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1 (Mardi 12 septembre 2000.)
2 (Audience publique.)
3 (Le témoin, M. Dunjic, est introduit dans le prétoire.)
4 (L'audience est ouverte à 9 heures 35.)
5 Mme la Présidente (interprétation): Madame la Greffière, pouvez-vous
6 annoncer l'affaire, s'il vous plaît.
7 Mme Lauer: IT-96-23, le Procureur contre M. Dragoljub Kunarac, M. Radomir
8 Kovac, M. Zoran Vukovic.
9 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour, Monsieur le témoin.
10 M. Dunjic (interprétation): Bonjour.
11 Mme la Présidente (interprétation): Nous allons continuer ce matin avec
12 l'interrogatoire principal. Maître Kolesar va vous poser des questions.
13 Maître Kolesar, la Chambre souhaiterait vous rappeler à nouveau que nous
14 avons bien reçu l'expertise du témoin par écrit, et donc vous pouvez vous
15 contenter de poser des questions qui vont au-delà de ce texte écrit.
16 Merci.
17 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie Madame la Présidente. Je
18 vais essayer de me conformer à la demande de la Chambre et de travailler
19 de façon rapide et efficace. Je vais poser des questions de sorte à
20 expliciter les points qui n'ont pas été suffisamment explicités dans le
21 rapport écrit de l'expert.
22 Mme la Présidente (interprétation): Merci.
23 M. Kolesar (interprétation): Bonjour Monsieur le Professeur.
24 M. Dunjic (interprétation): Bonjour.
25 Question: Hier, nous avons parlé des séquelles qui peuvent arriver suite à
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1 des actes violents. La dernière question que je vous ai posée était de
2 savoir quelles étaient les séquelles à court terme, les séquelles qui
3 peuvent arriver très rapidement après de tels actes et qui disparaissent
4 plus tard. La question suivante que je vous pose, c'est de me dire quelles
5 sont les séquelles lors d'un rapport vaginal forcé et les séquelles qui
6 pourraient arriver lors de rapports répétés, les séquelles qui arrivent
7 peu de temps après, c'est-à-dire plusieurs heures ou un jour après ce
8 rapport?
9 Réponse: Hier, j'ai parlé de plusieurs situations où il y a des lésions
10 lors de rapports sexuels forcés entre une femme et un homme. Il s'agit
11 avant tout d'un rapport sexuel vaginal. Je vais donc me contenter de vous
12 parler de lésions qui peuvent arriver lors d'un rapport sexuel vaginal
13 forcé. Je voudrais vous rappeler à nouveau qu'au moment d'un rapport
14 sexuel vaginal entre un homme et une femme normale donc, il y a des
15 changements arrivent qui sont provoqués par la constitution physiologique
16 d'un homme et d'une femme.
17 Lorsqu'il y a un rapport volontaire, le vagin réagit normalement avec les
18 muqueuses qui sont présentes, mais s'il s'agit d'un rapport sexuel forcé
19 il n'y a pas suffisamment de liquide vaginal, de sorte que les organes
20 sexuels de la femme peuvent subir des lésions. S'il s'agit d'un rapport
21 violent contre la volonté de la femme, ces lésions peuvent être plus
22 profondes. S'il y a plusieurs rapports sexuels qui se suivent ou bien qui
23 sont perpétrés par différents auteurs dans un laps de temps très
24 restreint, ces lésions peuvent devenir plus graves, plus profondes, elles
25 peuvent affecter les tissus musculaires et mêmes affecter le corps de
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1 l'utérus. Quand ces rapports deviennent plus fréquents, les lésions
2 deviennent aussi plus profondes et les séquelles vont être de longue
3 durée, laissant des cicatrices au niveau du tissu musculaire par exemple
4 ou bien au niveau des muqueuses du vagin.
5 Question: Est-ce que c'est le même cas lors d'un rapport anal?
6 Réponse: Oui. En cas de rapport sexuel anal...
7 Question: Je vais répéter ma question. En est-il de même lors d'une
8 pénétration annale?
9 Réponse: Oui. Chaque lésion, qui peut arriver lors d'une première
10 pénétration, en supposant qu'il y a eu une lésion, eh bien, cette lésion
11 peut s'aggraver lors de prochains actes sexuels. Il peut y avoir des
12 lésions pour les différents tissus à partir des muqueuses jusqu'aux tissus
13 musculaires. Les lésions peuvent aussi affecter les sphincters anneaux.
14 Nous, en tant que médecin légiste, ce que nous recherchons en cas d'un
15 rapport sexuel violent; eh bien, nous allons rechercher ces séquelles qui
16 vont témoigner d'un rapport sexuel par la force, d'une pénétration dans
17 une partie du corps.
18 Question: Est-ce que la constitution de la personne va jouer un rôle par
19 rapport à ces séquelles? C'est-à-dire la constitution des organes
20 génitaux, la constitution du corps de la victime, etc.?
21 Réponse: Une des raisons pour laquelle le médecin légiste insiste sur
22 l'examen de la victime réside précisément dans ces faits. C'est-à-dire
23 qu'il est indispensable d'estimer la constitution, le développement de la
24 personne. De la victime, mais surtout tout donc la femme en tant que telle
25 en général, mais aussi le développement, la constitution des organes
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1 génitaux.
2 Qu'est-ce que cela veut dire?
3 Eh bien, il arrive qu'il existe des anomalies qui préexistent au niveau
4 des organes génitaux qui vont empêcher la pénétration de l'organe
5 masculin. Il s'agit d'anomalies constitutionnelles où par exemple les
6 organes génitaux ne vont pas être suffisamment développés ne permettant
7 pas à la personne, à la femme d'avoir des rapports sexuels. Donc, toutes
8 ces affectations peuvent affecter par exemple les organes génitaux
9 extérieurs ou bien le vagin. A cause de toutes ces affectations par
10 exemple, une personne ne peut pas avoir de rapport sexuel.
11 Nous effectuons donc tous ces examens pour établir si une personne est en
12 mesure d'avoir des rapports sexuels en général. Si elle n'est pas capable
13 d'avoir des rapports sexuels, nous allons rechercher les séquelles, les
14 lésions particulières. J'ai donc parlé des anomalies qui empêchent les
15 rapports sexuels.
16 De l'autre côté, il existe aussi des problèmes fonctionnels qui peuvent
17 survenir chez les personnes plus jeunes, les personnes qui ont moins de 18
18 ans. Ces problèmes fonctionnels surviennent en cas de viol le plus
19 souvent. Il s'agit d'une affection qui s'appelle le vaginisme. Il s'agit
20 donc des contractions de l'organe sexuel, du vagin, qui empêchent la
21 pénétration de l'organe masculin. Il s'agit donc aussi bien d'une
22 affectation physique, physiologique mais aussi cette affectation est liée
23 au stress qui va empêcher un rapport sexuel normal.
24 Ceci peut donc survenir chez les femmes qui ont été violées et va empêcher
25 des rapports sexuels, même les rapports sexuels volontaires normaux avec
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1 un partenaire. Ces problèmes d'ordre fonctionnel sont aussi importants
2 pour un médecin quand il doit évaluer les séquelles qu’a subi une victime
3 de viol. Je dois dire aussi que nous nous trouvons souvent dans la
4 situation où nous demandons, nous exigeons, l'examen de l'auteur du viol,
5 de la personne qui est suspectée d'avoir violé, pour vérifier s'il y a des
6 anomalies au niveau des organes génitaux de l'homme qui l'auraient
7 empêché, par exemple, d'effectuer, d'accomplir un acte sexuel.
8 Dans l'histoire de la médecine légale, il est arrivé que des femmes, par
9 exemple à cause de la honte ou des circonstances, lorsqu'elles ont eu un
10 acte, un rapport sexuel volontaire, elles ont pourtant dit, elles ont dit
11 qu'elles ont été violées. Pour ces raisons, il est indispensable
12 d'examiner la victime mais aussi la personne qui est suspectée d'avoir
13 violé la victime.
14 Question: Les séquelles qui surviennent lors des pénétrations forcées
15 vaginales et anales, est-ce que ces séquelles demandent des soins
16 médicaux? Si oui, pourriez-vous nous les décrire?
17 Réponse: En tout cas, le médecin considère qu'il faut soigner ces
18 personnes. Il faut les aider du point de vue thérapeutique,. en tout cas
19 les séquelles qui surviennent, par exemple une hémorragie, une infection
20 ou bien une conception. Donc la première chose serait d'aider ces
21 personnes en empêchant l'hémorragie ou bien en soignant l'infection.
22 Ensuite, un médecin doit le plus rapidement possible constater tous les
23 signes de rapports sexuels forcés, par la force, et vérifier, constater
24 toutes les lésions sur le corps et sur les organes génitaux.
25 Donc, d'une part, il faut soigner la personne, fournir une aide médicale
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1 urgente et ensuite, détecter toutes les lésions, tout ce qui va aider à
2 identifier le viol et à identifier éventuellement l'auteur du viol par des
3 prélèvements vaginaux, oraux, etc.
4 D'une part, il y a un aspect médical, d'autre part un aspect médico-légal.
5 Question: Je voudrais savoir une chose: quelle peut être la durée
6 d'hémorragie en cas d'un rapport vaginal forcé?
7 Réponse: Les hémorragies... Quand nous parlons d'hémorragie, il faut
8 avoir en tête deux choses. D'abord un rapport sexuel, un premier rapport
9 sexuel au moment où l'hymen a été déchiré ou bien des saignements suite à
10 des blessures. S'il s'agit de lésions profondes qui comprennent des
11 déchirures musculaires par exemple, eh bien ces saignements peuvent durer
12 plus longtemps, une demi-heure, une heure, mais je ne veux pas me limiter
13 dans le temps puisque la réaction va être individualisée.
14 Ensuite, si l'acte sexuel, la pénétration, le viol est réitéré et si donc
15 on infecte à nouveau ces lésions qui sont déjà survenues lors d'un premier
16 acte sexuel, ces lésions deviennent plus graves. C'est donc ces blessures,
17 que ce soit au niveau vaginal ou anal qui sont susceptibles de s'infecter.
18 Pour cela, c'est important d'examiner la personne pour vérifier si une
19 infection a eu lieu.
20 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar, pourriez-vous nous
21 dire dans quelle mesure tout ce que vous demandez au témoin est pertinent
22 par rapport à cette affaire. Vous vous souvenez que vous avez demandé
23 l'examen des victimes et vous vous souvenez de la décision de la Chambre.
24 Nous avons dit que l'accusation ne s'appuie pas sur les preuves médicales.
25 Donc, pourriez-vous nous expliquer quelle est la pertinence de tout cela.
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1 Nous considérons que toutes ces explications ne sont pas pertinentes pour
2 la Chambre.
3 M. Kolesar (interprétation): Je comprends votre point de vue, Madame la
4 Présidente. Je me souviens très bien de la décision de la Chambre par
5 laquelle la Chambre a refusé l'examen médical. J'ai considéré que, par le
6 biais de l'expert médical, nous allons pouvoir déterminer les faits
7 pertinents qui ont un lien avec les affirmations des témoins, plus
8 précisément concernant les prétendus rapports sexuels forcés vaginaux ou
9 de pénétrations vaginales ou annales qu'elles prétendent avoir subi. Nous
10 pensons donc que ceci est pertinent pour déterminer la torture,
11 l'existence de la torture et du viol, et nous considérons que tout ceci
12 est aussi pertinent concernant les circonstances qui vont influer la
13 peine.
14 Mme la Présidente (interprétation): La Chambre souhaite vous rappeler que
15 nous n'avons pas besoin de connaître tous les détails concernant toutes
16 les blessures, toutes les lésions. Tous ces détails ne sont pas importants
17 pour la Chambre puisque vous devez avoir en tête la teneur de l'acte
18 d'accusation. Si vous vous souciez de la peine que va déterminer la
19 Chambre, eh bien nous pouvons traiter cela de façon plus rapide. Nous
20 avons déjà reçu l'opinion écrite de l'expert et nous n'avons pas besoin de
21 plus de détails. La Chambre considère que ceci n'est pas pertinent pour la
22 Chambre de connaître tous ces détails. De toute façon, ceci ne correspond
23 pas à la façon dont l'accusation a présenté ses arguments.
24 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, l'accusation, lors de
25 la présentation de ses moyens de preuve, a prétendu qu'il y a eu des viols
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1 à plusieurs reprises qui se sont produits au cours d'une même journée ou
2 bien au cours de plusieurs jours. Nous considérons qu'il est important de
3 déterminer si tout cela est possible. C'est pour cela que j'ai mené mon
4 interrogatoire comme ceci. Mais si la Chambre refuse que nous continuions
5 l'interrogatoire dans ce sens, je vais essayer, je vais m'efforcer
6 d'examiner d'une autre façon le témoin.
7 Mme la Présidente (interprétation): Je vous en prie, essayez de poser les
8 questions de manière différente et de le faire le plus rapidement
9 possible.
10 M. Kolesar (interprétation): Merci, Madame la Présidente.
11 Vous avez eu l'occasion de lire les déclarations des différents témoins?
12 M. Dunjic (interprétation): Oui.
13 Question: Je vais vous rappeler la déclaration du témoin 48 qui a dit que
14 l'auteur du viol lui a mordu les seins, les mamelons. Est-ce que vous
15 pourriez nous dire quelle est la nature de ces blessures? Est-ce-que ces
16 blessures laissent les séquelles permanentes? Est-ce que ce genre de
17 lésions peuvent être vérifiées?
18 Réponse: Les morsures infligées par les dents d'un homme vont infecter la
19 surface cutanée qui va être abîmée, et si on dit qu'il y a eu des
20 saignements, ceci veut dire que la peau a été affectée à un niveau plus
21 profond. Donc, l'apparition d'une blessure au niveau cutané -je ralentis à
22 cause de la traduction- l'apparition d'une lésion cutanée au moment de la
23 cicatrisation va provoquer une cicatrice. Cette cicatrice peut être
24 vérifiée bien plus tard, plusieurs années plus tard, ceci représente une
25 preuve objective qu'à cet endroit du corps il y a eu une lésion.
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1 Ce qui est très important pour la médecine légale est que, par exemple, la
2 forme de la dentition de l'auteur peut permettre à identifier l'auteur de
3 cette morsure. Au moment où nous examinons la victime, nous sommes en
4 mesure d'identifier l'auteur de la morsure; si par exemple il y a un
5 problème au niveau de sa dentition, de la formation de sa mâchoire, etc.,
6 et si effectivement cet examen a été effectué suffisamment tôt. Si en
7 revanche, cet examen a eu lieu plus tard, il est difficile d'évaluer le
8 moment où la morsure est apparue. La morsure humaine provoque des
9 séquelles caractéristiques qui nous permettent, entre autres, d'identifier
10 l'auteur.
11 Question: Le témoin a dit qu'elle a subi un incident cérébral, un accident
12 cérébral. Est-ce que vous pourriez nous dire si cette attaque peut avoir
13 un lien avec le viol?
14 Réponse: Je voudrais savoir à quel moment cet accident a eu lieu?
15 Question: Malheureusement, nous n'avons pas cette donnée.
16 Réponse: Moi, je ne peux pas faire un lien avec cet accident cérébral et
17 le viol, si par exemple ceci est arrivé plus tard. Donc il y a un certain
18 nombre de facteurs qui prédisposent une personne à subir une telle attaque
19 cérébrale.
20 Mme la Présidente (interprétation): Maître Kolesar, nous avons toujours
21 l'impression que tout ceci n'est pas pertinent. Les détails que vous
22 demandez à ce témoin ne sont pas pertinents. A nouveau, les moyens de
23 preuve de l'accusation ne consistaient pas en preuves médicales.
24 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, pour autant que je le
25 sache, ce que le témoin vient de nous dire ne se trouve pas dans son
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1 opinion écrite. C'est pourquoi je souhaitais lui poser cette question pour
2 qu'il en informe la Chambre.
3 Mme la Présidente (interprétation): Mais nous n'avons pas besoin de cela.
4 M. Hunt (interprétation): Maître Kolesar, ce témoin particulier a
5 témoigné, il a témoigné pas en tant qu'expert mais en tant que profane. Si
6 vous voulez bien, je vais rafraîchir votre mémoire. Il n'y a pas eu de
7 preuves concernant les attaques, une attaque cérébrale à l'époque où cela
8 est arrivé, n'est-ce pas?
9 M. Kolesar (interprétation): Oui, c'est pour cela que je souhaite poser
10 les questions allant dans ce sens.
11 M. Hunt (interprétation): Non, non, non. La question que je vous ai
12 posée…, j'ai voulu vous dire que l'accusation n'a pas présenté de preuves
13 médicales pour vérifier cette attaque cérébrale, cet accident vasculaire,
14 cérébral. Corrigez-moi si j'ai tort!
15 M. Kolesar (interprétation): Non, vous n'avez pas tort. Moi, j'ai voulu
16 vous expliquer...
17 M. Hunt (interprétation): Bien, si c'est comme cela, si c'est exact, alors
18 tout ce que vous nous dites, c'est que si l'accusation avait mené un tel
19 interrogatoire, vous auriez été capable vous basant sur les questions
20 posées par le Procureur, vous auriez été en mesure de poser les questions
21 concernant cette attaque cérébrale.
22 M. Kolesar (interprétation): Ce que je souhaite dire, c'est que le témoin
23 a déclaré avoir subi une telle attaque et, moi, je ne voudrais pas que,
24 demain, on dise que cette attaque était la séquelle naturelle du viol.
25 C'est pour cela que j'ai voulu...
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1 M. Hunt (interprétation): Non, non, si j'ai bien compris le témoignage de
2 ce témoin expert, il dit que si on avait examiné le témoin suffisamment
3 vite, on aurait pu établir si cet accident cardio-vasculaire avait un
4 rapport ou non avec le viol. Mais ce qu'il dit, c'est que finalement,
5 aujourd'hui, nous ne sommes pas en mesure, les médecins ne sont pas en
6 mesure d'établir si cet accident a un rapport avec le viol ou non. Ceci
7 n'est pas le cas et le Procureur n'a pas présenté de telles preuves. Vous
8 posez donc des questions qui ne sont absolument pas pertinentes.
9 M. Kolesar (interprétation): Merci, est-ce que je peux continuer.
10 Je vais vous rappeler le témoignage, la déposition du témoin 95. Elle a
11 déclaré qu'on a éteint les cigarettes sur son corps, qu'elle a eu des
12 brûlures de cigarette sur sa peau.
13 M. Hunt (interprétation): Est-ce que vous dites qu'on a allumé les
14 cigarettes ou qu’on a éteint les cigarettes?
15 M. Kolesar (interprétation): Elle a déclaré qu'on a éteint les cigarettes
16 sur son corps.
17 M. Dunjic (interprétation): Le fait déteindre une cigarette sur n'importe
18 quelle partie du corps que ce soit crée une impression de brûlure qui
19 endommage les parties supérieures de la peau. Par la suite, s'il n'y a pas
20 eu infection, ceci laisse une cicatrice tout à fait caractéristique, en
21 général de forme arrondie. Je dois dire que parmi mes patients, j'ai
22 rencontré un grand nombre de personnes qui ont subi diverses formes de
23 tortures.
24 J'ai déjà dit avoir examiné des personnes ayant vécu ces tortures, qui
25 m'ont montré les cicatrices qu'elles avaient sur le corps. Et d'un point
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1 de vue légal, ces cicatrices dont nous parlons maintenant sont tout à fait
2 intéressantes car elles ont cette forme arrondie assez particulière, si
3 bien entendu il n'y a pas eu, après l'extinction des cigarettes, une
4 infection.
5 S'il y a eu extinction de cigarette qui a laissé ce genre de cicatrices
6 sur la peau, c'est un élément tout à fait vérifiable encore aujourd'hui.
7 Ce qui constitue la preuve que la chose c'est bien passée.
8 M. Kolesar (interprétation): Deux témoins, le témoin 87 et le témoin 75,
9 affirment avoir subi un viol anal à plusieurs reprises, et de la part de
10 plusieurs personnes. Ceci peut-il produire des séquelles durables au
11 niveau anal?
12 Mme la Présidente (interprétation): Nous avons déjà parlé de cela Maître
13 Kolesar, si vous vous en rappelez. Vous avez déjà demandé au docteur de
14 parler des séquelles du viol oral, anal et vaginal. Vous vous rappelez,
15 n'est-ce pas? Vous avez demandé ensuite s'il était possible de trouver
16 dans des cas de ce genre des lésions permanentes sur le corps?
17 M. Kolesar (interprétation): Oui, en effet.
18 Mme la Présidente (interprétation): Ne répétons donc pas.
19 M. Kolesar (interprétation): Très bien, j'en terminerai donc.
20 Monsieur le témoin, pouvez-vous nous dire la chose suivante: en tant
21 qu'expert médical, vous pouvez vous prononcer sans examiner en détail tous
22 les témoins, toutes les victimes. Donc, vous pouvez vous prononcer au
23 sujet des blessures subies en raison du viol ou d'autres actions de
24 violence, n'est-ce pas?
25 M. Dunjic (interprétation): Je pense que personne en l'absence d'un examen
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1 ne peut confirmer s'il y a quelque séquelle que ce soit d'un acte sexuel
2 commis sous la contrainte, aussi bien au niveau des organes génitaux que
3 dans le reste du corps. On connaît bien le fait en médecine qu'une femme
4 adulte, en bonne santé, normale, peut sans difficulté se soustraire à un
5 acte sexuel. A nos yeux, médecins, c'est le seul fait qu'il est possible
6 de commenter.
7 Autrement dit, je suis dans l'incapacité de me prononcer de façon décisive
8 sur le plan médical quant au fait qu'il y a eu des séquelles et quant à la
9 nature de ces séquelles éventuellement dues à un acte sexuel commis sous
10 la contrainte. Je parle bien du point de vue d'un médecin. Pour me
11 prononcer, il faut un examen.
12 Par conséquent, j'ai examiné tous les documents qui m'ont été remis,
13 toutes les déclarations des témoins qui ont été entendus. S'agissant de
14 tous ces documents, je considère qu'il est indispensable -je pense que
15 n’importe quel autre médecin qui serait à ma place parlerait de même-, je
16 pense qu'il est indispensable de procéder à une examen pour vérifier s'il
17 y a des séquelles et si ces séquelles existent quelle est leur importance,
18 leur gravité et où elles se situent.
19 C'est simplement après un examen somatique, en outre, également, qu'un
20 médecin peut se prononcer pour dire s'il y a eu ou s’il n’y a pas eu acte
21 de ce genre.
22 Question: Nous vous avons remis un certain nombre d’éléments de preuve
23 avec l'autorisation de la Chambre et seule la déclaration du témoin 205
24 est assortie d'une documentation médicale. Je vous demande si le
25 diagnostic qui est posé dans ces documents comporte des éléments qui
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1 peuvent exister lorsqu’il y a eu acte sexuel sous la contrainte?
2 Réponse: Oui, ce sont les seuls de document médicaux que j'ai reçus pour
3 un témoin. J'ai écrit un certain nombre de choses à ce sujet que j'ai
4 communiquées au Tribunal. Il y a des éléments dans ce diagnostic qui
5 pourraient faire penser à un acte sexuel sous la contrainte, à savoir
6 infections et saignements.
7 Cependant, compte tenu de la nature tout à fait spécifique de la
8 situation, il est possible de vérifier les choses d'une certaine façon
9 pour voir si ces saignements et cette infection ne seraient pas d'une
10 autre origine. Autrement dit, est-ce que, outre cette infection et ces
11 saignements, il y a certaines lésions au niveau des organes génitaux ou
12 bien si ces saignements sont le résultat d'un autre problème interne. Nous
13 avons donc des éléments qui peuvent être interprétés, qui peuvent être
14 utilisés. Moi, je les ai interprétés. J'ai mis mon jugement par écrit.
15 Mais maintenant il faudrait, en tant qu'expert, vérifier si ces
16 saignements sont les conséquences d'une tumeur de l'utérus, à savoir un
17 myome par exemple ou bien si c’était la seule conséquence de l’acte sexuel
18 sous la contrainte.
19 M. Kolesar (interprétation): Très bien Madame la Présidente, je n'ai plus
20 de questions.
21 Mme la Présidente (interprétation): Merci Maître Kolesar. Nous avons donc
22 reçu l'avis de ce témoin signé également par le Dr Jovanovic. Ce document
23 a été déposé, son curriculum vitae également. Pouvez-vous lui demander
24 s'il est toujours d'accord avec le contenu de ces documents?
25 M. Kolesar (interprétation): Je n'ai pas peut-être tout à fait bien
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1 compris ce que vous m’avez dit Madame la Présidente. Le rapport écrit et
2 l'avis conjoint du Dr Jovanovic et de ce témoin ont été versés au dossier,
3 ainsi que le curriculum vitae du Dr Jovanovic. Je demanderai donc que le
4 curriculum vitae du Dr Dunjic soit également versé au dossier en tant
5 qu'élément de preuve.
6 Mme la Présidente (interprétation): Oui, mais la question que je vous
7 posais consistait à vous prier de demander… D'ailleurs je vais le faire.
8 Je demande au témoin s'il maintient toujours l'avis qu'il a exprimé dans
9 ce rapport conjoint rédigé avec le Dr Jovanovic?
10 M. Dunjic (interprétation): Oui.
11 Mme la Présidente (interprétation): Je sais que ce document a été versé
12 hier mais comme ce témoin y a eu sa part, il importe qu'il confirme cela
13 également. Et le curriculum vitae… La cote, s'il vous plaît.
14 Mme Lauer: …prendra la cote D148 des pièces de la défense.
15 Mme la Présidente (interprétation): Merci. Y a-t-il contre-interrogatoire?
16 M. Jovanovic (interprétation): Madame la Présidente…
17 Mme la Présidente (interprétation): Vous voulez aussi poser des questions
18 Maître Jovanovic?
19 M. Jovanovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente. J'ai deux
20 questions. J'en ai prévenu les collègues du Bureau du Procureur.
21 Mme la Présidente (interprétation): Oui, je vois. Dans ce cas, vous pouvez
22 procéder et interroger le témoin.
23 (Interrogatoire principal du témoin, Dusan Dunjic, par M. Jovanovic)
24 M. Jovanovic (interprétation): Merci, Madame la Présidente.
25 Docteur, si après une lésion mécanique il y a eu rupture des testicules,
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1 pouvez-vous nous dire quelles peuvent être éventuellement les conséquences
2 immédiates et durables d'une telle blessure?
3 M. Dunjic (interprétation): Une telle lésion provoque l'impossibilité de
4 l'acte sexuel ou rend l'acte sexuel plus difficile.
5 Question: Dans quels délais? C'est cela que je vous demande. Je vous
6 demande également si une telle lésion peut être détectable aujourd'hui si
7 elle a été subie il y a 7 ou 8 ans.
8 Réponse: Les lésions de testicule chez l'homme sont une lésion
9 relativement externe. Si elle a été due à une cause mécanique, comme vous
10 l'avez dit, les conséquences peuvent être multiples: la rupture, terme que
11 vous avez utilisé, ou bien création d'un hématome de très grande
12 dimension. Guérir une telle lésion prend pas mal de temps. Cela peut durer
13 plus d'un mois. Donc l'aspect aigu de la lésion dure pendant à peu près un
14 mois.
15 Il faut ajouter qu'en présence d'une telle blessure la miction est rendue
16 plus difficile ainsi que différentes autres activités, et l'acte sexuel
17 quant à lui est pratiquement impossible. S'il y a acte sexuel, la douleur
18 et son influence sur l'inconscient risquent de rendre impossible toute
19 érection par la suite. J'ai bien dit que je parlais là de l'aspect aigu de
20 la situation qui dure à peu près un mois, en tout cas en général.
21 Si vous m'interrogez sur les séquelles durables d'une telle action, elles
22 ne peuvent être constatées qu'à la suite d'un examen en bonne et due
23 forme. S'il y a eu rupture de testicule avec création d'un hématome donc
24 effusion de sang à ce niveau, on voit des cicatrices fibreuses apparaître.
25 Ces cicatrices peuvent bien sûr être observées par la suite également.
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1 M. Jovanovic (interprétation): Merci, Docteur.
2 Merci, Madame la Présidente. Je n'ai pas d'autres questions pour ce
3 témoin.
4 Mme la Présidente (interprétation): J'étais sur le point de vous demander
5 quelle était la pertinence de cette partie de la déposition puisqu'il n'y
6 a aucune allégation en défense sur ce point.
7 (Contre-interrogatoire du témoin, M. Dunjic, par Mme Kuo)
8 Mme Kuo (interprétation): Merci, Madame la Présidente. Bonjour Monsieur le
9 Témoin.
10 Vous avez vous-même, Professeur Dunjic, reconnu qu'il existait une
11 différence entre un expert juridique et un expert médical, n'est-ce pas?
12 M. Dunjic (interprétation): Je n'ai pas parlé d'expert légal. J'ai parlé
13 de la façon de prouver quelque chose sur le plan légal et de notre façon à
14 nous, médecins, de prouver la chose en question. Cela portait sur les
15 éléments que nous présentons, nous, experts médicaux, devant des
16 tribunaux; éléments dont nous affirmons l'existence ou l'absence. Je crois
17 l'avoir dit hier.
18 Question: Oui, en effet. Vous avez dit qu'il existait une doctrine selon
19 laquelle toutes les victimes devraient être examinées par un médecin.
20 Cette doctrine est bien une doctrine médicale, n'est-ce pas?
21 Réponse: Oui, c'est une doctrine de la médecine légale selon laquelle les
22 victimes des viols et les auteurs des viols doivent être examinés par un
23 médecin pour vérifier s'il existe des lésions et si celles-ci existent
24 pour les vérifier et en interpréter la nature, à savoir déterminer si
25 elles sont dues à cet acte ou à autre chose, ou si encore elles existaient
Page 5439
1 avant l'acte en question et sont désormais imputées à cet acte. C'est
2 pourquoi l'examen médical est réalisé. Il a d'ailleurs pour premier
3 objectif d'aider la victime et ensuite, dans un deuxième temps,
4 d'identifier toutes ces traces possibles et de voir ce qui peut être
5 intéressant pour le Tribunal en tant qu'éléments de preuve. C'est cela que
6 je voulais dire hier.
7 Question: En page 2 de votre rapport, vous dites que l'allégation de viol
8 doit être étayée par une documentation médicale. Je vous demande donc si
9 cette opinion se fonde également sur vos connaissances médicales. Ce n'est
10 pas quelque chose qui est exigée sur le plan juridique, le fait de dire
11 que l'existence du viol doit être étayée par une documentation médicale?
12 Réponse: C'est la situation pour les médecins, nous médecins légistes,
13 étant donnée la situation. Mais je tiens à être clair, la moitié des
14 femmes qui affirment avoir été violées l'ont effectivement été. L'autre
15 moitié des femmes qui affirment avoir été violées ne l'ont pas été et
16 parlent ainsi soit parce qu'elles veulent faire du chantage à l'homme dont
17 elles parlent, soit tromper cet homme...
18 Question: Excusez-moi, Professeur. Vous êtes ici en tant qu'expert. Le
19 Tribunal n'a pas besoin d'entendre vos spéculations. Je vous ai posé une
20 question simple. Vous y avez répondu, merci.
21 Professeur Dunjic, conviendriez-vous que les blessures qui peuvent être
22 subies au cours d'un viol peuvent se répartir en deux catégories
23 fondamentales. Premièrement, les blessures subies au cours de la
24 résistance au viol et deuxièmement, les blessures subies en conséquence de
25 la pénétration, c'est à dire de l'acte de viol en tant que tel, et que ces
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1 deux catégories se distinguent l'une de l'autre?
2 Réponse: Oui.
3 Question: S'il y avait eu viol et qu'au cours de ce viol une femme n'avait
4 pas opposé de résistance physique parce que par exemple un fusil était
5 pointé sur sa tête, conviendriez-vous qu'on ne trouverait aucune trace
6 physique de résistance, aucune blessure due à la résistance?
7 Réponse: Je ne serais d'accord à cela que si je n'avais pas trouvé ces
8 traces. Il faut que je procède à un examen médical pour affirmer que
9 quelque chose n'existe pas. C'est seulement après cet examen que je peux
10 dire que quelque chose existe ou n'existe pas indépendamment de la manière
11 dont la chose s'est produite.
12 Un expert devant les tribunaux ne peut commenter que ce qu'il a confirmé
13 de visu. Donc, soit cela existe, soit cela n'existe pas. Si cela n'existe
14 pas, je ne fais aucun commentaire. Les lésions n'existent pas. Et il
15 appartient aux juristes de vérifier si l'événement a eu lieu ou pas. Moi,
16 vraiment, j'en suis incapable. Moi, ce que je peux faire c'est voir si une
17 lésion est présente ou n'est pas présente. Mais je ne peux le faire
18 qu'après un examen, sinon je ne peux rien dire de sérieux.
19 Dans tous les cas, s'il y a menace grave, révolver ou autre chose, il n'y
20 a pas de lésions apparentes sur le corps et il n'y en a peut-être même pas
21 sur les organes génitaux, mais je ne peux pas le dire tant que je n'ai pas
22 procédé à un examen.
23 C'est pourquoi en tant que médecins, nous insistons pour examiner les
24 victimes.
25 Question: Merci, Professeur. Dans les blessures, lésions que l'on peut
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1 constater en raison du viol en tant que tel, vous avez évoqué des signes
2 d'abrasion, des rougeurs, des gonflements. N'est-il pas exact que ces
3 lésions disparaissent rapidement et que, selon votre rapport, elles
4 disparaissent en fait éventuellement deux semaines après l'événement?
5 Réponse: Oui, elles disparaissent très rapidement mais, encore une fois,
6 je suis contraint de souligner que tout dépend de l'intensité et de
7 l'importance de ces lésions.
8 Si les lésions sont importantes, si elles sont particulièrement rouges,
9 s'il y a donc hyperhémie, si elles sont saignantes, s'il y a des signes
10 d'abrasions, elles vont assez rapidement disparaître. Mais si ces lésions
11 sont plus profondes, encore plus grandes, elles vont durer plus longtemps
12 et provoquer la possibilité d'une infection secondaire et d'autres
13 complications.
14 Lorsqu'elles sont particulièrement importantes, lorsqu'elles ressemblent
15 donc davantage à une plaie, lorsqu'elles sont particulièrement profondes,
16 elles laissent des cicatrices qu'il est possible de reconnaître,
17 d'identifier plus tard. Ces blessures sont donc la preuve tout à fait
18 spécifique du fait qu'il y ait eu un problème à ce niveau-là, une
19 blessure.
20 Question: Professeur, n'est-il pas exact que dans la grande majorité des
21 cas de viols, les signes extérieurs, les traces de lésions disparaissent
22 dans un délai très bref, deux semaines? Les cicatrices qui ont un effet
23 durable -je vous ai compris et nous en reparlerons plus tard-, mais n'est-
24 il pas vrai que dans la grande majorité des cas de viols ces traces
25 superficielles disparaissent très rapidement?
Page 5442
1 Réponse: Il n'existe pas de pourcentage défini par un médecin. Personne
2 n'a fait le calcul pour émettre un pourcentage indiquant que ces
3 modifications dues au viol disparaissent rapidement. Je ne peux donc pas
4 vous dire quel est le pourcentage de femmes violées chez qui ces traces
5 disparaissent rapidement.
6 Il est certain que s'agissant de toutes ces lésions, c'est un mode de
7 récupération normale. Mais comme je l'ai déjà dit, je ne peux me prononcer
8 sur ce sujet que grâce à un examen médical qui me permettra d'en confirmer
9 l'existence ou d'en confirmer l'absence.
10 Autrement dit, cette phrase peut être admise mais il faut qu'il y ait
11 examen, car il y a un élément tout à fait regrettable qui est qu'un grand
12 nombre de femmes violées n'admettent pas la situation.
13 En tant que médecin-légiste, en tant qu'expert devant ce Tribunal, pour
14 dire quoi que ce soit, pour commenter, pour confirmer quelque chose, il
15 faut que j'aie sous les yeux un élément objectif qui me permette de le
16 faire pour chaque élément.
17 Si quelqu'un affirme donc avoir été violé, si quelqu'un affirme avoir subi
18 des saignements prolongés, pour analyser cet élément et pour voir si cet
19 élément est en rapport avec une maladie ou avec le viol, il faut que je
20 procède à un examen de la personne qui fait ces affirmations.
21 Question: Professeur, je ne vous demande pas de tirer une conclusion
22 particulière dans une situation particulière, soyez-en sûr et rassurez-
23 vous sur ce point. Je vous demande simplement de nous dire comment
24 fonctionne le corps.
25 N'est-il pas exact que lorsque des lésions sont imposées aux organes
Page 5443
1 génitaux où la circulation sanguine est particulièrement intense, ce genre
2 de lésions a tendance à guérir naturellement assez rapidement? N'est-ce
3 pas bien ce que fait le corps humain?
4 Réponse: C'est exact.
5 Question: Oui, je vous voyais hocher la tête.
6 Réponse: C'est exact. C'est exact.
7 Question: Dans un nombre très limité de cas, comme vous venez de le dire,
8 il peut y avoir des cicatrices, donc un tissu cicatriciel lié au tissu
9 musculaire sous-jacent, n'est-ce pas? C'est ce que vous avez dit?
10 Réponse: Je ne peux pas vous répondre d'une façon aussi simple que cela,
11 car jusqu'à présent personne n'a rédigé un tableau avec des pourcentages
12 aussi précis. S'il existe des blessures de cette nature, des blessures qui
13 laissent des cicatrices, nous les trouverons, mais je ne peux pas vous en
14 donner le pourcentage en fonction du nombre de femmes violées. C'est la
15 raison pour laquelle je suis incapable de vous apporter une réponse
16 directe en vous disant oui ou non. Dans tous les cas...
17 Question: Professeur Dunjic, vous avez établi votre qualification en tant
18 qu'expert en parlant de votre expérience personnelle. Je vous demande donc
19 de vous appuyer sur cette expérience pour nous dire, s'agissant des
20 victimes, si vous avez constaté qu'il était courant -je ne vous demande
21 pas de pourcentage, c'est un terme générique que j'utilise- de trouver des
22 cicatrices de viol, des cicatrices profondes présentes encore 8 ans après?
23 Réponse: Non, je dois dire que ceci n'arrive pas souvent. Moi, je
24 travaillais dans des situations où je voyais en général des femmes violées
25 par un seul homme. Donc je n'ai pas travaillé sur des viols collectifs.
Page 5444
1 Et puisque vous venez de me rappeler mon expérience personnelle, je dois
2 dire que j'ai eu l'occasion de discuter avec des femmes qui ont été
3 violées par un grand nombre d'hommes dans une situation de guerre. Cela
4 s'est passé lorsque je travaillais sur la torture, et que la majorité de
5 ces femmes présentaient des lésions sur le corps, lésions survenues au
6 moment du viol, c'est-à-dire aussi bien dues à des actes de défense qu'à
7 des actes d'agression. Ces femmes se sont défendues ou elles ont essayé
8 d'attaquer et cela a provoqué des lésions sur leur corps.
9 Lorsque j'ai procédé à cet examen médical, un ou deux ans s'étaient
10 écoulés depuis le viol, les séquelles durables que j'ai constatées le plus
11 souvent ont été une disparition de la menstruation, une perturbation du
12 cycle menstruel, une stérilité et des lésions sur les organes génitaux.
13 Mais je dois dire qu'aucune de ces personnes avec lesquelles j'ai discuté,
14 avant de constater la présence de ce genre de lésions, ne m'a dit au
15 moment de l'anamnèse avoir eu des lésions des organes génitaux ou des
16 saignements particuliers avant le viol. Toutes ces lésions, toutes ces
17 blessures étaient situées autour ou aux abords des organes génitaux.
18 Question: Et les incidents que vous êtes en train de décrire où il y a eu
19 examen médical s'étaient produits un ou deux ans avant, n'est-ce pas, pour
20 que tout soit clair?
21 Réponse: Oui, ce qui d'une certaine façon rend la possibilité de prouver
22 le passage du temps plus difficile. Il est difficile de prouver quelle
23 période s'est écoulée depuis l'incident, mais c'est seulement après cette
24 durée que les effets psychiques, les effets moraux du viol commencent à
25 augmenter. C'est au moment où les séquelles physiques, les conséquences
Page 5445
1 physiques du viol commencent à se réduire que les conséquences psychiques
2 commencent à croître. C'est la raison pour laquelle nous avons pour notre
3 part procédé à un examen physique et à un examen somatique des victimes
4 dont je suis en train de parler.
5 Question: Ce que vous dites, Professeur, c'est qu'il y a des blessures
6 psychologiques y compris de la douleur, qu'il est impossible de déterminer
7 grâce à un examen médical physique, n'est-ce pas?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Pouvons-nous parler maintenant de l'écoulement du temps puisque
10 vous venez d'évoquer le sujet? Si vous deviez découvrir des lésions telles
11 que des blessures au niveau des organes génitaux 8 ans après l'événement,
12 seriez-vous en mesure de découvrir un lien entre l'existence de ces
13 cicatrices et un acte de viol particulier? Vous ne pourriez pas le faire,
14 n'est-ce pas? Il se pourrait que ces blessures soient dues à des
15 interventions ayant eu lieu entre-temps, n'est-ce pas?
16 Réponse: Oui, c'est exact. Mais c'est précisément pour cette raison que
17 nous procédons à un examen médical. Tout d'abord, nous faisons un examen
18 physique médical de la personne. Ensuite, nous nous basons sur l'histoire
19 de la maladie et nous essayons d'établir ce qui s'est passé jusqu'au
20 moment de cet événement et après. Ensuite, nous allons analyser ces
21 faits, et essayer d'établir avec plus ou moins de certitude si cette
22 cicatrice a un lien avec le rapport sexuel forcé ou non. Il n’y a donc
23 qu'un médecin qui puisse établir ceci.
24 Question: Docteur, je vois bien que vous ne souhaitez pas faire de
25 conclusions concernant des cas particuliers. Je vous pose donc les
Page 5446
1 questions de façon vraiment hypothétique. Alors, essayez de me répondre de
2 cette façon.
3 Si une femme a été violée et n'a pas demandé d'aide médicale parce qu'elle
4 ne voulait pas en parler avec qui que ce soit, il serait logique qu'il n'y
5 ait pas eu d'examen médical peu de temps après le viol, n'est-ce pas?
6 Essayez de me répondre par un oui ou un non. Par exemple, si la victime
7 n'a pas demandé d'examen médical, il n'y a pas d'examen médical, n'est-ce
8 pas?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Si les circonstances l'ont empêchée de demander l'aide médicale,
11 il est logique de penser qu'il n'y aurait pas eu de résultats médicaux,
12 d'examen médical peu de temps après?
13 Réponse: Oui.
14 Question: Si l'examen médical se produit sur cette femme plusieurs années
15 plus tard, est-ce que cet examen concernant les cicatrises ou autres
16 infections serait utile pour déterminer si le viol a eu lieu ou non? Ou
17 bien est-ce qu'il y aurait beaucoup trop de problèmes, est-ce que le
18 problème de temps aurait empêché une évaluation médicale exacte?
19 Il y aurait beaucoup trop de variables, beaucoup trop d'événements qui se
20 seraient produits entre le viol et l'examen pour établir qu'un viol a
21 effectivement eu lieu ou non.
22 Réponse: Je ne peux pas déterminer si le viol s’est produit ou non. Ce
23 que je peux faire, c'est me baser sur les faits pour vous aider à établir
24 la vérité, de dire s'il y a eu blessures, les lésions si elles ont eu lieu
25 ou non.
Page 5447
1 Mais ce que j'essaie de dire c'est que j’ai besoin d'examiner la victime
2 pour vous permettre d'en arriver à une telle conclusion, d'établir si le
3 viol a eu lieu ou non. Nous parlons sans arrêt de lésions, de cicatrices,
4 moi j'ai répondu de façon très concrète pour vous dire dans quel cas, quel
5 genre de lésions peuvent apparaître ou quel genre de séquelles. Si ces
6 séquelles existent, moi, je suis en mesure de les établir.
7 Vous les juristes, vous nous critiquez souvent. Mais, nous, nous essayons
8 d'établir, de chercher les faits qui sont extrêmement importants. Par
9 exemple, il est extrêmement important de prendre en compte la constitution
10 physique d'une personne. Il est important pour moi d’examiner pour établir
11 si cette personne est capable ou non d'avoir un rapport sexuel parce que
12 nous savons que des personnes, des femmes qui sont très jeunes n'ont pas
13 les organes génitaux suffisamment développés, ou bien chez les femmes
14 âgées ou plus âgées, un rapport sexuel forcé peut provoquer des problèmes
15 très sérieux au niveau du périnée et de l'entrée de l'anus et du vagin.
16 Donc, je suis obligé d'examiner une victime pour établir s'il y a eu des
17 séquelles ou non. Me basant, par exemple, sur ces fait sur cet examen, eh
18 bien je vais dire il y a eu pénétration forcée à cause de cette cicatrice,
19 en éliminant évidemment une éventuelle malformation ou un problème
20 intérieur. C'est à vous ensuite d'établir si le viol a eu lieu
21 effectivement ou non. Mon rôle s'arrête là.
22 Question: Professeur, vous avez parlé de malformations anatomiques ou
23 fonctionnelles qui empêchent un rapport sexuel, donc ces malformations ne
24 sont pas normales. Ceci ne représente pas la norme, n'est-ce pas? Ce n’est
25 pas ce que vous trouvez d’habitude, il s'agit d’anomalies?
Page 5448
1 Réponse: Oui.
2 Question: Maintenant, je vais revenir à des questions que Me Jovanovic
3 vous a posées.
4 Est-il exact qu'une personne qui a subi une rupture des testicules, est-il
5 normal que cette personne pour aboutir à une érection va demander par
6 exemple une stimulation manuelle ou orale de son organe sexuel?
7 Réponse: Ni une stimulation manuelle ou orale ne peut aider lors d'un tel
8 problème car l'érection va provoquer une douleur trop importante,
9 puisqu'il y a un afflux de sang beaucoup trop important pour que
10 l'érection survienne. C'est vraiment quelque chose de très douloureux, si
11 ceci dure plus longtemps, pendant une période plus longue, ceci peut
12 provoquer des problèmes d'impuissance passagers ou permanents chez
13 l'homme.
14 Question: Je vais vous poser la question différemment. Dans le cadre d'une
15 telle situation, donc la rupture d'un testicule, s'agit-il d'une lésion du
16 scrotum?
17 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce que ceci est important, est-ce
18 pertinent?
19 Mme Kuo (interprétation): Oui, nous avons eu une déposition de témoins
20 concernant l'accusé Vukovic et c'est pour cela que nous considérons que
21 ceci est pertinent.
22 Mme la Présidente (interprétation): Les témoins qui vont encore venir?
23 Mme Kuo (interprétation): Oui et c’est pour cela que nous considérons que
24 c’est si important.
25 Mme la Présidente (interprétation): La Chambre est un peu sceptique, mais
Page 5449
1 l'accusé n'a pas parlé de cela. Mais vous pouvez continuer.
2 Mme Kuo (interprétation): Madame la Présidente, nous avons une déposition
3 de témoins concernant l'accusé Vukovic où on prétend qu'il est impossible
4 de procéder à un viol à cause d'un tel problème physique. Il est important
5 d'établir cela pour voir si le viol a pu avoir lieu ou non.
6 Est-ce que cette rupture des testicules est la même chose qu'une injure
7 (sic) au niveau du scrotum ou bien ceci est-il complètement différent?
8 M. Dunjic (interprétation): Le scrotum est une lésion au niveau de la
9 peau, au niveau cutané. C'est une enveloppe des testicules, il est donc
10 impossible d'avoir une rupture de testicules sans que le scrotum ne soit
11 affecté. C'est une enveloppe.
12 Question: Merci. Je vais vous poser une question. Si une personne a eu une
13 telle lésion, est-il possible que cette personne ait toujours le désir
14 d'avoir un rapport sexuel, et peut même tenter d'avoir une érection,
15 d'essayer d'aboutir à une érection même si elle éprouve une telle douleur?
16 Réponse: Oui, je l'ai dit. Cette personne peut avoir ce désir sexuel,
17 mais ne peut pas aboutir à une érection parce qu'une telle stimulation
18 serait tellement douloureuse que la personne ne pourrait pas aboutir à une
19 érection.
20 Question: Enfin, Professeur Dunjic, vous avez dit que dans certains cas il
21 serait important d'examiner l'accusé. Dans ce cas précis, vous n'avez pas
22 procédé à des examens médicaux des accusés.
23 Réponse: Non, mais je suis prêt à le faire si la Chambre me le permet. Il
24 n'y a pas de raison pour que je ne le fasse pas évidemment.
25 Mme Kuo (interprétation): Merci, je n’ai pas d’autres questions.
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1 Mme la Présidente (interprétation): Des questions supplémentaires de la
2 part de la défense?
3 M. Kolesar (interprétation): Non, Madame la Présidente.
4 Mme la Présidente (interprétation): Merci, Docteur, d'être venu témoigner
5 devant ce Tribunal, vous pouvez disposer. Merci.
6 (Le témoin, M. Dunjic, est reconduit hors du prétoire.)
7 (Le témoin, Mme Sanda Raskovic-Ivic, est introduit dans le prétoire.)
8 Mme la Présidente (interprétation): Bonjour Madame le témoin. Je vous
9 demanderais de prononcer la déclaration solennelle.
10 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai
11 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 Mme la Présidente (interprétation): Merci, vous pouvez vous asseoir.
13 (Interrogatoire principal du témoin, Raskovic-Ivic, par Mme Pilipovic.)
14 Mme Pilipovic (interprétation): Docteur, bonjour.
15 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Bonjour.
16 Question: Je vous demanderais de vous présenter en déclinant votre nom et
17 prénom et de nous dire quelle est votre profession.
18 Réponse: Je m'appelle Dr Sanda Raskovic-Ivic, je suis psychiatre,
19 psychothérapeute, je travaille à l'hôpital psychiatrique en qualité de
20 directeur du centre qui s'occupe des psychoses. Par ailleurs je suis
21 docteur es-sciences.
22 Question: Merci. La Chambre a déjà reçu votre curriculum vitae, donc, je
23 vous demanderais brièvement, en quelques mots, de nous dire quels sont les
24 travaux scientifiques et spécialisés que vous avez publiés?
25 Question: Comme je viens de le dire, je suis psychiatre, psychothérapeute,
Page 5451
1 j'ai donc un doctorat et je suis également l'auteur d'un ouvrage sur
2 l'agression, c'est une monographie, et puis j'ai publié -je ne me rappelle
3 pas le nombre exact-, mais 50 à 60 écrits portant sur différents domaines,
4 des articles scientifiques. Mais ma spécialité est le traumatisme
5 psychologique et ses conséquences. J'ai travaillé pour la première fois
6 dans ce domaine lorsque je suis arrivée à Belgrade en 1991, étant moi-même
7 devenue réfugiée. Je me suis occupée des réfugiés, particulièrement des
8 femmes qui avaient subis l'expulsion de chez elles et parfois le viol.
9 En 1994, je me suis rendue en Etats-Unis et au Canada où j'ai coopéré avec
10 l'organisation féminine "Voice of Women" où j'ai pris la paroles dans
11 conférences organisées par ce qu'ils appellent des centres traitant du
12 viol, et dans certaines universités. Cette collaboration dure encore
13 aujourd'hui. Mon intérêt pour le viol n'a pas commencé à cette époque-là,
14 car à Zagreb je travaillais déjà dans un centre de santé mental où j'ai eu
15 affaire à des femmes violées en condition de paix. Mais en condition de
16 guerre, en 1992, ce genre de situation est devenue plus courante.
17 Question: Nous ne perdons pas de vue votre expérience professionnelle,
18 nous avons bien entendu qu'à partir de 1994, vous avez pratiquement
19 travaillé exclusivement avec des femmes violées en temps de guerre.
20 Pouvez-vous nous dire quelle est votre expérience tout à fait personnelle
21 des traumatismes engendrés par la torture et le viol?
22 Réponse: Je pourrais diviser mon travail auprès des femmes en deux
23 périodes. J'ai travaillé avec ces femmes immédiatement après les
24 événements. Mais compte tenu du fait que je suis psychothérapeute, je
25 m'occupe surtout de psychothérapie et de soumettre les victimes de la
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1 guerre et du viol à des traitements thérapeutiques de longue durée. Je
2 m'occupe donc en fait des conséquences que subissent les femmes violées,
3 qu'elles l'aient été en temps de paix ou en temps de guerre.
4 Ex jure tibus, comme nous le disons, nous les cliniciens, ces conséquences
5 peuvent se répartir en trois catégories: les conséquences ou séquelles
6 mineures donc légères, les conséquences ou séquelles moyennes et les
7 conséquences ou séquelles graves.
8 Je vais donner davantage de détails au sujet de ces trois groupes. Au
9 nombre des séquelles légères, on trouve les cauchemars, les difficultés de
10 communication, l'insomnie, l'isolement social, la difficulté, comme on le
11 dit, à constituer un rapport objectif, ce qui dans le rapport analytique
12 signifie en fait un rapport amoureux que les femmes ont beaucoup de mal à
13 instaurer par la suite après de tels événements. C'est à ce niveau que la
14 psychothérapie peut apporter une aide importante.
15 Au nombre des séquelles moyennes et graves, on trouve celles qui relèvent
16 du domaine de la névrose, c'est-à-dire dépression névrotique légère,
17 phobie, différentes réactions d'aversion et puis, finalement, des
18 séquelles relevant de la psychose où nous avons deux catégories sur le
19 plan neurologique: la catégorie de la dépression psychotique d'abord et la
20 catégorie du syndrome paranoïaque ensuite.
21 Question: Si je vous ai bien compris...
22 Mme la Présidente (interprétation): Avant de poursuivre, est-ce que nous
23 pourrions disposer du rapport et du curriculum vitae et les voir verser au
24 dossier si tel est votre souhait car ces documents ont été déposés mais
25 pas versés au dossier? Vous voulez bien le faire maintenant maître?
Page 5453
1 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, Madame la Présidente, j'avais
2 l'intention de le faire à la fin de mon interrogatoire mais puisque vous
3 le proposez?
4 Mme la Présidente (interprétation): Il est préférable de le faire dès à
5 présent. Y a-t-il des objections du côté de l'accusation?
6 Mme Kuo (interprétation): Pas d'objections, Madame la Présidente.
7 Mme la Présidente (interprétation): Peut-on avoir une cote pour le
8 curriculum vitae et l'avis d'expert? J'ai regardé ce rapport d'expertise
9 et j'ai besoin d'aide de la part de l'accusation. Y a-t-il quoi que ce
10 soit ici qui a été repris dans une déclaration conservée sous scellés? Y
11 a-t-il quoi que ce soit dans l'avis de cet expert qui relève de cette
12 catégorie?
13 Chaque fois que la référence a été faite à des témoins particuliers, elles
14 ont été faites à partir du texte écrit et non pas de la déposition orale.
15 M. Hunt (interprétation): Ce n'était pas la question. La question qui vous
16 était posée consistait à demander s’il y avait quelque chose qui sortait
17 d'une déclaration sous scellés?
18 Mme Kuo (interprétation): Je crois que toutes les déclarations sont
19 conservées sous scellés.
20 M. Hunt (interprétation): Nous parlions de confidentialité.
21 Mme Kuo (interprétation): Oui, c’est exact.
22 M. Hunt (interprétation): Donc, on vous demandait s’il y avait quelque
23 chose dans le rapport d'experts qui ne devrait pas être rendu publique.
24 Rien dans le rapport d'experts n’identifie les témoins puisque seuls des
25 numéros sont utilisés.
Page 5454
1 Mme Kuo (interprétation): Je vous comprends maintenant. Mais j’ai peut-
2 être un peu de mal à comprendre ce qui suit. Au moment où les déclarations
3 ont été versées dans le procès, la totalité des déclarations ont été
4 placées sous scellés.
5 M. Hunt (interprétation): La question vous est posée pour savoir si ceci,
6 le rapport d'experts, doit être conservé sous scellés. S’il y a dans ce
7 texte quelque chose qui ne devrait pas être rendu publique, il faut le
8 conserver sous scellés. C'est la question que nous vous posons. Elle ne
9 devrait pas être difficile?
10 Mme Kuo (interprétation): Elle est légèrement difficile, car je ne suis
11 pas sûre des répercussions que peut avoir la décision de la Chambre de
12 garder les déclarations sous scellés. Si toute la déclaration est
13 conservée sous scellés en raison d'une décision de la Chambre, et que le
14 témoin s’appuie sur ces documents…
15 M. Hunt (interprétation): Non, non, non. Il y a eu contre-interrogatoire
16 sur ce point. Me Pilipovic nous a lu des passages de ce texte phrase par
17 phrase. Je vous demande si cela peut être révélé au public, le reste n’a
18 pas d’importance.
19 Mme Kuo (interprétation): Très bien Monsieur le Juge. A cette fin, il n'y
20 a pas de problème. Cependant, s’il y a des témoins qui ont témoigné à huis
21 clos, ou huis clos partiel, il peut y avoir des problèmes.
22 Mme la Présidente (interprétation): Nous pourrons donc demander à Mme la
23 greffière une cote pour le CV et pour le rapport d'expert.
24 Mme Lauer: Le curriculum sera coté D149 des pièces de la défense, et le
25 rapport d'expert sera coté 150 des pièces de la défense.
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1 Mme la Présidente (interprétation): Pour ne courir aucun risque, le CV
2 devrait être public, et je demande que le rapport soit conservé
3 temporairement sous scellés jusqu'à ce que le Procureur passe en revue les
4 paragraphes pertinents, auquel cas il sera rendu public.
5 Ce que j'aimerais vous expliquer, Maître, c'est que ce rapport d'expert
6 qui est très détaillé, puisqu'il comporte 28 pages, est actuellement versé
7 au dossier. Mais la Chambre de première instance ne souhaiterait pas que
8 le témoin répète tout ce qui a été stipulé par écrit. Nous aimerions,
9 Maître, que vous vous contentiez de demander au témoin des
10 éclaircissements, des détails sur des éléments qui ne se trouvent pas dans
11 le texte écrit. Nous avons le texte écrit sous les yeux, nous ne voulons
12 pas de répétition, de redondance. D'accord Maître?
13 Mme Pilipovic (interprétation): Madame la Présidente, c'est très clair, et
14 j'espère pouvoir me contenter de quelques questions pour obtenir des
15 éclaircissements au profit de la Chambre, compte tenu du fait que le
16 docteur Sanda Raskovic-Ivic est présente dans le prétoire aujourd'hui.
17 Mme la Présidente (interprétation): Veuillez procéder.
18 Mme Pilipovic (interprétation): Vous nous avez dit avoir travaillé avec
19 des victimes de viol. Pouvez-vous nous dire si un viol produit toujours
20 des modifications psychologiques chez leurs victimes?
21 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): C'est sans doute le cas, car je n'ai
22 jamais rencontré, malheureusement, une seule femme violée qui n’ait pas
23 subit de conséquences psychologiques.
24 Question: Vous nous avez dit que les séquelles graves...
25 Mme la Présidente (interprétation): Maître, pouvez-vous, je vous prie
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1 attendre un instant pour aider les interprètes, attendre un instant après
2 la fin de la réponse du témoin.
3 M. Hunt (interprétation): Vous entendez l'interprétation?
4 Mme Pilipovic (interprétation): Parfaitement bien.
5 M. Hunt (interprétation): Dans ce cas, attendez que la réponse soit
6 terminée et posez votre question ensuite. Maître Kolesar devrait
7 d’ailleurs faire la même chose.
8 Mme Pilipovic (interprétation): Nous n'avons pas travaillé pendant quelque
9 temps, nous sommes peut-être encore peut-être loin d'ici.
10 Docteur, vous parliez des séquelles que l'on constate chez les personnes
11 qui ont subi un viol, et si j'ai bien compris ce que vous nous avez dit,
12 vous avez déclaré que la psychose était une perturbation grave chez ces
13 personnes.
14 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Oui, la psychose qui peut être à la
15 fois une psychose dépressive et une psychose paranoïaque. Et je tiens à
16 être claire, la schizophrénie ne peut pas être une séquelle du viol. Je
17 parle donc bien du syndrome de dépression et du syndrome de paranoïa comme
18 conséquence grave d'un viol et psychose.
19 Question: A votre avis, en tant qu'expert, pouvez-vous nous dire si en
20 l'absence de séquelles graves de ce genre, il est permis de penser qu'il
21 n'y a pas eu viol?
22 Réponse: Oui, en effet.
23 Question: Les séquelles que vous avez décrites comme graves peuvent-elles
24 disparaître en l’absence d’une thérapie?
25 Réponse: Malheureusement, la psychose exige des soins
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1 multidisciplinaires, des soins psychothérapeutiques, des soins
2 pharmaceutiques. Malheureusement, il ne peut pas y avoir guérison
3 spontanée d’une psychose. Une psychose ne peut disparaître qu'en l’absence
4 de la thérapie appropriée.
5 Question: Imaginons qu'une victime décrive dans ses propres termes, un
6 certain nombre de symptômes, c'est-à-dire telle ou telle modification
7 survenue chez elle, dans cette situation, peut-on déterminer si les
8 séquelles sont graves ou légères?
9 Réponse: Si la victime décrit un certain nombre de symptômes qui relèvent
10 de la catégorie des séquelles graves sur le plan psychotique, donc
11 dépression ou paranoïa psychotiques, nous pouvons envisager l'existence
12 d'un viol. Mais bien sûr, il faut qu’il y ait des vérifications,
13 diagnostic psychologique et diagnostic médical.
14 Mme la Présidente (interprétation): L'interprète demande que la question
15 et la réponse soient répétées. Il n'a entendu ni la question ni la
16 réponse. Pouvez-vous répéter? Peut-on régler ce problème déjà?
17 Mme Pilipovic (interprétation):Je ne sais pas si c'est la question
18 précédente que les interprètes n'ont pas entendue.
19 Maintenant, c'est moi qui n'entend pas l'interprétation.
20 Mme la Présidente (interprétation): C'est effectivement la question dont
21 Maître Pilipovic a parlé.
22 Nous allons peut-être suspendre…
23 M. Hunt (interprétation): Je l'ai sous les yeux. La question était la
24 suivante: "Selon votre avis d'expert, l'absence de conséquences graves
25 telles que la schizophrénie..."
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1 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Pas de schizophrénie.
2 Mme Pilipovic (interprétation): Nous n'avons pas dit schizophrénie, nous
3 avons dit psychose
4 M. Hunt (interprétation): Pouvons-nous revenir en arrière? Je vais vous
5 donner lecture de la phrase: "Nous discutons des conséquences d'un viol
6 subi par une victime. Si je vous ai bien compris, les séquelles graves
7 incluent la psychose? Réponse: Oui, la psychose dépressive et
8 paranoïaque".
9 Je ne sais si le compte rendu d'audience en anglais est tout à fait exact.
10 "Pour que toute confusion soit évitée, la schizophrénie n'est pas une
11 conséquence du viol, n'est-ce pas? Seules les deux autres pathologies,
12 dépression et paranoïa, sont des syndromes de viol".
13 Maintenant je ne sais pas si c'est une question ou une réponse, ce n'est
14 pas très clair…
15 Puis il y a une question: "Selon votre avis d'expert, est-ce que l'absence
16 de telles conséquences graves exclue la possibilité qu'il y a eu viol?" La
17 réponse enregistrée est: "Non" au compte rendu d'audience. Maître
18 Pilipovic a déclaré avoir entendu la réponse comme étant oui et Maître
19 Lopicic a déclaré avoir entendu la réponse comme étant oui.
20 (L'audience, suspendue à 11 heures 05, est reprise à 11 heures 35.)
21 Mme la Présidente (interprétation): Nous continuons avec l'interrogatoire
22 principal du témoin expert. Maître Pilipovic, vous pouvez continuer.
23 Mme Pilipovic (interprétation): Est-ce que les viols entraînent toujours
24 des changements psychologiques chez les victimes des viols?
25 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Oui, un viol provoque toujours des
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1 changements psychologiques chez les victimes.
2 Question: Quand vous nous avez expliqué les séquelles dont souffrent les
3 personnes qui ont subi un viol, vous avez parlé de trois catégories de
4 séquelles pour ainsi dire. Si je vous ai bien comprise, parmi les
5 séquelles psychologiques lourdes, on trouve les changements psychologiques
6 tels que la psychose ou les psychoses.
7 Réponse: Oui, les psychoses sont les changements psychologiques les plus
8 lourds qui apparaissent comme les séquelles tardives de l'acte du viol.
9 Question: Est-ce que le fait qu'il n'y ait pas de psychose chez les femmes
10 qui auraient subi un viol, les personnes qui auraient subi un viol exclut
11 l'existence de séquelles lourdes?
12 Réponse: S'il n'y a pas de psychose, effectivement il n'y a pas de
13 séquelles lourdes.
14 Question: Est-ce que les séquelles que vous avez décrites comme les
15 séquelles lourdes ou plutôt lourdes, est-ce que ces séquelles peuvent
16 disparaître sans le traitement psychologique psychiatrique approprié?
17 Réponse: Malheureusement non. Les séquelles psychologiques disparaissent
18 très difficilement de façon spontanée sans traitement psychiatrique.
19 Cependant, si une psychose apparaît, cette psychose ne peut pas guérir de
20 façon spontanée. Elle exige un traitement psychiatrique,
21 psychothérapeutique ainsi qu'un traitement par médicaments. Donc la
22 psychose ne disparaît pas de façon spontanée.
23 Question: Avec l'accord de la Chambre, vous avez pu prendre connaissance
24 des dépositions des témoins 48, 50, 75, 87, 190, 205, et 175?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Est-ce que vous avez trouvé dans ces dépositions des
2 informations indiquant que quiconque d’entre ces témoins a subi un
3 traitement psychiatrique ou bien avait été soigné?
4 Réponse: Dans les dépositions de ces témoins, je n'ai pas trouvé de
5 documents médicaux indiquant que ces personnes ont subi des traitements
6 psychiatriques ou bien qu'elles avaient été soignées. Un témoin a dit
7 qu'elle avait été soignée et qu'elle avait subi un traitement
8 psychothérapeutique par sa sœur.
9 Mais je dois dire que déjà Freud considérait que la psychothérapie ne
10 pouvait pas être effectuée par un cousin ou bien par un bon ami.
11 La psychothérapie doit être prodiguée par une personne qui ne connaît pas
12 le patient, qui ne fait pas partie de ses connaissances, et la seule
13 thérapie qui peut être faite par une personne proche est l'hypnose selon
14 la théorie de Milton Ericson. Mais il ne s'agissait pas d'une hypnose,
15 d'après la déposition du témoin.
16 Evidemment ces gestes auraient pu être considérés comme une aide médicale,
17 mais ceci ne pouvait pas être une psychothérapie.
18 Mme la Présidente (interprétation): S'il vous plaît, Maître Pilipovic,
19 essayez de ne pas demander au témoin de répéter ce qui se trouve déjà dans
20 son expertise écrite.
21 Mme Pilipovic (interprétation): Oui mais, Madame la Présidente, moi, je
22 voulais juste poser une question globale par rapport à toutes ses
23 dépositions. Je voulais savoir, juste lui poser la question de savoir si
24 ces témoins ont subi un traitement psychiatrique.
25 D'après vous, est-ce qu'un stress que l'on a subi peut provoquer une
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1 amnésie ou bien des problèmes de mémoire par rapport à l'événement?
2 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Oui, un stress en tout cas peut
3 provoquer une amnésie ou bien une mauvaise mémoire et des problèmes de
4 mémoire concernant les événements qui ont provoqué ce stress.
5 Question: Ce manque de mémoire, le problème de mémoire chez certains
6 témoins dont vous avez pu voir les dépositions, est-ce que ceci peut être
7 expliqué par le manque de volonté de répondre à certaines questions?
8 Réponse: Oui, l'amnésie peut se manifester comme le souhait d'éviter une
9 réponse ou bien de manipuler, ou bien ceci peut faire partie d'une
10 maladie. Ceci peut représenter une pathologie qui est le résultat du
11 stress.
12 Question: Si je vous ai bien compris, l'amnésie peut avoir un caractère
13 manipulatif?
14 Réponse: Oui bien sûr.
15 Question: Pourriez-vous me répondre à la question suivante: quelles sont
16 les conséquences et quelle est la relation entre l'acte du viol et la
17 torture accompagnée de viol? Quelles sont les séquelles de l'un et
18 l'autre?
19 Réponse: Oui, moi en tant que psychiatre, je traite des séquelles, des
20 séquelles tardives des viols. La littérature n'est pas très cohérente là-
21 dessus: les statistiques démontrent qu'il y a entre 30 et 60%, mais dans
22 la littérature, on parle plutôt de 30%, c'est-à-dire que 30% des femmes
23 qui ont subi un viol dans les conditions de guerre vont plus tard
24 développer des séquelles tardives qui vont être d'autant plus lourdes,
25 d'autant plus intenses que ces viols ont été accompagnés de torture.
Page 5462
1 Evidemment, une torture va aggraver ces séquelles tardives du viol.
2 Question: Si vous avez devant vous une personne qui vous dit qu'elle a été
3 violée pendant une période de 40 jours par 150 hommes, est-ce qu'une telle
4 personne peut communiquer avec vous sans que vous vous aperceviez des
5 changements psychiatriques ou psychologiques de cette personne?
6 Réponse: Compte tenu de mon expérience avec les femmes qui ont subi des
7 viols en temps de paix ou en temps de guerre, je dirais que ceci est
8 pratiquement impossible. Une femme qui a été violée par 150 hommes quelle
9 que soit la période, et surtout au cours d'une période aussi courte, va
10 sans doute avoir des séquelles physiques et psychologiques extrêmement
11 lourdes car c'est une attaque à l'esprit d'une femme. Et une telle attaque
12 ne peut que provoquer des conséquences, que même un profane peut
13 apercevoir.
14 Question: Pour terminer, est-ce que vous pourriez nous donner une
15 conclusion brève et définitive concernant votre conclusion en tant
16 qu'expert par rapport à ce problème étudié?
17 Réponse: La conclusion qui découle de mon opinion d'expert, eh bien j'ai
18 lu toutes ces dépositions, les dépositions de ces femmes. Il m'était très
19 difficile en tant que psychiatre et femme d'en arriver à une conclusion
20 car ces histoires, en effet, sont très dures, pleines d'incidents
21 fortement désagréables, mais je n'ai pas réussi à discerner des séquelles
22 psychologiques qu'il serait logique d'apercevoir après les événements
23 qu'ont subis tous ces témoins.
24 J'ai été très étonnée par ce manque de documentation médicale, le manque
25 d'examen psychologique et le manque de traitement psychiatrique chez ces
Page 5463
1 femmes, d'autant plus qu'elles sont parties vivre dans d'autres pays après
2 ces événements où il n'est pas étonnant d'aller voir un psychiatre ou
3 psychologue et de subir une psychothérapie. C'est quelque chose qui est
4 courant et quotidien dans ces pays.
5 Vous dites: "Quid non es non actis en mundo", pour nous aussi, pour nous
6 les médecins, ceci ne se trouve pas dans la documentation médicale c'est-
7 à-dire s'il n'y a pas de documents médicaux, eh bien c'est quelque chose
8 qui n'est pas arrivé tout simplement. Il n'y a pas suffisamment de
9 documents médicaux, de certificats médicaux. Je n'ai pas pu voir de tels
10 documents et donc ceci représente un vide. Un vide, un écart entre le
11 récit des témoins et le fait qu'il n'y a pas de documents qui vont
12 témoigner, qui pourraient témoigner des séquelles qui auraient dû
13 apparaître si elles avaient vraiment vécu ce qu'elles prétendent avoir
14 vécu.
15 Je ne souhaite pas préjuger et faire des conclusions hâtives, mais je ne
16 dispose pas de suffisamment de documents pour dire de quoi il s'agit
17 exactement.
18 Mme Pilipovic (interprétation): Merci, Madame la Présidente, j'en ai
19 terminé avec mon interrogatoire principal.
20 Mme la Présidente (interprétation): Est-ce qu'un autre conseil souhaite
21 poser des question?
22 Maître Kolesar, allez-y mais je vous en prie ne demandez pas au témoin de
23 répéter ce qu'elle a déjà dit ou ce qui est écrit dans son rapport. Merci.
24 (Interrogatoire principal du témoin par M. Kolesar.)
25 M. Kolesar (interprétation): Madame la Présidente, j'ai compris tout ce
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1 que vous m'avez dit. Je vais poser une question, une question qui n'a rien
2 à voir avec l'expertise écrite et qui a été évoquée aujourd'hui, en
3 partie.
4 Bonjour, Docteur Raskovic-Ivic.
5 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Bonjour.
6 Question: Comme je vous l'ai déjà dit, je vais vous poser une question
7 directe. Aujourd'hui, en répondant à la question de ma collègue, vous avez
8 parlé du phénomène d'amnésie?
9 Réponse: Oui.
10 Question: Vous avez eu l'occasion d'examiner la déposition du témoin 87?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Je vais rafraîchir votre mémoire. Ce témoin a dit que cette
13 personne a passé 40 jours avec un autre témoin dans l'appartement de Kovac
14 contre sa volonté. A deux reprises, nous trouvons les phénomènes d'amnésie
15 : la première fois quand on l'a forcée avec les autres témoins de se
16 déshabiller, de monter sur une table et de danser sur la table. Quand
17 l'accusation lui a demandé de donner plus de détails concernant cet
18 incident, elle a dit, elle a juste répondu qu'elle ne se souvenait de rien
19 d'autre, qu'elle savait juste qu'elle était montée sur la table. Il s'agit
20 de la déposition du 15 avril, page 1775.
21 Ensuite, concernant l'incident où Kovac l'aurait menacée de l'amener dans
22 la ville toute nue, elle a dit qu'elles sont allées dans la ville
23 effectivement mais qu'elles avaient été vraiment habillées. Encore une
24 fois, elle ne savait pas donner plus de détails à la question du
25 Procureur. Est-ce que vous pensez que c'est possible que le témoin ne se
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1 rappelle pas de cela?
2 Réponse: Comme je l'ai déjà dit, une amnésie peut avoir un caractère
3 manipulatif ou bien il peut s'agir vraiment d'une maladie, d'un problème.
4 Moi, sans examiner ce témoin, je ne peux rien dire. Cette jeune femme a
5 dit qu'elle ne se rappelait pas. Moi, sans examen psychiatrique, je ne
6 peux pas déterminer s'il s'agit d'une pathologie psychiatrique, c'est-à-
7 dire qu'elle a développé des défenses tellement fortes qu'elle se défend
8 justement par cette amnésie ou bien s'il s'agit d'une manipulation.
9 M. Kolesar (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autres
10 questions.
11 Mme la Présidente (interprétation): Le contre-interrogatoire de la part de
12 l'accusation?
13 (Contre-interrogatoire du témoin, Mme Sanda Raskovic-Ivic, par Mme Kuo)
14 Mme Kuo (interprétation): Bonjour, Docteur.
15 Au cours de votre déposition d'aujourd'hui, vous avez dit que toutes les
16 victimes de viol doivent avoir des conséquences psychologiques. N'est-il
17 pas vrai, n'est-il pas exact que ces souffrances sont différentes?
18 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): Une femme peut souffrir de différente
19 façon puisque chaque personne a des capacités d'adaptation différente.
20 Chaque personne va s'adapter de façon différente, donc la douleur va être
21 différente mais il doit y avoir des séquelles psychologiques.
22 Question: Vous avez parlé de trois différents types de séquelles: des
23 séquelles légères, des séquelles moyennes et des séquelles lourdes. Dans
24 votre rapport, vous parlez beaucoup du syndrome de stress post-
25 traumatique, n'est-ce pas, ou des troubles de stress post-traumatique?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Je voudrais vous poser quelques questions au sujet de ce
3 trouble. Il n'est pas vrai, n'est-ce pas, que chaque femme qui a été
4 violée doit développer ce désordre, ce trouble de stress post-traumatique?
5 Réponse: Oui, c'est exact. Chaque femme ne doit pas souffrir du syndrome
6 de stress post-traumatique, chaque femme ne va pas développer des
7 séquelles tardives. Entre 1% et 30% des femmes violées vont développer des
8 séquelles tardives du viol. Je ne parle pas des séquelles tardives du
9 syndrome de stress post-traumatique. Certaines séquelles vont découler de
10 ce syndrome. Parfois, il y a des femmes ont vécu ces syndromes de stress
11 post-traumatique et par les mécanismes de défense variés, elle va essayer
12 de s'adapter d'une autre façon. Elle va développer des mécanismes
13 d'adaptation qui vont provoquer des séquelles tardives et que l'on peut à
14 nouveau ranger dans les trois types de séquelles dont j'ai déjà parlé.
15 Question: Un des signes de syndrome de stress post-traumatique est
16 l'intériorisation de ce syndrome. C'est-à-dire si vous ne parlez pas de ce
17 syndrome tout de suite, vous risquez d'avoir des séquelles tardives?
18 Réponse: Quand il y a ce syndrome de stress post-traumatique, il existe
19 en effet le besoin d'en parler. Cependant, il est toujours mieux d'en
20 parler que de faire l'impasse. Car si on ne parle pas, si on essaie
21 d'oublier, de cacher ce que l'on a vécu, eh bien ceci peut provoquer des
22 séquelles lourdes plus tard.
23 Moi, j'ai moins traité le syndrome de stress post-traumatique que les
24 séquelles tardives, car je suis une psychothérapeute et souvent je
25 rencontre des femmes qui ont vécu dans le territoire affecté par la
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1 guerre, qui ont souffert, qui ont un peu oublié, mais à cause de problèmes
2 psychologiques, psychiatriques, elles venaient me voir, à cause des
3 séquelles tardives de l'acte de viol. Quand je parle des séquelles
4 tardives, je parle des séquelles tardives du viol et non du syndrome de
5 stress post-traumatique.
6 Question: Juste un instant s'il vous plaît. Est-ce que le témoin pourrait
7 s'éloigner un peu du micro. Nous entendons le témoin respirer et c'est
8 très désagréable.
9 Réponse: Je m'excuse.
10 Question: En termes généraux, Docteur Raskovic-Ivic, si une personne avait
11 eu l'occasion de parler d'une expérience traumatisante telle que le viol,
12 cette personne généralement parlant serait plus à même d'accepter ce
13 traumatisme, de s'adapter à la vie normale?
14 Réponse: Oui. Elle aura plus de chance de s'adapter plus facilement à la
15 vie. Mais il est très important de savoir avec qui elle a parlé. Ce n'est
16 pas la même chose si une personne parle avec un psychiatre, un psychologue
17 qui va la diriger, qui va lui permettre de développer les mécanismes de
18 défense qui vont être constructifs, qui vont l'aider à continuer une vie
19 normale ou bien si elle a parlé avec ses amis, sa famille, ses voisins.
20 Ceci va lui faciliter la situation, mais c'est une épée à double
21 tranchant, car elle pourrait entreprendre de développer des mécanismes de
22 défense différents peu constructifs qui vont aggraver sa situation
23 psychologique.
24 Question: Donc, c'est mieux de demander une aide professionnelle que de
25 parler avec une personne quelconque, un profane?
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1 Réponse: Oui. La conversation aide, ceci se trouve dans la bible: "Au
2 début fut le verbe et le verbe fut de Dieu". Mais, je pense que les
3 psychiatres et les psychologues sont les personnes indispensables à un
4 processus de guérison, d'adaptation, après un viol.
5 Question: N'est-il pas exact, Docteur, que beaucoup de femmes, en réalité
6 beaucoup de personnes hésitent à demander une aide psychiatrique pour
7 différentes raisons d'ailleurs?
8 Réponse: Oui. Il y a beaucoup de femmes, beaucoup de personnes qui
9 hésitent à demander une aide psychiatrique, je le sais parce que j'ai
10 traité du problème de viol, même en temps de paix, je sais que le viol et
11 l'inceste sont les deux secrets les mieux gardés chez une femme. Les
12 femmes surtout provenant d'une culture balkanique hésitent à en parler et
13 à demander une aide psychiatrique professionnelle.
14 Cependant, je crois que chaque femme qui a été identifiée, qui s'est
15 adressée à une institution quelconque, il faudrait immédiatement lui
16 fournir une aide psychologique et psychiatrique. La société devrait
17 prendre soin d'elle immédiatement au niveau de la médecine et aussi de la
18 psychiatrie. En réalité, quand je dis médecine, je pense à la psychiatrie,
19 à ma profession.
20 Question: Nous n'allons pas parler de la psychose. Nous allons parler des
21 autres conséquences de ce drame, de ce traumatisme.
22 N'est-il pas vrai que ces conséquences peuvent se guérir de façon
23 spontanée avec le passage du temps et qu'elles peuvent disparaître, et que
24 la victime peut mener une vie normale, tout au moins en apparence?
25 Réponse: Vous venez de dire: "Au moins en apparence". Vous avez dit:
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1 "Comme une vie normale". Le problème, c'est justement que c'est
2 conditionnel, comme si c'était une vie normale, car une femme a besoin de
3 beaucoup d'énergie après avoir subi un viol, surtout un viol en temps de
4 guerre, pour être réhabilitée du point de vue professionnel, de revenir à
5 l'école ou de continuer à travailler. La réhabilitation au niveau
6 émotionnel est un vrai problème, c'est-à-dire que c'est très difficile
7 pour une femme qui a été violée d'avoir une relation objective, une
8 relation normale de partenariat avec le sexe opposé.
9 Dans mon expérience, je me suis aperçue qu'une réhabilitation
10 professionnelle peut effectivement avoir lieu plus facilement, elle peut
11 arriver de façon spontanée, mais la réhabilitation émotionnelle est assez
12 difficile. Pour y parvenir, on a besoin d'une aide psychologique,
13 psychiatrique; il faut subir une thérapie où on va revivre tous les
14 éléments du traumatisme pour, à nouveau, réussir à avoir la confiance en
15 l'homme.
16 Question: Vous connaissez la phrase "le docteur soigne et la nature
17 guérie"?
18 Réponse: Oui, c'est en effet un dicton qui est assez exact. Mais sans
19 l'aide des médecins, je pense qu'il serait difficile à la nature de guérir
20 quelqu'un.
21 Question: N'est-il pas vrai qu'après une expérience traumatisante, il y a
22 des personnes qui tout simplement continuent à vivre normalement, arrivent
23 à vivre avec cette expérience?
24 Réponse: J'ai surtout travaillé avec les femmes, je travaille avec
25 différentes organisations des femmes, c'est pour cela que je me suis
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1 spécialisée dans cette problématique.
2 Le fait qu'on continue la vie, parfois il s'agit juste d'une apparence.
3 Quand vous voyez une jeune femme qui par exemple a subi un viol et qui
4 après continue à travailler comme infirmière, comme professeur, eh bien
5 vous ne savez pas tout concernant sa vie. Vous ne savez pas tout au sujet
6 d'elle.
7 Le problème crucial consiste en réhabilitation émotionnelle. Il faut que
8 cette personne soit capable d'avoir une liaison de partenariat avec un
9 homme. Il y a des femmes qui fonctionnent en apparence normalement, qui
10 ont une vie professionnelle normale mais qui n'arrivent pas à construire
11 une relation amoureuse sur la base de partenariat.
12 Question: Vous avez rencontré dans le cadre de votre pratique des femmes
13 qui ont été violées mais qui, ultérieurement, se sont mariées, c'est bien
14 exact, n'est-ce pas?
15 Réponse: Je dois dire que j'ai travaillé avec des femmes qui étaient
16 mariées, et d'autres qui étaient célibataires et qui ont été violées. Une
17 seule des jeunes filles qui était célibataire et qui avait été violée a
18 ensuite eu une liaison, une relation. C'était après les bombardements.
19 Elle, elle a été violée en 1992. Les autres ne sont pas parvenues à tisser
20 des relations durables. De nombreuses femmes dans ce cas n'avaient pas de
21 vie sexuelle, et les femmes qui se sont mariées, quant à elles, ont du mal
22 à rejoindre le lit conjugal.
23 D'ailleurs, j'en connais deux qui n'ont même pas raconté à leur mari ce
24 qui s'est passé. Elles prennent des tranquillisants pour pouvoir avoir des
25 rapports sexuels avec leur époux. Il s'agit uniquement de pouvoir
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1 supporter l'acte sexuel, il ne s'agit pas d'éprouver du plaisir pendant ce
2 rapport. C'est donc juste quelque chose qu'elles font pour maintenir leur
3 mariage à flot.
4 C'est ce que j'ai vu dans le cadre de mon activité professionnelle.
5 J'espère que cela pourrait être le cas, mais je n'ai encore jamais vu de
6 femmes qui, après avoir subi cela, puissent se remettre complètement, se
7 marier, avoir des enfants, surtout si elles n'ont pas eu recours à une
8 assistance professionnelle.
9 Question: Vous êtes donc en train de nous dire, Docteur, que quelqu'un qui
10 a été violé ne pourra jamais plus aimer?
11 Réponse: Non, je ne suis pas en train de vous dire cela. J'espère qu'une
12 personne qui a connu cela pourra de nouveau aimer. Mais il y a une chose
13 dont je suis sûre, c'est qu'il lui sera très difficile d'aimer à nouveau
14 en toute confiance. C'est une question de confiance.
15 Question: Vous nous parlez donc là de certaines séquelles du viol?
16 Réponse: Oui, cela fait partie des séquelles d'un viol. Pourtant, on
17 pourrait dire que même des choses de ce genre peuvent être considérées
18 comme des séquelles mineures.
19 Question: Vous nous avez parlé de psychose. La psychose n'a absolument
20 rien à voir avec le syndrome de stress post-traumatique, n'est-ce pas?
21 Réponse: En effet.
22 Question: Il s'agit d'une maladie mentale très grave qui doit absolument
23 être soignée en faisant appel à un psychiatre ou un psychologue, n'est-ce
24 pas?
25 Réponse: C'est en effet la forme la plus grave de maladie mentale qui
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1 existe et il faut absolument avoir recours à un médecin.
2 Question: La psychose est quelque chose qui sort de la normalité. Ce n'est
3 pas quelque chose qu'on attend tout de suite, qu'on attend voir se
4 manifester chez quelqu'un?
5 Réponse: Non, bien entendu. Quand un médecin examine le patient, il ne
6 s'attend pas à ce que ce patient souffre de la maladie la plus grave qui
7 existe, ou des séquelles et conséquences les plus graves. Cela arrive donc
8 rarement mais cela arrive néanmoins.
9 Question: Vous nous avez dit que l'amnésie peut être une des séquelles
10 d'un traumatisme du type d'un viol?
11 Réponse: Oui.
12 Question: A une réponse posée par un conseil de la défense, vous avez dit
13 que l'amnésie peut avoir un caractère manipulatif, c'est-à-dire que l'on
14 peut parler à ce moment-là de mémoire sélective, n'est-ce pas?
15 Réponse: Oui.
16 Question: Mais ne conviendriez-vous pas également que l'amnésie peut être
17 véritable, réelle et qu'il peut arriver qu'on oublie des événements en
18 raison du stress?
19 Réponse: Oui, et je l'ai d'ailleurs dit. L'amnésie peut avoir un
20 caractère de manipulation, mais j'ai placé cela en disant que c'est la
21 troisième catégorie d'amnésie parce qu'il peut arriver que l'on ne
22 souhaite pas dire quelque chose, mais il peut se faire également que cela
23 soit une séquelle du traumatisme. Je ne peux pas dire ce qu'il en est ici
24 parce que je n'ai pas eu les documents médicaux appropriés.
25 Sans m’être entretenue avec les personnes concernées, sans avoir vu leurs
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1 dossiers médicaux, je ne peux pas dire de quoi il en retourne. Je peux
2 simplement vous dire ce qu’il peut arriver, je ne peux que vous énumérer
3 les éléments qui peuvent amener à une amnésie. Quant à savoir ce qu'il en
4 est en l'espèce, je ne peux pas vous le dire.
5 Question: Vous avez dit qu'il est extrêmement difficile d'arriver à une
6 conclusion finale. Je voudrais être sûre que vous nous avez parlé d'une
7 conclusion d'une opinion médicale et non pas juridique ou judiciaire.
8 Réponse: Non, je ne m'intéresse ici nullement à l'aspect judiciaire des
9 choses. Moi, je suis médecin. Ce qui m'intéresse, c'est la médecine, en
10 particulière la psychiatrie. Mais, ce que j'ai voulu dire, c'est que je ne
11 peux pas arriver à une conclusion psychiatrique quelle qu'elle soit, à
12 l'exception d'une chose.
13 Je trouve qu'il est quand même extrêmement frappant qu'on ne dispose
14 d'absolument ou pratiquement d'aucun dossier médical digne de ce nom. En
15 tout cas, il n'y a rien, il n’y a aucun document qui est trait à un
16 traitement psychiatrique quelconque. C'est très très surprenant.
17 Question: Le fait que nous ayez pas eu accès à des dossiers médicaux fait
18 qu'il vous est très difficile de tirer une conclusion médicale sur tout
19 cela?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Mais le fait qu'il n'y ait pas de dossiers médicaux, ne vous
22 amène pourtant pas à conclure que ces incidents n’ont pas eu lieu. Il est
23 possible que ces traumatismes aient effectivement eu lieu même s’il n'y a
24 pas de dossiers médicaux concernant ces événements. C'est bien exact,
25 n’est-ce pas?
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1 Réponse: Oui, oui, certes mais si on me demande à moi de donner mon
2 opinion en tant que femme, alors je vais vous dire quelque chose. Mais si
3 on me demande mon opinion en tant que psychiatre, il faut vous dire que
4 c'est comme si tout cela n'avait pas eu lieu. Et je ne suis pas ici en
5 tant que femme, je suis ici en tant que psychiatre, que psychothérapeute,
6 dans ce contexte, je m'appuie sur des documents.
7 Question: Dans votre rapport, vous semblez analyser les déclarations des
8 témoins pour les remettre en question, pour remettre en question leur
9 véracité. Est-ce que c'est ce que vous aviez l'intention de faire?
10 Réponse: Non. C'est votre interprétation de mon rapport.
11 Question: Mais, pour que les choses soient bien claires, je voudrais
12 savoir une chose: vous n'avez pas l'intention de mettre en doute les
13 déclarations des témoins qui vous ont été présentées, c'est ce que vous
14 nous dites, n'est-ce pas?
15 Réponse: J'ai lu ces déclarations et j'ai fait mes observations, mes
16 observations de psychiatres, sur la base de lecture de ces documents.
17 Question: Encore une question, pour que les choses soient bien claires. A
18 la lecture de vos conclusions, de vos observations, j'ai parfois eu
19 l'impression que vous disiez la chose suivante: du fait que ce témoin
20 paraît mener une vie normale, qu’elle s’est mariée, qu’elle a des enfants,
21 il est impossible qu'elle ait subi ce viol, le viol en question, parce que
22 si cela avait été le cas, sa vie aurait été complètement détruite. Est-ce
23 que c'est ce que vous aviez l’intention de dire dans votre rapport?
24 Réponse: Je dois reconnaître que j'ai trouvé extrêmement surprenant pour
25 certains témoins la façon dont elles sont parvenues à reprendre une vie
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1 normale sans avoir suivi aucun traitement, quel qu'il soit. J'ai trouvé
2 surprenant qu'elles aient réussies à se remettre de tout ce qu'elles
3 avaient vécu de façon aussi remarquable sans aucune aide. Moi j’ai affaire
4 à ce genre de cas tous les jours.
5 Mme la Présidente (interprétation): Je suis un peu troublée, il me semble
6 que le témoin se place dans le mauvais contexte, où elle essaie
7 d'expliquer ce qui figure dans les déclarations. Si je me souviens bien,
8 l'accusation n'a pas demandé à ces témoins de donner aucun détail relatif
9 à des traitements médicaux ou psychologiques. En fait, on a donc donné une
10 vision un peu inexacte de la situation au témoin. Puisque l'accusation ne
11 s'est pas vraiment intéressée ou n'a pas mis en évidence le fait que les
12 témoins aient suivi ou non un traitement. Et c’est peut-être pourquoi cela
13 aurait pu induire en erreur le témoin.
14 Mme Kuo (interprétation): Vous avez raison Madame la Présidente, nous ne
15 nous sommes pas appuyés sur des éléments de nature médicale. Je demande
16 cela au témoin pour qu'elle puisse préciser la nature de son rapport. Je
17 peux d’ailleurs reformuler ma question parce que, moi, l'impression que
18 j'ai eu à la lecture de ce rapport, peut-être me suis-je trompé, j'ai eu
19 l'impression que le témoin nous disait que ce traumatisme ne pouvait pas
20 avoir eu lieu car il n’y avait pas…
21 (Madame Kuo s’interrompt).
22 Mme la Présidente (interprétation): Vous pouvez poursuivre Madame Kuo.
23 Mme Kuo (interprétation): Docteur Raskovic-Ivic, en premier lieu, le fait
24 que les témoins nous disent qu'elles mènent une vie normale, malgré ce que
25 vous nous dites peut-être est-ce que cela ne correspond pas vraiment à la
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1 réalité. Peut-être disent-elles simplement cela pour se rassurer et qu’en
2 fait, elles ne mènent pas vraiment une vie normale et que leur vie est
3 très difficile. Réponse: Je l'ignore.
4 Question: Mais, c'est une possibilité que l'on peut envisager?
5 Réponse: Oui, c'est une possibilité indéniablement, mais je l'ignore.
6 Question: Il est également possible que ces témoins présentent à l’avenir
7 des symptômes et que le syndrome de stress post-traumatique se manifeste
8 plus tard chez elles? La science médicale a montré que c'était possible
9 que ces symptômes se manifestent plus tard.
10 Réponse: Oui, oui. C'est justement de cela dont je parle, des séquelles
11 du viol qui se manifestent tardivement. Une des conséquences les plus à
12 long terme, il est très difficile pour la personne qui a subi cela de se
13 remettre émotionnellement parlant.
14 Question: N'est-il pas également possible que ces femmes soient très
15 fortes et que c’est cela qui leur ait permis de se remettre. Parce que
16 cela existe, il y a dans le monde des gens qui sont forts.
17 Réponse: Cela existe. Mais que toutes ces femmes aient cette force, je
18 trouve cela un peu bizarre. Surtout moi, j'ai rencontré beaucoup de femmes
19 qui ne sont pas fortes. Je crois que tous les hommes et toutes les femmes
20 présentent à peu près les mêmes caractéristiques psychologiques. Et puis,
21 quand... Ici, c'est un petit peu déconcertant de voir toutes ces femmes
22 qui se comporteraient de la même façon et auraient toute cette force
23 extraordinaire.
24 Question: Avez-vous bien compris que les déclarations de ces témoins ont
25 été recueillies auprès de personnes qui étaient en mesure de faire ces
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1 déclarations au Tribunal? Il ne s'agissait pas d'un échantillon
2 représentatif de la population, il s'agit d'un groupe particulier?
3 Réponse: Oui. Mais même dans ce cas en prenant un groupe de femmes qui
4 décident de parler de cela, qui veulent parler de cela, eh bien ces femmes
5 ont des difficultés malgré tout et devraient normalement être amenées à
6 consulter un psychiatre.
7 Question: Et finalement vous nous dites que vous n'êtes pas en mesure de
8 nous donner une opinion quant à savoir si ces viols ont eu lieu ou non?
9 Réponse: Non, je ne peux pas le faire parce que même chez moi, dans mon
10 pays, je ne donne aucune opinion à ce sujet. Lorsqu'il y a un viol dans
11 mon pays, je m'appuie sur les dossiers médicaux et ensuite, sur la base de
12 ces dossiers médicaux, j'indique quelle est ma conclusion en tant que
13 psychiatre. Mais je ne dis nullement si le viol, à mon avis, a bien eu
14 lieu ou pas. Ce qui m'intéresse se sont les séquelles psychologiques. Je
15 ne m'intéresse qu'à l'aspect psychologique de la question et les effets
16 psychologiques qui se manifestent chez les femmes qui viennent me
17 consulter. C'est ce que je stipule d'ailleurs dans mon rapport. Je n'ai
18 nullement dit si les événements ont eu lieu ou non parce que cela ne
19 relève pas du tout de ma compétence.
20 Question: J'en ai terminé de mes questions.
21 Mme la Présidente (interprétation): Avez-vous des questions
22 supplémentaires à poser?
23 (Questions supplémentaires du témoin par Mme Pilipovic.)
24 Mme Pilipovic (interprétation): Oui, j'ai des questions à poser.
25 Docteur, en tant que médecin, comment expliquer le témoignage d'une femme
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1 qui a été violée par 150 hommes pendant une période de 40 jours et qui ne
2 se souvient absolument de rien?
3 Mme Raskovic-Ivic (interprétation): J'ai déjà parlé d'amnésie et des
4 éléments qui s'y attachent mais je pense que quelqu'un qui a été violé par
5 150 hommes devrait s'en souvenir parce que si elle se souvient déjà du
6 nombre de personnes qui l'ont violée, elle doit se souvenir des détails.
7 Chaque homme, chaque viol individuel a constitué un traumatisme, donc
8 normalement elle devrait se souvenir de la couleur des yeux et de certains
9 détails parce que si elle se souvient du nombre, à ce moment-là elle
10 devrait se souvenir d'autre chose également.
11 Question: Une dernière question. Pouvez-vous nous expliquer un peu ce
12 qu'est la mémoire sélective ou l'amnésie manipulative?
13 Réponse: L'amnésie sélective est un type d'amnésie manipulative. La
14 manipulation tout le monde c'est ce que c'est. Il s'agit d'une tentative
15 de cacher la vérité quand on essaie de taire ce qui s'est effectivement
16 passé. C'est de la manipulation. Quand on essaie de présenter quelque
17 chose qui ne correspond pas à ce qui s'est passé.
18 Question: Merci.
19 Mme la Présidente (interprétation): Merci Docteur d'être venue ici déposer
20 devant le Tribunal. Vous pouvez maintenant quitter le prétoire.
21 (Le témoin, Mme Sanda Raskovic-Ivic, est reconduit hors du prétoire.)
22 Mme la Présidente (interprétation): Qui sera le prochain témoin?
23 (Questions relatives à la procédure.)
24 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, nous en avons
25 terminé pour la journée. Nous avions prévu d'entendre quatre experts en
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1 deux jours, nous avons terminé à l'avance.
2 Mme la Présidente (interprétation): Pourquoi les témoins suivants ne sont-
3 ils pas là? Avant la pause, j'ai insisté sur le fait, vous vous en
4 souviendrez, que tous les témoins prévus pour une semaine doivent être là
5 au début de la semaine.
6 M. Prodanovic (interprétation): Madame la Présidente, nous avions dit que
7 nous entendrions quatre témoins, mais bien entendu ce n'est pas à moi de
8 décider quand les témoins arrivent. Il y a d'autres témoins qui arrivent
9 ce soir.
10 Mme la Présidente (interprétation): Maître Prodanovic, ce n'est pas cela
11 que je veux dire. J'ai dit qu'en dehors des témoins, des quatre experts
12 témoins, il nous faudrait trois témoins supplémentaires. Je n'ai pas dit
13 un tel déposera tel ou tel jour. J'ai bien dit que tous les témoins
14 disponibles devaient venir, devaient être ici. Pourquoi ne sont-ils pas
15 là, à La Haye?
16 M. Prodanovic (interprétation): J'ai bien compris Madame la Présidente.
17 Nous avons élaboré un calendrier dans lequel nous avions prévu deux jours
18 pour l'audition de quatre témoins experts. Ensuite, nous avions prévu
19 d'autres témoins à partir de demain.
20 En ce qui concerne la défense de Kunarac, nous n'avons que deux autres
21 témoins: un que l'on entendra par visioconférence et un témoin qu'on
22 entendra demain. Nous n'aurons plus besoin de temps d'audience
23 supplémentaire. Donc, un témoin demain et puis mardi un témoin qui
24 témoignera par visioconférence.
25 Mme la Présidente (interprétation): Je voudrais savoir qui a décidé que
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1 lundi et mardi l'audience serait consacrée uniquement à l'audition des
2 experts? Qui a pris cette décision, s'il vous plaît? Parce qu'en tout cas
3 ce n'est pas la Chambre de première instance qui l'a décidée.
4 M. Prodanovic (interprétation): Non, je n'ai jamais affirmé le contraire.
5 Mme la Présidente (interprétation): A ce moment-là, pourquoi n'avez-vous
6 pas fait venir les autres témoins en même temps que les autres témoins à
7 La Haye?
8 M. Prodanovic (interprétation): Je ne sais pas comment vous répondre.
9 M. Hunt (interprétation): Mais vous avez dit que ce n'était pas à vous de
10 décider quand les témoins venaient. Cela va tout à fait à l'encontre de ce
11 qu'a dit Mme la Présidente avant les vacances judiciaires. Elle a dit
12 qu'elle voulait que tous les témoins soient ici.
13 Qui doit décider alors le moment où les témoins viennent? Qui est
14 compétent?
15 M. Prodanovic (interprétation): Il y a peut-être eu un malentendu entre
16 nous-mêmes et le service qui est chargé de faire venir les témoins. Peut-
17 être Mme Lopicic peut-elle vous donner quelques informations à ce sujet?
18 Mme la Présidente (interprétation): Maître Lopicic?
19 Mme Lopicic (interprétation): Tout d'abord, je dois vous dire que nous
20 pensions que nous aurions besoin de deux jours entiers pour les experts.
21 D'autre part, l'unité chargée des témoins et des victimes nous a dit que
22 les quatre autres témoins arriveraient aujourd'hui. D'autre part, il est
23 possible que nous en finissions avec les trois témoins supplémentaires
24 jeudi. Nous avons pris des dispositions pour que deux ou trois témoins
25 supplémentaires viennent demain.
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1 J'ai reçu des informations selon lesquelles les témoins que nous avions
2 prévus pour vendredi de la semaine prochaine n'ont pas encore reçu de
3 visa.
4 Pour cette semaine, nous avons quatre témoins supplémentaires qui sont :
5 (expurgé). Ce sont
6 les quatre témoins qui arrivent aujourd'hui de Sarajevo.
7 Mme la Présidente (interprétation): Vous leur avez donné la liste et ce
8 sont eux qui ont décidé le moment où ces témoins allaient venir?
9 Mme Lopicic (interprétation): En ce qui concerne les témoins experts, il
10 a été décidé qu'ils viendraient le 9. Pour les quatre autres témoins, on a
11 décidé qu'ils viendraient ce soir.
12 Mme la Présidente (interprétation): Mais qui l'a décidé?
13 Mme Lopicic (interprétation): Je n'en sais rien. Enfin, on nous a dit
14 qu'il arriverait ce soir.
15 Mme la Présidente (interprétation): Oui, mais vous voyez la difficulté que
16 nous avons aujourd'hui, c'est qu'en dépit des instructions que nous avions
17 données, à savoir que tous les témoins de la semaine devaient être ici le
18 week-end dernier, nous avons à nouveau un manque de témoin.
19 Et ce n'est pas la question de savoir si nous allons terminer avec les
20 témoins de Kunarac, il y a des témoins pour les deux autres accusés.
21 L'ordre de comparution des témoins n'a aucune importance, nous voulons
22 entendre le plus possible de témoins quel que soit l'ordre dans lequel
23 ils comparaissent afin de ne pas perdre et gaspiller le temps précieux de
24 la Chambre.
25 M. Hunt (interprétation): Combien de témoins avez-vous pour la semaine
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1 prochaine?
2 Mme Lopicic (interprétation): La semaine prochaine, 10 témoins. Nous avons
3 demandé 10 témoins, plus un témoignage par visioconférence qui a été
4 obtenu et une demande pour une visioconférence supplémentaire. Nous avons
5 donc maintenant 9 personnes qui vont venir à La Haye parce que le premier
6 qui figure sur la liste ne vient pas.
7 Nous aurons donc 9 témoins plus un témoignage par visioconférence.
8 D'autre part, nous avons demandé que pour la deuxième personne qui figure
9 sur la liste on l'entende par visioconférence.
10 M. Hunt (interprétation): Quelle sera la nature des dépositions de ces
11 témoins? Est-ce que ce seront des dépositions très longues?
12 Mme Lopicic (interprétation): Je ne peux pas vous dire parce que tous les
13 témoins ne vont pas témoigner pour l'accusé Vukovic.
14 M. Hunt (interprétation): Oui, il me semble que si nous entendons deux
15 témoins par visioconférence, nous en aurons fini avec ces témoins avant la
16 fin de la semaine.
17 Mme Lopicic (interprétation): Je ne sais pas quelle sera la durée de
18 l'interrogatoire de ce témoin. Cela dépendra du contre-interrogatoire.
19 Mme la Présidente (interprétation): Mais donc vous attendez trois témoins
20 pour ce soir?
21 Mme Lopicic (interprétation): Quatre pour le reste de la semaine. Pour
22 mercredi et jeudi.
23 M. Hunt (interprétation): Donc il est fort peu probable que les 9 ou 11
24 autres témoins suivant la façon dont on calcule nous suffisent pour la
25 semaine prochaine.
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1 Mme la Présidente (interprétation): Si j'ai bien compris, ce sont tous les
2 témoins de la défense. Il n'y en a plus d'autres.
3 M. Hunt (interprétation): Donc, il n'y aura pas d'autres témoins après
4 cela?
5 Mme Lopicic (interprétation): En effet.
6 Mme la Présidente (interprétation): Nous avons un certain nombre de
7 questions à aborder en ce qui concerne surtout les mesures de protection
8 pour les témoins de la défense. Nous souhaitons également aborder la
9 nature des dépositions des témoins à décharge.
10 Je me demande donc si l'accusation est prête à répondre ou si l'accusation
11 souhaite avoir un peu plus de temps pour examiner ces documents?
12 Mme Kuo (interprétation): Nous sommes prêts.
13 Mme la Présidente (interprétation): Je crois qu'une partie de ces requêtes
14 est confidentielle. Nous pouvons peut-être passer à huis clos partiel. La
15 défense peut me le confirmer. Je vais donc demander de passer à huis clos
16 partiel, Madame la Greffière.
17 (Audience à huis clos partiel.)
18 (expurgé)
19 (expurgé)
20 (expurgé)
21 (expurgé)
22 (expurgé)
23 (expurgé)
24 (expurgé)
25 (expurgé)
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12 Pages 5484 à 5515 – expurgées – audience à huis clos partiel.
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25 (L’ audience est levée à 15h 05.)