Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 18 Mars 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures.

5 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

6 Mme Ameerali (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

7 l'affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic,

8 Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et

9 Vladimir Santic.

10 M. le Président (interprétation). - Merci. Bonjour.

11 Maître Glumac, je vous en prie.

12 Mme Glumac (interprétation). - Bonjour, Monsieur le Président,

13 Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour, Monsieur Sakic.

14 M. Sakic (interprétation). - Bonjour.

15 Mme Glumac (interprétation). - Hier, nous nous sommes arrêtés à

16 la fin de la première journée. Dites-nous, s'il vous plaît, il y avait un

17 certain nombre de problèmes avec la carte. La première fois que vous avez

18 rencontré Zoran et Mirjan Kupreskic avec leur famille, est-ce que vous

19 pouvez nous dire, s'il vous plaît, dans quelle direction ils se dirigent

20 et d'où ils viennent ?

21 M. Sakic (interprétation). - Est-ce que vous voulez que je vous

22 montre cela sur la carte ?

23 Mme Glumac (interprétation). - Non, mais décrivez-nous.

24 M. Sakic (interprétation). - Cette carte, je dois dire, est à

25 l'envers par rapport à la configuration du terrain et, moi, j'avais dit

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1 qu'ils allaient dans la direction de l'entrepôt de

2 Jozo Vrebac, alors que j'avais montré juste le sens contraire vers leur

3 propre maison. Il en ressort logiquement qu'ils sont allés vers l'abri et

4 qu'ils ne sont pas allés dans la direction inverse, comme je l'avais

5 montré, mais c'est une carte qui m'avait brouillé quelque peu.

6 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que vous avez vu

7 qu'ils partaient de leur maison ?

8 M. Sakic (interprétation). - Oui, ils sont partis de leur

9 maison, ils dépassaient la mienne et puis ils se rendaient dans la maison

10 de Jozo Vrebac.

11 Mme Glumac (interprétation). - Quelle est cette route qui passe

12 à partir de leur maison ?

13 M. Sakic (interprétation). - Est-ce que vous voulez que je vous

14 montre maintenant ? C'est un tout petit chemin piéton. Ils arrivent à

15 partir de leur maison jusqu'à ma maison. Ensuite, il y a un élargissement,

16 on peut donc emprunter cette petite route également en voiture et elle

17 mène jusqu'à la maison de Jozo Vrebac.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce au moment où ils sont

19 arrivés chercher ce vieillard ?

20 M. Sakic (interprétation). - Mais je ne vous comprends pas. Je

21 ne sais pas ce que vous dites ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Non, non, je m'explique. Au

23 moment où ils sont arrivés jusqu'à votre maison, vous avez vu d'où ils

24 venaient ?

25 M. Sakic (interprétation). - Oui, bien évidemment parce qu'ils

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1 sont arrivés en provenance de leur propre maison. Ils ont dépassé la

2 mienne et se sont dirigés vers la maison de Jozo Vrebac.

3 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'il y a un chemin

4 également qui mène de l'entrepôt jusqu'à votre maison ?

5 M. Sakic (interprétation). - Oui. C'est un chemin piéton et on

6 ne peut pas aller

7 autrement qu'à pied, parce que la configuration du terrain est telle que

8 ce n'est pas possible de faire autrement. A partir de ma maison, la route

9 s'élargit, il est possible donc même de conduire une voiture.

10 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire qu'il y a les

11 deux chemins ?

12 M. Sakic (interprétation). - Oui.

13 Mme Glumac (interprétation). - Donc ils sont arrivés en

14 provenance de leur propre maison et pas de l'entrepôt ?

15 M. Sakic (interprétation). - Non. Ils sont arrivés de leur

16 maison et ensuite donc ils sont arrivés jusqu'à ma maison et, de ma

17 maison, ils se sont dirigés vers l'entrepôt.

18 Mme Glumac (interprétation). - Les soldats que vous avez vus

19 sont arrivés d’où ?

20 M. Sakic (interprétation). - Ils sont arrivés en provenance de

21 Zume, ensuite ils sont passés à côté de ma maison, du garage, et ils se

22 sont dirigés vers l'entrepôt de Vlatko Kupreskic.

23 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que vous avez vu

24 également quand Mirjan et Zoran sont retournés de Zume, n'est-ce pas ?

25 M. Sakic (interprétation). - Oui. Je les ai vus retourner de

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1 Zume.

2 Mme Glumac (interprétation). - Où ils sont restés ?

3 M. Sakic (interprétation). - Ils sont restés dans ma maison.

4 Tout d'abord, donc, ils ont emmené leur famille jusqu'à l'abri et puis ils

5 sont retournés jusqu'à ma maison.

6 Mme Glumac (interprétation). - Et pourquoi Zoran Kupreskic est

7 retourné une fois de plus ?

8 M. Sakic (interprétation). - Il avait emmené deux femmes. La

9 famille Didak, Manda et Marica et leurs enfants. Je ne connais pas les

10 noms de ces enfants. Ce sont des réfugiés. Il les a emmenés en direction

11 de Zume et en direction de cet abri qui se trouvait dans la maison de

12 Jozo Vrebac.

13 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Sakic, pourriez-vous à

14 peu près nous dire combien de fois au cours de la journée vous avez vu

15 Zoran et Mirjan Kupreskic ?

16 M. Sakic (interprétation). - Vous voulez parler du 16 avril ?

17 Mme Glumac (interprétation). - Oui, le premier jour du conflit.

18 M. Sakic (interprétation). - Je les ai vus quatre ou cinq fois,

19 peut-être même un peu plus, mais j'en suis sûr parce qu'il y avait mon

20 fils également qui était avec eux et donc j'ai fait un peu plus attention.

21 Ils sont retournés vers moi, vers ma maison, entre quatre et cinq fois.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous-même vous vous

23 êtes déplacé de cet abri ce jour-là ?

24 M. Sakic (interprétation). - Ce jour-là, vers 17 heures-

25 18 heures, nous sommes allés dans l'abri de la maison de Niko Vidovic. On

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1 nous a dit que c'était un abri qui était en plus grande sécurité et c'est

2 là où nous nous sommes déplacés. Là, nous avons rencontré d'autres

3 personnes, notamment des femmes et des enfants.

4 Mme Glumac (interprétation). - Et cet abri de Niko Vidovic se

5 trouve dans quelle partie, s'il vous plaît ?

6 M. Sakic (interprétation). - En direction de Zume, à partir de

7 ma maison vers la maison de Jozo Vrebac, mais c'était plus près de ma

8 maison plutôt que de la maison de Jozo Vrebac.

9 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que c'est la

10 même direction ? Par conséquent le secteur de Santici, n'est-ce pas ?

11 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est la frontière entre

12 Santici et Pirici, et je dirai même que cette maison est beaucoup plus du

13 côté de Pirici. Donc je parle de la maison de Niko Vidovic. Elle est

14 plutôt du côté de Pirici.

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voulez bien voir

16 cet album de photographies et vous allez pouvoir nous dire de quelle

17 maison s'agit-il. Enfin, plutôt à qui

18 appartenait cette maison. L'huissier va nous aider.

19 Mme Ameerali (interprétation). - Le document est marqué D104/2.

20 (L'huissier s'exécute.)

21 M. Sakic (interprétation). - Est-ce que je peux ?

22 Mme Glumac (interprétation). - Oui.

23 M. Sakic (interprétation). - Voilà, c'est la maison de

24 Niko Vidovic et on ne voit pas l'abri, mais, de toute façon, c'est là où

25 nous étions.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous voyez d'autres

2 maisons également ou d'autres indications ?

3 M. Sakic (interprétation). – Voilà, il y a la maison qui est à

4 gauche, elle mène vers ma maison. Ensuite, du côté nord, donc on voit

5 l'entrée, la porte d'entrée. Ici, c'est la partie de l'abri où nous nous

6 trouvions. Ensuite, il y a une autre entrée qui donne accès au sous-sol.

7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que l'huissier peut aider

8 le témoin et mettre sur le rétroprojecteur l'album de photos ?

9 (L'huissier s'exécute.)

10 Est-ce qu'il s'agissait d'une maison grande ?

11 M. Sakic (interprétation). - Oui. C'était une maison assez

12 grande et on le voit bien sur les photos. Et puis, la cave était également

13 assez grande, mais il n'y avait pas de conditions propices ; il y avait de

14 l'humidité, ce n'est pas isolé suffisamment bien...

15 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez, une fois

16 de plus, nous montrer la maison... C'est la maison de Niko Vidovic ?

17 M. Sakic (interprétation). - Oui.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que nous pouvons voir

19 également l'autre photo -la troisième- pour voir la grandeur de la cave ?

20 M. Sakic (interprétation). - C'est l'intérieur de la cave que

21 vous voulez voir.

22 Mme Glumac (interprétation). - C'est le chemin ou la route,

23 n'est-ce pas ?

24 M. Sakic (interprétation). - C'est l'entrée du côté supérieur,

25 l'entrée dans la cave.

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1 Mme Glumac (interprétation). - Et la photo n° 4, qu'est-ce que

2 qu'elle représente ?

3 M. Sakic (interprétation). - C'est également une porte d'entrée

4 dans le sous-sol, dans la cave.

5 Mme Glumac (interprétation). - Et la photo n° 5 ?

6 M. Sakic (interprétation). - Voilà : ici, c'est une partie de la

7 cave. Il y avait une cloison qui séparait deux parties, les conditions

8 n'étaient vraiment pas bonnes et propices et il n'y avait pas

9 d'électricité, pas d'eau. Ce n'était pas véritablement une cave pour

10 séjourner dans cette cave au-delà de 8 heures. Enfin, c'était à peu près

11 le temps que l'on pouvait y passer.

12 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez jeter un

13 coup d'œil sur la photographie n° 6 ?

14 M. Sakic (interprétation). - Oui. Là, je la vois.

15 Mme Glumac (interprétation). - Et la photo n° 7... Est-ce que

16 vous pouvez dire également quelles étaient les dimensions de cette cave et

17 combien de personnes s'y trouvaient ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je ne pouvais pas dire exactement

19 combien de personnes étaient dans cette cave, mais je sais que c'était une

20 quarantaine de mètres carrés. Je sais que, outre les enfants, il n'y avait

21 personne qui pouvait vraiment s'allonger.

22 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez trouvé et

23 qui vous avez trouvé dans cet abri ? Est-ce que vous y trouviez des

24 Musulmans et des Croates ?

25 M. Sakic (interprétation). - Il y avait des Musulmans et il y

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1 avait des Croates dans cet abri. En ce qui concerne les Musulmans, il y

2 avait la famille de Ramo Bilic, de son épouse et les trois petits garçons.

3 Ensuite Zijad, le frère de Ramo Bilic, son épouse et ses deux garçons,

4 leur gendre Strmonja Miralem avec sa deuxième femme et un enfant ou deux

5 enfants, je ne me souviens pas. Je pense que c'était plutôt un enfant.

6 C'est là où nous sommes restés tant dans un

7 certain temps.

8 Mme Glumac (interprétation). - Et ce matin-là, cet après-midi-

9 là, vous êtes allé chez M. Vidovic, n'est-ce pas ? Est-ce que vous êtes

10 tous partis dans cet abri ?

11 M. Sakic (interprétation). - Oui. Nous sommes tous partis dans

12 cette maison de M. Vidovic.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelqu'un vous a dit

14 ou bien c'est vous qui avez pris la décision d’y aller ?

15 M. Sakic (interprétation). - Non, bien évidemment, personne ne

16 nous a dit quoi que ce soit, c'est tout simplement que nous avons pensé

17 que ce serait beaucoup mieux d'être un peu plus nombreux, d'être

18 regroupés. On était beaucoup plus nombreux à l'autre endroit.

19 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous aviez peur ce

20 jour-là ?

21 M. Sakic (interprétation). - Si j'avais peur ? Mais je vais tout

22 simplement vous donner juste un exemple : moi, j'avais Bruno dans mes bras

23 et puis je demandais à ma belle-fille où se trouvait le petit garçon.

24 Voilà. J'étais tellement terrifié que je ne savais pas que je le tenais

25 dans mes propres bras !

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1 Mme Glumac (interprétation). - De quoi aviez vous peur ?

2 M. Sakic (interprétation). - Mais je ne sais pas de quoi j'avais

3 peur. J'avais peur lorsqu'il y avait des tirs et puis tout ce qui se

4 passait. Tout ceci me terrifiait, qu'est-ce que vous voulez que je vous en

5 dise plus ?

6 Mme Glumac (interprétation). - Et les Musulmans qui étaient avec

7 vous dans l'abri de Niko Vidovic, Bilovici et Strmonja, ils avaient peur ?

8 M. Sakic (interprétation). - Mais ils n'avaient pas peur de

9 nous, des voisins, mais bien évidemment ils avaient peur comme tout le

10 monde, parce qu'il y avait ces tirs que l'on entendait. Nous sommes tous

11 des êtres humains, par conséquent on avait peur que quelqu'un vienne ou

12 qu'il tire sur nous.

13 Mme Glumac (interprétation). - Mais vous pensez qu'ils n'avaient

14 vraiment pas peur de leurs voisins ?

15 M. Sakic (interprétation). - Non, absolument pas, parce que

16 Ramo, dès que la guerre s'est arrêtée, il m'a appelé et c'est avec lui que

17 j'ai parlé au téléphone.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que votre fils Mirko Sakic

19 est venu vous voir dans l'abri et puis visiter également sa famille ?

20 M. Sakic (interprétation). - Oui, Mirko est venu,

21 Zoran Kupreskic, ils sont arrivés nous visiter, demander comment on

22 allait, etc. et puis ils sont retournés.

23 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'ils savaient que la

24 famille de Ramic et la famille Stramonia se trouvaient dans ce même abri ?

25 M. Sakic (interprétation). - Oui. Dans l'appartement de Mirko,

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1 il y avait Zoran également qui était avec Mirko, ils ont appelé une

2 certaine Ranka pour demander que la famille Bilic et Strmonja soit sauvée.

3 Je ne sais pas s'ils ont réussi ou comment ils se sont occupés, mais de

4 toute façon ils voulaient s'en occuper.

5 Mme Glumac (interprétation). - Et comment ils savaient qu'ils

6 étaient avec vous ?

7 M. Sakic (interprétation). - Ils les ont vus d'abord et puis

8 moi-même également, j'ai dit qu'il serait bon que cette famille soit

9 sauvée, soit emmenée quelque part en sécurité.

10 Mme Glumac (interprétation). - Donc le deuxième jour, vous êtes

11 dans cet abri, vous voyez votre fils Niko Sakic, vous avez vu également

12 Zoran Kupreskic ?

13 M. Sakic (interprétation). - Oui.

14 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous l'avez vu par la

15 suite ou les avez-vous vus par la suite ?

16 M. Sakic (interprétation). - Oui, ils sont venus à plusieurs

17 reprises comme je l'ai dit pour manger un petit peu dans leur propre

18 maison et puis ils étaient également dans le vallon.

19 Mme Glumac (interprétation). - Non, mais je parle du deuxième

20 jour.

21 M. Sakic (interprétation). - D'accord.

22 Mme Glumac (interprétation). - Donc vous êtes dans la maison de

23 Niko Vidovic dans son abri. Est-ce que vous les avez vus ?

24 M. Sakic (interprétation). - Oui, je les ai vus et puis chaque

25 fois que je me déplaçais pour nourrir le bétail, je les ai vus dans le

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1 vallon et de toute façon, je les ai vus chez moi également.

2 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous avez vu également

3 Mirjan Kupreskic ?

4 M. Sakic (interprétation). - J'ai vu cinq ou six hommes dans ce

5 vallon et j'ai vu Mirjan avec eux.

6 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que le soir, le deuxième

7 jour, il y avait quelque chose qui s'était passé ? Vous êtes dans l'abri

8 de Niko Vidovic, est-ce que vous avez remarqué quelque chose qui s'était

9 passé ?

10 M. Sakic (interprétation). - Entre 20 heures et 21 heures le

11 deuxième jour, quelqu'un avait transmis une information selon laquelle les

12 Mudjahidin avaient enfoncé la ligne de défense et qu'il fallait qu'on

13 parte de cet abri. C'est la raison pour laquelle nous avons emprunté la

14 route pour se rendre à Rovna et le pont de Radac.

15 Mme Glumac (interprétation). - Et où est-ce que vous êtes

16 arrêté ?

17 M. Sakic (interprétation). - Ceux qui étaient dans l'abri de

18 Vrebac et ceux qui se trouvaient également chez M. Vidovic étaient assez

19 nombreux. Nous sommes partis vers Rovna, nous avons traversé le pont de

20 Radac et nous avons commencé à nous installer dans les premières maisons

21 vides. Moi, je suis allé jusqu'à la dernière maison, avec moi il y avait

22 Nermin Stramonia, son épouse et les enfants et nous avons passé la nuit

23 dans la maison de Slavko Santic, c'était la toute dernière maison.

24 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez passé donc la nuit dans

25 la maison de Slavko Santic et qui était avec vous ?

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1 M. Sakic (interprétation). - Il y avait Strmonja Nermin avec la

2 famille.

3 Mme Glumac (interprétation). - Strmonja Nermin, c'est un

4 Musulman ?

5 M. Sakic (interprétation). - Oui. Bien évidemment. Même

6 aujourd'hui, nous nous parlons, nous nous saluons.

7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que lui il avait des

8 choses désagréables qui lui sont arrivées ou bien il est parti de Rovna ou

9 il est resté ? Comment ça s'est passé par la suite ?

10 M. Sakic (interprétation). - Cette nuit-là, nous l'avons passée

11 ensemble, rien ne s'est passé de toute façon on avait à partager les mêmes

12 conditions. Le lendemain matin il est parti à Vranska avec sa famille où

13 se trouvait la plupart de la population musulmane.

14 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire qu'il n'y avait

15 absolument rien qui lui arrivait et que vous, vous avez éventuellement

16 fait quelque chose à l'encontre de cette famille ?

17 M. Sakic (interprétation). – Non, ils sont sains et vivants

18 heureusement.

19 Mme Glumac (interprétation). - Vous vous êtes donc installé chez

20 Slavko Santic ?

21 M. Sakic (interprétation). - Oui. A Rovna, Slavko Santic, la

22 maison de Slavko Santic surnommé Rovna.

23 Mme Glumac (interprétation). - C'était un Croate ?

24 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est un Croate.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et quand êtes-vous retourné de

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1 Rovna ?

2 M. Sakic (interprétation). – Moi, j'ai passé la nuit à Rovna, à

3 quatre heures du matin je suis retourné chez moi pour nourrir le bétail,

4 pour voir également ce qui s'était passé, ce qu'il y a dans la maison.

5 Mme Glumac (interprétation). - Mais pourquoi vous retourniez ?

6 Vous n'aviez pas peur ? Vous êtes parti, parce que vous aviez peur ?

7 M. Sakic (interprétation). - Oui. Je suis parti, parce que

8 j'avais peur, mais, de toute façon, j'avais peur également quand j'étais à

9 Rovna et chez moi également et je me suis dit : que ce soit Rovna, que ce

10 soit chez moi, ça m'est absolument égal ; j'ai peur et puis c'est tout. De

11 toute façon, il fallait nourrir le bétail, il fallait que je vois un petit

12 peu de ce qui se passait à la maison.

13 Mme Glumac (interprétation). - Par conséquent, vous êtes rentré

14 à la maison à 4 heures du matin ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). – C'était le troisième jour, le 19

17 n'est-ce pas ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui.

19 Mme Glumac (interprétation). – Le 18. Je me suis trompée.

20 M. Sakic (interprétation). - Oui.

21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce jour-là vous avez

22 vu autour de votre maison les personnes que vous voyiez auparavant ?

23 M. Sakic (interprétation). - Le jour où je suis arrivé, je les

24 ai vues dans le vallon pas très tôt le matin, parce qu'il fallait quand

25 même, comme je l'ai précisé, d'abord voir un petit peu ce qui se passait

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1 chez moi, nourrir le bétail et puis je n'avais rien mangé. J'ai mangé un

2 petit quelque chose et puis je les ai vues dans le vallon.

3 Mme Glumac (interprétation). – Où, ce troisième jour, où est-ce

4 que vous les avez vus et où ils sont restés ? Dans quel secteur ?

5 Mme Glumac (interprétation). - Ils venaient jusqu'à ma maison

6 pour téléphoner ou bien ils retournaient vers le vallon à peu près. C'est

7 entre ces deux endroits qu'ils se trouvaient.

8 Mme Glumac (interprétation). - Et qui avez-vous vu ?

9 M. Sakic (interprétation). - J'ai vu mon fils, Mirko Santic,

10 j'ai vu Zoran et Mirjan Kupreskic, feu Vidovic, Dragan Vidovic,

11 Dragan Samija et puis je ne me souviens plus. Je ne sais plus qui j'avais

12 vu encore.

13 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, le troisième jour, il

14 y avait quelque chose qui s'est passé ? Est-ce qu'ils sont partis quelque

15 part ?

16 M. Sakic (interprétation). - Le troisième jour, l'après-midi,

17 ils se sont déplacés dans la direction des maisons de Kupreskic.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez qui était à

19 la tête de ce groupe ?

20 M. Sakic (interprétation). – Non, je ne sais pas, je ne sais pas

21 si il y avait quelqu'un qui les avait guidés jusqu'à cet endroit-là, ça je

22 ne sais absolument rien.

23 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous-même vous êtes

24 parti là-haut, donc au-dessus du village Pirici Ahmici ?

25 M. Sakic (interprétation). – Sept, huit jours, dix jours après

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1 le conflit, nous avons été emmenés tous de ce côté-là. Nous étions déjà

2 âgés, c'est la raison pour laquelle on nous a emmenés à cet endroit-là.

3 Mme Glumac (interprétation). - Et vous êtes resté combien de

4 temps ?

5 M. Sakic (interprétation). - Je suis resté, malheureusement, un

6 an à Rovna.

7 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous-même vous étiez

8 un des seuls, un des rares qui avait cet âge avancé et qui étiez parmi ce

9 groupe qui creusait les tranchées ?

10 Mme Glumac (interprétation). - Oui. Effectivement, il y avait

11 des personnes qui étaient âgées comme moi et qui sont allées pour creuser

12 les tranchées.

13 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que vous étiez

14 dans la tranchée même ?

15 M. Sakic (interprétation). – Oui, dans la tranchée.

16 Mme Glumac (interprétation). – Eh bien, encore une petite

17 question concernant vos voisins. Est-ce que vous connaissez Sakib Ahmic ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je connais très, très bien

19 Sakib Ahmic et je connais toute la famille. Je connais le père et je le

20 connais lui-même. Je connais un peu moins les enfants. Ce sont des

21 personnes jeunes.

22 Mme Glumac (interprétation). - En quels termes vous êtes avec

23 Sakib Ahmic ?

24 M. Sakic (interprétation). - Je n'ai jamais eu des mots avec

25 cette personne pendant toute ma vie, au contraire. La première fois, quand

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1 son père avait construit sa maison, je l'ai aidé puis, lui également, il

2 m'avait aidé de son côté. Non, non on était en très bon termes.

3 Mme Glumac (interprétation). - Et Sakib Ahmic, comment il

4 était ? Vous dites que, vous-même, vous n'étiez jamais en conflit avec

5 lui.

6 M. Sakic (interprétation). – Moi-même, jamais. Mais ses propres

7 voisins, des Musulmans qui étaient ses premiers voisins, ils avaient des

8 problèmes avec lui. Mais, moi, j'avoue que je n'en avais jamais eu.

9 Mme Glumac (interprétation). - Et quels genres de problèmes

10 avaient les Musulmans, les voisins, avec lui ?

11 M. Sakic (interprétation). - Même ses propres enfants avaient

12 des problèmes avec lui. Il battait les enfants, il a divorcé, ensuite il

13 prenait du terrain qui appartenait aux autres. A un moment donné, il avait

14 également préparé la cave pour s’y installer et c'est là où il avait

15 habité.

16 Mme Glumac (interprétation). - Mais qu'est-ce qu'il avait fait

17 dans sa cave ?

18 M. Sakic (interprétation). - Il avait les deux pièces. Moi, je

19 ne suis jamais rentré. De toute façon, je sais qu'à un moment donné il

20 avait vécu dans son sous-sol. C'est lui qui me l'a raconté.

21 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous s'il était porté sur

22 la bouteille ? Est-ce

23 qu'il avait des problèmes d’alcoolisme ?

24 M. Sakic (interprétation). - Eh bien, souvent, on s'enivrait

25 ensemble chez moi. Je sais d'ailleurs qu'il avait reçu un traitement pour

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1 cet alcoolisme.

2 Mme Glumac (interprétation). - Juste avant le conflit, en mars

3 ou avril, l'avez vous vu ?

4 M. Sakic (interprétation). - Non.

5 Mme Glumac (interprétation). - Très bien. Quand avez-vous

6 découvert qu'un certain nombre de vos voisins musulmans avaient été tués

7 le 16 ? Vous vous en êtes aperçu à ce moment-là ou plus tard ?

8 M. Sakic (interprétation). - Moi-même et la plus grande partie

9 des Croates avons découvert qu'une partie de nos voisins musulmans avaient

10 été tués lorsqu'ils ont commencé à enlever les corps pour les enterrer.

11 Mais les trois quatre premiers jours, je ne savais pas combien de

12 personnes avaient été tuées.

13 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous qui est l'auteur de

14 ces exactions ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je sais qui ne l'a pas fait, mais

16 je ne sais pas qui l'a fait.

17 Mme Glumac (interprétation). - Qui ne l’a pas fait ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je sais que les gens ici présents

19 ne l'ont pas fait, mais je ne sais pas qui l'a fait. C'est tout ce que je

20 sais.

21 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur Sakic.

22 Monsieur le Président, j'aimerais demander que le document D 114/2 soit

23 versé au dossier.

24 (M. Terrier fait non de la tête pour dire qu'il n'y a pas

25 d'objection).

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1 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina ?

2 M. Krajina (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

3 Bonjour, Monsieur Sakic.

4 M. Sakic (interprétation). - Bonjour.

5 M. Krajina (interprétation). - J'aimerais vous poser quelques

6 questions en rapport avec l'accusé Vlatko Kupreskic. Pour commencer,

7 pouvez-vous nous dire si vous connaissez Vlatko et sa famille ?

8 M. Sakic (interprétation). - Je connais le père de Vlatko, son

9 grand-père aussi. J'ai connu Vlatko dès sa naissance.

10 M. Krajina (interprétation). - Pouvez-vous nous dire si vous

11 savez ce que Vlatko Kupreskic faisait pour vivre en 1992-93, quelles

12 étaient ses occupations avant et pendant le conflit ?

13 M. Sakic (interprétation). - Vlatko avait toujours voulu être

14 homme d'affaires. A cette époque, il faisait des affaires.

15 M. Krajina (interprétation). - Dites-nous si vous savez si

16 Vlatko avait été mobilisé à cette époque ou à une époque quelconque ?

17 M. Sakic (interprétation). - Vlatko n'a pas été mobilisé, il

18 n'aurait pas pu être mobilisé à cause de son état de santé. Je sais qu'il

19 avait subi une opération du cœur et qu'il n'avait pas servi dans l'armée

20 de l'ex-Yougoslavie, qu'il n'avait pas participé à la guerre qui s'est

21 produite dans nos contrées.

22 M. Krajina (interprétation). - Merci, très bien. Pouvez-vous

23 nous dire si vous avez jamais vu Vlatko Kupreskic en uniforme ou avec des

24 armes ?

25 M. Sakic (interprétation). - Pendant l'ensemble de la guerre, je

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1 ne l'ai jamais vu en uniforme, je l'ai toujours vu en civil.

2 M. Krajina (interprétation). - Très bien. Savez-vous si

3 Vlatko Kupreskic s'occupe activement de politique ? Est-ce qu'il a joué un

4 rôle important dans des meetings politiques ?

5 M. Sakic (interprétation). - Je ne crois pas qu'il en avait le

6 temps à cause de ses affaires et je crois qu'il n'en avait pas

7 l'inclination.

8 M. Krajina (interprétation). - Participait-il à une organisation

9 politique ?

10 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas, mais je ne crois

11 pas.

12 M. Krajina (interprétation). - Si vous le savez, dites-nous si

13 Vlatko avait une attitude négative à l’égard des Musulmans, ses voisins ou

14 les autres Musulmans ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je ne peux pas vous donner de noms,

16 mais je sais qu'il avait beaucoup d'amis musulmans qui lui rendaient

17 visite. Sa maison était plus proche des maisons musulmanes que la mienne,

18 il avait beaucoup d'amis musulmans, il n'avait jamais de problèmes avec

19 eux.

20 M. Krajina (interprétation). - Vous avez dit, parlons maintenant

21 du 16 avril, le premier jour du conflit. Vous avez dit que ce jour-là,

22 vous étiez chez vous toute la journée jusqu'à 17 heures ?

23 M. Sakic (interprétation). - Oui.

24 M. Krajina (interprétation). - Vous le savez probablement, mais

25 je vais quand même vous poser la question : où se trouve la maison de

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1 Vlatko Kupreskic ?

2 M. Sakic (interprétation). - Je sais.

3 M. Krajina (interprétation). - Savez-vous s'il y a un chemin qui

4 va de sa maison à votre maison et qui se poursuit dans la direction de

5 Vlatko Kupreskic ?

6 M. Sakic (interprétation). - Oui, je sais.

7 M. Krajina (interprétation). - Il y en a une.

8 M. Sakic (interprétation). - Oui, il y en a une, en direction de

9 la maison de Jozo Vrebac.

10 M. Krajina (interprétation). - Est-ce que ce chemin passe par

11 chez vous ?

12 M. Sakic (interprétation). - On peut venir jusqu'à chez moi en

13 voiture, mais ensuite il faut y aller à pied.

14 M. Krajina (interprétation). - Mais quand on va de la maison de

15 Vlatko Kupreskic jusqu’à chez vous, est-ce que qu'il faut passer...Quand

16 on va de Vlatko Kupreskic à la maison de Jozo, il faut passer par votre

17 maison ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui.

19 M. Krajina (interprétation). - Le 16 avril, avez-vous vu sur ce

20 chemin ou cette route, dont on vient de parler, que Vlatko ou quelqu'un de

21 sa famille est passé à côté ?

22 M. Sakic (interprétation). - Oui. Vlatko, sa femme et sa mère et

23 ses deux enfants sont passés.

24 M. Krajina (interprétation). - Quand ?

25 M. Sakic (interprétation). - C'était vers 5 heures, 5 heures et

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1 demi, à peu près, je ne sais pas précisément.

2 M. Krajina (interprétation). - Très bien. Vous les avez vus

3 distinctement ?

4 M. Sakic (interprétation). - Oui. J'étais sur le bord de la

5 route pavée et ils sont passés à un ou deux mètres d'où j’étais.

6 M. Krajina (interprétation). - Savez-vous comment il était

7 habillé ? Vous souvenez vous comment il était habillé à cette époque ?

8 M. Sakic (interprétation). - Je m'en souviens très bien.

9 M. Krajina (interprétation). - Est-ce qu'il était en civil ?

10 M. Sakic (interprétation). - Oui, il était en civil.

11 M. Krajina (interprétation). - En civil ?

12 M. Sakic (interprétation). - Oui, en civil, comme toujours.

13 M. Krajina (interprétation). - Est-ce qu'il portait des armes ?

14 M. Sakic (interprétation). - Non.

15 M. Krajina (interprétation). - Ce jour-là, le 16 avril 93, avez-

16 vous revu Vlatko Kupreskic ? Si vous l'avez revu, à quel moment ?

17 M. Sakic (interprétation). - Je l'ai vu aux alentours de

18 10 heures 30 quand il revenait de la direction de l'abri de Jozo Vrebac et

19 j'étais à côté de mon garage et je lui ai demandé : "Où est-ce que tu vas,

20 Vlatko ?", parce qu'on entendait des tirs de derrière sa maison. Il m'a

21 répondu : "Mon père est resté derrière, il faut que j'aille le voir". Son

22 père était malade, il s'était cassé la jambe et, ce matin-là, il n'avait

23 pas été en mesure de l'évacuer de la maison.

24 M. Krajina (interprétation). - Combien de temps Vlatko est resté

25 avec vous ? Est-ce qu'il est resté avec vous ou est-ce qu'il a continué

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1 vers chez lui ?

2 M. Sakic (interprétation). - J'ai essayé de le persuader de ne

3 pas continuer, je pensais que c'était trop dangereux pour qu'il continue,

4 donc j'essayais de le faire entrer chez moi au rez-de-chaussée et on est

5 restés là une heure, une heure et demie. Mais à ce moment là, il a insisté

6 pour rentrer chez lui pour aller voir son père.

7 M. Krajina (interprétation). - Vers quelle heure à peu près ?

8 M. Sakic (interprétation). - Vers midi 30, 1 heure.

9 M. Krajina (interprétation). - Très bien. Et il est parti, il

10 est allé dans la direction de sa maison. Dites-moi, pendant cette période-

11 là, quand Vlatko est venu, jusque vers midi et demi, 1 heure, quand il est

12 reparti, est-ce qu'il était là tout le temps ?

13 M. Sakic (interprétation). - Eh bien on a parlé, on n'a pas

14 parlé tout le temps. Parfois on ne disait rien, mais on se regardait l'un

15 l'autre, on était ensemble tout le temps.

16 M. Krajina (interprétation). - Est est-ce que c'est la dernière

17 fois que vous avez vu Vlatko ce jour-là ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui. Ce jour-là, je ne l'ai pas

19 revu.

20 M. Krajina (interprétation). - Monsieur Sakic, en résumé, à

21 partir de ce que vous nous avez dit, peut-on déclarer que, le 16 avril 93,

22 vous avez vu Vlatko à deux occasions : le matin et puis entre 17 heures 30

23 et 18 heures et... Plutôt le matin entre 5 heures et demi et

24 6 heures et le matin de 11 heures et demi à midi, 13 heures, vous étiez

25 personnellement avec Vlatko et Vlatko était continuellement chez vous sans

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1 interruption ? Est-ce qu'on peut tirer cette conclusion ?

2 M. Sakic (interprétation). - Oui. Ça, je peux… je le garantis

3 sur ma vie.

4 M. Krajina (interprétation). - Merci, Monsieur Sakic, je n'ai

5 pas d'autres questions. M. le Président, j'ai terminé.

6 M. le Président. - Maître Terrier.

7 M. Terrier. - Merci, Monsieur le Président. Bonjour

8 Monsieur Sakic, mon nom est Franck Terrier, je suis l'un des avocats de

9 l'accusation. Je pense que vous avez été informé que je vous poserais des

10 questions et que vous devriez y répondre.

11 Tout d'abord, j'aimerais que nous parlions de cette

12 responsabilité de défense civile que vous avez évoquée hier. Vous vous

13 souvenez avoir dit que vous étiez en quelque sorte dans votre quartier un

14 responsable de la défense civile et que c'est pour cette raison que vous

15 étiez chargé, le 16 avril au matin comme le 20 octobre 92, d'aller avertir

16 les voisins de ce qui allait se passer.

17 Vous vous souvenez avoir dit ça ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui. Je m'en souviens. Mais ça

19 n'était pas la défense civile. De notre propre chef, nous nous sommes

20 organisés, nous sommes divisés au sein du village pour pouvoir avertir

21 plus facilement ceux qui vivaient près de chez nous. En effet, pendant les

22 bombardements de Vitez et Bugovac, nous avons commencé à nous organiser

23 pour pouvoir nous avertir qu'il était temps d'aller aux abris, donc quand

24 on avait ces informations, on avisait les gens de venir aux abris, il n'y

25 avait pas d'autre type de responsabilité.

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1 M. Terrier. - Vous dites qu'il s'agissait d'une organisation

2 décidée entre vous. Avec qui vous êtes vous organisé ?

3 M. Sakic (interprétation). - Je n'ai pas fait l'accord avec qui

4 que ce soit, je ne me suis pas organisé avec qui que ce soit, à deux

5 reprises, j'ai été informé la première fois Joso Tan d'aller à l'abri et

6 la deuxième fois par Dragan Vidovic qu'il fallait dire aux gens d'aller à

7 l'abri.

8 M. Terrier. - J'ai bien compris cela, Monsieur le témoin, mais

9 je voudrais savoir qui par exemple vous a donné pour tâche de prévenir les

10 gens habitant une dizaine de maisons dans votre quartier. C'est ce que

11 vous nous avez dit hier. Vous nous avez dit que vous étiez chargé de

12 prévenir les gens, les familles habitant une dizaine de maisons dans votre

13 quartier e je voudrais savoir qui a prévu cela. Comment cela a été

14 organisé.

15 M. Sakic (interprétation). - Comme je l'ai dit, j'étais informé

16 par ces gens-là, je ne sais pas qui leur avait donné d'autres

17 informations. Ça je ne le sais pas.

18 M. Terrier. - Monsieur Sakic, ce n'est pas la question que je

19 vous pose. J'ai bien compris qui vous avait informé de ce qu'il fallait

20 aux abris. Ce que je veux savoir, ce que je souhaite savoir, c'est qui

21 vous avait donné mission de prévenir les familles habitant cette dizaine

22 de maisons.

23 M. Sakic (interprétation). - Eh bien je vais le répéter : la

24 première fois, j'étais éveillé par Jozo Bobas et la deuxième fois par

25 Dragan Vidovic et, à ce moment-là, j'ai alerté les autres qu'il fallait

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1 venir à l'abri.

2 M. Terrier. - Je vais essayer de poser la question différemment.

3 Hier, vous nous avez dit que vous aviez des responsabilités en matière de

4 défense civile ou dans une sorte de défense civile, même si ce n'est pas

5 une défense civile au sens strict du mot, et que, parmi ces

6 responsabilités, vous aviez la charge en cas d'incendie par exemple, ou en

7 cas d'alerte en raison de la guerre, de prévenir les familles habitant

8 autour de chez vous. Vous vous souvenez avoir dit cela ?

9 M. Sakic (interprétation). – Oui, je m'en souviens.

10 M. Terrier. – Alors ma question est la suivante :

11 Monsieur Sakic, qui vous avait

12 donné cette tâche de prévenir ces familles ?

13 M. Sakic (interprétation). - Qui m'a demandé d'informer les

14 familles ? Eh bien, Ivica Vidovic était là, on l'appelait Leco et c'est

15 lui qui me l'a dit.

16 M. Terrier. – Ne parlons plus d'Ivica Vidovic quelques instants,

17 s'il vous plaît, oubliez-le. Je vais une dernière fois essayer de reposer

18 ma question. Imaginons que se soit produit un incendie par exemple. Un

19 incendie, ça pouvait se produire un incendie ? Est-ce que c'est vous qui

20 étiez chargé, en cas d'alerte, donc à la suite d'un incendie, de prévenir

21 les familles autour vous ? Il m'a semblé que vous avez dit ça hier.

22 M. Sakic (interprétation). – Non.

23 M. Terrier. – Je vais vous poser quelques questions maintenant,

24 Monsieur Sakic, sur ces réunions qui se sont passées à l'école d'Ahmici

25 après le premier conflit. Vous avez assisté à une première réunion, avez-

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1 vous dit, au cours de laquelle 150 personnes sont venues, dont 65 à

2 70 Croates. Avez-vous bien dit cela ?

3 M. Sakic (interprétation). - Oui.

4 M. Terrier. – Vous avez dit que cette réunion avait un aspect

5 spontané. Est-ce que vous pouvez citer quelques unes des personnes qui se

6 sont exprimées, qui ont parlé au cours de cette première réunion ?

7 M. Sakic (interprétation). - Oui. Hazim Ahmic, Rezad ont parlé.

8 Ivo Josipovic, Alman Ahmic et beaucoup d'autres.

9 M. Terrier. – Est-ce que l'un ou l'autre des accusé était

10 présent au cours de cette première réunion, à votre connaissance ?

11 M. Sakic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas. Je ne m'en

12 souviens pas.

13 M. Terrier. – Évoquons la deuxième réunion. Vous nous avez dit

14 qu'au cours de cette réunion étaient présents Pero Skopljak et

15 Ivica Santic en particulier. Vous nous avez dit, j'ai cru comprendre en

16 tout cas, que ces deux personnes présidaient la réunion, en tout cas la

17 dirigeaient.

18 M. Sakic (interprétation). - Ils ne dirigeaient pas la réunion,

19 c'était Kosmodin Kadovic qui était là aussi, mais ils ne dirigeaient pas

20 la réunion. Simplement, ils observaient pour voir comment on parviendrait

21 à un accord, comment parler et ils essayaient de nous diriger. Mais ce

22 n'était pas une réunion officielle. Il n'y avait personne qui

23 officiellement dirigeait la réunion.

24 M. Terrier. – Est-ce qu'au cours de cette deuxième réunion, l'un

25 ou l'autre des accusé était présent ?

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1 M. Sakic (interprétation). - Non. Non.

2 M. Terrier. – Vous voulez dire qu'ils n'étaient pas là ou que

3 vous n'en avez pas le souvenir ?

4 M. Sakic (interprétation). - Je ne m'en souviens pas.

5 M. Terrier. – Est-ce qu'au cours de cette deuxième réunion, des

6 Croates habitant Ahmici se sont exprimés ?

7 M. Sakic (interprétation). - Oui. Tout le monde qui voulait

8 prendre la parole, tout le monde qui savait quelque chose d'intéressant,

9 de bien, parlait.

10 M. Terrier. – Est-ce que vous avez le souvenir de ce qu'on pu

11 dire les Croates habitant Ahmici qui se sont exprimés au cours de cette

12 deuxième réunion ?

13 M. Sakic (interprétation). – Eh bien, je sais ce que j'ai

14 demandé, mais je ne sais pas ce que les autres ont dit, parce que c'était

15 il y a longtemps, je ne me souviens pas de ce qu'ils ont dit, mais

16 essentiellement, c'étaient des choses positives.

17 M. Terrier. - Certainement, mais, Monsieur Sakic, hier, vous

18 avez été très précis sur ce qu'ont dit, par exemple, Fuad Ahmic ou

19 Sulejman Ahmic au cours de cette réunion. Vous nous avez dit qu'ils

20 avaient proféré des propos extrémistes et mensongers et vous avez cité

21 quelques exemples, si j'ai bonne mémoire. Donc il me semble que vos

22 souvenirs doivent

23 vous permettre de dire ce qu'ont dit les Croates qui étaient présents au

24 cours de cette réunion.

25 M. Sakic (interprétation). - Ce que les Croates disaient, je ne

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1 sais pas exactement ce qu'ils disaient, mais je sais ce que les Musulmans

2 qui assistaient à la réunion disaient. Je peux vous dire précisément ce

3 que les Musulmans disaient.

4 M. Terrier. - Vous l'avez déjà dit hier, Monsieur Sakic, je ne

5 vous demande pas de le répéter. Je constate simplement par conséquent que

6 vous avez un souvenir précis de ce qu’ont dit les Musulmans, mais vous

7 n’avez aucun souvenir de ce qu'ont dit les Croates ?

8 M. Sakic (interprétation). - Je ne me souviens absolument pas ce

9 que les Musulmans ont dit, je l'ai oublié. Mais ce qui est vrai, c'est que

10 j'avais cité un certain nombre de personnes musulmanes qui avaient dit des

11 choses qui n'étaient pas vraiment correctes, c'est tout.

12 M. Terrier. - Évoquons maintenant, Monsieur Sakic, les

13 patrouilles ou les gardes auxquelles vous avez pris part au cours de la

14 période en particulier qui sépare octobre 1992 et avril 1993. Vous nous

15 avez dit, donc, que vous avez participé à ces gardes villageoises...

16 M. Sakic (interprétation). - Oui.

17 M. Terrier. - Armé d'un fusil de chasse.

18 M. Sakic (interprétation). - C'est vrai.

19 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez nous indiquer comment et

20 par qui étaient organisées ces gardes villageoises ?

21 M. Sakic (interprétation). - Personne n'a organisé les

22 patrouilles villageoises, c'est nous-mêmes qui nous sommes organisés. En

23 d'autres termes, on pouvait faire partie de ces patrouilles villageoises,

24 on pouvait décider de ne pas y aller, il n'y avait aucun ordre dans ce

25 cas-là. C'est nous-mêmes qui décidions, c'est tout simplement que nous

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1 avons décidé, c'est le peuple, je veux dire, les villageois ont décidé de

2 monter ces gardes.

3 M. Terrier. - Monsieur Sakic, j'ai bien compris que ces gardes

4 fonctionnaient sur

5 un principe démocratique d'abord et sur le volontariat. Je voudrais savoir

6 qui décidait, par exemple, que ce soir ce serait vous, un autre soir, ce

7 serait une autre personne si elle voulait bien ; un autre soir encore, une

8 autre personne. Qui décidait cela ?

9 M. Sakic (interprétation). - C'est tout simplement qu'un soir,

10 feu Anto Kupreskic, le père de Zoran et Mirjan Kupreskic, est arrivé me

11 voir et m’a dit : "Est-ce que tu veux venir avec moi ce soir pour monter

12 la garde ?". Moi, j'ai pris mon fusil de chasse et puis nous avons circulé

13 dans le village et puis il n'y avait personne qui nous a relevés. C'est

14 tout simplement comme cela, spontanément on organisait chaque nuit

15 quelqu'un d'autre.

16 M. Terrier. - Est-ce que votre fils Mirko participait aussi à

17 ces gardes villageoises ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je pense que lui également il avait

19 été dans les patrouilles, mais de la même façon.

20 M. Terrier. - Vous en êtes certain, vous l'avez vu ?

21 M. Sakic (interprétation). - Oui, oui, je suis certain. Oui,

22 oui, il y était.

23 M. Terrier. - Est-ce que votre fils possédait une arme ?

24 M. Sakic (interprétation). - Oui.

25 M. Terrier. - Quel type d'armes possédait-il ?

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1 M. Sakic (interprétation). - C'était une Kalachnikov, je pense.

2 C'est comme cela que ce fusil s'appelait.

3 M. Terrier. - Est-ce que vous savez d'où cette arme provenait ?

4 M. Sakic (interprétation). - Il n'est pas mineur, par conséquent

5 je ne lui ai pas posé la question. Je ne sais pas comment il est entré en

6 possession de ce fusil, mais de toute façon, il l’avait.

7 M. Terrier. - Pour compléter le transcript, Monsieur Sakic, je

8 voudrais vous reposer une question que je viens de vous poser. Je vais

9 vous demander si vous avez bien vu votre fils participer à des gardes

10 villageoises ? Je vous repose la question parce que votre réponse n'a pas

11 été inscrite.

12 M. Sakic (interprétation). - Je n'ai pas vu, mais je sais qu'il

13 participait aux patrouilles.

14 M. Terrier. - J'en viens maintenant à la journée du 16 avril.

15 Vous nous avez dit que vous aviez donc été réveillé par Dragan Vidovic et

16 que vous étiez sorti de votre maison pour aller réveiller les différentes

17 personnes que vous avez citées. Parmi ces différentes personnes, vous avez

18 cité, je crois, Miralem Strmonja. C'est exact ?

19 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est exact.

20 M. Terrier. - Où habitait Miralem Strmonja et sa famille ? Est-

21 ce que vous pouvez nous l'indiquer ? Je sais que vous avez du mal avec

22 cette photographie aérienne, je ne vous demande pas de nous montrer sur la

23 photographie aérienne, mais peut-être est-ce que vous pouvez nous

24 expliquer à quelle distance et où habitait Miralem Strmonja ?

25 M. Sakic (interprétation). - Oui, volontiers. Cette carte,

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1 j'avoue, ne me paraît pas tout à fait claire, mais je peux vous dire que

2 Strmonja et sa maison se trouvent à 250 mètres par rapport à la mienne et

3 ceci en direction de Zume, si on regarde par rapport à ma maison. Mais si

4 vous voulez, je vais essayer quand même de vous montrer sur la carte, mais

5 la carte est à l'envers.

6 M. Terrier. - Je sais, oui, le sud est en haut et le nord, en

7 bas. Si vous pensez pouvoir la trouver, faites le volontiers.

8 M. Sakic (interprétation). - Je vais essayer.

9 (Le témoin s'exécute.)

10 Voilà, elle est là. Voilà, c'est à cet endroit-là. Les deux

11 beaux-frères se trouvent à cet endroit-là et lui-même également il y

12 était.

13 M. Terrier. – Je vous remercie. Vous nous avez dit que très

14 rapidement, vers 4 heures 30, un rassemblement s'était formé devant votre

15 maison. Je vous en prie, rasseyez-vous, Monsieur Sakic.

16 Vous nous avez dit, Monsieur Sakic, que vers 4 heures 30, un

17 rassemblement s'était formé devant votre maison. Est-ce qu'il était prévu

18 qu'en cas d'alertes ou de difficultés, les personnes qui se trouvaient là

19 devaient venir devant votre maison ? Est-ce que cela était organisé et

20 prévu à l'avance ?

21 M. Sakic (interprétation). – Eh bien ce n'était pas vraiment

22 prévu à l'avance, mais avant le pilonnage, ma cave était sensée être un

23 abri sûr. A plusieurs reprises auparavant, nous savions où il fallait

24 aller s'il y avait une alerte. C'est vrai que les gens savaient qu'ils

25 devaient venir dans ce sous-sol et puis, si rien ne se passait, les gens

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1 rentraient chez eux.

2 M. Terrier. – Donc il est exact de dire qu'il y avait, qu'il

3 existait une certaine organisation en cas de danger ou d'alertes et que

4 les personnes, en particulier celles habitant votre quartier, savaient

5 parfaitement où elles devaient aller en cas de danger ou d'alertes ?

6 M. Sakic (interprétation). – Eh bien si quelqu'un se trouvait en

7 danger, il est certain que cette personne pouvait trouver un abri et c'est

8 ainsi que de telles personnes trouvaient un abri sûr chez moi et c'est

9 chez moi qu'elles venaient se réfugier.

10 M. Terrier. – Vous avez parlé des soldats qui sont passés devant

11 votre maison, entre 4 heures 30 et 5 heures du matin, si j'ai bien

12 compris.

13 M. Sakic (interprétation). – Oui.

14 M. Terrier. – Vous avez dit que ces soldats portaient des

15 insignes, mais vous n'avez pas précisé de quels insignes il s'agissait.

16 Pouvez-vous nous le dire ?

17 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, je ne sais

18 pas que faire, comment réagir face à une telle situation ? Monsieur le

19 Procureur parle d'autres moments que ceux visés par le témoin et n'a pas

20 dit que ces personnes s'étaient rassemblées devant sa maison

21 à 4 heures et demi. Alors est-ce que vous le faites à dessein, Monsieur le

22 Procureur ? Est-ce que vous essayez de semer la confusion dans l'esprit du

23 témoin ? Je ne sais pas, mais je ne sais pas s'il convient que

24 j'intervienne ou pas, mais on parle ici de temps erroné et ceci, sans

25 arrêt.

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1 M. Terrier. – Si je commets une erreur, je suis...

2 M. le Président. – Oui, Maître Terrier ?

3 M. Terrier. – Si j'ai commis une erreur, je suis tout prêt à la

4 rectifier. C'est de bonne foi que je pensais que M. Sakic avait parlé d'un

5 rassemblement aux alentours de 4 heures 30 devant sa maison.

6 M. le Président. - Oui.

7 M. Terrier. – Il me semble que c'est ce qu'il a dit, mais peut-

8 être ai-je commis une erreur, dans ce cas-là, je la corrige très

9 volontiers.

10 Mme Glumac (interprétation). - Maître Terrier, je n'essaie pas,

11 ici, de créer des problèmes, mais le témoin n'a jamais fait état d'une

12 réunion devant sa maison à 4 heures et demi et il n'a jamais parlé de

13 soldats à ce moment-là. Les heures diffèrent fondamentalement. Je ne sais

14 pas ce que vous voyez, vous, dans votre compte rendu d'audience.

15 M. le Président. - Mais je crois que la dernière question de

16 Me Terrier concernant les soldats n'était pas liée à l'heure :

17 4 heures 30. Vous n'avez pas dit que le témoin avait vu les soldats à

18 4 heures 30.

19 M. Terrier. – J'ai dit qu'il me semble me souvenir que le témoin

20 a parlé de ces soldats et qu'il les aurait vus entre 4 heures 30 et

21 5 heures. C'est ce que j'ai dit.

22 M. le Président. - Oui.

23 M. Terrier. – On va demander au témoin. Monsieur le Témoin,

24 pouvez-vous nous indiquer à quelle heure, selon votre souvenir, vous avez

25 vu ces soldats devant votre maison.

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1 M. Sakic (interprétation). - Vers 5 heures 20, 5 heures 30.

2 C'est à ce moment-là que ces soldats sont passés devant chez moi.

3 M. Terrier. – Alors, Monsieur Sakic je vous repose ma question :

4 vous avez parlé hier -de cela, je suis absolument certain- d'insignes que

5 portaient ces soldats sur leurs uniformes. Est-ce que vous pouvez nous

6 indiquer aujourd'hui ce qu'était ces insignes ?

7 M. Sakic (interprétation). – Oui, je vais vous le dire. Il

8 s'agissait d'insignes plus ou moins ; ils avaient des ceinturons blancs,

9 ils avaient des gaines de pistolets, des étuis...

10 M. Terrier. – Portaient-ils un insigne distinctif indiquant

11 l'unité à laquelle ils appartenaient ?

12 M. Sakic (interprétation). - Je n'ai pas remarqué cela. Ce que

13 j'ai remarqué, par contre, c'est qu'ils avaient des bandes qui partaient

14 de l'épaulette et ils avaient le visage couvert de peinture. Je n'ai pas

15 été en mesure de reconnaître un de ces soldats.

16 M. Terrier. – Quand vous parlez de bandes attachées à leurs

17 épaules, il s'agit de rubans ? De rubans de couleur ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui. C'étaient des rubans de

19 couleur. Je n'ai pas vu parfaitement, mais j'ai quand même vu qu'il

20 s'agissait, oui, de bandelettes, de rubans plus exactement.

21 M. Terrier. – Est-ce que vous avez le souvenir de la longueur de

22 ces rubans approximative ?

23 M. Sakic (interprétation). – De 20 ou 30 cm je dirai, à peu

24 près.

25 M. Terrier. - Est-ce que vous vous souvenez de la couleur de ces

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1 rubans ?

2 M. Sakic (interprétation). - Je ne pourrais pas vous le dire

3 avec précision, étant donné les conditions qui régnaient et puis moi aussi

4 j'étais en état de choc.

5 M. Terrier. - Est-ce que ces soldats vous ont dit quoi que ce

6 soit ou vous ont demandé quoi que ce soit ?

7 M. Sakic (interprétation). - Non, non. Non, non, ils n'ont rien

8 demandé.

9 M. Terrier. - Est-ce que vous avez pensé, compte tenu du chemin

10 qu'ils prenaient, qu'ils connaissaient parfaitement bien les lieux ?

11 M. Sakic (interprétation). - Sans doute. C'était sans doute le

12 cas, mais je n'ai pas pensé à cela à ce moment là, je ne pensais à rien,

13 je me contentais de me demander où il allaient armés de ces armes et ainsi

14 grimés.

15 M. Terrier. - Si ce n'est sur le moment, est-ce que, plus tard,

16 vous n'avez pas pensé que ces soldats qui ont emprunté ce chemin, soit

17 connaissaient parfaitement bien les lieux et avaient été instruits très

18 précisément de l'état des lieux, soit étaient conduits par une ou

19 plusieurs personnes connaissant parfaitement bien les lieux ? Est-ce que

20 vous n'avez pas pensé cela à un moment, soit sur le moment, soit plus

21 tard ?

22 M. Sakic (interprétation). - Je suis en train d'y réfléchir.

23 S'ils n'avaient pas bien connu le terrain, quelle route suivre, ils

24 auraient demandé des instructions, mais j'aurais reconnu quelqu'un qui les

25 dirigeait.

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1 M. Terrier. - Parce que, pour être tout à fait précis, à

2 l'endroit où vous les avez vus, la route se termine ?

3 M. Sakic (interprétation). - Oui.

4 M. Terrier. - Donc il n'est pas évident pour quelqu'un qui ne

5 connaît pas ce terrain de trouver son chemin ?

6 M. Sakic (interprétation). - Tout à fait.

7 M. Terrier. - Évoquons la dépression qui se trouve derrière

8 votre maison et à laquelle on accède par votre garage.

9 Est-ce que vous pouvez nous préciser le temps qui est nécessaire

10 pour aller à pied de votre maison jusqu'au groupe des maisons Kupreskic ?

11 Est-ce que vous avez une idée de cela ?

12 M. Sakic (interprétation). - Ça dépend de la rapidité avec

13 laquelle vous marchez,

14 mais on peut y arriver en l'espace de cinq ou six minutes, même moins.

15 M. Terrier. - Il s'agit donc d'une très courte distance.

16 M. Sakic (interprétation). - Oui.

17 M. Terrier. - Est-ce que ce matin-là, il pleuvait ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je sais qu'il y avait de la neige,

19 mais est-ce qu'il pleuvait ou pas ? Je sais qu'il y avait de l'année. Je

20 ne sais pas s'il y a eu des précipitations atmosphériques, je ne m'en

21 souviens pas.

22 M. Terrier. - Nous parlons bien du 16 avril 93, Monsieur Sakic,

23 et vous dites que ce matin-là, il neigeait ?

24 M. Sakic (interprétation). - Oui. Non, il y avait encore de la

25 neige sur le sol. Je n'ai pas dit qu'il neigeait. J'ai dit simplement

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1 qu'il y avait de la neige au sol.

2 M. Terrier. - De la neige au sol ? Quelle épaisseur de neige à

3 peu près ? Quelle épaisseur de neige ?

4 M. Sakic (interprétation). - Un petit peu de neige.

5 M. Terrier. - Quelle épaisseur de neige à peu près ?

6 M. Sakic (interprétation). - A peu près comme ça, je vous le

7 montre.

8 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez me remontrer l'épaisseur de

9 neige. Je n'ai pas bien vu, excusez-moi.

10 (Le témoin s'exécute.)

11 Comme ceci, à peu près une dizaine de centimètres, je dirais.

12 Peut-être à certains endroits 5 centimètres, à d'autres 10 et à d'autres

13 rien du tout.

14 M. Terrier. - Vous en êtes certains ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui. J'en suis certain.

16 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez, Monsieur Sakic, nous

17 expliquer pour quelles raisons différentes personnes, parmi lesquelles

18 votre fils Mirko, parmi lesquels Zoran et Mirjan Kupreskic, ont jugé utile

19 ou nécessaire de se réfugier dans la dépression qui est derrière chez

20 vous ? En quoi cette dépression, avec surtout les pieds dans la neige

21 était-elle un abri compte tenu des circonstances ?

22 M. Sakic (interprétation). - Eh bien cette dépression est à

23 environ 30 ou 40 mètres de distance par rapport à ma maison, le garage et

24 le relief, la configuration du terrain est tel que des petites armes

25 manuelles, individuelles, ne peuvent rien toucher à cet endroit. On ne

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1 peut pas avoir de cible. Les gens se sentaient donc en sécurité, mais, de

2 là, ils voyaient notre maison, ils voyaient d'autres maisons derrière la

3 mienne et ils étaient aussi à proximité des maisons des Kupreskic.

4 M. Terrier. - Est-ce que vous seriez d'accord avec moi pour dire

5 qu'on ne pouvait se sentir en sécurité dans cette dépression qu'à

6 condition d'être certain qu'aucun ennemi, aucun soldat ne viendrait au

7 bord de la dépression -et encore moins au bord- et que les combats s'il y

8 avait des combats se dérouleraient plus loin, à une certaine distance ?

9 M. Sakic (interprétation). - Oui. Il n'y avait pas vraiment

10 d'endroit absolument sûr, mais c'était là un des endroits les plus sûrs

11 pour des gens qui se trouvaient à l'extérieur de leur maison.

12 M. Terrier. - Et deuxième condition pour se sentir en sécurité

13 dans cette dépression : ne fallait-il pas être certain qu'aucun obus de

14 mortier ou de canon ne pouvait venir ?

15 M. Sakic (interprétation). - Bien sûr qu'un obus pouvait tomber

16 à cet endroit, mais de toute façon, on n'était pas à l’abri des obus, même

17 dans un cellier, dans une cave. On n'était à l'abri des obus nulle part.

18 M. Terrier. – Vous ne pensez pas que, dans une cave dont le

19 plafond est cimenté, on se trouve tout de même à l’abri dans une certaine

20 mesure. En tout cas des obus de mortier ?

21 M. Sakic (interprétation). – Eh bien, on se sentirait peut-être

22 un peu plus en

23 sécurité, mais si je m'étais senti à l'aise en sécurité chez moi dans ma

24 cave, j'y serais resté.

25 M. Terrier. – Donc vous nous dites, Monsieur Sakic, que les

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1 personnes qui se trouvaient dans la dépression se sentaient davantage en

2 sécurité dans la dépression, à ciel ouvert, que dans une cave ?

3 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas quel était leur

4 sentiment, comment ils se sentaient, quel était le degré de sécurité

5 qu'ils ressentaient. Mais si l'on parle de sécurité, il me semble que ceux

6 qui se trouvaient dans une cave n'étaient pas plus en sécurité que ceux

7 qui se trouvaient dans la dépression.

8 M. Terrier. – Au début de votre témoignage, hier, vous avez

9 évoqué votre fils Slavko. Votre fils Slavko habitait non loin de chez

10 vous. C'est bien exact ?

11 M. Sakic (interprétation). - Il a sa maison près de ma maison,

12 de celle de Mirko. Mon fils Mirko et moi avons une maison qui est divisée

13 en deux, si vous voulez, et mon autre fils a sa maison à côté de la nôtre.

14 M. Terrier. – Quelles étaient, à l'époque, les activités de

15 votre fils Slavko ?

16 M. Sakic (interprétation). - Vous voulez dire pendant la guerre

17 ou pendant les temps de paix ? Je n'ai pas bien compris votre question,

18 Monsieur.

19 M. Terrier. – Quelles étaient, en avril 1993, les activités de

20 votre fils Slavko ?

21 M. Sakic (interprétation). - Eh bien, mon fils Slavko se

22 trouvait à PZO, c'est-à-dire qu'il était dans la défense antiaérienne

23 qu'il a rejointe au début de l'agression serbe contre la Slovénie et puis

24 contre la Croatie et enfin contre la Bosnie. Il se trouvait dans la

25 défense antiaérienne, PZO.

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1 M. Terrier. – Où se trouve ce site que vous avez nommé : PZO ?

2 Est-ce que c'est un site ou une unité ? Pouvez-vous le préciser ?

3 M. Sakic (interprétation). - Eh bien c'est une unité. Vous avez

4 ce sigle PZO qui signifie dans notre langue "défense antiaérienne".

5 M. Terrier. – Je vous remercie de cette précision. Et ce

6 16 avril au matin, où se trouvait-il physiquement, Slavko ?

7 M. Sakic (interprétation). - Il n'était pas à la maison, il

8 était à Vitez.

9 M. Terrier. – A quel endroit se trouvait-il à Vitez ?

10 M. Sakic (interprétation). - Où à Vitez ? Je ne sais pas.

11 M. Terrier. – Comment savez-vous qu'il se trouvait à Vitez ?

12 M. Sakic (interprétation). - Quand il partait, je lui demandais

13 où il s'en allait et il me répondait toujours : "Je vais à cette PZO, à

14 cette unité de défense antiaérienne", c'est ce qu'il me répondait quand je

15 lui posais la question.

16 M. Terrier. – Où est-il parti ?

17 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas s'il est parti la

18 veille ou l'avant-veille par rapport à ce matin ; je ne me souviens plus

19 exactement de l'heure ou du jour auquel il est parti. Il n'est pas parti

20 ce matin-là, c'était auparavant.

21 M. Terrier. – Et comment est-ce que vous pouvez être sûr qu'il

22 n'était pas là ce matin-là ?

23 M. Sakic (interprétation). – Où ? Dans la maison ?

24 M. Terrier. – Oui.

25 M. Sakic (interprétation). - J'ai réveillé ma belle-fille, les

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1 deux enfants, je savais donc que mon fils n'était pas chez lui.

2 M. Terrier. – Donc vous avez pensé qu'il était à Vitez, parce

3 qu'il n'était pas chez lui ?

4 M. Sakic (interprétation). – Effectivement.

5 M. Terrier. – Votre fils était donc membre du HVO ?

6 M. Sakic (interprétation). - Je n'ai pas dit qu'il était membre

7 du HVO, j'ai dit qu'il était membre de cette unité de défense antiaérienne

8 avant la guerre et il y est resté jusqu'à la fin de la guerre.

9 M. Terrier. – Mais de quel commandement relevait cette unité de

10 défense antiaérienne, à votre point de vue ?

11 M. Sakic (interprétation). – Ça, je ne sais pas.

12 M. Terrier. – Quel genre d'uniforme portait-il ?

13 M. Sakic (interprétation). - Il avait un uniforme ordinaire,

14 enfin l'uniforme de treillis, le camouflage de l'armée.

15 M. Terrier. – Vous nous avez dit, tout à l'heure, que vous aviez

16 vu passer devant votre maison, vers 5 heures, 5 heures 30 -et j'espère ne

17 commettre aucune erreur sur ce point- Vlatko Kupreskic et sa famille alors

18 qu'ils se rendent vers un abri et vous nous avez dit que, à 10 heures 30,

19 aux alentours de 10 heures 30, vous avez revu Vlatko Kupreskic qui

20 revenait de l'abri de Vrebac.

21 M. Sakic (interprétation). - Oui.

22 M. Terrier. – Est-ce que, selon votre souvenir, il est très

23 clair que Vlatko Kupreskic, entre l'abri de Vrebac et votre maison, a

24 suivi la route la plus directe ?

25 M. Sakic (interprétation). - Il n'y avait pas de chemin, de

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1 route plus proche que de passer devant ma maison pour aller de sa maison à

2 la maison de Jozo Vrebac et l'inverse. Il n'y avait pas de raccourci qu'il

3 aurait pu prendre à pied.

4 M. Terrier. – Donc, selon votre souvenir et à votre

5 connaissance, il a pris la route que tout le monde suit apparemment et qui

6 conduit de votre maison jusqu'à Zume ?

7 M. Sakic (interprétation). - Il n'y avait pas d'autre chemin. Il

8 est allé de chez moi en direction de Zume et il est allé de chez lui en

9 passant devant chez moi, en longeant ma maison.

10 M. Terrier. - Vous nous avez dit que Vlatko Kupreskic était

11 préoccupé par le sort de son père, mais qu'il était resté chez vous

12 pendant une heure, une heure trente et qu'il en était reparti vers

13 12 heures 30-13 heures. Je laisse de côté les horaires qui sont évidemment

14 approximatifs, mais vous confirmez donc que, venant de l'abri de Vrebac,

15 Vlatko Kupreskic s'arrête chez vous pendant un certain temps avant de

16 continuer son chemin vers le groupe des maisons Vlatko Kupreskic et sa

17 maison ?

18 M. Sakic (interprétation). - Oui.

19 M. Terrier. - Est-ce que vous avez passé tout ce temps dans

20 votre maison ?

21 M. Sakic (interprétation). - Il m'arrivait d'être à l'extérieur

22 mais de temps à autres, j'étais donc dehors. Il n'était pas vraiment

23 possible de rester assis à un seul et même endroit étant donné la peur.

24 M. Terrier. - Mais est-ce que vous étiez dans la cave par

25 exemple ? Est-ce que vous avez passé du temps dans votre cave

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1 Vlatko Kupreskic et vous-mêmes ?

2 M. Sakic (interprétation). - Non. Nous étions à l'intérieur de

3 la maison, dans la cuisine, lui et moi.

4 M. Terrier. - Donc vous êtes resté pratiquement tout le temps ou

5 tout le temps dans la cuisine ?

6 M. Sakic (interprétation). - Nous avons passé un certain temps à

7 bavarder devant le garage et puis nous sommes entrés dans la maison. Puis

8 nous avons passé un certain temps assis dans la cuisine. Voilà c'est comme

9 cela que nous avons passé ce temps.

10 M. Terrier. - Vous êtes conscient que, ne vous trouvant ni dans

11 la dépression, ni dans une cave, vous ne bénéficiiez d'aucun abri ?

12 M. Sakic (interprétation). - J'avais l'abri que constituait le

13 garage. Vous avez le garage qui est positionné comme cela et puis la

14 remise. Donc par rapport où se passaient ces événements, ces actions, rien

15 ne pouvait arriver à la maison, ça se voit très bien sur la

16 photographie.

17 M. Terrier. - Est-ce qu'il y avait d'autres personnes avec

18 vous ?

19 M. Sakic (interprétation). - Non. A ce moment-là, non, il n'y

20 avait que Vlatko.

21 M. Terrier. - Donc vous êtes resté une heure, une heure trente

22 dans la cuisine ou devant le garage, Vlatko Kupreskic et vous, et personne

23 d'autre ne vous a vus ensemble ?

24 M. Sakic (interprétation). - Non.

25 M. Terrier. - De quoi avez-vous parlé, si vous en avez le

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1 souvenir, Vlatko Kupreskic et vous-même ?

2 M. Sakic (interprétation). - Je peux vous dire qu'on était

3 tranquilles, on s'est surtout regardé. La peur régnait, on n'a pas parlé

4 de quoi que ce soit de particulier. Voilà ce qui s'est passé.

5 M. Terrier. - Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur Sakic,

6 avoir fait une déclaration en janvier 1998, déclaration qui a été remise à

7 l'accusation par la défense et, dans cette déclaration, vous dites : "Aux

8 alentours de 10 heures du matin, Vlatko est apparu devant votre maison,

9 parce que, selon ce que vous avez compris, il avait mission d'aider à

10 l'évacuation des blessés et il est resté environ 3 heures, puisqu'il n'y

11 avait aucun blessé et il est parti". Vous vous souvenez avoir fait cette

12 déclaration ?

13 M. Sakic (interprétation). - Lorsque Vlatko est revenu de l'abri

14 de Vrebac, voici ce que je pensais : puisqu'il n'était pas apte au service

15 militaire, il n’appartenait à aucune armée, il n’appartenait à aucune

16 organisation sociale ou politique. Du coup, je me suis dit, et c'est là

17 mon avis purement personnel, étant donné qu'il a le permis de conduire,

18 que si c'était nécessaire, il pouvait fournir une certaine aide médicale .

19 C'était mon avis personnel.

20 M. Terrier. - Donc selon votre avis personnel, selon cette

21 opinion que vous venez d'exprimer, s'agissant du 16 avril 1993, ou l'on

22 est inapte physiquement au service actif, au combat et à ce moment-là, on

23 aide, à condition d'avoir le permis de conduire, à l'évacuation des

24 blessés ; mais si l'on est apte physiquement, on est incorporé dans une

25 unité. C'est bien ce que vous avez dit ?

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1 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est exact.

2 M. Terrier. - Votre fils Mirko était-il apte physiquement au

3 service ?

4 M. Sakic (interprétation). - Oui.

5 M. Terrier. - Dans ces conditions, à quelle unité appartenait-

6 il ?

7 M. Sakic (interprétation). - Est-ce que vous pensez à mon

8 fils Mirko ?

9 M. Terrier. - Je pense à votre fils Mirko.

10 M. Sakic (interprétation). - Lui ne relevait d'aucune unité,

11 n'avait été incorporé dans aucune unité, pas plus que moi, d'ailleurs. Il

12 n'était membre d'aucune unité militaire à l'époque.

13 M. Terrier. - Monsieur le Président, souhaitez-vous que nous

14 interrompions quelques instants ?

15 M. le Président (interprétation). - 30 minutes, en effet.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 30, est reprise à 11 heures).

17 M. le Président. - Maître Terrier.

18 M. Terrier. – Merci, Monsieur le Président.

19 Monsieur Sakic, je reviens quelques instants à la déclaration

20 que vous avez faite en janvier 1998. Comme je le rappelais tout à l'heure,

21 vous avez dit que Vlatko était -selon ce que vous avez entendu- chez vous,

22 parce qu'il avait mission d'aider à l'évacuation des blessés. Je vous

23 demandais de nous dire qui vous avait dit cela. Il semble que personne ne

24 vous l'ai dit ; c'est une idée que vous avez eue. Vlatko ne vous a rien

25 dit de tel. C'est bien cela ? M. Vlatko Kupreskic ne vous a pas dit qu'il

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1 était chargé d'évacuer les blessés ou vous l'a-t-il

2 dit ?

3 M. Sakic (interprétation). – Moi, c'est moi-même qui pensais

4 qu'il était chargé de transporter les blessés, ce qui n'était pas le cas.

5 Au moment où il est arrivé jusqu'à ma maison, il a parlé de son père. Il a

6 été bouleversé également de tout ce qui arrivait et, par conséquent, j'ai

7 pu conclure qu'en effet, il n'avait pas du tout était chargé d'évacuation

8 des blessés. C'est moi qui l'avais pensé au début.

9 M. Terrier. – Mais Monsieur Sakic, c'est en janvier 1998 que

10 vous dites que vous pensez cela. Est-ce qu'il y a quelque chose d'autre

11 qui aurait pu vous le faire penser ? Est-ce qu'il avait du matériel avec

12 lui ? Est-ce qu'il avait une voiture pas très loin ? Est-ce qu'il y a

13 quelque chose d'autre qui aurait pu vous faire penser qu'il avait cette

14 mission d'évacuer les blessés ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je pensais qu'il n'était pas apte

16 pour le service militaire. Il n'était membre d'aucune unité militaire ou

17 formation militaire et je pensais, bien évidemment, qu'il pouvait conduire

18 en tant que chauffeur que ce soit les Croates ou les Musulmans. Mais

19 c'était véritablement mon point de vue personnel et je n'ai jamais entendu

20 parler de cela de qui que ce soit.

21 M. Terrier. – Donc, ce que vous pensez ce matin-là, c'est que

22 tous les Croates en âge de faire quelque chose d'utile ont une mission à

23 remplir ?

24 M. Sakic (interprétation). – Moi, je n'ai pas réfléchi là-

25 dessus. Je pensais tout simplement à Vlatko et c'est la raison pour

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1 laquelle j'en ai parlé.

2 M. Terrier. – Vous avez dit que Vlatko Kupreskic était habillé

3 en civil. Est-ce que vous vous souvenez, plus précisément, de la manière

4 dont il était habillé ? De la couleur de ses habits ? Si vous n'en avez

5 aucun souvenir, vous nous dites simplement que de vous n'en avez pas de

6 souvenirs.

7 M. Sakic (interprétation). - J'ai gardé le souvenir : c'est un

8 pantalon civil qu'il portait et il avait porté également une veste de

9 camouflage, mais civile plutôt . Non, non je ne me souviens pas de la

10 couleur de sa veste, c'était plutôt une veste civile.

11 M. Terrier. – Est-ce que vous pouvez, parce que la transcription

12 anglaise et la traduction française sont un peu discordantes, est-ce que

13 vous pouvez nous répéter de quelle manière était habillé Vlatko Kupreskic

14 ce matin-là, selon votre souvenir ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je viens de dire qu'il portait une

16 veste. Je ne sais pas de quelle couleur, mais il s'agissait d'une veste

17 civile. Pour ce qui concerne le pantalon, c'était un pantalon qui était

18 peut-être côtelé, en velours côtelé, éventuellement, mais je ne suis pas

19 sûr.

20 M. Terrier. – Je vous remercie. Tout à l'heure, vous nous avez

21 dit que Vlatko Kupreskic était resté chez vous entre une 1 heure et

22 1 heure 30. Lorsque vous avez déposé par écrit, vous avez parlé de

23 3 heures. Qu'en est-il, aussi précisément que possible ?

24 M. Sakic (interprétation). - Celui qui a pris la déposition, ma

25 déposition avait peut-être mal marqué ou bien, éventuellement, c'est moi

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1 qui ai fait une erreur ou je me suis mal exprimé. Mais ce qui est vrai,

2 c'est ce que je viens de dire.

3 M. Terrier. – Lorsque Vlatko Kupreskic est parti, quelle

4 direction a-t-il pris, selon votre souvenir ?

5 M. Sakic (interprétation). - Il est parti en direction de sa

6 maison, car il a dit qu'il allait partir à sa maison. Il est passé

7 derrière mon garage et il s'est acheminé vers sa maison. Moi, je suis

8 retourné à l'intérieur de ma maison et c'est là où je ne pouvais plus le

9 suivre, bien évidemment ; je ne le voyais plus.

10 M. Terrier. – Donc, il est passé derrière votre garage et il est

11 descendu dans la dépression ?

12 M. Sakic (interprétation). - Oui.

13 M. Terrier. – Est-ce qu'à ce moment-là, à votre connaissance,

14 votre fils Mirko,

15 Zoran et Mirjan Kupreskic notamment, se trouvaient dans la dépression ?

16 M. Sakic (interprétation). - Pour ce qui concerne le vallon, il

17 y a les deux chemins : il y a un chemin qui est à gauche, qui mène vers la

18 maison de Vlatko et puis un autre chemin d'où je ne sais pas, on pouvait

19 voir ou pas voir, ça je ne sais pas.

20 M. Terrier. – Est-ce que vous vous souvenez à quelle heure et à

21 combien de reprises vous vous êtes rendu vous-même dans la dépression ce

22 matin-là ou cette journée, plutôt ?

23 M. Sakic (interprétation). - Je ne peux pas me souvenir

24 exactement quelle heure il était. Ce que je sais, c'est que je suis allé à

25 plusieurs reprises, trois ou quatre fois pour parler précisément.

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1 M. Terrier. – Et lorsque vous vous êtes rendu dans la dépression

2 à trois ou quatre reprises cette journée, où se trouvaient les gens que

3 vous avez pu rencontrer dans la dépression ?

4 M. Sakic (interprétation). - Ils se trouvaient dans cette

5 dépression. Ce n'est pas une grande dépression. Ils étaient assis l'un à

6 côté de l'autre. Enfin, je ne sais pas comment vous expliquer.

7 M. Terrier. – Est-ce qu'ils se trouvaient loin de votre maison

8 ou dans la partie de la dépression qui est proche de votre maison ? Est-ce

9 que vous pouvez nous dire à quel endroit ils se trouvaient par rapport à

10 votre maison ?

11 M. Sakic (interprétation). - La vallée, ou plutôt le vallon, se

12 trouve au-dessus par rapport à ma maison, à 30, 40 mètres. Par moment, je

13 les ai vus un peu plus près par rapport à ma maison, de l'autre côté, mais

14 il y avait des moments où je les ai vus, ils se trouvaient un peu plus

15 loin.

16 M. Terrier. – Dans un document qui nous a été transmis par la

17 défense et qui donne le résumé de votre témoignage, il est indiqué que

18 différentes personnes, qui se trouvaient

19 dans la dépression, et en particulier votre fils Mirko Sakic, Zoran et

20 Mirjan Kupreskic, sont venus à la maison à plusieurs reprises au cours de

21 cette journée. Vous en avez le souvenir ?

22 M. Sakic (interprétation). - Oui. J'en ai le souvenir.

23 M. Terrier. - Vous avez dit aussi qu'ils ont fait des appels

24 téléphoniques.

25 M. Sakic (interprétation). - C’est exact.

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1 M. Terrier. - Est-ce que vous savez qui ils appelaient ?

2 M. Sakic (interprétation). - Étant donné que mon fils

3 travaillait avec la Forpronu, il connaissait la femme qui parlait la

4 langue de cette unité. Il avait essayé de la joindre et ceci pour emmener

5 Ramo Bilic, Zijad et Strmonja.

6 M. Terrier. - Vous voulez dire pour l'évacuation des Musulmans ?

7 M. Sakic (interprétation). - Non. Je n'ai pas parlé

8 d'évacuation, mais j'ai parlé des trois familles. Il fallait les emmener

9 quelque part à un endroit qui était un peu plus sûr par rapport à

10 l'endroit où ils se trouvaient.

11 M. Terrier. - Mais pourquoi les Musulmans et pas les Croates ?

12 M. Sakic (interprétation). - Ils étaient peu nombreux et nous

13 avons entendu les tirs qui venaient en provenance d'Ahmici et nous avons

14 eu peur que les gens puissent avoir des problèmes.

15 M. Terrier. - Monsieur Sakic, est-ce que cela ne signifie pas

16 que, dans votre esprit, ceux qui se trouvent menacés près de vous, ce sont

17 bien les Musulmans et pas les Croates ?

18 M. Sakic (interprétation). - D'après tout ce qui s'est passé,

19 c'étaient plutôt les Musulmans qui risquaient et beaucoup moins des

20 Croates.

21 M. Terrier. - Et ça vous le saviez, ce jour-là, ce 16 avril au

22 matin ?

23 M. Sakic (interprétation). - Non. Je ne savais strictement rien

24 de ce qui allait se passer et je ne savais absolument pas qui pouvait être

25 la victime, parce que si je le savais, à ce moment-là, j'avais de très

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1 très bon amis et je les aurais appelés. J'aurais risqué même ma vie s'il

2 le fallait pour les appeler.

3 M. Terrier. - Est-ce que de votre maison, Monsieur Sakic, vous

4 pouvez voir en direction de la route principale, de la grand route qui va

5 de Busovaca à Vitez ?

6 M. Sakic (interprétation). - En ce qui concerne la route

7 Busovaca-Vitez, je ne la vois pas directement de ma maison, parce qu'il y

8 a des arbustes, mais je sais par où cette route passe et puis on entend

9 également les voitures, notamment quand ce sont les camions lourds.

10 M. Terrier. - Est-ce que, de votre maison, vous pouvez...

11 M. Sakic (interprétation). - Poids lourds, pardon.

12 M. Terrier. - Est-ce que de votre maison vous pouvez voir les

13 maisons qui se trouvent entre vous et la route ou certaines de ces

14 maisons ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui.

16 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez voir par exemple la maison

17 de la famille Karic ?

18 M. Sakic (interprétation). - Non.

19 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez voir la maison de Nadira et

20 de Besim Ahmic ?

21 M. Sakic (interprétation). - Non. Il y a les deux maisons

22 musulmanes, et de Refik Ahmic et de Sulejman Ahmic. Ce sont les deux

23 maisons qui sont les plus proches de la mienne.

24 M. Terrier. - Est-ce que vous avez vu ce matin-là ou cette

25 journée, aux alentours de ces maisons musulmanes qui se trouvent entre la

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1 vôtre et la grand route, est-ce que vous avez vu des soldats ?

2 M. Sakic (interprétation). - Ces maisons sont éloignées par

3 rapport à ma maison, 150 mètres à peu près et j'ai vu quand ils sont

4 rentrés dans une maison et cette maison a été

5 incendiée, étant donné que les Ahmici de Refik n'y habitaient pas. Ils

6 sont partis depuis 20 ans dans l'autre maison, car ils avaient une maison

7 de week-end. Je n'ai pas vu quand ils sont rentrés dans cette deuxième

8 maison, mais je sais ce qui s'est passé par la suite.

9 M. Terrier. - Vous avez vu, donc, des soldats entrer dans une

10 maison qui a brûlé.

11 M. Sakic (interprétation). - Oui.

12 M. Terrier. - Est-ce que je peux vous demander, mais prenez tout

13 votre temps si c'est difficile, est-ce que je peux vous demander de nous

14 indiquer à peu près sur la photographie où se trouve cette maison que vous

15 avez vue brûler et vous avez vu des soldats entrer ? Est-ce que vous

16 pourriez la retrouver sur la carte, sur la photographie ?

17 M. Sakic (interprétation). - Oui, je peux.

18 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, s'il est

19 possible véritablement de mettre à l'endroit cette carte, parce que, comme

20 ça, le témoin pourrait véritablement s’y retrouver un peu mieux. Comme ça

21 vous auriez véritablement Ahmici à l'endroit pour comprendre.

22 M. Sakic (interprétation). - Non, non, ce n'est pas nécessaire.

23 Ici, je la vois d'ici même, de mon siège. C'est comme vous voulez de toute

24 façon.

25 Mme Glumac (interprétation). - D'accord. Le témoin vient de dire

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1 qu'il peut s’y retrouver. Il va montrer la maison.

2 (Le témoin s'exécute.)

3 M. Sakic (interprétation). - C'est ma maison ici et, ici, c'est

4 la maison de Refik Ahmic et ensuite la maison de Sulejman Ahmic. Voilà. Et

5 ensuite, c'est également les terres qui appartenaient à leur père. Ils ont

6 vendu une partie de ces terres à mon père et c'est la raison pour

7 laquelle, comme c'est un espace dégagé, je pouvais voir ce qui s'était

8 passé. C'est à 150 mètres par rapport à ma maison. Je ne sais pas si j'ai

9 été clair.

10 M. Terrier. - C’est clair, Monsieur Sakic. Est-ce que vous

11 pouvez préciser l'heure

12 à laquelle vous avez vu des soldats entrer dans cette maison ?

13 M. Sakic (interprétation). - C'était le 16 avril, je ne peux pas

14 vous dire exactement l'heure.

15 M. Terrier. – Est-ce que c'était le matin ou l'après-midi ?

16 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas vraiment. Je ne peux

17 pas vous dire exactement. Je ne peux pas m'aventurer, je ne sais pas.

18 M. Terrier. – Dans cette zone que vous avez montrée, vous avez

19 vu des habitants fuir ou se déplacer ? Des habitants.

20 M. Sakic (interprétation). - J'ai vu la population musulmane de

21 Donja Zuma qui ont emprunté la route d'Ahmici. Ils se sont dirigés vers

22 Ahmici. C'est Donja Zume et ils ont emprunté le chemin, une route toute

23 petite et ensuite, ils se sont dirigés vers Ahmici.

24 M. Terrier. – Ils étaient combien à peu près ?

25 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas. Il y en avait deux,

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1 trois par groupe ; ce n'est pas véritablement une grande colonne et je ne

2 pouvais pas dire.

3 M. Terrier. – Je vous en prie, asseyez-vous.

4 M. Sakic (interprétation). - Merci.

5 M. Terrier. – Est-ce que vous savez, Monsieur Sakic, que dans ce

6 quartier...

7 M. le Président. – Attendez s'il vous plaît, il n'a pas de…

8 M. Terrier. – Pardon. Monsieur Sakic, est-ce que vous savez que,

9 dans le quartier que vous avez montré, six Musulmans ont été tués ?

10 Ibrahim Karic…

11 M. Sakic (interprétation)(Non traduit)

12 M. Terrier. – Esim Ahmic, Sahabubin Osmancevic et Esad et

13 Hajrija Ahmic. Est-ce que vous saviez que toutes ces personnes avaient été

14 tuées ce jour-là ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je ne le savais pas et je n'ai même

16 pas appris que de telles personnes ont été tuées, même pas jusqu'à

17 maintenant, Monsieur.

18 M. Terrier. – Vous nous avez dit que, le deuxième jour vers

19 20 heures, 21 heures -et corrigez-moi si je commets une erreur de mémoire-

20 vous aviez quitté l'abri où vous aviez trouvé refuge pour vous rendre du

21 côté de Rovna en passant par le pont de Radak.

22 Sur le chemin que vous avez suivi, est-ce que vous avez regardé

23 autour de vous ? Et qu'est-ce que vous avez vu ?

24 M. Sakic (interprétation). - Je vais vous dire : au moment où

25 nous sommes partis, c'était entre 20 heures, et 21 heures, nous sommes

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1 partis de l'abri de Niko Vidovic et, au moment où nous étions sur la route

2 principale, il y avait également le groupe qui était dans la maison de

3 Jozo Vrebac qui nous ont rattrapés ; nous avons formé une colonne de gens

4 qui se déplaçaient sur cette route. Nous sommes arrivés jusqu'au pont de

5 Radak ; c'est là où j'ai vu également les personnes qui étaient armées

6 d'un côté et de l'autre. Il faisait sombre. Moi, je portais mon petit-

7 fils, qui avait deux ans, dans les bras et j'avoue que je n'ai reconnu

8 personne.

9 Ensuite, nous nous sommes rendus jusqu'à cette maison où nous

10 avons passé la nuit.

11 M. Terrier. – Tout à l'heure, Monsieur Sakic, vous avez tenu des

12 propos extrêmement défavorables sur la personne de Sakib Ahmic. Vous avez

13 dit : "Il venait chez moi et nous buvions tous les deux et nous étions

14 tous les deux ivres". C'est bien exact ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui. Nous n'étions pas vraiment

16 ivres. On a bu un verre avec moi. Je dois dire qu'il était toujours en

17 très bons termes, mais, en ce qui concerne d'autres voisins, en ce qui

18 concerne même les membres de sa famille, j'ai appris qu'il a été

19 véritablement pas toujours très correct, qu'au contraire les gens avaient

20 des problèmes avec lui. Mais, moi, je n'avais jamais eu des problèmes avec

21 lui.

22 M. Terrier. – Merci, Monsieur Sakic. Je n'ai pas d'autres

23 questions, Monsieur le Président.

24 M. le Président. – Merci.

25 M. Sakic (interprétation). – Merci.

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1 M. le Président (interprétation). – Maître Glumac ?

2 Mme Glumac (interprétation). - Merci Monsieur le Président.

3 Monsieur Sakic, pourriez-vous nous dire maintenant si, dans le village,

4 vous aviez eu des problèmes avec des Musulmans ?

5 M. Sakic (interprétation). - Non. Avec aucun Musulman. Je

6 n'avais aucune dispute, aucun problème, je n'ai jamais été en conflit avec

7 des Musulmans. Non, jamais.

8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous étiez en conflit

9 avec des Croates dans le village ?

10 M. Sakic (interprétation). - Est-ce que je dois le dire ? Même

11 aujourd'hui, le voisin le plus proche croate, je me suis disputé et puis

12 je ne parle pas avec lui.

13 Mme Glumac (interprétation). - C'est un seul avec lequel vous

14 avez des problèmes ?

15 M. Sakic (interprétation). - Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous vous considérez

17 comme une personne tolérante ? Est-ce que vous êtes violent ? Est-ce que

18 vous vous disputez avec les gens ?

19 M. Sakic (interprétation). – Moi, je pense que je suis beaucoup

20 plus tolérant que… Non, je ne pense pas que je sois une personne négative.

21 Mme Glumac (interprétation). - A partir du moment où les

22 Musulmans ont commencé à retourner, ils sont déjà dans le village ; est-ce

23 qu'ils ont eu des problèmes ?

24 M. Sakic (interprétation). - Vous pensez à maintenant ?

25 Mme Glumac (interprétation). - Oui. Actuellement. Est-ce que

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1 vous les rencontrez ?

2 M. Sakic (interprétation). - Oui. Je les rencontre et puis il y

3 a un certain nombre d'amis comme Sulejman Ahmic qui avait la maison juste

4 en contrebas par rapport à la mienne ; nous nous rencontrons, nous nous

5 saluons, nous discutons normalement comme on a toujours fait.

6 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que quelqu'un, de vos

7 voisins musulmans, vous reproche ce qui s'était pas passé à Ahmici ? Est-

8 ce qu'on vous dit, par exemple, qu'ils considèrent que vous-même vous en

9 êtes coupable ?

10 M. Sakic (interprétation). – Non, personne ne m'a dit, à moi,

11 personnellement, que j'en étais coupable, mais ils essaient de ne pas en

12 parler. Ils disent qu'ils ne veulent plus que des choses pareilles se

13 répètent, etc. Mais je n'ai jamais entendu qu'ils accusent qui que ce

14 soit, qu'ils prononcent le nom de quelqu'un. Non. Ça, je n'ai jamais

15 entendu dire ça.

16 Mme Glumac (interprétation). - Les deux voisins dont vous avez

17 parlés, dont les maisons étaient les plus proches à côté de la vôtre…

18 M. Sakic (interprétation). – Refik et Sulejman ?

19 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, le 16 avril, il y

20 avait quelqu'un qui était dans le village de ces deux familles ?

21 M. Sakic (interprétation). - Non. Refik est à Visoko, il avait

22 une maison comme une maison de week-end, et Sulejman a un appartement à

23 Vitez, il avait préparé cet appartement pour les vieux jours ; ils

24 n'étaient ni l'un, ni l'autre avec moi au moment du conflit.

25 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit également que si

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1 jamais vous saviez qu'un conflit allait se déclencher, que vous auriez

2 informé tout en risquant votre vie un certain nombre de personnes.

3 M. Sakic (interprétation). - Oui. Esad Ahmic tout premièrement,

4 Hajrudin Pjanic ; j'aurais appelé Sulejman à Vitez, j'aurais appelé None

5 et les autres. Je ne peux pas énumérer tous les noms.

6 Mme Glumac (interprétation). - Vous voulez dire que vous auriez

7 appelé vos amis musulmans si vous saviez qu'un tel conflit allait se

8 déclencher ?

9 M. Sakic (interprétation). - Je n'avais pas le téléphone, mais,

10 de toute façon, si je le savais, je me serais rendu en personne chez eux

11 pour les informer.

12 Mme Glumac (interprétation). - Vous ne les avez pas appelés,

13 parce que vous n'aviez pas le téléphone ou parce que vous ne le saviez

14 pas ?

15 M. Sakic (interprétation). – Non, j'ai dit que je ne le savais

16 pas, mais, moi, je me déplacerais en personne pour les informer si j'avais

17 su qu'il y avait quoi que ce soit qui se préparait.

18 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous savez d'où vient

19 Mirjan Santic ?

20 M. Sakic (interprétation). - Mirjan Santic est de Santic. C'est

21 un village limitrophe de Zume.

22 Mme Glumac (interprétation). - C'est donc un village limitrophe

23 de Pirici ?

24 M. Sakic (interprétation). – Oui.

25 Mme Glumac (interprétation). - Et à quelle distance se trouve la

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1 maison de Mirjan Santic par rapport aux maisons des Kupreskic ? Est-ce que

2 vous avez une idée ?

3 M. Sakic (interprétation). - A un kilomètre et demi. Par la

4 route, 1500 mètres.

5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous pouvez maintenant

6 voir sur la carte et nous préciser si vous voyez la maison de

7 Mirjan Santic, si vous pouvez-vous y retrouver ? Si ce n'est pas le cas,

8 dans ce cas-là bien évidemment, on ne va pas vous l'imposer parce que, là,

9 c'est une photographie aérienne.

10 M. Sakic (interprétation). - Je ne peux pas, je vous le dis tout

11 de suite.

12 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez parlé d'Ivica Vidovic

13 que l’on appelle aussi Viaca, quand l'accusation vous a parlé de la

14 défense civile.

15 M. Sakic (interprétation). - Oui.

16 Mme Glumac (interprétation). - Qu’est-ce qu'il faisait dans la

17 défense civile ?

18 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas quel était son

19 poste, mais il m'a dit : "Occupe-toi de ces dix à quinze maisons,

20 Yvan Vidovic s'occupera d'un autre groupe de dix à quinze maisons, etc."

21 et je n'avais pas d'autres responsabilités.

22 Mme Glumac (interprétation). - Vous souvenez-vous si la défense

23 antiaérienne, dont votre fils Slavko Sakic faisait partie, vous nous

24 l'avez dit, vous souvenez-vous quand cela a été organisé ?

25 M. Sakic (interprétation). - Vous vous souviendrez que j'ai dit

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1 cela : ça a été organisé lorsque les Serbes ont attaqué la Slovénie et la

2 Croatie. C'est à ce moment-là que cela a été organisé et c'est à ce

3 moment-là que ça a été créé. Je ne sais plus quelle année. Je ne me

4 souviens plus maintenant.

5 Mme Glumac (interprétation). - Donc ça a été organisé avant

6 l’agression serbe contre la Bosnie-Herzégovine ?

7 M. Sakic (interprétation). - Oui.

8 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous si cette défense

9 antiaérienne était liée de quelque manière avec l'usine SPS de Vitez ?

10 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas. Je n'ai jamais

11 travaillé à Vitez. Je travaillais à l'usine de sidérurgie de Zenica, donc

12 je ne sais pas ce qu'ils faisaient là-bas.

13 Mme Glumac (interprétation). - Pouvez-vous nous dire ce que vous

14 faisiez à l'usine ?

15 M. Sakic (interprétation). - Je travaillais au four, à la

16 fonderie. J'ai travaillé là pendant 40 ans et j’ai pris ma retraite

17 en 1990.

18 Mme Glumac (interprétation). - Avez-vous déjà vu votre fils

19 Mirko Sakic en sentinelle ?

20 M. Sakic (interprétation). - Non, je ne l'ai pas vu, mais je

21 sais qu'il y a participé

22 une ou deux fois, je ne sais plus très bien. Mais je sais qu'il y a

23 participé.

24 Mme Glumac (interprétation). - Donc il n'y participait pas tout

25 le temps ?

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1 M. Sakic (interprétation). - Non, personne n'était obligé de

2 participer tout le temps. On pouvait trouver un ami ou un voisin pour

3 patrouiller autour du village quelquefois et puis ensuite ils rentraient

4 chez eux.

5 Mme Glumac (interprétation). - Savez-vous quand votre fils a

6 commencé à travailler pour une organisation humanitaire ?

7 M. Sakic (interprétation). - Non, je ne sais pas précisément

8 quand. Tout ce que je sais, c'est que c'était avant la guerre.

9 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Très bien. Dites-nous,

10 est-ce que Mirko s'absentait souvent ?

11 M. Sakic (interprétation). - Eh bien, je ne sais pas, c'est un

12 adulte. Je ne le menais pas, je ne sais pas où il va, je ne sais pas ce

13 qu'il fait.

14 Mme Glumac (interprétation). - Oui, mais vous pouviez voir quand

15 il allait en voyage d'affaires. S'il partait quelques jours, cela vous

16 vous en aperceviez.

17 M. Sakic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne m'en souviens

18 pas. Je ne me souviens pas d'avoir vu ça, si j'ai vu ça.

19 Mme Glumac (interprétation). - Dites-nous, cette dépression que

20 l'on a évoquée, pouviez-vous voir quand quelqu'un marche sur le chemin,

21 qui vient de la maison de Kupreskic, peut-on voir de la dépression si

22 quelqu'un emprunte ce chemin, le chemin qui va de l’entrepôt...

23 M. Sakic (interprétation). - Le chemin qui va de l'entrepôt à ma

24 maison ?

25 Mme Glumac (interprétation). - Non, le chemin de la maison

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1 des Kupreskic ?

2 M. Sakic (interprétation). - Oui. On peut voir en partie si

3 quelqu'un arrive.

4 Mme Glumac (interprétation). - Merci. Très bien. Merci,

5 Monsieur Sakic, je n'ai pas d’autres questions.

6 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Krajina ?

7 M. Krajina (interprétation). - Merci. J'ai quelques questions

8 brèves à poser pour préciser certaines choses, Monsieur Sakic. A une

9 question de l'accusation, vous avez répondu que, le 16 avril 1993, il

10 avait neigé, qu'il y avait cinq ou six centimètres de neige. Pouvez-vous

11 le préciser ? Y avait-il de la neige sur la route ?

12 M. Sakic (interprétation). - Il n'y avait pas de neige sur la

13 route, mais il y avait de la neige dans la dépression, parce que c'était

14 plus ombragé. Il y avait peu de neige là, mais la neige ne couvrait pas

15 tout le terrain, ni toute la route.

16 M. Krajina (interprétation). - Merci. Encore une petite

17 question. C'est une région où il y a pas mal de relief, cette région de

18 Pirici, et ce n'est pas une plaine, donc il pourrait y avoir des segments

19 enneigés ?

20 M. Sakic (interprétation). - Oui, c'est ce que je veux dire. Il

21 y avait des morceaux de neige, il y avait des segments de neige qui

22 subsistaient, disons, jusqu'au début de mai, dans un tel relief.

23 M. Krajina (interprétation). - Merci, je n'ai pas d'autres

24 questions.

25 M. le Président (interprétation). - Nous n'avons pas d'autres

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1 questions, vous pouvez maintenant repartir.

2 M. Sakic (interprétation). - Je vous remercie Monsieur le Juge.

3 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

4 M. le Président (interprétation). - Nous attendons l'autre

5 témoin. Deux questions d'intendance. Tout d'abord, une motion qui a été

6 soumise le 16 mars par les avocats Me Radovic et Mme Glumac, concernant

7 Mme Samija qui se substitue à Mme Samija, Mme Radijka Samija, la motion

8 est accordée.

9 Deuxièmement, vous ne voyez pas d'inconvénient que l'on tienne

10 les séances le mardi après-midi au lieu du mercredi ? D'accord ? Donc nous

11 allons faire ça l'après-midi, donc

12 le lundi matin et l'après-midi, le mardi matin, le mercredi matin et le

13 jeudi matin.

14 Mme Glumac (interprétation). - Nous allons réduire notre liste

15 de témoins. Probablement demain, je pourrais vous donner une liste pour la

16 seconde semaine, il y aura moins de témoins. Je pense que nous pourrons

17 terminer ensemble nos témoins la seconde semaine.

18 Donc, si nous appelons les cinq ou six témoins qui restent le

19 jeudi, est-ce que la défense de Vlatko Kupreskic devrait commencer le

20 jeudi ou est-ce que cela devrait se faire en avril ? Je crois que nous

21 allons laisser tomber plus de la moitié de nos témoins. Nous avions prévu

22 d'avoir l'ensemble de cette semaine ainsi qu'une semaine à la fin d'avril.

23 Nous avons modifié nos dispositions et nous sommes tombés d'accord avec

24 les témoins et l'unité de protection que nous n'aurions pas tant de

25 témoins. Nous aurons probablement terminé la défense lors de la seconde

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1 semaine.

2 Question technique : la défense de Vlatko Kupreskic doit-elle

3 commencer la deuxième semaine ou faut-il garder cela pour le début avril,

4 commencer par des témoins plus importants pour lesquels on aura besoin de

5 davantage de temps pour que ça ne soit pas interrompu ?

6 M. le Président (interprétation). – Quand vous parlez de la

7 seconde semaine, vous voulez dire la semaine prochaine ? Vous prévoyez de

8 terminer vos témoins mercredi ?

9 Mme Glumac (interprétation). - Si nous travaillons l'après-midi,

10 selon notre programme, ce serait le mercredi. Bien entendu, nous ne savons

11 pas comment réagira l'accusation et combien de temps le contre-

12 interrogatoire prendra, mais nous avons un examen des témoins et nous

13 pensons avoir terminé le mercredi.

14 En ce qui concerne la défense de Vlatko Kupreskic, nous

15 aimerions commencer par des témoins qui prendraient plus de temps. Donc,

16 est-ce qu'il faut garder cela pour la semaine prochaine ou le début

17 d'avril ?

18 M. le Président (interprétation). – Maître Par ?

19 M. Par (interprétation). - Je voudrais intervenir sur cette

20 question. Lors de cette réunion avec les témoins et l'unité de protection,

21 et comme ma collègue Me Glumac l'a dit, notre premier témoin serait le

22 Président de la Cour suprême de Bosnie-Herzégovine qui témoignerait

23 concernant le premier chef. Nous en avons discuté avec l'unité : il est

24 possible qu'il commence son témoignage le jeudi et qu'il ne termine pas ou

25 qu'il n'ait même pas le temps de commencer le jeudi, car nous ne savons

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1 pas quand nous aurons terminé avec les témoins pour la défense de Zoran et

2 Mirjan Kupreskic.

3 Donc, nous avons pris différentes dispositions avec l'unité pour

4 faire en sorte que le témoin soit amené rapidement à La Haye ; tout cela

5 est très compliqué, ça ne nous convient pas tellement. Le représentant de

6 l'unité a dit qu'il en discuterait avec les autorités du procès ; je ne

7 sais pas s'il est entré en contact avec vous, mais nous avons prévu cette

8 réunion aujourd'hui. Donc il est dans l'intérêt de la défense de

9 Vlatko Kupreskic de présenter l'ensemble des éléments de preuve. Nous

10 voudrions commencer en avril de manière à ne pas nous trouver avec un

11 témoin important que l'on commencerait à interroger, que l'on ne pourrait

12 pas terminer.

13 (Les Juges se consultent sur le Siège.)

14 M. le Président (interprétation). – Je crois que Me Par a

15 raison : il est préférable que la défense ait plusieurs jours de suite. Il

16 ne faudrait pas commencer un témoin et arrêter avant qu'il est terminé.

17 Bien. Donc si on terminait mercredi ou jeudi avec les témoins de

18 Me Glumac, nous aurons sans doute besoin de trois ou quatre jours.

19 Par contre, j'ai d'assez mauvaises nouvelles pour vous et pour

20 nous. Nous ne pourrons pas nous réunir sur Kupreskic en avril, car nous,

21 les Juges, avons d'autres affaires à traiter, le Juge Mumba en

22 particulier, nous traitons d'autres dossiers et donc nous allons remettre

23 ces audiences jusqu'au 3 mai. Nous recommencerions le 3 mai, donc nous

24 allons

25 perdre quatre jours ouvrables.

Page 7970

1 Vous vous souviendrez que nous avions décidé de nous réunir pour

2 quatre jours sur Kupreskic à la fin d'avril. Nous allons essayer de

3 rattraper cela soit en mai, soit en juin, pour trouver du temps pour avoir

4 terminé, disons, en juillet ou septembre. J'ai bon espoir que nous ayons

5 terminé en juillet, disons fin juillet, pour pouvoir rédiger le Jugement.

6 Nous allons voir les témoins de Vlatko Kupreskic le 3 mai. Vous

7 pouvez prendre les dispositions avec l'unité d'aide aux victimes et

8 témoins.

9 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez bien dit que vous

10 alliez, vous aviez réduit votre liste de témoins ? La semaine prochaine il

11 y aura quelques témoins de plus ? Plus qu'un, je crois ? Un de plus par

12 rapport à la liste précédente ? J'espère que nous pourrions rapidement en

13 terminer avec ces deux témoins qui subsistent. Il nous reste huit témoins.

14 Nous allons laisser les autres, mais la liste de témoins pour la semaine

15 prochaine sera beaucoup plus courte, parce qu'ils ne témoigneront que sur

16 certaines circonstances. Il s'agira de témoignages courts et nous pourrons

17 terminer pour mercredi.

18 M. le Président (interprétation). – Merci. Maître Susak ?

19 M. Susak (interprétation). – Monsieur le Président, je n'ai

20 qu'une question : je me suis aperçu que des témoins ont déjà été appelés

21 pour le 26 avril et je me demandais ce qu'il advenait de cette date.

22 M. le Président (interprétation). - Vous avez raison.

23 M. Susak (interprétation). - Des témoins de la Cour pour Vlatko,

24 les trois pour Josipovic ? Non ? Pour Josipovic : il y a trois témoins au

25 total. Je crois que ce sont trois témoins de la Cour que l'on a appelés

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1 pour le 26.

2 M. le Président (interprétation). - Bien sûr, il ne faudrait pas

3 les entendre le 3 mai et puis avoir les témoins pour Vlatko Kupreskic.

4 Donc nous allons sans doute remettre cela. Quand comptez-vous appeler les

5 autres témoins ?

6 M. Susak (interprétation). - Après les témoins pour

7 Vlatko kupreskic.

8 M. le Président (interprétation). - Donc, d'abord les témoins

9 pour Vlatko Kupreskic et ensuite on appellera les témoins de la Cour plus

10 les autres témoins que vous comptez appeler.

11 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, deux de

12 ces témoins nous appartiennent, deux témoins de la Cour ont été aussi

13 appelés à notre demande, mais le calendrier prévu pour leur témoignage

14 était le 26 avril, donc c'est le même jour. L'un des témoins est un témoin

15 conjoint, peut-être pourrait-on traiter l'ensemble de ces témoins, car ce

16 sont des témoins conjoints pour Kupreskic, Sasic et Josipovic ? Ce sont

17 des témoins communs.

18 (Les Juges se consultent sur le Siège).

19 M. le Président (interprétation). - On pourrait peut-être avoir

20 cette motion. D'abord deux témoins de la cour, ceux qui sont communs aux

21 deux frères Kupreskic, Mirjan et Zoran, et puis l'autre Josipovic, etc.

22 D'abord, on entend ces deux témoins, ensuite on passe au témoin pour

23 Vlatko Kupreskic et puis à la fin, avant d'entendre vos témoins, nous

24 appelons le troisième témoin, qui, si j'ai bien compris, ne porte que sur

25 M. Josipovic. Cela vous convient ?

Page 7972

1 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, le troisième

2 témoin, en effet, concerne le conseil Petar Pavkovic ; et les deux autres

3 donc Josipovic et Kupreskic, les deux autres témoins.

4 Je vais répéter une fois de plus. Jusqu'à maintenant, il y a les

5 deux témoins qui ont été cités pour le 26 avril. Le témoin Ajanovic et

6 puis il y a un autre également, "SA", parce que c'est un témoin protégé.

7 Il s'agit des deux témoins qui doivent être d'abord interrogés et le

8 troisième, ensuite, qui concerne Me Pavkovic. C'est donc notre collègue

9 Pavkovic qui va citer l'épouse de Alilovic.

10 Par conséquent, nous avons les trois témoins, et ce sont les

11 témoins du Tribunal. Ce n'est pas le conseil qui m'en avait informé, c'est

12 le Tribunal qui m'a informé des témoins qui

13 vont être cités ici pour l'interrogatoire et le contre-interrogatoire.

14 M. le Président (interprétation). - Vous voulez dire que l'on

15 devrait citer les trois témoins du Tribunal ensemble, c'est-à-dire dans un

16 premier temps le 3 mai, les trois témoins, et ensuite on passerait aux

17 témoins pour Vlatko Kupreskic et revenir ensuite ?

18 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai tout

19 simplement parlé de deux témoins qui vont être cités le 26 avril 1999.

20 Cependant, je pense que vous avez parlé également du troisième témoin et

21 que vous l'avez mis en première place.

22 M. le Président (interprétation). - Oui, très bien. Merci.

23 Je crois que nous allons reprendre le commentaire du Juge Mumba,

24 à savoir que nous n'allons pas prendre de décisions maintenant pour ne pas

25 perdre de temps. Vous allez vous réunir, faire des suggestions, nous

Page 7973

1 allons conférer avec l'accusation et nous pourrions revoir le calendrier

2 des témoins et décider qui viendra quand. En tout état de cause, ces trois

3 témoins ne peuvent pas venir le 26, car il n'y aura pas d’audience. Vous

4 pourrez nous faire des suggestions après consultation avec l'accusation.

5 Pourriez-vous appeler l'autre témoin ?

6 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

7 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic.

8 M. Radovic (interprétation). - Bonjour, Monsieur Alilovic.

9 Pouvez-vous faire cette déclaration solennelle ?

10 M. Alilovic (interprétation). - Je jure que je dirai la vérité,

11 toute la vérité et rien que la vérité.

12 M. le Président (interprétation). - Merci. Vous pouvez vous

13 asseoir.

14 M. Radovic (interprétation). - Monsieur Alilovic, je voudrais

15 tout d'abord que vous vous présentiez devant le Tribunal, dire votre nom

16 au complet, le nom de votre père, votre date de naissance et votre

17 adresse.

18 Dois-je répéter la question ou l'avez vous entendue ?

19 M. Alilovic (interprétation). - Je l'ai entendue, mais ça ne

20 s’adapte pas très bien à mon crâne.

21 M. Radovic (interprétation). - Eh bien adaptez-le. Nous allons

22 poursuivre ensuite. Bien, bien, ça marche maintenant ?

23 M. Alilovic (interprétation). - Oui, ça marche.

24 M. Radovic (interprétation). - Très bien. Pouvez-vous maintenant

25 répondre à ma première question ? Ma première question porte sur votre

Page 7974

1 dossier pour que la Cour sache qui vous êtes.

2 M. Alilovic (interprétation). - Je m'appelle Jozo Alilovic, je

3 suis né le 27 octobre 1927, au village de Nadioci dans la municipalité de

4 Vitez.

5 M. Radovic (interprétation). - Quelle est votre adresse

6 actuelle ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Mon adresse est la même, car je

8 vis toujours là où je suis né.

9 M. Radovic (interprétation). – Est-ce qu'il y a un numéro à

10 cette maison ?

11 M. Alilovic (interprétation). - C'est le n° 3.

12 M. Radovic (interprétation). – En 1992 et 1993, qu'advenait-il

13 de votre famille ? Qui vivait avec vous dans votre maison en 1992

14 et 1993 ? Je ne parle pas d'invités éventuels, je parle des membres de

15 votre famille.

16 M. Alilovic (interprétation). - Seulement ma femme et moi.

17 M. Radovic (interprétation). - Combien d'enfants aviez-vous au

18 total ?

19 M. Alilovic (interprétation). - Au total, j'ai eu six filles et

20 elles sont toutes mariées. Aucune d'entre elle ne vit avec moi.

21 M. Radovic (interprétation). - Que faites-vous actuellement ?

22 M. Alilovic (interprétation). - Actuellement, j'ai pris ma

23 retraite.

24 M. Radovic (interprétation). – Où travaillez vous ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Je travaillais à l'usine

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1 sidérurgique de Zenica.

2 M. Radovic (interprétation). - Pendant combien de temps ?

3 M. Alilovic (interprétation). - Pendant 34 ans. J'y ai travaillé

4 pendant 34 ans.

5 M. Radovic (interprétation). – En quelle année avez-vous pris

6 votre retraite ?

7 M. Alilovic (interprétation). - J'ai pris ma retraite en 1992.

8 Je voulais dire en 1982, excusez-moi.

9 M. Radovic (interprétation). – En 1992 et 1993, combien de

10 frères et sœurs en vie vous restait-il ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Il en restait deux.

12 M. Radovic (interprétation). - Quels étaient les noms de vos

13 frères ?

14 M. Alilovic (interprétation). - Marko et Tomislav.

15 M. Radovic (interprétation). - Quel âge ont-ils ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Marko a dix ans de moins que

17 moi, donc il avait… plutôt il est né en 1937 et Tomislav est né en 1952.

18 M. Radovic (interprétation). - Combien de sœurs avez-vous ?

19 M. Alilovic (interprétation). – Huit.

20 M. Radovic (interprétation). – Huit sœurs ? !

21 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

22 M. Radovic (interprétation). - Donc huit sœurs, deux frères et

23 vous étiez le onzième ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Oui. C'est un petit peu

25 difficile de calculer combien il y en avait au total.

Page 7976

1 M. Radovic (interprétation). - Quand vous avez pris votre

2 retraite, est-ce que vous aviez un hobby ? Est-ce que vous faisiez la

3 collection de timbres ? Est-ce que vous alliez à la chasse ? Est-ce que

4 vous faisiez du jardinage ?

5 M. Alilovic (interprétation). - En prenant ma retraite

6 -d'ailleurs avant ma retraite- j’étais chasseur, je n'allais pas pêcher,

7 j'allais chasser.

8 M. Radovic (interprétation). - Vous alliez chasser dans les

9 bois ?

10 M. Alilovic (interprétation). - J'allais chasser dans les bois.

11 M. Radovic (interprétation). – Lentement. Donc, comme chasseur,

12 vous étiez membre d'une société de chasseurs ?

13 M. Alilovic (interprétation). - J'étais un "Donkipa".

14 M. Radovic (interprétation). – Non, je vous demande si vous

15 étiez membre d'une société.

16 M. Alilovic (interprétation). - Oui, j'étais membre d'une

17 société de chasseurs. Je le suis toujours.

18 M. Radovic (interprétation). – Quel était le nom de cette

19 société ?

20 M. Alilovic (interprétation). – Elle s'appellait –je ne sais pas

21 si elle s'appelle encore comme ça- mais elle s'appelait Ranovac.

22 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous êtes encore

23 membre de ce club ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

25 M. Radovic (interprétation). - En tant que membre de cette

Page 7977

1 société, en 1992 et 1993, aviez-vous le droit d'avoir une carabine ?

2 M. Alilovic (interprétation). - Oui. En 1991 et 1992, j'étais

3 garde-chasse.

4 M. Radovic (interprétation). - Qu'est-ce que ça veut dire, vous

5 étiez garde-chasse ? Qui vous nommait garde-chasse et quelles étaient vos

6 fonctions en tant que garde-chasse ?

7 M. Alilovic (interprétation). - J'étais nommé par mon

8 organisation, mon club de chasse.

9 M. Radovic (interprétation). - Donc c'était l'administration qui

10 vous nommait ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Oui. L'administration du club de

12 chasse.

13 M. Radovic (interprétation). – Et quel était votre travail en

14 tant que tel ? En tant que garde-chasse ?

15 M. Alilovic (interprétation). - En tant que garde-chasse, mes

16 fonctions étaient les suivantes : quand je le pouvais, je parcourais ce

17 territoire, quand je le pouvais, pour déterminer si le domaine qui m'avait

18 été affecté… s'il y avait sur ce domaine quelqu'un qui braconnait.

19 M. Radovic (interprétation). – En tant que garde-chasse, aviez-

20 vous un fusil ?

21 M. Alilovic (interprétation). - J’en ai toujours un.

22 M. Radovic (interprétation). - Ce qui ne m'intéresse pas, c'est

23 aujourd'hui, mais plutôt ce qui se passait en 1992. Aviez-vous un fusil ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

25 M. Radovic (interprétation). – Et de quel type de fusil

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1 s'agissait-il ?

2 M. Alilovic (interprétation). - Un fusil de chasse à double

3 canon.

4 M. Radovic (interprétation). - Vous avez à votre droite une

5 photographie aérienne. Pourriez-vous nous y montrer l'endroit où se

6 trouvait votre maison ? Pour cela il faudra que vous vous leviez, que vous

7 preniez le pointeur. L'huissier va vous donner un petit coup de main.

8 (Le témoin s'exécute.)

9 M. Radovic (interprétation). – Je vais vous demander de vous

10 placer sur le côté de la photographie afin que les Juges voient ce que

11 vous montrez. D'abord, montrez votre maison, si vous le voulez bien, tout

12 en prenant le temps qu'il vous faut, sans vous presser, puisque cette

13 carte est dans le sens inverse de celui qui nous est coutumier lorsque

14 l'on regarde une carte.

15 M. Alilovic (interprétation). - Voici où se trouve ma maison. En

16 fait ces deux maisons-là.

17 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez de deux maisons,

18 Monsieur. Est-ce que vous en aviez une ou plusieurs ?

19 M. Alilovic (interprétation). – Deux.

20 M. Radovic (interprétation). - Deux ? Est-ce que vous les avez

21 construites en même temps ou à des moments différents ?

22 M. Alilovic (interprétation). - Non. J'en ai bâti une il y a de

23 cela trente ans, celle qui est la plus proche de la route ; l'autre, je

24 l'ai bâtie ou l'ai faite construire il y a quinze ans.

25 M. Radovic (interprétation). - Veuillez nous montrer votre

Page 7979

1 maison. Pourriez-vous nous montrer aussi les maisons de vos voisins et le

2 nom de ces voisins ? Peut importe dans quel ordre, mais dites-nous si,

3 pour chacun de ces voisins, il s'agissait d'un Musulman ou d'un Croate.

4 M. Alilovic (interprétation). – Eh bien, mon voisin le plus

5 proche s'appelait Redzep Elimanovic.

6 M. Radovic (interprétation). – Et il était quoi ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Musulman.

8 M. Radovic (interprétation). – Lorsque vous donnez un nom de

9 voisin, dites-nous ce qu'il était, Musulman ou Croate.

10 M. Alilovic (interprétation). - Mon second voisin était

11 Muhamed Pezer, Musulman ; le troisième voisin eh bien, c'était mon frère

12 Tomislav. C'est ici que se trouve sa maison. Puis, de l'autre côté de la

13 route, il y a la maison d'un de mes parents, Nikola Alilovic. Est-ce que

14 c'est celle-ci ? Oui. Elle doit se trouver ici quelque part. Et puis il y

15 a Mato Alilovic, le frère de Mirko, et mon oncle, quant à ma soeur Kata...

16 Sa maison se trouve ici.

17 M. Radovic (interprétation). - Fort bien. Je crois que nous

18 avons vu suffisamment

19 de maisons de voisins, inutile de poursuivre. Veuillez vous rasseoir,

20 Monsieur.

21 S'agissant de vos voisins musulmans, quels rapports aviez-vous

22 avec eux ?

23 M. Alilovic (interprétation). - Avec mes voisins musulmans ?

24 Jusqu'au moment du premier conflit, nous avions de bons rapports, de très

25 bons rapports. Après, le premier conflit, les rapports étaient terribles.

Page 7980

1 M. Radovic (interprétation). - Vous souvenez-vous de la date du

2 premier conflit ?

3 M. Alilovic (interprétation). - Je pense qu'il s'est déclenché

4 le 20 octobre.

5 M. Radovic (interprétation). - En quelle année ?

6 M. Alilovic (interprétation). - 1992.

7 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez d'une modification

8 dans la façon dont les Musulmans se comportaient envers vous. Pourriez-

9 vous nous donner des explications ?

10 M. Alilovic (interprétation). - C’est difficile de vous le

11 décrire. Moi, je ne les ai pas évités, je n'ai pas essayé du tout de les

12 éviter. J'ai même était jusqu'à les aider, dans la mesure de mes moyens,

13 au cours du premier conflit et après.

14 M. Radovic (interprétation). – Fort bien, nous y reviendrons un

15 peu plus tard. Dîtes-nous, votre frère Tomislav, vous nous avez montré sa

16 maison, il a déjà été mentionné au cours de ce procès. Est-ce qu'il se

17 trouvait dans sa maison à lui ? Parce que vous nous avez montré sa maison

18 en parlant du deuxième conflit, du moment où il a éclaté le 16 avril 1993.

19 M. Alilovic (interprétation). - Je n'ai pas tout à fait compris

20 votre question, Monsieur.

21 M. Radovic (interprétation). - Ce que je voudrais savoir, c'est

22 ceci : au moment où la guerre commençait le 16 avril 1993, est-ce que

23 votre frère Tomislav se trouvait dans votre village ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Il était en Allemagne et il

25 était arrivé le 15 avril, à la veille du second conflit. Il avait passé la

Page 7981

1 nuit chez moi.

2 M. Radovic (interprétation). – Donc, il est revenu d'Allemagne

3 la veille du conflit et il avait été, pour ainsi dire, invité chez vous.

4 Nous y reviendrons plus tard.

5 Pourriez-vous nous dire depuis quand Tomislav vit en Allemagne ?

6 M. Alilovic (interprétation). - Il est parti en Allemagne il y a

7 de cela vingt ou vingt deux ans.

8 M. Radovic (interprétation). – Et depuis ce temps il travaille

9 en Allemagne ?

10 M. Alilovic (interprétation). – Oui, il travaille toujours en

11 Allemagne.

12 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous vous intéressiez

13 aux événements politiques qui se produisaient dans la municipalité de

14 Vitez depuis la tenue des premières élections libres ?

15 M. Alilovic (interprétation). - Non. Vous savez, moi je suis un

16 homme âgé. Il y a des jeunes qui peuvent et qui devraient s'occuper de la

17 politique.

18 M. Radovic (interprétation). - Vous étiez donc un retraité d'âge

19 avancé et vous viviez tranquillement chez vous ? Et vous alliez à la

20 chasse ?

21 M. Alilovic (interprétation). – Tout à fait exact.

22 M. Radovic (interprétation). - Nous en sommes ainsi arrivés au

23 printemps de 1992. Avez-vous des informations quant à une ancienne caserne

24 de la JNA à Slimini ?

25 M. Alilovic (interprétation). - J'en ai entendu parler. Moi-même

Page 7982

1 je n'y suis pas allé, je n'y suis jamais allé, mais j'ai appris, j'ai

2 entendu dire qu'il y avait une caserne. Mais mon voisin Muhamed Pezer y

3 est allé en voiture.

4 M. Radovic (interprétation). - Vous parlez d'une voiture FAP ;

5 qu'est-ce que c'est ?

6 M. Alilovic (interprétation). – Eh bien, c'est un gros camion.

7 Il est allé au début du mois de mai, vers le 3 ou le 5 mai 1992 et il a

8 chargé des choses métalliques sur ce camion.

9 M. Radovic (interprétation). – Vous voulez parler d'armes ?

10 M. Alilovic (interprétation). – Oui, mais des armes, c'est du

11 métal. Il les a ramenées chez lui, il les a distribuées dans son village

12 d'Ahmici à tout homme qui avait plus de dix ans.

13 J'ai ainsi vu des jeunes gamins, des garçons qui s'occupaient

14 des moutons, des bergers si vous voulez, qui portaient des armes et qui

15 tiraient sur tout ce qui bougeait, même des oiseaux. J'en ai conclu qu'il

16 fallait que j'en parle à mes supérieurs dans la société de chasse, car

17 j'avais peur de me déplacer sur le terrain, dans ce domaine que j'étais

18 sensé surveiller. Je ne sortais plus.

19 M. Radovic (interprétation). - Donc vous aviez peur des hommes

20 armés ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Surtout d'enfants qui tiraient

22 sur tout ce qui bougeait, même des oiseaux. Là-dessus, j'ai dit à mes

23 supérieurs que je n'étais plus en état de remplir mes fonctions de garde-

24 chasse.

25 M. Radovic (interprétation). – Ce Muhamed Pezer qui avait ramené

Page 7983

1 ces armes au village, est-ce que vous connaissez ses activités politiques

2 éventuelles ? Savez-vous quelle était sa personnalité ?

3 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais. J'étais à la

4 retraite, je ne m'intéressais qu'à ma propre vie, à ce que je faisais. Je

5 ne savais pas quelles étaient les siennes.

6 M. Radovic (interprétation). – Est-ce qu'il était Musulman ou

7 Croate ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Musulman. Et il avait un camion

9 qu'il sous-louait pour des transports.

10 M. Radovic (interprétation). - Lorsque vous alliez dans les bois

11 pour voir s'il y avait des braconniers, est-ce que vous avez eu des

12 mésaventures déplaisantes qui vous ont incité à ne plus y aller ?

13 M. Alilovic (interprétation). – Oui.

14 M. Radovic (interprétation). - Avec qui ?

15 M. Alilovic (interprétation). - Je ne me souviens plus de la

16 date précise, mais c'était en juin. Je traversais les bois d'Ivo Alilovic,

17 le frère de Stipe et de Mate Alilovic, un homme répondant au nom d'Ahmic,

18 mais je ne sais plus quel était son prénom, grand Dieu comment s'appelait-

19 il ? Fikret.

20 M. Radovic (interprétation). - Fikret ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Oui, tout à fait, Fikret, le

22 fils de Ficus. Il est sorti, il n'était pas loin de chez lui et il était à

23 environ 300 mètres devant moi et il était armé d'un fusil automatique. Il

24 m'a menacé. Il a dit que je ne devais plus jamais retourner à cet endroit-

25 là, que si jamais il m'y revoyait, il me tuerait et que jamais, au grand

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1 jamais, je ne devais suivre ce chemin à l'avenir. J'ai dû m'excuser et

2 m'exécuter, car j'ai vu qu'il était très tendu. Je suis donc rentré chez

3 moi et c'était là la dernière fois que je suis retourné à cet endroit.

4 M. Radovic (interprétation). - Ce Fikret Ahmic est-il Musulman

5 ou Croate ?

6 M. Alilovic (interprétation). - Musulman.

7 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'il avait une fonction

8 particulière ?

9 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas.

10 M. Radovic (interprétation). - Avait-il une raison particulière

11 de vous menacer ? Est-ce que vous aviez eu des mots ou un litige avec

12 lui ? Pourquoi vous aurait-il dit de ne plus retourner dans ces bois ?

13 M. Alilovic (interprétation). - Jamais je n'ai eu de conflit

14 avec son père. Nous étions de bons amis et, pour ce qui est de Fikret lui-

15 même et de son frère Lusret, qui est plus jeune que lui, j'ai toujours

16 entretenu d'excellents rapports avec eux. Nous n'avons jamais eu de

17 mauvaises expériences. C'était la première fois que j'avais ce type de

18 mésaventure avec lui.

19 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous lui avez

20 dit :"Fikret, qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi est-ce que tout d'un coup,

21 je ne peux plus voir s’il y a des braconniers dans les bois ?"

22 M. Alilovic (interprétation). - Non, j'avais trop peur pour lui

23 poser la question, je ne lui ai rien demandé.

24 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous pris sa menace au

25 sérieux ?

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1 M. Alilovic (interprétation). - Oui, car il était très sérieux

2 quand il a proféré cette menace, puisqu’il pointait et dirigeait son fusil

3 sur moi et m’avait dit que, si jamais il me revoyait, il allait me tuer.

4 C’est comme cela qu’il m’a menacé.

5 M. Radovic (interprétation). - Vous dites qu'il a dirigé son

6 fusil vers vous. Est-ce qu'il a déjà tiré sur la gâchette ou dégagé la

7 gâchette ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Non, il n'a fait que le pointer

9 vers moi.

10 M. Radovic (interprétation). - Connaissez-vous une personne, je

11 ne sais pas si j'ai le droit de citer un nom, Monsieur le Président, est-

12 ce que nous pourrions passer à huis clos partiel ou avoir le son qui ne

13 passe pas dans la salle, ou peut-être le moment est-il venu de faire une

14 pause et nous pourrions recommencer à huis clos partiel après la pause.

15 M. le Président (interprétation). - Oui.

16 (L'audience, suspendue à 12 heures 15, est reprise à 12 heures 30.)

17 M. Radovic (interprétation). - Je voudrais seulement passer en

18 huis clos partiel quelques instant, s'il vous plaît.

19 Audience à huis clos partiel

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 7986

1 (expurgée)

2 (expurgée)

3 (expurgée)

4 Audience publique

5 M. Radovic (interprétation). - C'était un bon ami, vous disiez ?

6 Pouvez-vous nous dire si vous vous souvenez de conversations éventuelles

7 avec lui, au cours de l'été 1992 ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Depuis notre enfance, cette

9 personne était un de mes amis et c'est toujours un de mes amis. En

10 juin 1992, je l'ai rencontré. On a été quelque part, c'est-à-dire qu'il

11 m'a appelé pour que l'on aille dans un café pour prendre un café ou peut-

12 être quelque cognac. On est restés là un moment, je lui ai dit que

13 M. Fikret m'avait opposé un refus, comme je l'ai déjà expliqué et cette

14 personne m'a dit : "Pourquoi est-ce qu'il t'a refusé ?". Et c'est ce qu'il

15 a fait, parce qu'au-dessus d'Ahmici, il y a une colline qui s’appelle

16 Barinka ou Kruket, il a dit : "Là-haut sur cette colline, il y a

17 30 Mudjahidin". Je ne sais pas si je prononce bien. Oui, la prononciation

18 correcte est Mudjahidin, bon ça, ça n'étaient pas des Mudjahidin,

19 c'étaient des gens de la Krajina, des Musulmans qui s'étaient échappés de

20 la Krajina, qui demeuraient là. Donc le village nourrissait ces gens-là et

21 le village, les villageois avaient des objections, ils disaient que

22 c'était difficile de les nourrir. Donc ils sont tombés d'accord et cette

23 personne a dit que ces gens-là devaient être transférés au village de

24 Ropac... de Lupac, qui n'est pas très loin, le cas échéant, et au moment

25 échéant, ils pourraient revenir. Hazim Ahmic n'a pas

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1 permis qu'ils soient transférés à Lupac. Il en a pris 20 et il en a donné

2 10 à son frère Esad. C’est ce que cette personne m'a dit au café. Nous

3 avons peut-être passé deux heures ensemble en juin.

4 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'il a dit, peut-être on

5 ne va pas les appeler Mudjahidin, on va dire Kracnik, est-ce qu'il a dit

6 s'ils étaient armés ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Non, il n'a pas dit s'ils

8 étaient armés, il a dit simplement qu'un certain nombre de personnes

9 étaient venues.

10 M. Radovic (interprétation). - Ce village de Rupac est-il croate

11 ou musulman ?

12 M. Alilovic (interprétation). - Il est musulman.

13 M. Radovic (interprétation). - Et Hazim Ahmic est-il Musulman ?

14 M. Alilovic (interprétation). - Oui, il est Musulman.

15 M. Radovic (interprétation). - C'était quelqu'un qui avait une

16 mosquée, n'est-ce pas ?

17 M. Alilovic (interprétation). - Oui, il avait une mosquée au

18 village de Ahmici.

19 M. Radovic (interprétation). - En septembre, la même année,

20 avez-vous vu quelque chose qui vous a semblé hors de l'ordinaire dans la

21 vie quotidienne ? En septembre, c'est-à-dire le neuvième mois, on est bien

22 d'accord ?

23 M. Alilovic (interprétation). - Oui, septembre, c'est cela.

24 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous eu un accrochage avec

25 Fikret Ahmic ?

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1 M. Alilovic (interprétation). - Je ne me souviens pas de ce qui

2 s'est passé en septembre. Je ne me souviens pas précisément pour le

3 cimetière que j'ai vu sur la photographie. Mais à proximité, j'ai un champ

4 de Didulon et nous étions en train de couper l'herbe. Nous étions six.

5 Est-ce que je dois nommer qui était là ?

6 M. Radovic (interprétation). - Oui, nommez-les.

7 M. Alilovic (interprétation). - Ilija Jukic, moi-même,

8 Frano Maric, Anto Ninic, Franjo Dujic et Nikola Alilovic. Donc nous avions

9 terminé tôt de tondre l'herbe, on avait peut-être terminé vers 16 heures

10 ou 16 heures 30 et puis on est rentrés chez moi, donc on est passés en

11 dessous du cimetière pour aller par la route principale pour aller chez

12 moi. De l'autre côté du cimetière, dans un champ, il y avait des gens qui

13 creusaient à plusieurs endroits. Ils creusaient quelque chose. On est

14 arrivés sur la route, tous les six, on s'est arrêtés et on a demandé à la

15 personne la plus proche ce qu'ils faisaient et ils se sont contentaient de

16 dire qu'ils creusaient pour amener de l'eau.

17 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez ceux

18 qui creusaient ?

19 M. Alilovic (interprétation). - Nous en connaissions certains et

20 pas les autres.

21 M. Radovic (interprétation). - Lesquels connaissiez-vous ?

22 M. Alilovic (interprétation). - Eh bien, on était toujours sur

23 la route, Fikret Ahmic est venu, il portait un fusil automatique dans le

24 dos et il avait un pic ou une pelle et il a dit : "Qu'est-ce que vous

25 regardez ? Dispersez-vous, il n'y a rien à voir, allez où vous voulez

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1 aller". Donc on a haussé les épaules et puis, tous les six, on a continué

2 sur la route pour aller chez moi.

3 M. Radovic (interprétation). - Donc vous ne lui avez pas demandé

4 pourquoi vous deviez partir ?

5 M. Alilovic (interprétation). - Non, on avait peur de demander.

6 M. Radovic (interprétation). - Parmi ceux qui creusaient, vous

7 avez reconnu des gens ? Vous avez dit que vous en reconnaissiez certains.

8 M. Alilovic (interprétation). - C’étaient nos voisins, mais il y

9 avait aussi des gens qu'on ne connaissait pas. D'Ahmici, Nusret était là,

10 son frère. J'en ai reconnu certains, des jeunes, des vieux ; ils étaient

11 tous d'Ahmici.

12 M. Radovic (interprétation). - Vous avez dit que vous en

13 connaissiez plusieurs...

14 que vous ne connaissiez pas, plutôt ?

15 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

16 M. Radovic (interprétation). - D'où venaient-ils, ces gens que

17 vous ne connaissiez pas ?

18 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas d'où ils

19 venaient. Je n'en ai pas la moindre idée.

20 M. Radovic (interprétation). - Donc de septembre jusqu'au

21 premier conflit intervenu le 20 octobre, est-il arrivé quelque chose qui

22 sorte de l'ordinaire et dont vous vous souveniez ? Je vois que vous ne

23 vous en souvenez pas, donc j'imagine que rien n’est intervenu. Donc

24 passons maintenant au premier conflit, le conflit intervenu le

25 20 octobre 1992. Eh bien, pouvez-vous dire au Tribunal quels sont vos

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1 souvenirs ?

2 M. Alilovic (interprétation). - Le 15 octobre, j'étais chez mon

3 frère, Toma, Jekecilja et moi-même, c'est-à-dire mon beau-frère et moi-

4 même, nous avions un travail là-bas et vers 14 ou 15 heures, pas loin de

5 chez mon frère Toma, disons de 30 à 40 mètres de distance, les gens

6 commençaient à se rassembler, à creuser, à travailler à quelque chose et

7 ils amenaient différentes choses. Ils ont amené un tripode métallique, du

8 genre que l'on place devant les chars, ils l'ont placé, mettons une

9 trentaine de mètres de chez moi, à côté du ruisseau et puis ils ont amené

10 aussi une mine antichars, une grosse mine antichars qu'ils ont placée sur

11 la route et j'ai dit à mon beau-frère : "Faut pas rester ici, partons".

12 Donc on est reparti, pas par la route, mais par les champs jusqu'à chez

13 moi ; on n'entendait rien, on ne savait rien, je ne savais rien.

14 M. Radovic (interprétation). - Donc il s'agit du jour avant

15 le 19 ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

17 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous reconnu certaines de

18 ces personnes qui plaçaient des mines antichars ?

19 M. Alilovic (interprétation). - C'étaient mes voisins,

20 Muhamed Pezer, Fikret était

21 là. Bon, ce n'est pas la peine de tous les nommer. C'étaient tous mes

22 voisins. Il y en avait d'autres, ils arrivaient, ils repartaient, certains

23 érigeaient des barrages, d'autres creusaient des tranchées.

24 M. Radovic (interprétation). - Passons à la journée suivante.

25 M. Alilovic (interprétation). - Ce soir-là, je n'ai pas entendu

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1 ou vu qui que ce soit passer, bien que la route principale soit tout près

2 de mon entrée principale, je n'ai vu personne. L'ensemble de la soirée, je

3 n'ai vu personne aller où que ce soit.

4 Le matin, je voulais sortir pour voir ce qui se passait et,

5 quelque part, je pouvais voir, de temps en temps, un soldat en uniforme et

6 je ne voulais pas me rapprocher, parce que je ne savais pas qui c'était.

7 Vers 9 heures ou un peu avant, peut-être vers 8 heures 30, je ne sais

8 plus, on a entendu un coup de feu près de la maison de Muhamed Pezer.

9 Mettons deux coups de feu. Je me suis retourné et je pouvais voir

10 Muhamed Pezer qui sortait de chez lui ; il avait un fusil à la main, ils

11 ont tiré sur lui, ils l'ont blessé à la jambe.

12 M. Radovic (interprétation). - Vous l'avez vu ?

13 M. Alilovic (interprétation). - Oui, je l'ai vu et j'ai vu qu'il

14 a abandonné le fusil au milieu du champ, il a couru vers la route, parce

15 qu'il était à mi-chemin entre sa maison et la route, il y avait peut-être

16 de vingt à quinze mètres de sa maison à la route, donc il était à mi-

17 chemin. Il a traversé la route dans mon champ et, à travers mon champ, il

18 a continué de courir dans la direction de la maison de mon cousin Mato.

19 Au bout d'une demi-heure environ, j'ai voulu savoir ce qui lui

20 était arrivé, donc j'étais voir mon cousin Mato chez lui et là, j'ai vu

21 Sacir et sa femme, deux Musulmans, Pero Alilovic et sa femme, des Croates,

22 et Ila Alilovic la femme de Mato. Ils étaient tous assis par terre,

23 Muhamed Pezer était sur un divan, ils avaient enveloppé sa jambe et la

24 femme de Mato était par terre et épongeait son front à l'aide d'une

25 serviette. Mato m'a offert un brandy, je ne voulais pas, je ne voulais pas

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1 le boire ; je suis resté une dizaine de minutes et ensuite je suis

2 rentré chez moi.

3 En rentrant chez moi, j'étais derrière sa maison pour passer à

4 travers la forêt, mais j'ai vu la terre se fendre pratiquement devant moi.

5 J'ai entendu des coups de feu, j'étais effrayé, je suis rentré chez Mato.

6 Il m’a dit : "Qu'est-ce qui t’arrive ?" J'ai dit : "Il ne m'arrive rien".

7 Ils m'ont dit : "Mais tu es tout blanc !" J'ai dit : "Je ne me vois pas,

8 je ne sais pas". Donc j'ai demandé de me donner un brandy, Mato m'a donné

9 un brandy et je lui en ai redemandé un, donc il m'en a donné deux. Je suis

10 resté chez Mato une dizaine de minutes, ensuite j'étais sur la route et

11 j'étais de l'autre côté derrière la maison de Mato, chez moi.

12 Je suis arrivé chez moi, je n'ai pas été à l'intérieur. Une

13 voiture est arrivée jusqu'à chez moi. On m'a appelé et on m'a demandé :

14 "Comment est-ce que je peux arriver à la maison de Nesib Kajmokovic ?

15 C'est un Musulman." J'ai répondu : "Mon ami, vous ne pouvez pas aller chez

16 lui, parce qu'on se bat, on se bat ici et là". Vous êtes passé sans être

17 passé au milieu. J'ai dit : "Mon ami, vous ne pouvez pas aller à la maison

18 de Kajmokovic, Nesib Kajmokovic a été blessé". Donc il était censé aller

19 voir Nesib et je lui ai dit : "Il y a un homme blessé chez Mato, emmenez-

20 le".

21 Il a dit : "Emmenez-moi là". Je pouvais voir où c'était, donc

22 j'étais sur la même route. J'étais devant la voiture, il était derrière

23 moi en voiture jusqu'à la maison de Mato et j'ai dit à Mato, à la porte :

24 "Emmenez-le dans la voiture". Donc Calic, Elvid, Pero et Mato, je ne sais

25 pas s'il y avait quelqu'un d'autre, ils l'ont pris, ils l'ont mis en

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1 voiture pour l'emmener à l'hôpital à Vitez.

2 M. Radovic (interprétation). – Est-ce qu'il était grièvement

3 blessé ou est-ce que ça n'était qu'une éraflure ?

4 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas. J'ai vu que la

5 jambe était enveloppée, je n'ai pas vu la blessure, mais il ne pouvait pas

6 sortir de chez Mato.

7 M. Radovic (interprétation). - Quand est-ce que les tirs ont

8 commencé ?

9 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas précisément quand

10 les coups de feu ont commencé, ni combien de temps cela s'est poursuivi.

11 M. Radovic (interprétation). – Et le blessé dont vous avez

12 parlé, que vous avez aidé à emmener à l'hôpital, c'était un Croate ou un

13 Musulman ?

14 M. Alilovic (interprétation). - C'était un Musulman,

15 Pezer Muhamed.

16 M. Radovic (interprétation). - Parlons de la journée qui a

17 précédé le début de la guerre, nous parlons ici du 15 avril 1993.

18 Pourriez-vous dire aux Juges ce que vous avez fait ce jour-là, la veille

19 du début de la guerre ?

20 M. Alilovic (interprétation). - J'étais chez mon frère Toma,

21 parce qu'il était en Allemagne et j'espérais qu'il reviendrait. Je suis

22 allé chez lui pour y faire quelques travaux ; il fallait que je répare une

23 clôture. Mon frère est arrivé très tard dans la soirée, il avait pris le

24 bus jusqu'à Vitez et puis il est arrivé chez lui, mais nous avons passé la

25 nuit chez moi. Ce soir-là, mon frère Toma ou Tomislav a passé la journée

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1 ou la nuit chez moi.

2 M. Radovic (interprétation). - Donc nous parlons toujours du 15.

3 Mais le 15, est-ce que vous saviez ce qui allait se passer le lendemain ?

4 M. Alilovic (interprétation). - Non.

5 M. Radovic (interprétation). - Vous ne saviez rien, vous n'étiez

6 au courant de rien ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Personne n'avait la moindre

8 idée.

9 M. Radovic (interprétation). - Si je vous ai bien compris, cette

10 journée du 15 s'est déroulée comme n'importe quelle autre journée ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

12 M. Radovic (interprétation). – Je vais maintenant montrer

13 l'aspect que présente votre maison et puis nous allons poursuivre

14 l'interrogatoire principal, mais je demande d'abord l'aide de l'huissier.

15 Mme Ameerali (interprétation). - Il s'agira de la pièce D15/1.

16 (L'huissier s'exécute.)

17 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous pourriez placer

18 ce document sur le rétroprojecteur, Monsieur l'huissier ?

19 (L'huissier s'exécute.)

20 Monsieur Alilovic, c'est peut-être à vous que je vais demander

21 de placer le document sur l’appareil qui se trouve à votre droite. Est-ce

22 que vous pourriez nous montrer sur cette photo... Un petit instant,

23 Monsieur Alilovic.

24 Est-ce que vous pourriez d'abord d'écrire la photo n° 1 ?

25 Pourriez-vous nous dire ce qu'elle représente ?

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1 M. Alilovic (interprétation). - Cette photographie n° 1 montre

2 mon ancienne maison.

3 M. Radovic (interprétation). - Veuillez nous montrer avec le

4 pointeur où se trouve votre ancienne maison. On ne voit pas très bien.

5 (Le témoin montre la vieille maison.)

6 M. Radovic (interprétation). – Fort bien. C'est la vieille

7 maison et voit-on la nouvelle maison sur cette photo ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Oui. La voici. Mais on ne voit

9 pas la porte, parce qu'elle est derrière la vieille maison, mais vous

10 voyez une des fenêtres, le porche ou la véranda, le toit de la nouvelle

11 maison… vous voyez ici le pommier qui se trouve devant la nouvelle maison.

12 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous décrire la

13 photographie n° 2 ?

14 M. Alilovic (interprétation). - C'est la photo n° 2.

15 M. Radovic (interprétation). - Je vous demande de la décrire

16 pour nous.

17 M. Alilovic (interprétation). - Celle-ci ?

18 M. Radovic (interprétation). - N° 2. Elles sont numérotées à

19 droite.

20 M. Alilovic (interprétation). - Cette photo n° 2 vous montre la

21 vieille maison et la nouvelle qui est juste derrière. Vous voyez qu'il y a

22 un sentier entre les deux maisons.

23 M. Radovic (interprétation). – Donc ces deux maisons sont aux

24 confins de la même cour ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

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1 M. Radovic (interprétation). – Pourriez-vous nous décrire la

2 photo n° 3 ?

3 M. Alilovic (interprétation). - Elle montre ma vieille maison.

4 Vous voyez le toit, les murs extérieurs… mais vous voyez aussi les bois

5 qui sont là derrière.

6 M. Radovic (interprétation). - On voit aussi une partie de la

7 cour ?

8 M. Alilovic (interprétation). – Oui, on voit une bonne partie de

9 la cour. Vous voyez qu'il a neigé.

10 M. Radovic (interprétation). - Étant donné que ces photos

11 étaient prises bien plus tard, cette année encore manifestement il y avait

12 encore de la neige, mais de 1993 jusqu'au moment où ces photos ont été

13 prises, est-ce que quelque chose a changé dans l'aménagement ?

14 M. Alilovic (interprétation). - Rien. Tout est resté pareil.

15 M. Radovic (interprétation). - Lorsque votre frère est arrivé

16 le 15 et a passé la nuit chez vous, est-ce que vous étiez dans la nouvelle

17 maison ou dans l'ancienne ?

18 M. Alilovic (interprétation). - On a dormi dans la vieille

19 maison, je dors là encore aujourd'hui.

20 M. Radovic (interprétation). - Qui est dans la nouvelle maison ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Personne. Je suis tout seul, je

22 ne peux pas dormir dans deux maisons à la fois !

23 M. Radovic (interprétation). – Pourriez-vous nous dire ce qui

24 s'est passé le 16 avril 93 ? Comment vous êtes-vous réveillé ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Mon frère, ma femme et moi avons

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1 été réveillés par des tirs. Je ne peux pas vous dire exactement à quelle

2 heure cela s'est passé. Il devait être de l'ordre de 6 heures 30, mais je

3 ne suis pas sûr du tout de cette heure. En tout cas, il y a eu des coups

4 de feu, nous ne savions pas ce qui se passait.

5 M. Radovic (interprétation). – Savez-vous qui tiraient ces coups

6 de feu ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Non. On ne savait rien. Ni mon

8 frère, ni moi n'étions sortis cette nuit-là, nous ne savions rien, nous

9 n'avons rien entendu. Nous avons été réveillés par des tirs, ma femme a

10 sursauté la première et puis moi aussi. Elle a commencé à courir pour

11 sortir et je lui ai dit :"Non, non arrête ; on ne sait pas ce qui se

12 passe". Elle n'est donc pas sortie.

13 M. Radovic (interprétation). - Après que ces coups de feu aient

14 commencé, est-ce que vous êtes passé dans la nouvelle maison ou est-ce que

15 vous êtes resté dans l'ancienne ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Ce matin, on était dans la

17 vieille maison et c'est là que nous étions lorsque les coups de feu ont

18 commencé. Nous ne voulions pas sortir, nous avions peur de sortir, nous ne

19 sommes donc pas allés dans la nouvelle maison.

20 Les coups de feu ont commencé, nous avons jeté un coup d'œil

21 furtif par la fenêtre pour voir si on voyait quelque chose dehors, si on

22 voyait ce qui se passait, mais nous avons vu de la fumée qui provenait de

23 la maison d'Ahmic Pezer. On avait mis le feu à la maison et nous nous

24 sommes dits : il faudrait sortir pour éteindre ce feu, mais est-ce qu'on

25 peut le faire alors qu'il y a des coups de feu ? Finalement, nous ne

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1 sommes pas sortis, nous n'avons pas quitté la maison -je parle de la

2 vieille maison. Nous ne sommes pas sortis de toute la journée, mais je ne

3 me souviens plus des heures exactes, de l'heure précise à laquelle une

4 voiture est arrivée.

5 M. Radovic (interprétation). - Ne mentionnez pas de noms, nous

6 allons faire comme nous avons fait pour la première fois. Est-ce que nous

7 pourrions passer rapidement à huis clos partiel puisqu'un nom de témoin

8 protégé va être cité ?

9 Audience à huis clos partiel

10 (expurgée)

11 (expurgée)

12 (expurgée)

13 (expurgée)

14 (expurgée)

15 (expurgée)

16 (expurgée)

17 (expurgée)

18 (expurgée)

19 (expurgée)

20 (expurgée)

21 (expurgée)

22 (expurgée)

23 (expurgée)

24 (expurgée)

25 (expurgée)

Page 7999

1 (expurgée)

2 Audience publique

3 Faites attention parce que si vous mentionnez ce nom, vous allez

4 peut-être être puni Monsieur.

5 Dites-nous ce qui s'est passé.

6 M. Alilovic (interprétation). - Eh bien ils m'ont fait sortir,

7 un des soldats m'a dit "Jozo, occupe-toi de cet enfant, garde-le jusqu'à

8 mon retour".

9 M. Radovic (interprétation). - Fort bien.

10 M. Alilovic (interprétation). - C'est alors que j'ai reconnu

11 l'enfant, je lui ai dit d'entrer.

12 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez ses

13 parents, sa famille ?

14 M. Alilovic (interprétation). - Oui, oui, je connais très bien

15 sa famille puisque ce sont mes voisins.

16 M. Radovic (interprétation). - Poursuivez votre récit.

17 M. Alilovic (interprétation). - L'enfant est alors entré dans ma

18 maison, il était en pyjama. Il était tout mouillé.

19 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'il avait peur ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Il était terrifié, il était tout

21 mouillé. Ma femme l'a déshabillé, elle lui a même enlevé le slip, le

22 pyjama, les pantoufles et elle lui a donné des vêtements secs parce qu'il

23 tremblait, il avait froid, et il tremblait de froid et de peur. Il a passé

24 douze ou treize jours avec nous et puis la Forpronu est venue l'emmener à

25 Zenica.

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1 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que sa mère, ses parents,

2 savaient que l'enfant était avec vous ?

3 M. Alilovic (interprétation). - Étant donné qu'il ne savait pas

4 où se trouvaient ses parents, le gamin a dit que son père, son frère aîné

5 étaient partis à une réunion à la mosquée, son père avait verrouillé la

6 porte de l'extérieur, il avait emporté la clef.

7 C'est alors que des soldats étaient arrivés dans sa maison et

8 personne ne pouvait

9 ouvrir la porte, ni ceux qui étaient à l'extérieur, ni ceux qui étaient à

10 l'intérieur, mais ils ont réussi à faire sortir le gamin et son frère aîné

11 ainsi que sa sœur aînée par le balcon, ainsi que la mère aussi et on lui a

12 dit, au gamin, de se diriger vers la route. Il faisait froid, il y avait

13 beaucoup d'eau, il faisait humide et c'est pour ça qu'il était tout

14 mouillé quand il est arrivé chez moi.

15 M. Radovic (interprétation). - Vous a-t-il dit ce qui s'est

16 passé et ce qu'il est advenu des membres de sa famille ?

17 M. Alilovic (interprétation). - Il m'a dit que son frère avait

18 été tué ; je n'avais de cesse de lui dire "Mais non, mais non, ce n'est

19 pas ce qui s'est passé", mais il a dit "Oui, je l'ai vu, ils voulaient me

20 tuer aussi, mais les soldats l'ont empêché et ils m'ont dit de courir vers

21 la route" et puis deux soldats étaient passés en voiture et l'avaient

22 emmené dans cette voiture.

23 M. Radovic (interprétation). - Je vous ai demandé s'il avait

24 informé sa mère.

25 M. Alilovic (interprétation). - J'avais le numéro de téléphone.

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1 Le gamin m'avait donné le numéro de téléphone de la maison, mais personne

2 ne répondait à ce numéro. Nous avons passé des coups de fil à des

3 connaissances pour savoir où se trouvait la mère ; nous avons ainsi

4 découvert qu'elle était à Travnik.

5 Lorsque j'ai dit, j'ai fait savoir à cette femme, que son fils

6 était avec moi, elle a laissé tomber le téléphone. Moi, je ne savais pas

7 ce qui se passait parce qu'elle s'était évanouie. Elle était tombée au sol

8 et avait laissé tomber le cornet.

9 Par la suite, on lui a dit que tout était en ordre, qu'il ne

10 fallait pas qu'il s'inquiète de quoi que ce soit, parce que j'allais

11 m'occuper de l'enfant du mieux que je pouvais et ceci serait bien sûr

12 gratuitement et que le gamin ne manquerait de rien. C'est comme cela que

13 cela s'est passé. Et, quand il est parti, il était en bonne santé.

14 M. Radovic (interprétation). - Quel est le véhicule utilisé par

15 la Forpronu pour venir chercher ce gamin ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Ils sont venus avec deux petits

17 colis de vivres. Je ne sais pas ce qui s'est passé par la suite, puisque

18 personne ne m'a plus contacté par la suite pour me donner des nouvelles de

19 l'état du gamin.

20 M. Radovic (interprétation). - Revenons au 16 avril. Lorsque ce

21 gamin est venu, est-ce que vous l'avez hébergé dans la nouvelle maison ou

22 dans l'ancienne ?

23 M. Alilovic (interprétation). - A son arrivée, il devait être à

24 peu près 9 heures, 9 heures 30, ce matin-là.

25 M. Radovic (interprétation). - Le 16 ?

Page 8002

1 M. Alilovic (interprétation). - Oui, le 16. Il est entré dans

2 une pièce de la vieille maison et il me suivait partout. Nous sommes

3 ensuite passés de l'ancienne maison, qui n'était pas quand même très

4 solide, il n'y avait pas de dalle en ciment alors qu'il y en avait deux

5 dans la nouvelle maison ; étant donné les pilonnages, nous avons emménagé

6 dans la nouvelle maison, le gamin, ma femme, mon frère, puisqu'il était

7 avec moi, pour le temps qu'il passait avec moi, et moi-même.

8 M. Radovic (interprétation). - Ce jour-là, le jour où la guerre

9 a commencé, est-ce que vous craigniez que votre frère Tomislav soit

10 mobilisé ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Eh bien, je n'étais pas à l'aise

12 parce que, d'abord, trois soldats sont venus chez moi sans rien dire à

13 Tomislav, ils ne lui ont pas dit qu'il devrait les suivre. Je ne sais pas.

14 M. Radovic (interprétation). - Mais est-ce que vous ne craigniez

15 pas une telle éventualité ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Absolument. On avait peur.

17 M. Radovic (interprétation). - Lorsque ces soldats sont arrivés

18 à votre portée, est-ce que vous avez essayé de placer Tomislav avec le

19 gamin dans votre maison ? Vous en souvenez-vous ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Toutes ces journées, nous les

21 avons passées, Tomislav, le gamin et moi, dans cette maison.

22 M. Radovic (interprétation). - Vous étiez ensemble ?

23 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

24 M. Radovic (interprétation). - Donc le gamin était dans cette

25 maison au moment de l'arrivée des soldats ?

Page 8003

1 M. Alilovic (interprétation). - Oui. Lorsque ces trois soldats

2 sont venus, le gamin était dans la cuisine de la vieille maison avec moi.

3 M. Radovic (interprétation). - A quelle heure sont-ils venus ?

4 M. Alilovic (interprétation). - Ce jour-là, ils sont venus vers

5 midi. Je ne suis pas sûr. Peut-être vers midi.

6 M. Radovic (interprétation). - Pourriez-vous me dire l'aspect

7 qu'ils avaient ? Étaient-ils armés ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Oui, tous les trois étaient

9 armés.

10 M. Radovic (interprétation). - Quelle arme avaient-ils ?

11 M. Alilovic (interprétation). - L’un avait une uniforme noir...

12 M. Radovic (interprétation). - Mais moi, je vous pose une

13 question à propos des armes.

14 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas.

15 M. Radovic (interprétation). - C'était un certain type d'arme ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Oui, de fusil.

17 M. Radovic (interprétation). - Comment était-il habillé ?

18 M. Alilovic (interprétation). - L'un était en noir, alors que

19 les deux autres étaient en uniforme de camouflage.

20 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous vu des insignes ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Ils portaient l'insigne du HVO,

22 pour autant que j'aie pu en juger, et j'ai pu le voir. Ils avaient à

23 l'épaule ou sur la manche l'insigne du HVO.

24 M. Radovic (interprétation). - Avez-vous remarqué quelque chose

25 d'autre ?

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1 M. Alilovic (interprétation). - Vous savez, il y a longtemps de

2 cela, je n'ai pas pensé qu'il fallait faire attention à autre chose.

3 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissiez ces

4 jeunes hommes ?

5 M. Alilovic (interprétation). - Non, mais je peux vous dire

6 qu'ils sont arrivés dans ma cour, m'ont demandé si j'avais le téléphone.

7 J'ai dit que oui. Les trois sont entrés dans la maison, l'un d'entre eux a

8 appelé son père et sa mère, un autre a appelé sa petite amie.

9 Ma femme, elle était à l'extérieur et puis un quatrième soldat

10 est arrivé ; il était seul. Il est entré dans ma cour, ma femme m'a appelé

11 pour que je sorte. Un jeune homme en uniforme armé d'une arme...

12 M. Radovic (interprétation). - Quel genre d’uniforme ?

13 M. Alilovic (interprétation). - Un uniforme militaire de

14 camouflage du HVO. Il portait le même insigne que les trois premiers, il

15 est donc arrivé dans la cour en pleurs. C'était le voisin ou un voisin de

16 la famille de ma femme, de son village natal. Elle est de Busovaca, de

17 Dusina.

18 M. Radovic (interprétation). - Quel était le nom de ce jeune

19 homme ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Son père s'appelle Jure Kegelj,

21 mais je ne connais pas son nom à lui. Et ce jeune homme a dit puisqu'il

22 connaissait ma femme, il a dit : "Ma bonne dame, vous ne me demandez pas

23 pourquoi je pleure ?" Elle a dit : "Mais qu’est-ce qui se passe, fils,

24 est-ce que tu es blessé ?" Il a répondu que non. Du coup, elle lui a

25 demandé ce qui se passait. Il lui a dit : "Je n'ai plus de famille, tous

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1 ont été tués, massacrés." Il demandait un peu d'eau pour se laver le

2 visage et il poursuivait, il était en sanglots. Ma femme m'a dit de sortir

3 de la maison, ce que j'ai fait. Le troisième soldat a appelé quelqu'un,

4 mais je ne sais pas

5 qui, par téléphone.

6 M. Radovic (interprétation). - Mais parlons de celui qui est

7 arrivé seul dans la cour.

8 M. Alilovic (interprétation). - Je suis sorti. Moi, je ne le

9 connaissais pas, ce jeune homme, mais je connaissais son père, parce que

10 nous avions assisté à des fêtes ensemble, quand nous étions jeunes. Nous

11 étions de la même époque et nous travaillions ensemble.

12 Je connais bien sa famille, mais je ne connaissais pas les

13 enfants de la famille, notamment ce jeune homme. Quand ma femme m'a dit de

14 qu'il était le fils, je lui ai dit : "Tu es le fils de Yure ?" Il m’a

15 dit : "Oui" et il était là, immobile comme une statue. Il a refusé de

16 s'asseoir, il a refusé un cognac. Il y avait ce gamin qui était dans la

17 maison avec nous. Quand il était à la maison, il n'a rien dit et puis les

18 quatre soldats sont partis en direction de la route menant à Busovaca.

19 M. Radovic (interprétation). - Ce gamin ou ce jeune homme était

20 de Dusina. C'est la municipalité de Vitez ou Busovaca ?

21 M. Alilovic (interprétation). - De Busovaca.

22 M. Radovic (interprétation). - Donc il y avait ces trois autres

23 soldats et puis ce jeune soldat arrivé plus tard de Dusina, mais qu’en

24 est-il des trois premiers ? Avez-vous conclu ou deviné d’où ils étaient ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Eh bien, ces trois qui ont

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1 utilisé le téléphone, pour ce qui est d’eux, je me suis dit que deux

2 d'entre eux étaient de Kiseljak.

3 M. Radovic (interprétation). - Pourquoi avez-vous pensé cela ?

4 M. Alilovic (interprétation). - A partir de ce qu'ils disaient

5 lorsqu'ils parlaient à la personne avec laquelle ils avaient une

6 conversation, lorsqu'ils ont téléphoné.

7 M. Radovic (interprétation). - Est-ce qu'ils posaient des

8 questions sur certains endroits ? Ils appelaient leur famille, n'est-ce

9 pas ?

10 M. Alilovic (interprétation). - Oui, l'un a appelé ses parents,

11 l'autre a appelé sa petite amie. J'en ai conclu qu'ils étaient des

12 environs de Kiseljak. Je ne sais pas ce qu'il en était du troisième, parce

13 que, lui, je ne l'ai pas entendu dans cette conversation téléphonique

14 puisque j'étais à l'extérieur.

15 M. Radovic (interprétation). - Vous ont-ils dit dans quelle

16 unité ils étaient intégrés ?

17 M. Alilovic (interprétation). - Non, ils n'ont rien dit.

18 M. Radovic (interprétation). - Vous ont-ils dit ce qu'ils

19 faisaient ce matin-là ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Non, ils n'ont rien dit.

21 D'ailleurs, je n'ai pas osé poser de question.

22 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous connaissez Zoran

23 et Mirjan Kupreskic ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Oui, ce sont mes voisins.

25 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que vous les connaissez

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1 bien ?

2 M. Alilovic (interprétation). - Oui, très bien. Oui, je les

3 connais.

4 M. Radovic (interprétation). - Ce jour-là, au cours du premier

5 jour de la guerre, est-ce qu'ils sont venus chez vous ?

6 M. Alilovic (interprétation). - Non.

7 M. Radovic (interprétation). - Vous êtes sûr ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Absolument.

9 M. Radovic (interprétation). - Ce jeune homme qui était dans

10 votre maison n'aurait pas pu les voir ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Non, personne n’aurait pu les

12 voir, moi je ne les ai pas vus. Quant au gamin, il n'est jamais sorti de

13 la maison ce jour-là.

14 M. Radovic (interprétation). - Connaissez-vous Sakib Ahmic, le

15 fils de Rachib ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Oui, je le connais bien, c'est

17 aussi un voisin.

18 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que l'un quelconque des

19 Musulmans vous a jamais remercié pour avoir aidé ce gamin ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Non, malheureusement pas. Ni

21 pour avoir aidé le blessé.

22 M. Radovic (interprétation). - Est-ce que Sakib Ahmic est passé

23 chez vous il y a un certain temps ?

24 M. Alilovic (interprétation). - Oui, à peu près un mois et demi

25 de cela, il est venu. Zijo Kajmakovic est passé chez moi aussi, il a une

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1 maison dans le village, du côté de ma maison. Zijo Kajmakovic est venu

2 avec Sakib Ahmic, ils sont passés chez moi. Ils se sont arrêtés, là, dans

3 le fossé. Moi, je suis sorti pour m'approcher d'eux. Sakib Ahmic était

4 dans la voiture et Zijo Kajmakovic aussi. Nous avons parlé de choses et

5 d'autres.

6 Sakib m'a demandé si le gamin était chez moi. J'ai dit que oui,

7 mais que son père, sa mère ne m'avaient toujours pas contacté et là, il

8 m’a remercié. Il m’a dit : "On a appris ce qui s'est passé, vraiment que

9 Dieu te bénisse et tu reçois bien sûr nos plus vifs remerciements".

10 M. Radovic (interprétation). - Quel genre d’homme était

11 Sakib Ahmic ? Pourriez-vous nous le dire ?

12 M. Alilovic (interprétation). - Moi, je le connais, parce que

13 c'était un chauffeur de voiture officielle, dans les environs de Vitez. Je

14 ne sais pas s'il travaillait pour une entreprise, peut-être Impregnacija.

15 Nous avions d'excellents rapports lui et moi. Aucun sentiment

16 revanchard ou de rancune. On n'a jamais eu de mots, mais je ne sais pas

17 comment il se comportait envers d'autres. Je sais qu'il avait un peu un

18 ton abrupt, il était assez belliqueux, il aimait se mêler des affaires des

19 autres. C'est tout ce que je sais.

20 M. Radovic (interprétation). - Que savez-vous à propos de Zoran

21 et Mirjan ?

22 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas ce que je

23 pourrais dire à leur propos. Peu de gens, très peu de gens les

24 connaissaient. Ils n'avaient jamais embêté personne. Si on faisait la fête

25 quelque part, eh bien, ils étaient toujours là, mais c'est à peu près tout

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1 ce que je sais.

2 M. Radovic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président, je

3 n'ai plus de questions à poser.

4 M. le Président (interprétation). - Merci. Je demanderai

5 simplement le versement au dossier de cette photographie.

6 Pas d'objections, je présume ?

7 M. Terrier. - Non.

8 M. le Président (interprétation). - La pièce est versée. Y

9 aurait-il un autre contre-interrogatoire ou interrogatoire principal du

10 côté de la défense ?

11 M. Susak (interprétation). - Non.

12 M. le Président (interprétation). - Merci. Maître Terrier, vous

13 avez la parole.

14 M. Terrier. - Merci Monsieur le Président.

15 Bonjour, Monsieur Alilovic, mon nom est Frank Terrier, je suis

16 l'avocat de l'accusation et je vais vous poser quelques questions après

17 votre témoignage. Je voudrais savoir si, à Ahmici à cette époque-là,

18 quelqu'un d'autre que vous portait le même nom et le même prénom que

19 vous : Jozo Alilovic.

20 M. Alilovic (interprétation). - Non.

21 M. Terrier. – Je vous pose cette question, car au moins deux

22 témoins, qui sont venus ici devant ce Tribunal, ont dit que Jozo Alilovic

23 a été vu en train de monter la garde le 16 avril 1993 et peut-être les

24 jours suivants sur le pont de Radak. Compte tenu de ce que vous venez de

25 dire, je me demandais s'il s'agissait de la même personne ou d'une autre

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1 personne qui porte le même nom.

2 M. Alilovic (interprétation). - Non. Ce jour-là, personne ne

3 pouvait me voir ailleurs en dehors de ma maison et en dehors de ma cour,

4 de la cour de ma maison et pas uniquement ces jours-ci, mais plusieurs

5 jours qui ont suivi.

6 M. Terrier. – Mais vous ne connaissez personne du nom de

7 Jozo Alilovic ? Aucune autre personne portant le nom de Jozo Alilovic ?

8 M. Alilovic (interprétation). - Je connais, mais à Vitez. C'est

9 un de mes neveux, Jozo Alilovic sur nommé Bego. C'est un de mes neveux,

10 Jozo Alilovic surnommé Bego. C'est un de mes cousins, mais il habite

11 Vitez.

12 M. Terrier. – Dites-nous sa date de naissance.

13 M. Alilovic (interprétation). - Je pense qu'il a deux ou trois

14 ans de moins que moi.

15 M. Terrier. – A-t-il des enfants ?

16 M. Alilovic (interprétation). - Oui.

17 M. Terrier. – Des garçons, des filles ?

18 M. Alilovic (interprétation). - Il a des fils et il a des

19 filles.

20 M. Terrier. – Monsieur Alilovic, parlons quelques instants de

21 votre expérience de chasseur. Vous nous avez dit que, depuis très

22 longtemps, vous êtes chasseur, que vous avez du goût pour cette activité

23 et que vous avez été en 1991 et 1992 garde-chasse. Je voudrais que vous me

24 disiez quel sorte de gibier vous pouviez attraper dans les bois aux

25 environs d'Ahmici, de Santici et de Pirici. Quel sorte de gibier ?

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1 M. Alilovic (interprétation). - En ce qui concerne le gibier,

2 c'est uniquement celui qui a été autorisé d'être chassé. Si c'était le

3 lièvre, alors c'était le lièvre. Par exemple les chevreuils, on n'avait

4 pas le droit de les chasser, sauf si on avait l'autorisation. C'est une ou

5 deux fois par an et un ou deux chevreuils, donc on a été obligé d'avoir

6 les autorisations et c'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, j'étais

7 garde-chasse, pour protéger les animaux.

8 M. Terrier. – Est-ce que, dans les bois que vous fréquentiez et

9 où vous chassiez,

10 on pouvait rencontrer des animaux dangereux ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Oui. C'étaient les sangliers.

12 Pour moi c'était certainement l'animal le plus dangereux, le sanglier.

13 M. Terrier. – Y en avait-il d'autres ?

14 M. Alilovic (interprétation). – Non, non. C'étaient des

15 sangliers, il n'y en avait pas d'autres.

16 M. Terrier. – Vous nous avez parlé, tout à l'heure, de ces

17 enfants à qui on avait confié des armes et qui ont commencé à tirer sur

18 les oiseaux. Je crois que vous avez parlé de cela en situant cet épisode à

19 l'été 1992, sauf erreur de ma part. Est-ce que vous pouvez préciser quel

20 genre d'armes ces enfants s'étaient vu confier ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Au moment où Muhamed Pezer avait

22 transporté dans ce camion les armes en provenance de Slimina, de cette

23 caserne, il avait distribué les armes à tout le monde, à des adultes y

24 compris les enfants qui avaient dix ans. Ces enfants, c'étaient

25 pratiquement des bergers, donc ils gardaient les moutons, ils prenaient

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1 des fusils automatiques avec eux et tiraient n'importe comment et je dois

2 dire qu'ils tiraient sur les oiseaux, ils tiraient un petit peu dans

3 toutes les directions. C'est la raison pour laquelle j'avais peur et je ne

4 voulais plus garder comme garde-chasse le terrain qu'on m'avait confié.

5 M. Terrier. – Est-ce que vous pouvez nous rappeler à quelle

6 époque vous situez cela ? A quelle époque à peu près vous situer cela ?

7 M. Alilovic (interprétation). - Vous parlez des heures, des

8 jours, des dates ? De quoi ?

9 M. Terrier. – Non, je parle simplement du mois ou même d'une

10 saison. En tout cas d'une année.

11 M. Alilovic (interprétation). - Je ne comprends pas tout à fait

12 votre question. Est-ce que vous me posez la question de savoir ce qu'on

13 pouvait chasser à cette époque-là ? Je n'ai

14 vraiment pas compris votre question.

15 M. Terrier. – Je la répète, Monsieur Alilovic. Ces enfants, dont

16 certains avaient dix ans et à qui on avait remis des armes automatiques et

17 qui avaient un comportement un peu dangereux qui vous a inquiété

18 puisqu'ils tiraient sur les oiseaux avec ces armes automatiques, ça se

19 passait à quelle époque ? Est-ce que vous pouvez nous le rappeler ?

20 M. Alilovic (interprétation). – Oui, je pourrais éventuellement.

21 Les armes ont été distribuées à mes voisins Ahmici à partir du mois de

22 juin. Et au mois de juillet 1992 j'ai vu, et je n'étais pas le seul à le

23 voir, j'ai vu les enfants partir avec des moutons et armés avec des fusils

24 automatiques et c'est au mois de juin, dans la forêt qui est au-dessus par

25 rapport à Ahmici, j'ai vu les enfants portaient les fusils alors qu'ils

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1 partaient comme des bergers pour garder les moutons.

2 M. Terrier. – Mais qui d'autre que vous a vu cela ? Je vous pose

3 la question, parce que comme vous êtes le premier à nous dire cela, je

4 voudrais savoir qui d'autre que vous a vu ces enfants de dix ans armés de

5 fusils automatiques.

6 M. Alilovic (interprétation). - Tout premièrement,

7 Nikola Alilovic, fils d'Ivo. Ensuite Pero Alilovic, fils de la même

8 personne. Eux aussi, ils avaient une forêt. Ensuite, Ivo Calic,

9 Ilija Jukic, tous de Nadioci et tous des Croates.

10 M. Terrier. – Vous nous avez dit que votre frère Tomislav était

11 rentré d'Allemagne le 15 avril 1993. Vous nous avez dit que votre frère

12 Tomislav résidait en Allemagne depuis longtemps. C'est exact ?

13 M. Alilovic (interprétation). – Vingt ans.

14 M. Terrier. – A quel endroit en Allemagne réside-t-il ?

15 M. Alilovic (interprétation). – Je ne peux pas vous donner

16 l'adresse, parce que je ne la connais pas. Je ne connais pas le nom de la

17 ville même, mais je peux l'appeler au téléphone si vous voulez et puis il

18 me le dira. Sinon, à ce moment-là, je vous en remercie.

19 M. Terrier. – Dans quelle région ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Je pense que c'était au nord de

21 l'Allemagne, car il fallait qu'il traverse toute l'Allemagne. Je pense que

22 c'était au Nord.

23 M. Terrier. – Quelle profession exerce-t-il en Allemagne ?

24 Exerçait-il à l'époque en Allemagne ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Mon frère Tomislav est un

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1 cheminot, il travaille au chemin de fer.

2 M. Terrier. – A-t-il une famille en Allemagne ? Avait-il,

3 en 1993, une famille en Allemagne ?

4 M. Alilovic (interprétation). - Mon frère Tomislav a la

5 famille : il a sa femme, il a un fils et une fille. Son fils est marié,

6 lui aussi il travaille en Allemagne, sa fille est mariée, elle aussi

7 travaille en Allemagne, sa femme travaille en Allemagne et puis mon frère

8 également, Tomislav, travaille en Allemagne.

9 M. Terrier. – Monsieur Alilovic, pourquoi Tomislav est-il rentré

10 le 15 avril 1993 ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Pourquoi Tomislav est venu ? Il

12 ne s'attendait à rien, il est arrivé et puis, pendant les trois jours, il

13 avait demandé qui pouvait éventuellement l'emmener jusqu'en Allemagne.

14 S'il était au courant qu'il y avait des choses qui allaient se passer, il

15 ne serait pas venu. Vous pouvez me faire confiance.

16 M. Terrier. – Je vous demande simplement de nous dire pour

17 quelles raisons Tomislav est venu du Nord de l'Allemagne jusqu'à Ahmici le

18 15 avril 1993 ?

19 M. Alilovic (interprétation). - Tomislav est rentré chez lui. Il

20 est venu tout simplement pour voir ce qui se passait à la maison. La

21 maison était vide, la maison se trouvait à côté de la mienne. C'est moi

22 qui surveillais sa maison, c'est moi qui m'en occupais et lui, il était

23 venu plusieurs fois pour visiter un petit peu les lieux et tout ça. Même

24 en ce moment, il s'y trouve. Il travaille en Allemagne mais, de toute

25 façon, il vient de temps en temps visiter ces

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1 lieux.

2 M. Terrier. – Est-ce qu'il avait une raison d'être inquiet du

3 sort réservé à sa maison ?

4 M. Alilovic (interprétation). - Oui. Oui. Il avait des raisons,

5 car pendant cette période, avant et après, il y avait plein de pillages.

6 Il y avait des vols. On cambriolait les maisons. On enfonçait les portes,

7 on rentrait, on pillait ; c'est la raison pour laquelle, bien évidemment,

8 il voulait rentrer pour voir un petit peu ce qui se passe chez lui.

9 M. Terrier. – Auparavant, il était venu quand avant ce voyage

10 d'avril 1993 ? Vous vous souvenez ?

11 M. Alilovic (interprétation). - Tous les trois mois il revenait.

12 Tomislav est en congé, actuellement, maladie. Par conséquent, il n'a pas

13 une obligation pour se rendre au travail, il passe dix jours en Allemagne,

14 quinze jours chez nous à la maison et puis voilà. Il fait les allers et

15 retours.

16 M. Terrier. – Et il vous avait prévenu de son arrivée ?

17 M. Alilovic (interprétation). - Oui, moi je le savais parce

18 qu'on s'appelle au téléphone.

19 M. Terrier. – Par quel moyen est-il rentré du Nord de

20 l'Allemagne ?

21 M. Alilovic (interprétation). - Il est arrivé par bus de

22 l'Allemagne jusqu'à Vitez.

23 M. Terrier. – Vous voulez dire qu'il est venu en bus du Nord de

24 l'Allemagne jusqu'à Vitez ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Vitez a un bus qui part en

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1 Allemagne, qui fait en quelque sorte du ramassage également des gens qui

2 veulent se rendre à Vitez et puis il les ramène effectivement.

3 M. Terrier. – Je voudrais revenir sur un propos que vous avez

4 tenu au sujet de ce jeune garçon qui est arrivé chez vous. Je ne dis pas

5 son nom, nous connaissons son nom, mais

6 je voudrais revenir sur ce qu'il vous a dit selon votre témoignage.

7 Si j'ai bien compris ce que vous avez dit tout à l'heure, ce

8 jeune garçon vous a dit : "Mon père avait quitté la maison en emportant la

9 clef, donc on ne pouvait plus ouvrir la porte d'entrée et c'est pour cette

10 raison que j'ai dû sortir de cette maison par le balcon". Est-ce que c'est

11 bien cela que vous avez dit ?

12 M. Alilovic (interprétation). - Je vais répéter ce que j'ai dit.

13 Ce garçon-là m'a dit qu'ils sont sortis par le balcon, lui-même, son

14 frère, sa sœur, sa mère, parce que leur père est parti dans la mosquée.

15 Dans la nuit, il a verrouillé la porte et il n'avait pas une autre clef de

16 réserve. C'est ce que le garçon m'avait raconté. Le père était parti à la

17 mosquée dans la nuit.

18 M. Terrier. – Dans ce cas, comment est-ce que le jeune garçon

19 vous a expliqué comment le soldat était rentré dans la maison ?

20 M. Alilovic (interprétation). - Non. Ils n'ont pas enfoncé la

21 porte, car ils sont passés par le balcon et donc la porte n'a pas été

22 enfoncée.

23 M. Terrier. – Est-ce que ce jeune garçon vous a expliqué

24 pourquoi les soldats les ont fait sortir de la maison ?

25 M. Alilovic (interprétation). - Non. Je ne sais pas. Je n'ai

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1 aucune idée. Ils lui ont dit qu'il fallait qu'il passe par le balcon à

2 partir du moment où il ne pouvait pas sortir par la porte. Le balcon

3 n'était pas très haut.

4 M. Terrier. – Est-ce que ce jeune garçon vous a dit dans quelles

5 circonstances son frère avait été tué ?

6 M. Alilovic (interprétation). - Je ne sais pas. Il ne m'a pas

7 parlé des circonstances dans lesquelles tout ceci s'est déroulé. Il m'a

8 dit qu'à partir du moment où ils sont sortis par le balcon, qu'on lui a

9 demandé de partir et il a fait une vingtaine de mètres et alors ils ont

10 tiré.

11 M. Terrier. – C'est ce qu'il vous a dit ?

12 M. Alilovic (interprétation). - Nous avons parlé beaucoup. Il

13 m'a parlé de plein de choses et, si j'ai le droit, et si vous êtes

14 intéressé des choses que je pourrais vous raconter, à ce moment-là je peux

15 vous raconter les choses.

16 M. Terrier. – Monsieur Alilovic, si ces faits dont vous avez eu

17 connaissance intéressent le procès, je veux bien les entendre, bien

18 entendu.

19 M. Alilovic (interprétation). – Moi, je ne suis pas intéressé,

20 mais si vous, vous êtes intéressé et si j'ai le droit, si vous me le

21 permettez, moi, je vais vous raconter. Je peux raconter les choses pendant

22 deux heures.

23 M. Terrier. - Monsieur Alilovic, est-ce que ce jeune garçon ;

24 lorsqu'il vous a raconté tout ce qui s'était passé et tout ce qu'il a vu,

25 a nommé par exemple des soldats qu'il aurait reconnus ? Est-ce que ce sont

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1 des choses comme cela que vous avez en mémoire ?

2 M. Alilovic (interprétation). - Non. Il n'a pas nommé qui que ce

3 soit, il n'a même pas reconnu des soldats. Si vous me le permettez, je

4 vous le dis, il m'a dit tout simplement que son père n'avait absolument

5 rien commis comme erreur lors du premier conflit, mais lors du deuxième,

6 oui, et il en a eu pour ça.

7 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez préciser cela,

8 Monsieur Alilovic ? Je ne suis pas sûr d'avoir compris.

9 M. Alilovic (interprétation). - Eh bien voilà, le garçon m'a

10 raconté la chose de la manière différente. Il a dit : "Mon père n'est pas

11 coupable pour le conflit qui venait de se passer, mais lors du premier

12 conflit, son père, il en était coupable, mais qu'on l'a battu, il a eu des

13 "fessées"". C'est comme ça que nous le disons.

14 M. Terrier. - Monsieur le Président, j’ai encore quelques

15 questions, peut-être peut-on les remettre à demain ?

16 M. le Président (interprétation). - Oui.

17 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

18 L'audience est levée à 13 heures 30.

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