Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Jeudi 6 Mai 1999

4 L'audience est ouverte à 9 heures 05.

5 (audience

6 publique)

7 Mlle Lauer. - Bonjour, Monsieur le Président, Messieurs les

8 Juges. Il s'agit de l'affaire IT-95-16-T, le Procureur contre

9 Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic,

10 Dragan Papic, Vladimir Santic.

11 M. le Président (interprétation). - Bonjour. Maître Susak ?

12 M. Susak (interprétation). - Monsieur le Président, ce matin, à

13 7 heures du matin, j'ai reçu une mauvaise nouvelle : la mère de

14 Drago Josipovic est morte cette nuit. Il y a quelques minutes, j'ai eu un

15 entretien avec M. Josipovic, et il m'a dit qu'il souhaitait ne pas

16 assister à l'audience aujourd'hui. Donc c'est à vous, Messieurs les Juges,

17 de décider si nous allons continuer nos travaux ou si nous allons trouver

18 une autre solution.

19 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Susak. Tout

20 d'abord, Monsieur Josipovic, je souhaite exprimer nos condoléances, au nom

21 des membres de la Chambre de première instance. Nous regrettons vraiment

22 cette triste nouvelle et, bien évidemment, c'est clair que M. Josipovic a

23 le droit de quitter ce prétoire à tout moment, tout de suite s'il le

24 souhaite, prendre un peu de repos et penser à sa mère. Je considère que

25 nous devrions continuer avec l'audience mais, comme je viens de le dire,

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1 M. Josipovic peut sortir quand il veut, soit maintenant, soit un peu plus

2 tard.

3 M. Susak (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, vous

4 avez bien compris l'idée que M. Josipovic avait dans la tête, c'est-à-dire

5 qu'il souhaiterait se retirer lui-même et qu'il ne souhaiterait pas

6 bouleverser les procédures, déranger les procédures. Il souhaite que nos

7 travaux continuent.

8 M. le Président (interprétation). - Très bien, c'est ce que nous

9 avons décidé. Donc vous êtes libre de vous retirer quand vous le voulez.

10 Est-ce qu'il y a d'autres commentaires ? Est-ce qu'il y a des

11 questions de procédure dont vous souhaiteriez discuter ? Sinon, nous

12 allons reprendre le contre-interrogatoire de Me Terrier, tout de suite

13 après l'arrivée du témoin.

14 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

15 M. le Président (interprétation). - Bonjour, monsieur Drmic.

16 M. le Procureur continuera avec son contre-interrogatoire.

17 Maître Terrier ?

18 M. Terrier. - Bonjour, Monsieur le Président, bonjour Madame et

19 Monsieur les Juges, bonjour Monsieur le Témoin.

20 Monsieur Drmic, hier vous nous avez dit que vous aviez été

21 mobilisé à la mi-mars 1993, sur un appel téléphonique de Mario Cerkez.

22 Est-ce que vous connaissiez Mario Cerkez à cette époque-là ?

23 M. Drmic (interprétation). - Je souhaite vous corriger. A la mi-

24 mars, j'ai été mobilisé par M. Mario Cerkez, mais il est venu chez moi,

25 dans mon appartement. Ce n'était donc pas suite à un appel téléphonique.

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1 J'ai reçu un appel téléphonique d'un homme du département de la Défense le

2 16 avril. Il m'a dit qu'il fallait que je sorte devant mon immeuble.

3 Donc, la question était de savoir si je connaissais

4 Mario Cerkez, c'est cela ? Je le connaissais très bien, depuis l'année

5 1987, à peu près. C'est à ce moment-là que j'ai commencé à travailler dans

6 la même usine que lui. Nous avions un bon rapport, pour ainsi dire. Un

7 jour, il est venu chez moi, dans mon appartement ; il était annoncé et il

8 était décontracté. Il m'a demandé si je souhaitais travailler au sein de

9 leur brigade, dans les affaires concernant les constitutions de listes et

10 les paies, étant donné qu'il savait quelles étaient mes compétences. J'ai

11 réfléchi pendant quelques secondes -deux, trois, quatre secondes- pour

12 savoir quelle était la réponse que je devrais donner, mais, avant que j'ai

13 eu le temps de lui répondre, il m'a souri et m'a dit : "De toutes façons,

14 même si tu ne veux pas, tu vas être mobilisé !"

15 Dès ce moment-là, je savais à quoi ressemblait la situation à

16 Vitez : étant donné qu'avant que mon entreprise ne m'envoie en attente,

17 comme on appelait cela, une sorte de chômage technique, j'étais dans mon

18 appartement. Quand je partais au travail, à une distance de dix à quinze

19 minutes à pied entre mon appartement et mon entreprise, il fallait

20 traverser ce qu'on appelle Mahala, une partie de la ville entre l'usine et

21 la ville, qui était peuplée de Musulmans, qui était une partie purement

22 musulmane ; j'ai remarqué tout d'un coup qu'il y a eu des blockhaus dans

23 cette Mahala ; il s'agissait d'abris, de blockhaus faits de bois.

24 Ce jour-là, j'étais étonné : je ne voyais pas le but de cela et

25 j'étais surtout très étonné voyant que les trous destinés à l'usage de

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1 l'armement étaient tournés vers la ville et non pas vers Travnik, étant

2 donné que nous nous attendions à ce que ce soit de cet endroit-là que

3 pourraient venir des attaques serbes contre notre vallée. C'est à ce

4 moment-là que j'ai été un peu surpris, un peu effrayé aussi. Je me doutais

5 que la guerre s'approchait, étant donné qu'à ce moment-là, les opérations

6 de guerre existaient déjà ; il y en a eu déjà entre les Croates et les

7 Musulmans, par exemple, à Busovaca et à Gornji Vakuf.

8 D'ailleurs, au mois d'octobre 1992, il y a déjà eu un conflit à

9 Vitez, entre les Croates et les Musulmans. Ce conflit a duré pendant cinq

10 ou six jours ; après cela, les gens ont continué à aller à l'usine

11 ensemble et à travailler ensemble comme si de rien n'était, comme si rien

12 ne s'était passé. Ce qui fait que, même en ce qui concerne ce nouveau

13 conflit, on se disait que cela allait être quelque chose de court.

14 Cependant, les choses ont pris un autre cours, comme on le sait.

15 M. Terrier. – Selon les explications que vous nous avez données

16 hier, jusqu'à cette date du mois de mars 1993 à laquelle vous êtes

17 mobilisé, jusqu'à cette date, vous étiez réserviste ?

18 M. Drmic (interprétation). – En fait, j'étais au travail, je

19 gardais mon travail. Concernant le statut de réserviste, chaque homme

20 en âge de combattre, après avoir terminé son service militaire, est

21 enregistré auprès de notre département de la Défense et il est

22 automatiquement réserviste. Ce qui veut dire qu'en cas de besoin, nous

23 sommes censés répondre à la mobilisation. Donc il ne s'agit pas

24 seulement de moi-même, mais chaque homme en âge de combattre était un

25 réserviste. Je ne sais pas si l'on emploie les mêmes termes.

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1 M. Terrier. – Nous allons essayer de définir le terme de

2 réserviste. Quelles étaient les obligations d'un réserviste, à cette

3 époque-là, à cet endroit-là ?

4 M. Drmic (interprétation). – Concernant nos obligations en tant

5 qu'hommes en âge de combattre, en cas de mobilisation, nous devions nous

6 présenter au poste de rassemblement. C'était tout ; je n'avais pas une

7 sorte de déploiement de guerre, je n'avais de nouveau livret des nouvelles

8 autorités du nouvel Etat, étant donné que tout ce qui se trouvait dans les

9 archives appartenait aux archives de l'ex-Yougoslavie. Mais dès

10 auparavant, quand nous avons fait notre service militaire, nous avons reçu

11 la formation et l'entraînement et nous savions qu'en tant qu'hommes en âge

12 de combattre, au cas où le département de la Défense nous contactait, nous

13 devions nous présenter à un certain poste de rassemblement. Cela dit, je

14 n'ai pas eu un déploiement concret.

15 M. Terrier. - Est-ce qu'un réserviste est astreint à des

16 périodes d'entraînement ?

17 M. Drmic (interprétation). - Peut-être qu'il avait cette

18 obligation durant l'existence de l'ex-Yougoslavie, étant donné qu'il

19 s'agissait là d'une armée qui avait fonctionné pendant 50 ans déjà. Donc

20 des réservistes, à l'époque, à mon avis, avaient des entraînements de

21 temps en temps. Mais, en ce qui nous concerne, en Bosnie-Herzégovine, nous

22 n'avions aucun entraînement, aucun appel, aucun rassemblement.

23 M. Terrier. - Est-ce qu'un réserviste -et je ne parle pas de

24 l'ancienne Yougoslavie, je parle de la Bosnie centrale, à l'époque qui

25 nous occupe, c'est-à-dire fin 1992 et début 1993-, est-ce qu'à cette

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1 époque-là, en Bosnie centrale, un réserviste, membre de la communauté

2 croate de Bosnie, disposait chez lui d'un équipement militaire ou

3 d'éléments d'équipement militaire ?

4 M. Drmic (interprétation). - Non. Personne n'avait d'équipement

5 militaire ni quelque arme que ce soit. Sauf ceux qui appartenaient aux

6 formations militaires actives qui ont commencé à fonctionner, disons, six

7 mois ou un an avant la guerre.

8 M. Terrier. - Est-ce que vous-même aviez un grade dans l'armée

9 du HVO ?

10 M. Drmic (interprétation). - Je n'ai eu aucun grade jusqu'au

11 moment de ma mobilisation. Cela dit, au moment où j'ai été mobilisé, mon

12 poste était celui de chef du département financier, ce qui entraînait

13 automatiquement le grade de commandant ; ce qui est un grade extrêmement

14 élevé. Mais c'est seulement par la suite, durant la guerre et dans la

15 deuxième partie de la guerre, qu'on attribuait de vrais grades

16 individuellement. Et moi, j'ai passé presque un an au sein de la brigade

17 de Vitez. Après cela, j'ai été muté dans la 3ème Brigade des Gardes qui a

18 été créée en janvier, février 1994.

19 Et c'est là que j'ai été membre du commandement de cette brigade

20 en tant que l'adjoint du commandant, chargé de l'informatique. Et ce poste

21 entraînait le grade de commandant de compagnie, de capitaine. Cela dit,

22 quand j'ai quitté l'armée, je souhaitais le faire à partir de

23 septembre 1994, étant donné que je voulais m'occuper de mon propre métier.

24 C'est à ce moment-là que j'ai été démobilisé, que j'ai quitté l'armée.

25 Après ce moment-là, je n'ai plus eu de grade. C'est donc seulement pendant

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1 la guerre que j'exerçais les fonctions à un poste qui entraînait un

2 certain grade, mais je n'ai jamais reçu ce grade avant la guerre ou après

3 la guerre.

4 Donc, en 1994, j'ai reçu le livret militaire et, dans ce livret,

5 il figure que je suis soldat. Je pense qu'il s'agissait là d'une sorte

6 d'injustice vis-à-vis de moi, vu mes qualifications et vu le temps que

7 j'ai passé au sein de l'armée. Mais cela dit, personnellement, ceci

8 n'était pas une affaire extrêmement importante ; donc je n'ai rien fait.

9 Donc, maintenant, j'ai le statut d'un soldat, j'ai un livret où figure

10 "Soldat sans aucun grade".

11 M. Terrier. - L'injustice à laquelle vous vous référez a été

12 commise par qui ? Par les nouvelles autorités de Bosnie ?

13 M. Drmic (interprétation). - Je crois tout simplement qu'il

14 s'agissait d'une sorte d'omission étant donné qu'au moment où l'on

15 attribuait les grades dans la brigade de Vitez, j'étais en train d'être

16 muté dans la brigade des Gardes. Et ils considéraient que c'est là que

17 j'allais réaliser mes droits. Pendant cette procédure, au sein de la

18 brigade des Gardes, j'ai été au sein de cette brigade à partir de disons

19 janvier, février 1994 ; au moment où les propositions de promotion étaient

20 faites, j'ai quitté déjà la brigade. Et, par la suite, personne n'a pensé

21 à prendre mon dossier et à corriger cette erreur. Je pense, je peux dire

22 qu'à plusieurs reprises, j'ai parlé avec certains officiels que je

23 connaissais depuis la guerre, mais je n'ai jamais fait une demande par

24 écrit pour demander qu'un tel grade me soit attribué.

25 M. Terrier. - Pendant la guerre, est-ce que vous êtes toujours

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1 resté dans les bureaux ou est-ce que vous vous êtes battu sur le front ?

2 M. Drmic (interprétation). - Pendant la guerre j'ai toujours été

3 dans les bureaux. Et presque chaque nuit je dormais dans mon appartement,

4 sauf si j'étais de permanence en tant que membre de commandement au sein

5 du commandement de la brigade. Dans ce cas-là, je passais la nuit dans le

6 quartier général de la brigade. Cela dit, je ne disposais pas d'armes non

7 plus. J'avais un pistolet que j'ai reçu comme cadeau du frère de mon

8 épouse, il était soldat. Il est mort en décembre 1993. C'est donc ce qui

9 m'a permis d'avoir ce pistolet sur moi pendant la guerre mais je n'ai

10 jamais tiré une seule balle de ce pistolet et je n'ai jamais reçu d'autres

11 armes.

12 M. Terrier. - Je voudrais, monsieur le témoin, recueillir votre

13 explication sur un document qui a déjà été communiqué au Tribunal, c'est

14 la pièce D39/2, pièce de la défense.

15 (L'huissier s'exécute.)

16 Monsieur le témoin, ainsi que vous pouvez le constater, ce

17 document a été établit à la date du 24 avril 1993, il est signé de

18 Zvonimir Cilic et il rapporte les noms des personnes qui ont été soit

19 tuées soit blessées au cours des opérations de la brigade de Vitez.

20 J'appelle votre attention en bas à gauche de la première page, au regard

21 du chiffre 7 figure le nom de Zoran Drmic.

22 M. Par (interprétation). - Nous n'avons pas de copie de cette

23 pièce. Est-ce que l'on pourrait mettre cela sur le rétroprojecteur, s'il

24 vous plaît ?

25 (L'huissier s'exécute.)

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1 M. le Président (interprétation). - Je ne vois pas le nom de

2 Zoran Drmic ici. Quel numéro ?

3 M. Terrier. - En bas de la première page à gauche, Monsieur le

4 président, on peut voir un nø 7 au regard duquel figure le nom de

5 Zoran Drmic mais je me rends compte que certaines copies sont tronquées

6 sur le bas. Je vais donc remettre à M. l'huissier cette copie.

7 M. le Président. - En effet, dans la copie que nous avons reçue,

8 il n'y a pas de nø 7. On passe du 6 au 8.

9 M. Drmic (interprétation). - Oui, je vois maintenant. Lorsque

10 nous avons parlé hier de liste, de formation de la brigade et de mes

11 fonctions, à plusieurs reprises j'ai dit qu'il ne suffit pas d'avoir

12 simplement le nom de famille et le prénom sans la date de naissance et le

13 nom du père ; Ce n'est pas une information suffisante.

14 A Vitez, pour être précis, il y a 4 Zoran Drmic. Et souvent j'ai

15 des problèmes mineurs à cause de cela parce que mon courrier arrive chez

16 eux, je reçois leur courrier à eux et même lorsque je travaillais à

17 l'usine, quelquefois les remboursements de dettes étaient déduits de mon

18 salaire au lieu d'autres.

19 J'en connais trois. Je crois que je sais de qui il s'agit ; Le

20 nom de son père est Nikolq. Est-ce qu'il est né en 1963 ou en 1965, je

21 n'en sais rien mais son père s'appelle Nikolq, ce n'est pas moi. Moi, j'ai

22 été blessé mais c'était en 1994, le 30 janvier 1994. J'ai été blessé, j'ai

23 reçu un éclat d'obus en route de mon appartement au siège de la brigade.

24 Un obus est tombé juste devant moi à une trentaine ou une quarantaine de

25 mètres devant moi, a frappé un arbre et celui-ci a pris la plus grande

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1 partie du coup. J'ai reçu un gros fragment d'obus dans l'aine et j'ai donc

2 été hospitalisé jusqu'à la fin de la guerre. J'ai tous les documents

3 médicaux nécessaires pour le prouver. J'ai été déclaré invalide à 20 %

4 après cela. Donc ces listes de blessés, qui portent sur les premiers

5 jours... Je connais la plupart de ces personnes, la plupart de ces noms,

6 car je les ai mis sur l'ordinateur. Je connais d'autres noms : "34" est un

7 ami, je vous en ai déjà parlé d'ailleurs, quand je vous ai dit à quoi le

8 front ressemblait. C'était Goran Martinovic, c'était le 22.

9 M. Terrier. - Merci. Nous allons évoquer maintenant, monsieur le

10 Témoin, les relations que vous aviez avec l'accusé Vlatko Kupreskic. Vous

11 nous avez dit que vous avez fait sa connaissance avant la guerre, alors

12 que vous travailliez tous les deux dans la même compagnie. Est-ce qu'à

13 cette époque-là, vous aviez noté qu'il pouvait être atteint de problèmes

14 de santé ou pouvait souffrir, dans la vie quotidienne, à cause de

15 problèmes de santé ?

16 M. Drmic (interprétation). - C'est exact. J'avais fait la

17 connaissant de Vlatko pendant la guerre, lorsque nous avions nos bureaux

18 respectifs dans le même immeuble. Mais nous n'étions que des connaissances

19 d'occasion, nous nous saluions au passage, c'était tout. Peut-être

20 échangions-nous quelques mots, nous nous serrions la main, parce que nous

21 travaillions ensemble. Mais c'était tout. Je ne savais pas quel était son

22 état de santé. J'ai été d'autant plus étonné quand il est venu dans mon

23 bureau, pendant la guerre, et qu'il a remis ce document à (expurgé).

24 C'est seulement à ce moment-là que j'ai appris son état de santé.

25 Est-ce que vous me permettez de demander quelque chose ? Ce

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1 moniteur scintille un petit peu et ça me dérange un petit peu. Est-ce

2 qu'on peut l'éteindre, s'il vous plaît ?

3 (L'huissier s'exécute.)

4 M. Drmic (interprétation). - Je vous remercie.

5 M. Terrier. - Par conséquent, monsieur le Témoin, lorsque vous

6 avez rencontré et fréquenté dans les conditions que vous avez décrites

7 M. Vlatko Kupreskic avant la guerre, il n'apparaissait pas qu'il pouvait

8 souffrir d'un quelconque problème de santé dans la vie quotidienne qui

9 était la sienne à l'époque ?

10 M. Drmic (interprétation). - Non. Cela ne semblait pas être le

11 cas et nous n'en n'avons pas du tout parlé. Mes relations avec lui étaient

12 telles que je l'ai vu pour la première fois lorsque je suis allé à l'armée

13 pour la première fois. J'avais 18 ans. Il était d'usage de faire une fête.

14 Et Vlatko Kupreskic est venu avec un ami qui jouait de l'accordéon. C'est

15 la première fois que je l'ai vu. Après cela, nous nous sommes vus assez

16 rarement dans notre compagnie. C'est cela qui, en fait, nous liait d'une

17 certaine façon. Mais on ne s'est jamais assis ensemble pour boire un café,

18 pour bavarder. Rien de tel.

19 M. Terrier. - Vous avez dit hier qu'après la guerre, vous êtes

20 entré en relation d'affaires avec Vlatko Kupreskic et qu'en 1995, par

21 exemple, vous vous êtes rencontrés pratiquement tous les jours. Est-ce que

22 vous pouvez préciser ces relations d'affaires que vous avez eues avec

23 M. Valtko Kupreskic ?

24 M. Drmic (interprétation). - Vers octobre ou novembre, il m'a

25 appelé par téléphone, moi et un de mes amis parce que nous venions de

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1 constituer notre société, notre compagnie qui devait assurer les services

2 de comptabilité à des entreprises privées. Et lui, il était en train de

3 créer sa propre société, il voulait faire de la comptabilité, enfin une

4 recherche. Il ne voulait pas avoir de problème avec les autorités et il

5 s'est adressé à nous. Sa société était en train de prospérer de jour en

6 jour, donc nous avons travaillé ensemble en 1995, 1996, 1997, 1998. En

7 fait, je continue de travailler avec cette société, bien qu'il soit

8 absent. Mais son épouse s'est adressée à nous. Je connais ses employés. Je

9 sais qu'il a des ordinateurs dans ses bureaux. J'ai installé des

10 programmes, des logiciels pour ses marchandises ! Donc je connais son

11 entreprise. Il venait assez souvent dans mon bureau, tous les dix, quinze

12 jours ou, en tout cas, une fois par mois, pour vérifier la comptabilité,

13 voir s'il y avait des documents qui manquaient, voir si tout était en

14 ordre à ce sujet.

15 M. Terrier. – Pendant cette période où vous étiez en relations

16 d'affaires, est-ce que l'état de santé de M. Vlatko Kupreskic vous a paru

17 lui poser des difficultés ou des problèmes ?

18 M. Drmic (interprétation). – Non, cela ne semblait pas poser de

19 problème, même si, à l'époque, j'ai pu avoir un avis différent, car

20 (expurgé) m'avait dit qu'il avait un simulateur cardiaque. Alors,

21 j'essayais de voir si ça lui posait problème ou pas. Deux ou trois ans

22 plus tard, je lui ai finalement demandé s'il avait un simulateur

23 cardiaque ; il m'a dit que non, qu'il n'en n'avait pas, mais qu'il avait

24 eu une opération cardiaque. Il est possible que (expurgé) ait mal compris

25 et cru qu'il avait un simulateur cardiaque, mais je n'ai pas vu qu'il ait

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1 des problèmes de santé, quelque chose qui l'empêcherait de vaquer à ses

2 activités.

3 M. Terrier. – Serait-il exact de dire que diriger une entreprise

4 telle que celle qu'il dirigeait exigeait des qualités d'activité et

5 physiques importantes ? C'est un métier particulièrement actif ?

6 M. Drmic (interprétation). – On peut le dire, mais pas

7 nécessairement : il se peut qu'il ait simplement eu à appeler au téléphone

8 ses partenaires, peut-être que c'est sa femme qui s'occupait de cela ;

9 elle s'occupait de la comptabilité, entre autres. Si je me souviens bien,

10 elle était en fait la gérante de la société, du moins sur papier. Mais je

11 savais qu'en fait, c'était Vlatko qui menait la compagnie ; c'est grâce à

12 ses activités que la société avait survécu parce que, dans ce secteur,

13 dans ce domaine de vente en gros de denrées alimentaires, la concurrence

14 était rude.

15 M. Terrier. – Peut-on dire, Monsieur le Témoin, que cette

16 entreprise dirigée par Vlatko Kupreskic, était, en 1994, 1995, 1996, une

17 entreprise prospère et qui connaissait un développement constant ?

18 M. Drmic (interprétation). – Oui, on peut le dire. Car

19 l'entreprise s'améliorait d'une année à l'autre. Il est allé à La Haye et,

20 d'un seul coup, la société a vu ses affaires diminuer ; il y a eu de

21 lourdes pertes. Je ne sais pas ce que sera son avenir, je ne sais pas

22 encore combien de temps il pourra continuer son activité. C'est peut-être

23 un peu confidentielle comme information, je ne sais pas si je devrais

24 révéler d'informations au sujet de son entreprise ?

25 M. Terrier. – Je ne vous en demanderai pas davantage en tout

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1 cas.

2 Revenons à la période de la guerre. Vous nous avez dit que le

3 nom de Vlatko Kupreskic était dans l'ordinateur, avec la mention de son

4 inaptitude au service. Pour quelle raison avait-on introduit le nom de

5 Vlatko Kupreskic dans l'ordinateur s'il ne pouvait pas être mobilisé ?

6 M. Drmic (interprétation). – La raison en était que toutes les

7 listes qui arrivaient dans notre bureau étaient analysées très en détail.

8 Et, quelles que soient les circonstances, on inscrivait sur cette liste

9 toute personne qui était inscrite. Mais, quand nous sommes allés voir sur

10 le terrain, pour déterminer si la personne en question faisait

11 effectivement partie de la brigade ou pas, pour que nous ayons des

12 statistiques et que nous sachions exactement qui était membre et qui

13 appartenait à quoi, plus tard, quand les unités ont été constituées,

14 lorsqu'on a créé les différentes unités, ventilé les choses en unités,

15 bataillons, etc., nous avons interviewé chacun des intéressés ; ceux qui

16 ne portaient pas de code, on disait : "Où est-il affecté ?" Surtout pour

17 le secteur sud. Nous demandions au commandant où se trouve cette personne,

18 il disait qu'il n'est pas membre de la compagnie ou il est membre de la

19 compagnie. A ce moment-là nous indiquions son affectation. Lorsque le

20 commandant disait : "Il ne fait pas partie de l'unité." Ou bien : "Il est

21 inapte." A ce moment-là, nous le notions. On ne pouvait pas rencontrer

22 tout le monde. C'est la parole du commandant qui faisait foi. Nous étions

23 obligés de le croire.

24 M. Terrier. - Par conséquent, Monsieur le témoin, si le nom de

25 Vlatko Kupreskic figurait dans votre ordinateur c'est qu'il se trouvait

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1 sur une liste que vous avez recopiée ?

2 M. Drmic (interprétation). - Je crois que c'était la liste que

3 nous avons vue hier. C'est la pièce qui a été fournie par la défense. Je

4 crois que c'est ça la liste qui nous a été envoyée et il se peut que ce

5 soit la première liste dont nous ayons disposé. Cependant, à l'époque,

6 nous ne savions pas qui était dans quelle unité. J'ai déjà dit qu'il

7 manquait souvent le nom du père, la date de naissance, nous ne savions pas

8 où se trouvait chacun des soldats, sur la liste initiale en tout cas.

9 M. Terrier. - Voulez-vous nous rappeler, Monsieur le témoin, de

10 quelle liste vous parlez à cet instant ?

11 M. Drmic (interprétation). - J'avais une liste ici, hier, signée

12 par Marijan Skopjak et l'en-tête était le ministère de la Défense, rapport

13 de mobilisation, je crois. Le responsable du bureau l'avait envoyée à

14 quelqu'un pour que les intéressés sachent qu'il avait fait quelque chose.

15 Je ne sais pas qui a compilé cette liste, si elle est authentique ou non.

16 M. Terrier. - Monsieur le témoin, cette liste porte la date, si

17 ma mémoire est exacte, du 22 ou du 23 avril 1993 ? Voulez-vous dire que le

18 nom de Vlatko Kupreskic n'a pas été introduit dans votre ordinateur et

19 dans vos listes avant cette date du mois d'avril 1993 ?

20 M. Drmic (interprétation). - Pour autant que je me souvienne,

21 hier, cette liste était datée du 29 avril et jusqu'à cette date nous

22 n'avions pour ainsi dire pas de liste sur nos ordinateurs. Cela a été un

23 point de départ. Nous n'avons eu de liste plus complète que dans le

24 courant de mai ou de juin. Mais tout au début, c'est-à-dire en avril, ces

25 gens qui figuraient sur cette liste nous ne les avions pas dans nos

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1 archives, car nous n'avions que la partie active de ces unités.

2 M. Terrier. - Monsieur le Témoin, vous nous avez raconté hier

3 qu'en septembre 1993, Vlatko Kupreskic a été conduit devant vous ou peut-

4 être devant (expurgé) mais vous étiez présent et il a été conduit par

5 deux policiers en uniforme pour qu'une affectation lui soit trouvée. Vous

6 nous avez dit aussi que vous aviez un souvenir extrêmement précis de cette

7 scène comme si cela s'était passé hier. Est-ce que vous pouvez expliquer

8 pourquoi cette scène a été si frappante ?

9 M. Drmic (interprétation). - J'ai trouvé frappant que

10 (expurgé) m'ait regardé d'une drôle de manière, elle était peut-

11 être un petit peu fâchée et la façon dont elle m'a parlé aussi m'a frappé.

12 Je l'ai regardée d'un air interrogateur, je ne comprenais pas très bien de

13 quoi il s'agissait alors elle m'a dit : "Ils m'amènent tous ces inaptes,

14 ils me demandent de les mobiliser et de les affecter quelque part. Qu'est-

15 ce que je vais en faire ?" Elle m'a dit : "Je vais les mettre dans un

16 service médical comme chauffeur." Je m'en souviens davantage du fait de la

17 réaction de (expurgé) mais parce que c'était M. Kupreskic. Si les

18 circonstances avaient été différentes, si (expurgé) n'avait pas réagi comme

19 elle l'a fait, je ne m'en serais peut-être pas souvenu, parce que nous

20 avons eu souvent des cas de gens qui nous étaient amenés. Je crois que

21 c'était pendant que les combats étaient les plus vifs dans notre vallée.

22 Il y avait de lourdes pertes et l'ordre du commandement était

23 essentiellement que personne ne soit considéré comme inapte. Tout le monde

24 devrait participer à la défense.

25 M. Terrier. - Vous nous avez dit hier, Monsieur le Témoin, que

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1 dans les circonstances de l'époque, quand l'ennemi attaquait, chacun

2 devait apporter sa contribution à l'effort de défense et dans la mesure de

3 ses moyens. A votre connaissance, quelle a été la contribution apportée

4 par Vlatko Kupreskic à cet effort de défense, entre le mois d'avril 1993

5 et le mois de septembre 1993, date à laquelle vous l'avez rencontré ?

6 M. Drmic (interprétation). - Non. Je ne sais pas. Je ne l'ai pas

7 vu à l'époque. Je ne l'ai pas vu non plus juste avant la guerre. Donc je

8 ne sais pas de quelle façon il contribuait ou s'il l'était. Je sais que,

9 d'après l'ordinateur, son nom était là, mais il n'avait pas d'affectation.

10 Il n'était pas clair qu'il avait été affecté à tel ou tel bataillon,

11 compagnie ou autre, au moment où il a été amené.

12 M. Terrier. - Pour que les choses soient parfaitement claires

13 sur ce point, Monsieur le Témoin, ce que vous nous rapportez, c'est que

14 l'ordinateur n'indique rien à cet égard et que, par ailleurs, vous n'avez

15 aucun souvenir personnel sur ce qu'a été l'action de M. Vlatko Kupreskic à

16 cette époque ? Je parle d'avril à septembre 1993.

17 M. Drmic (interprétation). - C'est exact. A l'époque, je ne

18 voyais pas M. Vlatko Kupreskic, je ne savais pas quelles étaient ses

19 activités, ce qu'il a fait ou n'a pas fait.

20 M. Terrier. - Monsieur le Témoin, devant ce Tribunal, à une

21 autre occasion, nous avons appris que, selon les textes qui étaient

22 applicables au HVO, la mobilisation pouvait être publique ou secrète,

23 partielle ou complète. Selon votre expérience et la fonction que vous

24 aviez à l'époque, est-ce que vous pouvez nous expliquer ce qu'était une

25 mobilisation secrète ?

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1 M. Drmic (interprétation). - Non, je ne pourrai pas parce que

2 j'entends parler de ces choses-là pour la première fois. Et ma fonction,

3 en fait, était tout simplement de traiter ces listes. Les données qui

4 étaient sur l'ordinateur étaient disponibles. Je ne pouvais pas établir

5 des listes en cinq minutes. Donc, sans les ordinateurs, je ne sais pas

6 quel genre d'informations nous aurions pu produire du tout.

7 M. Terrier. - Je vous remercie, Monsieur le Témoin. Je n'ai pas

8 d'autre question, Monsieur le Président.

9 M. le Président. - Merci beaucoup, Maître Terrier. Maître Par ?

10 M. Par (interprétation). - Pas d'autre questions, votre Honneur.

11 Merci, merci.

12 M. le Président. - Nous n'avons donc pas d'autre question.

13 Monsieur Drmic, merci d'être venu à La Haye. Vous pouvez disposer.

14 (Le témoin est reconduit hors du prétoire.)

15 M. le Président (interprétation). - Nous allons appeler le

16 témoin n° 3. Y a-t-il des mesures de protection qui ont été prévues ?

17 M. Par (interprétation). - Ce témoin a demandé une audience à

18 huis clos, car son témoignage pourrait avoir des conséquences. Peut-être

19 que la teneur de son témoignage ne le justifie pas. C'est sa demande

20 personnelle : il a demandé que ce soit fait et a demandé le huis clos.

21 M. le Président (interprétation). - Très bien, ce sera le cas.

22 Nous allons donc passer en audience à huis clos et faire entrer ensuite le

23 témoin.

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25 (audience à huis clos)

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12 Pages 8765 à 8832 - expurgées – audience à huis clos.

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25 L'audience est levée à 13 heures.