Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                            AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

  3   Mardi 15 Septembre 1998

  4   L'audience est ouverte à 9 heures 30.

  5   M. le Président (interprétation). – Bonjour, mesdames et

  6   messieurs. Je vais demander au greffier d'audience d'introduire l'affaire.

  7   Mme le Greffier (interprétation). – Affaire IT-95-16, le

  8   Procureur du Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko

  9   Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.

 10   M. le Président (interprétation). – Merci. Avant de laisser

 11   entrer le témoin, je souhaiterais préciser une chose. Vous savez que jeudi

 12   après-midi, il y aura un exercice d'évacuation du bâtiment ; nous devrons

 13   interrompre nos travaux à 13 heures 30. En conséquence, nous avons décidé

 14   que la meilleure façon de procéder pour ne pas perdre du temps serait de

 15   commencer à 8 heures 30. Nous poursuivrons jusqu'à 13 heures 30 sans

 16   interruption jeudi.

 17   Pour ce qui est maintenant de vendredi, vous savez qu'il faut

 18   que nous ayons terminé nos travaux à 12 heures 30. Par conséquent, là

 19   encore, il serait souhaitable de commencer à 8 heures 30. Nous

 20   travaillerons de 8 heures 30 à midi 30. Nous ne travaillerons pas dans

 21   l'après-midi de vendredi. Ni jeudi ni vendredi après-midi, il n'y aura

 22   d'audience dans cette salle. C'est la meilleure façon de procéder. Cela

 23   nous permet de ne pas perdre trop de temps, tout en tenant compte de

 24   certaines circonstances externes.

 25   (Le témoin, Sakib Ahmic, est introduit dans la salle


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  1   d'audience.)

  2   Bonjour, Monsieur. Veuillez vous asseoir.

  3   Si personne ne souhaite soulever de problèmes pratiques ou de

  4   problèmes d'intendance, nous allons commencer tout de suite avec le

  5   contre-interrogatoire de ce témoin. Je me tourne vers les conseils de la

  6   défense. Je me demande si quelqu'un pourrait nous préciser quel sera

  7   l'ordre des contre-interrogatoires. Monsieur Pavkovic, pourriez-vous nous

  8   indiquer dans quel ordre les conseils de la défense prendront le micro ?

  9   M. Pavkovic (interprétation). – Bonjour, monsieur le président,

 10   Madame et Monsieur les Juges. Je tiens à vous informer que le témoin sera

 11   contre-interrogé d'abord par Me Radovic, ensuite par Me Glumac, puis par

 12   Me Krajina qui voudrait lui poser quelques questions. Je vous remercie,

 13   monsieur le président.

 14   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie, maître.

 15   Maître Radovic, vous avez la parole.

 16   M. Radovic (interprétation). – Merci, monsieur le président.

 17   Monsieur Sakib Ahmic, bonjour.

 18   M. Ahmic (interprétation). – Bonjour.

 19   M. Radovic (interprétation). – Nous sommes reposés ; par

 20   conséquent, nous pouvons poursuivre, si vous le voulez bien.

 21   M. Ahmic (interprétation). – Oui, nous pouvons poursuivre.

 22   M. Radovic (interprétation). – Auriez-vous l'amabilité de nous

 23   dire, très brièvement, quelles étaient vos relations avec les Kupreskic,

 24   avec Mirjan, Zoran et leurs parents, s'il vous plaît ? Est-ce que vous

 25   étiez en bonnes relations ? Quel était votre point de vue à leur sujet


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  1   jusqu'au 16 avril 1993 ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Je me dois de vous dire que nous

  3   étions en très très bonnes relations. Depuis tout petits, on s'entendait

  4   très bien.

  5   M. Radovic (interprétation). – Vous êtes des générations

  6   différentes ; par conséquent, vous n'avez pas pu être de très bonnes

  7   relations depuis tout petits ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Je pensais effectivement à leurs

  9   parents, bien évidemment. Je ne pensais pas aux jeunes.

 10   M. Radovic (interprétation). – Vous-même et leurs parents, vous

 11   êtes de la même génération ; vous avez donc vécu ensemble et vous vous

 12   connaissiez très bien. Vous étiez en très bonnes relations. Est-ce que je

 13   vous ai bien compris ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Oui, vous avez bien dit ; c'est

 15   exact. Nous étions en très très bonnes relations depuis toujours.

 16   M. Radovic (interprétation). – Au moment où Zoran et Mirjan sont

 17   nés, quand ils ont grandi ?

 18   Je vais demander, Monsieur le Président, peut-être de travailler

 19   à huis clos, de ne pas travailler en séance publique s'il vous plaît,

 20   parce que je vais mentionner quelques noms.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je ne vous ai pas compris.

 22   M. Radovic (interprétation). - C'est une question technique que

 23   je vais poser à la Chambre, donc vis-à-vis des tiers, pas vis-à-vis de

 24   vous.

 25   M. le Président (interprétation). - Vous souhaitez, Maître, que


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  1   nous passions à huis clos pendant quelques instants. Je vous ai bien

  2   compris ?

  3   M. Radovic (interprétation). - Oui, c'est exact.

  4   L'audience se poursuit à huis clos.

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 13   pages 1920-1957 expurgées – audience à huis clos.

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 19   L'audience se poursuit en session publique.

 20   M. Radovic (interprétation). - Maintenant, nous nous sommes

 21   reposés. Nous pouvons continuer si vous le voulez bien, Monsieur le

 22   témoin.

 23   Monsieur Ahmic, nous sommes arrivés au point où nous avons

 24   donc... où vous étiez tombé. Vous avez dit que vous étiez tombé et ceci à

 25   des moments différents et je vais par conséquent vous dire des moments


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  1   dont vous avez parlé. Vous me direz à quel moment exactement vous êtes

  2   tombé.

  3   Dans la première transcription, dans la cassette vidéo, vous

  4   n'avez pas parlé du tout de votre chute. Ensuite, quand vous avez donné

  5   votre déclaration, le 24/ 04 /93, à UDBA, vous n'avez pas parlé de cette

  6   chute non plus. Au moment où vous avez été interrogé devant le Juge

  7   d'instruction à Zenica, vous avez dit que vous étiez tombé, ou vous avez

  8   perdu connaissance au moment où votre fils a été tué.

  9   Plus tard, ultérieurement, vous avez dit que vous avez donc pu

 10   observer tout. Vous étiez debout et c'est au moment où votre belle-soeur a

 11   été tuée que vous êtes tombé.

 12   Auriez-vous l'amabilité de me dire les raisons pour lesquelles

 13   vous avez parlé différemment et pour quelles raisons votre sécurité était

 14   mise en cause, si vous avez parlé d'une seule façon, si vous n'avez pas

 15   parlé différemment, d'autant plus que vous avez dit que vous avez remarqué

 16   de vos propres yeux tout ce que vous avez vu et que vous étiez debout

 17   pendant tout ce temps-là ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - J'ai considéré peut-être que ce

 19   n'était pas indispensable au moment où j'avais parlé de dire une chose ou

 20   une autre.

 21   M. Radovic (interprétation). - Attendez, Monsieur Ahmic. Au

 22   moment où vous avez dit... Moi j'accepte qu'à UDBA vous n'en avez pas

 23   parlé parce que tout simplement vous n'avez pas pensé que c'était

 24   important. Mais, à partir du moment où vous avez parlé devant

 25   le Juge d'instruction, vous avez dit que vous étiez tombé. Vous avez parlé


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  1   également du moment où vous étiez tombé. Par conséquent, c'était une

  2   déclaration qui était tout à fait libre et vous avez parlé du moment où

  3   vous étiez tombé pour, par la suite, changer votre déclaration, mettre

  4   dans un autre temps et ce qui vous permet donc de nous dire que vous étiez

  5   resté debout, que vous avez tout vu en restant debout.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, j'ai dit ce qui était

  7   vrai.

  8   M. Radovic (interprétation). - Monsieur Ahmic, je vous demande

  9   pourquoi vous avez interprété de manières différentes le moment où vous

 10   étiez tombé. C'est tout ce que je vous demande. Vous avez décrit cela de

 11   manières différentes. Je vous demande pourquoi.

 12   M. Ahmic (interprétation). - On ne m'a peut-être pas posé les

 13   questions de manière détaillée.

 14   M. Radovic (interprétation). - Monsieur Ahmic, vous avez fait

 15   une déclaration qui était votre propre déclaration : vous avez décrit lors

 16   de ces déclarations le moment où vous étiez tombé. Le Juge ne vous a même

 17   pas posé la question, il ne vous a pas demandé si vous étiez tombé. C'est

 18   tout simplement que vous l'avez raconté, c'était votre propre déclaration

 19   et le moment où vous êtes tombé, vous avez dit que c'était un moment qui

 20   n'était pas le même par rapport aux autres.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Au moment où j'ai vu Naser qui a

 22   été tué...

 23   M. Radovic (interprétation). - Quand il a été tué, vous voulez

 24   dire.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui, quand j'ai vu également ma


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  1   belle-soeur qui est tombée qui a été tuée, c'est à ce moment-là également

  2   qu'ils s'étaient rapprochés vers le lit d'Elvis et c'est à ce moment-là

  3   que j'étais tombé.

  4   M. Radovic (interprétation). - Oui, vous l'avez dit lors de

  5   votre interrogatoire principal mais je vous dis que, devant le Juge

  6   d'instruction, vous avez dit que vous avez perdu connaissance et que vous

  7   étiez tombé au moment où votre fils a été tué.

  8   M. Ahmic (interprétation). - C'était une erreur. De toute façon,

  9   moi j'ai vu de mes propres yeux que ma belle-soeur a été tuée, a été

 10   coupée.

 11   M. Radovic (interprétation). - Lors de votre première

 12   déclaration, c'était la déclaration de la cassette vidéo, n'est-ce pas ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 14   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que avant cette émission

 15   il y avait quelqu'un qui vous a interrogé, avec lequel vous avez parlé,

 16   vous avez fait une déclaration écrite ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je pense qu'il y avait

 18   quelqu'un qui était venu effectivement et qui m'avait interrogé.

 19   M. Radovic (interprétation). - C'était peut-être quelqu'un au

 20   nom de M. Mazoviecki ou vous ne vous souvenez pas ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas exactement, je ne

 22   m'en souviens pas qui était la personne qui m'avait interrogé.

 23   M. Radovic (interprétation). - Après, il y avait cette

 24   déclaration devant la télévision. Est-ce que vous vous souvenez du moment

 25   où vous avez donné cette déclaration devant la télévision, la partie où


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  1   vous parlez du moment où vous étiez tombé ? Est-ce que l'animateur vous a

  2   posé la question devant la caméra : qui avait fait une chose pareille ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Non.

  4   M. Radovic (interprétation). - Vous ne vous en souvenez pas,

  5   donc.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Mais je pense qu'au premier moment

  7   je ne me rendais pas compte qui l'avait fait.

  8   M. Radovic (interprétation). - Mais je vous reformule la

  9   question. La question est la suivante : au moment où vous avez donné la

 10   déclaration que nous avons eue par la bonté du Procureur, est-ce que lors

 11   de cette déclaration on vous a posé la question : qui avait fait une telle

 12   chose aux membres de votre famille ? Est-ce qu’il vous a posé la question

 13   au sujet du nom ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne m'en souviens pas.

 15   M. Radovic (interprétation). - Donc vous ne vous souvenez pas.

 16   C'est peut-être vrai, ce n'est peut-être pas vrai.

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas, c'est

 18   comme cela.

 19   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez si,

 20   après ces déclarations à la télévision, il y avait quelqu'un qui était

 21   venu de la part de M. Mazoviecki, qui était venu vous interroger ? C'était

 22   avant ou après la télévision ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

 24   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de

 25   la teneur de la conversation entre lui et vous-même ou, je vais préciser,


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  1   est-ce que vous vous rappelez du nom de ce monsieur ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que c'était (expurgé),

  3   (expurgé).

  4   M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit (expurgé), donc nous

  5   savons à qui ceci se rapporte.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  7   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez de

  8   la teneur de cette conversation ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Je me souviens qu'au moment où il

 10   est arrivé, il m'avait dit...

 11   M. Radovic (interprétation). - Je vais être tout à fait direct,

 12   il ne faut donc pas raconté tout cela. Est-ce qu’il vous a demandé de

 13   manière tout à fait directe qui l'avait fait, si vous avez reconnu celui

 14   qui l'avait attaqué ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas mais, ce

 16   dont je me souviens

 17   très bien parce que c'était essentiel pour moi et important, où je voulais

 18   qu'on enterre les membres de ma famille, où je souhaitais qu'ils soient

 19   enterrés. Et moi j'ai dit qu'à Grejbe* les cimetières nous avons les deux

 20   et si c'était possible, de les enterrer à Ahmici. Si ce n'était pas

 21   possible, à ce moment-là de les enterrer, si c'était possible, à côté de

 22   la mosquée de Vitez.

 23   M. Radovic (interprétation). - Stari Vitez, à côté ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Oui. Et j'ai dit que si ce n'était

 25   pas possible, à ce moment-là de les transporter jusqu'à Zenica, de venir


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  1   me chercher et de me permettre d'assister à leur enterrement.

  2   M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous s'il vous

  3   plaît que, lors de cet entretien, il y avait une question également qu'il

  4   fallait vérifier : s'il y avait encore des corps sous les débris de votre

  5   maison et qu'on n'était pas sûr si le décès s'est produit à cause du coup

  6   de feu ou bien que la personne a été brûlée ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

  8   M. Radovic (interprétation). - Mais je l'ai dit peut-être d'une

  9   façon un peu différente, mais est-ce qu'on a parlé de la manière dont la

 10   mort s'est produite ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne sais pas. On n'a pas

 12   parlé de ça.

 13   M. Radovic (interprétation). - D'après les documents dont je

 14   dispose, que nous avons reçu et qui fait partie du dossier judiciaire,

 15   nous avons parlé d'UDBA, la sécurité d'Etat. Est-ce que vous vous souvenez

 16   de ce procès-verbal, c'était le 16 mai 1993, donc un mois après les

 17   événements ? Le numéro de la pièce à conviction : 00 58 54 28.

 18   Est-ce que les policiers sont arrivés pour vous interroger à

 19   l'hôpital ou bien c'est vous qui vous êtes rendu à la police ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

 21   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez que

 22   lors de cet interrogatoire, vous avez parlé des noms d'une série de

 23   Croates pour lesquels vous avez pensé qu'éventuellement ils auraient pu

 24   être au courant de cet événement tragique qui s'est produit et qui a

 25   frappé entre autres également vous-mêmes et votre famille ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Tout ceci était très loin par

  2   rapport à aujourd'hui.

  3   M. Radovic (interprétation). - Je ne vais pas lire les noms

  4   parce qu'on peut les voir sur le procès-verbal, mais ce que je peux

  5   constater c'est qu'entre les noms dont vous avez parlé donc en 93, il n'y

  6   a ni Mirjan ni Zoran Kupreskic. Ces noms ne figurent pas sur le procès-

  7   verbal. Comment cela se passe ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Voyez-vous, Maître, à cette époque

  9   je n'ai pas osé véritablement parler des auteurs et à cette époque-là, je

 10   ne savais pas ce qui allait se passer avec moi-même, la guerre a commencé

 11   à s'enflammer dans cet espace.

 12   M. Radovic (interprétation). - Excusez-moi, il y a quelques

 13   documents que j'ai égarés. Les documents se sont mélangés. Je me réfère au

 14   procès-verbal du 24 avril 93, mais les noms sont les mêmes bien évidemment

 15   et je vois que les noms de Zoran et Mirjan Kupreskic ne figurent pas sur

 16   cette liste, sur ce procès-verbal. C'est le 22 avril 1993. Et bien,

 17   maintenant, quand vous étiez à UDBA, avez-vous parlé des personnes qui se

 18   sont rendues chez vous et comment elles étaient ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Je ne pense pas que j'avais

 20   prononcé les noms.

 21   M. Radovic (interprétation). - Non, je ne parle pas de noms.

 22   Mais avez-vous décrit les personnes qui sont rentrées chez vous ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Si j'ai donné la description à ce

 24   moment-là, j'ai probablement dit que ces personnes avaient le visage peint

 25   par les marqueurs.


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  1   M. Radovic (interprétation). - Quel genre de marqueur ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas. C'était une craie,

  3   c'était à peu près la largeur du doigt, vous voyez.

  4   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pouvez me dire si

  5   vous avez parlé des couvre-chefs qu'ils portaient ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je ne me

  7   souviens pas d'avoir parlé des couvre-chefs.

  8   M. Radovic (interprétation). -Je vais donner la lecture de ce

  9   que vous avez dit : "En même temps, j'ai vu les personnes en uniforme

 10   portant les couvre-chefs noirs. C'étaient les cagoules, que les yeux qu'on

 11   voyait, on les appelait les cagoules, donc on ne voyait que des yeux".

 12   Voilà, Monsieur le Président, c'est cela.

 13   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que c'était une erreur

 14   parce qu'il est vrai qu'ils portaient des traits peints sur le visage.

 15   M. Radovic (interprétation). - Mais le policier qui vous a

 16   interrogé ne pouvait pas inventer ce fait si vous ne l'avez pas dit, et

 17   c'est marqué que les gens portaient les couvre-chefs et les cagoules avec

 18   les ouvertures uniquement pour les yeux, pour la bouche et les oreilles.

 19   M. Ahmic (interprétation). - Oui, il y a cette possibilité

 20   également que moie j'ai dit une chose et qu'eux, ils écrivent autre chose.

 21   Je n'ai jamais dit, jamais déclaré qu'ils portaient des cagoules car j'ai

 22   toujours répété qu'ils portaient des traits peints.

 23   M. Radovic (interprétation). - Mais je lis ce qui est écrit.

 24   Vous voyez que personne ne m'a arrêté. S'il y avait jamais quelque chose

 25   qui était erroné, dont je ne donnais pas lecture correctement, on m'aurait


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  1   coupé la parole.

  2   M. Ahmic (interprétation). - Mais c'est une erreur de toute

  3   façon.

  4   M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous, s'il vous

  5   plaît, de votre description des personnes et de la manière dont elles se

  6   sont comportées, de la manière dont elles ont pénétré dans votre maison ?

  7   Est-ce que vous vous rappelez de cela ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Je m'en souviens, bien évidemment.

  9   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous voulez nous

 10   décrire s'il vous plaît la manière dont ils faisaient ? Qu'est-ce que la

 11   première personne a fait ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Kupreskic Zoran.

 13   M. Radovic (interprétation). – Non, on parle de la première

 14   déclaration. Vous parlez de la personne, la première personne (vous pouvez

 15   l'appeler comme vous voulez), qu'est-ce qu'elle a fait cette première

 16   personne quand elle est entrée dans votre maison ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Elle a tué Naser d'abord.

 18   M. Radovic (interprétation). - D'après votre première

 19   déclaration du 22 avril 93, vous dites que dès qu'il a pénétré dans la

 20   maison, il a tiré un coup de feu, un coup de rafale.

 21   M. Ahmic (interprétation). – Non, c'est une erreur.

 22   M. Radovic (interprétation). - "Quand j'ai vu la lumière, j'ai

 23   vu mon fils Naser, il avait donc tiré plusieurs rafales. Il l'a tué ".

 24   M. Ahmic (interprétation). - C'est exact. C'est Kupreskic Zoran.

 25   M. Radovic (interprétation). - Mais je vous pose la question si


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  1   c'est exact ou non, tout ce que vous avez dit ce qui est marqué dans le

  2   procès-verbal.

  3   M. Ahmic (interprétation). - Je pense que je n'avais pas parlé

  4   des rafales, qu'il avait donc tiré une rafale à la maison.

  5   M. Radovic (interprétation). - Mais c'est marqué. Est-ce que

  6   c'est votre signature ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - J'ai dit tout à l'heure que par

  8   moments j'avais dit quelque chose et qu'ils ont peut-être écrit autre

  9   chose.

 10   M. Radovic (interprétation). - Mais je vais demander, Monsieur

 11   le Président, de lire.

 12   M. Ahmic (interprétation). - C'est ma signature.

 13   M. Radovic (interprétation). - A la fin, il est marqué : "Je

 14   n'ai rien à déclarer, tout ce que j'ai dit dans ma déclaration est

 15   véridique et je confirme cela par ma signature".

 16   M. Ahmic (interprétation). - C'est vrai, mais il y a des erreurs

 17   dans ce procès-verbal, je le constate.

 18   M. Radovic (interprétation). - En ce qui concerne...

 19   M. le Président (interprétation). – Pardonnez moi, Maître, de

 20   vous interrompre. Pour que tout soit clair dans le compte rendu, je tiens

 21   à préciser que je ne trouve pas le passage que vous venez de citer.

 22   Faites-vous référence à la citation qui a été faite par le témoin le

 23   4 décembre 93, parce que celle dont vous parlez, celle du 22 avril, celle

 24   dont je dispose, tient sur une seule page.

 25   M. Radovic (interprétation). – 22 avril. Tout ce que j'ai lu,


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  1   tout ce que j'ai dit est noté dans ce procès-verbal du 22 avril. Et après

  2   on va parler de la deuxième déclaration.

  3   M. le Président (interprétation). – Je me tourne vers le Bureau

  4   du Procureur. Maître Moskowitz, je ne crois pas que nous disposons de

  5   cette déclaration dont Me Radovic parle en ce moment ?

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je vois

  7   tout à fait quelle est la feuille de papier que vous avez entre les mains,

  8   nous avons cette feuille de papier dans nos dossiers. C'est en fait un

  9   résumé de la déclaration qui a été citée par Me Radovic dans le cadre de

 10   ses questions posées au témoin. C'est une déclaration de trois pages qui

 11   date du 22 avril 1993. C'est cette déclaration que vous devriez avoir

 12   entre les mains, Monsieur le Président.

 13   M. le Président (interprétation). - Eh bien, ce n'est pas le

 14   cas. Nous disposons d'une déclaration ultérieure qui a été recueillie le

 15   4 décembre 1993.

 16   M. Radovic (interprétation). – C'est autre chose. C'est le

 17   Procureur qui en dispose et là, c'était devant la police de Zenica. Nous

 18   n'avons pas les trois premières pages dont parle le Procureur. On a tout

 19   simplement la déclaration du 22 avril 1993.

 20   De toute façon, ce n'est pas le plus important. En ce qui nous

 21   concerne, cela me suffit.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – La déclaration que tient

 23   Me Radovic est rédigée en bosniaque et elle tient sur un simple recto

 24   verso. Pour ce qui est maintenant de la traduction en anglais, elle tient

 25   sur deux pages, le recto seulement.


Page 1970

  1   M. le Président (interprétation). – Eh bien, Maître, auriez-vous

  2   l'obligeance de nous en fournir un exemplaire ?

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Certainement.

  4   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie.

  5   Maître Radovic, vous pouvez poursuivre.

  6   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, dans cette première

  7   déclaration à la police, à la personne qui est bien entraînée pour

  8   constater ce que quelqu'un a fait, etc., vous ne nommez pas cette

  9   personne. Vous dites que c'était une personne qui était masquée, qui avait

 10   donc versé de l'essence partout dans la chambre, partout. Donc pas à deux

 11   endroits.

 12   M. Ahmic (interprétation). – C'est une erreur.

 13   M. Radovic (interprétation). – "Ensuite, il a mis le feu aux

 14   deux endroits". Et ensuite, vous dites que : "Pendant tout ce temps-là, je

 15   me trouvais dans ma chambre, à côté de la porte qui était entrouverte et

 16   je regardais ce qui se passait. C'est la raison pour laquelle je ne sais

 17   pas pourquoi ils ne sont pas rentrés dans ma chambre". Voilà, Monsieur le

 18   Président, Madame et les Juges. Nous devons par conséquent juger toutes

 19   les pièces à conviction dans l'intérêt de la Justice.

 20   M. Ahmic (interprétation). – Je ne comprends pas tout à fait

 21   votre question. Vous dites que j'avais passé tout ce temps-là dans ma

 22   chambre. Est-ce que vous parlez après le moment où les personnes ont été

 23   tuées ?

 24   M. Radovic (interprétation). – Oui. Vous avez dit que vous avez

 25   regardé tout ce temps-là, que vous êtes resté tout ce temps-là dans la


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  1   chambre.

  2   M. Ahmic (interprétation). – C'est une erreur : j'étais à côté

  3   de la fenêtre, la fenêtre qui a été ouverte dans ma chambre et j'attendais

  4   le moment où l'espace se libérerait pour pouvoir moi-même m'enfuir et

  5   sauver ma propre vie.

  6   M. Radovic (interprétation). – Bien évidemment, je respecte tout

  7   ce que vous avez dit ; je comprends parfaitement que vous vous êtes enfui,

  8   etc. Mais cela ne me paraît pas tout à fait clair parce que, lors de la

  9   déclaration que vous avez donnée à UDBA, où vous avez écrit vous-même, de

 10   votre propre main, où vous avez dit que vous avez enjambé la fenêtre, que

 11   vous avez sauté par la fenêtre, et ensuite vous donnez une déclaration qui

 12   est contraire à ceci ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Mais, si je peux rajouter quelque

 14   chose, je n'ai écrit aucune déclaration de ma propre main. Cela, c'est une

 15   première chose.

 16   M. Radovic (interprétation). – Vous voulez dire que celui qui

 17   vous a interrogé, c'est lui qui avait écrit ? Mais ce n'est pas important.

 18   D'accord. Maintenant, nous allons donc voir ce qui s'est passé devant le

 19   juge d'instruction. Est-ce que vous vous souvenez qu'en octobre 1993, un

 20   juge d'instruction vous a posé un certain nombre de questions à Zenica ? A

 21   cet entretien, vous avez été assisté d'un avocat.

 22   M. Ahmic (interprétation). – Je ne m'en souviens pas. Peut-être

 23   était-ce le cas effectivement.

 24   M. Radovic (interprétation). – Vous rappelez-vous avoir entendu

 25   le juge d'instruction vous dire que vous deviez dire toute la vérité ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – Oui, effectivement, il n'a cessé de

  2   m'avertir, de me dire qu'il fallait que je dise toute la vérité.

  3   M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, celle du

  4   mois de décembre ?

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Pour que tout soit clair, je

  6   tiens à préciser que la déclaration en bosniaque de Me Radovic porte la

  7   mention "octobre" alors que, dans la version en anglais, pour une raison

  8   quelconque, c'est le mois de "décembre" qui est indiqué. Je vous apporte

  9   cet éclaircissement, Monsieur le Président. J'espère qu'il vous est d'une

 10   quelconque utilité.

 11   M. le Président (interprétation). – Absolument. Je vous

 12   remercie.

 13   M. Radovic (interprétation). – Nous ne disposons que d'une

 14   déclaration. Monsieur le Président, permettez-moi également d'ajouter

 15   quelque chose d'autre. Plutôt, je vais redire quelque chose au témoin : le

 16   juge d'instruction vous a demandé de dire la vérité ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Oui, il m'a demandé de dire toute

 18   la vérité et de parler de parler de tout ce que j'avais vu.

 19   M. Radovic (interprétation). – Il vous a dit de dire tout ce que

 20   vous aviez vu et non pas entendu ?

 21   M. Ahmic (interprétation). – Exactement : seulement ce que

 22   j'avais vu.

 23   M. Radovic (interprétation). – Et ce sont ces mêmes instructions

 24   que vous ont données les enquêteurs du Bureau du Procureur ? Et c'est bien

 25   ce que les membres de la Chambre vous ont dit aujourd'hui lorsque vous


Page 1973

  1   êtes venu déposer ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – C'est exact.

  3   M. Radovic (interprétation). – Vous avez fait un certain nombre

  4   de déclarations qui affirment des vérités différentes, semble-t-il. Je me

  5   pose la question de savoir comment de telles divergences peuvent

  6   apparaître dans les déclarations qui ont été faites, par exemple, devant

  7   le juge d'instruction de Zenica. Nous parlons ici d'un tribunal

  8   d'instance ; nous ne parlons pas d'une unité de police. Il y avait sur

  9   place un substitut du procureur, un avocat qui vous défendait ou qui vous

 10   apportait ses conseils, et ce parce qu'il était précisé que, dès lors

 11   qu'il y avait une enquête menée sur des actes graves, il était obligatoire

 12   qu'une personne soit assistée des conseils d'un avocat. Toutes ces mesures

 13   sont prises pour que les affirmations qui sont faites soient déclarées

 14   véridiques et acceptables. Donc vous avez fait une certaine description

 15   des auteurs des actes qui ont été perpétrés contre votre famille, n'est-ce

 16   pas ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Je m'en souviens.

 18   M. Radovic (interprétation). – Vous vous souvenez de ce que vous

 19   avez dit au juge d'instruction en cette occasion ?

 20   M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne m'en souviens pas. J'ai

 21   dit ce que j'ai dit.

 22   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais tâcher de vous

 23   rappeler ce que vous avez dit. Je cite votre déclaration. Et peut-être que

 24   Me Glumac, ma collègue, pourrait lire le texte parce que mon exemplaire

 25   est extrêmement mauvais, la photocopie est très mauvaise, donc je vais lui


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  1   passer le document et elle va lire le passage de la déclaration à haute

  2   voix.

  3   Mme Glumac (interprétation). - « Ce matin-là, je me trouvais

  4   chez moi en compagnie de mon fils Naser, de sa femme Dina et de eux de mes

  5   petits-fils. Le plus âgé avait 6 ans et demi, le cadet quant à lui n'avait

  6   que 3 mois et 3 jours. Ce petit enfant se trouvait encore au berceau.

  7   Avant 5 heures et demie du matin, j'ai été réveillé ».

  8   Là, je ne vois pas ce qui est écrit, c'est brouillé.

  9   Ensuite, on voit : "J'ai entendu l'appel de la prière du matin.

 10   Après l'appel de la prière du matin, un engin explosif a été jeté dans la

 11   maison. J'ai entendu l'explosion. J'ai sauté hors du lit. Je suis entré

 12   dans la pièce où se trouvaient mon fils et le reste des membres de ma

 13   famille. Mon fils était déjà réveillé. Dans cette pièce, la lumière était

 14   allumée. Simultanément, un individu portant un uniforme est apparu. Il

 15   était accompagné d'un autre individu portant un uniforme noir. Ils avaient

 16   également des couvre-chefs. Ces couvre-chefs étaient de couleur noire. Par

 17   conséquent, on ne pouvait apercevoir que leurs yeux. Leur visage était

 18   recouvert de maquillage. Nous ne pouvions apercevoir que les yeux de ces

 19   individus. Dès qu'ils sont entrés dans la pièce, l'un de ces deux

 20   individus a ouvert le feu sur mon fils Naser. Il l'a abattu sur le coup.

 21   Il y a eu donc une rafale. A ce moment-là, je suis tombé derrière le

 22   canapé sur lequel mon petit-fils se trouvait étendu, mon petit-fils Elvis,

 23   celui qui avait 6 ans et demi. Et j'ai entendu et senti qu'un des

 24   individus tirait sur ma belle-fille et sur mon fils. Des douilles sont

 25   tombées sur mon bras et sur tout mon corps".


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  1   M. Radovic (interprétation). - Eh bien maintenant je vais

  2   poursuivre la lecture parce que la photocopie est beaucoup plus lisible à

  3   présent.

  4   Je cite : "Le canapé me protégeait, par conséquent aucune des

  5   balles qui ont été tirées ne m'a atteint. Il y a eu trois premières

  6   rafales et, après ces trois premières rafales, mon fils, ma belle-fille et

  7   mon premier petit-fils sont restés à terre". C'est bien exact ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - C'est exact.

  9   M. Radovic (interprétation). - Maintenant nous atteignons un

 10   point crucial. Peut-être ne l'avez-vous pas relevé à la lecture, mais il

 11   est dit que vous êtes tombé par terre juste après que Naser a été tué.

 12   M. Ahmic (interprétation). - C'est une erreur.

 13   M. Radovic (interprétation). - Vous dites que c'est une erreur ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Absolument.

 15   M. Radovic (interprétation). - C'est une erreur de votre fait ou

 16   du fait du juge d'instruction ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Ce n'est pas moi qui ait commis

 18   cette erreur, c’est eux qui l’ont commise, j’en suis absolument certain.

 19   Moi, je suis témoin oculaire de ce qui s'est passé. J'ai vu ces hommes

 20   tirer sur ma belle-fille.

 21   M. Radovic (interprétation). - Eh bien, nous allons poursuivre

 22   et nous allons atteindre un autre point important.

 23   Je cite : "Je n'ai pas reconnu les hommes qui ont perpétré ces

 24   actes, mais ils ressemblaient" -ils ressemblaient- "à mes voisins et aux

 25   deux fils de mes voisins, Zoran et Mirjan Kupreskic qui étaient les fils


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  1   de Ante... », etc., etc., la déclaration se poursuit.

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  3   M. Radovic (interprétation). - C’est une erreur ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - C’est une autre erreur, je n’ai

  5   certainement pas nommé ces individus lors de cette déclaration. Je n’osais

  6   pas à cette époque citer leurs noms.

  7   M. Radovic (interprétation). - Mais peu de temps après vous avez

  8   cité leurs noms ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Non, c’est une erreur.

 10   M. Radovic (interprétation). - Le juge d’instruction vous a

 11   demandé de dire la vérité.

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, c’est exact, on m’a dit de

 13   dire la vérité. A chaque fois que j’ai eu un entretien de ce genre, on m’a

 14   dit qu’il fallait que je dise la vérité, mais je n’ai pas osé prononcer

 15   ces mots. Je n’ai pas osé prononcer ces noms.

 16   M. Radovic (interprétation). - Mais qu’est-ce qui a fait que,

 17   par la suite, vous avez été capable de prononcer ces noms, peu de temps

 18   après les événements ? Qu’est-ce qui vous a poussé à dire, dans le cadre

 19   d’un entretien télévisé diffusé dans le monde entier, que tout le monde

 20   devait savoir ce que vos voisins vous avaient fait ?

 21   Ensuite, vous avez dit à un représentant du Bureau de

 22   M. Mazoviecki ce qui s'était passé et vous en avez informé certains

 23   représentants des Nations Unies. Cependant, vous n'en avez pas parlé aux

 24   services de police de l’UDBA, à la police secrète donc. Vous n'en avez pas

 25   parlé à tout le monde. Vous n'en avez pas parlé au juge d'instruction. Et


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  1   vous n'avez pas non plus essayé de protéger votre identité. Vous vous êtes

  2   toujours prononcé en votre nom propre. Vos déclarations portent vos nom et

  3   prénom. Et puis, subitement, vous dites que vous ne voulez pas citer le

  4   nom des auteurs de ces actes parce que vous aviez peur, parce que vous ne

  5   vouliez pas le faire. Il y a là un lien logique qui m'échappe.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Excusez-moi, mais je précise un

  7   point important. Je n'avais pas la force nécessaire pour dire toute la

  8   vérité à l'époque. Il fallait que je me protège. A cette époque-là, je ne

  9   croyais plus personne, je n'avais plus confiance en personne. Vous

 10   comprenez, les combats venaient de commencer. Il y avait des grenades un

 11   peu partout, à Zenica. On tirait un peu partout. Et moi, je ne savais pas

 12   si j'allais rester en vie, je ne savais pas ici j'allais mourir à

 13   l'hôpital ou pas.

 14   M. Radovic (interprétation). - Mais avant qu'il vous arrive quoi

 15   que ce soit, n'aurait-il pas été plus logique que vous citiez les auteurs

 16   des actes commis contre votre famille ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Mais si j'avais su que j'allais

 18   déposer ici aujourd'hui, je l'aurais dit tout de suite. Mais je ne savais

 19   pas ce qu'il allait advenir de nous, je ne savais pas ce qui allait se

 20   passer à Zenica.

 21   M. Radovic (interprétation). - Monsieur Sakib Ahmic, pour que

 22   tout soit plus simple, seriez-vous d'accord pour que nous affirmions que

 23   vous n'avez pas écouté les conseils qui vous ont été donnés par le juge

 24   d'instruction de Zenica lorsqu'il vous au dit de dire la vérité ?

 25   M. Ahmic (interprétation). - C'est vrai, je n'ai pas dit toute


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  1   la vérité.

  2   M. Radovic (interprétation). - Parfait. Vous reconnaissez donc

  3   que vous n'avez pas dit toute la vérité.

  4   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas dit toute la vérité

  5   parce que je n'ai pas osé dire la vérité, mais pour me protéger moi-même,

  6   pour assurer ma propre sécurité.

  7   M. Radovic (interprétation). - Cela, c'est vous qui le dites.

  8   Bien.

  9   Monsieur le Président, nous disposons de ces documents dans leur

 10   version en anglais, je parle de la déposition faite devant le juge

 11   d’instruction de Zenica. Nous souhaitons demander leur versement au

 12   dossier. Le Bureau du Procureur dispose de ces mêmes documents, je n'ai

 13   donc pas besoin de lui en faire parvenir un autre exemplaire.

 14   Monsieur Sakib Ahmic...

 15   M. le Président (interprétation). - Les pièces sont versées au

 16   dossier. Pour ce qui est de ce document, il porte la date du 4 octobre

 17   1993. Nous sommes tous d'accord ? Parce que dans la version anglaise, il

 18   est fait état du mois de décembre, mais en fait cette déclaration a été

 19   recueillie en octobre.

 20   M. Radovic (interprétation). - Le Bureau du Procureur a reconnu

 21   qu'il s'agissait d'une erreur. Nous ne disposons que d'une copie du

 22   document, qui nous a été fournie par le Bureau du Procureur.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Maître Radovic a parfaitement

 24   raison. La copie dont nous disposons et qui est en bosniaque est datée du

 25   1er octobre 1993... Oui, 1er octobre 1993, je répète. Et puis, dans la


Page 1979

  1   version en anglais, on voit "4 décembre 1993". Mais je crois qu'il s'agit

  2   en fait d'un seul et même document. Pour une raison quelconque, les dates

  3   ne sont pas les mêmes. Quelle est l'explication à fournir ? Je n'en sais

  4   trop rien, mais c'est le même document.

  5   M. le Président (interprétation). - Le document est versé au

  6   dossier comme document portant la date du 1er octobre 1993.

  7   Maître Radovic, vous pouvez poursuivre.

  8   M. Radovic (interprétation). - Certainement, il y a eu une

  9   erreur.

 10   Mme le Greffier. - Document de la défense numéro D9/1.

 11   M. Radovic (interprétation). - Bien, Monsieur Ahmic, vous

 12   rappelez-vous quand les enquêteurs du Bureau du Procureur vous ont

 13   interrogé ? Et notamment, quand vous ont-ils posé des questions relatives

 14   au type d'armes qui ont été utilisées par les personnes qui ont tué les

 15   membres de votre famille ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Effectivement, on m'a posé ce type

 17   de questions, on m'a parlé des armes qui avaient été utilisées. En réponse

 18   aux questions qui ont été posées, j'ai déclaré qu'à l'époque j'avais été

 19   capable de faire un certain nombre d'observations.

 20   Je ne sais pas si un seul type d'arme a été utilisé. Moi, je ne

 21   regardais que les individus qui tenaient cette arme. C'étaient eux qui

 22   étaient au centre de mon champ de vision et l'individu qui tenait cette

 23   arme.

 24   M. Radovic (interprétation). - Lorsqu'on vous a interrogé,

 25   lorsque les membres du Bureau du Procureur vous ont interrogé, on vous a


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  1   montré une arme qui n'est pas très répandue parce qu'elle est fabriquée en

  2   nombre limité. Je parle de l'arme MGW. On vous a montré une photo de cette

  3   arme et vous avez déclaré qu'il s'agissait bien de l'arme utilisée par

  4   l'individu dont vous avez parlé. C'est une arme dont la partie supérieure

  5   du barillet est très particulière. Vous vous souvenez de cette photo ? On

  6   vous a montré une reproduction de cette arme.

  7   M. Ahmic (interprétation). - Oui, et j'ai répondu à cette

  8   question de la façon que vous avez dite parce qu'à l'époque j'ai vraiment

  9   cru qu'il s'agissait de cette arme-là, mais maintenant je ne suis plus sûr

 10   à 100 % si c'est effectivement l'arme qui a été utilisée. Ce n'est pas

 11   l'arme qui m'intéressait, c'était l'individu qui la portait.

 12   M. Radovic (interprétation). - Pourtant, vous avez affirmé au

 13   Bureau du Procureur que c'était bien l'arme qui avait été tenue par

 14   l'individu dont nous parlons. Lorsque vous avez identifié cette arme comme

 15   étant un MGW, est-ce que vous aviez des connaissances quelconques

 16   relatives aux propriétés techniques de cette arme ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Je vous demande pardon ?

 18   M. Radovic (interprétation). - Je parle des propriétés

 19   techniques de cette arme. Je vais essayer de simplifier les choses, je ne

 20   veux pas que vous pensiez que j'essaie de vous induire en erreur. Savez-

 21   vous comment les cartouches tombent à terre une fois qu'elles ont été

 22   tirées ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - J'étais couché, j'étais à terre.

 24   M. Radovic (interprétation). - Vous ne me comprenez pas,

 25   Monsieur Ahmic. Lorsque vous avez identifié cette arme, après avoir vu des


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  1   photos de cette arme, vous avez donc identifié cette arme et vous avez

  2   déclaré qu'il s'agissait d'une arme MGW. C'est, en fait, un fusil-

  3   mitrailleur qui est produit par l'entreprise Velenje. Vous avez identifié

  4   cette arme en disant qu'il s'agissait bien de l'arme utilisée ce jour-là.

  5   Mais au moment où vous avez fait cette déclaration, est-ce que

  6   vous saviez comment fonctionnait cette arme ? Est-ce que vous saviez

  7   comment les douilles tombent à terre une fois que les coups ont été tirés

  8   de cette arme ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Moi, je ne connais rien à ces

 10   armes, je ne connais rien à la balistique. Je ne sais pas comment les

 11   douilles sont tombées à terre. Mais moi, quand je l'ai vue sur la photo,

 12   je me suis dit : "Ah oui, c'est cette arme-là". Est-ce que c'était

 13   effectivement cette arme-là très particulière ? Je n'en sais rien. Je

 14   répète que je regardais l'individu qui portait cette arme et tout cela

 15   s'est passé en un quart de seconde.

 16   M. Radovic (interprétation). - Mais alors pourquoi avez-vous

 17   identifié cette arme alors que vous n'êtes pas certain du fait qu'il

 18   s'agissait bien de l'arme utilisée ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas quelle est l'arme

 20   qui a été utilisée.

 21   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je pose la

 22   question au témoin parce que nous parlons d'une arme très précise et nous

 23   aurons un rapport relatif à cette arme. Or, cette arme a pour propriété de

 24   projeter les douilles vers l'arrière et non pas vers le bas une fois que

 25   les coups ont été tirés. Bien.


Page 1982

  1   Vous avez déclaré que vous n'étiez pas en fait absolument

  2   certain de l'arme qui avait été utilisée. Mais est-ce que lorsque vous

  3   avez fait cette déclaration, vous saviez que le terrain environnant votre

  4   maison avait fait l'objet d'un examen extrêmement détaillé ? On s'est

  5   assuré que toutes les douilles et que toutes les pièces d'armement qui

  6   gisaient aux alentours de la maison avaient été rassemblées et que le

  7   terrain avait été dégagé. Est-ce que vous savez si, parmi ces douilles, on

  8   a trouvé des douilles de balles qui sont utilisées lorsqu'on se sert d'une

  9   arme MGW ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Je n'en sais rien. Je ne sais pas

 11   s'il y a eu évacuation de ce type d'éléments du terrain qui environne ma

 12   maison.

 13   M. Radovic (interprétation). - Quelqu'un vous l'a dit ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Ah oui, peut-être que quelqu'un me

 15   l'a dit.

 16   M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous savez qu'aucune

 17   trace n'a été trouvée, trace prouvant que des substances telles que de

 18   l'essence avaient été utilisées ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Je ne sais pas, personne ne m'a

 20   parlé de cela.

 21   M. Radovic (interprétation). - Oui, je sais, vous nous l'avez

 22   dit. Mais tout de même, je vous dis, moi, qu'il y a eu une enquête menée

 23   sur le terrain. Cette enquête visait à trouver des traces, certaines

 24   traces. Nous avons certains experts qui ont été envoyés sur place et les

 25   analyses ont été faites ici, aux Pays-Bas et je pense que les experts des


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  1   Pays-Bas sont des personnes extrêmement qualifiées. Or, ces personnes nous

  2   ont fait parvenir une analyse des traces qui ont été trouvées sur le

  3   terrain et elles disent qu'il n'y a pas eu de douilles trouvées sur le

  4   terrain, pas de douilles correspondant aux balles utilisées dans un MGW.

  5   M. Ahmic (interprétation). - Mais moi je vous répète que tout

  6   cela s'est passé en quelques secondes. Nous parlons de deux ou trois

  7   secondes. Et moi, je vous pose la question, Monsieur : quand on essaie de

  8   sauver sa propre vie, qui est à même de faire ce type d'observations ? Qui

  9   est à même d'expliquer en détail tout ce qui s'est produit ?

 10   J'accepte tout ce que vous me dites. Je reconnais ce que vous me

 11   dites. Mais moi, je vous dis simplement que tout s'est passé en l'espace

 12   de quelques secondes. Je ne peux pas affirmer qu'il s'agissait de cette

 13   arme ou d'une autre arme. Je ne regardais pas l'arme, je regardais l'homme

 14   qui la portait.

 15   M. Radovic (interprétation). - Bien. Simplement je m'étonne du

 16   fait que vous l'ayez d'abord identifiée, puis que vous affirmiez que tout

 17   s'est passé en quelques secondes et que vous n'aviez rien pu observer du

 18   tout. Mais nous tâcherons de faire toute la vérité sur ce point un peu

 19   plus tard. Bien

 20   Vous déclarez que le 15 avril 1993, entre 11 heures et minuit,

 21   vous avez vu un individu appelé Ivica Kupreskic. Vous vous rappelez avoir

 22   déclaré cela ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Ivica Kupreskic ?

 24   M. Radovic (interprétation). - Oui, dans le village d'Ahmici, le

 25   15 avril 1993, entre 11 heures et minuit.


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Est-ce que j'ai vu Ivica Kupreskic

  2   à ce moment-là ? Est-ce que j'ai cité son nom ? Franchement, cela

  3   m'étonnerait. Je ne crois pas avoir dit cela. Parce que là nous parlons,

  4   n'est-ce pas, de minuit.

  5   M. Radovic (interprétation). – Mais non, non, pas minuit. J'ai

  6   dit peut-être 11 heures ou 12 heures. Moi, je parle en fait de midi. Pas

  7   de minuit.

  8   M. Ahmic (interprétation). - Est-ce que je l'aurais vu ?

  9   M. Radovic (interprétation). - Monsieur, Monsieur, j'essaie

 10   d'être très précis, j'ai besoin d'une réponse très précise. Vous dites

 11   qu'entre 11 heures et 12 heures, vous avez vu Ivica Kupreskic. Moi, ce qui

 12   m'intéresse, c'est ce qu'il faisait et ce qu'il portait.

 13   M. Ahmic (interprétation). -. Mais où je l'ai vu ?

 14   M. Radovic (interprétation). – A Armici.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Nous nous serions rencontrés ?

 16   M. Radovic (interprétation). – Oui, et vous avez déclaré qu'il

 17   était accompagné d'un certain nombre de personnes. Ecoutez, l'avez-vous vu

 18   ou pas ? Si vous affirmez aujourd'hui que vous ne l'avez pas vu, alors je

 19   ne vais pas vous poser les questions que j'avais l'intention de vous

 20   poser.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Et bien, pour vous dire toute la

 22   vérité, je rencontrais souvent beaucoup de gens mais je n'ai aucune idée

 23   des dates auxquelles j'ai rencontré ces personnes.

 24   M. Radovic (interprétation). - Cette déclaration indique qu'il a

 25   vu M. Ivica Kupreskic. Bien. Je vais passer à autre chose.


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  1   Pourriez-vous nous donner les noms des Croates que vous avez

  2   rencontrés le 15 avril 1993, même après 11 heures ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Le 11 ?

  4   M. Radovic (interprétation). - Non, le 15 avril, après 11 heures

  5   du matin.

  6   M. Ahmic (interprétation). - Ah, le 15 avril, d'accord.

  7   M. Radovic (interprétation). - Oui, le 15 avril, j'ai tout

  8   précisé. Comme cela, tout le monde se comprend.

  9   M. Ahmic (interprétation). - Je ne crois pas avoir cité qui que

 10   ce soit le 15 avril. Non, Non, pardon. Dans la soirée, peut-être que j'ai

 11   rencontré quelqu'un.

 12   M. Radovic (interprétation). – Dites-nous tout ce que vous avez

 13   à nous dire. Qui avez-vous vu et où avez-vous vu ces personnes ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Attendez, non. Si nous parlons du

 15   15 avril, je ne crois pas avoir rencontré qui que ce soit à quelque heure

 16   que ce soit.

 17   M. Radovic (interprétation). - Eh bien, maintenant il va falloir

 18   revoir intégralement le compte rendu de l'audience précédente. Quel

 19   travail ! Peut-être cette tâche est-elle trop importante. Je ne vais pas

 20   m'y attacher maintenant.

 21   Quand vous êtes sorti de la maison... A présent, je vais devoir

 22   poser une question qui porte sur des noms, donc je demanderai un huis clos

 23   pour quelques instants uniquement, quelques instants pour que ces noms

 24   puissent être prononcés.

 25   M. le Président (interprétation). – Oui. Merci.


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  1   L'audience se poursuit à huis clos.

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 13   L'audience se poursuit en session publique.

 14   M. le Président (interprétation). - Vous pouvez procéder,

 15   Maître.

 16   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais répéter la

 17   question de façon qu'elle soit entendue par le public. Lorsque vous avez

 18   été interrogé au siège de la police -et cela s'est passé après

 19   l'interrogatoire que vous avez subi auprès du juge d'instruction-, comment

 20   a eu lieu cet interrogatoire ?

 21   M. Ahmic (interprétation). – Croyez-moi, je ne me rappelle pas.

 22   Je ne peux pas me rappeler tout ce qui s'est passé ; le cerveau n'est pas

 23   un filtre inépuisable. Il est donc impossible de se rappeler tout ce qui

 24   s'est passé dans son propre passé.

 25   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je vais vous poser une


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  1   question plus précise. Lorsque vous avez été interrogé pour la première

  2   fois dans les services de l'UDBA, la sécurité publique -nous en avons déjà

  3   parlé-, comment a eu lieu cet interrogatoire ? Il existe plusieurs façons

  4   d'interroger quelqu'un. On peut vous demander de parler, vous demander

  5   d'écrire, on peut vous demander de parler et la personne qui vous entend

  6   dicte à une dactylo pour que celle-ci tape à la machine. Donc je vous

  7   demande : on vous a interrogé et vous avez raconté votre histoire ? Vous

  8   avez raconté qu'une autre personne dictait ce que vous disiez lorsque vous

  9   avez parlé des cagoules, n'est-ce pas ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est une erreur.

 11   M. Radovic (interprétation). – C'est une erreur, mais ce qui

 12   m'intéresse c'est de savoir de quelle façon on vous interrogeait.

 13   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas.

 14   M. Radovic (interprétation). – Ecoutez, à la fin du texte, il y

 15   a la signature de la personne qui vous a interrogé, votre signature et la

 16   signature de la personne qui tapait le texte. Donc ce qui m'intéresse,

 17   c'est : est-ce que vous avez raconté votre histoire, est-ce que vous avez

 18   dicté les propos qui ont été enregistrés ou est-ce que ces propos ont été

 19   inscrits en dehors de votre contrôle ?

 20   M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'ai parlé et je dictais.

 21   M. Radovic (interprétation). – Donc, vous dictiez à la personne

 22   qui suivait l'interrogatoire et veillait à ce que le texte soit fidèle ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Non, la personne qui

 24   interrogeait...

 25   M. Radovic (interprétation). – Mais la personne qui vous


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  1   interrogeait lisait à haute voix le texte devant vous. C'est bien cela ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Je ne suis pas sûr.

  3   M. Radovic (interprétation). – Mais c'est comme cela que

  4   travaillait l'UDBA à l'époque. C'est comme cela que je travaillais moi

  5   aussi. Je vous demande si, dans le cadre de votre interrogatoire, c'est

  6   ainsi que les choses ont eu lieu.

  7   M. Ahmic (interprétation). – Peut-être.

  8   M. Radovic (interprétation). – Puis, je vous demande aussi au

  9   sujet de cette interview télévisée... Nous devons en parler parce que la

 10   caméra apporte des réponses, elle montre bien comment les choses ont été

 11   dites et les images qui les accompagnent. Alors, auprès du juge

 12   d'instruction de Zenica, comment est-ce que l'interrogatoire a eu lieu ?

 13   Je vous pose toujours la même question : est-ce que ce juge d'instruction

 14   vous a d'abord dit : "Vous devez dire la vérité ; si vous ne dites pas la

 15   vérité, cela constituera un délit, etc. Nous ne recherchons que la

 16   vérité" ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Oui. Oui, oui.

 18   M. Radovic (interprétation). – Ecoutez, laissez-moi terminer ma

 19   question. Ensuite, vous répondrez. Si quelque chose n'est pas clair, nous

 20   y reviendrons.

 21   Est-ce que le juge d'instruction de Zenica vous a d'abord dit

 22   que, dans une narration libre, vous pouviez raconter les événements ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est ce qu'il m'a dit. Il m'a

 24   dit de raconter ce que j'avais vu de mes yeux, donc uniquement ce qui

 25   était vrai et exact.


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  1   M. Radovic (interprétation). – C'est ce qu'il vous a dit ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

  3   M. Radovic (interprétation). – Est-ce que c'est ainsi que vous

  4   avez agi ?

  5   M. Ahmic (interprétation). – Je ne pouvais pas être franc et

  6   honnête sur tous les sujets.

  7   M. Radovic (interprétation). – Pouvez-vous expliquer pourquoi ?

  8   Ensuite, il appartiendra aux Juges de décider en quoi vous étiez en droit

  9   d'agir ainsi ou pas. Mais nous y reviendrons à la fin. Maintenant, je vous

 10   interroge sur la façon dont l'inscription, la rédaction de vos propos

 11   s'est effectuée. Est-ce que vous avez parlé au juge ? Est-ce que le juge

 12   dictait et est-ce qu'une dactylo tapait ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 14   M. Radovic (interprétation). – Et au moment où vous avez raconté

 15   votre histoire, au moment où vous avez fait cette narration libre, est-ce

 16   que le juge vous a posé des questions ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Je ne me rappelle pas.

 18   M. Radovic (interprétation). – Très bien. Est-ce que le

 19   procureur vous a posé des questions ?

 20   M. Ahmic (interprétation). – Je ne me rappelle pas.

 21   M. Radovic (interprétation). – Mais il y avait un conseil de la

 22   défense à cet endroit et, finalement, je vous demande si le conseil de la

 23   défense vous a posé des questions pendant votre narration. Parce que

 24   l'ordre de prise de parole du conseil de la défense est en général en

 25   dernier devant le juge d'instruction.


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  1   M. Ahmic (interprétation). – Ah, au moment où j'ai donné ma

  2   déclaration ? Mais je ne me rappelle pas la date exacte. Quelle est la

  3   date de cette déclaration ?

  4   M. Radovic (interprétation). – Nous venons d'en parler : c'était

  5   au début du mois d'octobre 1993.

  6   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas, je ne peux pas me

  7   rappeler précisément tous les détails. Je sais qu'il y a eu des questions.

  8   M. Radovic (interprétation). – Mais le bâtiment du Tribunal à

  9   Zenica est un bâtiment bien connu, n'est-ce pas ? Enfin, écoutez, je ne

 10   fais que vous demander si, finalement, quand tout le monde vous a

 11   interrogé, le juge vous a demandé s'il s'agissait bien de votre

 12   déposition, de la déposition faite par vous ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 14   M. Radovic (interprétation). – Et ensuite vous l'avez signée ?

 15   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 16   M. Radovic (interprétation). – Après cela vient la déclaration

 17   fournie au service de l'AID, qui porte la date du 20, et puis je n'arrive

 18   plus à lire la suite. Enfin, il s'agit d'une déclaration...

 19   M. Glumac (interprétation). – (Inaudible. Note de l'interprète :

 20   Mme Glumac souffle une date à Me Radovic.)

 21   M. Radovic (interprétation). – C'est impossible.

 22   M. Glumac (interprétation). – Si, si, c'est possible.

 23   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, dans les services de

 24   l'AID, comment s'est déroulé l'interrogatoire ? Parce que le compte rendu

 25   est écrit à la main. C'est la raison pour laquelle je pose la question.


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  1   Est-ce que la personne qui parlait avec vous a écrit le compte rendu ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas.

  3   M. Radovic (interprétation). – Vous avez dit que ce n'était pas

  4   de votre main que le texte a été écrit, donc quelqu'un d'autre a dû

  5   l'écrire ?

  6   M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est sûr. Je m'en tiens à ce

  7   que j'ai dit : ce n'est pas moi qui ai écrit ce texte. Donc c'est sûrement

  8   la personne qui m'a interrogé.

  9   M. Radovic (interprétation). – Et maintenant ce qui m'intéresse,

 10   c'est... Voyons, voyons... Dans les services de l'AID, cet homme ou cette

 11   femme vous a-t-il donné lecture de votre déclaration ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Oui, oui. On m'en a donné lecture.

 13   M. Radovic (interprétation). – Donc c'est cette personne qui

 14   écrivait elle-même ? Comment les choses se sont passées ?

 15   M. Ahmic (interprétation). – Il est probable, en tout cas, que

 16   j'aie répondu à toutes les questions qui m'ont été posées quand je

 17   connaissais la réponse.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je suis

 19   complètement perdu quant aux déclarations auxquelles fait référence

 20   Me Radovic. Est-ce que vous parlez de la déclaration de 1994 ou de 1993 ?

 21   M. Radovic (interprétation). – 1994.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - 1994 ?

 23   M. Radovic (interprétation). - 1994.

 24   M. le Président (interprétation). - Donc celle du 20 février ?

 25   Moi, aussi j'étais un peu perdu.


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  1   M. Radovic (interprétation). – Celle du 20 février.

  2   M. Moskowitz (interprétation). – Celle dans laquelle il est

  3   stipulé que la déclaration a été recueillie par le Bureau international

  4   pour la recherche sur les crimes contre l'humanité et le respect du droit

  5   international ?

  6   M. Radovic (interprétation). – Oui, en effet.

  7   Eh bien, Monsieur le Président, je vous prie de m'excuser pour

  8   vous avoir un peu fatigué et lassé, mais j'en suis arrivé au terme de mon

  9   contre-interrogatoire. Apparemment, j'ai été un peu long, et parfois un

 10   peu rapide.

 11   M. le Président (interprétation). – (Hors micro.)

 12   M. Glumac (interprétation). – Je vous remercie, mais je crois

 13   qu'il serait préférable que nous ayons maintenant la pause de façon que je

 14   revoie un peu les questions posées déjà par Me Radovic, car les questions

 15   que je souhaite poser sont très semblables aux siennes. Donc il vaudrait

 16   mieux peut-être que je commence mon contre-interrogatoire après le

 17   déjeuner.

 18   M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant lever

 19   la séance pour le déjeuner. Nous reprendrons nos travaux à 13 heures 45,

 20   n'est-ce pas.

 21   La séance est suspendue.

 22   Suspendue à 12 heures  20, l'audience est reprise à 13 heures 45.

 23   M. le Président (interprétation). – Avant de reprendre nos

 24   travaux, puis-je poser la question de la climatisation de la salle ? Il me

 25   semble que nous avons bien chaud. Enfin, c'est la technologie qui veut


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  1   cela.

  2   En attendant le témoin, je vais me tourner vers le Bureau du

  3   Procureur et je vais demander au substitut ce qu'il en est de cette

  4   cassette que nous avions visionnée lors de notre dernière session. Où en

  5   sommes-nous, Maître Moskowitz ?

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Un de nos enquêteurs est à

  7   Sarajevo cette semaine, Monsieur le Président ; il est en train d'obtenir

  8   toutes les informations qui pourraient être disponibles relatives à cette

  9   cassette.

 10   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.

 11   D'après ce que j'ai compris, votre mémoire juridique relatif à

 12   la persécution sera déposé aujourd'hui ?

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Absolument. Nous y apportons

 14   les toutes dernières retouches.

 15   J'aimerais, d'autre part, soulever un point qui concerne plus

 16   directement M. le Juge May et qui porte sur ce problème des mesures qui

 17   ont été prises à Ahmici : un de nos experts est sur place en ce moment

 18   même, il est en train de réaliser diverses mesures. Nous serons à mêmes de

 19   vous en dire plus un peu plus tard.

 20   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Monsieur

 21   Radovic, vous avez la parole.

 22   M. Radovic (interprétation). – Eh bien, je voulais tout

 23   simplement dire que nous n'allons pas pouvoir pratiquer l'expertise de

 24   graphologie, compte tenu du fait qu'elle avait treize ans à l'époque où

 25   elle avait signé. Maintenant, elle a 18 ou 19 ans, il n'est par conséquent


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  1   pas possible d'identifier les deux signatures. C'est tout ce que je

  2   voulais dire, Monsieur le Président.

  3   M. le Président (interprétation). – Maître Glumac ?

  4   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, Madame et

  5   les Juges, je voudrais tout simplement vous demander si vous disposez de

  6   toutes ces déclarations parce que je vais m'y référer lors de mon contre-

  7   interrogatoire, pour pouvoir suivre.

  8   (Le président fait un signe de tête affirmatif.)

  9   Monsieur Ahmic, bonjour. Je m'appelle Jadranka Slokovic-Glumac

 10   et je vais vous poser quelques questions supplémentaires. Je vais essayer

 11   de ne pas répéter ce qui a été déjà avancé, mais il y a peut-être un

 12   certain nombre de questions que nous allons être obligés de reposer.

 13   Revenons à vos déclarations précédentes, ceci pour voir d'où

 14   viennent les différences qui existent dans ces déclarations précédentes

 15   par rapport à la situation dans laquelle vous vous trouvez. C'est mon

 16   confrère Branko Radovic (?) qui vous a posé la même question. Vous avez

 17   dit dans ce prétoire aujourd'hui, vous l'avez également redit, que vous

 18   étiez debout à la porte de votre chambre et que vous avez donc vu la

 19   manière dont votre fils et votre belle-fille ont été tués. Je vais tout

 20   simplement vous faire référer à la déclaration que vous avez donnée le

 21   22 avril 1993. Cela vous a déjà été rappelé aujourd'hui, mais c'est

 22   indispensable pour moi, à cause de l'ordre chronologique.

 23   Dans ces déclarations, vous avez dit -et je cite- que "pendant

 24   tout ce temps, je me trouvais dans ma chambre, à côté de la porte

 25   entrouverte et je regardais dans l'entrebâillement ce qui se passait. Par


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  1   conséquent, je ne vois pas très clairement pourquoi ils ne sont pas

  2   entrés, ils n'ont pas pénétré dans ma chambre". C'est la page n° 2 de la

  3   déclaration.

  4   Après quoi -je pense que c'était probablement avant également-,

  5   au moment où vous avez parlé avec (expurgé) vous appelez

  6   (expurgé), vous avez parlé avec lui à deux reprises ou une fois. Est-ce que

  7   vous vous en souvenez, s'il vous plaît ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Je ne me souviens pas si c'était

  9   une seule fois que je l'ai rencontré ou éventuellement deux fois. Mais je

 10   pense que c'est deux fois que je l'ai rencontré, à deux reprises.

 11   Mme Glumac (interprétation). – C'était juste après l'événement,

 12   n'est-ce pas ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 14   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, si vous en

 15   êtes d'accord, je vais donner lecture du procès-verbal de la Commission

 16   chargée des Droits de l'homme, elle fait part du procès-verbal. Je

 17   voudrais tout simplement rappeler un certain nombre de différences au

 18   témoin. C'est à cette époque-là que vous avez dit...

 19   (expurgé) avait transmis à M. Okaven et, citation : "Je me

 20   suis caché derrière le canapé qui se trouvait dans une pièce alors que les

 21   soldats du HVO ont fait irruption dans l'autre pièce. La famille qui

 22   habitait cette maison se trouvait dans l'autre pièce. Il y avait là le

 23   père, la mère, un garçon de quatre ans et un petit bébé. Le témoin a

 24   entendu une rafale de coups de feu et a vu s'écrouler à terre le mari et

 25   son épouse. Les soldats ont alors versé de l'essence dans la pièce. Cette


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  1   essence était transportée dans des bouteilles en verre. Ils en ont versé

  2   partout dans la pièce, y compris sur le canapé derrière lequel le témoin

  3   se trouvait caché.

  4   Ensuite, la maison a été incendiée grâce à des allumettes. Le

  5   témoin n'a pas été capable de dire si ces membres de la famille avaient

  6   été tués par l'incendie ou par les rafales de coups de feu qui avaient été

  7   tirés."

  8   Eh bien, vous avez dit que vous étiez donc dans la chambre,

  9   derrière le canapé, mais pas dans la chambre où les membres de votre

 10   famille ont été tués, mais dans votre chambre, derrière le canapé, n'est-

 11   ce pas ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Non, ce n'est pas ça ce que j'avais

 13   dit. J'ai dit que je suis tombé, que j'étais perdu à un moment donné. Je

 14   suis tombé à côté du canapé, mais dans l'autre chambre.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce que vous avez raconté

 16   ceci d'une manière erronée à (expurgé), étant donné qu'il avait écrit son

 17   rapport en suivant les notes qu'il avait prises ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je ne pense pas que j'aie pu

 19   commettre une erreur pareille. Je ne sais pas comment ça s'est produit.

 20   Tout ce que je sais, c'est que j'étais dans la chambre où les membres de

 21   ma famille ont été tués et que c'est dans cette chambre que je me suis

 22   effondré à côté du canapé.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Il y a également une autre

 24   déclaration qui concerne cet événement. Comme c'est différent, c'est la

 25   raison pour laquelle je m'y réfère. C'est également une transcription de


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  1   la cassette vidéo que nous avons vue. Lors de cette déclaration également,

  2   vous avez précisé : "J'ai entrouvert la porte et je regardais dans

  3   l'entrebâillement". Il y a les quatre versions de ce que vous avez dit et

  4   ce que nous avons pu constater, où vous vous trouviez au moment où cet

  5   événement critique s'était passé.

  6   (expurgé) a parlé avec vous. Vous avez signé le

  7   compte rendu de la police et il y avait ces déclarations que vous avez

  8   présentées à la télévision. C'était bien la vôtre.

  9   M. Ahmic (interprétation). - Mais c'était mal compris peut-être,

 10   que j'étais dans ma chambre et que les membres de ma famille étaient dans

 11   l'autre chambre. C'était peut-être une mauvaise interprétation, mais je

 12   pense que ce n'était pas bien compris et que c'était comme ça que ça a été

 13   écrit. Mais moi, j'étais dans la chambre où les membres de ma famille ont

 14   été tués.

 15   Mme Glumac (interprétation). - D'accord, mais on va poursuivre.

 16   Il y a une autre question également qui est importante et qui concerne

 17   votre déclaration et cette fois-ci concerne la description des personnes

 18   qui ont pénétré dans votre maison.

 19   Vous avez répété aujourd'hui également qu'ils portaient de la

 20   peinture noire sur le visage ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 22   Mme Glumac (interprétation). - C'est avec des marqueurs que les

 23   agresseurs avaient des visages peints et qu'il y avait quelques traits

 24   tout simplement et que, malgré ces traits, vous avez pu reconnaître ces

 25   personnes ?


Page 2003

  1   (Le témoin fait un signe de tête affirmatif.)

  2   Lors de votre déposition devant le Tribunal le 13 octobre et le

  3   14 octobre 1994, vous avez changé quelque peu, en d'autres termes, vous

  4   avez décrit d'une manière différente les agresseurs. En ce qui concerne

  5   Zoran et Mirjan Kupreskic, vous avez précisé -c'est la page 3- (que les

  6   interprètes n'ont pas, indique l'interprète) que vous avez vu

  7   Mirjan Kupreskic qui avait des couleurs sur le visage et une bande sur le

  8   visage. Vous avez dit exactement la même chose pour Zoran. Vous avez dit,

  9   je cite : "J'ai reconnu Zoran même s'il avait des couleurs sur le visage

 10   et une bande". C'est une description. Une deuxième description que vous

 11   avez présentée, et c'est une description que vous avez faite devant le

 12   juge d'instruction, c'était le 1er octobre 93. Lors de cette déclaration,

 13   vous avez dit qu'ils portaient des uniformes noirs avec des couvre-chefs

 14   et que c'étaient les couvre-chefs noirs et qu'on ne voyait que des yeux.

 15   "Pour le visage, il y avait des bandes et des traits de couleurs

 16   différentes que j'ai pu remarquer, il n'y avait que les yeux que j'ai pu

 17   voir".

 18   M. Ahmic (interprétation). – Effectivement, je l'ai dit pour ma

 19   sécurité, j'avais peur et je ne voulais pas donner les noms des personnes

 20   en question.

 21   Mme Glumac (interprétation). – Mais vous avez changé les

 22   couleurs des traits sur le visage. Pourquoi vous avez dit qu'il y avait

 23   des couleurs différentes ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Non, j'ai toujours parlé des traits

 25   noirs.


Page 2004

  1   Mme Glumac (interprétation). – C'était le marqueur qu'ils ont

  2   utilisé ou une bande ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas si c'était une bande

  4   ou si c'était avec le marqueur qu'ils se sont peint le visage, je ne peux

  5   pas vous le préciser.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Le 22 avril 93, en revanche, à la

  7   page n° 1, vous avez précisé qu'"en même temps des personnes en uniforme

  8   pénétraient dans ma maison, portant les couvre-chefs" qu'"on ne voyait que

  9   des yeux" et que "ces couvre-chefs s'appellent Ninja*". A la fin de votre

 10   déposition, vous dites que les agresseurs et les auteurs de ces crimes,

 11   vous ne pouviez pas les reconnaître étant donné qu'ils portaient les

 12   masques et les couleurs dans cette situation-là, ils avaient des cagoules

 13   sur le visage, ils portaient des cagoules, mas uniquement le couvre-chef.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Je vous l'ai déjà dit, j'avais

 15   peur. Je ne voulais pas qu'on fasse pression sur moi, qu'on me demande de

 16   donner les noms.

 17   Mme Glumac (interprétation). – Pourquoi voulez-vous que la

 18   police fasse une pression, vous auriez pu reconnaître ou ne pas

 19   reconnaître.

 20   M. Ahmic (interprétation). – Mais je les ai reconnus. Je savais

 21   fort bien de qui il s'agissait.

 22   Mme Glumac (interprétation). – Mais c'est moi qui vous dis, vous

 23   auriez pu les reconnaître et ne pas changer les descriptions.

 24   M. Ahmic (interprétation). – Mais je vous ai dit les raisons

 25   pour lesquelles je l'ai fait.


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  1   Mme Glumac (interprétation). – En ce qui concerne donc le fait

  2   de reconnaître Zoran ou Mirjan Kupreskic, si vous voulez bien je vais

  3   poursuivre. Lors du débat, vous dites que vous les avez reconnus à la

  4   minute même quand ils sont apparus...

  5   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Dans la transcription de la

  7   cassette vidéo -il s'agit de la transcription de la déclaration que vous

  8   avez faite vous-même-, vous précisez que l'armée du HVO est rentrée par la

  9   porte, qu'ils ont enfoncé la porte d'un coup de pied et que, par des

 10   rafales, ils ont détruit la clôture sur le balcon. Là, vous ne parlez de

 11   personne ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai jamais parlé des rafales

 13   sur le balcon et sur la véranda, mais j'ai tout simplement dit qu'il y

 14   avait des détonations à côté de la maison, ou à proximité de la maison.

 15   M. Glumac (interprétation). – Mais c'est vous qui l'avez dit, ce

 16   n'était probablement pas une erreur. Nous l'avons entendu ici aussi dans

 17   ce prétoire également. Après quoi, dans la déposition que vous avez donnée

 18   au service d'Etat à Zenica le 22 avril 1993, vous dites ce que j'ai lu

 19   tout à l'heure, que vous n'avez pas reconnu les auteurs de ces crimes

 20   compte tenu du fait qu'ils portaient les couvre-chefs et des couleurs sur

 21   le visage.

 22   M. Ahmic (interprétation). -A qui ai-je donné ces dépositions ?

 23   Mme Glumac (interprétation). – Devant le tribunal de Zenica et

 24   vous poursuivez, vous dites que vous n'avez pas reconnu les deux visages,

 25   mais qu'ils ressemblaient à vos voisins, à deux frères, Mirjan et


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  1   Zoran Kupreskic, qui sont les fils de Vlatko Kupreskic, prénommé Sutra,

  2   alors qu'aujourd'hui vous avez également parlé du fait que vous n'avez pas

  3   précisé à (expurgé) l'identité de ces personnes.

  4   M. Ahmic (interprétation). – Je l'ai dit peut-être. Le fait est

  5   que c'étaient les personnes et que j'en suis sûr et certain.

  6   M. Glumac (interprétation). – Mais j'essaie d'établir un ordre

  7   chronologique et surtout d'attirer votre attention sur les différences de

  8   vos déclarations.

  9   M. Ahmic (interprétation). – Mais il y a des différences parce

 10   que je n'ai pas osé dire toute la vérité, toute la vérité.

 11   M. Glumac (interprétation). – D'accord. Maintenant, nous allons

 12   voir les raisons pour lesquelles vous n'avez pas cité les noms des

 13   auteurs. Lors de votre déposition dans ce prétoire, vous avez dit que vous

 14   n'avez pas osé donner les noms de ces personnes étant donné que la guerre

 15   prenait de l'essor et de l'envergure.

 16   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est vrai.

 17   M. Glumac (interprétation). – Et que vous ne saviez pas comment

 18   la guerre allait se terminer, que c'était la raison pour laquelle vous

 19   n'aviez pas le courage de dire le nom des auteurs.

 20   M. Ahmic (interprétation). – C'est bien ça. C'était justement la

 21   raison : la question de ma propre sécurité.

 22   M. Glumac (interprétation). – Le 2 septembre 1995, vous avez

 23   donné une déclaration complémentaire aux enquêteurs du Tribunal de

 24   La Haye. Ils vous ont posé la question : d'où viennent les différences

 25   entre votre déclaration donnée aux enquêteurs en 1994 et la déclaration


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  1   que vous avez donnée devant le Tribunal, pour le Tribunal ? Vous avez donc

  2   dit -je cite- : "Je ne pense pas que le premier enquêteur m'avait posé des

  3   questions toutes spéciales. Il ne m'avait pas demandé qui avait tué mon

  4   fils, ma belle-fille et mes deux petits-fils. Il m'avait tout simplement

  5   posé un certain nombre de questions d'ordre général sur ce qui s'était

  6   passé à Ahmici". Par conséquent, là vous précisez que la raison était

  7   justement que les questions d'un tel genre ne vous ont pas été posées.

  8   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas quelle était la

  9   raison dans le cas concret.

 10   M. Glumac (interprétation). – C'est quand même vrai qu'à ce

 11   moment-là vous avez dit aux enquêteurs que, tout simplement, on ne vous a

 12   pas posé la question sur les circonstances dans lesquelles cela s'est

 13   déroulé.

 14   M. Ahmic (interprétation). – Non. Ce n'est pas qu'on m'avait

 15   posé des questions de ce genre-là, mais…

 16   M. Glumac (interprétation). – Je vais attirer votre attention

 17   sur une autre déclaration que vous avez donnée devant ce Tribunal. Ceci

 18   concerne maintenant les différences qui sont apparues entre les

 19   déclarations que vous avez données aux enquêteurs et une autre déclaration

 20   qui a été donnée devant le juge d'instruction. Là, vous avez dit : "J'ai

 21   été confus à moment-là et, par conséquent, j'ai déclaré qu'ils

 22   ressemblaient à mes voisins". Avant, vous avez dit également, en réponse à

 23   la question qui était directe, "Pourquoi avez-vous déclaré : 'Je n'ai pas

 24   reconnu ces deux personnes' ?", vous donnez la réponse suivante : " Je ne

 25   sais pas pourquoi j'ai dit cela ; je ne sais pas pourquoi ces mots sont


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  1   sortis de ma bouche. Mais dans la phrase qui suit, j'ai déclaré la chose

  2   suivante : 'Ils ressemblaient à deux de mes voisins, Mirjan et Zoran

  3   Kupreskic, qui sont les fils de Sutra Kupreskic. A ce moment-là, la

  4   confusion régnait dans mon esprit et j'ai déclaré qu'ils ressemblaient à

  5   mes voisins", explication qui est différente par rapport à ce que vous

  6   avez dit lors des débats.

  7   M. Ahmic (interprétation). – Mais je n'étais pas confus ; j'ai

  8   bien reconnu les personnes. Ce n'est pas à ce sujet-là que j'étais confus.

  9   Je pense tout simplement qu'il y avait un certain nombre, comme je l'ai

 10   dit, de sécurités… Enfin, personnellement, je n'avais pas confiance. Je

 11   n'avais confiance en personne et je n'ai pas osé en parler, même s'il

 12   avait insisté ; il voulait véritablement que je dise, que je réponde de

 13   manière exacte. Mais, pour moi, c'était difficile.

 14   M. Glumac (interprétation). – Vous avez dit que vous avez eu

 15   peur de donner les noms des auteurs ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 17   M. Glumac (interprétation). – Par rapport à cette affirmation

 18   d'après laquelle vous n'avez pas osé donner les noms des agresseurs, le

 19   22 avril 1993, vous avez dit la chose suivante : "Je n'ai pas reconnu les

 20   auteurs de ces actes étant donné qu'ils portaient des couvre-chefs et

 21   avaient des couleurs sur le visage. Mais, deux jours auparavant, j'ai

 22   remarqué Ivo Papic, Slavko Milicevic, Niko Sakic, Toma Alilovic,

 23   Joso Alilovic, Nikola Alilovic, Gabro Vidovic et Ivica Vidovic, surnommé

 24   Jevco, ainsi que Jure Vrebac qui était membres des formations du HVO et

 25   qui se déplaçaient dans le village et autour de ma maison".


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  1   Outre ces personnes-là, vous avez parlé à plusieurs reprises,

  2   déjà lors de votre première déclaration, de Vlatko Kupreskic, de Nikica

  3   Safradin, surnommé Cico, et d'une personne de nom Petrovic. Vous avez

  4   parlé de toutes ces personnes qui auraient pu être mêlées dans tous ces

  5   événements, le 16 avril ?

  6   M. Ahmic (interprétation). – Vous parlez de cette liste que j'ai

  7   donnée et de ceux qui se déplaçaient dans le village ? C'est vrai. Ils

  8   marchaient dans le village. Les noms, de toute façon, ça ne porte

  9   préjudice à qui que ce soit : ils n'ont pas commis les erreurs ni les

 10   actes criminels…

 11   M. Glumac (interprétation). – Et, pour Vlatko Kupreskic, cela

 12   n'impliquait aucun risque si vous disiez qu'il enlevait des objets de

 13   l'atelier de votre fils qui a été tué ?

 14   M. Ahmic (interprétation). C'est une chose tout à fait

 15   différente. Le jour du 16 avril, lorsque les membres de ma famille ont été

 16   tués dans ma maison, à ce moment-là, alors que j'étais debout à côté de la

 17   fenêtre et que j'attendais une possibilité pour…

 18   Mme Glumac (interprétation). - Bien. Cela, vous l'avez dit dans

 19   votre déclaration, cela a déjà été évoqué, mais je vous demande comment il

 20   se fait que vous avez également mentionné le nom d'autres personnes dont

 21   celui de Vlatko Kupreskic ? Vous avez également mentionné le nom de

 22   Cico Safradin...

 23   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 24   Mme Glumac (interprétation). - ...Qui se trouvait à cet endroit

 25   et qui était tout près de l'endroit où les assassinats ont eu lieu.


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Il est d'abord allé... Il est

  2   apparu devant la maison, il est allé dans la direction de Franjo Kupreskic

  3   qui s'occupait des poulets et Cico et lui a dit : "Retourne voir ce qui se

  4   passe". Cico est revenu vers la maison et la maison était déjà en flammes

  5   à ce moment-là.

  6   A ce moment-là, Franje revient en arrière, Franje lui demande :

  7   "Qu'est-ce qui se passe, Cico ?" et Cico, sur un ton un peu énergique,

  8   dit : "Il n'y a rien, tout est mort".

  9   Mme Glumac (interprétation). - Mais il était à une distance très

 10   faible, très petite de la scène des événements, n'est-ce pas ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que Cico portait un

 13   uniforme ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Oui, oui, il portait un uniforme.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Voyez, il portait un uniforme.

 16   Avant cela, dans la même déclaration, en page 1, vous avez dit qu'il

 17   conduisait probablement une camionnette TAM.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Mais c'est ce que vous avez dit.

 20   M. Ahmic (interprétation). - Non, il ne s'agissait pas de

 21   Cico Safradin, il s'agissait d'un autre homme, du fils, de Ilkan.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Mais pour cet autre Safradin,

 23   vous avez dit qu'il est arrivé dans cette camionnette TAM et qu'un certain

 24   nombre d'objets ont été déchargés à la veille du conflit.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Oui, le 13 ou le 14.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - "J'ai vu qu'un certain nombre

  2   d'objets étaient déchargés, pour lesquels j'ai découvert plus tard qu'il

  3   s'agissait de mitrailleuses antiaériennes, des PAM, ainsi que des PAT -P-

  4   A-T-, qui sont des canons antiaériens, des canons Bestersov (?), des

  5   canons sans recul et des armes MB, ainsi qu'une grande quantité de

  6   munitions."

  7   M. Ahmic (interprétation). - Je crois que ce que j'ai dit au

  8   moment de cette déclaration était tout à fait exact. J'ai dit que j'ai vu

  9   cette camionnette TAM aux alentours de 9 heures, lorsque cette camionnette

 10   est arrivée dans la cour d'Ivica Kupreskic. Et j'ai dit également que la

 11   cheminée... Que les lumières dans cette maison n'étaient pas allumées. Or

 12   elles étaient allumées tous les soirs. Ce soir-là, elles n'étaient pas

 13   allumées.

 14   La camionnette TAM est restée toute la nuit devant cette maison

 15   et, vers 7 heures du matin, elle est repartie.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Cela, vous l'avez déjà dit. Mais

 17   ce que je vous demande c'est si vous avez vu le déchargement de ces

 18   objets.

 19   M. Ahmic (interprétation). - Non, ça, c'est une petite erreur.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Ah, c'est une erreur ? Bien. Donc

 21   vous avez mentionné le nom d'autres personnes, vous avez parlé d'Ilkan, le

 22   fils de Safradin. Vous avez parlé de Kupreskic...

 23   M. Ahmic (interprétation). - De Vlatko.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et d'autres personnes qui

 25   auraient pu être mêlées à ces événements.


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Le fait est que, à partir de la

  2   maison de Suhrija, Ahmed, Lija, Vlatko est arrivé vers ma maison...

  3   Mme Glumac (interprétation). - Mais vous affirmez que cela ne

  4   fait pas le moindre doute que vous avez reconnu ces personnes à ce moment-

  5   là ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui, de cela je suis sûr.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Mais vous avez mentionné le nom

  8   de certaines personnes que vous aviez vues et pas le nom d'autres

  9   personnes.

 10   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas compris de quels noms

 11   vous parlez.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Les noms dont je vous ai lu la

 13   liste. Bien, poursuivons. Dans la déclaration que vous avez faite devant

 14   ce Tribunal, vous avez déclaré également que le feu a été mis à un endroit

 15   dans la pièce.

 16   (Signe de dénégation du témoin.)

 17   C'est ce que vous avez dit, je l'ai lu dans un compte rendu

 18   d'audience.

 19   M. Ahmic (interprétation). - Non, le feu a pris au même moment

 20   dans deux endroits de la maison : au niveau d'une chaise qui se trouvait à

 21   côté du lit de Sejo, le petit enfant qui est mort, et au niveau du buffet.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Donc, selon le compte rendu, vous

 23   avez parlé d'un endroit mais... bon, vous dites aujourd'hui qu'il y en a

 24   eu deux.

 25   M. Ahmic (interprétation). - Le fait est qu'il y en avait deux,


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  1   c’est certain.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Très bien. D'après ce que vous

  3   dites, qui a fait cela, qui a versé le liquide ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Mirjan.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Qui a mis le feu ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Mirjan.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Toujours au moment de l'audience

  8   devant le Tribunal, lorsqu'on vous a interrogé, vous avez dit, je cite :

  9   "L'un des deux hommes a versé à partir d'une bouteille du liquide dans la

 10   chambre et ensuite ils ont mis le feu en deux endroits dans la pièce", fin

 11   de citation.

 12   M. Ahmic (interprétation). - C'est inexact.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Ce qui signifie que deux hommes

 14   ont mis le feu. Et à la police, dans les mêmes circonstances, vous avez

 15   déclaré ce qui suit, je cite : "Immédiatement après les meurtres des

 16   membres de ma famille, de la famille de mon fils Naser, un agresseur au

 17   visage peinturluré qui avait une bouteille à la main a versé du liquide un

 18   peu partout dans la pièce et a mis le feu en deux endroits avant de

 19   quitter la maison", fin de citation.

 20   M. Ahmic (interprétation). - Non, ce que j'ai dit et qui est

 21   exact est que, lorsqu'il a pénétré dans la maison, il a jeté de l'essence

 22   sur le côté gauche, il a mis le feu, il s'est tourné vers la droite, il a

 23   mis le feu à la chaise qui se trouvait à côté du lit de Sejo et, pendant

 24   qu'il faisait cela, l'autre a terminé tout ce qu'il avait l'intention de

 25   faire. Il a tué...


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Dites-moi, s'il vous plaît, où se

  2   trouvait cette chaise, de quel côté de la porte d'entrée ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Sur la droite de la porte qui

  4   permettait d'entrer dans la pièce, sur la droite, immédiatement. Il y

  5   avait le petit lit et la chaise. Entre le lit et la porte.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Dans la documentation élaborée

  7   par les Nations Unies en rapport avec la déclaration que vous avez faite à

  8   (expurgé), vous dites quelque chose de différent. Vous dites à

  9   (expurgé), je cite : "Les soldats ont alors versé de l'essence qu'ils

 10   portaient dans des bouteilles en verre un peu partout dans la pièce y

 11   compris sur le canapé derrière lequel le témoin se cachait ". Fin de

 12   citation.

 13   Après cela, la maison a pris feu. Par ce mots, vous affirmez que

 14   les deux hommes ont versé de l'essence dans la maison.

 15   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Bon, c'est bien.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – C'est peut-être un peu tard,

 18   Monsieur le Président, mais je souhaitais élever une objection par rapport

 19   à la référence qui est faite à cette déclaration donnée à (expurgé) et

 20   M. Pajavan. C'est une déclaration que le témoin ne connaît pas, n'a pas

 21   lue, n'a pas signée et il me paraît un peu inéquitable de lui citer une

 22   déclaration de troisième main et qui a été fournie à une tierce personne.

 23   Cela n'est pas, à mon avis, une manière équitable de contre-interroger le

 24   témoin.

 25   M. le Président (interprétation). – Oui, je suis d'accord,


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  1   d'autant plus que je crois comprendre que vous avez cité (expurgé) comme

  2   témoin.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Oui, en effet.

  4   Mme Glumac (interprétation). – Mais M. Pajavan a été entendu et

  5   a dit qu'il avait élaboré cette déclaration sur la base des notes qui lui

  6   avaient été remises par (expurgé) et que, pour élaborer cette déclaration,

  7   aux fins de son témoignage, il s'était appuyé sur les notes en sa

  8   possession. Donc il ne s'agissait pas de personnes qui se trouvaient par

  9   hasard sur les lieux et qui ont été entendues par hasard, mais il s'agit

 10   de personnes affectées et à qui a été confiée la mission de suivre les

 11   événements, donc je pense que ces déclarations ont un certain poids et une

 12   certaine valeur dans le cadre de notre procès, mais je ne poursuivrai pas

 13   mes questions sur ce point.

 14   M. le Président (interprétation). – Entendu.

 15   Mme Glumac (interprétation). –Nous allons encore parler quelques

 16   instants de ces déclarations, car un certain nombre de déclarations ont

 17   été faites et nous considérons que ces déclarations ont un poids

 18   indubitable, donc nous aimerions encore poser quelques questions à ce

 19   sujet. Dans la déclaration devant ce Tribunal, vous avez déclaré que le

 20   premier à pénétrer dans la pièce a été Zoran et que Mirjan a pénétré dans

 21   la pièce immédiatement derrière lui.

 22   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 23   Mme Glumac (interprétation). – Cela, vous l'avez répété à

 24   plusieurs reprises, il n'y a pas de problème, pas d'ambiguïté à ce sujet.

 25   Mais dans la déclaration que vous avez faite devant l'enquêteur les 13 et


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  1   14 octobre 1994, vous avez décrit les événements d'une façon tout à fait

  2   différente. Je vais maintenant vous donner lecture d'un passage de cette

  3   déclaration. Vous avez dit ce qui suit, je cite :

  4   "Lorsque j'ai regardé dans la direction de Naser, j'ai vu

  5   pénétrer dans la pièce Zoran Kupreskic qui était penché en avant et qui

  6   tenait un fusil à deux mains comme s'il s'apprêtait à tirer. Je l'ai

  7   reconnu même s'il avait sur le visage des traits de couleur. Il a pénétré

  8   dans la pièce et il s'est tourné vers la droite où Naser était debout.

  9   Naser se trouvait dans le coin inférieur de la pièce et ne portait pas

 10   d'arme. Lorsque Zoran a vu Naser, il a immédiatement tiré une rafale qui a

 11   tué Naser. Zoran s'est alors retourné dans la direction de Zehrudina qui

 12   était toujours sur le matelas et a tiré une rafale sur elle mais ne l'a

 13   pas tuée.

 14   (Rire du témoin.)

 15   Ensuite : "Il s'est dirigé vers le canapé sur lequel se trouvait

 16   Elvis. Au moment où il a commencé à marcher, j'ai vu pénétrer dans la

 17   salle de séjour Mirjan Kupreskic", fin de citation.

 18   Donc... Je vous prie de m'écouter jusqu'au bout.

 19   Je cite : "Lui aussi avait des peintures, des couleurs sur le

 20   visage, mais j'ai tout de même reconnu Mirjan car je le connais depuis sa

 21   naissance. Mirjan portait une bouteille qui contenait quelque chose qui

 22   ressemblait à de l'essence. Il est allé jusqu'au canapé qui se trouvait

 23   dans la partie est de la salle de séjour et a versé un peu d'essence sur

 24   le canapé. Après quoi, il s'est dirigé vers le fauteuil qui se trouvait à

 25   la droite de la porte d'entrée de la salle de séjour et a versé de


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  1   l'essence sur ce fauteuil. Après quoi il a allumé une allumette et a mis

  2   le feu au fauteuil. C'est tout ce que j'ai vu car je suis tombé sur le

  3   ventre sur le canapé où se trouvait Elvis. Je suis tout de même absolument

  4   sûr qu'il s'agissait de Zoran, mais je n'ai pas vu si Mirjan portait des

  5   armes. Et il est arrivé jusqu'à moi et a tiré trois rafales sur moi."

  6   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). – Donc ce que vous dites, c'est que

  8   Mirjan a pénétré dans la pièce après que le premier agresseur qui, selon

  9   vous, serait Zoran, a tué votre fils et votre belle-fille.

 10   M. Ahmic (interprétation). - Au moment même où Zoran a pénétré

 11   dans la pièce, au même moment, Mirjan a pénétré dans la pièce.

 12   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Ahmic, c'est ce que vous

 13   avez dit au cours des débats. Comment cela se fait-il qu'à l'enquêteur

 14   auquel vous avez parlé pendant deux jours, vous avez décrit les événements

 15   en disant que Mirjan a pénétré dans la pièce après la commission des deux

 16   meurtres. Et ensuite, au moment où il se dirige vers le canapé où se

 17   trouve votre petit-fils...

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   Mme Glumac (interprétation). – ...Mirjan parvient à mettre le

 20   feu en deux endroits dans la pièce, à mettre le feu. C'est seulement à ce

 21   moment-là que se produisent les tirs que vous ne voyez pas ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Je vais vous dire : tous ces

 23   événements se sont produits en un instant, en quelques secondes.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Je vous crois. C'est exact. Mais

 25   il y a une chose que j'aimerais vous dire : vous affirmez aujourd'hui, en


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  1   vous disant sûr à cent pour cent –c'est ce que vous avez dit vendredi dans

  2   votre déposition- que les événements se sont déroulés de la façon que vous

  3   avez dite. Moi, je vous montre que vous avez parlé de ces mêmes événements

  4   d'une façon différente.

  5   M. Ahmic (interprétation). – Ça, c'est…

  6   Mme Glumac (interprétation). – Donc vous ne pouvez pas

  7   aujourd'hui être sûr à tel point.

  8   M. Ahmic (interprétation). – Je suis sûr à cent pour cent.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Vous êtes sûr à cent pour cent ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – A cent pour cent.

 11   Mme Glumac (interprétation). – Ces erreurs, d'après vos

 12   suppositions, sont des erreurs dues à des tiers ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Ce sont peut-être des erreurs dues

 14   à moi, mais ce que je vous dis, c'est qu'il est exact que, lorsque Zoran a

 15   pénétré dans la pièce, Mirjan est entré dans la pièce immédiatement

 16   derrière lui, il a versé de l'essence sur la chaise à droite. Pendant que

 17   cela se faisait, l'autre a commis les meurtres de Naser, de ma belle-fille

 18   et d'Elvis, et qu'à ce moment-là j'étais déjà couché au sol. J'ai déjà

 19   dit, il y a quelques instants, que tout cela s'est produit en quelques

 20   secondes et tout était fini. Personne n'est venu pour photographier ou

 21   filmer ceci ou cela.

 22   Mme Glumac (interprétation). – Mais dans ces quelques secondes,

 23   vous avez quatre versions de ces événements. Il y a peut-être certaines

 24   choses que vous ne vous vous rappelez pas mais, chaque fois, vous apportez

 25   des réponses déterminées.


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  1   Mais parlons encore quelques instants de ce fusil qui a déjà été

  2   mentionné. Vous avez déclaré au cours des débats, ce matin, que vous ne

  3   vous rappelez pas exactement quel était le fusil qui était entre les mains

  4   de Zoran Kupreskic.

  5   M. Ahmic (interprétation). – Oui, je n'en suis pas sûr à cent

  6   pour cent parce que mon regard n'était pas dirigé sur l'arme, mais sur la

  7   personne qui commettait ce crime, qui tuait tout le monde et qui voulait

  8   me tuer moi aussi, en un instant.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Le 13 octobre, dans cette

 10   déclaration que vous avez fournie au juge d'instruction, vous avez déclaré

 11   ce qui suit : "Le fusil qu'il portait avait une longueur d'environ

 12   48 centimètres. Au bout du canon se trouvait un chargeur circulaire. Le

 13   13 octobre 1994, un fusil automatique de marque MGV m'a été montré. Et je

 14   crois que c'est exactement ce type de fusil que Zoran a utilisé le

 15   16 avril 1993", fin de citation

 16   Donc vous décrivez en détail le fusil, vous dites quelle est sa

 17   longueur, où se trouve le chargeur, vous dites que c'était un fusil de ce

 18   type, en tout cas que c'était votre impression. Ce sont des descriptions

 19   très précises.

 20   M. Ahmic (interprétation). – Oui, ils m'ont montré ce fusil.

 21   Mais ce qui est vrai, c'est que ce fusil m'a été montré à ce moment-là.

 22   Peut-être qu'il s'agissait d'un autre fusil, peut-être plus grand, qu'est-

 23   ce que j'en sais, à ce moment-là ?

 24   Mme Glumac (interprétation). – Mais pourquoi avez-vous dit à ce

 25   moment-là que vous aviez l'impression que c'était le même fusil ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – Qu'est-ce j'en sais ? Peut-être que

  2   c'était un fusil même plus grand.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Mais ici nous parlons de vos

  4   déclarations, c'est la raison pour laquelle je vous pose ces questions.

  5   M. Ahmic (interprétation). – Oui et je vous ai répondu que, dans

  6   des moments de ce genre, j'aimerais que chacun d'entre vous soit placé

  7   dans des situations de ce genre et que je vous pose des questions aussi

  8   détaillées.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Je peux m'imaginer, je peux

 10   m'imaginer. Dites-moi, d'après vous, ces événements dans la maison ont

 11   duré combien de temps ?

 12   M. Ahmic (interprétation). – Quelques secondes.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Quelques secondes ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Le temps de taper dans les mains.

 15   (Le témoin tape dans ses mains.)

 16   Mme Glumac (interprétation). – Bien. Encore une question que

 17   j'aimerais vous poser : en fait, qui a tiré à l'intérieur de la maison ?

 18   Il y a quelques différences dans les diverses déclarations que vous avez

 19   faites à ce sujet. Devant le Tribunal, vous avez dit que c'est Zoran

 20   Kupreskic qui a tiré.

 21   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 22   Mme Glumac (interprétation). – Qu'il a tué Naser, Zehrudina,

 23   Elvis et le bébé, parce que Mirjan ne portait pas de fusil ?

 24   M. Ahmic (interprétation). – Je ne sais pas s'il portait un

 25   fusil.


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  1   Mme Glumac (interprétation). – Vous n'avez pas vu qu'il en avait

  2   un ?

  3   M. Ahmic (interprétation). – Et je ne sais pas s'il en avait un

  4   parce que Mirjan était tout le temps accroupi.

  5   Mme Glumac (interprétation). – Mais comment a-t-il pénétré dans

  6   la pièce : accroupi aussi ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Comment je peux le savoir ?

  8   Mme Glumac (interprétation). – Comment a-t-il pénétré dans la

  9   pièce ?

 10   M. Ahmic (interprétation). – Il a pénétré dans la pièce derrière

 11   Zoran.

 12   Mme Glumac (interprétation). – Mais dans quelle position ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Il était penché en avant et c'est

 14   accroupi qu'il a tiré sur le lit.

 15   Mme Glumac (interprétation). – Il était donc accroupi ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – Oui, accroupi.

 17   Mme Glumac (interprétation). – Et Zoran ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Zoran était debout, il se tenait

 19   droit.

 20   Mme Glumac (interprétation). – Comment avez-vous pu voir Mirjan

 21   s'il était accroupi et qu'il est entré derrière Zoran ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Mais comment est-ce que je ne

 23   l'aurais pas vu ? Je vous vois, vous, aujourd'hui.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Mais il y avait une table au

 25   milieu ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – C'est une table qui ne me gênait

  2   pas pour voir.

  3   Mme Glumac (interprétation). – Elle ne vous gênait pas ?

  4   M. Ahmic (interprétation). – Non, pas du tout.

  5   Mme Glumac (interprétation). – Sur ce même sujet, vous avez dit

  6   à la police ce qui suit.

  7   (Les interprètes signalent qu'elles ne possèdent pas ces

  8   diverses déclarations.)

  9   Je cite, il s'agit de la déclaration du 22 avril :

 10   "Immédiatement après avoir pénétré dans la pièce, l'un des deux hommes a

 11   tiré une rafale dans le couloir, alors que le deuxième, voyant qu’il y

 12   avait de la lumière dans la pièce, et voyant mon fils Naser debout dans la

 13   pièce, a tiré une rafale sur lui et tué ma belle-fille, Zehudina, après

 14   avoir pénétré dans la pièce, ainsi que le petit Elvis qui dormait encore

 15   avec elle dans le lit. Puisqu’ils ont tiré des rafales sur eux, au bout

 16   d’un instant le silence s’est fait et ensuite le petit a recommencé à

 17   pleurer".

 18   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et l’assassin s’est retourné ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Il n’a pas fait demi-tour, il s’est

 21   simplement retourné.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Bien. Je vous lis ce qui figure

 23   dans le document.

 24   Je cite : "Et il a ensuite tiré une rafale sur le berceau de

 25   l’enfant" (fin de citation).


Page 2023

  1   Dans cette déclaration, il apparaît qu’il y a eu deux rafales,

  2   l’une dans la véranda,

  3   l’autre...

  4   M. Ahmic (interprétation). - Non. La rafale qui est mentionnée

  5   ici se rapporte au meurtre de Naser et n’a pas été tirée dans la véranda.

  6   Il n’y a pas eu de rafale dans la véranda.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Très bien.

  8   Je prends maintenant la déclaration que vous avez faite devant

  9   le juge d’instruction. Dans cette déclaration, vous avez affirmé qu'ils

 10   avaient pénétré dans la maison, que l’un des deux avait tiré sur Naser et

 11   que vous étiez tombé derrière le canapé sur lequel dormait votre petit-

 12   fils et que vous avez entendu qu’ils tiraient une rafale sur votre belle-

 13   fille et sur votre fils.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Donc c’est encore au pluriel, il

 16   y a deux hommes qui ont tiré ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non, il y a une seule personne, un

 18   seul homme qui a tiré dans cette pièce.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et finalement je vais encore vous

 20   montrer, grâce à la transcription de la cassette qui a été diffusée et que

 21   nous avons vue, que vous utilisez également le pluriel.

 22   Vous dites dans cette transcription ce qui suit, je cite :

 23   « Entre-temps, les membres du HOS... Non, plutôt les soldats du HVO sont

 24   arrivés à la porte, ils ont défoncé la porte à coups de pied et ont

 25   immédiatement tiré une rafale dans la véranda. Ils sont ensuite entrés


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  1   dans la pièce où la lumière était allumée ».

  2   M. Ahmic (interprétation). - Oui, la lumière était allumée.

  3   Mme Glumac (interprétation). - « Et comme ils ont vu que mon

  4   fils était debout, ils l’ont immédiatement abattu, et moi j’ai entrebaîllé

  5   la porte et ai regardé entre l’entrebaîllement. Ensuite, ils ont tiré une

  6   rafale sur ma belle-fille et sur mon deuxième petit-fils, Sino. Ils se

  7   sont ensuite dirigés vers la porte, mais le petit... »

  8   M. Ahmic (interprétation). - ...S’est fait entendre.

  9   Mme Glumac (interprétation). - « ... a commencé à pleurer dans

 10   son berceau » (fin de citation).

 11   Donc, à partir de cette déclaration, il apparaît également qu’il

 12   y avait deux hommes qui ont tiré ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Non, un seul homme.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Un seul homme ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Un seul homme a tiré.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous me dire encore une

 17   chose ? Vous dites, dans cette déclaration, que vous avez pu voir ce qui

 18   était arrivé à Naser, vous l’avez vu. Que voulez-vous dire par là ?

 19   Lorsque Naser est tombé et que la maison a commencé à brûler,

 20   vous l’avez regardé pour voir ce qui lui arrivait. Vous avez dit qu’il y

 21   avait du sang.

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j’ai jeté un coup d’œil et

 23   devant sa poitrine, il y avait du sang. Je l’ai vu de mes yeux. J’ai

 24   ouvert ensuite la fenêtre et j’ai essayé de sauter par la fenêtre pour

 25   m’enfuir et sauver ma vie. Mais quand j’ai regardé par la fenêtre, j’ai vu


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  1   en bas Vlatko et deux ou trois soldats. Vlatko est arrivé à la maison de

  2   Suhrija...

  3   Mme Glumac (interprétation). - Nous n’allons pas aller plus

  4   loin, cela vous l’avez déjà raconté et ne fait pas l’objet du moindre

  5   doute.

  6   Est-ce que vous avez regardé ce qui arrivait à Elvis et à Sead ?

  7   Est-ce vous avez vu cela ou n’avez-vous pas réussi à le voir ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Que voulez-vous dire par là ?

  9   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes

 10   approché pour voir ce qui leur arrivait ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non, d’ailleurs je ne me suis

 12   approché de personne à

 13   ce moment-là.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Non ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Non, il suffisait que je jette un

 16   coup d’œil car tout se trouvait dans une pièce de 6 mètres sur 8.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Vous ne vous êtes approché

 18   d’aucun d’entre eux ?

 19   M. Ahmic (interprétation). - Non.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Dans cette transcription de la

 21   cassette vidéo, vous affirmez que vous avez essayé de retirer les enfants

 22   de cette pièce.

 23   M. Ahmic (interprétation). - C’est ce que j’ai imaginé, j’ai

 24   pensé à la façon dont j’aurais pu les sauver, mais je n’ai rien réussi.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Vous dites la chose suivante, je


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  1   cite : « J’ai essayé de retirer les enfants pour les emmener dans la pièce

  2   où je me trouvais de façon à ce que nous soyons tous localisés dans une

  3   pièce, au moins pour que les enfants ne brûlent pas vivants, c’est-à-dire

  4   que si on nous tue les enfants ne brûlent pas vifs ».

  5   M. Ahmic (interprétation). - C’est ce que j’ai imaginé, mais en

  6   fait je n’ai retiré personne de la pièce.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Bien. Dites-moi, s’il vous plaît,

  8   encore à quel dormait Elvis ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Elvis ?

 10   Mme Glumac (interprétation). - Oui, Elvis.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Il dormait sur le canapé.

 12   Mme Glumac (interprétation). - C’est le même canapé derrière

 13   lequel vous dites que vous vous êtes caché ?

 14   M. Ahmic (interprétation). - Exactement.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Bien. Il y a quelques instants,

 16   j’ai lu un extrait de

 17   la déposition que vous avez faite à la police, déposition dans laquelle

 18   vous dites que : « Lorsque les soldats ont pénétré dans la pièce, ils ont

 19   tué notre belle-fille, Zehudina, et le petit Elvis qui dormait encore avec

 20   elle dans le lit ».

 21   M. Ahmic (interprétation). - Non, il ne dormait pas avec elle

 22   dans le lit.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Mais ce sont toutes des

 24   déclarations que vous avez signées ; c’est la raison pour laquelle je vous

 25   demande pourquoi cela ne correspond pas à ce que vous dites aujourd’hui.


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Alors c’est une erreur de celui qui

  2   a écrit tout cela parce qu’Elvis avait son propre canapé sur lequel il

  3   dormait, Sejo avait aussi son petit lit dans lequel il dormait, et Naser

  4   et sa femme, Zehudina, avaient un matelas sur le sol et dormaient sur ce

  5   matelas.

  6   Mme Glumac (interprétation). - C’est ce que vous avez dit

  7   avant ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - J’ai toujours dit les choses de

  9   cette façon parce que je ne peux pas expliquer les choses autrement

 10   qu’elles ne sont.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Avançons un petit peu, si vous le

 12   voulez bien.

 13   Vous avez déclaré qu’en dessous de la maison, il y avait une

 14   cave et que cette cave était aménagée et qu’on pouvait y vivre. Est-ce que

 15   vous entendez par là qu’il y avait une pièce avec une cuisine et que l’on

 16   pouvait y vivre, ou est-ce qu’il y avait autre chose ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Non, c’était une pièce avec une

 18   cuisine.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Je vois. Y avait-il des

 20   toilettes ?

 21   M. Ahmic (interprétation). - Je vous demande pardon ?

 22   Mme Glumac (interprétation). - Y avait-il des toilettes dans la

 23   cave ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Non. Je ne vous avais pas comprise,

 25   mais non, il n’y avait pas de toilettes.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Donc toute personne qui vivait

  2   dans la cave devait utiliser les toilettes à l’extérieur ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Exactement, dans un petit appentis. 

  4   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous-même il vous

  5   arrivait de passer un peu de temps dans la cave ?

  6   M. Ahmic (interprétation). - Cela nous arrivait à tous.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Notamment dans les mois d’été ? 

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui, pendant les mois d’été et en

  9   hiver également. 

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et il vous arrivait souvent de

 11   dormir dans la cave ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - Oui, nous y dormions, et notamment

 13   moi j’y dormais si les choses n’étaient pas assez calmes en haut,

 14   j’essayais d’y trouver un petit peu de calme et d’y dormir.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous passiez la nuit,

 16   est-ce que vous y dormiez la nuit ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui, absolument, ou bien lorsque je

 18   voulais me reposer pendant la journée ; les deux cas de figure se sont

 19   présentés.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Cela signifie que dans la cave,

 21   il y avait tout ce dont vous aviez besoin ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Absolument, il y avait également

 23   l’eau courante.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie.

 25   Monsieur, aviez-vous un chien ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui, nous avions un chien. C’était

  2   un Berger allemand.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Un Berger allemand ?

  4   M. Ahmic (interprétation). - Non, c’était un bâtard et nous

  5   l’avons adopté parce que nous lui avons un jour donné de la nourriture et

  6   il est resté là.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce chien rentrait dans

  8   la maison ?

  9   M. Ahmic (interprétation). - Non, il n’est jamais rentré dans la

 10   maison. Les chiens n’entrent pas dans la maison, les chiens sont faits

 11   pour vivre dehors, mais nous le nourrissions tous, moi je lui donnais de

 12   la nourriture également.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Et ce chien était avec vous

 14   lorsque tous ces événements se sont produits ?

 15   M. Ahmic (interprétation). - Vous voulez dire dans la maison ?

 16   Mme Glumac (interprétation). - Non, devant la maison. Est-ce que

 17   vous avez vu le chien ?

 18   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu, mais j’ai

 19   entendu des aboiements et ensuite il y a eu cette rafale, puis un grand

 20   silence, je n’ai plus entendu le chien. J’ai eu cette pensée qui m'a

 21   traversé l’esprit : « Le chien a été tué ».

 22   Mme Glumac (interprétation). - Le chien était attaché ?

 23   M. Ahmic (interprétation). - Non, il n’était pas attaché, il se

 24   déplacé librement dans la cour.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Parmi les maisons croates, quelle


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  1   est la maison qui se trouvait immédiatement en contrebas de la vôtre sur

  2   la route ?

  3   M. Ahmic (interprétation). - Sur la route ?

  4   Mme Glumac (interprétation). - Oui.

  5   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas exactement,

  6   ma maison en fait se trouve entre deux routes, celle qui mène vers Ahmici

  7   et celle qui va vers Pirici. Et moi, je me trouve exactement dans l’angle

  8   que forment ces deux routes. Là, je regarde vers le bas, je suis entre la

  9   route qui mène qui va vers Ahmici et la route principale.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et à qui appartient la maison qui

 11   se trouve en première position le long de cette route ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - C’est la maison de Vlatko

 13   Kupreskic.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Fort bien.   

 15   Vous avez dit que ces événements se sont déroulés très

 16   rapidement, que tout s’est déroulé en l’espace de quelques secondes.

 17   M. Ahmic (interprétation). - Oui, tout a été terminé très

 18   rapidement.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Naser travaillait-il dans la

 20   cordonnerie ou le magasin de chaussures qui se trouvait entre Vitez et

 21   Ahmici ?

 22   M. Ahmic (interprétation). - Oui, effectivement. Il y a

 23   travaillé constamment jusqu'à son dernier jour.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu’il lui arrivait d’aller

 25   prendre un verre avec ses amis après le travail pour se détendre ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, tout dépendait du temps

  2   libre dont il disposait, tout dépendait également de l’argent dont il

  3   disposait. A l’époque, nous n’avions pas beaucoup d’argent, il nous

  4   fallait travailler dur.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce qu’il lui arrivait

  6   parfois d’aller prendre un verre avec des amis après le travail ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Bien sûr, il avait des amis, bien

  8   sûr.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Revenons aux événements qui se

 10   sont déroulés dans la maison.

 11   Vous avez déclaré que les gonds se trouvaient sur le côté droit

 12   de la porte.

 13   M. Ahmic (interprétation). - C’est exact.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez déclaré que vous vous

 15   trouviez sur le seuil de la porte ou étiez-vous devant la porte ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Eh bien, moi j’étais près de

 17   l’embrasure de la porte.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Lorsque vous avez vu cette

 19   personne se dirigeait vers Elvis, vous avez déclaré que vous aviez perdu

 20   connaissance et que vous vous étiez effondré.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Oui, j’ai complètement perdu

 22   connaissance.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Mais comment êtes vous tombé ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - Ma tête est allée heurter le mur.

 25   Comment cela s’est produit, je n’en suis pas certain moi-même.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - D’après le plan qui nous a été

  2   montré par le Bureau du Procureur, vous vous êtes effondré de telle sorte

  3   que vos jambes étaient orientées vers le nord. Vous étiez allongé sur le

  4   ventre et votre tête a heurté le mur. Comment cela s’est-il produit ?

  5   M. Ahmic (interprétation). - Ce n’est pas volontaire !

  6   Mme Glumac (interprétation). - Non, mais c’est une question que

  7   je vous pose. Vous êtes tombé sur le ventre ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Où votre tête a-t-elle heurté le

 10   mur ? Au niveau du sol ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Non, j’ai heurté le sol avec ma

 12   tête, pas le mur de ma tête, enfin je ne sais pas. Peut-être ai-je

 13   effectivement heurté le mur de ma tête, mais je me suis retrouvé là,

 14   complètement prostré, sur le sol, entre le canapé et le mur.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Donc, en fait, vous étiez debout

 16   dans l’embrasure de la porte et vous êtes tombé sur le ventre et

 17   verticalement par rapport au mur.

 18   M. Ahmic (interprétation). - Je ne peux pas vous décrire comment

 19   tout cela s’est déroulé. Je ne peux pas vous décrire ce qui s’est passé.

 20   Peut-être ai-je fait un pas en direction de Naser et peut-être qu’à ce

 21   moment-là j’ai eu cette attaque cardiaque, que je suis tombé, peut-être

 22   que mon cerveau a réagi de cette façon-là.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Vous étiez en train de regarder

 24   Naser à ce moment-là ? Vous regardiez dans sa direction, parce que vous

 25   dites que vous avez peut-être fait un pas dans sa direction ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). - Non, j’ai dit peut-être, peut-être

  2   que j’ai fait un pas dans la direction de Naser. Ils étaient tous là sous

  3   mes yeux puisque je me tenais là sur le seuil de la porte.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et

  5   Monsieur les Juges, j’ai encore trois autres questions, mais il me

  6   faudrait passer en audience à huis clos pour les poser.

  7   M. le Président (interprétation). - Nous passons en audience à

  8   huis clos.

  9   L'audience se poursuit à huis clos.

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  5   Audience publique

  6   M. Krajina (interprétation). - Je voudrais demander au témoin

  7   s'il a effectivement dit que Vlatko Kupreskic avait volé les biens de son

  8   fils. Monsieur Ahmic, pourriez-vous répondre à cette question, s'il vous

  9   plaît ?

 10   M. Ahmic (interprétation). - Oh pardon, c'est à moi que vous

 11   parlez ? Nulle part je n'ai dit que Vlatko Kupreskic volait des objets.

 12   M. Krajina (interprétation). - Merci. Nous n'avons besoin

 13   d'aucune autre affirmation, Monsieur Ahmic, cela suffira. Bien.

 14   Monsieur le Président, je voudrais maintenant poser mes

 15   questions au témoin, M. Sakib Ahmic.

 16   Monsieur Ahmic, c'est à vous que je m'adresse et je ne vais vous

 17   demander que quelques éclaircissements. Le 4 septembre dernier, donc juste

 18   avant l'interruption de nos travaux, lors du dernier jour des débats, vous

 19   avez déclaré qu'au matin du 16 avril 1993, alors que vous observiez ce qui

 20   se passait depuis la fenêtre de votre chambre, vous avez vu dans la cour

 21   de la maison de Vlatko Kupreskic un soldat du HVO. Et, après l'avoir vu,

 22   vous vous êtes dit que vous n'aviez pas le courage de sortir de la maison

 23   par la fenêtre. C'est bien exact ?

 24   M. Ahmic (interprétation). - C'est exact.

 25   M. Krajina (interprétation). - Avez-vous reconnu ce soldat ?


Page 2039

  1   M. Ahmic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas reconnu.

  2   M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, dans le

  3   compte rendu d'audience du 4 septembre, à la page 43, ligne 16, il est dit

  4   -et c'est erroné- que ce soldat était Vlatko Kupreskic. Alors, est-ce que

  5   cette erreur peut être rectifiée, s'il vous plaît ? Je ne sais pas comment

  6   elle a pu se glisser dans le compte rendu, mais pourtant elle s'y trouve

  7   bel et bien. Elle se trouve dans le compte rendu de l'audience de ce jour-

  8   là et nous nous en sommes aperçu en consultant nos ordinateurs. Il y a eu

  9   une erreur.

 10   M. le Président (interprétation). - Maître Krajina, est-ce que

 11   vous dites que le

 12   témoin, par erreur, a cité Vlatko Kupreskic comme étant le soldat qui se

 13   trouvait dans la cour ?

 14   M. Krajina (interprétation). - Oui, précisément.

 15   M. le Président (interprétation). - En fait, vous voulez dire

 16   que le témoin ne voulaitpas dire que Vlatko Kupreskic était le soldat en

 17   question, il n'a pas identifié le soldat comme étant Vlatko Kupreskic ?

 18   M. Krajina (interprétation). - Et c'est ce que le témoin vient

 19   de répéter, que ce soldat n'était pas Vlatko Kupreskic. C'est peut-être le

 20   mot "cour" qui manquait.

 21   M. Ahmic (interprétation). - Essayons de bien nous comprendre.

 22   Je me trouvais à la fenêtre et j'attendais le moment propice pour

 23   m'échapper. A ce moment-là, j'ai vu deux ou trois soldats dans la cour de

 24   Vlatko ; je n'ai donc pas osé m'enfuir par la fenêtre : j'ai eu peur

 25   qu'ils me prennent vivant, j'ai vu qu'ils avaient tué tous les miens, j'ai


Page 2040

  1   vu que j'étais le seul survivant. Et j'ai eu peur, j'ai eu peur qu'ils ne

  2   me prennent vivant ; j'ai eu peur qu'ils me torturent et qu'ils finissent

  3   par me tuer ; j'ai eu peur de disparaître complètement.

  4   M. Krajina (interprétation). - Vous nous avez déjà dit tout

  5   cela. Mais ce n'est pas l'objet de ma question. Dans votre déclaration,

  6   vous avez dit un peu plus tard qu'alors que vous observiez ce qui se

  7   passait par la fenêtre et que vous vous demandiez si vous deviez sortir ou

  8   pas, vous avez vu un soldat.

  9   M. Ahmic (interprétation). – Ah, un soldat !

 10   M. Krajina (interprétation). - Voilà, nous parlons de ce soldat.

 11   Vous avez dit que vous ne l'avez pas reconnu et, dans le compte rendu,

 12   nous nous sommes aperçus qu'il y a eu une erreur. Voilà, nous avons réglé

 13   le problème. C'est tout ; merci.

 14   Maintenant, une question encore, Monsieur le Président.

 15   Monsieur Ahmic, qu'entendez-vous par le terme "soldat bojovnik" ? Faites-

 16   vous référence à une personne portant un uniforme et armé ou à autre

 17   chose ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Pour moi, un soldat, c'est un jeune

 19   homme qui porte

 20   un uniforme et qui est armé.

 21   M. Krajina (interprétation). - Qui porte un uniforme et qui est

 22   armé ?

 23   M. Ahmic (interprétation). – Oui.

 24   M. Krajina (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, Je

 25   n'ai plus de questions pour le témoin.


Page 2041

  1   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Maître

  2   Susak, vous avez des questions.

  3   M. Susak (interprétation). – Monsieur le Président, je n'ai

  4   qu'une ou peut-être deux questions à poser au témoin. Je serai bref.

  5   Monsieur Ahmic, vous avez dit qu'à Barin Gaj, il y avait eu des

  6   coups de feu échangés, et vous avez dit que cinq ou six Bosniens avaient

  7   été abattus. C'est bien ce que vous avez dit ? C'était bien à Barin Gaj ou

  8   était-ce ailleurs ?

  9   M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi, excusez-moi, mais je

 10   n'ai jamais dit que quiconque avait été tué à Barin Gaj ; mais j'ai dit

 11   quelque chose d'autre : le 17 avril 1993, alors que je sortais de

 12   Barin Gaj, j'ai rencontré cinq ou six jeunes hommes qui entraient dans

 13   Barin Gaj, armés de fusils ; ils se déplaçaient en direction d'Ahmici.

 14   M. Susak (interprétation). – Je vous remercie. Autre chose

 15   maintenant : connaissez-vous Nedad Dzidic ?

 16   M. Ahmic (interprétation). – Nedad Dzidic ?

 17   M. Susak (interprétation). – Oui. Avez-vous entendu dire ce

 18   qu'il était advenu de lui ?

 19   M. Ahmic (interprétation). – Ah, Nedad, oui, maintenant je m'en

 20   souviens : Nedad et Muharem étaient deux frères. Oui, oui. J'ai entendu

 21   qu'ils avaient tous les deux été tués. J'ai entendu dire qu'ils avaient

 22   été tués dans la région de Zume.

 23   M. Susak (interprétation). – Très bien, je voulais vous demander

 24   si cela s'était

 25   passé effectivement à Zume ou ailleurs. Puisque vous, vous étiez en train


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  1   de vous diriger vers la maison de votre mère ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Non, non, c'était tout à fait dans

  3   la direction opposée de la mienne.

  4   M. Susak (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Je

  5   n'ai plus de questions.

  6   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie. Je crois

  7   comprendre qu'il n'y a pas d'autres questions de la part des conseils de

  8   la défense ? Parfait. Nous allons prendre maintenant une pause de trente

  9   minutes. Je suppose que le Bureau du Procureur souhaiterait poser des

 10   questions complémentaires au témoin, n'est-ce pas ?

 11   M. Moskowitz (interprétation). – Absolument.

 12   M. le Président (interprétation). – Nous prenons une pause de

 13   trente minutes.

 14   Suspendue à 15 heures 15, l'audience est reprise à 15 heures 45.

 15   M. le Président (interprétation). –Maître Glumac, je vous en

 16   prie.

 17   Mme Glumac (interprétation). –Monsieur le Président, je

 18   souhaiterais demander que ces déclarations soient versées au dossier.

 19   Puis-je les faire passer au Greffe ? Je peux en citer les données si vous

 20   le souhaitez. Il s'agit des déclarations des 13 et 14 octobre 1994, du

 21   procès-verbal du 1er octobre 1993, de la déclaration du 22 avril 1993 et

 22   enfin de la déclaration donnée aux enquêteurs de ce Tribunal le

 23   12 novembre 1997. Il y a également la déclaration du 2 septembre 1995.

 24   Tels sont les documents dont je souhaite le versement au dossier.

 25   M. le Président (interprétation). –Maître Moskowitz ?


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, il

  2   serait également bon que la déclaration du 20 février 994 soit versée au

  3   dossier, ainsi nous aurions l'ensemble des documents admis.

  4   M. le Président (interprétation). – Absolument. Toutes les

  5   déclarations du témoin doivent être et sont acceptées en tant que pièces à

  6   conviction. Bien. Maintenant, Maître Moskowitz, vous avez la parole si

  7   vous souhaitez poser des questions complémentaires.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Merci. Bonjour, Monsieur Ahmic.

  9   Quelques questions à vous poser et nous en auront terminé. On vous a posé

 10   une question relative à Vlatko Kupreskic, et pour que tout soit bien

 11   clair, voici ma question : avez-vous vu Vlatko Kupreskic le

 12   26 avril 1993 ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Oui.

 14   M. Moskowitz (interprétation). -. Où vous trouviez-vous lorsque

 15   vous l'avez aperçu ce jour-là ?

 16   M. Ahmic (interprétation). - Je me suis trouvé à la fenêtre, à

 17   la fenêtre de ma chambre et c'est à partir donc de cette position-là que

 18   j'ai pu voir Vlatko Kupreskic qui se déplaçait de la cour de Suhrija. Il

 19   avait passé derrière la maison et ensuite je ne l'ai plus vu. Je ne

 20   pouvais plus le voir parce que la visibilité n'était plus possible. Il

 21   était derrière la maison et au moment où il se déplaçait, je pense qu'il

 22   portait quelque chose sous le bras gauche. Je ne peux pas définir

 23   exactement ce qu'il portait.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Vous vous souvenez des

 25   vêtements qu'il portait ?


Page 2044

  1   M. Ahmic (interprétation). - Oui, je m'en souviens. Il portait

  2   un manteau bleu et, sous le manteau, je ne sais pas ce qu'il portait.

  3   C'était une combinaison bleue au fond qu'il portait.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - On vous a également posé des

  5   questions relatives à votre mère. Pourriez-vous nous dire quelle est la

  6   date de naissance ou l'année de naissance de votre mère ?

  7   M. Ahmic (interprétation). - Ma mère est née en 1909... En 1899.

  8   Elle avait 90 ans, ou presque 90 ans. En 1909.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Votre mère habite-t-elle avec

 10   vous actuellement ?

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui, ma mère habite avec moi. Elle

 12   n'est pas vraiment en très bon état. Elle a l'âge, elle est immobile

 13   pratiquement. Il faut s'en occuper tous les jours et on doit l'examiner

 14   tous les jours également.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Et parfois est-ce qu'elle se

 16   trompe ? Est-ce qu'elle commet des erreurs parce qu'elle est âgée ?

 17   M. Ahmic (interprétation). - Bien évidemment, il s'agit d'une

 18   personne âgée.

 19   M. le Président (interprétation). – Je vous vois bien,

 20   Maître Radovic, mais aussi j'étais en train de me demander si cette

 21   question n'était pas totalement objective. C'est une question pertinente

 22   et votre objection aurait été pertinente, mais je crois que nous allons

 23   accepter cette question.

 24   M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, bien

 25   évidemment nous avons beaucoup de respect pour l'âge de sa mère. On ne va


Page 2045

  1   pas citer sa mère comme témoin.

  2   M. Ahmic (interprétation). - Mais ce père…

  3   M. Radovic (interprétation). – Mais dans ce cas-là, ce n'est pas

  4   indispensable de poser des questions qui ne sont pas pertinentes et de

  5   suggérer au témoin la réponse.

  6   M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Radovic.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Je poserai encore une question

  8   relative à la mère du témoin. Monsieur, vous rappelez-vous la visite que

  9   je vous ai rendu, à vous et à votre mère, à Zenica ? Pouvez-vous nous dire

 10   pour qui votre mère m'a pris ? Elle m'a confondu avec quelqu'un.

 11   M. Ahmic (interprétation). - Oui oui, je m'en souviens. Je me

 12   souviens très très bien même. Au moment où Me Albert* est venu dans la

 13   chambre, elle avait pensé tout simplement que c'était un médecin et que ce

 14   médecin devait donc passer l'examiner, prendre la tension, elle

 15   s'attendait également qu'il lui mette les ordonnances.

 16   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, vous savez

 17   qu'on n'a pas le droit de poser des questions sur les personnes tierces,

 18   alors que maintenant le témoin parle de sa mère, de ce qu'elle avait pensé

 19   au moment où elle avait vu le Procureur, Maître Albright* ?

 20   M. le Président (interprétation). - Je crois que cette question

 21   a toute raison d'être parce que le Procureur pose...

 22   M. Radovic (interprétation). – Ah, pardon. Excusez-moi. En fait,

 23   vous avez sans doute raison.

 24   M. le Président (interprétation). - Non, c'est vous qui avez

 25   raison, Maître Radovic, parce qu'en fait il demande exactement au témoin


Page 2046

  1   de dire quelle a été l'attitude de sa mère à son encontre. Donc, là,

  2   effectivement, ouï-dire, Maître Moskowitz. Donc, abandonnez la question,

  3   Maître Moskowitz.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – C'était simplement pour

  5   démontrer quel était l'état d'esprit de la mère du témoin.

  6   M. le Président (interprétation). – Certes, certes. Mais

  7   poursuivons. De toute façon, ce n'est pas là un point de toute première

  8   importance.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – On vous a également posé des

 10   questions relatives à la lampe qui était suspendue au-dessus de la table

 11   dans cette pièce. Pourriez-vous nous dire à quelle distance du plafond

 12   était la source lumineuse, donc l'ampoule de la lampe ?

 13   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, cette lampe a été à une

 14   vingtaine de centimètres plus bas par rapport au plafond. C'est à peu

 15   près... C'est une source lumineuse de la salle de séjour qui ne dérange

 16   pas quand on se déplace dans la chambre ; elle est à une certaine hauteur,

 17   à une certaine hauteur, comme dans toutes les autres pièces d'ailleurs de

 18   la maison. Eh bien, cette lumière bien évidemment n'a pas pu provoquer une

 19   confusion ou déranger les gens, me déranger moi, ma femme ou bien les

 20   invités qui viennent chez nous. Elle ne présentait aucun obstacle.

 21   M. Moskowitz (interprétation). – Lorsque vous vous teniez sur le

 22   seuil de la porte de votre chambre et que vous regardiez vers la porte

 23   d'entrée dans l'autre chambre, est-ce que vous pourriez nous dire si cette

 24   lampe se trouvait dans votre champ de vision ? Est-ce qu'elle vous

 25   empêchait d'avoir une vue parfaitement dégagée de la pièce ?


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  1   M. Ahmic (interprétation). – Non, aucunement. Cela ne pouvait

  2   représenter un obstacle pour moi. Absolument pas.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – On vous a également posé des

  4   questions relatives à cette table qui se trouvait dans la pièce. Est-ce

  5   que cette table justement vous empêchait d'avoir une vue complètement

  6   dégagée de l'endroit où vous vous teniez ?

  7   M. Ahmic (interprétation). – Non, absolument pas ; cette table

  8   ne représentait aucun obstacle pour moi.

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Le conseil de la défense vous a

 10   également parlé de sanctions disciplinaires qui auraient été prises à

 11   votre encontre, lorsque vous travailliez pour une certaine entreprise.

 12   Mais la question que je souhaite vous poser, moi, est la suivante :

 13   pendant combien de temps avez-vous été employé dans cette entreprise ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – J'y ai travaillé pendant

 15   quarante ans. Donc, j'avais l'ancienneté, j'ai accompli toutes les années

 16   indispensables pour aller à la retraite. J'ai travaillé pendant

 17   quarante ans. Je n'ai recouru à aucun fonds social ; je pensais qu'à la

 18   retraite je pourrais compter également sur un appartement. Pendant

 19   quatorze ans, j'ai demandé l'appartement et je n'ai jamais véritablement

 20   pu obtenir quoi que ce soit alors que j'ai cotisé pendant quarante ans.

 21   Pendant quarante ans j'ai cotisé dans le fond de logement et je n'ai

 22   jamais véritablement pu obtenir quoi que ce soit, alors que j'ai cotisé

 23   pendant quarante ans. Pendant quarante ans, j'ai cotisé dans le fonds de

 24   logement et je n'ai jamais pu racheter un appartement ni un appartement

 25   d'une pièce, alors que j'ai cotisé pour quatre pièces au moins, ou cinq.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Pour que tout soit clair,

  2   ces quarante années en tant qu'employé, vous ne les avez pas toutes

  3   effectuées au sein de la même entreprise. Vous avez occupé divers postes

  4   au cours de ces quarante années de travail, n'est-ce pas ?

  5   M. Ahmic (interprétation). – J'avais plusieurs postes que

  6   j'avais occupés.

  7   M. Moskowitz (interprétation). – Donc, en quarante ans de

  8   travail, vous avez fait l'objet d'une seule sanction disciplinaire parce

  9   que vous aviez pris un jour de congé sans l'annoncer. En fait, c'est cela,

 10   n'est-ce pas ? C'est ce que vous vous rappelez ?

 11   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est ça.

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Bien. Est-ce que vous vous

 13   souvenez si, le 16 avril 1993, vous avez bu quoi que ce soit ?

 14   M. Ahmic (interprétation). – Non, je ne bois pas. Je ne suis pas

 15   un alcoolique comme ceci a été présenté de la part, par exemple, de mon

 16   épouse ou de quelqu'un d'autre.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous penser à la raison

 18   qui aurait poussé votre femme ou votre ex-femme à dire que vous aviez un

 19   problème d'alcoolisme ?

 20   M. Ahmic (interprétation). – Je pense toutefois que c'était une

 21   des raisons qu'elle avait évoquées tout simplement pour obtenir une rente

 22   de ma part, une pension, une allocation de pension, de pension

 23   alimentaire. Pour pouvoir réaliser cette pension alimentaire, elle devait

 24   bien évidemment donner une raison. C'est de cette manière-là qu'elle

 25   m'avait blâmé en quelque sorte.


Page 2049

  1   Eh bien, malheureusement, maintenant on maintient que je suis un

  2   alcoolique, que j'étais un vagabond : ce n'est absolument pas vrai et

  3   personne de ma famille n'était un vaurien. Je n'ai jamais été alcoolique,

  4   j'ai travaillé, j'ai investi dans la formation de mes enfants, j'ai mené

  5   une vie honnête, j'étais en bons termes avec mes voisins, avec mes amis et

  6   avec ceux que je connaissais à peine.

  7   Et je suis sûr que j'avais une attitude très digne et les portes

  8   étaient ouvertes partout où je m'étais trouvé, à Lubjana, en Croatie, en

  9   Macédoine, en Serbie ; partout, j'avais des amis, partout. Mais,

 10   malheureusement, c'est mon ex-épouse qui avait cité cet argument ; c'est

 11   de cette manière-là qu'elle m'avait blâmé et de cette manière-là, elle

 12   avait atteint l'objectif qui était le sien.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous dire si vous

 14   avez suivi une formation spécialisée en matière d'armes et d'armement ?

 15   M. Ahmic (interprétation). – Non.

 16   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez servi dans les rangs

 17   de la JNA pendant quelque temps, n'est-ce pas, Monsieur Ahmic ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – Oui, j'ai fait mon service

 19   militaire dans les rangs de l'armée, c'est-à-dire l'ex-JNA et j'ai été

 20   admis à l'école des sous-officiers au sein de l'armée pour une période de

 21   trois ans. J'ai fait mon service à Karlovac, en Croatie. J'ai commencé mon

 22   service le 16 septembre 1992 et c'est là que j'ai été admis à l'école des

 23   officiers. Mais un de nos supérieurs a été muté à ce moment-là, le

 24   commandant de la région, sans doute sur décision du tribunal militaire. Et

 25   c'est ainsi que j'ai été promu au poste de commandant d'une compagnie.


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  1   J'ai commandé cette compagnie pendant un certain temps et, dans

  2   le cinquième district militaire, la durée du service militaire a, à ce

  3   moment-là, été raccourcie officiellement. Donc je n'ai pas achevé les dix-

  4   huit mois de mon service militaire ; je suis rentré chez moi.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvez-vous nous dire quelles

  6   années vous avez servi dans les rangs de la JNA dans le cadre de votre

  7   service militaire ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – De 1952 à 1954, du 16 septembre

  9   1952 jusqu'à une certaine date en 1954 ; je ne me rappelle pas le mois.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Quelles étaient vos fonctions,

 11   vos tâches au sein de la JNA pendant ces mois que vous y avez passés ?

 12   M. Ahmic (interprétation). - J'étais commandant d'une section de

 13   pionniers, dès la fin de mes classes. Mais très rapidement, on m'a promu

 14   au rang de commandant d'une compagnie et j'ai donc rempli les fonctions de

 15   commandant de compagnie dans mon unité jusqu'à la fin de mon service

 16   militaire.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Pendant que vous serviez dans

 18   les rangs de la JNA, avez-vous obtenu une formation spécialisée quant à la

 19   reconnaissance des armes ou à l'utilisation des armes ?

 20   M. Ahmic (interprétation). - Ecoutez, il s'agissait du génie.

 21   Nous nous occupions principalement de travaux de construction :

 22   construction de ponts pour franchir des rivières ou des fleuves, ce genre

 23   de choses. Nous nous occupions aussi des mines dans les champs.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - On vous a interrogé quant à la

 25   durée de ces événements qui sont survenus en avril 1993 et vous avez dit


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  1   dans votre déposition qu'ils s'étaient déroulés très rapidement. Pouvez-

  2   vous nous dire qui a pénétré dans votre maison le 13 avril 1993 et a tué

  3   les membres de votre famille ?

  4   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, c'est une

  5   question qui a déjà été posée à plusieurs reprises. Or, la pratique

  6   juridique de ce Tribunal interdit que la même question soit posée

  7   cinq fois. Donc, à cette question : "Qui a pénétré dans la maison ?", le

  8   témoin a déjà répondu aussi bien en réponse aux questions du Procureur

  9   qu'en réponse aux questions de la défense. Je ne vois donc pas pourquoi il

 10   y a la moindre raison de reposer au témoin une question qui lui a déjà été

 11   posée au début de son interrogatoire.

 12   M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz, je vous en

 13   prie ?

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Bien entendu, c'est une

 15   question tout à fait cruciale pour les Juges qui peuvent en même temps,

 16   pendant que le témoin répond, observer la gestuelle du témoin.

 17   M. le Président (interprétation). - Oui, en effet. Et,

 18   Maître Radovic, c'est également dû au fait que les conseils de la défense

 19   ont souligné le grand nombre de contradictions qui existaient entre les

 20   différentes déclarations fournies par le témoin. Donc, c'est sans doute

 21   pour poursuivre sur la voie de ces contradictions que le Procureur, je

 22   crois, est en droit de reposer au témoin une question tout à fait

 23   cruciale.

 24   Je crois que ce n'est pas incorrect. Si vous n'avez rien contre,

 25   je propose d'autoriser le Procureur à poser cette question qui est


Page 2052

  1   vraiment la question clé.

  2   M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, je suis

  3   d'accord avec le Procureur et avec les Juges pour admettre qu'il s'agit

  4   d'une question tout à fait capitale, mais que se passe-t-il ici ? Nous

  5   avons mis le doigt sur toutes les contradictions qui sont apparues dans

  6   les déclarations importantes fournies par le témoin et, aujourd'hui, le

  7   Procureur repose la question : "Est-ce que les deux hommes ont fait

  8   cela ?" Si le témoin répond oui, tout ce que nous avons fait tombe à

  9   l'eau, car nous n'avons plus la possibilité de reprendre la parole pour

 10   demander au témoin si ce qu'il a dit au Procureur est exact. Vous

 11   comprenez, c'est la raison pour laquelle je m'oppose à ce que cette

 12   question soit posée au témoin, car cette question lui a déjà été posée.

 13   M. le Président (interprétation). - Maître Radovic, je vous

 14   demande si vous le voulez bien de faire confiance aux Juges. Nous sommes

 15   des Juges professionnels ; nous ne décidons pas sur la base de la dernière

 16   impression. Bien entendu, nous sommes ici face à des éléments de preuve

 17   que nous examinons de très près et nous élaborons nos conclusions à la

 18   suite d'un examen très attentif de tous ces éléments. Faites confiance, je

 19   vous prie, aux trois Juges professionnels que vous avez en face de vous.

 20   Merci.

 21   M. Radovic (interprétation). - Très bien. Je renonce à ce

 22   moment-là à mon objection eu égard à la question du Procureur.

 23   M. le Président (interprétation). - Merci. Je vous remercie.

 24   Maître Moskowitz ?

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur Ahmic, qui a pénétré


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  1   dans votre maison et a tué les membres de votre famille ?

  2   M. Ahmic (interprétation). - C'est Zoran Kupreskic accompagné de

  3   son frère Mirjan qui ont pénétré dans la maison. Zoran a tué tous les

  4   membres de ma famille qui ont été tués et Mirjan a mis le feu à un

  5   endroit, puis à un deuxième endroit. Après quoi, tout a été fini.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Quel est votre degré de

  7   certitude par rapport à cela ?

  8   M. Ahmic (interprétation). - Je suis sûr de cela à cent pour

  9   cent.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous avez parlé aux

 11   enquêteurs en 1993, pourquoi ne leur avez-vous pas dit ce que vous saviez

 12   être la vérité ?

 13   M. Ahmic (interprétation). - Je n'ai pas eu le courage de le

 14   dire. Je n'osais pas le dire. Je n'osais le dire à personne pour protéger

 15   ma vie, parce que je ne savais pas comment tout cela allait se terminer.

 16   Même à l'hôpital à Zenica, quand j'étais hospitalisé, je n'avais aucune

 17   certitude quant à la durée de mon hospitalisation et je n'étais pas sûr de

 18   sortir vivant de cet hôpital. Je n'étais pas sûr que peut-être l'hôpital

 19   serait incendié, bombardé, détruit, etc. Je n'avais aucune certitude à ce

 20   sujet.

 21   Donc je n'ai pas osé dire quoi que ce soit à qui que ce soit

 22   parce que je ne savais pas comment tout cela finalement allait se

 23   terminer. La guerre faisait rage en Bosnie-Herzégovine à l'époque et

 24   personne n'aurait pu en prévoir la fin, quelle que soit cette fin. Voilà.

 25   M. Moskowitz (interprétation). - Merci, Monsieur Ahmic. Je vous


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  1   remercie.

  2   M. Ahmic (interprétation). - Je vous remercie également.

  3   M. le Président (interprétation). - Monsieur Ahmic...

  4   M. Ahmic (interprétation). - Oui ?

  5   M. le Président (interprétation). - Je suppose que vous êtes

  6   fatigué, j'en suis désolé. Nous comprenons pleinement vos sentiments et le

  7   chagrin que vous éprouvez suite au décès de vos proches. Soyez sûr que

  8   nous vous comprenons.

  9   M. Ahmic (interprétation). - Merci.

 10   M. le Président (interprétation). - Mais voyez-vous, vous pouvez

 11   nous apporter une aide très importante dans la quête de la vérité. Donc je

 12   vous prierai de bien vouloir répondre encore à quelques questions de façon

 13   à faire la lumière sur un certain nombre de points.

 14   M. Ahmic (interprétation). - Je vous en prie.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci. Ma première question

 16   est la suivante : où est-ce que vous habitiez entre avril 1993 et la fin

 17   de 1994 ? Pouvez-vous nous le dire ?

 18   M. Ahmic (interprétation). – J'étais à l'hôpital de Serkwisa à

 19   Zenica.

 20   M. le Président (interprétation). – Donc, vous avez passé plus

 21   d'un an à l'hôpital ?

 22   M. Ahmic (interprétation). – Je peux vous donner les dates

 23   exactes. Le 17 avril 1993, dans la journée, je suis arrivé à l'hôpital et

 24   je suis resté hospitalisé en traitement jusqu'au 1er mai 1994, dans ce

 25   même hôpital, ce qui fait un an et quelques.


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  1   M. le Président (interprétation). - Très bien. Maintenant, vous

  2   avez fourni trois déclarations en 1993 au sujet des événements tragiques

  3   survenus le 16 avril et au sujet du décès de vos proches. Vous avez

  4   déclaré à ce moment-là ne pas avoir reconnu les deux personnes qui

  5   auraient tué vos proches et mis le feu à votre maison. Vous venez de nous

  6   dire que vous n'avez rien dit à ce sujet à quiconque parce que vous

  7   craigniez pour votre vie ?

  8   M. Ahmic (interprétation). – Oui, c'est certain.

  9   M. le Président (interprétation). - Ma question est la

 10   suivante : le 20 février 1994, vous semblez avoir changé d'attitude et

 11   vous avez déclaré au bureau d'enquêtes sur les crimes contre l'humanité de

 12   Vitez que vous aviez reconnu Zoran et Mirjan Kupreskic. Cela s'est passé,

 13   comme je viens le dire, le 20 février 1994 alors que vous étiez encore

 14   hospitalisé. Donc, la question que je vous pose est la suivante : qu'est-

 15   ce qui vous a amené à changer d'avis ? Qu'est-ce qui a fait que vous avez

 16   cessé de craindre pour votre vie ?

 17   M. Ahmic (interprétation). – Eh bien, je vais vous dire. Au

 18   moment où l'accord de Dayton a été conclu au sujet du cessez-le-feu, de

 19   l'arrêt de la guerre, etc., j'ai acquis une certaine certitude. J'ai pensé

 20   que je n'avais plus de raison d'avoir peur de quiconque parce que j'ai

 21   vécu en tant qu'homme honnête ; je vis encore en tant qu'homme honnête

 22   aujourd'hui et je n'ai aucune raison de couvrir quiconque ou de dire

 23   quelque chose qui n'est pas exact. Maintenant, je n'ai plus peur de

 24   regarder les gens dans les yeux, quels qu'ils soient, et de dire

 25   exactement ce qui a été.


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  1   M. le Président (interprétation). - Oui, oui, personne ne met en

  2   doute le fait que vous êtes un homme courageux et, notamment, le fait que

  3   vous avez traversé une expérience terrible. Mais permettez-moi de vous

  4   rappeler que les accords de Dayton ont été signés en 1995. Donc...

  5   M. Ahmic (interprétation). – Excusez-moi alors, oui, oui.

  6   M. le Président (interprétation). – Donc, plus tard. Alors que

  7   s'est-il passé ? Ma question est la suivante : que s'est-il passé, avant

  8   le 20 février 1994, qui vous a permis de vous sentir en sécurité et de

  9   dire qu'à partir de ce moment-là, vous pouviez donner des noms aux Juges,

 10   au Procureur ou à d'autres personnes que vous croyiez avoir reconnues ?

 11   M. Ahmic (interprétation). – Je peux le dire tout à fait

 12   ouvertement. Avant cela, je n'avais aucune sécurité. Vous voyez, ici, vous

 13   et moi, nous sommes assis ici ; nous ne nous connaissions pas il y a un

 14   an. Mais, croyez-moi, à l'époque -et je vous dis la vérité vraie-, je

 15   n'aurais même pas pu avoir confiance en vous à ce moment-là. Je n'aurais

 16   pas pu parce que je suis un homme qui a été détruit, qui est mort à 70 %.

 17   Un homme qui a vécu ce que personne d'autre n'a vécu. Je n'avais pas

 18   confiance.

 19   M. le Président (interprétation). - Oui, mais dans cette période

 20   -et je rappelle qu'il s'agit d'une période cruciale-, la période précédant

 21   le 20 février 1994, est-ce que vous avez eu l'occasion de parler à des

 22   amis ou à des membres de votre famille de ce qui s'est passé le 16 avril

 23   1993 à Ahmici ? Parce que, dans nos pays, en général, lorsqu'un événement

 24   tragique se produit, on éprouve le besoin d'en parler ; il est tout à fait

 25   normal d'en parler et d'être entendu et d'écouter. Alors, est-ce que vous


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  1   avez eu la possibilité de parler ?

  2   M. Ahmic (interprétation). – Bien sûr, j'ai parlé. J'ai parlé

  3   avec tous les miens du moment où ils nous ont attaqués, de la façon

  4   éhontée et lâche dont ils nous ont attaqués. Bien entendu, c'est normal,

  5   nous en avons parlé. Mais pour vous dire les choses en quelques mots,

  6   compte tenu du fait que c'est une plaie ouverte dans le cœur, nous

  7   essayons d'éviter encore aujourd'hui de mentionner ces faits les uns aux

  8   autres ; encore aujourd'hui, par exemple, je cherche des gens avec qui je

  9   peux m'asseoir autour d'une table et dire quelques mots, avoir une

 10   conversation au sujet de tel ou tel sujet, parler de moi ou parler de

 11   quelqu'un d'autre. Mais, en tout cas, essayer de rire un petit peu parce

 12   que j'ai tout de même perdu les gens les plus proches et les plus chers

 13   pour moi.

 14   M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur.

 15   M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie également.

 16   M. le Président (interprétation). - Je crois que le témoin peut

 17   se retirer. Je vous remercie encore une fois, Monsieur, d'être venu

 18   déposer devant ce Tribunal : vous avez aidé ce Tribunal. Nous vous sommes

 19   très reconnaissants. Je vous remercie de tout cœur,.

 20   M. Ahmic (interprétation). – Je vous remercie également et je

 21   tiens à vous remercier pour votre compréhension et le respect qui m'a été

 22   manifesté dans les questions qui m'ont été posées ainsi que le respect que

 23   j'ai manifesté dans les réponses que j'ai apportées. Je vous remercie

 24   tous.

 25   (Le témoin quitte la salle d'audience.)


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  1   M. le Président (interprétation). – Maître Moskowitz, je pense

  2   que nous avons le temps pour le début de l'audition de votre prochain

  3   témoin, qui est M. Stevens ?

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Oui, Monsieur le Président,

  5   M. Stevens.

  6   M. le Président (interprétation). - Pendant que nous attendons

  7   l'arrivée du témoin, je dois vous dire que la chef de l'unité de

  8   traduction et d'interprétation est venue me voir pour me signaler que les

  9   interprètes ont beaucoup de mal à interpréter, notamment lorsque les

 10   conseils de la défense interrogent le témoin. Je soulève ce sujet car, à

 11   présent, Me Moskowitz va parler en anglais avec un témoin anglophone.

 12   Donc, j'espère que Me Moskowitz va bien vouloir respecter la règle qui

 13   veut qu'il y ait une pause entre les questions et les réponses, ce pour

 14   faciliter l'interprétation en croate. La règle s'applique également à

 15   vous, Maître.

 16   Donc, je vous engage vivement à la respecter, car il faut penser

 17   au compte rendu. Le compte rendu ne sera pas entièrement fidèle si les

 18   interprètes ne sont pas capables de faire la différence entre une question

 19   et une réponse ou si les sténotypistes ne le sont pas non plus.

 20   Bonjour, Monsieur Stevens.

 21   M. le Président (interprétation). – Je vous demande maintenant

 22   de prononcer la déclaration solennelle.

 23   M. Stevens (interprétation). – Je déclare solennellement que je

 24   dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 25   M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.

  2   Pouvez-vous nous dire, je vous prie, votre nom et votre grade pour le

  3   compte rendu.

  4   M. Stevens (interprétation). - Je m'appelle Capitaine

  5   Charles Stevens et je suis connu sous le surnom de Charlie Stevens.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Capitaine Stevens, je vois

  7   d'après votre uniforme que vous appartenez à une armée. Pouvez-vous nous

  8   dire à quelle armée et nous donner

  9   quelques détails au sujet de votre carrière.

 10   M. Stevens (interprétation). - Je sers actuellement dans le

 11   régiment de Gloucester. Je suis membre de l'armée britannique, de

 12   l'infanterie. J'ai rejoint l'armée en septembre 72 et j'ai gravi les

 13   échelons, depuis soldat de deuxième classe jusqu'au grade de capitaine,

 14   qui est mon grade actuel.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Quel âge avez-vous ?

 16   M. Stevens (interprétation). – C'est mon anniversaire

 17   aujourd'hui et j'ai 42 ans.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Bon anniversaire.

 19   M. Stevens (interprétation). - Merci.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous donner une

 21   idée des endroits, des pays dans lesquels vous avez servi au sein de

 22   l'armée britannique ces dernières années ?

 23   M. Stevens (interprétation). - J'ai servi pendant six ans en

 24   Irlande du Nord, au Canada, en Amérique centrale, à Beliz, au Danemark, à

 25   Chypre, et c'est à peu près tout ; et en Bosnie, bien entendu.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Oui. Et vous évoquez la Bosnie.

  2   Quand est-ce que vous avez été envoyé en Bosnie ?

  3   M. Stevens (interprétation). - Je suis arrivé en Bosnie le

  4   13 novembre 1992.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Quel était votre grade à

  6   l'époque ?

  7   M. Stevens (interprétation). - A l'époque, j'étais adjudant-

  8   chef.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce qu'un adjudant-chef ?

 10   M. Stevens (interprétation). - Un adjudant-chef est un soldat de

 11   rang supérieur au sein de l'armée. Ce n'est pas un officier. Il n'y en a

 12   qu'un dans un régiment, un seul.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Vous êtes arrivé en Bosnie en

 14   novembre 1992. A peu près à quel moment avez-vous quitté la Bosnie ?

 15   M. Stevens (interprétation). - Je suis parti de Bosnie en mai

 16   1993.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous donner une

 18   idée des missions qui vous ont été confiées, des tâches qui vous ont été

 19   confiées pendant votre séjour en Bosnie en tant qu'adjudant-chef ?

 20   M. Stevens (interprétation). - J'ai dit que j'y étais arrivé en

 21   novembre et j'y suis arrivé deux ou trois semaines avant les autres. Au

 22   départ, ce qui me préoccupait, c'était que nous n'avions pas de base sûre

 23   à partir de laquelle nous pouvions opérer. J'ai eu le sentiment que la

 24   base avancée était insuffisante et que ma tâche consistait au départ à

 25   assurer la sécurité de la base, à structurer cette base. C'étaient des


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  1   activités de routine.

  2   M. Moskowitz (interprétation). -.Où se trouvait la base du

  3   régiment, où a-t-elle été établie ?

  4   M. Stevens (interprétation). - Elle a été établie dans l'école

  5   de Novi Bila*.

  6   M. Moskowitz (interprétation). -.Où se trouve Novi Bila ?

  7   Pouvez-vous nous donner une idée de la ville plus proche de Novi Bila ?

  8   M. Stevens (interprétation). – Novi Bila se trouve au nord-ouest

  9   de Travnik, au sud-ouest de Zenica, pas loin de Vitez.

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Et, au fait, à quel régiment

 11   étiez-vous attaché à ce moment-là ?

 12   M. Stevens (interprétation). - Au régiment du Cheshire.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous gravi les échelons

 14   dans le régiment du Cheshire ?

 15   M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai gravi les échelons dans

 16   le régiment du Gloucester. Il n'existait pas d'adjudant-chef dans le

 17   régiment du Cheshire.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Etait-il inhabituel pour un

 19   soldat de se voir octroyer un grade dans un régiment alors que ce régiment

 20   est différent du régiment auquel il a été affecté initialement ?

 21   M. Stevens (interprétation). - Ce n'est pas quelque chose qui

 22   s'était déjà produit dans ma division.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien, parlez-nous un peu de

 24   vos missions dans le camp de Novi Bila, dans cet endroit qui était proche

 25   de Vitez. Avez-vous en fait accompli des missions particulières ? Pouvez-


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  1   vous nous en parler ?

  2   M. Stevens (interprétation). - Ma première priorité consistait à

  3   assurer la sécurité de la base pour les soldats ; donc j'ai consacré

  4   quelques semaines à cette action. A cette époque-là, et même par la suite,

  5   j'ai acquis une préoccupation de plus en plus grande quant à la sécurité

  6   du colonel Stewart qui n'avait jamais opéré dans un environnement de ce

  7   genre. J'ai considéré qu'il était vulnérable dans de nombreuses régions ;

  8   donc j'ai consacré pas mal de temps à assurer sa protection et sa

  9   sécurité.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez parlé du

 11   colonel Stewart. De qui s'agissait-il ?

 12   M. Stevens (interprétation). - Le colonel Stewart était

 13   l'officier commandant le régiment du Cheshire.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Quelle était votre fonction

 15   vis-à-vis du colonel Stewart pendant votre séjour en Bosnie.

 16   M. Stevens (interprétation). -Ma fonction consistait à assurer

 17   sa sécurité rapprochée, sa protection rapprochée.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Comment est-ce que vous

 19   remplissiez cet objectif ?

 20   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, pour l'essentiel, je

 21   voyageais avec lui partout. Je l'accompagnais à l'arrière. Je suivais son

 22   blindé et chaque fois qu'il descendait de la tourelle de son véhicule, je

 23   descendais de mon véhicule pour assurer sa sécurité.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, pendant que vous

 25   étiez en Bosnie,


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  1   pendant votre mission en Bosnie, est-ce que vous avez eu la possibilité de

  2   vous rendre dans un endroit appelé Turbe, dans le cadre de la sécurité que

  3   vous assuriez pour le colonel Stewart.

  4   M. Stevens (interprétation). - Je me suis rendu à Turbe* en

  5   plusieurs occasions.

  6   M. Moskowitz (interprétation). – Pouvez-vous nous dire où se

  7   trouve Turbe et quelle était l'importance de cet endroit, à cette époque ?

  8   M. Stevens (interprétation). – Turbe se trouvait à l'ouest de

  9   Vitez et à l'ouest de Travnik. C'était la zone la plus proche que les

 10   Serbes avaient acquise, la plus proche de la région où nous nous

 11   trouvions. Donc c'était la ligne de front la plus proche avec les Serbes.

 12   M. Moskowitz (interprétation). –Pouvez-vous décrire ce que vous

 13   avez vu ? Est-ce que le colonel Stewart a vu lorsque vous vous êtes rendu

 14   à Turbe ?

 15   M. Stevens (interprétation). - Nous avons vu une augmentation

 16   des forces dans la région ; il y avait toujours de nombreux combats dans

 17   cette région. La principale impression que j'ai acquise était que, dans la

 18   région, il y avait davantage de forces musulmanes que d'autres forces.

 19   Si je devais citer des chiffres, je dirais probablement qu'il y

 20   avait trois-quarts d'armée musulmane, d'armée bosniaque, et un quart de

 21   Croates.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez déclaré qu'il y avait

 23   des combats à Turbe. Des combats de qui contre qui ?

 24   M. Stevens (interprétation). - Des combats contre les Serbes.

 25   Les Serbes avançaient encore dans la direction de Turbe.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Et qui combattait les Serbes

  2   sur la base de vos observations ?

  3   M. Stevens (interprétation). - Sur la base de mes observations,

  4   pour l'essentiel, c'était l'armée musulmane bosniaque qui combattait les

  5   Serbes.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous constaté la présence

  7   de l'armée croate ou du HVO à Turbe ?

  8   M. Stevens (interprétation). - Je n'ai pas constaté sa présence

  9   en grand nombre.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous constaté la présence

 11   du HVO dans d'autres régions au niveau de votre zone opérationnelle ou aux

 12   alentours de votre zone opérationnelle ?

 13   M. Stevens (interprétation). - Il y avait toujours de nombreux

 14   soldats dans la région de Vitez de façon générale, ainsi que dans toutes

 15   les autres régions situées aux alentours de la ligne de front.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Quels types de soldats avez-

 17   vous vus dans la région de Vitez.

 18   M. Stevens (interprétation). - Des soldats de toutes sortes. Je

 19   ne pouvais pas déterminer de quelles unités ils dépendaient, mais

 20   c'étaient principalement des forces croates du HVO.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Et pendant votre séjour dans la

 22   zone opérationnelle, six mois environ, du mois de novembre au mois de mai,

 23   vous rappelez-vous un pilonnage de Zenica ?

 24   M. Stevens (interprétation). - Oui, ce pilonnage s'est produit

 25   vers la fin de notre mission sur les lieux. Je me déplaçais beaucoup avec


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  1   le colonel Stewart. J'allais pratiquement partout où il allait lui-même.

  2   Dans la dernière partie de ma mission (j'ai un peu perdu le sens des

  3   dates, mais c'était en tout cas vers la fin de ma mission sur les lieux,

  4   je dirais après les congés de Pâques, après les vacances de Pâques), les

  5   choses ont commencé à sembler devenir incontrôlables.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Donc vers la fin de votre

  7   patrouille d'opération, il y a eu ce pilonnage de Zenica. Que pouvez-vous

  8   nous dire à ce sujet ?

  9   M. Stevens (interprétation). - Oui, je me rappelle qu'un

 10   dimanche matin une pièce d’artillerie a ouvert le feu. Cette pièce

 11   d'artillerie se trouvait là depuis un certain temps. Elle n'avait pas

 12   fonctionné depuis un certain temps. Je me trouvais dans la salle des

 13   opérations et j'ai entendu dire que Zenica avait été pilonnée.

 14   Normalement, il y avait un cessez-le-feu qui était en vigueur à l'époque

 15   et j'étais furieux d'apprendre cela.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Pourquoi étiez-vous furieux ?

 17   M. Stevens (interprétation). - J'étais furieux parce que nous

 18   étions en situation de cessez-le-feu et nous espérions que le cessez-le-

 19   feu allait pouvoir être maintenu, et puis c'était un dimanche ; c’est une

 20   fête religieuse n’est-ce pas. C’est pour ces raisons-là que j’étais en

 21   colère. De toute façon, déjà la coupe était pleine après tout ce que

 22   j'avais vu au cours des six derniers mois.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous fait après avoir

 24   entendu dire que Zenica avait été pilonnée ? Avez-pris pris quelque mesure

 25   que ce soit ?


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  1   M. Stevens (interprétation). - Normalement j'ai demandé à ce

  2   qu'un autre officier vienne me rejoindre et un interprète. Ensuite, nous

  3   avons quitté la base pour essayer de savoir ce qui s’était passé et où se

  4   trouvait la pièce d’artillerie.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous savez où se

  6   trouvait cette arme et à qui elle appartenait ?

  7   M. Stevens (interprétation). - Cette pièce appartenait au HVO et

  8   elle se trouvait... disons un kilomètre et demi de notre base, deux

  9   kilomètres peut-être.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'avez-vous fait ensuite ?

 11   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, je suis parti avec

 12   l’adjudant et un interprète et j’ai essayé de me rapprocher de cette pièce

 13   d'artillerie pour savoir s'il y avait un officier sur place afin qu'il

 14   m’indique, sur une carte, quelle était la cible qu'il visait.

 15   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez trouvé un

 16   officier à proximité de cette pièce d'artillerie ?

 17   M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai trouvé en revanche

 18   trois ou quatre hommes qui ont tous déclaré qu'ils n'étaient pas

 19   responsableq de la situation, qu’ils n’avaient pas le contrôle de la

 20   situation, et je leur ai demander de me mettre en contact avec un

 21   officier.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - S'agissait-il de soldats ?

 23   M. Stevens (interprétation). - Oui, des soldats revêtus de

 24   l'uniforme du HVO. En fait, ils surveillaient une sorte de point de

 25   contrôle qui se trouvait juste à la hauteur de la pièce d'artillerie.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’ils vous ont permis

  2   de traverser ce point de contrôle pour aller observer ce canon ?

  3   M. Stevens (interprétation). - Non.

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Que vous ont-ils dit ?

  5   M. Stevens (interprétation). - Ils m'ont dit que je ne pouvais

  6   pas m'approcher de cette pièce d'artillerie, ils m’ont dit que je ne

  7   pouvais pas bouger de l'endroit où je me tenais. A ce moment-là, j'ai

  8   demandé qu'un officier nous soit envoyé qui nous explique la situation.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Ensuite que s'est il passé ?

 10   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, un quart d’heure ou

 11   vingt minutes plus tard, un officier est arrivé à bord d’un véhicule. Il

 12   n'a pas voulu me parler à l'endroit où nous nous trouvions. Il a décidé

 13   que nous allions nous parler dans un petit café qui se trouvait à quelque

 14   distance de là. Donc je suis monté à bord de son véhicule avec les deux

 15   autres personnes qui m'accompagnaient et nous sommes partis. Nous nous

 16   sommes assis dans ce café et nous avons sorti les cartes.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Et cet officier, que vous a-t-

 18   il dit ?

 19   M. Stevens (interprétation). - Par le truchement de

 20   l'interprète, il m'a dit qu’il était un ancien officier de la JNA,

 21   officier expert en artillerie, et qu'il tirait sur des cibles qui se

 22   trouvaient dans la région de Brdo. Il y a une montagne à cet endroit,

 23   c'est indiqué d'ailleurs sur les cartes. Ensuite, j'ai établi un contact

 24   radio avec la salle des opérations pour que ces informations soient

 25   confirmées et l'on m'a dit qu’il n'y avait pas eu de tirs tirés dans cette


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  1   direction, que ce n'était pas dans cette région que les coups avaient été

  2   tirés.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Donc vous ne l'avez pas cru ?

  4   M. Stevens (interprétation). - Non.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Comment cet entretien s’est-il

  6   terminé et qu'avez-vous fait après ?

  7   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, j'ai essayé d'établir le

  8   contact avec lui. Lui avait un eczéma extrêmement aigu. Moi, j'avais accès

  9   à certains médicaments, donc en fait je lui ai parlé de ses problèmes

 10   dermatologiques et je lui ai promis de lui envoyer un peu plus tard des

 11   pommades. Et en parlant de la sorte, j'espérais pouvoir arriver au point

 12   où il allait me dire quelles étaient les cibles qu'il visait.

 13   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il a fini par vous

 14   dire quelles étaient ces cibles ?

 15   M. Stevens (interprétation). - Non.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez

 17   dans cette zone d'opération pendant cette période de temps, est-ce que

 18   vous vous souvenez d’un incident qui se serait produit dans la ville de

 19   Vitez où une bombe aurait explosé ?

 20   M. Stevens (interprétation). - Je me rappelle d’un incident qui

 21   s'est produit vers la mi-avril je crois, à peu près. Au cours de cet

 22   incident, un camion-citerne a explosé dans la partie occidentale de la

 23   ville de Vitez. Ce camion-citerne avait été placé à côté de ce qui était

 24   supposé être un entrepôt de munitions. Je suis arrivé sur les lieux le

 25   lendemain de cette explosion. Les hommes de la milice locale m'ont dit que


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  1   deux Musulmans avaient été attachés dans la cabine de ce camion-citerne et

  2   que le HVO avait tiré sur le camion-citerne provoquant ainsi l'explosion.

  3   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous vu les dégâts

  4   provoqués par cette explosion ?

  5   M. Stevens (interprétation). - Absolument. Les dégâts étaient

  6   considérables.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Dans quelle partie de Vitez

  8   exactement cela s'est passé ?

  9   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, de façon générale, dans

 10   le quartier musulman de la ville.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Bien. Je vais demander à

 12   l'huissier de bien vouloir faire passer cette photo au témoin.

 13   M. le Président (interprétation). - Maître Glumac ?

 14   Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, le

 15   Procureur évoque des événements qui sont survenus après le 16 avril 1993.

 16   Le camion-citerne, c'est le 18 avril et le pilonnage de Zenica à la fin du

 17   mois d'avril, donc dans les deux cas il s'agit d'événements postérieurs,

 18   et je crois que les circonstances dont il est question ici ne sont pas

 19   pertinentes par rapport à notre procès puisque l'acte d'accusation ne

 20   porte que sur le 16 avril 1993.

 21   M. le Président (interprétation). - Maître Moskowitz ?

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Nous pensons que ces incidents

 23   ont une pertinence à plus d'un titre. D'abord parce que les déclarations

 24   des témoins ont été recueillies après l'incident d'Ahmici et ces témoins

 25   expliquent pourquoi il existe certaines contradictions dans les


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  1   déclarations qu'ils ont fournies au sujet des explications, quant à la

  2   guerre, et que ces contradictions ne peuvent être justifiées par le

  3   pilonnage de Zenica et la bombe qui a explosé dans la région de Vitez. Et

  4   puis il y a aussi, je crois, la nécessité de démontrer ce qui s'est passé

  5   après le massacre d'Ahmici. L'incident d'Ahmici fait partie de l'acte

  6   d'accusation, c'est très certainement le coeur de l'acte d'accusation,

  7   mais cet acte d'accusation évoque également le nettoyage ethique dans la

  8   vallée de la Lasva ; et le camion piégé de Vitez ainsi que le pilonnage de

  9   Zenica constituent des éléments de preuve quant à l'existence d'une

 10   importante opération de nettoyage ethnique.

 11   M. le Président (interprétation). - Très bien. Oui, vous pouvez

 12   procéder, c'est une explication convaincante. Mais je vous demanderai de

 13   centrer tout de même vos questions et d'avancer pour passer à d'autres

 14   questions.

 15   Mme le Greffier. - Pièce de l'accusation n° 160.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Monsieur le capitaine Stevens,

 17   veuillez observer cette photographie qui se trouve à votre gauche et nous

 18   dire si vous êtes à même de nous décrire ce que vous voyez.

 19   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, je peux confirmer qu'il

 20   s'agit d'une photo qui a été prise sur les lieux de l'explosion de ce

 21   camion-citerne. Donc elle se trouve... Elle a été prise à proximité de la

 22   route où le camion a explosé.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Donc c'est une description ou

 24   une image qui reflète exactement la situation qui prévalait après

 25   l'explosion de ce camion-citerne dans le quartier musulman de Vitez,


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  1   n'est-ce pas ?

  2   M. Stevens (interprétation). - Absolument.

  3   (De Zenica, se corrige l'interprète).

  4   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous, de vos propres yeux,

  5   pu observer des preuves de nettoyage ethnique à proximité de votre camp

  6   dans la région de Novi Bila et de Vitez ?

  7   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, vers la fin de ma

  8   mission en Bosnie, je l'ai déjà dit, j'étais assez furieux de voir quelle

  9   était l'évolution de la situation autour de notre base. J'avais

 10   l'impression que ce petit coin de territoire était le seul que nous

 11   pouvions essayer de protéger. A ce moment-là, manifestement, il y avait

 12   arrivée massive de réfugiés des deux côtés de la ville, Croates d'un côté,

 13   Musulmans de l'autre.

 14   Et vers la fin donc de notre opération, et je parle du côté

 15   croate de Novi Bila, il y a eu des mesures déployées qui visaient à

 16   nettoyer ethniquement le territoire qui se trouvait à proximité de notre

 17   base. Ils ont en fait lancé une attaque et cette attaque devait être

 18   poursuivie tout le long de notre base pour essayer d'expulser les

 19   personnes de leur domicile.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Vous dites "ils, ils, ils",

 21   mais qui entendez-vous par là ?

 22   M. Stevens (interprétation). - Les forces locales du HVO de

 23   Novi Bila.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Comment ont-ils mené à bien ces

 25   opérations ? Comment est-ce qu'ils ont expulsé les Musulmans ?


Page 2072

  1   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, moi j'ai rencontré une

  2   fois un groupe de huit ou dix d'entre eux et les Musulmans qui se

  3   trouvaient dans le secteur se sont établis en position de défense. Ils

  4   avaient une espèce de tranchée, ils avaient quelques armes à disposition

  5   et moi je me suis interposé : je me suis placé sur la route entre les deux

  6   parties rivales et j'ai essayé de faire en sorte qu'elles n'ouvrent pas le

  7   feu l'une sur l'autre.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Et que s'est-il passé à ce

  9   moment-là ?

 10   M. Stevens (interprétation). - J'ai fait en sorte que les forces

 11   du HVO regagnent leur position de départ.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez pris

 13   d'autres mesures pour essayer de mettre un terme à ce type de nettoyage

 14   ethnique, pour essayer d'éviter qu'ils ne se reproduisent ?

 15   M. Stevens (interprétation). - A l'époque, la situation était la

 16   suivante : il y avait des combats extrêmement violents un peu partout

 17   autour de la base, et tous les officiers de haut rang participaient à

 18   toutes ces opérations, essayaient d'intervenir. Et moi, j'ai essayé, en

 19   contactant l'une des parties puis l'autre partie, de faire en sorte qu'il

 20   y ait une zone démilitarisée qui soit établie autour du camp. Et j'ai

 21   également porté un document au groupe local du HVO.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Et que vous a dit le

 23   responsable du groupe local du HVO lorsqu'il a vu ce document ?

 24   M. Stevens (interprétation). - Les membres de ce groupe l'ont lu

 25   et m'ont dit qu'ils ne pouvaient pas le signer. Ils ont dit qu'ils


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  1   allaient voir ce qu'en disait leur commandant.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Et qui était leur commandant ?

  3   L'ont-ils dit ?

  4   M. Stevens (interprétation). - Ils ont dit qu'il se trouvait à

  5   l'hôtel Vitez.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Et y a-t-il eu réponse après

  7   que ce document a été envoyé à l'hôtel Vitez ?

  8   M. Stevens (interprétation). - Deux ou trois jours plus tard, je

  9   suis revenu les voir et ils m'ont dit qu'on leur avait donné pour

 10   instruction de ne rien signer. Ce n'était pas un document produit par les

 11   Nations Unies. C'était un document que j'avais rédigé moi-même.

 12   M. Moskowitz (interprétation). - Tandis que vous vous trouviez

 13   dans cette zone d'opérations, est-ce que vous avez eu l'occasion de vous

 14   rendre dans la région d'Ahmici en compagnie du colonel Stewart ?

 15   M. Stevens (interprétation). - J'accompagnais le colonel Stewart

 16   partout, absolument partout, et je l'ai effectivement accompagné lors de

 17   l'un de ses déplacements à Ahmici vers la fin de ma mission.

 18   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous vous êtes rendu

 19   sur place une fois seulement ?

 20   M. Stevens (interprétation). - Non, j'ai dû y aller à plusieurs

 21   reprises, trois fois peut-être.

 22   M. Moskowitz (interprétation). - Lors de ces visites que vous

 23   avez effectuées à Ahmici, est-ce que vous vous souvenez avoir trouvé des

 24   indications qu'il y avait eu des meurtres ou des actes de destruction qui

 25   avaient été perpétrés sur place ?


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  1   M. Stevens (interprétation). - Lorsque nous sommes arrivés à

  2   Ahmici, il est apparu évident que l'endroit était absolument dévasté. Et

  3   c'était plus frappant encore que tout ce que j'avais pu voir jusqu'à

  4   présent, et pourtant je m'étais beaucoup déplacé en Bosnie centrale. Mais

  5   lorsque nous sommes arrivés donc, il n'était pas difficile de voir qu'il y

  6   avait eu une attaque extrêmement violente contre le village.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Pourriez-vous nous dire

  8   précisément ce que vous avez pu voir lors de votre première visite à

  9   Ahmici ?

 10   M. Stevens (interprétation). - La première fois, nous sommes

 11   donc arrivés depuis la route principale et nous avons vu que le minaret de

 12   la mosquée était tombé sur le bâtiment principal. Il n'y avait aucun signe

 13   de vie. Aucun.

 14   Nous avons pénétré un peu plus loin dans la ville et, alors que

 15   nous approchions des quartiers nord d'Ahmici, nous avons vu des bâtiments

 16   qui fumaient encore. Mais nous n'avons vu personne aux alentours de ces

 17   bâtiments. Il y avait encore des échanges de coups de feu qui nous

 18   parvenaient depuis les montagnes qui se trouvaient vers le Nord. Et nous

 19   avons essayé de chercher d'où pouvaient provenir ces tirs.

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez cherché. Avez-vous

 21   trouvé quelque chose ?

 22   M. Stevens (interprétation). - Je me trouvais sur un véhicule

 23   transporteur de troupes et normalement je descendais toujours de ce

 24   véhicule en avant du reste de la délégation pour voir ce qui s'était

 25   passé. En l'occurrence, nous nous sommes aperçus... On nous avait dit,


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  1   plutôt, que des atrocités avaient été commises. Moi, je pensais que nous

  2   nous trouvions dans une autre région que celles qui étaient concernées par

  3   ces atrocités. Et suite à ces rapports sur les atrocités commises, nous

  4   nous étions rendus dans un endroit appelé Jelinak, et ensuite nous sommes

  5   allés à Ahmici, mais plus tard dans l'après-midi. Je crois que c'était

  6   l'après-midi qui a suivi le jour de l'attaque.

  7   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous savez en toute

  8   certitude que c'était le jour qui a suivi le jour de l'attaque ou pas ?

  9   M. Stevens (interprétation). - Non, je ne sais pas exactement.

 10   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu’il était difficile au

 11   cours de cette période de tenir un journal détaillé des événements qui se

 12   produisaient ? Est-ce que les membres du bataillon britannique avaient du

 13   mal à tenir ce type de registre ?

 14   M. Stevens (interprétation). - C'était très difficile. Nous

 15   allions d'un village à l'autre et nous essayions d'intervenir et d'arrêter

 16   les conflits.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Lorsque vous êtes arrivé à

 18   Ahmici ce jour-là, vous avez dit que vous avez vu la mosquée et que le

 19   minaret était tombé, n'est-ce pas ?

 20   M. Stevens (interprétation). - C'est exact.

 21   M. Moskowitz (interprétation). - Avez-vous eu l'occasion

 22   d'entrer dans la mosquée ? Est-ce que vous avez eu l'occasion de voir ce

 23   qui avait provoqué la chute du minaret ?

 24   M. Stevens (interprétation). - Effectivement, je me suis rendu à

 25   l'intérieur du bâtiment pour voir ce qui s'était passé et j'ai vu qu'il y


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  1   avait un certain nombre d'obus qui n'avaient pas explosé à l'intérieur du

  2   bâtiment. J'ai remarqué ou j'ai fait des observations qui m'ont permis de

  3   conclure que le minaret avait été plastiqué et qu'il s'était ensuite

  4   effondré. Je pense que ce sont des explosifs qui ont été utilisés.

  5   M. Moskowitz (interprétation). - Pouvons-nous faire passer ce

  6   document au témoin, s'il vous plaît ?

  7   Mme le Greffier. - Pièce de l'accusation n° 161.

  8   M. Moskowitz (interprétation). - Veuillez regarder cette pièce,

  9   pièce de l'accusation 161. Il s'agit d'une photographie, elle se trouve à

 10   votre gauche. Dites-nous ce que l'on voit sur cette image. Dites-nous

 11   d'ailleurs, si vous le pouvez, qui a pris cette photographie ?

 12   M. Stevens (interprétation). – C'est moi qui ai pris cette

 13   photo. Je l'ai prise parce qu'en fait je n'avais jamais vu ce type de

 14   munitions auparavant. Moi, j'ai l'impression qu'on dirait une grenade à

 15   main, un petit peu.

 16   M. Moskowitz (interprétation). – Où cette photo a-t-elle été

 17   prise ?

 18   M. Stevens (interprétation). – A l'intérieur de la mosquée.

 19   M. Moskowitz (interprétation). – La mosquée dont le minaret

 20   était effondré ?

 21   M. Stevens (interprétation). – C'est exact.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Avez-vous vu d'autres engins

 23   explosifs à l'intérieur de la mosquée ?

 24   M. Stevens (interprétation). – J'ai vu une tête de mortier

 25   RPG 7.


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  1   M. Moskowitz (interprétation). – Qu'est-ce que c'est qu'un

  2   RPG 7 ?

  3   M. Stevens (interprétation). – En fait, c'est une fusée antichar

  4   ou un lance-roquettes, si vous voulez, antichar.

  5   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez

  6   de l'aspect de l'intérieur de la mosquée lorsque vous y êtes entré ?

  7   M. Stevens (interprétation). – La mosquée avait été pillée, si

  8   vous voulez, entièrement dévastée. Toutes les vitres étaient cassées, tout

  9   était cassé, déchiré ; tout était dévasté.

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Vous avez dit que les vitres

 11   étaient brisées, en sous-entendant qu'elles avaient été soufflées peut-

 12   être par une explosion. Qu'entendez-vous par là ?

 13   M. Stevens (interprétation). – Oui, je pense que des engins

 14   explosifs ont été placés dans la mosquée et ont provoqué une explosion qui

 15   a provoqué la chute du minaret.

 16   M. Moskowitz (interprétation). – Qu'est-ce qui vous a poussé à

 17   atteindre ces conclusions ?

 18   M. Stevens (interprétation). – Comme je vous l'ai dit, je me

 19   suis beaucoup déplacé en Bosnie centrale et, plusieurs fois, nous sommes

 20   arrivés dans des villes ou des villages qui venaient de faire l'objet

 21   d'une attaque. C'est à Ahmici que, pour la première fois, j'ai vu un

 22   minaret entièrement effondré. Dans les régions où il y avait eu même des

 23   conflits violents, dans le Nord, vers Tuzla, parfois les minarets étaient

 24   extrêmement abîmés mais ils étaient toujours debout.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons faire passer une


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  1   autre photo au témoin, s'il vous plaît, Monsieur l'huissier.

  2   Mme le Greffier). - Pièce de l'accusation 162.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Capitaine Stevens, regardez

  4   cette pièce, la pièce de l'accusation 162, s'il vous plaît. Qu'y voyons-

  5   nous et est-ce que ce que nous y voyons nous permet -ou vous permet-

  6   d'illustrer votre témoignage, notamment ce que vous dites à propos du

  7   minaret ?

  8   M. Stevens (interprétation). – Je confirme qu'il s'agit bien là

  9   d'une photo de la mosquée dont nous parlons actuellement. Et si vous

 10   regardez attentivement -enfin, c'est difficile de voir cela sur l'écran-,

 11   mais si vous regardez de très près, on s'aperçoit que la base de la

 12   mosquée est constituée d'un mur renforcé par des barrières métalliques.

 13   Cette structure est tellement solide que, pour la faire exploser, il faut

 14   placer des explosifs exactement à la base des murs. C'est assez difficile.

 15   Et je pense que les engins explosifs ont précisément été disposés de cette

 16   manière-là, pour que tout s'effondre.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Si les explosifs avaient été

 18   placés d'une autre façon, est-ce qu’il aurait été possible qu'ensuite la

 19   route d'Ahmici soit bloquée ?

 20   M. Stevens (interprétation). – Tout à fait.

 21   M. Moskowitz (interprétation). – Nous avons parlé de la mosquée

 22   que vous avez pu voir lors de votre visite à Ahmici. Est-ce que vous avez

 23   vu autre chose qui vous aurait frappé lors de cette première visite ?

 24   M. Stevens (interprétation). – Comme je l'ai dit précédemment,

 25   lorsque nous nous sommes rendus à Ahmici pour la première fois, nous


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  1   l'avons fait parce qu'il y avait des rumeurs qui circulaient quant à des

  2   atrocités qui y auraient été commises. En entrant dans le village, nous

  3   avons vu cette mosquée et, ensuite, comme je l'ai dit, nous nous sommes

  4   dirigés vers Ahmici-le-Haut. Puis, nous nous sommes rendus dans les

  5   bâtiments pour essayer de trouver des traces des atrocités qui auraient pu

  6   y être commises. Ce faisant, je suis entré dans un bâtiment de taille

  7   importante et j'ai trouvé deux cadavres en travers du seuil de la porte :

  8   un cadavre semblait être celui d'un enfant, l'autre celui d'un homme. Ils

  9   étaient au travers du seuil, tous les deux brûlés.

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Eh bien, pour illustrer ces

 11   propos, je vais demander à M. l'huissier de nous faire parvenir le gros

 12   plan du village d'Ahmici. Ensuite, je demanderai au témoin de nous

 13   indiquer avec le pointeur la route qu'ils ont empruntée ce jour-là, la

 14   route qui traversait le village. Je vais lui demander de nous indiquer où

 15   se trouvait la maison où ces deux corps ont été trouvés.

 16   (L'huissier installe la vue aérienne du village sur un

 17   chevalet.)

 18   M. Stevens (interprétation). – Je crois que la maison dont je

 19   viens de parler est celle qui se trouve ici, à l'endroit que j'indique.

 20   M. Moskowitz (interprétation). – Vous êtes à peu près sûr de ce

 21   que vous dites, mais pas tout à fait certain, n'est-ce pas ? C'est une

 22   estimation ?

 23   M. Stevens (interprétation). – Oui. Ce qui est certain, c'est

 24   qu'elle se trouvait de ce côté-ci de la route.

 25   M. Moskowitz (interprétation). – Pourriez-vous nous indiquer


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  1   quelle est la route que vous avez empruntée ce jour-là pour atteindre le

  2   secteur d'Ahmici où vous avez trouvé ces deux corps ?

  3   M. Stevens (interprétation). – Nous suivions la route qui se

  4   trouve dans la vallée. Ensuite, nous avons tourné sur la droite. Nous

  5   avons passé la mosquée en suivant cette route que j'indique maintenant.

  6   Nous sommes allés aussi loin que nous le pouvions mais, avec les véhicules

  7   que nous avions, c'était assez difficile. Ensuite, nous sommes descendus

  8   et nous avons commencé à nous promener parmi ces maisons : nous essayions

  9   de trouver des traces de corps ou d'atrocités qui y auraient été commises.

 10   M. Moskowitz (interprétation). – Maintenant, pour les besoins du

 11   compte rendu, vous indiquez un secteur connu comme le secteur d'Ahmici-le-

 12   Haut et vous êtes au-dessus de la mosquée, n'est-ce pas ?

 13   M. Stevens (interprétation). – Oui.

 14   M. Moskowitz (interprétation). – Vous dites que vous avez trouvé

 15   des cadavres calcinés. Pourriez-vous être un peu plus précis ?

 16   M. Stevens (interprétation). – Sur les marches de cette maison,

 17   nous avons trouvé le corps d'un petit enfant qui gisait en travers de la

 18   porte. Il y avait également le corps d'un homme adulte. Nous avons

 19   poursuivi nos recherches autour de ce bâtiment et, dans la cave, nous

 20   avons trouvé le cadavre d'un autre adulte au moins, et puis les cadavres

 21   de plusieurs enfants,.

 22   M. Moskowitz (interprétation). – Je vais maintenant demander à

 23   ce que l'huissier fasse passer au témoin les pièces 17 et 22 qui ont déjà

 24   été versées au dossier.

 25   Monsieur Stevens, vous regardez pour le moment la pièce de


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  1   l'accusation n° 17. Que nous montre-t-elle ?

  2   M. Stevens (interprétation). – Elle nous montre une photo du

  3   cadavre de l'homme adulte qui se trouvait dans le couloir de la maison.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – C'est là l'un des cadavres

  5   calcinés que vous avez découverts lorsque vous vous êtes rendus à Ahmici,

  6   ce jour-là ?

  7   M. Stevens (interprétation). – Oui.

  8   M. Moskowitz (interprétation). – Nous allons maintenant vous

  9   soumettre la pièce 22. Que nous montre-t-elle ?

 10   M. Stevens (interprétation). – Nous y voyons le cadavre calciné

 11   de l'enfant qui se trouvait sur les marches conduisant à l'intérieur de la

 12   maison.

 13   M. Moskowitz (interprétation). – Il s'agit donc bien des

 14   cadavres que vous avez découverts à l'extérieur de cette maison, ce jour-

 15   là ?

 16   M. Stevens (interprétation). – Oui.

 17   M. Moskowitz (interprétation). – Est-ce que vous êtes allé à

 18   l'intérieur de la maison ?

 19   M. Stevens (interprétation). – Je ne suis pas monté à l'étage.

 20   Je suis passé par derrière et je suis descendu à la cave.

 21   M. Moskowitz (interprétation). – Qu'y avez-vous vu ?

 22   M. Stevens (interprétation). – J'y ai trouvé les cadavres d'au

 23   moins un autre homme adulte et les cadavres de deux ou trois enfants.

 24   M. Moskowitz (interprétation). – Quel était l'état de ces

 25   cadavres ?


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  1   M. Stevens (interprétation). – Tous les cadavres étaient

  2   calcinés.

  3   M. Moskowitz (interprétation). – Alors que vous vous trouviez à

  4   Ahmici, ce jour-là, avez-vous eu la possibilité de faire quelques

  5   observations de la situation générale, outre ce que vous nous avez dit ?

  6   M. Stevens (interprétation). – Comme je l'ai dit, nous sommes

  7   arrivés à Ahmici dans le courant de l'après-midi et nous avons passé un

  8   certain temps dans cette partie supérieure du village. C'est là que nous

  9   avons trouvé cette fameuse maison. Mais le jour ensuite commençait à

 10   décliner et il était évident qu'il y avait peut-être des mines qui avaient

 11   été placées. Cela devenait un peu dangereux. Donc nous avons jeté un coup

 12   d'œil rapide aux autres bâtiments, aux autres maisons et puis ensuite nous

 13   sommes redescendus par ici.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Pour le compte rendu, vous nous

 15   indiquez un secteur qui se trouve vers le centre de la carte et où l'on

 16   voit une tâche blanche ?

 17   M. Stevens (interprétation). - C'est exact. J'ai observé des

 18   déplacements dans ce secteur-là, quelqu'un qui se déplaçait.

 19   M. Moskowitz (interprétation). - C'était un membre du Bataillon

 20   britannique ?

 21   M. Stevens (interprétation). – Non, c'était quelqu'un qui était

 22   revêtu à moitié de partie d'uniforme et à moitié de vêtements civils.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Vous vous êtes approché de

 24   cette personne ?

 25   M. Stevens (interprétation). - Oui. En fait, je me suis déplacé


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  1   en demi-cercle derrière lui.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce qu'il portait une arme,

  3   cet individu ?

  4   M. Stevens (interprétation). – Oui, il portait une arme cet

  5   individu.

  6   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous avez été à même

  7   d'obtenir des observations relatives à cette personne ?

  8   M. Stevens (interprétation). - Si je me souviens bien, il m'a

  9   dit qu'il s'appelait Dragan et, en utilisant un bâton pour dessiner sur le

 10   sol, il m'a dit qu'il avait tué 32 Musulmans.

 11   M. Moskowitz (interprétation). - Comment vous a-t-il expliqué

 12   cela ? Comment vous a-t-il fait parvenir ce message?

 13   M. Stevens (interprétation). -Eh bien, il a fait des signes sur

 14   le sol. Il a fait un signe avec sa main le long de sa gorge et ensuite il

 15   a fait des marques sur le sol.

 16   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce que vous entendez

 17   lorsque vous dites qu'il a passé sa main en travers de sa gorge ?

 18   M. Stevens (interprétation). - Eh bien, oui, comme si on

 19   égorgeait quelqu'un.

 20   M. Moskowitz (interprétation). –Et vous avez compris que cela

 21   signifiait quoi ?

 22   M. Stevens (interprétation). – Eh bien, j'ai compris qu'il avait

 23   sans doute tué 32 musulmans.

 24   M. Moskowitz (interprétation). - Je vais vous demander de nous

 25   dire, nous dire à peu près où se trouvait cette personne et, pour que vous


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  1   puissiez le faire dans les meilleures conditions possibles, je vais vous

  2   faire passer un certain nombre de photos. Merci, monsieur l'huissier.

  3   Mme le Greffier. - La pièce d'accusation 163.

  4   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur Stevens, regardez ces

  5   pièces, la pièce 163, et dites-nous si vous reconnaissez ce que l'on y

  6   voit.

  7   M. Stevens (interprétation). – Oui. Est-ce que vous pouvez voir

  8   les autres indications que je fais ?

  9   M. Moskowitz (interprétation). – Faites-le sur le

 10   rétroprojecteur, tout le monde pourra en bénéficier.

 11   M. Stevens (interprétation). – Voilà. Je reconnais tout à fait

 12   bien ce secteur : c'est celui où j'ai aperçu cette personne qui se

 13   déplaçait.

 14   M. Moskowitz (interprétation). - Peut-être pourriez-vous prendre

 15   un des feutres qui se trouvent devant vous, orange peut-être, que cela se

 16   voit bien. Prenez donc un feutre et

 17   encerclez le secteur où vous avez vu se déplacer l'individu dont vous

 18   parlez.

 19   (Le témoin indique l'emplacement.)

 20   M. Moskowitz (interprétation). - Vous souvenez-vous s'il a

 21   ajouté quoi que ce soit ce soit ce jour-là, cette personne qui disait

 22   s'appeler Dragan ?

 23   M. Stevens (interprétation). - Je ne crois pas qu'elle ait dit

 24   autre chose. Mais ce dont je me souviens, c'est que j'ai eu l'impression,

 25   je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu l'impression qu'il vivait pas loin


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  1   de là.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - Hormis les choses dont vous

  3   nous avez déjà parlé, est-ce que vous avez pu observer d'autres signes

  4   indiquant qu'il y avait eu conflit, bataille? Avez-vous observé d'autres

  5   signes expliquant ce qui s'était passé ?

  6   M. Stevens (interprétation). - Il y avait beaucoup de douilles,

  7   généralement des douilles de 7,6; c'est une munition utilisée dans les

  8   armes AKA, des armes courte portée.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Est-ce que vous pourriez nous

 10   dire où se trouvaient généralement ces douilles ?

 11   M. Stevens (interprétation). - Généralement autour des maisons.

 12   M. Moskowitz (interprétation). – Parlons justement des maisons.

 13   Quel était l'état des maisons à Ahmici ?

 14   M. Stevens (interprétation). -Eh bien, tout le village avait été

 15   brûlé. J'avais l'impression de me trouver face à un mise à sac

 16   systématique du village.

 17   M. Moskowitz (interprétation). - Vous avez été à même de tirer

 18   un certain nombre de conclusions, n'est-ce pas, quant à ce qui s'était

 19   passé à Ahmici? Vous êtes un soldat de carrière, vous avez passé 22 ans

 20   dans l'armée.

 21   M. Stevens (interprétation). - Comme je l'ai déjà dit, je me

 22   suis beaucoup déplacé en compagnie du colonel Stewart; nous nous sommes

 23   rendus sur toutes les lignes de Bosnie centrale et, au cours de ces

 24   déplacements, nous avions déjà eu l'occasion d'être les témoins de scènes

 25   vraiment terribles. Moi, c'était la première fois que je voyais un village


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  1   qui avait été intégralement détruit.

  2   M. Moskowitz (interprétation). - En tant que soldat de carrière,

  3   est-ce vous aviez l'impression qu'il y avait eu une bataille à Ahmici, ou

  4   aviez-vous l'impression que quelque chose d'autre s'était déroulé à

  5   Ahmici ?

  6   M. Stevens (interprétation). – Ce n'était absolument pas une

  7   bataille, c'était une opération qui visait à expulser les habitants

  8   musulmans du village.

  9   M. Moskowitz (interprétation). - Qu'est-ce qui vous a conduit à

 10   tirer cette conclusion?

 11   M. Stevens (interprétation). – Il y avait certaines maisons

 12   absolument intactes, maisons qui avaient l'air prospère et elles étaient

 13   parfaitement intactes. Et du fait de notre expérience, nous savons que les

 14   toits à quatre versants étaient des toits de maisons musulmanes et toutes

 15   les maisons qui présentaient ces caractéristiques avaient été brûlées, ou

 16   bien avaient été mises à sac. Les autres maisons, en revanche, étaient

 17   intactes. Je l'ai déjà dit.

 18   M. Moskowitz (interprétation). – Monsieur le Président, je vois

 19   que l'heure avance, est-ce que nous poursuivons au-delà de 17 heures ?

 20   Quelles sont vos intentions?

 21   M. le Président (interprétation). –Eh bien, Maître Moskowitz, je

 22   me demandais si vous aviez encore beaucoup de questions à poser.

 23   M. Moskowitz (interprétation). - Eh bien, nous souhaiterions

 24   diffuser une vidéo, soumettre quelques photos au témoin, et avoir d'autres

 25   questions à poser.


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  1   M. le Président (interprétation). – Nous suspendons donc nos

  2   travaux maintenant et reprendrons demain à 9 heures 30 très précises.

  3   L'audience est levée à 17 heures.

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