Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 5326

1 (Lundi 11 septembre 2000.)

2 (Audience publique.)

3 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)

4 Mme la Présidente (interprétation): Veuillez annoncer le numéro de

5 l'affaire?

6 Mme Lauer: Affaire IT-96-23-T, IT-96-23/1-T le Procureur contre Kunarac,

7 Kovac et Vukovic.

8 Mme la Présidente (interprétation): Bien, bonjour. Ce matin, nous allons

9 poursuivre avec l'audition du témoin à décharge. Je vois que le témoin

10 est déjà présent.

11 Bonjour Monsieur le témoin, veuillez s'il vous plaît prononcer déclaration

12 solennelle.

13 M. A. Jovanovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai

14 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 Mme la Présidente (interprétation): Merci, veuillez vous asseoir. Je vais

16 donner la parole à la défense, Monsieur Jovanovic.

17 (Interrogatoire principal du témoin, M. Alexsandar Jovanovic, par M. Goran

18 Jovanovic.)

19 M. G. Jovanovic (interprétation): Bonjour Madame la Présidente, Messieurs

20 les Juges. Je vais débuter ce matin l'interrogatoire principal de notre

21 témoin.

22 Bonjour, Monsieur le témoin.

23 M. A. Jovanovic (interprétation): Bonjour.

24 Question: Pouvez-vous vous présenter?

25 Réponse: Je m'appelle Alexsandar Jovanovic. Je suis spécialiste de

Page 5327

1 neuropsychiatrie en psychiatrie médico-légale et j'enseigne à l'école de

2 médecine de l'université de Belgrade.

3 Question: Depuis combien de temps travaillez-vous dans ce domaine?

4 Réponse: Si vous faites référence plus particulièrement à la psychiatrie,

5 cela fait 14 ans. Ce qu'il faut noter, et qui peut intéresser cette

6 Chambre, c'est que je travaille depuis environ 8 ans avec des victimes de

7 la torture et des victimes de crime de guerre.

8 Question: Essayons de préciser les choses. Les événements ont commencé à

9 la fin 1990 et au début 1991. Je voudrais savoir à partir de quel moment

10 vous avez commencé à travailler avec des victimes de la guerre, des

11 victimes de la torture, etc.?

12 Réponse: Eh bien je travaillais à l'institut de psychiatrie du centre

13 clinique de Belgrade. Les premières victimes de la guerre qui a fait rage

14 sur le territoire de l'ex-Yougoslavie, ces premières victimes, nous les

15 avons vu arriver à la fin 1991 et au début 1992. Depuis lors, je soigne

16 ces personnes. A l'époque, j'étais encore en train de me spécialiser et

17 j'ai fini ma spécialisation en neuropsychiatrie en 1992.

18 A ce moment-là, je suis devenu le chef du service pour les troubles post-

19 traumatiques et nous soignions des victimes de la guerre, de la torture,

20 des anciens combattants handicapés, etc. Parallèlement à mes activités

21 professionnelles, j'ai également travaillé aux enquêtes sur les

22 conséquences tragiques de cette guerre. Par exemple, j'ai fait ma thèse de

23 doctorat sur les troubles du stress post-traumatique. En 1995, je suis

24 devenu le médecin de référence en ce qui concerne les prothèses

25 orthopédiques pour les personnes amputées suite à la guerre. J'ai publié

Page 5328

1 un livre à ce sujet. Plus tard, quand j'ai obtenu mon doctorat...

2 Question: Je vais vous interrompre, Monsieur. Je souhaiterais attirer

3 votre attention sur le fait que nous vous avons demandé de venir témoigner

4 ici, car nous pensons que votre témoignage et vos réponses à certaines de

5 nos questions vont nous permettre d'établir un certain nombre de faits.

6 Est-ce que nous nous sommes bien compris?

7 Réponse: A partir de 1994, je me suis essentiellement concentré dans le

8 cadre de mon travail et de mes recherches, je me suis donc consacré aux

9 victimes de la torture. On m'a invité à travailler pour le comité qui se

10 chargeait de rassembler des informations sur les crimes contre l'humanité.

11 Donc, il s'agit de crimes de guerre. J'ai eu l'occasion d'examiner un

12 grand nombre d'hommes et de femmes qui avaient été torturés. Il y a donc 5

13 ou 6 ans que je travaille dans ce domaine.

14 D'autre part, j'ai une autre spécialisation et une thèse que j'ai écrite

15 dans ce domaine, celui de la psychiatrie médico-légale; une thèse qui

16 s'intitule "Conclusions d'expert en matière de psychiatrie médico-légale

17 relatives aux victimes de la torture". J'ai également travaillé comme

18 psychiatre dans le domaine médico-légal pour un certain nombre de

19 tribunaux. Voici donc la nature de mon expérience.

20 Question: Pouvez-vous me dire quel peut être le rôle de la psychiatrie

21 pour établir un certain nombre de faits pertinents en cas d'outrage à la

22 dignité humaine, de viol, de torture?

23 Réponse: Ce sont des événements et des expériences extrêmement

24 stressants. D'après les informations disponibles dans les ouvrages

25 publiés, d'après les conclusions des chercheurs, ce genre d'événements

Page 5329

1 laisse une trace durable, et 30 à 60 % des personnes sont affectées à long

2 terme, alors que toute personne normale a une réaction au stress qui est

3 définie précisément par la psychiatrie. Bien entendu, du point de vue

4 légal et médical, eh bien, il s'agit d'un trouble psychiatrique qu'il

5 convient d'étudier avec soin.

6 Je vais essayer d'expliquer ce que je veux dire: si une personne, par

7 exemple, se plaint de souffrir de certains maux et qu'elle affirme que

8 c'est là le résultat de quelque chose qu'elle a vécu, à ce moment-là son

9 médecin doit toujours essayer de placer la signification de ces maux dans

10 un certain contexte, à savoir les circonstances dans lesquelles cette

11 expérience traumatique alléguée a eu lieu.

12 D'autre part, il faut prendre en compte la personnalité des victimes

13 concernées. La personnalité des personnes victimes de ce genre de chose

14 varie et les conséquences de ce genre d'événements se manifestent de façon

15 différente chez les uns et les autres.

16 Et de ce fait, il convient d'adopter une approche psychiatrique

17 extrêmement méticuleuse et détaillée. Dans le cadre de la médecine

18 moderne, vous avez des instruments de diagnostic tout à fait précis qui

19 permettent de définir ce que nous appelons des cicatrices; des cicatrices

20 qui ne sont pas des cicatrices qui se voient sur le corps, mais des

21 cicatrices que l'on trouve dans l'âme des personnes concernées. Les gens

22 qui vivent des choses extrêmement stressantes, comme par exemple la

23 torture qui est une des expériences les plus stressantes qui soit, donc

24 les gens qui subissent cela connaissent ce genre de maux. Ce sont des

25 blessures que reçoit l'être lui-même.

Page 5330

1 Question: Comment est-ce que, en tant qu'expert judiciaire, vous vous

2 faites votre opinion?

3 Réponse: Sur la base des faits, bien entendu. Bien entendu, une opinion

4 d'expert c'est aussi une hypothèse. Mais cette hypothèse ne peut pas

5 reposer uniquement sur des hypothèses, elle-même, il faut qu'elle repose

6 aussi sur ces faits et ces faits sont établis par le biais d'instruments

7 de diagnostic, par le biais de la doctrine de la médecine actuelle, etc.

8 Question: Maintenant, pouvez-vous nous dire si d'après les règles qui

9 régissent votre profession, actuellement, peut-on appliquer un certain

10 nombre de procédures pour établir au bout d'un certain nombre d'années si

11 les témoins qui ont vécu ce genre d'expériences traumatiques en subissent

12 encore les effets?

13 Réponse: Oui, malheureusement. Je l'ai déjà dit tout à l'heure à demi-mot

14 et je vais le répéter. Quand vous vivez quelque chose d'extrêmement

15 stressant, quand vous êtes victime par exemple de la torture, quand vous

16 êtes victime d'un acte de violence, vous êtes toujours affecté. Cela

17 affecte tout le monde. Cela entraîne une réaction psychologique très forte

18 que même un profane peut constater.

19 Cependant, mes recherches personnelles ainsi que les recherches d'autres

20 spécialistes, des gens qui ont travaillé avec les victimes de la torture,

21 ces recherches montrent que les victimes de la torture à la différence des

22 victimes d'autres faits, toutes les victimes de la torture, pour 30 à 60%

23 d'entre elles, continuent à subir pendant très longtemps les conséquences

24 de ce qu'elles ont vécu.

25 Tout le monde, bien entendu, connaît les troubles post-traumatiques. Cela

Page 5331

1 tout le monde le connaît, en a entendu parler. C'est par exemple le cas

2 des anciens combattants, des gens qui n'ont pas été victimes de la

3 torture, eh bien parmi eux vous avez 5 ou 20% maximum qui subissent cela à

4 long terme. Cependant, les livres, les articles qui reposent sur l'étude

5 d'échantillons très larges ou assez larges de victimes de la torture, ces

6 ouvrages démontrent que ces événements ont des conséquences à long terme,

7 des conséquences qui durent toute la vie pour ces victimes, qui vont pour

8 jusqu'à 60% des personnes concernées suivant les auteurs.

9 Bien entendu, ce genre d’effet est identifié par des instruments de

10 diagnostic tout à fait précis, à savoir l'examen direct des victimes de la

11 torture.

12 Question: Afin de jeter un petit peu de lumière sur tout ce que vous venez

13 de nous dire, je voudrais, s'il vous plaît, que vous nous disiez de votre

14 point de vue pendant le viol et après le viol, quelle est l'expérience

15 connue par une victime du viol?

16 Réponse: Boris Pasternak a dit que la souffrance ne peut se mesurer que

17 par la souffrance qui est endurée par celui qui la subit. Il est très

18 difficile de le comprendre si on se place en dehors de cette situation. Il

19 est très difficile de comprendre, de se faire une idée de ce que subit

20 quelqu'un qui a connu une telle expérience.

21 Cependant, je vais me référer, moi, à la psychiatrie, à la phénoménologie

22 psychiatrique. C’est-à-dire que je vais vous parler en tant qu'observateur

23 professionnel, en tant que personne qui est à même d'observer les victimes

24 et d'analyser ce qu'elles disent, ces victimes.

25 En premier lieu, il faut examiner la période précédent l'acte, que souvent

Page 5332

1 les victimes décrivent comme beaucoup plus difficile. Parce qu'à ce moment

2 là, les victimes ressentent une peur, une peur qui précède l'acte même et

3 elles ressentent le désir très fort d'éviter cet acte qui s'annonce. A ce

4 moment-là déjà, la personne, le sujet ressent du stress. L'acte lui-même

5 s'accompagne très souvent d'une douleur psychologique et physique très

6 forte, un sentiment de dégoût à la douleur. La personne se débat de toutes

7 les manières possibles et souvent la personne concernée subit non

8 seulement un traumatisme psychologique mais un traumatisme physique.

9 Très brièvement, je dirai que c'est ce que nous décrivons nous, en

10 psychiatrie, comme une réaction de stress aigu.

11 Les critères de diagnostic reconnus partout dans tous les systèmes qui

12 existent stipulent que dans une situation de ce genre presque toute

13 personne normalement constituée présente des troubles psychiatriques nets,

14 que nous appelons une réaction de stress, et ceci peut durer plusieurs

15 heures, voire plusieurs jours, maximum 4 semaines.

16 Bien entendu, le comportement d'une victime, d'une personne qui a subi un

17 tel acte, tout le monde peut la remarquer même un profane, toutes les

18 personnes qui entourent la victime peuvent immédiatement remarquer ce

19 genre de comportement.

20 Question: Au bout des 4 semaines dont vous venez de dire que c'est la

21 période maximale pendant laquelle on peut ressentir cette réaction aiguë,

22 je voudrais donc savoir, de votre point de vue après cette période, si la

23 personne concernée entre dans une phase psychiatrique ou psychologique

24 différente, ou bien si tout s'arrête à la fin de ces 4 semaines, si à ce

25 moment-là, tous les phénomènes psychologiques dus à ce que la personne a

Page 5333

1 subi s'arrêtent?

2 Réponse: Eh bien, il est difficile d'établir des grilles de comportement.

3 Je parle ici aussi bien de mon expérience que de celle de mes collègues

4 qui ont écrit des ouvrages à ce sujet. Il est possible qu'au bout de

5 quelques semaines, au bout de quelques heures même, la personne se calme

6 et que pendant une certaine période, la personne concernée continue à

7 vivre normalement, une fois que tout est fini, si c'est fini.

8 Cependant, il arrive souvent qu'au bout de quelques mois, et parfois cela

9 peut se produire même au bout de plusieurs années, il peut très bien se

10 faire que de nouveau la personne ressente de nouveau ce genre de stress.

11 Et à ce moment là, ce genre de stress, la personne le ressent non pas

12 pendant quelques heures seulement mais pendant quelques mois, pendant

13 plusieurs années, et au bout d'un mois on arrête de parler de réaction de

14 stress aigu. A ce moment-là, au bout d'un mois, on parle de réaction, de

15 stress post-traumatique. Et ceci peut devenir chronique, il peut y avoir

16 des améliorations dans l'état du sujet, et parfois, des rechutes et la

17 réapparition de tels symptômes.

18 Bien entendu, le symptôme du stress post-traumatique c'est malheureusement

19 quelque chose que tout le monde connaît même parmi les profanes depuis

20 quelques années.

21 Je pense qu'il est donc inutile de s'étendre sur la question puisque nous

22 avons tous vu à la télévision ou au cinéma des exemples de ce genre de

23 troubles. Malheureusement, moi, je travaille avec cela dans le cadre de

24 mon travail.

25 Question: Une personne qui connaît une expérience de ce type, est-ce

Page 5334

1 qu'elle a besoin d'avoir recours à une aide, l'aide d'un professionnel

2 pour revenir, retrouver une vie normale, si on peut parler de vie normale?

3 Réponse: Vous savez, en médecine, on dit que les médecins soignent et que

4 la nature guérie. Et nous, en tant que professionnels, nous sommes là pour

5 aider les victimes. Et quand nous avons affaire à des victimes de ce genre

6 qui ont vécu des choses extrêmement dures, nous ne pouvons uniquement nous

7 appuyer sur ce que nous trouvons dans les livres. Parce que dans les

8 livres, j'ai trouvé beaucoup de réponses qui m'ont aidé à apporter une

9 assistance à mes patients, mais il a fallu aussi que je trouve d'autres

10 solutions.

11 Par exemple, dans 30 ou 40 % des cas, je parle de ces victimes, donc en

12 utilisant ce langage un peu sec des statistiques qui cachent souvent

13 beaucoup de vérités. Dans un groupe de personnes qui ont été victimes de

14 ce genre d'actes, 30 à 60 % d'entre elles auront besoin au cours de leur

15 vie d'une assistance professionnelle, médicale ou psychiatrique. Ceci est

16 bien connu. On le trouve dans les ouvrages qui ont trait à ce genre de

17 troubles et les journaux médicaux. C'est la vérité malheureusement.

18 Dans le cas d'autres troubles, d'autres blessures psychologiques, on peut

19 aussi avoir ce genre de conséquence.

20 On estime que les troubles psychologiques causés par des actes de violence

21 sont les plus susceptibles de laisser des traces à vie chez les victimes

22 qui auront besoin de faire appel à un psychiatre.

23 Les statistiques nous disent que cela concerne jusqu'à 60 % de ces

24 personnes. Bien entendu cela dépend du sujet parce que vous avez des gens

25 qui se remettent assez vite et qui arrivent à reprendre une vie normale.

Page 5335

1 Mais l'expérience m'a montré personnellement que ce n'est pas la majorité

2 des gens qui se comporte de la sorte. Bien que les femmes que j'ai eu

3 l'occasion d'examiner, non pas en tant que médecin à la clinique, -à la

4 clinique, certes il y a des gens qui viennent nous voir, qui ont des

5 difficultés- mais je parle des femmes que j'ai examinées dans le cadre de

6 mes activités de médecine médico-légale, puisque dans notre pays vous avez

7 une barrière entre le traitement des patients et l'analyse médico-légale,

8 on considère qu'il n'est pas déontologique de faire les deux ensemble.

9 Quand on est désigné comme expert psychiatrique par un tribunal, comme

10 cela a été mon cas, j'ai constaté que pratiquement 50 % des femmes

11 concernées avaient besoin d'une aide, avaient besoin de soins

12 psychiatriques.

13 Mais la majorité de ces personnes, de ces victimes n'étaient même pas

14 prêtes à reconnaître qu'elles subissaient, qu'elles avaient enduré des

15 blessures mentales ou psychiatriques. Pour elles, il était très humiliant,

16 très difficile de reconnaître ce qui s'était passé.

17 Question: Est-ce que vous avez eu l'occasion d'entrer en contact avec des

18 tiers, des personnes qui étaient au contact de personnes qui avaient

19 elles-mêmes vécu ce genre de chose?

20 Réponse: Oui.

21 Question: Pouvez-vous, s'il vous plaît, me dire comment ces personnes qui

22 accompagnent la victime peuvent décrire cette victime et ce qu'elle a

23 subi?

24 Réponse: Un des premiers tiers, puisque c'est ainsi que vous les avez

25 désignés, que j'ai rencontré dans le cadre de mon travail avec les

Page 5336

1 victimes, m'a amené une jeune fille de 16 ans et a dit que cette jeune

2 fille avait énormément changé. Elle était très troublée, elle pleurait

3 tout le temps, elle refusait de manger, elle avait essayé de se suicider.

4 La personne qui avait amené la jeune fille était la mère de cette jeune

5 fille. La mère m'a donc dit qu'elle était désemparée parce que sa fille ne

6 voulait lui parler de rien et ne voulait pas lui dire de quoi il

7 retournait.

8 Les deux femmes étaient réfugiées de Bosnie, et quand je me suis entretenu

9 avec la jeune fille, elle a reconnu qu'elle avait été violée. Elle avait

10 donc été blessée psychologiquement à tel point qu'elle risquait de se

11 suicider. J'ai essayé de la persuader de rester à la clinique, elle a

12 refusé de rester ce jour-là. Elle a dit qu'elle reviendrait le lendemain.

13 J'ai recommandé à sa mère de surtout ne pas la quitter des yeux pendant

14 une seconde jusqu'au lendemain. J'ai dit à la mère qu'il faudrait emmener

15 cette jeune fille dans un centre où l'on pouvait traiter les gens

16 correctement et lui assurer un séjour. Mais finalement j'ai découvert que

17 cette jeune fille s'était suicidée.

18 Ce que je veux dire par là, c'est que même quelqu'un qui n'est pas un

19 spécialiste ou un médecin peut voir les effets dans d'un tel acte. Bien

20 entendu, un profane ne peut pas nécessairement reconnaître les causes d'un

21 tel changement de comportement et ne peut pas nécessairement comprendre la

22 signification de cette souffrance. Un profane n'est pas en mesure de faire

23 un diagnostic d'expert, mais ce profane peut voir néanmoins que la

24 personne concernée souffre et peut essayer de l'aider.

25 Question: J'aimerais revenir, si vous le voulez bien, sur une réponse que

Page 5337

1 vous avez faite il y a quelques instants, réponse dans laquelle vous avez

2 parlé de cette forme de torture qu'est le viol. Vous y avez distingué

3 plusieurs phases en parlant d'abord de la phase préalable à l'acte, et

4 ensuite de ce qui suit cette phase préalable.

5 Vous venez de nous parler d'un certain nombre de conséquences de ce genre

6 d'événement. Je vous demande si on retrouve ces conséquences chez des

7 personnes qui ont subi le viol sans subir de menaces de viol?

8 Réponse: Le viol par définition même, pour autant que j'ai compris cette

9 définition et bien que je ne sois pas un expert légal du viol, constitue

10 un acte de violence. Bien sûr, des questions se posent qui sont de nature

11 médicale et ces questions sont d'autant plus importantes que l'on tente de

12 prononcer un diagnostic psychiatrique, questions liées aux conséquences de

13 l'acte exprimé par la victime.

14 Je vais tenter de vous donner un exemple simple.

15 Une personne se présente chez vous, elle se plaint de céphalée, et cette

16 céphalée peut être due à toute sorte de raisons. Il est même possible que

17 cette personne vous dise: "Docteur, je crois que j'ai mal à la tête parce

18 que j'ai une tumeur au cerveau". Si cette personne croit vraiment avoir

19 une tumeur au cerveau, elle peut vivre des souffrances très intenses. Il y

20 a même eu des cas où des personnes convaincues de ce genre de choses ont

21 porté la main sur elles. Bien entendu, vous en tant que médecin, vous

22 n'allez pas immédiatement vous saisir d’un bistouri pour l’utiliser sur le

23 crâne de cette personne, vous allez d’abord discuter avec elle pour savoir

24 quelles sont les causes possibles de cette céphalée, quels sont les

25 éléments qui caractérisent la personnalité de ce patient auquel vous

Page 5338

1 parlez. Bien entendu, il peut s'avérer, en fin de compte que le patient

2 avait raison au départ, mais il peut aussi s'avérer que ce patient avait

3 des problèmes au travail et souhaitait se faire ordonner quelques jours de

4 congé maladie.

5 Donc, ce qui est très important, c’est d'abord de parler au patient pour

6 vérifier y compris ce qu'a dit le patient, c'est-à-dire s'il se plaint de

7 tumeur au cerveau, il importe au plus haut point d'exclure au départ cette

8 possibilité. On a vu des femmes se plaindre d'un certain nombre de

9 symptômes pendant des années dans le cas d'hystérie, finalement le

10 psychiatre découvre qu'il s'agissait d'une tumeur au cerveau. Le médecin

11 envoie la patiente chez le psychiatre, et le psychiatre finit par

12 découvrir cette pathologie. J'ai vu ce genre d'exemple quand j'étais

13 étudiant.

14 Il importe au plus haut point de replacer les symptômes dans le contexte

15 circonstanciel ainsi que dans le contexte des caractéristiques de la

16 personnalité du patient ou de la patiente.

17 Des symptômes peuvent être dus à des problèmes neurologiques, ils peuvent

18 trouver leurs racines dans l'enfance de la personne, ils peuvent

19 constituer une réaction à des conflits surgis dans la vie de cette

20 personne. Mais, dans tous les cas, nous devons l’examiner avec le plus

21 grand soin.

22 Mme la Présidente (interprétation): Maître Jovanovic, je vous rappelle que

23 nous avons un document, un rapport de cet expert. J'aimerais que vous

24 orientiez l'expert, que nous entendons en ce moment, sur les éléments les

25 plus pertinents. En effet, nous ne pensons pas que tous les passages du

Page 5339

1 rapport soient extrêmement pertinents. Je vous prierais donc de bien

2 vouloir demander au témoin de se concentrer sur les parties les plus

3 pertinentes de sa déposition.

4 M. G. Jovanovic (interprétation): Madame la Présidente, je vous remercie.

5 J’ai essayé jusqu'à présent, et bien sûr je m'efforcerai de le faire

6 davantage à partir de maintenant, de guider le témoin vers les points

7 essentiels de son témoignage.

8 Monsieur Jovanovic, vous m'avez dit avoir eu la possibilité d'observer des

9 hommes et des femmes qui ont vécu de telles tortures en votre capacité de

10 spécialiste. Je vous demande s'il est jamais arrivé que vous rencontriez

11 des femmes qui aient affirmé avoir été violées sans avoir jamais opposé la

12 moindre résistance. Vous est-il arrivé de rencontrer des femmes qui vous

13 ont dit cela?

14 M. A. Jovanovic (interprétation): Personnellement, cela ne m’est pas

15 arrivé. Je parle de mes patients.

16 Question: Oui, bien sûr, il était question de vos patients. Je vais

17 maintenant vous poser une autre question. Je pense que le travail que vous

18 effectuez auprès de vos patients implique toute une série de connaissances

19 scientifiques, spécialisées et que sans ces connaissances vous ne pouvez

20 pas parvenir à une conclusion satisfaisante?

21 Réponse: Je suppose que c'est la même chose dans toutes les professions.

22 Question: Bien sûr, mais au cours de ces processus que vous appliquez,

23 trouvez-vous des points communs, des actes, des événements, des

24 expériences vécus dont toutes les victimes se plaignent? Autrement dit,

25 constatez-vous que la majorité des personnes ayant vécu ce genre de choses

Page 5340

1 parlent des mêmes problèmes?

2 Réponse: Les victimes mentionnent la souffrance et mentionnent également

3 l'humiliation. Ce que ces victimes éprouvent avec le plus de souffrance,

4 c'est l'incapacité dans laquelle elles sont d'expulser ces pensées de leur

5 tête. Elles sont donc prisonnières de leur passé. Ce qui les force à

6 revoir les images de ces événements de nuit comme de jour, c'est-à-dire y

7 compris dans leurs rêves.

8 Autrement dit, ces événements douloureux sont comme imprimés dans leur

9 cerveau, comme s’ils avaient été filmés à l’aide d'une caméra. On constate

10 toute une série de phénomènes psychiatriques qui existent chez ces

11 personnes et qui peuvent constituer une forme de véritable persécution sur

12 la base de cette expérience de qui les empêche ensuite de mener une vie

13 normale.

14 Question: Vous avez pu lire le témoignage d'un certain nombre des victimes

15 qui s'expriment ici dans le cadre de ce Tribunal en témoignant?

16 Réponse: Oui.

17 Question: Vous avez lu ces documents relatifs à ces témoins qui sont des

18 rapports juridiques plutôt que des documents médicaux, mais y avez-vous

19 trouvé certains éléments qui vous paraissaient familiers suite au travail

20 que vous avez effectué auprès de telles victimes?

21 Je vais essayer d'être plus clair. Lorsque vous avez entendu les victimes

22 ou lu ce qu'elles disaient au sujet de leur expérience, avez-vous trouvé

23 des points communs entre ces déclarations et les rapports dont je vous

24 parle?

25 Réponse: Je ne me rappelle pas combien de victimes sont concernées mais

Page 5341

1 il y a certainement des victimes dont les déclarations faites devant moi

2 sont atypiques en tant que praticien. Mais au sujet de ces textes que j'ai

3 lus en rapport avec le Tribunal, je ne peux pas me prononcer sur les

4 conséquences psychiatriques et psychiques de leur expérience puisque nous

5 ne travaillons pas dans mon domaine sur la base de l'ouï-dire.

6 Question: Madame la Présidente, j'aimerais consulter mes confrères, si

7 vous me le permettez. Je crois être arrivé à la fin de mes questions.

8 Mme la Présidente (interprétation): Je vous en prie.

9 M. G. Jovanovic (interprétation): Nous n'avons plus de questions à poser

10 au témoin.

11 Mme la Présidente (interprétation): Je vous demanderais simplement de bien

12 vouloir nous remettre officiellement le curriculum vitae de ce témoin

13 ainsi que le texte de son avis d'expert. Ces textes ont été déposés au

14 Tribunal mais leur versement au dossier n’a pas été demandé. Si vous

15 souhaitez en faire des pièces à conviction, je vous prierais d’en demander

16 le versement au dossier.

17 M. G. Jovanovic (interprétation): Madame la Présidente, je demande

18 effectivement le versement au dossier du rapport de M. Jovanovic. Mais je

19 vous prie de m’excuser, je n'ai pas compris le premier document dont vous

20 avez parlé dans votre question.

21 Mme la Présidente (interprétation): Je parlais du curriculum vitae, de la

22 biographie qui a été déposée de ce témoin.

23 M. Hunt (interprétation): On le trouve à la fin du rapport que vous avez

24 déposé.

25 M. G. Jovanovic (interprétation): Oui, Madame La Présidente,

Page 5342

1 Monsieur le Juge, je viens de comprendre de quoi il s'agit exactement. En

2 effet, nous en demandons aussi le versement au dossier en tant que pièce à

3 conviction.

4 Mme la Présidente (interprétation): Que tout soit bien clair, cet avis

5 d'expert est un avis exprimé par ce témoin et également par le Dr Dusan

6 Dunjic.

7 M. G. Jovanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente.

8 Mme la Présidente (interprétation): Des objections du côté de

9 l'accusation?

10 M. Ryneveld (interprétation): Non, Madame la Présidente.

11 Mme la Présidente (interprétation): Puis-je avoir les cotes, je vous prie,

12 Madame la Greffière? Je fais remarquer également que ces avis font parfois

13 référence à des déclarations entendues à huis clos partiel, donc je

14 demande que la conservation de ces documents se fasse sous scellé.

15 Mme Lauer: Le Curriculum Vitae de l'expert sera coté D 145 des pièces de

16 la défense, enregistré de façon confidentielle, et son expertise sera

17 cotée D146, enregistrée de la même façon.

18 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Y a-t-il contre-interrogatoire

19 de la part de l'accusation?

20 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Alexsandar Jovanovic, par Mme Kuo.)

21 Mme Kuo (interprétation): Merci, Madame la Présidente. Oui, en effet.

22 Bonjour Docteur Jovanovic.

23 M. Jovanovic (interprétation): Bonjour.

24 Question: Docteur Jovanovic, dans votre expérience en tant que médecin

25 vous savez, n'est-ce pas, que chaque individu réagit de façon personnelle

Page 5343

1 aux événements qu'il vit, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui oui.

3 Question: Il peut arriver que deux personnes vivent une expérience

4 identique tout en réagissant à cette expérience de façon différente,

5 n'est-ce pas?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Vous avez déclaré que 30 à 60 % des victimes de traumatismes et

8 plus précisément de tortures vont manifester un syndrome de stress post-

9 traumatique.

10 Réponse: Non, je n'ai pas dit cela. Vous m'avez mal compris. Le syndrome

11 de stress post-traumatique n'est que l'un des troubles psychiques que l'on

12 peut constater suite à des expériences aussi traumatisantes que celles-ci.

13 Ces expériences extrêmement traumatisantes peuvent provoquer une

14 transformation de la personnalité ou une dépression, mais en tout cas,

15 toute la série de conséquences de telles expériences traumatisantes

16 constitue un spectre très large. Pour nous, tout serait beaucoup plus

17 facile si ce spectre était réduit.

18 Malheureusement pour nous, médecins spécialisés, il est impossible de ne

19 pas comprendre que les séquelles psychiques d'un stress aussi intense

20 soient extrêmement variées. C'est donc ce que je voulais dire lorsque j'ai

21 parlé tout à l'heure, et ce pourcentage de 30 à 60 % constitue une

22 estimation du pourcentage de troubles divers vécus par 100 victimes.

23 Question: En fait, dans ce pourcentage, on trouve donc des personnes qui

24 n'ont pas vécu un syndrome de stress post-traumatique mais d'autres

25 symptômes comme la dépression par exemple, c'est bien cela?

Page 5344

1 Réponse: Oui.

2 Question: Le pourcentage réel de victimes du syndrome de stress post-

3 traumatique est donc inférieur à 30 %/60 %, vous en convenez?

4 Réponse: S'agissant très précisément du syndrome post-traumatique, si

5 c'est cela qui vous intéresse, le pourcentage de personnes ayant vécu la

6 torture chez qui l'on constate un syndrome de stress post-traumatique

7 exclusivement tourne autour de 30 %. Il est supérieur chez les anciens

8 combattants et chez les réfugiés qu'il ne l'est dans le reste de la

9 population. Il tourne donc aux environs de 25 %. Si vous me demandez un

10 pourcentage: 25, 28, 30, 32 % c'est ce que j'ai pu déterminer.

11 Mais lorsque j'ai parlé de 60 %, j'ai pensé aux troubles psychiques de

12 façon générale, c'est-à-dire à ce qui m'intéresse en tant que psychiatre

13 qui ne peut que constater les conséquences du stress ou d'expériences

14 traumatisantes.

15 Question: Sur la base des chiffres annoncés par vous, cela ne signifie-t-

16 il pas que 40 à 70 % de la population ayant subi la torture ne présente

17 aucun trouble psychique?

18 Réponse: Non, il ne présente pas de symptômes liés au syndrome de stress

19 post-traumatique. Mais bien entendu il y a un certain nombre de personnes

20 qui ne vont pas présenter ce syndrome. Je pense que le pourcentage de ces

21 personnes est beaucoup plus élevé notamment chez les victimes qui

22 présentent une forte résistance psychique. Mais un grand nombre de

23 personnes se sont vu affecter ce diagnostic.

24 Question: Puis-je vous demander d'être plus clair. Lorsque vous parlez de

25 "parmi les autres personnes", à qui pensez-vous exactement?

Page 5345

1 Réponse: Eh bien je pense aux personnes avec lesquelles j'ai eu

2 l'occasion de travailler et qui sont originaires du territoire yougoslave.

3 Question: Faites-vous une distinction entre l'appartenance ethnique de ces

4 personnes, Serbe, Croate ou Musulmane?

5 Réponse: Je ne sais pas de quelle différence vous parlez, exactement dans

6 quel sens vous entendez le mot. Mais l'ouvrage que j'ai écrit qui traite

7 des victimes de la torture, j'y ai inscrit une phrase en introduction que

8 vous pourrez lire, dans laquelle je déclare qu'au cours de cette guerre

9 les trois parties ont souffert et que pour les trois parties on trouve des

10 expériences de tortures, d'expulsions de chez-soi, de souffrances liées à

11 la guerre.

12 Ce que j'ai écrit, je ne l'ai pas écrit pour dire que les uns ont souffert

13 davantage que les autres, car compte tenu de ce j'ai pu voir de mes yeux,

14 tous sont égaux non obstant leur religion ou leur nationalité.

15 Je suis chrétien, j'ai été élevé à ne faire aucune distinction entre les

16 êtres humains en fonction de la couleur de leur peau, de leur nationalité

17 ou du parti dont ils sont membres, ou quoi que ce soit d'autre. Je n'ai

18 personnellement appartenu à aucun parti politique. J'espère avoir répondu

19 à votre question.

20 Question: Oui, merci. Très bien Docteur Jovanovic. L'un des outils dont

21 vous vous servez en tant que médecin consiste à interroger les patients ou

22 les victimes pour leur demander de décrire ce qu’ils ou elles ont

23 ressenti?

24 Réponse: L'interrogatoire psychiatrique n'est qu'un point de départ, mais

25 ce n'est en aucun cas un outil de diagnostic. Il est tout à fait naturel

Page 5346

1 que l'on commence par discuter avec l'être humain que l'on a en face de

2 soi, après quoi la science et les connaissances interviennent.

3 Question: Ce que vous faites pour prononcer un diagnostic, c'est également

4 observer la personne, n'est-ce pas? Vous observez le comportement de la

5 personne que vous avez en face de vous?

6 Réponse: Oui, bien entendu, oui.

7 Question: Mais vous avez cité Boris Pasternak, donc vous admettez

8 également, n'est-ce pas, qu'il est pratiquement impossible de narrer, de

9 relater à une autre personne sa propre souffrance individuelle, n'est-ce

10 pas compte tenu de la difficulté de communication?

11 Réponse: En utilisant vos deux mains, vous ne pouvez pas ramasser tout

12 l'océan, mais ce que vous ramassez dans vos deux mains, c'est tout de même

13 l'eau de l'océan.

14 Question: Mais conviendrez-vous dans ce cas, Docteur, que de très

15 importantes et très nombreuses souffrances peuvent exister sans pouvoir

16 être exprimées?

17 Réponse: Bien entendu. Mais si quelqu'un se casse le bras, le fait que je

18 ne sois pas capable de ressentir sa souffrance, sa douleur, n'implique pas

19 que je ne vais pas faire ce qui est en mon pouvoir pour résoudre sa

20 fracture et lui mettre un plâtre.

21 Question: Docteur, vous avez parlé de réactions de stress aigu, c'est bien

22 la même chose, n'est-ce pas, que le syndrome de stress aigu, n'est-ce pas?

23 De façon à ce que nous soyons tout à fait clair sur la terminologie.

24 Réponse: Oui. La classification internationale utilise un terme, la

25 classification américaine en utilise un autre, mais s'agissant de la

Page 5347

1 phénoménologie les 2 termes représentent quelque chose de tout à fait

2 identique. Il est donc fort probable que sur le plan terminologique, il y

3 ait harmonisation dans quelque temps. Je pense avoir répondu à votre

4 question.

5 Question: Par définition, un syndrome de stress aigu ou un trouble de

6 stress aigu ne dure que 4 semaines, n'est-ce pas. Car, par la suite, il

7 correspond à un terme différent. C'est ce que vous nous avez dit n'est-ce

8 pas?

9 Réponse: Oui, bien sûr. Il n'est pas indispensable qu'il dure exactement

10 4 semaines. Il peut durer quelques heures ou quelques jours. A peu près un

11 mois après, on revoit le diagnostic et il peut arriver que le patient,

12 d'ailleurs, ne retourne pas voir son psychiatre. Il ou elle peut vivre une

13 dépression et, après quelques années de dépression grave, il est possible

14 que l'on diagnostique un changement permanent de la personnalité lié à un

15 traumatisme catastrophique par exemple.

16 Question: Le trouble de stress aigu ou ses symptômes en tout cas peuvent

17 apparaître pendant l'événement traumatisant, n'est-ce pas? Par exemple si

18 la torture ou le traumatisme...

19 Réponse: Même avant la survenue de l'événement.

20 Question: Et parmi les symptômes qui caractérisent le trouble de stress

21 aigu, on trouve l'indifférence, la passivité, la dissociation n'est-ce

22 pas?

23 Réponse: Parmi d'autres, effectivement. D'ailleurs les patients décrivent

24 ces symptômes ou parfois ne les décrivent jamais. Ce que je veux dire,

25 c'est que ceux qui décrivent ce qu'ils ressentent n'utilisent pas ces

Page 5348

1 termes scientifiques.

2 Question: Mais il peut se faire qu'ils disent, ce qui m'arrive ne

3 m'intéresse plus du tout, n'est-ce pas?

4 Réponse: Bien, écoutez, vous ne trouverez pas ce genre de phrase dans les

5 documents scientifiques, mais il est permis de penser qu'il s'agit d'un

6 mécanisme de dissociation qui est lié au mécanisme du stress et que l'on

7 peut comprendre ainsi sur le plan scientifique. En tout cas, comme il est

8 difficile de transformer les termes du patient en termes scientifiques, ce

9 sont les termes que nous utilisons dans nos ouvrages scientifiques.

10 Question: La personne peut également dire "Je me sens mal, j'ai honte,

11 j'ai peur". Toutes ces phrases correspondent à la description de cette

12 réaction, n'est-ce pas?

13 Réponse: Oui, c'est possible.

14 Question: Pour en revenir à présent au syndrome de stress post-

15 traumatique, vous ne dites pas, Docteur, n'est-ce pas que la personne qui

16 a subi un tel syndrome, qui présente un tel syndrome est moins fiable

17 qu'une autre personne, n'est-ce pas? Je veux dire une personne qui a subi

18 un syndrome de stress post-traumatique est toujours fiable?

19 Réponse: Pas du tout.

20 Question: Excusez-moi, je reviens là-dessus pour que tout soit clair. Une

21 personne qui présente un syndrome de stress post-traumatique est toujours

22 fiable, aussi fiable que n'importe qui d'autre, n'est-ce pas?

23 Réponse: Il ne faut pas généraliser. Lorsque le syndrome de stress post-

24 traumatique est prononcé, il est indispensable que nous ne cessions

25 d'interroger la personne et de la réinterroger au sujet... pour remettre

Page 5349

1 en cause la fiabilité de notre diagnostic.

2 De façon générale, le syndrome de stress post-traumatique n'est pas ce que

3 l'on pourrait appeler un trouble psychotique. Donc, les personnes qui

4 présentent ce syndrome ne sont pas handicapées mentalement, mais les

5 effets, les conséquences, les séquelles de ce syndrome peuvent dans

6 certains cas déboucher sur une pathologie psychotique.

7 Bien entendu, le syndrome de stress post-traumatique n'appartient pas

8 officiellement à la catégorie des psychoses. En général, il ne débouche

9 pas sur une psychose mais, comme je viens de le dire, ce qui est le plus

10 important, ce sont les séquelles dont il importe au plus au point de tenir

11 compte, car comme je viens de la dire même si la personne n'est pas

12 psychotique elle peut être dangereuse pour elle-même et les gens autour

13 d'elle.

14 Mais pour me résumer, dans la majorité des cas, la victime d'un tel

15 syndrome est fiable.

16 Question: Pour que tout soit absolument clair, je vous pose la question

17 suivante: si une personne ne présente aucun signe de psychose, il n'y a

18 aucune raison de remettre en cause la fiabilité de ses dires, n'est-ce

19 pas? Nous parlons d'une personne normale qui vit dans la société.

20 Réponse: Même par rapport à une personne normale, cela dépendrait des

21 cas. Nous pouvons nous poser la question des fiabilités. Vous savez,

22 souvent on a trouvé des personnes où il n'y avait pas ce genre de

23 diagnostic, mais on a trouvé à l'expertise que ces personnes avaient un

24 penchant pour la fabulation. Ceci ne fait pas partie du syndrome de stress

25 post-traumatique.

Page 5350

1 Question: Quelqu'un qui souffre du syndrome de stress post-traumatique

2 n'est pas plus ou moins fiable qu'une personne qui ne souffre pas de tels

3 symptômes.

4 Réponse: Oui, dans ce sens oui. Mais, je n'ai pas dit qu'une personne

5 serait à 100% fiable, comme vous ne pouvez pas le dire pour qui que ce

6 soit, même pas pour une personne que vous connaissez ou que vous soignez.

7 Nous devons faire attention à ceci.

8 Question: Vous avez dit qu'un grand nombre de personnes qui ont été

9 victimes de torture n'ont pas voulu admettre qu'elles ont souffert de

10 troubles psychiques, donc le fait qu'elles ne souhaitent pas admettre

11 l'existence de ces troubles psychologiques ne veut pas dire que les

12 troubles n'existent pas. Les troubles peuvent exister.

13 Réponse: Oui, ils peuvent exister et, s'ils existent, vous pouvez les

14 déterminer par les outils de diagnostics psychiatriques. Ces outils sont

15 assez fiables. Donc, il faudrait faire appel aux statistiques dont nous

16 avons déjà… ou sinon nous n'aurions pas les statistiques dont nous avons

17 parlé.

18 Question: Le premier instrument, le premier outil, c'est l'observation du

19 patient?

20 Réponse: Oui, évidemment. L'outil principal pour un psychiatre, c'est le

21 mot. Au début fut le mot. C'est par le mot que nous travaillons, c'est

22 notre outil de travail principal.

23 Question: Quand vous avez répondu à une question, vous avez dit qu'un viol

24 c'est un acte violent par définition. Vous vouliez dire que cette violence

25 pouvait être de nature psychologique. Existe-t-il des violences

Page 5351

1 psychologiques, pas seulement des violences physiques, n'est-ce pas?

2 Réponse: Oui, au fond, l'âme est abritée dans le corps, et il n'y a pas

3 de souffrance physique qui n'influence pas l'âme d'une personne. Donc, les

4 souffrances psychiques peuvent exister sans qu'il y ait de traces

5 physiques. Ces souffrances, ces blessures psychiques peuvent laisser des

6 cicatrices bien plus profondes qu'une violence physique. Bien sûr, cela

7 dépend des cas.

8 Je ne suis pas un juriste, je ne peux pas vous donner la définition

9 juridique du terme de la torture. Bien sûr j'ai lu beaucoup de

10 littératures à ce sujet, il y a des textes qui m'ont aidé à travailler, à

11 comprendre ces termes. Je l'ai compris comme un acte de torture

12 volontaire, quand vous voulez vraiment nuire à quelqu'un. Evidemment, vous

13 ne pouvez pas dire que votre dentiste fait un acte de torture parce que si

14 je vais chez le dentiste, je l'accepte.

15 Mais, il est arrivé tout de même que mes collègues dentistes me demandent

16 d'intervenir en tant que psychiatre. Evidemment, cela n'a rien à voir avec

17 les victimes des tortures de masse qui se sont produites au cours de ces

18 dernières années auxquelles nous avons tous été témoins.

19 Je ne sais pas si j'ai été assez clair?

20 Mais vous vous allez peut-être avoir du mal à expliquer au patient d'un

21 dentiste qu'il n'a pas été torturé. Parfois, les victimes vont me dire que

22 la souffrance physique n'était pas ce qui était le plus difficile. Ce qui

23 était difficile c’était l'humiliation. Vous pouvez voir les cicatrices

24 psychiques, vous pouvez les classifier à travers des outils, des

25 diagnostics psychiatriques, des tests, des échelles etc…

Page 5352

1 Nous ne pouvons pas évidemment dire qu'il n'y a que des cicatrices

2 physiques qui sont visibles. Les cicatrices psychologiques, psychiatriques

3 peuvent être aperçues et vérifiées. Evidemment je parle en tant que

4 psychiatre, évidemment l'outil principal est l'interrogatoire mais il n'y

5 a pas que l'interrogatoire. Par exemple, quand on fait un diagnostic, la

6 première question que l'on me pose à la clinique, est: "Quel outil avez-

7 vous utilisé pour parvenir et aboutir à un tel diagnostic?"

8 Question: Si une personne vous a dit qu'elle a été violée et qu'elle a des

9 symptômes de stress post-traumatique et si elle vous a décrit ce qu'elle a

10 souffert, vous ne forcerez pas cette personne à subir un examen physique

11 avant de la croire?

12 Réponse: Je pense qu'il est du devoir de chaque médecin de faire un

13 diagnostic complet. Si vous avez une personne qui a souffert d'un tel

14 acte, vous ne pouvez pas faire que le diagnostic psychiatrique puisque ce

15 serait une erreur, une faute professionnelle, puisque cette personne

16 aurait pu souffrir de souffrances physiques au niveau génital.

17 Evidemment, vous ne pouvez pas vous contenter de l'examiner en tant que

18 psychiatre. Je suis tout d'abord un médecin, et quand je vois une

19 personne, je la vois comme une personne physique et psychique. Evidemment,

20 je soigne l'âme, mais il faut aussi soigner le corps. Vous ne pouvez donc

21 pas soigner quelqu'un pour les troubles de stress aigu, sans par exemple

22 vous soucier du fait que cette personne pourrait éventuellement souffrir

23 de troubles gynécologiques, qu'elle pourrait avoir une gonorrhée ou une

24 autre maladie. Ceci me paraît clair.

25 Question: Donc vous chercheriez la façon de traiter cette personne? Vous

Page 5353

1 ne vous contenteriez pas d'essayer de vérifier la véracité de ce qu'elle

2 vous a raconté?

3 Réponse: Cela dépend si je travaille en tant que médecin ou en tant que

4 médecin légal. Je dois dire que je ne peux pas soigner les personnes pour

5 lesquelles j'ai agi comme expert devant un tribunal. Ces rapports sont

6 bien définis. Concrètement, si vous avez une victime qui a souffert du

7 viol, vous faites une faute professionnelle si vous n'avez pas fait un

8 diagnostic complet.

9 Vous ne pouvez pas par exemple traiter quelqu'un pour les troubles

10 psychiques, alors que la personne présente en même temps des symptômes de

11 HIV, de gonorrhée ou de blessures internes. En même temps, évidemment vous

12 ne pouvez pas traiter la personne pour les troubles physiques sans lui

13 fournir une aide psychiatrique, sans faire une analyse, un diagnostic

14 psychologique. Il n'en est pas question, il n'est pas question d'agir

15 ainsi, mais évidemment j'ai vu de tels cas.

16 Question En tant qu'expert médical, vous ne demanderiez pas un examen

17 médical d'une victime avant de la croire, ce n'est pas une condition pour

18 croire une personne, une victime, d'après vous?

19 Réponse: Le Tribunal ne se soucie pas de ce que je crois, ce que le

20 Tribunal veut savoir ce sont les faits. Le Tribunal veut savoir quels sont

21 les faits que j'ai déterminés. Par exemple, une personne peut perdre un

22 bras et demander des dommages et intérêts parce qu'elle a perdu un bras.

23 Moi, je ne peux pas dire: "Oui, en effet cette personne a perdu un bras".

24 Je dois démontrer quelle est la nature de ses blessures, de ses dommages.

25 Donc devant un tribunal, vous devez démontrer vos connaissances d'expert.

Page 5354

1 Je ne sais pas quelle est la pratique ici. Mais je ne peux parler de ce

2 que j'ai lu dans la littérature. Dans mon pays, vous ne pouvez pas faire

3 une expertise médicale en disant: "Oui, oui, c'est exact, ce que vous

4 venez de dire." Car n'importe quel avocat pourrait démontrer que cette

5 expertise n'est pas valable.

6 Donc, si par exemple, je dis qu'une personne a des troubles de stress aigu

7 post-traumatiques, eh bien, la première chose que je dois m'efforcer de

8 faire est de démontrer comment je suis arrivé à un tel diagnostic.

9 Question: On vous a posé une question, je crains ne pas avoir bien compris

10 la question, je n'ai pas compris votre réponse.

11 La question qu'on vous a posée est: "Est-ce que vous avez rencontré une

12 femme qui vous a dit qu'elle avait été violée et qu'elle n'a pas fait de

13 résistance, qu'elle n'a pas opposé de résistance?". Est-ce que vous pouvez

14 nous dire ce que vous voulez dire par cela?

15 Réponse: Oui, je me souviens de la question et je me souviens de ma

16 réponse. Moi-même, je n'ai pas rencontré de telles personnes mais cela ne

17 veut pas dire que cette possibilité est exclue. Moi, je parle de ma propre

18 expérience et celle-ci n'est pas universelle.

19 Question: Est-ce que vous avez compris le mot ou le terme "résistance"

20 comme résistance au viol? Ou bien est-ce que la personne qui résistait ne

21 souhaitait pas vous parler? C'est cela que je n'ai pas compris.

22 Réponse: A la fois à la résistance à entretien avec moi, à parler de

23 cela, à parler de détails car chaque conversation détaillée peut à nouveau

24 provoquer les flash-back des événements et un état psychotique de la part

25 de la victime. Cette résistance en interrogatoire psychiatrique est donc

Page 5355

1 compréhensible. Vous savez, il est difficile par exemple de parler de ces

2 premières expériences sexuelles à quelqu'un, même si ces expériences

3 avaient été agréables, alors vous pouvez imaginer la résistance qui existe

4 par rapport à une telle expérience, une expérience de viol. Ce n'est pas

5 agréable pour le psychiatre non plus. Je n’ai jamais rencontré de

6 collègues qui m’ont dit qu'il trouvait cela agréable d’entendre de tels

7 récits.

8 En ce qui concerne le récit, la résistance, et je parle des personnes que

9 j'ai examinées, je n'ai pas rencontré de femmes qui n'ont pas opposé de

10 résistance. Souvent, elles ont présenté des cicatrices physiques très

11 graves après ces actes. Peut-être que moi je n'ai pas eu de chance parce

12 que je n'ai rencontré que de telles personnes.

13 De toute façon, ce n'est pas une tâche agréable que d'écouter ou de

14 traiter les victimes de tels actes. Pour moi-même, c'est parfois difficile

15 d'en parler. Je me suis donc cantonné à ma propre expérience.

16 Question: Vous avez parlé donc avec des femmes qui vous ont dit qu'elles

17 avaient été violées?

18 Réponse: J'ai parlé aussi avec des hommes qui ont été violés.

19 Question: Chaque personne avec qui vous avez parlé de son expérience de

20 viol vous a dit que cette expérience avait été douloureuse et a dit qu'il

21 était très difficile d'en parler. Cette résistance à en parler, c'est bien

22 la réticence dont vous avez parlé en réponse à la question?

23 Réponse: Oui, mais je pense que cette question avait deux parties.

24 D'abord, la réticence à parlé, et ensuite on parlait aussi de la

25 résistance, du fait d'opposer de la résistance à l'acte même. C'est

Page 5356

1 difficile de faire le lien entre les deux. Ce sont des choses bien

2 séparées.

3 Question: Est-ce que vous avez répondu à la deuxième partie de la question

4 dans votre réponse d'origine?

5 Réponse: J'ai répondu en disant que moi-même je n'ai pas personnellement

6 rencontré de personnes qui n'ont pas opposé de résistance. La plupart des

7 personnes que j'ai examinées ont souffert de séquelles physiques graves.

8 Question: Mais la résistance physique n'est pas partie intégrante,

9 obligatoire d'un viol, car une personne peut être contrainte par

10 coercition psychologique, les menaces, n'est-ce pas?

11 Réponse: Oui, c’est possible.

12 Question: Une personne peut être contrainte au viol à cause de la peur.

13 Donc, il n'y aurait pas de résistance au moment du viol, au moment même du

14 viol?

15 Réponse: Théoriquement, c'est possible. J'ai lu des cas pareils dans la

16 littérature. Mais moi, je vous ai parlé de mon expérience. Il est

17 raisonnable de penser qu'une telle possibilité pourrait exister si

18 quelqu'un vous menace d'un pistolet, s'il est prêt à tirer, bien sûr.

19 Mais les personnes avec qui j'ai parlé m’ont toujours dit qu'elles ont

20 opposé une résistance farouche, leurs dents ont été cassées, des côtes

21 cassées. Les personnes qui les ont décrites m’ont dit: "Ecoutez, Docteur,

22 elles étaient toutes couvertes d'hématomes, leur bouche était pleine de

23 sang". C'est ce que j'ai noté moi. C'est une grande honte et c'est

24 difficile d'en parler. Mais c'est ce que j'ai noté. Je parle de ce que

25 j'ai vu.

Page 5357

1 Question: Docteur, vous avez parlé de l'expérience de la torture,

2 vous avez dit qu'une expérience de torture serait gravée dans la mémoire

3 comme une image. N'est-il pas exact que les éléments essentiels ou les

4 choses importantes vont être gravés dans la mémoire, mais que les détails

5 comme les détails concernant le temps ne vont pas se graver de la même

6 façon dans votre mémoire?

7 Réponse: La notion du temps d'un événement est la plus difficile à

8 retenir. Quand nous parlons de nos souvenirs, nous pensons à deux choses.

9 D'abord, les limites dans le temps, c'est-à-dire le fait de situer dans le

10 temps certains faits, et le fait même. Quand on parle du flash-back, le

11 problème qui apparaît est justement cette différence entre la notion du

12 temps dans lequel se situe l'événement et les faits .

13 Les faits peuvent être parfaitement clairs, et la personne en même temps

14 ne va pas comprendre que ces faits se sont produits il y a longtemps. Elle

15 va avoir l'impression que c'est toujours en train de se passer, que c’est

16 toujours en train d’arriver. Evidemment, cette notion du temps est celle

17 qui souffre en premier dans la mémoire. Le fait , l'événement va rester,

18 on va le revivre: les odeurs, les sons, les sensations. La personne

19 pourrait les revivre comme si elle vivait à cet instant dans ce rêve ou

20 bien au cours de la journée, ce qui est encore pire. J'ai vu de tels cas à

21 l'hôpital. C'est vraiment difficile quand vous voyez cela.

22 Question: Mais quand une personne vous décrit un événement par ses propres

23 mots, il peut arriver que la notion du temps ne soit pas parfaitement

24 claire mais qu'il y ait des détails qui ressortent de façon très forte,

25 par exemple, les odeurs, les détails?

Page 5358

1 Réponse: Oui.

2 Question: Docteur, si une personne vous disait: "Il y a des instants où je

3 me sens très mal, j'ai la peur qui m'envahit à nouveau, je me sens très

4 mal psychiquement, j’ai très peur, je suis dérangé et cette peur revient",

5 est-ce que ceci peut être mis en relation avec le syndrome de stress post-

6 traumatique ou avec une expérience d'un événement traumatique, par exemple

7 un viol?

8 Réponse: Ceci peut être le cas, mais ce n'est pas obligatoire.

9 Question: Mais cela ne veut pas dire que cela ne correspond pas?

10 Réponse: Cela dépend de ce que vous pensez, à quoi vous pensez quand vous

11 dites que cela correspond. Est-ce que vous voulez dire que ce sont les

12 éléments qui créent le diagnostic, qui se correspondent ou bien si vous

13 parlez de la cohérence de cause à effet? Car différentes causes peuvent

14 produire un diagnostic clinique différent, et différents diagnostics

15 cliniques peuvent avoir des causes différentes. Ceci est souvent le cas

16 avec les personnes qui ont souffert d'un syndrome de stress post-

17 traumatique.

18 Par exemple, j'ai parlé avec des réfugiées qui n'ont jamais été dans les

19 camps et qui ont eu la chance de survivre, mais qui ont dû faire face à un

20 problème très grave de pauvreté au cours de leur expérience de réfugiée.

21 Il serait logique qu'elles disent qu'elles se sentent mal et qu'elles

22 n'arrivent pas à oublier leur maison qui a été brûlée, l'église qui a été

23 détruite, les biens qui leur ont été volés ou bien des proches qu'elles

24 ont perdus pendant la guerre.

25 Dans ce cas-là, vous ne pouvez tout de même pas faire le diagnostic de

Page 5359

1 stress post-traumatique. Vous pouvez dire que ces personnes souffrent par

2 exemple d'une réaction dépressive au cours d'acclimatation. Tout ceci

3 dépend des causes et des effets. Vous devez vraiment faire attention quand

4 vous parlez de la correspondance des cohérences.

5 Question: Je ne vais pas vous demander de nous donner la cause, mais

6 j'essaie de mettre ceci dans le contexte. Si par exemple, une personne

7 vous dit une telle chose, est-ce que ceci présenterait un symptôme du

8 stress post-traumatique?

9 Réponse: Oui, c'est possible.

10 Question: Est-ce qu'un autre symptôme serait le fait que cette personne

11 souffre de cauchemars et qu'elle a toujours peur, qu'elle a la chair de

12 poule, qu'elle souffre au moment où elle a de tels souvenirs?

13 Réponse: Oui, c'est possible mais ce n'est pas obligatoire. Moi-même,

14 j'ai fait des cauchemars et parfois je me sans mal. La question est de

15 déterminer quelle est la cause de cela. Si c'est le seul symptôme qui

16 existe, quelle est la durée de ce symptôme. Il est existe toute une série

17 de critères, de diagnostics que nous utilisons, et ce spectre de séquelles

18 psychiques d'un événement traumatique est très large. Ceci nous permet de

19 mieux nous comprendre avec nos collègues les juristes.

20 Question: Docteur, si une personne n'a pas présenté de symptôme de stress

21 post-traumatique, est-ce que vous en arrivez à la conclusion que cette

22 personne n'a pas vécu un événement traumatisant? Vous ne pourriez pas

23 faire cela, n'est-ce pas?

24 Réponse : Si vous me dites tout simplement et rien d'autre que le fait que

25 la personne qui n'a pas souffert ne présente pas de symptôme de stress

Page 5360

1 post-traumatique, évidemment je ne peux pas arriver à une telle

2 conclusion. Je ne peux pas faire de conclusion en tant que psychiatre me

3 basant uniquement sur quelque chose que quelqu'un d'autre va me dire, une

4 personne qui n'a pas vécu cela.

5 Je peux répondre dans une certaine mesure, mais je ne peux en aucun cas

6 dire que j'en suis certain ou non.

7 Mais en tout cas, si vous me dites qu'une personne n'a pas souffert du

8 stress post-traumatique, je ne veux pas vous dire que cette personne n'a

9 pas été violée, ceci n'a pas de sens.

10 Question: Est-ce que vous avez bien compris la question? Je voudrais juste

11 vérifier cela. Si, par exemple, une personne fonctionne bien dans la

12 société, n'a pas de cauchemars et a de bonnes relations avec sa famille,

13 vous n'allez pas arriver à la conclusion, n'est-ce pas, que cette personne

14 n'a pas eu d'expérience traumatique? Il est possible que cette personne

15 ait été tout de même torturée et qu'elle a réussi à dépasser cela et à

16 mener une vie normale?

17 Réponse: Bien sûr.

18 Question: C'est ma dernière question. Il existe une sorte de désordre

19 post-traumatique qui peut apparaître plusieurs années après l'événement.

20 Une personne qui en apparence mène une vie normale peut, beaucoup d'années

21 plus tard, bien des années plus tard, souffrir du traumatisme, du trouble

22 de stress post-traumatique, n'est-ce pas?

23 Réponse: A peu près une centaine de cas de stress post-traumatique, sur

24 une centaine de cas, je n'ai vu qu'un seul cas où la personne a souffert

25 du stress post-traumatique avec un début latent, c'est-à-dire non visible.

Page 5361

1 C'était un des cas les plus difficiles que j'ai eus. C'est donc considéré

2 comme étant une chose rare, mais c'est possible, évidemment. C'est une

3 chose bien connue dans la littérature professionnelle, cela a été décrit

4 dans la littérature, même dans le cinéma. Mais ce n'est pas une règle, ce

5 n'est pas quelque chose qui arrive fréquemment, mais si cela arrive, ceci

6 est souvent un cas très difficile.

7 Question: Je n'ai pas d'autres questions, Madame la Présidente.

8 Mme la Présidente (interprétation): Maître Jovanovic, avez-vous des

9 questions supplémentaires?

10 M. G. Jovanovic (interprétation): Oui, j'ai quelques questions. Je pense

11 que je pourrai poser ces questions après la pause.

12 Mme la Présidente (interprétation): D'accord, nous allons procéder à une

13 pause. Nous continuerons à 11 heures 30.

14 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 35.)

15 Mme la Présidente (interprétation): Maître Jovanovic?

16 (Questions supplémentaires du témoin, M. Alexsandar Jovanovic, par M. G.

17 Jovanovic.)

18 M. G. Jovanovic (interprétation): Merci, Madame la Présidente.

19 Monsieur Jovanonic, il y a quelques instants en réponse à une question de

20 mon éminente collègue, vous avez donné une définition du processus de la

21 mémoire. Si j'ai bien compris, il y a la continuité temporelle et la

22 continuité des événements eux-mêmes, du fond des événements?

23 M. A. Jovanovic (interprétation): Oui.

24 Question: Vous nous avez expliqué que cette continuité temporelle

25 concernant la façon dont les événements se suivent, souvent cette

Page 5362

1 continuité est troublée, perturbée, beaucoup plus que ce n'est le cas pour

2 les faits eux-mêmes?

3 Réponse: Oui, on peut dire cela comme cela, en simplifiant à outrance.

4 Question: On a également parlé des flash-back ressentis par les personnes

5 au bout d'un certain temps?

6 Réponse: Cela peut arriver.

7 Question: Prenons le cas d'une personne qui fait une déclaration. Si j'ai

8 bien compris, la séquence des événements ne sera pas rendue par cette

9 personne comme il faut, mais apparemment la personne se souviendra des

10 faits eux-mêmes, du fond de ce qu'elle a vécu, les odeurs, par exemple?

11 Réponse: Sur la base de mon expérience personnelle avec mes patients, je

12 peux vous dire qu'ils avaient retenu les faits, le fond, l'essence de ce

13 qui s'était passé, bien que certains patients, certaines patientes ne

14 puissent parfois se souvenir de rien. Mais ce n'est pas quelque chose qui

15 est systématique. Généralement, on n'oublie pas ce genre d'événement. Je

16 n'ai jamais rencontré quelqu'un qui ait complètement oublié le viol qu'il

17 ou elle avait subi. Cela ne signifie pas que l'on ne retrouve pas de

18 recensement de ce genre de cas dans la littérature spécialisée.

19 Question: Vous venez de répondre à la question que je m'apprêtais à vous

20 poser. Dans le cadre de votre travail, quand vous examinez des gens qui

21 ont été victimes d'un viol, vous est-il arrivé de rencontrer la situation

22 suivante, à savoir que la personne en question ne se souvient que d'un

23 seul détail concernant ce viol et son contexte, mais a tout oublié c'est-

24 à-dire que la personne ne se rappelle que d'un seul détail, par exemple la

25 tenue vestimentaire de la personne donnée, à savoir si la personne avait

Page 5363

1 quelque chose dans la main ou non et, tous les autres détails, la personne

2 qui a été violée ne s'en souvient absolument pas? Est-ce que c'est

3 possible?

4 Réponse: En ce qui me concerne, mon expérience personnelle et tous les

5 patients que j'ai eu à traiter en tant que médecin ou en tant qu'expert,

6 j'ai eu connaissance de déclaration de personnes concernées qui

7 décrivaient les événements de façon plus ou moins détaillée.

8 Question: Dernière question. Mes collègues de l'accusation et moi-même,

9 nous vous avons posé des questions aujourd'hui et vous avez parlé de

10 quelque chose sur lequel je souhaiterais vous poser une question

11 supplémentaire. Sur la base de ce que nous vous avons dit et sur la base

12 des documents que vous avez eu la permission de lire avec l'autorisation

13 de la Chambre de première instance, êtes-vous en mesure de tirer une

14 conclusion définitive sur la base des règles qui régissent votre

15 profession, ou auriez-vous besoin de démarches supplémentaires pour vous

16 permettre d'établir un diagnostic en ce qui concerne les faits qui nous

17 intéressent?

18 Réponse: Si vous me demandez ce que j'ai compris, ce qui est dit dans ces

19 documents, même un profane comprendrait ce qui y figure. Si vous me posez

20 la question à moi en tant qu'expert, si vous me demandez de faire un

21 diagnostic, jamais de ma vie je n'ai rendu un diagnostic sur la base d'une

22 déclaration qui m'a été communiquée par un tiers. Jamais je n'ai déposé

23 devant un tribunal qui accepterait ce genre d'opinion d'expert.

24 La seule opinion acceptable de la part d'un psychiatre se serait un

25 psychiatre qui se serait entretenu immédiatement avec les personnes

Page 5364

1 concernées. Dans le cadre de mon cabinet, de mes activités

2 professionnelles, j'ai connu le cas d'un expert psychiatrique qui a été

3 traduit en justice pour s'être conduit de la sorte.

4 Question: Madame la Présidente, j'en ai terminé de mes questions. La

5 défense n'a plus de question à poser à Monsieur A. Jovanovic.

6 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Merci Docteur d'être venu

7 déposer devant le Tribunal. Vous pouvez maintenant disposer.

8 M. A. Jovanovic (interprétation): Merci beaucoup de votre confiance.

9 (Le témoin, M. Alexsandar Jovanovic, est reconduit hors du prétoire.)

10 (Le témoin, M. Stanko Bejatovic, est introduit dans le prétoire.)

11 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour Monsieur le témoin, veuillez

12 prononcer la déclaration solennelle.

13 M. Bejatovic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

14 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

15 Mme la Présidente (interprétation): Merci, veuillez vous asseoir.

16 Qui va procéder à l'interrogatoire principal? Maître Prodanovic, allez-y.

17 M. Prodanovic (interprétation): Merci Madame la Présidente.

18 (Interrogatoire principal du témoin, M. Stanko Bejatovic, par M.

19 Prodanovic.)

20 Question: Bonjour, Professeur. Pouvez-vous s'il vous plaît décliner votre

21 identité?

22 Réponse: Bonjour, je m'appelle Stanko Bejatovic. Je suis de Belgrade en

23 Yougoslavie. Je suis professeur à la faculté de droit de notre université,

24 je suis spécialisé en droit pénal et en sociologie. Je m'intéresse

25 également à la criminologie et aux questions connexes à cette discipline.

Page 5365

1 Question: Pouvez-vous nous dire quels sont les ouvrages que vous avez

2 publiés ou les articles que vous avez publiés?

3 Réponse: Jusqu'à présent, j'ai publié environ 80 articles, ouvrages,

4 manuels, monographies, etc..

5 Question: Vous êtes professeur, mais êtes-vous également membre d'autres

6 institutions?

7 Réponse: Oui. Je suis membre de toutes les institutions qui existent en

8 Yougoslavie et qui s'occupent de criminologie. Il y a maintenant quatre

9 ans que je suis représentant de l'association de droit pénal. Je suis

10 également un membre du conseil d'administration de l'institut chargée du

11 droit pénal, j'ai également travaillé à l'institut de criminologie et

12 sociologie de Belgrade. Je suis également un des rédacteurs en chef de

13 l'une des revues de criminologie les plus prestigieuses de l’ex-

14 Yougoslavie et j'ai participé à un grand nombre de projets de recherche

15 dans ce domaine en ex-Yougoslavie.

16 Question: Et qu'en est-il des sanctions pénales et de l’application des

17 sanctions dans la pratique, est-ce que vous vous êtes intéressé à cela?

18 Réponse: Oui, c'est justement sur cela qu'a porté ma thèse de doctorat.

19 Ma thèse de doctorat avait trait aux peines avec sursis et aux peines de

20 prison de courte durée.

21 Mme la Présidente (interprétation): Poursuivez.

22 M. Bejatovic (interprétation): Ensuite j'ai travaillé dans le cadre d'un

23 nombre important de projets de recherche relatifs aux sanctions pénales.

24 J'ai travaillé aussi bien sur l'aspect législatif de la question que sur

25 l'application concrète de cette législation et de ces sanctions.

Page 5366

1 D'autre part, je souhaiterais insister sur la chose suivante, à savoir que

2 je suis membre de la commission yougoslave chargée de la réforme de la

3 législation pénale, ce qui signifie que j'appartiens à un groupe

4 d'experts, un petit groupe d'experts qui travaille à la réforme de la

5 législation pénale de la Yougoslavie, et nous sommes d'ailleurs dans la

6 phase terminale de ce projet.

7 M. Prodanovic (interprétation): Nous ne souhaitons pas devant la Chambre

8 de première instance établir les faits constitutifs, les éléments

9 constitutifs de l'acte de viol aux termes de la législation pénale

10 yougoslave. Cependant, nous souhaiterions que vous nous donniez quelques

11 éléments relatifs aux éléments constitutifs de l'acte de viol et ceci bien

12 entendu s'appliquant aux territoires de l’ex-Yougoslavie.

13 Réponse: En ce qui concerne l'acte criminel de viol sur le territoire

14 actuel de la fédération de Yougoslavie, je souhaiterais insister sur un

15 fait dont j'estime qu'il est essentiel actuellement, à savoir que la

16 protection, que le droit aux criminels en matière de viol actuellement en

17 Yougoslavie, jusqu'à présent, s'appuyait donc sur ce qui se faisait dans

18 l’ex république de Yougoslavie, la République socialiste de Yougoslavie;

19 et dans l’ex-République RSFY en ce qui concernait les actes criminels

20 individuels, c'étaient les républiques qui étaient compétentes.

21 Cela veut dire que les républiques dans le cadre de leur propre

22 législation pénale avaient compétence en ce qui concerne l'acte de viol en

23 matière de réglementation. Ce type de réglementation s'appliquant à cet

24 acte criminel particulier a été conservé dans la République fédérale de

25 Yougoslavie actuelle ce qui signifie que l'acte criminel de viol tombe

Page 5367

1 sous le coup de la législation pénale de la République de Serbie et de la

2 République du Monténégro, les deux Républiques qui constituent la

3 République fédérale de Yougoslavie.

4 Cependant, malgré ce fait, bien qu'aussi bien du temps de l’ex-Yougoslavie

5 qu'actuellement l'acte criminel de viol tombait sous le coup de lois ou de

6 législations pénales particulières, on peut dire que cet acte tombe sous

7 le coup du même type de loi que ce soit dans l'ex-Yougoslavie ou dans la

8 Yougoslavie actuelle. A vrai dire, il n'y avait qu'une seule différence et

9 cette différence est la suivante: dans le code pénal de la Slovénie, ce

10 crime pouvait, et à ma connaissance c'est encore le cas, être perpétré à

11 l'encontre de son épouse ou de son époux. Ce qui n'est pas possible dans

12 le cadre des autres codes, dans les codes des autres républiques.

13 D'autre part, en ce qui concerne le crime de viol, il faut bien garder à

14 l'esprit la chose suivante: en ce qui concerne cet acte précis, sur le

15 territoire de la République fédérale de la Yougoslavie rien n'a changé.

16 Rien n'a changé en ce qui concerne les dispositions qui existaient du

17 temps de l’ex-République socialiste fédérale de Yougoslavie ou RSFY.

18 C'est-à-dire que tous les éléments caractéristiques de ce crime que je

19 vais évoquer brièvement maintenant, sont les mêmes aujourd'hui et sont les

20 mêmes qu'avant.

21 Au terme du code pénal actuel, le crime de viol fait partie des crimes qui

22 constituent des outrages à la dignité humaine et à la moralité. Ce crime

23 est constitué d'un rapport sexuel conduit par la force avec une personne

24 de sexe féminin avec qui l'on ne vit pas maritalement.

25 C'est-à-dire que perpétrer cet acte criminel revient à faire deux choses,

Page 5368

1 le crime est donc constitué de deux éléments: il y a le rapport sexuel par

2 la force et par la contrainte, et l'acte lui-même, le rapport lui-même.

3 Obliger quelqu'un à avoir un rapport sexuel...

4 Question: Je vais vous interrompre Professeur. En ce qui concerne la

5 dignité des citoyens et la liberté sexuelle, est-ce que tout cela n'était

6 protégé par la législation de l'ex-Yougoslavie uniquement par le biais de

7 ces dispositions-là?

8 Réponse: Non, comme je l'ai dit, le crime de viol fait partie de la

9 catégorie de crimes qui constitue un outrage à la dignité de la personne

10 et à la moralité.

11 Mme la Présidente (interprétation): Veuillez, Maître Prodanovic, poser des

12 questions au témoin qui ont trait à ce qui intéresse la Chambre de

13 première instance. Nous ne souhaitons pas traiter ici de définition de

14 l'acte de viol par la législation yougoslave. Nous avons un statut que

15 nous suivons dans ce contexte.

16 Nous souhaiterions simplement avoir des informations de la part du témoin

17 au sujet des pratiques de sanction dans son pays, encore que nous ayons

18 reçu son rapport écrit à ce sujet. Nous savons bien à quelle législation

19 il fait référence. Je vous prie donc d'être aussi rapide que possible.

20 M. Prodanovic (interprétation): Bien entendu, Madame la Présidente, je

21 vous suis tout à fait, mais nous estimons cependant que le témoin ne peut

22 pas expliquer tous les éléments pris en compte par un tribunal si l'on ne

23 sait pas quels sont les éléments constitutifs et caractéristiques de

24 l'acte de viol.

25 Dans notre législation pénale, si un accusé reconnaît avoir commis le viol

Page 5369

1 au terme de l'Article 41 du code, on considère que c'est une circonstance

2 atténuante, seulement uniquement s'il n'y a pas d'autres éléments qui

3 indiquent qu'il est effectivement coupable de cet acte.

4 Donc, vous voyez, nous essayons de clarifier les éléments pris en compte

5 par les tribunaux dans le cadre du prononcé des sentences. C'est donc

6 pourquoi nous estimons que c'est pertinent.

7 M. Hunt (interprétation): Il est tout à fait certain que nous n'avons pas

8 besoin d'entendre une allocution de 10 minutes au sujet de "comment la loi

9 yougoslave s'applique au viol?".

10 Je pense que vous auriez pu demander cela à quelqu'un d'autre, et je vous

11 prie désormais de vous concentrer et de demander à votre témoin de se

12 concentrer sur les éléments pertinents liés au prononcé de la peine.

13 M. Prodanovic (interprétation): Très bien, Madame la Présidente, Monsieur

14 le Juge.

15 Dites-nous, Professeur, je vous prie s'il y a plusieurs formes de viol en

16 tant qu'acte criminel?

17 M. Bejatovic (interprétation): Oui, il existe plusieurs formes de viol en

18 tant qu'acte criminel.

19 D'abord, la forme fondamentale, élémentaire à laquelle sont associées un

20 certain nombre d'autres formes. Et ces formes additionnelles,

21 particulières, le sont en raison notamment des conséquences de l'acte, des

22 séquelles subies en raison de la commission de cet acte criminel, ou bien

23 elles sont liées à toute une série de circonstances qui ont entouré

24 l'exécution de cet acte criminel.

25 A cet égard, il existe également des formes aggravées de cet acte criminel

Page 5370

1 qui existent premièrement dans le cas où l'acte criminel a entraîné la

2 présence de lésions corporelles graves.

3 Une autre qualification de ce type intervient lorsque le viol a été commis

4 par plusieurs personnes, lorsqu'il s'agit d'un viol collectif. Troisième

5 qualification de ce type, qualification aggravée, elle existe lorsque le

6 viol est commis d'une façon particulièrement humiliante ou avilissante,

7 particulièrement cruelle.

8 Et enfin, une quatrième qualification aggravée existe également dans le

9 cas où le viol a été commis à l'encontre d'une personne mineure d'âge ou

10 encore lorsqu'il a eu pour conséquence le décès de cette personne mineure

11 d'âge, lorsque le meurtre s'ajoute donc en tant qu'acte criminel à l'acte

12 criminel constitué par le viol.

13 Selon la forme précise de viol constaté, les peines de prisons prononcées

14 diffèrent, peines de prison adaptées à cet acte criminel particulier.

15 Question: Professeur, vous venez de dire qu'il existe plusieurs formes de

16 l'acte criminel que constitue le viol. Je vous demanderais donc de nous

17 dire quelle est la peine prononcée à l'encontre de ces différentes formes

18 de viol selon le code pénal en vigueur?

19 Réponse: Le barème des peines établit donc tout à fait normalement,

20 compte tenu de ce que je viens de dire, une différence entre les

21 différentes formes de viol. Il distingue notamment entre le viol

22 fondamental et les formes de viol aggravé.

23 S'agissant de l'acte criminel élémentaire, du viol élémentaire, la peine

24 prononcée peut varier entre un an et dix ans d'incarcération.

25 Si nous parlons de la première forme de viol constituant une qualification

Page 5371

1 aggravée, à savoir donc si le viol a eu pour conséquence une lésion

2 corporelle grave, la loi prévoit une peine incompressible, un minimum

3 d'incarcération qui est donc de trois ans. Ce qui signifie qu'une peine de

4 prison peut être prononcée, peine qui peut aller jusqu'au maximum appliqué

5 en général, à savoir 15 ans d'incarcération.

6 Les mêmes peines de prison sont prévues pour les deuxième et troisième

7 formes de viol aggravé, à savoir pour les cas où l'acte criminel que

8 constitue le viol a été commis contre une personne n'ayant pas atteint

9 l'âge de 14 ans. Dans ce cas précis, la peine incompressible est d'une

10 durée plus importante, c'est-à-dire de cinq ans. Donc, si l'on examine cet

11 acte criminel dans tous ses aspects, dans toutes ses formes, on constate

12 que le code pénal yougoslave permet de prononcer des peines de prison dont

13 la durée peut varier d'un an à quinze ans d’incarcération.

14 Question: J'en arrive à ma question suivante, professeur. Sur quoi s'est

15 appuyé le législateur pour déterminer les peines minimales et les peines

16 maximales applicables lorsque a été commis l'acte criminel que constitue

17 le viol?

18 Réponse: C'est le degré de dangerosité qui a été l'élément essentiel pris

19 en compte par le législateur lorsqu'il s'est occupé de cet acte criminel

20 particulier.

21 Si l'on applique ce critère, il est tout est tout à fait normal de voir

22 que s'agissant de la forme élémentaire de cet acte criminel, ou plutôt

23 pour les formes aggravées de cet acte criminel, le minimum d’incarcération

24 est supérieur à celui qui est appliqué lorsqu'on est en présence de la

25 forme élémentaire de cet acte criminel.

Page 5372

1 Puisque je parle de cela, il y a un point que j'aimerais encore souligner.

2 Le degré de dangerosité pour la société lié à un acte criminel est le

3 critère appliqué pour déterminer le barème des peines prononcées. Si l'on

4 tient compte du fait que, de façon exceptionnelle, le code pénal

5 yougoslave prévoit pour les actes criminels les plus graves, c'est-à-dire

6 les actes criminels qui présentent un danger tout à fait particulier pour

7 la société, la possibilité de prononcer des peines de prison allant au-

8 delà du maximum appliqué en général.

9 Ce maximum appliqué de façon générale est une peine de 15 ans. Il est donc

10 possible d'aller au-delà lorsqu'on se trouve confronté aux actes criminels

11 les plus graves dont ne fait pas partie le viol. Dans ces cas

12 particuliers, il est donc possible de prononcer une peine d’incarcération

13 de 20 ans, ce qui signifie qu’en application de notre code pénal, l'acte

14 criminel que constitue le viol, si on en juge par les sanctions pénales

15 prévues pour le sanctionner, ne relève pas de la catégorie des actes

16 criminels les plus graves.

17 Le viol ne relève donc pas des actes criminels pour lesquels est prévu

18 cette peine de prison tout à fait exceptionnelle d'une durée de 20 ans.

19 Question: Pouvez-vous, je vous prie, nous dire quel est le pourcentage de

20 viols commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, y compris à l'heure

21 actuelle par rapport au nombre de viols total?

22 Réponse: Je dispose de cette information, j'ai dit au début de ma

23 déposition que je participais à un certain nombre de projets sur le

24 terrain. Cela m'a permis de disposer de cette information. Je tiens à dire

25 d'emblée, que si l'on part du pourcentage pour situer cet acte criminel

Page 5373

1 particulier dans l'ensemble des actes criminels qui constituent la

2 criminalité générale, on constate qu'il n'y a pratiquement aucune

3 différence entre la situation qui régnait sur l'intégralité du territoire

4 de l'ex-Yougoslavie et la situation qui règne sur le territoire de la

5 Yougoslavie actuelle.

6 Ce pourcentage tourne entre 0,60 et 0,70 % par rapport à la totalité des

7 actes criminels constatés. Que l'on examine la situation du point de vue

8 du nombre des accusés arrêtés, ou du nombre des personnes condamnées pour

9 ces crimes.

10 J'aimerais vous donner deux exemples; l'un issu de l’ex-Yougoslavie,

11 l'autre de la Yougoslavie actuelle. Partons, si vous le voulez bien, de

12 l’ex-Yougoslavie. 1982, une époque où la paix la plus totale régnait sur

13 le territoire de l'ex-Yougoslavie. Cette année-là, 158 722 personnes ont

14 été mises en accusation, et 634 personnes ont été condamnées pour viol,

15 c'est-à-dire 0,6 %. Et dans la Yougoslavie actuelle...

16 Mme la Présidente (interprétation): Maître Prodanovic, le témoin est censé

17 décrire des incidents, les allégations retenues par le Procureur sont très

18 éloignées de ce que le témoin est en train de nous dire. Pourriez-vous, je

19 vous prie, orienter le témoin vers les faits pertinents pour la Chambre?

20 M. Prodanovic (interprétation): Il nous paraît important que le témoin

21 montre quelle est la dangerosité de l'acte criminel car c'est de cela que

22 dépend la peine prononcée. Mais, je ferai ce que vous me demandez.

23 Revenons, monsieur le Témoin, si vous le voulez bien, sur les éléments qui

24 ont une influence sur le prononcé des peines par les tribunaux en

25 application de l'article 101 du Règlement de procédure et de preuves du

Page 5374

1 TPI qui prévoit de prendre en compte dans les tribunaux les lois

2 applicables dans l'ex-Yougoslavie.

3 M. Bejatovic (interprétation): Oui. Si l'on tient compte du fait que l'on

4 parle d’un nombre de condamnés relativement limité en rapport à cet acte

5 criminel et, pour ma part, j'ai passé en revue l'ensemble des

6 condamnations prononcées en rapport avec cet acte criminel qu'est le viol.

7 Après analyse de ces peines, il est permis de dire en toute

8 liberté que nos tribunaux, lorsqu'ils s'apprêtaient à prononcer une peine

9 en rapport avec cet acte criminel particulier, tenaient compte des

10 circonstances suivantes:

11 Premièrement, ils tenaient compte du degré de responsabilité

12 pénale considérée sous l'angle de la responsabilité de la culpabilité

13 individuelle qui joue évidemment un rôle important pour la qualification

14 juridique de ce crime.

15 En deuxième lieu, un autre élément est analysé dans la plupart des cas, à

16 savoir est-ce que le fait de commettre cet acte criminel a été planifié à

17 l'avance ou bien est-ce que cet acte criminel a été commis en tant que

18 résultat de circonstances imprévisibles dans lesquelles se sont trouvés

19 aussi bien l'auteur de la l'acte criminel que sa victime. Nos tribunaux

20 accordent également une attention particulière dans l'analyse du

21 comportement de la victime, l'analyse du comportement de la femme qui a

22 été violée. Ce comportement peut se manifester de diverses manières et, de

23 notre point de vue, c'est un aspect tout à fait intéressant s'agissant de

24 déterminer le caractère de victime de cette femme. De même, le lieu et le

25 moment de la commission de cet acte criminel font l'objet d'une analyse

Page 5375

1 particulière ainsi que les motifs qui ont présidé à la commission de cet

2 acte.

3 Mme la Présidente (interprétation): Maître Prodanovic, tout cela ne nous

4 aide vraiment nullement. Cela n'a aucune utilité pour la Chambre de

5 première instance.

6 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, la question que j'ai

7 posée à l'expert était: "Quelles sont les conditions présidant au prononcé

8 d'une peine qui peuvent être prises en compte par ce Tribunal en

9 application de l'Article 101 du Règlement?"

10 Le témoin est en train de nous parler des circonstances et je lui pose ma

11 question suivante: monsieur le Témoin, vous avez passé en revu un grand

12 nombre de peines prononcées en rapport avec l'acte criminel que constitue

13 le viol, donc j'aimerais vous interroger au sujet de cette politique de

14 sanction.

15 Réponse: Avant de répondre à cette question, je tiens à dire quelque

16 chose qui me paraît tout à fait important. A savoir que je parle de cette

17 politique de sanction, je l'ai déjà décrite, je vous ai cité un certain

18 nombre de chiffres officiels, et cette politique est pratiquement

19 identique sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie et sur tout le

20 territoire de la Yougoslavie actuelle.

21 Si nous parlons donc de politique de sanction applicable à cet acte

22 criminel particulier, il est permis de conclure tout d'abord qu'elle

23 s'écarte de la politique de sanction pénale générale décidée par le

24 législateur dans d'autres cas.

25 Autrement dit, contrairement au fait que, comme nous l'avons déjà dit, le

Page 5376

1 législateur prévoit la possibilité de prononcer des peines de prison

2 allant jusqu'au maximum général envisageable, les tribunaux, eux,

3 appliquent une politique tout à fait différente. Dans 80% des cas et plus,

4 les peines effectivement prononcées sont d'une durée de trois ans. Par

5 exemple, si nous examinons ce qui s'est passé en 1990, nous trouvons des

6 chiffres qui sont assez similaires à ceux des dates ultérieures, or les

7 chiffres de 1990 s'appliquent à l'ex-Yougoslavie.

8 Dans ce cas, par exemple, sur un total de 316 personnes condamnées pour ce

9 crime, deux peines seulement d'incarcération ont excédé une durée de 10

10 ans, 18 accusés ont été condamnés à une peine de prison allant de 5 à 10

11 ans, 48 accusés ont été condamnés à une peine de prison allant de 3 à 5

12 ans, et on trouve le pourcentage le plus important parmi les accusés

13 condamnés à des peines de prison allant de 6 à 12 mois. C'est cette peine

14 qui est prononcée à l'encontre de 75 accusés. Ensuite, 71 accusés ont été

15 condamnés à une peine de prison allant de un an à deux ans, et 80

16 personnes condamnées à une peine allant de deux à trois ans.

17 Dans 59 cas, la peine de prison prononcée a été de 6 mois, et il y a eu

18 également des peines de prison avec sursis.

19 Je ne vous ai cité que les chiffres des procès ayant abouti et donné lieu

20 à une peine de prison mise en vigueur. Comme je l'ai dit, la politique

21 donc des peines prononcées par les tribunaux pour l'année 1990 est restée

22 la même dans l'ex-Yougoslavie et dans la Yougoslavie actuelle, avec une

23 variation tout à fait minime. J'ai les chiffres précis, si cela vous

24 intéresse.

25 Question: Vous avez dit que le degré de responsabilité et de culpabilité

Page 5377

1 étaient pris en compte pour déterminer la peine. Pouvez-vous nous donner

2 des détails?

3 Réponse: Selon notre code pénale, et c'est tout à fait normal, ne peut

4 être pénalement responsable qu'une personne responsable de ses actes. Si

5 l'on examine ensuite l'aspect culpabilité, on constate que cet acte

6 criminel ne peut être commis que lorsqu'il y a préméditation si l'on est

7 en présence de l'un ou l'autre des aspects aggravés de cet acte criminel.

8 Donc pour qu'il y ait responsabilité pénale, il faut que puisse être prise

9 en compte l'absence éventuelle d'une intention criminelle.

10 Mais quoi qu'il en soit, quelle que soit la situation considérée, le

11 législateur a accordé une attention toute particulière à l'examen de la

12 préméditation dans la commission de cet acte criminel.

13 Question: Comment la distinction à établir entre cet acte criminel sexuel

14 prémédité et la commission de cet acte en fonction et en raisons des

15 circonstances imprévues, comment cette distinction est-elle abordée?

16 Réponse: La deuxième alternative n'est qu'exceptionnelle. Dans la plupart

17 des cas, il est possible de déterminer que la commission de cet acte

18 criminel a été planifiée à l'avance. C'est ce qui constitue une

19 circonstance aggravante. Cette circonstance aggravante a une influence

20 tout à fait notable sur la durée de la peine d'incarcération prononcée.

21 Par ailleurs, dans tous les cas concrets où l'on prouve que la commission

22 de cet acte criminel n'a pas résulté d'un plan établi précédemment, mais

23 qu'il a résulté d'un concours de circonstances liée à l'heure, à

24 l'endroit, à la prise d'alcool, eh bien lorsque cela peut être déterminé,

25 cela peut être considéré comme une circonstance atténuante.

Page 5378

1 Et le comportement des tribunaux ainsi que la politique de sanction mise

2 en oeuvre par les tribunaux est le résultat direct de cette analyse. Ce

3 n'est pas bien sûr le seul facteur qui intervient, mais il est permis de

4 penser que c'est l'un des facteurs les plus importants qui intervient.

5 Question: Quelle est l'importance des motifs lorsqu'on détermine la peine

6 à appliquer à l'encontre de cet acte criminel?

7 Réponse: Devant nos tribunaux, comme je m'intéresse à l'étude comparée

8 des autres tribunaux, je peux dire qu'il est très important de prendre en

9 compte les motifs qui ont mené à un acte criminel. Par exemple, si la

10 commission de l'acte, ce qui est le cas le plus souvent dans les affaires

11 qui ont l'autorité de la chose jugée, a eu des motifs biologiques et pas

12 d'autres motifs, eh bien dans ce cas-là, cette circonstance va être prise

13 en compte dans la pratique devant nos tribunaux.

14 La plupart des auteurs de cet acte criminel ont commis cet acte criminel

15 pour ces raisons biologiques à cause d'un besoin sexuel, d'une impulsion

16 sexuelle urgente qui est apparue à un certain moment. Il existe donc

17 l'effet que la plupart des personnes qui ont commis cet acte criminel sont

18 des personnes ayant entre 20 et 30 ans d'âge. Il est exact qu'il existe

19 des cas isolés où l'acte criminel a été commis pour d'autres motifs et,

20 dans ce cas-là, ceci est pris comme une circonstance aggravante, mais ces

21 cas sont très rares.

22 Question: De quelle façon les tribunaux de l'ex-Yougoslavie au moment du

23 prononcé de la sentence, et dans la Yougoslavie d'aujourd'hui, quel poids

24 ils accordent aux circonstances personnelles?

25 Réponse: Devant nos tribunaux, ces circonstances personnelles sont prises

Page 5379

1 en compte au moment du prononcé de sentence pour tout acte criminel, donc

2 y compris pour celui-ci.

3 En ce qui concerne les circonstances personnelles de l'auteur, la

4 circonstance atténuante pour cet acte criminel particulier, nos tribunaux

5 prennent en considération leurs circonstances atténuantes suivantes, ce

6 sont donc la situation familiale. Est-ce que l'auteur du crime est marié

7 ou non? Est-ce qu'il a des enfants ou non? Est-ce qu'il doit subvenir aux

8 besoins de sa famille? Les conditions sanitaires de sa vie et de la vie de

9 sa famille. Ensuite, le fait qu'il soit employé ou non, son état matériel,

10 les conditions dans lesquelles il habite, le degré d'éducation ainsi que

11 la nature du travail qu'il effectue éventuellement.

12 Ce sont les circonstances que l'on prend en compte dans tous les cas au

13 moment du prononcé de la sentence pour cet acte criminel particulier.

14 Question: Dans quelle mesure les tribunaux vont prendre en compte la vie

15 précédente, la vie de l'auteur et le fait qu'il ait fait l'objet de

16 poursuites judiciaires juridiques ou non?

17 Réponse: Eh bien tous les faits de la vie intérieure de l'accusé, et

18 surtout la question s'il a déjà purgé une peine, s'il a un casier

19 judiciaire, c'est une circonstance qui est toujours prise en compte à

20 chaque fois qu'il faut prononcer une peine. Cette circonstance va être une

21 circonstance aggravante dans le cas où cette personne avait déjà purgé une

22 peine et surtout si la personne a été condamnée pour la commission de ce

23 même acte criminel. Dans ce cas-là, mis à part la circonstance où on va

24 déterminer si la personne a déjà été condamnée pour la commission de cet

25 acte criminel précis ou d'un autre acte criminel, on va aussi prendre en

Page 5380

1 compte le temps qui s'est écoulé depuis la dernière sentence ou la

2 dernière peine purgée pour cet acte criminel précédent et le moment où le

3 nouveau acte criminel a été commis, l'acte criminel de viol.

4 Question: Se basant sur vos enquêtes, vos recherches et les données

5 statistiques, pourriez-vous nous donner votre opinion concernant la

6 politique des peines devant les tribunaux de l'ex-Yougoslavie concernant

7 cet acte criminel précis?

8 Réponse: J'ai déjà répondu à cette question d'une certaine façon plus tôt

9 dans ma déposition. J'ai dit que la politique pénale de nos tribunaux

10 diffère de la politique pénale du législateur donc de la législation. Le

11 fait que nous avons à peu près 70% de peines, de sentences qui vont

12 jusqu'à trois ans, des peines conditionnelles pour cet acte criminel vont

13 dans ce sens.

14 Mais je crois qu'il faut tenir compte d'un autre fait, c'est-à-dire que,

15 nous, les professionnels, qui étudions cette problématique, nous sommes

16 arrivés à la conclusion que la politique en matière de peine pour cet acte

17 criminel pratiquée devant nos tribunaux correspond à la façon et aux

18 circonstances de la commission de cet acte criminel pour la plupart des

19 cas. Et donc tenant compte de ce fait, un nombre assez significatif de

20 professionnels sur le territoire de la Yougoslavie ont proposé et

21 continuent à proposer au cours de ce travail concernant la réforme de la

22 législation pénale, ces professionnels proposent que l'on diminue les

23 peines maximales de prison particulières concernant cet acte criminel.

24 Mais comme je l'ai déjà dit, comme le degré de dangerosité publique pour

25 la société de cet acte criminel est assez élevé, nous, les personnes, qui

Page 5381

1 avons travaillé sur ce projet de réforme de la législation pénale

2 yougoslave, nous n'avons pas proposé de changement concernant cette

3 question particulière. Si vous êtes intéressé plus en particulier par ces

4 problèmes, si vous permettez, je peux vous laisser des documents consacrés

5 précisément à l'étude de ce problème. Puisque le 20 septembre, un colloque

6 va être organisé dans notre pays où vont être discutées justement ces

7 questions de réforme du code pénal.

8 Question: Merci professeur. Ma dernière question : est-ce que les

9 législateurs sur le territoire de l'ex-Yougoslavie prévoient des lois

10 moins sévères et que cela veut-il dire?

11 Réponse: Je pense que ce n'est pas seulement le cas du législateur sur le

12 territoire de l'ex-Yougoslavie, c'est beaucoup plus large que les

13 législateurs de l'ex-Yougoslavie, de la Yougoslavie d'aujourd'hui. Il

14 existe une règle générale qui veut dire qu'il faut appliquer la loi en

15 vigueur au moment de la commission du crime et, de l'autre côté, si entre

16 temps, après la commission de l'acte criminel, la législation a changé une

17 ou plusieurs fois, il faudrait appliquer la législation la moins sévère.

18 C'est une règle qui était en vigueur aussi bien dans le code pénal de

19 l'ex-Yougoslavie , dans le code pénal de la Yougoslavie actuelle et une

20 règle bien plus générale.

21 Avec la permission de la Chambre, en tant que spécialiste du droit

22 international, du droit pénal international, en tant que président des

23 pénalistes yougoslaves, du cercle des pénalistes yougoslaves, je voudrais

24 dire quelque chose en tant que juriste. En tant que juriste pénaliste, je

25 ne peux pas comprendre, je ne peux pas accepter le fait qu'il n'y ait pas

Page 5382

1 de sanctions qui ont été prévues pour ce crime par ce Tribunal. J'ai été

2 en Allemagne, j'ai parlé avec des pénalistes partout dans le monde au

3 cours du mois précédent et, en tant que spécialiste pénaliste, je dois

4 dire que je ne peux pas comprendre cela.

5 Question: Ceci est notre dernière question Madame la Présidente. Nous

6 souhaitons verser au dossier le rapport d'expert ainsi que tous les

7 jugements que nous avons communiqués à la Chambre, sur lesquels le témoin

8 expert s'est fondé pour faire son rapport d'expertise. Ces jugements ont

9 été identifiés comme le document D128. Ils font partie de la liasse de

10 documents communiquée à la Chambre. Nous souhaitons les verser au dossier.

11 Mme la Présidente (interprétation): Pour être plus clair, est-ce que vous

12 pouvez nous dire si vous avez marqué ceci pour identification ou bien...

13 C'est tout?

14 M. Prodanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente.

15 Mme la Présidente (interprétation): Madame le Procureur?

16 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'ai pas d'objection en ce qui

17 concerne ces rapports d'expert. Je n'ai pas d'opposition à ce que cela

18 soit versé au dossier, mais j'ai une question concernant les décisions car

19 il s'agit d'une vingtaine de décisions. Est-ce que ce sont des décisions

20 qui ont été choisies et revues par le professeur? C'est juste la question

21 que je voulais poser.

22 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, je l'ai déjà dit,

23 Monsieur le professeur a vu toutes ces décisions. Il s'agit même des

24 décisions du Tribunal de Foca, la ville originaire des accusés et, à

25 travers ces décisions, nous pouvons voir quelle était la pratique des

Page 5383

1 tribunaux concernant cet acte précis.

2 M. Hunt (interprétation): Ce qui est essentiel, ce n'est pas si ce sont

3 les décisions qui ont été prises par les Tribunal. La question que nous

4 posons c'est : est-ce que c'est le témoin qui a choisi, sélectionné ces

5 décisions?

6 M. Prodanovic (interprétation): Monsieur le Juge, c'est notre enquêteur

7 qui a recueilli ces décisions et les a montrées au professeur.

8 M. Hunt (interprétation): Est-ce qu'il a témoigné qu'il a vu ces décisions

9 concrètes? Si j'ai bien compris, il a parlé d'un certain nombre de

10 jugements qu'il aurait lus. Il n'a pas dit qu'il s'agissait bien de ces

11 décisions, concernant les peines. C'est une question très importante. Est-

12 ce que le témoin a bien vu, a bien lu toutes ces décisions? Est-ce que

13 c'est bien le témoin expert qui les a choisies?

14 M. Prodanovic (interprétation): Est-ce que je peux poser la question au

15 témoin? Est-ce que vous avez vu, est-ce que vous avez lu toutes les

16 décisions que la défense vous a communiquées?

17 Témoin: Bien sûr, j'ai déjà répondu à cette question. Non seulement j'ai

18 lu ces décisions, mais j'ai analysé toutes les décisions. J'ai donné mon

19 opinion d'expert me basant sur tous ces jugements qui ont été rendus. Il y

20 en a à peu près 130 par an et je me suis fondé sur toutes ces sentences

21 depuis 1980 pour faire mon rapport.

22 Mme Lauer: Ces jugements garderont la coté D128 des pièces de la défense.

23 Mme la Présidente (interprétation): Et l'opinion d'expert?

24 Mme Lauer: Le rapport de l'expert sera coté D147 des pièces de la défense.

25 Mme la Présidente (interprétation): Merci.

Page 5384

1 M. Prodanovic (interprétation): Pour terminer Madame la Présidente, nous

2 avons reçu de la part de nos collègues de l'accusation deux sentences :

3 une sentence venant du tribunal cantonal de Sarajevo, et une sentence

4 confirmée par la Cour suprême. Si j'ai bien compris, il s'agit du crime de

5 génocide. Et le deuxième document que nous avons reçu concerne le type de

6 peines qui ont été adoptées par la Bosnie-Herzégovine, les peines venant

7 des tribunaux de l'ex-Yougoslavie.

8 Si nous avons bien compris, nos collègues de l'accusation ont souhaité

9 montrer ces documents à l'expert. Moi, je me demande si l'expert peut

10 répondre aux questions de l'accusation avant même de voir ces documents

11 parce qu'il a peut-être besoin de temps pour lire ces documents. Est-ce

12 que l'expert pourrait éventuellement regarder ces documents au moment de

13 la pause?

14 Mme la Présidente (interprétation): Oui, Madame le Procureur.

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Juste pour expliquer. Nous n'avons

16 reçu ceci que la semaine dernière. Il s'agit du Procureur du tribunal de

17 Sarajevo qui nous a expliqué la pratique de prononcer des peines et il a

18 ajouté à ceux-ci les décisions concernant les actes criminels de viol.

19 Nous avons juste voulu demander au professeur de regarder ces documents

20 pour pouvoir en discuter avec lui. Mais, effectivement, il aurait besoin

21 d'une demi-heure pour regarder, pour lire ces documents. Le problème,

22 c'est surtout la lettre venant du Procureur général de Sarajevo. C'est une

23 lettre en langue BCS, il n'aura donc pas de problème pour regarder ce

24 document. En revanche, la décision concernant l'affaire, et en langue

25 anglaise. Nous l'avons reçue en langue anglaise, en traduction. J'espère

Page 5385

1 donc que ce professeur sera en mesure de lire ce document en anglais. Il

2 s'agit d'une affaire en 1983.

3 Mme la Présidente (interprétation): Vous vouliez dire quelque chose Maître

4 Prodanovic?

5 M. Prodanovic (interprétation): Oui, je ne vois pas quelle est la

6 pertinence de ce jugement concernant le génocide. Si j'ai bien compris,

7 peut-être que ceci pourrait être vérifié, mais je pense que le haut

8 représentant pour la Bosnie-Herzégovine a annulé ces jugements. Il s'agit

9 de ces jugements en langue anglaise. Je pense donc que ce jugement n'est

10 pas valable. D'après les accords de Dayton, la peine de mort a été annulée

11 en Bosnie-Herzégovine alors que, dans cette sentence, la peine est une

12 peine de mort. C'est ce que j'ai pu voir au cours des 5 minutes, avec

13 l'aide de Madame Mme Lopicic qui m'a traduit cette sentence. Je ne sais

14 pas exactement quel poids accorder à cette sentence.

15 Mme la Présidente (interprétation): Vous dites qu'il s'agit d'une affaire

16 de génocide?

17 M. Prodanovic (interprétation): Oui, ce que j'ai pu voir très vite, il

18 s'agit d'une sentence pour un crime de génocide, est-ce bien exact?

19 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): En partie, c'est le crime de

20 génocide, mais aussi en partie le crime contre l'humanité. D'après les

21 lois en vigueur dans l'ex-Yougoslavie, il s'agit de l'article 142. C'est

22 précisément le point que j'ai voulu voir avec le professeur. Je suis à peu

23 près sûre que le professeur est au courant de cette affaire, car c'est une

24 affaire assez connue. En ce qui concerne la peine de mort, ce qui s'est

25 passé plus tard, c'est que la peine de mort a été abolie, et la peine a

Page 5386

1 été transformée à une peine de 20 ans d'emprisonnement. Des questions ont

2 été soulevées, à savoir s'il fallait condamner à 20 ans ou plus de 20 ans,

3 c'est ce que voulait le procureur bosniaque à l'époque. En tout cas, il

4 est exact que la peine de mort a été transformée en peine d'emprisonnement

5 de 20 ans. Moi, je voudrais parler de cela comme d'une possibilité de

6 peine à l'époque.

7 Mme le Présidente (interprétation): Avez-vous des commentaires? Vous avez

8 compris la teneur des propos de l'accusation?

9 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, la défense a dit

10 qu'elle considère que cette sentence, à ce moment-là, n'a aucune

11 pertinence, c'est-à-dire que l'on ne peut pas mettre en relation cette

12 sentence avec l'affaire pour laquelle nous sommes là aujourd'hui.

13 Mme le Présidente (interprétation): D'accord.

14 La Chambre de première instance estime que les points de vue divergents de

15 la défense et de l'accusation, au sujet de la validité de cette décision,

16 au sujet d'une peine de mort commuée à 20 ans de prison, nous estimons que

17 ceci doit faire l'objet d'une discussion pendant la pause déjeuner,

18 vérifié, et si l'accusation va contre-interroger le témoin expert à ce

19 sujet, c'est à ce moment-là de le décider donc.

20 En ce qui concerne les autres documents, nous les avons déjà admis comme

21 éléments de preuve, mais nous souhaiterions que les parties

22 s'entretiennent à ce sujet précis pendant la pause.

23 Nous allons donc suspendre de l'audience et poursuivre nos débats cet

24 après-midi à 14 heures 30 avec la poursuite de l'audition du témoin.

25 (L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.)

Page 5387

1 Mme la Présidente (interprétation): Nous sommes prêts pour entamer le

2 contre-interrogatoire mené par l'accusation.

3 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Bejatovic, par Mme Uertz-Retzlaff.)

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Merci Madame la Présidente.

5 Monsieur le Professeur, vous nous avez parlé des dispositions relatives au

6 viol, des procédures de condamnation, des sanctions appliquées, vous nous

7 avez également dit que la loi qui s'appliquait en l'espèce était semblable

8 sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie?

9 M. Bejatovic (interprétation): Oui, mais j'ai dit que ceci était valable

10 pour la République fédérale de Yougoslavie aujourd'hui République de

11 Serbie et République du Monténégro, parce qu'on traite le crime de viol de

12 la même façon dans les deux républiques. Il n'y a aucune différence entre

13 ces deux républiques.

14 Cependant, j'ai également précisé que la manière dont on traite le crime

15 de viol sur le territoire de la Yougoslavie actuelle est également

16 semblable à ce qui se passait en République socialiste fédérative de

17 Yougoslavie, à l'exception de la Slovénie où le sujet passif du viol

18 pouvait éventuellement être l'épouse. C'est tout.

19 En fait, sur le territoire de la Yougoslavie, le code pénal à l'exception

20 de la Yougoslavie est exactement le même aujourd'hui qu'avant en ce qui

21 concerne le crime de viol bien entendu.

22 Question: Oui bien entendu, Professeur. Mais, il est inutile de rappeler

23 ce que vous nous avez déjà dit ce matin. Je voudrais attirer votre

24 attention sur une différence que j'ai remarquée : l'Article 88 du code

25 pénal de la République socialiste fédérative de Yougoslavie. J'ai comparé

Page 5388

1 cet article à l'Article 221 du code pénal de la République fédérale de

2 Bosnie-Herzégovine. Si on compare les deux Articles, on voit que

3 fondamentalement ils disent la même chose, à savoir qu'ils décrivent de la

4 même façon le crime de viol, la caractérisation du crime que vous avez

5 vous-même évoquée.

6 Mais au paragraphe 3, on voit une autre caractérisation qui stipule que

7 les sentences ou les peines prévues au paragraphe 2 seront prononcées

8 contre quiconque qui commet un acte décrit au paragraphe 1, à savoir le

9 viol sur la base de différence de nationalité, de race, de religion, de

10 sexe ou de langue, etc. Je voudrais savoir si ceci prévalait ou prévaut

11 actuellement en Yougoslavie?

12 Réponse: Non. Si on regarde le code pénal aujourd'hui en Serbie, au

13 Monténégro, il n'y a absolument aucune précision de ce type. Peut-être que

14 dans les années 80 on s'est efforcés d'envisager ce type de distinction,

15 mais en tout cas ce n'est pas ce qui se passe actuellement au niveau de la

16 République de Yougoslavie.

17 Question: Cependant, on aurait considéré que si ce crime était commis pour

18 des raisons ethniques, cela aurait constitué une circonstance aggravante?

19 Réponse: Oui, indéniablement. Si effectivement, il avait été prouvé que

20 c'était un des motifs de l'acte, à ce moment-là on en aurait tenu compte.

21 Question: Vous nous avez parlé des dispositions relatives au viol, mais

22 vous avez également dit qu'on pouvait engager des poursuites pour crime de

23 viol aux termes de l'Article 142 en tant que crime de guerre contre la

24 population civile. C'est bien exact, n'est-ce pas?

25 Réponse: Non, je n'ai pas dit cela. J'ai simplement dit qu'il y a des

Page 5389

1 éléments, que si vous envisagez ce type d'acte criminel, crime de guerre

2 contre la population civile, cela peut comporter le viol mais avec des

3 motivations complètement différentes parce que dans ce cas-là le viol est

4 pratiqué afin de réduire à néant un groupe de la population, une partie de

5 la population. C'est la différence.

6 Question: Mais aux termes de l'Article 142, on peut engager des poursuites

7 pour viol si on prend en compte tous ces éléments additionnels?

8 Réponse: Si on parvenait à prouver que ces éléments additionnels

9 existent.

10 Question: A l'époque, le barème des peines c'était au minimum 5 ans

11 jusqu'à la peine de mort, n'est-ce pas?

12 Réponse: De quoi parlez-vous? de génocide?

13 Question: Je parle de l'Article 142 qui traite des crimes de guerre contre

14 la population civile. Dans le texte dont je dispose du moins, on stipule

15 que les peines vont de 5 ans au minimum jusqu'à la peine de mort.

16 Réponse: Oui, mais ultérieurement ceci a été modifié. On a remplacé la

17 peine de mort par une peine de 20 ans de prison.

18 Question: Bien. Mais dans l'affaire qui nous intéresse ici, nous parlons

19 de crime de guerre, vous le savez, n'est-ce pas?

20 Réponse: Non. On m'a dit qu'il s'agissait ici du crime de viol que l'on

21 jugeait, pas de crime de guerre. On m'a dit que nous avions affaire ici à

22 un acte criminel de viol. C'est ce qui est stipulé dans l'Acte

23 d'accusation. Ceci est très différent de ce qui est prévu à l'Article 142

24 du code pénal de la Yougoslavie bien que ces crimes puissent comprendre

25 notamment le viol, mais les motivations des auteurs sont bien différentes.

Page 5390

1 C'est pourquoi on a envisagé une peine maximale de 20 ans dans le cadre de

2 l'Article 142 alors que pour le viol la peine maximale envisageable est de

3 15 ans.

4 Question: Donc, vous n'avez pas fait de recherche sur les dispositions de

5 l'Article 142 ainsi que sur les barèmes des peines appliquées en ce qui

6 concerne cet article?

7 Réponse: Il n'y a eu aucune affaire relevant de cet article sur le

8 territoire de la Yougoslavie, donc je n'ai pas été en mesure de faire des

9 recherches à ce sujet. Je crois d'ailleurs qu'il n'y a aucune affaire qui

10 corresponde à cet article.

11 Question: Vous nous avez donné une liste de circonstances atténuantes, de

12 circonstances aggravantes qui sont prises en compte lorsqu'on détermine la

13 culpabilité d'un accusé. D'autre part, vous nous avez également donné dans

14 votre rapport une liste de ces motifs. Je pense que nous pouvons convenir

15 que la sanction doit correspondre à l'auteur du crime et aux circonstances

16 du crime lui-même?

17 Réponse: C'est indéniable.

18 Question: Tous les actes criminels, tous les délits ne demandent pas la

19 même peine, la même sanction. Il faut prendre en compte les circonstances

20 individuelles, n'est-ce pas?

21 Réponse: Vous avez tout à fait raison. C'est pourquoi justement,

22 j'ai évoqué des affaires où des sanctions différentes avaient été rendues.

23 Il n'y a que deux ou trois affaires où la peine maximum a été prononcée.

24 Donc, la pratique de nos tribunaux va dans le sens de ce que vous venez de

25 dire. Cependant, sur la totalité de ces crimes et si on examine les peines

Page 5391

1 prononcées, on voit que ces peines sont inférieures au maximum prévu étant

2 donné les circonstances qui ont été prises en compte.

3 Question: En dehors des circonstances atténuantes et aggravantes que vous

4 avez déjà évoquées, est-ce qu’on pourrait considérer que c’est une

5 circonstance aggravante si un crime est commis contre une personne

6 particulièrement vulnérable, à savoir une personne qui est en état de

7 détention?

8 Réponse: Si l’on peut établir que c’est le cas, à ce moment-là

9 indéniablement vous avez une circonstance aggravante.

10 Question: Est-ce qu'on peut parler de circonstances aggravantes, si le

11 crime est commis à l’encontre d'une personne extrêmement affaiblie

12 physiquement?

13 Réponse: Cela, il faut le déterminer selon les cas. Si on peut établir

14 que la personne en question, étant donné son état physique, n'était pas en

15 mesure de résister à son assaillant et n’a pas résisté, on prend alors

16 cela en compte. Cependant, sur la base de l'examen de l'état physique de

17 la personne, si elle était en mesure de se défendre, alors on prendra cela

18 en compte aussi.

19 En tout cas, nos tribunaux le prennent en compte. C'est la pratique qui

20 s'applique dans nos tribunaux. On détermine si la victime a résisté ou si

21 elle était en mesure de résister. Si la victime, pour une raison X ou Y,

22 n'était pas en mesure de résister, à ce moment-là c'est une question

23 différente.

24 Question: Vous avez insisté sur le fait qu'un crime commis à l'encontre de

25 mineurs appelle un barème de sanctions particulières. Pouvez-vous, s'il

Page 5392

1 vous plaît, nous parler du cas, par exemple d'un viol commis à l'encontre

2 d'une personne extrêmement jeune de 15 ou 16 ans? Est-ce que cela

3 constituerait une circonstance aggravante, ce genre de viol d’une jeune

4 fille qui n’est plus une enfant?

5 Réponse: Si vous avez viol d'une jeune fille jusqu’à l’âge de 14 ans,

6 l’auteur est passible d'une peine allant de 5 à 15 ans de prison. Mais si

7 la jeune fille est plus jeune, si elle a 10 ans, alors on prendra cela en

8 compte dans le cadre du prononcé de la peine. Mais jusqu’à l’âge de 14

9 ans, le viol d'une jeune fille de 14 ans et moins est une circonstance

10 particulière.

11 Question: Est-ce qu'on peut considérer que c'est une circonstance

12 aggravante si la jeune fille violée a 15 ans?

13 Réponse: Non, notre code pénal fait la différence entre 14 ans et 18 ans;

14 au-dessus de 18 ans, moins de 14 ans. Si comme le stipule notre

15 législation, il y a viol d'un enfant, c’est-à-dire d'un être âgé de moins

16 de 14 ans, alors là vous avez un cas de figure particulier. C'est

17 différent s'il y a viol d'une jeune fille de 18 ans. Et puis, il y a le

18 cas des jeunes filles âgées de 14 à 18 ans. A chaque fois, le cas de

19 figure est différent.

20 Question: Mais, y a-t-il une différence si le viol a été commis sur une

21 jeune fille de 15, 16 ou 17 ans ou si le viol a été commis sur une jeune

22 fille de 18 ou 19 ans?

23 Réponse: Dans le premier cas, cela constituerait une circonstance

24 aggravante.

25 Question: On va prendre en compte aussi dans le cadre du prononcé de la

Page 5393

1 sentence le comportement de l’auteur du crime après le crime lui-même,

2 pendant le procès tout particulièrement?

3 Réponse: Oui.

4 Question: L'aveu constitue une circonstance atténuante, n’est-ce pas?

5 Réponse: Cela dépend des circonstances où cela a eu lieu, à quel moment.

6 Question: Intimider un témoin dans le prétoire constitue une circonstance

7 aggravante, n'est-ce pas?

8 Réponse: Indéniablement.

9 Question: Vous nous avez parlé du barème des peines appliquées dans l'ex-

10 Yougoslavie, vous avez donné à ce sujet des statistiques extrêmement

11 intéressantes. Si on examine les décisions qui sont mises en annexe de

12 votre rapport, que vous n'avez pas choisies vous même mais que vous avez

13 étudiées, je ne vois rien qui corresponde à cela. En particulier, je n'ai

14 rien vu qui se rapporte aux statistiques que vous nous avez données.

15 Réponse: J'ai dit que je disposais de statistiques qui couvrent un

16 certain nombre d'années. Je peux vous les remettre. Il s’agit de chiffres

17 officiels. On peut le faire photocopier et le remettre à la Chambre.

18 Question: Oui, mais dans la vingtaine de décisions qui sont placées en

19 annexe de votre rapport, il s'agit de viol d'une seule personne, il s'agit

20 souvent de tentatives de viol, et les peines prononcées sont le plus

21 souvent extrêmement limitées.

22 Réponse: J'ai déjà dit il y a quelques minutes que si l'on regarde les

23 statistiques pour les procès de viol, eh bien on constate globalement que

24 les peines prononcées sont en général inférieures à trois ans.

25 Question: Pendant la pause déjeuner, Professeur, vous avez eu la

Page 5394

1 possibilité de lire la lettre envoyée par le Procureur du canton de

2 Sarajevo. Je souhaiterais que ce document porte une cote pour

3 identification car je souhaiterais évoquer un certain nombre de points

4 avec le témoin.

5 Mme la Présidente (interprétation): Veuillez donner une cote, s'il vous

6 plaît?

7 Mme Lauer: Ce document portera la cote 138 des pièces du Procureur.

8 Mme la Présidente (interprétation): Cette cote est uniquement à but

9 d'identification, il ne s’agit pas d’une pièce à conviction.

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Professeur, avez-vous eu la

11 possibilité de lire cette lettre?

12 M. Bejatovic (interprétation): Non. On m'a lu deux ou trois phrases, mais

13 je n'ai pas eu la possibilité de lire ce texte. D’ailleurs, je ne l’ai

14 jamais eu en mains.

15 Question: Oui, mais je l’ai remis aux représentants de la défense et nous

16 disposons de ce texte en BCS. Donc j’étais partie du principe que vous

17 auriez pu le lire.

18 Réponse: Je n'ai jamais eu ce texte entre les mains.

19 Question: Est-ce qu'on pourrait, s'il vous plaît, remettre au

20 témoin la version en BCS du document? Il s'agit Monsieur le témoin des

21 dernières pages de ce document.

22 Réponse: Oui, je vois de quoi vous parlez. Mais, c'est un document qui

23 compte un certain nombre de pages, je ne peux pas le lire comme cela en

24 quelques minutes.

25 Question: Vous n'avez pas, Monsieur le professeur, à tout lire,

Page 5395

1 la totalité du document. Il s'agit d'un rapport d'expert juridique, il ne

2 s'agit pas ici pour nous de discuter de la teneur de ce rapport. Mais, je

3 vous demande de vous reporter à la page 8 du texte en BCS. Nous avons ici

4 une liste de décisions qui ont été énumérées par le Procureur de Sarajevo.

5 Avez-vous trouvé la page à laquelle je fais référence?

6 Réponse: Oui.

7 Question: Ici, on mentionne une décision du Tribunal de district de

8 Sarajevo, du 17 avril 1979, où Danijel Markovic est condamné à 8 ans de

9 prison pour viol. Aviez-vous connaissance précédemment de cette décision?

10 Réponse: Il est impossible que je me souvienne de cette décision en

11 particulier. J'ai eu les décisions en mains, mais je ne me souviens pas de

12 tout en détail.

13 Question: Oui, mais il y a ici une décision où une personne a été

14 condamnée pour viol, a été condamnée à 8 ans. Si vous regardez la décision

15 suivante, la peine prononcée a été de 9 ans. Vous avez vu ces décisions,

16 vous les avez eues sous les yeux?

17 Réponse: Oui, je l’ai dit, il existe des jugements de ce type. Il y a

18 même des peines de 10 ans qui ont été prononcées, des peines de plus de 10

19 ans.

20 Question: Je souhaiterais demander le versement au dossier de ce document

21 s'il n'y a pas d'objections de la défense. L'objectif de l’accusation,

22 c’est de montrer que en plus des décisions qui ont été présentées par la

23 défense, d'autres jugements ont été rendus où les peines étaient beaucoup

24 plus élevées.

25 Mme la Présidente (interprétation): La défense a la parole.

Page 5396

1 M. Prodanovic (interprétation): Nous ne nous opposerions pas au versement

2 de ce document si nous disposions des décisions concernées. Tout ce que

3 nous avons ici, c'est la date à laquelle ont été rendus ces jugements.

4 Mais nous n'avons pas les jugements eux-mêmes.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): C'est le problème que nous avons

6 rencontré parce que nous avons reçu ce document extrêmement tardivement.

7 Nous avons les décisions. Les décisions étaient placées en annexe du

8 document mais elles n'ont pas encore été traduites. Ce que nous pourrions

9 donc peut-être faire, c'est les verser ultérieurement au dossier une fois

10 qu'elles auront été traduites.

11 Mme la Présidente (interprétation): Nous estimons que les exemplaires en

12 BCS dont vous disposez, vous pouvez en faire des photocopies et les

13 remettre à la défense. Ensuite, nous les ferons traduire en anglais afin

14 que nous puissions les consulter. De cette façon, nous pourrons ensuite

15 les verser au dossier.

16 M. Prodanovic (interprétation): A l'Article 101 du Règlement de procédures

17 et de preuves, il est stipulé qu'il faut prendre en compte la grille

18 générale des peines d'emprisonnement telles qu'appliquées par les

19 tribunaux en ex-Yougoslavie. Or ici, vous avez des décisions qui datent de

20 1993, 1998, 1999. Je ne sais pas si ce sont les peines qui sont évoquées à

21 l'Article 101 du Règlement de procédure et de preuve puisque là nous

22 n'avons plus affaire à l'ex-Yougoslavie mais à la fédération de Bosnie-

23 Herzégovine.

24 Si j'interprète les textes correctement, je crois qu'il s'agit de

25 décisions qui ont été rendues après 1992, après le début de la guerre, et,

Page 5397

1 de ce fait, on ne peut pas considérer qu'il s'agit là de jugements qui

2 sont pertinents dans le cadre de l'Article 101 en ce qui concerne la

3 grille des peines d'emprisonnement.

4 Mme la Présidente (interprétation): Madame Uertz-Retzlaff, nous avons ici

5 une liste où certains jugements ont été rendus avant la guerre et d'autres

6 après.

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Mais en fait celles que j'ai évoquées

8 ont été rendues avant la guerre.

9 Mme la Présidente (interprétation): De quelles décisions parlez-vous?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Décision du 17 avril 1979, ensuite,

11 le jugement suivant a été rendu le 15 mai 1980, puis le 30 janvier 1981,

12 ensuite, le 22 septembre 1980, le 26 janvier 1979 et le 15 juin 1979.

13 Mme la Présidente (interprétation): Il s'agit donc des seules affaires

14 auxquelles vous faites référence, au nombre de six?

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, la seule raison pour laquelle

16 j'ai souhaité évoquer ces jugements, c'est parce que le professeur nous a

17 dit qu'il avait passé en revue toutes les décisions et qu'il les

18 reconnaîtrait s'il les voyait. Mais je peux tout à fait montrer ces

19 décisions au professeur maintenant, si la défense n'a pas d'objection.

20 Monsieur Prodanovic, je ne sais pas si votre objection tient toujours car

21 la représentante de l'accusation a dit de quel jugement il s'agit.

22 M. Prodanovic (interprétation): Nous n'avons pas d'objection, Madame la

23 Présidente, en ce qui concerne les décisions rendues avant la guerre.

24 Cependant, vous avez ici des décisions qui ont été rendues à partir de

25 1993 sur la liste.

Page 5398

1 Mme la Présidente (interprétation): Vous n'avez qu'à les ignorer. Il se

2 trouve que tout cela figure dans un seul et même document, mais

3 l'accusation a bien précisé sur quels points elle s'appuiera.

4 M. Prodanovic (interprétation): Très bien.

5 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce qu'on peut avoir une cote, s'il

6 vous plaît?

7 Mme Lauer: Le document est coté 238 des pièces du Procureur.

8 Mme la Présidente (interprétation): Merci.

9 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Professeur, vous avez également reçu

10 trois décisions qui ont trait à l'affaire Borislav Herak, Streko

11 Damjanovic et Nada Tomic. Ces documents étaient en anglais. Avez-vous eu

12 la possibilité de les lire ou est-ce qu'on a pu vous les traduire?

13 M. Bejatovic (interprétation): J'ai brièvement parcouru ces documents,

14 mais je souhaiterais ajouter une chose suite à ce que vous venez de dire.

15 J'ai des informations au sujet des pratiques dans les différentes

16 républiques de l'ex-Yougoslavie, sur les nombres de peines qui ont été

17 prononcées dans les différentes républiques de l'ex-Yougoslavie, et en

18 Bosnie-Herzégovine le nombre de peines prononcées était plus élevé que ce

19 qui est mentionné ici.

20 Je ne pense pas qu'il convienne de mentionner uniquement les affaires où

21 des peines plus lourdes ont été prononcées parce que cela donnerait une

22 mauvaise idée de la situation générale. Il faut prendre en compte ce qui

23 se passe dans toutes les républiques du territoire. Il ne faut pas

24 s'appuyer sur une seule ou quelques décisions isolées. Il faut avoir une

25 image générale de la situation quel que soit l'endroit où cela se passe,

Page 5399

1 Serbie, Monténégro ou Bosnie-Herzégovine.

2 Question: Vous avez tout à fait raison. Mais, nous, nous avons reçu de la

3 part de la défense 20 décisions où les peines prononcées étaient

4 extrêmement faibles. Nous voulons montrer que des peines plus lourdes ont

5 été prononcées. Nous ne remettons pas en compte ce que vous dites, mais

6 nous voulons simplement montrer qu'il y a eu un grand nombre d'affaires où

7 des peines très légères ont été prononcées, mais aussi des affaires où des

8 peines plus lourdes ont été prononcées. C'est notre seul objectif.

9 Réponse: Oui, mais je vous en prie je n'ai pas tirer mes conclusions

10 uniquement sur la base des documents qui m'ont été communiqués par la

11 défense. J'ai fondé mes conclusions sur l'examen de tous les jugements. Il

12 y a une grande différence entre les deux choses.

13 Question: Professeur, quoi qu'il en soit, je propose que nous passions au

14 point suivant. Je voudrais simplement poursuivre sur le sujet que je viens

15 d'entamer, à savoir les procès Borislav Herak et Zretko Damjanovic. Je

16 pense que vous avez eu le temps d'examiner ces jugements avec l'aide d'une

17 interprète, n'est-ce pas?

18 Réponse: Très très brièvement. Je n'ai pu qu'entendre la traduction.

19 Question: Connaissiez-vous cette affaire? En avez-vous entendu parlé?

20 Réponse: Bien sûr par les médias.

21 Question: Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agissait?

22 Réponse: Eh bien je pense qu'il serait préférable que je lise les textes

23 dans leur intégralité pour en parler ensuite, plutôt que de ne me fonder

24 que sur ce qu'ont en dit différents journaux, car nous les juristes, nous

25 ne pouvons pas formuler de commentaires en nous fondant sur les articles

Page 5400

1 de presse.

2 Question: Madame la Présidente, Messieurs les Juges, j'aimerais demander

3 le versement au dossier des trois jugements dont il est question ici, à

4 l'appui de la détermination de la peine. Cette affaire a été jugée en

5 1993, cependant.

6 Mme la Présidente (interprétation): Où?

7 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): A Sarajevo.

8 Mme la Présidente (interprétation): Pouvons-nous comprendre? S'agit-il

9 d'un procès ou de plusieurs procès?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): D'un procès, Madame la Présidente.

11 Monsieur le témoin, vous avez vu le jugement du tribunal militaire de

12 district de Sarajevo prononcé le 12 mars 1993, n'est-ce pas?

13 M. Bejatovic (interprétation): Très brièvement, oui.

14 Question: Dans ce procès, les deux accusés, Borislav Herak et Zretko

15 Damjanovic, ainsi qu'une troisième personne que nous pouvons laisser de

16 côté pour quelques instants, ont été condamnés à mort pour crime de

17 génocide en application de l'Article 141 et pour crime de guerre contre

18 des civils en application de l'Article 143 du code pénal.

19 Selon ces jugements, ces accusés, entre mai et novembre 1992, en tant que

20 membres de l'armée de Republika Srpska, ont commis un certain nombre de

21 crimes contre des civils musulmans, et notamment le viol de plusieurs

22 femmes dans deux lieux de détention différents, n'est-ce pas?

23 Réponse: Je n'ai lu que le formulé de ces jugements très brièvement. Je

24 n'ai eu que très peu de temps pour le faire.

25 Question: Madame la Présidente, j'ai entre les mains le texte qui exprime

Page 5401

1 le jugement. Ces accusés ont été condamnés à la peine de mort. Dans une

2 décision ultérieure de la cour suprême de Bosnie-Herzégovine, le jugement

3 a été présenté en appel et la peine a été modifiée pour une peine de

4 prison à l'issue du jugement en appel. Voilà à quoi se résume cette

5 affaire.

6 J'aimerais demander le versement au dossier de ce texte en tant qu'exemple

7 supplémentaire.

8 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur Prodanovic?

9 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, nous faisons

10 objection au versement de cette pièce au dossier en tant que pièce à

11 conviction pour les raisons suivantes.

12 J'ai connaissance du fait qu'à plusieurs reprises, le tribunal de Sarajevo

13 a soumis des documents au Tribunal de La Haye au sujet de crimes de guerre

14 allégués. Je sais personnellement que dans un cas, le Tribunal de La Haye

15 a renvoyé un document au tribunal de Sarajevo, en signalant qu'il ne

16 s'agissait pas d'un crime de guerre et que le Tribunal n'était pas prêt à

17 considérer ce crime comme un crime de guerre. La communauté internationale

18 en a discuté d’ailleurs à l’époque. Je peux vous donner le nom de

19 l’accusé qui était en cause.

20 Je ne vois donc pas la pertinence d’un tel verdict dans notre affaire.

21 M. Hunt (interprétation): Mais votre objection repose sur quels motifs?

22 Votre objection est au motif qu’il ne s’agissait pas d’un crime de guerre

23 ou bien au motif que c'est ce Tribunal qui a décidé qu'il ne s'agissait

24 pas d'un crime de guerre et a donc renvoyé les documents en question. Je

25 ne vois pas très bien ce que vous avez à l’esprit.

Page 5402

1 M. Prodanovic (interprétation): Monsieur le Juge, si on lit l'Article 101

2 du Règlement qui précise que ce Tribunal doit prendre en compte la grille

3 générale des peines d’emprisonnement telle qu'appliquée par les tribunaux

4 en ex-Yougoslavie, je pense que puisque nous avons là un verdict de 1993,

5 il n'est pas à prendre en compte.

6 M. Hunt (interprétation): Mais vous venez de nous dire que ce document a

7 été renvoyé à son expéditeur parce qu'il ne s'agissait pas d'un crime de

8 guerre. Votre argument est que cela n’a aucun rapport avec une sentence

9 imposée dans l'ex-Yougoslavie parce qu’à l’époque ex-Yougoslavie était

10 déjà désintégrée. C'est ce que vous êtes en train de nous dire. Vous

11 pouvez répondre par oui ou non, je pense.

12 M. Prodanovic (interprétation): Oui.

13 M. Hunt (interprétation): Oui, merci.

14 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Madame la Présidente, j'aimerais

15 ajouter quelques mots également. Ce que nous avons reçu du conseil de la

16 défense concerne également des décisions datant de 1992 et 1993 et de

17 décisions plus récentes. La situation est donc comparable.

18 Mme la Présidente (interprétation): Ce sera rejeté, Madame le Procureur.

19 Cela ne signifie pas que la partie adverse faisant une erreur le Procureur

20 ou une autre partie devrait…

21 M. Hunt (interprétation): De toute façon, nous aurions rejeté cette pièce

22 même si vous n'aviez pas élevé d'objections. Ce rejet de votre pièce à

23 conviction est dû au fait qu'il s'agit de documents qui ne sont pas

24 pertinents.

25 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, mais notre point de vue est

Page 5403

1 différent sur la question.

2 Mme la Présidente (interprétation): La Chambre de première instance ne

3 prendra pas en compte des documents qui ne sont pas valables. Ceci est

4 contraire au Règlement de procédures et de preuves ainsi qu’au Statut et à

5 la loi générale du Tribunal.

6 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, mais nous avons lu l'Article

7 101 et c’est cet article que nous lisons de façon différente.

8 M. Hunt (interprétation): Comment dois-je interpréter les mots ex-

9 Yougoslavie dans ce cas?

10 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Nous pensions que le territoire

11 considéré était celui de l’ex-Yougoslavie et non pas le gouvernement ou

12 l’entité politique de l'ex-Yougoslavie.

13 M. Hunt (interprétation): Voyons un peu ce que dit le Statut.

14 M. Hunt (interprétation): Vous avez le Statut sous les yeux, Madame?

15 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui, Monsieur le Juge.

16 M. Hunt (interprétation): A l'Article 24, premier paragraphe, nous lisons:

17 "La Chambre de première instance a recours à la grille générale des peines

18 d'emprisonnement", et là arrivent les mots importants: "Appliquée par les

19 tribunaux de l'ex-Yougoslavie".

20 Il n'est pas question ici de territoire. On ne dit pas "sur le territoire

21 de l’ex-Yougoslavie", on dit "par les tribunaux de l’ex-Yougoslavie".

22 Ce jugement de 1993 a été rendu par un tribunal qui n'est pas un tribunal

23 de l’ex-Yougoslavie. C'est un tribunal qui opérait sur le territoire de

24 l’ex-Yougoslavie. Je pense donc qu'il ne fait aucun doute que c'est

25 l'Article 24 du Statut qui est notre principe directeur et pas ce qui, au

Page 5404

1 mieux, pourrait être une équivoque interprétée en votre faveur.

2 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Oui.

3 Mme la Présidente (interprétation): Donc, ce document ne sera pas

4 considéré comme pièce à conviction.

5 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): J'ai encore deux questions à poser.

6 Professeur, ces questions portent sur les circonstances atténuantes au

7 moment du prononcé de la peine. Le fait de violer plusieurs victimes

8 pourrait-il être considéré comme un facteur aggravant?

9 Réponse: Il ne fait aucun doute qu'un viol collectif est une circonstance

10 aggravante. Mais je vous en prie, il faut aussi tenir compte d'un autre

11 élément lorsque nous parlons de tout cela ; c'est que d'après le code

12 pénal yougoslave et d'après tous les autres codes pénaux, il n'est jamais

13 permis de juger en fonction d'une seule circonstance. Toutes les

14 circonstances atténuantes et aggravantes sont prises en compte ensemble,

15 et c'est sur la base de l'appréciation globale que le jugement est rendu.

16 Le viol de plusieurs personnes considérées isolément, je dis bien

17 considérées isolément, est effectivement une circonstance aggravante, mais

18 pour formuler une appréciation générale il faut resituer ce facteur, cela

19 dans le cadre de très nombreux facteurs à prendre en compte.

20 Question: Nous sommes d'accord sur ce point, cela ne fait aucun doute.

21 Ma dernière question est la suivante: la possession ou l'usage d'armes,

22 telles que des révolvers ou un fusil pendant le viol, peut-il être

23 considéré comme un facteur aggravant?

24 Réponse: Assurément s'il est prouvé que l'utilisation d'une telle arme a

25 été l'un des moyens de pression exercé sur la victime pour commettre le

Page 5405

1 viol. Dans ce cas, c'est effectivement une circonstance atténuante (?) si

2 l'usage ou la possession d'une arme intervient en tant que moyen d'exercer

3 une pression sur la victime.

4 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Je n'ai pas d'autres questions pour

5 ce témoin.

6 Mme la Présidente (interprétation): Des questions supplémentaires, Maître

7 Prodanovic?

8 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, avec votre

9 autorisation, j'aurai deux questions à poser au témoin?

10 Mme la Présidente (interprétation): Je vous en prie.

11 (Questions supplémentaires de M. Prodanovic au témoin M. Stanko

12 Bejatovic.)

13 M. Prodanovic (interprétation): Professeur, je vous prierai en vous

14 fondant sur la politique en application, s'agissant des peines prononcées

15 dans l'ex-Yougoslavie, d'apporter des commentaires sur deux exemples.

16 Premier exemple, une situation dans laquelle l'accusé a eu un rapport

17 sexuel avec une victime pendant une période prolongée. La victime n'a

18 opposé aucune résistance, elle était pratiquement d'accord, elle a

19 pratiquement accepté le rapport sexuel. Sommes-nous en droit de dire que

20 l'accusé a pu interpréter son comportement comme exprimant un consentement

21 tacite? Comment cela peut-il être interprété dans le cadre de l'ex-

22 Yougoslavie par un tribunal de l'ex-Yougoslavie? En cas de rapport sexuel

23 prolongé avec une victime qui n'oppose pas de résistance apparente en tout

24 cas, l'accusé peut-il faire cette interprétation?

25 M. Bejatovic (interprétation): Il est sûr que cette interprétation peut

Page 5406

1 être faite par l'accusé en raison de l'une des caractéristiques du crime

2 de viol selon le code pénal yougoslave, à savoir que le crime peut être

3 commis avec préméditation. Ce qui signifie que l'auteur du crime doit être

4 conscient, doit être convaincu du fait que la victime n'accepte en aucun

5 cas, même tacitement, ce rapport sexuel. L'acte est qualifié uniquement

6 lorsque l'auteur considère que la victime n'a formulé aucun consentement

7 et que compte tenu de ses possibilités physiques ou autres, elle a résisté

8 au rapport sexuel. Mais s'il y a négligence de la part de l'auteur du

9 crime, selon notre code pénal, c'était un code pénal qui était appliqué

10 sur tout le territoire de l'ex-Yougoslavie, l'acte criminel, le viol en

11 tant qu'acte criminel, n'est pas qualifié.

12 Question: J'en arrive à ma dernière question. La victime entreprend des

13 actions très précises à l'égard de l'auteur de l'acte, elle stimule

14 l'auteur de l'acte en déclarant ne pas être certaine qu'en l'absence de

15 telles entreprises le rapport sexuel aurait eu lieu. La victime prétend

16 l'avoir fait parce qu'elle a été persuadée de le faire par un tiers.

17 Comment le code pénal yougoslavie traiterait-il une telle situation?

18 Réponse: Selon les pratiques en vigueur dans les tribunaux de l'ex-

19 Yougoslavie, pour qu'existe le crime de viol, donc pour qu'un jugement

20 puisse être rendu, l'auteur de l'acte avant de commettre ce crime doit

21 être au courant qu'un tiers a exercé des pressions sur la victime de

22 l'acte et que c'est pour ces raisons que la victime de l'acte a eu un

23 rapport sexuel avec l'auteur de cet acte. Si l'auteur de l'acte n'est pas

24 au courant de l'existence de ces circonstances, il n'y a pas crime de

25 viol.

Page 5407

1 Question: Enfin, une toute dernière question, qui m'est soufflée par un de

2 mes confrères, à l'issue de votre dernière réponse. S'agissant de menaces,

3 ces menaces doivent-elles être avérées ou bien suffit-il qu'elles soient

4 nées dans l'esprit de quelqu'un? Autrement dit, si la victime affirme

5 avoir subi des menaces, l'existence de ces menaces doit-elle être

6 nécessairement prouvée?

7 Réponse: La menace, la contrainte est un des éléments qui doit être

8 obligatoirement être présent pour qu'il y ait crime de viol. Dans tous les

9 cas, elle doit être prouvée.

10 Question: Merci Professeur, je n'ai pas d'autres questions à votre

11 intention.

12 Mme la Présidente (interprétation): Je vous remercie Professeur d'être

13 venu témoigner devant ce Tribunal. Vous êtes à présent libre de vous

14 retirer.

15 Maître Jovanovic, vous aviez une question à poser?

16 M. G. Jovanovic (interprétation): Je vous prie de m'excuser de prendre

17 ainsi la parole. Je n'ai pas eu la possibilité de parler à mon confrère,

18 Me Prodanovic, mais j'aurai une brève question à poser au témoin.

19 Mme la Présidente (interprétation): Ce que j'aimerais savoir si vous

20 souhaitez vous exprimer, dire quelque chose ou poser une question au

21 témoin. C'est bien une question que vous voulez poser au témoin?

22 M. G. Jovanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente, j'aimerais si

23 vous le permettez lui poser une seule question.

24 Mme la Présidente (interprétation): Je vous en prie.

25 M. G. Jovanovic (interprétation): Professeur, vous avez déclaré que l'une

Page 5408

1 des circonstances aggravantes pouvait être le comportement de l'accusé

2 après la commission de l'acte criminel, par exemple une menace proférée

3 par l'accusé au cours du procès. Je crois qu'il y a un lien avec la

4 dernière question de mon confrère, M. Prodanovic. Cette menace

5 particulière doit-elle être aussi prouvée pour pouvoir être considérée

6 comme circonstance aggravante?

7 Réponse: Nous savons bien tous ici qu'au cours d'un procès tout doit être

8 prouvé. En l'absence de preuve, rien n'existe. Donc dans ce cas également,

9 bien entendu.

10 M. Jovanovic (interprétation): Je partais du principe que nous savions

11 tous cela à la perfection, mais je souhaitais que cela soit dit. Merci.

12 Mme la Présidente (interprétation): Merci et j'espère que c'est bien la

13 dernière question qui sera posée à ce témoin. Je vous remercie.

14 M. Bejatovic (interprétation): Je vous remercie également.

15 (Le témoin, M. Stanko Bejatovic, est reconduit hors du prétoire.)

16 (Le témoin, M. Dusan Dunjic, est introduit dans le prétoire.)

17 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour Monsieur le Témoin, je vous

18 prie de bien vouloir prononcer la déclaration solennelle.

19 M. Dunjic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la

20 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

21 Mme la Présidente (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

22 M. Dunjic (interprétation): Merci.

23 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar.

24 (Interrogatoire principal du témoin, M. Dusan Dunjic, par M. Kolesar.)

25 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, en fait vous m'avez

Page 5409

1 devancé avant le prononcé de la déclaration solennelle par le témoin.

2 J'aurais voulu poser une question. Les experts de médecine légale, MM.

3 Jovanovic, Dunjic, le Pr Raskovic sont des experts médicaux et ils ont

4 présenté leurs conclusions ensemble.

5 Si nous devons poursuivre l'audition de ce témoin, la défense n'aura pas

6 la possibilité de travailler avec le Dr Raskovic. Je vous demande de

7 rendre une décision sur ce point immédiatement. Je propose que nous

8 poursuivions demain matin l'audition du Dr Dunjic et du Dr Raskovic car

9 nous n'avons que deux témoins prévus pour demain.

10 M. Hunt (interprétation): Mais qui est le témoin assis ici?

11 M. Kolesar (interprétation): Le témoin est le Pr Dusan Dunjic, expert

12 auprès des tribunaux, médecin qui a rendu son rapport cosigné avec le Dr

13 Alexsandar Jovanovic.

14 Mme la Présidente (interprétation): Nous ne comprenons pas vraiment quel

15 est le problème. C'est de vous que cela dépend. Quel problème y aurait-il

16 à poursuivre l'audition de ce témoin sur le champ?

17 M. Kolesar (interprétation): De toute évidence, je n'ai pas été

18 suffisamment clair. Si le témoin assis ici en ce moment devait commencer

19 sa déposition, il le ferait sous serment. Donc, je vous demanderai de

20 décider si nous pouvons tout de même établir un contact avec le témoin

21 dans l'après-midi puisque nous aimerions nous préparer à la déposition du

22 Dr Raskovic qui sera entendu en tant qu'expert demain. Je n'insiste pas

23 pour que le professeur soit entendu aujourd'hui. Je prie simplement la

24 Chambre de première instance de bien vouloir réfléchir à cette question.

25 M. Hunt (interprétation): Vous n'avez pas encore eu la possibilité de vous

Page 5410

1 entretenir avec lui?

2 M. Kolesar (interprétation): Nous en avons eu la possibilité mais pas

3 suffisamment longtemps car nous sommes arrivés samedi. Donc nous n'avons

4 eu que très peu de temps. La seule journée à notre disposition a été celle

5 d'hier. Mais je tiens à souligner que nous n'insistons pas sur ce point.

6 Je crois qu'il est question ici de motifs pratiques.

7 Mme la Présidente (interprétation): Mais ce témoin est un expert qui a

8 travaillé sur le même rapport que l'expert entendu ce matin. Le rapport a

9 déjà été déposé. A moins que vous n'ayez à l'interroger sur un point qui

10 sort du champ du rapport, il pourrait peut-être nous donner les grandes

11 lignes de son expertise.

12 M. Hunt (interprétation): L'expert entendu ce matin a passé une grande

13 partie de sa déposition à nous dire ce qui était contenu dans son rapport.

14 Or son rapport, nous pouvons le lire et nous préférions pour ce qui vous

15 concerne que vous demandiez au témoin de nous parler de ce qui n'est pas

16 écrit dans le texte.

17 Mme la Présidente (interprétation): Eh bien poursuivons. Le témoin a déjà

18 prononcé la déclaration solennelle. Nous avons eu beaucoup de temps avant

19 l'entrée du témoin dans le prétoire. Donc je vous en prie, nous

20 poursuivons.

21 M. Kolesar (interprétation): Merci, Madame la Présidente.

22 Professeur Dunjic, bonjour.

23 M. Dunjic (interprétation): Bonjour.

24 Question: Avant de commencer votre interrogatoire puisque, vous et moi,

25 nous nous comprenons très bien parlant tous les deux la même langue,

Page 5411

1 j'aimerais vous demander de bien vouloir ménager une pause à la fin de ma

2 question de façon que ma question puisse être interprétée et à répondre en

3 ne parlant pas trop rapidement. Ceci pour permettre aux interprètes

4 d'interpréter sans difficulté exagérée la teneur de votre réponse. Je

5 crois que nous nous sommes compris, n'est-ce pas?

6 Pouvez-vous décliner vos nom et prénom et nous dire quelle est votre

7 profession car votre curriculum vitae est très maigre?

8 Réponse: Je m'appelle Dusan Dunjic. Je suis né à Belgrade où je réside.

9 Je suis diplômé de la faculté de médecine de Belgrade, spécialiste en

10 médecine légale, docteur en science médicale, et je travaille auprès du

11 tribunal de Belgrade. Je suis membre de l'institut de médecine légale de

12 Belgrade.

13 Question: Merci. Pouvez-vous nous dire quelles ont été vos publications à

14 ce jour?

15 Réponse: A ce jour, j'ai publié 152 articles au moins, également d'autres

16 textes de médecine légale. Je suis l'auteur de cinq livres et d'une

17 monographie traitant de l'étude du suicide qui a intéressé la Russie et a

18 donc été traduite en russe. J'ai également écrit ce que nous appelons un

19 livre blanc traitant des actes terroristes commis par des extrémistes

20 albanais au Kosovo. Par ailleurs, je suis membre de l'association

21 internationale de médecine légale, je donne des conférences et je suis

22 membre du centre européen pour la paix et le développement.

23 M'occupant de problèmes liés à la torture dans la période récente, j'ai eu

24 l'occasion de rencontrer des détenus qui ont passé quelques temps dans les

25 camps de Bosnie-Herzégovine et de Croatie. Quelques-uns de mes articles

Page 5412

1 récents traitent de cette question. J'ai fait partie également d'une

2 commission dans le village de Glodjan qui a étudié les crimes commis au

3 Kosovo en 1998 en étudiant une fosse commune découverte dans ce village où

4 les cadavres ont été tués par des extrémistes albanais donc par des

5 terroristes. J'ai également fait partie de l'équipe qui a examiné les

6 victimes d'un massacre dans un autre village où j'étais avec une équipe

7 finlandaise, dirigée par Mme Hélène Harat. C'est tout ce que je peux dire.

8 Question Vous avez dit que vous aviez étudié plus particulièrement la

9 torture et que, dans le cadre de ce travail, vous avez rencontré d'anciens

10 détenus dans des camps. Vous a-t-il été donné de rencontrer des femmes

11 violées dans les circonstances de guerre?

12 Réponse: Oui. Dans la période entre 1993 et 1997 avec mon collègue, le Dr

13 Jovanovic que vous avez entendu ce matin, à plusieurs reprises, je me suis

14 rendu en Bosnie-Herzégovine et, à plusieurs reprises, nous avons examiné

15 les détenus des camps, des personnes qui ont séjourné dans les camps

16 musulmans et croates.

17 En même temps, nous avons examiné les personnes qui étaient pour ainsi

18 dire détenues dans des camps plus petits, de plus petite taille, parmi

19 lesquels se trouvaient quelques femmes qui avaient été violées. Je dois

20 dire qu'il s'agit d'un nombre restreint de femmes qui ont été examinées.

21 En réalité, ce sont les femmes qui avaient accepté d'en parler, qui

22 avaient accepté d'être examinées de la part de médecins.

23 Question En tenant compte de votre expérience professionnelle qui est

24 assez longue, avez-vous pu examiner des femmes violées qui n'avaient pas

25 opposé de résistance qu'il s'agisse des viols commis en temps de guerre ou

Page 5413

1 commis en temps de paix?

2 Réponse: Au cours de mon travail en tant que médecin-légiste dans

3 l'institut de la médecine légale à Belgrade, en temps de paix, j'ai une

4 expérience de 25 ans en tant que médecin-légiste. J'ai fait un grand

5 nombre d'examens, et dans ce groupe pour ainsi dire de femmes violées, je

6 n'ai jamais rencontré de femmes violées qui n'avaient pas été blessées

7 d'une façon ou d'une autre, de quelque façon que ce soit physiquement, qui

8 n'a pas eu de blessures corporelles. Concernant les femmes que j'ai

9 examinées dans les circonstances de guerre en Bosnie-Herzégovine, que j'ai

10 examinées sur place, toutes les femmes examinées avaient présenté des

11 blessures plus ou moins importantes. Je dois dire qu'il s'agit donc de

12 blessures corporelles et de blessures infligées aux organes sexuels. Je ne

13 parle pas de problèmes psychiques ou psychiatriques. Il y avait un autre

14 expert qui s'est occupé de cela. Au cours de mon travail, je n'ai jamais

15 rencontré de personnes qui ont été violées sans avoir subi de sévices

16 corporels.

17 Question : S'il vous plaît, pourriez-vous nous dire quel est le rôle de la

18 médecine légale dans ce processus de preuve, si on souhaite prouver qu'il

19 y a eu viol?

20 Réponse: Est-ce que vous essayez de raccourcir mon travail d'expert?

21 M. Hunt (interprétation): Vous n'obéissez pas vous-même à ce que vous avez

22 demandé, c'est-à-dire que vous n'attendez pas que les interprètes aient

23 fini leur interprétation.

24 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie, Monsieur le Juge, je me

25 suis laissé emporter quelque peu.

Page 5414

1 Réponse: Je dois vous faire part de la position de la médecine légale.

2 Je ne pense pas seulement à la médecine légale serbe ou yougoslave, c'est

3 une position générale appliquée partout dans le monde. A chaque fois qu'il

4 y a un acte criminel de viol ou qu'on pense qu'il y a eu un acte criminel

5 de viol, il est indispensable d'examiner cette personne. De plus, il a été

6 recommandé, ceci a été adopté, qu'à la fois la personne qui est accusée de

7 viol et la victime soient examinées.

8 Pourquoi? Eh bien, il y a plusieurs raisons pour lesquelles il est

9 nécessaire d'examiner la personne pour laquelle on a des doutes qu'elle

10 ait commis un viol. J'ai dit une personne pour laquelle, au sujet de

11 laquelle on a des doutes. Pourquoi je dis le doute? Parce que la médecine

12 légale est un art pragmatique, et donc, uniquement les choses qui ont été

13 prouvées, nous pouvons les adopter. Nous en tant que médecins, nous sommes

14 obligés d'examiner les victimes. Il s'agit aussi bien d'un examen physique

15 que psychiatrique parce que ce que nous recherchons chez les victimes de

16 viol, ce sont les séquelles justement, les séquelles qui vont fournir les

17 preuves acceptables, valables aux tribunaux pour appuyer ou non la thèse

18 présentée. C'est pourquoi il est indispensable d'évaluer s'il existe des

19 changements constitutionnels et fonctionnels qui empêchent l'acte sexuel.

20 Ensuite, nous devons examiner la personne pour voir quel est son état

21 psychique et physique au moment de l'examen, pour évaluer du point de vue

22 médical si cette personne simule, affabule ou bien dit la vérité.

23 Evidemment nous ne sommes pas les juristes, nous ne pouvons pas faire

24 cette évaluation, mais nous disposons d'un nombre suffisant d'outils pour

25 aider les Juges à juger de ces faits. C'est pourquoi nous sommes obligés

Page 5415

1 d'effectuer un examen complet.

2 Donc un examen physique comprend l'examen du corps tout entier, l'examen

3 des organes génitaux, l'évaluation de la constitution, du développement

4 physique de la personne, l'existence ou non de maladie qui aurait pu ou

5 pourrait empêcher cette femme éventuellement d'avoir un rapport sexuel

6 normal. Ceci représente la doctrine de la médecine légale.

7 A cause de ces raisons, cette doctrine a été acceptée chez nous, adoptée,

8 et je dois dire que cette médecine légale chez nous trouve ses origines

9 dans la lecture anglo-saxonne et dans l'école allemande de la médecine

10 légale d'avant la Première Guerre mondiale, car notre institut est l'un

11 des plus anciens sur les Balkans où nous respectons scrupuleusement cette

12 doctrine.

13 Pour cette raison, au moment où nous avons effectué nos recherches, quand

14 nous avons examiné les personnes en Bosnie-Herzégovine et ailleurs, toutes

15 les personnes qui ont subi la torture, c'est pour cela donc que nous avons

16 établi des questionnaires médicaux tels que réglementés par l'Association

17 mondiale de santé, pour essayer de trouver la vérité, une vérité qui

18 serait valable et qui pourrait être acceptée partout. Brièvement, je vous

19 ai dit quelle était la position de la médecine légale.

20 Question : Dans la théorie pénale, légale, aujourd'hui, on accepte de plus

21 en plus comme viol, les rapports vaginaux, annaux et oraux. Pourriez-vous

22 nous dire quelles sont les séquelles que la victime peut avoir lors d'une

23 éventuelle pénétration vaginale?

24 Réponse: Le viol, si on pense à une femme, le viol est plus fréquent

25 quand c'est l'effet d'une pénétration vaginale. Une pénétration par la

Page 5416

1 force de l'organe masculin peut provoquer des changements. Chaque

2 tentative de pénétration par la force est suivie, dans la plupart des cas,

3 par le changement sur le corps car un combat a eu lieu entre la victime et

4 l'auteur du viol. Moi, je parle des cas où il y a eu un conflit physique,

5 c'est-à-dire où une femme a été forcée à subir une pénétration, à subir un

6 acte sexuel. Ce qui est connu dans la pratique, c'est l'existence d'une

7 violence physique, la violence physique qui laisse un certain nombre de

8 séquelles. Ces séquelles sont les blessures sur le corps, les plaies qui

9 peuvent arriver tout de suite ou apparaître plus tard.

10 En ce qui concerne la pénétration vaginale par la force, si par exemple il

11 n'y a pas eu défloration parce que ce n'est pas le premier rapport sexuel

12 et si la personne a déjà été, la femme a déjà été déflorée par un acte

13 sexuel précédent, eh bien la pénétration par la force au début... Je vais

14 essayer de reformuler. Lors de la première pénétration de l'organe sexuel

15 masculin, il n'y a pas la lubrification du vagin, et donc il peut y avoir

16 des blessures dans l'organe sexuel féminin. Ces blessures peuvent être

17 aggravées et peuvent entraîner la souffrance physique, la douleur, les

18 blessures et mêmes les saignements. Ces changements sur le corps peuvent

19 représenter les preuves qu'un viol a été commis. En même temps, s'il y a

20 eu éjaculation, le fait de trouver des spermatozoïdes démontre avec sûreté

21 qu'il y a eu un acte sexuel sous contrainte. Ce sont les premiers éléments

22 que nous allons trouver.

23 En ce qui concerne les séquelles ultérieures d'un tel acte, les séquelles

24 que nous pouvons énumérer, qui peuvent être constatées, ces changements

25 tardifs vont être par exemple les blessures qui se trouvent sur les

Page 5417

1 organes sexuels ou sur les corps; des lésions, s'il y a eu d'autres

2 lésions, les lésions des muqueuses, des organes sexuels, c'est-à-dire les

3 blessures, les plaies ou les changements au niveau du col de l'utérus.

4 Eh bien, ces changements, ces lésions vont guérir. A leur place

5 apparaîtront avec le temps les cicatrices. Elles peuvent être constatées

6 lors d'un examen, on peut les mettre en rapport avec un acte sexuel. Ceci

7 est aussi le cas en cas de lésions sur le corps éventuelles, par exemple

8 s'il y a eu des plaies, des blessures sur le corps, n'importe où sur le

9 corps, au moment du conflit physique. Eh bien même si le temps passe, on

10 peut trouver la trace de ces séquelles, de ces lésions.

11 Question Quelle est la situation concernant les lésions en cas d'un

12 rapport sexuel anal?

13 Réponse: De même que, comme c'est le cas au moment d'un acte sexuel

14 vaginal avec une pénétration annale, surtout s'il s'agit d'une pénétration

15 par la force, on peut constater différents changements au niveau des

16 muqueuses au niveau de l'anus, de la première partie de l'anus. Il peut

17 s'agir aussi bien de lésions peu profondes que de lésions profondes des

18 muqueuses, de la masse musculaire ou même du sphincter anal. Si ces

19 blessures sont extrêmement profondes à ce niveau, alors on peut constater

20 des cicatrices et des changements au niveau du sphincter annal et les

21 problèmes avec les selles.

22 Je peux vous faire part de mon expérience pendant que je travaillais avec

23 les victimes sur le territoire de Bosnie-Herzégovine. En ce qui concerne

24 les personnes plus jeunes, les personnes de moins de 17, 18 ans par

25 exemple et pour les personnes bien plus âgées -je pense aux femmes de plus

Page 5418

1 de 40 ans- des femmes âgées donc, lors d'un interview, nous avons posé la

2 question de savoir si un rapport anal avait eu lieu. Ces femmes ne

3 savaient pas que nous répondre. Pour elles, un rapport anal veut dire

4 qu'un homme prend une femme par derrière car il s'agit de femmes qui ont

5 un niveau d'éducation peu élevé ou pratiquement illettrées.

6 Nous, les médecins et les juristes, bien sûr, quand nous disons un rapport

7 sexuel anal, nous pensons à la pénétration de l'organe sexuel masculin

8 dans l'anus de la victime. Je pense que votre question allait dans ce

9 sens. Evidemment, dans ce cas-là, les lésions, les séquelles peuvent être

10 évidemment plus ou moins intenses. Ces séquelles peuvent être identifiées

11 même avec le passage du temps dans le cas où il s'agissait de lésions

12 importantes ou profondes.

13 Question Peut-il y avoir des séquelles lors d'un rapport sexuel oral? Si

14 oui, quelle est la nature de ces séquelles?

15 Réponse: Le nombre le plus restreint de séquelles apparaît au cas où il

16 s'agissait d'un rapport sexuel oral. Ces séquelles sont très rares, ce

17 sont des séquelles de caractère passager, sauf dans les cas où la femme

18 avait été contrainte à subir cet acte sexuel. Par exemple si on lui a

19 ouvert la bouche par la force où il peut y avoir des lésions au niveau des

20 muqueuses de la bouche ou des gencives. Pour ce type de rapport sexuel,

21 nous avons vu peu de séquelles. La seule façon de procéder serait de

22 procéder, de prendre un frottis oral, buccal, d'immédiatement vérifier, de

23 faire un prélèvement et d'identifier immédiatement la présence de

24 spermatozoïdes dans la cavité buccale, dans le cas où il y a eu

25 éjaculation.

Page 5419

1 Question S'il vous plaît, pourriez-nous nous dire quelles sont les

2 séquelles que nous pouvons identifier, les séquelles d'un acte sexuel de

3 force? Quelles sont les séquelles que l'on peut identifier bien plus tard?

4 Réponse: Par exemple, les changements de muqueuse des organes sexuels,

5 les muqueuses des organes sexuels de l'anus, les changements dans les

6 muqueuses, dans ces parties-là peuvent rester bien longtemps après leur

7 première apparition en se manifestant sous la forme de cicatrices. Ceci

8 permet à la médecine légale d'exiger l'examen de chaque victime. Ces

9 séquelles, ces blessures peuvent être très compliquées. Et à part ces

10 séquelles corporelles qui peuvent apparaître au niveau des organes sexuels

11 ou aux alentours s'il y a eu des rapports sexuels forcés, sont souvent

12 combinés avec les problèmes psychiques qui peuvent se manifester par

13 exemple comme une stérilité de longue ou courte durée ou bien par des

14 problèmes liés au cycle menstruel des femmes. Tout ceci, nous ne pouvons

15 pas le savoir en tant que médecin sans avoir examiné les victimes.

16 Question: Concernant les séquelles qui peuvent apparaître à cause d'une

17 pénétration par force, quelles sont les séquelles qui disparaissent peu de

18 temps après l'acte?

19 Réponse: Si nous parlons d'un rapport sexuel vaginal, d'une pénétration

20 vaginale, eh bien les séquelles qui vont disparaître sont les changements

21 au niveau des muqueuses ou les changements qui peuvent apparaître lors de

22 tout rapport sexuel normal. Il peut y avoir l’enflement, des rougeurs,

23 éventuellement des hématomes. Ces changements sont de courte durée et

24 peuvent durer 24 ou 48 heures, cela dépend de la constitution de la

25 personne qui a eu un rapport avec un homme normalement constitué. Donc

Page 5420

1 cela dépendra de la constitution de la femme et de l‘homme.

2 Ce sont des séquelles à courte durée qui ne peuvent être identifiées que

3 très peu de temps après l'acte. Toutes les autres séquelles, les séquelles

4 plus profondes, plus graves, par exemple les blessures, les lésions, la

5 déchirure de la masse musculaire au niveau du vagin ou du rectum, eh bien

6 toutes ces lésions doivent laisser des cicatrices et ces cicatrices

7 peuvent être identifiées très longtemps après.

8 Question: Est-ce qu'en ce qui concerne les rapports anaux, la situation

9 est la même?

10 Réponse: Oui, la situation est la même. Les séquelles précoces peuvent

11 être identifiées au tout début, après, il y a les cicatrices. Moi, je n'ai

12 pas parlé de l'infection qui peut aussi arriver au moment de l'acte sexuel

13 car toutes ces lésions peuvent se compliquer, être aggravées par une

14 infection qui arrive souvent. C'est pourquoi il est nécessaire d'examiner

15 la personne très rapidement. Si on constate qu'une infection a bien

16 existé, il est nécessaire de le déterminer et de voir ou de dire s'il y a

17 eu des séquelles d'une éventuelle infection.

18 M. Kolesar (interprétation): Je pense que nous arrivons à la fin de nos

19 questions pour aujourd'hui. Est-ce que je vous ai bien compris quand j'ai

20 compris que la défense ne peut plus entrer en contact avec le témoin? Je

21 vous ai déjà dit pour quelles raison nous demandons de pouvoir contacter,

22 de pouvoir parler avec notre témoin encore une fois aujourd'hui.

23 M. Hunt (interprétation): Vous venez de dire que vous avez parlé avec ce

24 témoin samedi. Je ne comprends pas pourquoi vous avez besoin de plus de

25 temps. Je dois vous rappeler que nous sommes intéressés uniquement par les

Page 5421

1 informations supplémentaires par rapport à son rapport d'expert. Donc je

2 voudrais savoir pourquoi vous avez besoin de plus de temps? Vous avez eu

3 deux jours!

4 M. Kolesar (interprétation): Monsieur le Juge, nous n'avons pas besoin de

5 parler avec le Pr Dunjic pour le préparer, pour parler avec lui. Mais nous

6 souhaitons contacter, parler avec le témoin expert Raskovic. Je vous ai

7 posé cette question pour savoir si nous avons le droit ou non de garder un

8 contact avec ce témoin ou cet autre témoin. C'est juste pour savoir

9 exactement quels sont nos droits. Je ne voudrais pas qu'en tant que

10 conseils ou tant qu'experts nous soyons amenés à une situation difficile.

11 Mme la Présidente (interprétation): Monsieur Kolesar, puisque ce témoin

12 est un témoin expert qui, nous l'espérons, va nous faire part de son avis

13 d'expert, vous êtes autorisé à le voir et à lui parler avant l'audience de

14 demain matin. Nous suspendons l'audience et nous reprenons demain matin à

15 9 heures 30.

16 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie, Madame la Présidente.

17 (L’audience est levée à 16 heures 05.)

18

19

20

21

22

23

24

25