Chambre a eu raison de dire
3 que le groupe protégé était les Musulmans de Bosnie. Paragraphes 560 --
4 559, la Chambre a noté que ce groupe était des Musulmans de Bosnie, pas les
5 Musulmans de Bosnie, de Srebrenica, et je cite ce passage : "Le seul
6 critère distinctif, à savoir, les Musulmans de Bosnie et de Srebrenica
7 seraient le lieu géographique où il se trouvait et ce n'est pas un critère
8 retenu par la convention." La Chambre de première instance a aussi raison
9 de conclure, lorsqu'elle a examiné la thèse de destruction d'une partie du
10 groupe, elle a dit que ce groupe devait représenter une portion
11 substantielle de la totalité. Si l'on voit le nombre de Musulmans tués,
12 elle n'a pas comparé ce groupe à la totalité du groupe de Musulmans, il y a
13 1 400 000 Musulmans. Elle a plutôt examiné le fait -- ou les faits
14 qu'auraient les hommes en âges de porter les armes sur la possibilité de
15 survie de ce groupe à Srebrenica.
16 A notre avis, c'est là une comparaison erronée à deux d'outre
17 -- parce que ceci a dilué l'exigence numérique de la substantialité. Autre
18 erreur, elle a fait une équation entre le nettoyage ethnique et le
19 génocide. J'y reviendrai dans un instant.
20 Nous faisons valoir que la Chambre a versé dans l'erreur en concluant qu'il
21 y avait génocide basé sur la volonté de détruire une partie du groupe, les
22 hommes en âges de porter des armes -- d'une partie -- donc les Musulmans de
23 Srebrenica -- d'un groupe protégé, à savoir, les Musulmans de Bosnie.
24 Nous faisons valoir que, si on compare le nombre d'hommes tués, quelques 7
25 500 avec la totalité du groupe musulman, à savoir,
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1 1 400 000, si l'on prend ce critère et si l'on fait le pourcentage, on a
2 0,5 % de la population musulmane. Ceci est manifestement insuffisant si on
3 prend ceci comme seul facteur pour déduire qu'il y a intention génocidaire.
4 La Chambre de première instance n'a jamais établi une telle comparaison; au
5 contraire, elle a conclu que le fait de tuer ces hommes avaient eu une
6 incidence considérable sur la survie de la population musulmane à
7 Srebrenica.
8 Nous faisons valoir que c'était une erreur de la part de la Chambre de
9 première instance de conclure que les tueries de masse à Srebrenica avaient
10 été commises avec l'intention de détruire le groupe qui y habitait. Il faut
11 aussi montrer que cette infraction à Srebrenica a été commise dans le
12 contexte qui était la volonté de détruire le groupe en tant que tel. C'est
13 ça qu'a fait la Chambre de première instance dans l'affaire Sikirica où
14 elle a dit : "Qu'il y avait deux éléments" -- je cite ici -- "il y a le
15 chapeau de l'Article 4(2) et l'Accusation, en tant que droit, doit établir
16 ces faits -- elle doit établir tout d'abord l'intention de détruire, en
17 tout ou en partie, la population musulmane de Bosnie ou la population
18 croate de Bosnie à Prijedor. Elle doit également établir l'intention de
19 détruire les Musulmans ou les Croates de Bosnie, en tant que groupe. Ces
20 deux éléments sont cumulatifs. En d'autres termes, l'Accusation non
21 seulement doit établir qu'il y a intention de détruire les Musulmans ou les
22 Croates de Bosnie, en tout ou en partie, elle doit également établir cette
23 intention de détruire ces groupes en tant que tel."
24 La Chambre Sikirica a poursuivi, en disant : "Si, par conséquent, même si
25 les éléments de preuve établissent l'intention de détruire une partie des
Page 300
1 Croates ou des Musulmans de Bosnie, la requête Sikirica serait accueillie
2 car l'objectif n'était pas le groupe, en tant que tel, mais des membres
3 individuels de ce groupe," et la Chambre Sikirica a estimé qu'il y a ainsi
4 preuve de l'acte de persécution, mais pas de génocide.
5 La Chambre de première instance Krstic n'a jamais examiné le deuxième
6 aspect cumulatif évoqué par la Chambre Sikirica. Si elle l'avait fait, elle
7 aurait inévitablement conclu qu'il n'y avait pas de preuves montrant que
8 les tueries de Srebrenica avaient été réalisées avec l'intention de
9 détruire les Musulmans de Bosnie en tant que groupe. Les conclusions tirées
10 par la Chambre, à savoir : "Qu'en tuant tous les hommes en âges de porter
11 les armes, les forces serbes de Bosnie avaient, à toutes fins utiles,
12 détruit la communauté musulmane de Srebrenica, en tant que tel, et éliminé
13 toute probabilité pour cette communauté de se rétablir sur ce territoire."
14 Ne montre pas qu'il y a intention de détruire le groupe des Musulmans de
15 Bosnie, en tant que tel, et ceci est à voir en contraste avec la volonté de
16 déplacer "seulement" ce groupe de cet endroit. C'est terrible, bien sûr,
17 mais il faut établir cette distinction. On voulait déplacer ces personnes,
18 pas les détruire en tant que groupe.
19 Schabas, qui est sans doute le commentateur de proue en matière de
20 génocide, vient d'écrire un article pour la revue de droit. Vous savez,
21 nous avons versé ceci en annexe à notre mémoire et c'est imprimé. Si on a
22 quelqu'un qui veut vraiment détruire physiquement un groupe et qui a
23 suffisamment de sang froid pour détruire plus de
24 7 000 hommes et jeunes hommes sans défense, qui a la volonté d'organiser
25 des transports pour que les femmes, les enfants ne vont pas chercher à
Page 301
1 évacuer des femmes, des enfants et les personnes âgées ?" Au contraire, on
2 peut se dire que ces hommes et ces enfants étaient la partie importante de
3 ce groupe parce que ce sont eux les clés de la survie de ce groupe. Dans ce
4 sens là, la déportation des femmes et des enfants de Srebrenica, à notre
5 avis, montre qu'il y a plutôt intention d'éviter le génocide davantage que
6 la volonté de le commettre.
7 Schabas conteste aussi les conclusions tirées par la Chambre de première
8 instance, à savoir que la volonté de tuer les jeunes hommes et les hommes
9 en âges de porter les armes auraient été de détruire la totalité de la
10 communauté. Il pose une question Schabas, à la page 46, de cet article :
11 "Il se demande s'il n'y a pas d'autres explications plausibles pour ce qui
12 est de la destruction de ces
13 7 000 hommes et jeunes hommes à Srebrenica." Est-ce qu'il n'aurait pas été
14 pris pour objectif précisément parce qu'ils étaient en âges de porter les
15 armes et, pour cette raison, auraient été en puissance des combattants ou
16 des combattants véritables ? Il conclut, je le cite : "En tant que crimes
17 contre l'humanité, les atrocités du mois de juillet 1995 à Srebrenica sont
18 véritablement des atrocités, mais, quant à dire que c'est un génocide,
19 c'est déformé la définition de façon déraisonnable."
20 Maintenant, j'en arrive à notre deuxième argument et vous expliquer
21 pourquoi, à notre avis, la Chambre s'est fourvoyée dans ses conclusions, à
22 savoir qu'elle a fait une équation erronée entre le déplacement de la
23 population ou nettoyage ethnique et génocide. On a le paragraphe 594, de
24 l'opinion : "La Chambre conclut que les forces de la VRS cherchaient à
25 éliminer tous les Musulmans de Bosnie et de Srebrenica, en tant que
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1 communautés." La Chambre poursuit, en disant que les forces de la VRS
2 inévitablement devaient savoir au moment où elles avaient pris la décision
3 de tuer tous les hommes que cette destruction sélective du groupe allait
4 avoir une incidence durable sur la totalité du groupe. Par conséquent, ceci
5 excluait toute tentative de la part des Musulmans de Bosnie de re-capturer
6 le territoire qui avait été le leur. Les forces serbes de Bosnie savaient
7 au moment où elles avaient décidé de tuer tous les hommes en âges de porter
8 les armes. Elles savaient que combiner ces tueries avec le transfert forcé
9 des femmes, des enfants et des personnes âgées aurait, comme résultat
10 inévitable, la disparition physique de la population des Musulmans de
11 Bosnie à Srebrenica."
12 De plus, dans son jugement, la Chambre de première instance dit la chose
13 suivante, je cite : "L'Accusation nous montre l'impact terrible qu'ont eu
14 les événements du 11 juillet 1995 sur la population musulmane de
15 Srebrenica. Ce qui reste de la communauté musulmane" -- ici ce sont des
16 citations prises du bureau du Procureur -- "montre qu'il n'y a qu'une
17 survie biologique pas plus." Nous faisons valoir respectueusement que, si
18 la communauté de Srebrenica survit au sens biologique ce qu'elle fait à ce
19 moment-là, il n'y a pas eu de génocide à Srebrenica.
20 Une fois de plus, dans cet article qu'il a écrit sur cette conclusion
21 précise de la Chambre, M. Schabas nous dit ceci : "Il y a un monde de
22 différence entre la destruction physique d'un groupe et un impact durable
23 sur une communauté. Si l'intention des forces serbes de Bosnie était
24 d'avoir un impact durable sur Srebrenica et ses Musulmans, à ce moment-là,
25 leur intention n'était pas de détruire la communauté. Le génocide classique
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1 du vingtième siècle ce qu'ont connu les Juifs d'Europe, les Tutsis
2 notamment aussi au Rwanda où on insistait pour tuer les femmes et les
3 enfants, précisément pour veiller à ce qu'il y ait destruction effective de
4 ce groupe."
5 Si une communauté survie, biologiquement parlant comme c'est le cas, ici,
6 puisque les femmes, les enfants et les hommes qui survivraient, ont
7 survécu, à notre avis, il n'y a pas eu génocide. Ceci cadre bien avec
8 l'objectif du statut sur le génocide ainsi qu'avec le libellé du statut
9 lui-même. J'y reviendrai dans un instant.
10 M. Schabas, dans son traité intitulé "Génocide et droit international", dit
11 à la page 196 : "Il ne fait pas l'ombre d'un doute que les auteurs de la
12 Convention délibérément ont résisté à la tentation qui était d'inclure ce
13 phénomène du nettoyage ethnique avec tous ces actes répréhensibles." Il est
14 important de voir ce que dit le procès Eichmann qui a eu lieu au Tribunal
15 de Jérusalem, et le Tribunal a dit ceci : "La mise en œuvre d'une décision
16 finale au sens d'une extermination totale est en relation avec la cessation
17 de dénégations des Juifs des territoires se trouvant sous contrôle
18 allemand."
19 Jusqu'au milieu de l'année 1941 où il est apparu la décision finale, la
20 Cour israélite a dit : "Il reste un doute dans nos esprits quant à savoir
21 s'il y avait cette intention spécifique d'exterminer comme le requiert la
22 définition du 'génocide'." Le Tribunal a dit qu'il s'occuperait de ces
23 actes inhumains comme étant des crimes contre l'humanité davantage qu'un
24 génocide. Par conséquent, le Tribunal a acquitté Eichmann de génocide pour
25 les actes intervenus avant 1941. Il a été condamné pour tuerie.
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1 Mais et, bien sûr, ceci est à mettre à part des conclusions dans l'affaire
2 Sikirica et dans l'affaire Stakic où on dit que l'expulsion d'un groupe
3 n'est pas équivalente au génocide.
4 Donc en résumé, notre deuxième motif c'est que la Chambre a eu tort de
5 penser que le transfert des femmes et des enfants, et le fait de tuer les
6 hommes, était équivalent à la notion de génocide.
7 C'était un transfert forcé et le général Krstic a été condamné pour cela.
8 L'assassinat des hommes, des Musulmans de Bosnie, était peut-être
9 assassinat, persécution et extermination et le général Krstic a été aussi
10 condamné pour ça. M. Petrusic en parlera demain -- mais ces crimes,
11 extermination, l'assassinat, la persécution, sont individuels, sont isolés.
12 Si on les rassemble, ils ne constituent pas pour autant le génocide.
13 Enfin, le jugement en premier instance montre clairement que le plan de
14 l'armée des Serbes de Bosnie était d'assurer le nettoyage ethnique de la
15 région et n'était pas de commettre le génocide. La Chambre a conclu que le
16 plan de Krivaja 95 était un pas à franchir envers le but que visaient les
17 Serbes qui était de plonger les Musulmans de Bosnie dans la crise et de
18 trouver une solution en éliminant l'enclave. Le pilonnage constant de ces
19 forces, après avoir accompli l'objectif poursuivi par Krivaja 95, était de
20 "chasser les Musulmans de Srebrenica." C'est le paragraphe 125 du jugement.
21 Il est certain que la terrorisation [phon] a intensifiée et les tueries de
22 masse ont bien eu lieu par la suite, mais la Chambre a, elle-même, conclu,
23 au paragraphe 360 que les actes de l'assassinat n'avait même pas été
24 envisagé à Srebrenica jusqu'au 11 ou 12 juillet 1995, au moment où la VRS
25 s'est rendu compte qu'il y avait des hommes à Potocari et qu'il y avait des
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1 colonnes d'hommes musulmans de Bosnie qui prenaient la fuite.
2 Je vais faire un effort encore plus résolu pour ralentir mes débits.
3 Nous faisons valoir qu'une Chambre de première instance raisonnable, elle
4 applique la présomption d'innocence, aurait dû conclure que l'intention des
5 auteurs était ce qu'elle avait été d'emblée, à savoir, nettoyer la région
6 de ces Musulmans de Bosnie. Elle n'était pas d'éliminer biologiquement ou
7 physiquement le groupe en tant que tel. La Chambre a tiré une conclusion
8 indirecte d'intention génocidaire alors qu'il y avait une conclusion plus
9 logique qui s'imposait, à savoir que l'exécution des hommes en âge de
10 porter des armes, l'a été parce que ces hommes étaient en âge de combattre
11 et que le transfert des femmes, des enfants et des personnes âgées de
12 Srebrenica avait pour objectif d'assurer le nettoyage ethnique de la région
13 et non pas la destruction biologique ou physique du groupe.
14 En tirant cette conclusion, à savoir qu'il y a intention génocidaire par le
15 moyen d'une entreprise criminelle conjointe et en concluant qu'il y avait
16 intention génocidaire de la part du général Krstic, nous pensons que la
17 Chambre n'a pas suivi, appliqué le droit tel que l'établi ce Tribunal dans
18 l'arrêt Delalic que j'ai déjà mentionné. Et là, lorsqu'il y a des preuves
19 indirectes comme c'est le cas ici, il faut pour respecter ce test, que les
20 faits "soient établis au-delà de tout doute raisonnable. Il ne suffit pas,
21 dit Delalic, qu'il y ait une conclusion raisonnable qu'on puisse déduire de
22 ces moyens de preuve. Et dans l'opinion, c'est souligné, il ne peut pas y
23 avoir -- et la restriction est soulignée que "des conclusions logiques". Il
24 faut des preuves qui cadrent bien. Ici, il y a l'innocence de l'accusé, il
25 doit être acquitté.
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1 Dans l'affaire Vasiljevic, la Chambre de première instance présente les
2 faits de façon différente tout se basant sur les mêmes principes. Ici, je
3 cite : "Là où l'Accusation se fonde sur la preuve de l'élément de moral,
4 par déduction, la déduction soit de se baser sur les moyens de preuve."
5 Ici, dans l'affaire Krstic, tout en reconnaissant que ce fût un procès se
6 fondant sur, je cite : "couche après couche de preuves indirectes", ceci
7 aboutit à une série de questions factuelles en se basant sur des
8 présomptions, qui à notre avis, n'étaient pas les seules conclusions
9 raisonnables qu'il était possible de tirer. Nous énumérons plusieurs
10 conclusions de la Chambre. Je pense que ceci se situe aux pages 31 à 33. Et
11 les conclusions de la Chambre sont que le général Krstic, "s'il devait
12 savoir" ou "ne pouvait pas s'empêcher de savoir", on aurait pu supposer que
13 nous mentionnons ces principes de droit aujourd'hui, car ils seront encore
14 plus importants lorsque nous parlerons des conclusions tirées par la
15 Chambre selon lesquelles le général Krstic avait une intention génocidaire.
16 Faisons une petite discrétion pour parler de la déposition de M. Deronjic.
17 Vous le savez, Messieurs les Juges, nous estimons que la décision de tuer
18 ces hommes est une décision prise à la dernière minute. Elle s'est
19 concrétisée et c'est d'ailleurs ce qu'a dit la Chambre de première instance
20 dans la soirée du 11 ou au cours de la matinée du 12. Et nous avons la
21 déposition de M. Deronjic qui nous dit le contraire. C'est la seule chose
22 qui le montre. Et il n'y a rien dans sa déposition qui devrait vous pousser
23 à ne pas accepter le jugement rendu par la Chambre de première instance sur
24 la question. Je poursuis maintenant l'analyse de la déposition de
25 M. Deronjic.
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1 D'après mes notes, il a dit ceci : Le 8 ou le 9 juillet 1995, il a une
2 conversation avec Karadzic. Il a parlé du principe de la Slavonie
3 occidentale, ce n'était pas un plan. Ils en ont parlé comme étant une
4 possibilité. Deux options ont été mentionnées, l'une étant de réduire
5 l'enclave à son centre urbain ou l'autre étant de prendre la ville de
6 Srebrenica.
7 Le principe de la Slavonie occidentale est mentionné, qui était de les tuer
8 tous. L'histoire de la Slavonie occidentale est une situation où il y a
9 pilonnage aveugle de civils, de militaires qui fuient une ville. Ceci
10 n'existe pas dans ce procès. Il n'y a pas pilonnage aveugle de militaires
11 et de civils qui fuient une ville. Ce que nous avons, au contraire, c'est
12 le pilonnage de Srebrenica. Et je pense qu'on a pilonné aussi certains des
13 civils qui allaient vers Potocari. Si c'est là l'exécution du principe de
14 la Slavonie occidentale, ceci s'était terminé une fois arrivé le 9, au plus
15 tard le 10 juillet. De nouveau le 9 juillet, M. Karadzic donne cet ordre.
16 Rappelez vous la pièce 432 de l'Accusation. Le général Tolimir signe
17 l'ordre, mais il cite les dires de M. Karadzic qui veut les citoyens civils
18 soient traités avec soin, qu'il ne fallait pas faire de mal à ces civils.
19 Par conséquent, s'il y avait ce concept d'une destruction totale, cette
20 conversation, ce concept avait disparu puisque ce fût une conversation
21 brève. Et nous disons qu'il n'y a pas eu de résultats, s'il y avait
22 pilonnage sur Srebrenica le 8, le 9 et le 10. Si c'est là le principe de la
23 Slavonie occidentale, à ce moment-là, il était déjà révolu et on a mis les
24 Musulmans dans les bus pour les emmener en lieu sûr. Il y avait donc
25 modification du plan. Par exemple, M. Deronjic à assister à une réunion qui
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1 se tient à l'hôtel Fontana sur demande de M. Karadzic pour parler de
2 l'option qui permet soit de rester, soit de partir dans un pays tiers.
3 M. Deronjic a dit que c'était un écran de fumée. Peut-être bien mais le
4 général Krstic n'en savait rien -- c'était un écran de fumée pour
5 dissimuler le transfert forcé des civils. Ceci n'a, bien sûr, rien à voir
6 avec un écran de fumée destiné à dissimuler les tueries.
7 Autre conversation à noter, c'est celle qui se déroule le 13 juillet. Des
8 prisonniers sont à Bratunac et M. Deronjic demande à Karadzic ce qu'il faut
9 faire, il y a un message bref chiffré. Deronjic le comprend comme ceci-- il
10 dit, voilà, les gens qui se trouvent en détention à Bratunac doivent être
11 envoyés au camp de Batkovic et quelqu'un -- dit Karadzic à Deronjic -- va
12 venir leur dire comment s'en occuper. Et d'après lui, le code voulait dire
13 aller à Batkovic.
14 M. Deronjic l'a dit, il ne s'est pas qui a envoyé, le colonel Beara. Il
15 n'en a pas la moindre idée. Mais Beara dit qu'il a reçu un ordre de
16 l'échelon suprême pour dire de tuer les gens à Bratunac. Apparemment, il y
17 aurait des instructions spécifiques de Karadzic pour dire qu'il ne faut
18 tuer personne à Bratunac, il faut déplacer les prisonniers. C'est ce que
19 Deronjic dit à Beara. Maintenant nous avons Beara, qui est le chef de la
20 sécurité au Grand état major, un proche allié du général Mladic. Il
21 travaille pour le général Mladic -- le général Mladic et M. Karadzic ne
22 s'aiment pas beaucoup -- Beara est sous le contrôle direct du général
23 Mladic. Il exécute avec beaucoup de réticence l'ordre donné par le civil
24 Deronjic. Et si l'ordre était venu de Karadzic, Deronjic n'aura pas pu
25 bluffer et dire que cet ordre ne venait pas de lui, et si les ordres de
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1 Beara étaient aussi de Karadzic, il n'aurait pas exécuté cet ordre avec
2 répugnance, avec résistance. Il aurait plutôt dit à Deronjic que lui aussi
3 tenait ces ordres du président, ce qu'il n'a pas fait. La seule façon dont
4 Beara aurait pu être bluffé par Deronjic, c'est si celui-ci agissait sous
5 des ordres donnés par le commandement suprême, Mladic et s'il croyait que
6 ces ordres seraient très dépassés par l'ordre donné par le commandant tout
7 à fait suprême, à savoir, Karadzic. Quant à savoir si c'est Mladic qui a
8 donné l'ordre de ces tueries, ceci est encore davantage confirmé par le
9 témoignage de M. Obrenovic.
10 J'ai maintenant ici la transcription de ce que a dit M. Daniel Moylan,
11 s'agissant lorsque M. Obrenovic avait dit. Il a dit ceci, je cite : "M.
12 Obrenovic a dit qu'au cours du procès Nikolic" -- c'est devenu une pièce du
13 dossier -- "le chef de la sécurité est venu le voir, puisque lui était le
14 commandement en second de la Brigade de Zvornik et lui a dit que le chef de
15 la sécurité avait été informé de l'existence d'un plan destiné à exécuter
16 les prisonniers musulmans qui allaient l'être à Zvornik." A ce moment-là,
17 M. Obrenovic a répondu, je cite : "Impossible d'entreprendre une telle
18 opération sans l'appui tout d'abord de notre commandant de brigade mais
19 aussi sans faire rapport au Corps de la Drina, à savoir, le colonel Krstic
20 et au commandement du Corps de la Drina." Et la réponse du chef de la
21 sécurité est tout à fait révélatrice, car il dit -- et c'est le Procureur
22 qui nous parle, je cite : "inutile de faire rapport," là, il cite
23 Obrenovic. "Les ordres venaient de Mladic et notre commandant, à savoir, le
24 commandant de brigade le savait, comme le savait tout le monde."
25 Une fois de plus, aucune raison, à notre avis, de penser que la Chambre
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1 d'appel ne devrait pas tenir compte des conclusions tirées par la Chambre
2 de première instance, à savoir que la décision fut prise à la dernière
3 minute, décision de tuer les hommes musulmans de Bosnie, prise le 11 au
4 soir ou le 12 au matin pour essayer de résoudre une situation désastreuse
5 pour les Serbes sur le plan militaire, qui était de s'échapper et pour le
6 mouvement en direction de Tuzla entrepris par la colonne des hommes
7 musulmans de Bosnie.
8 A présent, je souhaite aborder un autre point, à savoir, comment la Chambre
9 de première instance est-elle arrivée à sa conclusion consistant à dire que
10 la déportation des femmes, des enfants et des personnes âgées a été
11 substantielle lorsqu'elle a pris en considération la question de
12 l'intention génocide. Et en particulier, à la lumière du fait que la
13 Chambre de première instance admet expressément, et ce au paragraphe 580,
14 que le droit international coutumier limite la définition du génocide, "aux
15 actes ou visant à la destruction physique ou biologique du tout ou de la
16 partie d'un groupe."
17 Nous estimons que la Chambre de première instance a énoncé ce principe
18 juridique demandant qu'il y ait intention de détruire physiquement ou
19 biologiquement un groupe, mais qu'elle s'est écartée de ce principe en se
20 fondant sur les termes employés dans le rapport final de la commission
21 d'experts datant de 1994.
22 Alors, j'estime que la plus grande défaillance, ici, a été de ne pas
23 mentionner les travaux de la commission d'experts. Il en a été fait
24 brièvement mention dans le mémoire du Procureur mais il me semble que le
25 plus mauvais service qu'on ait rendu à cette Chambre, est de ne pas
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1 débattre de manière adéquate le rôle tout à fait clé et fondamental jouer
2 par le rapport de la commission d'experts dans la manière dont la Chambre
3 de première instance s'est forgée son opinion. Et l'une des raisons
4 principales à cela est l'annexe additionnelle que vous avez versée au
5 dossier le 7 novembre, donc il s'agit d'un versement récent de l'annexe 3 à
6 notre mémoire d'appel. Il contient un certain nombre de documents qui
7 concernent non seulement des éléments supplémentaires, quant à l'état
8 d'esprit génocide, mais aussi des commentaires là-dessus, et il s'agit
9 d'une portion tout à fait substantielle de ce rapport de la commission.
10 Puisque nous estimons que le principe juridique énoncé par la Chambre de
11 première instance eu égard à la destruction physique a effectivement été
12 admis mais que la Chambre a, par la suite, pris en considération le
13 transfert forcé des civils et a mis un trait d'égalité entre les deux
14 compte tenu du langage sur lequel elle s'est appuyée, à savoir, celui conçu
15 dans le rapport final de 1994 de la commission d'experts.
16 Dans ce rapport de 1994, donc, rédigé par la commission d'experts sur
17 l'ex-Yougoslavie, il y est question de l'intention de détruire par le biais
18 de l'extermination des dirigeants lorsque cela s'accompagne d'autres actes
19 d'élimination d'un segment, d'une portion de la société et ces actes étant
20 déportation. Et il est dit, donc, que ceci peut-être considéré comme
21 génocide.
22 Cette idée a été débattue dans les affaires Jelisic et Sikirica où la
23 Chambre n'a pas considéré en dernière instance que ces actions
24 satisfaisaient le critère de génocide. La Chambre de première instance dans
25 l'affaire Krstic est la première qui est arrivée à cette conclusion.
Page 312
1 Et au paragraphe 634 du jugement, la Chambre a déclaré comme suit :
2 "Finalement, la Chambre est arrivée à la conclusion qu'au terme du critère
3 de l'Article 4(2) du statut, l'intention de détruire une partie seulement
4 du groupe doit néanmoins concerner une partie substantielle du groupe. La
5 Chambre de première instance a conclu que les hommes musulmans de
6 Srebrenica en âge de porter les armes constituaient une partie
7 substantielle du groupe musulman de Bosnie, puisque leur meurtre
8 entraînerait immanquablement et fondamentalement disparition de toutes
9 communautés musulmanes de Bosnie à Srebrenica." En arrivant à cette
10 conclusion la Chambre de première instance a entièrement accepté l'argument
11 qui est contenu dans le mémoire final de l'Accusation dont les extraits
12 pertinents figurent dans la partie J, de notre annexe 3. Et le Procureur
13 repose sur le rapport de la commission d'expert. Où il est dit et je cite :
14 "Le conseil donne lecture de la partie écrite --
15 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas le texte.
16 M. SEPENUK : [interprétation] -- en tuant ses dirigeants et les -- et ceux
17 qui défendaient le groupe, la VRS et le général Krstic se sont assurés à ce
18 que la communauté musulmane de Bosnie de Srebrenica ne revienne pas à
19 Srebrenica et ne se reconstitue pas dans la région ou que ce soit
20 ailleurs." Et ceci est la conclusion de la Chambre de première instance où
21 elle adopte en totalité l'argumentation du Procureur. Puisque au paragraphe
22 587, la Chambre déclare : "Les Serbes de force de Bosnie savaient que par
23 ces assassinats avec -- au moment où elles ont décidé de tuer tous les
24 hommes en âge de porter les armes, elles savaient déjà que ces meurtres
25 conjugués aux transferts forcés des femmes, des enfants et des personnes
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1 âgées entraîneraient inévitablement la disparition physique de la
2 population musulmane de Bosnie à Srebrenica."
3 Notre thèse est que ce rapport de la commission d'expert a établi deux
4 principes de droits qui ont été appliqués par la Chambre de première
5 instance en l'espèce et qui devraient être rejetés par la Chambre.
6 Premièrement dans le rapport, il est dit que le principe adopté par la
7 Chambre de première instance au paragraphe 587 du jugement à savoir que le
8 terme en partie dans -- lorsqu'il s'agit de la qualification du génocide
9 concerne uniquement la partie significative raisonnablement --
10 significative par rapport à l'ensemble du groupe. Et je cite à l'annexe 3,
11 la section G.
12 "La destruction d'un groupe signifie -- l'expulsion en partie semblerait
13 indiquer un nombre assez élevé par rapport à l'effectif total du groupe ou
14 encore une fraction importante de ce groupe tels que ces dirigeants."
15 Nous souhaitons démontrer que dans aucun document ou dans aucun rapport, il
16 n'y a rien qui puisse appuyer cette déclaration. Ne serait-ce, il n'y a que
17 cette phrase. Il n'y a rien dans la définition du génocide dans aucun
18 document à l'appui de la conclusion de la Chambre de première instance qui
19 figure au paragraphe 587, à savoir, qu'il s'agit d'extermination qui est
20 spécifiquement dirigée contre une portion du groupe et que cela rend le
21 groupe impuissant et incapable de se défendre contre d'autres sévisses de
22 ce genre ou d'un genre différent.
23 Un deuxième principe qui émerge du rapport de la commission comme la
24 Chambre l'a dit et je la citerais :
25 "Le conseil cite est l'attaque dirigée contre ces dirigeants. Et cela
Page 314
1 figure au paragraphe 587 du jugement. L'attaque contre les dirigeants doit
2 être évaluée dans le contexte de ce qui advient au reste du groupe. Si les
3 dirigeants d'un groupe sont exterminés et si en même temps ou peu après à
4 un nombre relativement élevée de membres du groupe sont tués ou soumis à
5 d'autres atrocités, par exemple, expulsés en masse ou forcés de fuir, il
6 faut envisager les diverses violations dans leur ensemble afin
7 d'interpréter les dispositions de la convention [imperceptible] conforme à
8 son but."
9 Encore une fois, le jugement reprend verbatim les expressions contenues
10 dans le rapport de 1994. Le rapport de la commission d'experts. La Chambre
11 de première instance reprend ce langage. Et je cite :
12 "Le conseil cite de nouveau les attaques contre les dirigeants doivent être
13 évaluées de ce qui advient au reste du groupe."
14 Dans [imperceptible] figure en italique. De toute évidence, il se réfère
15 aux déportations en montrant que la déportation est un facteur qui doit
16 être pris en considération, lorsqu'il s'agit de savoir si un génocide a eu
17 lieu. Et nous estimons qu'il s'agit d'une conclusion qui est erronée.
18 A présent, je tiens à me pencher sur la question du génocide à la lumière
19 de la question qui est de savoir si ceci concerne uniquement la destruction
20 physique et biologique d'un groupe.
21 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le Conseil ralentisse.
22 M. SEPENUK : [interprétation] A notamment, dans l'affaire Stakic, il y a eu
23 une -- nous avons reçu une analyse tout à fait importante et utile à ce
24 sujet, mais nous avons constaté au cours de nos recherches et nos enquêtes
25 depuis plusieurs mois qu'il n'y a des détails supplémentaires et je ne
Page 315
1 pense pas qu'ils aient été portés à la connaissance d'une Chambre de
2 première instance ou de la Chambre d'appel.
3 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent que le Conseil ralentisse.
4 M. SEPENUK : [interprétation] Le conseil s'excuse. Nous allons donc
5 chercher à démontrer que la convention exclus spécifiquement les
6 déplacements de masse des populations de la définition du génocide. Et
7 qu'elle rejette l'idée que l'élimination des dirigeants d'un groupe peut
8 être considérés comme une preuve de l'intention génocide. Alors je
9 commencerais par une citation du rapport en date du 3 mai 1993 du
10 secrétaire général suite au paragraphe 2, de la résolution du Conseil de
11 sécurité 808, de 1993. Et dans ce rapport, le secrétaire général déclare
12 comme suit, Me Sepenuk cite :
13 "A la lumière de l'application du principe nullum crimen sine que le
14 Tribunal international doit appliquer des lois qui sont au-delà de tout
15 doute qui -- constitue au-delà de tout doute partie du droit coutumier, la
16 partie du droit international qui est devenue au-delà sous aucun doute
17 partie intégrante du droit international coutumier, et la convention sur la
18 prévention et le châtiment du crime de génocide."
19 Alors je m'empresse -- on m'empresse à dire que ces principes qui ont été
20 invoqués dans les décisions Yalitic et Stakic sont très bien connues de
21 nous tous. La raison de les citer aujourd'hui est qu'en dépit du fait que
22 vous connaissez parfaitement cela, il y a eu un commentaire de fait par le
23 Procureur dans son mémoire dès le départ -- dès le début de ce mémoire, en
24 page 3, où il dit : "L'Accusation constate que la convention sur le
25 génocide de 48, n'est pas le document en vertu duquel l'appelant a été
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1 poursuivi mais le fondement constitue le crime de génocide tel qu'établi au
2 moment pertinent conformément au statut de ce Tribunal. Ceci est sans doute
3 vrai, mais je pense que la déclaration du Procureur, donc qui figure au
4 début de son mémoire, nous laisse deviner ce qui -- qui sera sa thèse à
5 savoir, qu'il n'est pas à respect total de la convention de 48.
6 Et permettez-moi, de me référer maintenant aux différentes analyses et
7 révisions de la convention qui ont précédé à l'adoption du texte final de
8 la convention. Donc avant qu'il y ait eu le texte final, il y a eu deux
9 versions préliminaires. Et des "experts" sont arrivés à concevoir ce terme
10 de génocide. Tel que par exemple, Raphael Lempkin. Alors après avoir
11 entendu la dis -- enfin après qu'il y ait eu une discussion, le comité est
12 arrivé à adopter la version finale de la convention. Les trois versions
13 préliminaires figurent dans l'un des annexes de notre mémoire.
14 Alors l'Article 1e de la convention, tel qu'il a été premièrement présenté,
15 figure aussi dans l'un des annexes de notre convention. Et là le mot
16 "génocide", signifie un acte criminel. Dans cette convention, le terme
17 "génocide" signifie un acte criminel qui est dirigé contre eux, et ce dans
18 l'intention de détruire. Donc il est dirigé contre un groupe dans
19 l'intention de détruire une partie ou la totalité du groupe, ou afin
20 d'empêcher son maintien ou son développement.
21 Le conseil continue à citer des textes que les interprètes n'ont pas. En
22 expliquant cette version préliminaire, les auteurs ont fourni les
23 commentaires suivants. Et il s'agit encore une fois de la partie C à
24 l'annexe C, page 2. L'acte doit être commis. Autrement dit, son objectif
25 doit être la destruction des êtres humains. Par cette définition, certains
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1 actes dont le résultat peut être la destruction totale ou partielle du
2 groupe, d'un groupe d'êtres humains sont exclus de la mention du génocide.
3 Et nous avons ici une liste d'éléments tel que déplacement de population.
4 Et c'est la première indication que le transfert forcé, le nettoyage
5 ethnique, ou ce à quoi les auteurs se réfèrent comme étant un déplacement
6 de masses de population, n'est pas inclus dans la définition du génocide.
7 Encore une fois, on y revient dans le même document partie C(3) dans notre
8 annexe. Et le conseil cite :
9 "Le déplacement de masses de population d'une région à une autre, ne
10 constitue pas un génocide." Donc afin d'aborder la question du génocide
11 physique et biologique, les auteurs abordent la question du génocide
12 culturel qui lui aussi, a été proposé pour figurer comme l'un des éléments
13 de la définition du génocide. Et le génocide culturel concerné à aussi le
14 transfert -- il n'y avait non seulement le génocide culturel d'envisagé,
15 mais aussi le transfert forcé des enfants d'un autre groupe; c'était un
16 deuxième moyen. Là je cite : "La partie C, page 6 et 7, l'exil forcé et
17 systématique des individus représentant la culture du groupe donné. Ça
18 c'est le chapeau. Ces individus concernent socialement l'élite cultivé; les
19 écrivains, les artistes, les enseignants, et cetera. Le "et cetera" figure
20 dans le texte, ajoute le conseil. Il s'agit de la vie culturelle et morale
21 d'un groupe qui est assuré par ces membres éduqués ou cultivés. Si ceux-ci
22 sont écartés, le groupe ne devient plus qu'une masse amorphe et sans
23 défense."
24 Dans la suite du rapport, le conseil cite :
25 "Il est question d'individus qui représentent la culture du groupe, et qui
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1 sont éliminés de manière systématique par des actes de violences, ou par
2 des infractions à leur liberté personnelle. Cette convention dans sa
3 version de projet a été présentée au comité ad hoc travaillant sur le
4 génocide. Il y a eu le rapport qui a été rédigé par le rapport à l'annexe
5 3, partie D4." Le comité a déclaré, le conseil cite : "Qu'il allait prendre
6 en considération les versions préliminaires du secrétariat fournis donc par
7 le secrétariat, les Etats-Unis et la France. Qu'il dit expressément
8 qu'après avoir pris en considération les projets de texte fournis par les
9 experts, même s'il confirme les méthodes, donc pour ce qui est de commettre
10 le génocide" physique et biologique, il limite la manière dont le génocides
11 peut être commis. Cette disposition spécifique sur laquelle on s'est
12 appuyée, sur laquelle s'est appuyée la commission d'experts, à savoir que
13 la destruction des leaders, des dirigeants, la destruction d'une portion
14 qualitativement importante d'un groupe constituait le génocide. Et bien,
15 elle a été éliminée de manière expresse de ce projet de textes rédigé par
16 le comité ad hoc.
17 L'INTERPRÈTE : Les interprètes interviennent encore une fois.
18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Puis-je demander au conseil combien de
19 temps il pense devoir utiliser encore.
20 M. SEPENUK : [interprétation] Peut-être une vingtaine de minutes.
21 [La Chambre d'appel et le juriste se concertent]
22 M. SEPENUK : [interprétation] Une demie heure, Monsieur le Président, peut-
23 être.
24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je m'adresse aux interprètes pour
25 savoir s'ils ont suffisamment de force, de robustesse pour continuer
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1 jusqu'à 16 heures 20.
2 M. SEPENUK : [interprétation] J'ai fait vraiment des efforts considérables
3 afin de ralentir. Je pense que j'ennuie tout le monde vu -- à quel point je
4 suis devenu lent.
5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, continuez.
6 Testé notre résistance.
7 M. SEPENUK : [interprétation] Je vous remercie. Je vais résumer très
8 brièvement la disposition au sujet de l'expulsion forcée systématique des
9 individus qui représentent la culture d'un groupe. Donc cette disposition a
10 été éliminée du comité ad hoc, éliminée également du projet de textes, ont
11 été les actes de génocide commis afin de, et le conseil cite :
12 "Empêcher la préservation ou le développement d'un groupe donné."
13 Certainement le déplacement de la population, y compris l'expulsion des
14 dirigeants d'une communauté concerne non pas la destruction physique ou
15 biologique, mais plutôt et le conseil cite encore : "La prévention, la
16 préservation du développement d'un groupe," critère qui a été expressément
17 rejeté par le comité.
18 Dans la version définitive du texte de la convention, l'Article 4 tel
19 qu'adopté verbatim [sic] par le statut, a éliminé toutes les références au
20 génocide culturel, mais a ajouté à la définition du génocide, les mots
21 suivants; transfert forcé des enfants d'un groupe à un autre groupe. Et
22 ceci figure donc dans les dispositions statutaires de ce Tribunal.
23 La Chambre d'appel se rappellera la version provisoire de la convention qui
24 a été rédigée par Lempkin et ses collègues, au sujet du transfert des
25 enfants d'un groupe à un autre. Et celle-ci a été identifiée comme un moyen
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1 de commettre un génocide culturel. Tandis que pratiquement toute autre
2 disposition consistant donc à qualifier de génocide culturel a été
3 éliminée, soit par le comité ad hoc, soit dans la version finale. Et le
4 transfert forcé des enfants d'un groupe à l'autre a été ajouté en tant que
5 dernier acte, donc cinquième et dernier acte par lequel on déterminait
6 l'existence de l'intention génocide. C'est la seule définition qui est
7 contenue dans notre statut, dans le statut de ce Tribunal, qui concerne le
8 déplacement des êtres humains en tant qu'un acte de génocide. Mais la
9 disposition est tout à fait spécifique, elle concerne uniquement les
10 enfants, et elle a été conçue afin d'englober les actes où les enfants
11 étaient, de manière permanente, transférés d'un groupe à un autre, ce qui
12 donnait pour résultat des enfants déplacés qui perdaient leur identité et
13 leur culture. De toute évidence, en limitant de manière spécifique les
14 actes de transferts ou d'expulsion par lesquels on pouvait en constater
15 qu'il y a intention génocide, la convention a exprimé son intention de ne
16 pas considérer comme acte de génocide aucune autre forme de déplacement. Et
17 permettez-moi d'ajouter que cette interprétation trouve sa confirmation
18 dans le jugement du 31 juillet 2003 dans l'affaire Stakic. Dans la décision
19 Stakic, il y est fait mention du fait, et le conseil cite encore une fois,
20 que la convention rejette la possibilité d'obliger -- rejette d'inclure
21 dans la définition du génocide le fait de forcer les membres d'un groupe à
22 abandonner leur foyer afin de se mettre à l'abri de la menace ou de mauvais
23 traitements. Nous avons inclus la discussion au sujet de ce point dans la
24 section F de l'annexe 3. La Chambre de première instance dans l'affaire
25 Stakic a rejeté l'argument de l'Accusation consistant à dire que le
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1 génocide à été commis dans cette affaire. Se faisant, la Chambre de
2 première instance, après avoir pris note du fait que le génocide culturel,
3 en tant que différent du génocide physique ou biologique, a été
4 spécifiquement exclu de la convention sur le génocide. Et la Chambre a
5 particulièrement attiré l'attention sur les commentaires ou des commissions
6 du droit international disant que la définition du génocide -- dans la
7 définition du génocide, le mot "destruction" doit être pris uniquement dans
8 son sens matériel, dans son sens physique ou biologique. La Chambre de
9 première instance dans l'affaire Stakic continue en disant :
10 "Il n'est pas suffisant de déporter groupe ou une partie d'un groupe. La
11 distinction claire doit être tirée -- doit être effectuée entre une
12 destruction physique et simplement les menaces à l'égard d'un groupe.
13 L'expulsion d'un groupe ou d'une partie du groupe ne constitue pas ipso
14 facto un génocide. A la différence de la décision de la Chambre de première
15 instance dans l'affaire Stakic et contrairement aux conclusions de la
16 Chambre de première instance dans Sikirica, la Chambre dans l'affaire
17 Krstic est arrivée à la conclusion que le transfert de 25 000 femmes,
18 enfants et personnes âgées de Srebrenica doit être considéré comme un
19 élément d'intention génocide lorsque cela s'ajoute à l'assassinat de 7500
20 hommes musulmans de Bosnie. J'espère avoir démontré qu'il n'y a rien dans
21 la convention sur le génocide en tant que tel ou dans les textes précédents
22 ou dans la jurisprudence de ce Tribunal ou du Tribunal du Rwanda, qui
23 appuie la conclusion de la Chambre. La conclusion de la Chambre, comme je
24 l'ai dit, se fonde sur le rapport final de la commission d'experts de 1994.
25 Elle s'y appuie de manière abusive. Et c'est peut-être la majeure erreur
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1 qui a été commise à la fois par la Chambre de première instance et par
2 l'Accusation en l'espèce. Nous considérons donc qu'il s'agit de l'erreur
3 majeure et principale commise par la Chambre dans la présente affaire. Nous
4 demandons à la Chambre d'appel d'infirmer cette décision et ces
5 conclusions. Et j'estime qu'il est nécessaire que la Chambre d'appel le
6 fasse. Permettez-moi maintenant de revenir un petit peu sur l'historique
7 des travaux de la commission d'experts et de ce qui a été fait en 1994.
8 Comment cette commission a été créée, pourquoi elle a été créée. Parce que
9 je ne pense pas que les conclusions du rapport de la commission d'experts
10 peuvent être pris en compte sans tenir compte du contexte. Nous allons
11 démontrer que la commission à été créée afin de recueillir des éléments de
12 preuve sur des violations du droit humanitaire internationale et non pas
13 afin de suggérer des principes juridiques relatifs au génocide ou à
14 d'autres violations du droit international humanitaire. Alors, comme nous
15 le voyons, nous pouvons le retrouver dans la partie H de l'annexe 3 de
16 notre mémoire en appel et dans la lettre du 27 mai 1994 rédigée par le
17 secrétaire général et adressée au président du conseil de Sécurité. En
18 résumant très brièvement la résolution du 6 octobre 1992, le conseil de
19 Sécurité des Nations Unies a demandé au secrétaire général de créer une
20 commission d'experts afin d'examiner et d'analyser les informations réunies
21 afin de fournir au secrétaire général ses conclusions sur les preuves de
22 violations graves des conventions de Genève et d'autres violations du droit
23 international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie.
24 Une commission de cinq membres a été créée.
25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il me semble que vous avez épuisé le
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1 temps imparti, et nous avons pris -- promis aux interprètes de nous
2 arrêter. Il serait correct de respecter notre promesse. Ils ont travaillé
3 de manière très difficile aujourd'hui, Monsieur Sepenuk. Je vous prie
4 d'arrêter et de reprendre demain, même si on vous interrompe au milieu de
5 votre argumentation.
6 M. SEPENUK : [interprétation] Je présente mes excuses encore une fois aux
7 interprètes.
8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] L'audience est levée.
9 --L'audience est levée à 16 heures 16 et reprendra demain matin à 9 heures
10 30.
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