Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 3 avril 2000

2 [Audience publique]

3 [Les accusés entrent dans la Cour]

4 --- L’audience débute à 9 h 33

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

6 donner le numéro de l’affaire, s’il vous plaît.

7 LA GREFFIÈRE : Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T,

8 Le Procureur contre Dragoljub Kunarac, Radomir Kovac et

9 Zoran Vukovic.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je note que

11 les parties sont constituées comme la semaine dernière. Je

12 voudrais également savoir si les accusés sont à même

13 d’entendre les débats dans une langue qu’ils comprennent.

14 Monsieur Kunarac, êtes-vous à même d’entendre les

15 débats dans une langue que vous comprenez ?

16 L’ACCUSÉ KUNARAC (interprétation) : Oui.

17 J’entends très bien, Madame la Présidente, et je comprends.

18 L’ACCUSÉ KOVAC (interprétation) : Oui, Madame la

19 Présidente. Je vous entends très bien.

20 L’ACCUSÉ VUKOVIC (interprétation) : Oui, Madame

21 la Présidente. Je vous entends très bien.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

23 Ryneveld.

24 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Merci,

25 Madame la Présidente et Messieurs les Juges. Je m’excuse.

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1 J’ai quelques difficultés techniques ici. J’espère que

2 vous êtes en mesure de m’entendre. Moi-même, je n’entends

3 rien mais j’espère que vous, vous m’entendrez.

4 Vous remarquerez que nous avons commencé alors que

5 le témoin n’est pas encore dans le prétoire, et ceci à la

6 demande du Bureau du Procureur, puisque nous souhaiterions

7 que l’on traite de trois questions de procédure. Nous

8 estimons qu’il est très important que la Chambre se penche

9 sur ces questions et qu’elles soient portées à la

10 connaissance de la Défense aussi rapidement que possible et

11 je vais essayer de vous expliquer de quoi il ressort, de

12 quoi il est question et les solutions que nous proposons.

13 Premièrement, le Bureau du Procureur a

14 l’intention, à un moment donné, de présenter une demande

15 aux fins de modification de l’acte d’accusation pour qu’il

16 soit conforme aux éléments de preuve que nous avons

17 entendus jusqu’à présent et j’y reviendrai plus tard.

18 Deuxième chose : Il s’agit d’une demande de

19 l’Accusation aux fins de retrait de certains chefs

20 d’accusation de l’acte d’accusation du fait que l’un des

21 témoins a indiqué qu’elle n’est pas prête à venir

22 témoigner. Il s’agit du témoin 101 et cela concerne les

23 chefs d’accusation 14 à 17.

24 Troisième chose : Un autre témoin nous a signalé

25 qu’elle est prête à témoigner et donc, l’Accusation

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1 souhaiterait ajouter le Témoin DB à la liste des témoins.

2 Il s’agit donc des trois questions que je pensais

3 utile de porter à votre attention.

4 Permettez-moi de me pencher sur la première

5 question que j’ai mentionnée, à savoir l’intention du

6 Bureau du Procureur de présenter une demande aux fins de

7 modifier l’acte d’accusation pour qu’il soit conforme aux

8 éléments de preuve. Vous avez peut-être remarqué que dans

9 le cadre de la déposition des témoins 50 et 75, il y a eu

10 trois incidents qui peuvent entraîner la nécessité de

11 modifier l’acte d’accusation.

12 Le Témoin numéro 50 a témoigné que Zoran Vukovic

13 l’a violée le 5 juillet 1992, et à l’acte d’accusation, il

14 est accusé d’avoir violé le Témoin 50 au gymnase Partizan,

15 mais dans l’acte d’accusation tel qu’il est actuellement,

16 il n’est pas accusé d’avoir violé le témoin à Buk Bijela.

17 Donc, il s’agirait d’un numéro chef d’accusation. Mes

18 éminents collègues de la Défense ont été informés de ceci

19 dès que nous en avons pris connaissance et ils ont eu la

20 possibilité de contre-interroger le témoin à ce sujet

21 également.

22 Deuxième chose : Il s’agit du Témoin numéro 75 qui

23 a indiqué que lorsqu’elle se trouvait dans l’appartement de

24 Klanfa, c’est-à-dire l’appartement de Vukovic – je vous

25 prie de m’excuser – dans l’appartement de Kovac, que

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1 Vukovic l’a violée dans l’appartement de Kovac en novembre

2 1992.

3 Et il y a également un troisième incident qui

4 concerne Monsieur Kunarac. Il a été accusé de viol du

5 Témoin 50 au 16, rue Osmana Djikica, mais il n’a pas été

6 accusé de l’avoir violé personnellement. Vous vous

7 souviendrez qu’actuellement dans l’acte d’accusation, il

8 est accusé d’être participant aux termes des articles 7(1)

9 et 7(3).

10 Donc maintenant, en ce qui concerne l’intention de

11 l’Accusation de modifier l’acte d’accusation, la question

12 est de savoir quand on le ferait. Nous souhaitons le

13 porter à la connaissance de la Défense avant la fin du

14 témoignage du Témoin 75 pour que les collègues de la

15 Défense soient conscients du fait qu’il est inutile de

16 contre-interroger à ce sujet, sur les sujets que je viens

17 d’évoquer.

18 Il est possible – mais nous ne l’anticipons pas –

19 il est possible que d’autres témoins nous disent des choses

20 qui nous amènent à demander la modification de l’acte

21 d’accusation et plutôt que de présenter plusieurs demandes

22 aux fins de modification de l’acte d’accusation, notre

23 intention est la suivante.

24 Nous souhaitons présenter une demande aux fins de

25 modification de l’acte d’accusation à la fin de la

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1 présentation de nos éléments de preuve. Donc, s’il y a

2 d’autres incidents qui demanderaient une modification de

3 l’acte d’accusation, on traite de tout en même temps au

4 lieu de présenter plusieurs demandes de modification de

5 l’acte d’accusation.

6 Comme je l’ai dit, nous ne pensons pas que cela

7 doive se produire a priori, mais on ne sait jamais, et

8 donc, afin de montrer le plus grand respect pour le temps

9 dont dispose la Chambre, nous avons pensé utile de vous

10 faire connaître ceci aussi rapidement que possible, et

11 d’autre part, nous souhaiterions notifier de ceci nos

12 collègues de la Défense pour qu’ils adaptent leur contre-

13 interrogatoire dans ce sens.

14 C’était donc la première question.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais

16 avant que vous ne passiez à autre chose, je voudrais que

17 les choses soient bien claires.

18 Donc, vous avez parlé des témoins 50 et 75. Donc,

19 si vous demandez une modification de l’acte d’accusation,

20 ce sera à la fin de la présentation de vos éléments à

21 charge, n’est-ce pas ?

22 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. C’est ce que

23 nous entendons faire au jour d’aujourd’hui. Il est

24 possible que les circonstances évoluent mais nous pensons

25 qu’il est juste que tous savent avant que le témoin quitte

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1 La Haye de quoi il retourne, pour pouvoir le contre-

2 interroger de façon satisfaisante.

3 En ce qui concerne le Témoin 50, la Défense a reçu

4 un résumé des éléments de preuve qu’elle s’apprêtait à

5 présenter et ils ont contre-interrogé le Témoin 50. Il n’y

6 a pas eu d’objection quant à la communication des éléments

7 de preuve. Ils ont été en effet communiqués.

8 Le Témoin 75, le problème s’est posé jeudi et nous

9 vous le signalons aussi rapidement que possible, et

10 d’ailleurs, son interrogatoire principal n’est pas terminé.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je

12 souhaiterais consulter mes éminents confrères.

13 [La Chambre discute]

14 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Monsieur

15 Ryneveld, votre proposition me pose le problème suivant.

16 Vous avez raison de dire qu’il n’y a pas eu d’objection en

17 ce qui concerne la déposition des témoins 50 et 75. Donc,

18 il est possible qu’il n’y ait pas d’objection quant à la

19 modification de l’acte d’accusation mais il est peut-être

20 possible qu’il y ait une objection du fait que la Défense

21 n’est pas dans une situation acceptable en ce qui concerne

22 ce témoin particulier.

23 Je suis tout à fait d’accord que du point de vue

24 pratique, il soit plus simple qu’il y ait une seule

25 modification de l’acte d’accusation à la fin de la

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1 présentation de vos éléments à charge, mais je pense que

2 pour ce qui est du point de vue de la Défense, il serait

3 peut-être mieux que nous prenons une décision dès que le

4 cas se présente. Je pense qu’il conviendra que

5 régulièrement au cours de la présentation de vos éléments

6 de preuve, on prenne des décisions au sujet des témoins.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

8 Ryneveld, avant de vous laisser répondre, je souhaiterais

9 ajouter la chose suivante.

10 Il n’est pas possible pour un conseil de la

11 Défense de percevoir toute l’importance d’éléments de

12 preuve supplémentaires parce que leur contre-interrogatoire

13 se définit en fonction de l’acte d’accusation tel qu’il

14 est. Donc, ils ont certes contre-interrogé le Témoin 50

15 après avoir été notifiés de ce que vous leur avez notifié

16 mais ils l’ont fait sur la base du contre-interrogatoire

17 qui existait.

18 Et autre chose c’est que si vous modifiez l’acte

19 d’accusation à la fin de la présentation des éléments à

20 charge, s’il y a des témoins qui viennent et qui donnent de

21 nouveaux éléments de preuve, il est possible que l’on doive

22 réécouter tous les éléments à charge parce que la Défense

23 serait en droit de contre-interroger ces témoins. Donc, il

24 faut prendre ceci en compte.

25 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui, Madame la

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1 Présidente. En ce qui concerne le Témoin 50, c’est le

2 premier témoin pour lequel se poserait la question de

3 modifier l’acte d’accusation, et si j’ai bien compris, la

4 Défense a eu la possibilité de contre-interroger ce témoin.

5 Vous avez raison que la nature du contre-interrogatoire du

6 Témoin 50 aurait peut-être été différente si la Défense

7 avait eu connaissance de notre intention de modifier l’acte

8 d’accusation, et si vous accédez à notre demande de

9 modification, il est possible que la Chambre de première

10 instance exige que le témoin soit rappelé pour être contre-

11 interrogé ici à La Haye. Donc, ceci est possible en ce qui

12 concerne le Témoin 50.

13 Cependant, ce que nous ne souhaitions pas faire

14 c’est que ceci puisse se reproduire pour d’autres témoins.

15 C’est pourquoi avant la fin de l’interrogatoire principal

16 du Témoin 75, nous avons pensé utile de soulever cette

17 question maintenant, de signaler la chose à la Défense. De

18 cette façon, ils savent qu’en ce qui concerne les

19 allégations présentées par le Témoin 75 au sujet de leurs

20 clients, ils doivent réorienter leur contre-interrogatoire

21 parce que maintenant, ils savent qu’il y aura, sous réserve

22 de décision de la Chambre, un nouveau chef d’accusation à

23 l’acte d’accusation.

24 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Oui, mais ils

25 ne connaissent pas le libellé de ce nouveau chef

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1 d’accusation, de cette nouvelle accusation, et ceci est

2 absolument important. Donc, il leur est difficile de le

3 savoir à l’avance. Mais en ce qui concerne la Chambre de

4 première instance et la Défense, il est utile que l’acte

5 d’accusation soit modifié avant la déposition du témoin.

6 Dans ces conditions, la Défense est à mesure de dire si

7 elle peut contre-interroger ou non, si elle à même de le

8 faire ou non. Cela peut peut-être impliquer de faire venir

9 le témoin plus tard mais je pense que c’est la meilleure

10 chose à faire.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, et vous

12 savez que l’autre problème qui se pose c’est que la Défense

13 serait obligée de mener une enquête supplémentaire, trouver

14 de nouveaux témoins pour pouvoir contre-interroger de façon

15 appropriée.

16 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Je vous

17 comprends bien mais nous avons pensé que la meilleure façon

18 de traiter de cette question c’était d’en parler aussi

19 rapidement que possible.

20 Nous allons poursuivre ce matin l’interrogatoire

21 principal de notre témoin. Si nous décidons de présenter

22 une demande aux fins de modification de l’acte

23 d’accusation, nous le ferons par écrit aussi rapidement que

24 possible, et donc, je vous suis reconnaissant de vos

25 indications.

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1 Souhaitez-vous que je parle de la deuxième

2 question ? J’ai déjà dit qu’il s’agissait de l’abandon

3 d’un certain nombre de chefs d’accusation. Il s’agit du

4 Témoin 101.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais avant,

6 je pense qu’il serait peut-être utile de donner à la

7 Défense la possibilité de s’exprimer. De cette façon,

8 quand vous prendrez votre décision, vous serez au fait de

9 leur position.

10 Monsieur Kunarac [sic], vous avez entendu

11 l’Accusation nous dire qu’elle souhaite modifier l’acte

12 d’accusation. Il s’agit… en ce qui concerne la déposition

13 d’un témoin que nous avons déjà entendu et d’un autre qui

14 ne va pas venir.

15 Je vous prie de m’excuser. Je vous ai appelé Me

16 Kunarac. Je voulais, bien entendu, m’adresser à Me

17 Prodanovic, conseil de Monsieur Kunarac.

18 Donc, Me Prodanovic, c’est à vous.

19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

20 Présidente, vous venez de donner les raisons que nous-

21 mêmes, nous souhaitons mettre en évidence. Nous, nous

22 travaillons sur la base de l’acte d’accusation que nous

23 avons reçu et ce qu’on vient d’apprendre, c’est tout à fait

24 nouveau, que nous nous attendions absolument pas. Nous

25 avons besoin d’un certain délai pour pouvoir vous présenter

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1 de façon claire quelle est notre position en ce qui

2 concerne ce que vient de nous dire mon collègue de

3 l’Accusation.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

5 souhaitez-vous ajouter quoi que ce soit à ce que vient de

6 dire Me Prodanovic ?

7 Me KOLESAR (interprétation) : Oui. J’abonde tout

8 à fait dans le sens de ce que vient de dire Me Prodanovic

9 et je suis tout à fait d’accord également avec ce qu’a dit

10 la Chambre.

11 L’article 50 du Règlement rend possible la

12 modification de l’acte d’accusation mais vous avez tout à

13 fait raison en disant que nous devons avoir un texte de

14 l’acte d’accusation modifié, ceci afin de pouvoir préparer

15 la défense de nos clients, surtout qu’au point (B), il est

16 stipulé que si l’acte d’accusation est modifié, l’accusé

17 doit plaider coupable ou non coupable en ce qui concerne le

18 nouveau chef d’accusation. Donc, s’il doit y avoir

19 modification de l’acte d’accusation, ceci doit être soumis

20 par écrit pour respecter l’Article 50 du Règlement de

21 procédure et de preuve.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

23 Jovanovic, avez-vous quoi que ce soit à ajouter à ce qu’ont

24 dit vos confrères ?

25 Me JOVANOVIC (interprétation) : Non, Madame la

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1 Présidente. Je suis tout à fait d’accord avec les

2 observations qui ont été présentées jusqu’à présent par mes

3 collègues de la Défense. Je n’ai rien à ajouter.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien, merci.

5 Monsieur Ryneveld, je vais vous demander donc de

6 passer au deuxième point que vous souhaitiez aborder.

7 Me RYNEVELD (interprétation) : Merci, Madame la

8 Présidente.

9 En ce qui concerne le premier point, la seule

10 chose qui me vient à l’esprit c’est que si nous indiquions

11 de quelle manière nous entendrions modifier l’acte

12 d’accusation, si nous en donnions le texte avant le contre-

13 interrogatoire, même avant qu’une décision ne soit prise

14 par la Chambre de première instance, je me demande si ça ne

15 répondrait pas aux préoccupations de la Défense et aux

16 préoccupations des juges également.

17 Mais sur la base de ce que vous nous avez dit, si

18 j’ai bien compris, nous devons présenter ce genre de

19 demande au cas par cas pour que tout le monde soit au fait

20 de ce nous faisons.

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, non,

22 pas du tout. Nous ne vous disons pas que vous devez

23 présenter les demandes de modification au cas par cas mais

24 seulement que vous, vous savez ce que vont dire vos

25 témoins, que nous n’avons pas encore entendus, et vous avez

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1 déjà entendu par exemple les témoins 50 et 75 en partie.

2 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Nous ne

3 savons pas ce qu’ils vont dire.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : La raison

5 pour laquelle il faut que l’acte d’accusation soit par

6 écrit c’est une question de précision.

7 Me RYNEVELD (interprétation) : Je pense qu’il est

8 un peu optimiste de penser que l’on sait à l’avance ce que

9 vont dire les témoins. Nous, nous pensions que nous

10 savions ce qu’allaient dire les témoins 50 et 75, mais

11 quand les gens déposent dans le prétoire, il leur arrive de

12 dire des choses que nous n’attendions pas du tout bien que

13 nous ayons déjà recueilli des dépositions de ces témoins et

14 bien que les témoins aient donné leur approbation à leurs

15 déclarations préalables.

16 Nous nous sommes conformés à la décision de la

17 Chambre, à savoir que nous ne nous entretenons pas avec les

18 témoins après qu’ils ont commencé à déposer et nous ne

19 l’avons fait pour aucun des témoins, conformément à votre

20 décision.

21 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Monsieur

22 Ryneveld, personne n’accuse le Bureau du Procureur. Toute

23 personne qui a une expérience des procès de ce genre sait

24 que cela arrive. Nous ne disons pas que vous êtes en faute

25 mais nous souhaitons protéger les intérêts de la Défense.

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1 Me RYNEVELD (interprétation) : Oui. Je vous

2 comprends bien. J’ai bien compris et nous allons donc

3 définir notre position en fonction de vos observations.

4 Bien. En ce qui concerne le Témoin 101, il

5 apparaît que le Témoin 101 ne déposera pas. Le Témoin 101

6 devait parler des chefs d’accusation 14 à 17 à l’acte

7 d’accusation concernant Messieurs Kovac et Kunarac, et

8 étant donné ce développement, je souhaitais vous faire

9 savoir que nous allions présenter une demande aux fins du

10 retrait des chefs d’accusation 14 à 17 puisque nous

11 n’entendrons pas de témoins à ce sujet.

12 Dans le même ordre d’idée, le Témoin DB jusqu’à

13 présent avait dit qu’elle ne souhaitait pas venir déposer

14 ici. Maintenant, il apparaît qu’elle souhaite venir

15 déposer, et de ce fait, nous demandons l’addition du Témoin

16 DB à la liste des témoins et nous disposons d’ores et déjà

17 de copies du résumé de sa déclaration non-officielle et

18 cette déclaration peut être communiquée à la Défense aussi

19 bien qu’à la Chambre. Cette déclaration a été traduite

20 dans… ou plutôt, je me reprends. Nous disposons de cette

21 déclaration aussi bien en anglais qu’en B/C/S.

22 Je vais demander à l’Huissier de distribuer ces

23 documents. J’ai ici trois exemplaires pour la Défense.

24 J’ai un jeu de documents pour la Chambre et ceux que je

25 vous ai remis sont destinés à la Défense. Il y a également

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1 un jeu pour le Greffe. Nous fournirons des copies pour les

2 juges pendant la pause si cela vous agrée.

3 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je

4 souhaiterais que vous nous indiquiez dans votre demande

5 orale quand est-ce que vous souhaitez citer à comparaître

6 le Témoin DB.

7 Me RYNEVELD (interprétation) : Si vous agréez à

8 notre demande d’ajouter le Témoin DB à la liste, nous

9 souhaiterions lui demander de témoigner à la fin de la

10 présentation de nos éléments à charge, avant d’entendre les

11 experts. Donc, cela sera avant la pause, avant les

12 vacances judiciaires, sans doute en mai, c’est-à-dire dans

13 un mois ou plus.

14 Voici donc les trois questions de procédure que je

15 souhaitais porter à votre attention et si vous avez des

16 questions, je suis tout à fait prêt à y répondre.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Nous

18 avons traité de la première question.

19 Maintenant, je me tourne vers les conseils de la

20 Défense en ce qui concerne le deuxième point. L’Accusation

21 demande l’autorisation de retirer, c’est-à-dire une

22 modification de l’acte d’accusation, de retirer donc les

23 chefs d’accusation 14, 15, 16 et 17, et vous avez, je

24 pense, compris les raisons du Bureau du Procureur pour

25 formuler cette demande, et je voudrais que vous me fassiez

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1 part maintenant de vos observations, si vous en avez, à ce

2 sujet.

3 Me Prodanovic.

4 Me PRODANOVIC (interprétation) : Bien entendu,

5 ceci est un problème beaucoup moins grave que celui posé

6 par la première intervention de l’Accusation. En ce qui

7 concerne la Défense de Monsieur Kunarac, nous n’avons

8 aucune difficulté à ce que soient retirés ces chefs

9 d’accusation.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar.

11 Me KOLESAR (interprétation) : Cette demande n’a

12 rien à faire avec les chefs d’accusation retenus contre mon

13 client. Donc, je n’ai pas d’observation à faire.

14 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

15 Jovanovic.

16 Me JOVANOVIC (interprétation) : La Défense de

17 Monsieur Vukovic n’a pas non plus d’observation à faire

18 quant à la proposition du Bureau du Procureur.

19 [La Chambre discute]

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci.

21 La Chambre donne l’autorisation à l’Accusation de

22 retirer les chefs d’accusation 14, 15, 16 et 17. Donc, ces

23 chefs d’accusation sont maintenant supprimés de l’acte

24 d’accusation contre Monsieur Kunarac et contre le deuxième

25 accusé.

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1 En ce qui concerne la demande de l’Accusation au

2 sujet du Témoin DB, nous sommes conscients du fait que les

3 conseils de la Défense viennent seulement de recevoir les

4 déclarations préalables du témoin. Les accusés ont besoin

5 de prendre connaissance de ces déclarations et de donner

6 des instructions ensuite à leurs conseils avant de

7 présenter leurs conclusions ou leurs observations à la

8 Chambre.

9 Donc, nous allons donner un certain temps aux

10 conseils de la Défense. Nous avons compris que

11 l’Accusation entend appeler le Témoin DB avant la fin de la

12 présentation de ses éléments et avant d’entendre les

13 experts. Donc, nous pensons que la Défense a le temps de

14 consulter ses clients et nous souhaiterions que la Défense

15 indique à la Chambre jeudi au plus tard s’ils sont prêts à

16 nous présenter leurs observations au sujet de la demande de

17 l’Accusation en ce qui concerne le Témoin DB.

18 Donc, nous en avons maintenant terminé de ces

19 questions de procédure et nous pouvons maintenant passer à

20 la fin de l’interrogatoire principal du témoin.

21 Je vais demander à l’Huissier de baisser les

22 rideaux de la salle d’audience afin de pouvoir faire entrer

23 le témoin.

24 [Le témoin entre dans la Cour]

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bonjour,

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1 témoin. Nous poursuivons ce matin votre interrogatoire

2 principal. Vous êtes toujours sous serment, serment que

3 vous avez fait au début de votre interrogatoire principal.

4 Donc, le Procureur continuera à vous poser des questions.

5 TÉMOIN : TÉMOIN 75

6 (SOUS LE MÊME SERMENT)

7 INTERROGÉE PAR

8 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

9 (Suite)

10 Q. Bonjour.

11 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je

12 vois que Me Kolesar est debout.

13 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

14 Présidente, les accusés me disent que l’écran les empêche

15 de voir le témoin. Donc, je demande que ce soit déplacé un

16 petit peu pour qu’ils puissent voir le témoin.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je souhaite

18 savoir ce que le Procureur en pense. Je ne me souviens pas

19 de toutes les mesures de protection. Je me souviens qu’un

20 témoin a demandé d’être protégé de la vue des accusés.

21 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui, mais

22 pas celui-ci.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Très bien !

24 Donc, nous pouvons déplacer cette partie de l’écran. Vous

25 pouvez même le faire plus puisque les stores sont baissés

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1 derrière.

2 Ça suffit ?

3 Me KOLESAR (interprétation) : Oui. Ça va

4 maintenant.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Merci,

6 Monsieur l’Huissier. Laissez ça comme ça. C’est bon.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) :

8 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je souhaite que

9 l’on clarifie certains points concernant la salle des

10 sports de Partizan. Vous avez déjà décrit les incidents

11 concernant la maison dont vous avez dit qu’il s’agissait de

12 la maison du tailleur et puis vous avez dit également que

13 d’autres soldats vous ont amenée à d’autres endroits.

14 Est-ce que vous pourriez me dire si d’autres

15 femmes, on les faisait sortir aussi de la salle des sports

16 de Partizan ?

17 R. Oui.

18 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Peut-on

19 donner au témoin la liste que nous avons utilisée la

20 dernière fois ? Il s’agit de la pièce à conviction du

21 Procureur 189.

22 Q. Veuillez examiner cette liste s’il vous plaît

23 et me dire qui étaient les autres personnes qu’on a fait

24 sortir de Partizan, sans indiquer les noms, juste les

25 initiales.

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1 R. DB, le numéro 87, 50, 95, 189, 51, 90, 48, 74

2 et 88.

3 Q. Est-ce que vous avez vu lorsqu’on les faisait

4 sortir ou bien comment est-ce que vous le savez ?

5 R. Moi, j’ai été la moins présente puisque moi,

6 on me faisait sortir le plus de toutes, mais à chaque fois

7 que je rentrais, je savais ce qui s’était passé entre-

8 temps. Une nuit lorsque je suis rentrée, lorsque Tuta m’a

9 fait rentrer, je n’ai vu que des femmes âgées dans la

10 salle. En ce qui concerne toutes les femmes jeunes, aucune

11 d’entre elles n’y était plus.

12 Q. Est-ce que vous ou une quelconque autre femme

13 a été passée à tabac lorsque les soldats vous faisaient

14 sortir ?

15 R. Personnellement, non. C’est Klanfa qui m’a

16 frappée le plus.

17 Q. Est-ce que vous ou bien une quelconque des

18 femmes, est-ce que vous avez jamais osé refuser de sortir

19 avec les soldats qui vous faisaient sortir de Partizan ?

20 R. Personnellement, non. Je ne savais pas ce

21 qui m’attendait. DB, oui, une fois, elle s’est opposée et

22 quand elle est sortie devant la porte, c’est là qu’on l’a

23 giflée et ensuite, ils l’ont ramenée dans la salle.

24 Q. Est-ce que vous avez jamais vu des traces de

25 blessures sur les femmes à Partizan ?

Page 1485

1 R. Non.

2 Q. Est-ce que vous vous souvenez ou plutôt est-

3 ce que vous avez vu des brûlures de cigarettes sur une des

4 femmes ?

5 R. Je n’en ai pas vu, mais par la suite, j’en ai

6 entendu parler parce qu’au moment des faits, je n’étais pas

7 là-bas.

8 Q. Est-ce que vous pouvez me dire de quoi il

9 s’agissait, ce que vous avez entendu dire ?

10 R. J’ai entendu dire que 95, qu’on l’a fait

11 sortir et amener à Bijela, dans une conglomération et qu’il

12 y avait des Chetniks de Serbie, environ 500, qu’elle a été

13 amenée à Bijela, qu’on l’a tabassée et qu’on éteignait des

14 cigarettes sur elle.

15 Q. Est-ce que vous l’avez vue ? Est-ce que vous

16 avez vu des blessures, des brûlures ?

17 R. Non, parce qu’à partir du 2 août 1992, je

18 n’ai plus jamais revu cette personne.

19 Q. Mis à part l’incident que vous avez déjà

20 décrit lorsqu’on vous a fait sortir avec d’autres femmes,

21 est-ce que vous avez vu l’Accusé Kunarac ou ses hommes

22 lorsqu’ils étaient en train de faire sortir des femmes du

23 Partizan ?

24 R. Oui.

25 Q. Quand est-ce que vous avez vu ça et qui est-

Page 1486

1 ce qu’on faisait sortir ? Est-ce que vous vous en souvenez

2 ?

3 R. Eh bien, une fois, la première fois qu’ils

4 m’ont fait sortir, ensuite, ils sont revenus encore une

5 fois afin de me faire sortir de nouveau et ils ont fait en

6 sorte que je me lève, mais je crois qu’il y avait Tolja, je

7 pense que c’était lui, il a vu tout ça. Il leur a dit de

8 me ramener parce qu’il savait ce qui m’était déjà arrivé.

9 Ensuite, ils ont fait sortir DB, 87 et 50. Ils

10 les ont fait sortir. Ils les ont amenées quelque part.

11 Q. Vous avez décrit lorsque le 2 août 1992,

12 l’Accusé Kunarac vous a fait sortir et il ne vous a plus

13 jamais ramenée. Avant ce 2 août, est-ce qu’on vous a

14 jamais fait sortir de Foca pour vous amener dans une autre

15 municipalité ?

16 R. Non.

17 Q. Est-ce qu’on vous a jamais amenée à Cajnice ?

18 R. Oui.

19 Q. Quand est-ce que ceci s’est produit ?

20 R. Ceci a eu lieu vers 10 ou 15 jours après le

21 début de mon séjour dans le Partizan. Mitar Sipcic et une

22 autre personne âgée, je ne sais pas comment il s’appelait

23 mais il portait plusieurs insignes de grade et ce leader

24 Chetnik de Cajnice est venu avec eux. Il s’appelait

25 Kornjaca. C’est comme ça qu’on l’appelait.

Page 1487

1 Ils sont d’abord venus un matin. Soi-disant un

2 car devait venir pour nous transporter jusqu’à Gorazde,

3 mais ceci ne s’est pas produit. Le lendemain, ils sont

4 revenus et notre groupe de 20, 25 peut-être, ils nous ont

5 placés dans une camionnette et ils nous ont amenés jusqu’à

6 Cajnice, et avant cela, ils ont placé dans ce camion 16

7 hommes de la prison de Foca, et donc, nous avons été

8 transportés ensemble dans le même camion.

9 Nous avons passé deux nuits à Cajnice dans une

10 école à Mijeljina. Le lendemain, ils ont amené encore deux

11 femmes et trois enfants. Lorsqu’ils nous amenaient à

12 Cajnice, lorsqu’ils nous conduisaient, j’ai entendu

13 lorsqu’ils se parlaient par le Motorola : « Tout va bien.

14 Il n’y aura pas de problème. Tout est arrangé. »

15 Soi-disant, un échange devait avoir lieu. Les

16 nôtres devaient faire venir quelques civils de Gorazde afin

17 de procéder à l’échange, mais il s’agissait simplement d’un

18 mensonge et lorsque j’ai entendu leur conversation, j’ai

19 entendu simplement qu’ils disaient : « Comporte-toi

20 conformément aux ordres », ce qui voulait dire que si

21 jamais il devait y avoir un échange, ils devaient tirer sur

22 nos dos.

23 Lorsqu’ils nous ont amenés à Cajnice, beaucoup

24 d’habitants locaux sont venus, des femmes, d’autres. Ils

25 apportaient de la nourriture, des cigarettes, des

Page 1488

1 sandwichs, du lait, et cætera, afin de prouver qu’ils sont

2 tellement gentils, accueillants, qu’ils regrettent vraiment

3 ce qui nous arrivait, mais peu de temps après, de nouveau,

4 la télévision est venue pour montrer à quel point ces gens

5 étaient merveilleux, comment ils nous accueillent, comment

6 ils sont gentils.

7 C’est comme ça qu’on a passé deux nuits et

8 ensuite, ils nous ont ramenés encore une fois en autobus

9 jusqu’au Partizan à Foca.

10 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ils vous ont

11 ramenés jusqu’à Partizan, pourquoi ils ne vous ont pas

12 laissé rester à Cajnice, pourquoi est-ce qu’ils ne vous ont

13 pas libérés ?

14 R. À Pljevlja, nous avons demandé qu’ils nous

15 relâchent puisque nous avons traversé le Monténégro. Il

16 s’agissait quand même d’un autre État du territoire libre,

17 mais ils ne nous ont pas laissé partir. Ils ont dit :

18 « Nous avons reçu les ordres de vous ramener jusqu’à

19 Foca. » De telle manière, ils ont ramené les 16 hommes à

20 la prison de Foca et nous, les autres, à Partizan.

21 Q. Je souhaite clarifier certains points

22 concernant la période que vous avez passée dans

23 l’appartement de Klanfa. Vous avez dit que l’Accusé Kovac

24 et Jagos Kostic vous ont violées toutes les quatre. Est-ce

25 que vous avez vu lorsque l’Accusé Kovac a violé AB ?

Page 1489

1 R. Non, je ne l’ai pas vu.

2 Q. Comment est-ce que vous le savez alors ?

3 R. Tout ce qui se passait, nous racontions ce

4 qui nous est arrivé l’une à l’autre.

5 Q. Vous avez dit également qu’au bout d’un

6 certain moment, l’accusé a arrêté de vous violer

7 personnellement mais qu’il a amené des hommes dans

8 l’appartement afin qu’ils vous violent et vous avez déjà

9 décrit cet incident concernant l’Accusé Vukovic.

10 Est-ce que vous vous souvenez si les accusés Kovac

11 et Vukovic sont venus ensemble cette fois-ci ou bien est-ce

12 que l’un d’eux y était déjà et un autre est arrivé par la

13 suite ? Est-ce que vous vous souvenez de ces détails ?

14 R. Non, je ne m’en souviens pas.

15 Q. Est-ce que l’Accusé Kovac vous a donné

16 l’ordre d’aller auprès de Vukovic ou bien comment est-ce

17 que vous avez fini par vous retrouver dans la cuisine avec

18 Vukovic ?

19 R. C’est lui qui m’a forcée à aller avec lui,

20 avec l’autre dans la cuisine.

21 Q. Lorsque vous dites « lui », vous parlez de

22 l’Accusé Vukovic ?

23 R. Je parle de Kovac.

24 Q. Mis à part les deux incidents que vous avez

25 décrits lorsque vous avez été violée et lorsqu’on vous a

Page 1490

1 dit d’aller avec d’autres hommes, est-ce que d’autres

2 hommes, mis à part Vukovic, vous ont violée également dans

3 l’appartement de Klanfa, les autres hommes, mis à part donc

4 Vukovic et l’autre personne que vous avez mentionné le nom

5 ?

6 R. Je sais simplement Slavo Ivanovic et Tarza.

7 Il les a amenés à moi. Puisque moi, je ne voulais pas

8 aller dans la chambre avec eux, tout d’abord, il m’a donné

9 des gifles. Je pleurais et ensuite, il a envoyé AB avec

10 Slavo Ivanovic dans la chambre et je ne me souviens plus si

11 quelqu’un d’autre m’a violée là-bas.

12 Q. Les accusés Kovac et Vukovic, à l’époque,

13 est-ce qu’ils portaient des uniformes ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu’ils appartenaient à une quelconque

16 unité particulière ?

17 R. Je pense qu’ils appartenaient au groupe de

18 Brane Cosovic appelé Dragan Nikolic.

19 Q. Comment avez-vous entendu parler de cela ?

20 R. C’est eux personnellement qui me l’ont dit

21 puisque ce Dragan Nikolic, au début de la guerre à Foca, il

22 est mort et soi-disant c’était un grand ami à eux, témoin

23 de mariage de Pero Elez et c’est d’après lui qu’ils ont

24 nommé le groupe Dragan Nikolic.

25 Q. Pendant que vous étiez dans l’appartement de

Page 1491

1 Klanfa, est-ce que vous deviez faire le ménage ?

2 R. Oui.

3 Q. Qu’est-ce que vous deviez faire ?

4 R. Eh bien, nous devions nettoyer, laver leur

5 linge sale. Nous ne devions pas cuisiner parce que de

6 toute façon, il n’y avait rien à cuisiner. De temps en

7 temps parfois, ils nous amenaient quelques boîtes de

8 conserve. C’est ce que nous mangions. Voilà !

9 Q. Vous avez dit que Kovac, l’Accusé Kovac était

10 la personne qui vous a tabassée le plus et vous avez déjà

11 décrit l’incident au cours duquel ceci s’est produit, l’un

12 de ces incidents. Est-ce que vous pouvez me dire à quelles

13 autres occasions il vous a battue et pourquoi ?

14 R. Eh bien, cette nuit-là, lorsqu’ils sont venus

15 ivres, lui et ce Serbe de Serbie, Vojkan Jadzic, ils sont

16 rentrés du café. Avant cela, moi et 87, nous avions bu un

17 peu d’alcool parce que nous avions l’impression que la vie

18 allait être moins dure comme ça, et lorsqu’il est entré

19 dans l’appartement et qu’il a vu que j’étais saoule, il a

20 commencé à me dire : « Pourquoi as-tu Busovaca ? », et il a

21 commencé à me frapper.

22 Q. Quand est-ce que ceci s’est produit ?

23 R. Eh bien, c’était une ou deux nuits avant que

24 moi et AB, on soit renvoyé, remis aux autres personnes.

25 Q. À la fin de l’audience jeudi, vous avez

Page 1492

1 décrit les événements qui se sont produits après que

2 l’Accusé Kovac vous a amenée avec 87 dans l’appartement de

3 Tuta et comment vous êtes rentrée dans l’appartement de

4 Klanfa. Est-ce que vous pouvez me dire ce qui est arrivé à

5 AS ?

6 R. C’est Jagos Kostic qui a amené AS dans un

7 appartement à Donje Polje puisqu’il y avait des coups de

8 feu et c’est pour ça qu’il l’a amenée à Donje Polje, dans

9 un appartement.

10 Q. Comment est-ce que vous le savez ?

11 R. Je le sais puisque le lendemain, après tous

12 ces événements, lorsque nous sommes rentrées dans cet

13 appartement, à ce moment-là, Jagos a amené AS dans

14 l’appartement et c’est ainsi qu’elle nous a dit qu’elle

15 avait été dans un appartement à Donje Polje.

16 Q. Est-ce qu’elle a continué à rester dans

17 l’appartement de Klanfa ou bien est-ce qu’on l’a amenée

18 ailleurs ?

19 R. Elle y est restée.

20 Q. Qu’est-ce qui est arrivé à AB ?

21 R. Le lendemain, lorsque nous nous sommes

22 levées, Klanfa est venu et il a dit que Dragec allait venir

23 afin d’amener AB et à moi, il a dit que Tuta et Zelja, ils

24 allaient venir afin de m’amener. Au bout d’un certain

25 temps, Dragec est venu, il a sonné à la porte et Klanfa a

Page 1493

1 vu à travers le judas, il a vu Dragec compter l’argent, il

2 a souri et il a dit : « Regarde-le compter l’argent. » Il

3 a ouvert la porte. Dragec est entré. J’ai vu qu’il a

4 donné 200 deutschmarks et il a pris la petite et il est

5 parti.

6 Au bout d’un certain temps, Tuta et Zelja se sont

7 arrêtés en voiture devant la porte et il a dit à moi que je

8 devais sortir, partir avec eux. Je suis sortie. Je me

9 suis mise dans la voiture. Ils m’ont conduite vers Aladze

10 et le premier bâtiment en sortant du parc, c’est là que la

11 voiture s’est arrêtée et ils sont montés à l’étage de cet

12 immeuble.

13 Ils sont restés assez longtemps dans l’immeuble et

14 lorsqu’ils sont revenus, ils ont dit que je devais aller

15 chez AB. Moi, je suis entrée. J’avais très peur, je

16 pleurais et Dragec, il a crié sur moi et il a dit :

17 « Pourquoi pleures-tu ? Ne sais-tu pas que je viens de te

18 sauver la vie ? Ils voulaient te tuer maintenant. Est-ce

19 que tu sais qu’ils voulaient te tuer ? » Quand il m’a dit

20 ça, je me suis calmée un peu. J’ai compris ce qui se

21 passait.

22 Q. Quand est-ce que vous avez vu AB la dernière

23 fois ?

24 R. Nous sommes restées ensemble pendant assez

25 longtemps encore, probablement encore deux mois puisque

Page 1494

1 Dragec, il nous vendait partout. Il faisait du commerce

2 avec nous. Un mois ou peut-être 15 jours avant, à ce

3 moment-là, ils nous ont séparées. C’est Jasko Gazdic qui

4 l’a amenée et je ne l’ai plus revue, plus jamais, mais je

5 suis sûre et je sais avec certitude que ce même Kovac sait

6 personnellement ce qui est arrivé à cette jeune fille. Il

7 s’agit d’une fille de 12 ans, d’un enfant de 12 ans.

8 J’avais oublié de dire qu’il y avait un verre

9 plein de dents en or dans son appartement. Quand j’ai vu

10 ça, je tremblais de froid et il m’a dit à ce moment-là :

11 « Qu’as-tu vu ? Qu’est-ce qu’il y a ? » Moi, j’ai dit que

12 je n’avais rien vu.

13 Q. Vous-même, quand est-ce que vous avez quitté

14 Foca ?

15 R. Moi, j’ai quitté Foca le 5 mars 1993.

16 Q. Comment êtes-vous sortie ?

17 R. Deux Serbes m’ont aidée. Ils m’ont fait

18 sortir jusqu’au territoire libre.

19 Q. Vous nous avez décrit huit mois de détention

20 et de sévices sexuels. Est-ce que ceci a laissé des

21 séquelles sur votre état de santé ?

22 R. Oui.

23 Q. Comment ?

24 R. Je souffre toujours de traumatismes. Je

25 continue à rêver de ça. J’ai encore beaucoup de peurs. Je

Page 1495

1 pense que je ne me libérerai jamais de cela parce que si

2 j’ai peur à un moment, je commence à trembler tout de

3 suite.

4 Q. Jeudi, vous avez identifié l’Accusé Dragoljub

5 Kunarac dans le prétoire. Est-ce que les enquêteurs du

6 Bureau du Procureur vous avaient montré une série de

7 photographies ?

8 R. Oui.

9 Q. Vous souvenez-vous quand cela s’est passé ?

10 Est-ce que c’était éventuellement en avril 1998 ? C’était

11 il y a deux ans, n’est-ce pas ?

12 R. Oui, c’est possible, mais je ne m’en souviens

13 pas exactement.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez si vous avez

15 reconnu qui que ce soit sur la photo ?

16 R. Non.

17 Q. Pourquoi ?

18 R. Je pense qu’il s’agissait des copies, des

19 copies de photographies. C’est la raison pour laquelle je

20 ne pouvais pas reconnaître et il y a des années qui se sont

21 passées. Je ne pouvais pas véritablement m’en souvenir.

22 Q. Vous avez reconnu dans le prétoire Dragoljub

23 Kunarac, n’est-ce pas ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que vous en êtes sûre ?

Page 1496

1 R. Oui.

2 Q. Vous avez reconnu également l’Accusé Zoran

3 Vukovic dans ce prétoire, n’est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous avez dit que vous ne le connaissiez pas

6 avant la guerre, n’est-ce pas ?

7 R. C’est vrai.

8 Q. Est-ce que vous connaissiez un autre Zoran

9 Vukovic, une autre personne répondant au nom Zoran Vukovic

10 avant la guerre ?

11 R. Non. Je sais qu’il y avait une personne qui

12 répondait au même nom et qui habitait à Brod et ensuite, il

13 était à Foca et son surnom était Kifla.

14 Q. Vous connaissez ce Kifla ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce que vous pouvez, s’il vous plaît, nous

17 donner la description de cette personne répondant au surnom

18 Kifla, Zoran Vukovic, surnommée Kifla ?

19 R. Il était châtain clair et il était assez

20 gros, de taille moyenne.

21 Q. Quel âge avait-il ?

22 R. Je ne le sais pas exactement mais il avait

23 plus que 30 ans.

24 Q. Est-ce que vous avez vu cette personne

25 répondant au nom Zoran Vukovic et au surnom Kifla ? Vous

Page 1497

1 l’avez vue pendant la guerre ?

2 R. Oui.

3 Q. Quand ? À quel moment ?

4 R. Eh bien, je pense que c’était le mois de

5 février, février 1993. C’était peut-être en janvier,

6 janvier, février 1993. Dragec m’a vendue à Todovic et il

7 m’a gardée dans un studio à Mahala, et une nuit, lui-même

8 ainsi qu’un enseignant répondant au nom de Dzurovic qui

9 était venu jusqu’à ce studio et avant la guerre, il

10 enseignait la culture physique dans une école élémentaire,

11 donc, ils ont enfoncé la porte du studio que j’habitais.

12 Q. Qu’est-ce qu’ils ont fait ?

13 R. À ce moment-là, Kifla m’a violée. Ensuite,

14 il m’a emmenée dans son appartement, chez sa mère, et je

15 sais qu’il proférait des injures à l’égard de sa mère.

16 C’était sa propre mère et elle était vieille, elle était

17 malade et puis je suis restée toute la nuit dans son

18 appartement. C’est là-bas également qu’il m’a violée. Le

19 lendemain matin à midi, il m’a ramenée dans ce studio.

20 Q. Ce Kifla, ce Zoran Vukovic, est-ce que vous

21 l’avez vu à Buk Bijela, au lycée ou bien à Partizan ?

22 R. Non, je ne m’en souviens pas.

23 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

24 Présidente, je n’ai plus de questions.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je pense que

Page 1498

1 maintenant, nous allons passer au contre-interrogatoire.

2 Me Prodanovic.

3 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

4 Présidente.

5 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me

6 PRODANOVIC (interprétation) :

7 Q. Bonjour, Madame le Témoin. Je voudrais vous

8 poser une première question. Vous avez donné combien de

9 déclarations aux enquêteurs du Tribunal à La Haye ?

10 R. Une seule.

11 Q. Est-ce que j’ai bien entendu : une seule ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous vous souvenez à quel moment

14 vous avez donné cette déclaration ?

15 R. Je ne m’en souviens pas.

16 Q. Est-ce qu’entre-temps, vous avez donné des

17 déclarations à d’autres organes outre les enquêteurs du

18 Tribunal ?

19 R. Je ne sais pas.

20 Q. Est-ce que vous avez donné éventuellement une

21 déclaration au Service de sécurité à Sarajevo ?

22 R. Oui.

23 Q. Est-ce que c’était le 22 août 1996 ?

24 R. Je ne m’en souviens pas. Il est possible.

25 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vais demander

Page 1499

1 à l’Huissier de m’aider à remettre au témoin les

2 déclarations que le témoin a données aux enquêteurs du

3 Tribunal – il y a deux déclarations, pas une seule, comme

4 le témoin vient de nous dire – et de lui remettre également

5 une déclaration qu’elle a donnée aux représentants du

6 Service de sécurité à Sarajevo en date du 22 août 1996.

7 LA GREFFIÈRE : Alors, la déclaration du témoin en

8 date du 6 mars 1998 sera cotée D23 des pièces de la

9 Défense. La déclaration du témoin en date du 15 et du 18

10 novembre 1995 sera cotée D24 des pièces de la Défense.

11 En ce qui concerne la déclaration du témoin du 22

12 août 1996, celle-ci n’a été communiquée au Greffe qu’en

13 version B/C/S. Je voudrais savoir la position de la

14 Chambre quant à une cotation éventuelle.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

16 Prodanovic, comment ça se fait qu’il n’y a pas de version

17 anglaise ou éventuellement en français, notamment en

18 anglais parce qu’il s’agit de la Chambre qui suit

19 uniquement en anglais ?

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Madame la

21 Présidente, c’est l’Accusation qui nous a remis ces

22 déclarations. Je n’ai jamais vu la déclaration en langue

23 anglaise.

24 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui. Nous

25 avons une traduction mais officieuse et il faudrait que je

Page 1500

1 vérifie mais je pense que vous l’avez vérifiée.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bon. Nous

3 allons par conséquent pouvoir attribuer la cote mais à

4 condition que la version en anglais nous soit remise

5 ultérieurement par l’Accusation.

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : D’accord.

7 Il n’y a aucun problème.

8 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …22 août 1996 en

9 version B/C/S portera la cote D25 des pièces du Procureur.

10 Toutes ces pièces seront enregistrées de façon

11 confidentielle.

12 La dernière pièce est cotée D25 des pièces du

13 Procureur et non D26 comme il est indiqué dans le

14 transcript.

15 Me PRODANOVIC (interprétation) :

16 Q. Je vous en prie, est-ce que vous pouvez, s’il

17 vous plaît, regarder ces déclarations et puis nous

18 confirmer s’il s’agit ou non de vos déclarations ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que nous pouvons constater que vous

21 avez donné les deux déclarations aux enquêteurs du Tribunal

22 et pas une seule, comme vous l’avez dit tout à l’heure ?

23 R. C’est possible, mais je ne me souviens pas.

24 Quand même, ça s’est passé il y a longtemps. Donc, je ne

25 m’en souviens pas. Je ne sais pas si j’en ai donné une

Page 1501

1 seule ou deux, mais de toute façon, je sais que je n’avais

2 pas honte de les donner. Je voulais tout simplement que le

3 monde entier sache ce que j’ai vécu.

4 Q. Excusez-moi. Est-ce que vous avez dit au

5 Service de sécurité que vous avez donné la déclaration aux

6 enquêteurs du Tribunal ?

7 R. Oui.

8 Q. Qu’est-ce que les représentants du Service de

9 sécurité d’État vous ont dit et quelles étaient les raisons

10 pour lesquelles ils vous ont convoquée pour donner la

11 déclaration ?

12 R. Je ne m’en souviens pas.

13 Q. Est-ce qu’on vous a dit également qu’il

14 faudrait que vous donniez la déclaration parce que cette

15 déclaration serait utilisée également devant le Tribunal

16 international à La Haye ?

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Pourriez-vous nous dire comment s’est passé

19 l’interrogatoire auprès du Service de sécurité à Sarajevo ?

20 Est-ce que vous avez donné éventuellement ces déclarations

21 à Sarajevo ou dans un autre lieu ou une autre ville ?

22 R. Normalement, comme toutes les autres

23 déclarations, à Sarajevo, oui.

24 Q. Est-ce que les représentants du Service de

25 sécurité d’État vous ont posé des questions ou bien ils

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1 vous ont dit de relater ce que vous connaissez sur les

2 événements qui avaient trait au conflit de Foca ?

3 R. Mais ils m’ont posé des questions, et puis

4 d’un autre côté, j’ai relaté également un certain nombre

5 d’événements. J’ai dit tout ce qui s’était passé.

6 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms des

7 personnes qui vous ont interrogée ? Est-ce que le Greffe

8 était présent lors de l’interrogatoire ?

9 R. Oui, mais je ne me souviens pas de noms.

10 Q. Est-ce que c’est vous qui avez dicté ce qui

11 allait être intégré dans la déclaration ou quelqu’un

12 d’autre éventuellement ?

13 R. Mais personne ne pouvait dicter ce que je

14 voulais dire et ce que j’ai eu à dire.

15 Q. Est-ce que ça veut dire que vous avez dit au

16 Greffe ce qui allait rentrer dans la déclaration ?

17 R. Oui.

18 Q. Est-ce que vous étiez d’accord avec ce qui a

19 été marqué dans la déclaration ? Éventuellement, vous

20 aviez des remarques, observations ?

21 R. Oui. J’ai signé la déclaration mais pour ce

22 qui est des remarques, je ne me souviens pas.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez ce que vous

24 avez déclaré à cette occasion ? Est-ce que vous maintenez

25 ce que vous avez dit à cette occasion ?

Page 1503

1 R. Je pense que je m’en souviens.

2 Q. Est-ce que vous avez dit la vérité à cette

3 occasion-là ?

4 R. Je pense que oui.

5 Q. Vous souvenez-vous si le Greffe a signé cette

6 déclaration ?

7 R. Je ne m’en souviens pas.

8 Q. Est-ce qu’à cette époque-là, vous aviez un

9 bon souvenir en ce qui concerne les événements qui se sont

10 passés ?

11 R. Oui, certainement.

12 Q. Est-ce que vous avez parlé de la même façon

13 de ces événements comme ce fut le cas au moment où vous

14 vous êtes entretenue avec les enquêteurs du Tribunal

15 international ?

16 R. Je pense que oui.

17 Q. Excusez-moi, je ne vous ai pas compris.

18 R. Je pense que oui.

19 Q. Entendu ! Pourriez-vous me dire sur

20 l’initiative de qui vous avez participé à ce deuxième

21 interrogatoire ?

22 R. Je ne m’en souviens pas.

23 Q. Vous avez dit par ailleurs que vous avez

24 travaillé à la société Sipad de Maglic comme balayeuse ?

25 R. Oui, c’est exact.

Page 1504

1 Q. Vous avez dit dans vos déclarations

2 préalables que vous avez travaillé avec quatre Serbes.

3 Est-ce qu’elles étaient également des balayeuses ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que, outre ces quatre Serbes,

6 éventuellement il y avait des musulmans parmi vous qui

7 travaillaient avec vous ?

8 R. Oui, avec une seule.

9 Q. Excusez-moi.

10 R. Avec une musulmane. Avec une autre

11 musulmane.

12 Q. Vous avez dit par ailleurs que vos collègues

13 serves ne sont pas venus travailler ce jour-là ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que votre collègue musulmane est venue

16 au travail ?

17 R. Non, parce qu’elle était déjà à la retraite.

18 Q. Est-ce que c’était la centrale thermique qui

19 faisait partie de Sipad ?

20 R. Est-ce que je dois donner la réponse ?

21 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Vous

22 devez donner la réponse.

23 R. Oui.

24 Me PRODANOVIC (interprétation) :

25 Q. Qui était le directeur de la centrale

Page 1505

1 thermique ?

2 R. Nenad Matovic.

3 Q. Et Omer Hasanbegovic, qu’est-ce qu’il

4 occupait comme poste ?

5 R. Il était directeur également mais il était

6 chargé d’une nouvelle unité d’électricité qui était en

7 train d’être construite.

8 Q. Est-ce que vous savez qui avait un rang qui

9 était supérieur?

10 R. Non, je ne sais pas.

11 Q. Et Djordje Pavlovic, quel était le poste

12 qu’il avait occupé ?

13 R. Il était chef de l’équipe.

14 Q. Et qui était votre supérieur direct ? Qui

15 vous a affecté pour les activités diverses ? Vous étiez

16 responsable devant qui ?

17 R. Il y avait Hajrudin Selimovic qui était le

18 chef et puis, tous les deux jours, on avait des chefs des

19 équipes qui se reléguaient.

20 Q. Et Hajrudin, c’était un musulman ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que vous savez comment les partis

23 politiques ont été constitués ?

24 R. Non.

25 Q. Est-ce que vous savez quel était le parti qui

Page 1506

1 était le premier à être mis en place en Bosnie ?

2 R. Je ne m’en souviens pas.

3 Q. Vous avez dit dans votre déclaration que les

4 Serbes et les musulmans ont commencé à s’écarter les uns

5 des autres à partir de l’affaire de Focatrans ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit qu’il y avait des partis

8 nationaux qui ont été créés, que ça s’est passé par la

9 suite. La question que j’aimerais vous poser c’est de

10 savoir si vous êtes sûre que cet incident Focatrans avait

11 eu lieu après la création des partis politiques.

12 R. Je pense que c’était avant.

13 Q. Excusez-moi.

14 R. Avant.

15 Q. Mais dans votre déclaration, vous disiez que

16 c’était après.

17 R. Je ne m’en souviens pas.

18 Q. Est-ce qu’avant le 6 avril 1992, vous avez

19 entendu parler des problèmes dans l’ex-Bosnie-Herzégovine,

20 des problèmes qui surgissaient ?

21 R. Oui. Lors du dernier congrès à Sarajevo

22 quand Karadzic avait déclaré que si jamais la guerre allait

23 être déclenchée que des musulmans allaient disparaître,

24 oui, ça je l’ai appris.

25 Q. Est-ce que vous savez ce qui s’est passé

Page 1507

1 avant, avant que Karadzic ait déclaré ce que vous venez de

2 nous citer ?

3 R. Je ne m’en souviens pas.

4 Q. Est-ce que vous connaissez uniquement ce que

5 Karadzic a dit, donc cet extrait qui se rapporte à lui et

6 qui s’est passé lors de cette assemblée générale ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez appris qu’il y avait des

9 incidents qui ont eu lieu et qu’il y avait un conflit, un

10 conflit armé qui a eu lieu le 6 avril 1992 ?

11 R. Je ne m’en souviens pas.

12 Q. Pourriez-vous nous dire entre qui ce conflit

13 s’est déclenché ?

14 R. Je ne m’en souviens pas.

15 Q. Dans vos déclarations, vous utilisez le terme

16 « agression ». Est-ce que vous savez ce que ça couvre,

17 quelle est la notion que ce terme couvre ?

18 R. Bien, ce sont les Serbes qui se sont attaqués

19 sur la Bosnie, sur les musulmans et sur le peuple désarmé.

20 Q. Est-ce que vous utilisez ce terme normalement

21 quand vous parlez couramment ?

22 R. Non. Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.

23 Q. Qui vous a dit qu’il n’y avait plus de

24 travail au moment où vous vous êtes rendue au travail le 6

25 avril 1992 ?

Page 1508

1 R. C’était Nenad Matovic.

2 Q. Il vous a dit où ?

3 R. Mais j’étais dans l’enceinte de la société où

4 je travaillais.

5 Q. Est-ce qu’il vous a rassemblé à un seul

6 endroit ou bien éventuellement il vous l’a dit à vous-même

7 dans les quat’z’yeux ?

8 R. Mais nous étions quatre. Nous étions quatre

9 dans toute l’entreprise et au moment où il est arrivé, nous

10 étions tous les quatre ensemble et on ne savait pas ce qui

11 se passait.

12 Q. Est-ce que ceci concernait aussi bien les

13 Serbes que des musulmans ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce qu’il y avait des problèmes entre les

16 musulmans et les Serbes dans votre entreprise ?

17 R. À ma connaissance, non, mais il y avait une

18 certaine séparation. Mais personnellement, je n’avais

19 aucun problème avec mes collègues.

20 Q. Vous avez dit que le 6 avril 1992, au moment

21 où on vous a informé qu’il n’y avait plus de travail, vous

22 vous êtes rendue à Foca : Est-ce que c’est exact ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous pouvez vous souvenir de

25 l’heure ? Quand est-ce que vous êtes partie ?

Page 1509

1 R. Je pense que c’était 9 h 00, 9 h 00 ou peut-

2 être 8 h 30.

3 Q. Vous avez dit que vous êtes partie avec deux

4 camarades, deux amies filles à Foca ?

5 R. Moi, je pense que c’était plutôt deux hommes.

6 Q. Est-ce que c’était des musulmanes ?

7 R. C’était les deux musulmans.

8 Q. Excusez-moi mais c’est peut-être une erreur

9 de traduction, mais dans la déclaration, c’est marqué

10 « deux filles », « deux femmes ».

11 R. Non. C’était deux camarades, deux musulmans.

12 C’était mon cousin et puis un ami homme.

13 Q. Ce n’est pas important. Passons.

14 Dans votre déclaration que vous avez donnée en

15 1995, en novembre, la première phrase, paragraphe 4, vous

16 avez dit que c’est avec votre cousin que vous êtes allée à

17 Foca : Est-ce que c’est exact maintenant ?

18 R. Oui.

19 Q. Et comment êtes-vous partis : à pied ou par

20 un moyen de transport ?

21 R. Par le car.

22 Q. Et qu’est-ce qui s’est passé ce jour-là à

23 Foca ?

24 R. À Foca, il y avait des véhicules différents

25 qui circulaient. Il y avait également des gens qui

Page 1510

1 criaient : « Nous sommes pour la paix. » Mais je n’étais

2 pas au clair. Je ne savais pas ce qui se passait.

3 Q. Vous avez dit qu’il y avait un groupe assez

4 nombreux de personnes et qu’ils affichaient : « Nous

5 souhaitons la paix. » Qui c’était, ces gens-là ?

6 R. Je pense que c’était des musulmans.

7 Q. Et maintenant, vous maintenez que c’était des

8 musulmans ?

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous pouvez savoir à peu près

11 combien de personnes étaient rassemblées ?

12 R. Mais il ne s’agissait pas d’une

13 manifestation. Il y avait des véhicules qui circulaient

14 mais il y avait également des haut-parleurs normalement

15 devant la mairie. Il fallait également prononcer un

16 discours mais rien ne s’est passé.

17 Q. Mais comment saviez-vous que la plupart

18 étaient des musulmans ?

19 R. Je sais parce que j’en connaissais beaucoup

20 parmi eux.

21 Q. Est-ce que vous, vous êtes restée jusqu’à la

22 fin de la manifestation ?

23 R. Non. Je suis partie à 10 h 15. J’ai pris le

24 car et je suis retournée chez moi.

25 Q. Vous avez dit que des musulmans affichaient

Page 1511

1 qu’ils voulaient la paix alors que les Serbes ont quitté

2 Foca. Est-ce qu’ils ont quitté massivement Foca ?

3 R. Oui.

4 Q. Et sur la base de quoi vous l’affirmez ?

5 R. Ils se sont préparés, puis ils faisaient

6 partir leurs familles au Monténégro, puis ils déployaient

7 des armes, des canons, et cætera, alors que les nôtres, ils

8 sont restés sur place. De toute façon, ils ne savaient

9 même pas ce qui se préparait parce que sinon, bien

10 évidemment, on n’aurait pas permis que ça se passe parce

11 qu’on aurait pu sauver nos propres vies. On aurait pu… on

12 ne serait pas à attendre les Chetniks pour qu’ils viennent

13 nous égorger.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez quels étaient

15 les Serbes qui sont partis ce jour-là ?

16 R. Oui, (expurgé) qui vivaient

17 (expurgé) dans le village.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous citer ici un

19 nom ?

20 R. Zivanovic, Rosa. Elle-même, elle est partie

21 avec ses enfants au Monténégro.

22 Q. C’est tout ce que vous savez ?

23 R. Je ne me souviens pas.

24 Q. Est-ce que vous savez si éventuellement une

25 famille musulmane a quitté Foca ?

Page 1512

1 R. Non.

2 Q. Mais qu’est-ce que ça veut dire : « Non » ?

3 Vous ne connaissez pas ou il n’y a pas une seule famille

4 qui ait quitté Foca ?

5 R. Je ne sais pas. Je ne connais pas parce que

6 je n’étais pas à Foca.

7 Me PRODANOVIC (interprétation) : C’est peut-être

8 le moment, Madame la Présidente. Je pense que nous sommes

9 à l’heure où normalement, on fait la pause et c’est après

10 la pause que je pourrais poursuivre si vous êtes d’accord

11 avec moi.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, jusqu’à

13 11 h 30.

14 --- Suspension de l’audience à 11 h 02

15 --- Reprise de l’audience à 11 h 30

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, vous pouvez poursuivre le contre-interrogatoire

18 du témoin.

19 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

20 Présidente.

21 Q. Vous avez dit que cette manifestation avait

22 été organisée par des musulmans, un groupe de musulmans.

23 Savez-vous qu’à Foca, il y avait une association de civils

24 qui s’opposaient aux partis nationalistes ?

25 R. Non, je ne le savais pas.

Page 1513

1 Q. Savez-vous qu’à Foca, il y avait des

2 manifestations qui étaient organisées contre les partis du

3 SDA et du SDS ?

4 R. Oui, je le sais.

5 Q. Avez-vous jamais participé à une de ces

6 manifestations ?

7 R. Oui. À Foca où était formé le Parti du SDA.

8 Q. Je ne crois pas que nous nous soyons compris.

9 Moi, ce que je vous avais demandé, c’est si vous saviez

10 qu’à Foca, il y avait des manifestations montées par des

11 associations de personnes opposées aux partis nationalistes

12 et lors de ces manifestations, on insistait beaucoup sur le

13 caractère néfaste du SDS et du SDA.

14 R. Je ne sais pas.

15 Q. Avez-vous connaissance, lors de la

16 manifestation que vous avez mentionnée qui s’est déroulée

17 en face de l’immeuble de la municipalité, est-ce que cette

18 association a demandé à rencontrer les représentants de la

19 municipalité ?

20 R. Il n’y avait personne devant la mairie ou

21 devant l’immeuble municipal. Il y avait des micros, des

22 porte-voix, des haut-parleurs, mais il n’y avait personne

23 devant.

24 Q. Comment le savez-vous puisque vous n’êtes pas

25 restée jusqu’au bout ?

Page 1514

1 R. Quand j’y étais, en tout cas, il n’y avait

2 personne

3 Q. Donc, vous nous avez dit qu’il y avait des

4 micros et des haut-parleurs ?

5 R. Oui.

6 Q. Est-ce que Novica Kostovic, ça vous dit

7 quelque chose et Dr Janovic, ça vous dit quelque chose ?

8 L’un était serbe et l’autre musulman.

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous affirmez toujours aujourd’hui

11 que personne n’a prononcé de discours ?

12 R. Je n’ai pas dit que quelqu’un avait prononcé

13 un discours. Je ne sais pas, d’ailleurs, si ça a été le

14 cas. Je ne peux pas vous le dire.

15 Q. Passons à des choses plus précises et plus

16 concrètes. Quand avez-vous été transférée du lycée au

17 gymnase Partizan ?

18 R. À peu près une quinzaine de jours après mon

19 arrivée au lycée. Je ne peux pas vous dire la date exacte.

20 Q. Est-ce que vous affirmez toujours que vous

21 êtes restée au gymnase Partizan pendant 15 jours ?

22 R. Oui.

23 Q. Conviendrez-vous que si on vous a amenée à

24 l’école, au lycée le 3 juillet et si vous y êtes restée

25 jusqu’au 18 ou au 19 juillet, ça fait donc 15 jours, comme

Page 1515

1 vous nous l’avez dit, donc est-ce que ça correspondrait à

2 ce que vous nous dites, 18 ou 19 juillet ?

3 R. Oui, à peu près. Je ne peux pas vous dire

4 exactement. Je ne suis pas sûre des dates, mais je dirais

5 oui, environ 10 à 15 jours.

6 Q. Est-ce qu’on vous a dit pourquoi on vous

7 transférait au gymnase Partizan ?

8 R. Je ne m’en souviens pas.

9 Q. Est-ce que vous savez que des réfugiés serbes

10 sont arrivés et que c’est eux que l’on a installés dans le

11 lycée ?

12 R. Je ne sais pas.

13 Q. Savez-vous ou avez-vous entendu dire la chose

14 suivante : Il y a eu un massacre de la population civile

15 du village de Jabuka lors duquel plusieurs dizaines de

16 civils ont trouvé la mort ? Le saviez-vous ?

17 R. Non, je ne le savais pas.

18 Q. Étiez-vous libre de vos mouvements au gymnase

19 Partizan ?

20 R. Bien…

21 Q. Je parle des périodes de temps pendant

22 lesquelles on ne vous faisait pas sortir du gymnase.

23 R. Oui, oui. À l’intérieur, on pouvait se

24 déplacer, on pouvait aller aux toilettes, mais où est-ce

25 qu’on aurait pu aller d’ailleurs ?

Page 1516

1 Q. Est-ce que vous aviez le droit de sortir

2 devant le gymnase ?

3 R. C’est surtout les enfants qui sortaient.

4 Q. Vous, est-ce qu’il vous est arrivé de sortir

5 ?

6 R. Parfois pour de brefs instants. J’attendais

7 pour voir si les Chetniks allaient m’emmener. Donc, moi,

8 je préférais en fait me cacher plutôt que de sortir.

9 Q. Combien y avait-il de gardes dans le gymnase

10 Partizan ?

11 R. Chaque équipe de garde était composée de deux

12 hommes.

13 Q. Connaissiez-vous certains de ces gardes ?

14 R. Personnellement, non mais peu à peu, j’ai

15 appris à les connaître. Attendez un instant, s’il vous

16 plaît. Oui, j’en connaissais un, mais je ne me souviens

17 plus de son nom. C’était peut-être Bogdan.

18 Q. Comment se fait-il que vous le connaissiez,

19 parce qu’il était bon ou parce qu’il était mauvais ?

20 R. C’était quelqu’un de bien.

21 Q. Vous avez parlé de Bosko Partalo et du garde

22 Sonivoje.

23 R. Je ne les connaissais pas en arrivant, mais

24 après, j’ai appris à les connaître. C’était des gens biens

25 parce que quand c’est eux qui nous gardaient, personne ne

Page 1517

1 pouvait venir nous chercher. Aucun Chetnik ne pouvait

2 venir au gymnase nous chercher quand ces deux hommes

3 étaient de garde. Pour nous, quand eux, ils étaient de

4 garde, c’était vraiment formidable pour nous.

5 Q. Est-ce que les gardes vous empêchaient de

6 vous déplacer quand il y avait du danger ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la durée

9 de leur service ?

10 R. Bien, il y avait trois équipes. Je ne peux

11 pas vous dire exactement combien de temps ils restaient.

12 Enfin, je crois que c’était deux jours à peu près.

13 Q. Est-ce que cela veut dire que quand ces

14 hommes étaient de garde, vous étiez protégée ?

15 R. Oui. À ce moment-là, on ne nous embêtait

16 pas.

17 Q. Est-ce qu’il vous est arrivé de parler avec

18 les gardes ?

19 R. Oui. Avec ces deux-là en particulier, on a

20 souvent beaucoup parlé.

21 Q. De quoi parliez-vous avec eux ?

22 R. Je ne me souviens pas vraiment de toutes les

23 choses dont nous parlions ensemble. Je ne me souviens pas

24 des détails.

25 Q. Savez-vous quelle était leur fonction, leur

Page 1518

1 mission ?

2 R. Non, je ne sais pas.

3 Q. Vous souvenez-vous si une femme serbe

4 habitait à côté du gymnase Partizan ?

5 R. Oui.

6 Q. Connaissez-vous son nom ?

7 R. Oui.

8 Q. Pouvez-vous nous donner son nom ?

9 R. Elle s’appelait Vida. Je ne connais pas son

10 nom de famille.

11 Q. Est-ce que c’était quelqu’un de bien ?

12 R. Oui, oui. Une fois, elle nous a sauvés d’un

13 Chetnik. C’est un Chetnik qui était entré dans le gymnase.

14 Ils s’étaient tirés dessus. Il était en sang et il est

15 venu au gymnase avec un fusil. Il s’apprêtait à nous tuer

16 tous et elle, elle est venue au gymnase, elle l’a calmé,

17 elle l’a emmené prendre un café chez elle.

18 Q. Est-ce qu’il vous est arrivé à certains

19 d’entre vous d’aller chez elle pour prendre un café ?

20 R. Je ne sais pas. Je ne me souviens pas.

21 Q. Quand vous sortiez du gymnase, est-ce qu’il

22 arrivait à certaines d’entre vous d’aller acheter quelque

23 chose, d’aller dans un magasin ?

24 R. Oui. Les femmes à qui il restait un peu

25 d’argent, qui avaient réussi à le cacher aux Chetniks, à

Page 1519

1 qui on ne l’avait pas encore pris, elles sortaient et elles

2 essayaient d’aller acheter quelque chose, du pain parce

3 qu’on n’avait rien à manger au gymnase.

4 Q. Donc, ça veut dire que personne ne vous

5 empêchait de sortir pour aller faire des commissions ?

6 R. On ne nous arrêtait pas, mais celles qui y

7 allaient n’y allaient pas ouvertement. Moi, je ne suis

8 jamais sortie pour aller faire des courses mais je connais

9 des femmes qui sortaient discrètement.

10 Q. Nous avons déjà convenu que vous êtes restée

11 environ 15 jours au lycée et que c’est le 3 juillet que

12 vous y êtes arrivée. Pouvons-nous partir du principe que

13 vous avez été transférée le 18 ou le 19 juillet à partir du

14 gymnase Partizan ?

15 R. Je vous ai dit que je ne peux plus me

16 souvenir très bien des dates. Je vous ai dit que je suis

17 restée à peu près une quinzaine de jours dans le lycée et

18 que je suis restée à peu près autant de temps au gymnase.

19 Q. Oui, mais dans une de vos déclarations, vous

20 avez dit que vous êtes restée au lycée pendant une

21 quinzaine de jours et que vous êtes restée au gymnase

22 Partizan une quinzaine de jours. Donc, c’est pour ça que

23 j’essaie de déterminer les dates sur la base de vos

24 déclarations.

25 Au cours de ces 15 jours que vous avez passés au

Page 1520

1 gymnase Partizan, je voudrais savoir combien de fois on

2 vous a fait sortir, on vous a emmenée.

3 R. Pratiquement tous les soirs. Je ne peux pas

4 vous dire, je ne sais pas si même il y a une seule nuit où

5 je suis restée dans le gymnase. Peut-être la nuit où ma

6 grand-mère m’a cachée, où j’ai dormi sous son corps.

7 Q. La dernière fois, vous avez dit que vous avez

8 passé trois jours cachée sous les vêtements de votre grand-

9 mère.

10 R. Je ne me souviens pas de tous les détails.

11 Q. Je suis un petit peu préoccupé. Vous semblez

12 ne vous souvenir d’aucun détail quand moi, je vous pose des

13 questions, alors que vous vous souvenez de tous les détails

14 et que vous racontez en détail tout ce qui vous est arrivé

15 quand l’Accusation vous pose des questions. Pourquoi cette

16 différence ? Peut-être parce que je vous pose des

17 questions bien précises et bien concrètes.

18 R. Moi, je ne peux vous dire que ce dont je me

19 souviens et que je sais. Peut-être ai-je dit des choses

20 dont je ne me souviens pas. C’est une situation très

21 perturbante pour moi.

22 Q. Vous souvenez-vous quelle est la première

23 personne qui vous a fait sortir du gymnase, qui et quand ?

24 R. Je crois que c’était Stankovic, Dragec

25 Stankovic.

Page 1521

1 Q. Vous avez dit Dragec Stankovic ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans votre déclaration de 1995, à la page 10,

4 paragraphe 3, vous avez dit qu’on vous a fait sortir pour

5 la première fois à la mi-juillet 1992 et ensuite, vous avez

6 décrit Kunarac et ses hommes. Où est la vérité, s’il vous

7 plaît ?

8 R. Je ne me souviens pas. Je crois que tout est

9 dans les déclarations que j’ai données parce que, comme je

10 l’ai déjà dit, beaucoup de temps a passé depuis.

11 Q. Pouvez-vous me dire quand votre mémoire était

12 meilleure, il y a quelques années ou aujourd’hui ?

13 R. Bien entendu, il y a quelques années.

14 Aujourd’hui, j’essaie d’oublier tout ce qui est m’est

15 arrivé.

16 Q. Oui, mais vous devrez reconnaître que vous

17 avez fait preuve d’une excellente mémoire lorsque vous avez

18 répondu aux questions de l’Accusation. Vous vous êtes

19 souvenue de détails que vous n’aviez pas donnés lorsqu’on a

20 recueilli vos déclarations préalables.

21 R. C’est possible.

22 Q. Vous souvenez-vous de la date où pour la

23 dernière fois on vous a fait sortir du gymnase Partizan ?

24 R. C’était le 2 août.

25 Q. La première fois où on est venu vous

Page 1522

1 chercher, vous nous dites que c’est Dragec Stankovic qui

2 vous a fait sortir et ensuite, qui vous a fait sortir et où

3 vous a-t-on emmenée ?

4 R. Après, il y a eu Zaga qui m’a emmenée à

5 Aladze, je l’ai déjà dit, et puis il y en a quatre autres

6 dont je ne connais pas les noms, ils nous ont emmenées à

7 Masala. Ensuite, il y a eu Tuta et puis…

8 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

9 Prodanovic, il ne faut pas s’attendre à ce que le témoin

10 vous rappelle et répète tout ce qu’elle a dit dans le cadre

11 de l’interrogatoire principal. Dans le cadre du contre-

12 interrogatoire, si vous essayez de mettre en doute ce

13 qu’elle a dit, il faut lui poser des questions directes.

14 Il ne faut pas lui demander de répéter ce qu’elle a déjà

15 dit dans le cadre de l’interrogatoire principal.

16 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai pas bien

17 compris ce que vous avez dit. Je n’ai pas entendu

18 l’interprétation.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui.

20 J’étais en train de dire qu’il ne faut pas demander au

21 témoin de répéter ce qu’elle a dit.

22 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’entends pas

23 de traduction. C’est bon maintenant.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Donc, je

25 vous dis qu’il ne faut pas demander au témoin de répéter ce

Page 1523

1 qu’elle a déjà dit dans le cadre de l’interrogatoire

2 principal. Nous avons tout entendu ce qu’elle a dit.

3 Donc, il convient de ne pas perdre de temps.

4 Donc, ce que vous devez faire, si vous contestez

5 ce qu’elle a dit, c’est de lui présenter votre version des

6 faits, la version de l’accusé, mais ne lui faites pas

7 répéter ce qui a été dit dans le cadre de l’interrogatoire

8 principal. Ne nous refaites pas un interrogatoire

9 principal, s’il vous plaît.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Merci, Madame la

11 Présidente. Je vais faire de mon mieux pour me conformer à

12 vos instructions.

13 Q. Madame le Témoin, pouvez-vous nous dire en

14 tout combien de fois on est venu vous chercher et on vous a

15 fait sortir entre le 18 juillet et le 3 août, période que

16 vous avez passée au gymnase Partizan ?

17 R. Je ne peux pas vous donner le chiffre exact.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quand vous êtes allée à

19 Cajnice où on devait normalement vous échanger ?

20 R. C’était au bout de cinq ou 10 jours au

21 gymnase Partizan.

22 Q. Est-ce qu’à cette occasion, il y avait

23 quelqu’un dont le nom figure sur la liste qui est devant

24 vous ?

25 R. Non.

Page 1524

1 Q. Vous souvenez-vous combien de jours vous avez

2 passés à Cajnice ?

3 R. Je l’ai déjà dit. J’ai passé deux nuits.

4 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit que

5 vous avez passé une nuit dans l’école primaire et deux

6 autres dans la plus grande école.

7 R. C’est exact. En fait, non, je ne m’en

8 souviens pas vraiment. On a passé une nuit dans la

9 « petite école » et je ne me souviens pas combien de nuits

10 nous avons passées dans l’autre école. Je ne sais pas si

11 c’est une ou deux.

12 Q. Oui, mais dans cette déclaration, vous avez

13 dit qu’un certain nombre de personnes qui figurent sur les

14 listes devant vous ont fait partie de ce voyage. Où est la

15 vérité ?

16 R. Ah, vous voulez parler des femmes dont le nom

17 figure sur la liste ? Oui, oui, en effet, elles étaient

18 avec moi.

19 Q. Sans nous dire leurs noms, pouvez-vous nous

20 donner leurs numéros, s’il vous plaît ?

21 R. Eh bien, DB, 87, 189, 48, 74 et 88.

22 Q. Pouvez-vous nous dire avec précision combien

23 de fois on vous a emmenée dans le quartier de Aladze ?

24 Dans votre première déclaration, vous avez dit cinq fois,

25 mais pendant votre interrogatoire principal, vous avez dit

Page 1525

1 deux fois.

2 R. Deux fois. Deux fois dont je me souvienne.

3 Q. Conviendrez-vous qu’il est arrivé que vous

4 passiez plusieurs jours au gymnase Partizan sans que l’on

5 vous en fasse sortir ?

6 R. Je ne m’en souviens pas. Il est possible

7 qu’il y ait eu un jour ou deux où cela se soit passé comme

8 vous me dites.

9 Q. Oui. Dans votre déclaration, vous dites

10 qu’il vous est arrivé de vous cacher sous votre grand-mère

11 pendant trois jours. Plus tard, vous avez dit que c’était

12 deux nuits. Vous avez dit que pendant deux nuits, personne

13 n’était venu vous chercher. Je ne veux pas ainsi

14 répertorier tous les passages de vos déclarations où l’on

15 constate des discordances.

16 R. Je ne me souviens pas du nombre exact de

17 jours où on m’a laissée tranquille.

18 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire combien de

19 fois, pendant combien de périodes de temps on ne vous a pas

20 fait sortir du gymnase ?

21 R. Non, je ne peux pas vous le dire, mais en

22 tout cas, ce n’était pas très souvent.

23 Q. Pouvez-vous nous dire quelle était la tenue

24 vestimentaire des soldats qui venaient chercher des femmes

25 et des jeunes filles ?

Page 1526

1 R. Ils étaient habillés d’uniformes de

2 camouflage.

3 Q. Est-ce qu’ils avaient des insignes sur leurs

4 uniformes ?

5 R. Ils avaient la cocarde Chetnik.

6 Q. Pouvez-vous nous expliquer où cela se

7 trouvait sur leurs uniformes ?

8 R. Sur leur couvre-chef, sur leurs manches.

9 Q. Est-ce que Zaga avait une cocarde sur la tête

10 ?

11 R. Je ne crois pas. Il ne me semble pas qu’il

12 portait un couvre-chef. Il avait des cheveux très fournis

13 noirs ou foncés. Il semblait…

14 Q. Connaissez-vous les noms des soldats qui

15 venaient vous chercher au gymnase Partizan ?

16 R. Oui. Je connaissais la plupart d’entre eux.

17 Q. Pouvez-vous nous donner leurs noms ?

18 R. Je l’ai déjà dit.

19 Q. Comment se fait-il que vous connaissiez leurs

20 noms ?

21 R. Parce que je les ai appris. Je ne suis pas

22 restée là seulement une journée ou deux. Je suis restée là

23 huit mois. Donc, c’est normal que j’ai appris leurs noms.

24 Q. Vous avez parlé de soldats venant du

25 Monténégro et qui vous ont emmenée dans le quartier Aladze.

Page 1527

1 R. Oui.

2 Q. Qui en particulier ?

3 R. Il y avait Zaga et Bane. Ils étaient du

4 Monténégro et ils faisaient partie de l’escorte de Kunarac.

5 Q. Comment saviez-vous qu’ils venaient du

6 Monténégro ? Est-ce qu’ils avaient un accent ?

7 R. Oui. Je les ai entendu parler en dialecte.

8 Donc, j’ai tout de suite vu qu’ils étaient du Monténégro.

9 Q. Est-ce que Zaga, lui, avait le même type

10 d’accent ou est-ce qu’il parlait comme les gens de Foca ?

11 R. Lui, il n’avait pas d’accent particulier. Il

12 parlait comme tout le monde à Foca.

13 Q. Est-ce qu’ils vous ont agressée physiquement

14 lorsqu’ils vous ont emmenée dans la maison ? Je pense aux

15 deux incidents que vous avez mentionnés.

16 R. Comment ça physiquement ? Vous voulez dire

17 est-ce qu’ils m’ont frappée ?

18 Q. Oui.

19 R. Non, ils ne m’ont pas frappée.

20 Q. Est-ce qu’ils étaient saouls quand ils vous

21 ont violée ?

22 R. Je ne sais pas vraiment, mais en tout cas,

23 ils n’avaient pas un comportement normal parce qu’un homme

24 normal ne ferait jamais quelque chose comme ça. Je parle

25 d’un homme normal, d’un homme civilisé.

Page 1528

1 Q. Maintenant, parlons du deuxième incident,

2 celui du 2 août dont vous nous avez parlé. Est-ce qu’il

3 faisait déjà nuit quand on vous a emmenée dans la maison ?

4 R. Oui.

5 Q. Vous étiez quatre. On vous a emmenées depuis

6 le gymnase Partizan. Donc, vous étiez quatre d’après vos

7 déclarations. Je voudrais savoir si à un moment donné,

8 vous vous êtes trouvées toutes dans la même pièce.

9 R. Oui.

10 Q. Est-ce que vous avez pu voir qui a fait

11 sortir le numéro 50 de la pièce où vous vous trouviez ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce qu’il y avait de la lumière, est-ce

14 qu’il y avait de l’électricité cette nuit-là ?

15 R. Oui, jusqu’à minuit moins 20. À ce moment-

16 là, la mosquée de Aladze a été plastiquée, a explosé, et du

17 fait de l’explosion, le courant a été coupé car les lignes

18 ont été coupées. Moi, ce que je sais c’est que les hommes

19 du Monténégro hurlaient parce qu’ils ne comprenaient pas

20 pourquoi on ne les avait pas prévenus à l’avance.

21 Q. Est-ce qu’il y avait des lampadaires qui

22 fonctionnaient dans la rue et qui fournissaient de la

23 lumière, qui éclairaient ce qui se passait dans la pièce ?

24 R. Je ne m’en souviens pas.

25 Q. Pouvez-vous nous dire ce que faisaient les

Page 1529

1 gens que vous avez trouvés dans cette pièce lorsque vous

2 êtes entrée ?

3 R. Ce qu’ils faisaient ? Bien, il y avait trois

4 filles, trois jeunes filles, et l’un d’eux – je crois qu’il

5 était de Capljina – il avait des traces de sang sur ses

6 bottes et il était armé jusqu’aux dents. Et elle venait de

7 Gacko…

8 Q. Non, je suis désolé, je ne vous ai pas posé

9 cette question-là.

10 R. Eh bien, il y avait trois personnes qui

11 étaient assises là dans cette pièce.

12 Q. Elles étaient dans la même pièce que vous

13 avant cet incident ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que l’une d’entre elles a également

16 été violée ?

17 R. Oui.

18 Q. Pouvez-vous, s’il vous plaît, écrire le nom

19 de la personne qui a également été violée ce soir-là ?

20 R. C’est le numéro 190. Puis, il y a également

21 le numéro 87.

22 Q. Oui. Nous avons entendu cela précédemment,

23 mais ma question a trait aux personnes qui se trouvaient là

24 quand vous êtes arrivée.

25 R. Oui. Le numéro 190.

Page 1530

1 Q. Pouvez-vous nous dire si vous vous souvenez

2 si la personne désignée par le numéro 50 vous a dit qui est

3 venu la chercher ce soir et quand ?

4 R. Je me souviens que c’est Gica qui l’a fait

5 sortir ce soir, mais quant à savoir qui l’a violée, ça, je

6 ne sais pas. Je ne sais même pas si elle a été violée. Je

7 ne sais pas.

8 Q. Dans votre déclaration, vous avez mentionné

9 un soldat blessé. Je voudrais savoir s’il était là la

10 première fois que vous vous êtes rendue à cet endroit, la

11 deuxième fois ou les deux fois.

12 R. Il était là la première fois.

13 Q. Pouvez-vous nous décrire cet homme ?

14 R. Je ne me souviens pas du tout maintenant.

15 Q. Est-ce qu’il est possible que ce soit Goran

16 Milicic cet homme ?

17 R. Je ne sais pas.

18 Q. Pouvez-vous nous dire quand le numéro 50 et

19 la jeune fille de Gacko ont été contraintes de sortir ?

20 R. Je sais que c’était un peu après minuit. En

21 tout cas, je suis sûre d’une chose : c’est qu’elles étaient

22 là au moment où la mosquée Aladze a sauté. Ensuite, ce

23 Gica est arrivé et il m’a dit de sortir. Je l’ai imploré.

24 Je lui ai dit de me laisser parce que je m’occupais de deux

25 enfants dont la mère avait été tuée au village. Donc, je

Page 1531

1 l’ai imploré de me laisser retrouver ces enfants au gymnase

2 Partizan.

3 Alors, ce type de Capljina ensuite a pris un bâton

4 et il s’apprêtait à me frapper. Il m’a insultée, il a

5 insulté ma mère et il m’a dit : « Ne t’occupe pas des

6 enfants », mais cependant, malgré cela, il m’a dit de

7 retourner d’où je venais et il a emmené le numéro 50.

8 Q. Est-ce que vous maintenez toujours que les

9 événements du 2 août se sont déroulés exactement de la

10 façon dont vous nous les avez décrits ici dans ce prétoire

11 ?

12 R. Oui.

13 Q. Nous avons appris ce matin que le Témoin DB

14 va venir déposer ici. Est-ce qu’elle sera en mesure de

15 confirmer vos dires ?

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, vous ne pouvez pas poser cette question au

18 témoin. Elle ne sait pas ce que le Témoin DB va dire à la

19 Chambre de première instance.

20 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je vous présente

21 mes excuses, Madame la Présidente. Si j’avais reçu la

22 déclaration un peu plus tôt, j’aurais pu préparer des

23 questions au sujet de cette déclaration qui m’auraient

24 permis de m’assurer que ce témoin dit bien la vérité. Je

25 vous prie de m’excuser.

Page 1532

1 Q. Nous avons presque terminé. Est-ce que vous

2 avez fait une déclaration à Sarajevo le 1er septembre 1999

3 sur la base de laquelle une note officielle a été écrite ?

4 R. Oui.

5 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je demanderais à

6 l’Huissier de remettre au témoin cette note officielle.

7 LA GREFFIÈRE : Pourrais-je connaître la date de

8 cette note officielle, s’il vous plaît ? Le Greffe n’est

9 pas en possession de ce document.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : C’est le

11 Procureur qui nous a remis ce document.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le Procureur

13 peut-il nous aider ?

14 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je ne sais

15 pas en ce moment ce dont Me Prodanovic parle.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : S’il vous

17 plaît, est-ce que vous pouvez montrer ça par le biais de

18 l’Huissier pour que le Procureur puisse savoir si cela

19 rappelle quelque chose ou pas ?

20 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Il s’agit du

21 document que nous avons remis récemment aux conseils de la

22 Défense puisque nous-mêmes, nous avons reçu ce document il

23 y a une semaine seulement et nous avons été surpris, nous

24 aussi. Il s’agit du document émanant de la police locale

25 concernant une identification sur base de photos concernant

Page 1533

1 ce Dragan Stankovic, je crois.

2 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Lorsque vous

3 dites la « police locale », vous parlez de qui ?

4 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : De Sarajevo.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Et la date ?

6 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Le 29

7 janvier 1999, mais en haut du document, il est écrit le 1er

8 février 1999 et nous avons communiqué ce document à la

9 Défense dès que nous l’avons reçu.

10 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Ça veut dire

11 que les juges ne disposent pas de copie ?

12 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Non, et puis

13 nous n’avons pas encore de traduction de ce document.

14 Simplement, nous savons de quoi il s’agit.

15 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Vous

16 connaissez le contenu général ?

17 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Nous avons

18 un projet de traduction, une ébauche de traduction.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

20 Prodanovic, vous comprenez quel est le problème ? Je vais

21 vous expliquer. Lorsque vous traitez de documents qui

22 n’existent qu’en serbo-croate et si les juges n’ont pas une

23 copie en anglais, lorsque vous utilisez un tel document

24 afin de contre-interroger le témoin, nous ne pouvons pas

25 suivre. Peut-être vous avez votre propre interprétation du

Page 1534

1 contenu du document. Peut-être nous pouvons entendre

2 d’autres interprétations.

3 Donc, s’il n’y a pas de texte en anglais, il nous

4 est difficile de contrôler la procédure, même de la suivre.

5 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Ce que nous

6 pouvons faire, Madame la Présidente, c’est vous remettre

7 dès à présent cette ébauche de traduction, mais j’ai une

8 seule copie de ceci.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Peut-

10 être l’Huissier pourrait photocopier cela. Vous pouvez

11 passer à autre chose et dès que l’Huissier reviendra avec

12 les copies, vous pourrez poser des questions concernant ce

13 document parce qu’il faut comprendre qu’il est nécessaire

14 pour nous, les juges, de connaître le contenu pour pouvoir

15 suivre et pour pouvoir protéger le témoin.

16 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je comprends ça

17 tout à fait, Madame la Présidente, mais moi, je m’attendais

18 à ce que le Procureur dispose de ce document dans une

19 version qui vous est disponible également.

20 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : De toute

21 façon, il est parti faire des photocopies. Le Procureur

22 peut parfois vous communiquer des documents qu’il n’a pas

23 l’intention d’utiliser et donc il considère qu’il n’est pas

24 nécessaire de le traduire et lorsque vous décidez

25 d’utiliser un tel document, veuillez vérifier avec le

Page 1535

1 Procureur si le document a déjà été traduit pour que ce qui

2 s’est passé aujourd’hui ne se reproduise plus.

3 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je comprends

4 tout à fait. Ceci ne se reproduira plus.

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

6 vous avez d’autres questions qui ne sont pas liées au

7 document que nous attendons ? Ainsi, vous pouvez poser vos

8 autres questions et revenir au document que nous attendons

9 par la suite.

10 Me PRODANOVIC (interprétation) : Tout à fait.

11 Q. Connaissez-vous ou plutôt savez-vous qu’à

12 Sarajevo, un livre a été publié contenant également votre

13 déclaration identique aux déclarations que vous avez

14 données aux enquêteurs de ce Tribunal ?

15 R. Oui.

16 Q. Est-ce qu’on vous a consultée au moment de la

17 publication de ce livre ?

18 R. Non.

19 Q. Comment se fait-il que les personnes publiant

20 ce livre ont eu votre déclaration si elles ne vous ont pas

21 consultée ?

22 R. Je sais que j’ai donné la déclaration, mais

23 on n’en parlait pas.

24 Q. Je n’ai pas compris. Excusez-moi.

25 R. Lorsque j’ai fait la déclaration, personne ne

Page 1536

1 m’a parlé du livre, de l’intention de publier un livre.

2 Q. Est-ce que vous avez assisté à la promotion

3 de ce livre ?

4 R. Oui.

5 Q. Est-ce que vous avez été à la télévision de

6 Bosnie-Herzégovine au moment de la promotion de ce livre ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez eu une intervention

9 télévisée ?

10 R. Oui.

11 Q. Est-ce qu’à la télé, on pouvait voir votre

12 nom et votre prénom ?

13 R. Oui.

14 Q. J’essaie de savoir pourquoi alors vous avez

15 demandé des mesures de protection ici.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me

17 Prodanovic, je souhaite encore une fois protéger le témoin.

18 Ça n’a absolument rien à voir avec ce qui s’est passé sur

19 le terrain. À l’époque, elle vivait dans un pays libre.

20 Il ne faut pas lui poser une telle question.

21 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Il y a une

22 grande différence entre des interventions télévisées de ce

23 témoin concernant les événements qui se sont produits et le

24 fait de révéler qu’elle apparaît en tant que témoin de

25 l’Accusation à l’encontre de certains accusés concrets.

Page 1537

1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

2 nous avons le document maintenant ?

3 Me PRODANOVIC (interprétation) :

4 Q. Sur la base de cette déclaration où nous ne

5 voyons pas qui l’a rédigée, vous avez affirmé que le 2

6 août, c’est Dragan Stankovic, Dragec qui vous a violée.

7 Pourtant, vous n’avez pas raconté cela ici. Qu’est-ce qui

8 est vrai ? C’est vers la fin.

9 R. Je n’ai pas raconté tous les détails. Je ne

10 me souviens pas de ce que j’ai raconté là.

11 LA GREFFIÈRE : Donc, ce document daté du 1er

12 février 1999 prendra la cote D26 des pièces de la Défense

13 et sera enregistré de façon confidentielle.

14 Me PRODANOVIC (interprétation) :

15 Q. Est-ce que vous savez peut-être pourquoi Zaga

16 vous a fait venir le 2 août lorsqu’il est parti ?

17 R. Pourquoi ? Vous le savez très bien vous-

18 même.

19 Q. Je vous pose cette question parce que, comme

20 vous l’avez dit, chacun avait accès au Partizan.

21 R. C’est exact.

22 Q. Est-ce que vous pouvez me dire quand la

23 journaliste est-elle venue au Partizan et qui était avec

24 elle ?

25 R. Elle était toute seule. La date, je ne sais

Page 1538

1 pas. C’est après la première fois que Zaga nous a fait

2 sortir. Le lendemain, elle est venue, mais je ne sais pas

3 quelle était la date exacte.

4 Q. Est-ce que vous savez quelles sont les

5 personnes parmi vous qui ont parlé avec elle ?

6 R. Je ne sais pas qui lui a parlé, mais moi,

7 j’étais allongée sur le tapis de gymnastique lorsque j’ai

8 entendu qu’elle était une journaliste de la radio de

9 Sarajevo. Moi, je me suis dit : ce n’est pas possible.

10 Ensuite, elle s’est approchée de moi et elle m’a dit :

11 « N’ayez pas peur de rien. Dites-moi simplement ce qui

12 s’est passé. Dites-le librement. »

13 Q. Ce soldat blessé qui était là-bas,

14 s’agissait-il d’une personne jeune ou plutôt âgée, la

15 personne à Aladze ?

16 R. C’était quelqu’un de jeune.

17 Q. Vous avez dit que vous-même, vous vous seriez

18 enfuie si vous aviez su que la guerre allait éclater.

19 Pouvez-vous me dire où est-ce que vous vous seriez enfuie ?

20 R. Où ? Eh bien, sur le territoire libre, là où

21 j’aurais pu être sauvée.

22 Q. Ma dernière question concerne l’échange.

23 Lorsqu’on vous a amenée à Cajnice, vous avez dit qu’on vous

24 a amenée afin de vous échanger. Est-ce qu’il y a eu des

25 civils serbes capturés à Gorazde ?

Page 1539

1 R. Je ne sais pas. C’est ce que j’ai entendu

2 dire de la part de ce Kornjaca. Soi-disant ils y étaient,

3 on devait être échangé, soi-disant l’échange allait avoir

4 lieu, un accord était passé puis finalement, rien ne s’est

5 passé. Donc, je ne sais pas où est la vérité.

6 Q. Finalement, vous avez dit que vous avez

7 entendu que l’un d’eux disait par le biais de la Motorola

8 qu’il fallait exécuter les ordres ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourquoi est-ce que vous concluez que ça

11 voulait dire qu’ils s’apprêtaient à tirer sur vos dos ?

12 R. Que voulez-vous dire que ceci signifie

13 d’autre s’il dit les choses comme ça ?

14 Me PRODANOVIC (interprétation) : Je n’ai plus de

15 questions, Madame la Présidente.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 est-ce que vous avez des questions ?

18 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

19 Présidente.

20 Madame la Présidente, avant de commencer à poser

21 mes questions, je souhaite demander la chose suivante. Je

22 sais quelles sont les épreuves que ce témoin a traversées

23 pendant la guerre, je sais que c’est les juges qui décident

24 de quelle manière le témoin et les autres personnes

25 présentes dans ce prétoire seront assis, mais je

Page 1540

1 demanderais au témoin de ne pas ignorer la Défense en

2 tournant le dos aux représentants de la Défense au moment

3 où elle répond aux questions.

4 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

5 les juges ne s’opposent pas à la manière dont le témoin est

6 assise, compte tenu des événements qu’elle a vécus.

7 Veuillez poursuivre. Ce qui est important c’est que le

8 témoin puisse vous entendre et que vous puissiez entendre

9 ses réponses.

10 Me KOLESAR (interprétation) : Merci, Madame la

11 Présidente.

12 CONTRE-INTERROGÉE PAR Me KOLESAR

13 (interprétation) :

14 Q. Vous avez dit dans votre déclaration donnée

15 aux enquêteurs de ce Tribunal en novembre 1995 que rien de

16 particulier n’est arrivé dans votre village avant le 3

17 juillet 1992. Est-ce exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Vous avez dit également que votre village se

20 trouve à environ 10 kilomètres de Foca ?

21 R. Oui.

22 Q. Est-ce que dans votre village, on pouvait

23 entendre des coups de feu en général, des bruits de combats

24 qui se déroulaient à Foca et autour de Foca au début du

25 mois d’avril ?

Page 1541

1 R. Tout à fait et beaucoup.

2 Q. Est-ce que depuis votre village, on peut voir

3 Foca ou bien Brod sur la Drina qui est plus proche de votre

4 village ?

5 R. Brod, oui, mais pas Foca.

6 Q. Qu’avez-vous entendu pendant que ces combats

7 se déroulaient ?

8 R. Nous avons entendu des coups de feu, des

9 coups de pilonnage, de l’artillerie lourde, des mortiers.

10 De toute façon, je sais qu’on voyait de gros incendies à

11 Foca.

12 Q. S’il vous plaît, si depuis votre village,

13 vous ne pouvez pas voir Foca, comment est-ce que vous

14 pouviez voir le feu ?

15 R. Eh bien, pendant la nuit, pendant qu’on

16 tirait, on pouvait voir si l’artillerie lourde tirait. On

17 voyait la trace lumineuse.

18 Q. Est-ce que vous savez depuis quelle distance

19 il est possible d’entendre les tirs ou bien le son de

20 l’explosion d’un obus, qu’il provienne d’un char ou d’un

21 canon ?

22 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas quelle est la

23 distance, mais je sais qu’on entendait bien.

24 LA GREFFIÈRE : Me Kolesar, le Greffe vous prie de

25 bien vouloir éteindre votre microphone lorsque le témoin

Page 1542

1 répond à votre question.

2 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi.

3 J’avais oublié et j’avais compris que les moyens techniques

4 fonctionnaient mieux ici que dans la salle d’audience

5 numéro III.

6 Q. Dans la même déclaration, à la page 3, vous

7 avez dit que vous avez continué à vous occuper de vos

8 tâches journalières, mais que vous aviez peur et que vous

9 dormiez dans la forêt. De quoi aviez-vous peur donc ?

10 R. De quoi ? Des Chetniks, de gens de Arkan, de

11 Seselj. Nous ne pensions même pas à nos voisins. Nous

12 espérions que nos voisins n’allaient pas nous attaquer,

13 mais pendant l’attaque, il n’y avait ni des gens de Arkan,

14 que nos voisins, les gens de Foca. De quoi voulez-vous

15 qu’on ait peur ? On entendait tous les jours par le biais

16 de Radio Sarajevo ce qui se passait ailleurs, dans d’autres

17 villes, dans d’autres endroits.

18 Q. Excusez-moi, je ne vous comprends pas si vous

19 vous acquittiez de vos tâches quotidiennes tous les jours

20 et vous passiez les nuits dans la forêt.

21 R. Oui. Le matin, on revenait chez nous et on

22 s’occupait de nos affaires normalement, mais nous, les

23 jeunes, nous restions surtout dans la forêt et ceux qui

24 étaient plus âgés, ils rentraient, ils préparaient de la

25 nourriture, ils cuisinaient et le soir, ils nous ramenaient

Page 1543

1 la nourriture.

2 Q. Dites-moi, après la reddition des armes,

3 après que les habitants du village ont rendu leurs armes à

4 certaines personnes, est-ce que vous avez été soumise aux

5 mauvais traitements ? Est-ce que quelqu’un vous a attaquée

6 physiquement ? Est-ce que quelqu’un vous a menacée ?

7 R. Non. Je pense que non. Non. Une fois, ils

8 sont venus au-dessus du village. Je l’ai déjà dit. Ils

9 tiraient. Ils tiraient de leurs pistolets, mais jusqu’au 3

10 juillet, jusqu’à l’attaque, il n’y avait rien d’autre qui

11 s’est passé.

12 Q. Est-ce que vous savez qui avait des armes

13 dans votre village ?

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez me le dire ?

16 R. Non.

17 Q. Pardon ?

18 R. Je ne peux pas.

19 Q. Pourquoi ?

20 R. Je ne peux pas.

21 Q. Vous êtes témoin ici, vous êtes sous serment

22 et vous avez l’obligation de dire la vérité et de répondre

23 aux questions posées.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Peut-être

25 elle ne veut pas mentionner des noms à cause des mesures de

Page 1544

1 protection. Elle peut les écrire si vous le souhaitez.

2 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

3 Présidente, le témoin, dans sa déclaration donnée aux

4 autorités de la Bosnie-Herzégovine, a énuméré les personnes

5 qui disposaient des armes, qui avaient rendu leurs armes.

6 Moi, je voulais simplement vérifier cette déclaration.

7 R. La déclaration est correcte, mais moi, je ne

8 peux pas donner les noms.

9 Q. Vous ne pouvez pas donner leurs noms parce

10 que vous ne vous en souvenez pas ou bien parce que vous ne

11 souhaitez pas le faire ?

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Témoin, ne

13 répondez pas à cette question.

14 Posez une autre question, Me Kolesar.

15 [La Chambre discute]

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 comme je vous l’ai dit, si vous avez besoin de ces noms,

18 elle peut les écrire par la suite.

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

20 Présidente, j’ai la déclaration devant moi et au moins deux

21 de ces personnes sont des cousins à cette personne. Si

22 elle dit leurs noms, peut-être il sera plus facile de

23 deviner son identité.

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : C’est

25 justement ce que j’allais proposer. Donnez-lui un papier

Page 1545

1 et elle pourra écrire les noms et ceci sera versé au

2 dossier sous scellé.

3 Me KOLESAR (interprétation) : Je demanderais à

4 l’Huissier…

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Veuillez

6 répéter la question pour qu’elle sache exactement ce

7 qu’elle doit faire.

8 Me KOLESAR (interprétation) :

9 Q. Est-ce que vous savez quelqu’un de votre

10 village qui avait des armes et, s’il vous plaît, veuillez

11 écrire leurs noms ?

12 R. Après que les armes ont été rendues ?

13 Q. Avant la reddition, le dépôt d’armes.

14 R. Avant ?

15 [Le témoin le fait]

16 LA GREFFIÈRE : Ce document sera coté D27 des

17 pièces de la Défense et sera enregistré de façon

18 confidentielle.

19 Me KOLESAR (interprétation) :

20 Q. Serions-nous d’accord que dans la déclaration

21 que vous avez donnée aux enquêteurs du Tribunal à La Haye,

22 deuxième page, dernier paragraphe et dernière phrase – je

23 ne sais pas si vous avez cette déclaration devant vous –

24 que vous avez déclaré que votre famille ne possédait pas

25 des armes mais que d’autres villageois ont restitué les

Page 1546

1 armes ?

2 R. Oui.

3 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée le

4 22 août 1996 aux autorités de Bosnie-Herzégovine, vous avez

5 dit que votre frère [nom expurgé] a déposé un fusil

6 automatique M-48.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : On parle du

8 nom du frère.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Maître, est-

10 ce que vous vous souvenez ? C’est que vous parlez d’un

11 nom. Vous le citez. Il faut l’expurger de la

12 transcription, sinon on va pouvoir l’identifier.

13 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais reformuler

14 ma question si vous permettez. Excusez-moi, Madame la

15 Présidente, mais je ne peux pas éviter sans poser des

16 questions. Sur la liste que le témoin vient de déposer à

17 la Chambre figure également le nom de son frère.

18 R. Oui.

19 Q. Est-ce que devant les autorités de Bosnie-

20 Herzégovine devant lesquelles vous avez donné la

21 déclaration le 22-8-1996, vous avez également déclaré que

22 votre frère possédait un fusil ?

23 R. Je pense que oui, mais de toute façon, il

24 n’avait pas un fusil lui-même. C’est quelqu’un d’autre qui

25 lui avait donné ce fusil.

Page 1547

1 Q. Il s’agissait de quel fusil, s’il vous plaît

2 ?

3 R. Moi, je ne m’y comprends pas dans les armes

4 et par conséquent je ne sais pas de quel type de fusil il

5 s’agit.

6 Q. Vous dites que vous ne comprenez rien alors

7 que dans la déclaration, vous citez le type de fusil. Par

8 la suite, vous avez déposé devant la Chambre et vous avez

9 également parlé d’un certain nombre d’armes, de Scorpions,

10 de Kalashnikovs, de Zoljas, et cætera. Comment vous avez

11 pu citer tout ça ?

12 R. Je ne me souviens pas.

13 Q. Savez-vous que pour avoir le droit de garder

14 un fusil, il faut avoir également le permis de port d’armes

15 ?

16 R. Oui.

17 Q. Est-ce que votre frère disposait de ce permis

18 ?

19 R. Non, parce que quand la guerre s’est

20 déclenchée, c’est à ce moment-là qu’on lui avait donné

21 cette arme parce qu’on avait organisé les patrouilles

22 villageoises.

23 Q. C’est bien la première fois que nous

24 entendons de vous qu’il y avait des patrouilles

25 villageoises. Jusqu’à maintenant, vous avez toujours été

Page 1548

1 négative et vous avez toujours dit que les musulmans n’ont

2 pas organisé des patrouilles villageoises. Est-ce que

3 véritablement, vous avez organisé des patrouilles ou non ?

4 R. Moi, je ne me souviens pas avoir dit qu’ils

5 n’avaient pas organisé des patrouilles villageoises.

6 Q. En ce qui concerne les fusils automatiques,

7 d’autres personnes également avaient des permis ?

8 R. C’était les fusils qui étaient à la

9 disposition des policiers qui travaillaient au poste de

10 police.

11 Q. Est-ce que les armes et les uniformes ont été

12 confisqués aussi bien en ce qui concerne des unités

13 régulières que ceux qui appartenaient à la réserve ?

14 R. Oui.

15 Q. Si c’était le cas, comment ils avaient

16 possédé les armes ?

17 R. Je pense qu’il y avait une seule personne qui

18 avait caché son fusil dans la forêt et quand la guerre

19 s’est déclenchée, quand on a été attaqué, c’est là où il

20 est parti chercher. Donc, il est allé le soir chercher ce

21 fusil et le lendemain matin, quand nous avons été attaqués,

22 c’est quelqu’un d’autre qui s’est emparé de ce fusil, mais

23 on l’a tué sur place.

24 Q. Moi, je vous ai demandé au sujet des fusils

25 automatiques pour lesquels vous dites qu’ils appartenaient

Page 1549

1 aux unités de réserve et je ne parle pas de ce fusil très

2 particulier.

3 R. Je ne sais pas s’il y avait d’autres fusils,

4 si d’autres fusils ont été restitués.

5 Q. Moi, je parle de l’événement qui a eu lieu

6 fin mai, début juin avant que les armes aient été

7 restituées. Est-ce que vous pouvez me donner la réponse ?

8 R. Je ne vous ai pas compris.

9 Q. La dernière question que je vous ai posée

10 était la suivante : Nous discutons actuellement sur les

11 événements qui ont eu lieu fin mai, début juin, donc avant

12 que des villageois aient restitué des armes. Donc, ils ont

13 accepté à cette époque-là de restituer des armes, mais je

14 parle des événements qui ont précédé.

15 R. Oui, d’accord.

16 Q. Donc, je vais une fois de plus vous poser la

17 question. Avant que les villageois restituent, rendent les

18 armes, d’où viennent les fusils qui provenaient donc des

19 unités de réserve alors que vous avez dit qu’on avait

20 confisqué aussi bien des uniformes que des armes avant que

21 la guerre éclate ?

22 R. Tout premièrement, il n’y avait pas

23 d’uniformes et personne n’a parlé d’uniformes et en ce qui

24 concerne les fusils, les fusils ont été remis.

25 Q. À quel moment, s’il vous plaît ?

Page 1550

1 R. Je ne me souviens pas de la date et du jour.

2 Q. Avant que ces fusils soient rendus, comment

3 ça se fait qu’ils les ont possédés alors que tout ceci a

4 été restitué, comme vous l’avez dit ?

5 R. Je ne sais pas pourquoi vous utilisez le

6 terme que c’est « retiré », que les fusils « ont été

7 retirés ».

8 Q. Avant que la guerre soit déclenchée, soi-

9 disant les uniformes et les armes ont été retirés ?

10 R. Non. Je n’ai jamais utilisé le terme

11 « retirés ». Les armes n’ont pas été retirées.

12 Q. À ce moment-là, on ne se comprend pas.

13 R. Probablement.

14 Q. Je pense que la situation était totalement

15 différente.

16 Dans votre déclaration, phrase suivante, vous

17 dites qu’après que les armes aient été restituées, les

18 trois, y compris votre frère, sont partis du village. Si

19 j’ai bien compris, ils sont partis du village, ils ont

20 quitté le village ?

21 R. Oui. Ils sont partis une journée ou passer

22 deux journées dans les montagnes et puis ils sont

23 redescendus.

24 Q. Où ça à la montagne ?

25 R. Au-dessus de notre village, dans les

Page 1551

1 montagnes.

2 Q. Vous nous avez dit que vous ne savez pas

3 quelle est donc la date où les armes ont été restituées ?

4 R. Oui, c’est vrai.

5 Q. Est-ce que vous étiez présente ?

6 R. Non. Ce n’est pas aux femmes auxquelles on

7 avait permis d’assister à de tel type d’événement et puis,

8 de toute façon, les femmes, elles ne se mêlaient pas dans

9 ces affaires.

10 Q. Vous avez également dit qu’au moment où les

11 armes ont été restituées, il y avait également un papier

12 qui a été signé. Je ne sais pas comment vous l’avez appelé

13 exactement.

14 R. Oui. Il y avait une sorte de loyauté, comme

15 ils l’ont dit, qu’il fallait signer que soi-disant nous

16 allons poursuivre notre vie dans des conditions normales,

17 que personne n’allait nous attaquer, que nous allons

18 pouvoir poursuivre toutes nos activités, activités

19 agricoles, et cætera, même si le village manquait de

20 farine. Déjà la moitié des gens en manquaient puis on ne

21 pouvait pas quand même circuler librement, mais c’est ce

22 que la partie serbe nous a promis.

23 Q. Il s’agissait d’un document écrit ou bien

24 éventuellement c’était oralement qu’il y avait un accord

25 auquel les deux parties sont parvenues ?

Page 1552

1 R. Si j’ai bien compris, il y avait quelque

2 chose qui a été signée.

3 Q. Est-ce que vous avez vu ce document ?

4 R. Non.

5 Q. Mais avant que ce document soit signé, il y

6 avait des entretiens éventuellement entre les villageois

7 musulmans et ces gens-là qui sont arrivés pour négocier le

8 document, négocier tout ça ?

9 R. Je ne sais pas.

10 Q. Est-ce que vous savez qui a signé le document

11 au nom des villageois musulmans ?

12 R. Non.

13 Q. Vous ne savez pas ?

14 R. Non.

15 Q. Nous allons revenir maintenant à ce que vous

16 avez dit tout à l’heure en parlant de votre frère avec les

17 deux camarades. Il est parti à la montagne, n’est-ce pas ?

18 Je vous ai bien compris ?

19 R. Oui, c’est exact.

20 Q. Est-ce qu’éventuellement, ils sont allés à

21 Trebova ?

22 R. Non.

23 Q. Il y a des positions là-bas ?

24 R. Non, certainement pas.

25 Q. Mais est-ce que vous êtes au courant qu’à

Page 1553

1 Trebova, à ce moment-là, il y avait un bataillon Sutjeska,

2 un bataillon indépendant ?

3 R. Non, je n’étais pas au courant.

4 Q. Vous n’étiez pas au courant ?

5 R. Non.

6 Q. Est-ce que le nom « Taib Bekan » vous dit

7 quelque chose ?

8 R. Je pense qu’il était secrétaire ou

9 éventuellement enseignant à l’école primaire. Je ne suis

10 pas sûre.

11 Q. Mais est-ce que vous savez quelque chose

12 d’autre sur lui ?

13 R. Non.

14 Q. Est-ce que « Zaim Besevic » vous dit quelque

15 chose ?

16 R. Non.

17 Q. C’est lui qui a été commandant de ce

18 bataillon indépendant Sutjeska. Est-ce que maintenant,

19 vous vous en souvenez ?

20 R. Non, car je n’ai jamais entendu parler de ça

21 et puis, je ne sais rien là-dessus.

22 Q. Est-ce que vous saviez que les unités des

23 Bérets Verts avaient posé des mines tout le long vers

24 Tjentiste ?

25 R. Mais comment voulez-vous que je le sache ?

Page 1554

1 Q. Vous ne le savez pas mais je vais vous poser

2 d’autres questions. Peut-être vous le sauriez.

3 À quelle distance se trouve votre village par

4 rapport à la route principale Tjentiste-Zelengora ?

5 R. Mais vous pourriez me poser d’autres

6 questions. Là, je ne suis absolument pas au courant et je

7 n’ai pas mesuré la distance entre Tjentiste et Bare.

8 Q. Mais combien à pied ?

9 R. Mais je n’ai jamais traversé à pied cette

10 route.

11 Q. Mais est-ce que cette route traverse ou

12 plutôt passe à côté de votre village ?

13 R. Non. Je ne le sais pas.

14 Q. Vous ne le savez pas ?

15 R. Je ne suis jamais allée à Zelengora.

16 Q. Et Tjentiste, Bare et ensuite Zelengora ?

17 C’est la route dont je vous parle.

18 R. Je pense que c’est une trentaine de

19 kilomètres, quelque chose comme ça par rapport à mon

20 village, et je ne sais pas. Je ne suis jamais allée par là

21 et puis… je ne suis jamais passée par là.

22 Q. Et la route qui est en contrebas par rapport

23 à Trosanj-Mjesaja, elle mène où ?

24 R. Elle mène à Foca, Tjentiste et Gacko.

25 Q. Est-ce qu’il y a, outre cette route

Page 1555

1 principale, une autre, une route régionale ?

2 R. Oui. Je pense qu’il y en a beaucoup. Il y a

3 beaucoup de villages qui sont à côté. Je ne sais pas à

4 quelle route vous pensez de manière très précise, si vous

5 voulez bien me dire.

6 Q. Je pense à la route où le 2 juin 1992, entre

7 Potoka Suhoj et le village Suhoj, il y avait un véhicule

8 qui passait et les deux personnes se sont fait tuées à

9 cause d’une mine antichar qui y était placée.

10 R. Non. Je ne me souviens pas.

11 Q. Mais est-ce que vous vous souvenez qu’à

12 Potoka Suhoj, il y avait un pont, un pont qui a été

13 détruit ?

14 R. Eh bien, vraiment, je ne le sais pas.

15 Q. Mais est-ce que vous avez entendu dire

16 également qu’il y avait eu une embuscade également le 2

17 juillet et que Dzurovic, Dragan, et Banovic, Branko, deux

18 Serbes, ont été blessés. Ils y passaient dans leur

19 véhicule et il y avait un musulman qui a été blessé, et de

20 nom, Pekaz ?

21 R. Non. J’étais déjà au camp et je ne savais

22 strictement rien ce qui se passait en dehors.

23 Q. Le 20 juin, vous n’étiez pas au camp mais

24 vous perdez votre liberté le 3 juillet, tout au moins

25 d’après ce que vous avez relaté ici ?

Page 1556

1 R. Que Pekaz était blessé ? Je ne sais pas,

2 vraiment non. Je ne savais même pas qu’à cette époque-là,

3 il y avait Pekaz quelque part, mais de toute façon, c’est

4 possible. Je ne sais pas.

5 Q. (expurgée)

6 (expurgée)

7 R. (expurgée)

8 Q. (expurgée)

9 (expurgée)

10 (expurgée)

11 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Madame la

12 Présidente.

13 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, je vous

14 en prie.

15 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Le Maître de

16 la Défense, une fois de plus, parle d’un certain nombre de

17 détails d’un témoin. Moi personnellement, je pense que ce

18 n’est pas bien.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

20 prie.

21 Me KOLESAR (interprétation) : Je n’ai pas parlé

22 du nom du témoin. Je n’ai pas parlé de son numéro. J’ai

23 tout simplement rappelé. Je n’ai certainement pas

24 identifié le témoin. Je ne l’ai pas mis en danger.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Je vous en

Page 1557

1 prie.

2 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Oui, mais il

3 a parlé du nom. Le Maître a parlé du nom de l’époux.

4 Me KOLESAR (interprétation) : Est-ce que je peux

5 poursuivre ?

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, mais il

7 y a un certain nombre d’informations qui viennent dans le

8 cadre des questions. Il y en a beaucoup. Par conséquent,

9 il y a en a qui peuvent éventuellement identifier, à partir

10 de ces détails, identifier les témoins.

11 Est-ce que vous pouvez reformuler votre question,

12 s’il vous plaît ou bien si vous insistez sur le témoin très

13 concret, dans ce cas-là, une fois de plus, vous pouvez

14 marquer sur le papier le nom, vous le présentez au témoin,

15 elle répond par oui ou non. Voilà ! C’est de cette

16 manière-là, et ensuite, nous le mettons sous scellé.

17 Me KOLESAR (interprétation) : Non. On ne va pas

18 compliquer. Je vais retirer cette toute dernière question.

19 Par conséquent, ce n’est pas important. En ce qui concerne

20 les personnes qui ont été blessées, bien évidemment, ça

21 reste tel comme ceci a été formulé.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui. Je

23 vous en prie. Allez-y, procédez.

24 Me KOLESAR (interprétation) : Merci.

25 Q. Est-ce que vous êtes au courant que deux

Page 1558

1 jours plus tard, le 22 juin, il y avait un minibus où se

2 trouvaient des Serbes qui est tombé également sur un champ

3 de mines à Kosur et ce sont les musulmans qui ont placé ces

4 mines – Slavko Kovacevic, Radovan Drajic (ph.), Radenko

5 Milanovic, Joko Vukovic, Filipovic, Momir Kukic et Nenad

6 Maric ont été tués et beaucoup d’autres ont été blessés,

7 des invalides à perpétuité – et qu’au moment où les

8 personnes ont été tuées, le camion également qui avait

9 l’intention de les transférer a été victime d’un autre

10 événement ?

11 R. Je ne suis pas au courant.

12 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais quelle

13 est la pertinence également de votre question et quel est

14 le rapport avec votre client ?

15 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

16 Présidente, on a bien précisé qu’il y avait le conflit armé

17 entre les communautés ethniques dans le territoire de Foca.

18 Ce n’est pas contestable.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais ceci a

20 déjà été accepté. C’est un fait. Par conséquent, il y a

21 eu ce conflit armé. Ce n’est pas contestable.

22 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, mais c’était à

23 titre d’introduction, Madame la Présidente, et je n’ai pas

24 terminé encore. Donc, le témoin essaie de présenter que

25 l’autre communauté ethnique qui a participé au conflit

Page 1559

1 n’était pas armée. Moi, j’essaie tout simplement de mettre

2 en question la crédibilité du témoin parce qu’elle affirme

3 que l’autre partie n’a pas été armée alors que moi,

4 j’affaire qu’il y avait également des attaques qui ont été

5 organisées par les musulmans et qu’il y avait des victimes

6 également du côté des Serbes.

7 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui d’accord

8 mais ce n’est pas pertinent dans le cas concret. De toute

9 façon, ça n’aide pas la Défense dans le cas concret.

10 Je vous en prie, vous pouvez poursuivre.

11 Me KOLESAR (interprétation) :

12 Q. Si c’est comme ça, je vais passer à

13 l’événement du 3 juillet. Je voudrais tout simplement

14 faire une observation : c’est qu’il y avait également parmi

15 les victimes des Serbes qui étaient des victimes et qui

16 provenaient du village Mjesaja.

17 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Mais il n’y

18 avait pas d’interprétation en langue anglaise.

19 Est-ce que vous pouvez répéter ? Excusez-moi,

20 parce qu’il n’y avait pas d’interprétation en anglais.

21 Me KOLESAR (interprétation) : Oui, Madame la

22 Présidente. J’ai dit tout simplement que je vais passer à

23 d’autres questions bien évidemment, des événements qui ont

24 eu lieu le 3 juillet. Mais moi, je fais une observation

25 selon laquelle je voulais tout simplement dire que parmi

Page 1560

1 les personnes qui ont été victimes, qui ont été tuées, il

2 s’agit donc des Serbes qui étaient dans ce car. Il y avait

3 par conséquent des villageois du village de Mjesaja, par

4 conséquent, des villageois du témoin, et il me semble que

5 ce n’est pas négligeable.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Entendu,

7 mais vous pouvez poursuivre, s’il vous plaît. On a noté ce

8 que vous avez dit.

9 Me KOLESAR (interprétation) :

10 Q. Je vais vous demander s’il vous plaît de

11 prendre la déclaration qui se trouve devant vous et qui

12 concerne donc ce qui a été dit par le témoin en novembre

13 1995. Est-ce que vous pouvez voir la page 2, s’il vous

14 plaît ?

15 Est-ce que vous avez trouvé la page 2, s’il vous

16 plaît ?

17 R. Oui.

18 Q. La page 2, dernier paragraphe qui commence :

19 « Moi, le 3 juillet… » [Hors microphone]

20 Je vais vous demander de bien vouloir lire ce

21 dernier paragraphe jusqu’à l’avant-dernière phrase.

22 R. Je ne peux pas lire.

23 Q. Est-ce que vous pouvez me dire pourquoi, s’il

24 vous plaît ?

25 R. Parce qu’il y a un certain nombre de noms.

Page 1561

1 Q. Mais je pense que c’est déjà la pratique que

2 nous poursuivons. À partir du moment où vous voyez le nom,

3 vous utilisez tout simplement le numéro. Vous ne lisez pas

4 le nom. Par conséquent, je veux bien vous rappeler, mais

5 il n’y a pas de problème. Je pense que nous avons accepté.

6 Vous ne donner pas, lors de la lecture, le nom que vous

7 voyez ou bien vous les sautez carrément ou vous dites le

8 numéro.

9 R. « Le 3 juillet 1992, nous étions 50

10 villageois qui étions dans les bois. Il y avait mon frère,

11 ensuite ma cousine, 88, et mes parents. Dans ce premier

12 groupe, il y avait le numéro 48 et 74. Le matin à 6 h 30,

13 j’ai entendu les tirs. Beaucoup de soldats serbes en tenue

14 de camouflage descendaient d’en haut en tirant en notre

15 direction. Le matin était sous le brouillard et je ne

16 pouvais pas reconnaître les soldats. »

17 Q. Merci. Vous avez dit qu’il y avait du

18 brouillard et que vous n’avez pas pu reconnaître les

19 soldats ?

20 R. Oui.

21 Q. Pourriez-vous nous dire maintenant s’il vous

22 plaît si le brouillard était épais et est-ce que la

23 visibilité était bonne ou non ?

24 R. Moi, j’ai dit qu’il y avait du brouillard

25 mais je pensais bien évidemment, à une plus grande

Page 1562

1 distance, que nous ne pouvions pas les reconnaître, mais au

2 moment où ils se sont approchés de nous, nous les avons

3 vus. On les a vus très bien.

4 Q. Maintenant, je vous ai compris. Mais est-ce

5 que vous pouvez me dire, s’il vous plaît, si le brouillard

6 était très épais et quelle était la visibilité par rapport

7 au brouillard ?

8 R. Je pense qu’on pouvait reconnaître à cinq

9 mètres éventuellement.

10 Q. Par conséquent, c’est à cinq mètres que vous

11 pouviez reconnaître déjà les soldats parce que sinon, il y

12 avait un brouillard qui était épais ?

13 R. Oui. Vous m’avez bien compris.

14 Q. Merci. Il y avait combien de soldats dans ce

15 groupe et comment ils étaient vêtus ? Vous l’avez déjà dit

16 mais je vais quand même vous demander de me dire le nombre

17 de soldats.

18 R. Je ne les ai pas comptés, véritablement. Je

19 sais qu’ils étaient nombreux mais je ne sais pas quel était

20 le nombre. J’avais trop peur. J’étais terrifiée et je

21 n’avais même pas osé de les regarder, encore moins de les

22 compter.

23 Q. Au moment où vous êtes arrivée dans le pré,

24 vous en parlez dans votre déclaration, alors, le brouillard

25 s’est levé ou bien c’était pareil ?

Page 1563

1 R. Oui, il y avait encore du brouillard.

2 Q. Et la densité était la même ?

3 R. Non vraiment, je ne le sais pas. Vraiment,

4 je n’ai pas fait attention à ça.

5 Q. Pourriez-vous s’il vous plaît me décrire la

6 grandeur de ce pré et où se trouvait ce rocher dont vous

7 avez parlé ? Vous avez dit qu’il y avait un groupe de

8 soldats qui étaient de ce côté-là. Est-ce que vous pouvez

9 me donner également approximativement la taille de ce

10 rocher ?

11 R. Le pré était assez grand, et pour ce qui est

12 le rocher, il se trouvait du côté des bois. Donc, il y

13 avait le pré, et du côté du bois, il y avait le rocher.

14 Q. Qu’est-ce que ça veut dire : « le pré assez

15 grand » ?

16 R. Ce n’était pas énorme mais de toute façon,

17 c’était un pré assez grand. Mais je ne peux pas vous dire

18 exactement combien de mètres. Je ne sais pas comment vous

19 expliquer de plus près.

20 Q. Mais bon, vous vous êtes rendue dans le pré

21 et d’après votre déclaration, vous avez vu ce groupe de

22 soldats ?

23 R. Oui.

24 Q. Est-ce que vous pouvez me donner un peu plus

25 d’explications ?

Page 1564

1 R. Ils nous ont emmenés jusqu’au pré et le

2 premier que j’ai vu c’était Radomir Kovac, et à deux, trois

3 mètres, Gojko Jankovic, Dragan Zelenovic, Tuta, et puis il

4 y avait encore d’autres soldats. Je ne sais pas combien

5 ils étaient au total.

6 Q. Par conséquent, vous vous êtes approchés à

7 deux mètres à peu près par rapport au groupe ?

8 R. Je ne sais pas exactement mais deux, trois

9 mètres.

10 Q. Et comment vous êtes tombée directement sur

11 Radomir Kovac ?

12 R. Mais c’est tout simplement parce qu’il s’y

13 trouvait. Moi, j’ignorais qui c’était. Ce n’est que plus

14 tard que je l’ai appris. C’est plus tard quand j’étais

15 dans son appartement et c’est là où j’étais au clair.

16 Me KOLESAR (interprétation) : Madame la

17 Présidente, j’ai une série de questions encore. Il est 1 h

18 00. Je ne sais pas si je poursuis ou bien on s’arrête.

19 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non. Nous

20 allons avoir une pause-déjeuner et nous allons poursuivre à

21 14 h 30.

22 --- Suspension de l’audience à 13 h 00

23 --- Reprise de l’audience à 14 h 30

24 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

25 vous poursuivez donc le contre-interrogatoire du témoin.

Page 1565

1 Me KOLESAR (interprétation) :

2 Q. Madame le Témoin, avant la pause-déjeuner, je

3 vous avais demandé de nous expliquer à quelle distance vous

4 vous trouviez du groupe de soldats qui étaient contre le

5 rocher. C’est bien exact ?

6 R. Oui.

7 Q. Vous avez dit que vous étiez à environ deux

8 ou trois mètres de l’Accusé Kovac. Est-ce bien exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Pourriez-vous me dire, s’il vous plaît, la

11 chose suivante : D’après ce que vous nous avez dit,

12 l’attaque a été très soudaine, les gens ont commencé à

13 s’enfuir vers le haut de la colline, la panique régnait

14 parmi les civils, mais je voudrais savoir, étant donné la

15 situation psychologique, si je puis dire, qui régnait,

16 comment avez-vous trouvé le courage de vous approcher des

17 soldats de deux ou trois mètres ?

18 R. Qu’est-ce que je pouvais faire puisqu’il y en

19 avait qui venaient derrière moi ? Qu’est-ce que j’aurais

20 pu faire, courir ?

21 Q. Oui. La logique aurait été pour vous de vous

22 éloigner au maximum de ces hommes.

23 R. Oui, mais ils nous poursuivaient.

24 Q. Oui, mais vous avez dit que le pré, le champ

25 était très vaste ?

Page 1566

1 R. Oui, oui, c’est vrai.

2 Q. Donc, il vous était possible d’aller vous

3 réfugier plus loin ?

4 R. Ce n’était pas à nous de décider où nous

5 allions. C’est eux qui décidaient où nous allions et où

6 nous nous arrêtions.

7 Q. Je vous demanderais de prendre votre

8 déclaration, celle que vous avez donnée en novembre aux

9 enquêteurs du Tribunal, en novembre 1995. Il s’agit de la

10 page 3 et du dernier paragraphe à la page 3. Je vais vous

11 demander de le lire, s’il vous plaît.

12 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Quel

13 paragraphe, Me Kolesar ?

14 Me KOLESAR (interprétation) : Je vous prie de

15 m’excuser. Ça commence par les mots :

16 « Radomir Kovac… »

17 R. « Radomir Kovac avait 32 ou 33 ans. Il était

18 grand, mince. Il avait des cheveux noirs et courts. Il

19 était laid et il était glabre. Je ne le connaissais pas

20 avant la guerre. »

21 Q. Pouvez-vous poursuivre, s’il vous plaît ?

22 R. « Plus tard pendant ma détention, lorsque

23 l’on m’a emmenée dans son appartement, j’y ai vu une photo

24 qui le représentait et en train de vendre des légumes à

25 Sarajevo. »

Page 1567

1 Q. Vous confirmez et vous maintenez que vous

2 avez vu une photographie dans son appartement ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous nous décrire cette photographie,

5 s’il vous plaît ?

6 R. Malheureusement, je ne m’en souviens plus

7 aujourd’hui.

8 Q. Vous souvenez-vous combien de personnes

9 figuraient sur cette photographie ?

10 R. Je crois qu’il était seul sur cette

11 photographie.

12 Q. À quoi ressemblait-il sur cette photographie

13 ?

14 R. Je ne me souviens pas.

15 Q. Quelle était sa tenue vestimentaire ?

16 R. Je ne m’en souviens pas non plus.

17 Q. Avait-il une barbe, une moustache, avait-il

18 une barbe et une moustache ?

19 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

20 Q. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous dire ce

21 qu’il portait et où il se trouvait sur ce rocher ?

22 R. Il n’était pas sur le rocher. Il se trouvait

23 à environ un ou deux mètres de là et il portait une

24 casquette noire, une veste de cuir noir, des pantalons

25 bigarrés et un fusil automatique ainsi que quelque chose de

Page 1568

1 noir sur l’œil, un œil noir.

2 Q. Justement, je voudrais savoir ce que vous

3 entendez par un « œil noir ».

4 R. Bien, c’est difficile à vous dire. En fait,

5 il avait une pièce de tissu ou quelque chose sur un œil,

6 sur un de ses yeux, donc sans doute pour qu’on ne puisse

7 pas le reconnaître.

8 Q. Est-ce que c’est le genre de chose que l’on

9 voit dans les films, que portent les pirates ou que portent

10 les gens qui ont perdu un œil dans les films ?

11 R. Oui.

12 Me KOLESAR (interprétation) : Je vous prie de me

13 donner quelques instants, Madame la Présidente.

14 Q. Dans la déclaration que vous avez donnée aux

15 autorités de Bosnie-Herzégovine, vous dites qu’il portait

16 des lunettes à verres foncés, fumés et un des verres

17 manquait. Où est la vérité, s’il vous plaît ?

18 R. Un instant, s’il vous plaît. Je ne me

19 souviens plus aujourd’hui. Vraiment, je ne m’en souviens

20 plus.

21 Q. Fort bien ! Oui, mais il est intéressant de

22 voir, quand je vous pose mes questions, toutes les choses

23 dont vous ne vous souvenez plus. Pendant que vous étiez

24 dans l’appartement, que portait Kovac lorsqu’il n’était pas

25 de service, lorsqu’il ne devait pas se rendre sur le front,

Page 1569

1 mettons ? Disons les choses ainsi.

2 R. Je ne sais pas. Je sais juste que je l’ai

3 reconnu dans son uniforme. Je ne sais rien d’autre.

4 Q. Oui, mais je ne comprends pas comment ça se

5 fait que vous ne savez pas si vous avez passé une vingtaine

6 de jours dans l’appartement.

7 R. Je ne m’en souviens pas aujourd’hui.

8 Q. Bien ! Nous considérons que c’est votre

9 réponse. Pourquoi dans votre déclaration, la déclaration

10 que vous avez donnée aux enquêteurs, pourquoi dans cette

11 déclaration n’avez-vous pas décrit à quoi ressemblait

12 Monsieur Kovac, à savoir quelle tenue il portait le 3

13 juillet ? Cependant, vous l’avez fait dans la déclaration

14 donnée aux autorités de Bosnie-Herzégovine et puis vous

15 avez de nouveau donné cette description dans le prétoire il

16 y a quelques jours.

17 R. Je n’en ai aucune idée. Peut-être parce que

18 la première fois, ils ne m’ont pas posé la question. Je ne

19 m’en souviens plus.

20 Q. Connaissiez-vous le frère de Kovac qui est

21 connu sous le nom de Micko… (l’interprète se reprend) le

22 frère de Kovac qui s’appelle Micko ?

23 R. Non.

24 Q. Je vais vous demander de vous reporter à la

25 page 7 de votre déclaration, déclaration donnée aux

Page 1570

1 enquêteurs du Tribunal, page 7, deuxième paragraphe à

2 partir du haut qui commence par les mots suivants : « Je

3 me souviens que Slavo… »

4 R. Quelle page ?

5 Q. Page 7 de la déclaration que vous avez donnée

6 en novembre, deuxième paragraphe à partir du haut et cela

7 commence par une phrase : « Je me souviens que c’est

8 Slavo… »

9 Avez-vous trouvé ?

10 R. Non.

11 Me KOLESAR (interprétation) : Je vais demander à

12 l’Huissier d’aider le témoin.

13 R. Oui, ça y est. J’ai trouvé.

14 « Je me souviens que Slavo Ivanovic et un certain

15 Kovac, alias Micko, le frère de Radomir Kovac, venaient

16 souvent chercher des femmes. Kovac choisissait souvent le

17 numéro 50. »

18 Q. Pourquoi, s’il vous plaît, avez-vous dit aux

19 enquêteurs du Tribunal que vous connaissiez le frère de

20 Radomir Kovac ? Or, aujourd’hui, vous nous dites que vous

21 ne le connaissez pas.

22 R. Je ne le connaissais pas d’avant. C’est au

23 centre scolaire, c’est au lycée que je l’ai rencontré.

24 Q. Je ne vous ai pas demandé si vous avez fait

25 la connaissance du frère de Radomir Kovac au lycée. Moi,

Page 1571

1 ce que je vous ai demandé c’est si vous aviez jamais

2 rencontré ou vu le frère de Radomir Kovac, alias Micko.

3 R. Pas avant cet événement, ce moment-là.

4 Q. Avant, que voulez-vous dire ?

5 R. Avant l’attaque. Enfin, je veux dire avant,

6 je ne le connaissais pas.

7 Q. Vous voulez dire que vous ne l’aviez jamais

8 vu, jamais ?

9 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

10 Q. [Hors microphone] Oui. Dans votre

11 déclaration, vous dites : « Je me souviens qu’il est venu

12 et qu’il est venu souvent et qu’il est venu chercher telle

13 ou telle personne. »

14 R. Ce que j’ai voulu dire c’est que jusqu’à ce

15 moment-là, je ne le connaissais pas, jusqu’à ce qu’il

16 commence à venir avec Slavo Ivanovic au lycée, mais je ne

17 m’en souviens plus de lui aujourd’hui, je ne me souviens

18 plus du tout de lui.

19 Q. Conviendrez-vous cependant que vous l’avez

20 vu, qu’il est venu au lycée ?

21 R. Oui.

22 Q. Comment savez-vous qu’il faisait souvent

23 sortir le Témoin numéro 50 ?

24 R. Je le sais parce qu’elle me l’a dit, parce

25 qu’elle me l’a dit elle-même.

Page 1572

1 Q. Est-ce que j’ai bien entendu, c’est elle-même

2 qui vous l’a dit ?

3 R. Oui.

4 Q. Donc, vous êtes en train de nous dire que

5 c’est elle qui vous l’a dit. Est-ce que vous savez que ce

6 témoin a déjà été entendue ?

7 R. Oui.

8 Q. Savez-vous qu’elle ne l’a jamais mentionné,

9 qu’elle n’a jamais mentionné cet homme ?

10 R. Je ne sais pas.

11 Q. Avant la guerre, vous ne connaissiez pas non

12 plus Radomir Kovac et vous ne connaissiez pas non plus

13 Micko ?

14 R. Oui, c’est exact. Je ne les connaissais pas.

15 Q. Vous avez donc vu Radomir Kovac, vous nous

16 l’avez dit, le 3. Est-ce que c’était la première fois que

17 vous le voyiez ? Vous l’avez vu habillé de cette façon

18 pour la première fois le 3. C’est bien exact ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous l’avez revu habillé de la

21 même façon ?

22 R. Oui.

23 Q. Quand ?

24 R. Quatre mois plus tard, lorsqu’ils nous ont

25 emmenées chez lui, lorsque je suis restée un certain temps

Page 1573

1 dans son appartement.

2 Q. Vous ai-je bien compris, est-ce que vous nous

3 dites que pendant votre séjour dans cet appartement, il

4 portait une casquette noire, un bandeau sur l’œil, des

5 pantalons de camouflage et une veste de cuir noir ?

6 R. Il ne portait pas de bandeau sur l’œil, mais

7 généralement, il portait en effet une veste noire, un

8 pantalon de camouflage ainsi qu’une casquette noire. Je le

9 sais.

10 Q. Est-ce qu’il lui arrivait de porter un béret

11 ?

12 R. Oui. C’est un béret qu’il portait, un béret

13 noir ou peut-être bleu. Je ne me souviens pas très

14 exactement. C’est ce que je mentionnais en parlant de

15 casquette.

16 Q. Est-il possible que cela ait été un béret

17 rouge ?

18 R. Je ne sais pas.

19 Q. Vous ne savez pas. Bien ! Étant donné les

20 circonstances, tout ce qui se passait le 3, le brouillard,

21 la peur, le fait que vous ne connaissiez pas ces gens, que

22 vous avez vu Micko plus tard, est-il possible que ce soit

23 Micko que vous ayez vu avec les soldats le 3 juillet, au

24 milieu du groupe de soldats près du rocher ?

25 R. Je ne sais pas.

Page 1574

1 Q. Dans votre déclaration, vous avez dit qu’à

2 votre avis, il n’avait pas d’argent, pas assez d’argent

3 pour s’acheter des cigarettes ou du pain avant la guerre.

4 D’où sortez-vous cela ?

5 R. Ce sont ses collègues eux-mêmes qui me l’ont

6 dit, des gens qui le connaissaient très bien.

7 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je

8 souhaiterais clarifier quelque chose en ce qui concerne la

9 traduction. Je ne parle pas B/C/S, mais moi, j’ai entendu

10 le témoin dire « ne » et pour moi, cela veut dire « non ».

11 Peut-être me suis-je trompée. Quand on lui a demandé si ça

12 pouvait être le frère, elle a dit « ne » et ça a été

13 traduit par : « Je ne sais pas ». Donc, je voudrais

14 clarifier cela, s’il vous plaît. Je suis un petit peu

15 surprise.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Est-ce que

17 les interprètes peuvent nous apporter des éclaircissements

18 à ce sujet ?

19 Me KOLESAR (interprétation) : Si vous me

20 permettez, Madame la Présidente, je souhaite dire, pour

21 ceux qui parlent serbo-croate, la réponse était : « Je ne

22 sais pas », « Ne Znam ».

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Bien !

24 Demandons au témoin de nous dire de quoi il retourne, de

25 clarifier les choses.

Page 1575

1 Me KOLESAR (interprétation) :

2 Q. Madame le Témoin, quand je vous ai demandé

3 s’il était possible que ça ait été Micko et non pas Radomir

4 qui se trouvait avec les soldats, je vous ai entendu

5 dire : « Je ne sais pas. »

6 R. Non. J’ai dit que ce n’était pas lui. J’ai

7 dit que ce n’était pas lui. Je n’ai pas dit : « Je ne sais

8 pas. » J’ai dit que ce n’était pas lui. J’ai dit :

9 « Non. » Je suis tout à fait sûre que c’était Klanfa.

10 Me KOLESAR (interprétation) : J’ai une demande à

11 formuler à l’intention du Greffe. Je voudrais savoir si la

12 procédure est enregistrée dans la langue originale ou non.

13 LA GREFFIÈRE : Nous avons effectivement des

14 cassettes que nous pouvons réécouter si vous le désirez

15 mais peut-être pas tout de suite, mais une vérification

16 peut être faite effectivement au niveau des cassettes, de

17 la retranscription des débats.

18 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Oui, en

19 effet, peut-être qu’on pourra faire ça plus tard, mais plus

20 tard, comme nous le dit bien Madame la Greffière

21 d’audience. Pouvons-nous poursuivre ?

22 Me KOLESAR (interprétation) : Merci. Je

23 souhaiterais demander la possibilité de pouvoir entendre

24 cette cassette aussi rapidement que possible.

25 Q. Madame le Témoin, vous avez dit que vous

Page 1576

1 aviez peur, donc, vous avez dormi dans les bois pour cette

2 raison ?

3 R. Oui.

4 Q. Pouvez-vous, s’il vous plaît, me dire sans

5 nous donner les noms des personnes s’il s’agit de personnes

6 protégées, je voudrais savoir, s’il vous plaît, qui était

7 là avec vous ce matin-là quand les soldats sont arrivés ?

8 R. Je l’ai déjà dit, je crois, mais bon, il y

9 avait donc DB, le numéro 87… un instant, s’il vous plaît.

10 Oui. Il y avait également le numéro 90, le numéro 48, le

11 numéro 74 ainsi que le numéro 88.

12 Q. Donc, à la page 4 de votre déclaration aux

13 enquêteurs du Tribunal, et je parle du sixième paragraphe

14 dans la version serbo/croate, cela commence par les mots

15 suivants : « Et ensuite, les soldats… »

16 R. « Et ensuite, les soldats nous ont obligés à

17 descendre de la colline et quand nous nous sommes approchés

18 du village, j’ai vu qu’il y avait des maisons qui étaient

19 complètement incendiées. J’ai entendu des tirs et j’ai su

20 qu’ils avaient tué les hommes qui avaient été appréhendés.

21 Ceci a été confirmé par mon père qui a vu leurs corps et

22 parmi eux se trouvait celui de mon frère de 20 ans. Mon

23 père a également trouvé le corps de ma mère de 42 ans. Il

24 a essayé de l’enterrer, mais il a entendu les Chetniks

25 approcher et il a fui. » Fin de la citation.

Page 1577

1 Q. [Hors microphone] Je voudrais vous demander

2 maintenant de vous référer à l’autre déclaration, celle que

3 vous avez donnée à l’AID et de vous pencher sur la page 1

4 de cette déclaration. Je parle du dernier paragraphe qui

5 commence par les mots : « Le 3 juillet… »

6 R. « Le 3 juillet 1992, à environ 6 h 20, il y a

7 eu des tirs dans la zone où nous nous trouvions. Nous

8 avons réalisé que nous étions encerclés. Nous avons

9 commencé à fuir vers la montagne et un homme, ma mère et

10 une autre femme ont été tués dans ces échanges de tirs.

11 Ils ont réussi à nous encercler et à nous capturer. Il y

12 avait environ 30 femmes, enfants et hommes âgés et environ

13 sept hommes plus jeunes. Mon frère a été blessé. Il a

14 également été capturé. Dans le groupe de ceux qui ont été

15 pris se trouvaient… »

16 Q. Ne dites pas les noms. Je vous prie donc,

17 Madame, de ne pas donner les noms des témoins puisqu’il

18 s’agit d’éléments d’identification. Donc, je voudrais

19 savoir d’où vient la différence entre ces deux

20 déclarations.

21 R. Ce n’est dû qu’à la traduction, à la façon

22 dont cela a été traduit.

23 Q. Oui, mais la déclaration que vous avez faite

24 aux autorités de la République de Bosnie-Herzégovine, vous

25 l’avez donnée en serbo-croate. Est-ce que cela signifie

Page 1578

1 que la traduction de la déclaration que vous avez donnée au

2 Tribunal ne correspond pas à ce que vous avez dit ?

3 R. Je ne vois pas de différence énorme.

4 Q. Puis-je passer à la question suivante ? Est-

5 ce qu’il est possible, d’après vous, que votre frère ait

6 été blessé dans les échanges de tirs qui ont opposé les

7 soldats serbes et les soldats musulmans étant donné qu’il

8 était armé, qu’il avait une arme, une arme qui été saisie,

9 c’est vrai, mais plus tard, apparemment, il a réussi à se

10 procurer une autre arme et donc il n’a pas été blessé

11 pendant qu’il fuyait ?

12 R. Il a été blessé alors qu’il fuyait dans le

13 groupe où moi-même, je me trouvais. À ce moment-là, il n’y

14 avait pas d’échange de tirs entre les musulmans et les…

15 Q. Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, combien

16 il y a de maisons dans votre village, combien il y a de

17 foyers, de familles sans tenir compte des appartenances

18 ethniques ?

19 R. Je ne peux pas vous dire exactement.

20 Q. Savez-vous combien il y avait de maisons

21 appartenant à des musulmans ?

22 R. Environ 30. Je n’ai jamais compté.

23 Q. Est-ce que j’ai bien compris : 30 maisons ou

24 30 familles ? C’est ça ?

25 R. Oui, à peu près.

Page 1579

1 Q. Sur ces 30 maisons, sur ces 30 foyers ou

2 familles, combien y avait-il d’hommes âgés de 16 à 60 ans ?

3 R. Je ne peux pas vous répondre non plus. Je ne

4 le sais pas.

5 Q. C’était vos voisins. Ce n’est quand même pas

6 trop vous demander.

7 R. Je sais, mais je n’ai jamais compté. Je n’ai

8 jamais écrit cela pour obtenir un chiffre exact. Ça ne

9 m’intéressait pas. Je n’ai jamais vraiment fait attention.

10 Je ne sais pas. Si je les passais en revue, si je le

11 notais comme ça sur une feuille de papier, peut-être je

12 pourrais vous le dire, mais comme ça de but en blanc, je ne

13 peux pas vous le dire.

14 Q. Bien ! Pouvez-vous me dire combien de gens

15 on a emmenés ce 3 juillet à la caserne de Buk Bijela ou aux

16 baraques de Buk Bijela (se reprend l’interprète) ?

17 R. Aux baraques, seulement un homme a été emmené

18 aux baraques.

19 Q. Je n’ai pas parlé des hommes. Je vous ai

20 parlé de tout le monde, femmes, enfants, hommes, jeunes

21 filles.

22 R. J’ai pensé que vous parliez uniquement des

23 hommes.

24 Q. Peu importe, mais pouvez-vous répondre à ma

25 question ?

Page 1580

1 R. Je ne peux pas vous dire. En tout cas,

2 disons que le premier jour, nous étions une trentaine de

3 femmes et d’enfants qui avons été rassemblés, appréhendés,

4 regroupés.

5 Q. Vous nous dites qu’il y avait combien

6 d’hommes ?

7 R. Un homme.

8 Q. Je vois, mais qu’en est-il des autres hommes

9 ?

10 R. Monsieur Kovac le sait parfaitement parce

11 qu’il m’a dit à moi personnellement ce qui leur était

12 arrivé.

13 Q. Moi, je vais vous demander, s’il vous plaît,

14 de répondre à mes questions et de ne pas faire ce que vous

15 êtes en train de faire, s’il vous plaît.

16 R. Sept d’entre eux ont été rassemblés, ils

17 étaient vivants et avant cela, un d’entre eux a été tué.

18 Q. Et les autres, ont-ils fui ?

19 R. Oui.

20 Q. Je vais poursuivre. Comment est-ce que vous

21 savez que c’est Radomir Kovac qui a tué votre frère ?

22 R. Parce qu’il me l’a dit directement. Il me

23 violait chez lui dans son appartement. Il m’a dit : « Que

24 veux-tu ? C’est moi qui ai tué ton frère. » Et moi, je

25 suis venue assister à son procès.

Page 1581

1 Q. Est-ce que ça vous paraît logique que la

2 personne qui tue quelqu’un le dit, l’admet devant la

3 personne qui est plus proche à la victime, qu’il y ait viol

4 ou pas ?

5 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Le témoin ne

6 doit pas répondre à cette question. Ce n’est pas une

7 question qui doit être posée à ce témoin.

8 Me KOLESAR (interprétation) :

9 Q. Parlons maintenant de votre séjour dans

10 l’immeuble Lepa Brena. D’où êtes-vous venue dans cet

11 appartement ?

12 R. D’un appartement qui était dans le Ribarsko

13 Naselje, dans l’agglomération Ribarsko. Nous avons été

14 emmenés dans cet appartement par Klanfa et Cosovic.

15 Q. De quel appartement ?

16 R. Un appartement qui était dans la partie

17 Ribarsko.

18 Q. Comment est-ce que vous ne savez pas puisque

19 vous avez participé à ces événements ?

20 R. Eh bien, je ne sais pas.

21 Q. Pourquoi êtes-vous venue ?

22 R. Pourquoi ? Vraiment, je ne sais pas pourquoi

23 je suis venue.

24 Q. C’est moi qui vous pose cette question.

25 R. Parce qu’on m’a amenée là-bas.

Page 1582

1 Q. Voilà ! C’est une réponse. Qui est venu

2 avec vous ? Ne citez pas de noms, s’il vous plaît.

3 R. Je pensais aux hommes. Le numéro 87 et aussi

4 AB et AS.

5 Q. Vous maintenez l’affirmation que vous avez

6 été rendue dans un appartement à Lepa Brena ?

7 R. On a été rendu dans un appartement dans

8 l’agglomération Ribarsko. C’était des appartements de

9 Gojko Jankovic, de Zelenovic et… (Note de l’interprète :

10 d’une troisième personne dont l’interprète n’a pas entendu

11 le nom). Jagos Kostic et Klanfa sont venus et ils nous ont

12 amenés dans le groupe d’immeubles Brena.

13 Q. Je souhaite maintenant que vous regardiez

14 votre déclaration donnée aux enquêteurs de ce Tribunal, la

15 page 13. Avez-vous trouvé la page 13 ?

16 R. Oui.

17 Q. L’avant-dernier paragraphe qui commence par

18 les mots : « Le matin suivant… »

19 Est-ce que vous pouvez lire juste cette première

20 phrase ?

21 R. « Le matin suivant, Tuta et Zelja nous ont

22 rendus à Klanfa Kovac et Jagos Kostic qui sont venus et qui

23 nous ont amenés dans un appartement dans l’immeuble

24 résidentiel Brena où nous sommes restés 20 jours. »

25 Q. Veuillez trouver maintenant la page 8, s’il

Page 1583

1 vous plaît. Paragraphe 3, huitième ligne, la phrase qui

2 commence par : « Le lendemain matin est venu… »

3 Est-ce que vous pourriez nous lire cette partie-là

4 ?

5 R. Page 8 ?

6 Q. [Hors microphone] Page 8, paragraphe 4, la

7 huitième ligne à partir du début du paragraphe qui

8 commence par les mots : « Le lendemain matin… »

9 R. « Le lendemain matin est venu Kovac, Radomir,

10 surnommé Klanfa et Jagos Kostic. Soi-disant ce jour-là,

11 ils devaient être nos protecteurs. Gojko a donné son

12 accord pour faire ça et il a dit que ces jeunes hommes

13 allaient nous garder dans un appartement. »

14 Q. Finalement, devant le Tribunal, il a été dit

15 que Tuta, Gojko, Zelja et Pero vous ont rendues. Qu’est-ce

16 qui est vrai ? Quelle est la vérité parmi ces trois

17 versions ?

18 R. Eh bien, c’est Tuta et Zelja qui nous ont

19 rendues. En ce qui concerne ça, c’était Gojko, Tuta et

20 Zelja et je ne sais pas quels étaient les détails de leur

21 accord. Je sais qu’ils ont dit que ces jeunes hommes

22 allaient venir pour nous amener et nous protéger.

23 Q. Oui, mais dans vos trois déclarations, vous

24 mentionnez des personnes différentes. Pourriez-vous nous

25 expliquer ?

Page 1584

1 R. Ils étaient là ensemble tous les trois. Je

2 ne me souviens pas très exactement de qui a dit quoi.

3 Q. Donc, deux, trois, peut-être même quatre

4 personnes vous ont rendues à Kovac et à Kostic, mais

5 comment est-ce que vous êtes arrivées jusqu’à l’immeuble

6 Lepa Brena depuis l’endroit où vous avez été rendues ?

7 R. À pied.

8 Q. Est-ce qu’ils vous ont dit pourquoi vous y

9 alliez et ce à quoi la situation allait ressembler dans cet

10 appartement ?

11 R. Ils nous ont dit qu’à partir de ce jour-là,

12 ils étaient les seuls qui allaient s’occuper de nous, que

13 personne d’autre ne pourrait venir, que personne n’allait

14 nous toucher, personne d’autre.

15 Q. Ce jour-là où Kostic et Kovac sont venus vous

16 chercher, comment étaient-ils vêtus, en vêtements civils ou

17 en uniformes ?

18 R. En uniformes.

19 Q. Très bien ! Dites-moi, s’il vous plaît, est-

20 ce qu’il est exact qu’à ce moment-là, Kovac vous a dit que

21 vous alliez être protégée, que personne n’allait vous

22 toucher, qu’il n’allait faire venir personne ?

23 R. Oui.

24 Q. Et que vous alliez y rester jusqu’au moment

25 où vous pouviez sortir ?

Page 1585

1 R. Oui.

2 Q. Là, je cite vos mots. Sortir, que voulez-

3 vous dire par là ?

4 R. Eh bien, être transférée jusqu’au territoire

5 libre, transférée à partir de là jusqu’au territoire libre.

6 Q. Donc, vous avez fait ce chemin à pied entre

7 cet endroit et l’immeuble Lepa Brena. Sur le chemin, est-

8 ce que quelqu’un vous a maltraitée, est-ce que quelqu’un

9 vous a menacée, est-ce qu’on a abusé de vous ?

10 R. Non. Je ne me souviens pas de cela.

11 Q. Est-ce que vous vous êtes arrêtée pour aller

12 dans un magasin ?

13 R. Je ne m’en souviens pas.

14 Q. Est-ce que vous vous souvenez que dans

15 l’immeuble de Lepa Brena, il existe un magasin Maglic au

16 rez-de-chaussée ?

17 R. Je m’en souviens.

18 Q. Est-ce que vous y êtes entrée ?

19 R. Non.

20 Q. Vous ne savez pas ?

21 R. Nous n’y sommes pas entrées.

22 Q. Non ?

23 R. Non.

24 Me KOLESAR (interprétation) : Je souhaite que

25 l’on montre au témoin la photo dont la cote est 407401.

Page 1586

1 Elle a été versée en tant que pièce à conviction numéro 11

2 des pièces à conviction du Procureur, d’après le compte-

3 rendu.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de cette photo

5 ? Est-ce que vous vous souvenez que le Procureur vous a

6 montré cette photo pendant votre interrogatoire principal ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous avez dit que c’était l’immeuble de Lepa

9 Brena où vous avez été amenée ?

10 R. Oui.

11 Q. Vous avez dit également et vous avez montré

12 l’appartement de Radomir Kovac. Est-ce que vous pouvez

13 faire la même chose ?

14 R. C’est l’appartement au quatrième étage.

15 Q. Revenons à la déclaration que vous avez

16 donnée aux autorités de la République de Bosnie-

17 Herzégovine, page 8 de nouveau, la phrase d’après celle que

18 vous avez déjà lue : « Ils nous ont emmenées… »

19 R. Page 8 ?

20 Q. Oui, page 8. Vous avez lu tout à l’heure la

21 phrase commençant par : « Le lendemain matin est venu… »

22 La phrase d’après, la phrase après celle-là :

23 « Ils nous ont emmenées… »

24 Est-ce que vous voulez que moi, je lise ça ?

25 R. Oui.

Page 1587

1 Q. « Klanfa et Jagos nous ont emmenées dans un

2 appartement au sixième ou septième étage de l’immeuble Lepa

3 Brena. »

4 Est-ce que vous avez trouvé ça ?

5 R. Oui, j’ai trouvé.

6 Q. Quelle est la vérité, le quatrième, cinquième

7 ou bien le sixième ou septième étage ?

8 R. Quatrième ou cinquième. Je ne me souviens

9 pas très exactement.

10 Q. Très bien ! Revenons à cette photo, s’il

11 vous plaît. Qu’est-ce que vous voyez au rez-de-chaussée ?

12 R. Je vois un magasin qui s’appelait Market.

13 Q. [Hors microphone] Pouvez-vous lire le nom ?

14 R. Je peux lire Market, mais l’inscription en

15 haut, je ne peux pas la lire.

16 Q. Ce que vous venez de nous montrer, est-ce que

17 vous êtes sûre qu’il s’agit de l’appartement dans lequel

18 vous avez séjourné, de l’appartement dans lequel Radomir

19 Kovac vous a amenée ?

20 R. Je pense que oui.

21 Q. Comment ça vous pensez que oui puisque avant,

22 vous avez montré exactement l’étage et l’immeuble ?

23 R. Oui, logiquement puisque si le magasin est au

24 rez-de-chaussée, ça veut dire que c’est le même immeuble.

25 LA GREFFIÈRE : [Hors microphone] …l’attention de

Page 1588

1 la Chambre de première instance quant au fait qu’il ne peut

2 garantir à 100 pour cent une protection du témoin quant à

3 la déformation de sa voix si les avocats ne font pas

4 l’effort d’éteindre leur micro à chaque fois qu’ils ont

5 fini de poser leurs questions.

6 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Monsieur

7 l’Avocat, veuillez tenir compte de cela.

8 Me KOLESAR (interprétation) : Je comprends et

9 j’essaie d’appuyer, mais d’habitude, le témoin répond avant

10 que je débranche le micro et je demanderais au témoin

11 également de ne pas répondre tout de suite mais d’attendre

12 que je débranche mon micro d’abord.

13 Q. S’il vous plaît, cette porte en bois, où

14 porte-t-elle, où mène-t-elle ?

15 R. Aucune idée. Je ne me souviens pas avoir vu

16 cette porte. Tout comme à Partizan, il n’y avait jamais de

17 Croix-Rouge.

18 Q. S’il vous plaît, montrez-moi où se trouve

19 l’entrée de l’immeuble par laquelle on passe pour aller

20 dans l’appartement dans lequel vous avez séjourné.

21 R. Justement là où se trouve cette porte en

22 bois, mais à l’époque, cette porte n’existait pas.

23 Q. Pour votre information, cette porte en bois

24 constitue l’entrée du magasin.

25 R. Je pense que non. Pour autant que je sache,

Page 1589

1 c’est à partir de cet endroit de ce côté-là [indication du

2 témoin] qu’on entrait dans le magasin, si je m’en souviens

3 bien.

4 Q. Est-ce qu’à l’entrée, il y avait un ascenseur

5 près de l’escalier ?

6 R. Je ne sais pas. Je ne m’en souviens pas.

7 Q. Si l’on examine cette photo, est-ce que vous

8 pouvez me dire si l’immeuble continue du côté gauche, est-

9 ce qu’il y a une entrée avec l’escalier là-bas aussi ?

10 R. Oui, ici [indication du témoin]. Il y a une

11 autre entrée aussi et je pense que devant l’immeuble, il y

12 avait un salon de coiffure, j’ai l’impression, si je m’en

13 souviens bien.

14 Q. En ce qui concerne cet immeuble Lepa Brena,

15 est-ce qu’il y a une partie de l’immeuble qui est de

16 moindre taille par rapport au reste de l’immeuble ?

17 R. Je n’ai pas compris.

18 Q. Je vous ai demandé si une partie de

19 l’immeuble Lepa Brena du côté gauche, si l’on se base sur

20 la photo, qui est de moindre taille vis-à-vis de l’immeuble

21 que l’on voit sur cette photo et, de toute évidence, il

22 s’agit de l’immeuble Lepa Brena ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Comment ça vous ne savez pas puisque vous y

25 êtes entrée plusieurs fois pendant votre séjour ?

Page 1590

1 R. Oui, j’y entrais, mais je ne l’ai

2 pratiquement pas vu parce que moi, je ne faisais pas

3 attention. Je n’essayais pas de voir autour de moi, mais

4 j’avais la tête penchée en avant et je regardais droit

5 devant moi.

6 Q. Très bien ! Parlons maintenant de

7 l’appartement lui-même. Quelle est la surface de cet

8 appartement ?

9 R. Je crois qu’il s’agissait d’un deux pièces.

10 Oui, deux pièces.

11 Q. Quelles étaient les pièces ?

12 R. Deux chambres, une cuisine, une salle de bain

13 et un couloir et un balcon.

14 Q. Le balcon se trouvait devant quelle pièce ?

15 R. La cuisine, je pense.

16 Q. Est-ce que vous pouvez nous décrire la

17 disposition des meubles dans la cuisine ?

18 R. Je n’ai vraiment aucune idée.

19 Q. Est-ce que vous pourriez me décrire la

20 disposition des meubles dans la salle de séjour ?

21 R. Dans la salle de séjour, il y avait un lit à

22 coucher, un lit double, il y avait une sorte de sofa, il y

23 avait une table ronde, et en face, il y avait une étagère.

24 Q. Quand vous dites « secia (ph.) », sofa, de

25 quoi parlez-vous ?

Page 1591

1 R. Ce n’est pas vraiment un canapé. Ça

2 ressemble à cela, mais il ne s’agit pas d’un canapé-lit.

3 Ça ne sert qu’à s’asseoir dessus.

4 Q. La table, est-ce que vous pouvez la décrire ?

5 R. Tout ce que je sais c’est que c’était une

6 table ronde.

7 Q. De quelle taille ?

8 R. Je ne l’ai vraiment pas mesurée.

9 Q. Table basse ou bien est-ce que c’était une

10 table de la salle à manger, table haute ?

11 R. Non. Une table basse.

12 Q. Quel était le matériel dont la surface de la

13 table était constituée ?

14 R. Vraiment, je ne m’en souviens pas.

15 Q. Dans la chambre à coucher, qu’est-ce qu’il y

16 avait ?

17 R. Ce n’était pas vraiment une chambre à

18 coucher. C’était une sorte de chambre d’enfant. Je crois

19 qu’il y avait deux lits l’un au-dessus de l’autre, ensuite,

20 une armoire et je ne sais pas très exactement s’il y avait

21 un canapé ou pas à gauche par rapport à l’entrée.

22 Q. Les fenêtres de cette chambre donnaient sur

23 quoi ?

24 R. Je ne sais pas.

25 Q. Est-ce que vous savez sur quoi donnaient les

Page 1592

1 fenêtres de la salle de séjour ?

2 R. Ici, ici même [indication du témoin], sur

3 cette rue. La fenêtre de la cuisine et du séjour, ces

4 fenêtres-là donnent sur cette rue, la rue devant.

5 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise, les

6 fenêtres de la cuisine et de la salle de séjour donnent sur

7 la rue ?

8 R. Oui.

9 Q. Merci. Dites-nous, s’il vous plaît, qu’est-

10 ce qu’il y avait dans la salle de bain : une machine à

11 laver ?

12 R. Oui, il y avait une machine à laver. Ça, je

13 me souviens très bien puisqu’on lavait beaucoup de linge.

14 Q. Est-ce que vous aviez un poste de télé ou

15 bien un magnétoscope ?

16 R. Je crois que non. Je ne sais pas. Je ne

17 m’en souviens pas.

18 Q. Dites-moi, s’il vous plaît, lorsque vous êtes

19 venue dans cet appartement, quelle a été votre disposition

20 ? Je veux dire qui dormait où ? Donc, je parle de vous

21 qui avez été emmenée et les deux hommes.

22 R. Eh bien, puisque Monsieur Kovac m’a prise,

23 moi d’abord, et le numéro 87 afin de nous protéger, nous

24 dormions avec lui sur le canapé dans la salle de séjour,

25 alors que Jagos Kostic a amené dans la chambre AS et AB.

Page 1593

1 Q. Est-ce que vous avez gardé la même

2 disposition par la suite ou bien est-ce que ça a changé ?

3 R. Vous parlez de nous ou des meubles ?

4 Q. Je parle de la manière dont vous dormiez.

5 R. Bien sûr que ça a changé.

6 Q. Dans quel sens ?

7 R. Eh bien, Kovac avait l’intention de violer

8 toutes les quatre. Puisque Jagos Kostic avait dit qu’il

9 allait protéger AS, donc il ne pouvait pas puisque c’était

10 un collègue qu’il respectait beaucoup. Donc, il ne pouvait

11 pas la violer elle et nous, bien sûr, personne ne nous… je

12 veux dire nous, il pouvait le faire.

13 Q. Madame le Témoin, ce n’était pas ma question.

14 Je vous ai demandé si, pendant votre séjour dans cet

15 appartement, vous avez changé d’endroit où vous dormiez.

16 Est-ce que les places des gens qui séjournaient dans

17 l’appartement ont changé ?

18 R. Oui.

19 Q. Dites-moi comment ceci s’est produit.

20 Qu’est-ce qui a changé ?

21 R. Eh bien, il m’a rejetée et ensuite, il a pris

22 AB, mais elle non plus, il ne l’a pas gardée pendant

23 longtemps, il l’a rejetée elle aussi. Ensuite, il a pris

24 le numéro 87 et ensuite, il passait le plus de temps avec

25 elle.

Page 1594

1 Q. Je ne comprends pas ce terme, « rejetée ».

2 C’est un terme qui est employé lorsqu’on parle de l’amour

3 entre un homme et une femme. C’est là qu’un homme rejette

4 une femme.

5 R. Eh bien, pendant qu’il abusait de moi,

6 c’était comme ça. Ensuite, il en a eu assez et là, il ne

7 m’a plus gardée auprès de lui. Il m’a placée dans une

8 autre chambre et il a gardé AB, mais elle non plus, il n’a

9 pas eu besoin d’elle pendant longtemps et puis ensuite,

10 quand il en a eu assez d’elle, c’est là qu’il a pris le

11 numéro 87. C’est ce que j’ai voulu dire.

12 Q. Vous me répondez toujours à côté, mais ce

13 n’est pas la question que je vous ai posée.

14 R. À ce moment-là, je ne vous ai pas compris, je

15 n’ai pas compris la question.

16 Q. Vous m’avez dit que vous-même ainsi que 87,

17 vous étiez sur le grand lit ensemble avec Kovac et AB et AS

18 étaient dans une autre chambre avec Jagos. Est-ce que je

19 vous ai bien comprise ?

20 R. Oui.

21 Q. À partir du moment où il vous a rejetée,

22 qu’est-ce qui s’est passé avec vous ?

23 R. Je suis partie dans l’autre chambre ou à la

24 cuisine. Je ne me souviens plus exactement où je dormais

25 par la suite. Je ne sais plus, mais je pense que j’étais à

Page 1595

1 la cuisine.

2 Q. Est-ce que dans la cuisine, il y avait un lit

3 ?

4 R. Oui. Il y avait un lit, un canapé-lit,

5 enfin, quelque chose de ce type-là.

6 Q. Eh bien, c’est 87 qui est restée toute seule

7 dans la salle de séjour avec Kovac, n’est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Tout à l’heure, vous avez dit qu’ensuite, il

10 a pris AB.

11 R. Oui. AB était également avec lui, mais très

12 peu de temps. C’est ce que j’ai dit. Elle est restée peu

13 de temps. Ensuite, il a pris 87 avec lui.

14 Q. Au moment où il vous prenait, il ne prenait

15 pas en même temps 87 ? Je ne pense pas au moment même,

16 mais les mêmes jours.

17 R. Oui. Au début, oui. En même temps, il la

18 violait dans un même lit, 87 et moi-même.

19 Q. Et après ?

20 R. Après, il l’a prise toute seule mais il

21 emmenait d’autres femmes.

22 Q. Au moment où vous vous êtes rendue dans cet

23 appartement, qu’est-ce que vous avez emmené comme vêtements

24 ?

25 R. J’ai pris des vêtements dans l’appartement où

Page 1596

1 j’étais avant, où j’ai été emmenée par Tuta et Zelja.

2 Donc, c’était également indispensable de prendre quelques

3 vêtements pour pouvoir se changer parce qu’on n’avait pas

4 grand-chose. On avait peu de choses, pas trop.

5 Q. Est-ce que dans l’appartement où vous étiez

6 éventuellement, il y avait des vêtements que vous auriez pu

7 mettre ?

8 R. Non, je ne pense pas. Je ne me souviens pas.

9 Q. Vous en êtes sûre ? Il n’y en avait pas ?

10 R. Oui, j’en suis sûre parce qu’au bout d’un

11 certain temps, il y avait des personnes qui sont arrivées

12 et puis elles nous ont pris des vêtements et puis il n’y

13 avait pratiquement plus rien pour nous. Si, on a trouvé

14 quelque peu de vêtements qui étaient sales et c’est la

15 raison pour laquelle on a été obligé d’abord de le passer

16 au lave-linge pour ensuite mettre ces vêtements.

17 Q. Il y avait un lave-linge, n’est-ce pas ?

18 Vous l’avez dit.

19 R. Oui. J’ai dit qu’il y avait un lave-linge.

20 Q. Vous avez dit qu’effectivement il y avait ce

21 lave-linge, mais je ne vous ai pas posé la question si vous

22 aviez le droit de laver vos propres vêtements.

23 R. Oui, on avait le droit de laver nos

24 vêtements.

25 Q. Comment ça se passait avec d’autres affaires,

Page 1597

1 d’autres affaires d’hygiène enfin ?

2 R. Rien.

3 Q. Vous aviez du savon ? Vous pouviez vous

4 laver ? Est-ce que vous aviez également de la lessive ?

5 R. Oui, quelque peu. Pas trop. Quand il n’y en

6 avait plus, bien, on n’avait plus rien.

7 Q. Est-ce que vous pouviez également vous

8 préparer à manger quelque chose ? Est-ce que ceci vous a

9 été permis ?

10 R. Il n’y avait rien. Il y avait quelques

11 conserves éventuellement qu’on a ouvertes et puis c’était

12 tout.

13 Q. Vous l’affirmez ?

14 R. Oui.

15 Q. Pendant que les deux en question étaient sur

16 place dans l’appartement, est-ce que vous avez mangé

17 ensemble à une même table, vous preniez des repas ensemble

18 ou bien vous mangiez à part, vous quatre ?

19 R. Je ne me souviens pas.

20 Q. Combien de temps en continuité êtes-vous

21 restée dans cet appartement ?

22 R. Un mois à peu près. Un mois.

23 Q. Je vais vous rappeler ce que vous avez dit

24 devant les enquêteurs du Tribunal et où vous avez dit que

25 vous avez passé dans cet appartement une vingtaine de jours

Page 1598

1 et vous l’avez dit également au moment où vous avez donné

2 les déclarations devant les autorités de Bosnie-

3 Herzégovine. Est-ce que vous voulez me dire ce qui est

4 vrai, ce qui est exact ?

5 R. C’est exact que j’ai dit comme je l’ai dit,

6 mais il nous a remis aux gens qui sont arrivés de Serbie.

7 Ensuite, il nous a ramenées de nouveau dans cet

8 appartement. Par conséquent, tout ceci a duré à peu près

9 un mois, un mois et demi parce qu’il nous avait remises à

10 un moment donné aux autres personnes.

11 Q. Est-ce que vous pouvez me dire également

12 autre chose ? Pendant que vous étiez dans cet appartement,

13 pendant que vous étiez donc dans l’appartement, combien de

14 fois Kovac a passé dans cet appartement, combien de nuits

15 il était dans l’appartement étant donné qu’il allait quand

16 même remplir un certain nombre de missions qui lui ont été

17 confiées ?

18 R. Je ne me souviens pas véritablement. Je ne

19 m’en souviens pas.

20 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire

21 approximativement le nombre de nuits qu’il avait passées

22 dans l’appartement ?

23 R. Je ne sais pas.

24 Q. Seriez-vous d’accord avec moi que sur le

25 nombre total de jours que vous étiez dans cet appartement,

Page 1599

1 il y a passé la moitié du temps ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas exactement.

3 Q. Dites-moi, s’il vous plaît, pendant leur

4 absence, est-ce que l’appartement était fermé à clé, est-ce

5 que vous-même, vous aviez des clés de l’entrée principale,

6 est-ce que vous pouviez vous déplacer, aller chez des

7 voisins et aller faire des courses dans les magasins ?

8 R. On a été enfermé à clé.

9 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise que

10 pendant qu’il n’était pas dans l’appartement, vous ne

11 pouviez pas sortir parce que la porte a été fermée à clé ?

12 R. Oui, c’est ce que j’ai dit.

13 Q. Vous souvenez-vous que vous étiez de temps à

14 autre partie voir les voisins pour prêter du café, du sucre

15 ?

16 R. Non, pas moi.

17 Q. Et d’autres jeunes filles qui étaient avec

18 vous ?

19 R. Pendant que moi, j’étais dans l’appartement,

20 certainement pas, mais je ne peux pas vous dire en dehors

21 du temps où je n’étais pas dans cet appartement comment ça

22 s’est passé.

23 Q. Est-ce que les voisines venaient vous voir ?

24 R. Une vieille dame a enfoncé l’appartement,

25 elle nous a demandé de prendre tout et de laisser rien dans

Page 1600

1 l’appartement et je me souviens que Gojko Jankovic était

2 venu parce que Klanfa était enfermé à l’établissement

3 pénitentiaire de Foca et Gojko était venu et il l’avait

4 expulsée.

5 Q. Je ne vous ai pas tellement bien comprise.

6 Qui était à l’établissement pénitentiaire à Foca ?

7 R. Klanfa était au KP Dom.

8 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ?

9 R. Non.

10 Q. Est-ce que vous savez quelle était la raison

11 et combien de jours il y est resté ? Je parle de la

12 prison.

13 R. Deux, trois nuits. Je ne sais pas

14 exactement.

15 Q. Au moment où Kovac et Kostic n’étaient pas en

16 mission, est-ce que vous les avez accompagnés, est-ce que

17 vous étiez dans des cafés, est-ce que vous avez pris des

18 boissons avec eux en ville ?

19 R. Avec eux-mêmes, non, personnellement. Étant

20 donné qu’ils nous ont mises à la disposition des hommes de

21 Serbie, une nuit, il y avait l’homme de Serbie qui m’a

22 emmenée dans un café et à cette époque-là, il y avait

23 Klanfa qui était avec 87 dans ce même café. Donc, c’est

24 une nuit que nous avons effectivement passée ensemble dans

25 un café.

Page 1601

1 Q. Vous étiez ensemble à une table, n’est-ce pas

2 ?

3 R. Oui.

4 Me LOPICIC (interprétation) : Je vous en prie, je

5 suis le compte-rendu et il n’y a pas donc de nom ou surnom

6 Klanfa au KP Dom. Je pense qu’il y a le nom qui manque.

7 C’est donc 15:38:22, page 1234, donc quatorzième ligne.

8 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Lopicic,

9 est-ce que vous voulez dire que c’est la réponse qui n’a

10 pas été entendue par l’interprète qui se trouvait à

11 l’établissement pénitentiaire ? Est-ce que la réponse

12 était que justement, c’était Klanfa ?

13 Me LOPICIC (interprétation) : Effectivement, la

14 transcription ne comprend pas le nom et le nom n’est pas

15 marqué. Je ne sais pas si vous avez entendu qu’il

16 s’agissait de Klanfa.

17 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Merci.

18 Me LOPICIC (interprétation) : C’était bien ça.

19 Me UERTZ-RETZLAFF (interprétation) : Je vous en

20 prie, est-ce qu’on peut demander éventuellement au témoin

21 de la répéter ? Les interprètes ne l’ont pas entendue.

22 Par conséquent, il faut peut-être reposer la question.

23 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

24 est-ce que vous voulez bien poser la question une fois de

25 plus ? Le témoin pourrait nous donner la réponse et tout

Page 1602

1 le monde pourrait entendre la réponse de manière claire et

2 nette.

3 Me KOLESAR (interprétation) :

4 Q. Est-ce que je vous ai bien comprise que

5 l’Accusé Kovac a passé un certain temps au KP Dom ?

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous savez pourquoi ?

8 R. Non.

9 Q. Est-ce que vous savez combien de temps il est

10 resté à la prison ?

11 R. Je ne sais pas. Deux, trois nuits. Je ne

12 suis pas sûre.

13 Q. Pendant votre séjour dans l’appartement, est-

14 ce qu’une de vos cousines proches vous a visitée ? La

15 cousine proche de l’accusé ainsi que sa mère se rendaient

16 chez vous pour vous apporter de la nourriture pendant que

17 Kovac remplissait sa mission ?

18 R. Pas à moi.

19 Q. Peut-être pas à vous, mais éventuellement,

20 elles apportaient de la nourriture aux quelques autres ?

21 R. Je ne sais pas.

22 Q. Vous étiez toutes les quatre dans le même

23 appartement ?

24 R. Pendant que moi-même, j’étais dans

25 l’appartement, personne n’est venu pour m’apporter quoi que

Page 1603

1 ce soit et je ne peux rien dire d’autre.

2 Q. Vous avez mentionné qu’il y avait un certain

3 homme dont le surnom est Tarza qui s’était rendu dans

4 l’appartement. Est-ce que vous pouvez nous dire de qui il

5 s’agissait ?

6 R. Je sais qu’il a travaillé à Sipad de Maglic.

7 On l’appelait Tarza. Je ne connais pas son prénom, son nom

8 à l’époque. Je connaissais son nom, mais de toute façon,

9 là maintenant, je ne m’en souviens plus. Je connais son

10 surnom.

11 Q. Vous avez travaillé dans la même société ?

12 Vous avez travaillé au sein de la même organisation de

13 travail ?

14 R. C’était la même entreprise mais ce n’était

15 pas la même unité, le même département. Il y avait la

16 centrale thermique et il y avait également la chaudière.

17 Donc, il s’agissait d’un même département mais au sein du

18 département, il y avait deux sections et tout ça dans une

19 seule entreprise.

20 Q. Ce Tarza, qu’est-ce qu’il a fait ? Combien

21 de fois il s’était rendu dans l’appartement ? Quelles

22 étaient les raisons pour lesquelles il est venu ?

23 R. Je me souviens qu’une fois, c’est Klanfa qui

24 l’a emmené et puis je lui ai demandé s’il se souvenait de

25 moi. Il m’a dit qu’il ne se souvenait pas de moi et

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1 depuis, je n’ai jamais parlé avec cet homme.

2 Q. C’est comme ça que vous avez terminé votre

3 discussion entre Tarza et vous-même ?

4 R. Il a parlé d’un certain nombre de choses,

5 mais de toute façon, je ne me souviens plus des sujets et

6 je ne me souviens plus des détails.

7 Q. En ce qui concerne Slavo Ivanovic, est-ce que

8 vous connaissiez avant Slavo Ivanovic ?

9 R. Oui.

10 Q. Je n’ai pas bien compris votre réponse.

11 R. Oui.

12 Q. Est-ce que vous pouvez donner la description

13 de cet âge, quel âge avait-il, comment il se présentait ?

14 R. Il avait des cheveux gris. Il avait un peu

15 plus que 50 ans. Je sais qu’il travaillait comme chauffeur

16 de taxi à Foca. Je sais qu’il est de taille moyenne, gros.

17 Q. Il vous a apporté un cadeau quand il est venu

18 vous voir ?

19 R. Non. Je ne me souviens vraiment pas du tout.

20 Je ne me souviens pas du tout.

21 Q. C’est peut-être de la charcuterie qu’il avait

22 apportée, prcut (ph.) ?

23 R. Non, je ne me souviens pas.

24 Q. Il était l’ami de Kovac ou de Jagos ?

25 R. Je ne me souviens pas.

Page 1605

1 Me KOLESAR (interprétation) : Excusez-moi, Madame

2 la Présidente, juste un petit moment pour consulter mes

3 notes.

4 Q. Pouvez-vous trouver la page 13, s’il vous

5 plaît, et jeter un coup d’œil sur la page 13 de votre

6 déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs du Tribunal

7 au mois de novembre 1995 ? Avant-dernier paragraphe, vous

8 avez donc la phrase, troisième ligne, qui commence : « Les

9 deux, trois premiers jours… »

10 R. « Les deux, trois premiers jours, Klanfa nous

11 a violées et ensuite, il a pris… »

12 Q. Je vous en prie, ne dites pas les noms. Je

13 vous en prie.

14 R. Excusez-moi. Tout est de ma faute.

15 « …il a pris donc AB, Kostic a pris AS et 87 et

16 moi-même, on nous a laissées tranquilles pendant une

17 dizaine de jours, alors que les deux autres jeunes filles

18 ont été violées de manière permanente. Moi-même et 87,

19 nous étions tranquilles. Rien ne s’est passé avec nous. »

20 Q. Merci. Je vous en prie, ça me suffit.

21 Maintenant, je vais vous demander de regarder votre

22 déclaration, page 8, donc la déclaration que vous avez

23 donnée aux autorités de Bosnie-Herzégovine. Est-ce que

24 vous avez trouvé ?

25 Seizième ligne, dernier paragraphe et qui

Page 1606

1 commence : « Nous y étions pendant une vingtaine de

2 jours… »

3 Est-ce que vous pouvez nous donner lecture ?

4 R. « Klanfa nous a violées de manière

5 permanente, alors que Jagos dormait uniquement avec AS.

6 Ceci se passait en général pendant les nuits, pratiquement

7 chaque nuit, et au bout d’une vingtaine de jours, Klanfa a

8 pris pour lui numéro 87 et en ce qui me concerne et AB, il

9 nous a dit que nous devons aller pour satisfaire les hommes

10 qui sont venus de Serbie. »

11 Q. Merci. Ça suffit. Par conséquent, il y a

12 les deux déclarations. Il y en a une première que vous

13 avez donnée en 1995, l’autre en 1996. L’autre jour, lors

14 de votre déposition, vous avez relaté différemment ce qui

15 s’était passé. Au cours du contre-interrogatoire de cet

16 après-midi, vous avez dit que vous aviez la meilleure

17 mémoire bien évidemment avant.

18 Par conséquent, si vous comparez les trois

19 déclarations, pouvez-vous me dire maintenant quelles sont

20 les raisons pour lesquelles il y a eu de telles

21 contradictions, de telles discordances ? À mon sens, il

22 s’agit véritablement de discordances qui sont très, très

23 grandes.

24 R. Je n’ai aucune idée. Je n’en ai pas la

25 moindre idée.

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1 Q. Il me semble que ce n’est pas véritablement

2 la réponse. Pourriez-vous, s’il vous plaît, nous donner la

3 réponse ?

4 R. Je ne sais pas quoi vous dire. De toute

5 façon, je ne pouvais pas me souvenir de tous les détails et

6 bien évidemment ça ne pouvait pas concorder à 100 pour

7 cent.

8 Q. Madame le Témoin, ce ne sont pas des détails

9 qui ne sont pas importants. Ce sont des choses qui, si

10 ceci vous est arrivé, c’est de telle nature que vous ne

11 pouvez pas oublier. C’est la raison pour laquelle je vais

12 vous demander, s’il vous plaît, de bien vouloir essayer de

13 vous en souvenir et de nous dire quelles sont les raisons

14 pour lesquelles vous avez donné les trois déclarations et

15 les trois sont différentes d’une manière drastique.

16 R. Je n’en ai pas la moindre idée. Je l’ai déjà

17 dit. Je répète que je ne me souviens pas quand j’ai dit

18 quoi, mais je me souviens d’un certain nombre de détails

19 quand même.

20 Q. Vous donnez des réponses non pas seulement à

21 cette question mais en général qui ne sont pas

22 permissibles. Faites un effort, s’il vous plaît, essayez

23 de m’expliquer. Dites-moi quelles sont les raisons pour

24 lesquelles ces trois déclarations sont aussi différentes.

25 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

Page 1608

1 le témoin vient de dire qu’elle ne sait pas plus. Elle ne

2 peut pas satisfaire votre curiosité. Vous pouvez donc

3 continuer. Il s’agit par conséquent d’un certain nombre

4 d’arguments que vous allez utiliser lors de votre

5 plaidoirie. Par conséquent, vous ne pouvez pas obtenir des

6 réponses que le témoin ne veut pas et ne peut pas peut-être

7 vous donner. Vous accélérez, s’il vous plaît.

8 Me KOLESAR (interprétation) : Je n’insiste pas.

9 Je ne force pas le témoin de me répondre comme moi, je

10 souhaiterais recevoir la réponse, mais il n’y a aucune

11 réponse. Elle ne me donne aucune réponse.

12 M. LE JUGE HUNT (interprétation) : Me Kolesar,

13 vous avez essayé donc d’insister sur un certain nombre de

14 points lors du contre-interrogatoire. Le témoin vous dit

15 qu’elle ne peut dire rien de plus. Par conséquent, je

16 pense que vous pouvez passer à d’autres sujets, s’il vous

17 plaît.

18 Me KOLESAR (interprétation) : Merci.

19 Q. Je vais vous demander maintenant de bien

20 vouloir regarder la page 14 de votre déclaration,

21 déclaration que vous avez donnée aux enquêteurs du

22 Tribunal, premier paragraphe…

23 R. Quatorzième page ?

24 Q. Oui. Premier paragraphe qui commence : « On

25 nous a emmené passer une nuit dans l’appartement de

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1 Klanfa. »

2 R. « Une nuit, on nous a emmenées dans

3 l’appartement de Klanfa. Il y avait des soldats serbes qui

4 buvaient et qui tiraient par les fenêtres. Cette nuit,

5 Klanfa avec Dragan Stankovic a négocié la vente de AB.

6 J’ai entendu que Klanfa a vendu AB à Stankovic pour un prix

7 de 200 deutschmarks. Cette nuit, le soldat serbe répondant

8 au nom Zeljko a emmené AB dans le quartier Pod Masala alors

9 que AS a été emmenée dans l’appartement à Donje Polje. »

10 Jagos Kostic n’existe pas. Ce n’est pas bien fait. « Tuta

11 m’a emmenée ainsi que 87 dans son appartement qui se

12 trouvait dans l’immeuble Brena. »

13 Q. Est-ce que vous avez déclaré la même chose

14 aux autorités de la République de Bosnie-Herzégovine au

15 moment de votre interrogatoire ou bien c’était différent ?

16 R. Je ne me souviens pas. Je ne me souviens pas

17 exactement quand est-ce que j’ai dit des choses exactes.

18 Q. D’accord. Ça ne fait rien. On va y revenir

19 plus tard.

20 Maintenant, j’ai une autre question que j’aimerais

21 vous poser. D’après ce que vous avez déclaré jusqu’à

22 maintenant, disons ensemble que compte tenu donc de la

23 déclaration que vous avez donnée au Tribunal en novembre

24 1995, vous avez passé donc 20 jours dans l’appartement de

25 Klanfa. Est-ce que nous sommes bien d’accord jusque là ?

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1 R. Oui, approximativement.

2 Q. Ensuite, vous avez dit que vous avez passé 20

3 jours dans l’appartement qui se trouvait dans l’immeuble à

4 côté de l’hôtel Zelengora ?

5 R. Je ne me souviens pas exactement combien de

6 jours j’ai passés dans ces deux endroits différents.

7 Q. J’essaie d’attirer votre attention sur ce que

8 vous avez dit dans vos déclarations respectives. Si vous

9 ne me faites pas confiance, on peut vérifier.

10 R. Moi, je me souviens que j’ai dit des choses

11 qui sont exactes, mais la moitié de ce que j’ai dit, je ne

12 m’en souviens plus.

13 Q. Est-ce que vous pouvez voir maintenant la

14 page 14 de votre déclaration que vous avez donnée au mois

15 de novembre devant les enquêteurs du Tribunal ? Deuxième

16 paragraphe d’en haut, la phrase qui commence avec : « Nous

17 sommes restées là-bas… »

18 R. « Nous sommes restées une quinzaine de

19 jours. »

20 Q. Vous parlez de l’appartement qui se trouvait

21 dans le quartier Pod Masala ?

22 R. Oui, je le pense.

23 Q. Revenez à la page 13, s’il vous plaît.

24 Dernier paragraphe qui commence : « De l’immeuble… »

25 R. « De l’immeuble Brena, Klanfa et AB ainsi que

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1 moi-même, on nous a transférés jusqu’à la maison à côté de

2 l’hôtel Zelengora où nous sommes restés une vingtaine de

3 jours avec un certain nombre de soldats qui sont venus de

4 Serbie et qui appartenaient au groupe. »

5 Q. Ça suffit. Merci. Nous pouvons conclure que

6 vous avez déclaré que vous avez passé une vingtaine de

7 jours dans l’appartement de l’immeuble Brena, une vingtaine

8 dans un appartement qui est à côté de l’hôtel Zelengora et

9 une vingtaine auprès des hommes qui sont arrivés de Serbie.

10 Ça fait 55 jours à peu près. Est-ce que j’ai bien compté ?

11 R. Je ne peux pas vous dire exactement.

12 Q. Est-ce que 20, en plus 20 et en plus 15, ça

13 fait 55, n’est-ce pas ?

14 R. Oui, exactement, c’est 55.

15 Q. C’est la question que je vous posais.

16 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Me Kolesar,

17 je pense que maintenant, c’est le temps de lever

18 l’audience. Vous avez eu une partie de l’après-midi, une

19 partie ce matin. Est-ce que vous avez encore d’autres

20 questions à poser ?

21 Me KOLESAR (interprétation) : Oui.

22 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Combien de

23 temps vous avez besoin pour demain matin ?

24 Me KOLESAR (interprétation) : Une demi-heure au

25 moins.

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1 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Non, Me

2 Kolesar, c’est un peu trop. Vous ne gérez pas très bien

3 votre temps, mais on vous laisse 15 minutes. Nous allons

4 commencer à 9 h 30 et j’espère que vous allez vraiment

5 planifier les questions que vous voulez poser. Donc, ça ne

6 doit pas aller au-delà d’un quart d’heure. Vous avez eu

7 beaucoup de temps, plus que ce qui est normalement permis.

8 Me KOLESAR (interprétation) : D’accord.

9 Mme LA PRÉSIDENTE (interprétation) : Demain, 9 h

10 30.

11 --- L’audience est levée à 16 h 02

12 pour reprendre le mardi

13 4 avril 2000 à 9 h 30

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