Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Mercredi 3 Mars 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures 10.

5 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

6 Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

7 L'affaire n° IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic,

8 Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et

9 Vladimir Santic.

10 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Maître Blaxill,

11 vous avez la parole.

12 M. Blaxill (interprétation). - Bonjour Madame, Monsieur le

13 Président, Madame, Monsieur les Juges, Bonjour. Conseils de la partie

14 adverse, bonjour. Monsieur le Président, cela pourrait vous aider que nous

15 parlions un petit peu du déroulement de la matinée ? Je crois que j'en ai

16 encore pour 30 minutes de contre-interrogatoire.

17 Monsieur Vidovic, la première question que j'ai à vous poser est

18 une question de forme, à savoir depuis la fin de l'audience d'hier avez-

19 vous discuté avec qui que ce soit ?

20 M. Vidovic (interprétation). - Non.

21 M. Blaxill (interprétation). - Eh bien, Monsieur, j'aimerais que

22 nous revenions au moment où vous avait été réveillé, parce que le

23 20 octobre 1992 et à nouveau le 16 avril 1993, vous nous avez dit avoir

24 été réveillé à 4 heures du matin les deux fois. Je crois que c'est exact ?

25 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Blaxill (interprétation). - Merci, Monsieur. La première

2 fois, vous avez été réveillé, je crois, par M. Dragan Vidovic, et la

3 deuxième fois par M. Slavko Papic ?

4 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

5 M. Blaxill (interprétation). - Eh bien, nous avons entendu de la

6 bouche d'un certain nombre de témoins qui ont déposé devant cette Chambre

7 et d'autres personnes que la première chose qui s'est passée le 16 avril,

8 c'est que ces personnes ont été réveillées par des bruits de coups de feu.

9 Alors est-il exact que cela s'est passé à peu près une heure et demie

10 après que vous-même avez été réveillé ce jour-là ?

11 M. Vidovic (interprétation). - A peu près à ce moment-là,

12 effectivement, peut-être quelques minutes plus tard.

13 M. Blaxill (interprétation). - Voyez vous, M. Ivo Vidovic, un

14 homme que vous connaissez, nous a dit ici que lui n'a été réveillé que par

15 les coups de feu le matin du 16 avril, et il était garde villageois. Alors

16 pouvez-vous nous expliquer pourquoi un garde villageois qui n'a pas

17 beaucoup participé aux patrouilles villageoises, à savoir vous-même, a

18 choisi d'être réveillé plus d'une heure avant les deux fois ?

19 M. Vidovic (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi ils m'ont

20 réveillé moi et pourquoi ils n'ont pas réveillé Ivo. Je pense que

21 quelqu'un a réveillé Dragan, que lui m'a réveillé moi et que chacun

22 réveillait l'autre au gré des circonstances. Il est possible que quelqu'un

23 ait pensé qu'il était déjà réveillé, ce genre de chose.

24 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur, ce 20 octobre, vous

25 saviez je pense, n'est-ce pas, quel était le problème en gros, parce que

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1 vous aviez vu les barrages routiers la veille, n'est-ce pas ?

2 M. Vidovic (interprétation). - C'est cela.

3 M. Blaxill (interprétation). - Donc vous saviez, n'est-ce pas,

4 que si un conflit se produisait, il se produirait sans doute dans le

5 secteur des barrages routiers, s'il devait y avoir un conflit ?...

6 M. Vidovic (interprétation). - Probablement.

7 M. Blaxill (interprétation). - Je crois vous avoir entendu nous

8 dire hier, Monsieur,

9 que 16 avril toutefois vous ne saviez pas ce qui se passait, vous croyiez

10 simplement qu'il devait y avoir un problème avec les Musulmans, mais vous

11 avez déclaré que vous n'aviez pas d'informations, vous ne saviez pas ce

12 qui se passait. N'est-ce pas ?

13 M. Vidovic (interprétation). - Oui, c'est cela.

14 M. Blaxill (interprétation). - Donc ce jour-là, sans connaître

15 la nature exacte de la menace potentielle, vous avez fait la même chose

16 que ce que vous aviez fait en octobre. Vous vous êtes levé, vous n'avez

17 pas envoyé votre famille dans un abri, vous êtes simplement allé dans la

18 maison de Sakic, au même endroit qu'avant. Alors, Monsieur, pouvez-vous

19 nous dire pourquoi vous n'avez pris aucune précaution pour votre famille

20 alors que, cette fois-ci, vous ne saviez pas quelle était la nature exacte

21 de la menace ?

22 M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, parce que je ne

23 connaissais pas la nature exacte de la menace, je n'ai pris aucune mesure

24 plus importante pour installer ma famille à Vitez ou ailleurs. Mais à ce

25 moment-là, en fait, je ne savais même pas où il aurait été le plus sûr

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1 d'installer ma famille.

2 M. Blaxill (interprétation). - Et pourtant, vous dites -si je ne

3 m'abuse- qu'à quelques mètres de votre maison, dans la maison des Vrebac,

4 il y avait un abri solide qui a été utilisé par pas mal de gens. N'est-ce

5 pas, Monsieur ?

6 M. Vidovic (interprétation). - Oui, les miens auraient pu aller

7 dans cet abri en quelques minutes.

8 M. Blaxill (interprétation). - J'aimerais que nous en arrivions

9 maintenant à ce moment où vous étiez dans ce vallon, dans les bois. Vous

10 dites qu'aux abords de ces bois, vous avez monté la garde avec un certain

11 nombre d'autres personnes. Est-ce exact ?

12 M. Vidovic (interprétation). - Vous parlez de quel conflit ?

13 M. Blaxill (interprétation). - Excusez-moi, je parle

14 exclusivement du 16 avril 1993 à présent.

15 M. Vidovic (interprétation). - Nous étions près de la maison de

16 Niko Sakic. Derrière sa maison, il y a un abreuvoir et, derrière, une

17 petite forêt. Derrière la maison de Niko, dans la direction d'Ahmici. Nous

18 sommes restés à deux. Les autres étaient derrière la maison de Niko.

19 Excusez-moi, vous avez créé un peu la confusion dans mon esprit

20 en parlant du 20 octobre 1992 et du 16 avril 1993 car, en fait, ce qui

21 m'est arrivé dans les deux cas est assez semblable.

22 Donc les soldats avec le visage peinturluré sont passés et, une

23 fois qu'ils sont passés, Mirko, Zoran, Mirca -j'utilise les diminutifs car

24 c'est plus facile pour moi, il est rare là-bas que nous nous adressions

25 les uns aux autres par notre prénom-, Dragan Vidovic, Dragan Samija donc

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1 sont partis dans le vallon qui se trouve à gauche de la maison des

2 Kupreskic. Moi, j'étais sur la route, à côté de la maison des Sakic, juste

3 à côté de la forêt, donc j'ai pu voir cela. Je suis parti à Bila Zemlja, à

4 gauche.

5 M. Blaxill (interprétation). - Donc ce groupe d'hommes est allé

6 dans ce petit vallon, dans ce creux du terrain, et je crois vous avoir

7 entendu décrire cet endroit comme étant entouré d'arbres, n'est-ce pas,

8 donc il y avait un écran d'arbres à cet endroit ?

9 M. Vidovic (interprétation). - Ce vallon est entouré d'arbres et

10 il est profond, trois à quatre mètres de profondeur.

11 M. Blaxill (interprétation). - Pourriez-vous me rappeler,

12 Monsieur, ce que vous avez compris comme étant l'objectif de ces hommes

13 qui sont allés dans le vallon. Est-ce qu'ils y allaient pour des questions

14 de défense ? Est-ce qu'ils y allaient pour monter la garde ? Quel était

15 leur objectif ?

16 M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, ils sont passés dans ce

17 vallon un peu comme moi qui suis parti avec un groupe d'hommes à

18 Bila Zemlja, donc ils s'y ont sont allés, comme moi, pour défendre les

19 abris.

20 M. Blaxill (interprétation). - Donc pour assurer cette

21 protection. Ces hommes étaient-ils armés ?

22 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

23 M. Blaxill (interprétation). - Etaient-ils tous armés ?

24 M. Vidovic (interprétation). - Je n'en suis pas sûr. Certains,

25 oui. Moi, j'avais un fusil.

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1 M. Blaxill (interprétation). - Mais je fais plus

2 particulièrement référence à ce groupe d'hommes qui sont allés dans cette

3 vallée, dans ce petit vallon. Vous nous dites qu'ils étaient armés

4 également ?

5 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

6 M. Blaxill (interprétation). - Excusez moi si je comprends mal

7 la situation, mais si ces hommes étaient dans une situation défensive, ils

8 se trouvaient à un endroit qui était en fait une petite clairière dans ce

9 vallon, n'est-ce pas, et ensuite, un peu plus loin, ils étaient entourés

10 d'arbres, c'est cela ?

11 M. Vidovic (interprétation). - Je ne dirais pas que cet espace

12 était une clairière, c'était un espace qui était protégé par des arbres et

13 par de la végétation. On ne voyait rien tant qu'on n'arrivait pas au bord.

14 M. Blaxill (interprétation). - Donc, à des fins de défense,

15 s'ils étaient à l'intérieur du vallon, ils n'auraient pas eu de vue sur un

16 ennemi qui se serait 'approché d'eux tant que cet ennemi n'aurait pas

17 traversé les bois, n'est-ce pas ?

18 M. Vidovic (interprétation). - Effectivement, mais quelqu'un

19 pouvait essayer de regarder par-dessus.

20 M. Blaxill (interprétation). - Donc, en fait, ces hommes se

21 plaçaient dans une situation de grand danger, n'est-ce pas, s'ils

22 voulaient constituer une force défensive parce que l'ennemi pouvait

23 s'approcher d'eux, tirer sur eux par-dessus les arbres et, eux, étaient

24 dans une situation de grand danger, ils étaient enfermés, ils étaient un

25 peu comme un rat dans un tonneau, si vous me permettez une expression

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1 familière.

2 M. Vidovic (interprétation). - Non, à mon avis, ce n'était pas

3 une bonne position, mais ces hommes n'avaient à l'époque pas de grandes

4 connaissances du point de vue de la stratégie militaire, donc voilà ils se

5 sont contentés de se placer au voisinage des abris.

6 M. Blaxill (interprétation). - A votre connaissance, est-ce que

7 l'un quelconque de ces hommes avait effectué son service militaire

8 national au sein de la JNA ?

9 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

10 M. Blaxill (interprétation). - Donc ils avaient tout de même un

11 entraînement minimum en tant que soldats, tous ?

12 M. Vidovic (interprétation). - Oui, mais depuis le service

13 militaire jusqu'à cette date, il s'était écoulé un certain temps.

14 M. Blaxill (interprétation). - Donc je crois vous avoir entendu

15 confirmer hier que dans cette position particulière, il était possible que

16 quelqu'un quitte le secteur sans que vous le voyiez en raison de la

17 distance entre vous et eux ?

18 M. Vidovic (interprétation). - Depuis l'endroit où je me

19 trouvais moi ?

20 M. Blaxill (interprétation). - Oui.

21 M. Vidovic (interprétation). - En effet.

22 M. Blaxill (interprétation). - Et je crois vous avoir entendu

23 dire précisément que si quelqu'un se dirigeait vers la maison des

24 Kupreskic à partir de ce vallon, vous n'auriez pas pu le voir.

25 M. Vidovic (interprétation). - Je n'ai pas dit cela. N'importe

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1 qui serait passé devant ma maison en passant devant la maison des Sakic,

2 puis le vallon, pour aller vers la maison des Kupreskic, je l'aurais vu.

3 Mais à partir du vallon, si quelqu'un était parti pour revenir ensuite, il

4 est probable que je ne l'aurais pas vu, à moins de regarder spécifiquement

5 dans cette direction.

6 M. Blaxill (interprétation). - Mais si quelqu'un avait quitté le

7 vallon pour aller dans la directions de la maison des Kupreskic, je vous

8 repose la question, est-ce qu'il eût été possible que vous ne voyiez pas

9 nécessairement ?

10 M. Vidovic (interprétation). - Je ne l'aurais pas vu

11 nécessairement.

12 M. Blaxill (interprétation). - Donc si ce groupe d'hommes

13 utilisait ce vallon ou cette clairière comme une espèce de zone de

14 sécurité qu'ils pouvaient quitter, où ils pouvaient revenir pendant la

15 journée et où ils étaient sûrs pendant qu'ils y étaient, vous n'auriez pas

16 pu suivre leurs mouvements pendant la journée ?

17 M. Vidovic (interprétation). – Je suis allé dans ce vallon trois

18 fois, je les ai vus, ces hommes, les trois fois où je suis allé dans le

19 vallon.

20 M. Blaxill (interprétation). – Etes-vous en train de dire que

21 chaque fois que vous êtes allé dans ce vallon, chacune des personnes qui

22 se trouvaient dans ce vallon au départ était présente à chacune des

23 visites que vous y avez faites ?

24 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

25 M. Blaxill (interprétation). – Je vois. Y a-t-il eu un moment

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1 quelconque où vous avez vu quelqu'un quitter ce vallon pour aller peut-

2 être dans les abris rendre visite aux membres de sa famille, donc aller

3 près de chez vous ?

4 M. Vidovic (interprétation). – J'aurais pu le voir mais je ne

5 l'ai pas vu, je n'ai vu personne partir.

6 M. Blaxill (interprétation). – Un instant, Monsieur le

7 Président, si vous permettez. A ce stade, Monsieur le Président, je crois

8 que j'en ai fini avec mon contre-interrogatoire, donc j'ai gagné

9 15 minutes par rapport au temps annoncé.

10 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Blaxill.

11 Maître Glumac ?

12 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président.

13 Bonjour, Madame et Monsieur les Juges. Merci, Monsieur le Président.

14 Bonjour, Monsieur Vidovic.

15 J'aimerais que vous éclaircissiez un point à l'intention des

16 Juges. Comment se fait-il que dans votre abri, ou plutôt dans votre

17 maison, la femme de Mirjan Kupreskic, Mira Kupreskic, soit arrivée ?

18 M. Vidovic (interprétation). – Zoran Kupreskic.

19 Mme Glumac (interprétation). – La femme de Zoran Kupreskic,

20 Mira Kupreskic. Et puis vous avez dit aussi que Jasna Safradin y est

21 venue. Il y avait aussi les membres de votre famille et il y avait aussi

22 les réfugiés de ces deux familles Didak. Pouvez-vous nous dire pourquoi

23 toutes ces personnes sont venues précisément dans votre maison ?

24 M. Vidovic (interprétation). – L'épouse de Zoran Kupreskic et

25 ses enfants sont venus dans ma maison car j'avais dit à Zoran qu'il

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1 pouvait amener sa famille dans ma maison, car nous avons une relation très

2 étroite. Il est le parrain de mes enfants et moi des siens, donc nous nous

3 connaissions bien. Les Didak, pourquoi sont-ils venus dans ma maison ?

4 Sans doute parce que dans l'abri de Vrebac, il y avait beaucoup de femmes,

5 d'enfants, de monde et sans doute que cet endroit ne leur convenait pas.

6 Or, ma maison était tout près de l'abri. Quant à Jasna Safradin et sa

7 fille, elles étaient aussi des voisines qui habitaient en face de ma

8 maison, c'était des gens qui nous rendaient souvent visite.

9 Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce que toutes ces

10 personnes sont venues dans votre maison pour se mettre à l'abri ?

11 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

12 Mme Glumac (interprétation). - Donc votre maison était traitée

13 comme une maison sûre en dépit du fait qu'elle n'avait pas de cave ?

14 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

15 Mme Glumac (interprétation). - Votre maison est-elle construite

16 solidement, est-elle moderne, plus ancienne ?

17 M. Vidovic (interprétation). – Ma maison est moderne et elle est

18 construite en matériel dur, il y a deux dalles de béton armé et des murs

19 portants en béton donc elle pouvait résister y compris aux pilonnages.

20 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que dans d'autres

21 situations, il est arrivé que des gens se mettent à l'abri dans votre

22 maison ?

23 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

24 Mme Glumac (interprétation). – Au moment du premier conflit,

25 entre les conflits ?

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1 M. Vidovic (interprétation). – Oui et par la suite aussi, quand

2 Buhine Kuce est tombé, la famille Dule* est venue dans ma maison et y est

3 restée quelques mois.

4 Mme Glumac (interprétation). - Votre maison était solidement

5 construite et vous la considériez comme un lieu sûr, n'est-ce pas ?

6 M. Vidovic (interprétation). – Oui, elle était assez loin des

7 lignes de confrontation, à 500, 600 ou 700 mètres, cela dépend de

8 l'endroit qu'on prend en compte. Elle était assez abritée, il y avait deux

9 ou trois maisons autour, quelques arbres.

10 Mme Glumac (interprétation). – Quelle était la nationalité de

11 vos voisins en général ?

12 M. Vidovic (interprétation). – En général, ils étaient croates.

13 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous dire combien de

14 familles musulmanes il y avait dans votre voisinage, dans votre

15 entourage ?

16 M. Vidovic (interprétation). – Il y avait la famille Podojak, la

17 famille de Rame Bilic, de son frère Zihad. Ils habitaient dans la même

18 maison, l'un au rez-de-chausée, l'autre à l'étage, et leur beau-frère.

19 Mme Glumac (interprétation). - Tous les autres étaient de

20 nationalité croate ?

21 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). – Bien. Alors vous avez parlé aussi

23 des événements survenus le matin du 16, je parle du deuxième conflit ou,

24 pour être plus précise, du début de la guerre dans la région de Vitez.

25 Donc vous vous levez aux alentours de 4 heures ?

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1 M. Vidovic (interprétation). – On me réveille aux alentours de

2 4 heures, je me lève, je m'habille, je sors de la maison vers 4 heures 10,

3 je me trouve devant la maison de mon frère qui se trouve dans la

4 direction de la maison de Niko Sakic, à trente ou quarante mètres de ma

5 maison. J'essaie de réveiller mon frère, il n'était pas chez lui. Je

6 prends la route, je rencontre Anto Vidovic et Ivica Vidovic, je pars avec

7 lui dans la direction de la maison de Niko Vidovic. Là, j'arrive aux

8 alentours de 4 heures 20-4 heures et demie à peu près.

9 Mme Glumac (interprétation). – Et là, vous trouvez des voisins,

10 en fait des voisins de Niko Sakic, n'est-ce pas ?

11 M. Vidovic (interprétation). – Oui.

12 Mme Glumac (interprétation). – C'est là que vous voyez Zoran et

13 Mirjan et leurs familles, n'est-ce pas ?

14 M. Vidovic (interprétation). – Oui aux alentours de 5 heures.

15 Mme Glumac (interprétation). - Dites-moi -parce que j'ai

16 constaté que la version qui a été inscrite au compte rendu hier n'était

17 pas tout à fait exacte-, combien d'enfants se trouvaient avec Zoran ?

18 M. Vidovic (interprétation). - Deux enfants.

19 Mme Glumac (interprétation). - Et Mirjan ?

20 M. Vidovic (interprétation). - Mirjan était accompagné également

21 de deux enfants et de sa belle-mère qui était malade. Elle n'habitait pas

22 chez lui, lui habitait seul.

23 Mme Glumac (interprétation). - Et il les a amenés par quel

24 moyen ?

25 M. Vidovic (interprétation). - Dans une charrette.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Il les a amenés par ce moyen ?

2 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

3 Mme Glumac (interprétation). - Ils prennent la direction de

4 votre maison. Vous avez déclaré que vous aviez parlé avec Zoran.

5 M. Vidovic (interprétation). - Oui, j'avais parlé avec Zoran et

6 je lui avais conseillé d'amener sa famille dans ma maison.

7 Mme Glumac (interprétation). - Et c'est après cela que le groupe

8 de soldats que vous avez décrit arrive. Mais par quel chemin ces soldats

9 sont-ils partis ?

10 M. Vidovic (interprétation). - Ils ont pris le chemin pour aller

11 vers le vallon dans la direction de la maison de Vlatko Kupreskic.

12 Mme Glumac (interprétation). - Donc dans la direction des

13 maisons Kupreskic ?

14 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y a un chemin à cet

16 endroit-là ?

17 M. Vidovic (interprétation). - Il n'y a pas de route à

18 proprement parler, mais une piste, un chemin. Près de la maison des Sakic,

19 il existait une route et c'est là qu'elle s'arrête. A partir de là, un

20 chemin commence et moi, j'utilisais ce chemin pour pour aller à l'école en

21 particulier, en traversant les champs.

22 Mme Glumac (interprétation). - Après cela, vous avez dit que

23 vous aviez vu Zoran et Mirjan revenir, n'est-ce pas ?

24 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et après, où est-ce qu'ils sont

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1 partis et avec qui ?

2 M. Vidovic (interprétation). - Ils sont partis dans le vallon

3 avec Mirko Sakic, Dragan Samija, Dragan Vidovic, donc dans ce vallon qui

4 se trouvait du côté gauche, parce qu'on peut pénétrer dans ce vallon de

5 face... Enfin, tout droit ou à droite ou à gauche. Eux sont entrés dans le

6 vallon à gauche. Ils sont passés devant l'étable du père d'Ivica, donc

7 pour atteindre le vallon par l'angle supérieur gauche.

8 Mme Glumac (interprétation). - Au moment où ils sont partis,

9 est-ce qu'il y avait déjà des coups de feu ou les coups de feu n'avaient

10 pas encore commencé ?

11 M. Vidovic (interprétation). - Au moment où ils ont pris le

12 départ, il n'y avait pas encore de coups de feu, mais rapidement les coups

13 de feu ont commencé et à ce moment-là, nous qui étions sur la route, nous

14 avons accéléré aussi. Il y en avait un qui avait oublié quelque chose, qui

15 s'est dépêché de rentrer dans sa maison. Anto Brnada n'était pas encore

16 là. Leur maison était de l'autre côté de la maison de Niko Sakic, donc

17 j'ai attendu un petit peu sur la route, devant la maisons de Niko, et j'ai

18 vu Zoran qui revenait avec la famille Didak.

19 Mme Glumac (interprétation). - Quand vous dites qu'il revenait,

20 vous voulez dire qu'il marchait de nouveau dans la direction de votre

21 maison ?

22 M. Vidovic (interprétation). - Oui, dans la direction de ma

23 maison.

24 Mme Glumac (interprétation). - Donc c'est la route qui mène vers

25 la maison des Santic ?

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1 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et quand les premiers coups de

3 feu ont été entendus, où est-ce que vous vous trouviez, vous, et quelle

4 heure était-il ?

5 M. Vidovic (interprétation). - Moi, je me trouvais entre ces

6 maisons, sur la route qui mène à l'endroit que j'ai déjà décrit et dont

7 j'ai dit que nous y étions allés, à savoir Bila Zemlja. Je ne sais pas

8 exactement quelle heure il était, mais je pense qu'il était sans doute

9 déjà aux alentours de 6 heures.

10 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il pouvait être plus

11 tôt ? Est-ce que vous avez un moyen de déterminer l'heure ?

12 M. Vidovic (interprétation). - Je n'ai aucun moyen de la

13 déterminer avec précision.

14 Mme Glumac (interprétation). - Vous n'avez pas vu Zoran quand il

15 est revenu de la maison des Santic après avoir emmené les Didak, donc la

16 deuxième fois ?

17 M. Vidovic (interprétation). - Non.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous les avez vus tous

19 les quatre : Zoran, Mirjan, Vidovic et Samija ? Est-ce que vous les avez

20 vus exactement s'installer dans le vallon et est-ce que vous les avez vus

21 s'installer là où vous avez dit qu'ils s'étaient installés, c'est-à-dire

22 près de l'étable, sous l'étable ?

23 M. Vidovic (interprétation). - Oui, à partir de la maison

24 des Sakic.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et quand vous revenez la deuxième

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1 fois, parce que vous dites qu'au cours de la matinée, vous êtes allé dans

2 le vallon deux fois...

3 M. Vidovic (interprétation). - Oui, à 8 heures et demie.

4 Mme Glumac (interprétation). - ...Est-ce que vous les trouvez au

5 même endroit dans le vallon ? Au même endroit où vous les avez vus la

6 première fois ?

7 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

8 Mme Glumac (interprétation). - S'agissant du choix de ce vallon,

9 le Procureur vous a interrogé sur ce sujet, savez-vous si ce vallon avait

10 été utilisé au cours de manoeuvres à l'époque de la JNA en tant

11 qu'entrepôt ou abri naturel ? Le savez-vous ou ne le savez-vous pas ?

12 M. Vidovic (interprétation). - Je ne le sais pas.

13 Mme Glumac (interprétation). - S'agissant du choix qui a été

14 choisi pour vous et du choix qui a été fait pour eux, est-ce que ce sont

15 ces hommes qui ont choisi les emplacements ?

16 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). - Et est-ce qu'à quelque moment que

18 ce soit, quelqu'un aurait dit qu'il aurait été préférable de choisir un

19 autre endroit, un endroit plus favorable, qu'il aurait fallu se

20 positionner de façon différente ?

21 M. Vidovic (interprétation). - Non.

22 Mme Glumac (interprétation). - Quelles sont les périphéries du

23 village qui ont été atteintes ? Je parle de Ahmici par rapport à Pirici

24 évidemment.

25 M. Vidovic (interprétation). - Atteintes par les coups de feu ?

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1 Mme Glumac (interprétation). - Oui, par les coups de feu.

2 M. Vidovic (interprétation). - Eh bien, quand on prend le chemin

3 qui mène à Ahmici, là-haut, à partir de la maison des Kupreskic et qu'on

4 passe devant la mosquée, il y avait des coups de feu qu'on pouvait

5 entendre dans la région des maisons Kupreskic, de la mosquée et dans

6 partie basse du village.

7 Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous, est-ce que vous avez

8 vu Mirjan et Zoran Kupreskic en uniforme jusqu'au 16 avril 1993 ?

9 M. Vidovic (interprétation). - Non.

10 Mme Glumac (interprétation). - Et comment étaient-ils habillés

11 ce jour-là ? Vous le rappelez-vous ?

12 M. Vidovic (interprétation). - Zoran portait une veste qui était

13 trop grande pour lui parce qu'il n'est pas particulièrement bien bâti. Il

14 avait des pantalons civils et il avait aussi des chaussures trop grandes

15 pour lui. Et Mirjan était habillé en civil, je me rappelle, et il avait de

16 chaussettes de laine, je me rappelle très bien, aux pieds, il était

17 habillé en civil.

18 Mme Glumac (interprétation). - Il y a quelques petits problèmes

19 au niveau du compte rendu anglais, donc je voudrais vous reposer une

20 question. Quand Zoran Kupreskic descend dans le vallon avec Mirjan, après

21 leur retour, après combien de temps est-ce que vous avez vu Zoran avec les

22 Didak ?

23 M. Vidovic (interprétation). - Après quelques minutes, deux,

24 trois minutes peut-être.

25 Mme Glumac (interprétation). - Donc pratiquement tout de suite

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1 après leur descente dans le vallon, n'est-ce pas ?

2 M. Vidovic (interprétation). - Oui.

3 Mme Glumac (interprétation). - Et où est-ce que vous voyez les

4 Didak ? Vous les voyez pour la première fois avec Zoran ou vous les voyez

5 avant ?

6 M. Vidovic (interprétation). - Je les vois avec Zoran, ils

7 sortent du vallon et ils s'approchent de moi tous ensemble.

8 Mme Glumac (interprétation). - Bien, merci Monsieur Vidovic. Je

9 n'ai plus de questions.

10 M. le Président (interprétation). - Merci, Madame Slokovic-

11 Glumac.

12 J'ai une question ou deux. Monsieur Vidovic, vous pouvez nous

13 aider beaucoup en clarifiant certains éléments. Vous avez dit que le

14 16 avril 93, on vous a réveillé à 4 heures du matin. Un ami, un collègue,

15 je ne me souviens plus son nom. Mais à ce moment-là, quand il vous a

16 réveillé, est-ce que vous lui avez posé la question de savoir pourquoi il

17 vous réveillait aussi tôt le matin ? Est-ce que vous avez voulu savoir

18 quelle en était la raison ?

19 M. Vidovic (interprétation). - Je lui ai posé la question. C'est

20 Slavko Papic qui a frappé à ma porte, qui m'a réveillé. J'ai déjà dit que

21 ma chambrée était à l'étage. J'ai ouvert la fenêtre. Je n'étais pas

22 habillé, alors je lui ai demandé : "Qu'est-ce qu'il y a ?", et il m'a dit

23 qu'il fallait que je me joigne à la patrouille, qu'il fallait qu'il y ait

24 plusieurs personnes réveillées à cause d'éventuels problèmes qui pouvaient

25 surgir, étant donné que nous avions déjà eu une expérience avec des

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1 conflits antérieurs, des vols, des choses comme ça. Donc c'était pour

2 renforcer la sécurité qu'il fallait se lever plus tôt.

3 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous avez dit aussi

4 que vous avez je crois passé trois jours dans la région, à partir du

5 16 avril. Donc le 16, le 17 et le 18 avril. Ma question est la suivante :

6 le 16 ou le 17 avril, est-ce que vous avez vu quelques troupes ou quelques

7 soldats musulmans ?

8 M. Vidovic (interprétation). - Non. Je n'ai pas pu voir Ahmici.

9 Par rapport à

10 l'endroit où moi j'étais, il y a... Comment dirais-je ? Il y a une pente

11 vers la partie opposée par rapport à moi, donc je ne pouvais pas voir. Et

12 devant moi, il y avait des maisons, donc cela me bloquait la vue.

13 M. le Président (interprétation). - Merci. Et à un certain

14 moment, le 16 ou bien le 17, est-ce que vous avez remarqué une maison

15 croate détruite ou pilonnée ou incendiée ?

16 M. Vidovic (interprétation). - Je sais que quelques obus sont

17 tombés dans la région de Zume, même au-dessous de ma maison.

18 M. le Président (interprétation). - Je vois, mais après le

19 16 avril, est-ce que vous avez remarqué des maisons croates qui auraient

20 été par exemple complètement détruites à cause du pilonnage ou bien d'un

21 incendie ?

22 M. Vidovic (interprétation). - Une maison, la maison de

23 Gavro Vidovic à Vitez a été brûlée, et la maison de sa soeur à

24 Gornji Pirici a, elle aussi, été détruite.

25 M. le Président (interprétation). - Gornji Pirici, je vois.

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1 Merci beaucoup. Je suppose qu'il n'y a pas d'objections à ce que le témoin

2 se retire. Monsieur Vidovic, merci d'être venu témoigner devant le

3 Tribunal. Maintenant, vous pouvez disposer.

4 (Le témoin quitte le prétoire.)

5 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

6 M. le Président (interprétation). - Je suppose que c'est

7 M. Sakic.

8 Bonjour, Monsieur Sakic. Veuillez lire la déclaration

9 solennelle, s'il vous plaît.

10 M. Sakic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

11 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

12 M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous

13 asseoir. Maître Slokovic-Glumac ?

14 Mme Glumac (interprétation). - Merci beaucoup, Monsieur

15 le Président.

16 Bonjour, Monsieur Sakic.

17 M. Sakic (interprétation). - Bonjour.

18 Mme Glumac (interprétation). - Veuillez décliner votre identité,

19 s'il vous plaît.

20 M. Sakic (interprétation). - Je suis Mirko Sakic. Je suis né le

21 3 janvier 1960 à Vitez.

22 Mme Glumac (interprétation). - Où habitez-vous ?

23 M. Sakic (interprétation). - J'habite à Vitez.

24 Mme Glumac (interprétation). - Quelle a été votre formation ?

25 M. Sakic (interprétation). - Je suis dans le secteur du génie

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1 civil, dans le domaine de la construction.

2 Mme Glumac (interprétation). - Veuillez-nous dire ce que vous

3 faisiez en 1992.

4 M. Sakic (interprétation). - Je travaillais dans l'entreprise

5 Vitko* de Vitez. C'est un service communal et j'étais chargé des

6 réparations de construction. Je faisais ce travail depuis plusieurs années

7 déjà et, en 1992, j'étais actif sur plusieurs chantiers qui existaient,

8 entre autres par exemple le dernier chantier où j'ai travaillé s'appelait

9 "la voie du salut" entre Gornji Vakuf et Travnik.

10 Mme Glumac (interprétation). - Et qui construisait cette route ?

11 M. Sakic (interprétation). - C'étaient toutes les municipalités

12 de la Bosnie centrale, donc une partie était assurée par la municipalité

13 de Zenica, puis par la municipalité de Travnik, puis par la municipalité

14 de Busovaca, et Busovaca et Vitez étaient ensemble. Elles ont fait une

15 partie ensemble, 14,5 kilomètres.

16 Mme Glumac (interprétation). - Quand ceci a-t-il été construit ?

17 M. Sakic (interprétation). - La route était en cours de

18 construction vers le milieu de 92.

19 Mme Glumac (interprétation). - Et pourquoi ?

20 M. Sakic (interprétation). - Etant donné que l'enclave était

21 complètement coupée, les routes vers Konira* étaient coupées à cause de la

22 présence des Serbes, alors que c'est par là qu'il fallait passer pour

23 approvisionner la population, donc c'est pour cela qu'on l'appelait "la

24 route du salut".

25 Après cela, j'ai travaillé là pendant une certaine période, mais

Page 7266

1 le chantier a été fermé vers la deuxième moitié de l'an 92. Donc j'ai

2 arrêté de travailler temporairement et je suis resté à Vitez. J'ai

3 commencé à travailler pour une société de construction à Vitez. Et j'ai

4 également commencé à travailler pour l'organisation humanitaire UNHCR,

5 c'était dans la deuxième moitié de 92.

6 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous avez commencé à

7 travailler pour l'UNHCR ?

8 M. Sakic (interprétation). - Non, pas tout de suite, au début

9 j'ai travaillé pour une autre organisation humanitaire américaine, l'URCN,

10 et c'est par la suite que j'ai commencé à travailler pour l'UNHCR, c'était

11 vers la fin de 92.

12 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur Sakic, mais

13 veuillez ralentir votre débit étant donné qu'il est difficile pour les

14 interprètes de vous suivre. Donc veuillez répéter en quelle année vous

15 avez commencé à travailler pour cette organisation

16 humanitaire.

17 M. Sakic (interprétation). - C'était l'organisation humanitaire

18 qui s'appelait IRC.

19 Mme Glumac (interprétation). - Donc c'était un comité de salut

20 national ?

21 M. Sakic (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Et vous avez travaillé pour eux

23 jusqu'à quelle période ?

24 M. Sakic (interprétation). - Jusqu'à la fin de l'an 95.

25 Mme Glumac (interprétation). - Où avez-vous habité en 92 ?

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1 M. Sakic (interprétation). - Dans le village de Pirici qui se

2 trouve dans la communauté locale de Ahmici.

3 Mme Glumac (interprétation). - Veuillez montrer sur la carte où

4 se trouve votre maison.

5 (Le témoin indique l'emplacement.)

6 Très bien. Et qui étaient vos voisins musulmans les plus

7 proches ?

8 M. Sakic (interprétation). - Mes voisins musulmans les plus

9 proches étaient Sulejman Ahmic qui avait une maison de campagne ici, étant

10 donné qu'il habitait en ville, ensuite trois familles Bilici, l'une

11 d'elles habitait à l'étranger et deux étaient sur place, la famille Bilici

12 habitait ici.

13 Mme Glumac (interprétation). - Et qui étaient vos voisins

14 croates les plus proches ?

15 M. Sakic (interprétation). – Mes voisins croates les plus

16 proches, c'était ici, la famille de Samija Nikolo, Grgic Drago, Puda et

17 puis la famille Kupreskic, trois ou quatre maisons de la famille

18 Kupreskic, donc c'est ici qu'ils vivaient.

19 Mme Glumac (interprétation). - Très bien, merci. Veuillez vous

20 asseoir.

21 Comment s'appelait cette partie du village ?

22 M. Sakic (interprétation). – La partie du village où nous avons

23 vécu s'appelait Zume, c'était la partie inférieure. En fait, Zume couvrait

24 aussi les parties de deux ou trois villages différents. Ils s'appelaient

25 Zume, donc.

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1 Mme Glumac (interprétation). – Et officiellement, votre village

2 est Pirici ?

3 M. Sakic (interprétation). – Oui, officiellement c'est Pirici et

4 ma maison se trouve à peu près à 15 mètres par voie aérienne par rapport à

5 Ahmici, donc c'est là que se trouve la frontière entre les deux villages.

6 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous fait partie des

7 patrouilles villageoises ?

8 M. Sakic (interprétation). – Durant cette période-là, je n'ai

9 pas participé aux patrouilles villageoises à Pirici. J'ai dû m'acquitter

10 d'une sorte d'obligation de travail et les patrouilles villageoises ont

11 commencé dans la première moitié de 1992, à cause du danger imminent de la

12 guerre qui devenait de plus en plus concret. A l'époque, il s'agissait

13 surtout de personnes qui étaient au chômage, c'était la grande majorité de

14 la population étant donné que rien ne fonctionnait plus. Mais par la

15 suite, je crois que j'ai participé une fois à la patrouille villageoise et

16 je pense que la raison en était que les gens qui étaient sur place se

17 plaignaient, ils disaient : "C'est moi toujours qui fais des tours de

18 garde et toi jamais". Alors c'est pourquoi j'ai décidé d'y participer une

19 fois et durant cette période-là, j'avais déjà commencé, c'était dans la

20 deuxième moitié de cette année, le Régiment britannique de la Forpronu est

21 arrivé sur place et moi, étant donné que j'avais déjà travaillé pour

22 Horizont, j'ai réussi à travailler pour eux aussi. Donc j'étais plutôt

23 très occupé pendant toute cette période-là.

24 Mme Glumac (interprétation). – Aviez-vous des armes ?

25 M. Sakic (interprétation). – Oui, j'avais un revolver et un

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1 fusil de chasse, j'avais un permis étant donné que je faisais partie de

2 l'association des chasseurs et après la chute de Jajce, j'ai acheté un

3 fusil automatique. C'était très facile d'en acheter à l'époque.

4 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous vous rendiez sur

5 les lignes de

6 front ?

7 M. Sakic (interprétation). – Non, je n'y suis jamais allé en

8 tant que soldat, sur la ligne de front, mais en tant que spécialiste de

9 génie civil, je suis allé dans la partie vers Mravinjac et Novi Travnik

10 dans la deuxième moitié de l'année 1992 et avec mon unité, nous

11 construisions des abris, des fortifications.

12 Mme Glumac (interprétation). - Et ces positions que vous

13 mentionnez, c'étaient des positions de la ligne vers les Serbes ?

14 M. Sakic (interprétation). – Oui, oui, vers les Serbes.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez certaines

16 connaissances concernant le premier conflit qui a éclaté à Ahmici le

17 20 décembre 1992 ?

18 M. Sakic (interprétation). – Je peux vous raconter la manière

19 dont, moi, j'ai vu ce conflit et le moment où je me suis trouvé au sein de

20 ce conflit. Comme vous le savez, le conflit a commencé le 20 octobre 1992,

21 et pour moi cela avait commencé ce matin-là. Je n'étais pas au courant

22 qu'il y avait quelque chose qui s'était passé déjà. C'est par la suite que

23 j'ai appris qu'il y avait eu certains barrages routiers qui avaient été

24 établis, mais comme je suis rentré tard du travail, je n'étais pas au

25 courant. Le matin du 20 octobre, vers 4 heures et demie du matin, c'est

Page 7270

1 mon père qui m'a réveille et qui m'a dit de descendre .Moi, je suis

2 descendu et ma femme et mes enfants sont restés dans la chambre. Je

3 croyais qu'il s'agissait là d'une autre fausse alerte, c'était très

4 souvent le cas, étant donné que la maison était l'unique maison qui avait

5 une cave dans cette partie-là, elle servait d'abri pendant des alertes ou

6 des conflits. Le premier conflit.

7 Donc 10 ou 15 minutes plus tard, je suis descendu. Je ne me suis

8 pas dépêché, je me disais que c'était encore une alerte peu importante, je

9 n'ai pas pris cette situation très aux sérieux.

10 Mme Glumac (interprétation). - Lorsque vous dites que vous

11 n'étiez pas au courant du barrage routier, vous n'avez pas quitté votre

12 maison le 19 ?

13 M. Sakic (interprétation). – J'étais à Vitez le 19, dans la

14 ville de Vitez, j'y ai passé toute la journée et je suis rentré le soir.

15 Mme Glumac (interprétation). - Comment se fait-il que vous

16 n'ayez pas remarqué le barrage routier sur la route ?

17 M. Sakic (interprétation). – - Il se trouvait à l'opposé de la

18 route que j'ai prise. Je n'ai pas pu le voir, je l'ai vu seulement plus

19 tard après les conflits.

20 Mme Glumac (interprétation). - Donc que s'est-il produit ce

21 matin-là ? Votre père vous a réveillé ?

22 M. Sakic (interprétation). – Oui, il m'a réveillé vers 4 heures

23 et demie du matin. Je suis descendu devant la maison, et des voisins ont

24 commencé à se rassembler. C'étaient les familles Samija, de Drago Grgic,

25 puis certains des Puda, c'est eux qui se sont rassemblés devant la maison.

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1 Donc je suis sorti 10 ou 15 minutes après que mon père m'a

2 réveillé, je suis descendu. Il y avait des membres de cette famille devant

3 ma maison, nous avons discuté entre nous et à vrai dire nous avons tous

4 été d'avis qu'il s'agissait d'une fausse alerte. C'est ainsi que nous y

5 sommes restés pendant un certain laps de temps et, vers 5 heures du matin,

6 nous avons entendu un discours, de la musique venant de la direction de la

7 mosquée. Je ne peux pas identifier le discours étant donné que je ne

8 comprenais pas vraiment son contenu. Ce n'était pas clair pour moi. Et peu

9 après, quelques secondes peut-être plus tard, nous avons entendu une

10 double détonation et après cela, il y a eu un silence de mort pour ainsi

11 dire qui a commencé à régner. Ma famille est descendue tout de suite dans

12 la cave et nous étions tous devant. Nous ne savions pas ce qui se passait,

13 nous ne savions pas ce que nous attendions, nous attendions une sorte

14 d'évolution, de développement de la situation, mais nous étions perplexes

15 à vrai dire.

16 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que ces familles

17 sont allées dans l'abri ?

18 M. Sakic (interprétation). – Ces familles de voisins sont toutes

19 allées dans l'abri et nous, nous étions devant, nous y sommes restés

20 pendant une heure, une heure et demie peut-être.

21 Mme Glumac (interprétation). - Quand vous dites "nous" vous

22 parlez des voisins, des hommes ?

23 M. Sakic (interprétation). – Oui, bien sûr.

24 Nous étions là devant la maison et après un peu de temps, vers

25 6 heures et demie peut-être, nous avons entendu des coups de feu puissants

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1 venant de la direction du cimetière. A ce moment-là, les voisins de Zume

2 sont venus nous rejoindre pour voir si nous étions au courant de ce qui se

3 passait. C'était Zdravko Vrebac, Pero Jelic, Milutin Vidovic,

4 Dragance Vidovic et puis certains autres. Peut-être il y en a que j'ai

5 oubliés. Ils sont arrivés et à un moment, quelqu'un a dit : "Mais les

6 Kupreskic ne sont pas descendus".

7 Nous étions près de mon garage à côté de la maison et à ce

8 moment-là, Zdravko Vrebac, Milutin Vidovic et Dragance Vidovic sont allés

9 vers la maison des Kupreskic et quelques minutes plus tard, ils sont

10 rentrés avec leurs familles à eux. Il y avait Zoran, Mirjan, leurs femmes

11 et leurs enfants. Et il sont allés dans la direction de Zume et plus tard,

12 quand ils sont revenus, j'ai entendu que leurs femmes et leurs enfants

13 étaient partis chez la soeur de Zoran et Mirjan Kupreskic, Ziruca Rajic,

14 née Kupreskic.

15 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce qu'ils sont rentrés ?

16 M. Sakic (interprétation). – Oui, bien sûr, ils sont rentrés et

17 c'est là que nous étions tous ensemble, dans ce vallon.

18 Mme Glumac (interprétation). - Où est-ce que vous vous êtes

19 placés ?

20 M. Sakic (interprétation). – Nous sommes restés dans le vallon,

21 entre ma maison et la maison de Kupreskic. Il s'agit d'un abri naturel.

22 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous le montrer sur la

23 photo aérienne ?

24

25 M. Sakic (interprétation). – Oui, bien sûr.

Page 7273

1 (Le témoin indique l'emplacement.)

2 Le vallon se trouve ici. Il est encerclé de tous les côtés. De

3 ce côté, il y avait un bois, un autre bois de l'autre côté, puis des

4 buissons ici. Et le vallon avant, dans l'état ancien, servait d'endroit de

5 rassemblement de la population en cas de danger, de guerre potentielle,

6 étant donné qu'il était impossible de causer quelque dommage que ce soit

7 dans cette partie-là par des tirs d'infanterie.

8 Mme Glumac (interprétation). - Très bien, merci. Que s’est-il

9 produit ce jour-là ? Vous étiez sur place, vos voisins étaient là. Est-ce

10 que vous avez participé à quoi que soit ?

11 M. Sakic (interprétation). – Absolument personne de ces voisins,

12 je veux dire il n'y a eu absolument aucun échange de tirs dans cette

13 partie-là. Tout ce que l'on entendait, c'étaient de coups de feu venant de

14 la direction du cimetière.

15 Mme Glumac (interprétation). - Et est-ce que vous avez vu autre

16 chose ? Avez-vous vu des maisons incendiées, quelque chose se passer dans

17 le village ?

18 M. Sakic (interprétation). – Les coups de feu ont continué

19 jusque dans l'après-midi. Et durant cette période, la plupart des

20 habitants musulmans de Zume sont passés par la route au-dessous. Je peux

21 montrer sur la carte, c'est la route vers Gornji Ahmici.

22 Mme Glumac (interprétation). – Oui, veuillez montrer la route.

23 (Le témoin s'exécute.)

24 M. Sakic (interprétation). – C'est la route. Toute la population

25 de cette partie-là est passée par cette route. Je ne peux pas vous dire si

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1 c'est vraiment toute la population, mais j'ai l'impression car on peut

2 voir ça depuis ma maison. Ma maison était là et ils sont passés par ici,

3 donc j'ai pu les voir.

4 Mme Glumac (interprétation). – A quelle heure les avez-vous vus

5 passer ?

6 M. Sakic (interprétation). - Je pense qu'ils ont commencé à

7 passer déjà dans la

8 première moitié de la journée. Mais je ne sais pas très exactement.

9 Mme Glumac (interprétation). - C'était la population musulmane,

10 n'est-ce pas ? C'est ce que vous avez dit ?...

11 M. Sakic (interprétation). – Oui.

12 Mme Glumac (interprétation). - Où partaient-ils ? Qu'avez-vous

13 vu ?

14 M. Sakic (interprétation). - J'ai vu qu'ils passaient par ici

15 puisque je n'ai pas pu voir plus loin de toute façon. Ici, il y avait la

16 route qui passait au-dessous et puis après ils montaient, mais je ne sais

17 pas. Je ne peux pas vous dire plus de détails.

18 Mme Glumac (interprétation). - Très bien, merci. Après que les

19 coups de feu ont cessé, est-ce que la situation à Ahmici s'est calmée,

20 est-ce que les Musulmans sont rentrés ?

21 M. Sakic (interprétation). - Les coups de feu ont cessé dans

22 l'après-midi et c'est seulement au bout de trois ou quatre jours que les

23 gens ont regagné leurs maisons. A ce moment-là, les Kupreskic ont regagné

24 leurs maisons aussi. Donc c'était à peu près au même moment que les

25 Musulmans.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi ? Pouvez-vous me dire

2 pourquoi les Kupreskic ne sont pas rentrés plus tôt ?

3 M. Sakic (interprétation). – Probablement qu'ils avaient peur.

4 Non pas probablement, bien sûr ils avaient peur. Nous avions tous peur

5 d'une possibilité que le conflit connaisse une escalade et s'étende à

6 d'autres régions aussi.

7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que certaines réunions ont

8 été tenues, afin de calmer la situation, de parvenir à la réconciliation ?

9 M. Sakic (interprétation). - Quelques jours après le conflit,

10 une réunion a eu lieu dans l'école primaire à Ahmici et la plupart des

11 hommes y ont assisté des deux côtés : côté musulman et côté croate.

12 En ce qui concerne la municipalité, il y a eu je crois

13 Ivica Santic et Pero Skopljak

14 en tant que dirigeants de la partie croate qui étaient là.

15 Personnellement, j'ai pas assisté à la réunion, mais mon père l'a fait et

16 il m'a dit qu'ils parlaient de la possibilité de faire arrêter

17 l'exacerbation des passions afin d'éviter une extension du conflit dans

18 ces villages. Après cela, je pense que même certaines décisions ont été

19 adoptées, afin d'offrir un dédommagement aux personnes dont les maisons

20 avaient subi des dommages. Par exemple, la maison de Mehmed Ahmic Sudzuka

21 qui avait brûlé, puis quelques locaux je pense. Les locaux de

22 Miro Josipovic qui avaient brûlé et quelques autres locaux ou maisons qui

23 avaient brûlé aussi. Je ne sais pas très exactement qui sont les

24 propriétaires.

25 Donc j'ai attendu à peu près qu'une telle décision ait été

Page 7276

1 adoptée de les aider avec le matériel de construction, quelque chose comme

2 cela.

3 Mme Glumac (interprétation). – Donc le but de cette réunion dans

4 l'école, comme vous l'avez dit, c'était de calmer la situation, d'empêcher

5 l'escalade du conflit ?

6 M. Sakic (interprétation). - Le but du conflit a été tout

7 d'abord d'empêcher l'escalade du conflit et d'essayer de rétablir la

8 confiance et, d'après ce que j'ai entendu, ils ont même essayé de se

9 mettre d'accord, de créer de nouveau les patrouilles villageoises

10 conjointes. Mais je crois que peu de jours plus tard, ceci a arrêté de

11 fonctionner de nouveau.

12 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire quel est

13 le nom de votre père ?

14 M. Sakic (interprétation). - Mon père s'appelle Niko Sakic.

15 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Est-ce que vous savez

16 également qui avait participé du côté des Musulmans à cette réunion ? Qui

17 avait été intégré dans ce type d'actions qui ont été entreprises en vue de

18 réconcilier les deux groupes ethniques ?

19 M. Sakic (interprétation). - Je ne le sais pas, malheureusement.

20 Je sais qu'il y avait un certain nombre de responsables au niveau de la

21 municipalité, de la commune. Il y avait également un certain nombre de

22 représentants de villageois, mais je ne peux pas vous dire

23 exactement.

24 Mme Glumac (interprétation). – Cette situation a changé, elle

25 s'est dégradée ou est-ce que cette situation a changé depuis le premier

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1 conflit ?

2 M. Sakic (interprétation). - Depuis le premier conflit, il y

3 avait plein de choses qui s'étaient produites. D'abord, trois ou quatre

4 jours après le premier conflit, Jajce est tombée, il y avait un très grand

5 nombre de réfugiés qui étaient arrivés de Jajce. Il y avait beaucoup de

6 réfugiés provenant de Jajce. Ils ont été armés. Il y avait un manque de

7 confiance, l'insécurité également, car la plupart des Croates qui sont

8 arrivés de Jajce ont continués vers Tomislav Grad et vers la Croatie,

9 alors que des Musulmans sont restés à Busovaca et une partie de Musulmans

10 est partie à Zenica, d'autres sont restés à Vitez et dans les villages

11 environnants.

12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'entre les deux guerres,

13 entre les deux conflits, donc fin 1992 et début 1993, il y avait des

14 situations où vous avez remarqué que la population était obligée de se

15 déplacer, que les Croates ou les Musulmans, ou les deux, étaient obligés

16 de partir des villages, de se déplacer vers d'autres maisons à une plus

17 grande distance ?

18 M. Sakic (interprétation). – Oui, il y avait des alertes qui

19 étaient pratiquement permanentes et il y avait cette ambiance d'insécurité

20 qui régnait dans la région. Il y avait des détonations et des tirs en

21 provenance de Travnik. Il y avait également des gens qui revenaient de ces

22 lignes de front, les Musulmans allaient vers Cekrcici et cette ligne de

23 front. Ils avaient des équipes, ils se relevaient en permanence et les

24 gens revenaient apporter des informations différentes. Il y avait cette

25 ambiance d'insécurité. Souvent, il y avait des fausses alertes. La

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1 population était inquiète et préoccupée trois ou quatre fois, par exemple,

2 il y a eu des groupes de personnes qui sont venues autour de ma maison,

3 dans mon abri, car ils avaient peur que quelque chose se passe, mais rien

4 ne s'est passé.

5 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez travaillé pour le

6 Comité européen des réfugiés, c'est une organisation internationale,

7 l'IRC, qui avait le siège à Vitez à ce moment-là ?

8 M. Sakic (interprétation). – Oui, à cette époque-là, le 15, j'ai

9 commencé à travailler dans cette organisation internationale dont le

10 sigles est ICR et j'ai travaillé comme ingénieur sur le terrain. Je

11 voyageais, je me suis déplacé à plusieurs reprises et je dois dire

12 qu'ensemble avec cette organisation, je me suis déplacé pour aller à

13 Trnovo. Ce n'est pas très loin par rapport à Gorazde. Nous avons établi un

14 camp de réfugiés à Grebak. A Vitez, dans l'usine où j'ai travaillé, nous

15 avons fait un certain nombre de maisons, des montages, et c'est pourquoi

16 nous avons transféré en direction de Trnovo ces installations et nous les

17 avons montées à Grebak.

18 Ensuite, il y avait six autres cabanes -si je peux dire- que

19 nous avons faites en pièce détachées. Nous avons fait ces six cabanes en

20 planches, que nous avons montées sur place.

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que l'IRC, avant le

22 premier conflit, a transféré son siège de Vitez et où sont-ils partis ?

23 M. Sakic (interprétation). - Dès le début de l'année, cette

24 organisation a transféré son siège à Zenica étant donné qu'ils se sont

25 élargis au point de vue nombre et ce sont les premières personnes qui sont

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1 arrivées et qui se sont installées d'abord chez nous.

2 Ensuite, ils ont transféré leurs locaux à Zenica et c'est le

3 15 mars, je pense, qu'ils ont transféré leur siège de Vitez à Zenica et

4 ceci d'une manière assez urgente. Je le sais car j'avais un ami qui a été

5 obligé d'avoir la place pour ses enfants dans une garderie, dans un jardin

6 d'enfants et quelques jours plus tard, il était obligé de partir en

7 vitesse à Zenica.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que le départ de cette

9 organisation humanitaire de Vitez était dû également à cette situation

10 d'insécurité ?

11 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas, moi j'étais leur

12 collaborateur à Vitez et j'ai continué à coopérer avec eux, je suis allé

13 avec eux à Gorazde, je ne peux pas vous dire les raisons pour lesquelles

14 ils ont transféré leur siège.

15 Mme Glumac (interprétation). - A la veille du deuxième conflit,

16 le 15 avril 1993, où vous êtes-vous trouvé ? Qu'avez-vous fait ?

17 M. Sakic (interprétation). - Quelques jours avant le deuxième

18 conflit, nous avons terminé le montage de ces cabanes, il y en avait six

19 au total. Nous les avons chargées dans un camion à Vitez et pour le

20 vendredi à 6 heures 30, il fallait que je me rende à Kaonik et pour

21 continuer la route vers Trnovo. Le jeudi, donc la veille, j'étais au

22 travail, je suis resté très tard. A 7 heures du soir, j'étais encore à mon

23 poste de travail. Ce n'est qu'après que je suis rentré et je pensais me

24 préparer pour partir le lendemain matin, comme j'ai dit, le vendredi, avec

25 ce camion, et mon père m'avait informé que la famille d'Ivica Kupreskic

Page 7280

1 était de retour d'Allemagne et comme mon épouse a été en Allemagne trois

2 ou quatre jours avant… ses enfants d'Ivica sont arrivés également dans la

3 région, je suis allé vers 8 heures du soir, le jeudi donc, pour les voir

4 car il y avait des rumeurs selon lesquelles on ne pouvait ni partir ni

5 retourner dans le vallon. Dans la vallée.

6 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous nous montrer, s'il

7 vous plaît, sur la carte où se trouve par rapport à votre maison la maison

8 d'Ivica Kupreskic ?

9 (Le témoin indique l'endroit.)

10 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous dire quelles sont les

11 autres maisons autour ?

12 M. Sakic (interprétation). - Il y a Josip Kupreskic, son frère,

13 l'autre frère, Branko Kupreskic, la troisième maison du père de

14 Ivo Kupreskic. Il y a également quelques installations économiques et

15 industrielles. Ensuite, la maison de Zoran Kupreskic et de son père,

16 Anto Kupreskic.

17 Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit d'une région où se

18 trouvent des maisons des Kupreskic exclusivement ?

19 M. Sakic (interprétation). - Oui.

20 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous asseoir.

21 Vous partez jusqu'à la maison de Zoran Kupreskic et pouvez-vous me dire

22 également ce qu'ils sont sur le

23 plan parenté ?

24 M. Sakic (interprétation). - Ce sont des cousins. Nous étions

25 dans la cave, plutôt au rez-de-chaussée de leur maison. Il y avait

Page 7281

1 Ivica Kupreskic, son épouse, moi-même, Mirjan Kupreskic, Zoran Kupreskic,

2 Vlatko Kupreskic, Puda Miroslav, Miroslav Puda et le défunt Miro Vidovic y

3 était, donc tous les voisins. Ivica, l'épouse, nous a apporté des

4 boissons, nous avons plaisanté et j'ai dit que le lendemain matin à

5 8 heures, il fallait que je parte pour Trnovo, et je suis retourné chez

6 moi.

7 Mme Glumac (interprétation). - De quoi avez-vous parlé ? Quelles

8 étaient les nouvelles que vous avez apprises ce jour-là ?

9 M. Sakic (interprétation). – Eh bien ce jour-là à Zenica,

10 Zivko Totic a été enlevé à Zenica avec quatre soldats qui l'ont escorté

11 pendant que j'étais à Vitez l'après-midi et puis on a fait quelques

12 commentaires à ce sujet, au sujet de l'enlèvement.

13 Mme Glumac (interprétation). - Il y avait d'autres sujets

14 également de conversation ?

15 M. Sakic (interprétation). - On a parlé également de leur

16 voyage, comment ils sont rentrés. Moi également, je pensais aller à Split.

17 Comme ils étaient passés par Split, je leur ai posé la question.

18 Mme Glumac (interprétation). – Vous voulez dire que vous ne

19 saviez pas quelle était la situation sur la route ? Vous avez souhaité

20 savoir comment vous pouviez passer ?

21 M. Sakic (interprétation). – Oui, on avait entendu des rumeurs

22 selon lesquelles il n'était pas possible de traverser cette région alors

23 Ivica nous a raconté son voyage et nous avons fait quelques commentaires.

24 Mme Glumac (interprétation). – Vous êtes retourné chez vous car

25 vous deviez vous préparer pour partir le lendemain à Grebak ?

Page 7282

1 M. Sakic (interprétation). – Oui.

2 Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il passé par la suite ?

3 M. Sakic (interprétation). - Je suis rentré chez moi et je me

4 suis endormi. C'est mon père, une fois de plus, qui m'a réveillé à

5 4 heures 30 et il m'a encore dit : "Il y a une alerte". J'avoue que je

6 n'ai pas compris que c'était sérieux, d'autant plus que, comme je l'ai

7 dit, il y avait des fausses alertes. J'ai pas pris cela au sérieux.

8 Je suis sorti devant chez moi. Il y avait encore les voisins qui

9 s'étaient rassemblés devant notre maison. Les premiers voisins sont

10 arrivés, c'étaient les familles Samija, de Drago Grgic, ensuite il y avait

11 la famille de mon père, les miens ne sont pas encore arrivés, mon épouse

12 et mes enfants dormaient encore, donc je ne les ai pas appelés. Devant ma

13 maison, il y avait encore Miroslav Puda qui était devant chez moi, tous

14 les voisins, les premiers voisins autour de cette maison, comme c'était

15 une habitude, cela ne m'a pas étonné. Et c'est là où nous sommes restés,

16 nous sommes restés devant la maison, nous avons fait quelques commentaires

17 en nous disant : "Voilà une alerte de plus". Nous sommes restés quelque

18 temps à cet endroit et ensuite nous avons vu la famille de Dragan Vidovic,

19 de Stipan également, qui sont arrivées vers l'abri de ma maison, de son

20 père également, la famille du père de Stipan, et vers 5 heures

21 Zoran Kupreskic, avec les trois enfants et son épouse, est passé à côté de

22 ma maison. Derrière lui il y avait Mirjan Kupreskic qui avait conduit sa

23 belle-mère. C'était dans une petite charrette qu'il la mettait.

24 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi il la mettait dans ce

25 fauteuil ?

Page 7283

1 M. Sakic (interprétation). - Elle était immobilisée, elle ne

2 pouvait pas marcher, elle était chez lui et elle avait un sac dans ses

3 mains. Derrière lui, il y avait son épouse Ljubica avec les deux enfants.

4 Ils sont passés à côté de ma maison et ils se sont dirigés vers Zume.

5 Mme Glumac (interprétation). - Qui s'est installé dans votre

6 maison ?

7 M. Sakic (interprétation). - Eh bien toutes ces familles dont

8 j'ai parlé tout à l'heure, les familles de Dragan Grgic, ensuite de Nikola

9 Samija, il y avait également la famille de Stipan Vidovic. Je pense de

10 Dragan Vidovic également, puis la famille de mon frère, mon épouse, ma

11 mère. Voilà c'était à peu près les gens qui étaient dans notre abri.

12 Très peu de temps après, le passage de Zoran et Mirjan qui se

13 sont dirigés vers Zume, 10 minutes ou un quart d'heure plus tard, je ne

14 sais pas exactement, il y avait un groupe de 25 ou 30 hommes armés qui

15 sont arrivés.

16 Mme Glumac (interprétation). - Où étiez-vous à ce moment-là ?

17 M. Sakic (interprétation). - Nous étions…

18 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, on peut

19 faire une pause car maintenant nous allons entrer dans un autre groupe de

20 questions. Si vous voulez faire la pause, nous pouvons la faire

21 maintenant.

22 M. le Président (interprétation). – Merci, nous faisons la

23 pause.

24 L'audience, suspendue à 10 h 30, est reprise à 11 h 40.

25 Mme Glumac (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

Page 7284

1 Monsieur Sakic nous pouvons poursuivre si vous voulez.

2 Vous avez dit qu'à ce moment-là, il y a un groupe entre le 25 et

3 30 soldats armés qui sont arrivés devant chez vous.

4 M. Sakic (interprétation). – Oui, un groupe de soldats qui

5 étaient équipés, armés sont arrivés, ils portaient des uniformes de

6 camouflage et un certain nombre de soldats portaient des uniformes noirs,

7 ils avaient des armes automatiques, la plupart portaient des fusils

8 appelés Zolja et des lance-roquettes légers. Ils étaient également

9 peinturlurés en noir.

10 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez reconnu

11 quelques soldats ?

12 M. Sakic (interprétation). – J'ai reconnu un homme qui était

13 très très grand, très fort, Mirjan Santic. Je l'ai reconnu parce qu'il est

14 très grand, très fort comme je l'ai dit et il ne portait pas ces peintures

15 noires sur le visage et ensuite il y avait un détail peu coutumier, c'est

16 une écharpe bleue qu'il portait autour du cou.

17 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous auriez pu

18 conclure également à quelle unité il appartenait ?

19 M. Sakic (interprétation). – Je pouvais difficilement conclure à

20 qui il appartenait, à quelle unité. Il y en avait quelques uns qui

21 portaient des ceinturons blancs, j'aurais pu supposer que c'était la

22 police militaire, mais c'était une supposition.

23 Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous montrer sur la

24 carte par où ils sont passés ? D'où viennent-ils ?

25 M. Sakic (interprétation). – Ils sont arrivés en provenance de

Page 7285

1 Zume, ils ont emprunté ce chemin et quand je les ai aperçus je me trouvais

2 à l'endroit que je montre avec le pointeur. Il y avait mes voisins et moi-

3 même. Ensuite, ils se sont dirigés par cette voie derrière ma maison, il y

4 a un garage et quelques installations industrielles, ils se sont dirigés

5 vers cette vallée.

6 Mme Glumac (interprétation). - Qui est parti ?

7 Mme Glumac (interprétation). - C'est cette unité qui est

8 arrivée, ils se sont dirigés vers les maisons de Kupreskic par cette

9 vallée encaissée, c'est cette deuxième vallée.

10 Mme Glumac (interprétation). - Vous les avez vus jusqu'à quel

11 endroit ?

12 M. Sakic (interprétation). – Il y a un garage et on pouvait les

13 remarquer jusqu'à cet endroit, et ils ont pris le virage à gauche et c'est

14 là où on ne pouvait plus les voir.

15 Mme Glumac (interprétation). – Merci. Est-ce que vous avez vu

16 d'autres soldats également ?

17 M. Sakic (interprétation). – Non, je n'ai vu aucun autre soldat.

18 Mme Glumac (interprétation). - Il se sont dirigés vers ces

19 maisons que vous appelez "maisons de Kupreskic", tout au moins il se sont

20 dirigés dans cette direction ?

21 M. Sakic (interprétation). – Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il passé après ?

23 Qu'avez-vous fait après ?

24 M. Sakic (interprétation). – Nous sommes restés à côté de mon

25 garage car nous pouvions suivre ce qui passait sur cette partie de la

Page 7286

1 route et quelques minables minutes plus tard, 5 ou 10 minutes plus tard,

2 Zoran et Mirjan Kupreskic sont retournés et se sont joints à nous, à ce

3 groupe de personnes qui se trouvait devant ma maison. Ils sont arrivés en

4 provenance, pas de la même provenance, et nous avons vu les deux femmes

5 également, je ne les connaissais pas, c'étaient les réfugiées qui avaient

6 été installées dans la maison de Branko. Elles ont posé la question à

7 Zoran Kupreskic, où il avait emmené ses enfants et son épouse, il avait

8 dit compte tenu du fait qu'elles ne savaient pas où se trouvait cet

9 endroit-là, Mirjan Kupreskic est resté avec moi et Zoran les a emmenées

10 vers Zume.

11 Mme Glumac (interprétation). - Après cela, où êtes-vous parti,

12 êtes-vous resté à côté de ce garage ou êtes-vous parti éventuellement

13 ailleurs ?

14 M. Sakic (interprétation). – Nous sommes descendus dans ce

15 vallon car mon garage est à 20 mètres à peu près par rapport à ce vallon,

16 et c'est la raison pour laquelle nous sommes descendus dans ce vallon et

17 c'est là où nous sommes restés. C'étaient quelques minutes après notre

18 descente dans ce vallon, je pense 5 heures 30, nous avons entendu des tirs

19 d'infanterie des coups de feu qui provenaient des directions différentes.

20 Zoran Kupreskic est rentré, il avait accompagné jusqu'à un certain endroit

21 son épouse et il a couru vers nous, et cela je m'en souviens bien.

22 Mme Glumac (interprétation). - Je m'excuse mais il y a une

23 erreur dans la traduction. Est-ce que vous pouvez me dire qui l'avait

24 accompagné ?

25 M. Sakic (interprétation). – Il avait accompagné la famille

Page 7287

1 Didak. A cette époque-là, je ne connaissais pas cette famille. Je pense

2 qu'ils habitent toujours au même endroit.

3 Mme Glumac (interprétation). - Il est rentré après les tirs qui

4 ont commencé, c'est ce que vous avez dit ?

5 M. Sakic (interprétation). – Oui. Très peu avant que les tirs

6 commencent, après les tirs, il s'est joint à nous dans ce vallon où nous

7 étions.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous

9 montrer l'endroit où se trouve le vallon ? Quel est cet endroit par

10 rapport au bois qui n'est pas très loin depuis votre maison ?

11 M. Sakic (interprétation). – Le vallon se trouve ici. Il y a

12 d'abord un bois qui est très dense, une forêt qui est très dense et qui

13 est très grande et les Kupreskic sont descendus en provenance de cette

14 direction, nous nous étions au niveau du garage, entre mon garage et le

15 vallon il y a une vingtaine de mètres. Tout de suite, il y a ce vallon qui

16 se trouve à l'endroit que je montre avec le pointeur.

17 Mme Glumac (interprétation). - C'est là où vous vous trouviez au

18 moment où les tirs ont commencé ?

19 M. Sakic (interprétation). – Oui, nous étions, toutes les

20 personnes, toutes les familles que j'ai énumérées tout à l'heure, dans ce

21 vallon.

22 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous répéter les noms de

23 personnes qui se sont trouvées dans le vallon ou au moment ou Zoran est

24 rentré. Vous-même, il y avait Mirjan également qui était avec vous, ce que

25 vous nous avez dit. Pouvez-vous nous dire qui étaient les autres

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1 personnes ?

2 M. Sakic (interprétation). – J'étais moi-même, ensuite

3 Mirjan Kupreskic, Drago Samija, a un de mes voisins, Drago Grgic, je pense

4 que Dragance Vidovic était également avec nous. Je ne sais pas c'est

5 difficile de me rappeler de tous les noms, nous étions nombreux.

6 Mme Glumac (interprétation). – Merci, vous pouvez vous asseoir.

7 Hormis ces tirs que vous avez entendus et qui provenaient de directions

8 différentes, est-ce qu'il y avait un autre événement, autre chose qui

9 s'est passé à côté de ce vallon ?

10 M. Sakic (interprétation). - Nous étions tous dans ce vallon,

11 Zoran est venu et il m'a dit que ses parents étaient obligés de s'enfuir,

12 qu'ils ne pouvaient même pas l'aider et là je me souviens de ce détail

13 parce qu'il m'a dit que même les parents ne pouvaient pas l'aider, à tel

14 point ils avaient peur et ils sont partis eux-mêmes.

15 A côté, il y avait un mortier qui est tombé tout de suite à

16 proximité de l'endroit où nous étions. Nous avions très peur, on ne

17 bougeait plus, on ne respirait plus à tel point on avait peur, on a été

18 pétrifiés.

19 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

20 également quelle était la raison pour laquelle vous vous êtes abrités dans

21 ce vallon ?

22 M. Sakic (interprétation). – Comme je l'ai déjà précisé tout à

23 l'heure, il s'agissait d'un vallon naturel. Comme toutes nos familles

24 devaient s'abriter quelque part, tous les autres qui ne pouvaient pas

25 s'abriter dans ce vallon, devaient chercher un autre abri mais, de toute

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1 façon, on voulait rester pas trop loin les uns des autres parce qu'on ne

2 savait pas trop bien ce qui se passait. Il y avait des tirs, des coups de

3 feu qui étaient échangés, on n'avait aucune information.

4 C'est intuitivement que nous nous sommes abrités dans ce vallon,

5 c'était logique, c'est à 30 ou 40 mètres, je l'ai dit, pas plus par

6 rapport à ma maison.

7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez pu voir ce

8 qui se passait à Ahmici à partir de cet endroit-là ?

9 M. Sakic (interprétation). - Comme je l'ai dit, on pouvait

10 entendre des coups de feu qui provenaient d'un peu partout à partir d'en

11 haut de la maison des Kupreskic, on entendait des tirs d'artillerie

12 importants et aussi à partir du cimetière et à partir de l'école.

13 En tout cas, c'est ce que j'ai entendu donc de l'endroit où nous

14 nous trouvions, nous étions naturellement abrités à cet endroit car nous

15 étions en contrebas par rapport au reste du secteur. Et c'est après

16 quelques minutes, je dirais après une quinzaine de minutes que nous avons

17 vu de la fumée qui sortait des toits des maisons Kupreskic. Et pendant la

18 journée, la fumée s'est répandue et nous l'avons vue également plus tard

19 en provenance de Donja Zume.

20 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous vu quelles étaient les

21 maisons qui brûlaient ou est-ce que vous n'avez vu que de la fumée ?

22 M. Sakic (interprétation). – De l'endroit où nous nous

23 trouvions, nous ne pouvions pas voir quelles étaient exactement les

24 maisons en feu, mais il y avait beaucoup de fumée et elle venait des

25 maisons Kupreskic. Il est vrai qu'à ce moment-là nous ne pouvions pas voir

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1 exactement de quelles maisons il s'agissait, mais par rapport à la

2 direction d'où venait la fumée, nous avons pensé que c'étaient ces

3 maisons-là.

4 Mme Glumac (interprétation). - Je demanderai à l'huissier de

5 bien vouloir remettre aux Juges et aux membres de l'accusation ces photos

6 aériennes.

7 (L'huissier s'exécute.)

8 Mme Ameerali (interprétation). - Ce document porte la

9 cote D85/2.

10 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Sakic, pouvez-vous nous

11 dire ce qui se trouve sur ces photos, ce que l'on peut voir ?

12 M. Sakic (interprétation). - Sur la photo que je suis en train

13 de regarder, je vois le vallon dans lequel nous avons passé les instants

14 dont je viens de parler et la photo regarde dans la direction des

15 maisons Kupreskic.

16 Mme Glumac (interprétation). – C'est la photo marquée numéro 1.

17 M. Sakic (interprétation). – Ceci, c'est la maison de

18 Drago Grgic et de Niko.

19 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous montrer sur la photo

20 aérienne où se trouvent les maisons que l'on voit sur les photos de

21 l'album numéro 1, 2 et 3.

22 M. Sakic (interprétation). – Voici, ce sont les maisons qui se

23 trouvent sur le bord en périphérie du vallon dans lequel nous étions.

24 Mme Glumac (interprétation). - Donc ces photos sont prises... ?

25 M. Sakic (interprétation). - Elles sont prises à partir de la

Page 7291

1 direction des maisons Kupreskic, c'est-à-dire à partir de l'extrémité du

2 vallon qui se trouve dans la direction des maisons Kupreskic.

3 Mme Glumac (interprétation). - Bien. Ce sont les maisons qui se

4 trouvent à Zume, assez bas, n'est-ce pas ?

5 M. Sakic (interprétation). – Oui, oui effectivement.

6 Mme Glumac (interprétation). - Je vous demanderai maintenant de

7 continuer à regarder les photos de l'album. La photo numéro 4, que

8 représente-t-elle ?

9 M. Sakic (interprétation). - La photographie numéro 4, est

10 également prise dans la direction des maisons Kupreskic mais sur un autre

11 endroit, à un endroit un peu décalé, c'est-à-dire qu'on voit sur cette

12 photo Pirici.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que nous voyons la même

14 chose sur la photographie numéro 5 ?

15 M. Sakic (interprétation). – Oui, c'est la même chose que l'on

16 voit sur la photographie numéro 5, mais la photo est prise dans la

17 direction de ma maison ou plutôt de mon garage, donc dans une autre

18 direction.

19 Mme Glumac (interprétation). – Merci. Je vous demanderai

20 maintenant de vous reporter à la photo aérienne pour nous dire quelle est

21 la partie de Zume que l'on voit sur ces deux photographies de l'album

22 numéro 4 et 5 ?

23 M. Sakic (interprétation). - Sur la photographie numéro 4, ce

24 qu'on voit c'est le secteur que je montre ici avec le pointeur et sur la

25 photographie numéro 5, c'est aussi le même secteur mais sous un angle

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1 différent, c'est-à-dire vu à partir d'une autre direction. Donc on

2 regarde vers le haut.

3 Mme Glumac (interprétation). - Autrement dit, à droite ?

4 M. Sakic (interprétation). – Oui, à droite par rapport aux

5 maisons Kupreskic.

6 Mme Glumac (interprétation). - Et les photos de l'album numéro 6

7 et 7, plutôt la photo numéro 6, nous la prendrons en premier ?

8 M. Sakic (interprétation). - La photographie numéro 6 est

9 également prise à partir d'une direction correspondant à celle de ma

10 maison et elle regarde vers Pirici et vers le début du chemin qui mène aux

11 maisons Kupreskic.

12 Mme Glumac (interprétation). – Donc c'est encore plus à droite

13 par rapport à la précédente ?

14 M. Sakic (interprétation). - Oui encore plus à droite, donc on

15 se déplace d'ici à là.

16 Mme Glumac (interprétation). – La photographie numéro 7 ?

17 M. Sakic (interprétation). - La photographie numéro 7 est prise

18 à partir de la sortie de la vieille mine et regarde dans la direction des

19 maisons Kupreskic. La photo est donc prise dans la direction que j'indique

20 sur la photo aérienne.

21 Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Et les maisons que

22 l'on voit ici, quelles sont-elles ? Je parle des maisons que l'on voit sur

23 les photos de l'album numéro 7 et 8. Quelles sont ces maisons ?

24 M. Sakic (interprétation). - Sur la photographie numéro 7, on

25 voit une partie du bâtiment qui appartient à Ivo Kupreskic et qui est le

Page 7293

1 bâtiment administratif de la ferme. Et cet autre bâtiment n'était pas là à

2 l'époque, il a été construit plus tard après le conflit.

3 Mme Glumac (interprétation). – Mais de quel bâtiment parlez-

4 vous ? Le premier que l'on voit ici ?

5 M. Sakic (interprétation). - Le premier que l'on voit ici

6 existait avant et celui que je montre maintenant n'existait pas à l'époque

7 du conflit.

8 Mme Glumac (interprétation). – Et cet autre bâtiment, c'est le

9 bâtiment de la ferme, n'est-ce pas ?

10 M. Sakic (interprétation). – Oui, c'est le bâtiment de la ferme.

11 Mme Glumac (interprétation). - A partir de l'endroit où vous

12 étiez vous-même, pouviez-vous voir le bâtiment qui existait à l'époque ?

13 M. Sakic (interprétation). – Nous ne pouvions voir que la partie

14 supérieure de ce bâtiment, donc une partie du toit, même pas le toit tout

15 entier, mais seulement une partie du toit.

16 Mme Glumac (interprétation). – Eh bien, je vous demanderai de

17 bien vouloir poursuivre l'examen de l'album en regardant les

18 photographies 9 et 10.

19 M. Sakic (interprétation). - La photographie n° 9 montre ce que

20 l'on voit du vallon quand on regarde vers Ahmici qui dans la direction de

21 la partie inférieure des maisons Kupreskic, donc on a une partie de la

22 vallée et de la forêt quand on regarde vers le haut. Sur la photographie

23 aérienne, je vous montre l'orientation de la prise de cette photo, qui a

24 été prise à partir d'ici et quand on regarde par là.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et la photographie n° 10 ?

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1 M. Sakic (interprétation). - La photographie n° 10 montre un peu

2 la même chose que la précédente, mais sous un angle différent, c'est-à-

3 dire que la photographie a été prise ici, quand on regarde par là, c'est-

4 à-dire vers mon garage, dans le sens que j'indique sur la photo aérienne.

5 Mme Glumac (interprétation). - Et la photographie n° 11 ?

6 M. Sakic (interprétation). - La photographie n° 11 montre la

7 totalité du chemin qui mène à ma maison et à mon garage, c'est-à-dire

8 qu'elle a été prise ici quand on regarde par là, directement dans la

9 direction de ma maison.

10 M. Sakic (interprétation). - C'est le chemin que vous avez pris

11 pour partir, n'est-ce

12 pas ?

13 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est cela.

14 Mme Glumac (interprétation). - Et le premier bâtiment que l'on

15 voit sur cette photographie est votre garage ?

16 M. Sakic (interprétation). - Oui.

17 Mme Glumac (interprétation). - Les photographies 12 et 13 à

18 présent ?

19 M. Sakic (interprétation). - La photographie n° 12 est sans

20 doute la forêt qui se trouve ici, c'est-à-dire la forêt que je monte à

21 présent avec le pointeur sur la photo aérienne. Je pense même que la photo

22 a été prise à partir de là forêt, c'est-à-dire qu'on peut penser qu'elle a

23 été prise à partir du bord du vallon, ici, en regardant vers la forêt.

24 Mme Glumac (interprétation). - Et on voit une maison derrière.

25 Pouvez-vous déterminer de quelle maison il s'agit ? Parce que cette photo

Page 7295

1 est prise à partir du sens des maisons Kupreskic, vous pouvez voir cela

2 sous le point 8. Il y a un numéro 8 qui est inscrit, puis un petite croix

3 et l'indication de la direction d'où a été prise la photo.

4 M. Sakic (interprétation). - C'est un peu de difficile. Pouvez-

5 vous me dire d'où a été prise cette photo ?

6 Mme Glumac (interprétation). - De la direction des maisons

7 Kupreskic quand on regarde vers votre maison. Il y a un petit cercle qui

8 est inscrit. Pouvez-vous déterminer de quoi il s'agit exactement ?

9 M. Sakic (interprétation). - J'ai vraiment un peu de mal à

10 reconnaître. Je ne peux pas dire avec certitude de quel bâtiment il

11 s'agit.

12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il peut s'agir de la

13 maison de Rudo Vidovic ? Est-ce que qu'elle serait visible à partir tirent

14 de là ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui, mais on ne la voit qu'à

16 travers la forêt, donc c'est possible... C'est possible mais il faudrait

17 qu'il y ait encore un petit vallon devant et c'est

18 seulement ment après ce deuxième vallon que l'on trouverait la maison de

19 Rudo Vidovic.

20 Mme Glumac (interprétation). - Bien, merci.

21 M. le Président (interprétation). - Maître Slokovic-Glumac,

22 puis-je vous demander quand ces photographies ont été prises ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Cette année, Monsieur le

24 Président. En janvier 1993.

25 M. le Président (interprétation). - En 1993 ?

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1 Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, en 1999.

2 M. le Président (interprétation). - Donc, en avril 1993, tout

3 était très différent, je suppose qu'il n'y avait pas de neige et que le

4 paysage était différent.

5 Mme Glumac (interprétation). - Pour la neige, ce n'est pas sûr

6 parce que dans cette partie de la Bosnie il est possible qu'il y ait eu de

7 la neige, mais pas beaucoup.

8 Monsieur Sakic, vous rappelez-vous s'il y avait plus de

9 feuillage à l'époque ?

10 M. Sakic (interprétation). - Ce jour-là, il faisait assez

11 mauvais temps. Je crois que c'était le début de la floraison, donc il y

12 avait des feuilles mais le feuillage n'avait pas encore atteint sa taille

13 définitive.

14 Mme Glumac (interprétation). - A l'exception du bâtiment qui a

15 été construit par la suite du côté des maisons Kupreskic, le paysage a-t-

16 il changé entre-temps ?

17 M. Sakic (interprétation). - Pour autant que je le sache, rien

18 n'a changé, à l'exception de la forêt qui a été totalement coupée.

19 Mme Glumac (interprétation). - Donc la forêt a été moins dense

20 depuis ?

21 M. Sakic (interprétation). - Assurément.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes sortis de ce

23 vallon ? A quel moment ?

24 M. Sakic (interprétation). - Nous sommes restés dans le vallon

25 un certain temps. Et c'est entre 9 heures et 10 heures que Zoran et moi-

Page 7297

1 même sommes allés voir nos familles. Nous sommes d'abord passés dans ma

2 maison, ou plutôt dans la cave, où j'ai vu ma famille. Ensuite nous sommes

3 allés à Zumé, Zoran Mirjan et moi, nous sommes allés à Zume pour voir

4 comment leurs familles étaient installées, où elles se trouvaient, et ces

5 familles étaient installées pour l'une dans la maison de Milutin Vidovic

6 et pour l'autre dans la maison de la soeur de Zdravko Vrebac. Donc nous

7 sommes allés là-bas et, juste avant d'arriver au niveau de ces maisons,

8 nous avons rencontré Anto Vidovic surnommé Catko qui nous a dit que Fahan

9 Ahmic, que nous connaissions tous, était mort. Catko était très ému,

10 Mirjan Kupreskic est tombé en larmes, en fait parce qu'ils jouaient tous

11 les deux dans l'orchestre, ils étaient pratiquement inséparables.

12 Mme Glumac (interprétation). - Comment est-ce que Catko était

13 informé de cela, vous l'a-t-il dit ?

14 M. Sakic (interprétation). - Catko nous a dit que la mère de

15 Fahan, on l'appelait Hasimovica, était venue dans une des maisons Vidovic,

16 en provenance de sa maison à elle, et c'est ainsi qu'il l'a appris et

17 qu'il a pu nous le dire.

18 Mme Glumac (interprétation). - Et où êtes-vous allés après

19 cela ?

20 M. Sakic (interprétation). - Après cela, nous sommes allés dans

21 la maison de Milutin Vidovic, et après dans l'abri de Zdravko Vrebac, où

22 nous sommes restés un certain temps, enfin pas très longtemps, et nous

23 étions très émus parce que nous avions entendu cette nouvelle. Et nous

24 sommes entrés dans ma maison, à moi. Il devait être à ce moment-là

25 10 heures et demi 11 heures, je ne peux pas l'affirmer avec certitude.

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1 Mais au niveau du garage nous avons rencontré un voisin, Niko Omazic qui

2 avait pas mal bu. Il nous a dit que Mirjan Santic était mort du côté des

3 maisons Kupreskic et qu'il devait être ramené. Nous avons demandé où il se

4 trouvait et il nous a répondu qu'il se trouvait non loin de la maison de

5 Ivo

6 Kupreskic. Alors nous sommes repartis, nous avons traversé de nouveau ce

7 petit vallon et nous sommes arrivés au niveau de Gornje Krube. A ce

8 moment-là, il y avait moi, Mirjan Kupreskic, Dragan Vidovic Stipe, Nikola

9 Omazic, Zoran Kupreskic, je crois qu'il y avait aussi Dragance Vidovic

10 avec nous. Nous sommes donc allés à cet endroit-là et Nikola a rampé

11 jusqu'à la maison de Ivo. Et puis lui et Ivica Kupreskic ont traîné Mirjan

12 Santic jusqu'à nous, et Dragan Vidovic Stipe, Mirjan Kupreskic, Zoran

13 Kupreskic et Nikola Omazic l'ont ensuite emmené jusqu'à mon garage dans

14 une carriole. Il s'est passé à ce moment-là un certain temps et puis le

15 père de Santic et d'autres membres de sa famille sont arrivés et ont

16 emporté le corps.

17 Mme Glumac (interprétation). - Le Mirjan Santic dont vous parlez

18 appartenait-il à la police militaire ?

19 M. Sakic (interprétation). - Mirjan Santic ?

20 Mme Glumac (interprétation). - Oui, si vous le savez ?

21 M. Sakic (interprétation). - Il est possible qu'il ait appartenu

22 à la police militaire.

23 Mme Glumac (interprétation). - Portait-il un uniforme ?

24 M. Sakic (interprétation). - Mirjan Santic portait un uniforme

25 de camouflage de l'armée.

Page 7299

1 Mme Glumac (interprétation). - Y avait-il des insignes indiquant

2 son appartenance à une unité particulière sur son uniforme, vous le

3 rappelez-vous ?

4 M. Sakic (interprétation). - Je ne peux pas me le rappeler, ils

5 étaient nombreux à porter des rubans de couleur claire, sur l'épaule. Mais

6 je me sentais si mal que je n'ai pas regardé en détail. Comme déjà dit

7 dans une déposition précédente, j'ai constaté que certains portaient un

8 ceinturon blanc et c'était assez caractéristique.

9 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur l'huissier s'il vous

10 plaît.

11 (L'huissier s'exécute.)

12 Mme Ameerali (interprétation). – Ce document porte la

13 cote D86/2.

14 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Sakic, je vous

15 demanderai de regarder ce document qui est un extrait du registre des

16 décès correspondant à Mirjan Santic. Le lieu du décès est signalé comme

17 étant Santici.

18 M. Sakic (interprétation). – Oui.

19 Mme Glumac (interprétation). - Et le lieu de résidence Vitez-

20 Santici ?

21 M. Sakic (interprétation). – Et la date du décès est signalée

22 comme étant le 17 avril 1993. Est-ce exact ou erroné ?

23 M. Sakic (interprétation). – C'est une erreur, Mirjan Santic est

24 mort le premier jour du conflit près des maisons Kupreskic.

25 Mme Glumac (interprétation). - Mirjan vivait à Santici, n'est-ce

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1 pas ?

2 M. Sakic (interprétation). – Il habitait à un kilomètre et demi

3 de ma maison, à deux kilomètres à peu près.

4 Mme Glumac (interprétation). - Je vous prierai de regarder cette

5 photographie qui se trouve en page 3 de votre document. Pouvez-vous nous

6 dire qui est la personne que l'on voit au deuxième rang, première colonne,

7 est-ce bien Mirjan Santic ?

8 M. Sakic (interprétation). – Oui c'est bien Mirjan Santic.

9 Mme Glumac (interprétation). - Il est dit là qu'il est né le

10 5 juin 1955 à Vitez, qu'il est marié, qu'il a deux qu'il était membre de

11 la police militaire à partir du 16 janvier 1993 et qu'il a été tué le

12 16 avril 1993 à Vitez. Est-ce exact ?

13 M. Sakic (interprétation). – C'est exact en effet.

14 Mme Glumac (interprétation). – S'agissant du lieu du décès, vous

15 savez qu'il est mort près des maisons Kupreskic ?

16 M. Sakic (interprétation). – Il est certain qu'il est mort près

17 des maisons Kupreskic, il y a pas mal de personnes qui sont en mesure de

18 confirmer ce fait.

19 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je vous

20 dois une explication. Cette photographie ainsi que les 6 photographies que

21 l'on voit en page 2 du document, sont des photographies qui ont été

22 photocopiées dans le livre que je tiens entre les mains, intitulé : "Trois

23 ans de police militaire" et aujourd'hui je vais utiliser d'autres

24 photographies qui émanent de cet ouvrage également ainsi que des

25 citations. Par ailleurs le Procureur connaît ce document car il a utilisé

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1 des extraits de ce même ouvrage dans l'affaire Blaskic. Mais je peux vous

2 fournir ces photographies pour que vous confirmiez bien qu'elles figurent

3 dans cet ouvrage et vous pourrez vérifier la présence des extraits que je

4 vais citer dans cet ouvrage, je n'ai pas les originaux mais j'ai la

5 traduction des extraits que je vais utiliser.

6 Et puis j'ajouterai que des extraits de cet ouvrage ont été

7 utilisés en tant qu'élément de preuve, P-457, dans l'affaire Blaskic et

8 ces pièces ont été versées au dossier et acceptées. Mais puisque nous

9 parlons déjà de ce livre Monsieur le Témoin, je vous pose une question.

10 Vous avez parlé de Mirjan Santic, mais pouvez-vous dire aux

11 Juges si quelqu'un d'autre est mort à Ahmici ce jour-là, du côté Croate,

12 en dehors de Mirjan Santic ?

13 M. Sakic (interprétation). – Je sais que Zlatko Ivankovic a été

14 tué du côté croate. Je le connaissais personnellement, il travaillait dans

15 la même entreprise que moi quand nous étions jeunes et son père était

16 contremaître dans mon entreprise. Et puis un certain Zepackic a été tué

17 également, ils ont été tués ensemble.

18 Mme Glumac (interprétation). - Vous venez de parler de

19 Zlatko Ivankovic, j'aimerais vous remettre ce document.

20 Mme Ameerali (interprétation). – Document D87/2.

21 L'huissier s'exécute.

22 Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit d'un autre certificat

23 de décès, n'est-ce pas ?

24 M. Sakic (interprétation). – Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). - Il est stipulé ici que la

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1 personne concernée est Zlatko Ivankovic. Le jour, le mois et l'année du

2 décès sont le 16 avril 1993, le lieu du décès Ahmici. Je vous demanderai

3 de prendre la page 3 de ce document pour nous dire si la photographie qui

4 se trouve au milieu de la première rangée est bien celle de Zlatko

5 Ivankovic ?

6 M. Sakic (interprétation). – Oui c'est la photo de

7 Zlatko Ivankovic.

8 Mme Glumac (interprétation). – Et c'est son père qui vous a

9 appris la nouvelle, n'est-ce pas ?

10 M. Sakic (interprétation). – Oui, c'est son père qui m'a appris

11 la nouvelle, plusieurs jour d'ailleurs après son décès.

12 Mme Glumac (interprétation). - Il est signalé également dans la

13 l'acte de décès, dans ce document en page 3, qu'il appartenait à la police

14 militaire et qu'il en a été membre depuis le 3 janvier 1993 et qu'il est

15 mort le 16 avril 1993 à Vitez. Et cette photo est également extraite du

16 livre intitulé "Trois ans de police militaire" que j'ai montré il y a

17 quelques instants. Vous avez dit qu'il était mort en compagnie d'un autre

18 homme, comment s'appelle-t-il ?

19 M. Sakic (interprétation). – Par la suite, j'ai appris qu'il

20 était mort en compagnie de Zepackic mais je ne connais pas son prénom, en

21 tout cas son nom de famille et Zepackic et les deux hommes sont morts

22 pratiquement dans la même seconde près du cimetière catholique.

23 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez appris plus tard cela ?

24 M. Sakic (interprétation). – Oui, plus tard.

25 Mme Glumac (interprétation). - Je demanderai une nouvelle fois

Page 7303

1 l'aide de l'huissier pour qu'il distribue ce document.

2 (L'huissier s'exécute.)

3 Mme Ameerali (interprétation). - Document D88/2.

4 Mme Glumac (interprétation). – C'est un autre acte de décès. Le

5 nom et le prénom de la personne c'est Ivica Zepackic, la date de mort est

6 le 16 avril 1993 et, encore une fois, à la

7 page 3 on peut voir la photo d'Ivica Zepackic, est-ce que vous le

8 reconnaissez lui aussi ?

9 M. Sakic (interprétation). - Lui je ne le connaissais pas, non.

10 Mme Glumac (interprétation). - Il est indiqué qu'il a été dans

11 la police militaire à partir du 28 avril 1992 et que le 16 avril 1993 il

12 est mort à Vitez. Il a été tué à Vitez. Est-ce que vous avez entendu qu'un

13 autre Croate a été tué à Ahmici ce jour-là ?

14 M. Sakic (interprétation). - Par la suite, j'ai appris deux

15 autres noms, mais je ne les connaissais pas personnellement. Un certain

16 Arapovic je crois qu'il était peut-être de Busovaca et un Rajkovic lui

17 aussi il a été tué.

18 Mme Glumac (interprétation). - Quand avez-vous entendu cela ?

19 Pouvez-vous nous le dire ?

20 M. Sakic (interprétation). – Ceci s'est produit quelques jours

21 après le début du conflit, peut-être le quatrième jour après mon départ de

22 cet endroit.

23 Mme Glumac (interprétation). - Je demande l'aide de l'huissier

24 pour remettre ce document au témoin.

25 (L'huissier s'exécute.)

Page 7304

1 Mme Ameerali (interprétation). – Document D89/2.

2 Mme Glumac (interprétation). - Donc en ce qui concerne une

3 personne appelée Arapovic de Busovaca, est-ce que c'est peut-être

4 Zeljko Arapovic ?

5 M. Sakic (interprétation). – Vraiment je ne sais pas.

6 Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous entendu que cette

7 personne avait un surnom ?

8 M. Sakic (interprétation). - J'ai entendu dire d'une personne

9 qu'on surnommait Tata, mais je ne sais pas si c'était Arapovic ou

10 quelqu'un d'autre.

11 Mme Glumac (interprétation). – Donc Zeljko Arapovic né à

12 Busovaca en 1962, il a été dans la police militaire depuis le

13 1er mai 1992, mort le 16 avril 1993 à Vitez. Et voici

14 maintenant le dernier document, s'il vous plaît.

15 (L'huissier s'exécute.)

16 Mme Ameerali (interprétation). – Document D90/2.

17 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que vous avez

18 entendu une certaine personne nommée Rajkovic qui a été tuée, est-ce que

19 vous le connaissiez ?

20 M. Sakic (interprétation). - Non.

21 Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit de Slavko Rajkovic qui

22 est entré dans la police militaire le 20 novembre 1992 et qui est mort le

23 16 avril 1993 à Vitez. Donc il s'agit des photos tirées du livre "Trois

24 ans de police militaire" qui a été publié par le ministère de la Défense

25 de la communauté croate de Herceg-Bosna en avril 1995.

Page 7305

1 Concernant la police militaire, je souhaite poser une autre

2 question. Vous avez dit que vous avez supposé que les policiers, excusez-

3 moi que les soldats qui sont passés vers les maisons de Kupreskic étaient

4 des membres de la police militaire ?

5 M. Sakic (interprétation). – Je l'ai dit parce que certain d'eux

6 portaient des étuis de revolvers typiques, c'est-à-dire blancs. Et c'était

7 typique pour les membres de cette unité. Ils les avaient.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez qui était

9 le commandant de la police militaire à l'époque ?

10 M. Sakic (interprétation). - Vraiment je ne le sais pas.

11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez entendu

12 parler de Pasko Ljubicic ?

13 M. Sakic (interprétation). - J'en ai entendu parler beaucoup

14 plus tard.

15 Mme Glumac (interprétation). - Je demanderai encore une fois

16 l'aide à l'huissier pour remettre ce texte au témoin.

17 (L'huissier s'exécute.)

18 Mme Ameerali (interprétation). - Document D91/2.

19 Mme Glumac (interprétation). - Il s'agit d'un texte rédigé par

20 Pasko Ljubicic qui a été publié dans ce livre "Trois ans de police

21 militaire". Le titre est à la fois l'unité de combat et la police. Et dans

22 le texte il est écrit comme suit : "Quand j'ai mentionné les activités et

23 les missions de la police militaire -et c'est mon opinion personnelle- je

24 pense que la police militaire en Bosnie centrale est la force la plus

25 organisée, afin de défendre cette région qui a subi de nombreuses

Page 7306

1 victimes. Et que par moment, elle a joué un rôle clé dans la défense de

2 ces régions".

3 Ensuite, il est écrit : "Je peux mentionner ici Grbavica,

4 Simino Selo, Zabrje, Kruscica, Ahmici et toute une série d'autres endroits

5 pour lesquels je suis convaincu et pour lesquels je peux prouver que c'est

6 les unités de la police militaire qui ont réussi à les préserver grâce à

7 leur engagement".

8 Donc vu ce que vous venez de dire et vu le fait que le

9 commandant de la police militaire à l'époque affirme lui aussi qu'il a été

10 sur place à ce moment-là, est-ce que vous pouvez conclure que la police

11 militaire a participé à l'attaque contre Ahmici ?

12 M. Sakic (interprétation). - Comme je l'ai dit tout à l'heure,

13 l'unité qui venait vers nous depuis la direction de Zume quand elle est

14 passée à côté de nous, certains de ses membres portaient des étuis et des

15 ceintures blanches étant donné qu'il s'agit là de quelque chose qui est

16 typique, caractéristique pour la police militaire, il est logique que ma

17 conclusion ait été que c'était une unité ou une partie d'une unité de la

18 police militaire.

19 Mme Glumac (interprétation). - Je ne souhaite pas vous mettre

20 dans la position où vous allez dire que c'est uniquement la police

21 militaire qui a attaqué quelqu'un, ce n'est pas pour ça que vous êtes venu

22 et donc je fais très attention à ce que je dis, mais est-ce que vous avez

23 vu un membre de quelque unité que ce soit ce jour-là à Ahmici, dans la

24 partie du village où vous vous trouviez vous-même ?

25 M. Sakic (interprétation). - Dans la partie du village où

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1 j'étais je n'ai vu que cette unité-là, cette unité qui est passée à côté

2 de nous et je n'ai absolument pas vu d'autres unités.

3 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous vu d'autres soldats ?

4 M. Sakic (interprétation). - Non.

5 Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Maintenant, nous

6 allons revenir aux événements du 16. Donc Mirjan Santic a été placé dans

7 la remise de la maison de votre père ?

8 M. Sakic (interprétation). - Oui. Il y a été apporté sur cette

9 sorte de brancard. Et peu de temps après son père est venu et il a été

10 transporté vers Santici. Sa maison, comme je l'ai dit, se trouvait à une

11 distance d'environ 1,5 kilomètre par rapport à la mienne. 1,5 kilomètre à

12 vol d'oiseau.

13 Mme Glumac (interprétation). - C'est son père qui est venu le

14 chercher ?

15 M. Sakic (interprétation). – Oui, son père et quelqu'un d'autre

16 probablement, mais je ne me souviens pas très bien. Ils sont partis et

17 nous sommes restés. Il y a eu des coups de feu sans cesse, on les

18 entendait surtout depuis la direction de la mosquée et du cimetière. On

19 avait l'impression que les coups de feu duraient sans cesse. Concernant

20 les coups de feu de la direction des maisons Kupreskic, on avait

21 l'impression qu'ils reculaient vers l'intérieur.

22 Mme Glumac (interprétation). - Vers quelle direction très

23 exactement ?

24 M. Sakic (interprétation). - Vers l'intérieur du village

25 d'Ahmici et il était déjà 11 heures ou peut-être midi, quelque chose comme

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1 cela et on a pu entendre aussi les chars et les véhicules blindés,

2 transports de troupes britanniques qui passaient par le village, qui

3 arrivaient dans certaines parties du village. Par exemple, ils sont

4 arrivés jusqu'à Zume, et ensuite ils rentraient et au moment où nous

5 pouvions les entendre, étant donné qu'ils produisaient beaucoup de bruit,

6 les coups de feu se calmaient un peu et après leur départ cela

7 s'intensifiait encore beaucoup plus.

8 Mme Glumac (interprétation). - Quelle était votre impression,

9 votre opinion ?

10 Qu'est-ce qui se passait à Ahmici selon vous ? Vous avez dit que vous avez

11 vu une fumée provenant de cette partie du village d'Ahmici et de Zume,

12 vous avez vu cela dans l'après-midi ? Qu'avez-vous pensé ? Qu'est-ce qui

13 se passait ?

14 M. Sakic (interprétation). – Dès que nous avons vu la fumée,

15 nous savions que quelque chose de dangereux était en train de se passer et

16 nous n'avions pas d'information sur quoi que ce soit, nous étions pris de

17 cours. Nous étions pris de cours par cet événement-là où on vivait, nos

18 familles vivaient là et tout d'un coup il y a eu des coups de feu.

19 Je peux dire que j'ai été perplexe, j'ai été horrifié en fait.

20 C'est seulement à ce moment-là que j'ai commencé à être conscient que ce

21 bruit de tonnerre qu'on entendait parfois au loin s'est approché de nous.

22 A ce moment-là, instinctivement, je peux dire que nous nous sommes

23 rassemblés là, nous avons souhaité protéger les nôtres qui étaient là sur

24 place. Nous n'avions aucune information, nous étions perplexes. Je courais

25 à droite et à gauche. Le téléphone fonctionnait encore. J'ai téléphoné à

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1 mes amis qui habitaient dans d'autres parties de la ville. Chez eux, il y

2 avait eu des coups de feu aussi et personne n'avait d'informations

3 pratiquement, d'informations qui m'auraient suffi.

4 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que les gens ont commencé

5 à quitter votre abri, je parle là de vos amis et de votre famille qui

6 étaient dans votre maison, et si oui pourquoi ?

7 M. Sakic (interprétation). – Etant donné que les coups de feu

8 continuaient de plus belle et que ma maison était touchée par des balles,

9 par des tirs d'infanterie et que nous manquions d'expérience, nous avions

10 l'impression que tout ceci se produisait tout près de chez nous, donc

11 toutes ces familles ont fui ma maison pour chercher abri ailleurs, dans

12 une autre maison, dans la maison de Niko Vidovic. Nous avons pensé qu'ils

13 étaient plus en sécurité là-bas. Ils l'ont fait tard dans l'après midi.

14 Mme Glumac (interprétation). – Et votre famille est partie

15 aussi ?

16 M. Sakic (interprétation). – Oui, ma famille, ma femme, mes deux

17 enfants sont partis, tout comme les quatre autres familles qui étaient

18 dans la cave.

19 Mme Glumac (interprétation). – Veuillez montrer sur la photo

20 aérienne où se trouvait cet abri chez Niko Vidovic ?

21 L'interprète. - Les interprètes n'entendent pas le témoin.

22 Mme Glumac (interprétation). – Veuillez vous approcher du micro,

23 s'il vous plaît.

24 M. Sakic (interprétation). – Depuis l'abri qui se trouvait dans

25 ma maison, les femmes et les enfants sont partis en prenant cette route-là

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1 et ici se trouvent la maison et la cave de Niko Vidovic.

2 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous dire où est la maison

3 de Milutin Vidovic et l'abri où se trouvait la femme de Zoran ?

4 M. Sakic (interprétation). – En continuant sur le même chemin,

5 sur la même route, nous arrivons à ce carrefour-là, ici se trouve la

6 maison de Milutin Vidovic et en prenant cette route plus loin, on va vers

7 la maison de Zdravko Vrebac, c'est à dire de sa sœur, et un autre abri se

8 trouvait là.

9 Mme Glumac (interprétation). - Dans ces maisons-là de

10 Jozo Vrebac et la maison où se trouvait Milutin Vidovic, y a-t-il eu

11 d'autres civils ?

12 M. Sakic (interprétation). – Il y a eu de nombreux civils là-

13 bas, beaucoup de femmes, d'enfants, de personnes âgées.

14 Mme Glumac (interprétation). - Très bien, merci. Veuillez vous

15 asseoir.

16 Mme Glumac (interprétation). - Votre maison a une cave; n'est-ce

17 pas ?

18 M. Sakic (interprétation). – Oui.

19 Mme Glumac (interprétation). - Même avant, elle a servi d'abri

20 vous avez dit ?

21 M. Sakic (interprétation). – Elle a servi d'abri dès le début,

22 lors des premier raids aériens, elle a servi d'abri pour les familles qui

23 habitaient à proximité de chez nous.

24 Mme Glumac (interprétation). - Et donc elle a bien servi à

25 chaque fois. Quelle était la raison principale pour laquelle vous avez

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1 déplacé votre famille et les autres familles ?

2 M. Sakic (interprétation). – C'est parce que les coups de feu

3 venaient de près et c'étaient des coups de feu incessants. On sentait le

4 danger dans l'air et nous tous qui étions sur place, nous étions pris de

5 panique, nous ne savions pas où partir. Nous nous sommes déplacés à une

6 distance de seulement 200 mètres, mais nous avions l'impression que nous

7 allions être plus en sécurité là-bas.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que les civils qui sont

9 restés dans ces maisons-là y sont restés jusqu'à la fin, c'est-à-dire

10 pendant les trois jours ?

11 M. Sakic (interprétation). – Dans la maison de Niko Vidovic, il

12 y avait aussi ces trois ou quatre familles musulmanes, nos voisins. Par

13 exemple, Ramo Bilic avec sa femme et ses enfants, son frère Zijad Bilic

14 avec sa femme et ses enfants, et puis la famille Strmonja. Je pense qu'il

15 y avait deux frères Strmonja avec leurs femmes. Ils étaient là. Il y en a

16 qui se sont déplacées le deuxième jour au soir. Il y a eu une sorte de

17 panique. Quelqu'un leur a dit qu'un groupe de Moudjahidins était passé

18 depuis la direction de Krtina Mahala, et ils sont tous partis dans la

19 direction de Donja Rovna

20 Mme Glumac (interprétation). - Vous dites qu'il sont tous partis

21 vers Rovna. Vous parlez de toutes les personnes qui étaient dans ces

22 abris ?

23 M. Sakic (interprétation). – Tout à fait. Lorsque je dis cela,

24 je parle des femmes, des enfants, des personnes âgées, de tous ceux qui se

25 trouvaient dans l'abri.

Page 7312

1 Mme Glumac (interprétation). - Comment avez-vous appris qu'ils

2 se sont enfuis à Rovna ?

3 M. Sakic (interprétation). – Le soir, il faisait déjà nuit et il

4 pleuvait un peu. Je suis allé voir comment allait ma famille étant donné

5 que les membres de ma famille y sont allés tard dans l'après-midi, et

6 lorsque je suis arrivé sur place, j'ai vu une seule personne, un homme,

7 je

8 ne me souviens plus qui c'était très exactement, et personne n'y était

9 plus. Il m'a dit qu'une unité de Moudjahidins était passée depuis la

10 direction de Krtina Mahala, qu'une panique s'était créée et que tout le

11 monde s'était échappé dans la direction de Rovna. J'étais vraiment

12 désespéré, horrifié. J'étais là, je ne savais pas quoi faire. Je suis

13 rentré à la maison d'Ivo Kupreskic et nous étions tous ensemble. De

14 nouveau là-bas, nous avons fait des commentaires, nous nous sommes dit que

15 nous manquions d'informations. C'est difficile de vous expliquer mais la

16 situation, l'état dans lequel je me trouvais était vraiment affreux.

17 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voulez montrer

18 sur la carte dans quelle direction se trouve Rovna et à quelle distance se

19 trouve Rovna par rapport à Santici ou bien Ahmici ?

20 M. Sakic (interprétation). – Rovna est dans cette direction là,

21 voilà, c'est la route qui même vers Rovna, qui traverse la rivière de la

22 Lasva, et cette partie-là appartient déjà à la région de Rovna, donc c'est

23 de l'autre coté de la Lasva. Il s'agit d'une distance d'environ

24 2 kilomètres.

25 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous savez comment les

Page 7313

1 femmes, les enfants et les personnes âgées y sont allés ?

2 M. Sakic (interprétation). – A l'époque, je ne le savais pas. Je

3 l'ai appris par la suite. Lorsque j'ai rencontré de nouveau ma femme au

4 bout de quelques jours, je lui ai parlé. Mais sinon, je ne savais pas. Ce

5 qu'on m'a dit, c'est tout simplement qu'ils sont allés là-bas, que ça ne

6 s'est pas produit d'une manière organisée, chacun prenait son enfant et

7 partait. Mais apparemment tout cela s'est passé dans une grande panique.

8 Mme Glumac (interprétation). – Très bien, donc c'est le deuxième

9 jour que ces gens sont partis à Rovna. Mais parlons de nouveau de la

10 première journée. Où étiez-vous, où avez-vous dormi cette nuit-là ?

11 M. Sakic (interprétation). – La première nuit, je pense que

12 personne n'a dormi. Sans arrêt, nous étions entre le vallon et nos abris,

13 les abris où au début nos familles se trouvaient. Nous avons passé toute

14 la journée entre ces deux endroits.

15 Mme Glumac (interprétation). - Et la nuit ?

16 M. Sakic (interprétation). – La nuit, c'est la même chose, nous

17 l'avons passée encore une fois à la sortie de ce vallon vers Ahmici, mais

18 de temps en temps, nous allions à la maison d'Ivo Vidovic qui était la

19 première maison en sortant de cette partie-là.

20 Mme Glumac (interprétation). – Et le deuxième jour, que s'est-il

21 passé ? Vous y êtes resté. Est-ce qu'on entendait encore des coups de feu

22 à Ahmici ?

23 M. Sakic (interprétation). – Le deuxième jour ? Tout d'abord, le

24 premier jour, nous entendions des coups de feu incessamment, et le

25 deuxième jour il se sont éloignés beaucoup plus loin vers l'intérieur de

Page 7314

1 Ahmici, dans la direction de Ahmici-le-Haut. Donc plus en profondeur du

2 village.

3 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelque chose a changé

4 en ce qui vous concerne, est-ce que vous êtes parti quelque part ou resté

5 dans le vallon ?

6 M. Sakic (interprétation). – A ce moment-là, ce deuxième jour,

7 j'ai appris en fait que dans cet abri où ma famille s'est déplacée le

8 soir, la veille, il y avait aussi des familles musulmanes de mes voisins.

9 Mme Glumac (interprétation). - De quelles familles s'agissait-

10 il ?

11 M. Sakic (interprétation). – Les familles de Ramo Bilic, Zijad

12 Bilic et des frère Strmonja.

13 Mme Glumac (interprétation). - Et ils étaient dans cette même

14 maison ?

15 M. Sakic (interprétation). – Oui, dans la maison de Ivo Vidovic

16 et mon père m'a dit qu'ils étaient là et qu'ils me demandaient, étant

17 donné qu'à l'époque je travaillais pour le Comité international et qu'à

18 l'époque les gens pensaient que c'était une organisation omni

19 puissante.

20 Mme Glumac (interprétation). – Vous voulez dire les membres des

21 organisations internationales ?

22 M. Sakic (interprétation). – Pour nous, tout était la Forpronu,

23 nous ne faisions pas vraiment la distinction. A l'époque, à vrai dire, il

24 n'y avait que la Forpronu. Ils m'ont dit qu'ils étaient là, qu'ils avaient

25 peur et ils voulaient que moi je me mette en contact avec quelques-uns de

Page 7315

1 mes connaissances pour qu'ils viennent les retirer. Je suis allé les voir

2 avec Zoran Kupreskic, Zihad Bilic n'osait pas sortir de la cave pour aller

3 aux toilettes et ma femme m'a appelé, elle me la dit et je l'ai encouragé,

4 je l'ai rassuré et accompagné jusqu'aux toilettes. Vraiment ils étaient

5 effrayés.

6 Après cela, moi et Zoran nous sommes partis téléphoner. J'ai

7 appelé ma secrétaire de l'époque Ranka Gotovac qui parlait anglais étant

8 donné que moi-même je ne parle pas anglais et je lui ai demandé d'appeler

9 l'unité britannique, c'est-à-dire le Régiment de Sheshire à Bila, pour

10 qu'il vienne sur place pour évacuer les Bilic.

11 Il ne sont pas venus. Zoran et moi, nous avons appelé plusieurs

12 fois et Ranka a appelé un ami commun Edo Novalic qui lui était interprète

13 dans le Régiment du Sheshire dans le secteur du génie militaire, mais ils

14 ne sont pas venus.

15 A un moment, ils se sont approchés à une distance de 150 mètres

16 c'était un véhicule de transport des troupes, je ne sais si cela s'est

17 produit par hasard ou pas, mais le deuxième jour après le conflit, le

18 véhicule de transport de troupes s'est approché de la maison de

19 Niko Vidovic mais personne n'est sorti et il a fait marche arrière et il

20 est retourné. Et les Bilic sont restés.

21 Mme Glumac (interprétation). – Donc les Bilic et Stormonja sont

22 restés, ils ont survécu ?

23 M. Sakic (interprétation). - Oui tout à fait et leurs maisons

24 n'ont pas été incendiées.

25 M. le Président (interprétation). - Est-ce que nous pouvons

Page 7316

1 faire une pause

2 maintenant ?

3 L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à

4 12 heures 35.

5 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

6 J'étais encore en train de regarder certains papiers.

7 Monsieur le témoin, je vous demanderai de regarder ces

8 photographies et de nous dire si sur ces photographies on voit celle de

9 votre maison et si on voit également l'abri.

10 Mme Ameerali (interprétation). – Document D92/2.

11 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Sakic, sur ces deux

12 premières photographies, voit-on votre maison ?

13 M. Sakic (interprétation). - Oui, ma maison et la maison de mon

14 père.

15 Mme Glumac (interprétation). - Sur la photographie numéro 5,

16 voit-on l'espace qui correspond à la cave qui a servi d'abri ?

17 M. Sakic (interprétation). - Oui, sur la photographie numéro 5,

18 on voit la pièce en sous-sol qui a servi d'abri.

19 Mme Glumac (interprétation). - Je vous demanderai de bien

20 vouloir maintenant regarder la photographie numéro 3. Est-ce qu'on y voit

21 le garage où a été apporté le corps de Mirjan Santic.

22 M. le Président (interprétation). - Je me demandais si vous ne

23 pourriez pas poser vos questions d'une façon différente de façon à ce

24 qu'elles ne soient pas une manière de souffler sa réponse au témoin.

25 Mme Glumac (interprétation). - Oui, tout à fait. Tout à fait.

Page 7317

1 Pouvez-vous nous dire, Monsieur le témoin, quel est le bâtiment que l'on

2 voit sur la photographie numéro 3 ?

3 M. Sakic (interprétation). - C'est le garage et la remise à bois

4 qui nous appartient à

5 moi-même et à mon père. C'est dans ce bâtiment que le corps de

6 Mirjan Santic a été apporté.

7 Mme Glumac (interprétation). - Sur la photographie n° 3, pouvez-

8 vous nous dire, je vous prie, dans quelles directions se trouve le chemin

9 qui va vers le vallon ? Est-ce que vous voyez le chemin sur cette

10 photographie ?

11 M. Sakic (interprétation). - Sur la photographie je peux vous

12 montrer le début de ce chemin qui se trouve derrière le garage. Voilà,

13 ici. Mais on ne voit pas le chemin en tant que tel parce qu'il est en

14 contrebas, pas mal en contrebas par rapport au terrain que l'on voit au

15 premier plan.

16 Mme Glumac (interprétation). - Et sur la photographie n° 2, qui

17 est une photo prise encore plus près du garage, est-ce qu'on voit le début

18 de ce chemin sur cette photographie n° 2 ?

19 M. Sakic (interprétation). - Oui, on ne voit pas le début du

20 chemin parce que ce début de chemin est en contrebas. En fait, la

21 photographie n° 2 est la même, mais prise plus près du garage simplement.

22 Mme Glumac (interprétation). - Sur la photographie n° 4, je vous

23 prie, pouvez-vous nous dire ce qu'on voit ? De quel côté de la maison

24 cette photographie a été prise ?

25 M. Sakic (interprétation). - La photographie n° 4 est prise à

Page 7318

1 partir de la façade avant de la maison et on voit l'entrée de la cave.

2 Mme Glumac (interprétation). - Et la porte d'entrée, elle se

3 trouve ?

4 M. Sakic (interprétation). - C'est la porte d'entrée dont

5 l'orientation est au sud, donc elle regarde vers la maison de

6 Sulejman Ahmic dont j'ai déjà parlé.

7 Mme Glumac (interprétation). - Et sur la photographie n° 4, est-

8 ce qu'on voit le garage ?

9 M. Sakic (interprétation). - Sur la photographie n° 4, on ne

10 voit même pas le garage car il est absolument à l'opposé de la maison, de

11 l'autre côté.

12 Mme Glumac (interprétation). - Et ici, à côté de la voiture

13 bleue, on voit un toit. De quoi s'agit-il ? Derrière la voiture bleue.

14 M. Sakic (interprétation). - Derrière la voiture bleue, il est

15 possible que l'on voit une partie du toit d'une maison de week-end qui se

16 trouve à côté. Je ne me rappelle pas le nom du propriétaire, il s'appelle

17 Dragan. Il est de Zenica, mais il travaille en Allemagne. Et donc entre la

18 maison de week-end en question et mon garage, passe la route qui va vers

19 le vallon.

20 Mme Glumac (interprétation). - Mais le fait que l'on voit cette

21 partie qui est très en contrebas n'indique-t-il pas que le terrain est en

22 pente descendante ?

23 M. Sakic (interprétation). - On voit, en regardant derrière la

24 voiture, la ligne de pente. Et, derrière la forêt, on voit quelque chose.

25 Donc, derrière le garage, on a un chemin qui descend vers le vallon et

Page 7319

1 puis il y a un autre chemin qui monte en traversant le vallon vers la

2 maison des Kupreskic, qui se trouve ici.

3 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je vous demanderai de bien

4 vouloir dire aux Juges ce qui s'est passé ensuite, le troisième jour ?

5 M. Sakic (interprétation). - Le troisième jour, les coups de feu

6 se sont déplacés dans la direction de Pirici. Je peux l'indiquer sur la

7 photographie aérienne ?

8 Mme Glumac (interprétation). - Je vous en prie.

9 (Le témoin indique l'emplacement.)

10 M. Sakic (interprétation). - Donc les coups de feu se sont

11 déplacés vers Pirici. La forêt que l'on voit ici été très épaisse, les

12 arbres étaient de grande taille à l'époque. Aujourd'hui, les arbres sont

13 coupés, mais j'essaie de m'y retrouver. Donc voilà, par ici, dans la

14 direction du haut du village, dans la direction de Pirici. La topographie

15 aujourd'hui est tout à fait différentes parce qu'ici on voyait une forêt

16 de grande taille et très épaisse. On ne voyait absolument pas les maisons.

17 Absolument pas.

18 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous montrer sur la

19 photographie aérienne

20 d'où venaient les coups de feu ? Est-ce que vous avez pu le déterminer ?

21 M. Sakic (interprétation). - On entendait les coups de feu

22 depuis en haut, depuis là haut, et ils s'enfonçaient à l'intérieur

23 d'Ahmici.

24 Mme Glumac (interprétation). - Mais est-ce qu'on entendait les

25 coups de feu à partir d'Ahmici ?

Page 7320

1 M. Sakic (interprétation). - On les entendait de partout. Il est

2 difficile en fait de localiser l'origine de ces coups de feu parce que

3 tout n'était que coups de feu, on pourrait dire.

4 Mme Glumac (interprétation). - Merci, vous pouvez-vous rasseoir.

5 Pouvez-vous nous dire quelle était votre situation ce jour-là ?

6 M. Sakic (interprétation). - Au cours de la deuxième moitié du

7 troisième jour, tous les hommes adultes du secteur où nous nous trouvions,

8 nous avons tous été dirigés vers Pirici par des soldats en armes qui

9 portaient un uniforme de camouflage. Il y en a deux qui sont venus auprès

10 de nous et qui nous ont dit que nous devions prendre le chemin de Pirici

11 et de Barin Gaj.

12 A ce moment-là, il y avait encore pas mal d'hommes qui passaient

13 dans ce secteur. J'en ai reconnu qui était de Vitez. Ils étaient pour la

14 plupart habillés en civile et n'avaient que très peu d'armes. Et on nous a

15 dit de passer devant la maison des Kupreskic, devant les maisons de week-

16 end pour aller vers Pirici. Il y avait là à ce moment-là Zoran Kupreskic,

17 Mirjan Kupreskic, Dragan Cevidovic, Dragan Stipe, Miroslav Puda, moi-même

18 et pas mal d'hommes encore.

19 Donc nous sommes passés devant la maison du voisin de Zoran,

20 Enver, un boulanger, et c'est là que j'ai vu pour la première fois un

21 certain nombre de corps sans vie. Et Zoran a eu une crise de nerfs je

22 pense à ce moment-là, il a commencé à hurler, à pleurer. On ne pouvait

23 plus le contrôler. Ce n'était pas très beau à voir parce que l'un des

24 cadavres étaient calcinés, donc vraiment c'était pénible à regarder. Alors

25 nous l'avons calmé, je crois que c'est même mois qui ai fait le plus pour

Page 7321

1 le calmer et nous avons continué notre chemin. Nous sommes passés donc

2 devant la maison du voisin, devant les maisons de week-end et nous sommes

3 arrivés dans le haut de Pirici, devant la maison de Gavro Vidovic qui

4 était inhabitée.

5 Cette nuit là, nous avons donc passé la nuit à cet endroit. Au

6 cours de la nuit, Slavko Papic nous a rejoint. C'est l'un de nos voisins.

7 Il nous a dit que nous devions creuser des tranchées et que l'objectif

8 était de renforcer des lignes. Donc j'ai passé la nuit à cet endroit, nous

9 avons creusé des espèces de trous et, à 9 heures du matin le lendemain,

10 Dragan Strbac est venu du département de la défense pour me dire que je

11 devais aller à Vitez où on avait cruellement besoin d'ingénieurs, de gens

12 capables d'organiser les fortifications, les abris, le creusement des

13 tranchées, etc.. Donc le lendemain, c'est-à-dire le quatrième jour, j'ai

14 quitté la zone de Pirici, je suis parti.

15 Mme Glumac (interprétation). - Et pendant ces quatre jours que

16 vous avez passé au même endroit, y a-t-il eu une forme quelconque de

17 mobilisation ?

18 M. Sakic (interprétation). - S'il y avait eu une quelconque de

19 mobilisation, il ne fait aucun doute que j'aurais dû être concerné. Moi je

20 ne l'ai pas constaté. Je ne suis pas au courant qu'il y ait eu une

21 quelconque mobilisation. Mon nom ne figure même pas sur la liste des

22 électeurs donc ... Mais enfin, je pense qu'il n'y a pas eu de

23 mobilisation. Je peux même affirmer qu'il n'y a pas eu de mobilisation.

24 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelqu'un à dresser la

25 liste des noms, des personnes qui ont été amenées sur la ligne de défense

Page 7322

1 à ce moment-là ? Le savez vous ?

2 M. Sakic (interprétation). - Jusqu'au quatrième jour, c'est-à-

3 dire jusqu'au jour où j'y ai été amené moi-même il n'y a pas eu de liste.

4 Mais par la suite je ne sais pas.

5 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si par la

6 suite vous êtes rentré à Ahmici ?

7 M. Sakic (interprétation). - Ensuite je me suis trouvé à Vitez,

8 l'organisation à laquelle j'appartenais, l'IRC pouvait encore utiliser le

9 téléphone de la mairie et le fax, et

10 puisqu'il s'agissait d'organiser des études destinées à impliquer les

11 experts en construction, il a été avéré que je ne devais pas servir dans

12 les rangs de l'armée. J'ai donc été libéré de mon service au sein de

13 l'armée. Et le 15 mai, l'IRC a organisé le transport de ma femme et de mes

14 enfants. Donc le 13 mai, je suis allé à Zenica où j'ai commencé à

15 travailler dans les bureaux de l'IRC de Zenica.

16 Mme Glumac (interprétation). - Mais pourriez-vous nous dire si

17 vous êtes retourné à Ahmici à ce moment-là ?

18 M. Sakic (interprétation). - Eh bien après la guerre je ne suis

19 jamais retourné à Ahmici. J'ai construit une maison à Vitez. Je vais

20 rendre visite à mes parents de temps en temps, mais je n'ai pas eu envie

21 de vivre à Ahmici et je n'ai pas en vie d'y retourner.

22 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi est-ce que vous ne

23 pouvez pas retourner à Ahmici ?

24 M. Sakic (interprétation). - Eh bien c'est tout à fait simple,

25 ce sont des raisons personnelles. Je ne me sens pas bien. Je ne peux pas

Page 7323

1 vivre à Ahmici tout simplement.

2 Mme Glumac (interprétation). - Mais, ce 16 avril, est-ce que

3 vous pensez que vous auriez pu faire quelque chose pour faire cesser le

4 conflit ou aider les gens davantage que vous ne l'avez fait, puisque vous

5 avez parlé de l'aide que vous avez tenté d'apporter aux Bilic et aux

6 Stormonja notamment.

7 M. Sakic (interprétation). - Jusqu'au 16... En fait, ce

8 16 avril, nous nous sommes trouvés là, mais c'étaient les circonstances

9 qui nous ont fait nous trouver là. On ne choisit pas le lieu où l'on naît.

10 Eh bien, c'est un peu la même chose. Et quant à aider des gens, nous avons

11 aidé les Bilic parce qu'ils faisaient partie de notre environnement. Leur

12 maison est restée intacte, n'a pas été incendiée. Mais plus que cela, nous

13 ne pouvions pas le faire. D'ailleurs, je dirais même que c'est un peu le

14 fruit du hasard si leur maison n'a pas été brûlée. Je dirai en fait, en

15 réalité, que nous ne pouvions avoir d'influence sur rien. Nous ne pouvions

16 avoir aucune

17 influence sur le développement ou le non-développement des événements.

18 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si, pendant

19 ces trois jours qu'a duré le conflit avec une intensité plus ou moins

20 grande selon les moments, vous avez quitté Zoran et Mirjan Kupreskic,

21 ainsi que Vidovic ? Est-ce que vous vous êtes séparés d'eux pour une

22 période assez longue ?

23 M. Sakic (interprétation). - Zoran et moi, nous ne nous sommes

24 absolument pas séparés, Draganse Vidovic, et Stipe Vidovic est parti

25 directement de cet endroit pour aller dans sa maison le premier jour du

Page 7324

1 conflit. Il est revenu plusieurs fois. Donc nous n'arrêtions pas de courir

2 à gauche à droite pour essayer de trouver des informations, mais au cours

3 du premier jour, du troisième et du quatrième jours, je peux confirmer en

4 toute liberté que j'ai passé pratiquement tout le temps avec Zoran et

5 Dragan Samija et mon père était avec nous de temps en temps. Il y avait

6 aussi Stipe.

7 Mme Glumac (interprétation). - Où se trouvait votre père ?

8 M. Sakic (interprétation). - Mon père était devant l'abri,

9 devant la maison. Il était là, devant l'entrée. Il avait empilé des bouts

10 de bois.

11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez dire aux

12 juges qui était Nenad Santic, je vous prie ?

13 M. Sakic (interprétation). - Nenad Santic habitait Santici.

14 C'était quelqu'un que je connaissais. Il habitait plus précisément à

15 Donja Rovna. On se connaissait, il travaillait à la station d'essence.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il occupait un poste

17 particulier dans le village ? Est-ce qu’il avait des fonctions d'une

18 signification particulière ?

19 M. Sakic (interprétation). - Non, pour autant que je le sache,

20 il est mort en tant que simple soldat à Busovaca. Moi en tout cas, je ne

21 suis pas au courant d'un poste quelconque qu'il aurait occupé.

22 Mme Glumac (interprétation). - Eh bien, je vous demanderai

23 encore de regarder ce document et de nous dire s'il s'agit d'un document

24 vous concernant.

25 Mme Ameerali (interprétation). - Document D93/2.

Page 7325

1 (Le document est remis au témoin.)

2 Mme Glumac (interprétation). - Ce document est un certificat du

3 Comité de secours international, International Rescue Committee (IRC), et

4 il stipule que vos travailliez pour ce comité, tout comme Ranka Gotovac.

5 Il y est demandé au gouvernement du HVO de vous autoriser à travailler

6 pour l'IRC. C'est un document qui a été publié le 4 mai 1993. A ce moment-

7 là, est-ce que vous étiez encore à Vitez ou est-ce que vous aviez déjà

8 quitté Vitez ?

9 M. Sakic (interprétation). - Je suis resté à Vitez jusqu'au

10 30 mai parce que je n'avais pas la possibilité de trouver un endroit pour

11 protégé ma famille. J'attendais que ma famille soit à l'abri pour partir

12 et ce document est arrivé le 15 mai. Tod Kleever*, qui travaillait à

13 l'IRC, a emmené ma femme et ma famille à Split en voiture. Moi, je

14 travaillais à l'organisation d'un convoi de l'IRC à ce moment-là et le

15 30 mai, avec l'accord du gouvernement du HVO, je suis parti à Zenica et je

16 suis resté à Zenica jusqu'au 15 juillet, quand c'est devenu trop

17 dangereux, et de Zenica, je suis parti à Split avec un autre convoi.

18 Mme Glumac (interprétation). - La personne dont vous venez de

19 parler, qui travaillait avec vous, est Ranka Gotovac. Est-ce que c'est la

20 personne que vous avez appelée pour organiser l'évacuation des Bilic ?

21 M. Sakic (interprétation). - Oui.

22 Mme Glumac (interprétation). - Et après cela, vous avez

23 travaillé pour l'IRC, n'est-ce pas ?

24 M. Sakic (interprétation). - Oui, après cela j'ai participé à

25 organiser un convoi, le convoi Beliput*, comme on l'a appelé, et le

Page 7326

1 30 avril 1994, je suis retourné à Vitez. A Vitez, un bureau de l'IRC s'est

2 ouvert, qui s'occupait de cette région de la Bosnie centrale sous contrôle

3 croate à l'époque.

4 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie.

5 Merci, Monsieur le Président, j'en ai fini de mon interrogatoire

6 principal. Je demanderai simplement le versement au dossier des

7 documents D85/2 à D93/2 en tant qu'éléments de preuve.

8 M. le Président (interprétation). - Des objections ?

9 M. Terrier. - Monsieur le Président, ce n'est pas à proprement

10 parler une objection. Je suis d'accord avec cette demande. En revanche,

11 puisqu'un certain nombre de pages extraites d'un livre ont été

12 communiquées au Tribunal, je souhaite que l'intégralité de ce livre puisse

13 être versé au dossier du Tribunal. Je pense que cela pourrait être utile à

14 l'établissement de la vérité et il me semble que c'est l'occasion tout à

15 fait idéale pour procéder de cette manière-là.

16 S'il se posait un problème de traduction, nous pourrions

17 apporter au Tribunal une traduction intégrale en anglais de cet ouvrage.

18 M. le Président (interprétation). - Vous êtes d'accord, Maître ?

19 Mme Glumac (interprétation). - (Hors micro).

20 Bien sûr, Monsieur le Président, je suis d'accord et je pense

21 bien évidemment que l'intégralité de l'ouvrage doit être versée au dossier

22 en tant qu'élément de preuve, mais je n'avais pas la traduction et je

23 constate avec plaisir que le Procureur en dispose.

24 M. le Président (interprétation). - Bien. L'ensemble des

25 documents qui viennent d'être évoqués sont versés au dossier et admis et,

Page 7327

1 par ailleurs, l'intégralité du livre sera versée au dossier également, en

2 original et en version anglaise fournie par le Bureau du Procureur.

3 Maître Pavkovic, vous avez des questions à poser au témoin ?

4 Mme Glumac (interprétation). - (Hors micro.)

5 Monsieur le Président, j'aurais simplement une chose à demander

6 en cet instant. Il y a quelque temps, dans la partie du procès

7 correspondant à la présentation des preuves du

8 Procureur, un document D16/2 a été soumis par la défense, document qui

9 correspond à la date du 16 avril 1993. C'était un rapport de la police

10 militaire qui était signé par le commandant Pasko Ljubicic, et ceci n'a

11 pas pu être établi à ce moment-là. Donc le document n'a pas été versé au

12 dossier -je parle de ce rapport- car certains faits n'avaient pas été

13 avérés. Mais le témoin interrogé à ce moment-là, le Témoin AA, a confirmé

14 que le sceau qui figure sur ce document en bas de page est bien le sceau

15 de la police militaire du commandement du 4ème Bataillon de la police

16 militaire. Le Témoin AA était un témoin protégé et avait été un

17 responsable de la police militaire à l'époque des faits.

18 Donc puisque le témoin d'aujourd'hui a confirmé que la police

19 militaire se trouvait bien à Ahmici, et au vu du fait que, sur la base des

20 éléments de preuve admis, les extraits de la citation faite par

21 Pasko Ljubicic ont été admis au dossier, je demande que cette pièce à

22 conviction de la défense soit également admise.

23 M. le Président (interprétation). - Ce sera donc le

24 document D16/2 ?

25 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

Page 7328

1 M. le Président (interprétation). - Aucune objection.

2 M. Terrier. - Monsieur le Président, il ne me semble pas que le

3 témoin ait authentifié aujourd'hui le signataire ou le sceau figurant sur

4 ce document. Ce qu'il a pu dire de ce qu'il a vu au cours de cette journée

5 au sein du village de Ahmici me paraît être une chose tout à fait

6 différente, qui ne suffit pas à authentifier ce document. Donc je ne pense

7 pas que ce soit aujourd'hui, après ce témoignage, que nous puissions

8 considérer que ce document est suffisamment authentifié pour être versé au

9 dossier du Tribunal.

10 Je me rapporte à l'appréciation de votre Tribunal.

11 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, excusez-

12 moi, juste un commentaire. Merci, Monsieur le Président. J'aimerais tout

13 simplement ajouter qu'en ce qui concerne l'authenticité de ce document,

14 elle a été confirmée par la déposition du témoin AA qui

15 a été cité en octobre, l'année dernière, si je ne m'abuse. Il avait, par

16 conséquent, confirmé que le cachet est le cachet de la police militaire

17 4ème Bataillon de la police militaire. Ce n'était pas contestable à cette

18 époque-là que le tampon était authentique et qu'il provenait du

19 4ème Bataillon de la police militaire.

20 A cette époque-là, on ne savait pas que la police militaire se

21 trouvait à Ahmici. Compte tenu du fait que ce témoin également avait

22 confirmé que le commandant été Pavko Ljubicic, le tampon n'est pas

23 contestable. Maintenant la teneur également du rapport est vérifiée. Je

24 pense qu'il faudrait que cette pièce à conviction soit versée au dossier,

25 non seulement sur la base de la déclaration du témoin qui est dans le

Page 7329

1 prétoire, mais de celle du témoin AA.

2 M. Terrier. - Monsieur le Président, si vous le permettez

3 quelques mots pour répondre à Me Glumac. Encore une fois, le témoin qui a

4 déposé aujourd'hui devant le Tribunal n'a, au cours de l'interrogatoire

5 principal, ni mentionné l'unité précise qui se trouvait à Ahmici. Il dit

6 simplement avoir identifié des soldats qui pouvaient, je pense même qu'il

7 a été assez hypothétique et prudent dans son affirmation, appartenir à la

8 police militaire du HVO. Il n'a donc pas identifié formellement l'unité à

9 laquelle ces soldats appartenaient, et moins encore le document dont il

10 est question. Donc je ne préjuge pas de l'avenir, mais je considère

11 qu'aujourd'hui n'est pas le bon jour et le témoignage qui vient d'être

12 entendu par le Tribunal n'est pas le bon témoignage pour permettre de

13 verser au dossier du Tribunal le document qu'évoque Me Glumac. Peut-être

14 qu'à une autre occasion cela sera-t-il possible.

15 (Les Juges se concertent sur le siège.)

16 M. le Président (interprétation). - Les Juges considèrent que

17 l'argument du Procureur est un argument qui devrait être adopté. C'est à

18 une autre occasion probablement qu'il serait possible de voir ce document,

19 éventuellement le verser au dossier et pour les raisons qui ont été

20 évoquées par le Procureur.

21 Maintenant, je pense que nous pouvons éventuellement voir avec

22 Maître Pavkovic s'il y a d'autres conseils qui veulent interroger le

23 témoin.

24 M. Pavkovic (interprétation). - Non, ce n'est pas le cas.

25 M. le Président (interprétation). - Merci. Avant le contre-

Page 7330

1 interrogatoire, j'aimerais tout simplement ajouter que la Chambre est

2 quelque peu surprise, les juges sont quelque peu surpris, c'est

3 probablement une stratégie de la défense, car la défense insiste bien

4 évidemment sur le premier chef d'accusation, mais il me semble que les

5 deux derniers témoins ont plutôt… se référer aux autres chefs

6 d'accusation, de 2 à 11. Est-ce que les conseils de la défense pourraient

7 nous donner un peu plus de précisions à ce sujet ? Est-ce que la défense

8 considère qu'il est mieux de citer les témoins qui vont parler au sujet du

9 chef d'accusation n° 1, persécution ?

10 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, compte

11 tenu du fait qu'il s'agit des témoins qui nous concernent, nous concernant

12 que le chef d'accusation n° 1 et d'autres chefs d'accusation sont très

13 proches. C'est la raison pour laquelle effectivement nous allons citer les

14 témoins qui vont pouvoir parler aussi bien du chef d'accusation n° 1 que

15 sur d'autres chefs d'accusation et nous allons véritablement agir de cette

16 manière-là.

17 M. le Président (interprétation). - Mais au début, vous avez dit

18 que tous les conseils de la défense allaient d'abord se référer au chef

19 d'accusation n° 1. Là, maintenant, vous poursuivez, le chef d'accusation

20 n° 2 jusqu'au 11, et ce n'est que par la suite que les autres conseils

21 allaient revenir sur le chef d'accusation n° 1 ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Je pense que, Monsieur le

23 Président, nous avons pratiquement terminé avec le chef d'accusation n° 1,

24 exception faite de Vlatko Kupreskic, et je vois que les conseils de la

25 défense de Vlatko Kupreskic pour le moment n'ont pas cité les témoins

Page 7331

1 concernant le chef d'accusation n° 1. Pour les autres conseils, nous

2 allons toucher à tous les autres chefs d'accusation.

3 M. le Président (interprétation). - Merci.

4 M. May (interprétation). - Essayons de comprendre votre

5 stratégie. Nous avons une liste qui date du 25 janvier et nous voyons

6 sept témoins à peu près. Maître Glumac, vous allez me corriger si je me

7 trompe, qui doivent être cités pour le chef d'accusation n° 1. Est-ce que

8 vous voulez dire que vous n'allez pas les citer, s'il vous plaît ?

9 Mme Glumac (interprétation). - Oui, c'est notre attitude

10 actuellement. Nous n'allons plus citer d'autres témoins concernant le chef

11 d'accusation n° 1. Nous pensons que ce n'est pas nécessaire. Mais compte

12 tenu du fait que le Procureur nous a fournis un certain nombre d'autres

13 documents, il n'est pas impossible que nous soyons obligés de citer

14 d'autres témoins, mais de caractère général. Mais pour le moment, nous

15 n'avons aucune intention de citer les témoins au sujet du chef

16 d'accusation n° 1.

17 M. le Président (interprétation). - Merci. Si je vous ai bien

18 compris, Maître Glumac, vous voulez dire que vous allez poursuivre avec

19 les témoins qui vont parler d'autres chefs d'accusation et qu'après le

20 onzième chef d'accusation, vous allez citer d'autres témoins ?

21 Mme Glumac (interprétation). - Il ne faut pas oublier non plus

22 le conseil de Vlatko Kupreskic, s'il vous plaît.

23 M. le Président (interprétation). - Je donne la parole à

24 Maître Krajina.

25 M. Krajina (interprétation). - Je voulais tout simplement

Page 7332

1 ajouter que la défense de Vlatko Kupreskic a encore un seul témoin à citer

2 au sujet du chef d'accusation n° 1, c'est le juge dont on a parlé, et nous

3 n'allons pas citer d'autres témoins.

4 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Susak ?

5 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, en ce qui

6 concerne le chef d'accusation n° 1, la défense de Drago Josipovic a des

7 témoins qui vont certainement être cités et on va parler de la

8 persécution, je pense. Actuellement, nous en avons deux, deux témoins qui

9 vont être cités au sujet du chef d'accusation n° 1. Pas plus que deux.

10 M. le Président (interprétation). - Merci. Mais vous allez citer

11 les deux témoins au moment où ce sera votre tour ?

12 M. Susak (interprétation). - Oui. C'est dans une continuité. Il

13 y a deux témoins sur les neuf au total.

14 M. le Président (interprétation). - Merci. J'invite le Procureur

15 maintenant pour le contre-interrogatoire.

16 M. Terrier. - Merci, Monsieur le Président. Bonjour

17 Monsieur Sakic. Je m'appelle Franck Terrier. Je suis l'un des avocats de

18 l'accusation, et comme cela vous a certainement été expliqué, je vais vous

19 poser certaines questions à la suite de votre déposition.

20 Tout d'abord, puisque vous nous avez parlé de votre famille à

21 plusieurs reprises, j'aimerais que vous précisiez combien d'enfant aviez-

22 vous en 1996, pardon 1993 et quel âge avaient ces enfants.

23 M. Sakic (interprétation). - En 1993, j'avais comme aujourd'hui

24 deux enfants : ma fille avait à cette époque-là 6 ans et 3 mois, et mon

25 fils avait 17 mois de moins. Donc 4,5 ans.

Page 7333

1 M. Terrier. - Vous habitiez au sein de cette maison dont nous

2 avons vu les photographies avec vos parents ? C'est bien exact ?

3 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est exact. Il y a les deux

4 portes d'entrée. Dans cette maison, moi j'habitais au premier étage alors

5 que mes parents habitaient au rez-de-chaussée.

6 M. Terrier. - Est-ce que vous avez toujours habité à Ahmici ?

7 M. Sakic (interprétation). - Moi, j'habitais dans cette maison.

8 Cette maison est à Pirici. C'est à 150 mètres par rapport à Ahmici et je

9 vivais dans cette maison 15 ans.

10 M. Terrier. - Au début de votre déposition, Monsieur Sakic, vous

11 avez parlé de vos activités professionnelles et en particulier d'une

12 obligation de travail qu'il vous incombait

13 de fournir au HVO. Est-ce que j'ai bien compris votre déclaration ?

14 M. Sakic (interprétation). - Je ne suis pas sûr que vous avez

15 très bien compris. Je n'avais pas d'obligation de travail vis-à-vis du

16 HVO. A cette époque-là, je ne sais même pas si le HVO existait.

17 M. Terrier. - J'ai peut-être effectivement mal compris, je vous

18 demande dans ce cas de me corriger. Je parle de l'époque, je précise bien,

19 qui va d'avril ou du printemps 1992 jusqu'au début de 1993. Il m'avait

20 semblé, mais certainement ai-je eu tort, que vous parliez d'une obligation

21 de travail ou d'une obligation de service qui était due au HVO au cours de

22 cette période.

23 M. Sakic (interprétation). - Je vais répéter ce que j'ai dit

24 tout à l'heure. J'ai travaillé sur une route qui devait être construite,

25 qui a été financée par Busovaca, Vitez, Novi Travnik et Zenica et c'est

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1 une route qui a été appelée "la route du salut". J'ai travaillé pour une

2 paye, donc chaque ville envoyait les personnes qui travaillaient sur la

3 construction de cette route et c'est là où j'ai passé quelques mois. Mais

4 en tant que technicien du génie civil qui avait travaillé sur les tronçons

5 de la route. J'étais payé pour. C'est le premier tronçon, le tronçon n° 1

6 sur lequel j'ai travaillé.

7 M. Terrier. – Monsieur Sakic, avez-vous une expérience

8 militaire ?

9 M. Sakic (interprétation). - L'expérience militaire ? Oui, parce

10 que j'ai fait mon service militaire dans l'ex-JNA en 1979/1980. Donc c'est

11 une expérience militaire parce que j'ai fait mon service militaire.

12 M. Terrier. - Vous nous avez dit tout à l'heure que vous

13 possédiez certaines armes à votre domicile, et vous avez parlé d'un fusil

14 de chasse, d'un revolver et d'un fusil automatique. J'ai bien compris ce

15 que vous avez dit ?

16 M. Sakic (interprétation). - Oui, vous avez bien compris.

17 J'avais un revolver appelé 7,9 millimètres. J'avais également un fusil de

18 chasse et j'étais membre d'un club de chasseurs de Vitez et une fois que

19 Jajce est tombée, j'ai acheté un fusil automatique Kalachnikov. Vous avez

20 bien compris.

21 M. Terrier. - Ce fusil automatique, Monsieur Sakic, vous l'avez

22 acheté à quelle date ?

23 M. Sakic (interprétation). - Je ne peux pas m'en souvenir

24 exactement, mais je pense cinq ou six jours après la chute de Jajce, au

25 moment où il y avait beaucoup de civils à Vitez qui se retiraient et qui

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1 offraient tout ce qu'ils pouvaient offrir. Je ne peux pas vous dire

2 exactement de manière plus précise à quel moment j'ai acheté mon fusil.

3 M. Terrier. - Auprès de qui avez-vous acheté cette arme ?

4 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas, mais c'était

5 quelqu'un des habitants de Jajce qui se retiraient. Croyez-moi, à cette

6 époque-là on pouvait acheter une arme comme on achète des cigarettes.

7 M. Terrier. - Vous voulez dire que tout le monde autour de vous

8 achetait des armes de cette sorte ?

9 M. Sakic (interprétation). - Je ne l'ai pas dit. J'ai dit qu'au

10 moment où les gens se retiraient de Jajce, vendaient tout ce qu'ils

11 emportaient avec eux, y compris les armes et moi j'ai dit que j'ai acheté

12 une arme pour moi-même. Je ne peux pas dire si les autres ont acheté des

13 armes pour eux-mêmes.

14 Probablement, c'est fort possible. Mais il y avait un danger, un

15 danger qui était présent et on souhaitait avoir une arme.

16 M. le Président (interprétation). - C'est donc pour vous

17 défendre et défendre votre famille certainement que vous avez acheté cette

18 arme ?

19 M. Sakic (interprétation). - J'ai acheté cette arme pour me

20 défendre et c'était un sentiment de sécurité que j'avais en achetant cette

21 arme. Je me disais que c'est comme cela que j'allais me sentir en

22 sécurité.

23 M. Terrier. - Combien est-ce que vous avez payé cette arme ?

24 M. Sakic (interprétation). - Je pense que je n'ai pas payé cette

25 arme plus de 300 deutsche Mark, 350 deutsche Mark.

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1 M. Terrier. - Quel était votre salaire mensuel à l'époque ?

2 M. Sakic (interprétation). - A cette époque-là, je n'avais même

3 pas de salaire. Je n'ai plus travaillé dans l'entreprise et je me

4 débrouillais pour gagner ma vie. Je n'avais absolument pas de salaire à

5 cette époque-là.

6 M. Terrier. – Est-il exact de dire que la somme de

7 300 deutsche Mark dans les conditions de l'époque est une somme

8 relativement importante ?

9 M. Sakic (interprétation). - Oui, pour quelqu'un c'était une

10 somme importante, mais pour moi ce n'était pas le cas. Ni à l'époque ni

11 maintenant.

12 M. Terrier. - Vous voulez dire que vous aviez une certaine

13 fortune ? Et que vous avez toujours une certaine fortune ?

14 M. Sakic (interprétation). - Je voulais tout simplement dire que

15 300 deutsche Mark n'est pas une très grosse fortune. C'est un bon dîner,

16 vous le savez aussi bien que moi. Et moi j'avais effectivement un peu plus

17 à l'époque et maintenant.

18 M. Terrier. - Est-ce que vous avez acheté des munitions par la

19 même occasion ?

20 M. Sakic (interprétation). - Oui.

21 M. Terrier. - Vous avez évoqué au cours de votre témoignage ces

22 patrouilles villageoises auxquelles vous avez participé. Est-ce que vous

23 pouvez nous dire qui les organisait et qui les commandait, à Pirici en

24 particulier, bien entendu, où vous habitiez ?

25 M. Sakic (interprétation). - Je pense que les patrouilles

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1 villageoises, après l'éclatement de la Yougoslavie, ont été organisées en

2 vue d'autodéfense et, personnellement, je ne pense pas qu'elles étaient

3 organisées de manière systématique. Il y avait cinq ou quatre maisons, des

4 gens qui habitaient, qui s'organisaient. Personnellement, je ne pense pas

5 du tout

6 qu'il y ait eu des commandements.

7 M. Terrier. - Est-ce que Monsieur le témoin, il serait exact, si

8 on ne parle pas de commandement pour ces patrouilles villageoises, est-ce

9 qu’il serait exact de parler par exemple de coordination ?

10 M. Sakic (interprétation). – Eh bien, s'il y avait une

11 coordination, je pense que moi j'aurais été obligé de participer à ces

12 patrouilles villageoises. Mais c'étaient des patrouilles qui étaient

13 volontaires, organisées sur la base volontaire et moi j'ai participé à

14 cette patrouille quelques fois seulement. Je ne pense pas du tout qu'il

15 ait été question de coordination.

16 M. Terrier. - Lorsque vous participiez à ces patrouilles, est-ce

17 que vous étiez armé de cette kalachnikov dont vous aviez fait

18 l'acquisition ?

19 M. Sakic (interprétation). – J'ai participé une fois à ces

20 patrouilles. Moi, je pense que c'étaient plus des promenades que des

21 patrouilles et je pense que j'avais un fusil de chasse et que j'ai donné à

22 un copain ma kalachnikov. Mais je ne me souviens pas.

23 M. Terrier. - Est-ce que vous connaissiez à cette époque

24 Slavko Papic ?

25 M. Sakic (interprétation). – Je connais Slavko Papic depuis

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1 20 ans. Ils se sont installés à 300-400 mètres par rapport à ma maison et

2 ils y ont vécu pendant 15 ans.

3 M. Terrier. - Est-ce que Slavko Papic n'avait pas une

4 responsabilité dans le commandement ou la coordination ou l'organisation

5 de ces patrouilles villageoises ?

6 M. Sakic (interprétation). – Je n'ai pas contacté Slavko Papic.

7 Je ne peux pas le nier, je ne peux pas l'affirmer. Personnellement, je

8 pense que non. La première fois, je l'ai vu à côté de Barin Gaj et à mon

9 avis, c'était logique, il était officier de réserve de l'ex-JNA.

10 M. Terrier. - Vous voulez dire qu'il était logique qu'il exerce

11 ce genre de responsabilité à Pirici ?

12 M. Sakic (interprétation). – Oui, j'ai dit que pour moi c'était

13 logique, qu'il donne un certain nombre de suggestions le troisième jour, à

14 l'endroit où nous nous sommes trouvés.

15 M. Terrier. - Est-ce qu'il faisait partie du HVO ?

16 M. Sakic (interprétation). – Je ne sais même pas si le HVO était

17 formé à cette époque mais, de toute façon; je ne me souviens pas l'avoir

18 vu porter un uniforme. Je pense que non.

19 M. Terrier. - Pour être très clair, évoquons maintenant le mois

20 d'octobre 1992. A cette période, au mois d'octobre 1992, il semble que le

21 HVO existait. Vous en serez d'accord ?

22 M. Sakic (interprétation). – Vous dites qu'il existait ou qu'il

23 semblait qu'il existait ?

24 Je ne sais pas s'il existait, moi je n'avais aucune

25 information..

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1 M. Terrier. – Monsieur le témoin, vous nous dites que vous ne

2 savez pas si en octobre 1992, le HVO existait ? Ai-je bien compris votre

3 déposition ?

4 M. Sakic (interprétation). – Oui. J'ai dit que je ne savais pas,

5 et j'affirme que je ne savais pas si en octobre 1993, le HVO était formé.

6 (L'interprète se corrige, le témoin avait dit 1993.)

7 M. Terrier. - Pour que les choses soient bien claires, Monsieur

8 le témoin et je me réfère au transcript, je parle d'octobre 1992. Donc

9 vous dites que vous ne savez pas si le HVO existait en octobre 1992 ?

10 M. Sakic (interprétation). – Je répète, je m'excuse j'ai fait un

11 lapsus. Bien évidemment ce n'est pas 1993, mais j'affirme que je ne savais

12 pas qu'en octobre 1992, le HVO existait. Je le répète une fois de plus.

13 M. Terrier. - Pour que les choses soient à cet égard très

14 claires, quand vous dites le HVO, vous vous référez à quoi exactement ?

15 M. Sakic (interprétation). – Quand je dis "le HVO", je pense au

16 sigle. C'est le conseil croate de défense.

17 M. Terrier. - Mais qu'est-ce que recouvre le Conseil croate de

18 défense en termes d'organisation, en termes de personnel, en termes de

19 matériel et en termes de fonction ? Qu'est-ce que cela recouvre ? C'est

20 quoi le HVO dans votre esprit ?

21 M. Sakic (interprétation). – A cette époque-là, je travaillais

22 comme technicien du génie civil, j'étais au chômage technique, donc j'ai

23 commencé à travailler avec des associés sur le plan privé et si je voulais

24 m'intéresser à ce qui se faisait ailleurs, probablement que j'aurais eu

25 des informations. Mais en ce qui me concerne, à cette époque-là, ce qui

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1 était mon but, c'était d'assurer l'existence et la survie pour ma famille,

2 pour moi-même. Il y avait déjà le chaos qui régnait un petit peu autour de

3 moi et j'avoue que je n'étais vraiment pas informé de ce qui se passait.

4 Je n'étais même pas sur la liste des électeurs à Vitez. Je ne sais pas si

5 vous me faites confiance.

6 M. Terrier. - Je n'ai aucune raison de douter de ce que vous me

7 dites.

8 M. Sakic (interprétation). – Excusez-moi, ce n'est pas que je

9 mettais en question votre bonne volonté.

10 M. Terrier. - A quelle date est-ce que vous avez commencé à

11 travailler pour les organisations humanitaires ?

12 M. Sakic (interprétation). – C'est le 15 février 1993 et dès le

13 mois de décembre 1992, j'ai travaillé pour cette organisation comme un des

14 exécutants et une de mes premières activités était un toit qu'il fallait

15 réparer à Vitez. Il y avait eu une détonation et un obus qui était tombé.

16 C'était ma première activité au mois de décembre 1992. Sinon c'est

17 en février que j'ai commencé à travailler vraiment et que j'étais sur la

18 liste une solde, avec un salaire.

19 M. Terrier. - Est-ce qu'on peut penser qu'à partir du moment où

20 vous travailliez pour une organisation humanitaire, d'origine américaine

21 si j'ai bien compris, vous apprenez tout de même qu'existe le HVO ?

22 M. Sakic (interprétation). – Je ne parle pas l'anglais et j'ai

23 communiqué avec les gens en passant par l'interprète et uniquement comme

24 consultant chargé du génie civil. Je répète, ce n'est que mes propres

25 affaires qui m'intéressaient et le travail et ma profession.

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1 M. Terrier. - Bien. Venons-en, Monsieur le témoin, à moins

2 Monsieur le Président que vous souhaitiez... Puisque je compte passer à un

3 autre champ de questions.

4 M. le Président - D'accord. On reprend demain.

5 La séance est levée à 13 heures 30.

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