Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi, 27 novembre 2003

2 [Audience d'appel]

3 [Audience publique]

4 [L'accusé est introduit dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 9 heures 33.

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

7 Nous allons commencer aujourd'hui notre deuxième journée d'audience en

8 appel à l'encontre de M. Krstic. Et nous allons entendre les arguments de

9 la Défense qui poursuivra à l'exposer de ses arguments.

10 Le conseil de la Défense

11 M. SEPENUK : [interprétation][Hors micro].

12 Tout simplement et brièvement je tiens à terminer l'exposé de mes arguments

13 au sujet de la ferme de Branjevo. Il s'agit du général Krstic qui -- a été

14 accusé d'avoir ordonné les troupes de la Brigade Bratunac à aider à ces

15 exécutions, ou aux exécutions qui ont été conduites plus tard au centre

16 culturel de Pilica. Ceci n'a jamais eu lieu, M. Petrusic, s'exprimera là-

17 dessus. Nous avons eu quelques difficultés hier, je me suis exprimé trop

18 vite ce matin je ferais des efforts pour parler plus lentement.

19 Très brièvement pour résumer nous parlions du rapport des experts. Le

20 rapport qui affirme que la destruction du tissu social de la communauté

21 par la voie de l'assassinat de l'élite de celle-ci, des leaders du

22 personnel militaire et ce avec d'autres crimes odieux, tels que déportation

23 peut constituer un génocide. Ceci figure dans le rapport de la commission

24 des Experts. Et ceci a été retenu par la Chambre de première instance en

25 l'espèce. Notre position est que ce rapport de la commission des Experts à

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1 la fois pour ce qui est des termes, lorsqu'il s'agit de qualifier de

2 génocide de manière qualitative et aussi pour ce qui est de considérer que

3 la déportation constituait un génocide, constitue une erreur. Et nous avons

4 essayé de le montrer nous espérons que nous l'avons démontré par une

5 analyse plus approfondie de la notion de génocide à travers l'historique de

6 l'évolution du terme.

7 A présent je tiens à parler de la commission des Experts. Cette

8 organisation a eu énormément d'impact sur l'opinion, puisque nous allons

9 démontrer qu'il s'agissait d'un organe qui a recueilli des faits, il ne

10 s'agissait pas d'un organe qui devait édicter du principe de droit. Hier

11 j'ai commencé à parler de la constitution du groupe, j'ai dit que le

12 professeur Fritz Kalshoven était à la tête du groupe, et par la suite

13 qu'après son départ Sherif Bassiouni a repris sa place. La commission a

14 commencé à travailler en novembre 1992, elle a terminé ses travaux en avril

15 1994. La commission a fourni deux rapports intérimaires au secrétaire

16 général, elle a fourni des informations sur les violations graves des

17 conventions de Genève et d'autres violations du droit international

18 humanitaire. C'est sur la base de l'un de ses rapports intérimaires de la

19 commission des Experts, que le secrétaire général a pris note des

20 violations du droit international humanitaire, comme ayant été commis sur

21 le territoire de l'ex-Yougoslavie. Et à la lumière de cela, il a été

22 suggéré de créer un Tribunal international, afin de poursuivre les

23 personnes responsables de ces actes.

24 La réponse finale de la commission a englobé une analyse du travail de la

25 commission depuis sa création. C'est les résultats de ces travaux sur les

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1 crimes allégués constituant le nettoyage ethnique, génocide et d'autres

2 violations, ainsi que ces points de vue sur des questions juridiques

3 d'importance particulière dans ce contexte factuel.

4 Bref la commission d'expert a rendu un service important au secrétaire

5 général et au conseil de sécurité en conduisant sa mission qui constituait

6 à recueillir des éléments de preuve afin de poursuivre les auteurs de

7 crime. Nous avons une critique à adresser à l'encontre de la commission des

8 experts et à savoir cette commission devait simplement se contenter de

9 recueillir des éléments de droit et de formuler des commentaires qui

10 constituent une simple partie de son rapport de 82 pages.

11 Cependant, je pense qu'il est juste de dire que la commission d'experts

12 n'avait jamais l'intention de présenter ces commentaires sur des questions

13 juridiques y compris ces commentaires sur le génocide, ou plutôt, elle

14 n'estimait pas que c'était le dernier mot en la matière qu'elle était la

15 dernière instance qui devait trancher en la matière. Et il a été

16 spécifiquement déclaré dans la section 2 du rapport intitulé "Droit

17 applicables" I11 comme suit, au paragraphe 41.

18 "La commission a choisi de commenter au sujet des questions juridiques

19 sélectionnées compte tenu de leur importance particulière afin de pouvoir

20 comprendre le contexte juridique eu égard aux violations du droit

21 international humanitaire commis sur le territoire de l'ex-Yougoslavie. Le

22 mandat de la commission était de soumettre au secrétaire général ces

23 conclusions sur les éléments de preuve montrant que ces violations se sont

24 produites et non pas de fournir une analyse sur des questions juridiques.

25 Il appartiendra au Tribunal international de trancher sur des questions

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1 juridiques eu égard à des affaires -- certaines affaires en particuliers."

2 Je me permets d'ajouter deux affaires qui ont été tranchées par ce Tribunal

3 et où on s'est interrogé sur -- ou on a remis en question des conclusions

4 de la commission expert. Une partie considérable du rapport de la

5 commission d'experts, s'est penché sur des événements qui se sont produits

6 dans la région de Prijedor en Bosnie, la commission a conclu au paragraphe

7 I41, paragraphe 182 :

8 "Qu'il ne fait aucun doute que les événements qui se sont produits dans la

9 municipalité de Prijedor depuis le 30 avril 1992, peuvent être qualifiés de

10 crime contre l'humanité qui plus est, il est vraisemblable que ça sera

11 confirmé devant un Tribunal, il sera confirmé que ces événements

12 constituent un génocide."

13 Les événements de Prijedor, en particulier à Keraterm et Omarska dans les

14 camps de concentrations à ces endroits ont été jugés devant ce Tribunal en

15 particulier dans les affaires Sikirica et Stakic. Dans les deux affaires,

16 la Chambre de première instance après un mûre examen des éléments de

17 preuve, a tranché qu'il s'agit en effet des crimes contre l'humanité qui

18 ont été commis, mais que ces événements n'ont pas constitué des actes de

19 génocides contrairement à la suggestion qui a été contenu dans le rapport

20 de la commission d'experts. Ce rapport s'est fondé sur les événements qui

21 se sont produits pendant la période allant de 1992 à 1994, la période où

22 cette commission existait. La commission a mené un grand nombre d'enquêtes

23 dans le site y compris les exhumations des fosses communes de Vukovar et

24 d'autres zones, des enquêtes sur les violes et les sévices sexuelles, les

25 combats de Dubrovnik, et des enquêtes sur le nettoyage ethnique à Prijedor

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1 et à d'autres endroits. C'est dans ce contexte, dans le contexte des

2 meurtres, destructions des biens et le nettoyage ethnique que la commission

3 a rédigé son rapport.

4 Peu après l'achèvement de ce rapport, l'ex-président de cette commission,

5 le professeur M. Charif Bassiouni, a rédigé un article dans le Criminal Law

6 Forum, volume V, et cela commence en page 279, dans lequel il a essayé de

7 résumer les travaux de la commission d'experts. Le professeur Bassiouni a

8 déclaré au sujet du génocide la chose suivante :

9 "Ce qui est de crime du génocide, la commission a adopté la position

10 suivante, à savoir, que la définition de cette infraction dans la

11 convention du génocide de 1948 n'est pas statique. Au contraire, la

12 définition est suffisamment souple pour englober non seulement le fait de

13 prendre pour cible la totalité d'un groupe comme le dit la convention, mais

14 aussi de cibler certains segments d'un groupe donné, comme par exemple

15 l'élite musulmane ou les femmes musulmanes."

16 Ce que nous faisons valoir ici, c'est que s'agissant du professeur

17 Bassiouni, et sauf que le respect que nous lui devons, en affirmant que la

18 notion de génocide n'est pas concept statique, mais suffisamment souple que

19 pour englober certains segments d'un groupe donné. Le professeur Bassiouni

20 ainsi que la commission d'experts fournissent une définition trop large du

21 crime de génocide, et ce faisant ne tient pas suffisamment compte de ce que

22 dit la convention sur le génocide de 1948, nulle part dans ce long rapport

23 de la commission d'experts, on ne trouve une analyse de cette convention

24 sur le génocide de 1948 comme je vous l'ai déjà dit, Messieurs les Juges.

25 Ce que je fais valoir, c'est que la commission d'experts, elle avait une

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1 thèse à défendre et à présenter la voici : La définition du crime de

2 génocide devrait faire l'objet d'une interprétation large, suffisamment

3 large que pour couvrir à la fois le crime de génocide et ceux de crime

4 contre l'humanité. Donc englobant les incidents d'assassinats, de violences

5 et de nettoyages ethniques qui se sont produits en ex-Yougoslavie au cours

6 de la période allant de 1992 à 1994 et sans doute après.

7 Nous faisons valoir qu'au contraire, la définition de génocide, l'évolution

8 de la différente mouture de la convention sur le génocide montre sans

9 équivoque que les auteurs de la convention sur le génocide voulaient que

10 les actes génocidaires soient uniquement la destruction physique ou

11 biologique du groupe. C'est spécifiquement que la convention élimine la

12 proposition du professeur Lempkin, à savoir, que l'exile forcé systématique

13 d'individus qui représentent les dirigeants d'un groupe serait génocidaire.

14 Le fait de tuer les dirigeants d'un groupe, l'élite de ce groupe, comme le

15 dit le professeur Bassiouni dans l'article que j'ai cité, sont à voir en

16 rapport, si rapport il y a, avec une partie de la convention sur le

17 génocide qui au départ voulait interdire des actes visant à "empêcher la

18 préservation ou le développement" d'un groupe.

19 Il ne fait pas l'ombre d'un doute le fait de tuer les dirigeants d'un

20 groupe ou le personnel militaire peuvent à court terme avoir une incidence

21 sur la, je cite : "Préservation ou sur le développement" du groupe. Mais

22 ces termes ont été élimés par la commission ad hoc et la mouture finale ne

23 parle que d'actes ayant pour objet la destruction physique ou bien

24 biologique d'un groupe. De plus certains commentateurs éminents ont

25 critiqué le raisonnement de la commission d'experts, à savoir, qu'on

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1 pourrait dire qu'il y a génocide uniquement parce qu'on aurait détruit ou

2 anéanti les dirigeants d'un groupe. M. Payam Akhavan qui a été principal

3 conseillé juridique du bureau du Procureur du TPI, a écrit un article en

4 1998 pour la société américaine du droit international à l'occasion du 50e

5 anniversaire de l'adoption de la convention sur la génocide en 1948, je le

6 cite, il s'agit du passage K11, en annexe 3 :

7 On laisse aussi entendre dit M. Akhavan, "Que la destruction d'une partie

8 relativement faible, numériquement parlant d'un groupe, suffirait pour dire

9 qu'il y a génocide, alors que ceux qui ont été détruits, représentent

10 l'élément, les dirigeants intellectuels, politiques, religieux ou autre de

11 ce groupe. Le fait de détruire les dirigeants d'un groupe, fait-on valoir

12 représente une perte pour le groupe qui est disproportionné par rapport au

13 nombre des personnes effectivement tuées. Si on adopte une telle démarche

14 fonctionnelle, elle présente un problème -- ceci, c'est qu'on parle d'une

15 présomption qui est implicite et élitiste à savoir que la vie de certains

16 est plus important que la vie d'autres pour assurer la survie du groupe."

17 Du même coup ou plutôt dans la même veine ce que j'interprète le professeur

18 William Schabas dans l'article qu'il a publié en novembre 2001, dans le

19 journal du Droit international Fordham cite ceci :

20 "La partie -- la démarche qui retient la partie significative d'un groupe,

21 inévitablement pousse à se demander ce que fera l'assassinat d'une ou

22 l'autre couche d'une communauté pour la survie de celle-ci, peut-être qu'il

23 suffira de tuer les dirigeants, mais on pourrait dire qu'on pourrait plus

24 logiquement essayer de détruire les enfants ou les femmes, puisque ce sont

25 eux qui assurent la survie du groupe. Et ceci entraîne un jugement de

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1 valeur qui porte à se demander quel est l'importance relative de l'un ou

2 l'autre groupe pour la survie d'une communauté."

3 Affaire Jelisic, la Chambre de première instance conclut que Jelisic s'est

4 livré à des meurtres aveugles. Il n'avait pas l'intention particulière de

5 détruire les Musulmans en tant que groupe, d'après la Chambre de première

6 instance on peut déduire l'intention génocidaire requise à partir je cite :

7 "De la destruction souhaitée d'un nombre plus limité de personnes qui sont

8 choisies du fait de l'incidence contre leur disparition, sur la survie du

9 groupe en tant que tel." Ici je cite comme jurisprudence bien sûr le

10 rapport de la commission d'Expert.

11 Enfin de compte, la Chambre conclut qu'il n'est pas possible là je cite :

12 "de conclure au-delà de tout doute raisonnable que le choix de victime

13 provient d'une logique précise, qui vise à détruire les personnalités les

14 plus représentatives de la communauté musulmane de Brcko au point de

15 menacer la survie de cette communauté."

16 La Chambre d'appel déclare que les moyens de preuve suffisaient

17 pas pour conclure au génocide, mais ne présentent pas suffisamment de

18 raisons pour ce qui est du droit matériel s'agissant du génocide. A

19 l'affaire Sikirica la Chambre conclut que l'intention de détruire un nombre

20 considérable de Musulmans ou de Croates de Bosnie ne peut pas être une

21 déduction adéquate. Et que ici en fait, lorsqu'il y a nettoyage ethnique on

22 n'a pas franchi la délimitation qui permet de passer de la persécution au

23 génocide. Pour ce qui est de l'aspect qualitatif de l'affaire dans

24 l'affaire Sikirica la Chambre conclut que le fait de tuer un nombre limité

25 de Musulmans de Bosnie qui défendaient leur village n'aurait pas

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1 suffisamment d'impact sur la survie de la population musulmane de Bosnie

2 dans sa totalité à Prijedor.

3 Donc que ce soit dans l'affaire Jelisic ou dans l'affaire Sikirica la

4 décision pour ce qui est de l'aspect qualitatif de génocide constitue la

5 ratio des decidendi de l'affaire. Si je comprends bien cette citation en

6 latin cela veut dire que je cite "la raison pour laquelle l'affaire serait

7 tranchée," là je reprends l'opinion du Juge Shahabuddeen son opinion

8 séparée de l'appel Ojdanic. On ne trouve pas non plus de décision rendue

9 par la Chambre d'appel sur la question de savoir si le critère qualitatif

10 proposé par la commission d'expert devait être utilisé pour savoir s'il y a

11 génocide ou pas. En bref je pense que cette démarche qualitative de la

12 partie significative d'une communauté que recommandait la commission

13 d'Expert n'est pas entrée dans le droit de ce Tribunal, et ne devrait pas

14 l'être non plus.

15 Je pense aussi que si la Chambre d'appel estimait adéquat de retenir cette

16 démarche qualitative, proposée par la commission d'Expert, il n'en demeure

17 pas moins que l'on ne peut pas en l'espèce dire qu'il y avait intention

18 génocidaire. Aucun moyen de preuve n'a été présenté au moment du procès qui

19 aurait montré que les forces serbes de Bosnie cherchaient à éliminer les

20 dirigeants du groupe. Comme le dit M. Schabas dans son article et là je le

21 cite : "mais dans l'affaire Krstic là où les victimes étaient des enfants -

22 - des hommes et des jeunes hommes en âge de porter les armes il n'a pas été

23 véritablement suggéré que c'était des dirigeants de communauté ou des

24 figures représentatives."

25 Effectivement, il semblerait plus probable que les dirigeants d'une

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1 communauté seraient à un échelon supérieur à celui des hommes en âge de

2 porter les armes, et des moyens de preuve ont été présentés ils n'ont pas

3 été contestés pour montrer que le général Krstic avait organisé le

4 transfert des femmes, des enfants et des personnes âgées pour sortir de

5 Srebrenica, afin de qu'ils ne soient pas touchés par l'holocauste qui

6 allait se dérouler. Est-ce que le général Krstic a aussi transféré les

7 sages, les anciens de la communauté, le jugement ne le dit pas. Et

8 apparemment l'Accusation n'a pas présenté des moyens de preuve dans ce sens

9 au moment du procès.

10 De son avis -- dans son avis la Chambre de première instance dit

11 expressément que l'extermination et prenant pour cible le personnel

12 policier et militaire peut avoir eu un effet significatif sur une partie

13 importante du groupe, en le rendant sans défense et incapable de se

14 protéger d'autres exactions similaires. Et nous relevons tout d'abord que

15 les personnes âgées les femmes et les enfants ont été transportés en toute

16 sécurité, ont pu sortir de Srebrenica au cours de la période du 11 et du 12

17 juillet 1995, avant qu'il y ait tuerie en masse, des hommes musulmans de

18 Bosnie en âge de porter les armes.

19 Deuxième chose, pourquoi faudrait-il traiter les personnels policiers et

20 militaires différemment, d'autres parties de la communauté ou des

21 dirigeants de la communauté. Effectivement puisque le personnel policier,

22 le personnel militaire a pour fonction première de participer à des combats

23 de faire la guerre. Il y aurait enfin moins de raison de les isoler et de

24 les prendre pour cible que ce ne serait le cas pour les civils parmi la

25 communauté.

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1 Dans l'affaire Sikirica, la Chambre a rejeté l'idée présentée par

2 l'Accusation selon laquelle, tous les Musulmans qui avaient participé

3 activement à la résistance contre la prise de leur village devraient être

4 considérés comme dirigeants. Dans l'affaire Sikirica on dit si "on

5 acceptait cette idée ça rendrait la définition d'un dirigeant à ce point

6 souple qu'elle perdrait signification." De surcroît d'après la Chambre de

7 première instance, le fait de tuer des hommes musulmans de Bosnie je cite

8 le paragraphe 595 "excluez toute tentative de la part des Musulmans de

9 Bosnie en vue de récapturer ce territoire."

10 Comme nous l'avons déjà dit le crime de génocide ce n'est pas le fait

11 d'avoir un impact sur une partie d'un groupe, ou d'éliminer une partie de

12 la capacité d'un groupe à vivre dans une région, ou même de reconquérir une

13 zone. Il faut pour qu'il y ait infraction, l'intention de détruire le

14 groupe en tout et en partie, et les éléments de preuve présentés à la

15 Chambre de première instance ne permettent pas une telle conclusion.

16 Je me tourne -- j'approche -- je me penche sur la question de savoir si le

17 général Krstic avait l'intention de commettre un génocide. La Chambre a dit

18 que le général Krstic partageait cette intention du génocidaire. A notre

19 avis ce fut une erreur grave.

20 Dressons le contexte de l'intention du général Krstic. Pour ce faire je

21 voudrais commencer en voyant dans quelle circonstance et à quel moment le

22 plan visant à tuer tous les hommes musulmans de Bosnie, a été conçu.

23 Comme le dit la Chambre de première instance, au paragraphe 360. "La thèse

24 de l'Accusation c'est que le plan visant à l'exécution des Musulmans de

25 Bosnie, de Srebrenica a été conçu dans la soirée du 11 juillet et au matin

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1 du 12 juillet 1995. Une fois que la VRS s'est rendu compte qu'il y avait

2 des hommes dans la foule, de Potocari." A ce moment-là et ceci n'est pas

3 contesté le général Krstic n'était pas le commandant du Corps, mais il

4 était le chef d'état major auprès du commandant du Corps le général

5 Zivanovic.

6 L'Accusation a affirmé que vu l'ampleur de ce plan d'exécution, et vu

7 l'organisation détaillée qu'il requérait qu'il était nécessairement une

8 "opération militaire." Et que le général Krstic avait participé dès le

9 début à la mise au point et à la mise en place de ce plan. Paragraphe 361.

10 Cet argument a été expressément rejeté par la Chambre de première instance

11 comme suit, paragraphe 361 :

12 "La Chambre rejette cette allégation il existe certes de nombreuses preuves

13 directes révélant que le général Krstic a participé à l'organisation de

14 l'évacuation de Potocari des femmes, enfants et personnes âgées musulmans

15 de Bosnie. Aucune preuve analogue ne révèle qu'il ait participé aux

16 préparatifs des exécutions. Personne ne l'a vue, ni entendu donner le

17 moindre ordre susceptible d'être interprété comme consistant à rechercher

18 des lieux de détention, désigner des gardes, préparer des bandeaux pour les

19 yeux et des liens pour les poigner, ou se livrer à toutes activités

20 manifestement en rapport avec les exécutions. Au contraire, pendant cette

21 période, le général Krstic était pris par ses activités de commandant de

22 l'opération, qui devait être lancée contre le Zepa le 14 juillet 1995. Il

23 devait concevoir des plans d'attaque, rassembler des troupes, et établir un

24 nouveau poste de commandement avancé. Le fait que le général Krstic et

25 plusieurs unités du Corps de la Drina, concentraient leurs efforts sur

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1 l'opération contre Zepa au moment même de la mise en application du projet

2 des exécutions de Srebrenica laisse penser que ce projet ne faisait pas

3 partie intégrante d'une opération militaire menée essentiellement par le

4 Corps de la Drina."

5 Au contraire, la Chambre de première instance a conclus qu'à partir des

6 moyens de preuve présentés, "la Chambre de première instance ne peut

7 écarter la possibilité que le projet d'exécution était initialement conçu

8 par des membres de l'état major principal de la VRS sans consulter le

9 commandant du Corps de la Drina en général, ni le général Krstic en

10 particulier. Paragraphe 362 du jugement.

11 Récemment des moyens de preuve présentés par la Défense ont été versés au

12 dossier, onglets 1, 2, et 3, en application de l'Article 115, ceci

13 corrobore la conclusion la Chambre de première instance selon laquelle le

14 Corps de la Drina en général et le général Krstic en particulier n'avaient

15 pratiquement rien avoir avec la capture des milliers d'hommes musulmans de

16 Bosnie le 13 juillet 1995.

17 Des rapports de police de Zvornik, reçus par la Défense bien après que le

18 jugement a été rendu en l'espèce, montre que la capture et la tentative de

19 liquidation d'environ 8 000 soldats musulmans, comme le dit le rapport de

20 police s'est fait uniquement par l'intervention des unités du MUP, je cite

21 :

22 "Sans la coopération et l'assistance de la VRS pour ce qui est de bloquer

23 et d'annihiler un nombre important de soldats ennemis."

24 Donc en fait, la capture et l'annihilation des hommes musulmans de Bosnie

25 était surtout le fait d'une opération, de l'état major principal sans qu'il

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1 y ait assistance du Corps de la Drina à partir du 13 juillet 1995, comment

2 la Chambre peut-elle conclure " qu'au plus tard dans la soirée du 13

3 juillet, le général Krstic savait qu'il y avait exécution d'hommes

4 musulmans dans divers sites."

5 Or, ceci était à la base la conclusion tirée par la Chambre selon laquelle

6 et là, je cite :

7 "Le 13 juillet, au moment où il préparait l'opération militaire de Zepa qui

8 devait commencer le lendemain, le général Krstic a découvert, a appris que

9 de milliers d'hommes quittaient, fuyaient Srebrenica en passant par les

10 bois en direction de Tuzla, ils formaient une colonne qui devait traverser

11 les bois pour aller vers Tuzla et ils avaient été capturés sur le

12 territoire du Corps de la Drina. Le chef d'état major du Corps qui était,

13 "le premier coordinateur des activités du Corps" le général Krstic savait

14 qu'aucune mesure adéquate n'avait été prise pour assurer un abri, des

15 vivres, de l'eau et des soins de santé à plusieurs milliers d'hommes

16 capturés et qu'aucune négociation était en cours qu'aucun dispositif était

17 mise en place pour assurer l'échange de prisonniers de guerre."

18 La Chambre de première instance conclus et là je cite, le paragraphe 622 :

19 "Sur cette seule base, la Chambre de première instance ne peut que conclure

20 qu'au soir du 13 juillet ou plus tard, le général Krstic savait que les

21 hommes musulmans étaient exécutés en plusieurs lieux distincts et qu'on

22 avait laissé aucun homme passé en territoire sous contrôle gouvernementale

23 en compagnie des femmes, des enfants et des personnes âgées. Le général

24 Krstic se doutait forcément que l'objectif originel de nettoyage ethnique

25 par le transfert forcé s'éternuait en un projet meurtrier celui d'en finir

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1 une fois pour toute avec la population masculine de Srebrenica."

2 Nous le disons dans notre mémoire, la Chambre de première instance aurait

3 tout aussi aisément pu tirer une conclusion que nous considérerions plus

4 logique et une conclusion qui cadre bien avec la présomption d'innocence, à

5 savoir que le général Krstic savait que les prisonniers ne recevaient pas

6 le soin et le traitement qu'ils devaient recevoir vu la pénurie de bonne

7 installation et le manque de ressource pour le faire. Les preuves montrent

8 que la capture et la détention des hommes étaient surtout le fait d'une

9 opération du haut état major du MUP. Pourquoi est-ce que la Chambre de

10 première instance, comme Schabas le dit à la page 50, son article, pourquoi

11 est-ce que la Chambre a "supposé" que Krstic était au courant tout

12 simplement de ces exécutions sommaires parce qu'il n'y avait pas

13 suffisamment d'installation pour accueillir et prendre soin de ces hommes

14 musulmans de Bosnie capturés par les forces du MUP. C'est là une des

15 nombreuses présomptions auxquelles se livre la Chambre pour ce qui est de

16 la responsabilité individuelle du général Krstic, je ne vais pas revenir

17 là-dessus, mais vous les trouvez aux pages 31 et 32 de notre mémoire en

18 appel.

19 Ici une fois de plus, la Chambre n'a pas fait, ce qu'exige l'arrêt Delalic,

20 à savoir, adapter une conclusion vu les moyens de preuve présentés à

21 savoir, qu'il y a innocence. Cette conclusion qu'a prise -- qu'a tirer la

22 Chambre de première instance n'était pas comme l'exige l'arrêt Delalic la

23 seule conclusion raisonnable.

24 La question qu'il faut se poser ici c'est de savoir si l'Accusation a

25 prouvé au-delà de tout doute raisonnable que le général Krstic avait

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1 l'intention de détruire en partie le 1 400 000 [sic] -- la population

2 musulmane dans sa totalité à savoir 1 400 000 individus, nous disons qu'il

3 n'y a pas de preuve directe ou indirecte qui aurait été présentée. On a

4 parlé de 15 000 à 25 000 femmes, enfants, et personnes âgées, ces personnes

5 ont été transportées en autocar pour quitter Srebrenica en direction d'un

6 territoire musulman de Bosnie, ceci après des ordres strictes données par

7 le général Krstic qui disait "qu'il ne fallait pas toucher le moindre

8 cheveu de leur tête." Et ceci cadre bien avec la réputation du général

9 Krstic, réputation d'humanité qui a marqué toute sa carrière militaire.

10 La Chambre de première instance dit précisément paragraphe 420, je le cite

11 :

12 "Il semble au contraire que le général Krstic soit un officier de carrière

13 sérieux et réservé dont il est peu probable qu'il ait jamais pu promouvoir

14 un plan tel que celui élaboré pour l'exécution en masse des hommes

15 musulmans de Bosnie après la prise de Srebrenica en juillet 1995. Il est

16 douteux que le général Krstic est même participé à un tel plan de sa propre

17 initiative."

18 Le déposition du général Krstic a duré plusieurs jours au cours du procès.

19 Après avoir entendu et après avoir observé le général Krstic, les juges de

20 la Chambre tirent les conclusions suivantes, paragraphe 724, "En résumé, la

21 Chambre de première instance considère le général Krstic comme un militaire

22 de carrière qui a participé de son plein gré, on transfère forcé de

23 l'ensemble des femmes, des enfants, et des personnes âgées de Srebrenica

24 mais qui de son propre chef ne serait sûrement pas lancé dans une

25 entreprise génocidaire. Lorsqu'il a pris le commandant du Corps de la

Page 340

1 Drina, il a cependant laissé entraîner dans cette entreprise monstrueuse

2 par ce que voulait le général Mladic. La participation du général Krstic au

3 génocide a principalement consisté à permettre l'utilisation des moyens du

4 Corps de la Drina pour les exécutions qui ont débuté le 14 juillet et a

5 permis de réunir les hommes nécessaires pour les exécutions du 16 juillet

6 1995. Il est resté surtout passif quoi qu'informé de ce qu'il se passait.

7 Et il a aidé au déploiement de certains hommes pour ces tâches sous

8 contrainte même s'il avait pu en décider ainsi il n'aurait pas été à

9 l'origine d'un tel plan."

10 Je pense que si l'on prend ces seules paroles prononcées par la Chambre,

11 elles sont de la réputation même de l'idée selon laquelle le général Krstic

12 aurait voulu commettre en génocide. On dit tout en restant passif, il a

13 pris des mesures mais on ne peut mettre -- faire une équation entre de

14 telles paroles et une volonté génocidaire. Si l'on voit l'extermination des

15 Juifs, des [imperceptible], elle était marquée par la passion. C'était vrai

16 aussi des massacres du Rwanda où ceux qui se sont livrés à cette tuerie,

17 l'ont fait avec enthousiasme, dans un esprit de vengeance, afin de détruire

18 le moindre enfant, la moindre personne Tutsi.

19 La Chambre a dit que :

20 "Sous pression, sous contrainte, le général Krstic a aidé au déploiement de

21 certains hommes pour se livrer à ces exécutions. Et ceci est avoir un

22 rapport avec l'allégation selon laquelle il aurait eu intervention du

23 général Krstic à Pilica, mais aussi à la ferme, lorsqu'on a détaché

24 certains des hommes de la Brigade de Bratunac pour ces exécution. Mais

25 l'exécution -- l'Accusation n'a jamais prouvé, au-delà de tout doute

Page 341

1 raisonnable, elle n'a jamais, à notre avis, fourni la moindre preuve que le

2 général Krstic aurait procédé à ces mesures dans une intention génocidaire.

3 Pour nous, ceci plaide vraiment en sa faveur.

4 Mais ce qui compte ici, c'est que même si la Chambre d'appel retenait ces

5 conclusions, j'espère que vous ne le ferez pas, Messieurs les Juges, mais

6 si vous le faisiez, tout au plus, ceci montrerai que le général Krstic

7 savait qu'il y avait exécution d'hommes et de jeunes hommes musulmans de

8 Bosnie. Ceci ne montrerait pas qu'il y aurait eu volonté génocidaire de

9 détruire une partie du groupe des Musulmans de Bosnie en tant que tel. La

10 Chambre de première instance a conclu que la conversation se déroulant

11 entre le général Krstic et le colonel Beara, l'officier du Grand état

12 major, qui aurait été vraiment le point d'orgue de l'agressivité dans la

13 participation du général Krstic à ce plan d'exécution. Et ceci ne montre

14 pas [imperceptible] cette conversation soutient l'argument de la Défense, à

15 savoir que le général Krstic n'était pas d'accord avec les actions du Grand

16 état major.

17 La Chambre de première instance a conclu que ce que dit le général Krstic

18 au colonel Beara, à savoir, "Vous m'avez vraiment eu, les hommes", montre

19 que c'est surtout le Grand état major qui a dirigé ces exécutions, même

20 s'il a dû utiliser les ressources du commandement du Corps de la Drina. Et

21 si l'on conjugue ce commentaire au commentaire suivant du colonel Beara, à

22 savoir : "Va te faire foutre, c'est moi qu'on va accuser", montre bien que

23 le général Krstic n'avait pas l'intention d'exécuter ces prisonniers et

24 encore moins de commettre un génocide mais, au contraire, avait le

25 pressentiment qu'on allait l'accuser de ce génocide même si c'était une

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1 action entreprise par le Grand état major et qu'il ne voulait pas faire

2 partie.

3 La Chambre d'appel se souviendra de cette conversation lorsque le général

4 Krstic renvoie le colonel Beara à d'autres sources d'approvisionnement s'il

5 veut des hommes, dont le MUP, et finit en disant : "Je vais voir ce que je

6 peux faire". Mais ceci, pour nous, ne montre pas nécessairement qu'il ait

7 fait quoi que ce soit après cette conversation pour fournir des hommes

8 venant de la Brigade de Bratunac qui auraient aidé aux exécutions. Si la

9 Chambre conclut cependant qu'il l'a fait, la Chambre devra comprendre aussi

10 qu'il répugnait à se faire et qu'il a agit sous la contrainte.

11 Alors, comment peut-on établir un lien entre cette participation passive et

12 l'intention génocidaire et la volonté de détruire une partie du groupe des

13 Musulmans de Bosnie en tant que tel ? Nous faisons valoir qu'il n'y a pas

14 de lien, et que la Chambre doit renverser la conclusion de la Chambre selon

15 laquelle il y aurait eu intention génocidaire.

16 A notre avis, la façon dont la Chambre de première instance a interprété la

17 convention sur le génocide est en infraction de deux principes de droit

18 fondamentaux. D'abord, l'interprétation ne cadre pas avec le principe de in

19 dubio pro re, à savoir que s'il y a doute quant à la teneur ou la

20 signification d'une convention, d'une règle de droit, c'est

21 l'interprétation la plus favorable pour l'accusé qu'il faut retenir.

22 Paragraphe 27 de l'opinion Ojdanic. Et la meilleure illustration de ce

23 principe se trouve dans les conclusions tirées par la Chambre de première

24 instance à partir d'une commission d'experts, à savoir que la déportation

25 des hommes, des femmes et des enfants a été considérée un acte de génocide

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1 parce que ceci a eu pour effet la disparition de la communauté musulmane de

2 Srebrenica. Nous disons, au contraire, que le principe de in dubio pro re

3 devrait pousser -- porter à la conclusion opposée, à savoir que le fait

4 qu'on ait déporté ces personnes, hommes, enfants, ce n'était pas une

5 volonté génocidaire, au contraire, ça a était l'intention de ne pas

6 commettre de génocide.

7 Et nous pensons que la façon dont la Chambre de première instance

8 interprète cette convention est contraire au principe de nullum crimen sine

9 lege. Et ce principe exige que le Tribunal devrait appliquer les préceptes

10 du droit international humanitaire qui font partie intégrante du droit

11 coutumier. A partir du mois de juillet 1995, au moment où se déroulent les

12 événements de Srebrenica, les principes qui sont ceux de la Chambre de

13 première instance font, sans aucun ombre d'un doute, partie du droit

14 coutumier. Surtout lorsqu'on essaie de faire l'équation entre un

15 déplacement d'une population et un génocide.

16 L'opinion Ojdanic du 21 mai 2003 explique ce principe, nullum crimen sine

17 lege. Je cite : "Le Tribunal doit aussi être convaincue que la

18 responsabilité pénale en question était suffisamment prévisible et que le

19 droit régissant cette responsabilité doit être suffisamment accessible au

20 moment des faits que pour emporter condamnation pénale et une peine sous

21 l'égide de responsabilité retenue par l'Accusation." Nous disons que

22 l'interprétation donnée par la Chambre de première instance de la

23 convention sur le génocide n'est pas cohérente avec ce principe.

24 Nous avons l'Article 4 qui précise le génocide et condamne la destruction

25 du groupe. La déportation ou le transfert forcé ne sont pas retenus dans

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1 cette liste. La déportation est présentée de façon précise à l'Article 5

2 comme un crime contre l'humanité. Rien dans cette convention sur le

3 génocide n'indique la déportation autre que le transfert forcé d'enfants,

4 ne serait être considéré comme étant un acte de génocide. Et nous pensons

5 que le principe de nullum crimen sine lege ne permet pas à la Chambre de

6 première instance, comme le dit la décision ou l'opinion Ojdanic, à la

7 Chambre de première instance de créer un nouveau droit ou d'interpréter un

8 droit existant au-delà des confins raisonnables d'explication acceptable.

9 Nous pensons que le général Krstic n'est pas coupable de génocide. Ni le

10 général Krstic ni ses avocats n'essaient, se disant, de minimiser la

11 gravité des événements de Srebrenica. Nous sommes d'ailleurs en accord avec

12 ce qu'a dit, au début de son jugement, la Chambre de première instance

13 lorsqu'elle a dit que : "Ces événements qui se sont déroulés sur neuf

14 jours, du 10 au 19 juillet 1995, défient toute description par leur horreur

15 et par ce qu'ils révèlent de la capacité du genre humain à retomber dans la

16 brutalité sous la pression d'un conflit."

17 C'est l'horreur qui marque les événements de Srebrenica, mais on ne

18 pourrait, malgré tout, dire qu'il y aurait volonté génocidaire du général

19 Krstic à Srebrenica et que le général Krstic a jamais été animé d'une telle

20 intention.

21 Je vous remercie.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Maître Sepenuk. Si j'ai bien

23 compris, votre confrère va poursuivre la présentation de vos moyens. Je lui

24 donne tout de suite la parole.

25 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Page 345

1 avant de commencer, si vous m'y autorisez, Monsieur le Président, je

2 souhaite me déplacer pour prendre place derrière pour que -- pour ne pas

3 donner la fausse impression d'essayer de me cacher derrière ce pilier. Je

4 vous en remercie.

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie.

6 M. PETRUSIC : [interprétation] Mon collègue, Me Sepenuk, a pris la parole,

7 hier et aujourd'hui, et à plusieurs reprises pendant son discours, il a

8 fait observer que les membres de la Brigade de Bratunac n'ont pas pris part

9 aux exécutions, à l'affaire militaire de Branjevo pas plus qu'au centre

10 culturel de Pilica. La raison qu'il --a insisté à le dire, à le faire

11 observer, est que la Brigade de Bratunac était subordonnée au général

12 Krstic ou plutôt le commandant de cette Brigade, Blagojevic, était un

13 subordonné direct du général Krstic.

14 Il n'y a pas de preuves consistant à démontrer que les membres de la

15 Brigade de Bratunac ont participé à des exécutions à ces deux sites. En

16 dépit de cela, la Chambre de première instance est arrivée à une conclusion

17 opposée, et ce, en se basant sur l'écoute qui constituait la pièce à

18 conviction du bureau du Procureur. Il s'agit d'une conversation entre le

19 colonel Rasic, qui est basée au commandement du Corps de la Drina et le

20 colonel Popovic qui se trouve dans la région de Zvornik.

21 Dans une partie de cette conversation interceptée, le colonel Popovic

22 déclare que :

23 "Ce commandant se situe là-haut et qu'il a eu des problèmes extrêmement

24 graves, que les hommes de Vidoje Blagojevic ne sont pas arrivés à temps."

25 Les Juges de la Chambre de première instance ont considéré qu'il s'agissait

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1 des membres de la Brigade de Bratunac, et ce, en se fondant sur

2 l'interprétation fournie par M. Butler, à savoir, lorsqu'il a interprété

3 l'expression "là-haut" et il a considéré, donc, que cela concernait la zone

4 nord par rapport à Zvornik. C'est en page 5144 du compte rendu d'audience.

5 La Chambre de première instance arrive à la conclusion que le déroulement

6 de cette conversation et l'interprétation fournie par M. Butler coïncide

7 avec la déposition de Drazen Erdemovic, qui a été entendue le 29 mai 2000

8 par la Chambre de première instance. En page 3132, M. Erdemovic a déclaré

9 que : "Les exécutions qui se sont produites sur la ferme de Branjevo,

10 qu'elles ont commencé le 16 juillet vers 10 heures et qu'elles se sont

11 poursuivies au centre culturel de Pilica dans l'après-midi du même jour."

12 Egalement, M. Erdemovic témoigne en disant que vers 1 heure ou 2 heures, au

13 cours de cette journée du 16 juillet, il y a eu des hommes qui sont

14 arrivés, des hommes de Bratunac, et ce, afin d'assister pendant les

15 liquidations, les exécutions. M. Erdemovic, à ce moment-là, même lorsqu'il

16 a été interrogé, à ce sujet, par l'un des Juges de la Chambre de première

17 instance, n'identifie pas ces hommes en disant qu'ils sont membres de la

18 Brigade de Bratunac. Même à ce moment-là, il s'est contenté de dire tout

19 simplement : "C'étaient des gens de Bratunac. Ils étaient en uniforme

20 militaire."

21 Par conséquent, si l'on établit un lien entre l'expression "là-haut" et la

22 déposition de M. Erdemovic, on arrive à la conclusion, comme l'a fait M.

23 Butler, qu'il s'agissait des membres de la Brigade de Bratunac et c'est sur

24 cela que s'est fondée la Chambre de première instance en tirant ses

25 conclusions. Dans les écritures du 24 novembre dernier, présentées par la

Page 347

1 Défense sur la base de la déposition de M. Butler dans l'affaire

2 Blagojevic, au sujet de ce même événement, nous avons une interprétation

3 tout à fait différente de M. Butler. En page 4617 du compte rendu

4 d'audience, à l'annexe A de notre mémoire, il s'agit du compte rendu

5 d'audience de l'affaire Blagojevic, à la question posée par M. McCloskey,

6 venant du bureau du Procureur, et je cite : "Monsieur Butler, dans votre

7 déposition dans l'affaire Krstic, avez-vous commis une erreur au sujet des

8 informations fournies par M. Erdemovic ?"

9 Monsieur Butler répond :

10 "Oui, c'est vrai. J'ai reconnu cela. J'ai pu identifier cela lorsque j'ai

11 revu ma déposition. Dès que j'ai vu ce que j'avais déclaré, j'ai demandé

12 que l'on vérifie cet enregistrement car l'on m'attribue l'interprétation

13 disant que ces hommes venaient de la Brigade de Bratunac ou étaient des

14 membres de la Brigade de Bratunac. Je tiens à ce qu'il soit consigné au

15 compte rendu d'audience que dès le départ, je savais que M. Erdemovic a

16 toujours dit qu'il s'agissait des hommes ou des soldats de Bratunac. Il n'a

17 jamais dit que c'étaient des membres de la Brigade de Bratunac."

18 Dans l'interprétation qui suit, des portions de cet entretien ou plutôt du

19 témoignage de M. Butler, et bien, à une question posée par le Procureur lui

20 demandant d'expliquer le sens de la phrase où dans cette conversation

21 interceptée, Rasic demande à Popovic, je cite : "Dis-moi si quelque chose

22 est arrivée de Vidoje Blagojevic." Et en se fondant sur cela, M. Butler

23 conclut : "Si l'on replace cela dans le contexte des autres informations

24 que nous avons pu recueillir, diverses unités ont été dépêchées afin

25 d'envoyer des groupes additionnels dans la zone de la Brigade de Zvornik."

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1 Et il explique, "Rasic demande si ces hommes, ces unités ont été envoyées

2 et si celles qui auraient dû être envoyées de Bratunac sont bel et bien

3 arrivées"; 4618, page du compte rendu d'audience.

4 Par la suite, Butler apprécie ou évalue cette conversation et il arrive à

5 la conclusion que ce groupe de Bratunac est enfin arrivé, qu'il a été

6 envoyé là-haut, qu'on les a envoyés vers le poste de commandement avancé

7 dans le secteur de Bajkovica au sein de la Brigade de Zvornik. Donc, à

8 l'endroit où il y a des opérations de combat. Il s'agit des sites où

9 pendant la journée du 16 juillet, on a demandé de l'aide, on a demandé des

10 renforts, on a demandé des unités qui allaient participer aux opérations de

11 combat et nullement aux opérations d'exécutions.

12 Un autre terme qui a suscité beaucoup de doute ou plutôt qui a donné lieu à

13 des interprétations erronées pendant la déposition de M. Butler dans

14 l'affaire, le Procureur contre le général Krstic, c'est l'interprétation,

15 donc, du terme "là-haut", et tout ceci dans le contexte de cette

16 conversation interceptée. Et bien, d'après Dragan Obrenovic, lorsqu'il a

17 déposé le 6 octobre 2003, 2601, page 2, compte rendu d'audience, et

18 lorsqu'il a interprété la même conversation interceptée, M. Obrenovic dit

19 la chose suivante : "Je pense qu'il s'agit du secteur de Bajkovica où il y

20 a eu la plupart des combats dans le secteur large Bajkovica." En page 2678

21 du 7 octobre, Obrenovic continue, il dit : "Si vous voulez que je vous

22 interprète ce à quoi il pensait, ce à quoi le colonel Popovic pensait. Je

23 pense qu'il disait qu'ils étaient envoyés dans la zone du 4e Bataillon à

24 Bajkovica là où il y avait des combats."

25 Obrenovic exclut tout doute car il dit que le colonel Popovic voulait

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1 parler de Pilica. Et bien s'il avait voulu parler de Pilica, il aurait dit

2 "en bas," parce que la Drina coule en aval vers Pilica, -- donc il dit que

3 là-haut -- signifie Bajkovica.

4 Et pour conclure, si je peux citer M. Butler en page 4717, il déclare en

5 concluant que ce n'étaient pas des hommes de la Brigade de Bratunac, eu

6 égard à des exécutions à la ferme de Branjevo et à Pilica. Et en page 4736

7 également, il dit que la conclusion la plus exacte que l'on puisse en tirer

8 est que "là-haut" signifie l'endroit où se situe le poste de commandement

9 avancé de Bajkovica.

10 Je ne souhaite rien ajouter au sujet de cette conversation interceptée

11 selon laquelle la Chambre s'est fondée, la Chambre de première instance

12 pour conclure en considérant que les membres de la Brigade de Bratunac ont

13 participé aux exécutions de la ferme de Branjevo et de Pilica. Ceci figure

14 dans les paragraphes 401 et 402 du jugement.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, la position de la Défense du

16 général Krstic est la suivante : La culpabilité du général Krstic commence

17 et se termine dans la journée du 12 juillet à Potocari. Si cette Chambre

18 admet qu'il a fait partie d'une entreprise criminelle commune alors la

19 Défense estime qu'il ne peut l'être que pour le délai pour les actes et les

20 événements qui concernent le transfert forcé de Potocari. Les conversations

21 interceptées ainsi que les moyens de preuve versés dans cette affaire

22 permettent de savoir qu'il a entrepris un certain nombre d'actions, qu'il a

23 reçu des informations s'agissant de l'arrivée des autocars.

24 Hier, mon collègue a déclaré que le général Krstic n'a joué qu'un rôle

25 infime dans l'ensemble de l'opération et je suis d'accord avec lui. Certes,

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1 le général Krstic a un grade très important mais compte tenu des

2 circonstances continues des actions qui ont été les siennes, et bien il a

3 été classé de fait dans cette situation. Les interceptions nous permettent

4 de voir qu'il essaie de savoir si les autocars sont partis, s'ils sont bien

5 arrivés. Le fait est qu'à Potocari le 12 juillet, et là donc où il est

6 resté pendant une ou deux heures, d'après les conclusions de la Chambre,

7 tout en ne perdant pas de vue le fait que par la suite -- au plus tard vers

8 15:00 heures de l'après-midi du 12 juillet -- il a quitté cet endroit sans

9 y retourner. Ce sont des faits importants. Il ne faut pas les perdre de

10 vue. Il ne faut pas non plus oublier que lorsqu'il s'agit du transfert

11 forcé de la population, qu'il a émis l'ordre, consistant à enjoindre aux

12 hommes qu'il ne fallait d'aucune manière faire du tort à ces gens. Et je me

13 permets de dire qu'il s'agit d'un ordre bien plus ferme, bien plus

14 impératif, prononcé donc pendant cette conversation interceptée que tout

15 autre ordre écrit qui aurait pu être émis.

16 Par cet ordre, de l'avis de la Défense, Monsieur le Président, Messieurs

17 les Juges, il prend ses distances de toutes les activités qui continuent à

18 être entreprises. Quant à savoir s'il était en mesure de faire quoi que ce

19 soit de plus, si ce n'est d'émettre un ordre à l'encontre de ces unités

20 subordonnées, l'ordre de bien traiter tout membre du groupe ethnique

21 musulman et de ne faire rien à l'encontre de ces gens, rien qui soit

22 contraire aux conventions de Genève et aux droits ? Et il l'a dit de

23 manière claire.

24 Par la suite, le général Krstic quitte ce secteur et cela nous montre à

25 quel point il était pris par ce qui était sa préoccupation principale, à

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1 savoir les opérations de combat concernant l'autre enclave. Le Procureur a

2 affirmé hier que l'on s'est servi des effectifs du Corps de la Drina et que

3 le général Krstic aurait dû savoir, aurait dû entreprendre quelque chose

4 afin de l'empêcher. Donc s'agissant des moyens de la Brigade de Zvornik, il

5 s'agit de deux machines d'un plateau de 120 [sic] et des machines BGH 700

6 qui ont été utilisées pour des enfouissements à Orahovac.

7 Aurait-il pu le savoir -- le général Krstic ? La Défense affirme que non.

8 La preuve peut être trouvée, de l'avis de la Défense, dans l'ensemble du

9 comportement du général Krstic. Et dans une conversation interceptée en

10 date du 17 juillet, le général Krstic demande à l'armée, qui y est placée

11 sous ses ordres et qui est stationnée à Vlasenica ou plutôt demande de

12 joindre l'armée. La conversation se déroule comme suit :

13 "Krstic : Fais-moi venir les soldats qu'il y a là-bas tout de suite.

14 "X : Quatre à peu près.

15 "Krstic : Combien ?

16 "X : Je suis engagé là-haut. J'ai la garde --

17 "Krstic : Pardon ?

18 "X : Je suis engagé là-haut."

19 Et un mot qui est inaudible.

20 "Là où nous étions auparavant.

21 "Krstic : Où précédemment ? Et une injure suit."

22 "X : "Il me reste trois soldats, trois soldats qui montent la garde ici.

23 J'en ai trois.

24 "Et qui t'a autorisé à envoyer des soldats en bas," demande Krstic.

25 "X : "Sur ordre de l'état major."

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1 "Krstic : "Les enfoirés, ramenez-moi ces soldats au plus vite ici."

2 L'on est en droit d'en conclure, d'après cette conversation interceptée que

3 l'Etat major, même sans autorisation, sans communication, sans en informer

4 les commandants subordonnés, déploie les moyens de progrès.

5 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, il est difficile de d'évoquer

6 la peine et ce, si on connaît la thèse et la position de la Défense depuis

7 le tout début. A savoir depuis le plaidoyer du général Krstic. Or son

8 plaidoyer a été un plaidoyer de non culpabilité. Pendant le procès, la

9 Défense a présenté, a défendu cette position du général Krstic.

10 Aujourd'hui, la Défense est amenée à dire la chose suivante. Si cette

11 Chambre estime que la culpabilité du général Krstic est prouvée, elle ne

12 peut concerner que le transfert forcé de Potocari. Et pour ce qui est de

13 cet aspect-là, la Défense estime qu'en première instance, la peine

14 appropriée devrait être considérablement réduite.

15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, c'est ainsi que la Défense

16 entend terminer son exposé de ses arguments.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Petrusic. Si

18 je ne me trompe pas, il nous reste 20 minutes avant la pause. Il n'y a

19 aucun doute que la Chambre aura des questions à vous poser.

20 Si nous pouvons commencer en posant des questions à Me Sepenuk.

21 Questions de la Cour :

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur Sepenuk, êtes-vous d'accord

23 avec la conclusion de la Chambre en paragraphe 560 du jugement, à savoir

24 que "Les Musulmans de Bosnie et de Srebrenica ou les Musulmans de Bosnie

25 orientale constituent une partie du groupe protégé de Musulmans de Bosnie

Page 353

1 en termes de -- du terme "génocide" ou est-ce que vous estimez que cette

2 partie n'était pas substantielle ?

3 M. SEPENUK : [interprétation] Les critères adoptés par la Chambre de

4 première instance étaient les suivants. Si le général Krstic a détruit une

5 partie d'une partie des Musulmans de Bosnie, autrement dit s'il y a eu

6 destruction de 7 500 hommes appartenant au groupe de Musulmans de Bosnie et

7 de Srebrenica, et s'il y a eu en plus la déportation du reste de la

8 population, que cela constitue l'intention à commettre génocide. Nous, en

9 revanche, estimant que la Chambre aurait dû comparer le nombre de ces

10 personnes, aurait dû le comparer à l'ensemble du groupe de Musulmans de

11 Bosnie et que la conclusion aurait été différente.

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Donc en fait vous dites que la partie

13 de la population de Musulmans de Bosnie, comme s'y réfère la Chambre de

14 première instance dans ce paragraphe, n'est pas une partie substantielle.

15 J'essaie d'aller au vif du sujet.

16 M. SEPENUK : [interprétation] Dans l'affaire Stakic, me semble-t-il, la

17 Chambre est arrivée à une excellente conclusion. Et je pense que nous en

18 sommes arrivés à un stade dans la jurisprudence de ce Tribunal où il

19 s'avère qu'il n'y a pas lieu de polémiquer s'il y a génocide, lorsque le

20 crime se produit dans une zone géographique limitée. Dans l'affaire

21 Akayesu, telle a été la position. Et il y a eu des analystes qui ont

22 également considéré qu'il y a génocide lorsque les actes sont commis dans

23 une zone géographique limitée. Mais encore une fois, je me réfère à la

24 décision dans l'affaire Stakic. Ceci peut poser problème lorsqu'on se

25 limite de cette manière. Est-ce qu'un génocide peut se produire dans un

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1 village ? Est-ce que lorsque vous n'avez que 100 personnes concernées, il y

2 a génocide ? Mais j'ajoute que même si on définit ce groupe en tant que

3 Musulmans de Bosnie de Srebrenica, et bien il n'y a pas de génocide commis.

4 Puisque la plupart des membres de ce groupe ont été déportés de Srebrenica.

5 Et cela montre que l'intention n'a pas été de détruire le groupe de

6 Musulmans de Bosnie en tant que tel. Il y a eu 7 500 hommes de tués. Nous

7 estimons que c'était précisément parce que ces hommes étaient en âge de

8 combattre, et des Musulmans de Bosnie.

9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Très bien. L'aspect militaire

10 justement, d'appartenance aux forces militaires. C'est cela qui nous

11 intéresse à présent pour les hommes musulmans de Srebrenica. Alors juste

12 une seconde pour préciser la question de partie substantielle. Qu'est-ce

13 qui représente une partie substantielle puisque hier, vous êtes allé dans

14 le détail à ce sujet.

15 Dans l'Article 4 de notre statut, on ne se réfère pas de manière expresse à

16 la partie substantielle. D'où tenez-vous cela ?

17 M. SEPENUK : [interprétation] Je pense que ceci provient des affaires qui

18 ont été entendues. J'ai lu je pense, tout ce qui se réfère à cela. J'ai lu

19 les travaux de la commission de Droit international, Whitaker, tous les

20 commentateurs, la jurisprudence, les affaires Jelisic, Sikirica. Et je ne

21 pense pas qu'on s'y réfère particulièrement dans l'affaire Stakic. Mais je

22 pense que l'on a précisé la notion du génocide elle-même, en disant qu'il

23 doit y avoir intention de détruire "la partie substantielle."

24 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Mais Sikirica et Jelisic, ce

25 sont des affaires qui n'ont pas été examinées encore par la Chambre

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1 d'appel, uniquement par les Chambres de première instance.

2 M. SEPENUK : [interprétation] J'en suis conscient.

3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Poursuivons l'exploration de cette

4 question. Au paragraphe 594, la Chambre a conclu que les forces serbes de

5 Bosnie s'étaient efforcées d'éliminer tous les Musulmans de Bosnie et de

6 Srebrenica et des zones environnantes, en tant que communauté. Et la façon

7 dont ceci devait être obtenu, c'était en tuant tous les hommes en âge de

8 porter les armes dans cette région. Etait-il déraisonnable, de la part de

9 la Chambre de première instance, de conclure que si tous les hommes, en âge

10 de porter les armes à Srebrenica et dans les environs, étaient tués, dans

11 ces conditions, les Musulmans de Bosnie vivant dans cette région auraient

12 cessé d'exister.

13 M. SEPENUK : [interprétation] Tout d'abord comme je l'ai dit, et j'ai

14 insisté là-dessus, les civils sont partis en premier. Les femmes, les

15 personnes âgées, les enfants; tous ces gens-là sont partis le 11 et le 12.

16 Je ne pense donc pas que cet argument de la Défense tienne.

17 De plus, quand on parle de l'annihilation des Musulmans à Srebrenica, il

18 n'y a que cinq manières de commettre le génocide. On le sait pertinemment.

19 La destruction par exemple, -- la destruction c'est le génocide. Elle se

20 fait par les cinq moyens qui sont listés dans le statut. Et ici 7 500 ont

21 été tués. Le reste de la population a été expulsé. Cela peut être assimilé

22 à la destruction d'une communauté ou à l'annihilation d'une communauté,

23 mais ça ne correspond pas à la destruction. Il ne s'agit pas là de meurtres

24 ou d'autres actes qui sont mentionnés dans le statut concernant le

25 génocide.

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Revenons aux meurtres. Vous nous dites

2 que le fait que les femmes n'aient pas été tuées nous montre qu'il n'y a

3 pas eu génocide. Parce que tuer les femmes, aurait été la manière la plus

4 efficace d'empêcher la population musulmane de continuer à survivre et à se

5 reproduire. Mais pourquoi est-ce que la Chambre de première instance

6 n'aurait pas pu en arriver à la conclusion que le meurtre des hommes en âge

7 de porter les armes était une façon tout aussi efficace d'arriver à cet

8 objectif ?

9 M. SEPENUK : [interprétation] Parce que je ne pense pas que ces hommes

10 constituaient une partie en tant que telle du groupe. Il y a une autre

11 raison qui explique le fait, que l'on ait choisi de tuer les hommes en âge

12 de porter les armes, autre que de tuer les Musulmans de Bosnie. Une fois

13 encore, le fait que l'on ait préservé l'existence des femmes et des enfants

14 affirme l'idée selon laquelle on aurait voulu détruire tout le groupe.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais, si on ajoute la destruction de

16 tous les hommes en âge d'avoir des enfants dans la zone de Srebrenica, si

17 on ajoute à cela le fait que toutes les femmes, tous les enfants étaient

18 contraints de quitter la zone, est-ce qu'on ne peut assimiler la chose à la

19 destruction des Musulmans de Bosnie habitants dans la zone de Srebrenica,

20 que la Chambre de première instance a considéré comme une des -- la

21 destruction d'une partie d'une communauté protégée ?

22 M. SEPENUK : [interprétation] Effectivement ça aurait pu avoir un impact

23 durable sur la population musulmane de Srebrenica, mais les femmes, les

24 enfants, les personnes âgées sont restés en vie, et on pourrait envisager -

25 - on pouvait envisager que le groupe se reconstitue, mais ce groupe n'a pas

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1 été détruit. C'est la question qu'on devrait se poser.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] La communauté a été détruite, si on

3 prend ces deux éléments en compte.

4 M. SEPENUK : [interprétation] Sans doute, si on prend ces deux éléments,

5 mais est-ce qu'on peut -- on ne peut que dire qu'il n'y a pas eu -- il faut

6 prendre en compte uniquement les meurtres pas les expulsions. Si on prend

7 en compte les expulsions, à ce moment-là, il faut tenir compte de la

8 présomption d'innocence, revenir à Delalic et accepter la seule conclusion

9 juridique qui s'impose sur la base des éléments de preuve. C'est que la

10 déportation, l'expulsion des femmes, des enfants, des personnes âgées

11 montre qu'on s'était forcé de ne pas commettre le génocide, au contraire.

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Monsieur le Juge Schomburg, je vous

13 passe la parole.

14 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Merci.

15 Je voudrais revenir à ce qui a été dit à la page 5 du compte rendu

16 d'audience. Vous avez évoqué le rapport de la commission d'experts. Vous

17 avez parlé du professeur Bassiouni, de son opinion selon laquelle le

18 génocide n'est pas un crime "statique." Ma question s'adresse aussi bien à

19 l'Accusation qu'à la Défense : Quel est le droit applicable ? Faut-il

20 appliquer la convention de 1948 telle quelle, ou bien peut-on identifier

21 une évolution nette de ce terme, de cette infraction de génocide, depuis

22 1948, suite à l'application de cette même convention. Est-ce qu'il y a eu

23 évolution juridique de ce concept ? Moi en ce qui me concerne, je n'ai rien

24 trouvé de concluant, s'agissant d'une approche commune dans l'application

25 de la convention du génocide -- de la convention sur le génocide. J'ai

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1 simplement pu constater que les États-Unis ont ratifié la convention sur le

2 génocide en 1986. Et je souhaite citer un texte :

3 "Le terme d'intention de détruire en tout ou partie un groupe national

4 ethnique racial ou religieux tel qu'il figure à l'Article 2 implique

5 l'intention spécifique de détruire en tout ou partie un groupe national,

6 ethnique, racial ou religieux par le truchement des agissements répertoriés

7 à l'Article 2."

8 Et on me corrigera si je suis dans l'erreur, mais il me semble qu'on ne

9 trouve aucun autre commentaire venant d'autres états à ce sujet, s'agissant

10 de cet aspect de la convention.

11 De plus, si on tient compte du principe fondamental du nullum crimen sine

12 lege, est-ce qu'il n'est pas un petit peu hasardeux de rapprocher ainsi le

13 terme juridique d'entreprise criminelle commune avec la convention ? Est-ce

14 qu'il n'y a pas la trivialisation [sic] -- banalisation du libellé pourtant

15 fort clair de la convention ?

16 Ce qui m'emmène à la deuxième partie de ma question : S'il y a

17 effectivement nécessité d'établir une intention spécifique et si - il ne

18 s'agit que d'une suggestion de ma part et de l'application du droit à être

19 entendu - est-ce qu'on ne pourrait pas en arriver à une autre conclusion,

20 la conclusion sur laquelle cette intention n'existait pas. Vous-même hier,

21 à de nombreuses reprises, avez repris les conclusions de la Chambre de

22 première instance selon lesquelles "le général Krstic devait savoir" -- "il

23 aurait pu savoir", et cetera, "il aurait dû savoir".

24 A la page 13 de l'acte d'accusation, on constate que les qualifications

25 retenues contre le général Krstic sont celles de génocide ou à défaut, de

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1 complicité de génocide sanctionné par les Articles 4(3)(e) et 7(1) et 7(3)

2 du statut du Tribunal. Si donc en théorie on arrive à la conclusion que

3 cette intention spécifique existait à un niveau supérieur, la question qui

4 en découle, c'est de savoir s'il y a eu complicité de génocide et quelle

5 est, dans ces conditions, l'intention délictueuse qui doit être établie.

6 Notre statut présente des difficultés parce que d'une partie -- d'un côté

7 on cite et on reprend verbatim la convention sur le génocide de 1948. Il y

8 a également complicité de génocide pour lequel, c'est indéniable il

9 convient d'établir l'intention spécifique. Donc c'est un volet de

10 l'affaire, mais d'autre part, au titre du règlement et de nos textes, même

11 si ce n'est pas le cas ici, il est possible de déclarer une personne

12 coupable d'avoir aidé, encouragé des actes de génocide. Dans ces

13 conditions, l'intention délictueuse requise, c'est celle que vous avez

14 mentionnée vous-même, il devait savoir, il aurait dû savoir, il devait

15 savoir, en conclusion.

16 Donc vu le deuxième volet de ma question, qui s'adresse aussi bien à

17 l'Accusation qu'à la Défense, quid de la relation entre la complicité de

18 génocide et le fait d'aider ou d'encourager des actes de génocide ou le

19 niveau requis, le niveau de l'intention délictueuse requise est bien

20 inférieur ?

21 M. SEPENUK : [interprétation] Je vais répondre en essayant de ne pas être

22 trop simpliste. J'espère avoir saisi toutes les subtilités de votre

23 question, mais nous, notre principe de base, c'est qu'ici dans notre cas,

24 dans notre thèse, c'est qu'il n'y a jamais eu d'entreprise criminelle

25 commune aux fins de commettre le génocide. Il n'y a pas eu d'intention de

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1 commettre le génocide, ni d'ailleurs du côté du général Krstic, donc on ne

2 peut pas parler de complicité de génocide ici. D'autre part, nous ne

3 pensons pas qu'il y ait eu de sa part des actes d'aide ou d'encouragement

4 au génocide. Nous l'avons souligné longuement et à plusieurs reprises. La

5 conversation du 15 juillet avec le colonel Beara, c'est le seul élément de

6 preuve qui a été présenté par l'Accusation pour faire valoir que le général

7 Krstic pourrait entrer dans la catégorie de ceux qui ont aidé à encourager.

8 Or nous, nous affirmons que ce n'est pas le cas puisque tout ce qu'il a dit

9 au plus, c'est : "Je vais voir ce que je peux faire," et nous sommes

10 convaincus, qu'en fait, il n'a rien fait. Les éléments de preuve montrent,

11 d'après nous, au-delà de tout doute raisonnable, qu'il n'a rien fait du

12 tout. Et, d'après l'interprétation que j'ai du droit qui s'applique ici au

13 Tribunal, il faut pour -- qu'il y ait complicité. Pour qu'une personne soit

14 convaincue d'avoir aidé et encouragé, il faut que cette personne ait bien

15 fait quelque chose. Il faut, au moins, au minimum qu'il y ait encouragement

16 moral. Ceci, je crois, ressort de la jurisprudence du Tribunal. Or ici,

17 nous n'avons pas d'encouragement de sa part; au contraire, il lance des

18 insultes, des injures. Il ne veut rien avoir à faire le colonel Beara, donc

19 on ne peut pas dire qu'il ait encouragé quoi que ce soit.

20 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il est 11 heures. Aujourd'hui, nous

21 souhaitons accorder, comme il se doit, les pauses qui reviennent aux

22 interprètes de conférence.

23 Nous n'en avons pas terminé des questions des Juges. Je vous propose de

24 faire une pause de 30 minutes avant de reprendre. Je souhaiterais également

25 rappeler l'Accusation qu'une partie de la question posée par M. le Juge

Page 361

1 Schomburg, lui était adressée.

2 Je suspends donc l'audience pour une période de 30 minutes.

3 --- L'audience est suspendue à 11 heures.

4 --- L'audience est reprise à 11 heures 34.

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez vous asseoir.

6 Mes éminents confrères vont poursuivre leur question à l'intention de la

7 Défense et Monsieur le Juge Guney.

8 M. LE JUGE GUNEY : Monsieur le Président.

9 Maître Sepenuk, dans le cadre des événements qui s'étaient déroulés à

10 Potocari le 12 juillet, il y a un point sur lequel je ne suis pas clair, et

11 j'espère que vous serez en mesure de porter certains éclaircissements à

12 cette fin. Le point est le suivant : d'organiser et fournir 50 autocars

13 pour transférer les détenus musulmans en lieu d'un destin sans issue. En

14 d'autres termes, un acte de telle envergure implique t-il nécessairement la

15 participation à l'entreprise criminelle commune ? En d'autres termes,

16 implique t-il la connaissance du but recherché ? Merci.

17 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge. Notre position c'est

18 que le général Krstic n'a pas eu son mot à dire dans le cadre du transfert

19 par autocar des civils absolument pas été à l'origine de quelque manière

20 que ce soit de ce transfert de civils. Vous vous souviendrez de la

21 déposition de M. Deronjic, qui nous a dit que, d'après lui, pour lui, le

22 général Krstic a été invisible. Il ignorait même qu'il avait participé à la

23 réunion de l'hôtel Fontana, il ignorait avant de voir une vidéo et après

24 qu'on lui a indiqué que le général Krstic se trouvait sur place.

25 Et c'est là que nous avons pensé à rendre hommage à la logique appliquée

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1 par la Chambre d'appel du Tribunal, étant donné que les -- n'auront pas pu

2 affirmer que les conclusions de la Chambre de première instance étaient

3 erronées, mais nous n'avons pas pu arguer de ce fait après le rejet par

4 votre Chambre de notre requête au terme de l'Article 115, s'agissant de M.

5 Deronjic. Nous savons maintenant,

6 après la déposition de M. Deronjic, que les options 1, 2 et 3 constituaient

7 un écran de fumée pour essayer de dissimuler le caractère forcé de ce

8 transfert. Mais, à un moment donné, nous avons dû reconnaître -- nous

9 devons accepter au terme du règlement du Tribunal, Au terme du règlement

10 qui s'applique dans les Chambres, nous avons dû accepter qu'au moment où le

11 général Mladic a pris la parole, il a fait clairement savoir qu'il n'y

12 avait pas véritablement d'options de choix qui s'offraient aux civils. Ils

13 n'avaient qu'une possibilité, c'était de quitter la zone. Et, à ce moment-

14 là, je pense que la Chambre a eu raison de penser que tout ce qui s'est

15 produit, à partir de ce moment-là, était une entreprise criminelle commune

16 qui avait pour objectif d'expulser les civils.

17 Nous estimons -- et ceci va entrer en ligne de compte au moment de

18 déterminer la peine, nous estimons que le général Krstic était un

19 participant, mais rien ne permet de dire qu'il a été plus qu'un participant

20 ici, que cela n'a été le cas dans la conversation du 15 ou 16 juillet ou

21 tel que cela transparaît dans cette conversation avec le colonel Beara. Une

22 fois que le général Mladic a dit clairement de quoi il retournait, le

23 général Krstic a fait tout ce qui était dans son pouvoir pour que le

24 transfert des civils se déroule de manière pacifique.

25 Est-ce que j'ai répondu à votre question ?

Page 363

1 M. LE JUGE GUNEY : Merci.

2 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si le Juge Guney me le permet, je vais

3 rebondir sur cette question. Les autocars, dans les interventions des

4 parties hier, on nous a dit que certains de ces autocars avaient été

5 finalement utilisés pour transporter les hommes, les Musulmans. Pouvez-vous

6 éclairer notre lanterne à ce sujet ?

7 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, je crois que c'est exact. Certains des

8 autocars, à un moment donné, ont été en fin de compte utilisé pour

9 transférer -- transporter les hommes, mais l'objectif principal de cette

10 opération, c'était de transporter les femmes, les enfants et les personnes

11 âgées.

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous entends bien, mais est-ce que

13 vous nous affirmez que le général Krstic n'était pas au fait de cette

14 utilisation particulière de ces autocars ?

15 M. SEPENUK : [interprétation] Non, pas du tout, puisque le général Krstic a

16 été impliqué dans ces transports dans le sens où il a organisé tout ce qui

17 avait trait au transport, les autocars, et cetera. Mais ce que nous disons,

18 c'est qu'il ne s'agissait pas là d'un acte où il était indispensable,

19 c'est-à-dire, que n'importe qui, tout officier, même sous officier, aurait

20 pu intervenir dans ce sens -- aurait pu s'occuper de cela. Mais il se

21 trouve que, vu comme les choses se sont passées, le général Mladic a donné

22 les ordres. C'est le général Krstic qui a été désigné pour organiser le

23 transport par autocar, mais n'importe qui aurait pu le faire, donc on peut

24 dire que le général Krstic n'était pas un élément indispensable dans cette

25 opération.

Page 364

1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

2 Je vais maintenant passer la parole à mon éminent confrère, M. le Juge

3 Shahabuddeen.

4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Monsieur Sepenuk, Monsieur

5 Petrusic, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt vos interventions fortes

6 intéressantes, mais je vous serais reconnaissants de bien vouloir me dire -

7 - comprendre un petit mieux un ou deux aspects des questions qui se posent

8 à nous. Suite à ce qui a été dit par M. le Président et suite à la question

9 posée par M. le Juge Guney, quant à moi, j'ai une interrogation qui est la

10 suivante : quand on fait référence à la phrase prononcée par l'appelant,

11 selon lequel il ne fallait pas toucher à un cheveu d'un certain groupe de

12 personnes, a qui faisait-il référence ?

13 M. SEPENUK : [interprétation] Il faisait référence aux femmes, aux enfants

14 et aux personnes âgées.

15 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Une question se pose pour moi :

16 peut-être pourrez-vous aider à y répondre ? Le général Krstic a participé

17 au transport par autocars des femmes, des enfants -- de toutes les femmes

18 et de tous les enfants. Est-ce que les éléments de preuve permettent

19 raisonnablement à un juge -- des faits raisonnables d'arriver à une

20 conclusion, quant à la question de savoir s'il était animé d'une intention

21 quelconque, s'agissant du sort réservé aux hommes et, si c'est le cas,

22 quelle était cette intention ?

23 M. SEPENUK : [interprétation] Je pense que l'opération de transport par

24 autocars nous montre simplement que le général Krstic souhaitait que les

25 femmes, les enfants et les personnes âgées quittent Srebrenica de manière

Page 365

1 aussi apaisée que possible. Et pour reprendre ce qu'a dit M. le Juge Meron,

2 j'ajouterais qu'il n'est pas suffisant de montrer qu'il y a intention de

3 détruire une communauté. Il fallait montrer qu'il y avait une intention de

4 détruire une partie du groupe des Musulmans de Bosnie, en tant que tel, et

5 pas simplement de déplacer une partie de cette population.

6 Je ne pense pas, pour revenir à votre question, que s'aille montrer quoi

7 que ce soit. Si on prend en compte un plan génocidaire général et nous

8 affirmons que le général Krstic ne faisait pas partie de cela, ça n'a

9 jamais été son intention, le transfert forcé des femmes, des enfants et des

10 personnes âgées démontre l'intention qui était la sienne, d'éviter de tuer

11 les membres du groupe de Musulmans de Bosnie. Nous pensons que la seule

12 conclusion que l'on puisse tirer du transfert forcé de ce groupe de

13 personnes, c'est qu'il s'agissait là d'une tentative pour empêcher que ces

14 personnes ne soient tuées. Il ne s'agissait pas là de quelque chose qui

15 s'inscrivait dans le génocide.

16 La Chambre de première instance a interprété ce transfert -- le transfert

17 de toutes ces personnes, en tant qu'"annihilation". En tenant compte du

18 meurtre des 7 500 hommes et du transfert des hommes, des femmes et des

19 personnes âgées, nous estimons que c'est une conclusion erronée.

20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mais peut-être pourrait-on

21 avancer en séparant le droit, des faits ? Vous avez commencé à aborder la

22 question de droit d'une manière forte intéressante, ceci en affirmant qu'au

23 plus, l'Accusation avait simplement prouvé la destruction d'une partie --

24 d'une partie et non pas d'une partie d'un ensemble, d'une totalité.

25 Pouvons-nous en revenir au cœur de mon interrogation ? C'est de savoir si

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1 les éléments de preuve, dans leur totalité, permettent, raisonnablement, à

2 un juge, des faits raisonnables, d'arriver à une conclusion -- une réponse

3 à la question suivante : est-ce que l'appelant était animé d'intentions

4 quelles qu'elles soient, s'agissant de ce qui est arrivé aux hommes --

5 hommes pris distinctement, à la différence des femmes, des enfants, et

6 cetera ?

7 M. SEPENUK : [interprétation] Me Petrusic me corrigera. Il était présent

8 lors du procès en première instance, pas moi, mais, à ma connaissance, rien

9 n'indique dans le dossier de première instance que le général Krstic ait eu

10 une intention de tuer ces hommes. Il n'y a aucun élément de preuve au

11 dossier qui indique que le général Krstic était animé d'une telle

12 intention, intention visant aux meurtres de ces hommes.

13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Mais, si on revient à la

14 question du Juge Guney, est-ce que dans ces circonstances, un Juge des

15 faits raisonnables, pourrait arriver à trouver une réponse à la question

16 suivante : est-ce que le général Krstic était au fait -- ou faisait partie

17 d'une entreprise criminelle commune et on trait aux hommes et -- à ce qui

18 allait advenir d'eux.

19 M. SEPENUK : [interprétation] J'espère que je fais preuve de suffisamment

20 de concentration en répondant et en écoutant votre question, mais je répète

21 ce que j'ai déjà dit. Il n'y a aucun élément de preuve, à ma connaissance,

22 qui pourrait permettre de dire que le général Krstic était animé d'une

23 telle intention -- d'un tel état esprit s'agissant de ces hommes.

24 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci.

25 Maintenant, j'aimerais que nous passions à une question connexe. Le Juge

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1 Schomburg se demandait si un nouveau hiérarchique supérieur -- et on

2 pouvait établir l'existence d'une intention spécifique. Peut-être pourriez-

3 vous m'aider à me faire une idée sur la question ? On a fait référence à la

4 réunion de l'hôtel Fontana. On a dit qu'il s'agit là d'un écran de fumée.

5 Et vous comprendrez, sans nul doute, la volonté de la Chambre y compris

6 moi-même, en tout cas, de se demander si la lettre du général de Brigade

7 Tolimir, du 9 juillet -- si cette lettre, elle-même, constituait un écran

8 de fumée. Je m'explique : dans cette lettre, le général Tolimir transmet,

9 la directive du président Karadzic, qui dit en l'essence, qu'il convient de

10 respecter les dépositions des conventions de Genève. Les meurtres ont eu

11 lieu entre le 13 et le 19 juillet sur une grande échelle. Est-ce que les

12 éléments de preuve, ayant trait à cette question, permettent à un juge des

13 faits raisonnables de répondre à la question, de savoir si le président

14 Karadzic connaissait l'existence de ces meurtres ? Est-ce que cela ne

15 permet pas de répondre par l'affirmative à cette question ?

16 M. SEPENUK : [interprétation] Je parle des meurtres du 13 au 19.

17 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [aucune interprétation]

18 M. SEPENUK : [interprétation] Le président Karadzic savait ce qu'il se

19 passait.

20 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation]

21 M. SEPENUK : [interprétation] D'abord, s'agissant de l'écran de fumée,

22 cette lettre du 9 juillet, d'après ce que nous en savons -- enfin d'après

23 ce qu'on sait le général Krstic, c'était une lettre tout à fait légitime,

24 une lettre qui transmettait l'ordre du président Karadzic, selon lequel les

25 civils ne devaient nullement être maltraités, aussi bien les civils que les

Page 368

1 militaires devaient bénéficier de l'application des conventions de Genève.

2 Ceci a changé du 11 au 12 juillet, quand on a découvert des hommes à

3 Potocari et quand la colonne des Musulmans a pris la route de Tuzla. Nous

4 estimons que la Chambre de première instance a raison de penser que c'est,

5 à ce moment-là, que le plan meurtrier a été conçu, mais rien ne dit le

6 général Krstic à ce plan.

7 Pour ce qui est de ce que le président Karadzic avait des meurtres pendant

8 cette période, je ne peux que faire des conjectures. Bien entendu, nous

9 avons ce qu'a dit M. Deronjic. Il dit avoir parlé au président Karadzic qui

10 a dit que : "Les prisonniers devaient être placés dans le camp de Batkovici

11 à côté de Bijeljina." Mais, à partir de ce moment-là, je n'ai pas

12 connaissance qu'il y ait d'autres éléments de preuve qui montrent que le

13 président Karadzic était au courant de ce qui se passait. Et je me tourne

14 vers Me Petrusic pour confirmer mes propos.

15 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [aucune interprétation]

16 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

17 avec votre permission, je vais poursuivre sur ce qui vient d'être dit au

18 sujet des événements du 13 au 19 et de la déposition de M. Deronjic, qui a

19 dit que, le 13 au soir, il avait parlé par le truchement de quelqu'un

20 d'autre avec le président Karadzic et que, dans cette conversation par le

21 truchement de cet intermédiaire, M. Deronjic s'est adressé à celui qui

22 était alors le président Karadzic et il l'a informé du fait que, dans la

23 région de Bratunac, il y avait

24 2 000 à 2 500 hommes musulmans. Karadzic par le truchement de cet

25 intermédiaire, une fois encore, a dit que les "les marchandises", je cite :

Page 369

1 "Les marchandises devaient être placées dans un entrepôt jusqu'à l'aube."

2 Deronjic, lui, dans sa déposition, a dit que, pour lui, il s'agissait de la

3 part de Karadzic de dire que les Musulmans de la région de Bratunac

4 devaient être emmenés à Batkovici parce qu'il y avait là des locaux

5 appropriés ou une prison militaire. C'est ce qui ressort de la déposition

6 de Deronjic. au sujet des personnes faites prisonnières le 13 juillet dans

7 la soirée, les gens qui ont été emmenés à Bratunac.

8 Je complète la réponse de mon confrère, en disant que je ne doute à aucun

9 moment que vous ne soyez informés suffisamment de tous les détails de la

10 procédure, de tous les détails de l'affaire, en particulier, lorsqu'il

11 s'agit d'entreprise criminelle commune et du rôle qui aurait joué le

12 général Krstic. Pour ce qui est de la journée du 12 juillet, de la réunion

13 de l'hôtel Fontana, je souhaiterais brièvement attirer votre attention sur

14 les éléments suivants : il convient d'interpréter cette réunion dans toute

15 une suite d'événements. Il s'agit de quelque chose qui a trait aux

16 discussions -- aux trois discussions relatives à ce qui devait advenir des

17 Musulmans de Potocari. On sait qu'il y a eu trois discussions avec le

18 général Mladic, premièrement, les représentants de la FORPRONU et des

19 civils musulmans, il y a eu deux réunions dans la soirée ou en fin d'après-

20 midi.

21 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Maître Petrusic, je vous

22 présente mes plus plates excuses, il est possible que je vous aie induit en

23 erreur. Tout ce que je voulais savoir c'était si, à partir du nombre de

24 meurtres -- du nombre important de meurtres et de la période pendant

25 laquelle ces meurtres ont eu lieu, si tout ceci permet -- permettrait à un

Page 370

1 juge des faits raisonnables d'en arriver à la conclusion que le président

2 Karadzic savait que ces meurtres étaient en train d'être commis.

3 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, sur la base des

4 éléments présentés dans cette affaire et, notamment, la déposition de M.

5 Deronjic, la Défense du général Krstic fait valoir que le président

6 Karadzic n'était pas au courant au début et il n'était pas au courant

7 pendant une certaine partie de ces meurtres. La Défense, dans le cadre du

8 procès, ne s'est pas -- n'a pas examiné cette question de manière

9 approfondie, mais les faits, que nous avons à notre disposition, et les

10 éléments de preuve me permettent de dire qu'il faudrait répondre par la

11 négative à votre question, c'est-à-dire, que le président Karadzic n'était

12 pas au fait de ces meurtres.

13 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci beaucoup, Maître Petrusic.

14 J'ai un point de droit -- une question de droit que je souhaiterais

15 adresser à Me Sepenuk.

16 Maître Sepenuk, comment dire -- j'étais tout à fait interpellé et étonné de

17 ce que vous aviez dit pour ce qui est de l'idée de savoir que tout ce que

18 l'Accusation avait prouvé c'était que le génocide, pour autant qu'il y ait

19 eu génocide, n'avait touché que la partie d'une partie de la population

20 musulmane. Moi, l'impression que j'avais c'est que vous suggérez une

21 distinction qu'il faudrait opérer entre la population musulmane de

22 Srebrenica et la totalité -- de la totalité de la population musulmane en

23 Bosnie, vu dans votre bout de la lorgnette, il faudrait que l'Accusation

24 administre la preuve de la destruction d'une partie de la totalité de la

25 population musulmane en Bosnie, or d'après vous, elle n'aurait apporté la

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1 preuve que de la destruction de cette partie-là de la population musulmane

2 qui vivait à Srebrenica. Ceci me pose quelques problèmes. Vous pourrez,

3 sans doute, m'aider. Je vais vous dire en quoi réside la difficulté que

4 j'éprouve. Si l'Accusation a prouvé qu'il y avait eu destruction de ce

5 segment-là de la population musulmane, qui vivait à Srebrenica, est-ce que

6 logiquement elle n'aurait pas aussi ce faisant prouver qu'il y avait eu

7 destruction d'une partie de la totalité de la population musulmane en

8 Bosnie ?

9 M. SEPENUK : [interprétation] Je ne pense pas, Monsieur le Juge. Ce que

10 l'Accusation a prouvé c'est qu'il y avait eu destruction de 7 500 hommes

11 musulmans et qu'il y avait eu déplacement de 25 000 femmes, enfants et

12 personnes âgées. C'est ce qu'elle a prouvé. Elle n'a pas prouvé qu'il y

13 avait eu destruction d'une partie précise ou distinctive à Srebrenica, elle

14 n'a prouvé que la destruction -- je dis que "destruction de 7 500 hommes".

15 Je reviens à ce que je disais hier, bien sûr, lorsqu'il y a mort. Lorsqu'il

16 y a souffrance, on a honte de parler de calculs mathématiques, mais il faut

17 bien le faire. Et une fois de plus, je répète -- je répète qu'ici on a

18 détruits

19 7 500 hommes. L'absence d'intention génocidaire se manifeste de diverses

20 façons, notamment, le fait qu'on a transporté, en lieu sûr, les femmes, les

21 enfants et les personnes âgées. Lorsque vous voyez ce segment de la

22 population à Srebrenica, il faut penser à une partie précise bien

23 délimitée, il ne faut pas penser à des gens qui sont éparpillés dans tout

24 le pays. Mais cette partie-là -- elle n'a pas été détruite. Bon nombre, la

25 grande majorité de ces personnes n'ont été déplacées pas détruites.

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1 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Si je veux m'assurer que j'ai

2 bien compris votre déposition, ça serait que : si -- la Chambre d'appel en

3 venait à estimer que ce qui a été détruit c'est la totalité de la

4 population musulmane de Srebrenica, en détruisant -- en annihilant les

5 hommes en âges de porter les armes, votre thèse ne tiendrait pas, à savoir

6 que l'Accusation n'aurait prouvé que la destruction d'une partie de la

7 population musulmane.

8 M. SEPENUK : [interprétation] Il faudrait que vous disiez que c'était une

9 des cinq méthodes retenues pour commettre un génocide -- et si vous

10 estimiez qu'effectivement, en ayant recours à l'une de ces cinq méthodes --

11 en l'occurrence l'assassinat -- si vous concluiez qu'effectivement, toute

12 la communauté avait été détruite, elle ne pourrait l'être que, par une de

13 ces cinq méthodes, à ce moment-là, nous en conviendrons avec vous, mais

14 nous dirions aussi. Et là, entre dit en passant, je suis d'accord avec

15 vous. Vous, vous parlez d'un terme, en disant que vous étiez mystifié -- je

16 ne sais pas l'autre terme que vous avez utilisé.

17 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je l'ai oublié.

18 M. SEPENUK : [interprétation] Oui, mais, vous savez, c'est quelque chose de

19 difficile. Vous savez, c'est un sujet auquel je suis en proie depuis deux

20 ans, mais je reviens à ce que disait la Chambre Sikirica. Il faut qu'il y

21 ait intention globale de destruction du groupe des Musulmans de Bosnie, en

22 tant que tel, et je pense que vous vous pensez en cas de figures où il

23 faudrait analyser tous les facteurs, toutes les circonstances, comme l'a

24 dit la Chambre Stakic récemment pour voir s'il y avait véritablement

25 intention de détruire le groupe des Musulmans de Bosnie, en tant que tel ou

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1 en partie -- ou plutôt de se livrer à un nettoyage ethnique au cours duquel

2 certains hommes ont été tués parce qu'ils étaient en âges de porter les

3 armes et pas parce qu'ils étaient Musulmans, en tant que tel.

4 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Merci de votre réponse. J'ai

5 tiré grande partie de votre intervention.

6 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Juge.

7 Mais permettez-moi, Monsieur le Juge Meron, de revenir sur une chose, il y

8 a quelque chose qui me taraude. J'ai l'impression de ne pas avoir bien

9 répondu à la question du Juge Schomburg, posée ce matin. Je pense plus

10 précisément à cette -- à ce raisonnement strict, que j'essaie de formuler,

11 je me suis rendu compte, après avoir répondu que je n'avais pas répondu au

12 premier volet de votre question, Monsieur le Juge Schomburg. Je n'ai pas

13 connaissance de doctrine ou de texte qui aurait dérogé à la confession du

14 génocide de 1948. Il y a d'abord l'idée de M. Bassiouni, et je pense que

15 rien ne soutient cette idée, à savoir qu'il fallait une interprétation

16 souple.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Revenons au dernier échange que vous

18 avez eu avec Monsieur le Juge Shahabuddeen. Vous semblez maintenant

19 d'accepter l'idée selon laquelle, si tous les hommes en âges de porter les

20 armes à Srebrenica avaient été tués, ce serait au fond des hommes tous en

21 âges de procréer, et que ceci reviendrait à dire qu'il y avait destruction

22 de la population musulmane de Srebrenica et si l'on examine la vocation de

23 la convention sur le génocide, ceci répond à cette convention où il y

24 aurait volonté de détruire tout le groupe de Musulmans de Bosnie.

25 M. SEPENUK : [interprétation] Pas du tout. Je ne voulais pas livrer une

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1 telle réponse, Monsieur le Président. En réponse à la question posée par le

2 Juge Shahabuddeen, je voulais dire que, si la Chambre d'appel estimait que

3 l'élimination du groupe venant de Srebrenica, à savoir, les hommes, les

4 femmes, les enfants et les personnes âgées, si ceux-ci constituaient,

5 effectivement, la destruction d'une partie d'un groupe, à ce moment-là.

6 nous aurions des difficultés. Mais nous persistons à dire qu'il faut aller

7 plus loin, examiner tous les facteurs, toutes les circonstances pour voir

8 s'il est possible de dire qu'il y avait intention de détruire une partie du

9 groupe. Mais nous pensons exactement le contraire. Le fait de tuer 7 500

10 hommes musulmans en âges de porter les armes, pour des raisons que je vous

11 ai présentées depuis deux jours, ne montre pas ceci et ne le prouve pas, en

12 tout cas, au-delà de tout doute raisonnable -- ne montre pas l'intention de

13 détruire une partie du groupe des Musulmans de Bosnie, en tant que tel.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et si c'était les femmes qui avaient

15 été tuées, adopteriez-vous la même position ?

16 M. SEPENUK : [interprétation] Oui. Oui, nous aurions adopté la même

17 position.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Mais je pense que

19 vous vouliez revenir à la question posée par le Juge Schomburg --

20 M. SEPENUK : [interprétation] Uniquement pour dire ceci. En effet, je me

21 suis rendu compte -- on pense toujours à ce qu'on aurait pu dire ou est-ce

22 qu'on aurait dû dire -- après coup -- bon, j'étais en train de prendre

23 une tasse de café. Je me suis rendu compte que c'était un point important.

24 C'est le cœur même de ce procès, la différence qui sépare les deux parties

25 à ce procès. En fin de compte, nous voulons dire si -- et je reviens aux

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1 principes de in dubio pro re et de nullum crimen sine lege. C'est que, si

2 l'on voit la construction du droit qui préside à la convention 1948, il

3 faut l'interpréter de façon stricte. Et vous avez ce comité d'experts qui

4 disait qu'il fallait une définition suffisamment souple que pour permettre

5 une évolution -- que c'était une définition évolutive. Nous ne sommes de

6 cet avis. Nous pensons qu'ici, en l'occurrence, il faut interpréter, de

7 façon stricte, cette convention sur le génocide, vu sa jeunesse et aussi

8 son devenir. Je vous ai parlé de ces commentaires hier, qui montrent, de

9 façon claire, qu'ils soutiennent la position que nous avons adoptée.

10 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

11 En absence d'autres questions que veulent poser mes collègues, nous allons

12 donner la parole à l'Accusation.

13 Je pense que c'est vous qui allez commencer, Monsieur Farrell.

14 M. FARRELL : [interprétation] C'est exact, Monsieur le Président.

15 Je vais demander à M. Petrusic si je peux prendre le pupitre.

16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous travaillerez jusqu'à 13 heures

17 pour reprendre après la pause.

18 M. FARRELL : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

19 Merci.

20 J'essaie de me placer de façon à vous voir tous, Messieurs les Juges, en

21 dépit du pilier qui nous sépare.

22 Question liminaire tout d'abord, il y a eu plusieurs motifs d'appel qui

23 n'ont pas été évoqués ce matin au cours des débats, et nous allons répondre

24 à ceux qui ont été présentés -- ceux présentés hier et aujourd'hui en

25 rapport au génocide et à l'intention génocidaire et aussi la question de la

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1 chaîne de commandement parallèle et les éléments supplémentaires,

2 s'agissant de la ferme de Branjevo pour le 7 juillet et les conversations

3 interceptées.

4 Je commencerai par le génocide. Ma collègue, Mme Karagiannakis, nous

5 parlera des faits.

6 La Chambre de première instance, après avoir soigneusement examiné les

7 faits, a conclu qu'il y avait eu génocide en l'espace de sept jours en

8 juillet 1995, dans la zone protégée des Nations Unies à Srebrenica.

9 L'essence des présentations de la Défense à propos du génocide c'était que

10 les actes des auteurs, dont M. Krstic auraient fait au plus une entreprise

11 criminelle, visant au déplacement forcé des Musulmans de Bosnie à

12 Srebrenica, d'après la Défense, ceci faisait partie d'une campagne de

13 déplacement. Les faits disent le contraire. La Chambre aurait dû se

14 demander s'il était nécessaire pour avoir déplacement d'un groupe d'avoir

15 une opération militaire conçue, basée sur la directive venant du commandant

16 suprême qui visait à créer une situation intenable, sans espoir de survie

17 ou de vivre pour les habitants de Srebrenica. Et est-ce qu'il était

18 nécessaire, pour avoir déplacement d'un groupe, d'exécuter 7 000 à 8 000

19 hommes et de transférer 25 000 personnes en l'espace de sept jours ? Est-ce

20 qu'il était nécessaire de tuer tous les hommes musulmans qui venaient des

21 quatre coins de la zone protégée ? Etait-il nécessaire de les exécuter ?

22 Etait-il nécessaire de détruire les foyers de ceux qui étaient partis et de

23 détruire la mosquée ?

24 Le déplacement forcé, comme le présente l'appelant, a été mis en place

25 suite à un ordre donné par le commandement suprême des forces armées,

Page 377

1 Radovan Karadzic, et cet ordre, il est arrivé le 9 juillet. Nous savons que

2 cet ordre a été envoyé directement au général Krstic. Cet ordre venait

3 d'une directive qui existait depuis longtemps, que je viens de mentionner,

4 qu'il visait à créer une situation ne permettant pas la survie, ni la vie.

5 Vers le même jour, le 9 juillet, date à laquelle cet ordre a été envoyé au

6 général Krstic, responsable des opérations, le commandant suprême a dit au

7 dirigeants civil qui allait devenir le commissaire civil de Srebrenica, que

8 tous ceux qui étaient à Srebrenica devaient être tués. En fait, il a dit :

9 "Tu dois tuer quelconque, tu peux mettre la main dessus". Trois jours

10 s'écoulent à partir de cet ordre et les premiers hommes, faisant partie de

11 ce groupe à 7 000 ou 8 000 Musulmans, qui allaient être exécutés,

12 commençaient à être exécutés. En l'espace de ces sept jours, le président

13 Karadzic a déployé une unité de Police de Sarajevo dans la zone de

14 Srebrenica. M. Borovcanin est arrivé le 11 juillet et a reçu pour

15 instruction de contacter le général Krstic dès son arrivée. Le général

16 Krstic a aussi veiller que le colonel Beara soit à Bratunac pour s'occuper

17 des détenus, des prisonniers, -- je m'excuse, c'est Karadzic qui a donné

18 ces ordres au colonel Beara. Et il a aussi donné des instructions pour ce

19 qui est de cette réunion à l'hôtel Fontana. qui devait avoir fonction

20 d'écran de fumée.

21 Le général Krstic a participé directement à l'opération, à l'attaque, à

22 l'organisation des autocars et au fait de déployer -- de fournir des moyens

23 en vue des exécutions.

24 Tous ces crimes ont été commis dans sa zone de responsabilité. La Chambre

25 de première instance a conclu qu'il était parte prenante à l'intention

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1 génocidaire. Il a participé et contribué à cette intention génocidaire. Ces

2 actes qualifiés par l'appelant, comme étant simples déplacements, montrent

3 qu'il y a un crime bien plus odieux, une aide bien plus profonde que la

4 volonté de déplacer des gens. Ce qui s'est passé à Srebrenica ne présente

5 pas les mêmes caractéristiques, ni ne suivent non plus la même méthode que

6 d'autres exemples évoqués de l'histoire et présentés aujourd'hui. Et les

7 mêmes méthodes ne sont pas suivies quand on pense à des exemples de

8 génocide, que ce soit l'holocauste ou le génocide au Rwanda. Mais,

9 lorsqu'on voit le génocide du Rwanda, il faut penser à un cas de génocide

10 total. En d'autres termes, les objectifs des auteurs étaient de détruire la

11 totalité du groupe visé.

12 Ce qui se passe dans l'affaire Krstic -- et les Juges d'appel doivent se

13 demander comment identifier une intention de détruire une partie d'un tel

14 groupe et comment une telle intention se manifeste en réalité. L'inclusion

15 du concept de la destruction partielle dans une convention sur le génocide

16 fait porter plus loin les confins de ce génocide où vous avez un auteur qui

17 ne veut pas nécessairement détruire tout le groupe. Il serait erroné, dès

18 lors de commencer à étudier la signification, lorsqu'on essaie de faire une

19 comparaison entre une telle situation et l'holocauste ou le génocide du

20 Rwanda.

21 La Chambre de première instance était en butte à une difficulté qui était

22 celle-ci : comment voir quelle était la portée de la convention sur le

23 génocide, mais d'appliquer aussi la signification d'une volonté de

24 destruction partielle seulement ?

25 En fait, l'appelant soulève quatre éléments : d'abord, l'intention de

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1 commettre un génocide, vu le nombre limité de personnes touchées, d'hommes

2 tués; le fait aussi que les femmes, les enfants et les personnes âgées ont

3 été épargnés. Deuxième argument présenté par la Défense, c'est que les

4 conclusions de la Chambre cadre avec l'idée du déplacement, pas de la

5 destruction et, comme le déplacement n'est pas un des cinq méthodes pour

6 déterminer l'élément matériel, la Défense dit qu'il n'y a pas génocide. Et

7 puis, troisième élément, les éléments de preuve supplémentaires. Quatrième

8 et dernier élément, on a essayé de définir ce qui est une partie

9 substantielle conséquente, en faisant valoir que c'est là une quantité et

10 non pas une qualité.

11 Je sais que ce dernier argument, sur lequel s'est attardé hier et

12 aujourd'hui M. Sepenuk, pour ce qui est d'une partie conséquente ou

13 significative du groupe, lorsqu'on parle de la qualité des dirigeants,

14 notamment, c'est la première fois que nous entendons cet argument. Ceci

15 n'était pas couché dans l'acte d'appel et dans le mémoire d'appel, pas plus

16 que ceci n'a été mentionné dans le mémoire en réplique. Je vais essayer de

17 répondre à l'argument présenté; cependant, et je m'en excuse d'avance, je

18 ne suis pas en mesure de déterminer si là, il y a d'autres éléments

19 revenant de la doctrine autre que ceux présentés qui pourraient vous aider

20 à déterminer pour autant que vous acceptiez l'argument présenté par la

21 Défense pour déterminer si cette partie significative est un élément qui

22 aurait été correspondant aux travaux de la convention et à la commission

23 préparatoire.

24 Apparemment, les deux premiers motifs sont assez similaires. A l'exception

25 d'une des facettes, c'est un argument de fait au fond. Apparemment la

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1 Chambre reversait dans l'erreur en concluant qu'il y avait intention

2 génocidaire, surtout vu le nombre limité de victimes, et que la Chambre

3 s'est, en fait, aurait dû parler de déplacement. Nous estimons que ce sont

4 là des erreurs de droit, sauf une exception que je vais aborder, mais qu'au

5 fond la Défense demande à la Chambre d'estimer que c'était des conclusions

6 déraisonnables.

7 Je relève tout d'abord qu'il y a peut-être une interprétation qui diffèrera

8 s'agissant du jugement différent suivant qu'on est Défense ou Accusation et

9 ceci aura peut-être une incidence sur la façon dont vous allez interpréter

10 et le jugement, et les motifs d'appel. A notre avis, la Chambre de première

11 instance a conclu qu'une partie du groupe, on en a déjà parlé au paragraphe

12 560, c'était des Musulmans de Srebrenica, et que le groupe en tant que tel

13 était les Musulmans de Bosnie dans leur totalité, et que les méthodes ou

14 moyens, les techniques retenues par la Chambre de première instance c'était

15 que tout les hommes de Srebrenica et leur assassinat ont eu pour résultat

16 que la totalité du groupe à Srebrenica en tant que tel avait été annihilé,

17 et que c'est ça la partie concernée. C'est de cette façon que l'Accusation

18 interprète le jugement. Mais l'appelant, lui, a l'interprétation suivante

19 pour autant qu'elle soit retenue par la Chambre. C'était que la Chambre de

20 première instance a uniquement conclu que cette partie-là, c'était les

21 hommes qui ne sont qu'une partie d'une partie du groupe. De l'avis de

22 l'Accusation ce n'était pas là la volonté de la Chambre de première

23 instance.

24 Et si ce n'était pas là la volonté de la Chambre, et si cette partie du

25 groupe c'était les Musulmans de Srebrenica, et si c'était une conclusion

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1 raisonnable, à ce moment-là le premier argument de la Défense, à savoir que

2 les hommes en tant que tels ne représentent pas une partie substantielle ou

3 conséquente, ceci ne tiendrait pas. Il ne serait pas possible de dire du

4 fait que la Chambre a estimé que les hommes représentaient une partie du

5 groupe, ils n'étaient donc pas une partie substantielle. Si on retient

6 l'interprétation du jugement de l'Accusation, on dit effectivement que ces

7 hommes représentent une partie du groupe des Musulmans de Srebrenica,

8 l'argument de la Défense ne tient pas.

9 Pour ce qui est de l'argument qualitatif, le dernier de la Défense, à

10 savoir, la Chambre de première instance est partie du principe que les

11 hommes représentaient un segment significatif du groupe des Musulmans, et

12 que c'était-là la partie du groupe.

13 Si c'était le cas à ce moment-là, l'argument de la Défense et que les

14 hommes représentent une partie de la partie du groupe, la Chambre estime

15 que cette partie-là qui voulait être détruite c'était des Musulmans de

16 Srebrenica, à ce moment-là il ne nous faut pas évaluer si les hommes

17 représentaient une partie substantielle des Musulmans de Srebrenica. C'est

18 la position ou l'interprétation qu'a l'Accusation du jugement et de

19 l'incidence que celui-ci a sur les motifs d'appel.

20 Mais je reviens et je vais suivre là les arguments de la Défense dans leur

21 chronologie. Un des arguments présentés c'était que la Chambre a dilué les

22 conditions numériques en concluant que le groupe ciblé, ou la partie

23 ciblée, c'était les hommes. Nous avons dit que le groupe ciblé c'était les

24 Musulmans de Srebrenica. On s'en est servi en tuant les hommes. Mais même à

25 supposer qu'on adopte un instant la prémisse retenue par la Défense, il

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1 faut d'abord tirer au clair les faits. Je suis sûr que vous le savez pour

2 ce qui est de l'intention, on ne cherche pas le nombre des hommes tués. On

3 ne dit pas qu'on avait pour intention de tuer 7 500 hommes, et qu'on

4 pourrait en conclure que, par conséquent, on voulait détruire ce groupe de

5 7 500 personnes. Nous, nous voyons le nombre de circonstances pour

6 déterminer s'il y a l'intention génocidaire. Et ce qui intervient de façon

7 pertinente dans ce cadre, c'est le fait que l'intention c'était de tuer les

8 hommes musulmans en âge de porter les armes. J'y reviendrai dans un

9 instant, mais ce n'était pas de tuer

10 7 500 personnes, c'était hommes, c'était les tuer tous. Pourquoi est-ce

11 qu'on est arrivé à un chiffre de 7 5000 ou 8 000, c'est parce qu'ils n'ont

12 pas réussi à arrêter la colonne. Les effectifs du colonel Pandurevic n'ont

13 pas réussi à arrêter cette colonne. Nous avons des rapports d'étapes qui

14 ont été renvoyés montrant qu'ils n'avaient pas réussi à arrêter toute la

15 colline, et qu'en l'absence de renfort, ils devraient laisser passer la

16 colonne.

17 Et si l'on voit le reste des moyens de preuve, s'ils avaient réussi à

18 capturer tous ces hommes de la colonne qui avait fait une percée, il ne

19 fait pas l'ombre d'un doute que ces hommes-là aussi auraient été tués. Donc

20 l'intention ne se limitait pas à tuer 7 500 hommes, l'intention c'était de

21 tuer tous les hommes musulmans de Bosnie qui se trouvaient à Srebrenica.

22 Donc le chiffre est différent. Ça fait de 10 à 15 mille hommes à ce moment-

23 là. Et si c'était le cas, la question qui se poserait : Nous retenons un

24 instant l'argument de la Défense, à savoir qu'on voulait seulement tuer les

25 hommes, est-ce que 10 ou 15 mille hommes, hommes qui étaient le résultat

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1 recherché est-ce que ça représente une partie substantielle de ce groupe-là

2 chez des Musulmans de Bosnie, en tant que groupe ? Ce pourrait, fort bien,

3 être le cas à notre avis. Comment définit-on une "partie substantielle,"

4 bien sûr, c'est quelque chose qui doit faire l'objet d'interprétation en

5 droit et en fait.

6 Il y a des cas où il y a eu moins de tué. Si vous voyez Robinson, un des

7 commentateurs, il dit on parle d'une multitude de personnes. La commission

8 préparatoire de la CPI dit qu'il y a intention spécifique de détruire

9 davantage qu'un faible nombre de personnes. La Chambre Kayisheem et la

10 Chambre Rosandana disent que l'intention de détruire est l'intention de

11 détruire, je cite "un nombre considérable d'individus." Et enfin de compte,

12 il faut se dire ceci : Si nous acceptons qu'il faut une partie

13 substantielle, et je dirais que rien dans la convention ne le dis, ce

14 constant de parler d'une "partie," et le juge Schomburg avait demandé si la

15 situation avait évolué en matière de droit coutumier international sur la

16 question. Je ne suis pas en mesure de le dire. Je ne connais pas

17 suffisamment bien la question pour vous fournir une réponse des deux côtés.

18 Mais je puis vous dire que la Chambre de première instance a estimé que les

19 commentateurs, que ce soit Drost et Robinson qui se sont exprimés en 1949

20 et en 1950, n'ont pas utilisé le terme substantiel.

21 M. Robinson parle de ce terme substantiel mais le précise et dit qu'il y a

22 -- il faut le voir dans le contexte d'une "multitude de personnes." A mon

23 avis, le jugement en première instance reconnaît qu'à un moment donné il

24 faut -- on a utilisé une interprétation plus stricte dans le rapport de la

25 CDI, mais aux fins du jugement nous comprenons que la Chambre de première

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1 instance a pris comme point de départ cette idée d'un nombre substantiel.

2 Mais est-ce que c'est une notion relative ou est-ce que c'est une notion

3 absolue ? Est-ce qu'il faut que ce soit relatif par rapport au groupe ?

4 Dans sa totalité, M. Sepenuk a dit que cela représente que 0,5 % de la

5 population musulmane; ce n'est donc pas substantiel. Est-ce qu'il faut que

6 ce soit relatif à la totalité du groupe, ou est-ce, qu'au contraire, il

7 faut que ce soit substantiel par rapport à son aspect numérique ou

8 quantitatif ? Nous estimons qu'il faut que ce soit relatif. On ne peut pas

9 simplement dire qu'on tue un million de personnes là où il y a une

10 population de trois milliards dans une intention génocidaire, et qu'on

11 n'aurait pas voulu détruire une partie de la population parce que ce

12 n'était pas en terme relatif une notion substantielle ou une partie

13 substantielle en l'espèce.

14 Nous faisons valoir que même si la Chambre a estimé que cette partie

15 c'était les Musulmans de Srebrenica - nous conservons cette hypothèse - la

16 Chambre aurait pu conclure que si on avait voulu jusqu'à 15 000 personnes,

17 c'était effectivement une part substantielle.

18 Autre argument il porte sur des femmes, des enfants et des personnes âgées.

19 On essaie de conclure qu'il aurait été déraisonnable de conclure qu'il y

20 avait intention de destruction du groupe; puisque les femmes, les enfants

21 et les personnes âgées avaient été épargnés. Question liminaire tout

22 d'abord. Je pense qu'ici on n'a un peu de complaisance en s'appuyant sur ce

23 que di Schabas dans son article. Il parle dans son article des femmes et

24 des enfants. A trois reprises, il dit qu'il y a possibilité d'autres

25 explications plausibles, donc expliquer pourquoi on prendrait la peine

Page 385

1 d'évacuer ce groupe. Je ne me souviens pas de la troisième mention, mais je

2 sais qu'il y a eu trois mentions.

3 Le professeur Schabas est un professeur de droit, et il porte un jugement

4 sur des conclusions factuelles plausibles. Ceci n'aide pas beaucoup la

5 Chambre d'appel. En fait ceci ne fait que refléter les arguments de

6 l'appelant. Ça aide peut-être l'appelant, mais ceci n'est pas à mon avis

7 quelque chose qui serait important au plan du droit et qui serait

8 susceptible d'aider les Juges à trancher. Le professeur Schabas, il se

9 prend peut-être pour un juge. Il peut tirer toutes les conclusions du

10 jugement, mais puisqu'il n'a pas siégé, qu'il n'était pas juge au procès,

11 il n'a pas entendu ni vu les moyens de preuve. Ce qu'il pense plausible

12 reste du domaine de l'école.

13 Pour ce qui est des questions factuelles, le fait de ne pas avoir tué les

14 femmes et les enfants. Nous avons déjà présenté nos arguments dans le

15 mémoire, je n'y reviens pas, mais j'aimerais revenir ici au cours des

16 débats, sur la pertinence qu'il faut accorder aux éléments de preuve

17 supplémentaires. Mon collègue y reviendra de façon plus détaillée dans la

18 mesure où ceux-ci ont trait à l'appelant, au général Krstic. Quelques

19 points intéressants pour ce qui est des femmes et des enfants. J'ai déjà

20 fait référence à la directive numéro 7 qui pour nous, indique que le

21 président Karadzic était animé de certaines intentions et avait donné des

22 instructions au sujet de la zone de sécurité. Deronjic a déposé en nous

23 rapportant les propos de Karadzic :

24 "Il faut tuer tous ceux sur lesquels vous mettez la main." Et il a dit cela

25 : "Tuez tous ceux sur lesquels vous réussirez à mettre la main." Lorsque

Page 386

1 Deronjic, si je me souviens bien, lui a demandé ce qu'il fallait faire des

2 civils.

3 Le président Karadzic dit ensuite : "Que tout dépendrait des

4 circonstances." Et nous, nous disons que ces circonstances, c'est de

5 pouvoir ou non cacher les crimes à la communauté internationale, et les

6 circonstances qui permettraient de dissimuler ces actes.

7 A la fin de la directive numéro 7, à laquelle il est fait référence au

8 paragraphe 28 du jugement, on trouve une observation qui nous indique quels

9 sont les objectifs. Le blocage des convois d'aide humanitaire faisait

10 partie du plan. Et il est indiqué qu'ils vont réduire le nombre de convois

11 humanitaires qui vont entrer, mais en les laissant quand même entrer. Et la

12 fin de la directive, Karadzic dit : "Il faut qu'ils dépendent de notre

13 volonté tout en évitant une condamnation à la fois de la part de la

14 communauté internationale et de l'opinion publique mondiale.

15 De même, la décision qui est prise au sujet des civils, la manière de

16 traduire dans les faits les instructions du président Karadzic est tout à

17 fait parlante. Le bataillon de Srebrenica, le bataillon des États-Unis --

18 Nations Unies encourage les civils à aller à Potocari. La Chambre l'a

19 conclu. A Potocari, tous ces gens-là bénéficient de la protection des

20 Nations Unies. Il y a là des soldats de l'ONU, des observateurs de l'ONU.

21 Il y a le commandant de l'ONU et le commandant en second également à

22 Potocari. Des négociations sont entreprises avec l'ONU au sujet des

23 prisonniers, dans la soirée du 11 et le 12 juillet à l'hôtel Fontana. Et le

24 dossier d'audience nous indique que le bataillon néerlandais avait contact

25 avec Kosaric et Nikolic, deux subordonnés de Krstic au sujet de

Page 387

1 l'évacuation.

2 Deronjic d'autre part, dit que lorsqu'il a parlé de cette question avec

3 Karadzic au sujet de ses hommes, il a dit qu'il fallait les déplacer pour

4 les tuer à cause de la communauté internationale. Deronjic savait

5 pertinemment que lorsque Beara est venu, il venait dans un objectif qui a

6 été évoqué déjà par nous. Et qu'est-ce qui intéresse Deronjic ? Deronjic,

7 ce qui le préoccupe c'est que tout cela ne se passe à côté de chez lui.

8 Parce qu'à côté de chez lui, là où il se trouve, il y a la communauté

9 internationale. Il y a des négociations le 12. Que dit Karadzic à Deronjic

10 à ce moment-là ? Et bien, il lui dit :

11 "Présentes-leur trois options pour leur jeter de la poudre aux yeux." Il y

12 a aussi qu'il a dit qui est encore plus parlant. Il lui dit de dire que les

13 hommes doivent être séparés des autres, parce qu'au terme du droit de la

14 guerre, il est autorisé à faire cela pour vérifier si parmi eux, il n'y a

15 pas des criminels de guerre.

16 Que déclare Mladic lors de la réunion à l'hôtel Fontana le 12 juillet ?

17 Lors de cette réunion, ceci la Chambre l'a conclu, il dit que les hommes

18 doivent être séparés des autres, parce qu'il faut voir si parmi eux, il n'y

19 a pas des criminels de guerre. Karadzic dit à Deronjic cela. Mladic répète

20 cela verbatim. On voit qu'il y a un lien entre ces hommes, et qu'il a

21 également un lien entre cela et l'objectif qui est suivi, et qui est de

22 faire en sorte que les hommes ne montent pas à bord des autocars. On peut

23 donner une justification à cette interdiction aux hommes de monter à bord

24 des autocars; justification qu'ils recherchent dans le droit de la guerre.

25 Il n'y a qu'un nombre limité de personnes concernées à Potocari; 600 à 800

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1 ou à 900, par rapport aux milliers de civils, de femmes, d'enfants, et

2 cetera. Il est donc plus facile de s'occuper des hommes que des femmes et

3 des enfants. Même chose par les hommes qui sont faits prisonniers au bord

4 de la route.

5 Lors du premier transport des femmes et des enfants qui doivent être

6 expulsés, les Nations Unies sont autorisées à suivre les premiers convois,

7 le premier et le deuxième convoi. Ensuite on leur interdit. Dix-neuf

8 véhicules des Nations Unies, les Juges l'ont conclu, sont interceptés alors

9 qu'ils essaient d'escorter les femmes et les enfants à bord des autocars,

10 pour voir s'ils -- pour aller sur la ligne de front. Il faut bien

11 comprendre que la route empruntée par les autocars qui transportent le 12

12 et le 13, les femmes et les enfants, c'est la route sur laquelle les hommes

13 ont été faits prisonniers. Konjevic Polje Bratunac, voilà la route. C'est

14 la route où les hommes sont faits prisonniers par un certain nombre

15 d'unités. Nous estimons qu'on les empêche d'accompagner les femmes et les

16 enfants, parce qu'à ce moment-là, ils verraient ce qu'il advient des

17 hommes. Dans ces circonstances, il ne faut pas prendre -- il ne faut pas

18 interpréter le sort réservé aux femmes et aux enfants par le désir de les

19 sauver. Les femmes, les enfants, les personnes âgées ont été contraints de

20 descendre des autocars, et ils ont dû traverser à pieds la ligne de front

21 pendant quelques kilomètres. On ne les a pas emmenés en toute sécurité vers

22 des territoires contrôlés par les Musulmans, dans des autocars.

23 Nous estimons qu'au bout du compte, on se trouve face à une explication

24 tout à fait cohérente qui va dans le sens de l'instruction donnée par

25 Karadzic, et qui nous permet de comprendre pourquoi les hommes, les femmes,

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1 --les hommes âgés, les femmes et les enfants étaient traités différemment

2 des hommes.

3 Dernière chose, j'ai trouvé intéressant quand on nous a dit qu'

4 on n'a mis les hommes du côté parce qu'on voulait voir s'il n'y avait pas

5 parmi eux des criminels de guerre. Ce n'est pas très éloigné des

6 explications données par la Défense au sujet de la raison pour laquelle les

7 hommes ont été tués. L'expert de la Défense en matière militaire, le

8 général Radinovic, nous a dit que "ces personnes étaient tombées lors

9 d'opération de combat." Les conclusions rendues par la Chambre de première

10 instance montrent à quel point une telle affirmation frise de ridicule. Une

11 fois encore il s'agit d'une tentative pour justifier ce qui a été fait aux

12 hommes.

13 La Chambre de première instance savait pertinemment que ni les femmes, ni

14 les enfants, ni les personnes âgées n'ont été tués. Mais avec les nouveaux

15 éléments de preuve présentés avec les éléments de preuve présentés lors du

16 procès, la Chambre n'aurait raisonnablement pas pu tirer d'autres

17 conclusions que celle qu'elle a faite. Au paragraphe du jugement 595, la

18 Chambre a conclu que les meurtres, les transferts forcés devaient entraîner

19 la disparition physique de la population musulmane de Bosnie à Srebrenica

20 inévitablement. La disparition physique de la population musulmane a

21 Srebrenica, cette disparition qui est identifiée, bien que certaines

22 personnes aient survécus, des femmes, des enfants, une bonne partie de ce

23 groupe a disparu. Et pour revenir à ce qu'a dit M. le Juge Meron dans sa

24 question, il n'y a pas justification, -- il n'y a pas ici de justification

25 aux arguments de la Défense puisqu'en éliminant les hommes, on éliminait ce

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1 qui était à même de permettre au groupe de continuer à exister, ce groupe

2 ne peut plus survivre. L'argument de l'appelant hier sur la base de

3 l'article du professeur Schabas aurait été plus logique et qu'il aurait été

4 plus logique de tuer les femmes, et les enfants pour mener à bien un

5 génocide.

6 Mais ceci ne tient pas la route. J'ai dit hier que si on me dit que si les

7 femmes et les enfants avaient été tués, il faudra en arriver à une

8 conclusion différente, mais la logique reste la même, c'est que si le

9 groupe n'a pas la possibilité de se reproduire, ce groupe ou cette partie

10 du groupe inévitablement va être détruit, va disparaître.

11 Je ne vais pas traiter du troisième motif d'appel de l'appelant au sujet de

12 lien qu'il convient d'établir entre les nouveaux éléments de preuve et le

13 général Krstic, et cependant possible que je fasse quelques observations à

14 ce sujet, mais notre point de vue à ce sujet, c'est qu'il existe un lien,

15 un lien -- ma collègue vous l'expliquera plus avant, il y a un lien entre

16 les agents du commandant suprême M. Karadzic et les agissements des forces

17 armées. Il n'y a pas se séparation nette entre ces instances, on ne peut

18 pas dire que le général Krstic n'avait aucune idée de ce que faisait M.

19 Karadzic et ces acolytes. Si on examine les éléments de preuve, on peut

20 voir que le plan, il y a un plan d'opération qui a été communiqué dans le

21 cas de Krivaja 95 au chef de Corps le général Krstic, Karadzic les éléments

22 de preuve le montrent, Karadzic travaillait avec le général Krstic pour

23 planifier cette opération. Les éléments de preuve nous montre, Deronjic le

24 dit, ce qui les intéressent c'est Zivanovic parce que ce qu'ils les

25 inquiètent, c'est Zivanovic qui ne fait rien au sujet des Musulmans de

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1 Srebrenica, ceux qui sont fuis, ceux qui montent des attaques à partir de

2 l'enclave. Et Karadzic dit : "Ne t'inquiète pas, je vais m'en occuper."

3 En mai, Karadzic dit à Deronjic : " Ça va se passer," en mai donc. C'est-à-

4 dire longtemps avant les opérations en juillet. Voilà le moment où commence

5 les opération, voilà le moment où on prend la base Echo, la base des

6 Nations Unis à la fin mai, et ceci s'est peu avant l'attaque du 26 juin.

7 Du plus le 9, quand Deronjic parle avec Karadzic, il dit que : "Il ne pense

8 pas que les hommes qui sont à Srebrenica sont à la hauteur."

9 Il dit : "Qu'il faut faire revenir Borovcanin qui est avec le MUP, et qu'il

10 connaît." Cela se passe le 8 ou le 9, le 10 on voit qu'un ordre est donné,

11 pour que Borovcanin quitte la région de Sarajevo pour être à Srebrenica le

12 lendemain avant midi et il doit prendre l'onde avec le général Krstic.

13 Voilà le lien qu'on cherchait entre Deronjic et Karadzic. Karadzic donne

14 l'ordre à l'unité militaire de Sarajevo, prend la route de Srebrenica, et

15 qui contacte la personne concernée ? Le général Krstic.

16 Quand Deronjic a un problème comme je l'ai dit avec Zivanovic, il en parle

17 à Karadzic qu'il lui dit de s'adresser à Krstic, quand Deronjic a un

18 problème avec les hommes de Bratunac, les hommes qui ont été fait

19 prisonniers à Bratunac, il contacte Karadzic et trois ou quatre heures plus

20 tard, quelqu'un vient dans son bureau lui parler de ce qui convient de

21 faire de ces hommes fait prisonniers. On voit qu'il existe un lien net

22 entre Karadzic et les opérations militaires, le meurtre de ces hommes, les

23 déclarations selon lesquelles il faut que ces hommes soient tués ainsi que

24 le rôle jouait par Krstic.

25 Mais c'est ma collègue qui interviendra de façon plus approfondi à ce

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1 sujet, aux sujets des faits et des preuves.

2 Le dernier volet de mon intervention d'ici avant une heure, j'en ai encore

3 pour cinq à dix minutes a trait aux tests qualitatifs, partie importante,

4 partie significative, mon éminent confrère me dit que ceci ne fait pas

5 droit du droit coutumier international et que pour déterminer s'il y a

6 partie substantielle, il faut examiner les critères qualitatifs et

7 quantitatifs, mon confrère me dit que cette notion de partie significative

8 on ne la trouve nulle part, ni dans le rapport de M. Whitaker, ni dans le

9 rapport de la commission, ni nulle part.

10 Je n'ai pas eu le temps d'examiner tous les documents hier pour voir si je

11 pouvais ajouter des éléments aux sujets des travaux de la commission

12 préparatoire pour voir si effectivement cette commission dans son travail

13 sur la partie substantielle du groupe a donné des éléments qui pourraient

14 nous être utiles ici. Si vous estimez que c'est utile, on pourra toujours

15 procéder à ces recherches et déposer des écritures supplémentaires.

16 Mais je vais revenir sur la question en tant que telle si vous me le

17 permettez. Réfléchissons à l'objectif de cette convention, il s'agit de

18 protéger un groupe ou une partie d'un groupe et de protéger ce groupe d'une

19 éventuelle destruction. Il y a deux facteurs qui rentrent en jeu, les actes

20 qui ont pour objectif de détruire ce groupe en tout ou partie sans

21 incriminer et on parle ici c'est évident de destruction biologique ou

22 physique pas de destruction culturelle. La Chambre de première instance l'a

23 conclu au paragraphe 580.

24 Tous les éléments qui ont été passés en revue par la Défense pour nous dire

25 que l'aspect culturel d'une communauté ne fait l'objet d'aucune protection

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1 en tant que telle au terme de la convention, et en particulier la référence

2 au texte du comité ad hoc, tout cela donc a uniquement trait à l'existence

3 culturelle du groupe. Je donne lecture maintenant d'un extrait de ce texte

4 si vous ne souhaitez pas que j'en donne lecture, faites-le moi savoir je

5 peux vous donner les références. Il s'agit des pages de références 4696 des

6 éléments supplémentaires présentés par l'appelant. On peut y lire, je cite

7 :

8 "Les éléments du génocide culturel, partie B : On indique que les membres

9 du groupe qui sont les détenteurs de son patrimoine culturel,

10 universitaires, écrivains, artistes, enseignants, et cetera." Et il est

11 dit, je cite : "La vie culturelle et morale du groupe est assurée par les

12 membres cultivés de ce groupe. Si ces personnes sont éliminées, ce groupe

13 n'est plus qu'une masse informe, une masse sans défense dont la langue est

14 appauvrie. Un groupe qui est désormais en position d'infériorité et dont le

15 langage n'a plus aucune importance sociale, ni politique."

16 Ce n'est pas ce qui figure ou ce qui est abordé dans le rapport Whitaker --

17 ce n'est pas ce dont parle la Chambre de première instance lorsqu'elle

18 parle de partie significative du groupe. On n'est pas en train de parler de

19 l'aspect culturel. On n'est pas en train de parler d'exil. On n'est pas en

20 train de parler de la dégradation de leur langage pour qu'ils perdent toute

21 signification politique et culturelle. Ce n'est pas à cela qu'on fait

22 référence quand on parle de parties importantes du groupe. Je pense qu'en

23 s'appuyant sur ce passage, on est un petit peu à côté de la plaque.

24 Moi, je pense que la convention a pour objectif de faire survivre le

25 groupe, c'est son objectif premier. C'est pour ça qu'elle parle des

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1 dirigeants du groupe.

2 Mais comment interpréter le mot interprété le mot "partie significative" ?

3 Est-ce que ça va dans le sens de la convention sur le génocide ? Oui,

4 d'après moi, oui. C'est d'ailleurs ce qui a été confirmé par la Chambre de

5 première instance dans Jelisic. La question qui se pose est de savoir si on

6 a identifié une partie substantielle du groupe en tant que telle. Il est

7 manifeste que le passage auquel il est fait référence par la Défense, a

8 trait aux nombres de personnes concernées. Si la disparition d'une certaine

9 partie du groupe mais en danger la totalité du groupe, pourquoi est-ce que

10 l'aspect numérique n'est pas abordé ? Substantiel, ça peut être aussi bien

11 numérique que quantitatif. Mais si l'objet de la convention, c'est

12 d'empêcher un groupe d'être détruit, et si la destruction d'un petit nombre

13 de personnes peut menacer l'existence du groupe, pourquoi est-ce que la

14 convention ne protégerait pas le groupe en prévoyant cette éventualité ?

15 L'argument présenté par la Défense, finalement, prête à sourire. Si on

16 prend l'exemple ou l'image d'un Corps humain, on coupe la tête, le Corps

17 aura du mal à survivre. On peut dire que la totalité du groupe, s'il est

18 représenté par le Corps, va disparaître. Cette tête, c'est une partie

19 significative, une partie importante du groupe. Si on l'élimine, on détruit

20 le groupe. Et si on détruit une partie du groupe qui est important pour

21 l'ensemble du groupe, on peut en déduire que quand on a détruit cette

22 partie du groupe, on avait l'intention de détruire la totalité du groupe.

23 Si on tue une partie importante de la population, numériquement parlant, à

24 ce moment-là, on peut en déduire qu'il y a génocide même si ce groupe

25 continue à exister. Tandis que si le groupe avait complètement cessé

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1 d'exister mais que ceci n'était dû qu'à la destruction d'une partie du

2 groupe, à ce moment-là, si on suit cette logique, on ne pourrait plus

3 parler de génocide alors que le groupe a complètement cessé d'exister.

4 Voilà à quelle conclusion on devrait arriver si on suivait cette logique.

5 Peu importe, donc, quelle est la taille ou l'ampleur du groupe ou de la

6 partie du groupe qui est détruite, si ça entraîne la destruction totale du

7 groupe, à ce moment-là, il y a génocide.

8 Voici tous les arguments que j'avais à vous présenter sur cette question à

9 moins que je ne doive poursuivre mais je pense qu'il vaudrait mieux qu'on

10 fasse la pause avant que je passe la parole à Mme Karagiannakis.

11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci, Monsieur Farrell. Il est

12 maintenant 13 heures 25. L'Accusation va continuer à présenter ses moyens

13 après la pause.

14 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je pense que mes collègues sont

16 d'accord pour que nous posions nos une fois que vous aurez fini la

17 présentation de tous vos moyens.

18 Donc, nous allons maintenant faire une pause jusqu'à 14 heures 30.

19 M. FARRELL : [interprétation] Merci.

20 --- L'audience est suspendue à 12 heures 54.

21 --- L'audience est reprise à 14 heures 33.

22 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Nous allons maintenant poursuivre. Nous

23 avons la réplique de l'Accusation. Je crois Monsieur Farrell que pour le

24 moment vous en avez terminé.

25 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

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1 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Et c'est maintenant Mademoiselle

2 Karagiannakis qui va prendre la parole.

3 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Je vais me pencher sur les questions de fait. La première c'est l'intention

5 génocidaire du général Krstic et comme les faits l'ont établi et dans

6 quelle mesure le Jugement en première instance est exact. Et puis je

7 reviendrais sur ce que disait le Conseil de la Défense s'agissant de la

8 participation du MUP, de l'allégation d'un commandement ou d'une chaîne de

9 commandement parallèle, dont parlait Me Petrusic, et je parlerais en

10 dernier lieu de l'affaire de Branjevo.

11 Mais auparavant, avant de commencer, j'aimerais tirer trois choses au

12 clair. Monsieur le Juge Shahabuddeen, vous avez posé une question à la

13 Défense, vous avez demandé s'il y avait des éléments de preuve au dossier

14 montrant que Karadzic était au courant des exécutions au moment où elles se

15 déroulaient. Je me permets de vous renvoyer aux pages 125 [sic] et 126

16 [sic] ainsi que du compte rendu d'audience et aussi à la page 116

17 déposition de Deronjic, où il a dit qu'à trois reprises il avait avisé

18 Karadzic de l'existence de l'exécution massive, notamment, à l'entrepôt de

19 Kravica.

20 Deuxième chose, deuxième précision je suis désolé si j'ai mal entendu ce

21 que disait le Conseil mais j'avais cru comprendre qu'en réponse à une des

22 questions posée par un des juges, apparemment si Karadzic savait que les

23 prisonniers devaient être envoyés à Batkovici. Et ceci ne concorde pas avec

24 les pages 117 et 120 des dépositions de Deronjic. Ce n'est pas Karadzic qui

25 a dit que ces hommes devaient être renvoyés. C'était là, la supposition

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1 émise par Deronjic s'agissant de ce que voulait dire Karadzic pas de ce

2 qu'il aurait dit. Nous faisons valoir que vous devez vous fondez sur ce

3 qu'a dit Deronjic de façon directe, de ce qu'a dit Karadzic plus tôt que de

4 l'interprétation que pourrait faire Karadzic des propos éventuels ou de la

5 signification voulue par Karadzic.

6 J'ai aussi cru comprendre que le Conseil de la Défense vous disait

7 Messieurs les Juges qu'il n'avait pas de preuves de participation ou de

8 connaissance directe de M. Krstic pour ce qui est des opérations

9 d'exécutions. Je vous renvoie au dossier ou plus exactement au jugement,

10 paragraphe 378 jusqu'à 423 où là, on voit les éléments de preuve sur

11 lesquels ce sont appuyés les juges pour déclarer, qu'il y avait

12 connaissance et participation.

13 Et puis j'en viens maintenant à ce que je voulais dire à propos du

14 génocide. Mais auparavant encore une chose, on a voulu dire que les cibles

15 étaient des hommes en âge de porter les armes. Je crois à cet égard, qu'il

16 est important de tirer ceci au clair.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] C'est pas moi qui est laissé suggérer

18 ça -- à laisser pensé ça. Ceci était dans la décision du Tribunal.

19 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui.

20 Lorsque la Chambre de première instance parlait des hommes en âge de porter

21 les armes, elle précise sa pensée à la note de bas de page numéro 3.

22 La Chambre dit dans tout ce jugement lorsqu'on parle d'hommes en âge de

23 porter des armes on parle du groupe d'hommes capturés et exécutés suite à

24 la prise de Srebrenica. Cette expression ne convient guère dans la mesure

25 où des garçons plus jeunes, excusez-moi, il y a le cachet du Tribunal qui

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1 cache les mots "dans la mesure où des garçons plus jeunes et des hommes

2 plus âgés que ceux généralement considérer en âge de porter les armes

3 faisaient partie de ce groupe. Par conséquent, l'expression devrait être

4 considérée dans son exception la plus large, non technique, comme

5 concernant les hommes et les garçons définis de manière large par les

6 autorités serbes de Bosnie comme étant proche de l'âge de porter des

7 armes." La définition n'est donc pas stricte, je parle ici de la définition

8 utilisée par les juges en première instance elle était plutôt générale.

9 Et les faits montrent que ce n'est pas le groupe militaire qui était pris

10 pour cible. Ce n'était pas simplement des forces de défense. La VRS a tué

11 tous les hommes qui étaient en âge de procréer, et même des hommes plus

12 jeunes, ou des hommes plus âgés. Je vous renvoie à l'appui de ces thèses,

13 aux pièces 276 et 274, rapports démographiques versés au dossier de

14 l'espèce où l'on dit qu'il y a eu

15 7 475 tués, 199 avaient moins de 18 ans [sic], 739 [sic] avaient plus de 16

16 ans [sic] et 48 portés disparus -- étaient en fait des femmes, parmi les

17 groupes de disparus, il y avaient deux gamines de huit ans.

18 Ce qui est pertinent aussi à cet égard c'est le constat suivant. La plupart

19 des personnes tuées étaient des civils. Cette colonne se composait de 10

20 000 à 15 000 personnes, un tiers de cette colonne se composait de la 28e

21 division, c'était les militaires. Ils ont fait une percée et se sont

22 échappés, ce qui a entraîné la capture de la plupart des civils. Ici je

23 vous renvoie aux paragraphes 60 jusqu'à 65 en cette matière.

24 De surcroît, au nombre des personnes tuées -- et retrouvées dans les fosses

25 étaient des personnes lourdement handicapées, déformées ou malades, c'était

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1 des civils qui physiquement n'étaient pas en mesure de contribuer à

2 l'effort de guerre musulman. Enfin la Chambre de première instance a

3 conclut que la décision d'exécuter les hommes ne se comprenaient pas en

4 termes militaires. Je vous renvoie à la conclusion de la Chambre,

5 paragraphe 70. Par conséquent, lorsqu'on fait référence à des hommes en

6 âges de porter les armes, on ne parle pas d'une armée, Messieurs les Juges.

7 On parle au fond de tout a chacun -- de tous les hommes sur lesquels ils

8 pouvaient mettre la main.

9 Puisque j'ai évoqué ce point général, je vais maintenant passer aux

10 éléments de preuve établissant l'intention génocidaire de M. Krstic. Je

11 vais essayer de vous renvoyer aux Juges en première instance et aux

12 éléments de preuves supplémentaires susceptibles d'avoir une incidence sur

13 votre prise de décisions. M. Farrell vous a déjà parlé des objectifs

14 stratégiques de Radovan Karadzic en ce qui concerne l'enclave.

15 Vendredi la Défense s'est servie d'un terme celui "d'invisible" pour

16 décrire le général Krstic. Aujourd'hui je pense quelle a parlé de

17 possibilités. Nous estimons nous, que le général Krstic n'était pas

18 l'homme invisible; c'était l'homme indispensable pour l'exécution de cette

19 opération meurtrière.

20 Il a été désigné et nommé à sa fonction parce que Karadzic voulait

21 remplacer Zivanovic. Je vous renvoie ici aux pages de compte rendu

22 d'audience Deronjic 158 et 159. Lorsque Karadzic envisageait le plan B, la

23 prise de l'enclave les 8 et le 9, à qui a-t-il envoyé personnellement son

24 ordre ? Au général Krstic. Le général Krstic au cours du procès, pages du

25 compte rendu 2163 à 2165, il a reconnu disais-je qu'il connaissait

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1 l'existence de la directive 1 de Karadzic et qu'il connaissait également

2 les ordres ultérieurs émanent de l'Etat major principal, 7.1, donc le

3 général Krstic, ce qui a eu pour résultat qu'il a établi le plan de

4 Krivaja '95. Non seulement il était l'homme indispensable à notre avis mais

5 il était l'homme de Karadzic.

6 Le général Krstic a joué un rôle dirigeant, directeur dans l'opération, à

7 partir du 6 juillet 1995, c'est lui qui était à la tête de l'attaque

8 dirigée sur Srebrenica à partir du poste de commandement avancé à

9 Pribicevac, qui se trouvait sur la hauteur de Srebrenica. Et il a commandé

10 cette opération au moins jusqu'au moment de l'arrivée du général Mladic le

11 9 juillet.

12 La Chambre de première instance a conclut qu'au fond les Serbes de Bosnie

13 avaient réussi sans beaucoup de résistance cette opération qui consistait à

14 rétrécir le territoire de l'enclave. Et ceci a entraîné une autre action

15 qui visait elle à prendre l'enclave. Ils se sont heurtés une fois de plus à

16 peu de résistance. Vu ce fait et d'autres faits la Chambre de première

17 instance a conclut que les forces de la VRS ont pilonné la ville de

18 Srebrenica le 10 et le 11 juillet pour terroriser la population, pour la

19 chasser de Srebrenica en direction de Potocari, que c'était là en d'autres

20 termes le début de l'expulsion forcée.

21 J'aimerais lire le jugement au paragraphe 337, s'agissant du rôle joué à

22 cet égard par le général Krstic. "La Chambre conclut qu'il était bien au

23 courant du pilonnage et que le pilonnage de Srebrenica allait faire fuir

24 des dizaines, des milliers de civils musulmans de la ville vers la petite

25 localité de Potocari qu'ils estimaient sûr parce que la base des Nations

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1 Unies s'y trouvait. Ils devaient savoir qu'inévitablement les besoins

2 fondamentaux, hébergement, vivres ou médicaments, excéderaient de loin les

3 capacités de la localité. La Chambre de première instance conclut également

4 que le général Krstic était pleinement au courant des objectifs

5 territoriaux poursuivis par la VRS dans l'enclave de Srebrenica qui

6 comprend nettement l'expulsion de la population musulmane de Bosnie."

7 Ceci veut dire du moins d'après les conclusions tirées par la Chambre de

8 première instance un participant volontaire à l'opération depuis

9 Pribicevac, depuis le poste de commandement avancé pour ce qui est de

10 l'expulsion des civils. Ceci s'écarte de loin de la thèse défendue par la

11 Défense à savoir que humanitaire et humanisme qu'il était, il voulait

12 protéger la population.

13 On fait grand cas du côté de la Défense des conclusions concernant la

14 planification de l'opération. Que constatons nous à la lecture de la

15 directive et du fait qu'il y a -- une intensification de l'attaque sur

16 Srebrenica, on commence par Krivaja '95, puis on finit par l'ordre de prise

17 de Srebrenica par Karadzic, ce qui veut dire que les Serbes de Bosnie

18 avaient un objectif stratégique à l'esprit et qu'ils réagissaient avant de

19 réagir à la situation se présentant sur le terrain et qu'ils avaient

20 formulé des plans opérationnels précisant les modalités d'exécutions.

21 Et c'est là qu'intervient ces éléments de preuve qui n'existaient au moment

22 du procès. Nous ne savions pas à ce moment-là à quel moment précis, ce plan

23 opérationnel -- et là je fais une différence par rapport aux objectifs

24 stratégiques -- à quel moment ce plan avait été élaboré, s'agissant de la

25 prise de Srebrenica. M. Nikolic nous a depuis dit dans le cadre de sa

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1 déposition, à quel moment lui, tout du moins, a appris l'existence de ce

2 plan.

3 Il a déposé pour dire qu'avant la 3e réunion à l'hôtel Fontana, vers 10

4 heures du matin, il a rencontré le lieutenant-colonel Popovic, officier

5 responsable de la sécurité pour le Corps de la Drina; et il a aussi

6 rencontré le lieutenant-colonel Kosoric; ce n'est pas un officier

7 responsable de la sécurité. Mais il se fait qu'il est le beau-frère de

8 l'accusé.

9 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quand ?

10 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Le 12 juillet. Il leur a demandé ce

11 qu'il allait advenir de tous ces gens ? Je le cite. Compte rendu d'audience

12 1676.

13 "Q. Est-ce que des mots ont été échangés entre vous, Popovic et Kosoric

14 devant l'hôtel ?

15 Réponse de Nikolic :

16 "R. Oui, nous avons parlé. Et en réponse à la question que j'ai posée à

17 Popovic et à Kosoric pour savoir ce qu'il allait ensuite se passer, Popovic

18 m'a dit ce jour-là que les femmes et les enfants seraient évacués en

19 direction de Kladanj. Ce même jour, les hommes, les hommes en âges de

20 combattre allaient être séparés et ces hommes seraient placés en détention

21 temporaire après séparation. Lorsque je leur ai demandé ce qui se passerait

22 ensuite. Il m'a répondu que tous les balijas devaient être tués."

23 Nous avons ici un témoin oculaire que nous n'avions pas et que la Chambre

24 n'avait pas au moment du procès pour ce qui est de la première date pour ce

25 qui est de l'opération -- ici on ne fait pas de séparation entre le

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1 transport et le meurtre -- tout ceci s'intègre dans un seul et même plan.

2 Les femmes et les enfants seront évacués et les hommes seront tués.

3 Quel est l'incidence de tout ceci sur les conclusions de la Chambre surtout

4 en ce qui concerne l'intention génocidaire de M. Krstic, car c'est ça qui

5 compte. Je reprends ceci dans son contexte, Messieurs les Juges.

6 La veille, au soir, Krstic se trouve à la réunion à l'hôtel Fontana.

7 Nikolic, quant à lui, le lendemain matin, vers 8 heures, il voit Mladic,

8 Krstic, Popovic ainsi que Kosoric au QG de la Brigade de Bratunac. Nous

9 savons à ce moment-là, également, que Mladic, Krstic ainsi que Vasic se

10 rencontrent pour donner des missions. Nous le savons grâce à l'annexe 3 de

11 l'Accusation. Il est établi aussi par la Chambre que la VRS sait que la

12 colonne essaie de sortir de Srebrenica. Avant la réunion, Popovic et

13 Kosoric communique la nature du plan à Nikolic.

14 Aussitôt après, Mladic va à la dernière réunion à l'hôtel Fontana, la

15 quatrième, avec Krstic. Il dit aux représentants qui s'y trouvent qu'il

16 faudra sélectionner les hommes et lorsqu'il dit cela, vu l'élément de

17 preuve que je viens de vous présenter, ce n'est pas une opération de

18 sélection. Il s'est très bien que ça veut dire que c'est le début de

19 l'opération meurtrière.

20 Par la suite, le colonel Krstic qui se trouve aussi à la réunion commence à

21 organiser le transport par autocars. Plus tard, au cours de la journée,

22 Krstic se trouve présent pendant une heure et demie à Potocari. Il est au

23 courant de la séparation et des conditions effroyables qui prévalent à cet

24 endroit. Se trouve aussi à Potocari, Kosoric, Popovic et Nikolic. Je vous

25 renvoie au compte rendu d'audience 1694 et 95. Si Krstic ne connaissait pas

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1 la nature de ce plan, c'était sans doute le seul à ne pas le connaître vu

2 les circonstances. Il se trouve et il est vu avec tous les acteurs clés de

3 cette opération, le jour où il l'est rencontre. Il distribue des missions

4 et il se charge de l'organisation d'une partie de ce plan génocidaire qui

5 consiste à assurer le transport des femmes et des enfants, l'évacuation de

6 l'enclave.

7 Si vous accueillez cet élément de preuve et la seule conclusion qui

8 s'impose en plus des éléments que j'ai mentionnés, cela veut dire que la

9 participation du général Krstic, à partir de ce moment-là, et vu tout ce

10 qu'il fait à partir de ce moment-là pour permettre la poursuite et

11 l'exécution du plan, plan de transport et d'exécution, c'est quelque chose

12 qu'il connaît de façon consciente et délibérée et c'est donc en conformité

13 avec la participation criminelle, l'entreprise criminelle conjointe

14 génocidaire.

15 Après cette réunion à l'hôtel Fontana, après le plan eut été concocté, le

16 général Krstic reste un acteur clé pour ce qui est de l'organisation de

17 l'évacuation des femmes et des enfants musulmans de Bosnie. C'est lui en

18 personne qui organise une logistique compliquée qui permet

19 l'accomplissement de l'entreprise criminelle globale. De surcroît, le

20 général Krstic envoie délibérément et sciemment ces bus pour faire sortir

21 les femmes et les enfants de l'enclave. Ils sont détournés pour emmener les

22 hommes qui ont été séparés et capturés depuis les lieux de détention à

23 Bratunac, à partir des 12 et 13 juillet, le jugement 157 à 161.

24 C'est lui qui a la responsabilité de baliser cet itinéraire permettant de

25 sortir de l'enclave et il devait savoir que les hommes étaient sortis,

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1 étaient séparés à Tisca et étaient emmenés dans les lieux de détention. Je

2 vous renvoie, ici, aux paragraphes 368 et 369 du jugement en plus des

3 éléments de preuve supplémentaires. Et puis, ces bus organisés par Krstic

4 sont utilisés pour faire sortir les prisonniers de Zvornik et de Bratunac

5 en vue d'exécution massive, jugement 179 à 186. Ceci se passait le 13.

6 Autres conclusions précises, c'est que les bus organisés par Krstic ont été

7 détournés pour permettre de ramasser les hommes qui se trouvaient au centre

8 de rassemblement le long de la route de Konjevic Polje pour les emmener là

9 où ils ont été tués. Autres conclusions factuelles de la Chambre de

10 première instance, à propos du massacre de la ferme de Branjevo, M.

11 Erdemovic a reconnu les annotations ou les indices sur certains autocars et

12 la Chambre conclut que ces mêmes autocars avait été utilisés pour

13 transporter les femmes et les enfants et c'étaient les mêmes autocars qui

14 étaient utilisés pour emmener vers leur mort, ces hommes. Autant d'actes de

15 participation dans le cadre global consistant à tuer et à expulser.

16 L'évacuation par autocars des femmes et des enfants s'est terminée vers 20

17 heures, le 13 juillet, milieu de soirée. Moment capital de l'opération du

18 plan, jusqu'alors, les hommes, ils avaient été séparés à Potocari. Les

19 femmes et les enfants avaient été évacués. Il y avait eu une exécution

20 massive à l'entrepôt de Kravica. Que restait-il à faire ?

21 En l'occurrence, il fallait maintenant assassiner ce qui restait de ce

22 7 500 [sic] ou 8 000 [sic] puisque 500 hommes avaient été tués à Kravica.

23 Moment critique, donc, essentiel et crucial dans ce plan. Que se passe-t-il

24 à ce moment-là ? Le général Krstic est nommé commandant du Corps de la

25 Drina par le général Mladic. Ce n'est pas un processus passif. Il prend le

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1 commandement du Corps de la Drina. Comment le savons-nous ? C'est un témoin

2 oculaire, le témoin II qui est venu vous le dire. Il se trouvait à la

3 cérémonie qui s'est déroulé à Vlasenica, au QG de la Brigade entre 4 heures

4 et 6 heures de l'après-midi, moment où le général Mladic nomme le général

5 Krstic commandant du Corps de la Drina. Par la suite, le président

6 Karadzic, en tant que commandant en chef, décrète qu'il devient commandant.

7 Qu'est-ce que ceci nous dit ? La seule conclusion logique à tirer, c'est

8 que Mladic et Karadzic connaissaient le général Krstic, avaient confiance

9 en lui. Ils savaient que ce serait l'homme à même d'exécuter la tâche

10 assignée au Corps de la Drina. Quelles étaient la tâche ou les tâches ?

11 Opérations de combat, captures de prisonniers, assassinats de prisonniers

12 et attaque de Zepa. Il est nommé commandant, ce fait en lui-même est un

13 acte de participation à ce plan. Il accepte, il endosse la responsabilité

14 qui lui est confiée pour veiller à ce que lui et ses subordonnés au Corps

15 de la Drina exécute, fait toutes les tâches qui leur sont confiées par leur

16 commandement suprême.

17 Je me permets de vous renvoyer à des éléments de preuve supplémentaires

18 dont nous disposons. Annexe 7, annexes 11 et 14 s'agissant des moyens de

19 preuve en réplique de l'Accusation. A cet égard, de façon générale,

20 l'Accusation renvoie la Chambre à ses écritures que vous retrouvez dans

21 l'avis confidentiel et éléments de preuve en réplique et aussi les éléments

22 et arguments en conformité avec l'ordonnance portée au calendrier du 3

23 octobre 2003. Je vais évoquer uniquement certains points. Chacun de ces

24 trois documents évoqués est un rapport de combat émanant du général Krstic

25 et signé par ou pour lui, documents envoyés en sa qualité de commandant du

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1 Corps de la Drina à l'état major principal.

2 L'annexe 7, c'est le rapport le plus récent dans la ligne du temps où nous

3 avons la signature du général Krstic en tant que commandant du Corps de la

4 Drina. On le reçoit au centre de commandement à 19 heures 45, ce qui montre

5 qu'à ce moment-là, il était déjà commandant. Ceci cadre avec les

6 conclusions de la Chambre au paragraphe 331 du jugement. Annexe 11 et 14,

7 rapports émis les 16 et 18 respectivement. Dans les rapports du 16 et du

8 18, on montre -- on voit que le général Krstic a une connaissance

9 infaillible de tout ce que font ses subordonnés dans tout son secteur dont

10 Zepa, Srebrenica et Zvornik. Il prend aussi des décisions s'agissant de ce

11 qu'ils vont faire à l'avenir, et il dit, il communique ses décisions

12 futures à l'état major principal --

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Quelle est la date de ce rapport

14 mentionné à l'annexe 7 ?

15 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Le 13 juillet 1995, Monsieur le

16 Président.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci.

18 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Dans ces deux rapports, le général

19 Krstic décide que ses troupes vont coordonner leurs actions avec MUP en

20 opérant un blocus et en capturant les Musulmans de Bosnie qui s'enfuient de

21 l'enclave. Ce qui réfute, de manière directe, la thèse du conseil de la

22 Défense disant qu'en fait le MUP a agi complètement de son propre chef

23 pendant cette opération. Le général Krstic, ses propres documents émis en

24 sa qualité de commandant du Corps de la Drina, réfutent fermement ces

25 arguments.

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1 La chose importante au sujet de ces rapports est que la période d'exécution

2 principale de la Brigade de Zvornik s'étend du 14 au 17 juillet. Donc cela

3 nous montre, de manière incontestable -- irréfutable que le général Krstic

4 a exercé le rôle de commandant effectif et donc il a contrôlé effectivement

5 l'ensemble des unités du Corps de la Drina, dans la zone de responsabilité

6 du Corps de la Drina.

7 Et là, il ne s'agit pas d'une activité optionnelle. Lorsqu'on parle de

8 commandement, il s'agit d'une position de contrôle et de responsabilité. Le

9 général Krstic a été le commandant du Corps de la Drina et, par conséquent,

10 il était responsable, en application de la doctrine militaire, de tout ce

11 que faisaient ses unités subordonnées.

12 La Chambre a reconnu la nature stricte du contrôle exercé par le

13 commandant, paragraphe 268 du jugement, au cours du développement de son

14 argument où elle rejette totalement les différents arguments avancés par la

15 Défense au sujet de l'existence d'une chaîne de commandement parallèle. La

16 seule déduction qui peut être faite en application de ce principe et ce

17 conformément aux éléments de preuve additionnels et les moyens de preuve

18 auxquels se réfèrent la Chambre de première instance dans les paragraphes

19 que je vous ai déjà mentionnés. Et à partir du moment où le général Krstic

20 a pris -- a assumé le rôle de commandement du Corps de la Drina dans la

21 soirée du 13 juillet, ses forces, y compris les unités les plus

22 subordonnées, ont agi conformément à ses intentions et faisaient rapport à

23 lui. Lui, a agi conformément aux souhaits de ses supérieurs et ici le

24 général Mladic, le commandant de la VRS, et en dernière instance, le

25 président Karadzic, qui était le commandant suprême.

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1 La participation du général Krstic ne s'arrête pas ici, Monsieur le

2 Président, Messieurs les Juges. Le témoin II a fait valoir que le général

3 Krstic est allé -- s'est rendu à Konjevic Polje et qu'il était sur la route

4 de Konjevic Polje le 13 juillet. Le même soir, le général Krstic a eu une

5 conversation avec Borovcanin, le commandant du MUP. Les éléments de preuve

6 supplémentaires que nous avons nous permettent de savoir que Borovcanin a

7 accepté -- a admis devant Deronjic que ses hommes ont été les auteurs de

8 l'exécution -- à l'entrepôt de Kravica. Et je vous réfère à la déposition

9 de Deronjic, 124 dans le transcript, corroborée par la déposition

10 d'Obrenovic, pages 2527 jusqu'à 2529. A 20 heures 40 ce soir, Borovcanin

11 fait un rapport à Krstic. Au jugement, au paragraphe 376, alors il dit :

12 "Krstic : Allô, c'est Krstic.

13 "Borovcanin : Allô. C'est Borovcanin. Général, comment allez-vous ?

14 "Krstic : Très bien, enfoirés.

15 "Borovcanin : Je suis ici au poste de commandement.

16 "Krstic : Comment cela se passe-t-il ?

17 "Borovcanin : Ça va bien.

18 "Krstic : Ne me dites pas que vous avez des problèmes.

19 "Borovcanin : Je n'en ai pas, je n'en ai pas."

20 Borovcanin et ses troupes ont commis l'exécution de masse, le jour en

21 question et il faisait son rapport à Krstic et lui dit que tout se passe

22 bien. Nous avons des éléments de preuve supplémentaires qui nous montrent

23 qu'il savait et qu'il était d'accord avec l'opération d'exécution, et qu'il

24 a en plus surveillé, contrôlé, les forces du MUP qui se trouvaient

25 déployées sur la route. Et ceci contredit, encore une fois de manière

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1 directe, les arguments qui ont été avancés par la Défense.

2 Passons maintenant à la participation politique : Je tiens simplement à

3 dire qu'il est vrai que le général Krstic a été, en effet, le commandant de

4 l'opération de Zepa à ce moment-là. Mais la Chambre de première instance a

5 constaté qu'il se déplaçait constamment sur la distance de 34 kilomètres

6 entre le poste de commandement avancé du Corps de la Drina de Vlasenica et

7 l'opération de Zepa et qu'il était en communication avec l'ensemble des

8 officiers dans ses zones de responsabilité.

9 Alors, lorsque Krstic a été -- était actif dans l'opération Zepa, l'un des

10 commandants principaux avec lui était le commandant de la Brigade de

11 Zvornik, Vinko Pandurevic. Vinko Pandurevic n'était pas là de son propre

12 chef mais avec les unités de la Brigade de Zvornik qui participaient avec

13 le général Krstic à l'opération de Zepa. Et la Chambre de première instance

14 a conclu que Pandurevic a reçu l'ordre de revenir à Zvornik. La question,

15 bien sûr, était de savoir pourquoi. Et on a constaté que Pandurevic a reçu

16 l'ordre de revenir dans sa zone de responsabilité --

17 M. LE JUGE MERON : [aucune interprétation]

18 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] -- le 14 juillet 1995. A la lumière

19 des problèmes doubles des combattants musulmans et des prisonniers

20 musulmans, ils ont constaté que le général Krstic lui a donné l'ordre de

21 revenir. Et ceci est un élément de plus qui prouve sa participation directe

22 à l'entreprise criminelle commune. Le général Krstic savait que la Brigade

23 de Zvornik rencontrait des problèmes, eu égard à des combats et des

24 assassinats. Et quelle a été sa réaction ? Il a envoyé le commandant de la

25 Brigade de Zvornik et ses unités à Zvornik, donc au retour, pour qu'ils

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1 reviennent à Zvornik. Et Pandurevic a entrepris des activités de combat.

2 Mais afin de faciliter la mission de la Brigade de Zvornik, à ce moment-là,

3 la conclusion à cet égard de la Chambre de première instance figure aux

4 paragraphes 399 et 474.

5 Et la Chambre de première instance arrive non seulement à cette conclusion,

6 mais de surcroît, elle constate qu'une fois que Pandurevic était de retour

7 dans la zone de responsabilité de la Brigade de Zvornik, il fait rapport au

8 général Krstic au sujet de l'ensemble des choses qui se passent dans cette

9 zone de responsabilité. Cela comprend l'assassinat des milliers d'hommes

10 entre le 14 et le 17 et aussi à la conduite des opérations de combat. En

11 particulier, je vous réfère à un document très important sur lequel s'est

12 appuyée la Chambre de première instance, à savoir le rapport de combat du

13 16 juillet dont l'auteur est Pandurevic, et qu'il envoie au commandement du

14 Corps de la Drina, où il se réfère expressément à la contrainte que

15 constitue les tâches qu'il doit conduire en même temps, à savoir de mener

16 des combats et de s'occuper des prisonniers.

17 La pièce suivante, qui prouve la participation directe, et bien, c'est la

18 conversation interceptée avec Beara, du 15 juillet. Alors, la Défense a

19 avancé deux arguments, si j'ai bien compris. La première concerne cette

20 conversation interceptée, et l'une des hypothèses concerne ce que

21 l'intercepte nous permet de savoir au sujet de ce que le général Krstic

22 savait et quelles étaient ses intentions, et Me Sepenuk en a parlées.

23 L'autre argument était de savoir si oui ou non il y a eu des suites après

24 cette conversation interceptée et c'est là que Petrusic qui en a parlé.

25 Alors je souhaite aborder uniquement la question de ses connaissances et de

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1 l'intention. Et je parlerai plus tard de la question des résultats ou des

2 conséquences que cette conversation interceptée a eues.

3 Alors si je peux vous référer à l'interception dans le jugement, vous

4 trouverez cela au paragraphe 380. Je vais peut-être faire d'abord avancer

5 quelques arguments et par la suite, j'utiliserai un schéma, un graphe pour

6 que cela m'aide dans l'exposé oral.

7 Alors tout d'abord il est intéressant de savoir, au sujet de cette

8 interception, que le général Krstic a nié avoir jamais eu une conversation

9 et qu'il a nié pendant le procès. Et on peut trouver cela au paragraphe 585

10 du jugement. En fait il a dit qu'il n'a jamais eu aucune conversation avec

11 le colonel Beara entre le 13 et le 17 juillet. Cependant, il semblerait

12 qu'à présent la Défense affirme qu'il y a eu une conversation mais que

13 l'interprétation, qui a été faite par la Chambre de première instance,

14 n'est pas exacte. L'Accusation affirme que cette interprétation est très

15 certainement exacte, en particulier en ce qui concerne la question de

16 l'intention et du fait d'être au courant.

17 Il n'est pas contesté que dans cette conversation Beara demande des moyens

18 à Krstic pour tuer 3 500 prisonniers. Et quelle est la réponse de Krstic ?

19 Tout simplement ce qu'il répond c'est je vais voir ce que je peux faire,

20 mais il ne le dit pas une seule fois, il le dit trois fois, "Je vais voir

21 ce que je peux faire, je vais voir ce que je peux faire, je vais voir ce

22 que je peux faire." Donc, il sait qu'une opération est en cours, une

23 opération d'assassinat et il propose son aide, son assistance.

24 Et bien pour vous le présenter de manière plus claire, je vous propose de

25 vous référer à ce schéma. Je l'ai fourni ce matin aux juristes et également

Page 413

1 à la Défense et je voulais simplement m'appuyer là-dessus pendant mon

2 exposé oral. Il s'agit simplement d'un organigramme qui nous présente la

3 structure du Corps de la Drina comme l'a constaté la Chambre de première

4 instance.

5 Excusez-moi, c'est le premier organigramme, si je comprends bien, mon

6 confrère souhaite prendre la parole.

7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'aimerais savoir ce qu'en pense la

8 Défense ? Quelles sont vos réactions ?

9 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

10 il n'est pas habituel que pendant la procédure en appel, on présente ce

11 genre d'objection, et en particulier lorsqu'il s'agit de présenter des

12 éléments de preuve ou des pièces à conviction, mais mon éminente collègue

13 se réfère à une conversation interceptée qui a été consignée, qui a été

14 versée au dossier en tant que pièce à conviction en première instance. Et

15 ceci étant dit à l'examen de cet organigramme que nous avons reçu ce matin,

16 et bien je considère que ce que l'on nous présente c'est un moyen de preuve

17 nouveau, c'est une pièce nouvelle. L'Accusation, je suppose, souhaite nous

18 présenter les participants à cette conversation, mais les interlocuteurs

19 sont présentés dans la pièce à conviction de l'Accusation. Donc, pour ce

20 qui est de la conversation, qui a eu lieu le 15 juillet, entre le général

21 Krstic et le colonel Beara, ce sont les seuls participants directs à cette

22 conversation, en d'autres termes, les deux interlocuteurs qui se parlent

23 par téléphone. Je considère donc que ce schéma, quelque que soit la forme

24 sous laquelle il est proposé au versement ou bien peut-être n'est-il pas du

25 tout proposé au versement, l'Accusation souhaite simplement le consulter,

Page 414

1 mais je pense qu'il s'agit d'une pièce qui n'est pas pertinente et qu'elle

2 n'apporte rien à l'interprétation de la conversation interceptée.

3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Maître Petrusic, je requiers l'avis de

4 mes collègues et nous trancherons immédiatement.

5 [La Chambre d'appel se concerte]

6 M. LE JUGE MERON : [interprétation] J'essaie de demander à l'Accusation

7 s'ils ont vraiment besoin de cet organigramme. Ce n'est peut-être pas

8 possible de poursuivre avec l'exposé de vos arguments sans vous aider de

9 ces pièces.

10 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Bien entendu, je me rendrai à la

11 décision de la Chambre, mais il est peut-être plus difficile d'apercevoir

12 les choses sur l'organigramme qui figure dans le jugement parce que c'est

13 trop petit.

14 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie d'accepter notre

15 décision. Nous voudrions être tout à fait justes à l'égard de la Défense.

16 Et je vous prie d'éviter de vous servir de cela.

17 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Veuillez poursuivre, et je vous

19 remercie d'avoir fait preuve de coopération sur ce point.

20 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Je souhaite tout simplement dire quels

21 sont les noms qui figurent dans cette conversation interceptée. Alors la

22 première personne qui est mentionnée, c'est Furtula. Il est mentionné comme

23 "général."

24 Alors qui est Furtula, il est le commandant de la 5e Brigade d'infanterie

25 légère. Et il s'agit d'une unité subordonnée au général Krstic.

Page 415

1 Alors il s'agit de "30 hommes dont il a besoin."

2 Comme on lui a donné l'ordre et Krstic lui dit :

3 "Prend-les à Nastic ou à Blagojevic."

4 Et le lieutenant-colonel Milomir Nastic et bien est le commandant de la 1ere

5 Brigade d'infanterie légère de Milici, et également un subordonné du

6 général Krstic. Et Blagojevic lui, il est le commandant de la Brigade

7 Bratunac. Encore une fois, il est un subordonné de général Krstic, et dans

8 la poursuite de la conversation Krstic dit :

9 "Encore une fois, vois avec Nastic. Vois avec Blagojevic."Donc vérifie

10 avec mes commandants subordonnés pour avoir ces hommes. Et puis il dit :

11 "Vois avec Blagojevic et prend ces Bérets rouges."

12 Les Bérets rouges, c'est une unité de la Brigade de Bratunac. Encore une

13 fois il s'agit des subordonnés du général Krstic. Et Krstic dit :

14 "Par la suite, le MUP -- prend donc ces gars du MUP. Donc, c'est le

15 ministère de l'Intérieur, prend-les là-haut."

16 Beara répond :

17 "Non, ils ne feront rien, je leur ai parlé, il n'y a pas d'autres solutions

18 que ces 15 à 30 hommes avec Indic."

19 Alors Beara dit que le MUP ne fera pas les exécutions. Alors il laisse

20 entendre qu'il n'y a pas d'autre solution que ces 15 à 30 hommes avec

21 Indic. Qui est Indic ? Indic est un subordonné du commandant Furtula que je

22 viens de mentionner. Et ces deux hommes sont tous les deux subordonnés au

23 général Krstic à ce moment-là.

24 Puis le général Krstic dit :

25 "Ljubo, comprends-moi. Vous m'avez vraiment foutu dans la merde."

Page 416

1 Et la Défense avance qu'il a quelque réticence à accepter -- que cela

2 montre qu'il n'a vraiment pas envie d'aider dans cette opération

3 meurtrière. Et je voudrais vous référer au paragraphe 382, où la Chambre de

4 première instance en parle :

5 "La réticence initiale de Krstic à fournir des hommes au colonel Beara

6 concorde avec le fait, qu'à ce moment-là, les unités de la Brigade de

7 Zvornik avaient été retirées de Zepa et renvoyées dans leur secteur de

8 responsabilité."

9 La raison pour laquelle il y a une sorte de réticence, c'est parce que le

10 général Krstic a déjà déployé des hommes ailleurs qu'à Zepa. Donc, il les a

11 fait renvoyé à Zvornik afin de répondre à des exigences et à compenser ceux

12 qui ont été tués au combat. Parce qu'il a des combats à mener en même

13 temps. Donc il a les deux tâches en même temps. Donc il ne dit pas non. Il

14 dit : "Je verrai ce que je peux faire. Je vais voir ce que je peux faire.

15 Je vais voir ce que je peux faire." Et il réfère à Beara. Donc tous ceux

16 qui sont impliqués ici, sont ses subordonnés. Donc il dit : "Prends les

17 assassins à mes subordonnés." Et c'est ça qui se passe ici.

18 Il laisse de côté la question qui est de savoir si qui que ce soit est déjà

19 arrivé, est effectivement arrivé. Ça c'est une connaissance incontestable

20 et une preuve irréfutable du fait que le général Krstic savait que

21 l'opération d'assassinat ou d'exécution était en cours et qu'il est un

22 participant de son plein gré à cette opération. Et c'est l'une des pièces

23 les plus décisives de -- les preuves les plus décisives montrant son

24 intention génocidaire. Il essaie d'apporter son aide à cette action.

25 Et le dernier point auquel je voudrais venir, c'est la raison pour laquelle

Page 417

1 Beara doit s'adresser au général Krstic. L'état major est un noyau

2 organisationnel. Il a deux seules unités opérationnelles; le deuxième

3 détachement de sabotage et le 5 ou 6e Régiment de protection. Il n'a pas

4 d'effectifs, il n'a pas d'hommes. C'est la raison pour laquelle Beara est

5 contraint à aller chercher des hommes afin de conduire ces opérations

6 d'exécution, de les chercher auprès du Corps de la Drina et du MUP. Et là

7 le MUP ne veut pas le faire.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Pouvez-vous l'expliquer ?

9 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Et je pense que cela ressort de la

10 conversation interceptée. Il dit à Ljubo : "J'ai demandé au MUP, mais ils

11 ne veulent pas le faire."

12 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Mais pour quelle raison ?

13 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Je ne le sais pas. Je ne peux que

14 spéculer au sujet de la raison pour laquelle MUP ne souhaite pas le faire.

15 Mais le colonel Beara et le MUP ne veulent pas conduire cette opération.

16 Donc je ne peux pas vous en dire plus.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

18 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Donc il s'agit du 15 juillet. Et ce

19 que nous savons, grâce aux éléments de preuve supplémentaires, présentés

20 par la Défense, est que Vasic et Borovcanin -- qu'il y a au fond deux

21 unités du MUP qui agissent et qui sont actifs dans l'opération de Zepa.

22 L'une d'elle est Borovcanin, que j'ai déjà mentionnée, et l'autre est

23 Vasic. Alors Vasic c'est la personne qui envoie des rapports au MUP. Et

24 c'est là qu'on constitue les éléments de preuve additionnels de la Défense.

25 Et bien dans ces rapports Vasic parle des difficultés qu'il rencontre, de

Page 418

1 l'obligation qu'ils ont à capturer des hommes sur la route, et qu'ils ont

2 des difficultés à conduire cela à bien. Donc il peut y avoir une

3 explication à savoir, eux non plus n'ont pas suffisamment d'hommes.

4 Et une chose est tout à fait claire, pour ce qui est des effectifs dans la

5 région, c'est le Corps de la Drina qui dispose de milliers de soldats. Et

6 pour autant que nous le sachions, les forces du MUP constituent deux

7 groupes. Il y a Borovcanin et Vasic. Il y a seulement deux groupes qui sont

8 accessibles ou disponibles pour l'état major. Et c'est la raison pour

9 laquelle je pense la Chambre de première instance arrive à la conclusion à

10 laquelle elle est arrivée sur ce point-là. Un instant je vais trouver cela.

11 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

12 Mme KARAGIANNAKIS : [interprétation] Pendant la pause, je me propose

13 d'identifier cela ou je demanderai à mes collègues d'essayer de retrouver

14 la référence.

15 Donc pour le moment je souhaite poursuivre. Mais dans le jugement de la

16 Chambre de première instance, il y a donc une constatation au sujet du fait

17 que le Corps de la Drina était indispensable pour que cette opération soit

18 menée à bien, et en donnant les raisons que je viens d'évoquer.

19 Et pour arriver peut-être à la dernière pièce à conviction, peut-être le

20 dernier moyen de preuve, et peut-être le plus convaincant au sujet du fait

21 que le général Krstic a exercé son commandement eu égard aux exécutions, et

22 bien, le général Krstic a affirmé pendant le procès que le colonel Popovic

23 a été l'un des officiers de sécurité clé dans -- qui a joué un rôle clé,

24 et qui a surveillé l'opération d'exécution. Et il a laissé entendre que

25 Popovic a agi dans le cadre d'une chaîne de commandement parallèle. Les

Page 419

1 éléments de preuve qui ont été présentés pendant le procès, et les

2 conclusions de la Chambre de première instance, réfutent de manière plutôt

3 solide cette position, et le même vaut pour les éléments de preuve

4 supplémentaires auxquels je viendrai plus tard pendant mon exposé. La

5 Chambre de première instance cependant, consiste que Popovic, au sujet

6 duquel Krstic dit lui-même qu'il a joué un rôle décisif dans l'organisation

7 et le suivi de l'opération de l'exécution qui lui, effectivement, fait

8 rapport à Krstic. Et il constate que ceci est une preuve du fait que le

9 général Krstic a surveillé, a contrôlé ses subordonnés pendant l'opération

10 d'assassinat. Et je vous réfère aux paragraphes 400 à 404.

11 Alors il y a une des conversations interceptées sur lesquelles on s'est

12 appuyé. Et il s'agit de l'interception du 16 juillet. Alors je souhaite

13 vous dire pour quelle raison les moyens de preuve supplémentaire appuient

14 cette conclusion, mais n'ont aucun impact sur elle, du tout. Popovic a fait

15 un rapport à Krstic. Je voudrais simplement me référer à une dernière

16 conversation interceptée. Un instant. Il s'agit du paragraphe 403 du

17 jugement. Et au début il est dit :

18 "D'autres interceptions du 17 juillet 1995 viennent étayer la conclusion

19 selon laquelle le colonel Popovic faisait rapport au commandement du Corps

20 de la Drina, et notamment au général Krstic à propos des exécutions. A 12

21 heures 42 ce jour-là, Zlatar 01, c'est le code associé au chef du Corps de

22 la Drina soit le général Krstic a appelé le commandant Golic. Le commandant

23 Golic utilise le terme général. Le général Golic de la section de

24 renseignements du Corps de la Drina. Il a demandé de parler au colonel

25 Popovic. Le commandant Golic qui s'adressait à Zlatar 01. En utilisant le

Page 420

1 terme général, a répondu que Popovic était encore à Zvornik, mais qu'il

2 serait de retour dans l'après-midi. Quelques heures plus tard, on entend le

3 colonel Popovic déclarer dans une conversation interceptée :

4 "Allo ici Popovic, chef. Tout va bien. Ce travail est terminé. Tout va

5 bien. Tout a été mené à bonne fin. Pas de problème. Je suis à l'endroit. Je

6 suis ici à l'endroit où j'étais avant, vous savez. Je suis dans ma base,

7 dans ma base. En gros tout ça, c'est 20 sur 20, c'est 20 sur 20. La note

8 c'est 20 sur 20. Tout est O.K."

9 La Chambre de première instance affirme bien que :

10 "Le général Krstic n'a pas été expressément identifié dans cette

11 conversation sachant que les exécutions venaient juste d'avoir lieu, et

12 compte tenu de la conversation précédente où Krstic a un rapport du colonel

13 Popovic ainsi que le terme "chef" employé par ce dernier, il y a de très

14 fortes raisons de penser qu'il s'agit là d'une conversation avec le colonel

15 Popovic fait rapport au général Krstic de l'achèvement des exécutions."

16 Et non seulement cela, il s'agit d'un travail qui reçoit la note 20 sur 20

17 et disons que le Corps de la Drina a tout fait pour mener à bien les

18 exécutions.

19 Il y a un certain nombre d'autres pièces d'éléments de preuve auxquelles se

20 réfère la Chambre de première instance dans son jugement et qui concerne

21 directement la participation du général Krstic. Les éléments qui

22 corroborent au paragraphe -- qui figurent au paragraphe 406 à 412, disant

23 qu'il est entré en contact des protagonistes clés de l'opération

24 d'exécution. Il s'agit là de Beara, de Popovic, du général Krstic, du

25 colonel Pandurevic, commandant de la Brigade de Zvornik. Et non seulement

Page 421

1 il n'y avait pas de chaîne de commandement parallèle mais le général Krstic

2 a été au cœur de l'opération. Il a communiqué avec tous les protagonistes

3 clés qui ont pris part à cette opération d'exécution. Le général Mladic,

4 son collègue le général Beara, ses subordonnés le colonel Popovic et le

5 colonel Pandurevic.

6 La seule conclusion qu'on peut en déduire, c'est que le général Krstic a

7 participé au plan d'exécution et de meurtre et ceci dès le début. Et tout

8 le long de cette opération, il a suivi la participation de ses hommes. Ceci

9 est détaillé dans les conclusions de la Chambre de première instance, mon

10 confrère en a parlé lorsqu'il a évoqué la participation du Corps de la

11 Drina dans cette exécution. C'est sur la base de ces éléments de preuve que

12 le Chambre de première instance a prononcé une déclaration de culpabilité

13 pour génocide et ces conclusions sont frappées au coin du bon sens surtout

14 si l'on prend en compte les éléments de preuve supplémentaires présentés

15 par l'Accusation.

16 Les actes parlent plus forts que les mots mais il y a également d'autres

17 éléments qui nous indiquent que le général Krstic était animé de

18 l'intention requise, l'intention génocidaire requise. Le général Krstic

19 était à côté du général Mladic, le 11 juillet, lorsqu'ils ont pris

20 Srebrenica et que Mladic a dit "qu'il allait se venger des Turcs." A

21 l'hôtel Fontana, il était assis à droite de Mladic et quand Mladic a menacé

22 les Musulmans de les faire disparaître, le général Krstic lui-même a

23 utilisé des termes injurieux pour désigner les Musulmans. Le 17 juillet, il

24 a demandé au capitaine Trivic s'il avait tué les Turcs là-haut. Cette

25 écoute fait référence à des combats, je ne vais donc pas insister. Je

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1 souhaite simplement vous la soumettre pour mettre en évidence l'attitude

2 raciste du général Krstic envers les Musulmans de Bosnie.

3 En novembre 1995 je signale que la conversation interceptée avec le

4 capitaine Trivic était la pièce 650 et 651 du dossier de première instance.

5 En novembre 1995, il donne un entretien au magazine Drinski, le magazine

6 officiel du Corps de la Drina. Il fait référence aux Musulmans, en les

7 traitant de balijas, un terme dont on sait qu'il est particulièrement

8 insultant pour désigner les Musulmans. Pièce 744 et compte rendu

9 d'audience, page 6514 de la déposition de Krstic au procès.

10 Non seulement Mladic -- Karadzic dit qu'il faut tous les tuer mais Mladic

11 utilise des termes particulièrement insultants envers les Musulmans, il

12 parle de Turcs notamment. Le dossier montre que les subordonnés du général

13 Krstic ont utilisé ces termes. En plus de commettre les crimes odieux que

14 nous savons, on utilise les termes de Turcs et d'autres termes. Et ceci se

15 retrouve constamment dans les conversations interceptées ainsi que dans les

16 documents officiels produits par l'armée.

17 Il y a une écoute qui est particulièrement frappante au sujet des

18 prisonniers musulmans du 13 juillet 1995. L'un des intervenants les désigne

19 sous le terme de "Turc" et l'autre dit : "On les emmerde, ce ne sont même

20 pas des êtres humains." Pièce 513 du dossier et comme je l'ai dit ce qui

21 ont exécuté ces victimes n'ont cessé d'utiliser le terme de "balijas" pour

22 les désigner ainsi que le terme de "Turcs."

23 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous rappelle qu'il vous reste 15

24 minutes.

25 M. KARAGIANNAKIS : [interprétation] Quinze minutes. J'allais parler de

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1 l'impact sur les victimes de ce qui s'est produit mais finalement je vais

2 me limiter à deux remarques.

3 Les éléments de preuve présentés lors du procès nous montrent que, ceux qui

4 ont survécu au sein de la population musulmane, ont moins d'enfants, le

5 taux de natalité est moindre au sein de cette population que précédemment.

6 A la page 5784 et 5786 du compte rendu d'audience, on trouvera la trace.

7 C'est tout ce que je dirai à ce sujet. Ceci bien entendu a trait à la

8 "reproduction biologique" de la population, un concept qui a été évoqué

9 dans nos débats.

10 En conclusion je dirais que, pour ce qui est de l'intention génocidaire du

11 général Krstic, avec les éléments de preuve qui ont été présentés pendant

12 le procès, avec le dossier du procès avec les éléments de preuve

13 supplémentaires, il est indéniable que le général Krstic a été

14 indispensable dans le cadre de ce plan, et qu'il a choisi d'y participer.

15 L'état major principal au paragraphe 101 nous dit :

16 "L'état major principal était une cellule de Crise d'organisation sans

17 effectif, à l'exception de deux unités."

18 Ils ont dû faire appel au Corps de la Drina dans la zone de responsabilité

19 où les crimes ont été commis. Ils l'ont fait grâce au général Krstic. Il a

20 supervisé cette opération, il y a participé, il a donné son appui à ce

21 plan, il était -- il a participé dès le début si bien que ses agissements

22 concernant le déplacement de la population musulmane s'inscrit aussi dans

23 sa participation à l'entreprise criminelle commune.

24 Krstic, à partir du 13 juillet, était à la tête du Corps de la Drina, à

25 partir du moment où on a commencé à évacuer les Musulmans. On lui a demandé

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1 d'apporter son aide le 15 juillet. Même à ce moment-là il aurait pu sauver

2 un grand nombre de personnes en empêchant à ses hommes de participer aux

3 opérations de participer aux tueries, mais au lieu de cela il a accepté de

4 participer et ensuite ses hommes ont été utilisés pour tuer un grand nombre

5 de victimes, et il le savait pertinemment.

6 J'en ai terminé de la présentation de mes arguments au sujet des éléments

7 de preuve actuels qui démontrent l'intention génocidaire de l'appelant. Il

8 me reste encore 12 minutes. Je voudrais maintenant revenir à ce qui a été

9 dit au sujet du MUP, et le fait que le MUP et le Corps de la Drina

10 agissaient main dans la main.

11 Les seuls éléments qui nous permettent de dire que le MUP conduisait des

12 exécutions sont les éléments supplémentaires qui montrent que les hommes de

13 Borovcanin étaient impliqués à ce qui s'est passé -- dans ce qui s'est

14 passé dans l'entrepôt de Kravica. On trouve dans le dossier que rien ne

15 permet de dire que le MUP ait participé à d'autres exécutions. Je ne dis

16 pas que ça n'a pas été le cas, je dis qu'il n'y a rien dans le dossier qui

17 l'indique. D'après ce que je sais, les enquêtes se poursuivent à ce sujet.

18 Maintenant je vais passer rapidement à la question de la ferme de Branjevo.

19 Comme je l'ai dit précédemment, la conversation du 16 juillet, fait

20 référence par Me Petrusic, a été utilisé pour démontrer deux choses.

21 Premièrement, que le colonel Popovic faisait rapport au général Krstic ou

22 dépendait de lui. Je souhaiterais vous renvoyer aux éléments de preuve

23 supplémentaires, présentés par Obrenovic et Butler, qui s'accordent pour

24 dire que, dans cette écoute, les éléments qui ont été utilisés par la

25 Chambre de première instance, à l'appui de ses conclusions, restent

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1 intacts. Au contraire, ils sont confortés, ils sont renforcés ces éléments.

2 Est-ce que la Brigade de Bratunac a participé ? Est-ce que l'écoute peut le

3 confirmer ? Et bien, on voit dans cette écoute que ces hommes sont arrivés

4 parce que le général Krstic a promis de fournir des hommes. Notre thèse est

5 la suivante : A partir des déclarations de Butler et d'Obrenovic, il semble

6 que l'on puisse adopter une autre interprétation raisonnable de cette

7 écoute. C'est-à-dire que l'arrivée -- on fait référence à l'arrivée

8 d'hommes tardivement -- à l'arrivée de troupes tardivement. Il est possible

9 qu'on ne parle pas à cette occasion d'hommes qui viennent de la zone de

10 responsabilité de Zvornik. En bref, il ne s'agit pas de l'élément essentiel

11 sur lequel se soit appuyé la Chambre de première instance pour conclure que

12 la Brigade de Bratunac avait participé à ces incidents.

13 La Chambre de première instance s'est appuyée sur ce qu'avait dit Erdemovic

14 dans sa déposition. Erdemovic avait déclaré que des soldats étaient venus

15 de Bratunac. Ils étaient vêtus de l'uniforme de la VRS. Que ces hommes

16 aient été, oui ou non, membres de la Brigade de Bratunac, finalement

17 d'après nous, ce n'est pas très important. Nous estimons que si on prend

18 les éléments présentés par Erdemovic sur ce qu'ils valent, sans faire des

19 suppositions, on peut simplement dire que des hommes sont venus de

20 Bratunac. Des soldats sont venus de Bratunac, quels qu'ils soient, et c'est

21 ce qu'on peut voir également quand on analyse cette conversation

22 interceptée.

23 Erdemovic dit que les hommes qui sont venus de Bratunac -- les hommes qui

24 sont venus étaient de Bratunac, qu'ils portaient des uniformes, ce

25 n'étaient pas des membres de formations paramilitaires, ce n'étaient pas

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1 des mercenaires, c'étaient des hommes de la VRS.

2 Beara parle du MUP, il dit que le MUP n'est pas venu. Donc ces hommes ne

3 venaient pas du MUP. Il y avait deux unités, le 10e Détachement de

4 sabotage, la 65e Régiment de protection, qui était à la disposition de

5 l'état major principal. Rien n'indique que ces troupes soient intervenues.

6 D'abord si cela avait été le 65e Régiment de protection, à ce moment-là, on

7 n'aurait pas demandé son avis au général Krstic parce que cette unité ne

8 lui était pas subordonnée, c'était une unité qui était subordonnée à l'état

9 major principal.

10 Ces hommes, ces tueurs, ils ne sont pas arrivés dans la zone de

11 responsabilité de la Brigade de Zvornik, par coïncidence, ils n'ont pas

12 commis ces exécutions par hasard. Il s'agissait des soldats de la VRS qui

13 avaient été envoyés là-bas dans un objectif précis. Et les éléments de

14 preuve présentés au procès nous montrent que le général Krstic a offert son

15 aide suite à la demande de Beara. Et la seule conclusion qu'on peut en

16 tirer, c'est que les soldats auxquels il fait référence, auxquels Erdemovic

17 a fait référence ce sont les hommes qui ont été envoyés par le général

18 Krstic. Et en conséquence l'élément supplémentaire de participation, qui

19 est mis en évidence par cette écoute, reste valable. Si bien que les

20 conclusions de la Chambre de première instance, au sujet de l'écoute du 15

21 juillet, et de la fourniture de personnels, d'hommes, de troupes, cette

22 conclusion ne saurait être remise en question.

23 Voilà, j'en ai terminé de la présentation de mes arguments, Monsieur le

24 Président, Messieurs les Juges.

25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Je regarde notre ordre du jour,

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1 qui est un petit peu bouleversé ou qui risque d'être plutôt bouleversé ou

2 en tout cas qui dépendra des questions éventuelles que mes confrères auront

3 à poser.

4 [La Chambre d'appel se concerte]

5 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Si, il y a des questions, il ne serait

6 que juste que nous ayons une pause pour les interprètes, et c'est cette

7 option que nous allons adopter puisque nous allons faire une pause de 30

8 minutes.

9 --- L'audience est suspendue à 15 heures 45.

10 --- L'audience est reprise à 16 heures 19.

11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Avant de donner la parole à la Défense

12 pour sa réplique, je vais inviter les Juges de la Chambre à poser des

13 questions, s'ils le souhaitent.

14 Nous allons commencer par M. le Juge Pocar, vice-président du Tribunal.

15 Questions de la Cour :

16 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je

17 souhaiterais remercier l'Accusation qui nous a permis de faire la lumière

18 sur certains des éléments de cette procédure d'appel. De même, je remercie

19 la Défense dans le même sens.

20 Je me tourne vers l'Accusation. Je souhaiterais bénéficier de ces lumières

21 encore une fois afin d'être sûr de la position de l'Accusation sur un

22 certain nombre d'éléments qui ont trait à la notion de génocide telle qu'il

23 la défende.

24 Monsieur Farrell, si j'ai bien compris, vous nous dites que, dans le cadre

25 de l'Article 4 du statut du TPIY, ou de l'Article 2 de la convention sur le

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1 génocide, une partie d'un groupe -- ou une partie importante, substantielle

2 d'un groupe doit être considérée, de manière indépendante, sans la comparer

3 à la totalité du groupe, sans se poser des questions sur la

4 proportionnalité, le rapport de cette partie du groupe et la totalité du

5 groupe. Est-ce que j'ai bien entendu votre argument ?

6 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

7 M. LE JUGE POCAR : [interprétation] Dans ces conditions, est-ce que cela

8 signifie que vous affirmez que, dans le cas d'espèce, il ne convient pas de

9 considérer que la cible -- la population ciblée, c'était la population

10 musulmane de Srebrenica ou la population musulmane de la Bosnie dans son

11 ensemble, à condition que le nombre de personnes tuées est tel qu'on puisse

12 estimer qu'il représente une partie importante et substantielle de la

13 population musulmane de la région ?

14 M. FARRELL : [interprétation] Oui, c'est exact. Dans ces conditions, c'est

15 la question à laquelle je voulais venir. Dans ces conditions, dois-je en

16 déduire que vous affirmez que le meurtre de 7 700 hommes musulmans en âge

17 de porter des armes ou la tentative de meurtre de plusieurs -- de 15 000

18 personnes constitue un acte de génocide parce que ce meurtre, en tant que

19 tel, a touché une partie substantielle de la population musulmane ou, bien,

20 est-ce qu'au contraire ou alternativement, vous affirmez que ce meurtre

21 constitue un acte de génocide parce qu'il a eu l'effet d'entraîner la

22 disparition physique de la totalité du groupe représenté par la population

23 musulmane de Srebrenica ? J'ai l'impression qu'en fait, vous jouez sur les

24 deux tableaux, mais je me trompe peut-être. C'est pourquoi je vous serais

25 reconnaissant de nous préciser la chose. Est-ce que vous maintenez ces deux

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1 arguments ou, bien, est-ce que vous choissez l'un par rapport à l'autre ?

2 Et si c'est le cas, si vous maintenez ces deux arguments, est-ce qu'il n'y

3 aurait pas là une contradiction, quant à la définition de la partie d'un

4 groupe, quand on se penche sur la question d'un acte génocidaire ? Ou,

5 bien, est-ce que vous prenez que ces deux propositions peuvent être

6 valables, dans un cas ou dans un autre, puis qu'elles viennent à l'appuie

7 de la thèse de l'Accusation ? Merci de bien vouloir préciser cette

8 question.

9 M. FARRELL : [interprétation] Merci. Vous avez raison. Ce sont -- ces deux

10 propositions ont été présentées par nous.

11 J'ai essayé de vous expliquer que, dans le cadre du jugement, nous estimons

12 que le meurtre des hommes, entraîne l'annihilation -- la destruction des

13 Musulmans de Srebrenica. La Défense, quant à elle, nous dit que la Chambre

14 de première instance, dans son jugement, nous dit simplement que

15 l'intention était de détruire les hommes, et les hommes uniquement, et que

16 leur nombre était trop faible, trop petit, si bien que nous estimons que la

17 Chambre de première instance a eu raison, d'après nous, en disant que les

18 hommes, ceux qui étaient ciblés, c'étaient les hommes, et que ça entraînait

19 la destruction de tout le groupe de Srebrenica et que ce groupe

20 représentait une partie substantielle de la totalité.

21 Si notre interprétation est mauvaise, à ce moment-là, nous utilisons

22 l'alternative, à savoir qu'à ce moment-là, tuer 10 à 15 -- le nombre de

23 personnes tuées par rapport aux 10 000 ou 15 000 -- nombre du groupe total

24 suffise pour qu'on puisse dire qu'il y a eu acte de génocide. On entre dans

25 la définition de l'acte de génocide si on utilise cette interprétation

Page 430

1 alternative.

2 M. LE JUGE POCAR : [aucune interprétation]

3 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci. Monsieur le Juge Schomburg.

4 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Reprenons ces chiffres que vous

5 avez mentionnés, 7 500 d'une part, 15 000 d'autre part. Est-ce que vous

6 estimez que ces chiffres -- ces nombres sont importants ? N'est-il pas

7 exact, selon vous, que le génocide est une infraction très spécifique, si

8 bien qu'on ne procède pas comme d'ordinaire. On n'analyse pas les actes --

9 le comportement pour en déduire l'intention délictueuse. Ça s'est assez

10 facile. Mais, étant donné que dans le cadre de cet acte -- de l'acte

11 génocidaire, il faut démontrer l'existence d'une intention spécifique, il

12 est très difficile de définir ce qu'est exactement cette intention

13 spécifique. Pourriez-vous me faire part de votre vision des choses à cet

14 égard, au cas où une personne soit animée de l'intention spécifique

15 requise, et au cas où une seule personne soit tuée ? Est-ce qu'il y aurait

16 génocide ?

17 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

18 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Et est-ce qu'à ce moment-là, même

19 si personne n'était tuée, aux termes du Statut, étant donné que la

20 tentative de génocide est prévue, est-ce qu'on ne pourrait pas dire qu'il y

21 a eu crime de génocide ou tentative de génocide ?

22 M. FARRELL : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] J'ai écouté avec beaucoup

24 d'attention les arguments sur les faits, de la Défense et de l'Accusation,

25 et il m'est fort difficile puisque les arguments sur les faits de la

Page 431

1 Défense sont très concluants, sont -- de même que ceux que vous nous avez

2 présenté de votre côté. On est convaincu aussi bien par l'un -- une

3 argumentation que par l'autre, si bien qu'il convient de faire preuve de

4 beaucoup de prudence dans l'analyse des faits. Et comme vous l'avez dit,

5 très justement, les agissements et le comportement de M. Krstic devraient

6 être analysés avec soin.

7 Vous avez fait référence à un certain nombre de documents, comme, par

8 exemple, à l'annexe 7, de -- qui date du 13 juillet 1995. Effectivement, on

9 voit que le document semble avoir été signé puisque l'authenticité n'en est

10 pas contestée. Il semble que ce soit le général Radislav Krstic qui ait

11 signé ce document le 13 juillet. Mais on y lit, je cite : "Les forces du

12 Corps d'armée vont continuer à défendre les lignes principales ou les

13 lignes qui ont été gagnées, obtenues." Deux lignes plus loin, on lit, je

14 cite : "L'objectif est de désarmer et de disperser les forces musulmanes,

15 de protéger la population et les biens, tout en s'assurant -- assurant le

16 maintien de la ligne de défense et en la protégeant d'attaques venues de

17 l'arrière." Si bien qu'un certain nombre de documents semblent ambigus

18 puisque certains documents semblent l'emporter, semblent permettre une

19 thèse de l'emporter sur un autre, mais d'autres documents vont dans le sens

20 contraire.

21 Pourquoi cette remarque de ma part ? Et bien, parce que je pense qu'il

22 convient de faire une analyse très attentive pour faire la distinction

23 entre l'intention de tuer, l'intention d'exterminer et l'intention de

24 commettre un génocide, pour reprendre les termes de Mme la Juge Wald, le

25 crime de tous les crimes, le pire de tous les crimes. Malheureusement, je

Page 432

1 n'ai pas encore eu de réponse du côté de l'Accusation. Mais mettons qu'à un

2 niveau supérieur, cette intention spécifique existait. Et sur la base de

3 tous les éléments de preuve factuels, dont nous disposons, quelle serait

4 pour vous -- à tirer sur la base des faits, dont nous disposons au titre de

5 l'Article 4, quels sont les actes prévus par l'Article 4 qui entreraient en

6 compte ? Quels sont les actes qui -- est-ce que c'est le génocide ou la

7 complicité de génocide qu'il faudrait déduire des faits ?

8 Je suppose que beaucoup ont été surpris de m'entendre poser une série de

9 questions au témoin Deronjic au sujet de 1991 de décembre 1991 et du début

10 1992. Vous vous êtes sans doute demandé à quoi rythmaient ces questions,

11 mais, étant donné que l'Accusation réduit sa thèse à Srebrenica et ne

12 montre pas un tableau général de la situation, commençant puisqu'on peut

13 dire qu'il y a eu un plaidoyer de culpabilité à ce sujet, donc un tableau

14 qui commencerait avec des instructions qui ont été données en 1991, est-ce

15 qu'on pourrait donc pas en arriver à la conclusion qu'au moins un échelon

16 supérieur cette intention existait bel et bien ? Pourriez-vous me donner

17 vos arguments à ce sujet ? Au cas, où on arrivait à la conclusion

18 qu'effectivement un échelon supérieur, il y avait cette intention à partir

19 des éléments de preuve qui nous ont été communiqués. Donc qu'en serait-il,

20 si on pouvait établir qu'à un niveau supérieur, il y avait intention

21 spécifique à ce moment-là ? Comment qualifier le rôle de l'accusé en

22 l'espèce ?

23 M. FARRELL : [interprétation] Merci. Vous venez de soulever un certain

24 nombre de point ayant trait au fait pour poser la discussion, et puis un

25 certain nombre d'arguments d'ordre juridique.

Page 433

1 J'ai un certain nombre de réponses à vous faire. Je ne voudrais pas être

2 trop simpliste, mais, disons que, si on détermine que l'appelant est animé

3 de l'intention génocidaire, on pourrait en déduire que ses supérieurs aussi

4 étaient animés de la même intention, qu'ils faisaient partie de l'intention

5 de l'entreprise criminelle commune. A ce moment-là, il n'y a aucune

6 différence à apporter au jugement. Les conclusions de la Chambre de

7 première instance tiennent.

8 Deuxième question, vous parlez de l'hypothèse dans laquelle il y aurait une

9 différence entre l'état d'esprit des personnes situées à un niveau

10 supérieur et de leurs subordonnées. La question, à ce moment-là, est de

11 savoir quel est l'élément requis pour établir la complicité et le fait

12 d'aider ou d'encourager le génocide. Quels sont ses éléments ?

13 Si, dans cette hypothèse au niveau de l'état major principal ou au niveau

14 de -- on parle de personnes qui sont à l'état major principal au niveau du

15 général Krstic, et cetera. Si ces personnes participent à l'entreprise

16 criminelle commune, à ce moment-là, ça ne pose pas de problème. Tout le

17 monde est animé de l'intention délictueuse requise.

18 Nous estimons que la complicité, telle que nous l'entendons, la complicité

19 c'est la manière dont le crime est commis, c'est la même chose que des

20 gens, encouragés à commettre un crime, bien, à l'Article 4 du statut, la

21 complicité soit indiquée, en tant qu'acte punissable qui est une forme --

22 une forme de l'acte répréhensible, mais ce n'est pas un crime distinct,

23 c'est une forme de participation à cela, ça qu'au fait de les encourager.

24 Dans le jugement Semanza, il dit que, vue la coopération de la convention

25 du génocide telle quelle dans notre statut ou le statut du Tribunal du

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1 Rwanda, avec l'Article 6,1, on peut dire qu'il y a regroupement entre les

2 deux formes de responsabilité que l'on trouve à l'Article 7(1), aidé à

3 encourager à l'Article 4, complicité. La seule distinction que l'on puisse

4 envisager entre la complicité et le fait d'aider d'encourager c'est que,

5 dans la jurisprudence du TPIR, il dit que la complicité c'est le fait

6 d'apporter son aide après les faits.

7 Dans Tadic, le fait d'aider est encouragé, c'est le fait d'apporter son

8 soutien aux actes répréhensibles. Mais, globalement, à moins d'établir

9 qu'il y a eu aide d'après les faits, qui n'est pas le cas du fait de les

10 encourager, voici la manière dont ça se présente.

11 La différence entre le fait d'aider, d'encourager et la complicité pour le

12 génocide, c'est que, pour la complicité, il y aurait eu assistance, alors

13 qu'aider et encourager, on aurait commis des actes.

14 Ensuite, est-ce qu'il y a une différence entre l'élément moral dans les

15 deux conditions -- dans les deux présupposés ? Je sais qu'au niveau du

16 TPIR, la jurisprudence précise que la complicité nécessite l'établissement

17 d'une intention spécifique alors que, pour aider et encourager, il faut

18 simplement que la personne eut connaissance de ce qui se passait. Certains

19 disent que le fait d'aider et d'encourager, c'est une forme particulière de

20 participation, mais qu'il est toujours nécessaire de prouver l'intention

21 spécifique.

22 Dans Ntakirutimana --

23 L'INTERPRÈTE : Non, mot garanti.

24 M. FARRELL [interprétation] Pour complicité et pour acte d'aider et

25 d'encourager, il faut qu'il y ait eu connaissance, alors que, pour la

Page 435

1 commission du génocide -- la perpétration du génocide, il faut qu'il y ait

2 intention spécifique. La complicité est un mode de participation, le fait

3 d'être encouragé est aussi un mode de participation, les personnes, qui

4 aident et encouragent, apportent leur assistance et savent quel crime va

5 être commis. Ils prennent les mesures nécessaires pour aider le criminel,

6 l'auteur du crime. Le Tribunal, le TPY dans Tadic, a décidé que, pour

7 établir que quelqu'un avait aidé et encouragé, il fallait que la personne

8 ait eu connaissance de ce qu'il se passait dans Krnojelac. On a dit que le

9 fait d'aider, d'encourager un crime où qui est assorti [sic] de l'intention

10 spécifique, qu'il fallait que l'on sache de ce qui se passe. Et pour le

11 génocide, il en va de même.

12 La seule distinction, que je puisse envisager, c'est le libellé de

13 l'Article 4(2) du statut, qui précise : "Que le génocide s'entend à donner

14 quelconque des actes si après commis dans l'intention de détruire." Mais

15 ceci peut être interprété comme le fait que les actes doivent être commis

16 dans l'intention de détruire; cependant, j'estime, bien entendu, je n'ai

17 pas eu l'occasion de faire des recherches à ce sujet, je fais ceci un petit

18 peu en improvisant que ceci ne fait pas référence aux actes d'aider et

19 d'encourager. Il faut qu'il y ait l'intention spécifique requise pour la

20 complicité. Il n'est pas nécessaire d'établir l'existence d'une intention

21 spécifique. Krnojelac l'a montrée.

22 Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, mais voilà notre

23 position.

24 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je voudrais un éclaircissement. En

25 effet, vous savez sans nul doute pour ce qui est de l'affaire Akayesu, on a

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1 trouvé une solution tout à fait inverse.

2 M. FARRELL : [interprétation] Exact.

3 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vais m'abstenir de tout

4 commentaire à ce propos.

5 Cependant, vos arguments reviennent à ceci. Vous dites que la complicité de

6 génocide est plus au moins lex specialis par rapport au fait d'aider et

7 d'encourager au génocide. En effet, il faut la même intention délictueuse

8 et tous les autres éléments constitutifs que l'une d'affaire précédente.

9 M. FARRELL : [interprétation] Il faudrait y réfléchir davantage, mais je

10 crois que c'est effectivement le cas.

11 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Est-ce la raison pour laquelle vous

12 n'avez pas plaidé ici en l'espèce aider et encourager mes complicités de

13 génocides ?

14 M. FARRELL : [interprétation] En toute franchise, je pense que, de par le

15 passé, il y a eu certaine incertitudes au niveau des actes d'accusation

16 précédent pour ce qui est du rapport entre ces trois éléments, génocide,

17 complicité et d'encourager. Vous l'avez reconnu, Monsieur le Juge. La

18 pratique du TPIR a été d'accuser de complicité, en tant que crime. Il y a

19 eu ici condamnation pour complicité. Ça peut poser problème puisque c'est

20 un mode de responsabilité et d'avis de l'Accusation, c'est le cas

21 Ntakirutimana.

22 Mais, du fait de la complicité déjà retenue, s'il y a le même élément que

23 pourrait bien encourager au fond, ça ne fait que remplacer aider et

24 encourager, mais, de l'avis de l'Accusation, la difficulté surgit lorsqu'on

25 trouve les éléments et, si on reconnaît qu'ils sont les mêmes, l'élément de

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1 connaissances, ainsi que l'élément consécutif des actes nécessaires,

2 encourager et assister. Et vous avez ici bien sûr crime 7(1) d'aider et

3 encourager le crime et puis vous l'avez l'accusation de complicité. C'est

4 ça le problème.

5 Dans l'affaire Semanza, on a essayé de régler le problème, en examinant les

6 chefs spécifiques pour voir quel était le chef le plus spécifique par

7 rapport aux conclusions. Et on l'a retenu ce chef-là sans se prononcer sur

8 l'autre chef. Je ne sais pas si ceci vous aide. J'espère que ce n'est pas

9 trop compliqué.

10 M. LE JUGE SCHOMBURG : [interprétation] Je vous remercie de votre aide.

11 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Vous en avez terminé, Monsieur le Juge

12 Schomburg ? Si c'est le cas, je pose une question -- je passe la parole à

13 M. le Juge Shahabuddeen.

14 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je veux tout au plus m'assurer

15 que je comprends la qualification juridique de votre thèse que j'ai donc

16 cette même compréhension de cette qualification que vous. Il est écrit

17 qu'un accusé doit être pénalement -- individuellement responsable de ces

18 actes, le fondement même de la responsabilité pénale individuel portant,

19 ceci n'est pas nécessairement en conflit avec une démarche double. Pour

20 moi, je parlerais d'une démarche directe, qui est une démarche qui est

21 indirecte. Il est possible d'avoir une démarche directe dans laquelle

22 l'Accusation entreprend de prouver qu'à titre individuel l'accusé

23 recherchait un certain résultat, et qu'à titre individuel, une fois de

24 plus, il a participé à l'actus reus, qui a abouti à ce résultat. Pour moi,

25 cela est un des éléments de votre thèse sur laquelle votre collègue a

Page 438

1 longuement insisté.

2 Mais j'ai une impression qu'il y a un autre élément de votre thèse qui est

3 en rapport avec le concept de l'entreprise criminelle commune. Vous et Me

4 Sepenuk, on avait parlé. Excusez-moi je me cite ici, c'est ce que j'appelle

5 le mode ou la modalité indirecte. J'ai l'impression que vous dites pour une

6 part qu'il y avait un objectif comme une entreprise commune, que l'accusé -

7 - on faisait partie de cette entreprise et atteint l'objectif commun. Et

8 qu'en vertu de cela, en conformité avec cela, il y a eu un certain résultat

9 -- résultat criminel. Par votre conséquence, il en dose une responsabilité

10 sans plus. Qu'est-ce que je veux dire par "sans plus" ? Il ne faut apporter

11 la preuve qu'à titre individuel, il était animé d'une attention

12 particulière ou qu'à titre individuel. Il a participé à l'actus reus, il

13 suffit de prouver qu'il y avait une entreprise et un objectif commun qu'il

14 en faisait partie de cet objectif commun et qu'il y a eu au bout du compte

15 un certain résultat criminel. Mais il y a un autre volet. Est-ce que ce

16 second volet s'applique à votre analyse ou pas ? Est-ce que je vous ai mal

17 compris ?

18 M. FARRELL : [interprétation] Pas du tout, Monsieur le Juge. Je ne suis pas

19 aussi éloquent que ma collègue, je ne connais pas les faits de la cause,

20 mais vous le savez parfaitement, Monsieur le Juge, les actes exécutés à

21 titre individuel en l'espèce, ils en existent. Il y a des dispositions. On

22 a fourni des hommes afin que soit mené à bien des activités, c'est un acte

23 indirect en application du 7(1), c'est donc une forme de responsabilité. Et

24 vous le savez tous aussi bien, l'Accusation fait falloir que la totalité

25 des actes sont les actes de quelqu'un qui était impliqué dans la

Page 439

1 réalisation d'une entreprise criminelle commune, autant d'actes individuels

2 qui représentent le rôle qu'il a joué, et l'apport qu'il a fait. Je ne sais

3 pas si j'ai bien qualifié ces faits, mais, je dirais, on ne peut pas dire

4 simplement qu'il aurait joué deux rôles. Il joue un rôle qui est celui du

5 fournisseur, qui est indispensable et, dans cette entreprise criminelle

6 commune, il joue un rôle et il partage cet objectif commun en l'occurrence.

7 Et c'est ce qu'il faut prouver d'après -- si on pouvait prouver

8 l'entreprise criminelle commune, ça serait sans doute plus exacte, même si

9 les faits ne le reflètent pas, c'est sans doute plus précis que

10 [imperceptible]. Mais, si ces actes individuels, en qualité du commandant

11 du Corps de la Drina, ces actes représentent le rôle qu'il a joué dans

12 cette entreprise criminelle commune, actes qui sont sa contribution

13 substantielle parce que, dans le cadre de cette entreprise, il a un rôle à

14 jouer comme d'autres, certaines missions leur sont confiées, ils ont

15 certaines fonctions, et, à défaut de cela, il y aurait une entreprise

16 criminelle commune différente. C'est un peu simpliste, mais c'est comme ça.

17 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [aucune interprétation]

18 M. FARRELL : [aucune interprétation]

19 M. LE JUGE SHAHABUDDEEN : [interprétation] Je vous soumets une hypothèse,

20 un cas que j'ai examiné hier soir, et puis je me tourne aussi vers la

21 Défense pour qu'elle se penche sur l'affaire McKinnon contre le Procureur

22 de la Reine. C'est une affaire qui s'est déroulée en Écosse 2003, 2003 SLT,

23 tranchée le 13 février 2003. Il y avait cinq Juges de la Cour suprême

24 judiciaire d'Écosse. Apparemment, ces Juges disent ceci : lorsqu'on se

25 fonde sur l'objectif commun, il suffit de prouver que l'accusé fait partie

Page 440

1 à une entreprise commune et que s'en sont suivis certains résultats

2 criminels, sans qu'il soit nécessaire de prouver que lui-même à titre

3 individuel, aurait été animé de la moindre intention criminelle ou que lui

4 à titre individuel eu participé à l'actus reus. Affaire intéressante. Je

5 propose aux deux parties de se pencher sur cette affaire.

6 M. FARRELL : [interprétation] Je le ferai avec plaisir, Monsieur le Juge.

7 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. J'ai une question de

8 suivie suite à la question posée par M. le Juge Schomburg. Sa question et

9 vos réponses ont éclairé la notion du critère en matière de connaissance ou

10 de l'intention délictueuse requise pour ce qui est d'aider ou encourager au

11 crime de génocide ou pour la question de la complicité de génocide. Ma

12 question porte sur un pilier supplémentaire : Comment définir le critère de

13 la connaissance qu'il faudrait remplir pour la responsabilité en

14 application du 7(3), la responsabilité des supérieurs hiérarchiques en

15 matière de génocide ? Nous savons que la responsabilité du supérieur

16 hiérarchique exige un critère, en règle générale, le critère de la

17 connaissance, qui ne s'élève pas au critère de l'intention spécifique. Nous

18 savons ce que celui-ci pose comme problème dans le contexte du génocide.

19 M. FARRELL : [interprétation] Je n'y ai pas longuement réfléchi, je vous

20 l'avoue, Monsieur le Président, mais je pense que ce critère demeure. Celui

21 du fait de devoir savoir, qu'il aurait dû savoir non parce que ses actes

22 sont ceux qu'il n'aurait pas pris de mesure ou qu'il n'aurait pas puni. Il

23 n'est pas condamné parce qu'il a commis directement, mais parce qu'il a

24 manqué à l'obligation de remplir ses devoirs, devoirs imposés par le droit

25 international humanitaire. Comment dire ? Il nous semble incongru qu'un

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1 commandant dont les subordonnés commettent des infractions moins graves

2 aurait l'obligation de les empêcher une fois qu'il découvre cette

3 commission. Mais si un commandant dont les subordonnés commettent le

4 génocide n'ose pas les punir alors qu'ils commettent ce génocide ou qu'un

5 commandant qui commet le génocide n'aurait pas d'obligation de les

6 empêcher, s'il partage cette intention. Ceci me semble assez peu logique.

7 Mais c'est tout ce que je peux dire, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie.

9 Je pense qu'il n'y a pas d'autres questions que les Juges souhaitent poser.

10 Ceci m'amène à donner la parole à la Défense. Elle bénéficie de 30 minutes

11 pour se faire.

12 M. SEPENUK : [interprétation] Merci.

13 Me Petrusic va intervenir en premier lieu et, si vous me le permettez,

14 j'interviendrai après lui.

15 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Fort bien. Maître Petrusic, vous avez

16 la parole.

17 M. PETRUSIC : [interprétation] Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

18 compte tenu du temps qui nous est imparti, compte tenu du fait que nous

19 approchons de la fin de cette journée d'audience, et je pense aussi aux

20 interprètes qui doivent être fatigués, et bien, je parlerai très

21 brièvement. Je me pencherai sur certains éléments abordés par le Procureur.

22 En effet, le Procureur souhaite établir un lien, un lien entre le président

23 de l'époque, le président Karadzic, le général Mladic et la nomination du

24 général Karadzic [sic] au poste commandement du Corps d'armée, et tout ce

25 dans le contexte de la déposition du témoignage de M. Deronjic. Il n'est

Page 442

1 pas contestable que M. Deronjic a déclaré, pendant sa déposition, qu'il a

2 demandé au président Karadzic de remplacer le commandant qui exerçait ces

3 fonctions jusqu'à ce moment-là, donc le commandant Zivanovic. Et que cela

4 s'est passé en mai 1995. Mais le fait est que M. Deronjic, dans son

5 témoignage, n'a jamais déclaré que c'est lui qui s'est adressé au président

6 Karadzic pour lui proposer explicitement que ce soit le général Krstic qui

7 occuperait ce poste à partir de ce moment-là. Le Procureur tire une

8 conclusion erronée, à savoir que le général Krstic est, d'une certaine

9 façon, l'homme de confiance du président de l'époque, Radovan Karadzic.

10 De plus, il a été question des conversations interceptées et du rôle joué

11 par le colonel Popovic. Cependant, en l'espèce, et s'agissant de la période

12 décisive où les crimes ont été commis, nous ne pouvons pas établir de lien

13 direct, pas de communication directe, aucun document, aucune pièce à

14 conviction, aucune interception ne permet de le prouver, donc entre le

15 colonel Popovic et le général Krstic. Certes, il faut admettre qu'à deux

16 reprises, dans les registres des opérateurs qui ont posé une des

17 interceptions, il y a une mention que Popovic aurait cherché à entrer en

18 contact avec le général. A un endroit, il est dit, "le général Krstic",

19 précisément, mais nous n'avons pas de preuve nous montrant que cette

20 communication a bel et bien été établie ou bien que le message a, en effet,

21 été transmis au général Krstic.

22 Mon éminent collègue a déclaré qu'en tant que participant à l'entreprise

23 criminelle commune et très précisément en s'occupant de fournir des

24 autocars qui ont transporté les Musulmans vers Tisca, et précisément à cet

25 endroit, le fait que ces Musulmans aient été débarqués des bus, les 28

Page 443

1 Musulmans, et le fait qu'ils étaient éliminés, exécutés, est la conséquence

2 directe de cela. Permettez-moi de rappeler que, s'agissant de ce site en

3 particulier, le site de Tisca, et bien, le général Krstic a adressé un

4 ordre, en date du 12 juillet à 13 heures 05, à l'attention de ses unités

5 subordonnées, leur donnant des instructions au sujet du traitement réservé

6 aux civils, les civils qui allaient passer en territoire musulman. De toute

7 évidence, son ordre n'a pas été exécuté par quelqu'un.

8 En outre, permettez-moi d'aborder un autre point. Lorsque l'Accusation a

9 abordé une question -- lorsque l'Accusation a abordé le rôle de Vinko

10 Pandurevic et de son retour dans la zone de responsabilité de la Brigade de

11 Zvornik à l'endroit où les massacres ont eu lieu, Dragan Obrenovic dit,

12 dans sa déposition, la chose suivante :

13 "J'ai supposé que lui, le commandant Jevdjevic pouvait entrer -- pouvait

14 établir un contact entre moi et le général Krstic. Et c'est ce que j'ai

15 fait. J'ai eu une brève conversation avec Jevdjevic, et je lui ai demandé

16 d'établir ce lien avec le général Krstic, cette communication, en mon nom.

17 Bien entendu, cette communication n'a même pas été interrompue. Très vite,

18 j'ai pu entrer en contact avec le général Krstic. En quelques mots, je lui

19 ai dit que la situation était critique, que tout simplement Zvornik allait

20 tomber, et que plus que la moitié de Zvornik allait être détruite. Et il

21 m'a demandé pourquoi j'avais peur à ce point. De toute évidence, il ne

22 comprenait pas ce qui était en train de se produire."

23 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, ainsi j'entends terminer mon

24 intervention. Je vous en remercie.

25 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie. Je donne la parole au

Page 444

1 M. Sepenuk.

2 M. SEPENUK : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Merci de me

3 donner la parole.

4 Je relèverai seulement quelques points. Je pense que j'ai donné une réponse

5 un peu trop lapidaire à votre question, monsieur le Président, que serait-

6 il passé si toutes les femmes avaient été tuées. M. Farrell parlait d'une

7 certaine absence de logique d'après ce que je disais, d'après ce que disait

8 M. Schabas, quand on faisait une comparaison entre le fait de tuer des

9 hommes ou des femmes. Et je pense que votre question portait sur la

10 question dans la partie, moi, je me disais que les femmes représentaient

11 une partie de la partie [sic] et que donc la même chose valait que pour les

12 hommes, c'est qu'il n'y avait pas suffisamment de substantialité et qu'il

13 n'y avait pas l'intention de tuer le groupe musulman, et j'ai dit que ça ne

14 ferait pas de différence.

15 Mais je reprends une autre thèse, à savoir que nous parlons ici du groupe

16 musulman de Srebrenica si c'est le cas, ça ferait certainement une

17 différence. En effet, au moment où on a déporté les femmes, toutes les

18 femmes avec les hommes âgés et les hommes plus jeunes, il demeurait la

19 possibilité en débit du faible taux de natalité comme l'a dit l'Accusation,

20 il demeurait la possibilité pour ce groupe de Musulmans de Bosnie de

21 survivre. Si les femmes avaient été tuées ce ne serait pas le cas.

22 Finalement, sur le plan biologique, ce groupe s'éteindrait. Donc on peut

23 voir, si bien sûr, d'autres personnes viendraient de l'extérieur mais cette

24 situation ne se présente pas, j'en suis fort heureux d'ailleurs. Et

25 j'espère que jamais nous ne connaîtrons une telle situation. Je voulais

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1 simplement jeter toute la lumière nécessaire sur ce point, Monsieur le

2 Président.

3 Deuxième chose, la ferme de Branjevo. Si j'ai eu un honneur ici dans ce

4 procès c'est de m'opposer à une accusation très professionnelle, il y a une

5 déception que je connais et ce n'est pas à titre personnel que je m'exprime

6 je suis déçu parce que l'Accusation a retenu une attitude pacifique pour ce

7 qui est des exécutions de Branjevo et il est limpide que l'Accusation n'a

8 pas du tout prouvé au-delà de tout doute raisonnable que Krstic aurait

9 donné l'ordre de ces exécutions ou aurait donné l'ordre à la Brigade de

10 Bratunac d'aider à Pilica.

11 Et là aussi, je crois que nos mémoires sont assez claires sur ce point. Ce

12 que je ne dis pas au cours du débat ou ce que je n'ai pas dit, ici dans ce

13 prétoire, est à trouver dans nos mémoires. Je crois qu'à eux seuls, ils ont

14 fait valoir notre argument. Mais nous avons maintenant des éléments

15 supplémentaires. La déposition d'Obrenovic et la déposition de Butler, et

16 je répugne à manifester de façon absolue d'en ce terrain mouvant de la loi,

17 mais je pense ici, l'Accusation n'a pas administré la preuve.

18 Elle s'est contentée de reprendre ces termes, "Je verrais à ce que je peux

19 faire" et plus tôt que de leur donner l'interprétation la plus favorable au

20 général Krstic, au lieu d'appliquer le principe de in dubio pro re,

21 l'Accusation dit que c'est, la rafale d'honneur et initiale. Et que ceci

22 montre que le général Krstic, avait pour plan d'envoyer des hommes de la

23 Brigade de Bratunac, pour aider aux exécutions. Or, l'Accusation ne dispose

24 pour affirmer une telle chose que de ce commentaire à savoir "Je ferais ce

25 que je peux faire." Donc finalement, pour parler américain c'est pour

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1 ramener le colonel -- pour se débarrasser du colonel Beara, il répète à

2 plusieurs reprises "Voilà ce que je peux faire". Alors qu'a-t-il, il a

3 simplement ces cinq hommes en tenue de la VRS. Mais comme l'a dit Erdemovic

4 dans sa déposition, comme l'a dit Butler, et comme nous lisons dans nos

5 écritures. Cet homme était de l'unité des Panthères de la Slavonie

6 orientale, il n'était pas du Corps de la Drina. Et ces hommes qui sont

7 venus de la Brigade de Bratunac et ça c'est clair comme de l'eau de roche,

8 ils sont arrivés tard, tard, mais pour participer aux combats, pour aider

9 aux combats, pas aux exécutions.

10 L'Accusation devrait reconnaître, avouer son erreur sur ce point comme

11 nous. Nous avons concédé que le transfert forcé, comme nous avons concédé

12 qu'il y avait un transfert forcé, l'Accusation devrait avouer son erreur

13 sur ce point, car elle n'a aucune thèse pour ce qui est aucune preuve pour

14 ce qui est des exécutions à la ferme de Branjevo.

15 Je sais que je m'exprime aussi au nom de Me Petrusic, en disant que nous

16 avons eu cet honneur de comparaître ici devant ce Tribunal pour une affaire

17 aussi importante. Ce qui est cardinal ici, ce qu'il faut faire c'est dire

18 la vérité. Nous avons risqué de ne pas le faire au moment du dépôt de notre

19 mémoire initial. Vu les contraints de temps, et c'est au fil des mois, au

20 fur à mesure, Me Petrusic et moi, nous nous sommes efforcés à empeigner de

21 cette situation inutile de vous rappeler que nous avons eu M. Cayley, M.

22 McCloskey, M. Harmon, au moment du procès, une équipe redoutable, et ici,

23 vous aviez deux avocats de la Défense serbe, Me Petrusic et Me Visnjic, de

24 bons avocats, des hommes biens. Mais si l'on parle de l'égalité des armes.

25 Ici vous savez c'est un processus, tout à fait. Et chapeau bas à M.

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1 Farrell, qui connaît -- qui a une connaissance encyclopédique du droit et

2 je suis sincère dans ces compliments, impossible pour moi de lui arriver à

3 la cheville. Ce qui compte c'est de présenter les faits tels qu'ils se sont

4 produits. Grand Dieu, Dieu merci, nous avons la vie et nous avons compris

5 ce que disait cette commission d'experts.

6 Si cela a été un honneur de comparaître devant vous Messieurs les Juges,

7 c'est parce que je ne sais pas si cela aurait possible devant un Tribunal

8 américain, c'est la première fois que je suis ici, que je plaide ici. En

9 Amérique, on présente un mémoire et puis vous avez une demie heure pour

10 présenter vos plaidoiries peut-être à la Cour Suprême est-ce une heure ?

11 Parfois, les deux parties disposent d'une minute de deux pour parler, aussi

12 tôt après, il y a ce que j'appelle une confrontation de la part des juges.

13 Non, ça vraiment été un plaisir pour moi d'être ici, et nous vous

14 remercions de nous avoir permis de présenter l'ensemble de nos arguments,

15 c'est essentiel, inutile de vous le rappeler, c'est important pour le

16 général Krstic mais aussi pour les victimes de Srebrenica, pour que

17 l'histoire de ce monde soit présentée de façon exacte. Et je vous en

18 remercie. Messieurs les Juges.

19 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Merci à vous.

20 Avant d'aborder le premier point de l'ordre du jour, c'est un point

21 important puisque nous allons avoir maintenant l'intervention du général

22 Krstic, mais auparavant je voudrais vous dire au nom de la totalité des

23 juges que nous sommes ici pour rendre justice et que tant l'Accusation que

24 la Défense nous ont grandement aidé grâce à des arguments tout à fait

25 compétents. C'est une affaire difficile que celle-ci. Qui revêt une

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1 importance historique, il y est par conséquent, essentiel que nous ayons bu

2 bénéficier de la compétence des deux parties à ce procès. J'entends par là

3 et l'Accusation.

4 Dernier moment de notre journée, je demande au général Krstic, s'il veut

5 bien se lever.

6 Souhaitez-vous vous adresser aux juges.

7 L'APPELANT : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous en prie, vous avez la parole.

9 L'APPELANT : [interprétation] Merci.

10 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, je m'adresse à vous et non pas

11 en exerçant un droit qui me revient mais pour vous montrer mon respect et

12 je vous le dois du moment que vous m'avez vous-même donné la possibilité de

13 m'exprimer.

14 Mes Conseils ont exposé tout ce que nous devions vous dire, il ne me

15 revient donc pas d'aborder -- que ce soit les questions factuelles ou les

16 questions de droit.

17 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Il me semble que vous parler trop vite,

18 un petit peu trop vite pour les interprètes. Pouvez-vous ralentir, général.

19 L'APPELANT : [interprétation] En juillet 1995, pour tous les participants

20 la Srebrenica a apporté beaucoup de mal. Quand je parle de Musulmans de

21 cette petite ville de Bosnie orientale, cela a apporté des victimes, des

22 souffrances, la douleur. Et quant aux Serbes, ils ont vu leur image

23 extrêmement entachée. C'était une grande honte. On a osé bafouer la

24 glorieuse tradition du soldat de l'officier serbe du début du 20e siècle,

25 voir si l'on remonte plus loin dans l'histoire et cette tradition glorieuse

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1 et bien, elle m'a formé moi aussi, parce que c'est ça qui m'a incité à

2 choisir la carrière d'officier.

3 Les Serbes, hélas, dans leur histoire, il n'est pas de leur choix -- ont

4 mené beaucoup de guerre. Permettez-moi de ne citer que celle qui a eu lieu

5 au début du 20e siècle, ainsi qu'au milieu du 20e siècle jusqu'au 1912,

6 1913, 1914, et 1941, mais jamais, réellement jamais les Serbes n'ont commis

7 de crimes, leur tradition de combat, de guerre est une glorieuse tradition

8 jusqu'à ce mois de juillet 1995, voir même à ce moment-là jusqu'à l'entrée

9 des forces serbes dans Srebrenica.

10 Moi, qui était à la tête de l'opération ainsi que mes subordonnés, nous

11 n'avons enfreint aux règles, aux droits de la guerre, n'avons violé les

12 conventions de Genève. Et puis à partir de ce moment-là, au lieu de

13 remporter une victoire militaire, car la 28e Division avait un objectif ou

14 constituait plutôt un objectif militaire légitime, nous nous sommes

15 couverts de honte, car à ce moment-là, les prudents et les sages se sont

16 tus et se sont les autres qui ont pris la parole.

17 Quelqu'un a dit :

18 "Au moment où la guerre éclate, les sages se taisent et se sont les

19 stupides qui prennent la parole, or eux ils ont hurlé, c'est eux qu'on

20 entendait et nous ils nous a fallu nous taire." Jamais que ce soit avant ou

21 après cela, ni moi-même, ni mes commandant subordonnés n'avons entendu leur

22 parole, mais nous avons appris ce qu'ils ont fait, quels ont été leurs

23 actes, leurs crimes nous n'avons pas été en mesure de les corriger.

24 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dieu me punira si j'ai commis

25 une erreur et vous vous trancherez conformément à la loi et conformément à

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1 vos convictions. Pour ma part, je vous assure que le 12 juillet 1995, au

2 début de l'après-midi avec mes hommes, avec mon armé, j'ai quitté ce

3 secteur pour me rendre du côté opposé sur un terrain des opérations tout à

4 fait différent. Se sont les autres qui ont pris la parole à ce moment-là et

5 leur langage était le langage du mal, moi et mes subordonnés nous n'avons

6 jamais embrassé leur cause, nous ne les avons jamais rejoints.

7 Je ne peux pas ne pas dire devant vous, devant l'opinion publique les

8 grands regrets que j'éprouve à cause des souffrances -- j'exprime mes

9 profondes condoléances aux victimes et aux membres de la famille. Et Les

10 regrets que j'éprouve ne viennent pas d'aujourd'hui. J'ai commencé à les

11 éprouver au moment où j'ai appris ce qui c'était réellement passé.

12 Je vous remercie de m'avoir donné la parole.

13 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Je vous remercie, général Krstic. Vous

14 pouvez vous asseoir.

15 L'APPELANT : [interprétation] Merci.

16 M. LE JUGE MERON : [interprétation] Notre audience en appel touche à sa

17 fin. Je vous remercie de votre contribution.

18 La séance est levée.

19 --- L'audience d'appel est levée à 17 heures 14.

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