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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-16-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 LE PROCUREUR
4 C/
5 KUPRESKIC
6
7 Jeudi 22 Juillet 1999
8
9 L'audience est ouverte à 9 heures 03.
10 Mme Lauer. – Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran
11 Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan
12 Papic et Vladimir Santic.
13 M. le Président (interprétation). – Bonjour. Maître Terrier ?
14 M. Terrier. – Bonjour, Monsieur le Président, Madame le Juge,
15 Monsieur le Juge. Bonjour Monsieur le Témoin.
16 Je voudrais que vous précisiez ce que vous entendez par une
17 attaque de Moudjahidine. Vous nous avez dit hier avoir été prévenu de
18 cette attaque imminente de Moudjahidine et avoir évacué votre maison pour
19 cette raison. Qu'entendez-vous par une attaque de Moudjahidine ? A quoi
20 pensez-vous précisément quand on vous parle de cela ?
21 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je vais vous le dire. A
22 l'époque, s'il s'agissait de nous faire peur ou si quelque chose nous
23 faisait peur, c'est justement les Moudjahidine. Nous savions qu'il
24 s'agissait de mercenaires étrangers prêts à tout ; ils étaient prêts à
25 tout faire, à égorger, tuer. Nous avions vraiment une peur énorme, ne
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1 serait-ce qu'en entendant ce mot. Avec ce qui s'était passé, dans le
2 passé, à Dusina et dans d'autres localités, nous avions appris des choses.
3 M. Terrier. – Monsieur le Témoin, quand on vous parle d'une
4 attaque de Moudjahidine, vous pensez à des barbares qui vont s'attaquer
5 aux maisons croates et tuer les civils croates ? C'est à cela que vous
6 pensez ?
7 M. M. Kupreskic (interprétation). - A peu près cela, oui.
8 M. Terrier. – Pourtant, comment se fait-il que, seuls, les
9 Croates habitant à proximité des Musulmans aient été évacués ? Comment se
10 fait-il, par exemple, que seules les maisons Kupreskic aient été évacuées,
11 mais pas les maisons de Zume, pas les maisons occupées par les familles
12 Sakic ? Il aurait été logique d'évacuer toutes ces maisons si l'attaque
13 des Moudjahidine devaient venir du nord. Ne pensez-vous pas comme moi ?
14 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas pourquoi ces
15 maisons-là, elles aussi, n'ont pas été évacuées, ainsi que d'autres
16 maisons. Ce que je sais, c'est ce qu'on m'a dit le matin en question. Je
17 sais quelle est l'information que j'ai reçue. Auparavant, quand je me
18 mettais à l'abri, c'étaient nos maisons qui étaient en bordure ; vous
19 savez, mon frère et moi, nous étions les seuls là-haut, nous étions les
20 plus exposés, nous, avec nos maisons. Et nous sommes les seuls qui nous
21 soyons mis à l'abri, notamment après ce premier conflit où nous avions eu
22 du mal à mettre à l'abri nos enfants. Pour moi, c'était très difficile et
23 cela a été vraiment terrible à l'époque. C'est ainsi que je me sentais
24 dans cette partie.
25 M. Terrier. – Mais, si vous attendez, si vous craignez une
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1 attaque de Moudjahidine venant du nord, vous conviendrez avec moi que Zume
2 et les maisons de Zume sont exposés à cette attaque ?
3 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, je suis d'accord sur le
4 fait que Zume soit également exposée à l'attaque, mais nous ne savions pas
5 où aller. Croyez-moi, il n'y a pas d'autre endroit.
6 M. Terrier. – Vous ne savez pas où l'attaque va se produire,
7 mais Zume et les maisons de Zume sont exposées à cette attaque que vous
8 craignez et pourtant, vous ne prenez pas de mesures de précaution pour
9 protéger les abris, par exemple ?
10 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je vais vous le dire. Là où
11 nous sommes revenus depuis l'abri où j'ai laissé ma famille et la partie
12 près de la maison de Niko Sakic, il y avait des gens, il y avait un abri.
13 Quant à l'autre abri, chez Niko Vidovic, il y avait des gens, mais c'est
14 ce que j'ai appris plus tard : à l'époque, je ne savais pas qu'il y aurait
15 des coups de feu. Personne ne le savait. Quant aux Vrebac, c'est le cœur
16 de Zume, c'est le cœur de l'installation croate. Il faut traverser cette
17 partie pour atteindre l'autre.
18 M. Terrier. – Vous craignez une attaque des Moudjahidine, vous
19 pensez qu'ils vont s'en prendre aux maisons croates et pourtant, vous
20 restez dans la dépression, sur le bord de la dépression, sur le bord Est
21 de la dépression à observer ce qui peut se passer dans la partie musulmane
22 du village ; est-ce que ce n'est pas totalement illogique ?
23 M. M. Kupreskic (interprétation). - Nous n'étions pas là pour
24 observer ce qui allait arriver dans la partie musulmane du village. Comme
25 je l'ai dit, au moment où les coups de feu ont retenti, nous nous sommes
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1 précipités dans cette dépression. Peut-être était-ce fou, mais nous nous
2 mettions à l'abri, d'une part, et d'autre part, on cherchait à rester près
3 de l'abri, près de l'endroit où étaient les femmes et les enfants dans la
4 maison de Niko Sakic. Et puis on contrôlait le chemin, le sentier ; c'est
5 par là qu'on s'attendait à ce qu'éventuellement, il y ait des soldats ou
6 des personnes qui auraient de mauvaises intentions. Donc au moins, on
7 aurait tenté d'empêcher que le mal ne soit fait.
8 M. Terrier. - Est-ce que vous savez aujourd'hui combien de
9 personnes sont mortes à Grabovi et combien de maisons ont été brûlées ?
10 Est-ce que vous avez une idée de cela ?
11 M. M. Kupreskic (interprétation). - Aujourd'hui, vu d'ici, et
12 par rapport à l'ensemble du procès qui s'est déroulé ici et tout ce que
13 j'ai pu entendre, je sais ce que, à l'époque, je ne savais pas.
14 Je n'ai appris qu'au fur et à mesure le 16, le 17, le 18, puis
15 par la suite grâce aux différentes histoires que j'ai entendues un mois
16 plus tard également, d'autres informations, mais ce n'est qu'ici que je me
17 suis rendu compte de l'ensemble des victimes et de la portée des
18 destructions et de l'ensemble des maisons brûlées.
19 Je vous ai dit que quand on est sorti vers Pirici, je me suis
20 rendu compte de l'horreur du village brûlé, des biens détruits. C'était
21 vraiment désert, fantomatique, et aujourd'hui, je sais quel a été le
22 nombre de victimes humaines.
23 C'est ce que j'ai appris ici, je ne sais pas si ce sont les
24 chiffres définitifs.
25 M. Terrier. - Quand vous revenez le 18 au matin vers vos
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1 maisons, est-ce que vous allez voir ce qui s'est passé à Grabovi, autour
2 de vos maisons, ou est-ce que vous allez seulement dans votre maison ?
3 M. M. Kupreskic (interprétation). - Ce jour-là, j'ai pu arriver
4 à ma maison. Je n'ai même pas tenté d'aller au-delà. La seule chose que
5 j'ai pu voir pendant que je venais vers ma maison, c'est ce qui se trouve
6 dans les environs. J'ai vu les maisons brûler dans les parages. Je n'ai
7 pas tenté, je n'avais, ni l'intention, ni le besoin d'y aller et comme je
8 l'ai dit, j'ai passé très peu de temps là-bas, je vous ai décrit comment
9 je suis retourné.
10 M. Terrier. - Vous nous avez parlé de votre maison en disant
11 qu'elle avait été dévastée et cambriolée. Est-ce que ces dégâts ont été
12 constatés d'une manière ou d'une autre, soit par des factures de
13 réparation, soit par des déclarations pour indemnisation ? Est-ce qu'il y
14 a un document établissant ces dévastations ?
15 M. M. Kupreskic (interprétation). - Il n'y a pas de document. Je
16 n'ai pas demandé qu'un document soit délivré, je n'en aurais pas eu
17 l'idée. Comme je l'ai dit, pourvu que cette maison ait brûlé parce que
18 s'il n'y avait plus de maison, peut-être que moi non plus je ne serais pas
19 ici. Je n'avais vraiment pas besoin de demander ce genre de document.
20 M. Terrier. - A quelle date est-ce que vous êtes retourné vivre
21 dans cette maison ?
22 M. M. Kupreskic (interprétation). - 10 ou 15 jours plus tard,
23 donc après ces événements qui se sont produits. J'ai réussi à transporter
24 ma famille à Vitez chez quelqu'un qui ne vivait plus chez elle parce
25 qu'elle était en Suisse, chez la soeur de mon épouse.
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1 Un obus est tombé le 10 juin. En fait, cette maison à Vitez se
2 trouvait à quelques mètres de l'endroit où cet obus est tombé, a tué des
3 enfants. Cet obus est tombé sur les genoux de cette femme qui était
4 handicapée et qui tenait sur ses genoux un garçon, et donc la seule idée
5 que j'ai eue à ce moment-là, c'est de ramener ma famille à Ahmici.
6 Après la guerre, quand la guerre s'est terminée, j'ai essayé par
7 tous les moyens d'avoir un appartement et j'ai pu avoir un contrat signé
8 sur 8 ans. Je rembourse cet appartement 300 à 350 marks et puis donc
9 actuellement, comme je suis ici, ces gens qui sont très raisonnables m'ont
10 reporté le remboursement de la dette parce que je ne peux pas vivre là-
11 bas, je ne peux pas vivre à l'endroit où un crime à été perpétré ; c'est
12 traumatisant pour mes enfants et pour moi-même, je ne veux pas que mes
13 enfants soient élevés là-bas, je ne peux pas permettre qu'ils vivent là-
14 bas.
15 M. Terrier. - Est-ce que vous pouvez simplement préciser à
16 quelle date vous êtes retourné vivre dans votre maison d'Ahmici ? Vous
17 avez dit après la guerre, mais à quelle date ? A quelle époque,
18 précisément ?
19 M. M. Kupreskic (interprétation). - Pour autant que je le sache,
20 c'est le 10 juin 1993 que cet obus est tombé à Vitez où 10 enfants ont été
21 tués. Et à partir du moment où cet obus est tombé, je ne sais pas si
22 c'était le lendemain ou deux jours plus tard que j'ai pris cette décision
23 de partir, de faire partir ma famille, de la ramener là-bas, en bas de
24 Vitez.
25 M. Terrier. - Et vos parents, où ont-ils habité après le
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1 16 avril 1993 ?
2 M. M. Kupreskic (interprétation). - Mes parents, ils étaient à
3 Rovna tant que ma famille y était, pendant quelques jours, puis ils sont
4 revenus à l'abri, en fait, à la maison de Jozo Vrebac. Sa fille était
5 propriétaire de la maison où se trouvait l'abri et pendant 15 ou 20 jours,
6 ils sont restés là-bas. De temps à autre, ils venaient voir la maison
7 parce que ma mère avait élevé de la volaille donc elle venait leur donner
8 de la nourriture, et peut-être était-ce un mois plus tard qu'ils sont
9 revenus chez eux.
10 M. Terrier. - Vous nous avez dit au cours de l'interrogatoire
11 principal que le 18 avril dans l'après-midi, avec d'autres personnes, vous
12 avez été emmené vers Pirici pour y creuser des tranchées. Et vous avez dit
13 qu'ensuite, après quelques jours passés à creuser les tranchées, vous avez
14 été transféré au-dessus d'Ahmici et vous êtes resté là jusqu'à la fin de
15 la guerre.
16 Pouvez-vous préciser ce que cela veut dire : vous êtes resté là
17 jusqu'à la fin de la guerre, mais vous aviez tout de même la possibilité
18 de retourner à Vitez, de voir votre famille ?
19 M. M. Kupreskic (interprétation). – Le 18, quand on est arrivé à
20 Pirici, on a passé deux ou trois jours là-bas, je ne sais pas exactement.
21 Et ensuite, on a été transférés dans cette partie d'Ahmici parce que c'est
22 à ce moment-là qu'on a opéré une jonction de la ligne de défense. C'est là
23 que nous avons creusé des tranchées, et je suis resté jusqu'à la fin de la
24 guerre. Il y a eu des relèves de temps en temps. Plus la guerre avançait,
25 plus c'était difficile, moins il y avait d'hommes et parfois, pendant 15
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1 ou 20 jours, je n'avais pas la possibilité de rentrer chez moi.
2 Plus tard, quand ma famille est rentrée, c'était plus près, ils
3 se trouvaient plus près de moi, donc parfois, je pouvais venir les voir et
4 même passer la nuit à la maison.
5 M. Terrier. – Pendant toute cette période, avez-vous combattu ?
6 M. M. Kupreskic (interprétation). – Il y a eu très peu
7 d'attaques sur cette partie de la ligne du front. J'étais pendant la
8 totalité du temps dans la tranchée. Je n'ai jamais fait d'attaques.
9 J'étais là pour défendre en cas d'attaque. Or, cette portion de la ligne
10 n'était pas une portion offensive ; elle servait uniquement à la défense.
11 M. Terrier. – Vous nous avez montré un certificat de
12 démobilisation –c'est la pièce D112 de la défense. Est-ce que vous
13 disposez aussi de votre livret militaire ? Vous savez, ce livret militaire
14 qui fait état de tous les services, de tous les assignements et que
15 délivrent toutes les armées du monde ; disposez-vous de ce livret
16 militaire ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). – Quant au livret militaire,
18 il devrait exister, mais je n'ai pas cherché, je ne sais pas où il est. Je
19 pourrais demander à mon épouse de le chercher.
20 M. Terrier. – Vous avez cherché le certificat de démobilisation,
21 mais vous n'avez pas pu nous remettre le livret militaire, comme votre
22 frère Zoran.
23 Je voudrais que nous en venions maintenant à vos relations avec
24 la maison de la famille de Sukret Ahmic ; pouvez-vous nous expliquer ce
25 qu'étaient, avant le mois d'avril 1993, vos relations, vous,
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1 personnellement, avec les membres de cette famille, et en particulier avec
2 Sukret ?
3 M. M. Kupreskic (interprétation). – Vous parlez de Sukrija ?
4 M. Terrier. – Je parle de Sukrija, Sukret Sukrija.
5 M. M. Kupreskic (interprétation). – Comme je l'ai dit, quant à
6 la famille de Sakib Ahmic, c'est Naser qui était quelqu'un qui m'était le
7 plus proche, il était du même âge. Quant à Sukrija, tout comme Sakib, nous
8 ne sommes pas du tout de la même génération. Si on se croisait, on se
9 saluait mais on n'entretenait pas de relations particulières, on ne se
10 rendait pas les uns chez les autres, je ne suis jamais allé dans sa
11 maison.
12 Quant à lui, peut-être quand il était petit serait-il venu à ma
13 maison mais, moi, je ne suis jamais allé chez lui.
14 M. Terrier. – Donc vous ne connaissiez pas l'intérieur de la
15 maison. Est-ce que vous connaissiez l'atelier où Sukrija réparait les
16 voitures ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne suis jamais allé dans
18 cette maison, je n'étais même pas devant la maison. Je sais que Sukrija
19 s'occupait des voitures parce que près de la maison de Zoran, il m'est
20 arrivé de voir des pièces de rechange, des morceaux de tôle, des déchets
21 de voitures. Donc je savais qu'il réparait des voitures. Mais si vous me
22 demandez si j'y suis allé, non.
23 M. Terrier. – Nous sommes en audience publique, je vous demande
24 de ne pas prononcer de noms propres. Je vous demande, comme je l'ai fait
25 pour votre frère Zoran, ce que vous avez pensé en entendant le témoin H.
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1 Vous voyez de qui je veux parler ? Souhaitez-vous que je vous montre son
2 nom ?
3 M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne suis pas sûr.
4 M. Terrier. – Vous permettez, Monsieur le Président?
5 (M. Terrier montre le nom au témoin.)
6 (Le témoin reconnaît le nom.)
7 Monsieur le Témoin, pouvez-vous dire ce que vous avez pensé en
8 entendant les déclarations du témoin H sur les circonstances de la mort de
9 son père, et sur les circonstances dans lesquelles, elle, ses petites
10 sœurs, sa mère, ont dû quitter la maison ?
11 M. M. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, c'était très
12 difficile pour moi. Vous ne pouvez pas imaginer dans quelle situation on
13 est lorsque l'on sait qu'on n'a rien fait. On ne souhaitait vraiment que
14 le meilleur pour ces gens. Je n'arrive pas à croire que tout cela est
15 arrivé à ces gens. Cela ne fait aucun doute que cet enfant était sincère,
16 mais, moi, je n'y était pas, je n'aurais pas pu y être, je n'y étais pas.
17 Un autre élément montre que ce n'est que des mois après que j'ai
18 été mentionné sur cette liste, c'est six mois plus tard uniquement qu'on
19 m'a mentionné pour la première fois. Au début, personne n'a parlé de moi
20 et ça montre qu'il y a des combines et qu'on a cherché des noms, on
21 voulait des noms. Et ces maudites maisons, elles, ont été mentionnées.
22 Donc la seule raison que je peux trouver à présent, c'est ça, c'est la
23 seule, je n'en vois pas d'autre.
24 M. Terrier. – Mais est-ce que vous pourriez dire que cette
25 personne avait des raisons particulières de vous en vouloir, à vous, ou à
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1 votre famille ?
2 M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas si elle avait
3 des raisons particulières d'être en colère. Nos relations n'ont jamais été
4 mauvaises pour que cela fournisse une raison.
5 M. Terrier. – Cette personne dont nous parlons a fait une
6 déclaration le 17 décembre 1993 ; cette déclaration, Monsieur le
7 Président, est sous la cote D1 du Tribunal, elle a été versée par la
8 défense.
9 Et au cours de cette déclaration, ce témoin vous mentionne ;
10 vous vous en souvenez ? Elle donne votre nom au juge d'instruction de
11 Zenica, elle décrit comment les choses se sont passées dans des termes qui
12 sont, à peu près, ceux qu'elle a employés devant le Tribunal. Cela, c'est
13 le 17 décembre 1993. C'est une petite fille de 12 ou 13 ans qui parle.
14 On peut penser que, si elle a fait cette déclaration le
15 17 décembre 1993, c'est parce qu'on l'a interrogée le 17 décembre. On peut
16 penser que, si on l'avait interrogée avant, elle aurait fait les mêmes
17 déclarations. Avez-vous des raisons d'en douter ?
18 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, j'ai toutes mes raisons
19 d'en douter puisque, si vous voyez les déclarations qui ont été faites par
20 sa mère, vous saurez ce qu'a affirmé sa mère. Et tout le monde devrait
21 avoir quelques doutes là-dessus, pas seulement moi. Parce qu'elle a dit ce
22 que sa mère lui a dit et moi, je n'ai jamais été mentionné au début.
23 M. Terrier. – Je crois que c'est le contraire, mais peu importe.
24 Vous vous souvenez de ce que cette petite a dit tant au juge
25 d'instruction de Zenica, en décembre 1993, qu'au Tribunal l'année
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1 dernière, sur votre présence dans la maison, armé et en uniforme, et le
2 dialogue très bref que vous avez eu avec votre frère Zoran. Vous souvenez
3 vous de cela ?
4 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je répète : je n'étais pas
5 sur place. Je n'ai eu aucune conversation avec mon frère et mon frère
6 n'était pas non plus avec moi, dans cette maison. J'ai dit où nous étions
7 et j'ai dit ce que je pensais de ces déclarations.
8 M. Terrier. – Elle dit, dans cette déclaration écrite -je ne me
9 souviens plus si elle l'a répété devant le Tribunal- "qu'elle s'est
10 agenouillée devant vous pour avoir la vie sauve". Connaissez-vous cette
11 déclaration ?
12 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, permettez-
13 moi d'intervenir. J'estime en effet que le témoin a répondu à la question
14 du Procureur ; il a dit quelle était son attitude à l'égard de cette
15 déclaration ; il a dit ce qu'il en pensait et ce qu'il pensait de la
16 déclaration du témoin. Je pense que le fait de citer, phrase par phrase,
17 est une manière de torturer le témoin sans pouvoir établir la vérité
18 matérielle grâce à ce procédé.
19 Parce qu'on pourra obtenir une série de réponses négatives : à
20 chaque question, le témoin répondra qu'il n'y était pas puisqu'il s'est
21 déjà prononcé sur l'ensemble de la déclaration du témoin.
22 M. Terrier. – J'ai entendu, dans ma traduction française, que je
23 torturais le témoin ! J'objecte cette notion ! Mais je veux bien passer à
24 une autre question.
25 M. le Président. – Bien sûr.
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1 Maître Glumac, je ne sais pas si vous avez pensé ce mot
2 "torturer le témoin" : c'est quand même beaucoup trop. Le Procureur ne
3 torture pas le témoin !
4 Mme Glumac (interprétation). – Excusez-moi, je ne voulais pas
5 être aussi drastique. Le mot m'a échappé.
6 M. le Président (interprétation). – Maître Terrier, vous pouvez
7 passer à une autre question ?
8 M. Terrier. – En effet, Monsieur le Président.
9 Monsieur le Témoin, vous avez aussi entendu (expurgé) parler
10 de ce qui s'est passé dans sa maison et des circonstances de la mort des
11 quatre personnes qui habitaient avec lui dans sa maison, dont les deux
12 enfants. Comme je l'ai demandé à Zoran, je vous demande de nous dire ce
13 que vous avez pensé, ce qu'a été votre réaction et peut-être ce qu'est
14 votre explication, après ce témoignage.
15 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je peux vous dire comment je
16 me suis senti à l'occasion du premier témoignage. Cette fois-ci, avec ce
17 témoignage, c'était trois fois pire, c'était affreux, épouvantable. Je
18 n'ai jamais éprouvé cela de ma vie. Imaginez qu'on vous reproche des
19 choses alors que jamais, jamais de votre vie, vous n'avez tenté de faire
20 du mal à quelqu'un. Imaginez qu'on vous reproche d'avoir fait du mal à un
21 bébé de trois mois. Je n'arrive pas à le concevoir. Vous rendez-vous
22 compte, un bébé de trois mois ?!
23 Ces enfants jouaient avec les miens ; ces enfants, s'ils se
24 trouvaient dans le magasin où je me trouvais, à chaque fois que je donnais
25 une barre de chocolat à mon enfant, j'en donnais aux autres. Imaginez ce
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1 que cela peut être pour moi !
2 M. Terrier. – Je comprends bien, Monsieur le Témoin, que ,si
3 vous êtes innocent, c'était sans doute difficile à entendre. Mais ce que
4 j'aimerais entendre de vous, maintenant, c'est une explication, tout de
5 même. Accuser d'un crime aussi abominable un innocent, et cela,
6 consciemment, semble-t-il, c'est une chose diabolique, cela nécessite une
7 explication. Avez-vous cette explication ?
8 M. M. Kupreskic (interprétation). - Si vous avez des déclarations, quatre
9 ou cinq, où personne ne parle de moi, et qu'au bout d'un an, on dise qu'il
10 semble que c'était éventuellement moi, et au bout d'un an, ce soit moi,
11 alors, comment y croire? Comment faire confiance à de telles déclarations ?
12 Je ne doute guère que de telles choses se sont produites, je sais que les
13 gens ont vécu des moments éprouvants, qu'ils ont été traumatisés, mais je
14 suis sûr que, moi, je n'y étais pas. S'ils étaient sûrs que j'y étais,
15 ils auraient dû probablement, dès le début, le dire tout de
16 suite, que c'était moi, et pas au bout d'un an. Cinq déclarations ont été
17 données sur la vidéo ; ce n'était jamais moi.
18 M. Terrier. – Une dernière question : je voudrais savoir autre
19 chose. Lorsque vous avez entendu (expurgé), est-ce que vous avez douté
20 du fait que (expurgé) a bien été le témoin de l'assassinat de sa
21 famille ?
22 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas faire de
23 commentaire à ce sujet, je ne sais pas où (expurgé) se trouvait, je ne sais
24 pas s'il était à la maison, je ne sais pas s'il en était témoin ; je ne
25 peux pas faire le commentaire. Je ne doute guère de ce qui s'est passé, je
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1 le redis : comment et de quelle manière cela s'est produit, je ne sais
2 pas, mais je sais que je n'ai strictement rien à faire avec ce crime.
3 M. Terrier. – Connaissiez-vous la maison de (expurgé)? Est-ce
4 que vous étiez déjà entré dans cette maison ?
5 M. M. Kupreskic (interprétation). - Comme enfant, avec mes
6 parents, j'étais en visite chez (expurgé) et puis je jouais tout petit. Avec
7 Naser, nous étions de la même génération. Je l'ai déjà dit, quand j'ai
8 terminé l'école élémentaire à Trstenik, je ne me suis jamais rendu chez
9 lui, ni avec mes parents, je n'étais même pas à proximité. Ma voix était
10 différente. J'ai évolué différemment par rapport à tout cela.
11 M. Terrier. - En avril 1993, saviez-vous où habitait (expurgé)
12 précisément dans cette maison ? Quelle pièce occupait-il ? Est-ce que vous
13 saviez s'il occupait une pièce de l'étage, ou du rez-de-chaussée, ou de la
14 cave ?
15 M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai déjà dit que j'étais
16 ami avec Naser et je sais qu'il avait cette cordonnerie à la gare. Une
17 fois qu'il avait terminé son travail, il avait l'habitude de passer me
18 voir dans ce magasin en gros. Je sais que (expurgé) vivait avec lui, je sais
19 qu'il avait des problèmes avec tout le monde, je sais que Naser l'avait
20 pris chez lui et qu'il était chez lui. Je savais aussi que Naser avait ce
21 petit enfant, ce bébé de 3 mois. Il me semble même qu'il m'a offert une
22 boisson quand ce bébé est né. Mais dans quelle pièce (expurgé) se trouvait
23 exactement, je ne le sais pas.
24 M. Terrier. - Merci, Monsieur le Témoin. Monsieur le Président,
25 je n'ai pas d'autres questions.
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1 M. le Président (interprétation). - Merci, Maître Terrier.
2 Maître Slokovic-Glumac ?
3 Mme Glumac (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
4 Peut-on très brièvement passer à huis clos partiel, s'il vous
5 plaît ?
6 Mlle Lauer. - Nous sommes à huis clos partiel.
7 L'audience se poursuit à huis clos partiel.
8 (expurgée)
9 (expurgée)
10 (expurgée)
11 (expurgée)
12 (expurgée)
13 (expurgée)
14 (expurgée)
15 (expurgée)
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12 Pages 11098 à 11099 – expurgées – audience à huis clos partiel.
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7 (expurgée)
8 L'audience se poursuit en session publique.
9 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Kupreskic, juste pour
10 éclaircir le transcript, lorsque vous avez répondu à la question
11 concernant le barrage, sur la route, à Ahmici, qui a été dressé après le
12 conflit, le 20 octobre 1992, et au moment où vous étiez la première
13 personne, du côté croate, ensemble, avec Ivica Kupreskic, qui étiez sur ce
14 barrage, qui, du côté musulman, se trouvait sur le barrage ?
15 Ne dites pas le nom du témoin qui a été cité à la barre, mais
16 dites son pseudonyme et le nom de l'autre personne qui était avec lui.
17 M. M. Kupreskic (interprétation). – Du côté des Croates,
18 c'étaient Ivica et moi-même, et du côté des Musulmans, c'était ce témoin
19 -je ne sais pas quel est son pseudonyme... Z- et Sidik Ahmic, deux
20 Musulmans et deux Croates.
21 Mme Glumac (interprétation). – Sidik Ahmic et le témoin Z
22 avaient-ils des armes, des fusils ?
23 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.
24 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que, en Bosnie, c'est
25 l'habitude quand vous parlez de fusils automatiques ? Est-ce que vous avez
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1 parlé d'une arme AK 47 ?
2 M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est la première fois que
3 j'ai entendu dire cette appellation.
4 Mme Glumac (interprétation). - Comment avez-vous appelé à ce
5 moment-là ce fusil ?
6 M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était un fusil
7 automatique, Kalachnikov ou Gitan on l'appelait également.
8 Mme Glumac (interprétation). – Dites-nous, s'il vous plaît :
9 est-ce que vous vous souvenez du témoin C ? Est-ce que vous vous souvenez
10 de qui il s'agit ? (expurgé)
11 (expurgé)
12 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.
13 Mme Glumac (interprétation). - Etiez-vous en bons termes avec
14 ses parents, ou ce sont vos parents qui étaient en bons termes ?
15 M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai dit que mes parents
16 étaient en bons termes avec la plupart des voisins musulmans, avec la
17 plupart des personnes qui étaient de leur génération. C'était la même
18 chose dans le cas concret des parents de cet enfant. En ce qui me
19 concerne, moi, j'appartiens à une autre génération et j'avais à peu près
20 la même attitude vis-à-vis des personnes de leur âge. Enfin, je les
21 saluais et puis c'est à peu près comme ça que ça se terminaient, nos
22 relations.
23 Mme Glumac (interprétation). - Etiez-vous en bons termes… Vous
24 avez dit que vous connaissiez leur fille, la fille de cette famille.
25 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, je connaissais ces
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1 gens-là et je connaissais les enfants.
2 Mme Glumac (interprétation). - Vous avez dit que vous n'étiez
3 pas sûr si vous pouviez reconnaître ces témoins à l'époque, et si vous
4 pouviez dire véritablement qu'il s'agissait de tel et tel enfants.
5 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'ai dit si, par
6 exemple, je trouvais un groupe d'enfants et préciser de manière exacte de
7 quel enfant il s'agit, moi j'ai dit que je n'en étais pas sûr, oui.
8 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que vous vous souvenez que
9 vous aviez quelques contacts avec cet enfant ? Vous l'avez vu à cet
10 endroit-là ; l'avez-vous vu par la suite ? Etes-vous allés à un spectacle
11 ensemble, à une manifestation, à une fête ?
12 M. M. Kupreskic (interprétation). – C'était un enfant de 12 ans,
13 mais il ne pouvait pas participer à une fête. Eventuellement, il aurait pu
14 être dans le public si moi je jouais pendant un spectacle. Mais, moi, je
15 n'avais absolument aucun contact avec cet enfant.
16 Mme Glumac (interprétation). – Et lors de la déposition de ce
17 témoin, il ne pouvait pas se souvenir de votre nom. Vous en souvenez-
18 vous ?
19 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.
20 Mme Glumac (interprétation). – Vous souvenez-vous également
21 qu'il n'a pas pu reconnaître qui était Zoran Kupreskic et qui était Mirjan
22 Kupreskic ? Vous vous en souvenez ?
23 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui, très bien.
24 Mme Glumac (interprétation). - Comment pouvez-vous expliquer, à
25 ce moment-là, qu'il dit de manière aussi précise, lors de la déposition
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1 devant le Procureur, quelles étaient les personnes qu'il avait vues chez
2 Jozo Alilovic ?
3 M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas. Quelqu'un
4 lui a peut-être suggéré les noms qu'il aurait dû dire, ou bien il a fait
5 confusion, je ne sais pas, c'est ce que j'ai dit. Je peux tout simplement
6 rajouter que je n'ai jamais été dans un groupe de personnes qu'il avait
7 décrit. Il avait parlé de deux autres personnes alors que je n'ai jamais
8 été, dans ma vie, avec ces deux personnes.
9 Mme Glumac (interprétation). – Comment expliquez-vous le fait
10 que, lui, il vous décrit tout à fait différemment par rapport aux autres
11 témoins qui vous inculpent dans ce procès ? Le témoin H qui dit que vous
12 aviez l'uniforme noir, (expurgé), également dit que vous aviez
13 l'uniforme noir et, ce garçon, il dit qu'il vous a vu dans un uniforme de
14 camouflage, le visage n'a pas été peint, alors que d'autres témoins
15 disaient que vous aviez le visage peint. Comment vous l'expliquez ?
16 M. M. Kupreskic (interprétation). – C'est une preuve de plus, à
17 mon sens, que ce n'est pas moi et que ça ne se rapporte pas à moi. Tout
18 d'abord, je n'ai jamais porté d'uniforme noir et je n'ai jamais porté
19 d'uniforme de camouflage. Avant la guerre, j'ai dit que je prenais de
20 temps en temps la veste de camouflage de mon frère.
21 Mme Glumac (interprétation). – En ce qui concerne ces
22 déclarations, très brièvement également, j'aimerais passer à quelques
23 questions.
24 (expurgé) a dit à l'enquêteur de Zenica le 3 décembre 1993 que
25 les deux personnes ont pénétré dans sa maison et qu'ils ressemblaient à
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1 Zoran et Mirjan Kupreskic.
2 M. M. Kupreskic (interprétation). – J'ai dit qu'après quelques
3 déclarations, nous avons commencé à sembler être ces personnes-là.
4 Mme Glumac (interprétation). – Et le 17 décembre 1993, ce témoin
5 a parlé pour la première fois de vous alors que sa mère disait qu'elle
6 avait parlé tout simplement d'une seule personne, n'est-ce pas ?
7 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.
8 Mme Glumac (interprétation). - Dans toutes les déclarations ?
9 M. M. Kupreskic (interprétation). – Oui.
10 Mme Glumac (interprétation). – Après ça, la mère du témoin H
11 donne la déclaration le 20 décembre 1993, donc trois jours après le
12 témoin H. Pour la première fois, elle mentionne votre nom. Il s'agit d'une
13 seule famille et comment pouvez-vous faire le commentaire, et comment vous
14 expliquez ce fait ?
15 M. M. Kupreskic (interprétation). – Moi, je pense que ce sont
16 les déclarations de la mère qui en parlent le plus. Dans les trois
17 premières déclarations, on ne parle pas du tout de moi ; dans la quatrième
18 déclaration, on dit qu'on m'a soi-disant vu dans le village, que je
19 circulais dans le village et que je montais la garde ; il y a deux autres
20 de mes cousins et mon frère également qui ont été mentionnés et ce n'est
21 que dans la cinquième déclaration qu'on précise que nous nous sommes
22 trouvés dans cette maison et que c'est nous qui avons commis ceci. C'était
23 la cinquième déclaration ou peut-être la sixième déclaration de ce même
24 témoin.
25 Mme Glumac (interprétation). – Comment expliquez-vous le fait
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1 également qu'il s'agit des personnes qui sont les membres de la même
2 famille alors que vous avez dit que vous n'aviez absolument jamais eu quoi
3 que ce soit avec cette famille et que vous étiez en bons termes avec la
4 famille. Pourquoi ?
5 M. M. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas pourquoi,
6 mais je sais qu'il s'agit d'une famille. J'ai dit que, pendant deux ans,
7 mon frère et moi-même, ici même, nous nous sommes posé des questions, nous
8 avons essayé d'arriver à des conclusions. La seule raison est qu'il
9 s'agissait de nos propres maisons. Je pense qu'il y a eu des pressions qui
10 ont été exercées. On leur a demandé de dire les noms, et après un certain
11 temps, on nous a liés à ces maisons. Au début, on n'a pas parlé de moi du
12 tout, il y avait des combines avec Ivica. Il n'était pas sûr si Ivica
13 était en Allemagne ou, éventuellement, était sur place et puis ensuite,
14 ils se sont dit pourquoi pas Zoran et Mirjan. Voilà. Que quelqu'un soit
15 coupable !
16 Mme Glumac (interprétation). - Ne pensez-vous pas qu'il y avait
17 l'idée que quelques Croates devraient en être coupables ?
18 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, quelqu'un doit répondre
19 pour le crime, mais si ce sont les Croates qui l'ont commis, alors ce
20 n'est pas tous les Croates qui doivent en être responsables. Il y a des
21 gens qui n'ont pas été mêlés là-dedans, mais le crime à été commis, ça
22 c'est incontestable.
23 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Kupreskic, il y a encore
24 quelques petites questions que j'aimerais vous poser, et qui sont liées au
25 contre-interrogatoire du Procureur.
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1 Après le 20 octobre 1992, vous vous rendiez dans les abris au
2 moment où vous aviez eu des informations selon lesquelles les Musulmans ou
3 les Moudjahidine allaient vous attaquer, etc. Où est-ce que vous vous
4 rendiez ?
5 M. M. Kupreskic (interprétation). - Chaque fois, quand il y
6 avait un avertissement de tel type, nous avons emprunté ce même sentier
7 pour nous rendre dans l'abri de Vrebac, des Vrebac.
8 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'à une occasion
9 analogue, vous êtes vous rendu à Rovna ou à Vitez ? Est-ce que vous avez
10 installé votre famille à cet endroit-là ?
11 M. M. Kupreskic (interprétation). - Mais chaque fois, nous avons
12 emprunté le même sentier et chaque fois, nous sommes allés jusqu'à l'abri
13 des Vrebac. Jamais à Rovna, jamais à Vitez et jamais ailleurs.
14 Mme Glumac (interprétation). - Depuis l'attaque de l'aviation
15 serbe qui a eu lieu en avril 1992 sur la région de Vitez, est-ce qu'il y
16 avait des abris qui ont été prévus pour votre partie du village ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). - Pour notre partie du
18 village, on n'avait pas prévu des abris, chacun trouvait l'abri où il
19 pouvait en trouver et, dans cette partie de Zume, il y avait cet abri dont
20 on a parlé, qui a été prévu pour ces occasions-là.
21 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce qu'à cette époque-là
22 également vous alliez dans cet abri à Zume ?
23 M. M. Kupreskic (interprétation). - A cette époque-là, non.
24 Mme Glumac (interprétation). - Pourquoi vous n'êtes pas allés
25 dans cet abri ? Où est-ce que vous êtes restés ?
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1 M. M. Kupreskic (interprétation). - On restait dans une cave,
2 dans les soubassements. Ce n'était pas très fréquent, c'était une ou deux
3 fois, et quand les bombardements étaient un peu plus près.
4 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que, dans la partie
5 musulmane du village, dans la partie basse qui est en contrebas de votre
6 maison, est-ce que vous avez vu les soldats musulmans, ou l'armée
7 musulmane, avant le 16 avril 1993 ?
8 M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit entre le 19 et le
9 20, j'ai vu une partie de l'armée, nous étions sur la terrasse d'Ivica et
10 j'ai dit que nous avons vu les silhouettes.
11 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que vous étiez sûrs que,
12 dans cette partie du village, le 16 avril, il n'y avait pas d'armée
13 musulmane ?
14 M. M. Kupreskic (interprétation). - Mais comment voulez-vous
15 qu'on soit sûrs ? Mais je n'étais sûr de rien, je ne savais pas s'il y
16 avait en bas des soldats. Je n'ai même pas utilisé cette route justement
17 pour cette raison parce que j'avais déjà vu les soldats et c'est la raison
18 pour laquelle on avait contourné cette route et c'est la raison pour
19 laquelle on avait utilisé l'autre sentier dans de telles occasions.
20 Mme Glumac (interprétation). - Et dans de telles occasions vous
21 vous sentiez mieux dans la partie croate du village ?
22 M. M. Kupreskic (interprétation). - Mais certainement.
23 Mme Glumac (interprétation). - En ce qui concerne ce sentier et
24 la dépression qui se trouve entre vos maisons et les maisons de Niko
25 Sakic, dites-nous s'il vous plaît quelle était la raison principale pour
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1 laquelle vous êtes allés vous abriter à cet endroit-là ? Est-ce que tout
2 simplement vous pouviez voir quelque chose à partir de cet endroit-là pour
3 voir ce qui se passait dans votre village ou dans Ahmici, ou bien
4 éventuellement vous aviez une autre raison ?
5 M. M. Kupreskic (interprétation). - La raison principale,
6 c'était d'être à proximité de cet abri, et si jamais un groupe, par
7 exemple, se dirigeait vers l'abri, d'essayer de protéger cet abri. On
8 pouvait d'ailleurs voir cette route qui menait vers la dépression et vers
9 l'abri de Niko Sakic. C'était ça la raison principale, on avait absolument
10 pas d'autres raisons, c'était peut-être pas si intelligent de se comporter
11 ainsi, mais on ne voyait pas comment il fallait faire à ce moment-là.
12 Mme Glumac (interprétation). - Qui avait choisi cet endroit ?
13 M. M. Kupreskic (interprétation). - Mais personne n'a choisi de
14 position spéciale, nous nous sommes précipités dans cette dépression, nous
15 nous sommes cachés des tirs et puis après également et ensuite,
16 intuitivement, instinctivement, nous avons tout simplement pensé que si
17 jamais quelqu'un, donc, se dirigeait vers nous, il allait emprunter ce
18 sentier. Par conséquent, on n'avait pas d'autre choix et les tirs
19 s'approchaient de nos maisons. Voilà.
20 Mme Glumac (interprétation). - Après, vous avez passé une année
21 dans les tranchées. Vous avez eu beaucoup plus d'expérience qu'au début,
22 le 16 avril 1993. Considérez-vous que c'était une position qui était une
23 véritable position du point de vue militaire ? Est-ce que vous l'aviez-
24 vous bien choisie ?
25 M. M. Kupreskic (interprétation). - Ce n'était absolument pas
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1 une position, c'était tout simplement un choix pour survivre, pour nous
2 protéger, et si jamais il y avait quelqu'un qui s'était retrouvé à cet
3 endroit-là, je ne sais même pas si on aurait pu protéger notre famille.
4 C'était peut-être une bêtise, mais on avait fait comme on avait fait.
5 Mme Glumac (interprétation). - Est-ce que ce jour-là vous étiez
6 prêt à tirer ?
7 M. M. Kupreskic (interprétation). - Si quelqu'un c'était dirigé
8 vers l'abri, vers les enfants, j'aurais tout fait pour défendre mes
9 enfants.
10 Mme Glumac (interprétation). - Je vais demander à l'huissier de
11 vous soumettre cet album de photos.
12 (L'huissier s'exécute).
13 Mlle Lauer. - Il s'agit de la pièce D115/2.
14 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur Kupreskic, pourriez-
15 vous, s'il vous plaît, consulter ces photos, en particulier les photos 3/5
16 et 3/6, en dernière page. Quel est ce sentier ? D'où vient-il ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). - Nous voyons la maison de
18 Mirko Vidovic et le sentier qui mène de la route principale vers nos
19 maisons, et c'est là que se trouve l'entrepôt de Sutra, à l'époque. Nous
20 avons ce chemin qui mène en contrebas par rapport au bois, qu'on appelait
21 le bois de Stipanova. Ce sentier vient de l'entrepôt de Sutra vers la
22 maison de Niko Sakic.
23 Mme Glumac (interprétation). – Pouvez-vous, s'il vous plaît,
24 consulter les photos 5 et 6 ?
25 M. M. Kupreskic (interprétation). - C'est la partie du bois et
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1 nous avons ici la maison de Niko Sakic. Donc, ce sentier ici débouche à la
2 maison de Niko Sakic.
3 Mme Glumac (interprétation). – Et la photo 6 ?
4 M. M. Kupreskic (interprétation). - La photo est prise depuis le
5 garage de Niko Sakic. Nous avons la maison de Niko Sakic et nous voyons ce
6 sentier qui mène vers l'entrepôt de Sutra, alors qu'ici il y aurait
7 l'embranchement vers la dépression où nous étions, de ce côté-ci.
8 Mme Glumac (interprétation). – Les photos 1et 2 également, s'il
9 vous plaît, pouvez-vous les commenter pour voir d'où vient ce chemin ?
10 M. M. Kupreskic (interprétation). - Il y a la maison de Mirko
11 Vidovic. Ce chemin débouche sur la route. Vous voyez l'entrepôt Sutra ici.
12 Ce serait par ici qu'arriverait ce sentier qui déboucherait sur la route.
13 Mme Glumac (interprétation). – Merci. Très bien. Ici, en bas,
14 sur la photo n° 2, on voit le chemin qui mène des maisons vers la maison
15 de Niko Sakic.
16 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, ce chemin revient vers
17 Niko Sakic. C'est ici qu'il débouche.
18 Mme Glumac (interprétation). – Nous n'avons pas d'image à
19 l'écran.
20 Monsieur Kupreskic, très bien, merci.
21 Ce qui me semble important, c'est la chose suivante : le chemin
22 dont vous avez parlé hier, qui vient de la route principale, enfin de la
23 route qui passe par Ahmici et qui passe par la maison de Dragan Vidovic
24 pour descendre vers la dépression… Non, excusez-moi, pas vers la
25 dépression, mais vers la maison de Niko Sakic, c'est cela le deuxième
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1 chemin ?
2 M. M. Kupreskic (interprétation). - Ici, vous avez un sentier
3 sur trois, mais vous avez un autre chemin qui passe par la maison de
4 Dragan Vilovic. C'est un chemin qui permet de prendre une voiture. Et
5 puis, ce chemin débouchait sur cette route-là, ainsi que vers Zume. En
6 fait, il arrive dans la partie inférieure de Zume.
7 Mme Glumac (interprétation). – Alors que ce sentier ici, qui
8 vient de la maison de Niko Sakic, à droite vers l'endroit où se trouve la
9 maison de Dragan Vidovic, ce chemin était également utilisé, n'est-ce
10 pas ?
11 M. M. Kupreskic (interprétation). - Il était utilisé par les
12 habitants des maisons de Pudja, puis vers le magasin, vers Ahmici-le-Haut,
13 puis par la maison de Niko Sakic, Mirko Vidovic, jusqu'au chemin qui mène
14 vers Ahmici-le-Haut et vers la route principale, en bas, vers l'entrepôt.
15 Mme Glumac (interprétation). – Ce chemin, il arrive près de la
16 maison de Niko Sakic ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.
18 Mme Glumac (interprétation). – Il y avait combien de personnes
19 dans la dépression, ce jour-là ? Je parle des Croates.
20 M. M. Kupreskic (interprétation). - Avec moi, ce jour-là, dans
21 la dépression, il y avait Mirko Sakic, Dragan Vidovic, Dragan Samija,
22 Drago Grgic et mon frère Zoran Kupreskic.
23 Mme Glumac (interprétation). – Est-ce que cinq personnes
24 suffisent pour entreprendre une action militaire quelconque de protection
25 ou de couverture ?
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1 M. M. Kupreskic (interprétation). - Non, cinq personnes ne
2 suffisent pas à mener une opération militaire quelle qu'elle soit ; cinq
3 hommes pourraient se défendre si nos familles avaient été menacées, nos
4 familles qui se trouvaient sur place et à proximité.
5 Mme Glumac (interprétation). – Le 16, le 17 et le 18, saviez-
6 vous que Ramo Bilic et sa famille, ainsi que les familles de Strmonja
7 étaient à l'abri chez Vidovic ?
8 M. M. Kupreskic (interprétation). - Le 17, nous avons appris que
9 toutes ces familles se trouvaient à l'abri chez Vidovic.
10 Mme Glumac (interprétation). – Le 16, le 17 et le 18, avez-vous
11 eu l'occasion de passer par leurs maisons ?
12 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui, à chaque fois que je
13 venais voir ma famille, quand on a essayé d'aller à l'abri, à chaque fois
14 on passait par ces maisons et par cet abri.
15 Mme Glumac (interprétation). – Ces maisons étaient-elles
16 intactes ?
17 M. M. Kupreskic (interprétation). - Pendant tout ce temps, ces
18 maisons sont restées intactes ; elles le sont encore aujourd'hui. Et je
19 pense qu'ils sont retournés vivre chez eux.
20 Mme Glumac (interprétation). – Auriez-vous appris quelque chose
21 au sujet du moment où, de la maison de Sakib Ahmic, des corps ont été
22 sortis, emportés ?
23 M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai entendu dire, peut-être
24 un mois plus tard, que la Forpronu a sorti des dépouilles de la maison de
25 Sakib Ahmic, mais je ne savais pas combien de corps il y avait eus ; c'est
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1 ici que je l'ai appris.
2 Mme Glumac (interprétation). – Vous rappelez-vous le moment ?
3 Pouvez-vous identifier, préciser le moment où vous l'avez appris ? Combien
4 de temps après le moment où le crime a été commis à Ahmici ?
5 M. M. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit que c'était à peu
6 près un mois plus tard, un mois après le crime. C'est là que j'ai entendu
7 dire que c'était la Forpronu qui avait emporté les corps, mais je ne sais
8 pas exactement la date.
9 Mme Glumac (interprétation). – Vous avez dit que c'est en 1997
10 que vous avez entendu parler de l'acte d'accusation ou en 1996 ?
11 M. M. Kupreskic (interprétation). - Fin 95, début 96, peu après
12 le moment où cet acte d'accusation a été dressé.
13 Mme Glumac (interprétation). – Vous avez dit aussi, au début,
14 que vous n'aviez pas pris au sérieux cet acte d'accusation, que vous
15 considériez que cela ne pouvait pas être sérieux, n'est-ce pas ?
16 M. M. Kupreskic (interprétation). - Oui.
17 Mme Glumac (interprétation). – Puis, avec le temps, vous avez
18 changé d'avis ?
19 M. M. Kupreskic (interprétation). - Ecoutez, je n'ai pas dit que
20 je ne l'ai pas pris au sérieux, que je l'ai pris à la légère, cet acte
21 d'accusation, mais je n'arrivais pas à concevoir comment, moi, je pouvais
22 figurer dans cet acte d'accusation, quelles relations j'avais avec cela,
23 donc je pensais que c'était une erreur ou quelque chose de ce genre, donc
24 c'est à cela que j'ai pensé quand j'en ai parlé.
25 Mme Glumac (interprétation). - Par la suite, pendant deux ans,
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1 vous avez vécu dans un état de grande incertitude, puis enfin vous vous
2 êtes remis au Tribunal. Dites-nous pour quelle raison ne l'avez-vous pas
3 fait plus tôt, puisque vous avez écrit à des gens que vous connaissiez et
4 que vous vous êtes adressé à des personnes pendant ce laps de temps.
5 M. M. Kupreskic (interprétation). - Pendant ces deux ans, nous
6 avons écrit à toutes sortes d'adresses, nous avons pris toutes sortes de
7 contacts pour montrer que nous nous tenions à la disposition. Nous
8 voulions savoir si ce n'était pas une erreur. Vous savez, nous sommes
9 vraiment des gens simples. Enfin, nous ne savions pas comment il fallait
10 procéder. C'était vraiment très difficile de vivre dans cette situation.
11 Tout le monde voulait profiter de nous pour servir ses propres intérêts.
12 Nous ne sommes pas des gens importants, nous ne savions pas comment il
13 fallait faire pour montrer le fait que nous nous tenions à la
14 disponibilité du Tribunal, c'est pour ça que nous avons attendu un an et
15 demi avant de venir.
16 Mme Glumac (interprétation). - Le Procureur vous a posé une
17 question semblable à celle que je vais vous poser à présent.
18 Vous avez passé deux ans ici, cela fait un an que vous
19 participez à ce procès. Vous avez entendu les dépositions des témoins.
20 Pouvez-vous nous dire comment vous réagissez à cela ? Comment le percevez-
21 vous, vous et votre famille ?
22 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je dois dire que quatre
23 années de ma vie ont été entièrement détruites. C'est uniquement ma foi en
24 Dieu qui me permet de survivre. Les deux premières années, ainsi que les
25 deux années que je viens de passer ici, vous savez, je n'ai jamais eu peur
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1 de venir ici. Depuis le premier jour, je voulais venir ici pour démontrer
2 mon innocence. Je ne suis pas coupable.
3 Dans ces conditions-là, à Vitez, je n'ai jamais cherché à me
4 cacher, je ne me suis jamais caché, j'ai été à Vitez pendant tout ce
5 temps, même si c'était dangereux.
6 Ma famille a été traumatisée par cela. Mon fils Marko,
7 aujourd'hui, a un soutien psychologique, c'est le seul enfant de Vitez qui
8 n'a pas pu terminer sa première classe de primaire. Et ma fille Marija
9 bégaie, elle n'arrive pas à parler correctement. Marko a commencé à avoir
10 peur de la Sfor avant d'apprendre à écrire et à lire. Ce sont des
11 traumatismes terribles. Mes deux enfants portent des lunettes. Et puis,
12 tous les six mois, ils changent de verres de correction ; ce sont des
13 frais extrêmement importants.
14 Mon épouse ne travaille nulle part, ma famille a besoin de moi.
15 La seule mère au monde, c'est la mienne, c'est celle qui a mis au monde
16 deux criminels.
17 Et jamais on dit des accusés de crimes, on dit toujours des
18 criminels de guerre. C'est une tâche affreuse ; nous ne pourrons jamais
19 nous libérer de cette tache sur notre nom. Jamais de ma vie je ne voulais
20 du mal aux gens. Ma mère est une bonne chrétienne qui a voulu nous donner
21 une bonne éducation. C'est là que je suis né, c'est là que j'ai été élevé,
22 c'est là que j'ai vécu. Je n'avais aucun choix. Je ne suis pas coupable,
23 je ne suis absolument pas coupable, je n'ai rien à voir avec ce crime.
24 Quant à quelqu'un d'autre, si quelqu'un d'autre avait été à ma
25 place, peut-être qu'il aurait pu faire quelque chose, mais moi, je n'ai
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1 pas pu le faire, je n'ai pu sauver personne. Tout ce que j'ai fait, je
2 vous l'ai dit.
3 Mme Glumac (interprétation). - Je vous remercie, je n'ai pas
4 d'autres questions.
5 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Maître
6 Slokovic-Glumac.
7 Monsieur Kupreskic, j'aurai quelques questions à vous poser,
8 mais vous avez l'air fatigué, donc je vais m'abstenir de poser ces
9 questions. Dites-moi ce que vous en pensez, je ne veux pas vous torturer.
10 Seriez-vous prêt à répondre à ces questions ou préféreriez-vous avoir une
11 petite pause ?
12 Je devrais ajouter que, bien sûr, il va de soi que votre mère
13 n'a pas deux criminels. Vous n'êtes qu'accusé. Et vous avez un droit
14 fondamental qui est le vôtre, c'est la présomption d'innocence. Les Juges
15 sont là précisément pour régler de telles questions.
16 Si vous ne le refusez pas... Je vais vous dire, moi il y a une
17 question qui me pose vraiment problème, qui me préoccupe : c'est le
18 témoignage de cette petite fille du témoin H qui avait à l'époque 13 ans.
19 Vous niez avoir vu cette fille, l'avoir rencontrée le 16 avril 1993. Or,
20 elle, elle a déclaré à l'audience qu'elle vous avait vu. Vous savez où et
21 vous savez ce qu'elle a déclaré puisque vous étiez, vous aussi, à
22 l'audience.
23 Cette jeune fille a déclaré vous avoir vu avec une arme, elle
24 s'est agenouillée devant vous pour vous demander que sa vie soit sauvée.
25 Elle ne vous accuse pas de meurtre. Elle dit que vous n'avez rien fait,
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1 que vous n'avez pas tiré, vous ne l'avez pas tuée elle, puisqu'elle est
2 vivante, elle est venue déposer. Alors pourquoi aurait-elle menti ? Est-ce
3 que vous avez une explication à cela ? Est-ce que vous pouvez penser à une
4 explication quelconque qui l'aurait poussée à dire ce qu'elle a dit, ici,
5 à l'audience, à propos du comportement qui fut le vôtre ce jour-là, le
6 16 avril 1993 ?
7 M. M. Kupreskic (interprétation). - Monsieur le Président, la
8 seule raison que je peux concevoir, ce sont ces pressions dont j'ai parlé,
9 ou ces accords qui ont eu lieu finalement. Quand on a cherché à savoir qui
10 l'a fait, on a voulu avoir des noms, il y a eu des combines. Il a été
11 question de dire que des tirs provenaient de nos maisons. Eh bien, ce
12 n'est qu'à cela que je peux le mettre en relation, je ne vois pas d'autre
13 raison.
14 M. le Président (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur
15 Kupreskic, je vous remercie également d'avoir déposé, ici, à l'audience.
16 Vous en avez ainsi terminé.
17 M. M. Kupreskic (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur
18 le Président, Madame et Monsieur les Juges.
19 M. le Président (interprétation). - Maître Radovic ?
20 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame le
21 Juge, Monsieur le Juge, après le témoignage des frères Kupreskic,
22 Me Slokovic-Glumac et moi-même avons une proposition, à savoir ces jours-
23 ci, Mme le Procureur de ce Tribunal s'est rendue à Zagreb ; elle a eu un
24 entretien avec le ministre de la Justice croate ; lors de cet entretien,
25 un sujet a été abordé, à savoir que certains des co-accusés pourraient
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1 être autorisés à se défendre en étant remis en liberté provisoire.
2 Puisque nous estimons que nos clients, les frères Kupreskic, ont
3 démontré ici qu'ils ne font pas partie des seigneurs de guerre, comme on
4 les appelle, qu'ils n'ont pas non plus pris part à la prise d'une décision
5 quelconque qui aurait mené à ce qu'éclate la guerre croato-musulmane,
6 ainsi que d'autres faits qui leur sont reprochés de la part du Procureur
7 pourront être examinés ; nous estimons que, vu que nous sommes face à une
8 interruption estivale de ce procès, qui prendra deux mois environ, et que,
9 compte tenu des qualités qui sont celles de nos clients, dont il n'y a pas
10 lieu de dire davantage ici puisqu'il en sera question dans nos
11 plaidoiries, nous estimons qu'il y a lieu de relâcher provisoirement nos
12 clients.
13 Conformément aux compétences qui sont les siennes, la Chambre
14 peut tout à fait demander une caution qui serait déposée et demander,
15 exiger d'autres garanties afin qu'il soit assuré que nos clients se
16 remettent à la disposition de la Chambre en temps utile. Nous ne demandons
17 pas au Procureur de se prononcer là-dessus sur-le-champ, mais nous
18 aimerions que le représentant du Procureur de ce Tribunal consulte
19 Mme le Procureur et nous aimerions que la décision soit prise puisqu'il
20 s'agit des droits de nos clients.
21 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Radovic.
22 Vous savez que nous disposons d'un article du Règlement,
23 l'article 65, sur la mise en liberté provisoire. En vertu de cet article,
24 une libération peut être décidée par la Chambre de première instance
25 uniquement dans des circonstances exceptionnelles, après avoir entendu le
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1 pays-hôte, et si elle est convaincue que l'accusé comparaîtra à l'audience
2 et que sa présence ne mettra pas en danger une victime, un témoin ou toute
3 autre personne.
4 En d'autres termes, vous devez déposer une requête devant cette
5 Chambre de première instance. Nous allons, bien entendu, demander à
6 l'accusation d'apporter ses commentaires à votre requête et nous
7 trancherons la question. Nous vous ferons part de notre décision à propos
8 de votre requête.
9 Je pense que la déposition de M. Mirjan Kupreskic est terminée.
10 Je vous remercie, Monsieur Kupreskic.
11 Oui, Maître Glumac ?
12 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, veuillez
13 m'en excuser, mais je voudrais demander le versement de la pièce de la
14 défense D115/2.
15 M. le Président (interprétation). – Merci. Pas d'objection ?
16 Non. La pièce est admise.
17 La parole est à Maître Radovic.
18 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, j'ai
19 décidé de présenter ma requête oralement, puisqu'une décision a été prise
20 par la Chambre, en vue d'accélérer le procès, disant qu'il était autorisé
21 de présenter oralement les requêtes et qu'il n'était pas nécessaire de les
22 présenter par écrit. Mais nous sommes prêts à la présenter par écrit si la
23 Chambre le demande, bien entendu.
24 M. le Président (interprétation). – Vous avez tout à fait
25 raison, Maître Radovic. Il est certain que, conformément, et en accord
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1 avec le Président de ce Tribunal, et conformément à une demande du Greffe,
2 nous avons pris une décision pour que des requêtes soient présentées
3 oralement, et non par écrit, afin d'économiser du temps et d'éviter trop
4 de paperasseries. Personnellement, j'estime qu'en l'espèce, qu'il faudra
5 énoncer les raisons particulières qui, à votre avis, justifieraient d'une
6 mise en liberté provisoire des deux accusés.
7 Je le répète, en vertu de l'article 65, il doit y avoir des
8 circonstances exceptionnelles. A vous, maintenant, de prouver les
9 circonstances exceptionnelles qui vous permettraient de demander la mise
10 en liberté provisoire des accusés en question. Je crois que vous devrez
11 déposer une requête écrite. Mais vous pourriez le faire dès aujourd'hui.
12 Nous vous promettons de demander à l'accusation qu'elle nous soumette
13 peut-être oralement. Mais je m'interroge.
14 Monsieur le Procureur, dans l'intérêt de gagner du temps, est-ce
15 que vous pourriez répondre oralement ? Je comprends pourquoi Me Radovic
16 tient à présenter l'anglais. Maître Terrier ?
17 M. Terrier. – Oui, Monsieur le Président, nous sommes tout à
18 fait disposés à répondre oralement, demain, par exemple, si le Tribunal le
19 souhaite, ou même maintenant.
20 De toute façon, comme vous l'avez dit, nous sommes tenus par
21 l'article 65 du Règlement et non pas par d'autres déclarations dont on
22 serait informés par la presse. Et Me Radovic, Me Glumac, doivent faire
23 état de circonstances exceptionnelles qui conduiraient le Tribunal à
24 prendre cette décision. A ce jour, j'ai écouté attentivement Me Radovic,
25 je n'ai pas entendu ces circonstances exceptionnelles ; j'ai entendu que
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1 c'est l'été, j'ai entendu qu'il y aura une interruption de deux mois, j'ai
2 entendu que les accusés ont présenté leur défense. Mais rien de cela ne
3 peut être considéré comme des circonstances exceptionnelles, prévues par
4 l'article 65 du Règlement.
5 Monsieur le Président, je suis à la disposition du Tribunal,
6 bien entendu, pour répondre quand le Tribunal le souhaite, mais je n'ai
7 pas d'arguments à présenter dans la mesure où il n'y a pas eu d'arguments
8 présentés à l'appui de la demande.
9 M. le Président. – Oui, en effet, je suis d'accord avec vous.
10 C'est pour cela que je demandais à M. Radovic d'énoncer par écrit les
11 raisons spéciales, exceptionnelles, qui pourraient justifier cette mise en
12 liberté provisoire. Je suis sûr que Me Radovic va énumérer ses raisons par
13 écrit, peut-être aujourd'hui même. Maître Radovic, vous souhaitez parler ?
14 M. Radovic (interprétation). – Je ne pourrai pas le faire dès
15 aujourd'hui, Monsieur le Président. Je dois d'abord le rédiger, puis le
16 faire traduire en anglais. Mais je ne manquerai pas de remettre cela sous
17 forme écrite dès demain.
18 M. le Président (interprétation). – Merci. Est-ce que nous
19 allons faire la pause maintenant ? Oui ? Nous faisons une pause de
20 30 minutes.
21 Au retour en audience, je pense que Maître Krajina va appeler
22 M. Vlatko Kupreskic à la barre, n'est-ce pas ?
23 M. Krajina (interprétation). – Oui, Monsieur le Président.
24 M. le Président (interprétation). – Nous pourrons ainsi terminer
25 demain après-midi. Fort bien. Nous prenons donc une pause d'une demi-
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1 heure, la séance est suspendue à 10 heures 25.
2 (Le témoin, M. Mirjan Kupreskic, reprend place parmi les
3 accusés.)
4 L'audience, suspendue à 10 heures 25, est reprise à
5 11 heures 05
6 M. le Président (interprétation). Bonjour Monsieur Vlatko
7 Kupreskic. Je vais vous demander de nous donner lecture de la déclaration
8 solennelle.
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Monsieur le Président,
10 Madame le Juge, Monsieur le Juge, je déclare solennellement que je dirai
11 la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
12 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie, veuillez
13 vous asseoir.
14 Maître Krajina, vous avez la parole.
15 M. Krajina (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
16 Monsieur Kupreskic, bonjour.
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – Bonjour.
18 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous êtes prêt à
19 déposer ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
21 M. Krajina (interprétation). – Entendu. Je vais vous demander de
22 bien vouloir décliner votre identité, votre nom, prénom, date de
23 naissance, lieu de naissance et votre adresse.
24 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je m'appelle Vlatko
25 Kupreskic, fils de Franjo, de mère Marija, née Jonic. Je suis né le
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1 1er janvier 1958 dans l'école élémentaire Ahmici, place Pirici,
2 municipalité Vitez, République de Bosnie-Herzégovine.
3 M. Krajina (interprétation). – Depuis que je suis né, je suis à
4 Pirici ou plutôt à Ahmici.
5 M. Krajina (interprétation). – Pourriez-vous dire également si
6 vous êtes célibataire, quelle est la famille dont vous êtes issu ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Ma famille est
8 multinationale. Ma cousine Denka Jonic, donc la fille de mon oncle, s'est
9 mariée à un Musulman, Nuseta Bajic, à Zenica. Une autre cousine qui
10 s'appelle Marija Kupreskic et qui est la fille de mon oncle s'est mariée à
11 un Serbe, Seda Lalic. Et enfin, ma sœur Jelena s'est mariée également à un
12 Musulman, avec un Musulman de Travnik, (expurgée)
13 (expurgée).
14 M. Krajina (interprétation). – Maintenant, je vais vous demander
15 de nous présenter quelques données, très brièvement, sur votre vie et sur
16 votre curriculum vitae.
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je vais décrire ma famille.
18 Je suis né à l'école élémentaire, mes parents avaient sept enfants, nous
19 étions neuf au total avec les parents. Mon frère aîné est décédé parce
20 qu'il avait le coeur malade, c'était congénital, et ma soeur cadette
21 également, elle est morte de cette même maladie. Moi aussi, je suis né
22 avec cette malformation cardiaque et je suis resté le seul garçon avec les
23 quatre filles.
24 Je suis chef de famille, je suis marié avec Lubija Kupreskic et
25 j'ai ma fille Milena, née en 1982. Mon fils Igor né en 1986. En 1993,
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1 j'avais déjà des enfants qui étaient assez grands, en avril 1993 ma fille
2 avait 11 ans et mon fils Igor avait 7 ans.
3 Quand je dis que j'étais chef de famille, en plus j'étais chargé
4 de mes parents qui n'avaient pas de salaires à partir de 1989, c'est moi-
5 même qui était chef de famille vis-à-vis également de mes parents. Enfin
6 c'est moi qui les entretenaient.
7 Ce qui est intéressant également, c'est que j'avais une grand-
8 mère dont je me suis beaucoup occupée qui avait 80 ans et dont l'époux est
9 décédé. Elle n'avait plus personne, elle était seule dans son village,
10 c'est moi qui l'ai accueillie et c'est moi qui ai aménagé la maison.
11 Pendant 18 ans je me suis occupé de cette grand-mère, elle est décédée
12 chez moi et c'est moi qui l'ai enterrée.
13 M. Krajina (interprétation). – Qu'est-ce que vous avez fait
14 comme formation ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – J'ai fait les quatre
16 premières années de l'école élémentaire à Ahmici, ensuite j'étais à
17 l'école élémentaire de Dubrovica, quatre années après aussi, donc huit ans
18 d'enseignement obligatoire. J'ai fait la haute école économique de quatre
19 ans à Travnik, ensuite je me suis inscrit à la faculté des sciences
20 économiques et je suis diplômé de la faculté de sciences économiques en
21 1981 à Sarajevo.
22 M. Krajina (interprétation). – Pourriez-vous nous dire très
23 brièvement ce que vous avez fait une fois sortie de la faculté ? Qu'est-ce
24 que vous avez fait ? Pas en détails, juste pour voir ce que vous avez
25 fait.
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1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Après mes études, j'avais
2 bénéficié d'une bourse de l'entreprise SPS. Sept jours après avoir obtenu
3 mon diplôme, j'ai pris mes activités au sein de cette entreprise à Vitez.
4 C'est là où je suis resté jusqu'en 1991.
5 Mais ce que j'aimerais dire ici, c'est qu'en 1983 j'ai travaillé
6 également comme professeur. J'ai enseigné les matières économiques à
7 l'école secondaire à Vitez et, ensuite, j'ai fait de la musique. Et puis
8 déjà, quand j'étais jeune à l'école secondaire, j'étais attiré par la
9 musique et c'est grâce à la musique que j'ai pu même financer mes propres
10 études à la faculté. Et j'ai financé les études de mes sœurs.
11 Par conséquent, j'ai commencé à travailler dans cette entreprise
12 SPS, et j'ai travaillé dans la section chargée d'investissements et qui
13 était chargée plus particulièrement de la reproduction élargie. Au bout de
14 quatre mois de mes activités, j'ai été désigné chef de cette section. Je
15 suis resté à ce poste jusqu'en 1987-88, je ne m'en souviens pas
16 exactement.
17 Et ce qui est intéressant également peut-être à dire ici, c'est
18 qu'en ce qui concerne l'historique de cette entreprise, en ma qualité
19 d'économiste, j'ai opéré dans deux cas très spéciaux, dont un brevet avec
20 les Tchèques et les Russes pour les combustibles de fusées et un autre
21 brevet avec les Américains avec l'usine Hercules de Dallas.
22 C'est là que j'ai donc réalisé ces deux investissements assez
23 intéressants. Et puis je voulais me perfectionner dans le domaine qui
24 était le mien, et donc à partir de la catégorie A jusqu'à la catégorie 9,
25 entre nous, entre économistes, on se dit cela comme cela, et c'est la
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1 raison pour laquelle j'ai poursuivi encore mon perfectionnement. Je suis
2 resté jusqu'en septembre 1991 dans mon entreprise, et c'est à ce moment-là
3 que j'ai quitté cette entreprise.
4 M. Krajina (interprétation) - Entendu.
5 Vous avez dit que vous êtes né avec cette malformation
6 cardiaque. Pourriez-vous nous dire quel était votre état de santé et quel
7 est votre état de santé actuel ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation) - Je me suis fait opérer en
9 1966 à l'hôpital militaire à Belgrade. Les médecins pensaient avant cette
10 opération que je ne pouvais pas survivre, comme c'était le cas d'ailleurs
11 de ma soeur et de mon frère. J'étais dans un état assez grave, mais après
12 l'opération, cet état de santé s'est nettement amélioré. Mais je ne suis
13 pas véritablement en très bonne forme parce que j'ai quelque chose qui est
14 congénital, et je ne peux pas me fatiguer ; il ne faut pas que je me fasse
15 trop de soucis, il faut que j'évite également toute situation
16 conflictuelle. Je transpire très facilement, voilà. Enfin ce sont les
17 signes de ma maladie.
18 M. Krajina (interprétation) – Bon, maintenant, nous allons
19 parler de 91, de 92, et par conséquent, des premières élections
20 démocratiques qui ont été organisées, du parti HDZ qui a été créé, et du
21 le HVO par la suite. Qu'est-ce que vous avez fait également pendant cette
22 époque-là ? Quelles étaient vos activités ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation) - A cette époque-là, je
24 travaillais à l'entreprise SPS ; je travaillais dans la section des
25 finances en tant que chef de cette section. Effectivement, la crise
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1 économique et la récession ont marqué cette époque-là, et le HDZ a été
2 créé en République de Croatie.
3 Cependant, dans notre entreprise, j'ai pu remarquer que les
4 problèmes s'aggravaient, qu'il était beaucoup plus difficile d'y rester,
5 de travailler. Il y avait très peu d'argent, les responsabilités étaient
6 de plus en plus grandes, et par conséquent je n'avais pas d'intérêt à y
7 rester. C'est la raison pour laquelle j'ai pris la décision de quitter
8 l'entreprise en septembre 91.
9 M. Krajina (interprétation) - Qu'est-ce que vous avez fait une
10 fois que vous avez quitté cette entreprise SPS ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation) - Une fois que j'ai quitté
12 l'entreprise SPS, je pense que je n'ai pas travaillé pendant deux mois, et
13 ensuite, lors d'un entretien, mon cousin Ivica Kupreskic, m'avait proposé
14 de travailler dans son entreprise, dans sa société. Comme j'ai des
15 capacités au niveau sciences économiques, lui n'avait personne qui pouvait
16 l'aider, il me l'a proposé. Au mois de novembre 91, j'ai travaillé dans
17 cette société, qui s'appelait Stefani Bosna. Personnellement, j'ai
18 rebaptisé cette entreprise Sutra. Moi, j'aimais bien travailler et j'ai
19 toujours fait ça d'ailleurs. C'est ce qui m'intéressait, c'est ma
20 profession et la musique bien évidemment de temps à autres.
21 Mais à un moment donné, très provisoirement et temporairement,
22 j'ai travaillé au poste de police car, à cette époque-là, le chef de la
23 police, Mirko Samija, m'a demandé de faire un inventaire ; par conséquent
24 de dresser le bilan de ce poste de police. C'était à la deuxième moitié du
25 mois de décembre 92 jusqu'au 25 février 93.
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1 M. Krajina (interprétation) - Merci.
2 Pourriez-vous nous dire maintenant quel était votre comportement
3 vis-à-vis de la création de ces partis en Bosnie-Herzégovine ? Pouvez-vous
4 nous dire également quelle était également votre attitude vis-à-vis de la
5 création du HVO de Bosnie-Herzégovine ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation) - Voyez vous j'ai voyagé, j'ai
7 circulé beaucoup ; j'ai suivi bien évidemment les médias de manière très
8 régulière, et j'ai pu remarquer que quand le parti national HDZ a remporté
9 la victoire, a pris le pouvoir en Croatie, nous savons que peu à près, la
10 guerre s'est déclenchée, et nous le savions tous. Et à cette époque-là
11 également, j'avais déjà une attitude négative vis-à-vis de la création de
12 tout ce qui est parti nationaliste.
13 Par conséquent, un parti créé en Bosnie-Herzégovine de tel type
14 ne pouvait qu'entraîner mon attitude négative, et je pense que j'avais
15 parfaitement raison car de tels types de partis ne peuvent que faire
16 déclencher les guerres, et c'est pour ça que j'ai épousé une telle
17 attitude.
18 Une des raisons pour lesquelles j'ai quitté également mon
19 entreprise, comme tout ce qui est finances, c'est que cela entraîne une
20 très grande responsabilité, et je me suis dit qu'éventuellement je
21 pourrais ne pas travailler conformément au règlement en vigueur, ce qui
22 était vrai et, moi, je ne voulais pas vraiment d'ailleurs dépendre d'un
23 règlement ou d'un autre. Moi je n'ai jamais été sanctionné, je n'ai jamais
24 subi aucune peine et je ne voulais pas véritablement me trouver dans la
25 situation de violer une loi, une règle.
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1 M. Krajina (interprétation) - Pourriez-vous très brièvement nous
2 dire ce que, pour vous, signifiaient ces événements et la création de ces
3 partis, et d'après vous, quels étaient les objectifs de ces partis
4 nationalistes et puis de la création de la communauté d'Herceg Bosna ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation) - Pour moi, cela signifiait
6 qu'il y avait quelque chose de dangereux qui se préparait, car il y avait
7 les trois partis nationalistes qui ont été créés, par conséquent, les
8 trois peuples qui rejoignaient ces partis différents. Chaque parti
9 défendait ses propres intérêts et moi je n'est jamais justifiée de tel
10 comportement et c'est comme ça que cela s'est passé. Ces partis ont
11 emporté la victoire dans leur territoire, soi-disant leur territoire. Ils
12 se sont emparés du pouvoir dans leur territoire, ils ont mis sur place le
13 pouvoir législatif, exécutif, ensuite militaire également. Très peu après,
14 beaucoup de problèmes et beaucoup d'incidents se sont produits, et puis la
15 guerre également s'est déclenchée.
16 M. Krajina (interprétation) - D'après vous, d'après ce que vous
17 venez de dire, est-ce que vous-même vous vous êtes engagé pour ces
18 objectifs ? Est-ce que vous avez participé à atteindre de tels objectifs ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation) - Depuis le début de la guerre,
20 en République de Croatie, moi j'avais une attitude négative vis-à-vis du
21 parti SDA, SDS, et notamment en Bosnie-Herzégovine, car on voit que tout
22 le monde a été aveuglé en ex-Yougoslavie du point de vue politique, et
23 tout d'un coup, il y a des partis, de nouveaux partis qui ont été créés et
24 notamment les partis nationalistes. Moi, j'habite la Bosnie et j'ai dit
25 que ma famille est multiethnique. Par conséquent, il n'a pas été
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1 pratiquement possible -pour ne pas dire qu'il était impossible- d'aboutir
2 à la paix.
3 Voyez-vous un petit peu quels sont les problèmes auxquels nous
4 devions faire face dans notre territoire ? Et je pense que jamais on ne
5 s'en sortira avant de se débarrasser de ces partis.
6 M. Krajina (interprétation) – Monsieur Kupreskic, est-ce que, à
7 cette époque-là, d'une façon ou d'une autre, vous-même vous vous êtes
8 engagé politiquement au sein d'un parti ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation) - Non, en aucun sens je n'étais
10 engagé dans un parti. Personne de mes voisins musulmans ni croates, et
11 personne –même pas ici- n'a dit que je me suis même approché d'une
12 réunion, sans parler d'avoir participé aux réunions parce que je
13 n'appréciais pas de tels types de réunion.
14 M. Krajina (interprétation) - Vous avez dit qu'à cette époque-
15 là, l'époque dont on parle, vous aviez développé une activité commerciale,
16 donc vous étiez un homme d'affaires, d'abord dans cette entreprise d'Ivica
17 Kupreskic. Ultérieurement, vous avez également créé votre propre société,
18 c'est vrai n'est-ce pas ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation) - oui.
20 M. Krajina (interprétation) – Pourriez-vous nous dire très
21 brièvement quelles étaient les activités de cette entreprise Kupreskic ?
22 Qu'est-ce que vous avez fait concrètement personnellement ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation) - L'entreprise Sutra était une
24 entreprise commerciale. Avant la guerre, et pendant la guerre en partie et
25 après la guerre également. Il s'agissait du commerce des articles
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1 alimentaires, denrées alimentaires à destination des populations ; donc
2 des vivres.
3 M. Krajina (interprétation) - Est-ce que vous avez travaillé
4 vous-même dans cette entreprise ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation) – Oui, j'ai travaillé dans
6 cette entreprise. J'avais l'expérience et j'étais chargé des papiers, mais
7 j'étais également un homme d'affaires et j'avais des activités
8 commerciales parce que j'avais quand même une très grande expérience du
9 commerce avec l'étranger du temps où j'ai travaillé dans l'entreprise SPS.
10 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que cette entreprise avait
11 fourni des articles à l'armée ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, nous n'avons jamais
13 fourni les vivres au HVO ou bien à n'importe quelle autre armée. D'abord
14 parce que l'armée avait sa propre base d'où elle se fournissait, d'où elle
15 s'approvisionnait.
16 M. Krajina (interprétation). – Et quels étaient vos rapports
17 avec Zoran et Mirjan Kupreskic ? Bien évidemment, je parle de votre
18 amitié. Est-ce que vous vous êtes fréquentés les uns les autres, et en
19 quels termes vous étiez ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais nous étions toujours en
21 très bons termes, nous étions de la même famille et puis on se fréquentait
22 entre familles. Mais compte tenu du fait que moi-même j'étais très
23 préoccupé par mon travail, j'ai tellement travaillé que souvent, en une
24 seule journée, j'étais obligé de me trouver à trois endroits différents.
25 J'étais rarement chez moi même. Par conséquent, je n'avais pas la
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1 possibilité non plus d'aller ailleurs. Mais normalement, on se voyait
2 pendant les fêtes qu'on organisait annuellement telles que Noël, Pâques,
3 la naissance des enfants, les enterrements.
4 M. Krajina (interprétation). – Et Mirjan et Zoran ont eu quelles
5 activités pendant cette époque-là ? Car, dans l'acte d'accusation, on
6 affirme qu'ensemble, avec Mirjan et Zoran, vous étiez au HVO et que vous
7 aviez une entreprise commune avec Zoran Kupreskic. Qu'est-ce que vous en
8 dites ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais ce n'est pas exact du
10 tout parce que Zoran Kupreskic n'a jamais travaillé dans mon entreprise,
11 dans ma société. Au contraire, il n'a rien à voir avec moi parce qu'il a
12 une autre profession, et pour ne pas le vexer, mais de toute façon il n'a
13 rien à voir et il n'est pas doué pour le commerce.
14 En ce qui concerne le HVO, moi, je n'ai jamais été membre du HVO
15 car j'ai été dispensé de faire mon service militaire parce que je suis
16 invalide à 100 %.
17 M. Krajina (interprétation). – Et à cette époque-là, en 1991, en
18 1992, quelles étaient vos relations avec les Musulmans, avec vos voisins,
19 par exemple entre hommes d'affaires ? Est-ce que vous pouvez nous dire
20 quelque chose à ce sujet-là ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien comme j'ai été élevé
22 dans une famille comme ça, mes relations étaient bonnes avec tous mes
23 voisins, avec des Musulmans, avec les autres, indépendamment de la nation
24 à laquelle ils appartenaient, même je dirais des relations très bonnes.
25 D'autant plus que, moi, j'avais un magasin, le magasin, la boutique qui se
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1 trouvait dans la partie musulmane du village. Eh bien évidemment, c'était
2 mon intérêt d'être en très bons termes si ce n'était que pour cela avec
3 tout le monde.
4 Et puis d'ailleurs, il y a les documents également qui en
5 témoignent. Mais je ne veux pas abuser du fait que je suis là. Mais je
6 dois dire que, souvent, je livrais les denrées alimentaires et je ne me
7 suis pas fait payer tout de suite. Même, c'était le cas vis-à-vis des
8 Musulmans, des Serbes, etc. Et il y avait beaucoup qui sont restés mes
9 créanciers, et une fois la guerre terminée, nous avons poursuivi nos
10 activités et nous avons commercé ensemble avec les Musulmans, avec toutes
11 les personnes indépendamment de leur nation.
12 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vos relations avec des
13 Musulmans ont changé ? Est-ce que ces relations se sont détériorées ou
14 bien, éventuellement, vous êtes resté toujours en bons termes avec les
15 Musulmans ? Et je pense toujours à la même période.
16 M. V. Kupreskic (interprétation). – Quand on parle de cette
17 période, par conséquent jusqu'au 16 avril 1993, mes relations n'ont
18 aucunement changé. Ces relations ne se sont pas détériorées car, par mon
19 comportement, par la manière dont j'ai agi vis-à-vis des gens, je n'ai pas
20 provoqué véritablement ces gens-là, et c'est la raison pour laquelle ils
21 n'ont jamais changé leur comportement vis-à-vis de moi.
22 Et moi-même, je n'avais aucune raison, d'ailleurs, pour changer
23 mon attitude vis-à-vis d'eux, car je n'ai participé nulle part à aucune
24 réunion, je n'ai jamais hissé le drapeau par exemple sur ma boutique,
25 alors que j'en avais l'obligation. Je faisais attention à ça parce que je
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1 ne voulais vraiment pas mettre dans une situation inconfortable les autres
2 et puis je ne voulais pas que mes voisins musulmans pensent que j'ai
3 changé mon point de vue.
4 M. Krajina (interprétation). – Pour être un peu plus précis,
5 vous, personnellement, quelles sont les relations que vous entreteniez
6 avec vos voisins, les Pezer ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Comme avec tous les autres
8 voisins, j'avais d'excellentes relations avec la famille Pezer. Leurs deux
9 filles un peu plus jeunes, elles fréquentaient régulièrement mes soeurs et
10 puis jusqu'au dernier jour, jusqu'au 14 avril, tous les voisins saluaient
11 moi-même et tous les membres de ma famille.
12 Ma mère, puisque Fata Pezer était une femme malade, lui portait
13 assez souvent du riz, du poulet... En fait, c'est ce que j'ai vu une fois
14 puisqu'elle souffrait de diabète. On avait des relations excellentes.
15 M. Krajina (interprétation). – Et quelles étaient vos relations
16 avec Sakib Ahmic, votre voisin, et avec d'autres membres de sa famille ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – Quant à Sakib Ahmic, il est
18 du même âge que mon père, ils se fréquentaient, ils se rendaient visite.
19 Et en effet, on doit dire que, parfois, il y a eu des problèmes au sujet
20 de la limite du terrain.
21 Mais vous savez, il a eu ce genre de problème de voisinage avec
22 tout le monde parce que, du côté Sud, il avait des voisins croates et au
23 Nord, si on peut dire, c'étaient des Musulmans. Mais il n'y a pas de
24 voisins avec qui il n'aurait pas eu de litige à ce sujet. Vous savez,
25 c'était un homme difficile. Même ses propres enfants l'ont battu une fois.
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1 Mais enfin, moi, j'ai eu de bonnes relations avec lui. Je ne
2 suis jamais entré en querelle avec lui, et puis j'avais de bonnes
3 relations avec ses enfants, parce que je peux dire que ses enfants, eux,
4 c'étaient des gens qui adoptaient des points de vue modernes sur le monde,
5 qui avaient une vision du monde qui ressemblait à la mienne. Nous avions
6 de bonnes relations.
7 M. Krajina (interprétation). – Très bien, Monsieur Kupreskic.
8 Nous allons nous concentrer sur la journée du 20 octobre 1992.
9 Autrement dit, il s'agit de l'époque du premier conflit. C'est ainsi qu'on
10 en a parlé ici, premier conflit opposant les Croates et les Musulmans.
11 Pouvez-vous nous dire ce que vous en savez de ce conflit, et où vous
12 trouviez-vous le jour du 20 octobre 1992 ? Pouvez-vous nous relater ce
13 dont vous vous souvenez, s'il vous plaît, brièvement ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, le 20 octobre 1992,
15 avant la nuit, je dormais dans ma famille avec tous les membres de ma
16 famille, nous étions tous présents. Mais à l'aube, avant l'aube, une
17 détonation nous a réveillés et nous nous sommes levés, nous allions voir
18 ce qui était en train de se produire, mais comme il n'y a pas eu de coups
19 de feu, nous n'avons rien pu, ni voir, ni entendre.
20 Mais nous sommes descendus dans le garage, le garage qui se
21 trouve en bas de ma maison. Ensuite, vers 8 heures, 9 heures, des tirs ont
22 éclaté. Nous étions dans ce garage à ce moment-là. Alors, vers 10 heures,
23 11 heures, comme il y avait deux petites fenêtres sur ce garage qui
24 permettaient d'avoir un peu d'air, j'ai vu des Musulmans depuis la partie
25 inférieure du village s'enfuir vers la partie supérieure du village.
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1 Et à partir de ce moment-là, les tirs se sont arrêtés ; il n'y a
2 plus eu de coups de feu. Mais, un peu plus tard, nos voisins musulmans
3 -c'était vers 2 ou 3 heures-, nos voisins musulmans qui vivaient près de
4 la route principale, près du cimetière, ont commencé à passer près de ma
5 maison. Et je me souviens très bien de la famille Set et je me souviens
6 également de la famille de Mujo Ahmic, qui était mon camarade d'école ; je
7 me souviens de son père, qui conduisait sa vache.
8 Alors je suis sorti et je leur ai demandé ce qui était en train
9 de se passer, puisque je n'en savais rien. Alors ils m'ont répondu en
10 disant qu'il y avait des coups de feu qui étaient tirés vers leur maison
11 et c'est pour ça qu'ils avaient quitté leur maison. Alors les coups de feu
12 ont repris, on s'est séparé. Moi, je suis rentré dans le garage et, eux,
13 ils sont partis vers la partie supérieure du village. C'est comme ça que
14 cette journée-là s'est terminée.
15 M. Krajina (interprétation). – Très bien.
16 Pouvez-vous nous dire ce que vous en pensez, de ces événements
17 du 20 octobre ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien par la suite, quand
19 il n'y a pas eu de coups de feu, j'ai essayé de savoir ce qui se passait.
20 J'ai téléphoné à mon cousin Ivica parce que je me suis demandé s'il avait
21 pu atteindre son entreprise. Je me suis dit que, peut-être, il n'avait pas
22 pu le faire et je l'ai trouvé à la maison. Il m'a dit qu'en fait, c'était
23 un conflit opposant deux armées, à un barrage près du cimetière.
24 Alors comme j'ai appris qu'il s'agissait d'un conflit entre deux
25 armées, bien entendu, cela m'a inquiété. Mais, par la suite, j'ai en effet
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1 appris qu'aucun des voisins n'y avait pris part et cela m'a un petit peu
2 réconforté. Mais quand j'ai appris qu'un homme avait été tué, en fait, un
3 homme de chaque côté, un Musulman et un Croate, alors là, j'ai condamné
4 cet événement, j'avais une attitude négative à l'égard de cet événement.
5 M. Krajina (interprétation). – Après cet événement du 20 octobre
6 1992, vous attendiez-vous à d'autres conflits entre les Musulmans et les
7 Croates ? Les rapports entre eux se sont-ils dégradés ? Que pouvez-vous en
8 dire ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, s'agissant de la
10 situation à Ahmici, je n'ai pas remarqué une détérioration des relations.
11 Tous les voisins ont continué à fréquenter mon magasin, tous les voisins
12 ont continué à saluer tous les membres de la famille, jusqu'à ce dernier
13 jour du 14 avril 1993.
14 Mais, en traversant la Bosnie centrale, en passant par des
15 postes de contrôle, des barrages, j'ai remarqué que la situation devenait
16 de plus en plus complexe. Parce que la première chose que j'ai pu
17 remarquer à ces barrages, par exemple, c'est qu'ils se multipliaient et
18 qu'il y avait de plus en plus d'hommes à ces barrages. Et puis, ils
19 étaient de plus en plus armés également, ces gens-là. Egalement, les
20 médias nous informaient de ce qui se passait en Bosnie orientale, en
21 Bosnie occidentale ; et on doit dire que la situation devenait de plus en
22 plus complexe.
23 M. Krajina (interprétation). – Et par rapport à cela, vous-même,
24 avez-vous modifié votre comportement et votre attitude ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je n'ai absolument pas
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1 modifié mes points de vue ni mon attitude, en particulier vis-à-vis de mes
2 voisins, parce que je n'avais pas pris part à ce premier conflit. Il n'y
3 avait absolument aucune raison que je modifie mon comportement ; nous
4 avons continué à avoir des relations comme avant.
5 M. Krajina (interprétation). – Monsieur Kupreskic, à cette
6 époque-là, ou un peu plus tôt, des patrouilles villageoises ont commencé à
7 se constituer. Nous avons entendu dire beaucoup de choses au sujet de ces
8 patrouilles et je ne voudrais pas qu'on s'étende là-dessus. Mais, dites-
9 nous, avez-vous pris part à ces patrouilles villageoises ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je n'ai jamais fait
11 partie de ces patrouilles villageoises.
12 M. Krajina (interprétation). – Mais on vous a invité à y
13 participer, n'est-ce pas ? Que pouvez-vous dire à ce sujet-là ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, j'ai rencontré une fois
15 Zoran Kupreskic. Il m'a dit qu'il avait l'intention de constituer des
16 patrouilles et je lui ai répondu que je respectais cette intention, que je
17 respectais tout à fait leur avis concernant les patrouilles, mais que moi,
18 je n'avais pas le souhait de participer à ces patrouilles. Et que
19 j'aimerais bien aussi, qu'en retour, eux respectent ma position à moi
20 parce que Zoran savait que je n'étais pas allé à l'armée, que je ne savais
21 pas manier une arme et que je travaillais à l'époque au moins à deux
22 endroits. J'avais des obligations et puis j'étais le soutien de famille.
23 J'étais le seul homme qui garantissait les ressources nécessaires à notre
24 famille.
25 M. Krajina (interprétation). – Nous approchons la période qui
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1 précède le conflit du 16 avril 1993. Alors j'aimerais qu'on se focalise
2 sur les journées du 14 et du 15 avril 1993. Pouvez-vous nous dire
3 brièvement et précisément où vous étiez pendant ces deux jours et quelles
4 étaient vos occupations ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien j'ai travaillé dans
6 mon entreprise, comme d'habitude. Mais, le 14 au soir, l'épouse d'Ivica,
7 Ankica Kupreskic, devait arriver d'Allemagne ; elle y avait passé plus
8 d'un an. Alors, Ivica et moi, on s'était mis d'accord que, bien entendu,
9 on allait la chercher, mais aussi qu'on allait saisir l'occasion pour
10 organiser un déplacement de travail afin d'apporter de la marchandise.
11 Effectivement, c'est ce qui a eu lieu. Nous avons, à la date du 13 avril,
12 fait une feuille de voyage d'affaires ; mais, sur la base de cette
13 feuille, nous ne pouvions pas circuler. En fait, nous avions besoin
14 d'avoir une autorisation de l'armée, du HVO, qui nous l'a effectivement
15 délivrée pour la journée du 14 avril 1993. Et le matin en question, le
16 14 avril, tôt le matin, nous sommes partis ; nous sommes partis en
17 direction de Split.
18 M. Krajina (interprétation). – Et comment avez-vous voyagé ?
19 Quelle est la route que vous avez prise ? A quel moment êtes-vous partis ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - Nous sommes partis le
21 14 avril 1993, tôt le matin. Je pense qu'il était 3 heures, 4 heures du
22 matin. Nous avons pris la voiture Jugo 45 d'Ivica et nous sommes partis
23 par Vitez, Novi Travnik, Metkovic pour Split.
24 M. Krajina (interprétation). – Quand est-ce que vous êtes
25 arrivés à Split ? A quelle heure à peu près, si vous vous en souvenez ?
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1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Si vous me le permettez, une
2 chose très importante. Pendant ce voyage jusqu'au poste-frontière
3 Metkovic, à Pocitelj, nous avons rencontré le témoin qui a témoigné ici le
4 6 mai 1999, le témoin DE. C'est la personne que nous avons donc rencontrée
5 le 14 avril 1993, dans la localité de Pocitelj. Nous avons poursuivi notre
6 route jusqu'au poste-frontière de Metkovic.
7 M. Krajina (interprétation). – Excusez-moi. Vous êtes restés un
8 instant avec cette personne ? Qu'est-ce qu'elle faisait ? Vous vous en
9 souvenez ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'était à une station
11 d'essence. Nous nous sommes arrêtés pour prendre de l'essence et c'est là
12 que nous avons croisé cette personne et nous nous sommes parlé pendant une
13 quinzaine de minutes. Il nous a dit qu'il venait de Split. Nous avons vu
14 un camion qui a été chargé et c'était tout. Et puis, nous avons poursuivi
15 notre chemin jusqu'au poste-frontière de Metkovic.
16 M. Krajina (interprétation). – Et par la suite ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). - Nous sommes arrivés à Split,
18 eh bien, vers 12 heures, parce que nous devions nous rendre à l'entreprise
19 Kotex. C'est là que nous avions rendez-vous. Nous devions acheter du sel
20 là-bas. Et après avoir eu ce rendez-vous, nous sommes allés chercher des
21 produits textiles. C'est ce que nous avons fait. Nous avons chargé le
22 véhicule et nous nous sommes rendus à l'aéroport de Split qui se trouve à
23 une quinzaine de kilomètres de Split.
24 Le soir, vers 21 heures, nous avons accueilli l'épouse d'Ivica
25 Kupreskic, Ankica Kupreskic, à cet endroit.
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1 M. Krajina (interprétation). – Excusez-moi, vous rappelez-vous
2 cette marchandise ? Il y en avait combien ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, vous savez, nous
4 voulions couvrir nos frais de voyage par cet approvisionnement, nous avons
5 acheté des Jeans, des pantalons Levi's 501 et puis de la lingerie et des
6 baskets pour enfants, une vingtaine de paires.
7 M. Krajina (interprétation). – Donc vous avez accueilli Ankica ;
8 et vous vous rendez où, à partir de ce moment-là ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, c'était assez tard
10 et nous avons quitté l'aéroport en direction de Baska Voda. Nous sommes
11 arrivés chez notre ami Radoslav Simovic, à Baska Voda, et c'est là que
12 nous avons passé la nuit.
13 Donc c'était la nuit du 14 au 15 avril 1993 et le lendemain
14 matin, le 15 avril, assez tôt, je pense que c'était vers 6 heures du
15 matin, nous sommes repartis pour Vitez.
16 M. Krajina (interprétation). – Et qui était dans la voiture ?
17 Vous trois, n'est-ce pas ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, oui. Ivica, son épouse
19 Ankica, et moi-même.
20 M. Krajina (interprétation). – Quand est-ce que vous êtes arrivé
21 chez vous, à peu près ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Assez tard, parce que la
23 route qui passe par Mostar était fermée. Donc on nous a dit d'emprunter
24 une déviation par le Mont Vran, et ça a été un voyage assez pénible et
25 long. Donc nous ne sommes rentrés que le 15 avril 1993 vers 19 heures.
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1 Voilà. Nous sommes arrivés à Ahmici.
2 M. Krajina (interprétation). – Et qu'avez-vous fait à ce moment-
3 là ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). – Tout d'abord, nous avons
5 déchargé la marchandise, le textile et les baskets dans le garage. Et
6 puis, pendant qu'on était encore dans la voiture, Ivica et Ankica se
7 disaient qu'ils devaient se rendre chez leur famille à Krcevine. Et puis
8 dès qu'on a déchargé la voiture, ils sont partis alors que, moi, je suis
9 resté chez moi avec ma famille.
10 M. Krajina (interprétation). – Etes-vous sorti le soir en
11 question ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je ne suis allé nulle part
13 ce soir-là puisque j'étais très fatigué. Et puis il fallait bien préparer
14 cette marchandise pour un acheteur de Travnik puisqu'on s'était mis
15 d'accord, au préalable, que le lendemain, le 16 avril 1993, avant
16 8 heures, je devais livrer cette marchandise. Donc on a emballé, on a
17 préparé la facture et puis on est sorti nulle part ce soir-là.
18 M. Krajina (interprétation). – Très bien. Quand vous êtes rentré
19 de Split, le 15 au soir, vous auriez vu des soldats près de votre maison
20 ou de votre magasin ? Donc quand vous êtes rentré de Split.
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, quand nous sommes
22 arrivés nous trois, quand nous sommes arrivés de Split, moi, je n'ai vu
23 aucun soldat, ni dans mon magasin, ni dans ma maison, ni devant ma maison.
24 Vous savez, mon magasin était ouvert jusqu'à 18 heures du soir, donc il
25 était fermé à ce moment-là. Quant à la maison, à l'intérieur ou à
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1 l'extérieur, je n'ai absolument pas vu de soldats et mon épouse ne m'en a
2 pas parlé non plus.
3 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que tout avait l'air comme
4 d'habitude, tout à fait ordinaire ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, tout avait l'air comme
6 d'habitude, comme tous les jours. Je n'ai pu remarquer aucune différence.
7 Et puis j'ai également demandé aux enfants comment s'était passée la
8 journée à l'école et tout, et ils m'ont dit que tout s'était bien passé.
9 M. Krajina (interprétation). – Monsieur Kupreskic, dans une
10 interview avec le représentant du Procureur, vous avez dit que vous vous
11 êtes rendu à Split le 13 avril 1993 et que vous avez passé la nuit à Split
12 chez une dame ; pourriez-vous, s'il vous plaît, nous expliquer cette
13 différence entre les deux déclarations, entre ce que vous avez dit au
14 Procureur et ce que vous dites aujourd'hui ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, voilà. Quand j'ai
16 donné cette déclaration, devant moi, comme aujourd'hui, il y avait ce que
17 vous pouvez consulter ; il y avait cette feuille de voyages d'affaires où
18 on voit en haut, dans l'angle, la date du 13 avril 1993.
19 (Le témoin montre un document sur le rétroprojecteur.)
20 Donc c'est l'entreprise Sutra qui émet cette feuille. Et puis
21 quand j'en ai parlé -on peut l'entendre sur la cassette- je considérais
22 que ce n'était pas une information très importante, mais je peux affirmer
23 avec toute ma responsabilité que nous sommes partis le 14 avril 1993 parce
24 que nous ne pouvions pas sortir de Vitez. Au poste de contrôle, on
25 n'aurait pas pu sortir d'après cette feuille-là, portant cette date-là, en
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1 fait cette feuille-là sans autorisation militaire. Donc j'ai fait une
2 erreur.
3 M. Krajina (interprétation). – Donc c'était un lapsus de votre
4 part ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui. Et puis la conversation
6 avait duré déjà depuis un moment et j'étais un peu fatigué, à ce moment-
7 là.
8 M. Krajina (interprétation). – Peut-on maintenant passer à la
9 journée du conflit, le 16 avril 1993. Pouvez-vous nous dire, de la manière
10 la plus brève mais aussi la plus précise possible, ce que vous avez fait
11 le jour en question. Qu'avez-vous vu, qu'avez-vous vécu, avec qui étiez-
12 vous, où étiez-vous ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je dirai qu'au moment où je
14 suis arrivé, le 15 avril au soir, j'ai informé la personne DF que le
15 lendemain, avant 8 heures, j'allais lui livrer la marchandise. Et après
16 avoir emballé la marchandise, après avoir préparé la facture, nous sommes
17 allés nous coucher.
18 J'ai dormi jusqu'à 5 heures du matin, je ne me suis pas du tout
19 réveillé de la nuit parce que j'avais été trop fatigué. Mais vers 5 heures
20 du matin, c'est mon épouse Ljubica qui m'a réveillé. Elle m'a dit de
21 répondre au téléphone et c'est ce que j'ai fait. J'ai répondu au téléphone
22 et une voix inconnue m'a dit : "Vlatko, qu'attends-tu ? Va à l'abri", et
23 il a raccroché.
24 Je ne l'ai pas pris au sérieux parce que cela s'était déjà
25 produit, des situations comparables s'étaient déjà produites. Donc comme
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1 j'étais fatigué, je suis rentré au lit. Mais quelques minutes plus tard,
2 le téléphone a sonné encore une fois. C'est mon épouse Ljubica qui a
3 répondu cette fois-ci aussi. Elle m'a dit que c'était Ivica qui
4 m'appelait. Alors j'ai répondu et Ivica m'a dit : "Vlatko qu'attends-tu ?
5 Va à l'abri, tout le monde est déjà parti", et il a raccroché.
6 Après, vraiment, j'ai été inquiet et j'ai vu qu'il y avait
7 quelque chose qui ne tournait pas bien, notamment quand il m'a dit : "Mais
8 tout le monde est parti", et puis je n'ai pas compris pourquoi il a tout
9 de suite rapproché.
10 Par la suite, mon épouse, Ljubica, m'a dit : "Mais vraiment il y
11 a quelque chose qui ne va pas parce que, hier, vers 3 heures, quelqu'un a
12 téléphoné, je ne voulais pas te réveiller parce que je savais que tu étais
13 fatigué, et donc je savais qu'il fallait rapidement aller à l'abri", et
14 c'est ce qu'on a fait. Donc je suis descendu au rez-de-chaussée pour
15 informer mes parents et ensuite, je suis allé aider pour préparer les
16 enfants et nous sommes descendus chercher les parents. Cependant, ma mère
17 était prête, mais mon père m'a répondu : "Ecoute Vlatko, moi je suis un
18 homme âgé, je ne veux pas partir". Et à ce moment-là, la chose qui était
19 la première que je voulais faire, c'est d'aller à la maison d'Ivica
20 Kupreskic pour vérifier ce qui se passait, donc on est allé à la maison
21 d'Ivica Kupreskic.
22 M. Krajina (interprétation). – Excusez moi... Donc qui est
23 parti ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mon épouse, mes deux
25 enfants, ma mère et moi-même, nous 5. Quand on est arrivé à la maison
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1 d'Ivica Kupreskic, on y a trouvé personne, on n'a vu personne. On a été
2 d'autant plus pris de panique. Alors d'un pas rapide, on est parti vers le
3 bois. Nous avons traversé le bois et on a atteint la maison de Niko Sakic,
4 d'où a une cinquantaine de mètres commence la route asphaltée. Et dans la
5 cour, devant la maison de Niko Sakic, on a croisé Niko Sakic. Et sur la
6 droite, également dans la cour de la maison, on a vu Dragan Samija dans la
7 cour de la maison de Dragan Samija. Et on a continué jusqu'à l'abri, puis
8 à une cinquantaine de mètres de cet endroit, on a croisé Milan Samija et
9 son épouse Mara Samija. Et on a continué jusqu'à l'abri, jusqu'à ce qu'on
10 arrive au bout du stade à Zume, et c'est là qu'on a entendu des
11 détonations terribles. D'abord, c'étaient des armes lourdes, enfin
12 c'étaient des obus qu'on a entendus, et cela nous a fait très peur, cela
13 nous a effrayés et nous nous sommes d'autant plus dépêchés vers l'abri.
14 Quand nous sommes arrivés devant l'abri, nous y avons trouvé plusieurs
15 personnes. J'ai vu Ivo Vidovic -je m'en souviens- j'ai vu Jozo Vrebac et
16 nous sommes entrés dans l'abri, nous avons descendu l'escalier, au rez-de-
17 chaussée de cet abri. Et c'est là que nous nous sommes installés dans une
18 pièce qui se trouvait à gauche par rapport à l'escalier.
19 M. Krajina (interprétation). – On poursuivra, mais permettez-moi
20 d'interrompre une seconde. Pour quelle raison êtes-vous allé dans cet abri
21 de Jozo Vrebac ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, quand il y a eu le
23 premier pilonnage de Vitez et de Busovaca par l'aviation de la JNA, nous
24 nous sommes mis dans cet abri. C'est en fait une maison qui, d'après nous,
25 était l'endroit le plus sûr pour se mettre à l'abri.
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1 M. Krajina (interprétation). – Donc il vous est déjà arrivé d'y
2 aller au préalable ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
4 M. Krajina (interprétation). – Et une autre question, s'il vous
5 plaît. Entre votre maison et l'abri dont on parle, auriez-vous croisé des
6 soldats ? En auriez-vous vus ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, nulle part on a croisé
8 de soldats.
9 M. Krajina (interprétation). – Très bien. Et à peu près à quel
10 moment êtes-vous arrivé dans cet abri ? Vous en souvenez-vous ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, vous savez, d'après
12 tout ce que j'ai entendu ici, je suis vraiment le dernier qui est sorti de
13 cette partie-là. C'est vers 6 heures qu'on a dû arriver dans cet abri.
14 M. Krajina (interprétation). – Et vous êtes resté jusqu'à quand
15 à peu près dans cet abri ? Combien de temps y avez-vous passé ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). – J'y suis resté jusqu'à
17 environ 10 heures. Il y avait beaucoup de coups de feu ; bien que nous
18 ayons été à l'intérieur, mais on entendait des tirs. Et vraiment, je dois
19 dire que je suis devenu très nerveux parce que j'ai entendu d'après ces
20 bruits de coup de feu, j'ai compris que c'était un conflit. Donc
21 j'éprouvais vraiment un grand poids et j'avais pas la conscience
22 tranquille, parce que je voulais aller voir ce qu'était devenu mon père
23 qui était resté à la maison.
24 Alors je m'interrogeais sans cesse : comment le faire, comment y
25 aller ? Mais je voyais que c'était impossible puisque les coups de feu ne
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1 s'interrompaient pas. Mais vers 9 heures, et 9 heures et demi, 10 heures,
2 j'ai eu l'impression que les coups de feu s'étaient un peu calmés. Comme
3 je l'avais déjà proposé avant, à mon épouse Ljubica, je lui ai redit qu'il
4 fallait que j'y aille, que je tente d'aller voir comment était mon père,
5 mais elle, elle s'y est opposée, elle a dit : "Mais enfin, c'est
6 impossible, tu vas te faire tuer".
7 Toujours est-il que plus tard, je lui ai dit à un moment où
8 vraiment je ne tenais plus, je lui ai dit : "Ljubica, il faut que j'y
9 aille, il va y avoir des blessés, il faut que j'aille aider, secourir les
10 blessés", et donc je suis sorti de l'abri.
11 M. Krajina (interprétation). – Et pourquoi avez-vous parlé des
12 blessés à votre épouse ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). – Simplement, c'est ce qui
14 m'est venu à l'esprit à ce moment-là, parce que je pensais que c'était
15 comme ça que j'allais la convaincre.
16 M. Krajina (interprétation). – Très bien, poursuivez.
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, quand je suis sorti
18 sur le chemin, à côté de cet abri, j'ai vu Jozo Vrebac et il m'a dit :
19 "Mais enfin, où vas-tu ?"; "Jozo, il est presque 10 heures, il faut que je
20 vois mon père", et j'ai continué le chemin. Donc j'ai coupé en me cachant
21 non pas par le chemin principal où il y avait des coups de feu, mais en me
22 cachant, en m'abritant. Il y a un bois qui est à une cinquantaine de
23 mètres devant la maison de Niko Sakic. Je suis arrivé de ce bois et je
24 suis sorti vers l'espace qui mène à la maison de Niko Sakic. Lui m'a vu et
25 il m'a dit : "Vlatko viens vite par ici" puisque je l'avais vu, je me suis
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1 mis à courir vers lui. Et il m'a aussitôt emmené vers le seuil de sa
2 porte. Nous sommes entrés dans sa cuisine.
3 Les tirs se sont poursuivis de façon ininterrompue. J'étais dans
4 la cuisine de Niko Sakic avec lui, je voulais voir si j'aurais l'occasion
5 de pouvoir passer chez moi. Mais quand je me suis rapproché, j'ai constaté
6 qu'autour de ma maison, il y avait beaucoup de tirs. Mais il m'a demandé
7 ce que je faisais là, où j'allais, sur ce quoi j'ai répondu que j'allais
8 voir ce qui était advenu de mon père qui était resté à la maison. Et j'ai
9 dit : "Niko est-ce que tu sais ce qui se passe ici ? Qu'est-ce qui se
10 passe ? C'est une véritable guerre ici !" Il m'a répondu : "Vlatko, je ne
11 sais pas, mais ce matin, j'ai vu des soldats du HVO qui se dirigeaient
12 vers ta maison".
13 Je suis resté dans sa cuisine, je dirais jusqu'à midi et demi,
14 je ne sais pas exactement. Ce que je sais, toutefois, c'est que, au cours
15 de cette période, les tirs ont diminué. Il y a eu une accalmie peu de
16 temps après midi ; vers midi et demi , il n'y avait plus de coup de feu.
17 J'en ai conclu que s'il n'y avait pas de coup de feu, s'il n'y avait plus
18 aucun tir -ce qui avait été le cas depuis un quart d'heure-, je me suis
19 dit que je pouvais peut-être rentrer chez moi puisqu'il n'y avait plus de
20 tir. Je croyais que ça s'était arrêté.
21 Je voulais savoir ce qu'il était advenu de mon père, j'ai quitté
22 la maison de Niko Sakic et j'ai suivi le chemin du côté bas de la forêt en
23 direction de la maison.
24 M. le Président (interprétation). - Nous allons peut-être avoir
25 une pause de 15 minutes. Est-ce que ceci vous convient, Maître Krajina ?
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1 M. Krajina (interprétation) - Oui.
2 M. le Président (interprétation). - Puisque nous poursuivons
3 jusqu'à 13 heures 30, nous avons une pause de 15 minutes maintenant .
4 L'audience, suspendue à 12 heures 05, est reprise à 12 heures
5 25.
6 M. le Président (interprétation). - Avant de demander à
7 Me Krajina de poursuivre l'interrogatoire principal, j'aimerais vous faire
8 part d'une décision que nous avons prise au moment de la pause café. Après
9 mûre réflexion, nous avons pensé que Me Radovic pourrait sans doute
10 soumettre sa requête oralement demain matin. Nous nous sommes dit qu'il
11 fallait accélérer la procédure, éviter la bureaucratie. Et comme vous
12 l'avez suggéré vous-même, Maître Radovic, si vous le souhaitez, vous
13 pouvez-vous abstenir de déposer une requête écrite, et vous pourrez nous
14 énoncer toutes les raisons que vous voulez invoquer.
15 La transcription de votre requête orale, faite bien sûr en
16 langue BCS, sera utilisée comme requête et nos demanderons au Procureur
17 d'agir dans les meilleurs délais afin qu'il nous dise si, oui ou non, il
18 fait objection à votre requête. Ceci pourrait se faire dès la première
19 heure demain matin, si ceci vous convient. Est-ce que ceci vous convient ?
20 (Signe d'assentiment du Procureur)
21 Fort bien.
22 La parole est à Maître Radovic.
23 M. Radovic (interprétation). – Monsieur le Président, c'est
24 demain que je vais présenter oralement ma proposition, et avec bien
25 évidemment des précisions. Merci.
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1 M. le Président (interprétation). – C'est moi qui vous remercie.
2 Maître Krajina, vous avez la parole.
3 M. Krajina (interprétation) – Merci, Monsieur le Président,
4 Monsieur Kupreskic, si vous voulez bien, nous allons poursuivre.
5 M. V. Kupreskic (interprétation) – Oui.
6 M. Krajina (interprétation) - Nous nous sommes arrêtés au moment
7 où vous êtes arrivé jusqu'à la maison de Niko Sakic. Vous pouvez par
8 conséquent maintenant nous décrire ce que vous avez fait par la suite.
9 M. V. Kupreskic (interprétation) –J'ai quitté la maison de Niko
10 Sakic, et je suis passé devant le garage par le bas de la forêt ; je me
11 suis dirigé vers ma maison. Je suis arrivé jusqu'au sentier qui mène vers
12 les maisons de Zoran et Mirjan
13 Au moment où je suis arrivé entre l'étable et mon ancienne
14 maison, j'ai pu voir l'entrée de la maison et l'entrée au rez-de-chaussée.
15 J'ai pu voir un soldat qui se tournait à gauche et à droite, et j'ai pu
16 remarquer également qu'il observait l'entrée à partir de la route, et par
17 conséquent du côté sud et du côté nord.
18 J'ai été quelque peu surpris, j'ai levé les bras et j'ai dit :
19 "Moi, je m'appelle Vlatko Kupreskic". Alors, lui, il m'a aperçu, il a
20 pointé le fusil sur moi et m'a dit : "Mais qu'est ce que tu cherches ?".
21 Alors, moi je lui ai rétorqué : "Mais, j'habite là et je suis venu
22 chercher mon père". Et lui m'avait donc dit : "Tu peux t'approcher" ; ce
23 que j'ai fait. Je suis arrivé jusqu'à l'entrée, et ensuite il a dit : "Tu
24 me suivras".
25 Nous avons montés l'escalier pour rejoindre le premier étage de
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1 ma maison ; il montait en premier et moi j'étais derrière ; il est rentré
2 dans le couloir, et à droite, une fois que vous êtes dans le couloir, il y
3 a les deux grandes pièces. Comme il est rentré le premier, il a dit :
4 "Celui-là, il est venu chercher son père" et quand je suis rentré dans
5 cette pièce, dans les deux pièces d'ailleurs, j'ai vu plein de soldats.
6 Selon mon estimation, il y en avait 7 ou 8 éventuellement. J'ai vu mon
7 père qui était assis sur une chaise et à table ; je me suis approché, je
8 l'ai embrassé, il a pleuré, et à l'oreille, il m'a dit : "Calme-toi",
9 parce que moi, je tremblais, j'avais très peur. Je me suis assis moi-même
10 sur une chaise, et j'avais tellement peur, je les observais ces soldats.
11 D'un autre côté également je cachais mon regard, mais j'avais peur, et je
12 me disais qu'il allait me tuer, mon père et moi-même, et j'avais peur de
13 ça.
14 Et même au moment où je suis rentré dans la maison, j'ai pu
15 remarquer que la porte avait été enfoncée ; il n'y a avait pratiquement
16 pas de porte sur le couloir, toute la maison a été fouillée, les produits
17 que j'avais chez moi et les articles que j'avais préparés. Tout se
18 trouvait un peu à gauche et à droite. La terre qui était dans les pots de
19 fleurs a été renversée sur les moquettes ; tout a été fouillé, on l'a vu.
20 M. Krajina (interprétation) - Tout à l'heure, nous allons
21 revenir à ce que vous venez de dire et à votre passage par la maison.
22 Pouvez-vous nous dire combien de temps vous êtes restés dans la maison et
23 à l'intérieur, et quand êtes-vous parti ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation) – En ce qui me concerne, je
25 pensais que c'était trop long, ça me paraissait très long. Je n'ai pas osé
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1 parler, je n'ai pas osé poser de questions, je me taisais. Cependant, un
2 soldat à ce moment-là avait parlé au téléphone, un portable Motorola, et à
3 un moment donné, il y en avait un qui s'est écrié : "Couchez-vous !".
4 Alors, tous se sont couchés par terre, alors que mon père et moi-même nous
5 sommes restés sur les chaises, mais celui qui était à côté de moi m'avait
6 tiré pour me baisser et me coucher moi-même. J'ignorais complètement de
7 quoi ils s'agissait, mais j'ai entendu le bruit des chars. Et puis, il y
8 en a un qui a fait quelques mouvements : il a soulevé la tête. La porte du
9 balcon était en verre ; il a regardé à travers et il a dit : "Ils se
10 dirigent vers nous". Et c'est ainsi que nous sommes restés couchés par
11 terre.
12 Mais les chars ne sont pas restés, ils ne se sont pas approchés
13 plutôt, mais ont poursuivi. Ils ont dépassé le magasin, mon magasin,
14 l'école. C'est par le bruit également que j'ai pu comprendre qu'ils se
15 trouvaient au niveau de l'école. Au moment où les chars étaient devant
16 l'école, un soldat avait dit qu'on pouvait se lever. Donc tous se sont
17 levées et moi, j'ai continué à me taire. Mais j'étais quelque peu déçu,
18 j'étais fâché également.
19 Enfin ce sont des sentiments mélangés ; je ne peux pas
20 véritablement vous l'expliquer. Il y en a probablement un qui s'en est
21 rendu compte. Cela s'est d'ailleurs confirmé par la suite, car ils ont
22 pillé pratiquement la maison. L'un m'avait dit : "Approche-toi de moi !" ;
23 il m'a fait sortir par le même couloir, sur la véranda de la porte
24 d'entrée. Puis il m'a dit : "Qu'est-ce que tu veux ? Tu veux
25 éventuellement que ceci se passe comme là, à côté ?" Et puis, il
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1 m'indiquait la maison de Sukret Ahmic qui était en flammes. Moi, je ne
2 disais rien. Il m'a fait tellement peur en le disant. Et ensuite, il a
3 dit : "Fous le camp et viens chercher ton père plus tard !". Moi, je me
4 suis dépêché de partir. C'est le même sentier que j'ai emprunté entre
5 l'étable et l'ancienne maison, que j'ai regagné la même route et je suis
6 retourné vers la maison de Niko Sakic.
7 M. Krajina (interprétation). – Pourriez-vous nous décrire ce que
8 vous avez fait par la suite ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). - Quand je suis sorti de cette
10 forêt, à la sortie, vers la petite forêt, j'ai trouvé Drago Grgic et un
11 autre soldat qui portait la tenue de camouflage. Puis, Vidovic Anto qu'on
12 appelait catko. Puis Drago qui m'a posé la question : "Vlatko, d'où viens-
13 tu et pourquoi viens-tu de cette direction ?" Je lui ai expliqué ; j'ai
14 dit que j'étais allé chercher mon père.
15 Voilà, c'est là que nous sommes restés quelque peu, mais très
16 brièvement. Et puis les tirs ont recommencé. Ensuite, nous sommes partis
17 tous, chacun de son côté. A Drago Grgic et moi-même, étant donné que
18 Nikola Samija était devant chez lui, devant sa maison, il a dit : "Mais
19 vous pouvez vous retirer chez moi !" Et puis ce soldat, avec Anto Vidovic,
20 surnommé Catko, ils ont poursuivi la route, et en direction de l'abri. Ce
21 n'est que plus tard que j'ai appris que la famille d'Anto Vidovic,
22 surnommé Catko, se trouvait dans cet abri, l'abri de la maison de Niko
23 Sakic. Et moi aussi, je suis rentré dans la cave de Nikola Samija ; c'est
24 là où je suis resté jusqu'à 16 heures, à peu près.
25 M. Krajina (interprétation). – Et qu'est-ce que vous avez fait
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1 par la suite ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mais j'étais très
3 préoccupé : les tirs ont continué et puis la question que je me suit
4 posée, c'est pourquoi on s'est arrêté de tirer à un moment donné. Je me
5 suis dit que c'était probablement parce que la Forpronu était rentrée. Et,
6 tout d'un coup, quand les véhicules transporteurs blindés sont partis,
7 alors les tirs ont recommencé ; ils sont sortis du village et les tirs ont
8 recommencé. J'étais très préoccupé par tout ce que j'ai vu et senti, mais
9 je ne pouvais pas partir jusqu'à l'abri et dire à mon épouse, à ma mère, à
10 mes enfants que j'étais en vie encore, et puis de les informer que mon
11 père était encore en vie. C'est pour ça que je suis resté dans la cave de
12 Nikola Samija. J'ai essayé de voir s'il y avait une occasion ou pas de me
13 rendre à cet abri.
14 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous êtes parti ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les tirs se sont calmés
16 quelque peu vers 16 heures. C'est comme ça que j'ai pu regagner cet abri.
17 Enfin, je me suis caché quelque peu sur la route. J'ai pu informer ma
18 mère, mon épouse que mon père était en vie, mais je ne voulais absolument
19 rien leur raconter de ce qui est arrivé, ne pas donner de détail.
20 M. Krajina (interprétation). – Nous allons revenir à cette
21 question-là. Mais cette fois-ci, si vous voulez bien, juste nous dire
22 quelques mots au sujet de la maison dans laquelle vous êtes resté un
23 moment. Vous avez parlé de sept, huit soldats que vous avez vus.
24 Pourriez-vous nous dire, de manière très précise, si vous avez
25 reconnu quelques soldats, un soldat ou l'autre ? Comment ils étaient
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1 vêtus ? Comment ils étaient, s'il vous plaît ? Qu'est-ce qu'ils
2 portaient ? Est-ce que vous avez reconnu quelqu'un ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Au moment où je me suis
4 assis sur cette chaise, j'étais vraiment très nerveux. J'avais très peur,
5 mais j'étais à quelques centimètres d'eux-mêmes. J'ai pu quand même
6 remarquer que tous avaient des peintures noires sur le visage, la plupart
7 avaient des uniformes de camouflage. Il y en avait deux qui avaient des
8 uniformes noirs ; il y en avait qui portaient des casques. Ils portaient
9 des rubans sur l'épaule gauche, cela je m'en souviens, car je n'ai jamais
10 vu de rubans auparavant. Tous étaient armés, et bien. Je n'ai reconnu
11 personne. C'étaient pour moi des personnes parfaitement inconnues.
12 M. Krajina (interprétation). – Et pendant que vous étiez à
13 l'intérieur de votre propre maison, là où se trouvaient les soldats, est-
14 ce qu'ils parlaient entre eux des tirs qui ont été échangés, des tueries
15 par exemple des Musulmans ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je suis resté très peu
17 de temps avec eux et puis je n'ai entendu aucune conversation.
18 M. Krajina (interprétation). – Entendu.
19 Nous allons revenir vers ce que vous avez dit à propos de
20 l'abri. Vous avez dit que vous êtes retourné à l'abri. Jusqu'à quand y
21 êtes-vous resté et qu'est-ce que vous avez fait dans cet abri ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je suis resté dans l'abri de
23 Jozo Vrebac jusqu'à 18 heures à peu près. Là, je me suis dit que je
24 pouvais retourner chercher mon père. Ce que j'ai fait effectivement. Je
25 suis arrivé jusqu'à ma maison ; j'ai vu mon père qui était seul, il n'y
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1 avait plus de soldats ni à l'intérieur ni aux alentours. Lui, il avait eu
2 très peur, il était très bouleversé ; il ne croyait même pas que j'allais
3 pouvoir y retourner. Il s'est préparé tout de suite. Moi, j'ai pris des
4 vivres avec moi. Il y avait un frigo et plein de nourriture. Donc, j'ai
5 mis cette nourriture dans un sac plastique et nous sommes partis lentement
6 vers la maison de Jozo Vrebac. Mon père marchait très lentement.
7 M. Krajina (interprétation). – Pourquoi ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - Parce qu'il s'est fracturé
9 la jambe au niveau de la hanche. Il pouvait avancer lentement, mais avec
10 des béquilles. C'est comme ça que nous sommes arrivés vers 19 heures à
11 l'abri, peut-être même 19 heures 30. Je sais que nous avons mis du temps
12 et je me souviens également qu'au moment où mon père s'est installé dans
13 l'abri, nous avons entendu une détonation très violente ; je suis sorti de
14 l'abri pour voir ce qui se passait maintenant, et plus tard nous avons
15 appris que cette explosion s'est passée au niveau de la mosquée, parce
16 qu'on avait détruit la mosquée à ce moment-là.
17 M. Krajina (interprétation). – Qu'est-ce que votre père
18 Franjo vous a dit ? Qu'est-ce qu'il avait vécu le 16 avril dans sa propre
19 maison ? Qu'est-ce qu'il a vu ? Qu'est-ce qu'il a entendu ? Qu'est-ce qui
20 se passait à Ahmici d'après lui et qu'a-t-il entendu ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, bien évidemment, je
22 le peux parce que j'en ai parlé, j'ai parlé avec lui, je lui ai même posé
23 la question, je lui ai demandé comment il a vécu ces moments-là. Il a dit
24 que jamais il ne l'oublierait car c'est le matin que les soldats sont
25 rentrés au rez-de-chaussée. D'abord, il y avait cette détonation, les tirs
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1 très intenses. Lui, il s'est caché dans la salle de bains qui était sous
2 terre, enfin, parce que le rez-de-chaussée est pratiquement sous la terre,
3 et les soldats l'ont trouvé dans cette salle de bains. Ils lui ont posé la
4 question pour savoir qui il était, ils criaient, il a répondu qu'il était
5 Franjo Kupreskic, on ne lui faisait pas confiance ; on lui a demandé la
6 carte d'identité, il l'a trouvée, il a montré la carte d'identité, et
7 c'est là où on l'a laissé tranquille.
8 M. Krajina (interprétation). – Est-ce qu'il avait dit si les
9 soldats avaient tiré à partir de la maison ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, il a dit qu'ils
11 tiraient de la maison, autour de la maison également, et plus tard, quand
12 je suis arrivé pour la première fois, j'ai pu également constater les
13 douilles un petit peu partout la terre, et puis les traces de la poudre.
14 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que votre père Franjo
15 vous a parlé également des souffrances des voisins, des Pezer ? Au cours
16 des conversations différentes, est-ce qu'il avait appris quelque chose ce
17 jour-là ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui. Ce jour-là, il a pu
19 voir l'épouse, je pense que c'est l'épouse de Cazim Ahmic. Il m'a dit
20 qu'il a aidé Cazim, il s'est occupé ensemble, avec lui, de son épouse.
21 M. Krajina (interprétation). – Mais de quoi il s'agissait ?
22 Comment il l'a aidé ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). – Au moment où il l'a vu,
24 il a vu qu'il portait son épouse. Il a essayé de l'aider, mais les soldats
25 ne lui ont pas permis. Et si j'ai bien retenu ce qu'il m'a raconté, il les
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1 a priés, il leur a demandé qu'on lui accorde de l'aider et ensuite, il a
2 donné une hache, il a donné également une couverture et Cazim a fait des
3 brancards grâce à cette couverture.
4 M. Krajina (interprétation). – Mais vous parlez donc du
5 moment où l'épouse de Cazim a été blessée, mais vous a-t-il parlé des
6 Pezer, de ce qui leur est arrivé ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, absolument pas.
8 M. Krajina (interprétation). – Maintenant, après le
9 16 avril, le 16 avril au soir, ensemble avec votre famille, y compris
10 votre père Franjo, vous êtes à l'abri ; vous êtes resté jusqu'à quand dans
11 cet abri avec votre famille ? Et où êtes-vous parti par la suite ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Nous sommes restés dans
13 cet abri jusqu'au 17 avril. C'était 20 heures, 21 heures à peu près, au
14 moment où on nous a avertis que dans le village voisin musulman, on
15 préparait éventuellement une attaque et qu'on s'attendait à une attaque.
16 Je pense que pratiquement tous ont quitté cet abri. Moi aussi, avec les
17 membres de ma famille, je suis parti à Donja Rovna.
18 M. Krajina (interprétation). – Et vous êtes resté combien de
19 temps à Donja Rovna ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Nous sommes restés à
21 Donja Rovna 10 jours, 15 jours maximum. Et comme les conditions
22 d'hébergement étaient vraiment très mauvaises, moi j'ai fait déménager ma
23 famille à Vitez dans la maison de Niko Kristo.
24 M. Krajina (interprétation). – Combien de temps vous êtes
25 resté à cet endroit-là ?
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1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Nous sommes restés à la
2 maison de Niko Kristo jusqu'au mois de juillet, ce n'est qu'au mois de
3 juillet que nous sommes retournés dans notre maison d'Ahmici.
4 M. Krajina (interprétation). – Entendu.
5 Monsieur Kupreskic, nous allons passer à un autre sujet, si
6 vous voulez bien. Pourriez-vous nous dire si vous avez été mobilisé, quand
7 et comment ? Pourriez-vous, s'il vous plaît, nous le décrire de manière
8 très précise ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je vous ai déjà dit que
10 j'étais dispensé du service militaire, que je n'ai pas cette capacité. Il
11 y avait bien évidemment l'armée qui venait vérifier, moi j'ai mon livret
12 militaire. En plus je me suis fait opérer, comme je l'ai dit ; la
13 cicatrice est grande, elle est visible. Donc j'ai toujours réussi à me
14 dispenser et à ne pas m'engager, surtout à ne pas répondre à la
15 mobilisation. Mais vers le 15 septembre 1993, ce n'était plus possible.
16 Rien ne pouvait m'aider. Et la police militaire m'avait tout simplement
17 forcé à me rendre au bureau de la défense ; je pense que c'était le bureau
18 de la défense.
19 M. Krajina (interprétation). – Et que s'est-il passé par la
20 suite ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Au moment où on m'a
22 conduit jusqu'au bureau de la défense, je me suis retrouvé dans une pièce,
23 enfin un bureau, et j'ai rencontré dans ce bureau le témoin DA/D, elle
24 avait déposé ici, le 20 janvier 1999, et j'ai rencontré Zoran Dormic
25 également, dans ce même bureau.
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1 M. Krajina (interprétation). – Mais ils ont travaillé au
2 bureau de la défense ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui. Ils ont travaillé
4 là-bas. J'ai tout de suite remis mon livret militaire, je l'ai remis à
5 cette dame ; elle a fait un commentaire et puis j'ai dit que j'étais
6 invalide à 100 %. Elle a dit : "Mais pourquoi vous l'avez emmené ?". Moi
7 je ne la connaissais pas et c'est bien la première fois que je l'ai
8 rencontrée, mais Zoran Dormic, je le connaissais, en revanche. Elle a
9 dit : "Je ne sais pas quoi faire avec vous" et, moi-même, comme j'ai déjà
10 eu des problèmes avec mes voitures, car moi aussi j'avais une voiture
11 Yugo 45 et j'avais une Mercedes également, 123, c'est une voiture plus
12 puissante, j'ai eu quelques problèmes car on voulait me la confisquer. Et
13 moi je me suis souvenu, j'ai eu cette idée-là, et moi-même j'ai dit à
14 cette dame-là que je pouvais éventuellement être le chauffeur étant donné
15 que j'ai cette voiture. Elle a dit : "D'accord". Elle a appelé au
16 téléphone je ne sais pas qui, et puis elle avait dit que je pouvais, par
17 conséquent, aller voir M. Bertovic, à l'entreprise Impregnacija.
18 Voilà, c'est comme ça que j'ai pris ma voiture et c'est avec
19 ma voiture, la Mercedes blanche 123, et je suis allé voir M. Bertovic,
20 comme il m'a été demandé. Je ne connaissais pas ce monsieur-là. J'ai tout
21 simplement dit que la personne en question m'avait envoyé, ils étaient en
22 contact probablement et c'est lui qui m'avait dit qu'il fallait me rendre
23 au dispensaire, enfin c'est un centre médical de Zume, il fallait que je
24 me mette à la disposition pour être le chauffeur des ambulances auprès de
25 ce centre médical, ce que j'ai fait. Je suis allé à cet endroit-là. J'ai
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1 trouvé le centre médical, je me suis adressé au commandant de ce centre
2 médical : il s'agit de la dame qui s'appelle Finka Vidovic.
3 M. Krajina (interprétation). – Poursuivez.
4 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai été mobilisé de
5 cette manière-là dans ce centre médical. Mais à proximité de ce centre
6 médical, il y avait le quartier général de la 3ème Compagnie ; et c'est le
7 commandant de cette compagnie qui m'a appelé. Il a appelé Finka Vidovic
8 qui était mon chef et a dit que je ne pouvais pas conduire la voiture pour
9 les besoins de ce centre médical, mais, si jamais il n'y a pas
10 suffisamment de voitures et de personnes, il fallait que je me mette à la
11 disposition de cette compagnie également. Ce que j'ai fait, bien
12 évidemment. C'est comme ça que j'ai conduit les autres.
13 M. Krajina (interprétation). – Vous restez jusqu'à quand
14 dans ce centre médical ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'y reste jusqu'au
16 20 avril 1994, au moment où on m'avait démobilisé oralement. Et donc je
17 n'avais plus cette obligation de travail auprès du centre médical.
18 M. Krajina (interprétation). – Vous continuez à vivre à
19 Ahmici ? Qu'est-ce que vous avez fait par la suite ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - Nous avons tout de suite
21 essayé, Ivica et moi-même, de reprendre notre activité au sein de notre
22 société. C'est comme ça que nous avons poursuivi ces activités dans la
23 société Sutra. J'ai continué moi-même jusqu'en 1995, au moment où, avec
24 mon épouse, j'ai créé cette société appelée Modus.
25 M. Krajina (interprétation). – Nous allons passer à un
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1 nouveau sujet, si vous voulez bien. Quand avez-vous appris que l'acte
2 d'accusation a été dressé contre vous ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je me souviens fort
4 bien : un jour, deux personnes qui m'étaient inconnues sont arrivées chez
5 moi. L'un s'était présenté et m'a dit qu'il s'appelait Sliskovic et
6 l'autre a dit s'appeler Matosevic. Comme ma maison était en même temps mon
7 bureau, il y en avait beaucoup qui venaient me voir ; je ne savais pas de
8 quoi il s'agissait au début. Ils ont dit qu'ils venaient du service de
9 renseignement, d'information SIS. Ils ont dit avoir appris que l'acte
10 d'accusation a été dressé contre moi et contre d'autres personnes qui, à
11 cette époque-là, étaient sur l'acte d'accusation ensemble avec moi.
12 M. Krajina (interprétation). – C'était un service militaire
13 ou quoi ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas de quel
15 service il s'agit. Tout ce que je sais, c'est qu'ils ont dit : "Nous
16 venons de SIS". A cette époque-là, je ne savais pas ce que c'était.
17 M. Krajina (interprétation). – Et comment avez-vous vécu
18 cela ? On vous a appris maintenant qu'il y a un acte d'accusation dressé
19 contre vous : qu'est-ce que vous avez entrepris ? Si vous avez entrepris
20 quelque chose, quelles sont les démarches que vous avez entreprises ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Comment voulez-vous que
22 je perçoive tout cela, au début, personnellement. Moi, je vous donne la
23 description de ce que j'ai ressenti moi-même. Pour moi, c'était ridicule,
24 bizarre, étrange, tout ce que vous voulez. Cela n'avait rien à voir avec
25 quelque chose de normal. Pourquoi moi, accusé, pour Ahmici ? Je n'ai rien
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1 à voir avec ça ! Je me suis dit que quelqu'un s'amusait, que c'était une
2 boutade. C'était difficile de me l'expliquer.
3 Mais quand, dans les mass media, la télévision, les journaux
4 également, je l'ai lu, à ce moment-là j'ai compris que c'était du vrai,
5 que c'était pour du bon et qu'il s'agissait d'un acte d'accusation
6 véritablement dressé. Mais, même à ce moment-là, je me disais que c'était
7 une très grande erreur, un très grand malentendu et qu'il s'agissait d'une
8 très grande et grave erreur qui, en peu de temps, allait être corrigée,
9 surmontée. Avec les jours qui passaient, j'ai compris que c'était très
10 sérieux et c'est déjà au mois de juin que j'ai commencé à préparer ma
11 défense ; je parle de 1996.
12 M. Krajina (interprétation). – Mais qu'est-ce que vous avez
13 entrepris de manière très concrète ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Pardon, je ne vous ai
15 pas compris.
16 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous vous êtes
17 adressé à quelqu'un ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, j'ai déjà contacté
19 les personnes qui se trouvaient sur le même acte d'accusation ; je les ai
20 appelées. Marinko Katava, je ne l'ai jamais vu, auparavant : je ne savais
21 même pas de qui il s'agissait au début. Et puis, Vlado Santic, c'est la
22 première fois que je l'ai connu ici, la première fois, dans la prison ;
23 c'est alors que j'ai entendu parler de lui bien évidemment. Mais je l'ai
24 vu pour la première fois ici. Puis, je me suis mis en contact avec mes
25 cousins, avec les membres de ma famille. Nous étions très surpris, nous
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1 nous sommes posé la question de ce qu'on devait faire.
2 Mais, je le répète une fois de plus : je pensais que ça
3 allait porter ses fruits. J'ai décidé d'écrire, d'écrire aux institutions
4 internationales, à des personnes également qui travaillaient en Bosnie-
5 Herzégovine, au nom de la Communauté internationale.
6 Puis, j'avoue que, sur cet acte d'accusation, j'ai vu qu'il
7 y avait également Stipo Alilovic ; c'est cela qui m'a frappé : je le
8 connaissais. Dragic a travaillé avec moi et moi, je savais que lui, en
9 1992, il est parti à l'étranger. Comme je circulais, comme je savais que
10 cet homme n'est jamais retourné de l'étranger, je ne l'ai jamais revu.
11 C'est pourquoi je me suis dit que, si j'écrivais, si je
12 correspondais avec les institutions internationales, dans ce cas-là,
13 j'allais pouvoir obtenir des résultats. J'ai envoyées toutes ces lettres.
14 Au fond, elles contenaient un message qui était très clair, qu'il
15 s'agissait d'une erreur, une erreur très grande, que l'acte d'accusation a
16 été dressé, mais qu'il ne me concernait pas, que c'était une erreur
17 grossière, que nous sommes prêts également à nous mettre à la disposition
18 de tous ceux qui ont besoin de nous, à nous rendre ici à La Haye, que nous
19 condamnons les crimes qui ont été commis, etc.
20 Jamais on n'a reçu de réponse à aucune de ces lettres. Moi,
21 par conséquent, j'étais très mécontent de ce fait ; et mon épouse et moi-
22 même, nous nous sommes adressés personnellement, le 23 novembre, à ce
23 Tribunal. C'est dans cette lettre que nous avons…
24 M. Krajina (interprétation). – En 1997 ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, le 23 novembre
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1 1997, nous avons exposé notre problème, mais on n'a jamais reçu de réponse
2 à cette lettre et aucune formule de coopération.
3 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous pouvez nous
4 donner des explications, nous dire pourquoi vous ne vous êtes pas rendu,
5 comme ceci fut le cas avec les autres ? Est-ce que vous avez eu
6 l'intention de vous cacher ou de vous rendre ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne me suis pas rendu,
8 je ne suis pas venu ici avec ces autres personnes pour plusieurs raisons.
9 Enfin, du moins, c'est mon explication.
10 En premier lieu, parce que je suis parfaitement innocent. Je
11 ne suis pas coupable des faits qui me sont reprochés. En deuxième lieu, je
12 dois dire que je suis un homme malade. Je pensais qu'en aucun cas je
13 n'allais pouvoir supporter les conditions de détention provisoire, donc le
14 temps que cela ne soit tiré au clair. En troisième lieu, je ne me suis pas
15 rendu parce qu'on nous a proposé de nous remettre à la République de
16 Croatie. Or, après avoir vu ce qui s'était passé avec Zlatko Aleksovski et
17 Pero Skopljak, qui avaient été détenus en République de Croatie, moi, en
18 tant que quelqu'un qui est malade, je n'osais pas entreprendre cela.
19 M. Krajina (interprétation). – Et qui vous a proposé cela ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - Il y a eu des gens qui
21 l'ont proposé, des personnes qui venaient de Croatie et qui, à l'époque,
22 ont constitué la défense. A l'époque, je n'ai pas pris cette décision.
23 Ma quatrième raison est la suivante : je croyais que
24 j'allais enfin recevoir une réponse, que cela allait être tiré au clair.
25 Et puis, j'avais quand même des responsabilités vis-à-vis de mon
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1 entreprise : au 31 décembre de l'année civile, je devais dresser un bilan
2 de cette entreprise. C'est pour cela aussi qu'au moment où ces hommes se
3 sont rendus, je n'ai pas eu l'intention de le faire moi-même.
4 M. Krajina (interprétation). – Vous aviez l'intention de
5 vous rendre à un autre moment ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui. Monsieur le docteur
7 Krajina, vous savez que je vous ai engagé en 1997, au mois de novembre de
8 cette année et que nous nous sommes mis d'accord, que vous avez joué
9 l'intermédiaire pour qu'une lettre soit remise au Tribunal via le bureau
10 du Tribunal à Sarajevo. Vous savez que nous nous sommes mis d'accord sur
11 le fait que j'allais me rendre à Sarajevo, précisément que j'allais me
12 livrer à la Forpronu en mars 1998.
13 M. Krajina (interprétation). – Et, entre-temps, vous êtes-
14 vous caché quelque part ? Comment avez-vous vécu ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les gens ici présents le
16 savent. Et j'ai des témoins innombrables parmi mes voisins, des Musulmans,
17 des Croates, tout le monde sait que je ne me suis jamais pas caché. Cela a
18 étonné les gens d'ailleurs, mais je ne suis pas coupable de ce qui m'est
19 reproché. Je n'ai rien à voir avec cela. C'est cette idée-là et la vérité
20 qui m'ont guidé. La Forpronu s'est régulièrement rendue chez moi puisque
21 j'ai deux filières, à Ahmici et à Vitez, au centre-ville, tous les jours
22 la Forpronu se rendait chez moi. Tous les jours, elle achetait chez moi.
23 M. Krajina (interprétation). – Ils vous voyaient
24 personnellement ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). – Ce jour-là, le 17
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1 décembre 1997, nous nous sommes vu deux fois à 9 heures du matin, vers 9
2 heures, et à 17 heures, durant cette seule journée. Or, le jour où dans la
3 nuit du 17 au 18 décembre j'ai été arrêté.
4 M. Krajina (interprétation). – Je vous prie d'être bref.
5 Pourriez-vous nous parler de votre arrestation ? Comment est-ce que cela
6 s'est déroulé ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Comment vous le
8 présenter ? Si j'arrive à tenir jusqu'au mois de mars 1998, si quelqu'un
9 veut m'arrêter, eh bien, il pouvait le faire à tout moment puisque tous
10 les jours je côtoyais ces gens. Je considérais qu'ils allaient venir me
11 demander ma pièce d'identité, comme toute autre police du monde, que
12 j'allais monter dans leur voiture et que j'allais venir ici.
13 Mais réellement, on doit dire que cela s'est déroulé d'une
14 manière brutale. Le 17 décembre en question, j'avais des invités. Nous
15 sommes restés ensemble jusqu'à minuit ce soir-là. Nous nous sommes
16 couchés. Entre une heure et une heure et demie du matin, nous avons
17 entendu des détonations. La maison s'est remplie de fumée, c'était le
18 chaos. Je vous dis, c'était mon premier sommeil, très profond, et je me
19 suis dit que j'étais en train de rêver la guerre encore une fois. Mon
20 épouse s'est levée et m'a dit : "Mais enfin, Vlatko, on a des cambrioleurs
21 à la maison".
22 Pour la première fois de ma vie, je m'étais procuré un fusil
23 justement à cause des cambriolages en janvier 1995, et ce sur demande de
24 mon épouse. C'est elle qui m'a tendu ce fusil car je considérais que
25 c'était des cambrioleurs. Comme je ne savais pas manier le fusil, comme je
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1 n'ai pas su tirer une balle, cela m'a fait encore plus peur. Alors j'ai
2 tiré une balle ou deux, et à ce moment-là j'ai vu des gens apparaître à
3 travers cette grande porte qui donne sur le balcon.
4 Quand j'ai vu ces gens-là, j'ai vu que ce n'étaient pas des
5 cambrioleurs, c'étaient vraiment des hommes très équipés et tout. J'ai
6 jeté le fusil devant moi, je me suis assis, agenouillé, j'ai levé les
7 mains, ils se sont approchés de moi, ils m'ont apporté enfin les premiers
8 soins et je dois dire qu'à partir de ce moment-là je me suis rendu et j'ai
9 été correctement traité jusqu'à La Haye.
10 M. Krajina (interprétation). – Mais quels soins vous ont-ils
11 apporté ? Vous étiez blessé ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je n'oublierai jamais ce
13 moment-là, j'ai perdu conscience, je ne me rappelle pas très bien. J'étais
14 allongé sur un divan et quand j'ai retrouvé mes esprits, j'ai compris que
15 j'avais été blessé.
16 M. Krajina (interprétation). – Où ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – J'ai été blessé, au
18 bras.
19 M. Krajina (interprétation). – Donc vous nous avez dit d'où
20 vient ce fusil ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
22 M. Krajina (interprétation). – Et à présent, Monsieur
23 Kupreskic, pourriez-vous commenter un certain nombre d'éléments de preuve,
24 ainsi que l'acte d'accusation, là où il vous concerne.
25 Nous commencerons par l'acte d'accusation, si vous le voulez
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1 bien. Etes-vous au courant de toutes les accusations qui ont été retenues
2 contre vous ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). – Effectivement, je suis
4 informé de toutes les charges retenues contre moi.
5 M. Krajina (interprétation). – Vous avez déclaré, lors de
6 votre comparution initiale, que vous ne vouliez pas plaider coupable
7 s'agissant de tous les chefs d'accusation. J'ai besoin de vous demander
8 des commentaires plus étoffés.
9 D'abord, si l'on voit le contexte de l'acte d'accusation, je
10 pense au point 9 où l'on déclare que vous aviez aidé et contribué à
11 l'attaque menée contre les civils d'Ahmici-Santici. Il est dit également
12 que vous aviez pris part à un entraînement militaire et que vous vous
13 armiez. Est-ce que ceci est exact ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). – Jamais je n'ai été
15 soldat, jamais je n'ai eu d'arme. C'est seulement après la guerre que j'en
16 ai eu une. Jamais je n'ai pris part à aucune formation militaire ou à
17 aucun événement politique. Je n'ai pas apporté d'aide, je n'ai pas aidé à
18 la préparation de quoi que ce soit.
19 M. Krajina (interprétation). – Est-il exact de dire que vous
20 aviez évacué des civils croates de Bosnie la nuit qui a précédé l'attaque
21 ? Est-ce que, ça, c'est exact ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Cela, c'est tout à fait
23 faux. En effet, au cours de la nuit du 15 au 16 avril j'étais endormi. Je
24 ne me suis pas du tout réveillé cette nuit-là, et ceci vaut pour tous les
25 membres de ma famille. Il est n'est pas exact de dire ce qui est dit dans
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1 cet acte d'accusation. En effet, je n'ai pas évacué ma famille, pas même
2 mon père. Et je crois que ceci parle pour soi, c'est une preuve en soit.
3 M. Krajina (interprétation). – L'acte d'accusation affirme
4 également que vous avez organisé les soldats et les stocks d'armes de
5 munitions du HVO dans le village d'Ahmici-Santici et ses alentours. Est-ce
6 que c'est exact ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est tout à fait
8 inexact. Je n'avais rien à voir avec l'armée. Jamais je n'ai eu d'armes ni
9 de munitions, je n'ai pris aucune part à tout cela. Jamais je n'ai assisté
10 à une réunion politique ou militaire, c'est inexact.
11 M. Krajina (interprétation). – De surcroît, il est affirmé
12 que vous avez préparé vos maisons et celles de vos proches pour en faire
13 des zones de déploiements d'attaques, et des positions de tir pour
14 l'offensive, en cachant aux autres résidents l'imminence de l'attaque.
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est tout à fait
16 erroné. Ici, vous l'avez entendu dire aussi, vous avez appris que j'étais
17 le dernier à être réveillé, à être informé le matin du 16 avril 1993.
18 C'est donc tout à fait erroné. On ne peut pas dire que je préparais même
19 la maison de mes voisins et la mienne.
20 M. Krajina (interprétation). – Comment se fait-il que les
21 militaires se soient trouvés dans votre demeure ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, d'après la
23 déclaration de mon père effectivement, moi-même, ce jour-là, le 16 avril
24 1993, j'ai constaté que les militaires étaient entrés par la force dans la
25 maison. Ils avaient cassé la porte en pénétrant dans la maison, ils se
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1 sont servis de ma maison comme point stratégique.
2 M. Krajina (interprétation). – Alors, qu'en pensez-vous ?
3 Pourquoi c'est précisément votre maison qui a été occupée de cette façon-
4 là ? Pourquoi y a-t-il eu des actions militaires lancées depuis votre
5 maison ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). – On en a beaucoup parlé
7 ici, vous l'avez vu, pas besoin de le répéter. Ma maison est la dernière
8 maison croate dans cette partie-là d'Ahmici, c'est la dernière maison et
9 c'est aussi la plus élevée ; elle se trouve sur un promontoire, elle se
10 détache des autres maisons. Et depuis la maison, il est probable que les
11 soldats avaient un bon point de vue, ils pouvaient, de là, observer la
12 totalité de cette partie-là d'Ahmici. Stratégiquement, c'était un
13 excellent point dont ils se sont servis.
14 M. Krajina (interprétation). – De surcroît, dans ce chef de
15 l'acte d'accusation, il est affirmé que vous aviez caché aux autres
16 résidents qu'une attaque était imminente ce jour-là, le 16 avril 1993.
17 Est-ce exact ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je le répète une fois de
19 plus, c'était inexact. Tout d'abord, je n'ai pas évacué mon père car je ne
20 savais pas qu'il y avait un problème ou un conflit. De plus, j'ai été le
21 dernier a être informé par Ivica Kupreskic, et en plus après 5 heures.
22 M. Krajina (interprétation). – Au point 12, 13 et 14 de
23 l'acte d'accusation, il est dit que vous et Zoran Kupreskic –nous en avons
24 parlé brièvement précédemment- apparemment que vous et Ivica avaient une
25 société en commun, et que vous étiez un soldat du HVO à Ahmici. Que
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1 diriez-vous à ce propos ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). – J'ai déjà dit ce que
3 j'avais à dire. Ceci montre comment cet acte d'accusation a été rédigé, à
4 la hâte. Je ne sais pas quel était l'objectif poursuivi, mais je sais que
5 c'est inexact. Jamais je n'ai eu d'entreprise avec Zoran, jamais je n'ai
6 été soldat du HVO.
7 M. Krajina (interprétation). – Fort bien. Au n° 1 de l'acte
8 d'accusation, au chef d'accusation n° 1, la persécution, au paragraphe 21,
9 il est affirmé ceci, écoutez attentivement : "Au cours de la période
10 allant d'octobre 1992 jusqu'en avril 1993, vous auriez participé à la
11 persécution des habitants Musulmans d'Ahmici-Santici et des environs pour
12 des raisons politiques, raciales ou religieuses. Vous auriez planifié,
13 organisé et exécuté une attaque visant à vider ou nettoyer le village, et
14 la région avoisinante, de tous les Musulmans. Vous auriez organisé la
15 destruction massive de maisons, la détention et l'expulsion organisée des
16 Musulmans de Bosnie, d'Ahmici-Santici et des environs".
17 Pourriez-vous nous dire si tout ceci est exact ? Et qu'avez-
18 vous à dire après avoir entendu ceci ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation). – Jamais je n'ai pris
20 part, jamais je n'ai persécuté mes voisins Musulmans pour des raisons
21 religieuses ou autres. Jamais je n'ai tué personne. Jamais je n'ai fait de
22 mal à qui que ce soit. Jamais je n'ai incendié la maison de qui que ce
23 soit, ni blessé qui que ce soit. Je n'ai confisqué aucun bien à personne.
24 Par mes propres actions, par mes propres comportements, à aucun moment
25 n'aurais-je été en mesure d'indiquer, de faire de telles choses. Je n'ai
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1 donc pris aucune part à de tels événements, à ces événements qui sont
2 repris ici dans cette partie de l'acte d'accusation.
3 M. Krajina (interprétation). – Merci.
4 Aux points 12 à 15 de l'acte d'accusation, là, nous parlons
5 de la famille Pezer. Votre nom est mentionné une fois de plus. Ecoutez
6 attentivement. Au point 28, il est dit qu' : "Avant l'attaque du 16 avril
7 1993, des soldats du HVO armés de fusils automatiques se sont rassemblés
8 au domicile de Vlatko Kupreskic à Ahmici d'où l'attaque a commencé.
9 Plusieurs unités du HVO ont utilisé votre domicile comme zone de
10 déploiement. D'autres soldats auraient tiré sur des civil musulmans de
11 Bosnie depuis votre maison, au cours et pendant la durée de l'attaque".
12 Qu'avez-vous à dire à ce propos ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est inexact. A
14 l'époque mentionnée dans l'acte d'accusation, à savoir le 16 avril 1993,
15 je me trouvais à l'abri de Jozo Vrebac qui se situe à près à deux
16 kilomètres par rapport aux lieux où ces événements se produisaient. Je ne
17 me trouvais ni devant la maison ni à l'intérieur et je n'aurais pu, en
18 aucune façon, participer avec l'aide de soldats aux tueries et au fait de
19 blesser des membres de la famille Pezer.
20 M. Krajina (interprétation). – Si vous m'écoutez
21 attentivement ma question était de savoir si, avant l'attaque, décrite
22 dans l'acte d'accusation, des soldats s'étaient rassemblés dans votre
23 maison. Est-ce qu'il y avait plusieurs unités du HVO, est-ce qu'ils se
24 sont servis de votre maison ? Vous en avez déjà parlé, mais précisez-le.
25 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non. Le 15 avril, il n'y
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1 avait aucun soldat à proximité de ma maison et a fortiori encore moins à
2 l'intérieur, c'est inexact. Le 16 avril, j'étais à près à deux kilomètres
3 de distance de ces événements.
4 M. Krajina (interprétation). – Et qu'en est-il du 16 ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est exact, c'est la
6 seule chose exacte. Effectivement, ces soldats-là se sont trouvés là
7 pendant toute la journée du 16.
8 M. Krajina (interprétation). – Est-ce qu'ils tiraient ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Ils tiraient depuis
10 l'intérieur et autour de la maison.
11 M. Krajina (interprétation). – Alinéa 30, ceci relève du
12 même chef d'accusation. Il est dit que vous : "Le 16 avril 1993, en
13 compagnie de soldats du HVO, vous vous trouviez devant votre maison à
14 Ahmici, et vous auriez contribué à blesser Nana Pezer, ainsi qu'une autre
15 femme, et que vous auriez contribué à la mort de Fata Pezer".
16 Qu'avez-vous à dire par rapport à ces chefs d'accusation
17 retenus contre vous ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est tout à fait
19 inexact. Ce jour-là, à ce moment-là, je n'étais pas du tout à cet endroit.
20 La première fois où je suis rentré chez moi, c'était vers 13 heures, le
21 16 avril 1993. Je n'ai pas tiré, je ne me trouvais pas sur les lieux, je
22 n'ai tué personne, je n'ai blessé personne. Est-ce que les faits et ce que
23 vous dites vous-même ne se passent pas de commentaires, à savoir qu'on
24 m'accuse d'avoir blessé une femme.
25 Le Procureur n'a jamais dit qui était cette femme. Aucun
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1 témoin, pas un témoin sur les 14 membres de la famille qui se déplacent,
2 eux, n'a dit qu'ils auraient vu une femme blessée. Et ceci montre à quel
3 point cet acte d'accusation est fragile.
4 M. Krajina (interprétation). – Alors que pensez-vous ? Cette
5 femme qui pouvait-elle être, cette femme dont il est fait mention dans
6 l'acte d'accusation et dont personne ne connaît l'identité ? A votre avis,
7 qui est-ce ? Qui a été blessée dans cette situation ? On en a parlé.
8 M. V. Kupreskic (interprétation). – S'il y avait un tel
9 degré de confusion, effectivement, ça ne pouvait être qu'un témoin
10 musulman qui a été blessé ce jour-là et qui a déposé ici devant ces Juges,
11 le 31 mai 1995, sous le pseudonyme CF. Vous avez vu que ce témoin était
12 une victime musulmane. Il est venu déposer à décharge en mon nom, et c'est
13 sans doute lui cette femme.
14 M. Krajina (interprétation). – Merci.
15 Monsieur Kupreskic, j'aimerais vous demander ceci : je vais
16 vous demander d'examiner certaines des pièces qui ont été soumises au
17 cours du procès, et je vais vous demander aussi d'examiner certaines
18 déclarations préalables de témoins.
19 Voyons d'abord la pièce de l'accusation P 329.
20 Monsieur le Président, le Greffe peut-il présenter cette
21 pièce au témoin, la pièce P329 ?
22 (L'huissier s'exécute.)
23 Avez-vous examiné ce document, Monsieur Kupreskic ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
25 M. Krajina (interprétation). – Il s'agit d'un certificat,
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1 n'est-ce pas, relatif à votre soi-disant participation à la guerre.
2 Pourriez-vous nous apporter un commentaire ? D'où vient ce certificat,
3 est-ce que l'information fournie est correcte ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, l'information
5 est tout à fait inexacte. D'abord l'heure n'est pas exacte. En effet, j'ai
6 été mobilisé le 15 septembre 1993 seulement. Deuxième chose, les tâches
7 que j'aurais exécutées n'étaient pas correctes parce que j'étais chauffeur
8 pour le corps médical.
9 M. Krajina (interprétation). – Comment ce certificat nous
10 est-il parvenu ? Rappelez-vous, c'est le Procureur qui l'a présenté.
11 M. V. Kupreskic (interprétation). – Effectivement, c'est
12 seulement à ce moment-là que je l'ai vu pour la première fois, et je crois
13 que c'est d'une existence ou d'une nature douteuse ; jamais je n'ai signé
14 un tel document. La première fois que j'ai vu ce document c'est ici.
15 M. Krajina (interprétation). – Fort bien.
16 Examinons un autre document. Et je crois que nous pourrons
17 suspendre l'audience après cela. Je voudrais que nous examinions la pièce
18 de l'accusation P335.
19 (L'huissier s'exécute.)
20 Est-ce que vous avez eu le temps d'examiner ce document,
21 Monsieur Kupreskic ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, oui ; je l'ai vu,
23 je l'ai déjà vu beaucoup de fois ici, vous savez.
24 M. Krajina (interprétation). – Vous voyez le n° 107, là vous
25 pouvez voir votre nom. Pourriez-vous nous apporter un commentaire ?
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1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Voici ce que je peux
2 vous dire : c'est simplement une liste d'hommes, liste sans doute rédigée
3 ce jour-là, le 16 avril, parce que nous avons entendu dire, ici, qu'il y
4 avait certaines personnes reprises dans cette liste qui n'étaient pas des
5 hommes en âge de combattre. Il y a même des personnes qui ne relèvent pas
6 du territoire de la municipalité de Vitez.
7 J'estime dès lors que ce document n'est rien d'autre qu'une
8 liste de noms d'hommes, d'hommes qui étaient censé être engagés à la date
9 du 16 avril jusqu'au 27 avril et qui se trouvaient sans doute sur la ligne
10 de front, qu'ils devraient être mobilisés.
11 Et puis, il y a un autre fait qui plaide encore plus dans ce
12 sens, c'est le fait que je ne figure dans aucun des documents suivants,
13 dans aucun des documents présentés par l'accusation, ici.
14 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous voulez dire
15 que vous niez ou que vous contestez le contenu de cette liste, à savoir
16 que le 16 avril 1993, vous auriez été mobilisé ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est tout à fait
18 inexact. Je n'ai pas été mobilisé ce jour-là. C'est seulement le
19 15 septembre, à peu près, en 1993 que j'ai été mobilisé. Ces
20 renseignements-ci sont inexacts.
21 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président,
22 j'aurais toute une autre série de questions. Je crois que nous n'avons
23 plus de temps aujourd'hui. Je vous propose respectueusement de lever
24 l'audience aujourd'hui, et je pense qu'au moment de la pause, demain, nous
25 en aurons terminé de l'interrogatoire principal.
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1 M. le Président (interprétation). – D'accord, mais je vais
2 me tourner vers le Bureau du Procureur. Le Procureur est-il prêt à nous
3 fournir une liste de ces témoins qu'il prévoit pour la réplique en
4 septembre ou octobre. Est-ce que vous avez une idée approximative ?
5 J'aimerais aussi m'adresser aux autres conseils, à
6 Me Puliselic, Me Susak, et les autres, pour voir s'ils ont pris une
7 décision à propos de leurs clients. Ces trois autres accusés ne vont-ils
8 pas déposer ? Ceci, simplement pour permettre une certaine planification
9 des travaux en septembre.
10 M. Terrier. – Monsieur le Président, nous allons vous
11 transmettre un document faisant connaître au Tribunal ce que nous
12 envisageons à ce stade. Nous avons effectivement des idées assez précises.
13 M. le Président. – Merci.
14 Maître Puliselic, Maître Pavkovic et Maître Susak, est-il
15 maintenant établi définitivement que les hommes que vous représentez, ici,
16 ne vont pas déposer à titre de témoins ? Vous n'allez pas les appeler à la
17 barre ? Je veux simplement une confirmation.
18 M. Puliselic (interprétation). – Monsieur le Président, à
19 aucun moment je n'ai dit que Papic ne déposerait ici ; j'ai dit que je
20 n'en n'étais pas sûr, je pense qu'il comparaîtra comme témoin.
21 M. le Président (interprétation). – Donc ce sera en
22 septembre.
23 Maître Pavkovic ?
24 M. Pavkovic (interprétation). - Monsieur le Président, je me
25 suis déjà prononcé là-dessus. Je ne peux que confirmer que mon client a
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1 décidé de ne pas se servir de son droit à déposer.
2 M. le Président (interprétation). – Merci.
3 Maître Susak ?
4 M. Susak (interprétation). – Monsieur le Président, je
5 considère que pour le moment, mon client n'a pas encore pris la décision,
6 mais je pense qu'il ne déposera pas.
7 M. le Président (interprétation). – Donc là, c'est une
8 réponse négative, ce n'est pas un point d'interrogation, il ne va pas
9 déposer.
10 M. Susak (interprétation). – Non, non.
11 M. le Président (interprétation). – Fort bien. Le seul à
12 déposer sera Dragan Papic, et ceci se fera au mois de septembre, au moment
13 de la reprise des travaux. Fort bien.
14 L'audience est levée jusqu'à demain matin 9 heures.
15 L'audience est levée à 13 heures 30.
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