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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Lundi 11 janvier 1999
4 L'audience est ouverte à 10 heures 05.
5 M. le Président (interprétation). - Bonjour, mesdames et
6 messieurs.
7 M. le Greffier (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
8 Président, Messieurs les Juges. Dossier IT-95-16-T : le Procureur du TPY
9 contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic,
10 Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.
11 M. le Président (interprétation). - Les parties peuvent-elles se
12 présenter s'il vous plaît ?
13 M. Terrier. - Bonjour, Monsieur le Président, l'accusation est
14 aujourd'hui représentée par M. Albert Moskowitz, M. Mike Blaxill et moi-
15 même. J'ajoute pour l'information du Tribunal que M. Moskowitz nous
16 quittera à la fin de cette semaine pour prendre dans son pays des
17 responsabilités importantes.
18 M. le Président (interprétation). - Merci à la défense.
19 M. Radovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.
20 Je suis le conseil de Zoran Kupreskic et, Monsieur le Président et
21 Messieurs les Juges, je voudrais présenter le conseil, M. Tomislav
22 Paslovic, qui est avec moi.
23 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,
24 Messieurs les Juges. Je m'appelle Jadranka Slokovic Glumac et je défends
25 Mirjan Kupreskic.
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1 M. Krajina (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président et
2 Messieurs les Juges. Je suis Borislav Krajina ; je suis l'avocat
3 de l'accusé Vladko Kupreskic et mon conseil est Jalimir Para.
4 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, Messieurs
5 les juges, je suis Luko Susak. Je défends Drago Josipovic et je vais vous
6 présenter notre avocate de Zagreb.
7 M. Pavkovic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,
8 je suis M. Pavkovic et je défends Santic. Je vais vous présenter mon
9 assistant, Me Vrodoliak, avocat de Zagreb.
10 M. Puliselic (interprétation). - Bonjour Monsieur le Président,
11 Messieurs les Juges, je suis l'avocat Petar Puliselic et je défends
12 l'accusé le qu'au conseil et Mme pain M. Terrier.
13 M. le Président (interprétation). - Merci.
14 Il y a de bonnes et de mauvaises nouvelles en même temps. Nous
15 sommes contents que le conseil ras soit en très bonne santé et que par
16 conséquent il se soit bien rétabli mais il y a une mauvaise nouvelle :
17 M. Moskovic va nous quitter. Je suis sûr que la compétence, la sagesse et
18 l'équilibre qui font la personnalité de Me Moskovic vont nous manquer,
19 aussi bien à l'accusation qu'à nous-mêmes, et nous sommes désolés de le
20 voir partir.
21 Par ailleurs, je voudrais souhaiter la bienvenue à tous les co-
22 conseillers qui ont été désignés au cours de ces mois pendant lesquels
23 nous ne nous sommes pas vus ainsi qu'à Me Blesvik.
24 Avant de commencer, j'aimerais vous dire quelques mots au sujet
25 des aspects techniques. Tout d'abord, nous nous sommes mis d'accord sur le
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1 fait qu'en ce qui concerne la période de janvier à mars, nous allons
2 travailler de 9 heures 30 jusqu'à 13 heures 30, la première pause étant à
3 10 heures 30. C'est la raison pour laquelle nous pouvons dire que nous
4 allons commencer à 9 heures jusqu'à 10 heures 30, avec une pause jusqu'à
5 10 heures 50, la deuxième pause de 10 heures 50 jusqu'à 12 heures 10,
6 après quoi nous allons reprendre à 12 heures 30 et travailler jusqu'à
7 13 heures 30. C'est ainsi que nous allons organiser nos travaux.
8 Par ailleurs, je pense que nous devons avoir également en vue
9 que nous allons faire face à un certain nombre de difficultés. Par
10 exemple, le jeudi matin, nous n'allons pas pouvoir siéger pour les raisons
11 personnelles de quelques personnes qui sont ici même. C'est pourquoi je
12 vous propose de travailler mercredi matin et après-midi ; j'en suis
13 désolé. Ceci présentera peut-être quelques difficultés, pour les conseils
14 de la défense notamment, mais c'est indispensable, sinon nous allons
15 perdre beaucoup de temps.
16 Par ailleurs, je vais vous demander également de prendre note
17 des heures pendant lesquelles nous allons travailler le mercredi. Pour le
18 moment, nous ne le savons pas encore, du moins pour l'après-midi.
19 La semaine prochaine vous savez que le lundi 18 nous n'allons
20 pas travailler car c'est une nouvelle fête des Nations-Unies. Donc, cette
21 semaine nous travaillerons le lundi et le mardi, le mercredi le matin et
22 l'après-midi, pas du tout jeudi, et le vendredi nous ne travaillons que le
23 matin, et la semaine prochaine nous poursuivrons nos travaux le mardi et
24 nous ne travaillerons pas le lundi 18.
25 Ensuite, il y avait également une demande de la défense à propos
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1 du laissez-passer Josip Kolic. L'accusation a-t-elle éventuellement un
2 commentaire à faire à ce sujet là ?
3 M. Terrier. - Pas de commentaire, Monsieur le Président, nous
4 nous en rapportons à l'appréciation du Tribunal.
5 M. le Président (interprétation). - Merci. Dans ce cas, nous
6 allons pouvoir accorder ce laissez-passer pour le témoin Kolic et c'est
7 aujourd'hui même que nous allons le faire.
8 Ensuite, il y a une chose un peu plus sérieuse. Je vois bien que
9 la défense a l'intention de citer plus de 140 témoins, donc un nombre très
10 important. C'est la raison pour laquelle les Juges se demandent si les
11 conseils de la défense sont éventuellement prêts à réduire le nombre de
12 témoins qu'ils avaient l'intention de citer.
13 Tout premièrement, je voudrais vous donner lecture du texte du
14 règlement de preuve ; c'est le nouveau texte qui éventuellement pourrait
15 nous venir en aide. Je ne sais pas si vous en disposez déjà. C'est un
16 texte qui a été publié le 10 décembre, et c'est le 17 décembre qu'il a été
17 adopté. C'est la règle 94 ter, qui parle des preuves au moment de la
18 déposition de la déclaration solennelle.
19 Je cite : "En vue de prouver ce qui a été contesté, on peut
20 citer le témoin et, pour appuyer cette déclaration également, verser comme
21 élément de preuve une déclaration qui a été signée par un autre témoin. Ce
22 sont les déclarations solennelles qui sont acceptables. Dans le cas où la
23 partie adverse n'a pas de requête, pas de motion, si elle ne les verse pas
24 pendant les cinq jours et si cette motion a été versée, si le conseil
25 adopte une décision dans ce cas-là, le témoin va être cité pour le contre-
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1 interrogatoire". (Les interprètes précisent qu'ils n'ont pas disposé du
2 texte et que l'interprétation était officieuse.)
3 Par conséquent, pour rendre plus efficaces nos travaux, je me
4 pose personnellement la question, ainsi que mes collègues, de savoir si
5 cette règle pourrait être appliquée sur les témoins de moralité que la
6 défense pourrait citer. La défense pourrait éventuellement examiner la
7 possibilité de citer uniquement un seul témoin de moralité et, ensuite, de
8 nous soumettre les déclarations solennelles des autres témoins, bien
9 évidemment si l'accusation n'a rien contre cela. Il s'agit d'un domaine où
10 cette nouvelle règle 94 ter pourrait être appliquée. Il y a probablement
11 d'autres domaines dans lesquels nous pourrions éventuellement faire appel,
12 ou faire référence, à cette règle.
13 Maintenant, si vous voulez bien, j'aimerais résoudre un certain
14 nombre d'autres questions. Nous avons lu très attentivement les
15 déclarations des témoins qui nous ont été soumises par la défense. Nous
16 avons vu un certain nombre de déclarations de témoins qui, éventuellement,
17 ne devraient pas être citées. Je vais juste jeter un coup d'oeil pour voir
18 de quels témoins il s'agit. Je m'en excuse, cela va prendre un petit
19 moment. Excusez-moi, mais il y a tellement de documents... C'est la raison
20 pour laquelle il est toujours difficile de trouver tout de suite les
21 documents dont nous avons besoin.
22 Effectivement, il y a un certain nombre de témoins pour Zoran et
23 Mirjan Kupreskic, plus précisément il y a quatre témoins dont je vais
24 citer les noms. Selon leurs déclarations, il s'agit de quatre témoins,
25 tous parlent des rapports de télévision qui portent sur Sakib Ahmic, de
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1 son interview. Ce sont les déclarations des témoins qui disent qu'ils
2 étaient sur place, qu'ils ont vu cette émission à la télévision, et c'est
3 absolument tout. L'accusation nous a donné la cassette vidéo de cette
4 émission et par conséquent, je me demande s'il est véritablement
5 indispensable ou non de convoquer, de citer ces témoins. Je pense à
6 Krecic Antorajic; à Mijka Sakhic et à Mijko Safadin.
7 C'est tout simplement une proposition que je soumets à l'examen
8 de la défense de Zoran et Mirjan Kupreskic. Il y a également une autre
9 question que je voulais soulever, qui concerne le chef d'accusation
10 numéro un : les persécutions. Une fois de plus, nous avons examiné de très
11 près les déclarations des témoins. Nous avons vu également tout le dossier
12 qui a été soumis par la défense de Zoran et Mirjan Kupreskic, et la
13 question que nous nous posons à ce sujet est de savoir dans quelle mesure
14 ces déclarations sont pertinentes pour le cas présent.
15 Vous me permettrez de m'expliquer un peu plus : un certain
16 nombre de témoins de la défense ont témoigné que les Musulmans avaient
17 persécuté les Croates dans un certain nombre de villages. La question que
18 je me pose, c'est de savoir quelle était la pertinence de ces
19 déclarations. S'il s'agit d'éléments de preuve dans le but de démontrer
20 que l'autre partie avait également commis des actes analogues, ce n'est
21 pas essentiel, ce n'est pas le type de défense utilisée dans le droit
22 international. Je considère que, dans ce cas, le Tribunal peut demander à
23 la défense de nous expliquer la pertinence de ses déclarations, de la
24 partie de déclaration qui concerne les persécutions, pour comprendre tout
25 simplement quelle était l’intention des conseillers de la défense.
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1 Avant de donner la parole à M. Radovic au sujet de cette
2 question, j'aimerais tout simplement terminer cette introduction, ces
3 commentaires que je viens de faire, et je voudrais soulever une dernière
4 question : je pense que nous nous sommes mis déjà d'accord et que nous
5 allons traiter point par point des chefs d'accusation un par un. Nous
6 allons commencer par le chef d'accusation n °1. Ensuite nous allons passer
7 aux chef d'accusations qui suivent et si c'est le cas à ce moment-là,
8 j'aimerais savoir si les conseils de la défense sont prêts à présenter
9 leur compte rendu au sujet de ce premier chef d'accusation. Ensuite, ils
10 vont procéder de la même manière pour les chefs d'accusations qui vont
11 suivre.
12 A mon avis, c'est peut-être la façon la plus efficace et comme
13 cela, nous allons économiser du temps. Par conséquent, nous allons d'abord
14 traiter le premier chef d'accusation. Ensuite, nous allons passer au
15 deuxième chef d'accusation mais avant, nous pouvons entendre les conseils
16 de la défense au sujet de ce premier point ou éventuellement les conseils
17 de la défense considèrent éventuellement présenter un compte rendu sur
18 tous les chefs d'accusation qui auront été traités.
19 Voilà, c’est comme cela que j'ai terminé. Je vais demander à
20 M. Radovic de bien vouloir nous dire son point de vue au sujet des
21 persécutions d'abord et de la manière dont ils vont par la suite préparer
22 les rapports au sujet des chefs d'accusation, un par un dans l'ensemble.
23 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président,
24 Messieurs les Juges, en ce qui me concerne, je pense que le mieux est de
25 commencer d'abord par les témoins, notamment les témoins cités par le
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1 Président, qui concernent cette émission de télévision.
2 Tout d'abord, nous étions reconnaissants à l'accusation de nous
3 avoir permis de voir la cassette vidéo qui porte sur l'interview de
4 Sakib Ahmic qu'il avait donnée à l'hôpital de Zenica. Nous avons
5 simplement affirmé que toute l’émission n'a pas été présentée. Ensuite, le
6 Procureur nous a donné le complément de cette cassette vidéo, donc un
7 élargissement de la première cassette, mais nous affirmons que toute la
8 cassette n'est pas disponible et que par conséquent les témoins devraient
9 affirmer que Sakib Ahmic, ou plutôt le journaliste qui l'avait interviewé,
10 lui avait dit qu'il n'était pas au courant quelles étaient les personnes
11 qui ont pénétré dans sa maison, car elles portaient les cagoules
12 C'est la raison pour laquelle nous citons ces témoins. Il n'est
13 pas contestable qu'il avait donné cette interview, il n'est pas
14 contestable non plus où il l’avait donnée et devant qui il l'avait donnée,
15 mais nous considérons que la cassette n'a pas été complète. C'est la
16 raison pour laquelle nous aurions besoin de citer les témoins, peut-être
17 pas les quatre, les deux, mais ils devraient quand même dire tout ce
18 qu'ils ont vu et entendu lors de cette interview et ce qui a été
19 enregistré sur la cassette.
20 En ce qui concerne les témoins qui concernent d'autres domaines
21 et pas tout simplement Ahmici et Vitez, des témoins qui éventuellement
22 porteront des témoignages sur d'autres régions, nous avons pris la
23 décision de les citer pour deux raisons : une première raison c'est que le
24 Procureur également avait cité un certain nombre de témoins qui avaient
25 parlé des événements en dehors de Busovaca, de Vitez et d'Ahmici et c'est
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1 la raison pour laquelle ma collègue, Me Glumac, et moi-même avons quelque
2 peu protesté et considéré qu'il ne fallait pas procéder à de tels genres
3 d'interrogatoires, car il y avait un certain nombre de circonstances dont
4 il a été question qui n'avaient rien à voir avec l’acte d'accusation, mais
5 il a été conclu qu'il fallait parler de l'ensemble de ce qui s'était passé
6 autour de Vitez, autour d'Ahmici, donc un peu au-delà de la vallée de la
7 Lasva.
8 C'est la raison pour laquelle également la défense souhaiterait
9 le faire pour que les Juges puissent également être au courant de ce qui
10 s'était passé en dehors d'Ahmici, notamment parce que le conflit n'a pas
11 commencé à Ahmici, il a commencé quelque peu avant, en dehors d'Ahmici, en
12 dehors de cette région.
13 Par ailleurs, il y a également quelques autres points que je
14 voulais soulever. Cette fois-ci, cela porte sur la deuxième partie de ce
15 qui a été dit tout à l'heure. Nous savons qu'il y a d'autres cas, Tadic
16 par exemple, où quand il s'agit de la culpabilité, cette notion peut être
17 très large. Par exemple, nous affirmons que les nôtres n'étaient pas au
18 courant que le conflit se préparait, et que ce n'est qu'après minuit
19 qu'ils ont appris qu'ils devaient évacuer les civils, après le 16 avril,
20 tout simplement parce qu'il y avait une attaque des forces musulmanes qui
21 se préparait. Il y avait donc les événements qui se sont déroulés autour
22 de Vitez, où les Musulmans attaquaient les Croates et c'est un fait qui,
23 par conséquent, dans la conscience des accusés, aurait pu créer cette
24 notion que l'information était exacte et qu'ils avaient à évacuer les
25 civils.
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1 C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions pouvoir parler
2 non seulement d'Ahmici mais aussi d'autres régions, car Ahmici n'était pas
3 isolée, n'était pas une île isolée, mais faisait partie de l'ensemble des
4 opérations entreprises dans la vallée de la Lasva ; c'est une première
5 chose.
6 Ensuite, en ce qui concerne le compte-rendu de la défense, je
7 dois reconnaître que Me Slokovic Glumac et moi-même avons pensé que la
8 déclaration liminaire globale à soumettre, devrait porter sur tous les
9 chefs d'accusation ; en effet, il s'agit de l'ensemble des événements qui
10 ont eu lieu non seulement à Ahmici mais aussi à Vitez, comme je l'ai dit,
11 dans la vallée de la Lasva, tout ce qui s'est passé dans la nuit du 15 au
12 16 avril, le 16 avril très tôt le matin, le déplacement des accusés à ce
13 moment-là, également de leur prise de conscience du fait qu'ils devaient
14 évacuer les civils dont j'ai parlé tout à l'heure. Par conséquent, je
15 pense qu'il faudrait prendre en considération tous ces éléments.
16 Par ailleurs, j'aimerais également attirer votre attention sur
17 un fait, mais c'est une digression : à la fin du mois de février, il
18 faudrait que nous soyons dans notre pays, parce qu'il faudrait également
19 que nous déclarions nos impôts à ce moment-là. Par conséquent, Monsieur le
20 Président, nous vous demandons si vous pouvez nous accorder une pause
21 entre le 21 février et la fin du mois de février afin que nous puissions
22 retourner dans notre pays et déclarer les impôts, mais c'est une
23 digression, une parenthèse. Merci, Monsieur le Président.
24 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne les
25 persécutions, Monsieur le Président, et la question que vous avez soulevée
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1 à ce sujet, je voudrais tout simplement dire que dans l'acte d'accusation
2 il a été cité que le 16 avril il y a eu une opération coordonnée et
3 organisée sur toutes les villes et villages dans la région de
4 dix kilomètres, on avait énuméré les localités. On a parlé de
5 Sivljino Celo, de Preocica, de Santici, de Madioci, d'Ahmici, mais on
6 parle également d'autres villages comme Kruscica et Gacice.
7 Le Procureur n'avait pas essayé de prouver que le conflit
8 existait dans ces villages, et en ce qui nous concerne, nous souhaiterions
9 tout simplement prouver ce qui s'est passé dans ces villages ce jour-là et
10 je pense qu'à un moment donné, Monsieur le Président, vous avez également
11 demandé au Procureur ce qui s'était passé dans ces autres villages. La
12 distance entre ces villages est de quelques kilomètres, et c'est à
13 proximité de Vitez, à dix kilomètres environ, cela couvre une zone de
14 10 kilomètres. Par conséquent, il faudra également que l'on puisse prouver
15 de quelle manière l'armée de Bosnie-Herzégovine a été organisée, comment
16 le HVO s'est comporté dans cette région, et c'est pour pouvoir apprécier
17 la situation, pour apprécier les événements qui se sont produits,
18 également pour prouver ce qui s'est passé dans les alentours et pas
19 uniquement à Ahmici, et nous devons citer ces témoins. D'autant plus que
20 ces témoins vont nous dire ce qui s'est passé ce jour-là, il y a également
21 un événement qui est quelque peu en dehors, c'est un acte, un crime qui a
22 été commis à Dusina, mais pendant la guerre, le 24 janvier 1993. Par
23 conséquent il rentre dans l'acte d'accusation, et nous souhaitons tout
24 simplement prouver de quelle manière les membres de l'armée de Bosnie-
25 Herzégovine se sont comportés, comment ils ont été équipés, comment ils
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1 ont réagi, et donc quels étaient les causes et les effets, et ce qui s'est
2 passé par la suite à Vitez. C'est la raison pour laquelle...
3 M. le Président (interprétation). - Un peu plus lentement, s'il
4 vous plaît.
5 Mme Glumac (interprétation). - C'est la raison pour laquelle
6 nous considérons qu'il n'y aura pas beaucoup de témoins ; il n'y en aura
7 que deux, mais il est extrêmement important de les citer car nous allons
8 parler de cette attaque sur Ahmici le 10 avril et par conséquent il est
9 indispensable de prouver quelles étaient les raisons pour lesquelles cette
10 attaque s'est produite. Merci.
11 M. le Président (interprétation). - Y a-t-il des commentaires de
12 la part de l'accusation ?
13 M. Terrier. - Oui, Monsieur le Président. L'accusation
14 souhaiterait faire certains commentaires à la reprise de ce procès, et
15 faire part au Tribunal d'un certain nombre de préoccupations après les
16 éléments d'information qui nous ont été communiqués par les avocats de la
17 défense.
18 M. le Président. - Il y a une traduction vers l'anglais. Pouvez-
19 vous reprendre ?
20 M. Terrier. - Je disais que l'accusation souhaite, à cet
21 instant, faire part au Tribunal et aux représentants de la défense de
22 certains motifs de préoccupation. Tout d'abord, sur les éléments
23 d'informations qui nous ont été communiqués préalablement à la reprise de
24 ce procès par les avocats de la défense, nous avons reçu un certain nombre
25 d'indications sur les témoins qui seront cités par les parties : très peu
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1 de déclarations signées par les témoins, beaucoup de résumés.
2 Et nous avons regretté, en particulier, que beaucoup des résumés
3 que nous avons reçus soient extrêmement sommaires, et ne donnent aucune
4 indication réelle sur l'objet du témoignage qui sera sollicité.
5 Il nous paraît, dans ces conditions, que le principe de
6 l'égalité des armes entre les parties qui sont présentes devant le
7 Tribunal se trouve compromis, et il nous semble que pour que le procès
8 continue de se dérouler dans de bonnes conditions, il est infiniment
9 souhaitable qu'un correctif soit apporté par le Tribunal à cette
10 situation. Ce que nous suggérons donc à cet instant, c'est que le Tribunal
11 autorise l'accusation à entendre les témoins qui seront cités par la
12 défense avant qu'ils ne comparaissent devant le Tribunal. Je précise qu'il
13 s'agit là de corriger la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui
14 et de garantir le principe de l'égalité des armes entre les parties.
15 J'ajoute qu'il ne s'agit pas pour l'accusation, bien entendu,
16 d'entendre tous les témoins qui seront cités par la défense, mais
17 seulement certains d'entre eux et en particulier, ceux dont il nous semble
18 qu'ils pourraient venir en contradiction directe avec certains des témoins
19 que le Tribunal a déjà entendus.
20 J'ajoute, en deuxième lieu, que dans l'esprit de l'accusation il
21 ne s'agirait en aucun cas d'obliger un témoin cité par la défense à venir
22 déposer devant l'accusation et que cela sera soumis bien entendu à
23 l'accord de chacun des témoins. Nous ne voulons obliger aucun des témoins.
24 Nous souhaitons que l'unité de protection des victimes soit
25 l'intermédiaire entre l'accusation et le témoin ou les témoins, que
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1 l'unité des victimes recueille l'accord ou le refus de chacun des témoins
2 de déposer devant l'accusation avant de déposer devant le Tribunal.
3 Le deuxième sujet de préoccupation que l'accusation souhaite
4 évoquer à cet instant du procès a trait à la défense de M. Vlado Santic.
5 Il nous a semblé, -mais peut-être est-ce le fait, la conséquence
6 du caractère extrêmement sommaire des communications qui ont été faites à
7 l'accusation- que plusieurs des témoins que la défense de M. Vlado Santic
8 entend citer devant le Tribunal se rapportent à une défense alibi, puisque
9 quatre ou cinq témoins, nous est-il dit, se trouvaient à Vitez le 16 avril
10 au matin et diront ce qu'ils ont vu sans plus de précisions.
11 Dans ces conditions, compte tenu des éléments d'information qui
12 nous ont été communiqués, nous craignons que ces témoins viennent dire au
13 Tribunal que l'accusé se trouvait non à Ahmici mais à Vitez le 16 avril au
14 matin et nous souhaitons rappeler à ce moment-là à la défense de M. Vlado
15 Santic les dispositions du règlement sur la défense d'alibi et, en
16 particulier, la décision et l'interprétation qui a été celle de votre
17 Tribunal le 17 août dernier lorsque cette question a été très longuement
18 et très précisément évoquée.
19 Si l'accusé, M. Vlado Santic, souhaite établir devant le
20 Tribunal qu'il ne se trouvait pas à Ahmici le 16 avril au matin, il peut
21 bien entendu le faire, pas par le moyen de témoignage, mais uniquement en
22 déposant lui-même devant le Tribunal.
23 Cela me conduit au troisième sujet de préoccupation dont je
24 souhaite faire part au Tribunal : il ne nous a pas été indiqué par les
25 représentants de la défense si les accusés entendent ou n'entendent pas
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1 déposer en qualité de témoins pour leur défense dans la suite de ce
2 procès.
3 Bien entendu, la décision leur appartient pleinement et
4 librement, mais il me semblerait équitable qu'à la reprise de ce procès
5 nous soyons informés de la décision de chacun des représentants de la
6 défense, de chacun des accusés, dans la mesure où la perspective que l'un
7 ou l'autre des accusés dépose pour sa défense fera que nous interrogerons,
8 contre-interrogerons différemment certains des témoins de la défense qui
9 viendront devant le Tribunal. Peut-être votre Tribunal jugera-t-il utile
10 de poser cette question aux avocats de la défense aujourd'hui.
11 Quatrième et dernier sujet de préoccupation : il a trait aux
12 règles de bon usage qui doivent être établies, qui avaient été prescrites
13 par votre Tribunal pour la comparution des témoins de l'accusation et qui,
14 à mon sens, devraient être réitérées pour la comparution des témoins de la
15 défense et, en particulier, deux règles :
16 - que nous ayons à la fin d'une semaine la liste des témoins de
17 la semaine suivante -et j'indique tout de suite que vendredi nous avons eu
18 de Mme Glumac que je remercie la liste des témoins de cette semaine,
19 - et d'autre part, nous souhaitons, si de nouveaux témoins
20 doivent être cités par la défense, qu'un certain délai soit accordé à
21 l'accusation entre la notification du nom de ce témoin et sa comparution
22 effective à l'audience, de manière à ce que nous puissions nous préparer.
23 Un délai de trente jours avait été fixé pour l'accusation au bénéfice de
24 la défense, nous ne demandons pas un délai de trente jours bien entendu,
25 mais nous souhaitons qu'au moins dix jours ou quinze jours nous soient
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1 réservés pour préparer le contre-interrogatoire.
2 A cet égard, j'indique que vendredi dernier, un témoin cité
3 cette semaine nous a été notifié. Or, nous n'avions jusqu'à présent aucune
4 indication relative à ce témoin. Il ne nous avait pas été dénoncé, nous
5 n'avions aucune information sur ce témoin et, bien entendu, vendredi
6 dernier, nous n'avons eu que des informations extrêmement sommaires sur ce
7 témoin. Il s'agit de M. Vlado Divkovic qui n'avait été dénoncé par aucun
8 des représentants de la défense.
9 Et par conséquent, il nous paraît très difficile que ce témoin
10 soit appelé effectivement à déposer cette semaine, compte tenu du très peu
11 de temps qui est réservé à l'accusation pour préparer le contre-
12 interrogatoire.
13 Enfin, dernier souhait que je formule à cet instant auprès du
14 Tribunal : si la défense entend renoncer à certains témoins, qu'elle le
15 fasse connaître le plus rapidement possible à l'accusation, de manière à
16 éviter toute recherche inutile et toute perte de temps.
17 Ce sont les sujets de préoccupation que l'accusation souhaitait
18 faire connaître au Tribunal à la reprise de ce procès.
19 Je vous remercie, Monsieur le Président.
20 M. le Président. - Merci, Monsieur Terrier.
21 (Les juges se consultent sur le siège)
22 M. le Président (interprétation). - Je tâcherai de revenir sur
23 les points, d'abord ceux qui ont été énoncés par la défense et ensuite
24 ceux qui sont venus de l'accusation.
25 Premièrement, je comprends ce que M. Radovic a dit au sujet de
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1 la bande et des quatre témoins. Nous aimerions que les quatre témoins
2 soient réduits à deux, mais je prends note et je comprends ce que vous
3 avez exprimé. Vous avez dit que la bande qui vous a été communiquée
4 n'était pas complète, nous vous l'accordons, mais pour ce qui est de
5 l'aspect géographique, la question est de savoir s'il faut s’étendre au
6 delà d'Ahmici.
7 Les événements qui se sont produits à l'extérieur d'Ahmici,
8 avant et probablement après la date du 16 avril 1993, sont pertinents
9 concernant deux points spécifiques : premièrement, la question de savoir
10 s'il s'agissait ou non d'un conflit armé et deuxièmement, de savoir si les
11 crimes qu'on supposait avoir été perpétrés peuvent être considérés comme
12 des crimes contre l'humanité.
13 Est-ce que les crimes commis à Ahmici peuvent être considérés
14 comme des crimes contre l'humanité ? Comme vous le savez parfaitement,
15 pour prouver qu'il s'agit d'un crime contre l'humanité, vous avez besoin
16 d'un certain nombre d'éléments juridiques, donc il s'agit d'une pratique
17 sur une grande échelle et géographiquement étendue.
18 Donc, l'accusation, je pense, avait raison en évoquant les
19 événements qui se sont produits avant la date du 16 avril et à l'extérieur
20 d'Ahmici, puisque l'accusation prétend que certains de ces événements
21 doivent être considérés comme des crimes contre l'humanité, en particulier
22 les persécutions ; et la persécution, de l’avis de l'accusation, est un
23 crime contre l'humanité et par conséquent, sa pratique généralisée
24 existait effectivement selon l'accusation.
25 Mais je dois dire qu'il ne s'agit que de deux domaines, que
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1 seuls deux points où les événements qui se sont produits en dehors
2 d'Ahmici pourraient être pertinents. Si vous dites que, puisque
3 l'accusation a le droit, était autorisée à informer la Chambre des
4 événements qui se sont produits dans la vallée de la Lasva dans son
5 ensemble et que par conséquent, la défense elle aussi devrait être
6 autorisée à le faire, là, je pense que vous dépassez le domaine de notre
7 dossier particulier. Là je pense que vous devez vous polariser sur ce que
8 le Procureur a exposé, comment il a cherché à démontrer qu'il s'agit d'un
9 crime contre l'humanité, et de le réfuter là-dessus précisément. Quant aux
10 persécutions des Croates par les Musulmans, la persécution en tant que
11 telle n'est pas pertinente dans notre dossier. Elle peut l’être dans
12 d'autres dossiers qui seront traités à l'avenir ou qui ont déjà été
13 traités devant ce Tribunal, où des Musulmans, à titre individuel seraient
14 accusés de persécution contre les Croates, mais ceci n'est pas le cas dans
15 notre dossier.
16 Je pense que nous devons nous polariser sur ce que je viens de
17 faire et ceci est le point de vue de la Chambre. Vous pouvez évidemment
18 produire des moyens de preuve sur des événements qui dépassent la zone
19 d'Ahmici, mais j'espère que vous vous focaliserez sur ces deux questions
20 juridiques spécifiques, parce que je ne voudrais pas que l'on dépasse le
21 domaine de notre dossier.
22 Quant aux déclarations liminaires, si nous avons bien compris
23 que les conseils M. Radovic et Mme Glumac, souhaitent faire une
24 déclaration liminaire portant sur l'ensemble et nous sommes prêts à
25 l'entendre. Donc, comme d'habitude, vous allez couvrir l'ensemble des
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1 questions qui concernent vos clients. Néanmoins, nous aimerions savoir si
2 les autres conseils souhaitent procéder à des déclarations liminaires
3 uniques, en englobant l'ensemble du domaine, ou bien s'ils souhaitent les
4 fragmenter selon les chefs d'accusation. C'est à eux de décider. Nous ne
5 voulons absolument pas imposer une solution.
6 Essayons de trouver la solution la plus pratique, la solution
7 qui sera la plus efficace juridiquement et nous permettra de mener un
8 procès prompt et rapide. Je vois que vous êtes en train de vous consulter.
9 Pouvez-vous me répondre sur cette question-là ? Comment entendez-vous
10 procéder avec vos déclarations liminaires ?
11 M. Pavkovic (interprétation). – Monsieur le Président, Messieurs
12 les Juges, la question des déclarations liminaires ainsi que toute une
13 série d'autres questions importantes qui ont été soulevées par le
14 Procureur méritent davantage d'attention. Après la première pause que nous
15 aurons aujourd'hui, pourriez-vous nous permettre de nous prononcer sur ces
16 points et en abordant la question des déclarations liminaires également ?
17 Je n'aimerais pas déranger maintenant le cours de nos débats, je
18 préfère donc bénéficier d'un peu de temps après. Nous tiendrons compte
19 bien entendu de vos remarques qui cherchent à assurer une procédure rapide
20 et efficace et en cherchant à y adapter la présentation des déclaration
21 liminaires. C'est ce que vous avez proposé. Vous avez proposé qu'on se
22 prononce d'abord sur le premier chef d'accusation et que nous procédions
23 par la suite aux autres. Permettez-nous de nous consulter, nous vous
24 exprimerons notre point de vue par la suite. Merci.
25 M. le Président (interprétation). - Merci, mais nous avons déjà
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1 pris une décision sur les quatre points de préoccupation qui ont été
2 soulevés par l'accusation. Souhaitez-vous dès à présent commenter ces
3 quatre points de l'accusation avant que la Chambre ne se prononce là-
4 dessus ?
5 M. Pavkovic (interprétation). - Bien entendu, Monsieur le
6 Président. Le Procureur, en exposant ces quatre points, a touché un
7 certain nombre de points communs à la défense, mais il a également abordé
8 des points qui ne concernent que l'accusé Vladimir Santic. Je ne sais pas
9 si c'est maintenant que vous souhaitez que je m’exprime sur cette partie
10 particulière. Si vous le souhaitez, je peux poursuivre, ou bien souhaitez-
11 vous que je le fasse après la pause ?
12 M. le Président (interprétation). - Je pense que vous voudriez
13 avoir la possibilité de vous consulter sur les quatre points car il y a
14 des points très importants et je pense que vous voudriez prendre le temps
15 nécessaire pour vous consulter. Donc, nous l'aborderons après la pause.
16 Nous vous entendrons d'abord sur la première question, nous entendrons vos
17 commentaires ou vos remarques et par la suite, nous prendrons une décision
18 sur les quatre points.
19 Pouvons-nous passer maintenant à la déclaration liminaire de
20 Me Radovic ?
21 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, si vous me
22 le permettez, j'essaierai de vous présenter, de vous expliquer mieux notre
23 position concernant les éléments de preuve que vous considérez comme non
24 pertinents dans notre dossier, alors que vous n'avez pas encore entendu
25 réellement sur quoi porteront ces dépositions. Il s'agit de dépositions
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1 extrêmement brèves.
2 Il est vrai que le Procureur a eu la possibilité de présenter
3 des moyens de preuve concernant l'échelle et l'étendue d'une pratique,
4 pour en déduire par la suite qu'il s'agit, dans un certain nombre de cas,
5 de crimes contre l'humanité, mais concernant tous les événements
6 particuliers qui ont été présentés par le Procureur, où le Procureur
7 prétend qu'il s'agit de cette forme de discrimination, nous souhaitons
8 présenter des dépositions contraires, pour démontrer que cette pratique
9 n'a pas existé, autrement dit qu'elle n'a pas existé dans la forme qui a
10 été présentée par le Procureur. Je pense que, par conséquent, nous ne
11 pouvons pas parler uniquement d'Ahmici, mais de tous les événements, de
12 tous les actes qui ont été présentés par le Procureur. Nous souhaitons
13 présenter une interprétation différente du même événement et au moyen des
14 témoins que nous citerons à la barre.
15 Donc, afin d'établir la vérité pour savoir si cette pratique a
16 réellement existé et quelle a été son étendue, est-ce qu'il y a lieu de
17 considérer qu'il y a eu des crimes contre l'humanité, je pense que vous
18 devriez nous autoriser à présenter nos moyens de preuve qui portent là-
19 dessus. Le seul élément qui dépasse légèrement la zone de Vitez est
20 l'événement de Dusina, mais Dusina ne se trouve qu'à 10 kilomètres de
21 Vitez, donc il s'agit d'une autre municipalité, mais qui fait partie
22 intégrante de la même région.
23 Afin de ne pas nous priver de présenter notre défense sur une
24 partie des événements, je pense qu'il faudrait autoriser la défense à se
25 prononcer sur tous les éléments qui ont été avancés par le Procureur.
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1 M. le Président (interprétation). - Je vois que nos points de
2 vue convergent et je suis parfaitement en accord avec vous. Le Procureur
3 affirme que ces persécutions étaient généralisées, non seulement à Ahmici
4 mais également au-delà. Du moment qu'il l'affirme, vous êtes en droit de
5 prouver le contraire. Je suis d'accord avec vous qu'il n'y a pas eu de
6 persécutions, par exemple, de Musulmans par les Croates dans d'autres
7 villages qu'Ahmici, mais notre point de vue était le suivant : vous n'êtes
8 pas là pour prouver qu'il y a eu des persécutions de Croates par des
9 Musulmans. Ceci n'est pas la question dans ce dossier. Vous devez prouver
10 qu'il n'y a pas eu de persécutions des Musulmans par les Croates. Après,
11 concernant la question de la portée, de l'étendue de cette pratique, oui,
12 vous êtes en droit de répondre là-dessus et là je pense que nos points de
13 vue convergent.
14 J'aimerais savoir si vous deux êtes prêts à procéder à vos
15 déclarations liminaires. Il nous reste 30 minutes et ensuite nous ferons
16 une pause. Je suppose que vous aurez besoin de plus de 30 minutes, mais il
17 serait peut-être dommage de gaspiller notre temps et de ne pas commencer
18 tout de suite.
19 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, puisque
20 vous venez de présenter un certain nombre de questions auxquelles nous
21 devons répondre, et pour pouvoir vous répondre nous devons nous consulter.
22 Je suis d'avis qu'il serait utile de faire une pause maintenant
23 pour que notre coordinateur puisse vous répondre après nos consultations
24 et que nous ne passions aux déclarations liminaires que par la suite. Moi-
25 même, je présenterai notre déclaration liminaire commune, du moins pour
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1 moi-même et Me Glumac. -
2 Si Me Glumac avait quelque chose à rajouter, elle le fera, mais
3 très brièvement.
4 Par ailleurs, quant à la question du Procureur qui est de savoir
5 si les accusés déposeront en tant que témoins, je peux lui répondre d'ores
6 et déjà puisque nous avons déjà abordé cette question avec nos clients, à
7 savoir : les frères Kupreskic, comme vous le savez, dès le début, se sont
8 adressés au Tribunal et à d'autres instances internationales en se disant
9 prêts à se rendre au Tribunal et ils se sont dit prêts à se défendre eux-
10 mêmes devant le Tribunal. Le moment est venu pour eux de présenter leurs
11 preuves et de présenter leur version du problème et des faits. Comme nous
12 le savons, tous les témoignages sont une présentation subjective des
13 faits, il n'y a pas deux témoins qui puissent se prononcer de la même
14 manière sur un même événement.
15 Pour ce qui est de Zoran et Mirjan Kupreskic, conformément à la
16 volonté qu'ils ont exprimée dès le départ, qui était de coopérer au
17 maximum avec le Tribunal, ils seront témoins et déposeront au cours de la
18 procédure. Pour ce qui est des autres accusés, je ne peux pas vous le dire
19 puisque je ne le sais pas.
20 M. le Président (interprétation). - Merci.
21 J'accepte votre suggestion.
22 Nous allons faire une pause de vingt minutes et nous reprendrons
23 à 10 heures 25 précises.
24 (L'audience, suspendue à 10 heures 05, est reprise à
25 10 heures 25.)
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1 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, la
2 défense a examiné toutes les questions en suspens et notre position est
3 unique. La voici :
4 En ce qui concerne le premier point et l'objection formulée par
5 le Procureur, selon laquelle l'accusation n'a reçu que des résumés très
6 brefs de déclarations de témoins, je voudrais souligner le point suivant :
7 je crois que, liée à cette question se trouve la demande de l'accusation
8 d'obtenir la possibilité de par la Chambre de première instance de
9 s'entretenir avec les témoins de la défense afin de compenser le manque
10 d'informations qui leur a été soumis et qui donc ne figure pas dans les
11 sommaires, dans le résumé.
12 La défense s'oppose fermement à tout contact avec les témoins de
13 la défense de la part de l'accusation et pour trois raisons au moins.
14 Tout d'abord, l'accusation a invoqué l'égalité des armes au
15 cours de ces débats et a dit qu'elle avait fourni un ensemble tout à fait
16 complet d'informations et d'éléments de preuve relatifs aux témoins que
17 l'accusation a cité à comparaître. Or, ce n'est pas le cas. Nous avons
18 réalisé que certains des témoignages ou des témoins de l'accusation ont
19 parlé d'événements dont la défense n'avait jamais entendu parler au cours
20 des débats de ce Tribunal. Alors, l'accusation devrait-elle obtenir
21 l'autorisation d'entrer en contact avec des témoins de la défense ? Si
22 c'était le cas, il n'y aurait plus d'égalité des armes.
23 Deuxièmement, en vertu de l'article 21.3 du statut et de
24 l'article 3 commun aux conventions de Genève relatif à la présomption
25 d'innocence, l'accusé, les accusés, à savoir l'accusé ou son conseil,
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1 n'ont pas à aider l'accusation dans son effort visant à prouver sa
2 culpabilité. Par conséquent, la demande de l'accusation, si elle devait
3 être acceptée par cette Chambre, violerait ces principes fondamentaux de
4 procédure pénale.
5 Troisièmement, troisième raison pour laquelle la requête de
6 l'accusation devrait être refusée : au cours de la Conférence de mise en
7 état qui a eu lieu l'année dernière le 16 octobre, la conclusion a été la
8 suivante : la défense n'avait aucune obligation de fournir des
9 déclarations de témoins, elle pouvait se contenter de fournir des résumés.
10 C'est ce que la défense a fait et je pense que nous avons respecté la
11 décision prise par la Chambre au cours de cette conférence de mise en
12 état.
13 Je réponds donc au premier point évoqué par l'accusation. J'ai
14 été Procureur pendant très longtemps et je comprends tout à fait quelles
15 sont les préoccupations de l'accusation dans cette affaire. Si j'étais à
16 la place du Procureur, moi aussi, je serais tout à fait préoccupé.
17 Cependant, bien entendu, d'un côté, nous trouvons les préoccupations de
18 l'accusation, mais de l'autre, nous trouvons les droits de l'accusé et ces
19 droits ne doivent pas être violés.
20 Deuxième point : je vais le laisser de côté pour un instant,
21 c'est une question qui a été mentionnée par l'accusation et qui était
22 surtout destinée au conseil de la défense de Vlado Santic. Je voudrais y
23 revenir dans ma conclusion.
24 Je passerai donc à la question de la déclaration liminaire. Les
25 conseils de la défense sont parvenus à un accord : ils pensent que la
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1 déclaration liminaire devrait être une déclaration liminaire globale,
2 puisque c'est ainsi qu'elle a été préparée. Je pense que ceci faciliterait
3 nos travaux et que nous serions ainsi plus efficaces.
4 En ce qui concerne la liste des témoins, nous pensons que la
5 défense sera à même de fournir cette liste d'ici au dernier jour de cette
6 semaine, la liste des témoins que la défense entend citer la semaine
7 prochaine. Par conséquent, Madame et Messieurs les Juges, excusez-moi...
8 Pour ce qui est de la question mentionnée par l'accusation à
9 nouveau, de savoir si l'accusé allait s'exprimer ou non pour compléter ce
10 qu'a déjà dit Me Radovic, les autres conseils de la défense à ce stade
11 n'ont pas encore pris leur décision, en tout cas une décision définitive
12 quant au témoignage éventuel de leur client.
13 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, voilà la
14 position de la défense sur ces questions. Je ne sais pas si vous souhaitez
15 que je présente maintenant la position de M. Santic.
16 Pour répondre à la question posée par l'accusation, si j'ai bien
17 compris, le Procureur a donc fait objection au résumé présenté et relatif
18 aux déclarations de témoins qui vont venir témoigner dans le cadre des
19 chefs d'accusation retenus contre M. Santic. J'aimerais souligner que l'on
20 peut conclure, d'après ces déclarations, que M. Santic va utiliser un
21 moyen de défense d'alibi, et je voudrais également ajouter un autre
22 point : la seule personne, le seul témoin de l'accusation qui aurait vu
23 M. Santic le 16 avril à Ahmici, et seul, il n'y en a eu qu'un. Lorsque je
24 ferai ma déclaration liminaire, je parlerai de ce point de façon plus
25 détaillée, mais la défense souhaitait déjà faire cette remarque et je
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1 dirai que la défense s'est déjà exprimée sur ce point d'une certaine
2 manière, en fournissant des éléments de preuve plus tôt dans ce procès. La
3 crédibilité de ce témoin est contestable. En d'autres termes, la défense
4 fera remarquer que M. Santic n'était pas à Ahmici le 16 avril 1993. Et
5 pour ce qui est de ses déplacements et de l'endroit où il se trouvait ce
6 jour-là, la défense n'a pas à fournir d'éléments de preuve
7 supplémentaires.
8 D'autre part, nous avons dit que si cela était nécessaire, nous
9 désignerions l'endroit où se trouvait M. Santic ce jour-là.
10 En bref, Madame et Messieurs les juges, il s'agit là de nos
11 remarques relatives aux questions soulevées par l'accusation. Merci.
12 M. le Président (interprétation). - Merci beaucoup. Pourriez-
13 vous éclaircir un point en particulier s'il vous plaît, le point relatif à
14 la déclaration liminaire ? Si je vous ai bien compris, tous les conseils
15 de la défense vont prononcer des déclarations liminaires cette semaine. Je
16 n'ai pas très bien compris, je crois. Même après avoir consulté le compte-
17 rendu d'audience, je n'ai pas très bien compris votre suggestion. Vous
18 parlez des déclarations liminaires de tous les conseils cette semaine ?
19 M. Pavkovic (interprétation). - Nous allons commencer
20 aujourd'hui. Je ne sais pas si nous allons terminer aujourd'hui. Nous
21 allons poursuivre demain si nous ne terminons pas aujourd'hui, et nous
22 aborderons tous les chefs d'accusation, à commencer par le premier, dans
23 nos déclarations liminaires, en adaptant bien sûr cela aux différentes
24 positions des conseils des accusés.
25 M. le Président (interprétation). - Nous allons maintenant
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1 statuer sur les différentes questions soulevées par l'accusation et par la
2 suite, nous délivrerons une ordonnance qui exposera les raisons de notre
3 décision et qui les exposera plus clairement.
4 Pour ce qui est de la question tout à fait cruciale des
5 déclarations de témoins fournies par la défense, nous, membres de cette
6 Chambre, avons été frappés par la brièveté excessive et le caractère tout
7 à fait succinct de ces déclarations. Elles ne permettent pas aux Juges de
8 se faire une idée de la teneur des déclarations de ces témoins en
9 audience. Par conséquent, à la lumière de ce principe d'égalité des armes
10 qui signifie que les deux parties, la défense et l'accusation doivent être
11 sur un pied d'égalité, nous avons le sentiment que certaines de ces
12 déclarations ou certains de ces documents ne sont pas satisfaisants. Nous
13 pensons également que ce qu'a dit Me Pavkovic sur le principe selon lequel
14 la défense ne doit pas faire quoi que ce soit pour aider l'accusation, là,
15 je crois qu'il y a un malentendu sur le principe d'égalité des armes et
16 sur l'esprit de nos débats. L'accusation a besoin de ces déclarations car
17 elle doit être à même de contre-interroger les témoins. Pour les mêmes
18 raisons, d'ailleurs, qui obligeaient l'accusation à fournir à la défense
19 les déclarations préalables de ces témoins. Par conséquent, ce n'est pas
20 la question d'aider l'accusation, il s'agit simplement d'aider les juges à
21 déterminer la vérité.
22 Par ces motifs, nous allons demander à l'accusation de produire,
23 d'ici à demain peut-être, une liste des témoins dont les déclarations
24 fournies n'ont pas été satisfaisantes. La défense aura alors deux semaines
25 pour fournir à l'accusation et aux juges des déclarations détaillées. Si
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1 ce n'est pas le cas, si ce délai n'est pas respecté, l'accusation sera
2 alors en droit d'interroger ces témoins, d'entrer en contact avec eux.
3 Bien entendu, nous préférerions que la défense fournisse ces déclarations
4 détaillées. Comme l'a dit le Procureur, ceci ne s'applique pas au cas de
5 tous les témoins, à certains d'entre eux seulement. Mais pour ces témoins
6 - et nous obtiendrons la liste demain je pense - nous espérons que la
7 défense, dans un délai de deux semaines, transmettra ces déclarations à
8 l'accusation et aux Juges.
9 Nous nous demandons également si les conseils de la défense
10 pourraient décider le plus rapidement possible si, oui ou non, les accusés
11 autres que Mirjan et Zoran Kupreskic vont témoigner au cours de
12 l'audience. Nous souhaiterions obtenir une réponse d'ici à lundi prochain
13 ou mardi, enfin très rapidement, parce que nous souhaitons obtenir
14 rapidement la liste définitive des témoins.
15 Nous faisons droit à la requête de l'accusation visant à ce que,
16 chaque vendredi, les conseils de la défense fournissent une liste des
17 témoins cités la semaine suivante. Je pense qu'il est tout à fait
18 approprié que l'accusation sache dix jours à l'avance quels seront les
19 noms qui comparaîtront, afin que le Procureur puisse se préparer au
20 contre-interrogatoire. L'accusation a également demandé que la défense
21 notifie à l'accusation, et aux autres conseils de la défense, les noms des
22 témoins qui ne comparaîtront pas. Nous aimerions beaucoup aussi pouvoir
23 obtenir cette liste le plus rapidement possible. Pour ce qui est de
24 l'accusation de Vlado Santic, si j'ai bien compris l'interprétation de
25 Me Pavkovic, ce dernier a reconnu qu'il allait s'agir d'une défense
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1 d'alibi. En vertu de notre article 67 du Règlement, la défense d'alibi est
2 mentionnée dans le paragraphe 2-a, qui s'applique à une période préalable
3 au début du procès.
4 Alors, s'il s'agit effectivement d'une défense d'alibi, et je
5 comprends que cela va être le cas, je crois que cette disposition du
6 Règlement n'a pas été respectée par le conseil de la défense. A ce moment-
7 là, il faudrait que ce soit le paragraphe B qui soit appliqué, dans lequel
8 il est dit : "Le défaut d'une telle notification par la défense ne limite
9 pas le droit de l'accusé de témoigner sur ses moyens de défense", ce qui
10 signifie en bref que l'accusé n'est pas obligé de témoigner mais qu'il a
11 le droit de le faire, et je pense qu'il serait assez approprié que
12 M. Santic témoigne sur la question. Comme je l'ai dit, nous allons émettre
13 une ordonnance sur toutes ces questions afin de clarifier les motifs de
14 notre décision.
15 Nous allons maintenant passer aux différentes déclarations
16 liminaires. Nous sommes d'accord avec les conseils de la défense, nous
17 acceptons la suggestion selon laquelle tous les conseils de la défense
18 devraient se prononcer aujourd'hui et demain. Je crois que c'est
19 Me Radovic qui va commencer, mais je souhaiterais tout d'abord donner la
20 parole à Me Slokovic Glumac.
21 Mme Glumac (interprétation). - Merci, mais je crois que la
22 partie la plus importante des objections de l'accusation n'a pas été
23 mentionnée. Nous avons certaines difficultés qui sont également partagées
24 par l'accusation : certains témoins refusent de venir témoigner au dernier
25 moment comme Zlavko Divkovic. En fait, nous n'avons pas obtenu de
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1 déclaration de sa part, mais nous avons simplement indiqué qu'il allait
2 témoigner sur une question très limitée, qui est liée à l'existence de
3 certains documents relatifs au SPS, à l'entreprise Vitezit qui se trouvait
4 à Vitez. Il montrera également la liste des employés de l'entreprise pour
5 montrer qu'il n'y avait aucune discrimination au sein de cette entreprise.
6 Par conséquent, dans ce cas en particulier, ces documents pourraient être
7 très utiles à la fois pour la défense et l'accusation.
8 D'autre part, M. Krozanovic allait également témoigner sur ce
9 point et il a décidé de ne pas venir ici pour témoigner.
10 Quant à M. Divkovic, il va être absent pendant une très longue
11 période et il ne pourra venir qu'à une date très précise. J'aimerais donc
12 vous inviter à essayer de statuer de façon à ce que ce témoin puisse venir
13 à la date qui lui convient. Ce témoignage sera très limité, il n'aura
14 trait qu'à la liste d'employés de l'entreprise dont j'ai déjà parlé.
15 M. le Président (interprétation). - D'accord, donc vous parlez
16 de Vlado Divkovic qui devait venir témoigner cette semaine. Par
17 conséquent, vous nous demandez s'il pouvait être autorisé à venir
18 témoigner plus tard. Je voudrais savoir si l'accusation a des objections
19 étant donné la nature limitée de son témoignage.
20 M. Terrier. – Je n'ai pas d'objection sur le report de ce
21 témoignage, Monsieur le Président, d'autant que le nom de Vlado Divkovic
22 nous a été communiqué pour la première fois vendredi dernier et que nous
23 n'avons de ce témoin qu'un très bref résumé en six lignes. Je pense que ce
24 témoin sera mentionné dans la liste que nous vous remettrons demain.
25 M. le Président. - Il sera mentionné ?
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1 M. Terrier. – Certainement Monsieur le Président. -
2 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, nous ne pouvons pas
3 fournir de déclaration plus longues parce que nous n'avons même pas parlé
4 à Vlado Divkovic, mais étant donné la position qu'il occupait à l'époque,
5 il pourrait confirmer les noms des personnes employées dans l'entreprise
6 et de leur poste dans l'entreprise. A vrai dire, il y avait trois
7 entreprises au départ qui ont ensuite été fusionné pour ne devenir qu'une.
8 Par conséquent, il ne va pas parler de quoi que ce soit d'autre, il ne
9 parlera que des employés qui se trouvaient dans l'entreprise à ce moment-
10 là et il confirmera l'authenticité de certains documents, c'est tout.
11 M. le Président. - Mais ces documents pourraient-ils être
12 communiqués à l'accusation aujourd'hui ou demain afin qu'elle puisse
13 éventuellement renoncer à son droit d'obtenir une déclaration plus
14 détaillée. Peut-être ceci pourrait-il remplacer la déclaration de ce
15 témoin, parce que également, vous avez déjà indiqué le sujet, le thème de
16 son témoignage. Alors, puisque vous savez de quoi il va parler maintenant
17 et que vous allez recevoir les documents liés à son témoignage, peut-être
18 pourriez-vous ne pas vous opposer à ce témoin.
19 M. Terrier. – Monsieur le Président, je ne m'oppose pas à ce
20 témoin, je souhaite être informé autant qu'il est possible, compte tenu du
21 principe de l'égalité des armes, sur le contenu de ce témoignage tel qu'il
22 nous est aujourd'hui présenté par Maître Glumac. Ce témoignage ne me
23 semble avoir aucun rapport avec notre affaire. Nous n'avons pas donné au
24 Tribunal d'informations particulières sur les effectifs et les noms des
25 personnes employées par SPS ou Vitezit. Je ne vois pas en quoi ce
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1 témoignage, tel qu'il nous est aujourd'hui présenté, est en quoi que ce
2 soit pertinent au regard de l'accusation et au regard des preuves
3 jusqu'ici apportées par l'accusation devant le Tribunal.
4 Si, effectivement, le témoin ne vient déposer que sur les
5 effectifs, les noms des personnes employées par ces sociétés où il avait
6 des responsabilités, je n'ai pas besoin d'informations complémentaires. Je
7 m'interroge simplement sur l'utilité que peut représenter ce témoin dans
8 le cadre de ce procès. En toute hypothèse, l'accusation ne s'oppose pas à
9 ce que ce témoin.
10 M. le Président. - Si j'ai bien compris Mme Slokovic Glumac, il
11 s'agirait d'avoir un témoin qui va déposer sur la question de la non
12 discrimination au sein de cette entreprise, donc c'est une question qui
13 est pertinente parce qu'elle a trait au problème de la persécution : au
14 sein de cette entreprise, il n'y avait pas de persécution parce qu'il n'y
15 avait pas de discrimination. Donc, je crois que c'est tout à fait
16 admissible et je vous serais très reconnaissant de bien vouloir renoncer à
17 insister sur la nécessité d'avoir une texte écrit. Il suffirait d'avoir la
18 liste des employés. Vous savez déjà sur quoi l'interrogatoire va porter et
19 je crois que l'on pourrait sans aucun doute entendre ce témoin Divkovic
20 cette semaine.
21 M. Terrier. - L'accusation se conforme au souhait du Tribunal.
22 Mme Glumac (interprétation). - Puis-je ajouter que je serai à
23 même de fournir à l'accusation les documents dès cet après-midi. Nous
24 avons d'ailleurs mentionné ces documents dans la liste de documents
25 proposés à l'attention de la Chambre.
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1 M. le Président (interprétation). - Très bien. Maintenant,
2 pouvons nous commencer les déclarations liminaires. Je suppose que ce
3 seront des déclarations liminaires relativement brèves, mais bien entendu,
4 vous pouvez aborder toutes les questions de points de droit qui vous
5 semblent nécessaires, importantes et pertinentes.
6 M. Radovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. En
7 ce qui concerne ma déclaration liminaire, je vais traiter un certain
8 nombre de faits. Pour ce qui concerne les questions juridiques je pense
9 qu'il faut peut-être laisser cela pour ma plaidoirie.
10 Par conséquent je vais parler de Zoran et Mirjan Kupreskic étant
11 donné que leur vie, en tant que frères,... étant donné qu'ils se
12 trouvaient dans les deux maisons mais en même famille, se trouvaient dans
13 la même situation. Au moment où nous avons reçu l'acte d'accusation
14 modifié de l'accusation auprès dudit Tribunal pénal pour les crimes de
15 guerre commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, nous nous sommes
16 trouvés devant un très grand nombre de problèmes et pour des raisons
17 différentes.
18 Tout d'abord parce que cet acte d’accusation modifié diffère
19 substantiellement par rapport aux actes d'accusation propres à notre
20 système juridique et ceux également qui sont de coutume en Europe et pays
21 germaniques. Je pense que la situation est à peu près la même en Italie,
22 je ne peux pas vous dire comment ça se passe en France.
23 Tout d'abord quand on parle de description de faits, le
24 Procureur ne donne pratiquement aucune description de faits par exemple.
25 Le Procureur prétend, dans la partie de l'acte d'accusation qui concerne
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1 les persécutions, que son accusation concerne la période qui couvre le
2 mois d'octobre 1992 jusqu'en avril 1993, mais il ne parle pas de faits qui
3 aient eu lieu depuis le 1er octobre jusqu'à la fin du mois d'avril 1993,
4 ce qui aurait été pertinent pour que les accusés soient accusés pour les
5 actes qu'ils auraient éventuellement commis.
6 Par ailleurs, on parle de persécution des Musulmans par les
7 accusés et les habitants d'Ahmici de Santici, des alentours ; le Procureur
8 ne se concentre pas uniquement sur Ahmici mais également sur les villages
9 des alentours, et ceci sur les bases religieuses et autres, et il ne cite
10 pas pour les accusés de quelle manière sur la région d'Ahmici, Santici,
11 etc, ils avaient persécuté les Musulmans. Il ne cite pas de quelle manière
12 ils avaient persécuté les Musulmans dans les environs d'Ahmici et Santici,
13 ce qui étant donné que dans les environs, on pourrait également compter
14 Vitez et d’autres villages que nous devons aussi traiter au cours de cette
15 procédure et dont le Procureur a parlé aussi dans le préambule de l'acte
16 d'accusation en parlant des circonstances générales.
17 Par ailleurs, le Procureur affirme que les accusés avaient
18 persécuté les Musulmans sur la base religieuse, politique et raciale et il
19 n'a pas dit de quelle manière ils ont procédé ; il n'a pas non plus dit
20 comment les gens qui n’avaient aucune fonction politique, aucun pouvoir
21 militaire, aucune fonction militaire ou politique, auraient pu planifier,
22 organiser et mettre en application les attaques, et ceci en vue de
23 procéder au nettoyage ethnique dans ces villages et dans les environs.
24 Pour pouvoir planifier, organiser et mettre en exécution un
25 certain nombre de choses, il est indispensable que la personne en question
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1 occupe un poste hiérarchique alors que les accusés se trouveraient en bas
2 de cette pyramide du pouvoir. Par conséquent, toute planification, que ce
3 soit politique ou militaire, était en dehors des possibilités dont ils
4 disposaient. Par la suite il n'était pas clair non plus ce qu'ils auraient
5 pu faire dans les environs et par rapport aux alentours également du
6 village en question, nous avons également pu entendre un certain nombre de
7 témoins qui ont été cités par l’accusation.
8 Par ailleurs, on a aussi parlé d'un assassinat intentionnel des
9 civils, destruction des maisons, de patrimoine, de la manière dont était
10 organisée de manière systématique la destruction et au moment où l'on a
11 dressé cet acte d'accusation, notre commentaire à faire est qu'à la place
12 des faits, il y a un certain nombre d'aspect juridiques qui ont été
13 traités. Par conséquent il y a la description d'un certain nombre de
14 règles du statut. En d'autres termes, on pourrait dire qu'il y a un
15 squelette et pas de chair. Par conséquent on ne sait pas très bien de quoi
16 il s'agit. C'est la raison pour laquelle nous considérons que l'acte
17 d'accusation qui a été établi de cette manière-là, la défense a préparé un
18 certain nombre d'éléments de preuve et ceci pour prouver que le Procureur
19 de parler des circonstances générales dans la vallée de la Lasva. Cela
20 nous est imposé parce que c'est de cette manière-là également que
21 l’accusation a procédé.
22 Nous allons également citer les témoins, nous allons soumettre
23 un certain nombre de documents et nous allons procéder de la même manière
24 que l'accusation. Nous allons aussi essayer de prouver la manière dont
25 l'armée s'est formée, l'armée de Bosnie-Herzégovine, d'abord la Défense
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1 Territoriale qui s'est transformée ensuite en armée, et tout ceci dans la
2 vallée de la Lasva.
3 Nous allons prouver également que dès le début de la mise en
4 place des forces armées, l'armée de Bosnie-Herzegovine et le HVO n'avaient
5 pas commencé à agir ensemble et n'agissaient pas ensemble à un niveau
6 hiérarchique très élevé, et que même quand ils avaient entrepris un
7 certain nombre d'actions à l'égard des Serbes, ce qui a été un objectif
8 militaire notamment au Vlasic, à Gornyi Vlakuf, à Komar, les ordres et les
9 commandements n'étaient pas les mêmes, les formations n'étaient pas les
10 mêmes et les unités avaient agi séparément, l'une à côté de l'autre, et
11 par moment, il y avait également des confusions : on ne savait pas ce
12 qu’une unité devait faire par rapport aux autres ; elles n'agissaient pas
13 conjointement.
14 Nous allons prouver qu'il y avait les deux armées qui se
15 trouvaient dans la vallée de la Lasva et qui avaient agi selon le principe
16 territorial. Nous avons déjà entendu parler d'un certain nombre de faits
17 sur la Défense Territoriale et la manière dont elle a été organisée. Par
18 ailleurs, nous considérons qu'il serait également important de soulever
19 d’autres questions, à savoir qu'au mois de septembre 1992, les autorités
20 civiles ont été détruites et ceci en fonction des élections libres. Les
21 Musulmans se sont séparés ils ont créé leur propre autorité : tout d'abord
22 le Comité de coordination pour la protection des Musulmans, par la suite
23 la Présidence de guerre avait toutes les prérogatives du pouvoir. Dans
24 cette région, il y avait les deux armées qui existaient, les deux polices
25 militaires, les deux polices civiles, les deux bureaux chargés de la
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1 défense et les deux structures des autorités civiles.
2 Dans un cadre général que je viens de décrire, la situation
3 s'est compliquée quelque peu avec l'afflux des réfugiés, et notamment
4 après la chute de Jaice. C'est de cette manière que les réfugiés croates
5 sont allés un peu plus loin alors que les réfugiés musulmans sont restés
6 sur place, ce qui a provoqué un déséquilibre, un certain nombre
7 d'incidents qui se sont produits et les Musulmans réfugiés qui sont restés
8 dans la région. Parmi eux il y en avait un grand nombre qui étaient en âge
9 de combat.
10 Ensuite, le Procureur affirme que le premier conflit sérieux
11 entre les Croates et les Musulmans a eu lieu en octobre 1992 en ce qui
12 concerne la date de ce premier conflit, mais cependant, ce premier conflit
13 n'a pas eu lieu dans la région de Vitez mais à Novi Travnik, alors que le
14 conflit a eu lieu à cause du contrôle qui devait être assuré sur la pompe
15 d’essence. C'est à cause de ce conflit que le commandement du Troisième
16 corps de l'armée de Bosnie-Herzégovine avait délivré un ordre pour dresser
17 le barrage sur la route Vitez-Busovaca, à Ahmici même, et à côté de
18 l'entreprise Bosna à Grbavica.
19 Par conséquent, il n'est pas croyable que pour ce premier
20 conflit qui a eu lieu dans cette localité limitée, l'initiateur du conflit
21 puisse être la partie Croate même s'il n'est pas contestable que les
22 barrage ont été érigés par les Musulmans. Enfin, le barrage à Ahmici a été
23 dressé par l'unité de la défense territoriale d'Ahmici et sur ce barrage,
24 outre les villageois d'Ahmici, il y avait également les représentants de
25 la Défense Territoriale de Grabovi qui étaient venus en renfort aux
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1 villageois d'Ahmici.
2 Une fois que le barrage a été dressé, il y avait un véhicule
3 motorisé de la police militaire du HVO qui a été arrêté, qui a été
4 confisqué. Les quatre policiers militaires qui se trouvaient dans le
5 véhicule avaient été désarmés, donc ils avaient été obligés de restituer
6 les armes.
7 Avant le conflit, du fait que la route a été libérée, que le
8 barrage a été démantelé, des négociations ont eu lieu et au moment où
9 elles n'ont pas donné des résultats satisfaisants, les représentants de la
10 police militaire du HVO, ensemble avec les unités de Busovaca du HVO, qui
11 se déplaçaient par cette route où se trouvait le barrage et en direction
12 de Jaice, avaient démantelé le barrage après quelques heures de combat.
13 Par conséquent, les Croates d'Ahmici n'ont pas participé à ce
14 conflit, par conséquent nos accusés non plus. Mirjan et Zoran Kupreskic
15 n'ont pas participé à cet événement.
16 Il faut également se rappeler du fait que leur maison ne se
17 trouvait pas le long de la route, même pas à proximité de la route, alors
18 que cette partie s'appelait Donje Ahmici, leur maison se trouvant au
19 milieu, au centre du village d'Ahmici, dans la partie appelée Grabovi. A
20 propos de ce conflit, le HVO de Vitez a bloqué l'état-major de la Défense
21 Territoriale ; quand je parle de la Défense Territoriale, je pense à la
22 partie musulmane qui se trouvait au centre de l'enseignement secondaire à
23 Vitez alors que l'armée de Bosnie-Herzégovine avait encerclé l'état-major
24 du HVO à Kruscica, la majorité de la population était musulmane.
25 Et au moment où ce conflit s'est terminé, le 22 octobre 1992, le
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1 commandement du HVO pour la Bosnie centrale a été transféré à Vitez, alors
2 que l'état-major de la Défense Territoriale a été transférée à
3 Stari Vitez.
4 Après ce conflit, en janvier 1993, il y a eu ce conflit de
5 Busovaca qui se trouve à une dizaine de kilomètres par rapport à Vitez.
6 L'armée de Bosnie-Herzégovine avait dressé un point de contrôle à Kacuni,
7 et a coupé la communication entre Vitez et la vallée de Lepenicka et
8 Kiseljak, cette communication étant d'une importance stratégique pour le
9 HVO.
10 Sur cette ligne de coupure de communication s'est produite une
11 attaque de l'armée de Bosnie-Herzégovine sur les villages des environs qui
12 ont été détruits et nettoyés du point de vue ethnique, et c'est dans le
13 village de Dusina que s'est produit le premier massacre de civils en
14 Bosnie centrale, au cours de cette guerre entre les Musulmans et les
15 Croates.
16 Au cours de ce procès, nous allons démontrer, à l'aide des
17 cassettes vidéo et des déclarations des témoins, jusqu'à quel point il y a
18 eu des destructions qui se sont produites en avril 1993. D'autres
19 incidents se sont produits et l'armée de Bosnie-Herzégovine avait attaqué,
20 avait emprisonné les membres du commandement du HVO à Novi Travnik et à
21 Vitez. Le 8 avril 1993, à Novi Travnik, un autre conflit s'est produit à
22 cause des drapeaux croates qui ont été hissés juste à la veille de Pâques.
23 En 1993, un certain nombre de soldats croates ont été arrêtés, battus, et
24 passés à tabac. Le 13 avril, à Novi Travnik et à Travnik, on a enlevé les
25 quatre officiers du HVO. Le 14 avril 1993, on a essayé d'assassiner
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1 Darko Krajelic, le commandant de la formation dénommée Vitezovi et le
2 15 avril 9393, à Zenica, on a assassiné les accompagnateurs de Totic,
3 alors que lui-même a été arrêté, les gardes ont été tués alors que lui a
4 été arrêté. On a bloqué toutes les routes et il était impossible d'entrer
5 et de sortir de Zenica.
6 Le même jour, le 15 avril 1993, il y a eu également un conflit
7 armé à Kuber, un point stratégique entre Vitez, Busovaca et Zenica. C'est
8 une position à partir de laquelle on pouvait très bien suivre ce qui se
9 passait à Vitez, à Busovaca et à Zenica au moyen de télescopes et c'est la
10 raison pour laquelle, lors de ce conflit, deux membres du HVO ont été
11 blessés.
12 Eh bien, tous ces événements ont poussé le général
13 Tihomir Blaskic à délivrer les trois ordres. Nous allons vous les
14 soumettre. Et par ces ordres, il a mis le HVO au niveau de combat le plus
15 élevé.
16 Le 16 avril 1993, vers 5 heures 30, les conflits se sont
17 produits dans une série de localités. Je vais les énumérer. D'abord, à
18 l'entrée de Stari Vitez. A Stari Vitez il y avait 250 membres de l'armée
19 de Bosnie-Herzégovine, par conséquent la force d'un bataillon, qui, à
20 cette époque-là et même ultérieurement, ont réussi à défendre Stari Vitez
21 qui, jusqu'à la fin de la guerre est restée dans les mains des Musulmans.
22 Il y a également le conflit qui s'est produit à Kruscica, village dans les
23 environs de Vitez, qui est resté dans les mains des Musulmans alors que
24 les Croates ont été chassés, expulsés de ces villages et que leurs maisons
25 ont été incendiées.
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1 Ensuite, le village Donja Rovna dont la population était mixte.
2 Il y avait plusieurs jours de combats, les Croates ont réussi à s'emparer
3 de ce village. Il y a eu des victimes des deux côtés.
4 Ensuite, le village Gacice, une fois encore la population était
5 mixte : le 16 avril 1993 il n'y avait pas de conflit dans ce village, il y
6 avait des négociations qui ont duré pendant quatre jours. Après l'échec
7 des négociations, les combats se sont déclenchés et les Croates ont été
8 les vainqueurs.
9 Ensuite, le village Poculica, où la majorité de la population
10 était croate : après le 16 avril 93 le village est passé aux mains des
11 Musulmans, un certain nombre de Croates ont été emprisonnés, d'autres ont
12 été chassés et les maisons ont été incendiées.
13 Dans les villages de Preocica, Sivljino Selo et Nadioci, ainsi
14 que Stara Bila, le 16 avril 1993, il n'y avait pas d'opérations
15 militaires, et nous ne savons pas pourquoi le Procureur les a intégrés
16 dans l'acte d'accusation comme des villages où il y avait des conflits
17 armés le 16 avril 1993.
18 En ce qui concerne la question de savoir si Ahmici, Santici et
19 Pirici étaient des cibles militaires, et si ces trois villages ont été
20 défendus, ou, pour parler plus précisément, s'il y avait des formations
21 militaires de l'armée de Bosnie-Herzégovine dans ces villages, nous allons
22 prouver que le fait que la route qui traverse Ahmici et le contrôle de
23 cette route étaient d'une importance stratégique pour le HVO. Nous
24 considérons que cette importance stratégique a été partiellement prouvée
25 par nous lors de l'audition des témoins de l'accusation, notamment celle
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1 du colonel Watters, dont l'unité a été stationnée comme la Forpronu à
2 proximité de Vitez ; même si, au début, il disait qu'il ne s'agissait pas
3 d'un objectif stratégique, il a quand même reconnu à la fin qu'il
4 s'agissait d'une cible stratégique.
5 Nous allons prouver qu'à Ahmici, Santici et Pirici il y avait
6 des représentants de l'armée de Bosnie-Herzégovine qui étaient présents,
7 et qu'ils était même renforcés par 180 personnes. En prouvant ce fait,
8 nous allons aussi essayer de prouver que cette unité disposait d'un poste-
9 émetteur, ceci pour rester en contact avec le commandement supérieur, avec
10 son propre commandement, et avec l'entrepôt de munitions et d'armes dans
11 le village même, alors que cette compagnie faisait partie intégrante du
12 bataillon dont le commandement se trouvait à Prcocica, alors que le
13 bataillon, avec cette compagnie, faisait partie intégrante de la
14 325ème Brigade de montagne de Bosnie-Herzégovine.
15 En vue de prouver, pour dire cela de manière simplifiée, une
16 attitude discriminatoire à l'égard des Musulmans, nous allons prouver que
17 les autorités civiles et militaires du HVO essayaient d'empêcher les
18 comportements criminels dans la région qui était sous leur contrôle. Après
19 les éléments de preuve que nous allons exposer et qui concernent le cadre
20 général des événements dans les événements de Vitez, nous allons également
21 prouver que les accusés n'ont entrepris aucune opération négative vis-à-
22 vis des Musulmans, et nous allons prouver quel était leur comportement
23 vis-à-vis des Musulmans.
24 Bien évidemment, chaque personne a sa personnalité, et plusieurs
25 éléments de la personnalité vont être prouvés par nous-mêmes : quel était
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1 leur comportement sur leur poste de travail, dans cette entreprise de
2 dynamite où Zoran et Mirjan Kupreskic ont travaillé, et où il n'y avait
3 aucune discrimination dans les relations entre Musulmans et Croates. Les
4 deux accusés, jusqu'au 15 avril, ont travaillé dans cette usine et les
5 Musulmans n'avaient pas perdu leur travail, ils n'ont pas été envoyés en
6 congés, ce qui a été fait en ex-Yougoslavie, ce qui était une chose
7 inventée, tout simplement de les envoyer soi-disant en congés pour
8 attendre de travailler. Ce n'était pas le cas dans cette entreprise.
9 Mirjan Kupreskic, en revanche, était en congés à un moment donné, mais ce
10 n'était pas uniquement Mirjan Kupreskic, il y avait aussi plusieurs
11 Croates en congés en attendant, qui étaient en chômage technique, il y
12 avait également des Musulmans. C'est tout simplement pour prouver qu'avant
13 les conflits il n'y avait pas de discrimination à ce niveau-là.
14 Par la suite nous allons prouver également quelles étaient les
15 relations au niveau privé entre les frères Kupreskic et les Musulmans.
16 Nous allons entendre également qu'ils avaient des amis parmi les
17 Musulmans, qu'ils se visitaient les uns les autres, que les Musulmans
18 venaient leur rendre visite pour Pâques, en revanche qu'ils allaient
19 rendre visite à Bayram également dans les maisons musulmanes.
20 J’espère que j’ai bien prononcé le ramadan.
21 Tout ceci pour dire qu'il n'y avait aucun acte discriminatoire
22 de leur part vis-à-vis des gens qui étaient des Musulmans mais qu'en
23 revanche, ils avaient des Musulmans qui étaient leurs amis très proches et
24 qui étaient même beaucoup plus proches que d'autres qui appartenaient à
25 leur groupe ethnique.
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1 Ensuite, nous allons exposer les éléments de preuve en faveur
2 des deux accusés, pour dire ce qu'ils avaient fait également dans leur
3 temps de loisir. Ils avaient organisé une société culturelle de chant, de
4 folklore. Zoran a été le responsable à la tête de cette association. Et au
5 sein de cette association il y avait des Serbes, des Musulmans, des
6 Croates ; on dansait, on chantait les chants serbes, les chants musulmans
7 et les chants croates. Et au moment où ils organisaient les
8 manifestations, ils mettaient même des costumes y compris les chapeaux que
9 mettent les Musulmans, le fez, ce que nous allons vous présenter sur une
10 cassette vidéo pour vous le démontrer à titre d'illustration.
11 Tout ceci pour vous montrer comment ils se comportaient vis-à-
12 vis des voisins et des Musulmans. Bien entendu nous n'avons pas grand-
13 chose à prouver sur ce plan-là, mais de toute façon il y avait de bonnes
14 relations. Ceci ressort également des déclarations des témoins. Je pense
15 qu'il ne s'agissait pas du témoin qui a été protégé, là où il y avait des
16 victimes, je pense que je peux dire le nom de ce témoin, ce qui s'était
17 passé dans la maison de Sakib Ahmic.
18 Sakib Ahmic avait dit au Tribunal qu’il n'avait jamais quoi que
19 ce soit à dire à leur égard qu'il n'avait jamais entendu dire qu'il avait
20 fait quoi que ce soit à quelqu'un qui était Musulman ou proféré quoi que
21 ce soit dû fait qu'ils étaient Musulmans.
22 Tout ceci rentre dans cette déclaration liminaire et dans la
23 déclaration des éléments de preuve.
24 Pour ce qui est de la deuxième partie de l'acte d'accusation des
25 deux frères Kupreskic, elle concerne les événements qui se sont produits
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1 dans la maison de la famille Ahmic. Il nous est difficile de présenter des
2 moyens de preuve concernant ce qui s'est produit dans cette maison,
3 puisque nous ne nous sommes pas rendus dans cette maison, nous n'avons
4 appris qu'ultérieurement quelle tragédie s'est produite sur les lieux.
5 Cependant les éléments de preuve que nous pouvons présenter,
6 c’est ce que nous avons fait la veille à la date du 15 avril, et ce que
7 nous avons fait pendant les premières heures de la matinée du 16 avril,
8 parce que je pense que concernant les heures qui ont suivi, elles n'ont
9 pas de pertinence dans notre cas.
10 Donc les frères Kupreskic à la date du 15 avril ne savaient pas
11 qu'un conflit allait éclater tôt dans la matinée du 16 avril et ceci
12 découle du fait que Zoran Kupreskic à la date du 15 avril travaillait dans
13 l'usine. Nous allons démontrer qu'il s’est bel et bien rendu à son poste
14 de travail.
15 Pour ce qui est de Mirjan Kupreskic, qui à l'époque était en
16 chômage technique dans cette usine et qui travaillait dans un magasin qui
17 se trouvait à Vitez même, nous allons présenter des moyens de preuve
18 démontrant qu'il travaillait le jour en question et qu'il faisait même
19 partie d'un petit groupe qui a bu un verre de trop et que personne des
20 membres de ce groupe n'avait aucune idée de ce qui se préparait pour le
21 lendemain, parce que s’ils avaient eu de telles informations, ils en
22 auraient parlées.
23 Alors le fait est qu'aucun d'eux n'a évoqué la possibilité d'un
24 confit éventuel à éclater à Ahmici. Nous allons présenter des moyens de
25 preuve pour démontrer que dans la soirée de la journée du 15 avril, les
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1 frères Kupreskic se trouvaient chez un membre de leur famille, un proche,
2 dont l’épouse la veille était arrivée d'Allemagne en avion via Split ; et
3 elle vous présentera même son billet d'avion.
4 Même à Srevni Ahmici, si on avait su qu'un conflit allait
5 éclater, ce membre de leur famille n'aurait pas fait venir sa femme pour
6 qu'elle se retrouve au cœur du conflit.
7 Par la suite, nous allons chercher à démontrer qui, et à quel
8 moment, a donné l'information que les civils devaient être évacués et nous
9 pouvons dire dès à présent que notre témoin sera Dragan Vidovic, qui
10 déposera sur ce sujet.
11 En plus de l'information qu'il était nécessaire d'évacuer les
12 civils, il les a informés du fait qu'on s'attendait à une attaque menée
13 par l'armée de Bosnie-Herzégovine.
14 Quant à l'évacuation des civils, Madame et Messieurs les Juges,
15 vous avez eu l'occasion d'entendre diverses dépositions des témoins de
16 l'accusation, disant entre autre que l'évacuation des civils s'est
17 produite même antérieurement au fait.
18 Quand nous présenterons nos éléments de preuve concernant les
19 frères Kupreskic, vous devrez tenir compte du fait qu'ils se trouvaient à
20 Srebni Ahmici. Ils ne savent pas ce qui se passe à Donje Ahmici, ils ne
21 savent pas si cette information concernant la nécessité d’évacuer la
22 population civile a atteint les maisons croates qui longent la route. Ils
23 ne sont pas le long de la route, ils sont plus hauts sur la colline et
24 donc l'information leur est parvenue au moment où nous affirmons qu'elle
25 est affirmée. Je ne sais pas quel a été le cas ailleurs et il ne nous
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1 appartient pas à nous de démontrer cela.
2 Chacun des conseils de l'accusation cherchera à démontrer ce qui
3 concerne plus particulièrement son client.
4 En outre, nous présenterons des moyens de preuve pour démontrer
5 quel a été l'itinéraire de Zoran et Mirjan Kupreskic au moment où ils ont
6 procédé à l'évacuation de leur famille, et ils ont également évacué une
7 famille de réfugiés. Cette famille, initialement, ne souhaitait pas partir
8 avec eux parce qu'elle considérait que ce renseignement, cette information
9 était fausse.
10 Nous allons présenter par la suite les abris où ces familles ont
11 été placées et la durée de séjour des frères Kupreskic dans ces abris,
12 qu'ils ont protégés, et où ils n'ont pris part à aucune opération armée.
13 Tel sera donc le contenu des moyens de preuve que nous
14 chercherons à présenter.
15 Permettez-moi d'ajouter en plus que ce Tribunal international,
16 d'après ce que j'ai pu voir dans le dossier Tadic, accepte le précédent,
17 ce qui correspond à la Common-Law. Cependant, ce Tribunal n'a pas été
18 fondé exclusivement selon la Common-Law, mais il suit le système juridique
19 français, autrement dit le Procureur et la Chambre sont placés sous la
20 même égide, font partie de la même instance.
21 Par conséquent, le Tribunal devrait agir de manière conséquente
22 quel que soit le dossier, ce qui n'est pas le cas, et ce qui nous place
23 dans une situation absurde.
24 De quoi est-ce que je veux parler ?
25 L'acte d'accusation qui a été dressé devant cette même Chambre,
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1 concernant le même dossier, ne concernait pratiquement exclusivement que
2 la date du 16 avril, pratiquement rien ne dépassait cette date du
3 16 avril. Suite à l'arrivée des accusés ici, ils s'y sont rendus
4 volontairement, l'un des co-accusés Katava a rencontré l'accusation et il
5 a démontré son alibi à la date du 16 avril et ceci par le biais d'un
6 docteur Muhezinovic, un témoin de l'accusation qui déjà dans le dossier
7 Blaskic avait confirmé son alibi, l'alibi de l'autre accusé.
8 Mais puisque cette confirmation a été donnée par un Musulman,
9 personne ne l'a remise en question.
10 Suite à la confirmation de cet alibi de Katava pour la date du
11 16 avril, l'acte d'accusation a été annulé en considérant que l'ensemble
12 des co-accusés n'était accusé que pour la date du 16 avril.
13 Or, par la suite une modification de l'acte d'accusation est
14 intervenue.
15 Sur la base de quoi ? Sur la base des mêmes éléments de preuve
16 dont disposait l'accusation dores et déjà, puisqu'aucun nouvel élément n'a
17 été rassemblé par l'accusation. Et dans cet acte d'accusation modifié, on
18 trouve une période allongée qui va du 1er octobre 1992 jusqu'au 30 avril.
19 Alors, la question que l'on se pose est de savoir où est le
20 respect de la conséquence dans cette manière d'agir et le respect de
21 l'égalité devant ce Tribunal.
22 Telle serait la remarque que nous aurions à émettre à l'adresse
23 de la Chambre.
24 La Chambre considérera peut-être que nous avons trop parlé des
25 faits ou que nous avons l'intention de parler trop des faits qui dépassent
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1 la zone d'Ahmici, voir même Vitez. Mais le fait est que la plupart des
2 localités dont nous parlerons figure dans le texte de l'acte d'accusation.
3 Par conséquent, tous les éléments de preuve que nous cherchons à
4 présenter rentrent bien dans le cadre des faits qui sont évoqués ou qui
5 sont reprochés par l'accusation.
6 Nous estimons par ailleurs que pour évaluer l'état de prise de
7 conscience, l'état d'esprit des accusés, il est absolument nécessaire de
8 montrer quel était le contexte plus large, donc la situation à l'extérieur
9 d'Ahmici, donc de démontrer qu'il n'y avait pas de conflits entre l'armée
10 de Bosnie-Herzégovine et le HVO à l'extérieur d'Ahmici, et à Ahmici. Cela
11 est vrai jusqu'à pratiquement le 16 avril.
12 Si tel avait été le cas, nous n'aurions pas cherché à prouver
13 que nos clients devaient faire confiance à l'information concernant la
14 nécessité de procéder à l'évacuation des civils.
15 Les attaques des Musulmans, si nous pouvons voir et démontrer
16 qu'elles ont été fréquentes à l'extérieur -parce que les distances sont
17 très petites, les distances sont de l'ordre de 10 kilomètres-, alors dans
18 ce cas-là si nous admettons ce fait-là, nous pourrons accepter la défense
19 des co-accusés que cette information était fiable à leurs yeux et que
20 cette information rentrait bien dans leurs perceptions de la situation
21 générale, dans les relations entre les Croates et les Musulmans dans la
22 vallée de Lasva, autrement dit, à proximité immédiate d'Ahmici et de
23 Vitez.
24 Madame et Messieurs les Juges, j'en ai terminé avec ma
25 présentation.
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1 M. le Président (interprétation). - Merci. Nous devrions faire
2 une pause de 20 minutes et compte tenu du fait que M. Radovic a parlé de
3 Zoran et Mirjan Kupreskic, nous entendrons par la suite le conseil de
4 Vlatko Kupreskic. Merci.
5 (La séance, suspendue à 11 heures 38, est reprise à
6 11 heures 55.)
7 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina ?
8 M. Krajina (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
9 mon client Vlatko Kupreskic est accusé par le chef numéro 1 et par les
10 chefs 12 et 13 de l'acte d'accusation. Sous le chef numéro 1, il est dit
11 que mon client, avec les autres co-accusés, a participé à la persécution
12 des Musulmans de Bosnie d'Ahmici, et qu'il a ainsi commis un crime contre
13 l'humanité. Dans les chefs 12 à 15, il est accusé d'avoir participé à
14 l'assassinat de Mme Pezer, et il est accusé d'avoir commis des actes qui
15 représentent des violations des lois et des coutumes de la guerre. La
16 position de la défense est que notre client n'a participé à aucun des
17 actes qui figurent dans l'acte d'accusation. Quelle sera la manière de la
18 défense de démontrer son point de vue ?
19 Concernant le chef numéro un, la défense ne cherchera pas à
20 savoir si, au village d'Ahmici, il y a eu ou non des persécutions de
21 Musulmans.La seule chose que la défense cherchera à démontrer, c'est que
22 l'accusé Vlatko Kupreskic n'a aucunement pris part aux événements qui se
23 sont produits le 16 avril 1993 à Ahmici, ni aux événements qui ont précédé
24 ces crimes, et qu'il n'y a pas eu une relation de cause à effet quelconque
25 à ces événements du 16 avril.
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1 Nous allons par la suite démontrer que Vlatko Kupreskic vivait
2 au village d'Ahmici de la même manière que ses voisins musulmans, qu'il
3 n'a jamais interrompu ses relations de bon voisinage avec ces Musulmans,
4 qu'il n'a jamais exprimé une intolérance sur des bases ethniques, et qu'il
5 n'a jamais porté atteinte à la vie de ses voisins, que ce soit par ces
6 paroles ou matériellement. Nous allons par la suite démontrer que, vu la
7 faiblesse de son coeur, il n'a pas été jugé apte au combat et qu'il n'a
8 jamais effectué son service militaire ni participé aux opérations
9 militaires ; il n'a jamais porté d'armes.
10 Nous allons démontrer qu'il n'a jamais été membre d'organisation
11 politique, d'association politique et que jamais, que ce soit de manière
12 formelle ou informelle, il n'a été actif sur le plan politique.
13 Nous allons présenter des moyens de preuve pour montrer que,
14 dans l'ensemble de la période concernée par l'acte d'accusation, il a
15 continué à exercer son activité commerçante au sein de son entreprise
16 privée, que ce soit avant, pendant ou après la guerre.
17 Nous allons par la suite présenter des moyens de preuve
18 démontrant que l'accusé Vlatko Kupreskic n'a jamais eu aucun pouvoir, ni
19 possibilité de participer aux préparatifs, au conflit qui a éclaté le
20 16 avril 93 ; par aucun de ses attributs, il n'a pu être amené à
21 participer à ce genre de préparatifs.
22 Concernant les éléments de preuve qui, sur ce chef d'accusation,
23 ont été présentés par le Procureur concernant Vlatko Kupreskic, et qui
24 consistent à affirmer que Vlatko Kupreskic a été vu le 15 avril 1993
25 devant l'hôtel de Vitez puis, en outre, que le même jour il a été vu avec
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1 un groupe de militaires devant son magasin, et sur la base de quoi le
2 Procureur cherche à démontrer que l'accusé Vlatko Kupreskic était au
3 courant du conflit qui allait éclater le 16 avril 1993, la défense
4 présentera des moyens de preuve démontrant que l'accusé Vlatko Kupreskic,
5 à la date du 14 et du 15 avril 1993, était en déplacement à l'étranger,
6 qu'il n'est revenu à Ahmici que le 15 avril 1993 au soir. On verra, à
7 partir de ces éléments de preuve, qu'à la veille du conflit
8 Vlatko Kupreskic n'était absolument pas présent à Ahmici, et qu'il ne
9 pouvait donc ni être au courant ni prendre part à des préparatifs au
10 conflit. Les témoins qui l'ont prétendument vu à ce moment-là sur les
11 lieux n'étaient pas en mesure objectivement de le voir.
12 Sur ce plan, nous allons citer plusieurs témoins qui déposeront
13 au sujet du comportement de Vlatko Kupreskic pendant la période
14 pertinente. Nous présenterons aussi des témoins qui prouveront sa présence
15 à l'étranger au moment du conflit, et nous allons également produire un
16 certain nombre de documents qui ont déjà été communiqués à la Chambre et
17 au Procureur. Ces documents montreront que l'accusé Vlatko Kupreskic, tout
18 simplement, n'avait pas de traits de caractère, de personnalité, qui
19 auraient pu en faire un participant aux préparatifs ou à l'exécution
20 effective des persécutions des Musulmans, ce qui lui est reproché dans cet
21 acte d'accusation. Concernant les questions juridiques sur les
22 persécutions, la défense appellera à la barre un expert, qui est le
23 Président de la cour suprême de la fédération de Bosnie-Herzégovine, et
24 qui présentera les points de vue juridiques de la Cour suprême de Bosnie-
25 Herzégovine concernant les crimes de guerre, et plus précisément la
Page 4776
1 persécution. Conformément à la position de la Cour suprême de Bosnie-
2 Herzégovine, la défense cherche à démontrer que faute d'actes véritables
3 commis par l'accusé, faute d'existence d'intention, personne ne peut être
4 condamné.
5 Concernant les chefs d'accusation 12 à 15 de l'acte
6 d'accusation, la défense cherchera à orienter la Chambre vers deux
7 directions :
8 Sur un premier plan, nous allons démontrer qu'à la date du
9 16 avril 1993 l'accusé Vlatko Kupreskic n'était pas présent sur les lieux
10 des événements, que, au moment où ces faits se sont produits,
11 Vlatko Kupreskic se trouvait ailleurs dans un abri prévu pour des vieux et
12 les inaptes au combat, autrement dit, qu'il se trouvait dans un abri prévu
13 pour les personnes inaptes au combat et les vieillards, qui se trouve à
14 plusieurs kilomètres des lieux mentionnés dans l'acte d'accusation.
15 Les témoins qui seront appelés à la barre concernant cette
16 partie de l'acte d'accusation sont les personnes qui se trouvaient elles-
17 mêmes dans cet abri et au moment de la présentation des éléments de preuve
18 du Procureur, ces personnes ont été caractérisées comme des personnes qui
19 étaient vues en train de s'acheminer vers l'abri.
20 Concernant le deuxième aspect de la défense, concernant les
21 chefs d'accusation 12 à 15, nous allons chercher à démontrer que
22 l'événement n'a pas pu se produire de la manière dont l'affirme l'acte
23 d'accusation et de la manière dont l'ont présenté les témoins de
24 l'accusation.
25 En outre, la manière et le lieu de la mort de Dzenan et de
Page 4777
1 Fatah Pezer, de la blessure de Dzenan ne correspond pas à ce qui est
2 mentionné dans l'acte d'accusation.
3 Nous allons à cette fin présenter les témoignages des témoins
4 musulmans qui faisaient partie du groupe de personnes qui se déplaçaient
5 avec les victimes. Nous allons présenter une bande vidéo et nous allons
6 montrer où a été trouvé le corps de Fatah Pezer, ce qui sera confronté à
7 la déposition du témoin F, qui sur le plan 101 de l'accusation a montré où
8 se trouvait le corps de Fatah Pezer conformément donc aux dépositions de
9 ces témoins et à cette carte.
10 La défense démontrera que l'assassinat s'est produit en un lieu
11 qui n'est pas visible de la maison de Vlatko Kupreskic, donc, que les
12 personnes n'ont pu être touchées ni à l'endroit, ni de la manière dont
13 l'acte d'accusation l'affirme, que de l'endroit où ils se trouvaient les
14 témoins de l'accusation ne pouvaient pas voir la maison de l'accusé
15 Vlatko Kupreskic et ne pouvaient voir non plus les personnes qui
16 éventuellement se trouvaient à ce moment devant la maison d'où il a été
17 tiré.
18 La défense se fondera également sur le témoignage d'un expert en
19 balistique ainsi que sur le témoignage d'un médecin et grâce à la
20 conclusion, nous verrons que l'endroit où a été retrouvé le corps de cette
21 femme, n'était pas celui qui a été spécifié par les témoins de
22 l'accusation et que les victimes n'ont pas été touchées par une arme de
23 petit calibre utilisée à partir de la maison de Vlatko Kupreskic.
24 En ce qui concerne le témoin de l'accusation qui est le seul à
25 avoir identifié Vlatko Kupreskic et qui l'a placé à l'endroit spécifié
Page 4778
1 dans les chefs d'accusation 12 à 15, la défense fera comparaître un témoin
2 expert montrant qu'une telle identification dans le contexte de l'époque
3 était tout à fait impossible.
4 D'autre part, la défense ne présentera aucun des moyens de
5 preuve selon lesquels des membres de l'armée se trouvaient dans la maison
6 de Vlatko Kupreskic et que les tirs sont effectivement venus de la maison
7 de Vlatko Kupreskic. En revanche, la défense montrera que l'armée est
8 entrée de force dans cette maison, qu'elle l'a ravagée en partie, car
9 c'était une maison qui se trouvait à une position stratégique. La défense
10 montrera également que Vlatko Kupreskic ne se trouvait pas dans la maison,
11 qu'il y avait simplement Franjo Kupreskic, le père de Vlatko, qui était
12 propriétaire de la maison d'ailleurs.
13 Au cours de la présentation de ces éléments de preuve, la
14 défense montrera également que Vlatko Kupreskic n'était en rien
15 responsable des actes qui lui sont reprochés et que, dans les faits, il
16 était tout à fait impossible qu'il ait commis les crimes mentionnés dans
17 l'acte d'accusation et que les éléments de preuve de l'accusation montrant
18 son implication dans les événements du 16 avril 1993 ne sont pas valables.
19 Les témoins de la défense qui aborderont les faits relatifs aux
20 événements mentionnés dans l'acte d'accusation seront des témoins de
21 personnalité qui viendront parler de Vlatko Kupreskic en tant qu'individu.
22 Alors, nous parlerons simplement des points pertinents sans faire perdre à
23 cette Chambre son temps et tous nos éléments de preuve seront présentés en
24 une semaine, à savoir cinq jours ouvrables. Merci.
25 M. le Président (interprétation). – Merci. Maître Susak.
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1 M. Susak (interprétation). – Monsieur le Président, je serai
2 bref, mais en guise d'introduction, je vous renverrai à la déclaration
3 liminaire de mon collègue Ranko Radovic, eu égard aux chefs d'accusation.
4 La défense de Drago Josipovic a déposé un mémoire préalable au
5 procès qui vous donne une vue d'ensemble des arguments de sa défense. Je
6 vais quant à moi parler dans un premier temps des grandes lignes de l'acte
7 d'accusation. Nous allons présenter des témoins qui montreront que mon
8 client n'a pas participé aux préparatifs aux conflits, qu'il n'a pas
9 acquis d'armes et qu'il n'a pas non plus participé à l'évacuation de
10 Croates civils à la veille de l'attaque.
11 Les témoins montreront également qu'il n'est pas exact que
12 Drago Josipovic a tiré sur des civils. Ils ajouteront que Drago Josipovic
13 n'a persécuté aucun Musulman de Bosnie pour des raisons ethniques,
14 politiques ou religieuses. Il n'a pas organisé ou planifié l'attaque
15 visant à expulser les Musulmans du village d'Ahmici. Drago Josipovic se
16 trouvait tout en bas de l'échelle hiérarchique. Il était garde dans le
17 village, mais il y avait des commandants dans le village et ces
18 commandants étaient placés sous l'égide du secrétariat chargé de la
19 défense, lui-même dépendant de la cellule de crise, c'est-à-dire du
20 gouvernement du HVO. Puisque les chefs d'accusation ont été abandonnés
21 contre Ivica Santic, qui était le Président de la cellule de crise et qui
22 avait autorité sur les commandants du village et des contacts avec eux,
23 ceci montre donc que Drago Josipovic n'a pas participé d'une quelconque
24 façon à l'attaque et à la planification de l'attaque lancée contre les
25 villages environnants puisque ces villages étaient également sous le
Page 4780
1 contrôle de la cellule de crise présidée par Ivica Santic ? si toutefois
2 un tel contrôle existait.
3 Nous montrerons également que les Musulmans ont provoqué, ont
4 été à l'origine du premier conflit qui a eu lieu le 20 octobre 1992 en
5 coupant les liens de communication entre Travnik et Busovaca.
6 La défense montrera que le HVO n'a pas attaqué de façon
7 systématique les villages peuplés majoritairement de Musulmans dans la
8 vallée de la Lasva, et qu'à la suite de ces attaques un certain nombre de
9 Musulmans ont été tués ou blessés, des civils.
10 La défense montrera qu'il y avait un conflit armé le
11 16 avril 1993 entre l'armée de Bosnie-Herzégovine et le HVO et nos témoins
12 diront que l'armée de Bosnie-Herzégovine et la défense de l'armée de
13 Bosnie-Herzégovine était tout à fait organisée à Ahmici, que cette défense
14 était armée et qu'un programme de défense avait été élaboré.
15 Nous montrerons également que les Musulmans tués n'ont pas été
16 que des civils. Parmi les personnes tuées se trouvaient également des
17 membres de l'armée de Bosnie-Herzégovine.
18 La défense montrera également que Drago Josipovic n'a pas été
19 entraîné afin de participer à une quelconque opération militaire.
20 Nous montrerons qu'il n'a pas pris part aux attaques menées
21 contre des civils et contre certains bâtiments, certaines structures,
22 comme ceci est avancé dans l'acte d'accusation.
23 Nous montrerons également que Drago Josipovic n'était membre
24 d'aucun parti, qu'il avait un emploi et qu'il se trouvait à son travail le
25 jour de l'attaque et la veille de l'attaque, le 15 avril 1993.
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1 La défense entendra des témoins qui diront que Drago Josipovic
2 n'aurait pas pu commettre de crime dans trois endroits différents ou dans
3 deux endroits différents et qu'il n'aurait pas pu se trouver à trois
4 endroits différents en même temps. La chronologie des événements présentés
5 dans l'acte d'accusation et les distances entre les différents endroits
6 montrent que Drago Josipovic n'aurait pas pu commettre de crime dans la
7 maison de Ramo Ahmic à l'endroit où quatre personnes ont été tuées et
8 qu'il n'aurait pas pu non plus se trouver chez Musafer Pezer, en fait il
9 se trouvait au troisième endroit mentionné, à savoir dans la maison de
10 Anto Papic.
11 La défense montrera également par le biais d'un témoin, plus
12 précisément un témoin proposé par l'accusation a confirmé que
13 Drago Josipovic s'y trouvait juste, après que son fils ait été tué.
14 La défense de Drago Josipovic montrera également qu'il n'a pas
15 enfermé de prisonniers musulmans dans les locaux de l'entreprise Ogrijev.
16 Nous présenterons également des photographies qui montreront que
17 les Musulmans de Bosnie auraient pu quitter cette maison, puisqu'une
18 fenêtre était ouverte de l'intérieur ou pouvait s'ouvrir de l'intérieur.
19 Par conséquent, ce prisonnier musulman aurait pu sortir de chez lui et
20 s'enfuir de cette maison.
21 D'autres témoins montreront que la barrière avait une porte qui
22 était ouverte également.
23 En ce qui concerne le chef d'accusation plus spécifique de
24 l'acte d'accusation, la défense montrera que quand Musafer Puca a été tué
25 et que sa maison a été mise en flammes, Vlatko Kupreskic se trouvait
Page 4782
1 ailleurs, chez Anto Papic, et que des témoins viendront confirmer les
2 témoignages déjà donnés par des témoins de l'accusation.
3 La défense montrera également que la déclaration du témoin qui
4 l'a incriminé n'est pas crédible puisque le témoin ne l'est pas
5 suffisamment non plus.
6 La défense montrera également que Drago Josipovic a une
7 personnalité tout à fait sociale, qu'au travail il fréquentait des
8 Musulmans, qu'il n'a aucun casier judiciaire, qu'il a aidé certains
9 Musulmans du point de vue financier même.
10 Nous montrerons également que Drago Josipovic s'est rendu à
11 certaines organisations internationales, qu'il est allé s'entretenir avec
12 les autorités de Bosnie-Herzégovine, qu'il s'est porté volontaire pour
13 venir ici afin qu'il soit prouvé qu'il n'a commis aucun crime de guerre.
14 Nous pensons que grâce à cette attitude la justice sera faite.
15 Merci.
16 M. le Président (interprétation). - Merci Maître Susak.
17 Monsieur Puliselic.
18 M. Puliselic (interprétation). - Madame et Messieurs les Juges,
19 dans l'acte d'accusation modifié en date du 9 février 1998 figure le chef
20 d'accusation numéro 1 qui implique Dragan Papic pour avoir persécuté des
21 Musulmans de Bosnie, pour des raisons politiques, religieuses ou raciales.
22 Ce qui est qualifié de crime contre l'humanité en vertu de l'article 5H du
23 statut du Tribunal pénal international.
24 Dans ma déclaration liminaire, je tenterai le plus brièvement
25 possible de présenter à cette Chambre de première instance les éléments
Page 4783
1 qui seront présentés et prouvés par la défense de Dragan Papic, en citant
2 des témoins à la barre.
3 En effet, la défense avancera que Dragan Papic n'a pas commis
4 les crimes qui lui sont reprochés dans l'acte d'accusation.
5 Je me joins à la déclaration liminaire déjà prononcée par
6 d'autres conseils de la défense, eu égard aux faits de nature générale. Je
7 ne vais pas y revenir, afin d'éviter la répétition.
8 Grâce à l'audition de témoins, et grâce à la présentation
9 d'autres éléments de preuve, la défense se concentrera sur les événements
10 liés au premier conflit armé, celui du 20 octobre 1992, et notamment, sur
11 les événements également liés au second conflit armée, celui du
12 16 avril 1993.
13 D'autre part, la défense se concentrera sur d'autres événements
14 qui se sont produits entre ces deux dates.
15 La défense de l'accusé souhaite revenir sur un point de fait et
16 de droit déjà présenté dans son mémoire écrit, du 10 novembre 1998. Nous
17 n'allons pas les aborder en détails au cours de cette déclaration
18 liminaire bien sûr. La défense tentera de prouver que Dragan Papic n'est
19 pas un fanatique nationaliste, qu'il n'a pas participé d'une quelconque
20 manière à l'assassinat systématique de Musulmans de Bosnie, à la
21 destruction de leurs maisons et à l'expulsion de Musulmans civils ; qu'il
22 n'a pas participé à la préparation ou qu'il n'a pas assisté à la
23 perpétration de crimes commis contre ses voisins, des Musulmans, et qu'il
24 n'a pas fait partir sa famille à la veille du conflit, parce qu'il ne
25 savait pas quels événements allaient se produire le 16 avril.
Page 4784
1 Nous allons présenter des éléments de preuve montrant que
2 Dragan Papic n'a absolument pas participé à la planification, à
3 l'organisation ou à l'exécution de persécutions de Musulmans pour des
4 raisons politiques, religieuses ou ethniques.
5 Nous présenterons des éléments de preuve montrant qu'à partir
6 d'octobre 1992 et ce jusqu'à avril 1993, Dragan Papic n'a pas commis
7 d'actes criminels afin de persécuter ses voisins d'Ahmici.
8 Après audition de témoins, nous verrons Dragan Papic sous son
9 vrai jour, et non comme un criminel perpétrant des actes criminels de
10 sang-froid, mais comme un être humain tout à fait ordinaire, avec ses
11 qualités et ses défauts. Vous verrez que c'est une personne tout à fait
12 sociable, qui aime la compagnie d'autres personnes et qui est toujours
13 disposée à aider d'autres personnes.
14 Et il est clair qu'une personne avec une telle personnalité ne
15 pourrait pas boire un café et plaisanter avec ses voisins musulmans, les
16 aider à réparer leur voiture, apporter du lait à leurs enfants tous les
17 jours et le lendemain ou quelques heures plus tard se transformer en un
18 autre individu, les abandonner de sang-froid, et même participer
19 activement à leur persécution et aux meurtres de ses voisins.
20 Vous verrez que Dragan Papic n'est pas un monstre, mais un homme
21 avec une âme qui aime plaisanter, qui aime fréquenter d'autres personnes,
22 qui aime se lier d'amitié avec d'autres personnes quelle que soit leur
23 ethnicité.
24 Au début de la guerre et du conflit armé avec les Serbes,
25 Dragan Papic portait souvent des vêtements de camouflage, des vêtements
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1 noirs, outre sa tenue de forestier, et il portait souvent un élément de sa
2 tenue de camouflage avec d'autres vêtements civils.
3 La défense souligne également dans la zone touchée par la guerre
4 de nombreuses jeunes personnes portaient des uniformes, mais cela ne
5 signifiait pas qu'ils faisaient partie d'unités militaires organisées.
6 C'était une pratique tout à fait courante parmi la jeunesse de la région
7 quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse. C'était la mode
8 à l'époque, quelque chose dans le vent si vous voulez. Dragan Papic ne
9 portait pas d'insigne, il portait un uniforme noir ou un uniforme de
10 camouflage, même lorsqu'il se rendait au travail. Je vous rappelle qu'il
11 était forestier. Parfois il portait un fusil, parce qu'il se déplaçait
12 dans les bois et il y avait des animaux sauvages, il fallait qu'il se
13 protège.
14 La défense souligne également que Dragan Papic n'a jamais
15 utilisé ce fusil pour menacer qui que ce soit et il n'a jamais tué ou
16 blessé qui que ce soit. Personne de sincère ne peut dire que Dragan Papic
17 était une personne encline à la querelle. Dragan Papic ne s'est jamais
18 impliqué dans une bagarre. Dans la maison de son père Ivo, où il vivait
19 également, de nombreux voisins venaient. Son père était un artisan
20 talentueux, il travaillait à Vitez, il s'occupait de l'entretien des
21 canalisations d'eau, et lorsqu'il avait un peu de temps libre il se
22 chargeait de menus travaux pour les voisins, des travaux de plomberie. Il
23 s'était notamment occupé de la plomberie de la mosquée d'Ahmici. Dragan,
24 lorsqu'il ne réparait pas les voitures pendant son temps libre, aidait
25 également son père.
Page 4786
1 Nous montrerons aussi que des Croates et des Musulmans étaient
2 les bienvenus dans la maison des Papic. Aucun membre de la famille ne
3 faisait de distinction entre ces personnes selon leur appartenance
4 ethnique ou religieuse. Dragan Papic était chargé d'assurer la défense du
5 village, entre autres choses, et parfois quelques réunions avaient lieu
6 chez lui, mais son passe-temps préféré était la mécanique : il s'occupait
7 notamment des moteurs de voiture, et il s'y connaissait bien. C'est
8 pourquoi devant chez lui se trouvaient de nombreuses voitures, voitures de
9 ses voisins ou voitures de ses connaissances, parce que dans son temps
10 libre, il réparait leur voiture.
11 Lorsqu'il s'est marié en 1992, il a continué à vivre dans la
12 maison de son père parce qu'il n'avait pas d'autre choix. Lorsque les
13 hostilités se sont rapprochées, lorsque les attaques des Serbes se sont
14 rapprochées, les hommes adultes se sont regroupés afin d'organiser des
15 tours de garde la nuit, afin de se préparer face aux mouvements de l'armée
16 serbe, de ses unités, afin de défendre leur village, leur maison et leur
17 famille. Ces tours de garde étaient assurés par des Croates et des
18 Musulmans au cours du premier conflit, jusqu'à ce qu'il y ait séparation.
19 Dragan Papic n'avait aucune idée des événements qui allaient
20 avoir lieu au cours de la matinée du 16 avril 1993. Lui et sa famille ont
21 été réveillés par des tirs assez puissants. Le père n'était pas chez lui,
22 il était à Split à l'époque. Dragan s'est donc chargé du reste de la
23 famille, il a emmené sa mère, sa soeur et sa femme à Donja Rovna qui se
24 trouve au sud de son domicile.
25 Nous montrerons que sur la ville menant à Donja Rovna, il a
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1 trouvé Nenad Santic qui, entre autres choses, était chargé de l'évacuation
2 des habitants du village. Nenad Santic a dit à Papic qu'il devait
3 s'occuper d'un mortier de 16 millimètres ; Dragan Papic avait appris à
4 s'en servir au cours de son service militaire dans la JNA. Il lui a donc
5 dit de prendre ce mortier, et d'emmener ce mortier sur une colline près de
6 Donja Rovna, afin éventuellement de contrôler les mouvements de l'armée de
7 Bosnie-Herzégovine venant de Pezici, Kovacezi et Donja Rovna.
8 Et en fait, le conflit qui s'est produit au début de la matinée,
9 étant donné le fait que Dragan Papic allait à Donja Rovna à l'endroit où
10 il a rencontré Nenad Santic, ce conflit a donc commencé entre Croates et
11 Musulmans au niveau du barrage près du cimetière catholique, barrage érigé
12 par les Musulmans afin d'empêcher que des unités du HVO ne passent, unités
13 qui devaient venir en renfort des unités du HVO de Jaice qui luttaient
14 contre les forces serbes.
15 Nous montrerons que ce jour-là, le 20 octobre 1992, Dragan Papic
16 est resté à Nive sur cette colline, qu'il n'a pas utilisé le mortier car
17 cela ne s'est pas avéré nécessaire, puisque les unités de l'armée de
18 Bosnie-Herzégovine ne sont pas arrivées de la zone qu'il devait
19 surveiller.
20 Des témoins diront tout cela, et notamment le témoin dont la
21 maison se trouve en contrebas de la position occupée par Dragan Papic. Ce
22 témoin a vu, a observé Dragan Papic pendant toute la journée, à partir du
23 début de la matinée et jusqu'à la fin de l'après-midi. Ce témoin a vu
24 Dragan Papic dans la zone de Nive, par conséquent Dragan Papic n'aurait
25 pas pu, d'une part, tirer de sa maison avec un fusil automatique contre ou
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1 sur ses voisins, ou la maison de ses voisins, et se trouver à côté d'une
2 arme antiaérienne sur cette colline.
3 D'autre part, personne n'aurait pu utiliser un fusil à lunettes
4 de la maison de Dragan Papic puisqu'aucun des membres de la famille ne se
5 trouvait dans la maison ce jour-là.
6 Après le conflit qui s'est déroulé au niveau du barrage routier,
7 au cours de ce conflit d'ailleurs les habitants croates d'Ahmici n'ont pas
8 participé à quoi que ce soit, et après le conflit au cours duquel
9 certaines maisons musulmanes ont été endommagées, d'ailleurs certains
10 témoins en parleront, les gardes dans le village, les tours de garde ont
11 continué mais ils n'étaient plus conjoints. Dragan Papic a continué à
12 travailler à Sumaria et de temps en temps il assurait un tour de garde la
13 nuit jusqu'au 16 avril 1993, journée au cours de laquelle tous les
14 habitants d'Ahmici ont été réveillés le matin par des tirs. La femme de
15 Dragan Papic était sur le point d'accoucher alors il l'a emmenée, avec sa
16 mère et sa soeur, vers Donja Rovna à travers bois. Ils ont trouvé abri
17 dans la forêt, temporairement, avec le père et le frère de Dragan Papic.
18 Lui est resté sur la rive gauche de la rivière de la Lasva avec
19 d'autres hommes. Il est resté quelques jours ici de garde, pendant
20 dix jours à peu près, jusqu'à ce que sa femme accouche. Les gardes se
21 reposaient dans la maison de Pero Ljubas, décédé à l'époque. Pendant cette
22 époque, il ne pouvait pas s'éloigner de cette zone. Le vieux pont de
23 Radak, Radakov, est devenu un point tout à fait important parce qu'il
24 s'agissait là du seul lien entre Busovaca et Vitez à cette époque ; une
25 route qui traversait les prairies, le long de la rive droite de la vallée
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1 de la Lasva, puisque la route principale ne pouvait plus être utilisée
2 étant donné le nid de mitrailleuses posé par les unités de l'armée de
3 Bosnie-Herzégovine à Buhine Kuce, à environ deux kilomètres à l'est de
4 Vitez.
5 Des témoins en parleront, d'ailleurs ; des témoins qui ont
6 participé à des tours de garde avec Dragan Papic au pont de Radak. Puisque
7 Dragan Papic, le 16 avril 1993 et les jours suivants, a assuré ces tours
8 de garde de façon permanente à une position aussi stratégique, il semble
9 manifeste qu'il ne pouvait pas être à la fois dans les maisons musulmanes,
10 dans lesquelles il aurait été selon l'accusation, et occuper sa position
11 dans les tours de garde.
12 Nous montrerons également qu'une mitrailleuse antiaérienne, ou
13 tout autre type d'arme, ne s'est jamais trouvée chez lui et que sa maison
14 n'a jamais été utilisée comme point d'origine de tir. C’est ce que prétend
15 l'accusation, mais nous dirons qu'il s'agissait d'une maison ordinaire où
16 vivaient trois femmes, le frère de Dragan qui était mineur et son père qui
17 était une personne âgée. D'autre part, la femme de Dragan Papic était
18 proche de l'accouchement.
19 Par conséquent, la défense montrera qu'au cours de la période
20 couverte par l'acte d'accusation, Dragan Papic n'a jamais commis les
21 crimes graves qui lui sont reprochés tels que crimes contre l'humanité,
22 reprochés en vertu de l'article 5 du statut. Il n'a pas commis ce type de
23 crime ni avant ni après cette période.
24 D'autre part, la défense affirme que de nombreux efforts ont été
25 déployés pour faire venir des témoins musulmans qui sont des amis ou des
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1 connaissances de la famille Papic et qui connaissent très bien la
2 personnalité de Dragan Papic, qui savent que Dragan Papic n'a pas
3 participé à ces crimes d'une quelconque façon, mais étant donné leur
4 préoccupation, eu égard à leur propre sécurité et à la sécurité de leur
5 famille, malgré les promesses réitérées de mesures de protection, ils
6 n'ont pas souhaité venir témoigner devant ce Tribunal. Ces personnes ont
7 peur de perdre leur emploi, leur appartement, si le public devait
8 apprendre qu'ils sont venus témoigner en tant que témoins de la défense.
9 C'est pourquoi le conseil de la défense de Dragan Papic ne
10 souhaite pas mettre en danger, ou plutôt exposer les amis et connaissances
11 de Dragan Papic à d'éventuelles craintes ou d'éventuelles conséquences
12 néfastes.
13 Malgré ce handicap dans la défense de Dragan Papic, nous pensons
14 que grâce à l'aide de témoins et d'autres éléments de preuve dont nous
15 disposons, nous pourrons prouver son innocence. Merci.
16 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Puliselic.
17 Pardon, Maître Pavkovic. -
18 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, la
19 défense de Vladimir Santic à déjà, dans sa lettre datée du 4 novembre 98,
20 exposé ses intentions, en ce qui concerne la présentation des éléments de
21 preuve de la défense. Dans cette déclaration liminaire, nous souhaitons
22 tout simplement mettre l'accent sur un certain nombre de points qui nous
23 paraissent des points clés de notre attitude principale.
24 Tout d'abord, j'aimerais rappeler que selon l'acte d'accusation
25 modifié du 9 février 98, modifié et complété, on incrimine Vladimir Santic
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1 ensemble avec d'autres accusés, comme si le Procureur avait précisé dans
2 le chef d'accusation n °1, paragraphes 9-10-20 et 21, que cet accusé avait
3 commis le crime contre l'humanité en persécutant les Musulmans sur la base
4 religieuse et ethnique, et qu'il est donc pénalisé en vertu de
5 l'article 5.
6 Si nous examinons de manière attentive tous les éléments qui
7 figurent dans ces chefs d'accusation, et si nous les mettons en exergue, à
8 ce moment-là, nous pourrions formuler les mêmes reproches comme ceci a été
9 fait précédemment par Me. Radovic, et la défense de Vladimir Santic ne va
10 pas répéter ce qui a été déjà dit, mais c'est à travers les éléments de
11 preuve et à travers le cadre général, que nous allons démontrer que
12 Vladimir Santic n'a pas pu, en aucun cas, commettre aucun acte dont
13 l'incrimine le Procureur.
14 Personne des témoins qui ont été cités par l'accusation ne
15 pouvait affirmer que Vladimir Santic avait participé à la préparation de
16 cette attaque, du mois d'avril, qu'il avait persécuté les Musulmans sur
17 les fondements ethniques et religieux. Personne parmi les témoins de
18 l'accusation n'avait affirmé qu'il avait agi de manière systématique et
19 généralisée dans le nettoyage ethnique et l'assassinat et le massacre
20 contre les populations civiles.
21 La défense va également prouver quel était le rapport de
22 Vladimir Santic à l'égard des événements qui sont formulés par le
23 Procureur dans son acte d'accusations modifié.
24 Par ailleurs, le Procureur également avait précisé dans sa
25 lettre et dans une phrase plus particulièrement, qu'il allait prouver que
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1 Vladimir Santic avait participé à un incident d'assassinat et qu'il
2 n'irait pas au-delà.
3 La défense présentera les éléments de preuve et attirera
4 l’attention du non-fondement de cette thèse des chefs d'accusation 16
5 jusqu'à 19, et prouvera que Vladimir Santic n’était absolument pas en
6 relation avec des actes de crime et d'assassinat.
7 Nous allons également déposer des éléments de preuve notamment
8 nous référant au témoin EE, ou que le Procureur fonde ces éléments de
9 preuve sur ces déclarations et la défense va citer un certain nombre de
10 témoins et ceci pour attirer l’attention de cette Chambre d'instance, que
11 la déclaration de ce témoin EE n'est pas un élément de preuve justifiée,
12 fondée, et ne peut certainement pas être la preuve qu'il y a eu
13 effectivement ce crime commis par Vladimir Santic.
14 Par la suite, la défense rappelle le fait que jusqu'à ce moment
15 et pendant la présentation des éléments de preuve, la défense avait mis en
16 question la crédibilité de ce témoin, le seul, l'unique témoin et que,
17 déjà à ce moment-là, nous avons versé au dossier les documents et les
18 pièces à conviction par lesquels nous affirmons qu'il n'est pas acceptable
19 d'adopter la déclaration de ce témoin.
20 Par conséquent la défense va tout simplement réaffirmer ce
21 qu'elle avait déjà pratiquement dit, prouvé par les documents qui ont été
22 versés au dossier, nous allons citer le témoin qui va pouvoir donc, lors
23 de son témoignage, apporter des précisions et des éclaircissements sur les
24 événements qui se sont produits le 16 avril, étant donné que ce témoin de
25 l'accusation prétendait que l'accusé avait fait, ensemble avec un certain
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1 nombre d'autres personnes, ce crime d'assassinat.
2 Nous allons donc citer ce témoin et d'autres et la défense va
3 demander à ces témoins justement de parler de l'accusé en tant que
4 personnalité, de prouver également que la déclaration du témoin EE n'est
5 pas du tout justifiée, qu'elle n'est pas acceptable, mais il y a d'autres
6 aspects également sur lesquels la défense a attiré l'attention de la
7 Chambre ; elle a essayé de prouver que ce témoin est un seul témoin du
8 Procureur, de l'accusation, et que par conséquent on ne peut pas
9 véritablement accepter ce seul témoignage, et la défense met en cause la
10 crédibilité de ce témoignage.
11 En guise de conclusion, la défense va présenter les éléments de
12 preuve pour attirer l'attention sur le fait que l'accusé Vladimir Santic
13 n'était pas lié avec des événements qui font l'objet de l'acte
14 d'accusation, qu'il se trouvait à un autre endroit au moment où
15 l'événement d'Ahmici s'est produit, et que par conséquent il ne pouvait
16 absolument ni participer, ni planifier, ni organiser cette attaque, cette
17 opération concrète.
18 Nous allons citer un certain nombre de témoins, grâce aux
19 témoignages desquels nous allons prouver que Vladimir Santic se trouvait
20 au moment critique à l'hôtel Vitez, qu'il y avait une formation qui s'y
21 trouvait, qu'il appartenait à cette formation et que pendant toute la
22 journée il était resté à l'hôtel. Nous allons le prouver par les
23 documents, il y a un certain nombre de documents déjà versés au dossier,
24 et il y en a d'autres que nous allons verser au cours de ce procès et des
25 pièces à conviction, ainsi que des ordres du commandement, du
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1 général Blaskic, où l'on voit clairement qu'on ne prévoit aucune attaque,
2 qu'on n'a planifié aucune attaque.
3 Contrairement à ceci, on voit que Vladimir Santic était avec la
4 formation qui se trouvait à l'hôtel, et qu'il était resté effectivement à
5 l'hôtel pendant la journée entière.
6 La défense considère, par conséquent, qu'il s'agit-là d'un
7 aspect clé et qu'il est pertinent quand il s'agit de la responsabilité
8 éventuelle de Vladimir Santic.
9 Enfin, la défense se réserve le droit, et ceci en vertu de
10 73 ter, de réviser la liste des témoins, comme elle l'a déjà précisé dans
11 le document qu'elle avait versé aussi bien aux Juges qu'au dossier du
12 Tribunal. Je vous remercie, Monsieur le Président.
13 M. le Président (interprétation). - Merci. Je pense que nous
14 sommes prêts à citer le premier témoin. Mais avant cela, je voudrais
15 revenir sur une question mentionnée par Me Puliselic qui, à juste titre, a
16 souligné qu'il se trouve dans une position désavantageuse en quelque
17 sorte, étant donné la possibilité qui est la sienne de citer des témoins
18 qui pourraient témoigner pour son témoin, mais qui craignent de venir à
19 La Haye à cause des éventuelles représailles par d'autres membres de la
20 même communauté ethnique.
21 J'étais en train de me demander si Me Puliselic ne pourrait pas
22 explorer d'autres possibilités. Nous sommes prêts à citer ces témoins en
23 tant que témoins de la Chambre ; je ne sais pas si vous en avez parlé avec
24 eux. Il y a deux possibilités en fait : nous pouvons citer ces témoins ou
25 bien, en cas extrême, utiliser une vidéo-conférence, ce qui est bien sûr
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1 moins utile à mon avis, même si nous l'avons déjà fait par le passé.
2 En avez-vous déjà parlé avec ces éventuels témoins ?
3 M. Puliselic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président,
4 j'en ai parlé, mais ils ont tout simplement peur. Je l'ai déjà précisé
5 tout à l'heure lors de ma déclaration liminaire : nous, la défense, nous
6 ne souhaitons pas exercer une pression sur ces témoins. Nous avons
7 compris, nous avons vu qu'ils ont vraiment peur, et nous les avons
8 prévenus des possibilités, des mesures de protection également, mais
9 malgré tout ce que nous avons pu dire il y a cette peur qui est très
10 profonde, et nous ne souhaitons pas véritablement les influencer, ni
11 exercer une pression pour qu'ils changent leur décision.
12 M. le Président (interprétation). - Merci. Je crains que nous
13 n'ayons donc aucun moyen de faire venir ces témoins.
14 Maître Radovic, c'est à vous.
15 M. Radovic (interprétation). - Eh bien, le problème qui a été
16 soulevé par Me Puliselic est notre problème également. Les frères
17 Kupreskic, vu le fait également qu'ils faisaient partie de cette
18 association culturelle dont j'ai parlé où ils dansaient et chantaient,
19 avaient un très grand nombre d'amis parmi les Musulmans. Quand nous sommes
20 allés à Vitez, il y avait un certain nombre de leurs amis qui voulaient
21 bien discuter avec nous. Nous avons parlé avec ces personnes dans une
22 première étape, ils nous ont dit qu'ils avaient besoin de réfléchir un peu
23 avant de décider s'ils pouvaient venir témoigner ici, ou bien
24 éventuellement témoigner d'une autre façon.
25 Bien évidemment, nous avons parlé de toutes les possibilités qui
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1 sont les leurs pour qu'on puisse se munir de leurs déclarations et de
2 leurs dépositions, mais réflexion faite tous ont refusé ; ils ont tout
3 simplement dit que leur famille, des membres plus ou moins proches, ne
4 leur pardonnerait jamais de venir témoigner ici en faveur des Croates,
5 indépendamment du fait qu'ils étaient convaincus que ces Croates, tout au
6 moins en ce qui concerne les frères Kupreskic - parce que, bien
7 évidemment, j'ai parlé uniquement des frères Kupreskic - ils pensaient
8 qu'ils n'étaient pas coupables pour ce qui s'était passé.
9 Et je dois dire que même avec un Musulman, j'ai eu l'occasion de
10 le rencontrer à Travnik, il ne savait absolument pas ce qui s'était passé
11 à Ahmici, il a su ultérieurement ce qui s'était passé à Ahmici ; il a
12 parlé avec Mirjan Kupreskic de ces événements. Il y avait cet entretien
13 entre les deux, et justement, Mirjan se plaignait, disait qu'il ne savait
14 absolument pas ce que l'on lui reprochait ; c'était donc tout à fait en
15 marge de tout ce que nous pourrions dire, parce qu'effectivement, il était
16 surpris, il était étonné, il ne savait pas ce que Mirjan aurait pu faire.
17 Par conséquent, lui aussi m'avait dit à la fin qu'il ne pouvait
18 malheureusement pas accepter de témoigner en faveur de Mirjan Kupreskic.
19 Par conséquent, ce que nous pouvons faire, c'est vous proposer les noms de
20 ces quelques musulmans qui pourraient éventuellement prendre la décision
21 de venir ici comme témoins du Tribunal, et d'essayer de voir s'ils
22 allaient répondre affirmativement à votre invitation. Nous allons
23 également demander à ce que le témoin de Zenica, le juge d'instruction,
24 soit cité, parce qu'elle avait dit, à un moment donné, qu'elle pourrait
25 éventuellement venir témoigner ici. Vous vous souvenez de ce témoin qui
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1 était devant le juge d'instruction, Monsieur le Président ?
2 M. le Président (interprétation). - Oui, merci. Par conséquent,
3 vous nous soumettrez une liste de noms, n'est-ce pas ?
4 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, à ce jour,
5 je ne sais pas si vous l'avez remarqué, nous avons déposé un certain
6 nombre de déclarations de témoins, des musulmans qui étaient prêts à venir
7 à La Haye ; ils ont signé leur déposition et par la suite, ils ont refusé
8 de venir. C'est la raison pour laquelle, éventuellement, on vous
9 demanderait peut-être de faire un effort de votre côté, et de les inviter
10 vous-même. Ce sont des déclarations qui ont été signées, et après ils ont
11 renoncé à venir ici.
12 (Les juges se consultent sur le siège.)
13 M. le Président (interprétation). - Pour ce qui est des témoins
14 de personnalité, nous pourrons nous contenter d'accepter la déclaration
15 s'il n'y a pas d'opposition de la part de l'accusation, afin qu'ils
16 n'aient pas à se rendre à La Haye s'il s'agit simplement de témoins de
17 personnalité. Je ne vois pas pourquoi, à moins que l'accusation ait une
18 opposition sur ce point... Mais nous pouvons peut-être laisser cette
19 question pour plus tard.
20 M. Terrier. - Simplement, sur ce point je voudrais dire,
21 Monsieur le Président, qu'a priori il n'y a pas d'objection de la part de
22 l'accusation contre le fait que le Tribunal pourrait accepter des
23 déclarations, mais la position de l'accusation ne peut se former que cas
24 par cas, selon le contenu de chacune de ces déclarations. Mais a priori,
25 il n'y a pas d'opposition de principe.
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1 M. le Président (interprétation). - Oui, je crois que c'est tout
2 à fait l'attitude à adopter : travailler au cas par cas. Effectivement,
3 vous pourriez vous opposer ou non selon les déclarations. Mais je vais
4 inviter la défense à mettre le doigt sur les différentes déclarations
5 qu'elle souhaiterait verser (il s'agit de témoins de personnalité) afin
6 que l'accusation ait suffisamment de temps pour examiner ces déclarations
7 et se prononcer sur d'éventuelles objections. S'il n'y a pas d'objection,
8 ces déclarations pourraient être versées au dossier des pièces à
9 conviction.
10 Puisqu'il nous reste une demi-heure, même un peu plus, nous
11 pourrions peut-être commencer l'audition du premier témoin,
12 Zvonimir Cilic.
13 En attendant l'entrée du témoin, j'aimerais inviter l'accusation
14 à fournir non seulement une liste des témoins qu'ils entendent citer à
15 comparaître la semaine suivante, mais aussi une liste des témoins de
16 réserve, comme l'a fait l'accusation, afin qu'au cas où l'un des témoins
17 n'est pas disponible ou si les témoignages sont courts, nous ayons encore
18 des témoins à entendre au cours de la semaine.
19 (Le témoin est introduit dans la salle d'audience)
20 M. le Président (interprétation). - Avant de me tourner vers le
21 témoin pour lui demander de prononcer la déclaration solennelle,
22 Maître Glumac, pouvez-vous me dire la chose suivante : des mesures de
23 protection ont-elles été demandées ?
24 Mme Glumac (interprétation). - Non.
25 M. le Président (interprétation). - Bonjour Monsieur Cilic.
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1 Pourriez-vous prononcer la déclaration solennelle, s'il vous plaît ?
2 M. Cilic (interprétation). - Merci. Oui, je déclare
3 solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la
4 vérité.
5 M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous
6 asseoir.
7 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour Monsieur Cilic.
8 M. Cilic (interprétation). - Bonjour.
9 Mme Glumac (interprétation). - Pour que cela soit consigné au
10 procès-verbal, pourriez-vous nous dire où vous êtes né, où vous avez vécu,
11 ce que vous faites, quelle est votre profession ?
12 M. Cilic (interprétation). - Est-ce que je peux rester assis ?
13 Mme Glumac (interprétation). - Oui.
14 M. Cilic (interprétation). - Je suis né le 24 août 1941 à Vitez.
15 Je suis Zvonimir Cilic, je travaille comme journaliste et je suis
16 assistant social. Je suis journaliste au Slovonia Dolmatia de Split. Je
17 travaille et je vis à Vitez, je suis marié, j'ai deux enfants.
18 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous
19 avez fait fin 1991 ? Aviez-vous un emploi ?
20 M. Cilic (interprétation). - J'avais un emploi, comme assistant
21 social dans l'entreprise Vitezit de Vitez.
22 Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce que vous faisiez ?
23 M. Cilic (interprétation). - En fait, j'ai dû arrêter de
24 travailler parce qu'il y avait une crise après l'effondrement de l'ex-
25 Yougoslavie. Dans ma société un certain nombre de personnes ont été
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1 obligées d'accepter le chômage technique. Autrement dit, je devais rester
2 à la maison et je ne pouvais pas me rendre au travail.
3 Au début, c'était comme cela, fin 1991, cela ne devait durer que
4 pendant deux mois, et puis en 1992, ceci s'est reproduit.
5 Mme Glumac (interprétation). - Alors qu'avez-vous fait au début
6 de 1992 ?
7 M. Cilic (interprétation). - Au début avec un groupe d'amis, on
8 a commencé à lancer un journal. Le journal qui s'appelait Lasva Skiklanik
9 mais la cellule de crise de la municipalité de Vitez qui avait une
10 composition mixte croato-musulmane m'a demandé de venir et m'a demandé de
11 constituer le service de presse de la cellule de crise de la municipalité
12 de Vitez. Ce que j'ai accepté. Et le service de presse était constitué de
13 quinze membres, des Croates. Moi j'étais à la tête du groupe croate et
14 puis quelques Musulmans.
15 Mme Glumac (interprétation). - Et il y avait combien de
16 Musulmans dans cette équipe ? Pouvez-vous citer les noms ?
17 M. Cilic (interprétation). - Oui. C'était Varupa Mitrat, un
18 juriste et le professeur Muhamet Halilovic.
19 Mme Glumac (interprétation). - Ce service de presse était actif
20 au sein de la cellule de crise ou bien c'était un groupe complètement à
21 part ?
22 M. Cilic (interprétation). - Il fonctionnait au sein de la
23 cellule de crise de la municipalité de Vitez.
24 Mme Glumac (interprétation). - Que représentait la cellule de
25 crise en 1992 ?
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1 M. Cilic (interprétation). - Dès 1991, toute une série de
2 problèmes sont apparus en ex-Yougoslavie. Les attaques de l'armée
3 d'agresseurs de la JNA ont commencé, c'est à ce moment-là qu'on a éprouvé
4 le besoin de chercher une solution, pour protéger les citoyens, que ce
5 soit sur le territoire de notre municipalité ou ailleurs, car la JNA
6 venait de prendre possession d'un certain nombre de territoires ainsi que
7 des axes de circulation. Alors la cellule de crise devait organiser la
8 défense, devait organiser aussi l'approvisionnement des citoyens, car la
9 crise s'aggravait. Les gens ne pouvaient plus se nourrir normalement et
10 comme le revenu avait baissé, ils ne pouvaient plus se procurer le
11 nécessaire.
12 Donc, l'une des tâches principales de la cellule de crise était
13 d'organiser également l'approvisionnement de la population en nourriture
14 et en médicaments ainsi que d'assurer leur sécurité dans la zone
15 concernée.
16 Mme Glumac (interprétation). - Les membres de la cellule de
17 crise étaient-ce au même titre les Croates et les Musulmans ?
18 M. Cilic (interprétation). - Oui, la cellule de crise était
19 constituée de manière proportionnelle. En fait, sa composition reflétait
20 le nombre des Musulmans dans la municipalité de Vitez, et cette
21 composition correspondait fidèlement au résultat des élections, et ces
22 élections en fait avaient donné des résultats qui correspondaient à la
23 composition de la population dans la municipalité de Vitez.
24 Mme Glumac (interprétation). – Alors, quelle était la relation,
25 la proportion ? Pouvez-vous nous donner des chiffres concernant la
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1 participation des différentes municipalités ?
2 M. Cilic (interprétation). - Dans la municipalité de Vitez ?
3 Mme Glumac (interprétation). - Oui.
4 M. Cilic (interprétation). - Je peux commettre quelques petites
5 erreurs, mais je pense qu'en gros ce serait exact. Je dois dire que nous
6 avions 25 000 habitants sur la municipalité de Vitez.
7 Il y avait moins de 13 000 Croates, un peu plus de 11 000
8 Musulmans bosniaques, environ 1 500 Serbes, un peu plus de 1 000
9 Yougoslaves et quelques centaines d'autres.
10 Mme Glumac (interprétation). - Quand vous avez dit que la
11 composition de la cellule de crise correspondait à la composition
12 nationale, vous vouliez dire que c'est en fonction de la composition
13 nationale qu'on a constitué cette cellule de crise ou en fonction des
14 résultats des élections ?
15 M. Cilic (interprétation). - Cela ne faisait aucune différence,
16 quel que soit le critère sur lequel on se basait, on arrivait au même
17 résultat puisque ces critères se recoupaient. Cela permettait d'avoir une
18 solution satisfaisante que cela soit pour la partie croate ou pour la
19 partie musulmane, puisque leurs relations à l'époque étaient tout à fait
20 correctes.
21 Mme Glumac (interprétation). - Le premier gouvernement
22 municipal...
23 S'il vous plaît, ralentissez, les interprètes n'arrivent pas à
24 tout interpréter.
25 M. Cilic (interprétation). - Merci, oui j'essaierai de le faire.
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1 Mme Glumac (interprétation). - Le premier gouvernement qui a été
2 constitué sur le territoire de la municipalité de Vitez, c'est un
3 gouvernement où les Croates et les Musulmans avaient obtenu à peu près le
4 même nombre de voix ?
5 M. Cilic (interprétation). - J'ai ici les chiffres. Est-ce que
6 je peux consulter le document ?
7 Mme Glumac (interprétation). - Oui.
8 M. Cilic (interprétation). - C'est le 18 novembre que les
9 élections ont été organisées. Le HDZ a eu 44,2 % des voix, le SDA a eu
10 30,7 %, le SDP ou l'ex-parti communiste de Yougoslavie réformiste a eu 18,
11 6 %, le SDS le parti serbe a eu 3,3 % des voix, l'alliance de la jeunesse
12 socialiste 2,1 % des voix et l'alliance des forces réformistes de
13 Yougoslavie dont à la tête se trouvait l'ex-premier ministre yougoslave
14 Ante Markovic a eu 3,9 %. Deux autres partis ont eu un très faible
15 pourcentage de voix en plus.
16 Mme Glumac (interprétation). - De quelle manière ont été
17 réparties les fonctions au sein des instances municipales ? Est-ce que
18 l'on respectait l'appartenance, le principe d'appartenance ethnique ?
19 M. Cilic (interprétation). - Pouvez-vous préciser où ?
20 Mme Glumac (interprétation). - Quand il s'agissait de répartir
21 les fonctions au sein des instances municipales, est-ce que l'on
22 respectait le principe de représentation proportionnelle de tous les
23 groupes ethniques ?
24 M. Cilic (interprétation). - Oui, en fait c'était la clé de
25 représentation proportionnelle des partis politiques qui correspondait à
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1 la composition ethnique. Les postes clés, c'étaient le chef de la
2 municipalité et d'après les résultats des élections, cela devait revenir
3 au HDZ, au candidat Croate. Le second, selon la hiérarchie était le poste
4 du Président du comité exécutif municipal et cela devait revenir aux
5 Musulmans Bosniaques, c’est ce qui s’est produit et Ivan Santic qui était
6 à la tête de la municipalité et à la tête du comité exécutif était
7 Fouad Kaknjo..
8 Mme Glumac (interprétation). - Pour ce qui concerne d'autres
9 fonctions importantes au sein de la municipalité est-ce qu'on a également
10 respecté l'appartenance nationale des candidats ?
11 M. Cilic (interprétation). - Tous les postes qui étaient à
12 pourvoir, les postes en fait où on procédait a des réélections, pour tous
13 ces postes on respectait strictement le fait que suite aux élections
14 démocratiques qui ont été organisées en novembre, le 18 novembre, les
15 postes soient répartis de manière équitable entre le HDZ et le SDA, donc
16 les deux partis
17 Partout, on a respecté le principe d'équité et de conformité au
18 résultat des élections, les représentants du HDZ et du SDA devaient se
19 répartir ces postes. Les représentants des Croates d'une part et les
20 représentants des Musulmans Bosniaques d'autre part. Et pour autant que je
21 sache, il n'y a eu aucun problème-là dessus au début.
22 Mme Glumac (interprétation). - Le poste du commandant de la
23 Défense Territoriale et revenu à qui ?
24 M. Cilic (interprétation). - Le poste du commandant de la
25 Défense Territoriale est revenu aux Musulmans Bosniaques et je pense que
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1 je ne me trompe pas quand j'énonce le nom de Hakija Cengic, c'est cet
2 homme qui a eu ce poste, il avait des compétences il a été formé pour ce
3 poste.
4 Mme Glumac (interprétation). - La Défense Territoriale qu'était-
5 ce ? Une institution qui était héritée de l'ancien système ?
6 M. Cilic (interprétation). – Oui, c'est une institution héritée
7 de l'ancien système, et au début, un certain nombre de ces institutions
8 héritées n'ont pas été modifiées puisqu’il n'y avait aucun besoin pour se
9 faire.
10 Mme Glumac (interprétation). - La Défense Territoriale c'était
11 quoi ?
12 M. Cilic (interprétation). - La Défense Territoriale en outre la
13 JNA de l'ancien système, c'était une formation qui devait rassembler tous
14 les hommes de réserve, qui au moment voulu devaient intervenir, par
15 exemple s'il y avait une attaque contre l'ex-Yougoslavie, mais également
16 ces hommes devaient secourir la population en cas de situation
17 extraordinaire, en cas de force majeure, en cas d'inondation, c'est dans
18 ces cas-là de catastrophe naturelle qu'ils devaient intervenir. Donc la
19 Défense Territoriale était en fait une formation de réserve par rapport à
20 la JNA, l'armée officielle de l'ex Yougoslavie.
21 Mme Glumac (interprétation). - A quel moment la Défense
22 Territoriale commence-t-elle a se transformer pour devenir non plus une
23 force de réserve mais une force militaire ?
24 M. Cilic (interprétation). - Ces transformations en force
25 militaire commencent à peu près au moment où apparaissent des problèmes
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1 plus sérieux, où des différends plus sérieux entre les Croates et les
2 Musulmans dans la zone concernée, la zone ou j'ai vécu, la zone de Vitez
3 de la vallée de la Lasva et de la Bosnie centrale.
4 Mme Glumac (interprétation). - Quelle a été l'importance de la
5 guerre avec les Serbes, autrement dit du début de la guerre avec les
6 Serbes, d'abord en Croatie puis en Bosnie-Herzégovine ?
7 M. Cilic (interprétation). - C'est bien à cela que je faisais
8 allusion quand j'ai dit qu'il y a eu une séparation, c'est là que la
9 Défense Territoriale devient de moins en moins Croate et de plus en plus
10 Bosniaque Musulmane. Parce qu'il était clair à l'époque que les Musulmans
11 et les Croates de Bosnie centrale, voire sur l'ensemble du territoire de
12 Bosnie-Herzégovine, ne faisaient pas la même analyse de l'agression de la
13 JNA, autrement dite Serbo Monténégrine, au moment où la JNA de l'époque,
14 l'armée Serbe est entrée sur certaines portions du territoire de Bosnie-
15 Herzégovine, ou bien au moment où à partir du territoire de Bosnie-
16 Herzégovine, elle menait des opérations militaires contre la Croatie ou le
17 territoire de la Croatie.
18 Mme Glumac (interprétation). - Quelle a été la réaction
19 officielle du Président Izetbegovic, autrement dit la réaction officielle
20 de Sarajevo ?
21 M. Cilic (interprétation). - Les réactions du Président
22 Izetbegovic au début, ont pu agacer les Croates, et c'est là que les
23 Croates de Bosnie-Herzégovine ont eu peur pour ainsi dire, de l'ensemble
24 de la situation parce que M. Izetbegovc a dit très clairement à la
25 télévision et l’a répété à deux ou trois reprises, que la guerre en
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1 Croatie n'était pas, je cite : "notre guerre", quand il disait "notre
2 guerre", il pensait à la Bosnie-Herzégovine, mais pour les Croates de
3 Bosnie-Herzégovine, ce n'était pas valable. Il n'acceptait pas qu'on
4 qualifie ainsi la guerre de Croatie, puisque nous avions bien l'impression
5 que c'était notre guerre aussi. Pour ceux qui étaient prêts, à ouvrir
6 leurs yeux, il était clair que la guerre menaçait la Bosnie-Herzégovine
7 également et que c'était inévitable.
8 Mme Glumac (interprétation). - De quelle manière et à quel
9 moment commence à s'organiser la partie croate de Vitez ?
10 M. Cilic (interprétation). - Dès 1991, par l'attaque menée
11 contre le village de Ravno d'Erzégovine, qui est un village purement
12 Croate, lorsque l'armée Serbe ou la soi-disant JNA l'a écrasé, les Croates
13 de Bosnie centrale se sont aperçus qu'ils étaient temps de s'organiser,
14 qu'il fallait commencer à s'organiser puisqu'il était évident que l'épée
15 de la guerre était suspendue au-dessus de la Bosnie-Herzégovine et nous
16 avions davantage peur de cette guerre, nous avions davantage peur à
17 l'époque que les Bosniaques Musulmans.
18 Mme Glumac (interprétation). - Donc, à quel moment commence une
19 action organisée, une organisation d'une armée ?
20 M. Cilic (interprétation). - Dès l'automne 1991, sur le
21 territoire de la municipalité de Vitez. Il en était de même dans d'autres
22 municipalités où les Croates constituaient la majorité. On commence à
23 organiser ce que l'on a appelé des "patrouilles de village". Faut-il que
24 j'explique un peu ce que c'était ?
25 Mme Glumac (interprétation). - Oui allez y.
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1 M. Cilic (interprétation). – Il s'agit de petit groupe
2 d'habitants, au début, sans différenciation selon l'appartenance ethnique.
3 Au début, cela pouvait être une constitution mixte Croato-Musulmane et
4 l'objectif de ces patrouilles était d'empêcher éventuellement de nuit,
5 toute surprise qui pouvait se produire. Mais ils devaient également
6 empêcher des pillages, des actes de criminalité qui étaient de plus en
7 plus fréquents dans la zone, puisque l'état de droit fonctionnait de moins
8 en moins bien. De même à proximité immédiate de nos village…
9 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi s'il vous plaît
10 pourriez-vous ralentir un peu ?
11 M. Cilic (interprétation). - Il y avait tous une série de
12 casernes où étaient basés les membres de la JNA. C'était le cas à Novi
13 Travnik, à Travnik, à Busovaca à Kiseljak et cela aussi constituait une
14 source de peur pour la population Croate mais aussi pour la population
15 Bosno-Musulmane, c'est du moins ce qui nous a semblé au début. Il aurait
16 pu se produire des barrages soudains d'axes de communications ou
17 occupations des usines et il y avait un certain nombre d'usines très
18 intéressantes dans cette région, telles les usines militaires de Bugojno,
19 de Novi Travnik et de Vitez.
20 Mme Glumac (interprétation). - De quel genre d'usine s'agissait-
21 il à Vitez ? Quelle était son importance du temps de l'ex-Yougoslavie ?
22 M. Cilic (interprétation). - L'usine de Vitez "Vitezit" à un
23 moment donné était composée de trois usines qui constituaient un ensemble,
24 elle était l'une des usines les plus grandes des Balkans pour la
25 production de la dynamite et des explosifs. Elle employait environ 3 000
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1 personnes. Mais, elle faisait partie de l'ensemble de l'industrie
2 militaire de l'ex-Yougoslavie qui était pour la plupart basée en Bosnie
3 centrale. C'était l'un des chaînons très importants dans cette industrie
4 parce que sans Vitez et sans cette usine Vitezit, on ne pouvait pas avoir
5 de poudre ni d'explosifs de manière générale, donc on pourrait
6 pratiquement dire que c'était l'usine-clé dans l'ensemble du système de
7 l'industrie militaire de l'ex-Yougoslavie.
8 Mme Glumac (interprétation). - De la part de la JNA ou par les
9 Serbes de Bosnie, y a-t-il eu une attaque menée contre Vitez et à quel
10 moment ?
11 M. Cilic (interprétation). - A plusieurs reprises, les Croates,
12 les Croates seuls ont tenté d'empêcher que les armements ou des
13 équipements militaires ou des produits militaires soient transportés de
14 ces usines de Novi Travnik et de Vitez, puisque la JNA avait de plus en
15 plus besoin de ces produits des usines de Novi Travnik et de Vitez. Des
16 lance-roquettes, des canons étaient produits, des mortiers étaient
17 fabriqués à Novi Travnik et, comme je l'ai déjà dit, à Vitezit, la
18 dynamite, les explosifs la poudre.
19 De plusieurs manières, en nous organisant entre nous-mêmes, nous
20 avons essayé d'empêcher que ces produits ne partent, puisque nous savions
21 que cela était adressé au combat contre la Croatie et contre le peuple
22 croate et puis par un effet de ricochet, cela revenait en Bosnie-
23 Herzégovine puisque les unités de la JNA quittaient la Slovénie et la
24 Croatie et venaient s'installer en Bosnie-Herzégovine.
25 Alors, l'usine n'a pas arrêté de fonctionner, certes en
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1 fabriquant moins, et nous essayions d'empêcher que ces produits ne
2 quittent l'usine, mais c'était difficile puisque la JNA à l'époque était
3 encore très puissante, très forte et très influente et nombre d'hommes
4 politiques et de cadres exécutifs au niveau politique étaient encore
5 attachés à la JNA, avaient peur.
6 Mme Glumac (interprétation). - Y a-t-il eu un bombardement ? Un
7 pilonnage de Vitez par la JNA ?
8 M. Cilic (interprétation). – Oui, pour la première fois, il y a
9 eu des menaces le 26 avril 1992 et il y a eu un pilonnage, mais ce
10 pilonnage a été précédé par la reddition de l'armée de la caserne appelée
11 Draga, la caserne de la JNA de Busovaca.
12 Les soldats ont quitté cette caserne en abandonnant l'ensemble
13 de l'équipement et des armements, hormis leurs armes personnelles. Ils ont
14 été contraints à laisser à la population croate de Busovaca, le gros de
15 l'équipement, mais les avions de la JNA ont pilonné la zone de Vitez
16 quelques heures plus tard. Hormis les dégâts matériels, il n'y a pas eu
17 d'autres dégâts. Mais trois personnes sont mortes dans cette attaque, deux
18 Croates et un Musulman bosniaque. En plus des dégâts matériels, il y a eu
19 donc quelques bâtiments incendiés, détruits, etc..
20 Mme Glumac (interprétation). - Au moment de la constitution de
21 l'armée, vous avez dit que le noyau a été constitué par ces patrouilles de
22 village, et quelles ont été les étapes suivantes ?
23 M. Cilic (interprétation). - En parallèle, ce sont des
24 institutions du peuple croate qui se créent dans cette zone, de la même
25 manière que dans le reste du territoire de Bosnie-Herzégovine où les
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1 Croates étaient majoritaires. Est-ce que vous faites allusion à l'époque
2 où la communauté croate d'Herceg-Bosnie était constituée et par la suite
3 le conseil de défense croate ?
4 Mme Glumac (interprétation). - A l'époque où commence la
5 constitution des comités municipaux.
6 M. Cilic (interprétation). - Le début de la création des états-
7 majors municipaux, c'est au début de 1992, c'est là qu'ils existent déjà,
8 au début il n'y a pas eu de problème, la composition de ces états-majors
9 était mixte, mais au début de 1992, ces institutions du peuple croate ont
10 vu le jour, par exemple le 18 novembre 1992, la communauté croate de
11 Herceg-Bosnie a été créée et au début de 1992, le HVO.
12 Mme Glumac (interprétation). - Et que se passe-t-il du côté
13 bosniaque à ce moment concernant la constitution de l'armée ?
14 M. Cilic (interprétation). - Les Croates ont formé leurs unités,
15 parce qu'ils éprouvaient le besoin de faire face à l'agression serbe qui
16 était déjà manifeste, car dès le mois de janvier 1992, les Serbes étaient
17 près de la vallée de la Lasva, ils venaient de prendre possession de la
18 montagne de Vlacic qui est dominante, qui domine toute la Bosnie centrale.
19 Ils ont également pris possession d'un axe de communication très important
20 qui est stratégiquement important, qui s'appelle Komar, c'est à mi-chemin
21 entre Travnik et Gornji Vakuf ou plutôt sur cet axe qui relie la Bosnie
22 centrale à la Dalmatie, à la Bosnie occidentale et à la Croatie.
23 Cela a été le signe qu'il fallait s'organiser et faire face à
24 l'agression serbe. Autrement, ce qui nous attendait c'était le même sort
25 que celui de nombreuses parties de la Bosnie Herzégovine, ainsi que de la
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1 république de Croatie.
2 Et même avant la constitution du HVO, ces patrouilles de village
3 ont commencé à grandir en nombre et c'est là qu'ont commencé à apparaître
4 déjà les états-majors de crise, même à Vitez, dès le mois d'octobre 1991,
5 on a commencé un peu à se coordonner, à s'organiser à se préparer, bien
6 qu'on ne puisse pas parler d'organisation militaire sérieuse à l'époque,
7 mais il y avait des menaces, des inquiétudes et cela a incité les gens à
8 s'organiser eux-mêmes, et on a cherché évidemment à voir qui était à même
9 de coordonner, d'organiser ce genre de préparatifs, d'une défense
10 éventuelle contre les Serbes. Comme je vous ai dit, les menaces étaient
11 évidentes, puisque les communications étaient déjà coupées,
12 l'approvisionnement en produits alimentaires, en médicaments, devenait de
13 plus en plus difficile, étaient souvent empêchés, parce que cette route
14 qui nous reliait à la Dalmatie, à la Croatie était coupée.
15 Donc, on a été forcé de chercher d'autres solutions. Il y avait
16 une pénurie de tout. Nous avons construit une voie de communication, au
17 lieu d'aller à Split par des voies normales où on mettait trois heures
18 pour atteindre Split, maintenant, il nous en fallait quinze.
19 Mme Glumac (interprétation). - Alors comment le HVO s'est-il
20 armé ?
21 M. Cilic (interprétation). - Avant l'existence du HVO, on a
22 commencé à s'armer. Au début, c'étaient des fusils de chasse ou bien des
23 armes anciennes, Dieu sait d'où elles venaient, d'où les gens les avaient,
24 mais c'est là que le marché noir s'est mis également en place et c'est au
25 marché noir qu'on pouvait se procurer, acheter des armes. Je peux vous
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1 donner un exemple : Il y avait des cas où les gens vendaient la vache qui
2 nourrissait toute la famille pour se procurer une arme, car ils avaient
3 vraiment peur pour leur vie. Le plus important était d'avoir une arme.
4 Mais, le HVO s'arme de manière plus conséquente à partir du
5 moment où sont prises les casernes de l'ex-JNA. En fait, on devrait dire
6 que dès 1991, à part la décision des autorités officielles de Sarajevo,
7 tout l'armement de la TO, il s'agissait d'un nombre considérable d'armes,
8 toutes ces armes qui se trouvaient au sein de l'usine de Vitezit donc,
9 devaient toutes selon ces décisions, revenir à la JNA.
10 Donc, dès 1991, au mois de mai de cette année, les peuples
11 bosniaques et croates de Bosnie centrale étaient entièrement désarmés. Par
12 le truchement de la TO, on disposait de certaines quantités d'armes de
13 qualité, mais par cette décision qui a été prise en mai 1991, tout ceci a
14 été pris et nous nous sommes retrouvés sans rien. Mais environ un an plus
15 tard, plus précisément le 3 mai 1992, les unités militaires, je peux déjà
16 dire qu'il s'agissait effectivement d'unités militaires du HVO de
17 Novi Travnik et de Vitez, avant tout de Vitez, aidées par les unités de
18 Novi Travnik, ont pris possession d'un grand dépôt d'armement de Slimena
19 qui se trouve sur la municipalité de Travnik, mais qui se trouve entre les
20 municipalités de Travnik, Novi Travnik et Vitez, en fait, au croisement de
21 ces municipalités.
22 C'étaient les premiers conflits, les premières opérations
23 militaires entre opposants de la JNA et les Croates de Bosnie. C'est là
24 que nous avons compté les premières victimes croates. Je dois dire que
25 Ilija Petrovic et Josip Kurevija ont été les premières victimes croates
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1 et une quinzaine de garçons ont été blessés dans ces combats, mais nous
2 avons pu nous procurer de grandes quantités d'armement à cette occasion et
3 c'était très important.
4 Mme Glumac (interprétation). - Alors ces armements sont-ils
5 revenus uniquement au HVO ou ont-ils été partagés avec le TO ?
6 M. Cilic (interprétation). – Non, ce n'était pas uniquement le
7 HVO qui a disposé de ces armes, bien que le HVO ait été le seul à mener
8 cette opération et a perdu en vies humaines, mais pendant les jours qui
9 ont suivi, suite aux négociations, aux entretiens, nous sommes parvenus à
10 un accord et cet accord signifiait que l'ensemble de ce qui a été pris à
11 Slimena allait être partagé en deux, entre le HVO et la TO.
12 Mme Glumac (interprétation). – Puis-je procéder maintenant à la
13 présentation d'un document ou bien le reportons-nous à demain ?
14 Je demanderai l'aide de l'huissier s'il vous plaît.
15 M. le Greffier (interprétation). - Ce document portera la cote
16 D 17/2.
17 Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander à l'huissier
18 s'il vous plaît de passer le document au témoin.
19 Il l'a. Nous avons l'original également du document. Est-ce que,
20 s'il vous plaît, Monsieur le témoin, vous pouvez dire qui était le
21 commandant de la cellule de crise de la municipalité de Vitez ?
22 M. Cilic (interprétation). – C'était Ivan Santic.
23 Mme Glumac (interprétation). - Vous connaissez sa signature ?
24 M. Cilic (interprétation). – Oui, c'est très caractéristique.
25 Souvent, j'ai eu l'occasion de voir cette signature, étant donné que j'ai
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1 participé aux réunions de la cellule de crise et puis également aux
2 réunions du HVO.
3 Mme Glumac (interprétation). - Et le cachet également est de
4 Bosnie-Herzégovine ?
5 M. Cilic (interprétation). – Oui, effectivement à cette époque-
6 là, ce sceau était valable pour les deux parties, ce n'était pas dans le
7 sens classique de ce terme très strict la séparation entre les deux.
8 Mme Glumac (interprétation). - Y avait-il un ordre également
9 que tous les moyens qui ont été repris de l'entrepôt de l'entreprise
10 Travnik, d'autres installations également devaient être réparties sur un
11 pied d'égalité, ceci pour défendre Vitez et également au quartier-général
12 du HVO ?
13 M. Cilic (interprétation). - Mais tout à l'heure quand j'avais
14 parlé, j'ai dit que ceci prouve ce que j'avais dit lors de ma déclaration
15 de tout à l'heure. Il n'y a rien qui puisse être contesté. Il s'agissait
16 véritablement de la manière dont nous avons réparti les armes. C'est de
17 cette manière-là que nous avons réparti les armes, aussi bien les armes de
18 l'entrepôt que d'autres.
19 Mme Glumac (interprétation). - Tous ces moyens par conséquent
20 ont été repris de l'entrepôt de la Défense Territoriale. Par conséquent,
21 il s'agissait d'un entrepôt et de la JNA. Ce n'est pas la Défense
22 Territoriale qui a été mise en place ultérieurement en 1992.
23 M. Cilic (interprétation). - Si je peux faire un peu le
24 commentaire au sujet du document, la rédaction n'est pas tout à fait
25 bonne. Il s'agissait de l'entrepôt de la JNA, mais, un an auparavant, on
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1 avait donc pris les armes de toutes les municipalités de la Bosnie
2 centrale.
3 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
4 J'ai terminé. Nous pourrions peut-être faire la pause maintenant.
5 M. le Président. - Merci. Nous allons lever l'audience jusqu'à
6 demain 9 heures et, comme je vous le rappelle, nous allons faire une
7 audience de 9 heures à 13 heures 30.
8 (L'audience est levée à 13 heures 30.)
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