Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL   AFFAIRE N° IT-95-16-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Lundi 15 Mars 1999

  4   L'audience est ouverte à 9 heures.

  5   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  6   Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agit de l'affaire IT-95-

  7   16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic,

  8   Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.

  9   M. le Président. - Je vous remercie. Bonjour. Je vois que le

 10   témoin est déjà installé. Monsieur Kupreskic, c'est bien cela, n'est-ce

 11   pas ? Monsieur Kupreskic, je vais vous demander de vous lever et de donner

 12   lecture de la déclaration solennelle.

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Je déclare solennellement que

 14   je dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

 15   M. le Président (interprétation). - Merci. Veuillez vous

 16   asseoir, Monsieur. Maître Slokovic Glumac, vous avez la parole.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Je ne parviens pas à trouver le

 18   canal anglais. J'ai quelques difficultés.

 19   Je n'avais pas vu, excusez-moi.

 20   Bonjour, Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le

 21   Juge. J'aimerais tout simplement, avant de commencer mon interrogatoire

 22   principal, vous dire que le témoin Ivica Kupreskic a été cité comme témoin

 23   également de Vlatko Kupreskic et qu'il est également, par conséquent, sur

 24   la liste des témoins de l'accusé Vlatko Kupreskic. C'est la raison pour

 25   laquelle mes collègues Par et Krajina vont également procéder à


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  1   l'interrogatoire principal, pas

  2   le contre-interrogatoire, mais l'interrogatoire principal.

  3   Monsieur Kupreskic, bonjour.

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Bonjour.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voulez décliner

  6   votre identité ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Je m'appelle Ivica Kupreskic.

  8   Je suis né le 12 avril 1955 à Pirici Vitez. Actuellement, j'habite la rue

  9   Petra Svacica, Vitez.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Où se trouvait votre maison en

 11   1992, à l'époque où vous viviez à Pirici ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Ma maison à l'époque où je

 13   vivais à Pirici se trouvait justement à Pirici.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez s'il vous

 15   plaît vous lever, montrer sur la photographie aérienne et nous montrer où

 16   se trouve votre maison ?

 17   (Le témoin s'exécute.)

 18   M. Kupreskic (interprétation). - C'est ma maison.

 19   (Le témoin montre sur la carte.)

 20   Mme Glumac (interprétation). - D'accord. Dites-nous, s'il vous

 21   plaît : ces maisons qui sont autour de la vôtre appartiennent à qui ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - Il y a d'abord la maison de

 23   Zoran Kupreskic que nous voyons, ensuite l'entrepôt de Vlatko Kupreskic,

 24   c'est la maison de Vlatko Kupreskic ; et ici c'est la maison du père de

 25   Mirjan, Anto Kupreskic, ensuite de mon frère Josip Kupreskic ; ensuite la


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  1   deuxième maison, elle appartient à mon frère Branko Kupreskic et enfin la

  2   maison d'Ivo Kupreskic, mon père.

  3   Est-ce qu'il faut que je vous dise encore quelque chose ?

  4   Mme Glumac (interprétation). - Entendu. Vous avez parlé de Josip

  5   et de Branko ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voulez également

  8   préciser d'autres propriétaires, parce qu'il y a des maisons qui sont de

  9   vieilles maisons ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Il y avait la maison, par

 11   rapport à nos maisons, c'est en haut, d'Enver Sehic, et ensuite

 12   Alaman Ahmic ; ensuite Subeha Ahmic ; il y avait la maison également de

 13   Sakib Ahmic, de son fils Sukrija Ahmic ; de la maison de Kodjalic, la

 14   maison de Meho Hrustanovic ; et ensuite de Redzib Ahmic et de Suad Ahmic.

 15   Je ne sais pas si ça suffit.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Dites aux Juges, s'il vous

 17   plaît : vous avez énuméré un certain nombre de noms et vous avez parlé de

 18   leurs maisons ; est-ce que c'étaient à des Musulmans, toutes ces maisons

 19   qui étaient autour de la maison de Zoran Kupreskic ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Par rapport à la route

 21   principale Busovaca-Vitez à droite du côté de l'entrepôt, ici, il y avait

 22   des Musulmans, des voisins musulmans. Si on allait vers Pirici-le-haut, il

 23   y avait également des maisons musulmanes. Outre la maison de Vlatko

 24   Kupreskic qui se trouve de ce côté de l'entrepôt, il y avait la maison de

 25   Zoran Kupreskic et la maison du père Anto Kupreskic et de son frère. Les


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  1   autres maisons appartenaient aux Musulmans. Tout ce côté droit... C’est à

  2   droite par rapport à la route principale qui mène vers Pirici-le-haut.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous empruntiez cette route

  4   pour aller à Ahmici-le-haut, y avait-il également des maisons musulmanes ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Il n'y avait que des

  6   voisins musulmans. Toute cette partie-là a été habitée par nos voisins

  7   musulmans.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Vous avez dit qu'autour de

  9   votre maison, il y avait les maisons de Zoran, Branko, Josip Kupreskic… Un

 10   petit peu, s'il vous plaît, dites-moi quels sont vos liens de parenté avec

 11   toutes ces personnes que vous avez citées ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Moi-même, Mirjan, Zoran et

 13   Vlatko, nous

 14   sommes les enfants de trois frères, par conséquent nous sommes des

 15   cousins.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Et Branko, Josip Kupreskic?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Ce sont mes frères, mes deux

 18   frères.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Merci, vous pouvez vous rasseoir.

 20   Vous avez montré également sur la carte les maisons de

 21   Musulmans. Il s'agissait des maisons de vos voisins musulmans, en gros,

 22   n'est-ce pas ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 24   Mme Glumac (interprétation). - En quels termes étiez-vous avec

 25   vos voisins musulmans ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Pour vous dire vrai, nous

  2   étions en très, très bons termes. Jamais, dans ma vie, je me suis disputé

  3   avec qui que ce soit, je n'ai jamais eu des mots avec qui que ce soit ;

  4   j'avais même des parrains qui étaient des musulmans. Un de mes parrains

  5   s'appelait Varupa Acip, c'était le témoin, c'est lui qui avait baptisé mon

  6   fils. Ensuite, il y avait (expurgé) de mon

  7   fils, mon autre fils. Il y avait (expurgé) avec lequel nous étions en

  8   très bons termes, (expurgé) également. Et moi, j'étais témoin de mariage

  9   de (expurgé) et de son épouse ; c'est pour son dernier mariage, il s'est

 10   marié plusieurs fois.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que vous étiez

 12   également en bons termes avec Hazib Ahmic et que vous étiez son témoin de

 13   mariage ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Dites, en 1992, où se trouvaient

 16   vos frères Branko et Josip Kupreskic ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Mon frère Branko est parti à

 18   l'étranger 18 ans avant, en Allemagne pour parler précisément. Il a un

 19   restaurant en Allemagne, à Cernay(?). C'est une ville qu'il s'appelle

 20   comme ça et, en même temps, en 92, l'autre frère, Josip, est parti se

 21   joindre à Branko. Il a travaillé dans sa cuisine.

 22   Mme Glumac (interprétation). - En 92, vous vous souvenez à quel

 23   moment ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Je pense que c'était le mois de

 25   janvier 92, quand Josip est parti se joindre à notre frère pour y


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  1   travailler.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que la famille de Branko

  3   également se trouvait en Allemagne ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - La famille de Branko se

  5   trouvait déjà depuis bien longtemps, car j'ai dit qu'il était en Allemagne

  6   depuis 18 ans. En revanche, la famille de Josip, ou plus précisément ses

  7   enfants -compte tenu du fait qu'il avait divorcé de sa première femme, il

  8   avait les deux enfants de ce mariage- et puis il y avait mes trois

  9   enfants, mon épouse et moi-même.

 10   Nous sommes partis en Allemagne le 30 mars 92 à cause de la

 11   situation qui régnait déjà dans la région, notamment, je parle de l'ex-

 12   Yougoslavie à cette époque-là, le village Ravno a subi des destructions.

 13   Il y avait également des destructions qui ont eu lieu a Derventa et moi,

 14   j'ai essayé d'emmener ma famille à un endroit qui était en sécurité, car

 15   en Allemagne bien évidemment, chez mon frère, c'était un lieu sûr. C'est

 16   la raison pour laquelle nous avons pris la décision d'y aller.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous dites qu'il y avait

 18   des choses qui se sont passées à Ravno et à Derventa, qu'est-ce que vous

 19   voulez dire par là ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Tout d'abord, c'est le premier

 21   village croate qui a été attaqué, je parle donc de Ravno.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et qui l'avait attaqué ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Ce sont les Serbes.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et Derventa, qui ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Les Serbes, bien évidemment.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, vous vouliez tout

  2   simplement

  3   partir, car il y avait l'agression serbe ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Vous êtes parti en Allemagne et

  6   qui vous a accompagné à ce moment-là ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Mon épouse est partie avec moi,

  8   Antica, ensuite mes trois fils, Dragan, Josip et Ivica et les deux enfants

  9   de mon frère Goran et Ivan.

 10   Mme Glumac (interprétation). - C'était la fin de mars 92, n'est-

 11   ce pas ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Le 30 mars 92, c'était la date

 13   où j'étais parti.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous travailliez en

 15   Allemagne ? Qu'est-ce qui s'est passé en Allemagne ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Dans tous les cas, je suis allé

 17   accompagner ma famille et essayer également de trouver un travail, si

 18   c'était possible. Mon frère Branko, dès que je suis arrivé, m'a assuré un

 19   travail. Comme je travaillais dans l'hôtellerie, c'est ma formation, j'ai

 20   travaillé à un moment donné chez lui, dans son restaurant, enfin dans la

 21   restauration, et je travaillais comme garçon de service.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Vous êtes resté combien de temps

 23   en Allemagne ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Deux mois et demi, à peu près.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Et qu'est-ce qui s'est passé par


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  1   la suite ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Mon père m'a appelé et il m'a

  3   dit qu'il considérait que je devais retourner d'Allemagne, compte tenu du

  4   fait qu'il y avait des problèmes qui commençaient à surgir dans cette

  5   région et que les Croates voulaient confisquer tout ce qui était dans ma

  6   propriété, enfin tout mon patrimoine.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce ça veut dire ? Cela

  8   veut dire qu'on vous a traité comme un déserteur ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, exactement. On m'avait

 10   traité en déserteur et c'est la raison pour laquelle il a fallu que je

 11   fasse une telle démarche et que je retourne chez moi pour pouvoir

 12   maintenir ce qui était dans ma propriété.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que c'était une menace qui

 14   était une menace qui venait des autorités officielles ou bien il y avait

 15   des rumeurs qui couraient ? Eventuellement, il y avait une convocation à

 16   laquelle vous avez dû répondre ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Je n'avais absolument

 18   aucune convocation officielle qui m'était parvenue, mais c'est dans le

 19   village qu'il y avait des rumeurs de ce genre-là, compte tenu du fait que

 20   mon père y vivait et il était au courant. Il avait appris de ouï-dire et

 21   c'est la raison pour laquelle il m'avait informé, il m'avait demandé de

 22   retourner d'urgence.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et quand êtes-vous rentré ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Je suis rentré mi-juin.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Et votre famille est restée en


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  1   Allemagne ou bien elle vient avec vous ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Ma famille reste dans

  3   l'appartement de mon frère à Essen en Allemagne.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez parler de votre

  5   épouse et de vos enfants ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, mon épouse et mes enfants

  7   restent dans cet appartement.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Et vous êtes rentré mi-juin 1992,

  9   si je vous ai bien compris ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous emmenez de l'aide

 12   humanitaire avec vous ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Je suis retourné justement

 14   parce que mon cousin qui vivait à Falbert en Allemagne avait organisé

 15   l'aide humanitaire. C'est une des raisons, d'ailleurs, pour laquelle

 16   également j'en ai profité pour me rendre plus facilement à Vitez et venir

 17   me rendre dans cette région. Nous avons transporté l'aide humanitaire.

 18   Cette aide humanitaire consistait en médicaments. Nous avons pris les deux

 19   véhicules, d'abord en médicaments. Comme j'ai dit, c'était l'aide en

 20   médicaments et c'était pour Novi Travnik et pour les premiers secours.

 21   Ceci, d'ailleurs, est visible parce que dans le journal

 22   Bildzeitung, il y avait également un article qui était sorti sur lequel il

 23   était marqué que nous avions transporté cette aide.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de

 25   nous aider et de montrer ce document au témoin. C'est le journal dont il


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  1   vient de parler.

  2   (L'huissier s'exécute.)

  3   Mme Ameerali (interprétation). - Le document sera enregistré

  4   sous la cote D99/2.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le

  6   Président, le témoin a apporté ce document lui-même ; nous n'avons pas eu

  7   le temps de faire la traduction et c'est ultérieurement que nous allons

  8   vous assurer la traduction.

  9   Qu'est-ce que vous voyez sur la première page ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Sur la première page, on me

 11   voit moi-même à côté du véhicule à gauche, ensuite Vlado Sucic, mon

 12   cousin, celui qui a un restaurant à Falbert, ensuite, à droite par rapport

 13   au véhicule Opel Granada, c'est un allemand, c'est un monsieur allemand.

 14   Ensuite, à gauche, à côté de la camionnette -la camionnette où se

 15   trouvaient les médicaments- à gauche, on me voit moi-même, ensuite

 16   Vlado Sucic qui est à côté de moi et ensuite, ce monsieur allemand dont

 17   j'ai parlé.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Le titre, c'est : "Les six

 19   personnes sur la route de

 20   la guerre" ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et la date de publication de ce

 23   journal ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Le 13 juin 1992.

 25   Mme Glumac (interprétation). -  Et quand êtes-vous rentré ? Quel


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  1   était l'itinéraire que vous avez emprunté ? Je ne vous pose pas la

  2   question au sujet du véhicule, mais j'aimerais savoir comment ça s'est

  3   passé.

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Moi-même, j'ai conduit le

  5   véhicule Opel Granada.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que c'était une

  7   partie de l'aide humanitaire qui a été transportée par ce véhicule ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Effectivement, nous avons

  9   emporté les médicaments pour le dispensaire qui se trouvait à

 10   Novi Travnik.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Et vous êtes arrivé dans quelle

 12   voiture en Allemagne, à l'époque ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - A l'époque, je suis arrivé en

 14   Allemagne par une voiture Mercedes 240 D. J'ai emmené ma famille avec et

 15   cette voiture je l'ai laissée à mon épouse pour que mon épouse puisse en

 16   profiter pendant ce séjour en Allemagne. C'était donc une Mercedes 240

 17   diesel.

 18   Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne l'aide

 19   humanitaire, vous avez transporté jusqu'au dispensaire de Novi Travnik et

 20   à qui encore ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - A Vitez également, parce qu'une

 22   partie de médicaments, nous les avons laissés à Novi Travnik et une autre

 23   partie de médicaments était destinée à Vitez et ces médicaments ont été

 24   pris par le stomatologue Bruno Buzuk et lui, il a été présent au moment de

 25   la remise des médicaments. Le maire de l'époque, M. Ivica Santic, lui il


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  1   avait assisté au moment où nous avons remis les médicaments.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Et à Novi Travnik, à qui avez-

  3   vous remis les médicaments ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - A Novi Travnik, nous avons

  5   remis les médicaments à M. le docteur John Bath. Il s'agit d'un

  6   dispensaire, pas d'un hôpital à Novi Travnik.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Et quelle était la situation sur

  8   laquelle vous êtes arrivé au moment où vous étiez à Ahmici ? Quelle était

  9   la situation générale à Ahmici, à votre retour d'Allemagne ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Quand je suis retourné, je dois

 11   dire que tout était pratiquement nouveau pour moi. A cette époque-là, il y

 12   avait déjà des patrouilles conjointes qui ont été mixtes, qui ont été

 13   mises en place. A cette époque-là, on vivait normalement et toutes les

 14   tâches ont été distribuées entre les Musulmans et les Croates. Je ne peux

 15   pas vous dire de quelle manière ceci a été organisé. En revanche, quand on

 16   a fait appel à moi, je me suis intégré dans ces patrouilles.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que vous aussi,

 18   vous avez participé aux patrouilles ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Et à cette époque-là, il

 21   s'agissait des patrouilles mixtes ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ceci veut dire que

 24   vous montiez la garde ensemble ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous sommes sortis


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  1   ensemble pour circuler dans le village, compte tenu du fait que, dans

  2   cette école à Ahmici, il y avait également un émetteur radio. A cette

  3   époque-là, il a fallu également être de permanence pendant toute la nuit

  4   auprès de cet émetteur radio.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Et qui avait disposé de cet

  6   émetteur radio à l'école ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Ce que je sais, c'est qu'à

  8   l'époque, il y avait M. Sefik Pezer qui était de permanence ; il y avait

  9   un certain nombre d'autres personnes également qui faisaient de la

 10   permanence, mais je ne peux pas vous dire exactement les noms de ces

 11   personnes-là.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Cet émetteur radio… et vous

 13   parlez également de chez Sefik Pezer, est-ce que les Croates également

 14   faisaient de la permanence ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - Non, pas les Croates, mais à

 16   cette époque-là, il y avait -comme je l'ai précisé- des patrouilles

 17   mixtes. Par conséquent, c'est à cette époque-là tout simplement que

 18   c'était une coïncidence que ces Musulmans qui étaient de permanence auprès

 19   de l'émetteur radio étaient formés pour pouvoir y être. C'est probablement

 20   à cause de cela que c'étaient des Musulmans, pas des Croates.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que cet émetteur

 22   radio était à la disposition des Musulmans ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et qu'est-ce qu'il s'est passé

 25   avec cet émetteur radio qui était à l'école, parce que vous avez parlé de


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  1   l'école ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Nous étions, comme je l'ai dit,

  3   dans les patrouilles mixtes dès que je suis retourné d'Allemagne et on est

  4   resté dans ces patrouilles mixtes pendant un mois à peu près. Ensuite, une

  5   de nos patrouilles qui se composaient de deux hommes devait prendre la

  6   relève et on leur a refusé d'entrer dans cette école, dans la classe où se

  7   trouvait l'émetteur radio. On leur a dit que nous ne pouvions plus

  8   patrouiller ensemble.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'on avait permis à cette

 10   époque-là aux autres personnes de rentrer à l'école, d'entrer dans cette

 11   classe où se trouvait l'émetteur radio ? Est-ce que d'autres membres des

 12   patrouilles avaient le droit d'y accéder ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Personne n'avait le droit

 14   de se rendre dans cette école et notamment dans cette classe où se

 15   trouvait l'émetteur radio.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Au moment où vous dites que cet

 17   accès a été interdit à deux personnes, est-ce que vous vous souvenez des

 18   noms des deux personnes ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Ce soir-là, M. Mirko Vidovic et

 20   Mirjan Kupreskic étaient désignés pour patrouiller cette nuit-là.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Et après cela, il n'était plus

 22   permis que les Croates rentrent dans cette classe, n'est-ce pas ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Ce n'était plus possible.

 24   Les Croates n'avaient plus accès à l'école.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Et au moment... vous avez dit


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  1   également qu'à cette époque-là, les patrouilles se sont séparées. Qu'est-

  2   ce que cela veut dire ? Est-ce que cela veut dire que vous vous avez

  3   poursuivi à monter les gardes ou…

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, bien évidemment. Du fait

  5   même qu'ils ne nous permettent plus de faire les patrouilles mixtes, nous

  6   avons été obligés de nous organiser entre nous et nous nous sommes

  7   organisés autour de nos maisons, étant donné que nous sommes des voisins,

  8   ceci plutôt pour protéger nos propres maisons et nos propres foyers,

  9   plutôt donc pour notre propre sécurité.

 10   C'est autour de nos maisons que nous avons organisé les

 11   patrouilles et de temps à autres, ces patrouilles étaient organisées, mais

 12   on était peu nombreux. Il n'y avait que quelques maisons seulement qui

 13   appartenait aux Croates et c'est la raison pour laquelle on ne pouvait pas

 14   véritablement assurer ces patrouilles régulièrement. Au début, il y avait

 15   également des personnes qui étaient du côté de la maison de Puja, et,

 16   quand nous pouvions, on avait fait le tour autour de nos maisons.

 17   Moi, je me suis déplacé souvent avec mon frère Vlatko, mon

 18   cousin Vlatko, avec Mirjan également, il avait des tâches différentes à

 19   remplir. Par conséquent, on n'avait pas toujours le temps pour patrouiller

 20   et moi c'est plutôt que je surveillais un petit peu ce qui se passait à

 21   partir du balcon, de la terrasse de ma maison, étant donné que je voyais

 22   très bien tout ce qui se passait à ce niveau-là autour de l'école, etc.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y avait également

 24   des moments où vous ne montiez pas la garde ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Il y avait des jours où


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  1   chacun avait une obligation ou une autre. Il y avait une personne qui

  2   sortait juste faire un tour et puis retournait à la maison pour dormir.

  3   Oui, ça arrivait.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des

  5   incidents ? Est-ce qu'éventuellement, vous auriez dû intervenir ou bien

  6   est-ce que la situation était paisible ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Non, il n'y avait pas

  8   d'incident, la situation était plutôt paisible indépendamment de tout.

  9   Mme Glumac (interprétation). - A cette époque, avez-vous eu

 10   l'occasion de voir les Musulmans monter la garde ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Ils montaient la garde

 12   sans arrêt, surtout près de l'endroit où se trouvait l'émetteur radio,

 13   c'est-à-dire à l'école, dans la classe de gauche lorsqu'on regarde depuis

 14   chez moi et j'avais une très bonne vue depuis ma terrasse.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que la garde était montée

 16   chaque jour, chaque nuit ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, ils montaient la garde

 18   jour et nuit à proximité de l'émetteur radio.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et les Croates avaient-ils eux un

 20   émetteur radio ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Non.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous dire, à l'intention

 23   des Juges, à la veille du premier conflit, le 19 octobre 1992, pouvez-vous

 24   dire aux Juges où vous vous trouviez, si vous aviez des indications vous

 25   permettant de croire que quelque chose allait se passer ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, le 19 octobre, j'étais

  2   à l'extérieur du village. Au cours de la soirée, au début de soirée, vers

  3   5 heures, je rentrais depuis Split en direction du village et j'avais

  4   emprunté la route allant de Vitez à Busovaca. J'ai tourné, j'ai pris le

  5   virage qui menait au village, et là, j'ai constaté qu'il y avait un

  6   barrage routier qui avait été érigé à environ 10 mètres du carrefour avec

  7   la route du village et la route principale. Ce barrage routier avait été

  8   construit à partir d'objets en bois, de poutres, de chevaux d'arçon.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Et ce sont là des matériaux de

 10   construction ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Ils avaient dressé ce

 12   barrage à cet endroit près du garage, ils avaient aussi établi un petit

 13   abri où ils pouvaient se protéger de la pluie s'il pleuvait.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Ce barrage routier se trouvait

 15   donc sur la route qui menait à Ahmici ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - C'est tout à fait exact.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Et y avait-il autre chose ? Avez-

 18   vous constaté autre chose à proximité de ce barrage routier ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Ce que j'ai remarqué, c'est

 20   deux mines antichars qui avaient été posées sur la route même.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Et y avait-il des hommes à cet

 22   endroit ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Suad Ahmic, qui avait été

 24   témoin à mon

 25   mariage, m'a arrêté. Il était accompagné de Sezahija Pezer, de


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  1   Ibrisim Pezer, mais il y avait aussi Zahid Ahmic. Si je me souviens bien,

  2   à l'époque, il était commandant, il portait un uniforme militaire. Il y

  3   avait environ une dizaine de personnes également que je ne connaissais pas

  4   et qui tenaient le barrage routier.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Ces personnes étaient-elles

  6   armées ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Suad Ahmic était en

  8   uniforme, uniforme du SPS, puisse qu'il était garde du SPS.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez reconnu certaines

 10   personnes qui habitaient le village. Ces personnes étaient-elles armées ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Et que s'est-il passé à ce

 13   barrage routier ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). – Suad m'a donc arrêté et m'a

 15   demandé d'où je venais, ce sur quoi j'ai répondu : "Je rentre chez moi,

 16   j'étais en voyage". Et moi, j'ai demandé : "Qu'est-ce que c'est que ça ?

 17   Est-ce qu'il y a des problèmes ?" Il m'a rétorqué qu'il n'y avait pas de

 18   problème, que le barrage était uniquement destiné à assurer la sécurité du

 19   village. Il m'a dit qu'il n'y avait pas de problème et que je pouvais

 20   passer sans encombre, sans aucun risque et rentrer chez moi.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Et savez-vous s'il y avait un

 22   autre barrage routier à proximité du cimetière à l'époque ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - A l'époque, je n'en savais rien

 24   puisque je rentrais de voyage. Cependant, je l'ai appris le lendemain

 25   matin.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Et qu'avez-vous fait à ce moment-

  2   là ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Ils ont enlevé une des mines

  4   antichars et un des chevaux d'arçon. Je suis rentré chez moi, pourtant, en

  5   route, devant la maison de Zoran Kupreskic, j'ai vu Zoran.

  6   Zoran enlevait l'écorce d'un morceau de bois, il travaillait à

  7   ce morceau de bois. Je me suis arrêté près de lui et je lui ai demandé

  8   ceci, j'ai dit : "Zoran, est-ce que par hasard tu sais ce qui se passe ?

  9   Pourquoi ce barrage routier a-t-il était dressé ?" Zoran m'a répondu :

 10   "Non, je ne sais rien" et il a continué à enlever l'écorce de cette bûche

 11   à laquelle il travaillait.

 12   Moi-même, j'ai poursuivi ma route en direction de ma maison,

 13   mais j'ai téléphoné à M. Nenad Santic. Je voulais en effet savoir si lui,

 14   peut-être, avait des informations à propos de ce barrage routier.

 15   Nenad Santic m'a dit qu'il ne savait pas du tout pourquoi ce barrage avait

 16   été érigé.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi avez-vous appelé

 18   Nenad Santic ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Si je l'ai appelé, c'est

 20   d'abord parce qu'il avait été un des cofondateurs du HDZ depuis le début,

 21   depuis la création du parti et, en général, c'est lui qui détenait le plus

 22   de renseignements. Mais je l'ai appelé aussi pour une autre raison : nous

 23   avons ce lien du témoin de mariage et d'être parrain, nous avons eu ce

 24   type de lien qui s'est établi quatre fois.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Il vous a dit qu'il ne savait


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  1   rien ; qu'avez-vous alors fait ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai accepté ce qu'il me

  3   disait, j'ai pensé que si vraiment il était au courant de quoi que ce

  4   soit, il nous le dirait, qu'il nous avertirait s'il y avait des problèmes.

  5   Mais, au fil des heures, au cours de la nuit, ma famille étant en

  6   Allemagne, j'étais seul dans la maison familiale et j'étais inquiet,

  7   inquiet du fait que ce barrage routier avait été érigé. Je suis sorti sur

  8   le balcon, j'étais seul. Je vous l'ai dit, j'ai une bonne vue, depuis le

  9   balcon je vois très bien ce qui se passe dans le village et je me suis

 10   assis sur le balcon me contentant d'écouter, de regarder, de voir ce qui

 11   se passait autour de moi.

 12   Mme Glumac (interprétation). -  Est-ce que quelque chose

 13   d'inusité, d'inhabituel, s'est produit ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Il devait être à peu près une

 15   heure du matin. Nous étions donc déjà le 20 octobre. J'ai entendu le

 16   crépitement d'armes à feu, des murmures de voix également en provenance de

 17   la maison de Redzib Ahmic. Sa maison se trouve près de la maison de

 18   Vlatko Kupreskic. Devant l'entrepôt de Vlatko Kupreskic il y avait une

 19   lumière allumée. J'ai vu qu'il y avait une file, une colonne de soldats

 20   équipés, armés, soldats qui se dirigeaient vers l'école.

 21   Lorsqu'ils arrivèrent à l'école, ils sont entrés dans la classe

 22   qui se trouve à droite, à droite par rapport à ma maison. Ce n'est pas

 23   dans cette classe que se trouvait l'émetteur radio. La lumière s'est

 24   allumée dans cette classe, j'ai vu la silhouette des hommes dans cette

 25   pièce. Il ne m'était pas possible de les identifier à ce moment-là. En


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  1   effet, il y avait quand même 400 mètres qui nous séparaient.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Et comment saviez-vous que ces

  3   hommes étaient des soldats ? Que les avez-vous vu porter ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). – Lorsqu'ils ont dépassé

  5   l'entrepôt -l'entrepôt est à peu près à 80 mètres de ma maison-, ils sont

  6   passés devant cette lumière qui était allumée. C'est à ce moment-là que

  7   j'ai vu que c'étaient des hommes assez bien équipés, assez bien armés, en

  8   uniforme. Il devait y en avoir 30 ou 40 dans ce groupe.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous pu déduire d'où ils

 10   venaient ? Vous avez dit que vous les aviez vu passer devant la maison de

 11   Redzib.

 12   M. Kupreskic (interprétation). - A ce moment-là, à ce moment

 13   précis, je ne savais pas d'où ils venaient. Mais, un jour plus tard, ou

 14   peut-être deux jours plus tard, nous avons appris que ces hommes étaient

 15   un renfort provenant du village voisin ou des villages voisins de

 16   Vrhovine, Poculica et Preocica.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il ensuite produit ?

 18   Vous avez dit avoir vu ces hommes dans une des classes de l'école.

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Ils ont pénétré dans le

 20   bâtiment de l'école et c'est sans doute à ce moment-là que ce type de

 21   renfort s'est déployé. Il venait du cimetière, de la mosquée, de

 22   l'entrepôt de Vlatko Kupreskic, à côté de la maison de Zoran Kupreskic.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Un instant s'il vous plaît.

 24   Dites-moi, comment savez-vous tout cela ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - J'étais toujours assis à mon


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  1   balcon. La maison de Zoran est tout au plus éloignée de quinze à vingt

  2   mètres de la mienne et derrière la maison de Zoran, dans le jardin de

  3   Sakib Ahmic, il y avait deux ou trois épaves de voitures. Il y avait aussi

  4   des branches qui avaient été coupées, élaguées ou qui venaient de la

  5   forêt. C'était déjà du bois qui avait pourri et là, on s'approche de la

  6   maison de Zoran, j'ai entendu deux ou trois hommes qui parlaient, pas

  7   plus. Ils étaient proches de sa maison, on entendait les branches de

  8   brindilles qui cassaient au fur et à mesure que les hommes marchaient

  9   dessus. Ils avaient déjà dépassé ces épaves de voiture, ne connaissaient

 10   sans doute pas le terrain autour de la maison, ils ne connaissaient pas

 11   très bien ce terrain.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez donc entendu des gens

 13   qui sont passés devant la maison de Zoran ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait. Je suis rentré à

 15   l'intérieur, j'ai pris le téléphone et j'ai appelé Zoran. Je lui ai dit

 16   Zoran : "Qu'est-ce que tu es en train de faire ?"

 17   Il m'a dit : "Je dors".

 18   Je lui dis : "Eh bien tu peux continuer à dormir, mais n'oublie

 19   pas qu'il y a deux ou trois hommes qui se trouvent sous la fenêtre de ta

 20   maison".

 21   Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous nous dire à quelle

 22   heure tout ceci s'est produit ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Il devait être 2 heures 30, en

 24   tout cas, entre 2 heures 30 et 3 heures du matin.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il alors produit ? Est-


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  1   ce que Zoran s'est réveillé ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Il s'est préparé, oui, est

  3   sorti de la maison, a pris la route qui menait à la maison de son père, et

  4   depuis le haut de ma maison, il est venu sur mon balcon, il est entré dans

  5   ma maison et je lui ai raconté tout ce qui était en train de se produire

  6   dans le village. Il était donc à l'intérieur de ma maison à ce moment-là.

  7   Il a alors pris le téléphone pour réveiller son frère Mirjan Kupreskic.

  8   Peu de temps après, c'est Mirjan qui est arrivé sur ma terrasse et nous

  9   avons passé le reste de la nuit sur la terrasse jusqu'au matin.

 10   Vers 5 heures du matin, en général, c'est à ce moment-là que

 11   l'on entendait la prière du matin en provenance de la mosquée, mais

 12   auparavant, nous avons entendu une longue rafale de mitraillette et,

 13   depuis la mosquée, nous avons entendu une musique inhabituelle. Nous

 14   n'avions jamais entendu ce type de musique auparavant. Ça n'a pas été bien

 15   long, ça a peut-être duré 10 secondes. Puis une voix est entendue par le

 16   haut-parleur. Cette voix disait : "Croates, rendez-vous, c'est la guerre

 17   sainte, la jihad qui commence".

 18   Par la suite, nous avons entendu une détonation, puis une autre.

 19   Je me suis aplati sur le sol de ma terrasse, je ne savais vraiment pas ce

 20   qui était en train de se passer. Je croyais avoir été touché moi-même,

 21   d'ailleurs.

 22   Puis il y a eu une autre rafale de coup de feu. Il y avait de la

 23   brume ce jour-là et puis le silence est retombé.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez pu entendre

 25   s'il y a eu un impact quelque part ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Tout ce qu'on a pu entendre,

  2   c'était qu'une partie du toit de la mosquée était tombée et, lorsque le

  3   jour a commencé à se faire, nous avons vu que la mosquée avait été touchée

  4   vraiment au sommet du minaret.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous êtes restés sur

  6   cette terrasse ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous ne savions pas ce qui

  8   se passait. Nous avons essayé de passer des coups de fils pour apprendre

  9   les détails des événements, mais tout était calme, plus une seule balle

 10   n'a été tirée par la suite.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Avez vous vu des soldats

 12   musulmans à proximité de votre demeure ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Pas à ce moment-là. Nous

 14   n'avions encore vu personne et puis c'était l'aube, le jour commençait à

 15   poindre, mais la brume persistait.

 16   Puis, vers 6 heures ou peu de temps après 6 heures, devant ma

 17   maison, j'ai vu mon voisin Ceric Enver. J'avais beaucoup de respect pour

 18   lui en tant que voisin.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Donc Enver Ceric est arrivé, nous

 20   avez-vous dit, et que s'est-il passé ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien Enver Ceric est venu

 22   chez moi pour me demander ce qu'il en était de Zoran et Mirjan, lesquels

 23   se trouvaient sur ma terrasse. Je les ai appelés. Apparemment, il devait

 24   les emmener pour qu'ensemble, ils aillent chercher du feu qui servirait à

 25   son feu de bois dans sa maison. Etant donné que c'était un tellement bon


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  1   voisin, car il nous avait souvent aidés, il avait aidé Zoran et Mirjan à

  2   aller chercher du bois pour le feu, pour leur propre maison. C'était

  3   vraiment un homme d'une bonté exceptionnelle et j'avais coutume d'avoir

  4   des conversations avec lui, je lui ai dit que je devais faire un peu de

  5   jardinage, peut-être tondre la pelouse ce jour-là. Un jour, je lui avais

  6   dit que je voulais tondre la pelouse, quand je me suis réveillé, il

  7   l'avait déjà fait pour moi !

  8   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous demandé à Enver Ceric

  9   ce qui se passait ? S'il avait des nouvelles à ce propos ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - C'est lui qui m'a posé la

 11   question, il m'a dit : "Voisin, qu'est-ce que c'est que tout cela ? J'ai

 12   entendu deux détonations". Ce sur quoi j'ai répondu que je ne savais rien,

 13   moi non plus, que j'avais essayé de contacter certaines personnes pour

 14   savoir ce qui se passait en réalité, mais que tout cela avait été en vain.

 15   Je lui ai dit : "Je ne sais vraiment pas ce qui se passe".

 16   Sa femme à l'époque travaillait en Autriche et il avait trois

 17   petits-enfants. Il m'a dit : "Voisin, je vais aller chercher mes enfants

 18   et je vais aller dans ma maison de Zenica en passant par les collines". Je

 19   crois que son village natal se trouvait du côté de Zenica.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Vous a-t-il dit pourquoi il

 21   voulait partir, pourquoi il avait pris cette décision de quitter le

 22   village ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Il a dit que cela sentait le

 24   roussi, que les choses n'étaient pas en ordre. En d'autres termes, il

 25   supposait sans doute qu'il pouvait y avoir des problèmes.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Et que s'est-il alors produit ?

  2   Est-ce que vous avez de nouveau entendu des coups de feu ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Et comment !

  4   Cela a commencé vers 6 heures 30 du matin, pratiquement une

  5   heure et demi après que nous ayons entendu les premières détonations. A

  6   mon avis, c'était quelque chose que l'on n'avait jamais vu dans ce

  7   village, ce type de guerre et de coups de feu, de détonations, puis des

  8   armes lourdes ont été utilisées. Je ne sais pas exactement comment

  9   s'appellent toutes ces armes, mais, pour moi, pour l'essentiel, je n'avais

 10   jamais connu quoi que ce soit de ce genre. Je ne savais pas non plus où

 11   aller, où fuir. Je me sentais tout à fait perdu.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Et ces coups de feu étaient-ils

 13   concentrés dans une partie du village ou est-ce qu'ils étaient

 14   généralisés, répartis sur plusieurs endroits du village ? Le saviez vous ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien la plupart des coups de

 16   feu ont été tirés dans la partie du village que l'on appelle Ahmici-le-

 17   bas, à proximité du cimetière, de la mosquée également et jusqu'à

 18   l'endroit où se trouve l'entrepôt de Vlatko Kupreskic. Il y avait

 19   des balles qui passaient de tous les côtés de notre maison aussi.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous vu des soldats ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, il y avait des soldats.

 22   J'ai vu des gens qui se trouvaient devant l'entrepôt de Vlatko Kupreskic.

 23   Là, il y avait un mont, une espèce de monticule qui n'existe plus

 24   aujourd'hui d'ailleurs. Cette armée -quand je parle de l'armée, je parle

 25   de l'armée de Bosnie-Herzégovine, l'armée musulmane- était parvenue à ce


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  1   monticule qui se trouve pratiquement en parallèle avec ma propre maison, à

  2   partir de la mosquée et c'est là que j'ai remarqué que Budo avait un

  3   fusil-mitrailleur. Sa maison se trouve juste derrière (expurgé)

  4   (expurgée), c'est une petite maison de week-end, un cottage et il

  5   s'était installé pour vivre dans notre village au moment où il avait

  6   construit ce chalet. Il y avait aussi Hajrudin Pezer qui était de Ahmici-

  7   le-haut.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Les avez-vous vus tirer ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Non, je ne les ai pas vus tirer

 10   dans la direction de la maison de Puja depuis ce monticule.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous dit que vous les aviez

 12   vus tirer ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, je les ai vus tirer,

 14   puisqu'ils ne sont qu'à 80 mètres de ma maison.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait deux

 16   hommes que vous aviez reconnus.

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, tout à fait, je les ai

 18   reconnus, ces deux hommes.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous vu d'autres soldats à

 20   cet endroit ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, j'en ai vu cinq. Ils sont

 22   allés depuis la maison de Mirko Vidovic à la maison de Rudo Vidovic en

 23   courant et cette maison se trouve davantage en direction de Zume, mais ils

 24   étaient cinq.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous reconnu ces hommes ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Ils étaient en contrebas

  2   de la maison de Mirko Vidovic.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Vous ne les avez pas reconnus,

  4   vous nous l'avez dit, mais étiez-vous en mesure de déterminer s'il

  5   s'agissait de soldats musulmans ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Par la suite, j'ai appris que

  7   c'étaient effectivement des soldats musulmans. En effet, ils avaient fait

  8   irruption dans l'entrepôt où il y avait Gordona Vidovic et sa mère,

  9   Milka Vidovic.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi étaient-ils entrés dans

 11   l'entrepôt ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Je n'ai pas parlé personnellement

 14   à ces hommes.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Et ont-ils fait quoi que ce soit

 16   à ces deux femmes Gordona et Milka Vidovic ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Non, ils n'ont rien fait à ces

 18   femmes. Je crois que Mme Gordona Vidovic pourra mieux vous expliquer elle-

 19   même, parce qu'elle était présente au moment de ces événements.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Zoran et Mirjan Kupreskic, où se

 21   trouvaient-ils au moment où les coups de feu ont commencé à retentir ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, à ce moment là, ils

 23   avaient commencé à évacuer leur famille des maisons. Zdravko Vrebac est

 24   arrivé, Dragan Vidovic (surnommé Dragance) et Milutin Vidovic sont aussi

 25   arrivés et ils ont donné un coup de main à Zoran et Mirjan. Mirjan avait


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  1   des petits-enfants en bas âge, c'était aussi le cas de Zoran.

  2   Ces hommes sont venus pour permettre aux enfants et aux femmes,

  3   bien sûr, de partir de la maison. J'ai demandé s'ils avaient besoin que je

  4   les aide. Ils ont répondu par la négative, mais je suis allé dans cette

  5   déclivité qui mène vers Podzine Kuce, les maisons de

  6   Puca avec eux.

  7   Mme Glumac (interprétation). - En d'autres termes, vous les avez

  8   suivis ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait. Moi, je suis resté

 10   dans cette déclivité, dans cette vallée, dans ce vallon.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous vu l'endroit où se sont

 12   rendus les membres de la famille de Zoran et Mirjan ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Ils sont allés vers

 14   Podzine Kuce et, par la suite, ils m'ont dit qu'ils s'étaient installés

 15   dans l'abri de Joso Vrebac ou peut-être la maison de son gendre,

 16   Zdrasvovti(?).

 17   Mme Glumac (interprétation). - Les enfants et les femmes de

 18   Mirjan et Zoran, pendant combien de temps sont-ils restés à l'extérieur de

 19   leur maison ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, ils me l'ont dit plus

 21   tard eux-mêmes : très vite, les membres de leur famille ont été emmenés

 22   dans la maison de Zorica qui vit à environ 500 mètres de cet abri de

 23   Trajenovki. Leur maison se trouve en direction de Santici. Je pense que

 24   les membres de leur famille sont revenus dans la maison familiale

 25   quatre jours. C'est d'ailleurs ce jour-là que les Musulmans ont commencé


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  1   aussi à regagner leur propre maison. Les gens pensaient qu'il y avait

  2   davantage de sécurité et se sont dit : "Oui, si les autres reviennent, nos

  3   familles peuvent rentrer aussi".

  4   Mme Glumac (interprétation). - Vous dites vous être rendu à

  5   Udoline dans ce vallon ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Où se trouve ce vallon ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, ce vallon se trouve

  9   derrière la maison de mon père, en contrebas de la grange et derrière le

 10   bois de Stepan Vidovic, sur ce chemin qui mène à la maison de Niko Sakic

 11   et qui mène aussi à Pudzine Kuce.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Et pourquoi vous êtes-vous rendu

 13   à cet endroit ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, si j'y suis allé,

 15   c'est qu'à ce moment-là, j'avais déjà vu que les soldats avaient passé la

 16   maison de Rudo Vidovic en courant, qui se trouve davantage dans la

 17   direction de Pudzine Kuce, et nos maisons étaient derrière les hommes qui

 18   couraient et, bien sûr, j'avais peur.

 19   Mme Glumac (interprétation). – Au moment où vous êtes arrivé

 20   dans ce vallon, y avait-il quelqu'un à cet endroit ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai vu Niko Sakic, Mirko Sakic

 22   et je pense que Dragan Samir s'y trouvait également, était déjà dans ce

 23   vallon.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Qui étaient ces hommes ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - C'étaient des voisins. Leur


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  1   maison se trouvait derrière les nôtres. Ils vivaient juste derrière ce

  2   petit bois, où vous avez le chemin qui mène à Pudzine Kuce.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit également que

  4   Zdravko Vrebac était venu après ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). – Oui.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Milutin, Drago Vidovic ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). – Oui. Milutin Vidovic, Zdravko

  8   Vrebac et Dragan Vidovic appelé Dragance. Il est le fils de Nikiza, car il

  9   y a un autre Dragan Vidovic : le fils de Stepan.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Ces gens-là que vous avez trouvés

 11   dans ce vallon, avaient-ils des armes ? Portaient-ils des armes ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - A ce moment-là, j'ai vu Mirko

 13   Sakic. C'est lui qui portait une arme ou, plus précisément, un fusil de

 14   chasse, et puis Zdravko Vrebac également avait un fusil. Plus personne ne

 15   portait d'armes.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ces gens-là, qui

 17   avaient des armes, tiraient ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). – Non, ils se sont cachés, ils ne

 19   savaient même pas ce qui se passait. Moi non plus, d'ailleurs.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous, vous avez porté

 21   une arme ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). – Non.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et Zoran et Mirjan Kupreskic ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). – Non. A ce moment-là, ils

 25   n'avaient pas d'armes.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu d'autres

  2   soldats, du côté croate, qui avaient participé dans le combat ce jour-là ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Il n'y avait aucun soldat

  4   dans cette région, mais nous avons entendu beaucoup plus tard des tirs

  5   très violents. Personnellement, je décrirais cela comme des détonations

  6   très lourdes, mais nous étions sous le choc et puis nous avons trouvé ce

  7   vallon pour s'abriter. Et avec Dragan, plutôt par curiosité, pour savoir

  8   un petit peu ce qui se passait, on essayait de passer du côté de la

  9   grange, parce qu'il y avait ce petit chemin qui menait vers le vallon, le

 10   vallon qui a été utilisé à l'époque, tout simplement au moment où on

 11   semait l'herbe. Il y avait également un chemin qui a été creusé et puis,

 12   du côté de la colline -et c'est là où nous nous sommes retrouvés à un

 13   moment donné- tout simplement par curiosité pour regarder, pour voir ce

 14   qui se passait.

 15   Ma tante, qui a 75 ans en ce moment-même, ne voulait pas sortir

 16   de chez elle et c'est elle qui nous a préparé quelque chose pour midi,

 17   pour manger. Nous tous, nous avons déjeuné, ce jour-là, dans cette partie

 18   en contrebas par rapport à la grange ; ça, je m'en souvient très bien. Les

 19   tirs étaient très violents et continus et, de plus en plus, s'étendaient

 20   vers Ahmici-le-haut.

 21   Selon nous, selon les bruits que l'on entendait, ces tirs

 22   provenaient du côté

 23   d'Ahmici-le-haut au cours de la journée. Ce tir a duré jusqu'à 16 heures

 24   de l'après-midi.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez entendu les tirs autour


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  1   de la route et vous avez également entendu les tirs en provenance du

  2   village ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas entendu les tirs de

  4   manière très distincte, mais cette partie derrière la maison de Vlatko et

  5   de Zoran, il y avait un fusil-mitrailleur qui s'y trouvait ou une

  6   mitrailleuse. Au moment où ils se sont retirés, ils retournaient vers le

  7   village, vers Ahmici-le-haut, et c'est comme ça que nous avons entendu les

  8   bruits des tirs, les balles. On sentait que ça venait de ce côté-là.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu que des

 10   Musulmans s'en aller ? Ceux qui étaient dans le village ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. J'ai pu remarquer qu'il y

 12   avait un certain nombre de Musulmans qui habitaient à Zume, partaient même

 13   vers Cecimandi, que lui-même, il allait partir en direction de Zenica ou

 14   plutôt dans un village qui est à côté de Zenica. Ça, je l'ai remarqué.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Et à quel que moment les tirs se

 16   sont arrêtés ce premier jour ? Vous avez dit que vous avez entendu les

 17   tirs jusqu'à l'après-midi. A quel moment exactement ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Je pense que c'était 16 heures

 19   de l'après-midi, peut-être un plus que cela. Mais, de toute façon, nous

 20   avons remarqué qu'à la fin des tirs que nous avons entendus, la maison de

 21   Mehmed Ahmic a été incendiée -Subuka, c'était son surnom-, c'est sa maison

 22   qui a été incendiée, quelques installations industrielles également, la

 23   grange de Miro Josipovic a été incendiée ; je pense que la grange

 24   également ou l'étable de l'oncle de Mehmed Ahmic, surnommé Subuka,

 25   également a été incendiée.


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  1   Ce sont les informations que j'ai eu ultérieurement parce que

  2   nous avons vu la maison incendiée, mais les autres choses nous les avons

  3   entendues par la suite.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez qui a

  5   participé dans les combats, dans le conflit ? Est-ce que les Croates du

  6   village, de n'importe quel quartier du village, avaient participé dans ce

  7   premier conflit ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Les Croates du village n'ont

  9   certainement pas participé au conflit, ce premier conflit, car ils ne

 10   savaient absolument pas de quoi il s'agissait. En d'autres termes, nous

 11   avons appris ce jour-là, pendant que le conflit était en cours, qu'il y

 12   avait un barrage qui a été dressé et ce barrage a été dressé par les

 13   Musulmans. Ces barrages ont été dressés en dessous, en contrebas de notre

 14   cimetière. Il y avait même une tranchée qu'ils avaient creusée dans le

 15   cimetière et ceci pour couper la communication, les voies de

 16   communication. Les gens se rendaient sur le théâtre des opérations à Jajce

 17   en provenance de Busovaca.

 18   A cette époque-là, je me souviens également qu'il y avait un

 19   véhicule de la police militaire qui a été arrêté ; ils ont confisqué le

 20   véhicule et je pense aussi les quatre fusils automatiques, les fusils à

 21   lunettes, tout du moins c'est ce que j'avais appris. Cette unité qui se

 22   rendait de Busovaca à Jajce donc, cette unité probablement avait rétorqué

 23   et c'est là où il y avait le conflit qui a surgi entre ces forces et cette

 24   unité et l'armée musulmane qui a dressé les barrages dont je viens de

 25   parler.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez comment on

  2   a essayé d'apaiser la situation à Ahmici, après ce premier conflit ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Je sais qu'il y a un certain

  4   nombre de réunions qui ont été organisées ; moi je n'étais pas présent,

  5   car j'ai poursuivi mes activités normales -j'ai ma propre société-, mais

  6   je sais qu'il y avait eu une réunion également, qui a été tenue juste

  7   devant ma maison. Moi, j'étais à Vitez dans mon restaurant, mon restaurant

  8   qui est dans ma propriété. Ma tante m'a appelé pour me dire qu'il y a un

  9   certain nombre de personnes arrivées en provenance d'Ahmici et de Vitez et

 10   que moi même également je devais m'y rendre.

 11   J'ai pris ma voiture et je suis retourné chez moi. Sur mon

 12   balcon, le balcon de ma maison, j'ai trouvé Fuad Berbic, Sulejman Kalco

 13   également, qui est représentant de la municipalité de Vitez et

 14   représentant des Musulmans, et Ziced Ahmic. De notre côté, j'ai pu voir

 15   que Nenad Santic y était, Zoran Kupreskic également, qui était en très

 16   bons termes avec Fuad et Uzo.

 17   Fuad, connaissant bien Zoran et surtout sa réputation qui était

 18   très grande, il a essayé de se mettre en contact avec nous tous pour voir

 19   comment faire pour que les choses n'escaladent pas, notamment à cause du

 20   fait qu'il y avait ce conflit entre les deux unités. Ils ne se

 21   connaissaient pas du tout, ce n'étaient pas des voisins. On voulait éviter

 22   que l'on prolonge les tensions. Pero Kopiak également a assisté à cette

 23   réunion ; ça je m'en souviens.

 24   Il a été question de choses et d'autres, notamment du fait qu'il

 25   n'était pas indispensable de rétablir la confiance, des Musulmans ont dit


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  1   que ce n'étaient certainement pas des voisins croates non plus qui ont

  2   participé au conflit. Très, très brièvement, on a parlé pas longtemps, on

  3   a bu une bouteille de boisson -je ne me souviens plus laquelle- sur ce

  4   balcon et puis, nous sommes partis tous très satisfaits, parce que nous

  5   avions conclu que nous allions essayer d'apaiser la situation, notamment

  6   de recommencer les patrouilles mixtes avec les patrouilles mixtes. Voilà.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, vous voulez dire

  8   qu'ils avaient précisé qu'ils étaient au courant que des Musulmans ni des

  9   Croates du village n'avaient pas participé à ce conflit ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez vu un certain nombre de

 12   personnes devant chez vous et vous ne les avez pas reconnues ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est vrai, mais nous

 14   n'avons pas voulu quand même embrouiller les choses et nous voulions

 15   rétablir la confiance pour vivre en bon voisinage

 16   avec ceux qui étaient nos voisins musulmans.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez fait

 18   attention aux maisons des Musulmans, ceux qui n'étaient pas dans le

 19   village pour protéger leur patrimoine ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous nous sommes organisés

 21   de telle sorte pour protéger ces maisons, pour organiser les patrouilles

 22   et les habitants de Zume et les maisons de Puja également nous ont aidés.

 23   Une fois, nous avons organisé une patrouille du côté du cimetière. Je me

 24   souviens que nous étions dans la maison de Latif Ahmic, c'est le fils de

 25   Odza de la mosquée. Je me souviens que nous avons intercepté quelqu'un qui


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  1   voulait piller la maison de ce Musulman, il était représentant du peuple

  2   musulman ; ça je me souviens. Donc, nous, on a protégé la propriété de ce

  3   voisin.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez dit à la

  5   police qu'un tel incident s'était produit ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). – Oui. Pas moi personnellement,

  7   mais il y avait une patrouille et je me souviens que c'était du côté du

  8   cimetière et ensuite, du côté d'Ahmici-le-bas.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'à l'entrée d'Ahmici, il

 10   y avait une patrouille qui a été montée, qui a été mixte ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous nous sommes organisés

 12   pour monter la garde mixte lors de cette réunion dont j'ai parlé et je me

 13   souviens qu'à cette époque-là, moi j'ai assisté à cette réunion, je me

 14   suis proposé, justement, de participer à cette patrouille, justement pour

 15   nous nous organiser un peu mieux. Moi, j'ai dit que moi-même j'irai

 16   ensemble, avec des Musulmans, participer à cette patrouille. Ce n'était

 17   pas un barrage, c'était une patrouille.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cette patrouille

 19   fonctionnait bien à l'entrée du village ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). – Non, quelques jours seulement.

 21   Quelques jours et ensuite, nous nous sommes arrêtés à patrouiller

 22   ensemble.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et pendant qu'elle fonctionnait,

 24   il y avait combien de Croates, combien de Musulmans en même temps sur ce

 25   point de contrôle, si on peut appeler ça comme ça ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Il y avait deux Croates et deux

  2   Musulmans.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Vous dites que, vous aussi, vous

  4   avez participé à cette patrouille ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'étais le premier même ;

  6   je me suis proposé. Je ne peux pas appeler ça un barrage, j'appellerai ça

  7   plutôt un point de contrôle que nous avons surveillé.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Entendu. Et vous dites que les

  9   Musulmans sont retournés, que, pendant un certain temps également, vous

 10   avez organisé les patrouilles mixtes. Comment les événements se sont

 11   développés par la suite et quelles étaient vos relations avec des

 12   voisins ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). – Moi, j'ai poursuivi mes

 14   activités dans l'entrepôt, l'entrepôt qui était dans la propriété de

 15   Vlatko Kupreskic. Vlatko Kupreskic a travaillé dans ma société. A cette

 16   époque-là également, Mirjan Kupreskic travaillait pour ma société et il

 17   était chef de la vente en gros, justement dans cet entrepôt d'Ahmici.

 18   Beaucoup de Musulmans venaient nous saluer au moment où ils passaient à

 19   côté. Il y en avait d'autres qui ne voulaient pas nous saluer car, à cette

 20   époque-là déjà, il y avait un certain nombre de Musulmans qui se disaient

 21   que c'étaient nous qui avions organisé, qui avions fait ceci.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous dites "nous", vous

 23   pensez aux Croates, vous pensez aux voisins ou vous pensez à votre

 24   famille ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Non, je pense aux Croates, que


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  1   soi-disant les voisins avaient provoqué ce conflit et que ce conflit a eu

  2   lieu à cause du barrage qui se trouvait du côté du cimetière.

  3   Il y a un certain nombre de Musulmans qui pensaient que

  4   c'étaient les Croates qui étaient à l'origine de ce conflit, mais il y en

  5   avait d'autres qui étaient au courant et qui savaient que ce n'étaient pas

  6   des Croates qui avaient provoqué le conflit, donc il y en avaient qui nous

  7   saluaient, d'autres qui ne nous saluaient pas.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait des

  9   gens qui vous tournaient la tête et qui ne voulaient pas vous saluer, mais

 10   est-ce qu'il y avait des Musulmans avec lesquels vous êtes resté en bons

 11   termes, avec lesquels vous avez poursuivi votre amitié ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, il y avait des Musulmans

 13   avec lesquels nous sommes restés en amitié.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y avait quelque

 15   chose qui avait changé au niveau du village entre ces deux conflits ? Est-

 16   ce qu'il y avait des tranchées qui ont été creusées d'un côté et de

 17   l'autre ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, nous avons remarqué,

 19   c'était le dimanche, nous avons remarqué qu'ils ont commencé à creuser les

 20   tranchées en contrebas par rapport à la forêt de Franjo Sakic et également

 21   au-dessus de la maison de Redjib Ahmic.

 22   Nous nous sommes préparés, moi-même, Mirko Vidovic,

 23   Zoran Kupreskic, je pense qu'il y avait également Ivica Zoric qui était

 24   avec nous, et nous nous sommes dirigés vers la maison de Franjo Sakic, sa

 25   vieille maison, pour voir justement cette tranchée qui a été creusée du


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  1   côté de la forêt. C'est là où nous avons rencontré Suad Ahmic qui avait un

  2   troupeau de chèvres, un troupeau de moutons, et au moment où nous sommes

  3   sortis de la forêt, en haut, nous avons remarqué que le frère de

  4   Suad Ahmic a creusé la tranchée ensemble avec Omer et avec Kermo, mais je

  5   ne connais pas plus. Il était mineur à cette époque-là. Il avait 16 ou

  6   17 ans. Il y avait un fusil automatique également qui était à côté d'eux,

  7   et au moment où nous nous sommes approchés de cette tranchée, Kermo a

  8   retiré ce fusil automatique vers lui. Nous leur avons demandé : "Mais

  9   qu'est-ce que vous faites, qu'est-ce que vous creusez ?". Ils ont

 10   rétorqué : "C'est un abri".

 11   Cependant, nous avons poursuivi notre route en direction

 12   d'Ahmici vers la partie haute, vers la mosquée en haut du village, et nous

 13   avons remarqué que, sur une surélévation, il y avait une surélévation au-

 14   dessus de la mosquée haute et à côté de la piscine également -la piscine

 15   qui approvisionnait en eau les maisons musulmanes et les maisons croates-,

 16   il y avait également une autre tranchée qui a été creusée, et puis il y

 17   avait l'accès à ces tranchées, l'accès frontal d'où on voyait très très

 18   bien l'école, la mosquée et l'entrepôt également de Vlatko Kupreskic.

 19   De cette première tranchée, on voyait très très bien les maisons

 20   de Kupreskic, de tous les Kupreskic.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

 22   à quel moment ceci s'est passé ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - C'était le dimanche. Peut-être

 24   le mois de décembre. Je me souviens : il n'y avait pas encore de neige. Il

 25   faisait froid, mais pas de neige.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez considéré

  2   qu'il fallait remblayer, enfin qu'il ne fallait pas laisser les

  3   tranchées ?

  4    M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous avons organisé une

  5   réunion à l'école d'Ahmici. Moi, je n'étais pas présent et je me souviens

  6   que l'on en a parlé, qu'il ne me fallait pas maintenir ces tranchées, mais

  7   je me souviens que Redjib Ahmic, tout au moins on me l'a fait dire par la

  8   suite, qu'il allait se rendre sur place et qu'il allait remblayer les

  9   tranchées.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'on l'a fait ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, cette première tranchée

 12   que j'avais aperçue, elle a été remblayée par Redjib Ahmic lui-même, en

 13   personne. En ce qui concerne la deuxième tranchée au-dessus de la mosquée,

 14   elle n'a pas été remblayée.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez remarqué

 16   autre chose qui

 17   s'était passé entre les deux conflits ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Voyez-vous, moi j'ai poursuivi

 19   mes activités avec ma société et, comme je l'ai déjà précisé, Vlatko et

 20   Mirjan kupreskic y travaillaient. Nous avions des meilleures offres en

 21   vivres pour la population et nous avons commencé à distribuer les vivres

 22   tout de suite après le premier conflit. C'était au début du mois de

 23   novembre. Je me souviens. Nous avons partagé, nous avons distribué les

 24   paquets de vivres pour l'ensemble de la population de la municipalité,

 25   pour tous les habitants de cette municipalité.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Et comment s'appelait votre

  2   société ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Au moment où je l'ai créée

  4   en 1991, c'était le mois de janvier 1991, elle s'appelait Stefani Bosna,

  5   car j'ai travaillé avec une société de Ludjana, Stefani, et avec une autre

  6   société d'Athènes, Stefani. En 1992, entre les deux conflits, j'ai changé

  7   le nom de la société et je lui ai donné le nom de Sutra.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire

  9   également si vous avez enregistré votre société et quelles activités

 10   également ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - C'était une société qui

 12   travaillait pour l'hôtellerie, pour le tourisme, le commerce,

 13   commercialisation des vivres, des articles.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Et Mirjan Kupreskic, où il avait

 15   travaillé entre les deux conflits ? Dans votre société, mais dans quel

 16   secteur ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Mirjan Kupreskic a travaillé à

 18   cette époque-là à Ahmici, dans l'entrepôt de Vlatko Kupreskic. Il était

 19   chargé de la vente en gros. Cela s'est passé comme cela, jusqu'à mon

 20   retour d'Allemagne.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire qu'il a

 22   travaillé comme chef d'une section, d'un département de vente en gros,

 23   n'est-ce pas ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'était une vente en gros

 25   d'articles dont nous avons disposé, des marchandises que nous avions.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Où est-ce que vous avez déposé,

  2   entreposé ces marchandises pour la vente en gros ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - La majorité, la grande quantité

  4   de ces marchandises se trouvait dans l'entrepôt de Vlatko Kupreskic et

  5   tout ce qui n'a pas pu être contenu dans son entrepôt, moi je l'ai gardé

  6   dans ma propre maison, parce que moi-même j'ai également des locaux où

  7   j'ai pu entreposer les marchandises.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez disposé des locaux dans

  9   votre maison, c'étaient des locaux pour l'entreposage ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, à l'époque, il y avait une

 11   boutique en détail, et moi je n'ai plus utilisé cette boutique, mais j'ai

 12   utilisé ces locaux pour l'entreposage de marchandises.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que la vente des paquets

 14   de vivres pour l'hiver a commencé tout de suite après le conflit au mois

 15   de novembre 1992 ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cette vente a été

 18   autorisée également de la part du HVO, des autorités civiles du HVO, au

 19   niveau de la municipalité ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. La municipalité et le HVO

 21   avaient demandé les offres auprès de toutes les sociétés, les sociétés qui

 22   étaient capables d'offrir des paquets de vivres pour l'hiver et bien

 23   évidemment avec les meilleures conditions possibles et nous avons été

 24   choisis comme une société qui avait la meilleure offre. C'est la raison

 25   pour laquelle nous avons tout de suite acheté les marchandises et puis


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  1   nous avons livré les acheteurs principaux.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Et cette marchandise, vous l'avez

  3   également vendue aux Musulmans, aux Croates ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Et les Musulmans achetaient chez

  6   vous

  7   également ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, les Musulmans achetaient

  9   chez nous, parce que c'est à cause d'eux-mêmes que nous avons acheté tout

 10   ce qui était d'origine végétale. Les paquets étaient de 12 kilos, compte

 11   tenu du fait qu'il y avait beaucoup de Musulmans.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Kupreskic, nous allons

 13   peut-être nous arrêter. Monsieur le Président, nous sommes arrivés au

 14   moment de la pause ?

 15   M. le Président (interprétation). - Oui effectivement.

 16   (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures).

 17   Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 18   Monsieur Kupreskic, je vais maintenant vous présenter des

 19   documents qui sont des extraits de vos factures, de vos livres.

 20   L'huissier aurait-il l'obligeance de transmettre ces documents

 21   au témoin ?

 22   (L'huissier s'exécute.)

 23   Mme Ameerali (interprétation). - Document D100/2.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Kupreskic, dites-nous si

 25   ces notes viennent de votre livre où vous avez enregistré toutes sortes de


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  1   choses ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, on les a extraites de mon

  3   livre.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Ceci nous montre que vous avez

  5   commencé à vendre le 2 novembre 1992 ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est vrai.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Les noms qui apparaissent ici,

  8   Kavasovic Hamzo de Vrhovine ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et puis Viteskic Dzemal de Bukve,

 11   Varupa Mustafa ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Peter Mecava, Lignak Sena,

 14   Melkic Safet, Sivro Muharem, Tabari Aziad, Ora Kardov, Santic Nacid, Nukic

 15   -je crois que c'est Sefed-, ce sont des Croates ou de Musulmans ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Ce sont tous des Musulmans.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Ainsi, ces ventes montrent que

 18   les prix étaient tous les mêmes pour les Musulmans et les Croates ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. C'étaient les premiers,

 20   c'est-à-dire que chaque village avait son propre responsable qui

 21   recueillait les quantités nécessaires pour le village. Les prix étaient

 22   déjà fixés et on préparait la marchandise et on envoyait la marchandise

 23   dans les délais. C'est ce qui apparaît d'après les paiements qui ont été

 24   faits par la suite pour les marchandises qui ont été acceptées. On devait

 25   distribuer ces marchandises plus tôt, mais on a été ralentis par le


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  1   premier conflit à Ahmici.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Voici maintenant vos propres

  3   paiements, mais je ne pense pas que l'on ait besoin de tous ces documents

  4   pour le moment.

  5   Donc ces gens d'Ahmici, est-ce qu'ils ont acheté des

  6   marchandises chez vous ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, mais une plus petite

  8   proportion à cette époque.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Quand ces marchandises ont-elles

 10   été distribuées ? Vous avez dit que Mirjan Kupreskic avait pris part à la

 11   distribution ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, Mirjan Kupreskic a

 13   participé à cette distribution, parce que l'ensemble des articles qui

 14   parvenaient à l'entrepôt, eh bien c'était lui qui les enregistrait et qui

 15   prévoyait la distribution, moi-même et Vlatko, nous l'aidions.

 16   Mais il y avait des familles qui étaient plus pauvres et, le cas

 17   échéant, l'huile végétale en paquet de 12 kilos et demi, eh bien s'il

 18   fallait ventiler ça en plus petits paquets pour le paiement, dans ce cas-

 19   là Mirjan faisait cette ventilation en plus petits paquets, de telle sorte

 20   que ceux qui étaient plus pauvres puissent acheter cette huile végétale

 21   quand même.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que les gens pouvaient

 23   payer ces marchandises par la suite ou est-ce qu'ils devaient payer tout

 24   de suite ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Les prix étaient très bas, il


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  1   fallait payer tout de suite dès réception.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous, Monsieur Kupreskic,

  3   nous en sommes maintenant à mars ou plutôt avril 1993, où était votre

  4   famille à cette époque, en mars-avril 1993 ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - En mars 1993, ma famille était

  6   en Allemagne, à Essen. Ils étaient enregistrés en tant que réfugiés, ils

  7   avaient leur carte de réfugié, parce que tous les gens qui restaient un

  8   peu plus longtemps en Allemagne étaient traités de cette manière-là,

  9   c'est-à-dire comme des réfugiés, et disposaient d'un statut de réfugiés.

 10   Mon frère leur avait prêté son appartement pour qu'ils s'y installent.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Bien. Avez-vous décidé de ramener

 12   votre famille en Bosnie et pourquoi ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, mon fils cadet avait

 14   8 ans, m'a appelé d'Allemagne, et à un moment il m'a dit qu'il avait la

 15   nostalgie du pays et que si je ne venais pas le chercher, il allait se

 16   jeter du troisième étage. J'ai tout de suite répondu : "Ne t'inquiète pas,

 17   mon fils, ton papa va venir te chercher".

 18   Le 13 mars 1993, j'ai acheté un billet d'avion à Split, j'ai

 19   pris l'avion de la Croatian Airlines et je suis allé à Düsseldorf. Je

 20   pensais rester là un certain temps et je pensais peut-être prendre mes

 21   enfants, parce que je ne voulais pas qu'ils manquent une année à l'école,

 22   parce que n'oublions pas qu'ils étaient à l'école en Allemagne.

 23   Cependant, on m'a dit qu'ils devraient passer au moins deux mois

 24   à l'école à Vitez pour que l'on puisse leur créditer cette année à

 25   l'école. Le 13 mars 1993, j'y ai donc été par avion, j'ai parlé à ma


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  1   femme, je suis resté là-bas un peu moins d'un mois et comme son visa de

  2   tolérance se terminait le 13 avril 1993, il fallait qu'il soit prolongé de

  3   six mois supplémentaires, donc jusqu'au 14 octobre 1993, de telle sorte

  4   que, s'il y avait des problèmes, elle soit en mesure de revenir

  5   normalement et qu'elle ne soit pas obligée de réclamer une nouvelle fois

  6   un statut de réfugiée.

  7   Donc nous avons décidé que je partirais avec mes enfants, avec

  8   l'automobile que j'avais laissée là-bas, ça c'était le 9 avril 1993, et

  9   décidé, disais-je, que ma femme resterait sur place pour prolonger son

 10   visa de tolérance à partir du 14 et qu'elle utiliserait la partie retour

 11   de mon billet de Croatian Airlines et qu'elle viendrait à Split. Ainsi, je

 12   suis rentré avec les enfants et le jour suivant je les ai inscrits à

 13   l'école pour qu'ils puissent commencer à fréquenter l'école régulièrement.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Quel jour êtes-vous rentré à

 15   Pirici ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Je suis rentré à Pirici le

 17   10 avril.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Le 10 avril ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, le 10 avril.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous avez inscrit vos

 21   enfants à l'école, ils ont commencé à aller à l'école régulièrement

 22   jusqu'au début du conflit ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est bien ça, jusqu'au

 24   début du conflit. Mon fils, le plus jeune, y a été normalement, il n'y

 25   avait que trois classes à Ahmici et il a été dans la première classe.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Quand avez-vous été chercher

  2   votre femme ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Ma femme m'a contacté le 13 au

  4   soir en me disant

  5   que son visa de tolérance devait être renouvelé le 14. L'après-midi du

  6   même jour, il y avait un vol par Zagreb pour Split. J'ai dit que je la

  7   rencontrerais à Split. On a vérifié l'heure d'arrivée de l'avion. Il

  8   devait arriver à 21 heures 20.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Avec qui avez-vous été à Split ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai invité Vlatko Kupreskic,

 11   un de mes parents, je lui ai dit : "On a des choses à faire à Split, alors

 12   on va joindre l'utile à l'agréable, on fera ce qu'on a à faire, j'irai

 13   prendre ma femme et je la ramènerai à la maison".

 14   Mme Glumac (interprétation). - Quelle automobile avez-vous

 15   utilisée ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Le matin du 14, on est partis

 17   avec ma Yugo 45, c'était ma Yugo 45, qui était enregistrée au nom de ma

 18   femme, et nous sommes passés sur une partie de la route qui allait à

 19   Novi Travnik.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Quelle était la couleur de la

 21   Yugo ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - La Yugo était bleue pâle.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Quelle automobile avez-vous

 24   utilisée pour rentrer d'Allemagne ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Je suis rentré dans une


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  1   Mercedes 240 vert foncé.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi avez-vous pris la Yugo

  3   qui est une petite automobile ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Pour une raison très simple :

  5   je ne voulais pas prendre la Mercedes sur des routes aussi mauvaises,

  6   parce qu'après tout, il fallait passer sur 26 kilomètres de route pavée,

  7   Gope près de Vakuf, et puis il y avait une autre partie près de Vrana de

  8   50 kilomètres qui était pavée, c'est pour ça que j'ai utilisé cette

  9   automobile.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Quelle route avez-vous prise ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Nous avons pris la route de

 12   Vitez à Novi Travnik. On est arrivés au premier contrôle HVO qui était

 13   érigé à un croisement, une route allant à

 14   Bukve et l'autre à Gornji Vakuf.

 15   Les gens du contrôle nous ont suggéré ceci : "Si vous n'avez pas

 16   de véritable engagement, il vaut mieux rentrer chez vous", mais toutefois,

 17   comme ma femme devait arriver ce jour-là, nous avons décidé de poursuivre.

 18   4 ou 5 kilomètres plus loin, on a été arrêtés par un soldat de l'armée de

 19   Bosnie-Herzégovine. Il avait un fez vert, une sorte de chapeau que portent

 20   les Musulmans, alors je l'ai pris en voiture, je l'ai emmené et comme ça,

 21   pour faire la conversation, pour lui parler, je lui ai demandé, il m'a

 22   dit : "Je suis de Gornja Rovna" et qu'il était à un contrôle de l'armée de

 23   Bosnie-Herzégovine à Opara sur la route Gornji Vakuf. Alors je lui ai dit

 24   qu'on nous avait avertis au contrôle précédent qu'on risquait d'avoir des

 25   problèmes. Je lui ai demandé, s'il y avait effectivement des problèmes, de


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  1   nous aider et il nous a dit : "Ne vous inquiétez pas, ça se passera bien".

  2   Et c'est comme ça que ça s'est passé.

  3   Quand je suis arrivé au contrôle, il y avait quoi ? Une douzaine

  4   ou une quinzaine de véhicules. La plupart des véhicules utilitaires, pas

  5   tellement de petites voitures, et puis il y avait un plan incliné, il y

  6   avait une école de l'autre côté de la route avec pas mal de soldats, des

  7   soldats de l'armée de Bosnie-Herzégovine au contrôle.

  8   Je suis passé à côté de cette file, de cette colonne, et je suis

  9   arrivé au plan incliné et on s'est arrêté. Le jeune homme est sorti, la

 10   voiture n'avait que deux portes, il était à l'arrière. Donc, quand il a

 11   réussi à s'extraire du véhicule, ils se sont aperçus que c'était un de

 12   leurs collègues, donc ils n'ont pas posé de questions. Ils ont simplement

 13   levé cette barrière et on a continué.

 14   On a continué et on est arrivé au village de Sebesic et là, il y

 15   avait un autre contrôle du HVO. Là, je me suis aperçu qu'il y avait pas

 16   loin d'une trentaine d'automobiles qui attendaient et je me suis aperçu

 17   que la plupart de ces véhicules appartenaient à la société Kalen,

 18   c'étaient des camions.

 19   Ils nous ont arrêtés encore une fois et nous ont dit qu'il ne

 20   fallait pas poursuivre.

 21   Toutefois, j'ai parlé à cet homme et je lui ai dit : "Écoutez, je suis

 22   arrivé jusqu'ici, pourquoi est-ce que je ne pourrais pas continuer ?" Il

 23   m'a laissé passer, mais à mes risques et périls. J'ai été jusqu'à

 24   Gornji Vakuf et ensuite à Makljen. On a trouvé un autre contrôle HVO et

 25   là, on s'est fait dire qu'il fallait passer par la route pavée pour la


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  1   montagne de Vrhan si on voulait aller dans la direction de Split. Etant

  2   donné que c'était une très mauvaise route, j'ai dit à Vlatko que l'on

  3   devrait peut-être essayer de prendre la route pour Javlanica plutôt, pas

  4   la bonne route.

  5   Donc, on est arrivé à un autre contrôle HVO à Rumboci, là, ils

  6   nous ont arrêtés, ils nous ont demandés où on allait. Nous avons dit que

  7   nous allions à Split. Nous leur avons demandé s'il y avait du passage, de

  8   la circulation, et ils nous ont dit qu'il y avait très peu d'automobiles

  9   qui passaient, mais qu'on ne leur avait pas parlé, qu'on ne leur avait pas

 10   dit qu'il y avait des problèmes sur cette route ; c'est pour ça que l'on a

 11   continué.

 12   Nous sommes arrivés à une éminence, mettons trois kilomètres

 13   après le contrôle. Puis, là, il y avait un autre contrôle qui avait été

 14   érigé par l'armée de Bosnie-Herzégovine avec un drapeau vert et un drapeau

 15   noir avec une tête de mort. L'armée qui commandait ce contrôle nous a

 16   arrêtés, mais à ce moment-là, j'ai été reconnu par l'homme que j'avais

 17   emmené deux jours auparavant jusqu'à ce contrôle. Donc, ils n'ont même pas

 18   demandé de voir nos documents, le jeune homme nous a laissés passer. Puis

 19   nous sommes arrivés quelque part en dessous de Javlanica : il y avait

 20   encore un contrôle tenu par l'armée de Bosnie-Herzégovine. Un pont avait

 21   été détruit et ils ne nous ont pas arrêtés, ils nous ont laissés passer. A

 22   Dreznica, 7 ou 8 kilomètres plus loin, il y avait encore un contrôle de

 23   l'armée de Bosnie-Herzégovine. Ils nous ont arrêtés, ont vérifié nos

 24   documents et nous ont laissés passer sans poser de problèmes. Nous avons

 25   poursuivi dans la direction de Vlatkovic.


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  1   Nous sommes arrivés à Pocitelj et nous avons décidé de boire

  2   quelque chose sur place pour nous rafraîchir. Là, nous avons rencontré un

  3   ami musulman, Fadil Sipcic, qui conduisait un véhicule utilitaire, un

  4   camion transportant des marchandises pour Vitez. Nous

  5   étions de vieux amis et il fréquentait souvent mon restaurant. Donc on a

  6   bavardé, on a plaisanté, il nous a demandé comment était la route, on a bu

  7   un coup et puis on est partis chacun de son côté. On a poursuivi dans la

  8   direction de Netkovic.

  9   (Les Juges se consultent sur le Siège.)

 10   Nous sommes arrivés à Netkovic...

 11   M. le Président. – Je crois qu'il faudrait accélérer la

 12   procédure. Je crois que l'on n'a pas besoin de tous ces détails.

 13   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je suis

 14   d'accord. Toutefois, c'est un élément important de la défense de

 15   Vlatko Kupreskic et de notre défense également, parce que, la dernière

 16   fois, lorsque Mme Antica Kupreskic témoignait, on s'est aperçus que le

 17   parquet mettait en question de nombreux détails de sa déclaration. Ainsi,

 18   cette déclaration d'Ivica Kupreskic vient simplement compléter le

 19   témoignage précédent et nous verrons comment le Procureur réagira.

 20   C'est là que la famille est rentrée, un jour avant le conflit.

 21   En outre, cette partie du témoignage est significative, car nous voulons

 22   établir que, dans cette partie de la Bosnie-Herzégovine, il y avait déjà

 23   beaucoup de tensions, il y avait beaucoup de soldats, des contrôles

 24   avaient été érigés à quelques kilomètres de distance et la situation était

 25   loin d'être normale. Nous montrons qu'il y avait un grand nombre de


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  1   soldats et qu'il y avait une plus grande sévérité dans les contrôles à

  2   l'entrée de la vallée.

  3   M. May (interprétation). - Le témoin a déjà parlé pendant plus

  4   de 9 minutes, je crois que l'on peut résumer : il y avait des contrôles,

  5   il a rencontré un ami, il a pris un coup, je me demande si, vraiment,

  6   c'est pertinent.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Camarade, Monsieur le Juge May,

  8   nous voulons établir que Vlatko Kupreskic, quand il a rencontré

  9   Fadil Sipcic, il va l'appeler comme témoin plus tard et c'est pour ça

 10   qu'on en a parlé.

 11   M. May (interprétation). - Vous pouvez continuer.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Juge, je vais

 13   essayer d'accélérer la procédure.

 14   Très bien. Donc vous êtes passé par là ; est-ce que vous êtes

 15   parvenu à Split ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). – Oui, nous sommes parvenus à

 17   Split, nous avons acheté des marchandises au marché de Split ; il

 18   s'agissait de jeans. On a mis ça à l'arrière de la voiture et puis on est

 19   allés à l'aéroport le soir.

 20   Ma femme était bien arrivée par cet avion, l'avion est arrivé

 21   vers 21 heures 30, on a quitté Split et on a été à Baskaboza chez

 22   M. Radoslav Simovic et sa femme Alica. Ils vivent à Baskaboza, ils ont une

 23   maison là-bas. On y a passé la nuit. Le matin suivant, vers 6 heures, on a

 24   poursuivi par Vrgorac pour aller à Ljubuski et Capljina. On est arrivé à

 25   Capljina, on a pris le petit déjeuner et on a essayé d'appeler au


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  1   téléphone notre famille, mais aucune ligne ne marchait, aucune ligne dans

  2   la direction de la Bosnie centrale.

  3   On a poursuivi dans la direction de Mostar, mais au village de

  4   Zitomislici, il y avait un contrôle du HVO qui ne nous a pas permis de

  5   continuer dans la direction de Mostar. Ils nous ont dit d'aller à Citluk,

  6   Siroki Brijeg, Posusje, Tomislavgrad et au-delà de la montagne Vhrana.

  7   Il y avait encore une fois des contrôles, on est rentrés à

  8   Prozor, Makljen, Koni Vakuf et Gornji Vakuf. Il y avait déjà une file de

  9   véhicules qui avaient été arrêtés et les gens ont dit qu'il fallait

 10   probablement pas continuer dans cette direction, parce qu'ils arrêtaient

 11   les véhicules dans les bois plus loin sur cette route.

 12   Toutefois, j'avais laissé mes enfants seuls à la maison, donc on

 13   a décidé de continuer quand même. On est arrivé à un autre contrôle à

 14   Celebici ; il y avait déjà une longue file d'automobiles, il y avait peut-

 15   être deux kilomètres et demi dans une forêt. Je suis passé à côté de cette

 16   file et je suis arrivé en tête de la file. Quelqu'un m'a arrêté, il était

 17   en colère.

 18   Mme Glumac (interprétation). - C'est un contrôle qui appartenait

 19   à qui ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - C'était un contrôle du HVO.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Quelle est la distance de Samicic

 22   à Vitez ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). – Samicic est environ à

 24   35 kilomètres de Vitez. On nous a arrêtés, on a vérifié nos documents et

 25   ils nous a dit qu'on ne pouvait pas poursuivre, parce qu'il y avait des


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  1   problèmes plus loin en territoire musulman. Il y avait eu des assassinats

  2   auparavant dans cette partie des bois. J'ai dit que mes enfants étaient à

  3   la maison, que je les avais laissés tout seuls et que nous allions essayer

  4   de poursuivre à nos risques et périls. Donc, avec beaucoup de difficultés,

  5   j'ai réussi à le persuader de nous laisser passer, mais il m'a dit : "En

  6   tout cas, laissez-moi inscrire vos noms, parce que vous serez probablement

  7   tués sur cette route."

  8   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous eu des renseignements

  9   sur ce qui se passait ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, ce qu'il nous a dit,

 11   c'est qu'il y avait eu cette affaire Totic. On n'en avait pas entendu

 12   parler auparavant. Je crois qu'il y avait eu un ravivement des tensions à

 13   cause de cette affaire précisément, à cause de cette affaire dont il nous

 14   avait parlé au contrôle.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez emprunté le même

 16   tronçon de route à un moment donné, mais j'aimerais vous poser une

 17   question à ce propos. Est-ce que la situation avait évolué depuis la

 18   veille au barrage routier, au contrôle ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait. Il y avait

 20   beaucoup plus de soldats à ce moment-là que ça n'avait été le cas la

 21   veille, ce qui revenait à dire qu'il y avait effectivement une

 22   recrudescence des tensions. Là, nous étions dans l'après-midi du 15 avril.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez donc franchi ce

 24   barrage, vous avez poursuivi votre route en direction de Vitez. Que s'est-

 25   il alors passé ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Vous voulez dire à Vitez ?

  2   Mme Glumac (interprétation). - Eh bien oui. Vous nous dites que

  3   vous avez franchi ce barrage routier dans la partie détenue par les

  4   Musulmans ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait. J'ai franchi cette

  6   partie musulmane jusqu'à Opara. Là, j'avais laissé ce jeune homme au

  7   barrage routier, il n'y avait plus de véhicule. La barrière avait été

  8   levée, il n'y avait plus qu'un policier à gauche avec un véhicule. Il nous

  9   a fait arrêter, c'était un jeune homme, il m'a demandé d'où je venais et

 10   si la route avait été ouverte.

 11   J'ai fait de mon mieux à ce moment-là. En effet, moi aussi

 12   j'avais peur et je lui ai dit que je n'avais aucun renseignement en ce qui

 13   concerne l'état de la route, mais qu'on m'avait laissé franchir les

 14   barrages du fait des problèmes que j'avais rencontrés.

 15   J'ai dit que la mère de ma femme était morte et que j'allais en

 16   Allemagne pour assister aux obsèques. Cet homme n'a pas vraiment examiné

 17   mes documents, mes papiers ; il m'a dit : "Je ne veux pas vous laisser

 18   patienter ici plus longtemps, vous pouvez franchir ce barrage". Je crois

 19   lui avoir donné quelques chocolats, ce sur quoi nous avons poursuivi notre

 20   chemin. Nous sommes arrivés chez nous, il devait être quelque chose comme

 21   18 heures 30 à ce moment-là.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et où êtes-vous allés ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, comme je vous le

 24   disais, je suis rentré chez moi. Mon père est sorti, ma tante aussi, ils

 25   voulaient accueillir ma femme qui n'avait qu'un petit sac de voyage avec


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  1   elle. Ma femme voulait voir les membres de sa famille le plus vite

  2   possible. Elle avait une famille très grande, elle voulait voir chacun des

  3   membres, puisqu'ils ne s'étaient plus vus depuis un an et 17 jours. Nous

  4   sommes allés à Kercenine, c'est le village natal de ma femme. Là, elle a

  5   vu tout le monde à l'exception de son frère. Son frère avait trouvé la

  6   mort au cours du quatrième jour du conflit.

  7   Nous ne sommes pas restés très longtemps à cet endroit. Nous

  8   sommes rentrés chez

  9   nous. A ce moment-là, il était à peu près 20 heures, mes propres parents,

 10   nos amis sont venus lui rendre visite. Ils voulaient bien sûr lui dire

 11   bonjour d'abord. Nous avons eu une conversation agréable, émaillée de

 12   plaisanteries, nous avons parlé du périple qui avait été le nôtre tant à

 13   l'aller qu'au retour.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Et ce voyage, combien de temps a-

 15   t-il duré ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, depuis 6 heures le

 17   matin jusqu'à 6 heures 30 le soir.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Et quelle est la distance qui

 19   sépare Vitez de Split ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien si l'on emprunte la

 21   route que nous avons utilisée bien sûr, cela fait à peu près

 22   400 kilomètres, en utilisant cette route je précise, mais nombreux étaient

 23   les barrages routiers, les points de contrôle.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Et qu'en est-il de la route qui

 25   passe par Kupres ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Là, ça fait 220 kilomètres

  2   jusqu'à Split de Vitez.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Et pourquoi ne pas avoir utilisé

  4   cette route ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Pour une raison bien simple,

  6   c'est que à l'époque, Kupres était tenu par des forces serbes.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Fort bien. Vous dites qu'au cours

  8   de la soirée, des amis, des connaissances sont venus vous voir.

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait exact.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Vous souvenez-vous du nom de ces

 11   personnes ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Mirjan et Zoran sont venus ;

 13   Vlatko, nous l'avons laissé chez lui, mais sa femme est venue ainsi que sa

 14   mère ; Mirjan et sa femme aussi, Gordona Vidovic est venue nous voir ainsi

 15   que d'autres réfugiés qui avaient été installés dans la maison de mon

 16   frère Josip et dans celle de Branko aussi. Mirko Sakic, Rando Mirovidovic,

 17   Marisa, Franjo, le fils de Franjo plus exactement, Miloslav Pudza est

 18   également venu dire bonjour. Ils aimaient bien lancer des boutades, parce

 19   qu'ils disaient que je me mariais pour une seconde fois. Il y avait

 20   beaucoup d'allers et venues. Zoran n'est pas resté bien longtemps, en

 21   effet il avait des invités chez lui.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Vous nous avez dit avoir parlé de

 23   votre voyage jusqu'à Split, vous avez parlé à ce moment-là de

 24   l'Allemagne ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - C’est exact.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous parlé d'éventuelles

  2   informations relatives à la situation qui prévalait à Vitez ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Non, pas à ce propos, mais nous

  4   avons parlé de l'affaire Totic, car moi-même j'avais été surpris

  5   d'apprendre ce qui s'était passé. J'ai demandé aux gens qui se trouvaient

  6   là s'ils pouvaient me fournir davantage de détails sur la question. Je

  7   voulais rassembler davantage de renseignements.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Et ces gens, quand sont-ils

  9   partis de chez vous ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Peu de temps avant minuit, je

 11   crois qu'à minuit, nous étions seuls.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il s'est passé quelque

 13   chose au cours de la nuit ou est-ce que vous vous êtes couché comme

 14   d'habitude ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - Ma femme, mes enfants sont

 16   allés se coucher comme d'habitude, les enfants s'étaient couchés tôt

 17   aussi. Le lendemain matin, peu de temps après 4 heures du matin, je m'en

 18   souviens parfaitement, Dragan Vidovic est arrivé -il y a bien sûr un autre

 19   Dragan, celui-ci, c'est le Dragan de Stepan Vidovic- et il m'a réveillé

 20   pour dire qu'une attaque allait peut-être être déclenchée par les

 21   Musulmans et qu'il fallait en toute urgence emmener nos familles vers le

 22   refuge.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Excusez-nous, pourriez-vous nous

 24   dire qui est

 25   venu ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Dragan Vidovic. C'est le fils

  2   de Stepan.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Donc c'est un individu bien

  4   précis qui est venu ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, oui.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Poursuivez, Monsieur, je

  7   vous en prie.

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Je lui ai demandé où je devais

  9   emmener ma famille qui n'avait jamais été à cet endroit auparavant. Il y

 10   avait eu des alertes auparavant, mais jamais ils ne s'y étaient rendus. Il

 11   m'a dit que le mieux, c'était d'aller à ce refuge, à cet abri, en passant

 12   par la maison de Joso Vrebac en passant par Trajanovski.

 13   J'ai réveillé ma femme, je lui ai dit de se dépêcher, d'habiller

 14   les enfants rapidement pour que nous allions à l'abri. Elle m'a dit

 15   qu'elle avait encore besoin de dormir, mais je lui ai dit qu'il y avait

 16   sans doute des problèmes et qu'il fallait qu'elle se lève pour partir.

 17   "Ici, on n'est pas en Allemagne", je lui ai dit.

 18   Elle s'est levée, elle a préparé les enfants, elle a rassemblé

 19   hâtivement quelques objets et peu de temps avant 17 heures, nous nous

 20   sommes mis en route en direction de l'abri qui appartient à Jozo Vrebac.

 21   Nous sommes passés par cette déclivité, ce vallon, en passant par

 22   Pudzine Kuce jusqu'à Zume, jusqu'à hauteur de la maison de Jefze,

 23   d'Ivica Vidovic. Je lui ai dit qu'elle devait poursuivre la route seule

 24   avec les enfants pour arriver jusqu'à la maison de Jozo Vrebac. Elle

 25   savait, en effet, où se trouvait cette maison. Pour ma part, j'allais


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  1   rentrer à la maison pour avertir, une fois de plus, les réfugiés de ce qui

  2   se passait. Je parle bien sûr des réfugiés qui avaient été hébergés dans

  3   la maison de mes deux frères Branko et Josip, frères que j'ai d'ailleurs

  4   réveillés par la même occasion.

  5   Je leur ai dit, ou plutôt j'ai dit aux réfugiés qu'ils devaient

  6   partir. Mais, eux, m'ont dit que tout cela ne les intéressait pas, que

  7   déjà il y avait eu beaucoup de fausses alertes auparavant, que trop

  8   souvent ils avaient déjà dû quitter, sans raisons, leurs propres maisons.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Comment s'appelaient ces

 10   réfugiés ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). -  Il y avait (expurgé)

 12   (expurgé)

 13   (expurgé), qui était hébergée dans la maison de mon autre

 14   frère, Josip.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des enfants

 16   avec eux ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, les deux familles avaient

 18   des enfants.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Et où se trouvaient les maris ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, ils étaient à la ligne

 21   de front, face aux Serbes, près de leur village de Didaci qui se trouve à

 22   proximité de Turbe.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Poursuivez, dites-nous ce

 24   qui s'est alors produit.

 25   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai quitté ma maison à hauteur


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  1   de la maison d'Ivica Vidovic, ma femme et mes enfants se sont rendus vers

  2   l'abri et moi, je suis rapidement retourné dans notre maison. J'avais

  3   parcouru peut-être 50 mètres ou 100 mètres et j'ai d'abord rencontré

  4   Danko, j'ai rencontré les parents de Zoran et Mirjan Kupreskic et,

  5   200 mètres plus loin près de Pudzine Kuce, j'ai rencontré Zoran et Mirjan

  6   qui étaient avec leur propre famille.

  7   Mirjan emmenait sa belle-mère dans une brouette ; il la

  8   transportait dans une brouette. Moi, j'ai poursuivi mon chemin et j'étais

  9   près de la maison de Niko Sakic à ce moment-là lorsque j'ai rencontré un

 10   groupe de soldats. Ces soldats se dirigeaient vers l'entrepôt de

 11   Vlatko Kupreskic. C'est là que je devais tourner à gauche pour prendre le

 12   chemin qui menait chez moi. Moi, c'est ce que j'ai fait et eux, ont

 13   poursuivi leur route.

 14   Je suis arrivé devant la maison de mon frère Branko. (expurgée) et

 15   sa belle-mère, ainsi que les enfants, étaient déjà prêts. Je leur ai dit

 16   de partir sur-le-champ, qu'il y avait quelque chose qui se passait, que

 17   j'avais déjà vu quelques soldats armés. Après quoi, je suis allé à la

 18   maison de mon frère Josip. Manda était déjà prête elle aussi et j'ai dit à

 19   ces gens-là qu'ils

 20   devaient partir aussi. Ma tante, femme qui a déjà 75 ans aujourd'hui, ne

 21   voulait pas partir au moment du premier conflit et elle n'était pas

 22   décidée à partir pour celui-ci non plus, que si c'était nécessaire, ils la

 23   tueraient.

 24   J'ai, malgré tout, essayé de la convaincre de la nécessité de

 25   partir, mais la belle-mère de ces deux femmes de la famille (expurgé) était


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  1   du même avis. Ces deux vieilles dames ont simplement décidé qu'elles

  2   n'allaient pas bouger d'un pouce, qu'elles n'allaient pas quitter la

  3   maison.

  4   C'est alors que j'ai appelé Vlatko Kupreskic. Je pensais que

  5   quelqu'un l'avait déjà prévenu. Je lui ai dit qu'il y avait beaucoup de

  6   tension dans l'air et que lui aussi devait partir. Il m'a dit qu'on lui

  7   avait déjà passé un coup de fil dans le même sens. Je suis sorti devant la

  8   maison de Josip…

  9   Non pardon ! D'abord, je suis sorti sur mon propre balcon et là,

 10   je pouvais tout voir très clairement. Je voyais la route qui passait près

 11   de ma maison et de la maison de Zoran. Depuis cet endroit, depuis ma

 12   terrasse, j'ai vu le déploiement de soldats. J'ai entendu des pas, le

 13   bruit d'armes et je suis, une fois de plus, parti en direction de la

 14   maison des (expurgé).

 15   Une fois de plus, j'ai vu un groupe composé d'environ quatre

 16   soldats qui venaient de cette déclivité, de ce vallon ou de ce bois, vers

 17   chez moi par l'arrière de la maison. Ils m'ont appelé, ils m'ont

 18   interpellé, ils m'ont dit : "Eh, toi là-bas ! Viens ici". J'ai dit :

 19   "Écoutez, laissez-moi accompagner cette famille, laissez-moi accompagner

 20   mes enfants d'abord". Ils m'ont dépassé et sont allés vers la maison qui

 21   appartient à Ante -au père de Mirjan- alors que moi, je suis entré dans la

 22   pièce où il y a la chaudière dans la maison de mon frère Josip. C'est une

 23   partie souterraine. Toute cette partie, tout cet étage, bien sûr à

 24   l'exception d'un des côtés, est souterrain. Il n'y avait pas du tout de

 25   porte d'accès. De plus, il faisait noir.


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  1   Nous n'étions là qu'un peu avant l'aube. Je me suis assis, je me

  2   suis pris la tête entre les mains et j'ai dit : "Dieu ! Qu'est-ce c'est

  3   que tout ça ? Est-ce que j'ai ramené ma famille

  4   pour qu'elle vive une situation de genre ?"

  5   Peu de temps après, il se peut que cinq minutes environ se

  6   soient écoulées, il y a eu des détonations très fortes qui ont commencé à

  7   éclater de tous les côtés. On entendait que des choses prenaient feu, il y

  8   avait de la fumée, des flammes, tout était en feu. C'est du moins

  9   l'impression que j'ai eue. J'ai eu l'impression que tout avait été mis à

 10   feu. J'étais vraiment interloqué. J'étais vraiment enfoui dans cette

 11   espèce d'abri.

 12   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Kupreskic, puis-je vous

 13   interrompre un instant ? Je vais vous demander de nous montrer sur la

 14   carte la route que vous avez prise. Où ce trouve ce vallon ? Quelle est la

 15   route que vous avez prise pour aller chez vous ? Où avez-vous vu les

 16   soldats et dans quelle direction les soldats sont-ils partis ?

 17   (Le témoin s'exécute ; il montre sur la carte.)

 18   Voilà. J'avais emmené ma famille, nous avions quitté cette

 19   maison qui se trouve ici ; j'avais pris cette route, nous avions dépassé

 20   ce petit bois ; c'est ici que se trouve cette vallée encaissée. Voilà la

 21   maison de Niko Sakic. J'ai continué en leur compagnie par cette route-ci

 22   ou ce chemin-ci ; je suis arrivé ici. C'est là que j'ai laissé ma famille,

 23   c'est ici que se trouve la maison d'Ivica Vidovic surnommé Jevzo. C'est là

 24   qu'ils ont poursuivi leur chemin seuls jusqu'à l'abri. Moi, j'ai rebroussé

 25   chemin par ici et c'est à un moment donné que j'ai rencontré Zoran et


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  1   Mirjan, du moins leurs parents. Quant à Zoran et Mirjan eux-mêmes, je les

  2   ai vus ici. J'avais à ce moment-là rattrapé les soldats qui se dirigeaient

  3   vers l'entrepôt. Alors eux ont poursuivi tout droit, alors que moi j'ai

  4   pris le virage de gauche pour remonter vers d'abord la maison de mon frère

  5   Branko. C'est d'abord chez lui que je me suis rendu pour avertir (expurgé)

  6   de ce qui s'est passé et j'ai poursuivi mon chemin jusqu'à la maison de

  7   Josip pour avertir Manda.

  8   C'est seulement alors que je suis rentré chez moi, du moins en

  9   contrebas -car la porte d'entrée est en contrebas par rapport à la

 10   terrasse principale. C'est là que je voulais convaincre ma tante de la

 11   nécessité de se rendre à l'abri, ce qu'elle ne voulait pas faire. Moi je

 12   me suis caché ici. C'est là que j'ai rencontré ce groupe de soldats qui

 13   allaient vers la maison du père de Mirjan. Ils m'ont interpellé, ont

 14   poursuivi leur chemin par ici et moi, je suis entré dans le garage à cet

 15   endroit-ci.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous vu de quelle direction

 17   les soldats venaient ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Je l'ai vu lorsque je me

 19   trouvais toujours sur le balcon à essayer de convaincre ma tante de

 20   partir. Sans doute avaient-ils été déployés ici et venaient-ils de cette

 21   direction vers notre maison.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Ces quatre soldats que vous avez

 23   dit avoir vus, qui vous avaient appelé, de quelle direction venaient-ils ?

 24   Le savez-vous ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Il se peut qu'ils soient venus


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  1   par cette partie-ci, qu'ils aient traversé cette prairie ou qu'encore ils

  2   soient venus par ici. Il se peut aussi qu'ils aient utilisé ce sentier.

  3   Comment vous dire ? Je ne le sais pas.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Je vais vous demander

  5   d'apposer quelques indications sur des photocopies de cette photographie

  6   aérienne dont vous venez de parler.

  7   Monsieur l'huissier, je vous remercie de nous aider.

  8   Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agira du document portant

  9   cote 101/2.

 10   (L'huissier s'exécute.)

 11   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Kupreskic, pourriez-vous

 12   nous indiquer l'endroit où vous avez vu ces soldats et nous indiquer dans

 13   quelle direction, pour autant que vous puissiez en juger, ils sont

 14   partis ? Veuillez apposer une flèche pour indiquer la direction qu'ils ont

 15   prise.

 16   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai vu les soldats ici à cet

 17   endroit.

 18   Mme Glumac (interprétation). – Pourriez-vous poser la photocopie

 19   sur le rétroprojecteur ainsi tout le monde verra?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Voilà. Ils allaient dans cette

 21   direction-ci, en direction de l'entrepôt.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et vous, par où êtes-vous parti ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, je suis passé par

 24   cette vallée encaissée dans cette direction-ci.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Et ces soldats que vous avez vus


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  1   depuis votre balcon, où étaient-ils ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  3   Mme Glumac (interprétation). - De quelle direction venaient-

  4   ils ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - De cette direction-ci.

  6   Mme Glumac (interprétation). - Et les quatre soldats ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, ils sont venus, ils

  8   sont venus de l'arrière. J'avais le dos tourné par rapport à eux.

  9   Mme Glumac (interprétation). – Pourriez-vous nous indiquer où se

 10   trouve la maison de Josip Kupreskic et l'entourer d'un cercle ?

 11   Puis cette pièce où se trouvait la chaudière, endroit où vous

 12   vous êtes caché ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Voici l'endroit.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Veuillez numéroter certains

 15   éléments. Un pour l'endroit où se trouvaient les soldats, la direction

 16   qu'ils avaient prise et puis la direction d'où venaient les soldats qui

 17   venaient vers chez vous. Apposez le chiffre 2 à cet endroit et le

 18   chiffre 3 pour indiquer la direction que prenaient les quatre soldats.

 19   (Le témoin s'exécute.)

 20   Mme Glumac (interprétation). - Merci.

 21   J'aimerais vous montrer un petit clip vidéo, ne serait-ce que

 22   pour voir l'endroit où se trouve ce garage, entre la maison des Kupreskic

 23   ou les maisons des Kupreskic. J'aimerais que cet extrait soit diffusé.

 24   Monsieur Kupreskic, nous n'avons pas de texte. Je vous

 25   demanderai -il n'y a pas de son à cet extrait- veuillez nous indiquer où


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  1   se trouve cette pièce lorsque vous verrez les images, ce qu'on peut voir

  2   depuis le garage ou quelles maisons environnantes on peut voir depuis cet

  3   endroit.

  4   (Diffusion de la vidéo.)

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Voilà le garage. Au départ, ça

  6   devait être une pièce où on a installé la chaudière. Dans la pièce de mon

  7   frère, il n'y avait rien de tout ce qui est maintenant visible. A

  8   l'époque, au moment où il était en Allemagne, la pièce était vide.

  9   Mme Glumac (interprétation). - A droite, nous avons vu une

 10   petite fenêtre. Que voit-on de cette fenêtre ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, la salle de bains,

 12   parce que la maison se trouve à droite.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Y a-t-il d'autres fenêtres dans

 14   cette pièce ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). – Non, tout le reste est

 16   souterrain. Voilà la vue que l'on a de l'entrée, la vieille maison…

 17   Mme Glumac (interprétation). - La maison de qui ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - C'est la maison de mon père,

 19   Ivo.

 20   Voilà le garage où Mirjan Santic a été amené par la suite et

 21   puis la maison suivante, c'est ma maison à droite, devant. Puis, vous

 22   voyez la maison de Zoran Kupreskic. Là, on voit la maison de Sukrija Ahmic

 23   qui a été incendiée, la maison de Sakib Ahmic se trouvait devant celle-là.

 24   A gauche, vous avez la maison du père de Zoran, Ante. Mirjan vit à l'étage

 25   supérieur.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Et qui vivait à l'étage

  2   inférieur ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Ma tante et mon oncle.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Ce qu'on voit comme chemin, c'est

  5   la route principale ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est la route principale

  7   qui mène à nos maisons, qui passe entre la maison de Zoran et la mienne.

  8   C'est de là que sont venus les soldats. Ils venaient de la direction de

  9   l'entrepôt.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Et cet endroit-ci ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, c'était là que se

 12   trouvait mon garage à moi.

 13   Mme Glumac (interprétation). -  Oui, mais ce bâtiment, qu'est-ce

 14   que c'est ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - C'est pour fumer la viande.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Ça, c'est la vieille maison ? Et

 17   la route qui mène à cette déclivité, à ce vallon, passerait par la vieille

 18   maison là ou à côté ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Monsieur Kupreskic, vous

 21   vous trouviez dans cette pièce ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et de là, étiez-vous en mesure de

 24   voir les maisons environnantes, en tout cas une partie du village dans la

 25   direction de Sakib Ahmic et de Sukrija ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  2   Mme Glumac (interprétation). - Et une partie du terrain qui

  3   entourait l'entrepôt de Vlatko Kupreskic ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Pas seulement l'entrepôt, mais

  6   aussi la partie qui entourait cet entrepôt ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Il y avait quelques maisons

  9   évidemment qui vous empêchaient de voir directement l'entrepôt.

 10   Où se trouve la maison de Branko par rapport à la maison que

 11   nous avons vue sur la vidéo ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - La maison de Branko se trouve

 13   plus vers la droite, derrière la pièce où il y avait la chaudière. Donc,

 14   quand on regarde vers ma maison, c'est plus vers la droite.

 15   Mme Glumac (interprétation). - Que s'est-il passé ? Vous dites

 16   avoir entendu des coups de feu. Vous étiez dans cette pièce où il y avait

 17   la chaudière, qu'avez-vous vu ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, moi j'étais dans cette

 19   pièce. Dix minutes plus tard, après le début des coups de feu, j'ai essayé

 20   de jeter un petit coup d'œil dehors pour voir si je pouvais voir quelque

 21   chose. Moi aussi je craignais d'être touché par une balle et la première

 22   chose que j'ai vue, c'est que la maison de Sakib Ahmic était en feu et

 23   puis la maison de son fils a éclaté en flammes aussi. Il s'agissait de

 24   Sukrija Ahmic. C'est ce que j'ai vu. Puis j'ai vu surtout des flammes et

 25   de la fumée. J'ai entendu des coups de feu, j'ai entendu le crépitement


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  1   des flammes et puis, pour des raisons de simple sécurité, je n'ai pas

  2   voulu garder la tête dehors pendant trop longtemps, je me suis caché de

  3   nouveau à l'intérieur et j'étais vraiment désespéré d'avoir précisément la

  4   veille ramené mes enfants et ma femme.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Et d'où venaient les coups de

  6   feu ?

  7   M. Kupreskic (interprétation). - De partout. De tous les côtés.

  8   Moi j'étais à l'intérieur, mais comment deviner d'où précisément venaient

  9   les coups de feu ? J'avais l'impression qu'ils venaient de partout.

 10   J'avais le sentiment que tout était en proie aux flammes,

 11   que l'on tirait partout. Je ne comprenais plus rien, j'étais en proie à la

 12   terreur.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Qu'est-ce qui s'est passé au bout

 14   d'une demi-heure ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - Au bout d'une demi-heure, deux

 16   soldats sont rentrés en vitesse dans cette espèce de chaudière. Il y avait

 17   un qui portait l'uniforme noir, l'autre, l'uniforme de camouflage. Ils

 18   portaient des fusils à lunettes, des fusils automatiques, ils avaient des

 19   ceinturons également avec les cartouchières, ils avaient également des

 20   bandes noires autour de la tête, peinturlurées également, je ne sais pas

 21   avec quoi. Mais de toute façon, il y en avait un qui portait le fusil M48.

 22   Il portait ce fusil sous un bras et il a posé son fusil. Ils ne m'ont pas

 23   remarqué parce que j'étais tout à fait caché et il faisait encore sombre.

 24   Au moment où ils sont rentrés là-dedans, ils ont pénétré dans

 25   cette chaudière, ils n'ont pas fait attention sur quoi que ce soit. Ils ne


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  1   savaient pas s'il y avait quelqu'un. Celui qui portait l'uniforme noir a

  2   enlevé le fusil M48 et a dit à son collègue : "Je viens de m'emparer de ce

  3   fusil".

  4   Au moment où il était sur le point de poser le point, il m'avait

  5   vu, il a pointé le fusil sur moi et m'a posé la question : "Comment

  6   t'appelles-tu ?" Moi, j'étais complètement catastrophé, je ne savais pas

  7   quoi répondre. Lui, il m'a dit : "Tu appartiens à quelle communauté

  8   ethnique ?" Lui a dit : "Je suis de Voson, je m'appelle Ivica" et ils

  9   m'ont demandé : "Mais où se trouve ta maison ?" Moi, j'ai rétorqué :

 10   "C'est tout à fait à côté, à 15 mètres". Ils m'ont demandé si j'avais

 11   quelque chose à boire, moi j'ai dit oui et ensuite ils m'ont envoyé pour

 12   leur apporter des boissons et j'ai dit : "Comment voulez-vous que j'y

 13   aille, parce que je si je cours, il y a une balle qui va me toucher".

 14   Eux, ils m'ont dit : "Mais toi tu a peur pour traverser les

 15   15 mètres, alors que nous on est sur le champ de bataille !" Donc, ils

 16   m'ont pratiquement poussé et m'ont demandé d'aller chercher des boissons.

 17   Alors, je suis sorti, j'ai frappé sur la fenêtre de ma tante, parce que

 18   c'était

 19   à droite par rapport à sa maison et elle m'a donc donné une bouteille de

 20   boisson. J'ai couru encore une fois, j'ai donné des boissons à ces deux

 21   soldats, ils ont bu un coup et c'était de l'alcool que je leur ai donné,

 22   donc ils ont bu un coup, puis ils sont partis. Ils m'ont demandé si je

 23   savais qui ils étaient. Alors moi j'ai dit que j'ignorais et ils m'ont

 24   répondu : "Nous, on appartient à l'unité spéciale Jokeri". Alors moi, j'ai

 25   haussé les épaules en disant que je n'étais absolument pas au courant et


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  1   eux m'ont dit qu'ils étaient l'unité spéciale de la police militaire et

  2   que cette unité s'appelait Jokeri.

  3   Donc ils sont partis, moi je suis resté, j'avais très peur. Les

  4   tirs ont continué, c'était très violent. Au moment où ils étaient venus,

  5   ils m'ont dit également que Mirjan Santic a été tué. J'ai demandé quel

  6   Mirjan Santic, parce qu'il y en a également deux. Ils m'ont dit

  7   "Mirjan Santic de Santici", alors que moi j'ai dit : "Est-ce possible ?"

  8   Eux, ils m'ont rétorqué : "Oui" et ils ont également précisé l'endroit,

  9   ils ont dit que c'était quelque part au-dessus par rapport à nos maisons.

 10   Donc, eux ils sont sortis, comme je l'ai dit, moi je suis resté

 11   à l'endroit où j'étais, je n'ai pas osé sortir. De temps à autres, je

 12   regardais par la porte entrebaîllée, juste pour voir un petit peu s'il y

 13   avait quelque chose qui se passait autour. C'était tout. J'ai également

 14   surveillé pour voir si ma maison allait être incendiée, parce que de toute

 15   façon je la voyais, et elle était face à moi. A 10 heures le matin,

 16   c'était peut-être un peu plus tard après 10 heures, les deux soldats dont

 17   j'ai parlé accompagnés d'un troisième ont emmené Mirjan Santic ou plutôt

 18   la dépouille de Mirjan Santic, qui était assez grand et costaud, 110 kilos

 19   à peu près.

 20   J'avoue que j'étais horrifié, parce que je n'y croyais pas, et

 21   puis ils l'ont emmené, l'ont posé jusqu'au garage dont je vous ai parlé

 22   tout à l'heure. Ils m'ont appelé, m'ont demandé également de les aider.

 23   Nous l'avons posé sur un escabeau sur une espèce d'échelle et puis on

 24   avait croisé ses mains. Ils m'ont demandé également de trouver quelqu'un

 25   et de transporter ce cadavre du côté des maisons de Pudza.


Page 7635

  1   Je suis retourné dans cette chaudière, je suis resté une

  2   quinzaine de minutes éventuellement. Les tirs se sont arrêtés, n'étaient

  3   pas aussi fréquents ; il y avait des moments où vraiment les tirs étaient

  4   très violents et puis ensuite, il y avait une accalmie. Je suis donc

  5   sorti, je suis allé vers le chemin qui conduisait vers la maison de ma

  6   tante et j'avais peur. Je me disais, qu'éventuellement, une balle pouvait

  7   me toucher ou que quelque chose également pouvait m'arriver, mais je

  8   voulais les aider pour transporter le corps de Mirjan Santic.

  9   Je me suis arrêté au bord de ce vallon. C'est là que j'ai vu

 10   Nikola Omazic, il était quelque peu sourd au moment même où je l'ai

 11   rencontré. Ça, j'ai pu le remarquer. Il titubait, il était ivre. Je lui ai

 12   dit que Mirjan Santic a été tué, que son corps avait été emmené dans mon

 13   garage. Je lui ai demandé qu'il trouve quelqu'un pour le transporter

14   jusqu'à ce vallon et lui, il avait dit : "Nous allons aller tous les deux",

 15   alors que moi je lui ai dit : "Comment nous deux ? Il est très lourd !".

 16   Et lui il est venu tout de suite avec moi.

 17   Nous nous sommes rendus jusqu'au garage, nous avons pris cette

 18   espèce d'échelle sur laquelle nous avons posé le corps de Mirjan Santic et

 19   nous sommes partis derrière la maison de mon père pour descendre jusqu'à

 20   ce vallon. C'est là où j'ai vu Zoran et Mirjan Kupreskic arriver ainsi que

 21   Dragan Vidovic. Eux-mêmes, ils ont pris le corps ensemble avec

 22   Nikola Omazic, ils l'ont emmené jusqu'à la maison Niko Sakic.

 23   Moi-même, je suis retourné dans la chaudière, car je considérais

 24   que c'était l'endroit le plus sûr, le plus en sécurité. C'est là où je

 25   suis resté jusqu'à 13 heures à peu près. Ma tante a ouvert la fenêtre,


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  1   elle m'a dit qu'elle allait préparer un petit peu quelque chose pour

  2   manger, pour moi même, pour les enfants, qu'il fallait que je leur porte

  3   la nourriture. Vers 13 heures, c'est elle qui avait cuisiné ces plats, moi

  4   j'ai pris ces plats qu'elle avait préparés et j'ai retraversé le vallon

  5   pour aller porter la nourriture.

  6   En traversant le vallon, une fois de plus, j'ai vu Zoran,

  7   Mirjan, Mirko Santic ; il y avait d'autres personnes également, pour

  8   lesquelles c'était un abri naturel, et Josip je pense, ou

  9   je ne sais pas qui encore. Mais de toute façon, je suis allé jusqu'à

 10   l'abri. J'ai porté la nourriture, mon épouse est sortie de l'abri pour

 11   prendre ce que j'ai apporté. Mes enfants également étaient là, je les ai

 12   embrassés et j'ai dit que nous devions aller à la maison, parce que si

 13   jamais une maison allait être incendiée, ma maison était la plus sûre. Et

 14   puis, il y avait ma tante également qui était là-bas et je pouvais, bien

 15   évidemment, l'évacuer si jamais il y en avait besoin.

 16   Je n'ai plus revu les soldats dans ce secteur. Les tirs se sont

 17   éloignés vers Ahmici, n'étaient plus aussi près comme le matin, comme je

 18   l'avais dit. Je suis resté à cet endroit-là, ma tante a cuisiné de

 19   nouveau. Vers 18 heures, j'ai encore pris ces plats qui ont été préparés,

 20   j'ai pris quelques vêtements également, tout ce dont les gens qui étaient

 21   dans l'abri avaient besoin, notamment des couvertures, parce que les

 22   enfants pouvaient se couvrir.

 23   Je suis allé une fois de plus vers l'abri et c'est là que Zoran

 24   s'est joint avec moi, Mirjan et Mirko Sakic qui étaient, comme je l'ai

 25   dit, dans le vallon. Nous sommes allés ensemble dans l'abri pour voir nos


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  1   familles. J'ai vu la famille de Mirjan et la mienne qui étaient dans la

  2   maison de Trajanovski, alors que la famille de Zoran était dans la maison

  3   de Milutin Vidovic. Ensuite, nous sommes retournés vers cette maison de

  4   Milutin Vidovic pour aller vers le vallon. Tout ceci a duré à peu près une

  5   heure, peut-être un peu plus.

  6   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je pense

  7   qu'il est l'heure de faire une pause ?

  8   M. le Président (interprétation). – Oui, vous avez raison.

  9   (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à

 10   12 heures 30.)

 11   Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

 12   Monsieur Kupreskic, nous pouvons continuer. Je pense que nous

 13   sommes arrivés au soir.

 14   M. Kupreskic (interprétation). – Oui, nous sommes retournés vers

 15   le vallon ce soir-là et, une fois de plus, nous sommes retournés vers nos

 16   maisons. J'ai passé un certain temps jusqu'à 19 heures 30, j'entendais les

 17   tirs mais plutôt du côté d'Ahmici-le-bas, là où se trouvait la mosquée. A

 18   19 heures 30, j'ai entendu une très très forte détonation. Après quoi, des

 19   tirs ont suivi et au bout d'une heure il faisait noir, parce que la nuit

 20   était tombée, on ne savait pas de quoi il s'agissait. Nous avons entendu

 21   que c'était la mosquée qui a été touchée et que le minaret était tombé.

 22   A 21 heures, ou peut-être un peu avant, une armée est arrivée.

 23   Au moment où nous avons demandé d'où ils venaient, ils nous ont dit qu'ils

 24   venaient de Novi Travnik et ils nous ont dit qu'ils allaient passer cette

 25   nuit avec nous pour permettre aux soldats de se rendre chez eux, parce que


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  1   cette nuit-là il n'y avait pas de tirs et pour qu'ils puissent se reposer.

  2   Il n'y avait que des maisons qui ont été incendiées et encore le feu qui

  3   ne s'est pas éteint.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous dites "nous", vous

  5   pensez à qui ? Vous dites tout le temps "nous".

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Excusez-moi. Moi, j'étais seul.

  7   Je ne suis pas allé derrière eux pour voir où ils allaient passer la nuit,

  8   mais de toute façon je suis retourné vers le vallon et dans le vallon se

  9   trouvait encore Mirjan, Zoran et Mirko Sakic ; il y avait quelques autres

 10   personnes également et c'est dans la nuit que nous sommes allés jusqu'à la

 11   grange de mon père. Il y en a qui ont dormi, moi je suis allé dans la

 12   maison de mon père et puis j'ai dormi un petit peu, une demi-heure

 13   éventuellement, pas plus, parce que tout cela, c'étaient des événements

 14   qui nous ont surpris, qui étaient horribles et tout cela se passait à côté

 15   de chez nous. On n'avait pas envie de dormir.

 16   Mme Glumac (interprétation). - Quand vous parlez de la grange,

 17   vous pensez à quoi très précisément ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Je pense à l'étable de mon

 19   père, car il y avait du

 20   foin également qu'il déposait dans cette étable et du fourrage aussi pour

 21   le bétail.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que cette étable a été la

 23   plus proche par rapport au vallon ou bien il y avait d'autres

 24   installations ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Non, mais c'était


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  1   l'installation qui était la plus proche. Ensuite, il y a les deux : il y a

  2   une vallée encaissée et il y a un vallon. Donc, je parle du vallon où

  3   étaient abritées ces personnes.

  4   Mme Glumac (interprétation). – Vous avez dit qu'il y avait un

  5   certain nombre de personnes qui dormaient dans cette grange ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

  7   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez

  8   également qui étaient parmi ces personnes-là ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas vous dire

 10   exactement, ils se relayaient. On ne pouvait pas dormir, parce que c'était

 11   une journée dure, longue, horrible et on ne pouvait pas dormir.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu Zoran et

 13   Mirjan Kupreskic ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). – Oui, je les ai vus de temps à

 15   autre traverser jusqu'à la grange pour se reposer, alors que moi, je suis

 16   allé dans la maison de mon père.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Et le deuxième jour, qu'est-ce

 18   qui s'est passé ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Les tirs ont commencé à

 20   10 heures 30, à peu près. C'est là où nous avons entendu des tirs assez

 21   violents et ces tirs venaient plutôt d'Ahmici-le-haut.

 22   Nous avons pu entendre également ces tirs jusqu'au soir et à

 23   19 heures, à peu près, il y avait cette accalmie. Le 17 avril, par

 24   conséquent, les tirs, je les ai entendus dans le secteur où se trouvait

 25   nos maisons.


Page 7640

  1   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, ce jour-là, vous avez

  2   vu Zoran et Mirjan ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai revu Mirjan et

  4   Zoran Kupreskic. Ils se sont retirés de cette grange vers le vallon. Une

  5   fois de plus, j'ai emmené les vivres pour les enfants, les plats que ma

  6   tante avait préparés une fois de plus, un peu plus pour que les autres

  7   également puissent avoir de quoi se nourrir. Ce jour-là, je me suis

  8   déplacé trois fois jusqu'à l'abri et le soir, plutôt à la tombée de la

  9   nuit, quand je suis rentré du côté de nos maisons, maison de Kupreskic,

 10   j'ai appris que les réfugiés, les Croates devaient s'enfuir de tous leurs

 11   abris et qu'ils sont partis en direction de Donja Rovna, parce que, soi-

 12   disant, les Mujahidins avaient enfoncé la ligne de front au niveau de

 13   Kortina Mahala.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que votre famille

 15   également s'est enfuie ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, ma famille est partie avec

 17   ces gens-là, mais je l'ignorais et je l'ignorais jusqu'au soir tard,

 18   23 heures à peu près. J'ai appris qu'ils étaient obligés de partir. Je ne

 19   me souviens plus exactement de la personne qui m'avait averti de cela,

 20   mais il y avait beaucoup de personnes qui se déplaçaient jusqu'à la

 21   grange, puis retournaient et d'autres qui venaient des maisons de Pudza.

 22   Zoran et Mirjan également se déplaçaient, mais je ne me souviens plus qui

 23   m'avait dit que ma famille était partie.

 24   Mme Glumac (interprétation). – Donc, cette nuit, vous l'avez

 25   passée où ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Une fois de plus, j'ai passé la

  2   nuit à cet endroit. J'ai passé quelques heures chez mon père ; il y en a

  3   qui sont restés dans la grange. Zoran et Mirjan, une fois de plus, étaient

  4   dans cette grange et le lendemain matin, dès l'aube, au petit matin, je ne

  5   peux pas vous dire exactement, c'était peut-être 6 heures ou 6 heures 30,

  6   je suis parti vers l'abri de Joso Vrebac et ensuite, j'ai vu également des

  7   personnes qui sont parties à Donja Rovna. J'ai trouvé ma famille chez

  8   Pero Santic dans sa maison. Ma famille a été abritée, mais il y en avait

  9   d'autres qui ont été abritées dans la maison de Josova et Baska.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Vous parlez de Pero Santic et de

 11   sa maison qui se trouve à Donja Rovna ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, effectivement ma famille a

 13   été hébergée chez Pero Santic.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Après cela, vous êtes resté à

 15   Donja Rovna ou bien vous êtes retourné dans le village ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Je suis resté un petit peu

 17   jusqu'à 1 heure, 1 heure 30 avec eux. Ensuite, je suis retourné vers ma

 18   maison, parce qu'ils m'ont dit qu'il n'était plus nécessaire que ma tante

 19   prépare la nourriture, parce qu'ils n'étaient pas nombreux dans cette

 20   maison et qu'eux pouvaient préparer la nourriture. C'est la raison pour

 21   laquelle j'ai tout simplement retourné vers les maisons pour amener les

 22   aliments, pour qu'ils aient de quoi préparer les plats pour manger.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, le troisième jour,

 24   vous avez entendu les tirs également à Ahmici ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Le troisième jour, je n'ai plus


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  1   entendu les tirs à Ahmici, mais nous avons entendu les tirs du côté de

  2   Pirici-le-haut. Le troisième jour.

  3   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous aussi vous êtes

  4   parti quelque part ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Non. Je suis allé jusqu'à

  6   Donja Rovna à deux reprises. Mon père est resté dans sa maison et jusqu'à

  7   17 heures, 17 heures 30 à peu près. Voilà. Entre 17 heures et 18 heures,

  8   c'est donc à ce moment-là que j'ai vu des policiers, des policiers qui

  9   étaient avec des civils, qui portaient des vêtements civils. Personne ne

 10   portait d'uniforme. Ils nous ont demandé de partir, ils nous ont chassés

 11   pratiquement, nous tous qui étions dans les environs. Nous nous sommes

 12   dirigés à Pirici dans le village même, au moment où nous nous sommes

 13   rendus dans le village et Slavko Papic nous a dit où il fallait creuser

 14   les tranchées.

 15   En ce qui me concerne, moi-même, il m'a dit où je devais me

 16   mettre pour creuser les tranchées et il m'a dit qu'il fallait que la ligne

 17   de défense se trouve à cet endroit-là.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y avait les tirs

 19   également que vous avez entendus ? Est-ce qu'on tirait sur vous, sur cette

 20   ligne au moment où vous êtes arrivé à cet endroit-là ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Nous avons passé la nuit

 22   entière à cet endroit-là, nous avons creusé les tranchées. Pour nous, il

 23   faisait très froid. Il pleuvait également, il bruinait plutôt.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Qui est parti avec vous sur cette

 25   ligne de front ?


Page 7643

  1   M. Kupreskic (interprétation). - Nous tous. Il y avait

  2   Mirko Sakic qui était avec moi, Zoran et Mirjan Kupreskic,

  3   Milutin Vidovic, Shamija, Dragan. Nous étions nombreux. Tous ceux qui se

  4   trouvaient dans les maisons ont été demandés à partir sur la ligne de

  5   front. Ceux qui n'ont pas été trouvés le premier jour ont été trouvés le

  6   lendemain matin.

  7   A un moment donné, j'ai même demandé que l'on me laisse partir

  8   pour prendre des vêtements, car il y avait des gens qui sont venus de

  9   Vitez qui ne savaient même pas où ils allaient, mais on ne m'avait pas

 10   autorisé de partir pour prendre les vêtements.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Et quelle route avez-vous

 12   empruntée pour aller à Pirici-le-haut ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Nous avons traversé les champs

 14   lorsque nous sommes sortis de ma maison, nous sommes allés par les champs

 15   vers Pirici-le-haut.

 16   Alors que nous traversions les champs, nous avons vu devant la

 17   maison de Enver Seric, Enver Seric lui-même. Enver était mort, son fils

 18   était mort et Zoran a eu un choc terrible à la vue de ces hommes, à la vue

 19   d'un gamin qui avait été à l'école avec son propre fils la veille.

 20   Mme Glumac (interprétation). - Et quelle fut la réaction de

 21   Zoran ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - J'ai l'impression qu'il a

 23   vraiment eu un coup de nerfs, une véritable dépression. Pendant 15 jours,

 24   il a été incapable d'avaler quoi que ce soit et cela a été vraiment un

 25   coup éprouvant, d'autant que nous étions d'excellents amis, Enver et nous.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Lorsque vous vous rendiez vers

  2   Pirici-le-haut, y avez-vous passé une période de temps assez longue ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Une dizaine de jours et puis

  4   j'y ai reçu pour instruction d'aller à Ahmici-le-haut sur la ligne de

  5   front qui s'y trouvait. J'y suis bien sûr allé et j'y ai passé environ

  6   deux mois et demi. Puis on m'a ramené, on m'a renvoyé à la maison de

  7   Mustafa Strmonja à Pirici et c'est là que j'ai passé tout le temps au

  8   cours duquel la guerre a sévi, jusqu'à la fin de la guerre.

  9   Mme Glumac (interprétation). - Vous avez passé la totalité de la

 10   guerre pratiquement dans votre village ou sur les hauteurs qui

 11   surmontaient votre village ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - C’est exact.

 13   Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous si vous avez été

 14   mobilisé ou quand votre nom a été inscrit dans les listes lorsqu'il y a eu

 15   appel ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Impossible de vous dire s'il y

 17   avait une liste ou pas, qui l'aurait rédigée, qui l'aurait dressée ? La

 18   seule chose que je sais, c'est que quiconque était chef de section ou de

 19   groupe devait dresser une liste des hommes qui composaient ce groupe ou

 20   cette section et des personnes qui étaient affectées à telle ou telle

 21   tâche qu'il fallait indiquer. Je ne sais pas si quelqu'un a, pour autant,

 22   dressé une liste générale.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et c'était pratiquement une

 24   guerre de tranchées pour vous ? Du moins vous l'avez passée dans les

 25   tranchées ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, car il n'y a jamais eu

  2   déplacement de cette ligne à Pirici. La ligne est restée à Pirici pendant

  3   toute la guerre.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Quand avez-vous appris ce qui

  5   s'était passé à Ahmici ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Excusez-moi, je n'ai pas bien

  7   compris votre question.

  8   Mme Glumac (interprétation). - Quand avez-vous appris le nombre

  9   de victimes qu'avait fait ce conflit ? Quelle était l'ampleur des dégâts

 10   occasionnés et aussi des tueries ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - C'est dix jours plus tard que

 12   j'ai appris cela, au moment où les cadavres ont été rassemblés. Ce n'est

 13   que deux jours après les événements que j'ai appris qu'il y avait eu de

 14   nombreuses victimes, non seulement dans la partie basse, mais aussi dans

 15   la partie haute d'Ahmici, mais croyez-moi, même à ce jour, je ne sais pas

 16   combien de personnes ont trouvé la mort.

 17   Mme Glumac (interprétation). - Les marchandises qui se

 18   trouvaient dans votre entrepôt, vous avez dit qu'il s'agissait de

 19   marchandises appartenant à votre entreprise et qui étaient réparties entre

 20   la maison de Vlatko Kupreskic et votre maison ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - C’est exact.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et comment acheminiez-vous ces

 23   marchandises ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - En camion. C'est en camion que

 25   les marchandises arrivaient à l'entrepôt.


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  1   Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous établir la valeur

  2   de toutes ces marchandises en date du 15 avril 1993 ?

  3   M. Kupreskic (interprétation). - Jusqu'à 150 000 marks, pas loin

  4   de là.

  5   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez obtenu des

  6   titres ou des actions du fait de votre participation à la guerre de la

  7   façon dont vous l'avez décrite ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Non, je n'ai jamais reçu

  9   d'actions, ni de titres de valeur.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Qu'en est-il des membres de votre

 11   famille ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Ma femme, mon père et ma tante,

 13   qui a aujourd'hui 75 ans, a obtenu ces titres, mais moi pas.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Après la fin de la guerre, est-ce

 15   que Mirjan Kupreskic a continué à travailler pour votre entreprise ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Bien sûr. Dès la reprise

 17   des activités de l'entreprise, il travaillait à l'entrepôt de Vitez où il

 18   était chef des ventes en gros. A mon retour d'Allemagne, il est passé de

 19   ce secteur à Vitez à Ahmici et il s'est occupé du magasin de la vente en

 20   détail. Moi, j'avais mon magasin et lui travaillait dans un bureau. Il a

 21   travaillé à peu près une semaine à ce poste avant l'ouverture du conflit.

 22   Mme Glumac (interprétation). - Et qui a pris la place qu'il

 23   avait dans ce secteur de la vente en gros à Ahmici ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - C'est le beau-frère de

 25   Vlatko Kupreskic, Ivica Covic, qui a pris ce poste.


Page 7647

  1   Mme Glumac (interprétation). - Pourriez-vous répéter ce nom ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Ivica Covic. Il était de

  3   Zenica.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Et à quel mois, ou au cours de

  5   quelle année, votre compagnie a-t-elle repris ses activités ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Vers le mois d'avril 1994, si

  7   je ne m'abuse, dès que nous avons obtenu les premiers documents officiels

  8   du HVO nous autorisant à partir, à quitter le village, ce qui nous

  9   permettait d'aller chercher des marchandises.

 10   Mme Glumac (interprétation). - Pendant combien de temps Mirjan

 11   a-t-il travaillé pour vous ?

 12   M. Kupreskic (interprétation). - Jusqu'au moment où il est parti

 13   pour La Haye.

 14   Mme Glumac (interprétation). - Et dans l'intervalle, est-il

 15   parti à l'étranger en compagnie de cette société artistique et

 16   folklorique ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, il est allé une fois à

 18   Vienne, en Autriche, et une fois en Suisse.

 19   Mme Glumac (interprétation). - Quelle année ? Vous en souvenez-

 20   vous ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Je crois que c'était en 1995,

 22   mais je n'en suis pas sûr.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Et où habitez-vous aujourd'hui,

 24   Monsieur ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - J'habite à Vitez, rue Petra


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  1   Svacica ; il n'y a pas de numéro, c'est une nouvelle bâtisse. En tout cas,

  2   j'ai acheté un appartement dans un bâtiment il y a de cela environ un an

  3   et demi.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Et les membres de la famille de

  5   Zoran et de Mirjan, où vivent-ils ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Pour ce qui est des parents de

  7   Zoran, ils habitent dans un appartement de trois pièces à l'étage

  8   supérieur par rapport au mien, nous utilisons la même porte d'entrée ;

  9   quant à Mirjan, ses parents, ou les membres de sa famille, vivent dans une

 10   autre partie de ce bâtiment. Il a une hypothèque sur ce... il a pris un

 11   prêt sur cet appartement, prêt qu'il doit rembourser.

 12   Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi avoir déménagé pour

 13   Vitez ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, nous nous sommes

 15   installés à Vitez pour une raison simple, c'est qu'il devenait assez

 16   difficile de vivre dans la région où nous étions précédemment. Il n'y a

 17   pratiquement plus de vie, nous étions absolument navrés, nous savons

 18   parfaitement qui est mort parmi nos voisins, parmi les nôtres aussi, qui a

 19   perdu la vie dans cette région. Tout a été détruit, les choses devenaient

 20   vraiment trop difficiles pour nous.

 21   Mme Glumac (interprétation). - La maison de Mirjan, ou plutôt la

 22   maison de son père, Anto -il s'agissait d'Anto-, nous parlons ici du début

 23   du conflit en 1993 ; savez-vous si sa maison a été pillée ? La maison

 24   d'Anto ?

 25   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, je suis au courant. Je


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  1   crois que cela s'est produit le troisième jour après le début du conflit,

  2   au moment où Mirjan et Zdravko... moi, j'étais à Rovna, Mirjan et

  3   Zdravko Vrebac étaient allés chercher leur accordéon. En effet, ils

  4   aimaient jouer de l'accordéon. Et le jour où il est arrivé à sa porte, au

  5   seuil de sa porte (il n'y avait d'ailleurs que son appartement qui avait

  6   été pillé, il se trouve à l'étage supérieur), on avait cassé la porte

  7   d'entrée, il y avait effraction manifeste de toutes les portes ; on avait

  8   pratiquement enlevé la porte du réfrigérateur, on aurait pu prendre cette

  9   porte et l'emmener. Un blouson de cuir, des bijoux avaient été volés, des

 10   objets de valeur.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Je vais vous demander d'examiner

 12   un document, Monsieur. Je demanderai l'aide de l'huissier pour que celui-

 13   ci vous les remette. Il s'agit d'une pièce de l'accusation P 353.

 14   (L'huissier s'exécute.)

 15   Monsieur Kupreskic, veuillez examiner ce qui figure au

 16   point 217, pour le fait 217. Page 30... et je vous parlais du point 217.

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Ah oui, j'ai trouvé.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Reconnaissez-vous la signature de

 19   Mirjan Kupreskic ?

 20   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, parfaitement puisqu'il a

 21   travaillé pour moi, avec moi, dans mon entreprise ; il avait coutume de

 22   signer tous les documents auxquels il fallait apposer une signature, donc

 23   je connais parfaitement sa signature.

 24   Mme Glumac (interprétation). - Regardez la colonne de droite où

 25   il y a l'intitulé "signature".


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Il ne s'agit pas là de sa

  2   signature. Ce n'est jamais de cette façon-là qu'il signait son nom.

  3   Jamais.

  4   Mme Glumac (interprétation). - Merci. Veuillez regarder ce qui

  5   se trouve au regard de cela, mais auparavant, dans la colonne précédente,

  6   on voit le temps de prestation où il a servi dans cette unité et on voit

  7   qu'il a servi du 8 avril 1992 au 21 février 1996 ; est-ce que

  8   Mirjan Kupreskic était dans les rangs du HVO pendant cette période

  9   couverte par ces chiffres ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Non.

 11   Mme Glumac (interprétation). - Où Zoran a-t-il travaillé après

 12   la guerre ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, il était toujours à

 14   l'usine Vitesit, société composée de quatre grands départements ou

 15   sections. Il y avait trois sections. C'était une usine à vocation

 16   militaire. Beaucoup de personnes ont été priées de rester chez elles dans

 17   l'attente de travail. Vraiment, l'entreprise a été pratiquement anéantie.

 18   Moi, j'avais trois enfants et je lui ai donné mon restaurant. En tout cas,

 19   je l'ai chargé d'être le responsable du restaurant et ceci était vrai au

 20   moment où il est parti pour La Haye.

 21   Mme Glumac (interprétation). - Qui avait trois enfants? Vous ou

 22   Zoran ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). – Moi, j'avais trois enfants,

 24   mais Zoran, il se fait que lui aussi, aujourd'hui, a trois enfants.

 25   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'après la guerre, vous


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  1   avez travaillé avec les Musulmans ?

  2   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Nous avons commencé à

  3   retravailler avec les Musulmans sitôt la guerre finie. Ce sont de braves

  4   gens. Il y a des braves gens partout. On peut travailler avec de braves

  5   gens n'importe où dans le monde et nous avions beaucoup d'amis. J'ai

  6   travaillé avec Emir Perenda pendant deux ans ; nous avons fait de bonnes

  7   affaires ensemble.

  8   D'abord, j'importais des moutons sur pied depuis la Pologne ; il

  9   y avait environ 2 300 têtes de moutons… des caprins peut-être (se corrige

 10   l'interprète). Je vais vérifier, mais je

 11   crois avoir importé des moutons d'Australie en 1996. J'ai importé toute

 12   une cargaison : 400 moutons destinés à la communauté islamique pour toute

 13   la Bosnie-Herzégovine, ceci en vue des cérémonies religieuses, notamment

 14   le Baïram. Ça, c'était pour 1996, c'est à ce moment-là que j'ai effectué

 15   cette grosse importation.

 16   Mme Glumac (interprétation). – Avez-vous fait des dons sous

 17   forme de médicaments ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Sitôt après la guerre, je

 19   suis allé en Allemagne et j'ai ramené des médicaments ; toute une

 20   cargaison, toute une camionnette, un combi. J'avais acheté le combi pour

 21   moi-même et je l'ai bourré de médicaments que j'ai transportés jusqu'à

 22   Vitez. La moitié de la cargaison a été donnée au centre médical de Vitez,

 23   alors que l'autre moitié est allée à la pharmacie de l'hôpital de Travnik,

 24   hôpital pour Musulmans et ceci peut se vérifier. Je vous ai donné des

 25   justificatifs.


Page 7652

  1   Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que l'huissier pourrait

  2   m'aider pour remettre ce document ?

  3   (L'huissier s'exécute.)

  4   Monsieur le Témoin, est-ce que Mirjan vous a aidé à effectuer

  5   toute cette transaction au cours de cette période ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait, il a travaillé

  7   avec moi pendant toute cette période.

  8   Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agit de ce document :

  9   pièce 102/2.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur Kupreskic, pouvez-vous

 11   confirmer le fait que ceci a été délivré par le centre médical de Travnik

 12   ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Tout à fait.

 14   Mme Glumac (interprétation). - En remerciement pour votre don en

 15   médicaments ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). - Effectivement, c'est là le

 17   certificat que j'ai reçu de leur part.

 18   Mme Glumac (interprétation). - Ce n'est pas très lisible, on ne

 19   voit pas très bien le sceau, le cachet, mais l'original permet de mieux

 20   voir ce cachet et l'on constate qu'il s'agit d'un cachet ou d'un tampon de

 21   la pharmacie du centre médical de Travnik. Est-ce exact ?

 22   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 23   Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur

 24   Kupreskic, je n'ai plus de questions à vous poser. Je demanderai

 25   simplement le versement des pièces allant des cotes 99/2 à 103.


Page 7653

  1   M. le Président (interprétation). – Merci. Pas d'objections ?

  2   M. Terrier. – Simplement, je remarque que nous n'avons pas un

  3   exemplaire de la cassette vidéo qui a été projetée tout à l'heure ; nous

  4   souhaiterions pouvoir en disposer.

  5   D'autre part, pour ce qui concerne le dernier document, il est

  6   question d'un tampon, d'un cachet de la pharmacie ou de l'hôpital, ou de

  7   la pharmacie de l'hôpital plutôt, mais je ne l'aperçois pas ; peut-être

  8   pourrions-nous avoir, à ce moment-là, une copie du véritable document

  9   original, car il est difficile de se faire une idée.

 10   Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je peux

 11   montrer ce document. Vous aurez ainsi l'occasion de l'examiner et le

 12   témoin peut vous donnez lecture du tampon sur l'original qui n'était pas

 13   visible sur la photocopie que j'ai remise. J'ai aussi la cassette à

 14   l'intention du Bureau du Procureur.

 15   L'huissier pourrait-il montrer l'original, si le besoin s'en

 16   fait sentir ?

 17   (L'huissier s'exécute.)

 18   M. le Président. – Pas d'objections ?

 19   M. Terrier. – Non.

 20   M. le Président (interprétation). – Les pièces sont versées au

 21   dossier.

 22   Maître Krajina, vous avez la parole.

 23   M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, c'est mon

 24   confrère, Me Par, qui va procéder à l'interrogatoire principal de ce

 25   témoin.


Page 7654

  1   M. le Président (interprétation). – Je vous en prie, vous avez

  2   la parole.

  3   M. Par (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

  4   Monsieur Kupreskic, j'ai plusieurs questions à vous poser et

  5   elles ont trait à l'accusé Vlatko Kupreskic.

  6   Aujourd'hui, au cours de votre déposition, vous avez déclaré

  7   qu'entre 1992 et 1993, vous étiez propriétaire et directeur d'une société

  8   d'abord intitulée Stefani Bosna pour devenir plus tard Sutra. Je vais vous

  9   remettre une ordonnance rendue par la Cour suprême de Zenica.

 10   Veuillez examiner la page 2 de ce document et nous expliquer ce

 11   dont il retourne.

 12   (L'huissier s'exécute.)

 13   Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agit du document D 23/3.

 14   M. Kupreskic (interprétation). - C'est la Cour suprême de Zenica

 15   qui a apporté cette ordonnance. Il s'agit donc du changement de la

 16   désignation de la société déclarée Stefani Bosna avec la responsabilité

 17   totale qui revient donc à moi-même et qui va développer les activités,

 18   sous un nom qui a été désigné, le nouveau nom Sutra, la société de

 19   tourisme et d'hôtellerie également.

 20   M. Par (interprétation). - A la première page de cet arrêté, de

 21   cette ordonnance, il y a la signature "Ivica Kupreskic", votre propre

 22   signature ?

 23   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 24   M. Par (interprétation). - Il s'agit, par conséquent, de

 25   l'entreprise où travaillait Vlatko Kupreskic ; est-ce que vous pouvez me


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  1   dire si, dans cette période 1992-1993, Vlatko Kupreskic avait travaillé

  2   pendant toute cette période-là ? Quelles étaient ses activités, ses

  3   tâches ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Vlatko a, en gros, entrepris

  5   les activités concernant la commercialisation, étant donné qu'il a eu

  6   cette formation et, par conséquent, il a été le copropriétaire de cette

  7   société.

  8   M. Par (interprétation). – De 1992 à 1993, est-ce qu'il a été

  9   employé tout le temps ou est-ce qu'il était mobilisé pendant cette

 10   période ?

 11   M. Kupreskic (interprétation). - En 1992-1993, il était employé

 12   normalement, il n'y avait pas de problème. Au début, c'est-à-dire les

 13   premiers jours après le conflit, il a ouvert sa propre boutique à Vitez

 14   avec sa femme. Donc il a vendu une partie des marchandises qui restaient

 15   dans l'entrepôt.

 16   M. Par (interprétation). - Est-ce qu'il a été mobilisé pendant

 17   cette période ?

 18   M. Kupreskic (interprétation). - Non.

 19   M. Par (interprétation). - Savez-vous pourquoi il n'a pas été

 20   mobilisé ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - Il n'a pas été mobilisé

 22   essentiellement parce que, quand il était tout jeune, il avait eu une

 23   opération de chirurgie cardiaque et il n'avait pas de capacité militaire

 24   dans l'ancienne armée yougoslave. Autrement dit, il n'était pas considéré

 25   comme apte au service.


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  1   M. Par (interprétation). - Est-ce que Vlatko avait des activités

  2   politiques ? Il participait à un parti ? Est-ce qu'il avait des

  3   autorisations politiques, civiles ou autre chose ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai jamais remarqué quoi

  5   que ce soit du genre.

  6   M. Par (interprétation). - L'avez-vous déjà vu en uniforme

  7   portant un fusil ?

  8   M. Kupreskic (interprétation). - Non.

  9   M. Par (interprétation). - Je voudrais évoquer les 14 et

 10   15 mars, lorsque vous avez été cherché votre femme qui revenait

 11   d'Allemagne. Vous nous avez dit que vous avez organisé ce déplacement

 12   comme étant parti pour affaires, parti pour affaires privées ; est-ce que

 13   vous aviez besoin d'une autorisation pour ça ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. D'abord, on avait besoin

 15   d'un document de la société déclarant que c'était un voyage d'affaires, et

 16   puis on avait aussi besoin d'une approbation du HVO, c'est-à-dire de la

 17   municipalité, pour partir.

 18   M. Par (interprétation). - Voici un document. Je vous demanderai

 19   de commenter ce document et de dire à la Cour de quoi il retourne.

 20   (L'huissier s'exécute.)

 21   Mme Ameerali (interprétation). - Document D 24/3.

 22   M. Par (interprétation). - Dites-nous sur quoi porte ce document

 23   et pourquoi vous en aviez besoin.

 24   M. Kupreskic (interprétation). - On a besoin de ce document si

 25   on part en voyage d'affaires. Il est émis par la société, il dit ici que


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  1   Kupreskic Vlatko et Ivica, en tant que directeur et son associé au sein de

  2   la firme, partent en voyage d'affaires.

  3   M. Par (interprétation). - Quelle est la date ?

  4   M. Kupreskic (interprétation). - Le 13 avril 1993.

  5   M. Par (interprétation). - Qui élabore ce document ?

  6   M. Kupreskic (interprétation). - Soit moi-même, soit Vlatko.

  7   M. Par (interprétation). - Examinez ce deuxième document :

  8   dites-nous sur quoi il porte.

  9   Mme Ameerali (interprétation). - Document D25/3.

 10   (L'huissier s'exécute.)

 11   M. Kupreskic (interprétation). - C'est le document émis par le

 12   Conseil de défense croate, c'est donc le document qui permet de se

 13   déplacer. C'est un document municipal. Il apparaît clairement que, le

 14   13 avril 1993, Ivica Kupreskic de Vitez est autorisé à se déplacer du 14

 15   au 24 et il fait apparaître que c'est un voyage d'affaires Vitez-Split-

 16   Vitez.

 17   M. Par (interprétation). - Est-ce que, sur cette autorisation,

 18   vous voyez le tampon de passage de la frontière et la date ?

 19   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. C'est "Metkovic,

 20   14 avril 1993", donc en quittant la Bosnie. C'est à ce moment-là que le

 21   tampon a été mis sur le document.

 22   M. Par (interprétation). - Très bien. Est-ce que Vlatko avait

 23   besoin du même document pour se déplacer avec vous ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Oui, il avait besoin du même

 25   document.


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  1   M. Par (interprétation). - Je vais vous montrer un autre

  2   document.

  3   Est-ce que vous pouvez nous dire s'il s'agit du même document

  4   émis pour Vlatko ?

  5   (L'huissier s'exécute.)

  6   Mme Ameerali (interprétation). – Document D26/3.

  7   M. Par (interprétation). - Vous pouvez voir que c'est également

  8   une autorisation de déplacement qui va du 14 avril 1993, Vlatko Kupreskic

  9   de Vitez, la destination est la même, le passage de frontière est au même

 10   endroit, Metkovic, le 14 avril 1993. Merci.

 11   Donc, vous êtes parti selon cette autorisation, conformément à

 12   cette autorisation? Vous avez utilisé votre automobile ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 14   M. Par (interprétation). - Est-ce que Vlatko Kupreskic avait la

 15   même automobile Yugo bleue ?

 16   M. Kupreskic (interprétation). – Oui, c'était la même couleur,

 17   tout était pareil, c'était la même marque de voiture.

 18   M. Par (interprétation). – Très bien. Là-dessus, vous avez

 19   décrit l'itinéraire pour aller à Split et revenir ; je vais vous demander

 20   de nous montrer cet itinéraire sur la carte. Prenez un marqueur pour

 21   marquer cet itinéraire de Vitez à Split et puis l'on prendra un autre

 22   marqueur, d'une autre couleur, pour montrer l'itinéraire inverse. Vitez,

 23   Pocteva, Tavolka et Split sur cette

 24   carte. Vous en avez parlé, vous y avez fait référence déjà.

 25   Mme Ameerali (interprétation). – Document 27/3.


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  1   (Le témoin s'exécute.)

  2   M. Par (interprétation). - Très bien. Maintenant, prenez un

  3   marqueur d'une autre couleur pour nous montrer l'itinéraire inverse.

  4   (Le témoin s'exécute.)

  5   M. Par (interprétation). - Très bien. Vous pouvez vous asseoir.

  6   Vous nous avez dit qu'a Pocitelj, vous avez rencontré votre ami,

  7   Fadil Sipcic, un Musulman, qui partait dans la direction de Vitez. C'était

  8   vers quelle heure, à peu près ?

  9   M. Kupreskic (interprétation). -  Ça devait être de l'ordre de

 10   10 heures 30 ou peut-être 11 heures.

 11   M. Par (interprétation). - Vous avez également déclaré que, la

 12   nuit du 14 au 15, vous êtes resté chez vous à Baska Voda et aussi

 13   M. Radoslav Simovic et chez sa femme Marica. Pouvez-vous nous dire qui

 14   était à la maison cette nuit-là ?

 15   M. Kupreskic (interprétation). - Moi-même, ma femme, Vlatko,

 16   Marica Radoslav et leur fils. Ça n'était pas la saison touristique, la

 17   maison est grande, il loue des pièces, mais ils n'avaient personne à ce

 18   moment-là.

 19   M. Par (interprétation). - Vous avez dit que vous êtes arrivé à

 20   Ahmici vers 18 heures 30 ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - C'est vrai.

 22   M. Par (interprétation). - Vous avez quitté Vlatko ? Qu'est-ce

 23   que vous avez fait des marchandises dans la voiture ?

 24   M. Kupreskic (interprétation). - Quand on est arrivés à Ahmici

 25   vers 18 heures 30, on est arrivés devant chez Vlatko. On a descendu les


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  1   jeans qu'on avait amenés et ma femme et moi, on est rentré chez nous à

  2   Kacevine.

  3   M. Par (interprétation). - Que vouliez-vous faire des jeans ?

  4   Vous aviez prévu quelque chose pour ces jeans ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, on avait déjà fait ce

  6   genre d'opération. La soeur de Vlatko qui vit à Travnik, la sœur de Vlatko,

  7   donc, avait une boutique, un magasin où elle vendait des vêtements et

  8   certains de ces jeans. On devait les emmener à Travnik le lendemain matin.

  9   Vlatko devait faire cela pour qu'ils soient vendus et puis on allait

 10   vendre le reste.

 11   M. Par (interprétation). - Pouvez-vous dire qui est

 12   Nevzudin Filipovic ?

 13   M. Kupreskic (interprétation). - C'est le mari d'Helen qui est

 14   la soeur de Vlatko, et elle a cette boutique là-bas.

 15   M. Par (interprétation). - Avez-vous fait des affaires avec

 16   Nevzudin et Nenad ?

 17   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 18   M. Par (interprétation). - Merci. Brièvement, le 16 avril, vous

 19   nous avez dit que le matin vous avez téléphoné à Vlatko en lui disant

 20   d'aller à l'abri. Quelle heure était-il à peu près ?

 21   M. Kupreskic (interprétation). - C'était quand j'étais rentré.

 22   J'avais emmené ma femme et mes enfants. On avait été prendre les réfugiés

 23 à (expurgé), j'ai cherché à convaincre ma tante d'aller à l'abri. J'ai appelé

 24   Vlatko, parce que j'ai supposé que Dragan Gradinovic s'y intéresserait.

 25   M. Par (interprétation). - Quelle heure était-il ?


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  1   M. Kupreskic (interprétation). - Peut-être 17 heures 15.

  2   M. Par (interprétation). - Une autre question maintenant, en

  3   rapport avec les voitures dont on a parlé ici.

  4   En 1993, est-ce que vous avez vendu une voiture à Vlatko ?

  5   M. Kupreskic (interprétation). - Oui. Je lui ai vendu une

  6   Mercedes. C'était vers

  7   juin 1993 et je sais que Vlatko à Busovaca a adapté un moteur diesel à son

  8   atelier à Sano.

  9   M. Par (interprétation). - Quelle couleur ?

 10   M. Kupreskic (interprétation). - Blanche, cette Mercedes.

 11   Donc il a modifié le moteur. C'était un moteur à essence, il l'a

 12   transformé en moteur diesel.

 13   M. Par (interprétation). - C'était en juillet 1993 ?

 14   M. Kupreskic (interprétation). - Oui.

 15   M. Par (interprétation). - Encore une question. Pourrait-on

 16   passer à huis clos partiel, car je voudrais évoquer un nom propre ?

 17   M. le Président (interprétation). Nous passons à huis clos

 18   partiel.

 19   Audience à huis clos partiel

 20   (expurgée)

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  1   (expurgée)

  2   (expurgée)

  3   (expurgée)

  4   M. le Président (interprétation). - Donc nous allons interrompre

  5   maintenant et nous reprendrons demain avec Me Susak.

  6   (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

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  8   L'audience est levée à 13 heures 25.

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