Page 11181
1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL Affaire IT-95-16-T
2 POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
3 LE PROCUREUR
4 C/
5 KUPRESKIC
6 Vendredi 23 juillet 1999
7 L'audience est ouverte à 9 heures 08.
8 Mme Lauer. – Bonjour. Affaire IT-95-16-T, le Procureur du
9 Tribunal contre Zoran Kupreskic, Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago
10 Josipovic, Dragan Papic et Vladimir Santic.
11 M. le Président (interprétation). – Merci. Bonjour. Maître
12 Radovic, si vous n'y voyez pas d'inconvénient, nous pensons que nous
13 pourrions reporter ces discussions au sujet de la remise en liberté
14 provisoirement juste après la pause-café. Nous pensons qu'il est mieux de
15 permettre à Me Krajina de poursuivre son interrogatoire. Si j'ai bien
16 compris, il avait l'intention d'en avoir terminé vers 10 heures 30. Nous
17 allons prendre une pause et aborder ce sujet à partir de ce moment-là.
18 Maître Krajina, vous avez la parole.
19 M. Krajina (interprétation). – Bonjour.
20 (Le témoin est introduit dans le prétoire.)
21 M. Krajina (interprétation). – Bonjour, Monsieur Kupreskic.
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - Bonjour. Bonjour, Monsieur
23 le Président, Madame et Monsieur les Juges. Bonjour à tout le monde.
24 M. Krajina (interprétation). – Peut-on poursuivre ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
Page 11182
1 M. Krajina (interprétation). – Pourrions-nous nous rappeler les
2 dépositions de certains témoins qui ont comparu dans ce procès ? Le
3 Témoin B, qui a déposé ici le 24 août 1998, a dit à votre sujet,
4 Monsieur Kupreskic, la chose suivante : le 15 avril 1993, il a dit vous
5 avoir vu devant l'hôtel Vitez où se trouvait à l'époque le quartier
6 général du HVO. Vous rappelez-vous ce témoignage ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, je m'en souviens très
8 bien.
9 M. Krajina (interprétation). – Pourriez-vous apporter votre
10 commentaire : est-ce exact ce qu'a déclaré ce témoin ? Sinon, pour quelle
11 raison ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). - La déclaration faite par le
13 témoin B n'est absolument pas vraie puisque à l'époque, à ce moment-là, le
14 15 avril 1993, je me trouvais au moins à cent kilomètres de distance de
15 cet endroit.
16 Deuxièmement, de la manière dont le Témoin B l'a décrit en
17 disant qu'il m'a vu depuis sa voiture en conduisant, autrement dit à
18 travers les vitres, à une certaine vitesse, à une distance d'au moins
19 30 mètres, et ce, en passant par certains obstacles. Cela remet en
20 question cette déclaration !
21 Jamais, je ne suis venu à l'hôtel dans ce quartier général du
22 HVO ; je n'avais aucune raison d'y aller. Véritablement, je ne suis jamais
23 entré dans cette partie où se trouvait ce quartier général. Egalement, si
24 je m'en souviens bien, le témoin B est un officier, un officier des
25 renseignements ou d'information.
Page 11183
1 Alors, si c'est la seule chose qu'il a dite à mon sujet à cette
2 Chambre, je devrais peut-être m'en réjouir.
3 M. Krajina (interprétation). – S'il vous plaît, connaissiez-vous
4 bien ce témoin B ? Le fréquentiez-vous ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). - (expurgée)
6 (expurgée), mais nous ne nous sommes pas vus depuis quinze ou vingt ans.
7 M. Krajina (interprétation). – Pour quelle raison ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - Parce qu'il est parti très
9 tôt faire ses études à Belgrade ; c'est là-bas qu'il a terminé ses études
10 et, à partir de là, il est parti travailler à Zagreb.
11 M. Krajina (interprétation). – Quelles écoles ? De quel service
12 s'agit-il ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Il est diplômé de l'académie
14 militaire et il a travaillé au sein de l'armée populaire yougoslave en
15 tant qu'officier. Il rentrait chez lui très rarement, une fois en quelques
16 années. Donc je peux dire qu'au moins depuis quinze ans, on ne s'était pas
17 vus, notamment pendant la période où l'on change, où l'on évolue ; on a
18 changé tous les deux, et physiquement.
19 D'une part, il n'aurait pas pu me voir et, d'autre part, je ne
20 m'y trouvais pas.
21 M. Krajina (interprétation). – Très bien. Le témoin G a déposé
22 ici le 1er septembre 1998. Il a dit vous avoir vu quelques jours après le
23 16 avril 1993, en train de faire le tour de quelques maisons désertées
24 d'Ahmici. Le témoin a dit que vous donniez l'impression de vouloir voler
25 des objets. Vous vous rappelez cette déposition ?
Page 11184
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, je me souviens : c'est
2 le témoin G. C'est un garçon qui n'avait que 13 ans à l'époque. A ce
3 moment-là, je ne m'y trouvais pas, car il n'était pas possible d'accéder
4 au village . A ce moment-là, j'étais à Donja Rovna. Mais, si l'on se
5 rappelle la déposition de ce témoin, on se rappellera également que,
6 pendant sept ou huit jours, ce garçon s'est retrouvé dans des conditions
7 très difficiles, sans nourriture, sans eau, dans cette maison où il était
8 et que, même souvent, pendant plusieurs jours, à plusieurs reprises, il a
9 perdu conscience. Et aussi, à une distance de 300 mètres, par la fenêtre,
10 il m'aurait vu de cette maison et ce, de dos. Il m'aurait vu de dos ! Ce
11 sont vraiment les circonstances qui nous laissent comprendre que ce
12 n'était pas possible.
13 Permettez-moi d'ajouter une chose au sujet du témoin G : ce
14 garçon est venu me voir à la maison en 1987, en 1997. Je n'étais pas au
15 courant de tout ce qu'il a traversé et il m'a demandé d'acheter son
16 terrain, une partie de son terrain. Je lui ai dit que je ne le souhaitais
17 pas, mais je lui ai remis des cadeaux à lui, à sa sœur. Et c'est ainsi que
18 cette conversation s'est terminée.
19 Puis, peu de temps après, le témoin est revenu et il m'a demandé
20 de lui prêter plusieurs milliers de marks en me disant qu'il avait besoin
21 d'argent pour se rendre à l'étranger. Je ne lui ai pas donné cet argent et
22 il est probable -et vous l'avez entendu ici- qu'il souhaitait obtenir
23 l'asile politique. C'est peut-être pour cette raison-là qu'il a fait une
24 fausse déposition.
25 M. Krajina (interprétation). – Très bien. La dame, témoin A, qui
Page 11185
1 a déposé ici le 2 septembre 1998, a déclaré qu'elle vous a vu le 16 avril
2 1993, vers 6 heures du matin, dans sa cour, dans la cour devant sa maison
3 où son père a été tué. Que pouvez-vous dire à ce sujet ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je peux vous dire que je
5 n'étais pas à cet endroit-là, j'étais dans l'abri de Jozo Vrebac. Donc,
6 par rapport à cet endroit, j'étais à une distance de deux kilomètres
7 environ. Mais je me souviens très bien de la déposition de ce témoin, de
8 cette petite fille, le témoin H. Je peux vous dire que c'était vraiment de
9 rage, de colère, de vengeance qu'elle a déposé parce qu'elle a perdu son
10 père, son seul et unique père, irremplaçable ; elle l'a perdu.
11 Ce qui m'étonne, c'est que le témoin H ne nous ait pas placés
12 dans le contexte de ces événements dans la maison, moi et mes cousins.
13 Mais elle savait probablement qu'elle ne m'avait jamais vu ni armé ni en
14 uniforme. C'est de cette manière qu'elle voulait se venger. Elle voulait
15 au moins indiquer que j'étais présent sur place, au moins en passant
16 brièvement. Et ça, je peux le comprendre dans une certaine mesure. Il est
17 difficile de se trouver dans une situation comparable.
18 Dans une situation inverse, par exemple, ma fille qui a le même
19 âge aurait peut-être pu agir de même si elle avait perdu son père.
20 M. Krajina (interprétation). – Ce témoin a également déclaré
21 avoir eu une conversation avec vous après la fin de la guerre. Il paraît
22 qu'à un moment, vous lui auriez refusé l'accès à Ahmici. Vous vous en
23 souvenez ? Est-elle exacte, cette déclaration ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, ce sont vraiment des
25 circonstances un peu bizarres que ce soit vraiment à ce moment-là où elle
Page 11186
1 vient -un moment qui ne dure que quelques minutes- que, pendant ces
2 quelques minutes, j'accepte d'avoir une conversation avec ce témoin, cette
3 fille, cette petite fille en fait. Et d'après la manière dont elle a
4 décrit, elle était dans une voiture avec trois autres personnes ; elle
5 était assise sur le siège arrière, elle avait une jambe cassée. Et à une
6 distance de trente mètres depuis la voiture, elle aurait -dit-elle- eu ce
7 genre de conversation avec moi, mais c'est totalement impossible. Et que
8 moi, j'entre dans ce genre de délibération avec une petite fille, vraiment
9 je n'avais aucun raison de faire cela.
10 M. Krajina (interprétation). – (expurgé)
11 (expurgé)
12 (expurgé)
13 bleu passer par la cour, devant la maison de son fils qui a été tué. Que
14 pouvez-vous dire au sujet de cette déclaration ? Vous rappelez-vous le
15 fait que ce témoin vous aurait vu depuis la fenêtre de sa maison ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, je me souviens très
17 (expurgé); ce n'est pas exact. A l'époque, je
18 me trouvais dans l'abri et il n'aurait pas pu me voir. Qui plus est, je ne
19 vois pas où il a trouvé ce manteau bleu puisque je n'en n'ai jamais eu.
20 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, si vous me
21 permettez d'utiliser un petit schéma pour analyser les déclarations de ce
22 témoin.
23 En fait, il montre deux endroits différents où il affirme
24 m'avoir vu le matin en question, et il y a des différences dans ses
25 déclarations, donc entre les déclarations qu'il a faites avant de venir
Page 11187
1 comparaître ici et la déposition (expurgé)
2 (expurgé). Ce serait très bref.
3 Permettez-moi de préciser ce dessin, ainsi que la légende, pour
4 que nous puissions tous suivre les explications. Donc, en rouge, c'est
5 moi. C'est moi, là où (expurgé) m'a vu. Ça, c'est le sud, la route
6 principale qui mène vers Ahmici-le-Haut ; ça, c'est l'entrepôt, ma maison,
7 la maison de Sukrija Ahmic, de son fils ; ça, c'est son étable et ici,
8 nous avons la maison de Sakib Ahmic. Et cette fenêtre marquée Z, c'est la
9 fenêtre ouest. Donc nous avons l'ouest là et, à l'opposé, l'est. Nord sud.
10 (expurgé)
11 (expurgé)
12 "Lorsque les attaquants sont partis... -ce sera très bref, réellement- je
13 suis revenu dans ma chambre à coucher -donc c'est l'endroit qui est
14 indiqué "Z"-, qui donne au Sud-Ouest, et j'ai vu quatre ou cinq membres du
15 HVO dans la cour de la maison -c'est ici- la maison de Vlatko Kupreskic.
16 Les membres du HVO étaient à environ cinquante mètres de distance -donc
17 c'est cela- cinquante mètres depuis la fenêtre -la fenêtre où je me
18 tenais-. C'était l'aube, c'était une belle journée. A peu près en même
19 temps où j'ai vu les membres du HVO, j'ai vu Vlatko sur ma droite -donc
20 cela confirme qu'il m'aurait vu dans cette partie-là- ; il portait des
21 vêtements civils et il marchait en direction de sa maison. Quand il a
22 atteint sa maison, il a continué à marcher, et après avoir dépassé les
23 membres du HVO, il a tourné derrière la maison du côté sud de la maison.
24 Donc je ne pouvais plus le voir".
25 Permettez-moi de vous rappeler (expurgé)
Page 11188
1 (expurgé)
2 suivante : "Il m'a vu ici, dit-il, entre la maison de son fils et ma
3 maison à moi", donc à un endroit complètement différent, non pas au sud-
4 ouest, mais au sud-est, et tout cela pour rapprocher cette déclaration de
5 la déclaration du témoin H.
6 Il y a d'autres détails. Ici, "je marchais lentement" alors qu'à
7 l'autre endroit, il dit que "je suis passé en courant". Voilà, je vous en
8 remercie, c'était tout au (expurgé)
9 M. Krajina (interprétation). - Je vous en remercie.
10 Le témoin L, qui a déposé le 17 septembre 1998, a dit que, le
11 15 avril 1993, vous vous trouviez avec un groupe de soldats devant votre
12 magasin à Ahmici et que ces soldats étaient dans votre entrepôt et sur le
13 balcon de votre maison, que c'était le 15 avril. Pouvez-vous apporter un
14 commentaire et nous dire si cela est exact ou non ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Cela n'est pas exact. Le
16 15 avril 1993, à ce moment-là, à l'heure indiquée par le témoin, de fait,
17 j'étais dans un autre Etat, je n'étais pas là-bas. Nous pouvons tous nous
18 rappeler la déposition du témoin L, qui est mon premier voisin ; et la
19 seule chose que je peux ajouter, c'est que cet homme n'est pas
20 psychologiquement stable, équilibré, qu'il a tendance à boire et qu'il
21 s'était baigné dans la rivière Lasva alors qu'il avait de la fièvre et
22 que, depuis ce moment-là, il avait abîmé son système neurophysiologique et
23 qu'il est malade.
24 Il dit : "Vers 4 heures de l'après-midi, j'ai bu une bière dans
25 la maison de Vlatko, Ivica et Vlatko étaient assis à table devant la
Page 11189
1 maison et Mirko Vidovic était avec eux. Pendant que j'étais assis avec
2 eux, j'ai vu des membres de l'armée dans la maison de Vlatko".
3 Mais, voyez-vous, tous les trois, nous étions dans un autre
4 Etat. Mirko Vidovic était en Allemagne, moi et Ivica, nous étions en
5 Croatie.
6 Mais, voyez, dans cette déclaration, il dit que, le 15 avril, il
7 nous a vu devant ma maison, à table, alors que lui, ce témoin, et l'armée
8 étaient dans la maison. Imaginez ce cirque qu'eux soient à l'intérieur de
9 la maison et que nous, on soit dehors en train de boire une bière.
10 Et d'après la déclaration donnée le 17 septembre par le
11 témoin L, le 17 septembre 1998, moi-même et tous les trois, en fait, nous
12 sommes installés ailleurs, installés devant mon magasin où nous trois
13 sommes assis en train de boire une bière sans lui. Donc ce sont deux
14 déclarations complètement différentes.
15 Mais vraiment, je dois dire que, sur le plan psychologique, on
16 peut dire que cet homme est malade.
17 M. Krajina (interprétation). - Quant aux témoins M et O, ces
18 deux témoins ont déposé ici en disant que, dans la nuit du 15 au
19 16 avril 1993, ils ont vu la lumière dans votre maison, ce qui leur a
20 semblé inhabituel ; pouvez-vous apporter un commentaire là-dessus, s'il
21 vous plaît ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - En ce qui concerne la
23 déposition de ces deux témoins, ils disent la vérité. Il est vrai que,
24 chez moi, la lumière est allumée en permanence sur les balcons, et
25 notamment au premier étage. Ce fut le cas également avant la guerre,
Page 11190
1 pendant la guerre et aujourd'hui également, ceci, pour des raisons tout à
2 fait simples : c'est que, devant chez moi, sur le garage... sur le
3 parking, j'ai mes voitures qui sont garées. Par conséquent, pour une
4 question de sécurité, j'ai de la lumière à l'extérieur ; par conséquent,
5 sur le premier balcon, il y avait les deux ampoules.
6 M. Krajina (interprétation). - Entendu. Le témoin T, le
7 24 septembre 1998, a déposé ; elle a déclaré avoir vu que vous emmenez des
8 armes, que vous les faites rentrer chez vous ; c'était en automne 1992,
9 d'après elle. Est-ce que c'est vrai et comment vous pouvez l'expliquer ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai jamais emmené
11 d'armes. J'ai dit que j'avais acheté une arme en 1995, janvier 1995 la
12 première fois, après la guerre. Il est vrai que j'avais des articles et
13 des produits différents qui se trouvaient dans mon garage, dans ma voiture
14 etc., différents, des marchandises, donc, mais le gabarit n'était pas très
15 grand. Et il s'agit de marchandises très chères. Et puis, en général, ce
16 sont les ouvriers qui déchargeaient ma voiture.
17 M. Krajina (interprétation). – Entendu. Et puis, je vais
18 également vous rappeler une autre déposition d'un autre témoin : c'est le
19 témoin Q. Dans sa déposition du 23 septembre 1998, il précise qu'il vous a
20 reconnu et vu alors que vous étiez parmi les soldats, dans un groupe de
21 soldats qui tiraient devant votre maison et qui ont tué son épouse, en
22 avril, le 16 avril 1993, à Ahmici.
23 Que pouvez-vous dire ? Comment pouvez-vous commenter la
24 fiabilité de ce témoignage ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est pas vrai.
Page 11191
1 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous vous en
2 souvenez ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est absolument pas
4 vrai. A ce moment-là, je ne me suis pas trouvé à cet endroit-là. J'ai déjà
5 précisé, j'ai dit où je me trouvais. La première fois où j'ai réussi à me
6 rendre jusqu'à chez moi, il était 13 heures. C'est là où j'ai bien vu les
7 soldats, mais dans ma maison, à l'intérieur. Ce n'est que par la suite,
8 vers 18 heures, que j'ai pu regagner ma maison. Par conséquent, ce n'est
9 pas vrai : je n'ai pas été avec les soldats, à cette époque-là, à cet
10 endroit-là.
11 M. Krajina (interprétation). – Pourriez-vous maintenant nous
12 donner des explications au sujet de ces dépositions ? Pourquoi ce témoin
13 aurait-il des raisons de vous charger avec ce témoignage ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je me suis posé la question
15 à plusieurs reprises. Je me suis demandé pourquoi cet homme me charge de
16 telles accusations, de telles allégations. Pourquoi il l'a fait ? Quelles
17 sont ses raisons ?
18 Cependant, je me suis expliqué ceci d'une façon assez logique ;
19 tout au moins, je le pense. Ce matin-là, le conflit s'est déclenché ; on a
20 tiré autour de sa maison, sur sa maison. Ce sont les soldats, bien
21 évidemment, qui l'ont fait. Lui-même, il ne pouvait pas reconnaître qui
22 que ce soit. Et il a perdu sa femme, sa fille a été blessée. Il voulait
23 rendre coupable quelqu'un ; mais qui pourrait-il rendre coupable ? Moi, je
24 suis son premier voisin…
25 M. Krajina (interprétation). – Pourquoi vous ?
Page 11192
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Tout simplement parce qu'il
2 a vu probablement qu'on tirait de ma maison et devant ma maison. Par
3 conséquent, il a du se dire : "Ce sont les Croates qui sont coupables,
4 c'est Vlatko qui est coupable. Qu'il aille devant le Tribunal et qu'il se
5 justifie devant le Tribunal. Qu'il prouve qu'il n'est pas coupable. Et
6 s'il n'est pas coupable, qu'il dise qui est coupable."
7 Vous avez pu vous rendre compte également qu'une bonne partie
8 des témoins me demande de dire qui l'a fait, qui a commis de tels crimes.
9 Et, si vous me permettez de faire une comparaison, si je veux être
10 réaliste : si mon épouse, que Dieu m'en garde, était victime ce matin-là
11 et si l'on avait tiré de la maison du témoin Q, ou bien autour de cette
12 maison-là, je me dis que probablement, moi aussi, je l'aurais accusé de
13 l'avoir fait.
14 M. Krajina (interprétation). – Merci. Je n'ai plus de déposition
15 de témoin à vous soumettre.
16 Monsieur Kupreskic, jusqu'à maintenant, lors de votre
17 déposition, nous nous sommes référés à l'acte d'accusation, à des preuves
18 à charge également. Lors de votre déposition, vous avez nié toutes ces
19 allégations et toutes ces preuves à charge. Vous affirmez que rien n'est
20 exact de tout ceci ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Rien.
22 M. Krajina (interprétation). – Est-ce que vous pouvez nous
23 donner une explication, nous dire comment cet acte d'accusation a été
24 dressé ? Pourquoi vous, vous étiez accusé alors que vous n'avez pas
25 participé à quoi que ce soit ? Pouvez-vous nous donner votre commentaire ?
Page 11193
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que j'ai déjà donné
2 une bonne partie de la réponse à la question que vous venez de me poser,
3 mais je peux compléter ce que j'ai dit.
4 Je considère, par conséquent, que la raison principale, c'est la
5 maison et l'endroit où elle se trouve. Les soldats qui ont enfoncé la
6 porte, qui ont pénétré dans la maison, qui ont tiré de la maison et qui
7 étaient devant la maison où mes voisins innocents ont été tués,
8 véritablement, ils n'ont pas pu reconnaître qui que ce soit. Même moi, je
9 ne les ai pas reconnus, parce que je les ai pratiquement regardés face à
10 face. Et c'est tout à fait naturel : ils m'ont accusé parce que je suis
11 leur premier voisin.
12 Donc je pense que la raison principale, c'est ma maison et
13 l'endroit où elle se trouvait. Je ne pouvais pas, en aucune façon,
14 influencer ni empêcher ces soldats. Vous avez entendu le témoin de
15 l'accusation, le colonel Wauters : c'est un militaire. Il a dit qu'il
16 n'aurait pas pu s'opposer aux intentions et aux objectifs que l'armée
17 s'était posés. Comment voulez-vous que je fasse ? Par conséquent, la
18 raison principale, c'est ma maison et que, simplement, je suis leur
19 premier voisin ; c'est tout.
20 M. Krajina (interprétation). – Entendu. Eh bien, maintenant,
21 avec cette distance et le temps, en observant ce qui s'est passé, en
22 réfléchissant sur ces événements tragiques, Monsieur Kupreskic, pensez-
23 vous que vous avez commis quelque erreur à cette époque-là ? Est-ce
24 qu'aujourd'hui, éventuellement, vous auriez pu et vous auriez fait autre
25 chose à ce moment-là ?
Page 11194
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que je n'ai
2 vraiment pas commis d'erreur. Je dois dire que je réfléchis, même
3 aujourd'hui, et je me pose la question de ce que j'aurais pu faire
4 différemment de ce que j'ai fait, ces jours avant la guerre et ce jour
5 très précis.
6 M. Krajina (interprétation). – Entendu. Et en guise de
7 conclusion, j'aimerais vous demander si vous vous sentez responsable et
8 coupable sur quelque fondement, que ce soit moralement parlant, du point
9 de vue pénal, pour cette période pour laquelle vous avez été incriminé ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne me sens pas du tout
11 coupable, ni du point de vue moral et encore moins du côté pénal. Je n'ai
12 tué personne, je n'ai fait pas de mal à qui que ce soit, je n'ai mis la
13 flamme à la maison de qui que ce soit, je n'ai porté préjudice à qui que
14 ce soit. Jusqu'au 16 avril 1993, aucune de mes démarches n'a pu donner
15 lieu à de tels commentaires. Je n'ai jamais participé à aucune réunion, je
16 n'ai pas porté d'uniforme, je n'ai jamais hissé le drapeau sur mon
17 magasin. Je n'ai jamais contribué à provoquer mes voisins musulmans. Je
18 n'ai jamais influencé les événements qui ont eu lieu le 16 avril 1993.
19 Qu'est-ce que j'ai pu faire ? Si je savais ce qui allait se
20 passer, ce que j'aurais pu faire et ce qui aurait été éventuellement
21 intelligent, c'est tout simplement de me déplacer, de partir dans un autre
22 Etat, de m'enfuir moi-même, également. C'est de cette manière là que je ne
23 me serais pas trouvé ici.
24 M. V. Kupreskic (interprétation). - Merci, Monsieur Vlatko
25 Kupreskic. Je n'ai plus de questions à vous poser. Monsieur le Président,
Page 11195
1 je viens de terminer l'interrogatoire principal. J'ai essayé d'être concis
2 et de ne pas trop abuser du temps qui m'a été imparti.
3 M. le Président (interprétation). – Merci beaucoup, Monsieur
4 Krajina. Très bien, je vous remercie d'avoir été concis et d'aller au vif
5 du sujet, comme d'habitude. Nous pourrions peut-être aborder la question
6 de la liberté provisoire si Me Radovic est d'accord ?
7 M. Radovic (interprétation). – Oui, tout à fait.
8 M. le Président (interprétation). - Mes collègues m'indiquent
9 que nous devrions peut-être demander au témoin de reprendre sa place
10 habituelle. Dès que nous aurons repris avec les questions pour le témoin,
11 vous reviendrez ici.
12 (Le témoin reprend sa place habituelle.)
13 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame le
14 Juge, Monsieur le Juge, au nom de Zoran Kupreskic, au nom de ma collègue,
15 Me Glumac, pour Mirjan Kupreskic, je voudrais tout simplement proposer de
16 nous conformer à la règle 65 du Règlement de procédure où l'on parle de la
17 possibilité de laisser en liberté provisoire les accusés ; selon cet
18 article 65, la Chambre peut ordonner la mise en liberté dans les
19 circonstances exceptionnelles.
20 Quelles sont ces circonstances exceptionnelles ? Le Règlement ne
21 le régit pas, mais laisse à la Chambre de considérer si les circonstances
22 signalées par l'accusé rentrent dans la catégorie des circonstances
23 exceptionnelles.
24 Au cours de la journée d'hier et à titre d'introduction, j'ai
25 dit quels étaient mes motifs qui m'ont poussé à avancer cette proposition.
Page 11196
1 Un des motifs également était la visite de Mme le Procureur de la
2 République de Croatie, son entretien avec le ministre de la Justice de
3 Croatie au cours duquel il y avait un sujet qui a été soulevé et que,
4 concernant un certain nombre d'accusés, il serait possible de leur
5 permettre de se défendre en liberté. D'après les mass media -tout au moins
6 ce que l'on a pu entendre en Croatie-, Mme le Procureur n'a pas refusé
7 cette proposition. Elle a dit tout simplement qu'il fallait examiner cas
8 par cas, soumettre au Tribunal, à la Chambre, et ensuite constater s'il y
9 a des circonstances exceptionnelles ou non.
10 La défense de Zoran et Mirjan Kupreskic considèrent que les
11 circonstances exceptionnelles existent et qu'il y a les deux aspects de
12 ces circonstances exceptionnelles. Il ne s'agit pas tout simplement que
13 l'été arrive et qu'il fait très chaud chez nous alors qu'ici, il y a
14 beaucoup de vent et que, par conséquent, il y a le procès également qui
15 est assez long, mais qu'il faut avoir en vue également la situation
16 complète dans laquelle se trouvent un certain nombre d'accusés et, tout
17 premièrement, leurs familles et les circonstances dans lesquelles vivent
18 leur famille.
19 Concernant les deux Kupreskic –Zoran et Mirjan- un grand
20 problème est leur mère Lucija, née en 1937, et qui vit toute seule à la
21 maison -la propriété de feu leur père-, qui est très malade, qui a une
22 thyroïde, des problèmes de thyroïde et qui s'est fait opérer deux fois.
23 Elle utilise les médicaments contre la haute tension et la thyroïde. Elle
24 devrait aller se faire traiter une fois par mois ; elle n'est pas allée
25 chez le médecin depuis plus d'un an, car les instruments de contrôle
Page 11197
1 n'existent pas à Vitez, mais uniquement à Mostar. Et comme elle a un
2 salaire qui est vraiment minime, ou plutôt des retraites minimes, elle ne
3 peut se rendre nulle part et elle est heureuse de pouvoir survivre avec le
4 peu de moyens dont elle dispose.
5 Mais il est connu également qu'en ce qui concerne la tension et
6 quand il s'agit également de la thyroïde, la cause, c'est le stress ; elle
7 est en permanence sous le stress par le fait même d'ailleurs que ses deux
8 fils se trouvent en prison -elle est la seule mère probablement dans le
9 monde dans ce cas- qui ont été incriminés pour les crimes de guerre.
10 Ce qu'a dit Mirjan, hier, lors de sa déposition, les deux fils
11 ont très peur pour sa santé et pour sa vie, et ils considèrent que, si
12 jamais ils rentrent temporairement chez eux, sa santé s'améliorerait.
13 En ce qui concerne Zoran Kupreskic et son épouse Mira Kupreskic,
14 qui est née en 1963, un mois après le départ de l'accusé à la Haye, les
15 médecins ont constaté également des troubles au niveau de la thyroïde.
16 Deux à trois mois plus tard, elle présente une tumeur des ovaires et de
17 l'utérus. L'opération n'a pas pu être effectuée étant donné qu'il a été
18 indispensable d'abord de traiter la thyroïde.
19 C'est en septembre 98 que l'opération a été pratiquée et que
20 l'on a fait une hystérectomie. Donc, après cette opération, elle s'est
21 fait contrôler une fois par mois ; ces derniers temps, tous les deux mois.
22 Pendant ce temps-là, ses trois enfants restent plus ou moins seuls chez
23 eux, sans contrôle, sans être surveillés par les parents.
24 Zoran Kupreskic a également des problèmes avec ses propres
25 enfants. Il a trois enfants : Mladen, qui est né en 1985, Anto qui est né
Page 11198
1 en 1992 et Davor qui est né en 1989. Mladen et Anto présentent une
2 bronchite qui dure depuis trois ans. Ils ont des frais permanents pour les
3 médicaments. Et on a recommandé qu'au moins une fois par an, ils changent
4 de climat, qu'ils se rendent au bord de la mer. Son épouse ne peut pas
5 bien évidemment se le permettre, non seulement pour des raisons
6 financières, mais également vu que, sur le plan de la santé, pour
7 l'épouse, c'est contre-indiqué. Ce qui est donc recommandé pour les
8 enfants ne l'est pas pour l'épouse.
9 Mladen a été très attaché à son père sur le plan émotionnel. Il
10 est dans la période de l'adolescence ; le contrôle de la mère ne suffit
11 pas pour que, véritablement, on puisse l'empêcher de commettre un certain
12 nombre d'activités qui ne sont pas toujours bonnes, d'autant plus que
13 Vitez n'est plus un endroit pour les personnes qui ne sont pas tout à fait
14 équilibrées.
15 C'est la raison pour laquelle il y a toujours ce risque que le
16 fils soit en contact avec la drogue où, bien évidemment, il est
17 indispensable que le père soit présent et puisse surveiller son fils.
18 En ce qui concerne Mirjan Kupreskic -ceci est vrai également
19 pour Zoran Kupreskic- l'épouse de Mirjan, sa femme, ne travaille pas. Il a
20 deux enfants : Marko qui est né en 1991, qui présente des problèmes
21 psychiques ; il se fait traiter par un psychiatre et par un psychologue.
22 Il présente des troubles tels qu'il est véritablement le seul enfant dans
23 la région de Vitez qui n'a même pas pu terminer sa première classe, enfin
24 le CE1 disons. Maintenant, il doit se présenter probablement dans une
25 autre école, et si le père n'est pas présent à ce moment-là, ça posera
Page 11199
1 encore davantage de problèmes. Il y a la fille, Marija, qui est née en
2 1988, présente également des problèmes psychiques, elle bégaie. Elle
3 présente ces troubles, et c'est la raison pour laquelle elle devrait
4 également être traitée par les médecins en Bosnie-Herzégovine, et en
5 Croatie également, pour pouvoir véritablement traiter le bégaiement et ses
6 problèmes psychiques peuvent être résolus dans le cadre de la faculté de
7 Zagreb qui s'appelle Suag.
8 Les deux enfants ont été traumatisés par la guerre et, après la
9 guerre, vivent très mal l'absence du père. Les deux enfants ont des
10 problèmes également de visibilité, ils ont une myopie assez importante. Et
11 en ce qui concerne maintenant les conditions, ici, il est vrai que la
12 procédure est quelque peu trop longue malgré, bien évidemment, la bonne
13 volonté d'accélérer le procès. Ils se sont rendus sans que quiconque ne
14 les arrête ; ils ont montré un comportement exemplaire dans l'unité de
15 prévention, en prison, ce qui peut être vérifié également par la direction
16 et l'administration de la prison.
17 Par ailleurs, je pense que nous pourrions considérer qu'ils
18 rentrent dans cette catégorie de circonstances exceptionnelles et de cette
19 possibilité de mise en liberté provisoire.
20 Par ailleurs, les accusés -comme j'ai dit- se sont rendus
21 volontairement et de bon gré à La Haye ; ils ont essayé de se mette en
22 contact avec les autorités de persécution et au sein du Tribunal, ici, à
23 La Haye. Ils ont écrit plusieurs lettres, y compris au Président du
24 Tribunal qui, à l'époque, était M. le Président de la Chambre actuelle. Si
25 vous approuvez qu'ils retournent à Vitez, ils sont disposés à respecter
Page 11200
1 toutes les contraintes, toutes les conditions que vous auriez demandé, ce
2 qui est prévu par l'article 65 C.
3 En d'autres termes, il y a la Sfor et la police fédérale qui se
4 trouvent à Vitez ; il n'y aurait aucun problème qu'on leur demande de se
5 rendre à la police ou à la Sfor tous les jours, ou je ne sais pas ce
6 qu'éventuellement vous auriez décidé.
7 En ce qui concerne le danger pour les victimes et les membres
8 des familles, avant que les accusés viennent à La Haye, ils sont restés
9 longtemps chez eux. Après la guerre, ils ont montré depuis la guerre
10 jusqu'à l'arrivée à La Haye qu'ils n'ont jamais menacé qui que ce soit, et
11 que, pendant le procès, il n'y avait eu aucune preuve qui aurait démontré
12 qu'éventuellement ils aient eu un comportement dangereux après la guerre.
13 Il n'y avait pas de telles menaces non plus de leur part, une fois que
14 l'acte d'accusation a été dressé.
15 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, nous
16 nous remettons dans vos mains, et c'est à vous de prendre la décision,
17 éventuellement pour la mise en liberté provisoire, ce que nous demandons.
18 C'est tout ce que j'aurais à dire.
19 J'aimerais tout simplement rajouter un petit mot : si vous ne
20 croyez pas qu'il y ait ces maladies dont je viens de parler, à ce moment-
21 là, nous sommes prêts, bien évidemment, au cours de la journée, au plus
22 tard lundi, à vous remettre toute la documentation médicale sur les
23 maladies que j'ai évoquées tout à l'heure.
24 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie, Maître
25 Radovic.
Page 11201
1 Monsieur Terrier, vous avez la parole.
2 M. Terrier. – Merci, Monsieur le Président.
3 Tout d'abord, je voudrais exprimer ma satisfaction que
4 Me Radovic ait déclaré que Mme le Procureur, lorsqu'elle a rencontré le
5 ministre de la Justice de Croatie, à Zagreb, a purement et simplement
6 renvoyé ses interlocuteurs au Règlement de procédure, à l'article 65, à la
7 notion de circonstances exceptionnelles, ainsi qu'à l'autorité du Tribunal
8 en charge de chacune des affaires et qui procède à l'examen des requêtes…
9 Interprète. – Maître Terrier, pourriez-vous parler un peu plus
10 lentement pour les interprètes, s'il vous plaît ?
11 M. Terrier. – Je vais m'y efforcer.
12 Je disais simplement que Mme le Procureur a renvoyé ses
13 interlocuteurs au Règlement de procédure. Elle a renvoyé ses
14 interlocuteurs à l'article 65 de ce Règlement, à la notion de
15 circonstances exceptionnelles et à l'autorité du Tribunal.
16 Je le souligne, car hier, il me semblait que les propos de
17 Me Radovic étaient moins clairs que ceux qu'il a tenus aujourd'hui.
18 Je procéderai, Monsieur le Président, si vous me le permettez,
19 par observations. Il nous est nécessaire de constater qu'en application de
20 l'article 65, paragraphe B du Règlement de procédure, il y a une certitude
21 absolue que les accusés libérés comparaîtront. Et je tiens à souligner
22 que, compte tenu de la gravité des accusations qui sont portées contre
23 eux, compte tenu de la gravité des peines qui sont susceptibles d'être
24 prononcées au terme du procès -s'ils sont déclarés coupables-, je pense
25 que le Tribunal ne peut pas acquérir cette certitude que les accusés
Page 11202
1 comparaîtront s'ils sont libérés.
2 Et j'ajoute qu'il ne me semble pas qu'une quelconque mesure,
3 mesure de police en particulier, puisse garantir cette comparution des
4 accusés s'ils étaient libérés et libres de rejoindre leur résidence.
5 En deuxième lieu, il me semble qu'en application de
6 l'article 65, paragraphe B, le Tribunal doit constater, avant de prononcer
7 une décision de remise en liberté, qu'aucun des témoins, qu'aucune des
8 victimes ne seraient mises en danger par cette libération. A cet égard, je
9 souligne que nous sommes dans le cours de notre procédure, que toutes les
10 preuves n'ont pas encore été soumises au Tribunal, que s'ouvrent devant
11 nous les phases de la réplique, de la duplique ; qu'hier, nous avons remis
12 au Tribunal une motion indiquant les noms des témoins que nous entendons
13 appeler dans le cadre de la réplique et que, par conséquent, nul ne
14 pourrait exclure que des contacts soient noués entre les accusés, s'ils
15 étaient autorisés à retourner dans leur pays, s'ils étaient libérés, et
16 ces témoins.
17 Je rappelle tout de même que l'un des témoins qui figure sur la
18 liste de l'accusation, en ce qui concerne la réplique, a d'ores et déjà
19 déclaré dans une déclaration écrite que le Tribunal connaît qu'elle a subi
20 certaines pressions ; en tout cas, que des demandes lui ont été présentées
21 qu'elle a dû refuser.
22 Donc il me ne me semble pas, dans ces circonstances, au stade du
23 procès où nous sommes aujourd'hui, que le Tribunal puisse avoir la
24 conviction que les accusés ou les témoins de ce procès ne seront pas mis
25 en danger par la libération des accusés.
Page 11203
1 Et enfin, la notion de circonstances exceptionnelles prévue par
2 le Règlement de procédure doit être évidemment comprise -me semble-t-il-
3 comme des circonstances imprévisibles, normalement imprévisibles, et
4 insurmontables, sauf par la mise en liberté de l'accusé. Or, de la bouche
5 de Me Radovic, je n'ai entendu à cet égard que l'exposé de difficultés
6 familiales, de difficultés financières et de difficultés de santé des
7 membres des familles des accusés.
8 Nous n'avons pas de justification, mais je ne doute pas de la
9 réalité de ces difficultés. Et il me semble qu'à chaque incarcération d'un
10 chef de famille, nécessairement, s'attachent des difficultés de cet ordre-
11 là : des difficultés familiales, des difficultés financières, des
12 difficultés de santé pour les plus jeunes de la famille, très souvent.
13 Cela est désolant. Sans doute y a-t-il des moyens d'y porter remède, mais
14 on ne peut en aucun cas, me semble-t-il, dire que nous avons là des
15 circonstances exceptionnelles telles qu'elles sont prévues par
16 l'article 65, paragraphe B du Règlement de Procédure.
17 J'admettrais volontiers qu'il manque, aujourd'hui et depuis
18 plusieurs mois, aux enfant des accusés l'autorité de leur père, très
19 certainement ; que la vie de ces familles est profondément bouleversée.
20 J'espère que tous les secours de leur entourage, de leur famille au sens
21 le plus large leur sont acquis, mais je ne vois pas là un motif qui puisse
22 conduire le Tribunal à satisfaire à la requête présentée par les accusés.
23 Je demande donc au Tribunal, aujourd'hui, de rejeter les deux
24 requêtes aux fins de mise en liberté qui lui sont soumises. Merci,
25 Monsieur le Président.
Page 11204
1 M. le Président (interprétation). – Merci, Maître Terrier.
2 Maître Slokovic-Glumac ?
3 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, permettez-
4 moi de réagir aux propos de M. le Procureur concernant les raisons
5 générales pour lesquelles il estime qu'il n'y a pas lieu de satisfaire la
6 demande de la requête de la défense.
7 S'agissant de la possibilité d'influer sur les témoins, d'après
8 la liste qui a été déposée, il n'est fait mention que d'un témoin en fait,
9 en tout et pour tout, qui pourrait déposer au sujet de certaines
10 circonstances concernant l'un des accusés. Comme le Procureur cite à
11 comparaître ce témoin en tant que son témoin, la défense est prête à
12 s'engager à ne prendre aucun contact avec cette personne.
13 Il est dit également qu'il n'y a pas vraiment de garantie quant
14 au retour de ces accusés devant ce Tribunal. Je pense qu'il n'y a pas lieu
15 d'en douter : nos clients sont déjà venus de leur propre gré se remettre à
16 la justice. Je pense qu'ils l'ont fait dans l'intention de venir prouver
17 leur innocence et qu'ils sont prêts à se remettre à la disposition du
18 Tribunal.
19 S'agissant des témoins, même de ceux qui ont exprimé des
20 accusations les plus fortes à l'encontre de nos clients, jamais nous
21 n'avons eu de témoins qui auraient dit qu'ils se sentaient menacés de la
22 part de nos clients. (expurgée), lui-même, dont les accusations sont
23 les plus sévères, les plus sérieuses, graves, même lui, il ne s'en est pas
24 plaint et je ne vois pas qu'il y ait lieu de penser que nos accusés se
25 comporteraient autrement à l'égard de ces témoins, à l'avenir.
Page 11205
1 M. le Président (interprétation). – Je vous remercie.
2 (Les Juges se consultent sur le siège.)
3 Il s'agit d'un sujet très important et très sérieux. Nous ne
4 pouvons pas prendre une décision immédiatement. Notamment, il s'agit aussi
5 de prendre contact avec les autorités compétentes de Bosnie-Herzégovine.
6 Nous avons déjà eu des contacts avec les autorités néerlandaises et je
7 connais à présent leur position. Mais, comme je l'ai dit, nous devons
8 avoir quelques garanties de la part des autorités de Bosnie-Herzégovine.
9 Vu ce que je viens de dire, nous allons prendre la décision au
10 début de la semaine prochaine, une décision par écrit. Et vous la
11 connaîtrez à ce moment-là.
12 Je propose qu'on poursuive avec le contre-interrogatoire de
13 M. Vlatko Kupreskic. M. Blaxill ?
14 (Le témoin reprend place.)
15 M. le Président (interprétation). – Monsieur Blaxill, vous avez
16 la parole.
17 M. Blaxill (interprétation). – Je vous remercie, Monsieur le
18 Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge. Bonjour, Monsieur Kupreskic,
19 vous connaissez la position que j'occupe ici ? J'ai un certain nombre de
20 questions à vous poser. Au tout début,…
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Bonjour, Monsieur le
22 Procureur.
23 M. Blaxill (interprétation). – Veuillez m'en excusez. Je ne
24 pense pas que je sortirai du champ de ce qui a déjà été dit par la Chambre
25 au sujet des citations, des déclarations ou des documents qui ont déjà été
Page 11206
1 présentés. Il s'agit donc de documents que possède déjà la Chambre et je
2 pense que cela ne posera pas problème quand je poserai des questions à
3 M. Kupreskic. Ainsi donc, vous avez passé toute votre vie à Ahmici jusqu'à
4 la guerre qui a éclaté en 1993. Est-ce exact ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
6 M. Blaxill (interprétation). – Pour autant que vous le sachiez,
7 est-ce qu'il y a d'autres personnes dans les parages, dans la municipalité
8 de Vitez, qui portent le même nom que vous, qui s'appellent Vlatko
9 Kupreskic ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je ne pense pas. Je ne
11 crois pas que quelqu'un d'autre porte le même nom, le même homonyme, non.
12 M. Blaxill (interprétation). – Peut-on dire qu'au fil des
13 années, la famille Kupreskic est devenue une famille de tout premier plan
14 dans la zone d'Ahmici ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne vois
16 pas de raison. Comme toute autre famille, comme des Musulmans, comme des
17 Croates. Non, je ne vois pas.
18 M. Blaxill (interprétation). – Diriez-vous peut-être que, vu que
19 votre cousin Ivica était dans les affaires, vous-même, vous étiez un cadre
20 dans l'entreprise SPS, puis vos cousins Zoran et Mirjan avaient des
21 activités, occupaient une place dans la vie culturelle, ne pourrait-on pas
22 dire que c'était un famille respectée dans cette région ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que la famille
24 avait une réputation et qu'elle était au niveau d'une famille européenne,
25 mais nous avions nos voisins, également musulmans, qui étaient également
Page 11207
1 des familles de réputation.
2 M. Blaxill (interprétation). – Vous avez déjà déclaré que,
3 concernant vos voisins et, plus tard, vos clients, vos partenaires dans
4 vos affaires, vous entreteniez de bonnes relations, des relations très
5 correctes.
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mais c'est tout à fait ça,
7 oui, oui.
8 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur, vous êtes un homme
9 cultivé : lorsque vous avez vu la naissance de ces partis nationalistes et
10 que vous avez vu que la population était appelée à voter selon les lignes
11 d'une répartition ethnique, est-ce que cela vous a inquiété ? Vous, vous
12 trouviez que c'était inquiétant ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Moi, oui, ça m'a perturbé en
14 quelque sorte, car moi-même, jamais, je n'ai voulu rejoindre les rangs
15 d'un parti nationaliste.
16 M. Blaxill (interprétation). – Vous avez pu suivre l'évolution
17 de la situation politique sur place. Vous nous avez dit que vous avez
18 décidé de quitter la société SPS, en partie pour des raisons de
19 difficultés économiques et, en partie, -je cite- "parce que j'ai vu des
20 problèmes avec certaines réglementations et je ne voulais pas me trouver
21 en position de violer la loi". (Fin de citation.)
22 Monsieur, qu'entendiez-vous par cette phrase ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que j'ai bien
24 précisé qu'il y avait un certain nombre de dispositions qui ont été prises
25 ultérieurement et que j'ai pressenti les problèmes. Je n'ai pas dit que
Page 11208
1 j'ai su sur place, tout de suite, mais, de toute façon, j'ai pressenti que
2 cela pourrait créer et causer des problèmes. De toute façon, il est un
3 fait qu'on ne respectait plus la législation en vigueur de l'ex-
4 Yougoslavie, mais uniquement la législation de Bosnie-Herzégovine. Moi, je
5 ne voulais pas tout simplement avoir à exécuter ces règlements. En 1991,
6 la communauté internationale reconnaissait encore la Yougoslavie.
7 M. Blaxill (interprétation). – Très brièvement, en termes
8 généraux, pouvez-vous nous dire à quelles lois pensez-vous ? Celles qui
9 réglementent la vie des affaires, le monde des affaires ou l'existence des
10 communautés ethniques ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, mais bien évidemment,
12 je ne parle pas de règlements pourtant sur les groupes ethniques. Je parle
13 de la réglementation au niveau commercial, donc il faut dire qu'il y a un
14 certain nombre de règlements qui régissaient les affaires en Bosnie-
15 Herzégovine et qui n'étaient plus conformes aux règlements, ces mêmes
16 règlements au niveau de la Yougoslavie.
17 M. Blaxill (interprétation). – Il semblerait donc que c'est vers
18 le mois de septembre de 1991, que vous avez accepté la proposition de
19 votre cousin Ivica, de venir le rejoindre et que avez commencé à
20 travailler dans le secteur privé, n'est-ce pas ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, je pense que c'était le
22 mois de novembre 1991, c'était l'entreprise de l'époque Stefani Bosna.
23 M. Blaskic (interprétation). - Il me semble que vous avez
24 également déclaré que M. Ivica Kupreskic appréciait votre niveau de
25 formation et votre expérience dans les affaires commerciales, et votre
Page 11209
1 capacité à gérer la documentation commerciale, n'est-ce pas ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est vrai, c'était une des
3 raisons principales pour lesquelles il m'avait demandé de venir travailler
4 dans sa société, étant donné qu'il n'y avait pas d'autres personnes qui
5 occupaient le poste avec de telles activités.
6 M. Blaskic (interprétation). – Monsieur Kupreskic, sinon pour
7 autre chose, mais par curiosité, puis-je vous demander ce qui vous a
8 incité à modifier le nom de la société ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Une des raisons, une autre
10 raison pour laquelle Ivica m'avait demandé de venir dans cette entreprise
11 Stefani Bosna, c'est que cette entreprise pratiquement était en faillite.
12 C'est une société qui a été pratiquement dans une espèce de blocus. Moi,
13 je suis venu pour débloquer les activités de l'entreprise, et j'y ai
14 réussi. Vous savez comment, dans le monde des affaires, on réagi et on
15 opère en occident. Moi, je ne voulais pas travailler dans une entreprise
16 qui porte un tel nom. C'est une entreprise qui a déjà fait faillite et
17 c'est moi-même, d'ailleurs, qui avais proposé de changer la désignation de
18 l'entreprise et de l'enregistrer sous un autre nom, de la rebaptiser.
19 M. Blaxill (interprétation). - Si je traduis correctement, le
20 mot "Sutra" veut dire "demain", est-ce exact ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Quelque peu comme ça, je ne
22 sais pas tout à fait, non, je ne sais pas.
23 Ce n'est pas Sutra, c'est demain. On avait un surnom "Sutra" et
24 c'est selon ce surnom que j'ai désigné l'entreprise. Vous savez, quand
25 vous donnez les noms de l'entreprise, c'est mieux que ce soit un seul
Page 11210
1 terme, c'est plus clair.
2 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Donc vous souhaitiez
3 imposer une image plus positive de cette société. Il me semble que vous
4 avez dit, ici, et que vous l'avez dit en parlant au représentant du Bureau
5 du Procureur, que vous avez dit que ce qui vous intéressait en premier
6 lieu, pendant toute cette période en 1992, à savoir ce n'était pas la
7 politique ou ce genre de chose, mais ce qui vous intéressait avant tout,
8 c'étaient les affaires. Peut-on dire qu'il en était ainsi ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est tout à fait vrai,
10 c'était comme ça, avant la guerre, pendant la guerre et tout de suite
11 après la guerre. Ce n'est que les affaires qui m'intéressaient.
12 M. Blaxill (interprétation). - Je vous demanderais de confirmer
13 une impression que j'ai : il semblerait que ces partis nationaux, quel que
14 soit le bord auquel ils appartenaient, que ces partis ne toléraient pas
15 les gens qui ne les soutenaient pas, qui n'étaient pas d'accord avec eux,
16 qui n'appartenaient pas au même groupe ethnique. Peut-on dire que c'est
17 une évaluation correcte de l'attitude de ces partis politiques ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je ne sais pas ce qu'ils
19 pensaient et comment ils concevaient les activités du parti, comme vous
20 venez de les décrire. De toute façon, je n'ai jamais participé à une
21 réunion d'un parti, que ce soit le parti qui représente le peuple croate,
22 le peuple musulman ou le peuple serbe. Je ne sais absolument pas ce qu'il
23 se sont proposé comme objectif.
24 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur Kupreskic, durant 1992,
25 vous étiez un homme d'affaires, vous travailliez dans une entreprise
Page 11211
1 privée, vous aviez affaire aux autorités municipales, n'est-ce pas ? Vous
2 aviez affaire aux autorités municipales, n'est-ce pas ? Vous aviez besoin
3 d'autorisations, de permis, etc., n'est-ce pas ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non. C'est bien le
5 contraire. Je n'étais pas du tout en très bonnes relations, justement
6 parce que je ne faisais pas partie de la vie politique, je ne voulais pas
7 rejoindre ces activités politiques. Et c'est mon cousin Ivica, au fond,
8 qui était le principal.
9 M. Blaxill (interprétation). - Autrement dit, vous-même, vous
10 n'aviez pas affaire aux autorités municipales, mais votre société si,
11 n'est-ce pas ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Ma société était en contact
13 avec l'exécutif parce qu'il y avait également des impôts à payer, comme
14 partout dans le monde. Et c'est dans ce sens-là, quand il fallait payer
15 des impôts, quand il fallait procéder à un certain nombre de négociations
16 et d'entretiens, à ce moment-là, je me rendais à la mairie et j'étais en
17 contact avec mes collègues économistes.
18 M. Blaxill (interprétation). - Afin de pouvoir fonctionner, il
19 était clair, en réalité, que vous aviez besoin de permis afin de pouvoir
20 vous déplacer, et que vous avez reçu un permis général en tant que
21 compagnie qui a été sélectionnée pour distribuer les vivres sur le plan de
22 la municipalité. Est-ce exact ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, en 1992, il y avait
24 l'exécutif politique, et il y avait des autorités et aucune personne qui
25 est en âge de combattre ou des personnes qui ont été dispensées de
Page 11212
1 l'activité militaire ne pouvaient pas circuler sans autorisation du HVO.
2 Mais c'est vrai également pour les autorisations de la part des autorités
3 musulmanes qui, à l'époque, siégeaient dans la maison de Enes Sehic. Et je
4 me souviens qu'Ivica et moi-même, nous nous sommes rendus chez les uns et
5 les autres pour demander qu'on nous délivre des autorisations ; on ne
6 pouvait pas circuler sans.
7 M. Blaxill (interprétation). - Donc, en effet, il était
8 important pour vous, n'est-ce pas, que votre société dégage une image
9 positive face à l'une quelconque de ces autorités, que ce soit le HVO ou
10 les autorités musulmanes, n'est-ce pas ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). – En ce qui concerne l'image
12 et la réputation, vous savez très bien que, dans le monde des affaires, le
13 plus important est d'être compétitif. Par conséquent, c'était ma tâche
14 principale au sein de la société, c'était la compétitivité qui comptait,
15 pas autre chose. Vous ne pensez pas qu'on aurait eu les autorisations si
16 on n'avait pas véritablement présenté la meilleure offre, et si l'on ne
17 pouvait pas véritablement répondre à nos promesses. Bien évidemment, on
18 n'aurait jamais eu d'autorisation. Par conséquent, c'est l'intérêt
19 économique exclusif.
20 M. Blaxill (interprétation). - Vous ne pensez pas
21 qu'éventuellement, l'attitude des gens, comme le HVO, aurait joué un rôle
22 quelconque dans la sélection, dans le choix des personnes avec qui ils
23 allaient travailler ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que ce n'était pas
25 le cas, tout simplement parce que notre société a, comme je l'ai dit,
Page 11213
1 présenté la meilleure offre. C'est la raison pour laquelle on nous a
2 sélectionnés.
3 M. Blaxill (interprétation). - A votre connaissance, y a-t-il eu
4 d'autres sociétés et entreprises qui auraient été choisies pour exécuter
5 des tâches comme la vôtre ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas, je ne peux
7 pas dire quelles sont les autres activités d'autres sociétés ; je ne sais
8 pas.
9 M. Blaxill (interprétation). - Mais on aurait raison de dire
10 que, vu comment vous travaillez, dans une zone qui finalement s'est
11 retrouvée sous le contrôle du HVO, votre compagnie a continué à
12 fonctionner, à commercer et a survécu à la guerre, n'est-ce pas ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Notre compagnie a travaillé
14 dans la région contrôlée aussi bien par les autorités croates que par les
15 autorités musulmanes. Notre marché était orienté notamment par les
16 territoires contrôlés par les autorités musulmanes ; pour moi, ce n'est
17 pas contestable.
18 M. Blaxill (interprétation). - Il ressort de ce vous êtes en
19 train de dire, Monsieur Kupreskic, que vous avez déployé des efforts
20 considérables afin de traiter de manière équitable et correcte avec tout
21 le monde, que vous vouliez vous montrer comme quelqu'un qui n'avait pas
22 d'appartenance politique ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ceci est exact, c'est de
24 cette manière-là que je me suis comporté jusqu'au 16 avril, c'est ainsi
25 que je me suis comporté également pendant la guerre et je n'ai pas changé
Page 11214
1 mon point de vue non plus depuis la guerre.
2 Et en ce qui concerne la structure des clients à Ahmici, en 94-
3 95, selon les données statistiques, 90 % de nos clients étaient des
4 Musulmans et la plupart ou plutôt beaucoup d'entre eux étaient mes
5 premiers voisins ; là vous avez raison.
6 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, vous dites
7 que, vers la fin du mois de décembre, la fin de 1992, vers le mois de
8 décembre, vous avez entrepris des travaux pour la police locale, n'est-ce
9 pas ? Vous deviez préparer un inventaire ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, j'ai établi un
11 inventaire. Il y avait une commission, avec moi, oui. C'était au cours de
12 la deuxième moitié du mois de décembre 92.
13 M. Blaxill (interprétation). - Ce département de police pour
14 lequel vous travailliez, c'était la police de la communauté croate
15 d'Herceg-Bosna, n'est-ce pas ? Et ce travail que vous avez effectué, vous
16 l'avez effectué au poste de police de Vitez, n'est-ce pas ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'était le poste de police
18 civile, c'étaient les autorités civiles de la ville de Vitez.
19 M. Blaxill (interprétation). - Il me semble que vous avez parlé
20 du chef de ce poste de police, Mirko Samija, me semble-t-il ? Samija ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, Mirko Samija.
22 M. Blaxill (interprétation). - Je n'ai pas parlé du premier
23 conflit qui a éclaté le 20 octobre 1992, mais il me semble que vous avez
24 dit que vous n'aviez pas pris part à cet événement, et que vous ne saviez
25 pas grand-chose de cet événement, n'est-ce pas, le 20 octobre, c'est la
Page 11215
1 date à laquelle je me réfère ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas participé au
3 premier conflit, ça c'est vrai. Mais ce n'est pas vrai que je n'avais pas
4 d'informations et que je ne savais pas ce qui s'était passé. Je sais qu'il
5 y avait ce conflit qui s'est passé au niveau du premier barrage, de ce
6 barrage qui était en bas et qu'il y avait des personnes qui avaient été
7 tuées.
8 M. Blaxill (interprétation). - Mais c'est ce que vous avez
9 appris ultérieurement, n'est-ce pas ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est ça.
11 M. Blaxill (interprétation). - Merci.
12 Monsieur le Président, je vais passer à un autre sujet. Il est
13 presque 10 heures 30. Peut-on faire une pause maintenant ?
14 M. le Président (interprétation). - Oui, tout à fait, une pause
15 de 30 minutes.
16 L'audience, suspendue à 10 h 30, est reprise à 11 h 10.
17 M. le Président – La parole est à M. Terrier.
18 M. Terrier. – Monsieur le Président, me permettez-vous
19 d'interrompre le contre-interrogatoire mené par M. Blaxill et de faire une
20 très brève déclaration après ce que vous avez dit tout à l'heure, Monsieur
21 le Président, sur la décision qui doit être prise à propos de la demande
22 de mise en liberté ?
23 (Assentiment du Président.)
24 Le Tribunal a indiqué aux parties présentes dans cette enceinte
25 qu'il attendait des autorités de Bosnie des assurances. Je voudrais
Page 11216
1 simplement exprimer là brièvement la préoccupation du Bureau du Procureur
2 quant à la possibilité -simplement la possibilité- que les autorités de
3 Bosnie-Herzégovine puissent donner quelque assurance que ce soit dans le
4 domaine judiciaire, et en particulier dans cet aspect du domaine
5 judiciaire qui nous occupe : la situation des personnes.
6 Compte tenu de notre expérience de la coopération avec les
7 autorités de Bosnie-Herzégovine, nous pensons que les autorités fédérales
8 sont hors d'état de donner quelque assurance ou garantie que ce soit, dans
9 quelque domaine que ce soit, qu'il s'agisse du domaine policier ou du
10 domaine judiciaire.
11 Compte tenu de ce que les accusés qui ont fait la demande
12 soumise au Tribunal sont des Croates de Bosnie, nous ne pensons pas que
13 les autorités bosniennes soient en mesure de donner quelque garantie que
14 ce soit ; c'est hélas la triste réalité, encore aujourd'hui sur le
15 terrain, presque cinq ans après les accords de Dayton
16 Et quant aux autorités croates de Bosnie, nous devons dire au
17 Tribunal que nous avons les plus grandes difficultés à obtenir leur
18 coopération ; que nous avons les plus grandes incertitudes sur la réalité
19 et la sincérité de leur engagement.
20 Et à cet égard, je souhaite soumettre au Tribunal, à titre
21 d'information, une lettre écrite par Mme le Procureur au ministre des
22 Affaires étrangères de Bosnie-Herzégovine quant au comportement de l'agent
23 de liaison croate à La Haye avec le Tribunal. Nous avons eu affaire à un
24 agent de liaison croate qui a calomnié ce Tribunal, qui a considéré que ce
25 Tribunal agissait de façon partiale en faveur d'une communauté contre une
Page 11217
1 autre communauté, qui n'a jamais tenu les engagements que nous lui
2 demandions de prendre.
3 Par conséquent, nous ne pensons pas que, dans le cas d'espèce,
4 dans les circonstances où nous sommes, ces autorités croates, quand bien
5 même elles prendraient un engagement, soient en mesure, soient
6 véritablement sincèrement décidés à le tenir.
7 Je remets donc cette lettre de Mme le Procureur qui est du
8 27 janvier 99. J'ai préparé, bien entendu, des copies pour les avocats de
9 la défense.
10 Voilà, Monsieur le Président, très brièvement, aussi brièvement
11 que possible pour ne pas interrompre ces débats, la préoccupation que le
12 Bureau du Procureur souhaitait exprimer. Je vous remercie.
13 M. le Président – Merci. Madame Slokovic-Glumac, souhaitez-vous
14 réagir à propos de ce problème des assurances de la part des autorités de
15 Bosnie-Herzégovine ? C'est un problème très sérieux parce que ce serait la
16 condition sine qua non pour une éventuelle mise en liberté provisoire.
17 Mme Glumac (interprétation) – Monsieur le Président. je n'ai
18 l'intention de ne rien dire d'autre que ce que j'ai déjà, à savoir que les
19 accusés s'engagent à répondre à toute invitation du Tribunal.
20 D'ailleurs, lors de leur arrivée à La Haye, ils sont venus de
21 leur plein gré, ce qui a montré de leur part le souhait que le procès se
22 déroule dans de bonnes conditions. Vous l'avez entendu lorsqu'ils ont
23 témoigné.
24 Et j'ajouterai simplement ceci : que depuis un an environ qu'ils
25 font l'objet d'un acte d'accusation, ils ont à un certain moment tenté
Page 11218
1 d'établir le contact avec le Tribunal et cela les a beaucoup ennuyés de ne
2 pas trouver de solution pour régler le problème de leur reddition au
3 Tribunal. D'ailleurs, il est constatable qu'ils ont passé tout le temps en
4 question sur le territoire de Vitez. Donc, ils ne se cachaient pas à
5 l'époque.
6 S'agissant de ces relations avec les autorités, des engagements
7 dont il a été question, bien entendu, c'est dans ces conditions que nous
8 pourrions parler de remise en liberté. Sans ces assurances, ce sera chose
9 impossible.
10 Mais, dans la mesure où il sera possible d'établir les contacts
11 nécessaires avec les entités compétentes en Bosnie et éventuellement aussi
12 avec les ambassadeurs et les représentants officiels à La Haye, il devrait
13 être possible sans doute d'obtenir de ces personnes des informations
14 nécessaires et éventuellement quelques garanties. Merci.
15 M. le Président – Merci, mais il demeure un petit problème, car
16 nous ne cessons de parler des autorités croates, de l'ambassade croate.
17 Maître Radovic a mentionné une rencontre entre le Procureur général et le
18 ministre à Zagreb. Donc, d'une certaine façon, c'est quelque chose qui met
19 l'accent sur le lien entre la Croatie et les Croates en Bosnie-
20 Herzégovine, et donc un problème qui peut avoir quelque pertinence
21 juridique.
22 Mais je me demande si les autorités croates de Zagreb sont en
23 mesure de fournir des garanties ou des assurances.
24 Enfin, quoi qu'il en soit, nous prendrons en considération la
25 lettre de Mme le Procureur au ministre des Affaires étrangères de Bosnie-
Page 11219
1 Herzégovine. Merci, Monsieur Terrier.
2 Et nous pouvons à présent poursuivre. Puisque nous sommes en
3 train de débattre d'autres questions que du contre-interrogatoire, je me
4 demandais si M. Blaxill accepterait que je lui pose à lui et à
5 Maître Terrier, une question relative au document que nous avons reçu ce
6 matin. Il s'agit du document du Procureur au sujet des témoins en
7 réfutation. Il y a un point que j'aimerais éclaircir le plus rapidement
8 possible.
9 Au point 4 de cette lettre signée par M. Terrier et M. Blaxill,
10 il est stipulé que le Procureur prévoit que le temps nécessaire, pour
11 arriver au terme des arguments finaux, devrait être une semaine environ
12 avant la fin de la présentation des éléments de preuve. Nous parlons, ici,
13 de notre calendrier pour l'avenir et du calendrier d'autres procès
14 également qui sont impliqués.
15 Cela signifie-t-il que, si nous reprenons nos travaux le 27,
16 nous aurons sans doute besoin de deux semaines : une semaine pour le
17 Procureur et une semaine sans doute pour la défense. Je suppose que la
18 défense aura des témoins supplémentaires à présenter par la suite. Et
19 après cela, vous aurez besoin de quatre semaines pour préparer vos
20 arguments finaux, votre réquisitoire. Autrement dit, il y aura encore une
21 interruption, il y aura quatre semaines d'interruption de ce procès avant
22 présentation du réquisitoire, parce que nous pensions entendre le
23 réquisitoire immédiatement après la présentation des derniers témoins de
24 la défense.
25 Donc je pense que cela signifie que je me trompais. Vous
Page 11220
1 souhaitez avoir cette interruption de quatre semaines, n'est-ce pas ?
2 M. Terrier. – Monsieur le Président, en effet, nous souhaitons
3 pouvoir après la présentation de la duplique, donc les derniers témoins de
4 la défense, avoir quelque temps de réflexion. Si vous pensez que quatre
5 semaines est un délai trop long, éventuellement nous pourrons bien entendu
6 le réduire, mais il nous faut une interruption. Je pense que nous devons
7 avoir une interruption après la duplique et avant les réquisitions
8 finales. Cela me semble important que les réquisitions finales du
9 Procureur soient aussi réfléchies que complètes qu'il est possible dans ce
10 procès difficile.
11 M. le Président. – Et vous comptez soumettre un texte écrit,
12 donc ?
13 M. Terrier. – Comme vous l'avez souhaité, Monsieur le Président.
14 Nous soumettrons d'abord un résumé, donc aussi clair et rapide que
15 possible et…
16 M. le Président. – Avec beaucoup de références ?
17 M. Terrier. – Avec les références au transcript, la référence
18 aux pièces à conviction, et nous transmettrons la version complète de ces
19 réquisitions écrites. Et il y aura, bien entendu, des réquisitions orales
20 qui seront développées peu après.
21 M. May (interprétation). – Mais, Monsieur Terrier, vous avez eu
22 deux mois pour faire ce travail. Nous n'avons entendu que très peu de
23 témoins ; donc je suis sûr que vous n'avez pas besoin d'encore un mois.
24 Vous avez jusqu'au 27 septembre pour préparer ce document. Donc un jour ou
25 deux devraient suffire pour les adjonctions nécessaires, je suppose.
Page 11221
1 M. Terrier. – Je concède volontiers au Tribunal que le délai est
2 peut-être confortable ; c'est pour cela que j'offrais de le réduire.
3 Mais il me semble qu'une interruption tout de même est
4 nécessaire de manière à ce que nous puissions compléter les réquisitions
5 écrites qui, bien entendu, sont déjà en cours de préparation ; cela va de
6 soi.
7 M. le Président. – Donc le même délai serait valable aussi pour
8 la défense, elle aurait le même délai ? Si, par exemple, nous décidons
9 d'avoir une suspension de trois semaines, deux semaines à trois semaines
10 -pas quatre, c'est beaucoup trop- deux, trois semaines, la défense en même
11 temps pourrait préparer leur mémoire écrit. De cette manière, lorsqu'on
12 reprend le procès, donc, on aurait seulement la partie finale, les
13 déclarations finales de l'accusation et de la défense ?
14 M. Terrier. – Il me semble en effet, Monsieur le Président.
15 M. le Président (interprétation). – Oui, Maître Glumac ?
16 Mme Glumac (interprétation). – Monsieur le Président, si c'était
17 possible, nous aimerions que le Procureur mette un point final à ses
18 réquisitions un peu avant, et qu'il nous les remette au moins un jour
19 avant la présentation de notre résumé, de nos arguments finaux. Car nous
20 aimerions pouvoir aborder un certain nombre de thèmes qui apparaîtront
21 sûrement dans les réquisitions du Procureur. Cela nous aiderait dans la
22 préparation de notre plaidoirie. Donc nous aimerions que ce document nous
23 soit soumis, en fait, au moins une semaine avant ce délai qui vient d'être
24 mentionné.
25 M. le Président (interprétation). – Je crois que ce serait
Page 11222
1 juste.
2 (Les Juges se concertent sur le siège.)
3 Je présente mes excuses à M. Vlatko Kupreskic et à Me Blaxill,
4 mais, si cela ne vous dérange pas, nous aimerions en terminer sur ce
5 point. Je voudrais proposer un calendrier qui n'est qu'un projet de
6 calendrier. Nous reprendrions nos travaux le 27 septembre, le Procureur
7 ayant besoin, si j'ai bien compris sur la base du document présenté par
8 lui, de quatre jours de travail.
9 Quatre jours de travail ? Que disiez-vous, Maître Glumac ?
10 Mme Glumac (interprétation). - Ce que nous avons entendu en BCS,
11 c'est que nous terminerons le 27 septembre ; nous savions qu'il s'agissait
12 d'une reprise de nos travaux.
13 M. le Président (interprétation). – Oui, en effet. Tout à fait.
14 Nous reprendrons nos travaux le 27 septembre. Après quoi, quatre jours de
15 travail seront accordés au Procureur, puis nous poursuivrons jusqu'au
16 7 octobre, date à laquelle cinq jours de travail seront accordés à la
17 défense pour présentation des témoins en réplique.
18 Puis trois semaines seront accordées au Procureur pour la
19 rédaction de leur réquisition finale, et quatre semaines à la défense. Le
20 Procureur doit donc présenter son mémoire à la date du 29 octobre, alors
21 que la défense devra le faire à la date du 5 novembre, selon la
22 proposition de Me Glumac.
23 Donc, du côté de la défense, vous bénéficierez d'une semaine
24 supplémentaire, et cette semaine vous permettra de traiter les points
25 résultant de la lecture du mémoire du Procureur. Après quoi, nous
Page 11223
1 reprendrons nos audiences le 8 novembre pour entendre les réquisitions et
2 plaidoiries. Nous aurons besoin sans doute pour ce faire de trois jours.
3 Donc reprise le 8 novembre à cette fin.
4 J'ai bien dit qu'il s'agissait d'un projet de calendrier. Vous
5 convient-il ?
6 Monsieur Terrier ?
7 M. Terrier. - Juste une observation, Monsieur le Président. Il
8 nous a été indiqué que l'accusé, Dragan Papic, entendait déposer.
9 M. le Président. - Oui.
10 M. Terrier. - Donc je pense que ceci interviendra avant la
11 réplique de l'accusation ?
12 M. le Président. - Oui, tout à fait, vous avez raison. Donc
13 c'est tout d'abord Dragan Papic, ensuite vos témoins, puis des témoins
14 appelés par la défense. Merci.
15 Maître Slokovic-Glumac, vous êtes d'accord ?
16 (Signe affirmatif de Mme Glumac.)
17 Bien. Donc voilà quel est le projet de calendrier. Mais vous
18 savez que nous devons respecter ce calendrier car M. le Juge May siège
19 dans un autre procès et les deux calendriers doivent correspondre.
20 Je présente une nouvelle fois mes excuses à M. Vlatko Kupreskic.
21 Monsieur Blaxill, vous avez la parole.
22 M. Blaxill (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.
23 Monsieur Kupreskic, j'aimerais que nous revenions sur ce dont
24 nous parlions avant la pause et le débat qui vient d'avoir lieu.
25 Pendant un certain temps, vous avez travaillé au commissariat de
Page 11224
1 police de Vitez, à la fin de 1992, début de 1993. Est-ce exact ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, mais vous me permettrez
3 peut-être d'expliquer de quelle façon j'en suis arrivé à accomplir ce
4 travail temporaire. A savoir qu'au mois de décembre, je me suis trouvé un
5 jour à une noce où j'ai rencontré, tout à fait par hasard, le chef du
6 commissariat de police de l'époque, M. Mirko Samija. Monsieur Mirko Samija
7 s'est approché de moi, nous avons conversé et il m'a dit, ou plutôt il m'a
8 prié, de venir, et -puisque nous en étions à la fin de l'année de travail-
9 de faire ce qu'il fallait pour établir l'inventaire du commissariat de
10 police, parce qu'il n'y avait personne au commissariat qui était capable
11 de faire ce travail, sur le plan professionnel, c'est-à-dire avec les
12 connaissances nécessaires.
13 Lui est un homme qui est diplômé universitaire, je crois même
14 qu'il est juriste. Il était arrivé peu avant au commissariat de police et
15 il souhaitait que ce travail soit fait dans les meilleures conditions. Je
16 lui ai répondu que, dans la réalité des faits, c'était quelque chose qui
17 était impossible pour moi parce que je travaillais à l'entreprise Sutra.
18 Nous nous sommes donc entendus sur la possibilité pour moi de venir au
19 commissariat à temps partiel, c'est-à-dire une heure, deux heures par
20 jour, lorsque cela m'était possible. C'est seulement dans ces conditions
21 que j'ai accepté cette proposition. Donc, dans la deuxième quinzaine du
22 mois de décembre 1992, j'ai commencé à travailler dans ces conditions.
23 M. Blaxill (interprétation). - Pendant que vous établissiez cet
24 inventaire au commissariat de police de Vitez, avez-vous rencontré
25 quelqu'un qui avait un nom semblable ou identique au vôtre ?
Page 11225
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai déjà dit qu'à la
2 municipalité de Vitez, je n'ai rencontré personne qui avait le même prénom
3 et le même nom de famille que moi.
4 M. Blaxill (interprétation). - Avez-vous entrepris quelques
5 autres activités pour la police pendant votre présence au commissariat,
6 c'est-à-dire fin 92, début 93 ? Où vous a-t-on demandé d'entreprendre
7 d'autres activités ou d'aider la police d'une autre façon ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, parce que, pour ce
9 genre d'activité, je n'avais pas les compétences nécessaires, la formation
10 nécessaire. D'autre part, je n'avais pas le temps parce que je travaillais
11 dans une autre entreprise. Et, troisièmement, je ne me suis jamais engagé
12 à accomplir quelque autre activité que ce soit.
13 M. Blaxill (interprétation). - J'aimerais vous soumettre
14 quelques documents, Monsieur Kupreskic, qui ont été communiqués à la
15 défense.
16 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous avons
17 le nombre d'exemplaires nécessaire à la disposition de la Chambre.
18 (L'huissier s'exécute.)
19 Mlle Lauer. - Il s'agit de la pièce 377 du Procureur.
20 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que la cote 377 comprend
21 bien les deux pièces qui portent deux dates, le 28 décembre 92 et le
22 22 février.
23 Mlle Lauer. - Excusez-moi, je pensais qu'il n'y avait qu'un seul
24 document. Donc le premier document sera coté 377, le document en date du
25 28 décembre 1992, et le document en date du 22 février 1993 sera coté 378.
Page 11226
1 M. le Président (interprétation). - Monsieur Blaxill, je vous
2 remercie. Nous n'avons pas reçu le document daté du mois de février.
3 (L'huissier s'exécute.)
4 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, vous avez
5 reçu ces documents ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je ne les ai pas reçus.
7 M. Blaxill (interprétation). - Vous les aurez sous peu.
8 (L'huissier s'exécute.)
9 Vous avez à présent devant vous, Monsieur Kupreskic, un document
10 qui émane de l'administration de la police de Travnik, devant la
11 communauté croate d'Herceg-Bosna, daté du 28 décembre 1992. C'est bien le
12 document que vous avez devant vous ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai un document qui porte
14 le titre suivant : "Rapport du 22 février 1993". J'ai en fait deux
15 exemplaires d'un même rapport, le document intitulé "Rapport".
16 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, nous allons
17 vous apporter un autre document, un instant.
18 (L'huissier s'exécute.)
19 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est un document daté
20 du 28 décembre 1992.
21 M. Blaxill (interprétation). - Si vous consultez la première
22 page, vous verrez des noms, en bas de la première page, du moins dans ma
23 traduction. Le premier nom dans la liste c'est Mirko Samija, c'est bien
24 l'homme dont vous avez parlé dans votre déposition, n'est-ce pas ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, oui.
Page 11227
1 M. Blaxill (interprétation). - Ce document a toute une série de
2 noms de personnes qui faisaient partie des effets de cette station de
3 police, n'est-ce pas ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, on voit dans la suite
5 une liste de noms.
6 M. Blaxill (interprétation). - Sous le n° 55 en fin de la liste
7 des noms, pourriez-vous nous dire ce que vous voyez, s'il vous plaît ?
8 M. V. Krupeskic (interprétation). - C'est mon nom et prénom. Il
9 est dit "chargé des opérations afin de combattre la criminalité d'intérêt
10 spécifique pour l'Etat, inspecteur de première classe ".
11 M. Blaxill (interprétation). – Donc, c'est votre nom ? Vous
12 n'étiez pas en train de faire uniquement, et ce, pendant une brève période
13 de temps, un inventaire ? Alors, que pouvez-vous dire au sujet de ce qui
14 figure ici comme votre fonction, à savoir "chargé des opérations de
15 combattre la criminalité et d'intérêt spécial pour l'Etat" ?
16 M. V. Krupeskic (interprétation). - Eh bien, l'explication que
17 je peux donner est la suivante et elle est vraie. Dans chaque Etat, il y a
18 un budget et ce budget permet de financer toutes sortes d'activités, dont
19 la police.
20 Permettez-moi de faire remarquer dès le départ que je n'avais
21 jamais reçu un avis de nomination parce que notre accord ne le prévoyait
22 pas. Moi, je m'étais mis d'accord avec le chef de ce commissariat de
23 police, et cet accord signifiait que j'allais faire un certain travail
24 pendant une période assez brève.
25 Mais afin de pouvoir être rémunéré pour cette tâche, il fallait
Page 11228
1 bien qu'eux fassent figurer mon poste, mes fonctions quelque part au sein
2 de la hiérarchie, donc au sein du commissariat de police en question. Il
3 fallait bien qu'ils puissent allouer leurs ressources d'une certaine
4 manière.
5 Donc, c'est pour ça que le chef Mirko Samija a indiqué ce poste
6 à côté de mon nom. Et vous voyez que je figure en dernier lieu, donc en
7 regard du n° 55. C'était un poste qui n'était pas affecté ;
8 vraisemblablement, ce poste n'était pas occupé à l'époque, et donc il m'a
9 placé à ce poste de manière purement formelle, dans la grille des
10 fonctions et des postes au sein de ce commissariat de police.
11 Or, comme je vous le disais, pour autant que je m'en souvienne,
12 je n'ai jamais reçu un avis de nomination à ce poste, d'affectation à ce
13 poste. Et je ne me souviens même pas d'avoir reçu à un moment quelconque
14 une rémunération pour ce travail que j'y ai effectué.
15 D'autre part, je dois dire que je n'ai jamais fait ce genre de
16 travaux qui figurent ici, enfin ce que prévoit ce poste ; je ne savais pas
17 le faire.
18 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, à l'époque,
19 étiez-vous au courant du fait que cet homme allait vous inscrire dans la
20 grille des postes du commissariat de police de cette manière-là ? Vous
21 étiez au courant de cela, qu'il allait –disons- un peu contourner les
22 règles de cette manière-là ?
23 M. V. Krupeskic (interprétation). - Eh bien, non, je n'étais pas
24 au courant du tout. Je ne savais pas du tout comment lui, ou plutôt ce
25 poste de police allait me rémunérer pour ce service que j'ai rendu. Donc
Page 11229
1 je pense que c'est ça, la seule raison.
2 M. Blaxill (interprétation). - Ainsi, lorsqu'on passe à la pièce
3 suivante, la pièce 378, s'il vous plaît, donc le rapport qui est daté du
4 22 février 93, on constate qu'il s'agit d'un rapport qui a été constitué
5 après une inspection qui a été faite dans le commissariat de police de
6 Vitez. C'était une inspection de l'administration de police effectuée par
7 la police de Travnik et ce, au nom de la communauté croate de Herceg-
8 Bosna.
9 Dans ce document daté du 22 février 93, on parle de vous, n'est-
10 ce pas ? Et si je ne m'abuse pas, il est dit ici que vous êtes officier
11 chargé de combattre la criminalité, qu'il s'agit de postes d'un intérêt
12 spécial pour l'Etat. Et il est dit que c'est vous qui effectuez ce
13 travail, Vlatko Kupreskic.
14 Or, c'est un rapport officiel, enfin qui semble être officiel,
15 Monsieur, et il est question de votre fonction officielle ici.
16 M. V. Krupeskic (interprétation). – Ecoutez, je dois dire tout
17 d'abord que je n'étais pas présent quand ces hommes sont venus inspecter
18 le poste de police, et je n'ai pas assisté à cette –comment dire ?-
19 réunion qui a eu lieu.
20 Donc c'est un rapport, en fait, qu'ils ont effectué grâce à
21 l'organigramme qu'ils ont pu consulter, et donc c'est là, dans
22 l'organigramme, qu'ils ont pu voir mon nom. Parce que vous savez, je n'ai
23 jamais moi-même pu procéder à l'audition de qui que ce soit ; je n'ai
24 jamais pris de notes quelles qu'elles soient.
25 Moi, j'ai été nommé dans ce bureau de la police criminelle, et
Page 11230
1 donc je devais dresser l'inventaire de l'équipement, du matériel. C'est là
2 qu'ils m'ont installé, mais je n'ai jamais reçu de document officiel
3 m'affectant à ce travail.
4 Donc c'est formellement, en fait, que cela a été dit ; et puis,
5 physiquement, j'étais placé dans ce bureau, et Mirko Samija, pour des
6 raisons purement formelle, m'a inscrit donc au sein de l'organigramme à ce
7 poste-là.
8 M. Blaxill (interprétation). - Je souhaite présenter un autre
9 document : le document du 1er mars. C'est un document qui est daté du
10 1er mars 93 et qui est intitulé : "Plan ou programme pour le mois de
11 mars."
12 (L'huissier s'exécute.)
13 Mme Lauer. – Il s'agit de la pièce 379.
14 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur Kupreskic, il s'agit
15 d'un document qui est intitulé "Plan pour mars" daté du 1er mars 93. Vous
16 êtes d'accord avec moi ?
17 (Le témoin acquiesce)
18 Ce document est signé par M. Anto Bajic, me semble-t-il.
19 Connaissez-vous cet homme ?
20 M. V. Krupeskic (interprétation). – Non, je ne l'ai jamais
21 connu. Encore à ce jour, je ne le connais pas.
22 M. Blaxill (interprétation). - Très bien. En consultant ce
23 document, il semble être dit que les tâches et les obligations des hommes
24 qui travaillent dans ce genre de domaine consistent essentiellement à
25 recueillir des informations et des éléments de preuve.
Page 11231
1 Donc, il ne s'agit pas ici d'interroger des gens, il s'agit ici
2 de faire un travail de bureau, n'est-ce pas ? Alors, est-ce que vous vous
3 étiez au courant de ce genre d'activité dans ce département ? Au moins
4 cela ?
5 M. V. Krupeskic (interprétation). – Non, non, et puis, de toute
6 façon, je ne figure pas là-dedans. A partir du 25 février 1993, je n'ai
7 jamais mis les pieds au commissariat de police, au bâtiment de la police ;
8 et ce, jusqu'à la fin de la guerre.
9 Permettez-moi de dire cela. Moi, j'ai eu beaucoup de mal à
10 dresser cet inventaire, à mener ma tâche à bien, et j'ai décidé, me
11 semble-t-il… En fait, je me souviens bien que je m'étais dit que j'allais
12 remettre ce rapport et que suis parti, j'ai quitté le poste de police.
13 Mais le 27 février 1993, je ne sais pas quelle était la fonction
14 de cet homme, mais je sais qu'on l'appelait Zuti, Jandric Zarko. Il a
15 attaqué ce poste de police, et il a passé à tabac presque tous les hommes
16 qui travaillaient dans ce commissariat de police. Alors, ensuite, j'ai
17 appelé par téléphone, je ne voulais même pas me présenter en personne à
18 M. Mirko Samija, et je lui ai dit que je n'avais plus envie de retourner
19 dans ce poste de police. Et puis, je lui ai dit que tout simplement, je
20 venais de terminer cet inventaire même si je n'étais pas sûr d'avoir mené
21 à bien le bilan, enfin d'avoir complètement achevé le bilan. Mais je lui
22 ai dit que je ne souhaitais plus revenir au poste de police. Et
23 effectivement, je ne l'ai pas fait et ce, jusqu'à la fin de la guerre.
24 J'ai des témoins qui peuvent le confirmer.
25 Et ce Musulman, le Musulman qui travaillait avec moi pour faire
Page 11232
1 cet inventaire, M. Trako Muhamed, c'est un témoin aussi. Et puis un autre
2 témoin, c'est Miro Lasarevic, un Serbe qui, à l'époque, était à la tête du
3 service de criminalité.
4 Et à l'époque où moi j'ai dressé cet inventaire, en face de moi,
5 en face de moi, travaillait quelqu'un que je connaissais bien, un Musulman
6 qui est diplômé des études de droit. Je pense qu'il s'appelait Seljo.
7 M. Blaxill (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur
8 Kupreskic.
9 Passons à présent aux journées qui précèdent ce qui a été
10 décrit, ici, comme le deuxième conflit. Nous savons que c'est l'événement
11 le plus grave et le plus terrible qui s'est produit à Ahmici.
12 Vous avez dit qu'avant le 16 avril 1993, vous êtes parti en
13 déplacement d'affaires à Split. Est-ce exact ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). – Le 14 avril 1993, je suis
15 parti... Nous sommes partis plutôt chercher avant tout l'épouse d'Ivica
16 Kupreskic, Ankica Kupreskic. Et puis, de même, c'était un voyage
17 d'affaires et ce, pour couvrir nos frais de déplacement.
18 M. Blaxill (interprétation). - Et en réalité, vous avez déjà
19 montré à la Chambre le document qui vous autorise à circuler librement,
20 qui vous a été mis par le HVO de la communauté croate d'Herceg-Bosna, et
21 il vous a été donné le 13 avril, n'est-ce pas ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, ce n'est pas vrai.
23 Cette feuille m'autorisant à partir en voyage de la part de l'entreprise
24 est datée du 13 avril. Or, l'autorisation de la part du HVO quant à la
25 circulation, elle, cette autorisation, a été émise le 14 avril, et c'était
Page 11233
1 la pièce qui était la condition sine qua non de sortir de Vitez autrement
2 dit, de voyager.
3 M. Blaxill (interprétation). - Et c'est le document qui a été
4 tamponné au poste de frontière de Metkovic ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je n'ai pas compris votre
6 question.
7 M. Blaxill (interprétation). – Peut-on présenter au témoin, s'il
8 vous plaît, la pièce D26/3 ? Et peut-être pourrait-on lui remettre la
9 pièce D24/3 ?
10 (L'huissier s'exécute.)
11 C'est un document qui a été tamponné au poste-frontière de
12 Metkovic et qui porte la date du 14 avril 1993.
13 Donc c'était ça l'autorisation du HVO qui vous a permis de
14 circuler en Herceg-Bosna et de vous rendre de Vitez à Split, et puis de
15 revenir à Vitez ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, il n'en est pas ainsi.
17 Je vais répéter brièvement. Nous avons reçu une sorte d'autorisation
18 générale, et la défense l'a montré cette autorisation. Et sur la base de
19 cette autorisation générale, nous avions le droit de recevoir ce type
20 d'autorisation ; le numéro de référence est 1288-04-93 de cet ordre.
21 Alors, quel est l'ordre chronologique de ce document ?
22 Premièrement, on reçoit de la part de l'entreprise une feuille nous
23 permettant de partir en voyage, en déplacement. Donc le 13 avril 1993,
24 nous avons reçu cette feuille nous autorisant à nous déplacer pendant
25 quatre jours. Puis, sur la base de ce document que nous émet l'entreprise,
Page 11234
1 c'est le HVO qui nous émet à son tour son autorisation de circulation
2 concernant les personnes, la circulation des personnes. Et cette
3 autorisation du HVO était quelque chose que nous devions présenter au
4 poste de contrôle, à la sortie de Vitez et qui se trouvait à Novi Travnik,
5 donc aux hommes qui occupaient ce barrage. Donc, ce sont ces hommes-là
6 qui, après avoir vérifié ce document, nous autorisaient à poursuivre la
7 route.
8 Et le même document nous a été demandé au poste-frontière de
9 Metkovic. Ivica et moi, tous les deux, nous avions donc chacun une
10 autorisation émise par le HVO. Donc sur les deux autorisations, vous
11 voyez, figurait le tampon du poste-frontière de Metkovic, en haut, à
12 droite. Tous les deux, donc, nous avons traversé la frontière à ce poste-
13 frontière, comme cela est dit sur le tampon à la date du 14 avril 1993.
14 Et j'ai la même autorisation sur moi, enfin la même autorisation
15 qu'Ivica Kupreskic a reçue. C'était le seul moyen de circuler depuis la
16 Bosnie centrale vers la République de Croatie.
17 M. Blaxill (interprétation). - Et un autre document que nous
18 avons ici est un document d'un autre genre. Vous avez dit que c'est un
19 document qui a été émis par votre propre société, un document qui vous
20 autorise à vous déplacer pour des besoins de l'entreprise et qui vous
21 permet de vous faire rembourser les frais.
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, tout à fait.
23 M. Blaxill (interprétation). – Et pendant ce voyage, vous avez
24 rencontré quelqu'un que vous connaissiez ? Il s'agit d'un témoin protégé,
25 je n'énoncerai pas son nom, mais c'est une personne qui conduisait. Et
Page 11235
1 vous avez dit que vous l'avez croisé à la station d'essence, et vous avez
2 dit que c'était le 14 avril, n'est-ce pas ? Ce jour-là ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). – Le 14 avril 1993, nous avons
4 croisé, à la station d'essence, le témoin qui a déposé ici sous le
5 pseudonyme BE, le 6 mai 1995. Ce témoin, il ne conduisait pas, nous
6 l'avons croisé à la station d'essence ; c'est une personne qui était
7 arrivée en camion et qui avait garé -me semble-t-il- son camion en face.
8 C'est à Pocitelj, dans la localité de Pocitelj qu'on s'est rencontrés.
9 M. Blaxill (interprétation). – Très bien, merci.
10 Monsieur Kupreskic, d'après vos souvenirs en 1993, auriez-vous
11 tenu un journal de guerre ? Est-ce le document qui a été confisqué avec la
12 mallette que vous aviez sur vous au moment où vous avez été arrêté ? Vous
13 vous rappelez ce document ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, tout à fait. J'ai tenu
15 un journal de guerre et cela m'a vraiment aidé, enfin m'a vraiment servi
16 aujourd'hui.
17 M. Blaxill (interprétation). - Nous aurons l'occasion de
18 consulter ce document puisque nous allons le distribuer à toutes les
19 parties.
20 Mais, en août 1996, vous avez écrit quelque chose au sujet de
21 certaines personnes et de certains endroits. Vous parlez de cette
22 personne, la personne DE, en disant : "Nous a vus à Pocitelj et près de
23 Capljina, le 15 avril 1992, peu avant la guerre, à la veille de la
24 guerre", (Fin de citation).
25 Alors il semblerait qu'il y a une différence dans ce que vous
Page 11236
1 vous rappelez aujourd'hui et ce que vous avez inscrit dans votre journal
2 de guerre, non ? Pouvez-vous expliquer ces différences ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'est très certainement que
4 j'ai rencontré cette personne à Pocitelj le 14 avril 1993. Mais comment
5 l'ai-je inscrit ou formulé dans mon journal de guerre, cela je ne m'en
6 souviens pas tant que je ne le vois pas. Peut-être l'ai-je écrit en 96,
7 97, au moment où j'ai préparé ma défense, puisque je sais, je suis sûr que
8 nous avons rencontré, dans cette localité-là, cet ami musulman. Peut-être
9 était-ce une erreur, mais vous ne m'avez pas encore présenté ce que j'ai
10 écrit.
11 M. Blaxill (interprétation). - Afin de pouvoir tirer cela au
12 clair, nous allons présenter ce document à la Chambre et aux parties,
13 ainsi qu'au témoin.
14 (L'huissier s'exécute.)
15 Il se peut qu'au cours de mon contre-interrogatoire, je me
16 réfère à ce journal de guerre et je vous demanderai donc de le garder sous
17 la main. Nous aurons peut-être quelques difficultés à repérer les
18 endroits, dans ce document qui est un document manuscrit. La pagination
19 n'est pas la même dans l'original et la traduction.
20 Monsieur Kupreskic, pourriez-vous, s'il vous plaît, consulter
21 les jours du 7 août... enfin, entre le 31 juillet 1996, ce que vous avez
22 écrit entre le 31 juillet 96 et le 8 août 96 ? Voyez-vous le n° 14 dans ce
23 passage ?
24 Excusez-moi, c'est à la page 16, Monsieur le Président, Madame
25 et Monsieur les Juges.
Page 11237
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Vous pensez à l'endroit où
2 j'ai écrit que c'est le 15 avril, à Pocitelj que j'ai rencontré cette
3 personne ?
4 J'ai trouvé cette page et il est écrit ici que j'ai rencontré
5 cette personne le 15 avril 1992. Et j'ai même dit que c'était le jour, le
6 premier jour de la guerre. Mais vous savez, c'était il y a trois ou quatre
7 ans, c'est même plus loin ; enfin je ne considérais pas ça comme
8 important.
9 M. Blaxill (interprétation). - En anglais, il est dit "à la
10 veille de la guerre", et pour nous cela signifie un jour avant, donc le
11 15 avril serait la date correcte, puisque c'était effectivement la veille
12 de la guerre. Alors que vous, vous venez de dire que vous avez écrit le
13 premier jour de la guerre, le jour de la guerre. Y a-t-il là une erreur de
14 traduction ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce que je peux vous dire,
16 c'est que, d'une part, ce n'est pas un document très formel, officiel.
17 Ecoutez, moi j'ai esquissé des choses là-dedans. Ce n'est que plus tard,
18 lorsque j'ai consulté les documents, quand j'ai vu les documents officiels
19 en me préparant, que je me suis aperçu que c'était le 14 avril que j'avais
20 rencontré cette personne. Donc cela ne fait que confirmer encore davantage
21 le fait que je dis la vérité.
22 M. Blaxill (interprétation). - Très bien, Monsieur Kupreskic,
23 nous allons poursuivre.
24 Vous êtes allé à Split, vous vous êtes occupé de vos affaires et
25 vous avez dit que vous êtes revenu à Ahmici le 15 avril 1993. Est-ce
Page 11238
1 exact, Monsieur ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui. Je suis retourné à
3 Ahmici le 15 avril 1993, vers 19 heures.
4 M. Blaxill (interprétation). - Etes-vous tout à fait sûr de
5 l'heure, du moment ? Etait-ce peut-être un peu plus tôt que 19 heures ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'est difficile bien
7 évidemment de vous le dire au bout de six à sept ans. Mais, de toute
8 façon, ce que je sais, c'est que c'était à peu près dans la soirée. Je
9 sais que le magasin était fermé, je pense que c'était à peu près à ce
10 moment-là.
11 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez, je
12 pense que c'était le 11 juin 1998, que vous avez eu également une
13 interview avec mes collègues, MM. Terrier et Smith ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
15 M. Blaxill (interprétation). - Si je vous dis, Monsieur, et je
16 vais vous le montrer, que vous êtes arrivé vers 20 heures ce soir-là, car
17 vous avez dit que la nuit tombait déjà et que vous étiez sûr que c'était à
18 peu près cette heure, 20 heures du soir, est-ce que maintenant vous pouvez
19 nous dire quelque chose de plus précis parce qu'il y a quand même une
20 heure de battement ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Au moment où nous avons eu
22 cette interview, effectivement, moi, je considérais que c'étaient des
23 choses qui n'étaient vraiment pas essentielles. Vous allez trouver
24 également sur le transcript, là où je le dis à Me Terrier, à M. le
25 Procureur, je lui ai dit : "Est-ce véritablement le plus important ?", et
Page 11239
1 ce n'est pas important de constater que je n'a jamais été un soldat, que
2 je n'ai jamais porté d'arme ?
3 Ce n'est pas ça l'essentiel, mais que je me trouvais à deux
4 kilomètres par rapport au lieu où les événements se sont produits ? Moi,
5 je pensais que c'était cela qui était important. Alors que maintenant au
6 moment où je suis déjà entraîné dans ce procès, bien évidemment, j'ai
7 compris que pour vous, c'est important ; c'est la raison pour laquelle
8 j'ai essayé de m'en souvenir de manière un peu plus précise, : c'est
9 probablement quelque peu plus tôt. Voilà. C'est entre 19 heures... C'est
10 difficile vraiment de le dire, mais comprenez-moi, le temps est passé.
11 M. Blaxill (interprétation). - Nous allons laisser de côté cette
12 question-là ; on n'est pas parfaitement d'accord là-dessus.
13 Monsieur, vous nous avez dit également que vous avez considéré
14 qu'il y avait un certain nombre de points qui n'étaient pas importants.
15 Est-ce que ceci veut dire que vous avez un souvenir très précis ? Ou est-
16 ce que vous avez tout simplement considéré qu'il y avait un certain nombre
17 de choses qui n'étaient pas importantes et que c'est la raison pour
18 laquelle vous avez donné des réponses qui étaient officieuses ? Ou bien
19 vous avez essayé d'être le plus précis possible ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai essayé de dire la
21 vérité, j'ai dit la vérité. En ce qui concerne le temps, si j'étais
22 véritablement précis, je ne sais pas, mais je ne sais pas qui peut l'être.
23 Voyez-vous, le témoin L, en parlant de ces circonstances, il m'avait dit
24 qu'il m'avait vu d'abord à 15 heures, ensuite à 16 heures, et puis ensuite
25 à 18 heures du soir.
Page 11240
1 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, vous nous
2 avez dit que le 15 avril, au moment où vous êtes retourné, vous êtes allé
3 directement chez vous, que vous avez déchargé quelques marchandises qui
4 auraient dû être livrées à Travnik le lendemain, si mes souvenirs sont
5 bons.
6 M. V. Kupreskic (interprétation). – Nous ne nous sommes pas
7 véritablement arrêtés nulle part ; nous sommes arrivés directement chez
8 moi, nous avons déchargé la marchandise et, ultérieurement, mon épouse et
9 moi-même, nous l'avons donc portée jusqu'au premier étage parce qu'il
10 fallait également mettre les étiquettes de Levi's pour l'acheteur de
11 Travnik ; ce sont les Jeans 501.
12 M. Blaxill (interprétation). – Et, par la suite, vous vous êtes
13 couché. Est-ce que ce soir-là, éventuellement, vous avez vu quelques
14 personnes ? Est-ce que vous êtes resté tout seul avec votre épouse ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mon épouse et moi-même, nous
16 avons donc mis les étiquettes. Je me souviens également que nous avons
17 fait une facture, nous avons préparé la note pour le client. Je voulais me
18 coucher le plus tôt possible, mais à 20 heures, j'ai informé le client en
19 question qui se trouvait à Travnik le lendemain matin, le 16 avril 1993 ;
20 j'allais donc transporter cette marchandise avant 8 heures du soir, parce
21 qu'il l'avait commandée quelques jours auparavant. Ensuite, effectivement,
22 nous nous sommes couchés, tous.
23 M. Blaxill (interprétation). - Par conséquent, ceci voudrait
24 dire que vous n'aviez pas eu d'autres contacts avec qui que ce soit, une
25 fois que vous êtes retourné chez vous ?
Page 11241
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais c'est absolument vrai,
2 il n'y avait personne qui était venu, ni à la maison ni devant la maison ;
3 nous ne sommes allés nulle part. Moi, j'étais tellement fatigué ! Et puis
4 je voulais le plus tôt possible terminer tout ce qu'il y avait à terminer
5 au sujet de la marchandise et, le lendemain matin donc, continuer ce que
6 j'avais à faire.
7 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que, tôt le matin,
8 le 16 avril, vous avez été réveillé par votre épouse. Vous avez entendu
9 une voix qui vous était inconnue, qui vous a dit qu'il fallait vous lever,
10 aller à l'abri. Est-ce vrai ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
12 M. Blaxill (interprétation). – Eh bien, excusez-moi ; est-ce
13 qu'une fois, quand vous avez parlé avec la personne en question, vous avez
14 entendu qu'il y avait éventuellement autre chose qui a été dit ? Est-ce
15 qu'on avait dit quels étaient les motifs pour lesquels il fallait aller à
16 l'abri ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, mais c'est tout de
18 suite qu'il a raccroché le téléphone. Mais ça s'est déjà passé auparavant,
19 c'est la raison pour laquelle moi, j'avais considéré au début qu'il
20 s'agissait d'une provocation.
21 M. Blaxill (interprétation). - En conséquence, après, vous avez
22 eu cet entretien avec M. Ivica Kupreskic, et tout de suite, vous avez
23 compris qu'il y avait un problème et c'est la raison pour laquelle vous
24 vous êtes dirigé vers l'abri. C'est comme ça que les événements se sont
25 déroulés, n'est-ce pas ?
Page 11242
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, après, il y a Ivica qui
2 nous a appelés.
3 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que votre épouse a
4 parlé avec vous sur le temps concernant le premier coup de téléphone. Elle
5 avait dit également qu'il y avait quelqu'un qui vous a appelé à trois
6 heures du matin, mais elle ne voulait pas vous déranger. Est-ce qu'elle
7 vous a dit ce que la personne qui avait appelé lui a dit ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais la même chose, comme la
9 personne qui nous a appelés à cinq heures du matin. Mais je vais tout
10 simplement , si vous me le permettez, je vais vous décrire une situation
11 qui se produisait, se reproduisait avec les coups de téléphone qu'on
12 recevait.
13 Moi, j'ai appris qu'il y avait… Par moments, que des Musulmans,
14 par exemple, avertissaient les Croates qu'ils devaient se rendre à l'abri
15 et qu'il n'y avait rien qui se passait par la suite ; ça se produisait.
16 M. Blaxill (interprétation). - Entendu. Ce que j'aimerais vous
17 demander maintenant, c'est de revenir à votre journal de guerre que vous
18 avez encore, et puis de jeter un coup d'œil sur le même chapitre, au même
19 endroit, là où vous avez donc parlé de cette réunion que vous avez eue le
20 14 avril. Est-ce que vous pouvez nous donner lecture du point 20 ?
21 Mme Lauer. - Ce journal prendra le n° 380 des pièces du
22 Procureur.
23 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, je voudrais
24 tout simplement vous rappeler, je pense que c'est dans le chapitre du
25 31 juillet 1996, c'est le 8 août 1996... Excusez-moi, je me suis trompé.
Page 11243
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Vous parlez du 31 juillet
2 1996 ?
3 M. Blaxill (interprétation). – Oui, effectivement. Si vous jetez
4 un coup d'œil sur le point n° 20, on parle de la personne Vlatko
5 Matosevic, si j'ai bien prononcé son nom.
6 M. V. Kupreskic (interprétation). – Excusez-moi, un petit
7 moment, je n'ai pas trouvé l'endroit. Excusez-moi, je n'arrive pas à
8 trouver cette page, il n'y a pas de numéro d'ordre.
9 M. Blaxill (interprétation). – Oui, je vais pouvoir vous aider.
10 Excusez-moi, Monsieur le Président, c'est donc le point 20 ; c'est
11 marqué : Vlatko Matosevic.
12 Qu'est-ce que vous avez écrit en-dessous ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est le témoin et Pirici.
14 C'est çà que j'ai marqué. C'est marqué le témoin et ensuite, un peu plus
15 en bas, Pirici. Est-ce que c'est de ça que vous parlez ?
16 M. Blaxill (interprétation). - Si vous voyez la traduction
17 anglaise, c'est marqué : "Il a déclaré qu'il était possible qu'il avait
18 téléphoné à 05 heures." Est-ce que ce sont les mots que vous voyez ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non.
20 M. Blaxill (interprétation). - A ce moment-là, je pense que nous
21 ne parlons pas du même point.
22 M. V. Kupreskic (interprétation). – Du point 20 ?
23 M. Blaxill (interprétation). – Oui, le point 20. Est-ce que
24 c'est bien marqué, sous le point 20, est-ce que, par la suite, la
25 citation : "Il a pointé son fusil sur mon cou" : qu'est-ce que ceci
Page 11244
1 voudrait dire ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). – Au moment où je suis arrivé
3 au centre médical à Zume, on m'avait envoyé à Pirici pour emmener un
4 certain nombre de médicaments et puis des pansements. C'était donc le
5 premier jour. Le premier jour où je suis allé, justement parce que l'on
6 m'avait convoqué, j'ai pris ma voiture et j'ai emmené ces articles.
7 Il y avait un endroit où l'on ne pouvait plus aller en voiture,
8 une cinquantaine de mètres à peu près, et c'est pour ça que j'ai marché à
9 pied. Et c'est là où j'ai rencontré cet homme. Et à cette époque-là, moi,
10 je ne le connaissais pas et lui ne me connaissait pas non plus. Et comme
11 je revenais, je descendais vers ma voiture, il a probablement pensé que
12 moi, je m'enfuyais de la ligne du front.
13 Par conséquent, c'est la raison pour laquelle j'ai dit que lui
14 aussi, il pourrait être le témoin, expliquer comment je me suis rendu au
15 centre médical et comment il s'est comporté vis-à-vis de moi et de dire
16 tout simplement ce que j'ai fait. C'est tout simplement que je n'étais pas
17 sur la ligne de front.
18 M. Blaxill (interprétation). - Nous avons entendu quelques
19 témoins qui ont été cités à la barre et qui avaient mentionné qu'ils
20 avaient vu un certain nombre de membres du HVO qui portaient des uniformes
21 et qui étaient aux alentours des maisons Kupreskic. Est-il vrai de dire,
22 Monsieur Kupreskic, que vous-même, vous n'y étiez pas, par conséquent,
23 personnellement, vous ne savez pas s'il y avait les membres du HVO qui
24 étaient à Ahmici et qui s'y trouvaient le 15 avril, étant donné que vous
25 étiez à Split ?
Page 11245
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Le 15 avril effectivement,
2 j'étais dans un autre Etat. Mais en ce qui concerne ma maison et autour de
3 ma maison, il n'y avait absolument pas d'armée qui s'y est rendue. Et mon
4 épouse, elle ne m'a jamais parlé de ça, mes enfants ne m'ont jamais parlé
5 de cela.
6 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, il est un
7 fait que si vous étiez dans un autre Etat à ce moment-là, vous étiez en
8 voyage et vous n'étiez pas à Ahmici ce jour-là, et vous n'étiez pas à
9 Ahmici depuis le 14 avril jusqu'au 15, au 19, au soir.
10 Par conséquent, personnellement, vous ne savez pas si les
11 membres du HVO étaient dans cette région-là ou non ? Tout simplement, vous
12 ne pouvez pas le dire ? Vous n'y étiez pas ?
13 M. V. Krupeskic (interprétation). – Bien évidemment, je n'ai pas
14 pu voir et je n'ai jamais entendu parler de cela.
15 M. Blaxill (interprétation). – Merci. Monsieur le Président, je
16 ne sais pas si vous envisagez une pause à 12 heures 10, étant donné que
17 j'ai changé de sujet. Si vous voulez nous pouvons lever la séance ?
18 M. le Président (interprétation). – Non, étant donné que nous
19 allons nous arrêter à 1 heure, le mieux est de poursuivre.
20 M. Blaxill (interprétation). - Bien évidemment, ça ne serait pas
21 trop long. Mais d'accord, Monsieur le Président, je vais poursuivre et je
22 vais essayer d'être très bref.
23 Monsieur Kupreskic, vous avez dit que vous êtes parti à l'abri
24 de Jozo Vrebac, n'est-ce pas ?
25 M. V. Krupeskic (interprétation). - Oui.
Page 11246
1 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit également que vous
2 avez laissé votre père dans votre maison.
3 M. V. Krupeskic (interprétation). - Oui.
4 M. Blaxill (interprétation). - Parce que lui tout simplement, il
5 a refusé, il ne voulait pas partir avec vous ?
6 M. V. Krupeskic (interprétation). – Oui, il est resté à la
7 maison.
8 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que votre père vous a dit
9 pourquoi il voulait rester à la maison ? Est-ce qu'il vous a dit qu'il n'y
10 avait pas… Pourquoi avoir peur parce que de toute façon, il n'a rien
11 appris qui lui ferait peur ?
12 M. V. Krupeskic (interprétation). - Au moment où je suis venu
13 lui demander de venir avec moi, il n'était pas prêt encore ; il m'a dit
14 tout simplement : "Moi, je suis une personne âgée, et par conséquent je ne
15 partirai pas." Je ne sais pas s'il avait dit encore autre chose. Il a dit
16 peut-être : "Personne ne me fera rien", comme ceci s'est produit
17 auparavant. Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas exactement.
18 M. Blaxill (interprétation). - Par conséquent, vous êtes parti
19 avec votre famille. Qu'est-ce que vous portiez sur vous ? Comment étiez-
20 vous vêtu ?
21 M. V. Krupeskic (interprétation). – J'avais des vêtements
22 civils, j'avais une veste, plutôt une fourrure, un pantalon. J'avais des
23 chaussures ou peut-être des bottes, je ne m'en souviens pas, et puis une
24 chemise, et puis c'est tout.
25 M. Blaxill (interprétation). - Pourriez-vous nous dire, si vous
Page 11247
1 vous en souvenez, quelle était la couleur de cette veste et quelle était
2 le tissu ?
3 M. V. Krupeskic (interprétation). – Oui, je m'en souviens parce
4 que c'est une veste qui me servait pour quand je sortais dehors. Je pense
5 qu'elle était couleur chocolat.
6 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous vous souvenez
7 également quel était le tissu du pantalon et quelle était la couleur de
8 votre pantalon que vous portiez ce jour-là ?
9 M. V. Krupeskic (interprétation). - Je pense que le pantalon
10 était en velours, peut-être vert olive ou…
11 M. Blaxill (interprétation). - Vous êtes arrivé jusqu'à l'abri,
12 et puis, vous avez dit, si j'ai bien noté, que vous y êtes resté jusqu'à
13 9 heures au moins.
14 M. V. Krupeskic (interprétation). - Je suis resté dans l'abri
15 jusqu'à 10 heures.
16 M. Blaxill (interprétation). - 10 heures. Et pendant ce temps
17 là, vous avez entendu les tirs qui ne cessaient pas. Donc vous avez
18 entendu les tirs qui ne se sont pas arrêtés pendant ce temps-là ?
19 M. V. Krupeskic (interprétation). – Oui, à l'intérieur, on a pu
20 entendre les tirs ; les tirs étaient très intenses, très violents.
21 M. Blaxill (interprétation). – Etes-vous sorti de cette maison
22 avant 10 heures ? En d'autres termes, est-ce que vous êtes sorti de l'abri
23 à un moment ou à un autre ?
24 M. V. Krupeskic (interprétation). - Je pense que, pour la
25 première fois, je suis sorti à 9 heures 30, car c'est à ce moment-là qu'il
Page 11248
1 y avait une certaine accalmie, et je pense qu'il y avait quelques autres
2 personnes également qui sont sorties avec moi parce qu'on était curieux,
3 on voulait savoir ce qui se passait. Et je pense que, la première fois,
4 nous sommes sortis vers 9 heures 30.
5 M. Blaxill (interprétation). - En d'autres termes, vous étiez
6 très préoccupé, probablement, vous étiez très préoccupé pour votre père
7 également et les conditions dans lesquelles il est resté, et pour son sort
8 également ?
9 M. V. Krupeskic (interprétation). – Oui, bien évidemment,
10 j'étais très préoccupé parce que c'est bien la première fois dans ma vie
11 que j'ai vécu des tirs qui étaient violents, et puis j'ai dit : "Mon dieu,
12 mais c'est la guerre, c'est une véritable guerre."
13 M. Blaxill (interprétation). - Et au moment où vous êtes arrivé,
14 ou plutôt où vous êtes sorti, parti de cet abri, est-ce que vous avez
15 aperçu à Zume la présence des soldats croates ou des formations des unités
16 croates, des bunkers, enfin, ou n'importe quoi éventuellement pour
17 protéger Zume ?
18 M. V. Krupeskic (interprétation). – Non, je n'ai rien vu.
19 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que vous-même, vous
20 n'avez vu des soldats qui se rendaient à Ahmici ce matin là, n'est-ce
21 pas ?
22 M. V. Krupeskic (interprétation). - Oui.
23 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que quelqu'un vous a dit
24 qu'il avait vu des soldats ? Et est-ce que quelqu'un vous a dit également
25 qui étaient ces soldats, d'où ils sont venus ?
Page 11249
1 M. V. Krupeskic (interprétation). – Non, c'est la première fois
2 que je l'ai appris par Niko Sakic, et je l'ai appris dans la cuisine même,
3 de lui-même.
4 M. Blaxill (interprétation). - Et au moment où vous vous rendiez
5 dans l'abri, est-ce que quelqu'un vous a dit que cette localité aurait pu
6 être attaquée par les forces musulmanes ?
7 M. V. Krupeskic (interprétation). – J'ignorais tout. Je voulais
8 apprendre cette première information de mon cousin Ivica, mais je ne l'ai
9 pas trouvé devant les maisons. C'est la raison pour laquelle j'étais
10 encore plus perplexe et j'avais encore plus peur. Et c'est la raison pour
11 laquelle, je me suis précipité vers l'abri.
12 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce qu'il y avait cette
13 possibilité qu'éventuellement une attaque des Moudjahidine se préparait ?
14 Est-ce que ça vous est passé par l'esprit ?
15 M. V. Krupeskic (interprétation). - Je ne peux pas m'en souvenir
16 exactement, mais je pense qu'au moment où je fuyais, je ne sais pas, je ne
17 peux pas l'affirmer, peut-être que ceci m'a traversé l'esprit. Mais, de
18 toute façon, j'avais appris également, une fois qu'on avait averti qu'il y
19 avait eu une attaque des Moudjahidine qui allait se produire à partir de
20 Barin Gaj, qu'ils se trouvaient dans une forêt. On appréhendait ces
21 attaques.
22 M. Blaxill (interprétation). - Mais est-ce qu'il y avait des
23 rumeurs éventuellement ? Est-ce qu'on avait parlé éventuellement que les
24 Moudjahidine étaient des personnes qui étaient terribles, qui égorgeaient
25 les gens, et vous ne vouliez donc pas qu'ils arrivent jusqu'à votre
Page 11250
1 village ?
2 M. V. Krupeskic (interprétation). – Oui, effectivement, il y
3 avait des rumeurs de ce type-là qu'ils étaient très cruels et qu'ils
4 commettaient des actes cruels. Et nous étions tous très troublée. Je pense
5 que, même nos voisins musulmans, ils ont été très troublés et perplexes.
6 M. Blaxill (interprétation). - J'avoue que je comprends mal
7 cette partie, Monsieur Kupreskic, car tout ce que votre père aurait pu
8 éventuellement avancer, comme ne pas vouloir partir avec vous, vous l'avez
9 quand même laissé à la maison alors qu'il y avait quelque chose de
10 terrible qui aurait pu se produire, vous n'avez pas essayé de le
11 convaincre, de lui dire que vous alliez l'emporter, que vous alliez
12 l'aider à partir de cette maison et de cette localité ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - A ce moment-là, je n'avais
14 pas cette idée-là parce que je pensais qu'il allait être déjà prêt pour
15 partir avec nous. Quand, la première fois, je suis allé le voir, il ne m'a
16 pas dit qu'il voulait ou qu'il ne voulait pas partir avec moi.
17 Mais, de toute façon, ce qui m'avait surpris, c'était surtout
18 l'appel et les paroles d'Ivica Kupreskic qui m'avait dit : "Tous sont
19 partis". A ce moment-là je n'ai pas réfléchi beaucoup : j'ai pris mes
20 enfants et puis je suis parti. Je suis parti vers la maison d'Ivica
21 Kupreskic.
22 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que, plus tard, au
23 cours de la journée, vous avez quand même essayé de regagner votre maison,
24 de voir votre père ; et puis, vous avez dit que vous l'avez vu.
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, avec beaucoup de
Page 11251
1 risques, avec beaucoup d'efforts également. J'ai presque passé trois
2 heures pour venir jusqu'à chez moi depuis l'abri. Ce n'est qu'à 15 heures
3 que j'ai réussi véritablement à regagner ma maison et à voir mon père.
4 M. Blaxill (interprétation). - N'est-il pas vrai qu'un certain
5 nombre de personnes de votre groupe ont réussi à circuler, à se déplacer
6 dans cette région, au cours de la matinée, qu'ils n'avaient pas besoin de
7 plusieurs heures, mais de quelques heures pour le faire ? Monsieur Ivica
8 Kupreskic, par exemple, lui-même, circulait pendant ce temps-là.
9 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mais je l'ignore et je ne
10 sais pas. Je ne sais pas ce qu'Ivica Kupreskic a fait.
11 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que vous l'avez rencontré
12 ce jour-là ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne me souviens pas que je
14 l'avais rencontré ce jour-là.
15 M. Blaxill (interprétation). - Eh bien, nous allons parler du
16 soir. C'est 18 heures, 19 heures du soir. Vous dites que vous n'avez pas
17 rencontré Ivica Kupreskic, n'est-ce pas ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne sais pas. Je ne me
19 souviens pas. Il est peut-être passé à côté de l'abri. Ce n'est pas
20 impossible. Dans la soirée, c'est possible, mais je ne m'en souviens pas.
21 M. Blaxill (interprétation). - Il y avait des choses qui se
22 passaient à proximité et vous devriez quand même pouvoir vous souvenir si
23 vous avez rencontré votre cousin ? Et puis, c'était en même temps votre
24 patron. Vous auriez certainement le souvenir de cette réunion si vous
25 l'aviez rencontré ?
Page 11252
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui bien évidemment, si je
2 l'avais vu au cours de la journée, au moment critique, bien évidemment que
3 je m'en serais souvenu, mais je n'ai vu personne et je n'ai pas pu voir
4 des gens.
5 M. Blaxill (interprétation). - Si je vous dis que dans le
6 transcript, il est noté, et puis vous l'avez entendu, que le témoin vous a
7 aperçu vers 18 heures devant l'abri de Vrebac. Monsieur Ivica Kupreskic
8 également a dit qu'il vous a téléphoné, qu'il vous a appelé au téléphone.
9 Ce que nous savons, et qu'il a vu également, qu'il a dit qu'il avait vu un
10 groupe de soldats, et que vous vous deviez emmener votre famille dans
11 l'abri.
12 Auriez-vous quelques commentaires à ce sujet-là ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai absolument pas de
14 commentaire ; je ne sais pas qui Ivica a vu. Il est possible que l'on se
15 soit rencontrés vers 18 heures dans l'abri. Je ne peux pas m'en souvenir
16 exactement ; j'ai dit que c'est possible.
17 M. Blaxill (interprétation). - Il y a deux faits précis,
18 Monsieur Kupreskic, que j'aimerais que vous traitiez dans votre esprit
19 comme des faits précis.
20 Premièrement, que vous et lui, vous vous êtes trouvés hors de
21 l'abri des Vrebac après 18 heures ce jour-là. Est-ce vrai ou est-ce faux ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je crois que c'est sans
23 doute exact, mais je l'ai déjà dit, je ne peux pas me rappeler exactement.
24 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Ivica Kupreskic a
25 déclaré également que, lorsqu'il vous a appelé par téléphone, un peu plus
Page 11253
1 tôt ce jour-là, il a dit avoir vu un groupe de soldats et que vous devriez
2 aller dans l'abri avec votre famille.
3 Le fait sur lequel j'aimerais que vous concentriez votre pensée
4 et le suivant : Ivica Kupreskic vous a-t-il dit avoir vu un groupe de
5 soldats ou ne vous l'a-t-il pas dit, lorsque vous avez parlé avec lui par
6 téléphone ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Au téléphone, il ne me l'a
8 pas dit. Maintenant, savoir s'il a vu des soldats et que ce soit sur la
9 base de ce fait qu'il m'ait appelé, ça je ne le sais pas.
10 M. Blaxill (interprétation). - Nous avons entendu une question
11 qui vous a été posée par Me Krajina. Il s'agissait au cours de la journée
12 du 16 avril 1993 des divers lieux où vous êtes censé vous être trouvé ce
13 jour-là. Maître Krajina vous les a énumérés, je ne répéterai pas ce qu'il
14 a dit, car je considère qu'il l'a fait d'une façon tout à fait précise.
15 Ce que je voudrais vous demander, Monsieur Kupreskic, c'est la
16 chose suivante. Vous étiez, dites-vous, en très bons termes avec les
17 Musulmans de la région. Vous avez vécu avec eux toute votre vie, vous
18 étiez entouré de maisons et de familles musulmanes. Vous étiez respecté
19 dans votre travail. Vos proches étaient autour de vous.
20 Comment se fait-il que vous soyez accusé par toutes ces
21 personnes qui vous connaissaient si bien ? Ce n'est pas sans doute parce
22 que vous occupiez une position stratégique, n'est-ce pas, Monsieur
23 Kupreskic ? C'est impossible !
24 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, ce n'est pas le cas. Je
25 redis une nouvelle fois qu'à mon avis, j'ai été mis en accusation
Page 11254
1 uniquement parce que mes voisins musulmans n'ont pas pu, pas plus que je
2 n'ai pu le faire moi-même, reconnaître ces soldats. Ils m'ont accusé
3 simplement parce que je suis leur premier voisin, leur voisin le plus
4 proche, et parce que ma maison se trouvait à cet endroit-là, et qu'il est
5 certain qu'il y ait eu des coups de feu tirés à partir de la maison et
6 autour de la maison. Je ne vois pas d'autre raison ; d'ailleurs, il n'y en
7 a pas.
8 Et ce, d'autant plus que je n'ai prêté le flanc à rien de ce
9 genre par l'un quelconque de mes actes.
10 Vous avez pu constater ici, Monsieur le Procureur, que six de
11 mes voisins musulmans d'Ahmici sont venus ici témoigner, devant ce
12 Tribunal, en qualité de témoins de ma défense. Vous constaterez qu'au
13 total, il y a trente dépositions qui ont été fournies à ce Tribunal par
14 des témoins musulmans pour ma défense. J'ai toutes les statistiques :
15 54 témoins de la défense se sont exprimés ici, dans cette Chambre, pour
16 traiter des faits, des chefs d'accusations sur lesquels je considère et je
17 déclare ne pas être coupable. Le Procureur n'a entendu que 57 témoins.
18 M. Blaxill (interprétation). – Je ne suis pas ici pour faire
19 des statistiques avec vous, Monsieur Kupreskic.
20 Ce que je vous demande, c'est la chose suivante. N'est-il pas
21 surprenant -puisque vous affirmez avoir eu de si bonnes relations avec
22 toutes les personnes vous entourant- qu'il y ait eu des personnes, au
23 nombre de ces proches, qui vous ont accusé ?
24 Mais je vais maintenant, si vous me le permettez, me
25 consacrer...
Page 11255
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Excusez-moi, Monsieur le
2 Procureur, mais ce que vous venez de dire est une insulte à mes yeux.
3 Un seul témoin m'a chargé. Un témoin qui affirme à telle et
4 telle minute, à telle et telle seconde, m'avoir vu porter un fusil, une
5 arme. Personne, parmi les autres témoins, n'a déclaré m'avoir vu porter
6 des armes. Et le témoin L est, en fait, une personne un peu dérangée sur
7 le plan mental. Un seul témoin, ici, m'a accusé, m'a chargé.
8 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, j'aimerais
9 revenir, en fait, sur le témoignage du témoin Q. Vous rappelez-vous de qui
10 il s'agit ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je me rappelle.
12 M. Blaxill (interprétation). - Très bien, Monsieur.
13 Vous avez entendu ce que lui-même et les membres de sa famille
14 ont dit eu égard aux efforts qu'ils ont accomplis pour se rendre vers
15 Ahmici-le-Haut, eu égard au fait qu'ils sont passés tout près de votre
16 maison. Ils déclarent vous avoir vu à cet endroit et vous avoir vu sous
17 les traits d'un militaire en uniforme. Vous rappelez-vous leur avoir
18 entendu dire cela ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne me rappelle pas parce
20 que je n'étais pas à cet endroit. Je ne peux pas me rappeler parce que je
21 n'y étais pas. Mais si vous me demandez si je me rappelle leur avoir
22 entendu dire cela, peut-être que la réponse est oui. Je ne sais pas, je
23 n'ai pas très bien compris votre question.
24 M. Blaxill (interprétation). - Oui, c'était exactement la
25 question que je vous posais, je vous remercie d'y avoir répondu.
Page 11256
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Vous comprenez... votre
2 question précédente m'a ébranlé et... Oui ,oui, j'ai compris ce qu'ils ont
3 dit, effectivement.
4 M. Blaxill (interprétation). - Merci. Les personnes qui ont
5 formulé ces allégations à votre encontre, au nombre de ces personnes se
6 trouvent des personnes qui connaissaient très bien votre famille, qui en
7 fait, étaient des voisins. Est-ce exact ? Prenez votre temps.
8 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, ce sont mes voisins les
9 plus proches, la famille Pezer compte au nombre de mes voisins proches.
10 M. Blaxill (interprétation). - Parmi les propos de ces
11 personnes, nous pouvons citer ce que certains d'entre eux ont dit ; ils
12 ont déclaré que des cris avait été poussés dans leur direction. Et la
13 personne qui s'exprime dans cette citation déclare s'être retournée, avoir
14 regardé autour d'elle, et je crois résumer bien cette partie de sa
15 déposition très brève, en disant que cette personne a reconnu avec quelque
16 étonnement son voisin Vlatko Kupreskic qui se trouvait là avec d'autres.
17 Alors, Monsieur, je vous pose une nouvelle fois cette question :
18 comment se fait-il que vous étiez en si bonnes relations avec ces
19 personnes ? Est-ce exact : avant la guerre, étiez-vous manifestement en
20 bonnes relations avec ces personnes ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'avais des relations
22 normales, de bonnes relations.
23 M. Blaxill (interprétation). – Eh bien, encore une fois, je vous
24 le dis, quand je lis : "Je me suis retourné et, à mon grand étonnement,
25 j'ai vu mon voisin Vlatko qui portait un fusil et ces hommes qui criaient
Page 11257
1 dans notre direction", je trouve que c'est quelque chose de très difficile
2 à comprendre, Monsieur Kupreskic. J'aimerais que vous essayez de
3 m'expliquer pourquoi cette personne vous blâme, vous accuse.
4 Pourquoi précisément cette personne et pas d'autres personnes de
5 la localité ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, j'ai déjà répondu à
7 cette question, cela me surprend qu'une seule, parmi quatorze personnes,
8 m'aient vu et ce, pendant simplement une fraction de seconde. Je ne pense
9 pas que cette personne dise la vérité.
10 M. Blaxill (interprétation). - Très bien, merci. C'est une
11 réponse. Vous avez rendu visite à la maison de votre famille, au cours de
12 la matinée, ce jour-là ou aux alentours de midi. Je pense que c'est ce que
13 vous avez dit. Et lorsque vous y êtes arrivé, vous avez vu des soldats
14 dans votre maison. Est-ce exact ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, j'ai trouvé des soldats
16 dans la maison.
17 M. Blaxill (interprétation). – Lorsque vous avez découvert ces
18 soldats, saviez-vous avec précision à quelle armée ils appartenaient ?
19 Avez-vous pu les identifier facilement ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Pas tout de suite. Quand
21 j'ai vu le premier de ces soldats, je n'ai pas pu déterminer de qui il
22 s'agissait ni même faire une supposition.
23 M. Blaxill (interprétation). – Mais, Monsieur, que pensez-vous,
24 sur le plan de la sécurité, du fait que vous vous soyez approché de ces
25 soldats si vous ne saviez pas qui étaient ces soldats ? Que pensiez-vous
Page 11258
1 de votre sécurité personnelle, à ce moment-là ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). – Vous avez raison. Le risque
3 était effectivement très grand. Mais j'avais déjà depuis trois heures à
4 peu près, plus de trois heures de très, très grande inquiétude pour mes
5 parents ; peut-être que c'est cette inquiétude qui a prévalu. Bien
6 entendu, quand j'ai vu ce soldat, je me suis pétrifié.
7 M. Blaxill (interprétation). - En conséquence de cela, je trouve
8 quelque difficulté à comprendre la description que vous avez faite de vos
9 déplacements. A partir de 6 heures du matin donc, vous dites vous trouver
10 dans un abri, vous êtes inquiet au sujet de votre père qui est resté dans
11 la maison de famille et pourtant, vous ne vous rendez pas dans cette
12 maison de famille avant 13 heures 30 ou l'heure que vous dites être celle
13 du déjeuner.
14 Donc c'est seulement au moment du déjeuner que vous allez dans
15 la maison de famille et, à ce moment-là, vous êtes prêt à prendre ce
16 risque. Alors, quelle est la différence entre le moment où vous estimez
17 nécessaire de vous abriter, d'aller dans l'abri, et le moment où vous
18 dites être prêt à courir le risque de vous rendre à la maison de famille,
19 et de vous approcher de soldats inconnus ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais ce que j'avais en tête
21 était toujours la même chose : que faire ? Quel mouvement accomplir pour
22 me rendre auprès de mon père ? Mais c'était impossible et puis le temps a
23 passé, ensuite il y a eu des disputes avec ma femme, avec les enfants :
24 "Ne t'en va pas, tu vas mourir !" Et c'est seulement vers 10 heures que
25 les coups de feu se sont un peu calmés. A ce moment-là, j'ai cherché le
Page 11259
1 moment le plus approprié. J'ai pensé que le moment était arrivé, mais j'ai
2 fait une erreur, parce que, quand je me suis rapproché -et la distance est
3 d'un kilomètre à peu près-, quand je me suis rapproché de la maison de
4 Niko Sakic, c'est à ce moment-là que j'ai compris quelle était la nature
5 de ces coups de feu, de ces tirs. A ce moment-là, je n'ai plus osé faire
6 un pas en avant. Plus du tout.
7 M. Blaxill (interprétation). - Très bien. Mais finalement, vous
8 vous approchez de la maison et c'est un soldat qui vous voit et qui vous
9 empêche d'avancer, n'est-ce pas ? Ou est-ce que c'est vous qui l'avez
10 appelé ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est moi qui l'ai vu le
12 premier. Lui ne m'a pas remarqué parce qu'il observait d'autres points
13 qui, sans doute, avaient plus d'importance à ses yeux. Mais moi, je ne
14 savais plus où aller, j'étais paniqué. C'est moi-même qui ai, de mon
15 propre gré, levé les bras en l'air en disant : "Je m'appelle Vlatko
16 Kupreskic, j'habite dans cette maison et je suis venu chercher mon père".
17 M. Blaxill (interprétation). – Donc vous avez été le premier à
18 parler ? C'est vous qui avez parlé le premier à ce soldat, si j'ai bien
19 compris ce que vous venez de dire ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je crois que c'est moi qui
21 ai parlé le premier, parce que je l'ai vu tout de suite. Lui observait, il
22 tournait la tête à gauche, à droite, et il était impossible que, dans les
23 quelques secondes à venir, il ne me découvre pas ; donc c'est moi qui ai
24 dit tout de suite : "Je m'appelle Vlatko Kupreskic". Il s'est retourné, il
25 a pointé son fusil dans ma direction.
Page 11260
1 M. Blaxill (interprétation). - Et il vous est apparu rapidement
2 que c'était un soldat croate, ou plutôt un soldat croate de Bosnie, et
3 qu'il vous avait sans doute identifié par votre nom -ou d'autres éléments
4 quels qu'ils soient- comme étant d'origine croate. Donc il vous a emmené
5 dans la maison. Est-ce exact ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, ce n'est pas exact. Moi
7 aussi, c'est par hasard que je l'ai vu, et je ne savais pas où aller, je
8 ne pouvais aller nulle part parce que, lui, portait des armes. Je ne
9 savais pas de quelle armée, de quel soldat il s'agissait jusqu'au moment
10 où je suis entré dans la maison et où j'ai constaté les choses.
11 A ce moment-là, quand il m'a dit de m'approcher, quand je me
12 suis approché de lui, je n'ai pas osé le regarder.
13 M. Blaxill (interprétation). - Mais il est certain qu'aucun mal
14 ne vous a été fait et qu'un soldat vous a escorté jusqu'à l'intérieur de
15 la maison. Est-ce exact ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). – Eh bien, maintenant, je
17 crois comprendre pourquoi il m'a emmené dans la maison. A ce moment-là, je
18 ne le savais pas. C'est parce que mon père se trouvait en haut. Mon père
19 ne se trouvait pas au rez-de-chaussée où il habitait en fait, mais il
20 était à l'étage. Plus tard, j'ai interrogé mon père pour savoir comment il
21 se faisait qu'à ce moment-là, il était à l'étage puisqu'il avait du mal à
22 se déplacer.
23 Mon père m'a répondu que, pendant qu'il était au rez-de-
24 chaussée, il avait remarqué que des soldats pillaient les maisons, qu'ils
25 emportaient ce qu'il y avait dans les maisons. Et il avait donc pensé
Page 11261
1 qu'il pourrait peut-être empêcher un pillage dans notre maison s'il
2 montait au premier étage. Donc il a réussi à se traîner jusqu'au premier
3 étage, mais en fait, ils ne sont pas venus fouiller.
4 M. Blaxill (interprétation). - Quand vous avez pénétré dans la
5 maison, votre père était manifestement très perturbé, mais au moins il
6 était sain et sauf, n'est-ce pas ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, je crois qu'il était en
8 danger tout comme moi, parce que ces hommes n'ont pratiquement pas dit un
9 mot, rien ; ils étaient terrifiants. J'ai même vu une baïonnette entre
10 leurs mains.
11 M. Blaxill (interprétation). - Pour dire les choses plus
12 simplement, Monsieur Kupreskic, il est permis de dire que personne n'avait
13 fait le moindre mal, n'avait blessé votre père quand vous êtes arrivé dans
14 la maison, n'est-ce pas ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). – En effet, il n'était pas
16 blessé.
17 M. Blaxill (interprétation). - Personne n'a commis la moindre
18 violence contre vous ou contre votre père pendant que vous étiez à
19 l'intérieur de la maison, n'est-ce pas ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est exact. A moi non plus,
21 ils n'ont rien fait.
22 M. Blaxill (interprétation). – Et peut-être le seul drame qui
23 s'est produit, s'est-il produit au moment où un char de la Forpronu s'est
24 approché et un soldat du HVO s'est jeté au sol en vous entraînant avec lui
25 dans sa chute pour attendre le passage du char. Est-ce exact ?
Page 11262
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui. Cela a été un événement
2 dramatique parce que tout le monde s'est jeté au sol dans cette pièce, et
3 moi, je n'ai pas très bien compris pourquoi cet homme m'a entraîné dans sa
4 chute alors que j'étais assis sur une chaise. Mais voilà, c'est comme ça
5 que les choses se sont passées. Moi, j'ai eu du mal à comprendre.
6 M. Blaxill (interprétation). – Hier, vous avez fait référence à
7 quelqu'un qui utilisait juste avant cet incident de la chute sur le sol,
8 un incident au cours duquel quelqu'un a utilisé un appareil Motorola.
9 Peut-être ai-je mal pris les notes à ce sujet, au cours de la séance
10 d'hier. Pourriez-vous répéter ce qui, d'après vous, a été dit par cet
11 homme qui utilisait l'appareil Motorola ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). – Je ne me rappelle pas avoir
13 dit ce que cet homme avait dit lui-même, je ne me rappelle pas ce qu'il a
14 dit. Je ne sais pas, je ne crois pas avoir dit cela.
15 A ce moment-là, j'étais tellement terrifié que j'aurais été
16 incapable de me rappeler, et je n'osais même pas avoir l'audace d'écouter
17 ce qu'il disait ; je pensais que c'était dangereux.
18 M. Blaxill (interprétation). - C'est une remarque que vous
19 faites. Nous en resterons là, Monsieur Kupreskic, vous et moi.
20 Monsieur, vous avez décrit l'intérieur de votre maison, son
21 aspect quand vous êtes arrivé à l'intérieur de la maison. Je crois vous
22 avoir entendu dire que le contenu de certaines casseroles avait été jeté
23 au sol, que la maison avait été un peu... était en désordre, que la terre
24 de pots de fleurs se trouvait également sur les tapis.
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, c'est difficile à
Page 11263
1 décrire exactement, ce serait une perte de temps, mais tout était sens
2 dessus dessous. Et je me rappelle ce que m'a dit mon père plus tard : ces
3 soldats lui ont dit : "Mais comment se fait-il que dans une maison aussi
4 riche, il n'y ait pas d'argent ?", et ils forçaient mon père à trouver de
5 l'argent. C'était impossible, il n'y en avait pas.
6 M. Blaxill (interprétation). - Très bien. Monsieur Kupreskic,
7 pouvez-vous me dire si les fenêtres du bâtiment étaient intactes quand
8 vous êtes arrivé dans votre maison le 16 avril 1993 ? Si les vitres
9 étaient intactes ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas vu ce jour-là ce
11 qu'il en était, mais plus tard.
12 M. Blaxill (interprétation). - Je vous demande, Monsieur, si les
13 vitres des fenêtres étaient intactes quand vous êtes arrivé dans votre
14 maison le 16 avril 1993.
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les fenêtres de ces deux
16 pièces -ce sont les seules dont je peux parler- étaient intactes.
17 M. Blaxill (interprétation). - Elles n'avaient pas été
18 endommagées. Y avait-il d'autres militaires dans l'une quelconque des
19 autres pièces de la maison ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - Il y a encore un autre étage
21 et il y a encore des pièces à cet étage, d'autres pièces, mais je n'ai pas
22 vu ce qui se trouvait à cet endroit, je n'osais même pas me retourner. Je
23 n'ai vu que ce qui se passait dans ces deux pièces parce qu'une porte en
24 accordéon sépare les deux pièces et cette porte en accordéon était
25 ouverte, mais elle était déjà cassée. Cette porte était démolie, cette
Page 11264
1 porte-accordéon.
2 M. Blaxill (interprétation). - Mais si vous n'êtes pas monté à
3 l'étage, avez-vous entendu le bruit de bottes foulant le sol ou le bruit
4 de pas d'une ou plusieurs personnes circulant à l'étage ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). - Vraiment, je n'ai rien
6 entendu, maintenant, compte tenu de mon état de panique et de terreur,
7 est-ce que j'aurais dû l'entendre ? Je ne le sais pas, mais je n'ai pas
8 entendu.
9 M. Blaxill (interprétation). - Vous affirmez, Monsieur, que les
10 deux pièces dont vous avez parlé, qui avaient été occupées par les
11 soldats, je suppose que ces pièces avaient des issues, des portes.
12 Avaient-elles des portes ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Il y a trois portes dans ces
14 deux pièces, deux portes d'entrée, une pour chaque pièce, et trois portes
15 accordéon séparant les deux pièces.
16 M. Blaxill (interprétation). - Je me rends compte que vous
17 décrivez des circonstances qui étaient assez pénibles et stressantes. Mais
18 avez-vous remarqué quel était l'état de ces portes quand vous avez pénétré
19 dans la maison ?
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les portes de ces deux
21 pièces n'étaient pas endommagées à ce moment-là, au moment où je me suis
22 trouvé dans la maison, pour autant que je me rappelle aujourd'hui, mais je
23 n'ai pas regardé précisément les portes, mais je pense qu'elles étaient
24 intactes.
25 M. Blaxill (interprétation). - Je parlerai plus tard et nous
Page 11265
1 examinerons certains passages de votre interrogatoire de juin 1998, que
2 nous avons étudié avec M. Terrier.
3 Vous avez dit à M. Terrier : "J'ai trouvé mon père en larmes, la
4 maison était dévastée et détruite", (Fin de citation).
5 Dans la partie dont vous dites qu'elle était occupée par des
6 soldats, ce que je vous dis, Monsieur, c'est que ce que vous venez de dire
7 au sujet de ces pièces correspond assez mal à une description de
8 dévastation ou de destruction, à moins qu'il ne s'agisse -entre nous- d'un
9 malentendu purement linguistique.
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, parce qu'effectivement
11 vous utilisez des termes différents.
12 Pourtant, les dommages ont été évalués à 25 000 DM et cette
13 évaluation a été remise ici en tant qu'élément de preuve. C'est
14 l'évaluation des dommages. Donc en constatant quel est le montant de cette
15 somme, vous pouvez constater peut-être quelle est l'étendue des dégâts qui
16 ont été infligés à cette maison. Mais, bien entendu, la maison n'était pas
17 totalement détruite.
18 M. Blaxill (interprétation). - Qu'est-il arrivé aux pantalons
19 Levis ? Vous aviez emballé les Levis pour les livrer à Travnik : qu'est-il
20 arrivé à cette cargaison ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Cela aussi a été volé,
22 emporté.
23 M. Blaxill (interprétation). - Y avait-il d'autres articles qui
24 étaient destinés à Travnik, qui se trouvaient dans la maison et qui
25 auraient disparu ?
Page 11266
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui. Il y avait de la
2 lingerie, il y avait des baskets. Car une partie de ces articles était
3 préparée, emballée pour le client dont j'ai parlé, et l'autre partie était
4 emballée pour être envoyée à notre entreprise.
5 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, avant
6 d'envoyer ces articles à Travnik, vous les aviez entreposés quelque part.
7 Alors où les avez-vous entreposés ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ivica et moi avions
9 entreposé ces articles dans le garage, mais puisqu'il fallait faire deux
10 emballages, un emballage devant rester dans l'entreprise et l'autre devant
11 partir jusqu'au domicile du client, mon épouse et moi-même avons
12 transporter ces articles à l'étage, parce que c'est à l'étage que nous
13 adressions les paquets. C'est là que nous avions les étiquettes des
14 adresses, c'est là que nous rédigions les factures ; donc ces articles ont
15 fini par se trouver au premier étage de ma maison.
16 M. Blaxill (interprétation). - Donc ces articles se trouvaient à
17 un étage supérieur à celui où se trouvait la pièce dans laquelle vous avez
18 découvert votre père et les soldats, n'est-ce pas ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, ces articles se
20 trouvaient à l'étage où j'habitais, c'est-à-dire à l'endroit où se
21 trouvaient les soldats, parce que, ce matin-là, mon intention était de
22 faire au plus vite, de m'occuper de ces articles dès que je me lèverais le
23 matin ; il n'y avait pas grand chose.
24 M. Blaxill (interprétation). - En fait, les soldats vous ont
25 chassés de la maison ; vous avez décrit cet événement. Un des soldats vous
Page 11267
1 a dit de libérer les lieux et de revenir plus tard. Quand vous êtes
2 retourné chercher votre repère, vous avez déclaré que les soldats étaient
3 partis, n'est-ce pas ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
5 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez déclaré avoir eu la
6 possibilité de prendre de la nourriture dans le réfrigérateur. Donc il est
7 permis de penser que les soldats n'avaient pas volé la nourriture, n'est-
8 ce pas ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). - En effet, il ne l'ont pas
10 volée, mais ce qu'ils n'ont pas volé, c'était ce qui se trouvait dans le
11 réfrigérateur de mon père, en bas. Parce que moi, je me suis alimenté en
12 prenant de la nourriture dans le réfrigérateur de l'étage, chez moi. Mais
13 chez mon père, en bas, tout était renversé et détruit. J'ai vu à l'étage :
14 tout était renversé et détruit. Mais, chez mon père, ils ont laissé ce
15 qu'il y avait dans le réfrigérateur et, chez moi, ils ont tout pris. J'ai
16 vu des aliments, des vivres sur la table dans le plus grand désordre.
17 M. Blaxill (interprétation). – Est-ce que vous avez vérifié la
18 totalité de la maison, à ce moment-là, lorsque vous êtes revenu, le 16 ?
19 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mais non, bien sûr que non,
20 je n'ai fait que traverser l'entrée principale pour me rendre au premier
21 étage, arriver dans ces deux pièces. J'y suis resté le temps que j'y suis
22 resté et ce temps ne m'a permis que de voir l'état de ces deux pièces -et
23 encore, en partie-, ainsi que le couloir et l'escalier, une partie de
24 l'escalier. C'est tout ce que j'ai pu voir ce jour-là. Je n'ai même pas eu
25 le courage, le soir, aux alentours de 18 heures, de vérifier l'état de
Page 11268
1 toute la maison parce que je craignais à chaque instant qu'ils reviennent.
2 J'ai bien compris ce qui se passait, j'ai bien compris que c'était la
3 guerre.
4 M. Blaxill (interprétation). – Donc il est impossible de dire
5 manifestement si les dommages ou quoi que ce soit qui soit arrivé à votre
6 maison soit le résultat des événements du 16 avril ou peut-être le
7 résultat, la conséquence des événements qui se sont déroulés les jours
8 suivants, alors que la guerre a continué, n'est-ce pas ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les destructions ont eu lieu
10 le 16 et je suppose que des destructions ont également été infligées
11 le 17, puisque je n'ai pas eu l'autorisation de m'approcher de la maison ;
12 ils m'en ont empêché. Je pense que ces soldats, peu à peu, démolissaient
13 les maisons de tout le monde, les unes après les autres, y compris des
14 voisins musulmans et qu'ils l'ont fait dans les jours qui ont suivi. C'est
15 ce que certains m'ont dit.
16 M. Blaxill (interprétation). – Vous avez aussi entendu un soldat
17 britannique qui s'est exprimé dans ce prétoire et qui dit que, ce jour-là,
18 il a vu votre maison entre autres. Comme toutes les maisons appartenant à
19 des Croates, cette maison semblait intacte en comparaison, en tout cas,
20 avec les maisons des voisins musulmans qui étaient détruites. Qu'avez-vous
21 à dire à ce sujet, Monsieur ? Est-ce exact ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - Pour autant que je me
23 rappelle, cet homme n'a jamais dit m'avoir vu ce jour-là et il lui aurait
24 été impossible de me voir ce jour-là.
25 M. Blaxill (interprétation). – Je parlais de votre maison,
Page 11269
1 Monsieur. Il dit avoir vu des maisons intactes ce jour-là. Est-ce exact ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce jour-là ? Ce qu'il a vu,
3 je ne peux pas le dire avec certitude, mais évidemment, ce jour-là, ma
4 maison n'était pas détruite dans la même mesure sans doute que les maisons
5 de mes voisins. Parce que, quand ce soldat m'a escorté jusqu'à la maison,
6 je n'ai eu qu'un instant pour voir que la maison de Sukrija Ahmic, mon
7 voisin, était en feu ; par conséquent, elle était dans un état pire que ma
8 maison à moi.
9 M. Blaxill (interprétation). – J'ai encore une question à vous
10 poser, Monsieur, au sujet de l'état de la maison. Et cette question est la
11 suivante : est-il exact que le document produit par vous, je crois, à
12 l'intention des Juges de cette Chambre, a été élaboré en 1995 ? Parce que
13 c'est à cette date, n'est-ce pas, que la plainte a été déposée, en 1995 ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Pour autant que je me
15 rappelle, oui, c'était bien en 1995.
16 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur le Président, j'en suis
17 arrivé, sur le plan des questions que je voulais poser, au moment où
18 j'aimerais passer à un autre point et il n'y a encore que deux documents :
19 le journal de guerre, premièrement, qui a été soumis aux Juges et
20 l'interrogatoire, en 1998, de l'accusé par M. Terrier, que je voudrais
21 soumettre à la Chambre. Peut-être pourrais-je vous les déposer avant le
22 déjeuner. Après quoi, j'aurai très peu de références documentaires à
23 aborder ; cela ne me prendra pas beaucoup de temps.
24 M. le Président (interprétation). – Très bien. J'aimerais saisir
25 l'occasion pour demander à Me Krajina s'il souhaite verser au dossier le
Page 11270
1 dessin fait par Vlatko Kupreskic ? Le dessin utilisé par le témoin, ce
2 matin ?
3 M. Krajina (interprétation). – Non, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation). – Non ? Je pensais que cela
5 pourrait être utile. Enfin, si vous ne le souhaitez pas...
6 M. Krajina (interprétation). – Dans ce cas, je vous remercie et
7 je demande le versement de cette pièce en tant qu'élément de preuve de la
8 défense. Nous pensions que, puisqu'il s'agissait d'un dessin fait par
9 l'accusé, que nous n'avions pas vu avant... Mais, bon. Merci de votre
10 proposition. Nous acceptons cette proposition.
11 M. Blaxill (interprétation). – Je ne fais pas d'objection au
12 versement de ce document.
13 M. le Président (interprétation). – Très bien. Donc ce document
14 est admis en tant qu'élément de preuve. Nous suspendons l'audience jusqu'à
15 14 heures 30.
16 L'audience, suspendue à 13 heures, est reprise à 14 heures 35.
17 M. le Président (interprétation). – Je vous en prie.
18 Mme Ameerali (interprétation). – Nous avons une pièce à
19 conviction, photo-croquis de Vlatko Kupreskic, D62/3.
20 M. le Président (interprétation). – Monsieur Blaxill.
21 M. Blaxill (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
22 Monsieur Kupreskic, je voudrais vous poser une question pour
23 éclaircir quelque chose. Vous êtes allé une première fois pour voir votre
24 père. C'était exactement à quelle heure, s'il vous plaît ? Pourriez-vous
25 dire en même temps combien de temps vous êtes resté chez vous, à la
Page 11271
1 maison ? Cette première fois, quand vous avez vu votre père et que les
2 soldats y étaient ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je ne peux pas vous préciser
4 l'heure, mais je pense ne pas être resté, quand j'ai vécu tout ce qui
5 s'est passé, pas au-delà de vingt minutes. Mais, pour moi, ces vingt
6 minutes étaient vraiment beaucoup, elles représentaient beaucoup, tout au
7 moins, actuellement, j'en ai l'impression. Mais cela n'a pas dépassé vingt
8 minutes, entre un quart d'heure et vingt minutes.
9 M. Blaxill (interprétation). – Merci. La question que je
10 voudrais voir maintenant est la pièce à conviction 13/1 ; c'est une pièce
11 à conviction de la défense. L'huissier voudra bien m'aider pour soumettre
12 cette pièce au témoin.
13 (L'huissier s'exécute.)
14 M. Blaxill (interprétation). – Monsieur Kupreskic, j'aimerais
15 une fois de plus apporter quelques précisions. J'aurais pu vous poser ce
16 type de question avant, mais je pense que ce que vous avez sous vos yeux,
17 les photos représentent l'abri dans la maison de Vrebac, n'est-ce pas ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
19 M. Blaxill (interprétation). – Pourriez-vous, s'il vous plaît,
20 nous dire où, dans cet abri, vous vous trouviez au moment où vous êtes
21 arrivé pour la première fois ?
22 M. V. Kupreskic (interprétation). - Cela se trouvait dans le
23 sous-sol. Nous avons descendu l'escalier.
24 M. Blaxill (interprétation). – Pourriez-vous nous dire quel est
25 le numéro par lequel la pièce a été marquée, s'il vous plaît ?
Page 11272
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Nous étions à gauche. Donc,
2 il y a des escaliers et il y avait une pièce que l'on ne voit pas sur la
3 photo, à gauche. Toutes les pièces ne sont pas présentées sur les photos.
4 Je m'en souviens fort bien, car ces deux pièces sont en face de celle où
5 nous étions ; et puis, elles n'avaient pas de porte. Il n'y avait que
6 cette ouverture. Mais, dans la pièce où nous étions, il y avait une porte.
7 Par conséquent, sur la photo numéro 4, vous ne voyez pas l'entrée de la
8 pièce où nous étions.
9 M. Blaxill (interprétation). – Est-il possible qu'éventuellement
10 on ne voie que l'ouverture de la porte ici ? C'est cela ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). - On entrevoit un peu.
12 M. Blaxill (interprétation). – Merci. Etes-vous resté dans cette
13 pièce pendant tout le temps que vous êtes resté dans l'abri ou avez-vous
14 changé d'endroit ?
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, je suis arrivé en
16 dernier pratiquement. Il y avait beaucoup de personnes ; c'était déjà
17 rempli et, notamment, dans ces pièces au sous-sol. Très peu après, je suis
18 monté et j'ai regagné cette pièce que l'on voit sur la photo numéro 1. Il
19 y a un couloir, une antichambre.
20 A ce niveau-là, au rez-de-chaussée, il y a encore quelques
21 autres pièces et je me souviens que c'est dans les toilettes que je me
22 suis trouvé. On voit les fenêtres. C'est une salle de bains au fond. Et
23 puis, il y a également des fenêtres que vous apercevez devant. Et il y
24 avait aussi la moquette qui a été enlevée parce que personne n'habitait
25 ces deux-pièces.
Page 11273
1 M. Blaxill (interprétation). – Merci, Monsieur Kupreskic.
2 Nous pouvons poursuivre, si vous voulez bien. Je vais vous poser
3 quelques questions, cette fois-ci, concernant le temps, y compris le
4 16 avril 1993, mais nous n'allons pas dépasser cette date.
5 Est-ce que vous, jusqu'au 16 avril, y compris le 16 avril 1993,
6 avez-vous vous-même porté des armes à feu, vous personnellement ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Jusqu'au 16 avril 1993, car
8 c'est ainsi que je vous ai compris et que vous m'avez posé la question,
9 jusqu'à ce jour-là, je n'avais absolument aucun fusil. J'ai acheté le
10 fusil après la guerre, je l'ai déjà précisé.
11 M. Blazevic (interprétation). - Est-ce que vous avez d'autres
12 armes, un pistolet éventuellement, qui étaient dans votre propriété
13 jusqu'au 16 avril ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, je pense... Je ne pense
15 pas, je sais que j'avais, avec une autorisation, un pistolet. Je ne me
16 souviens pas exactement, mais c'était en 1985 que je me suis acheté ce
17 pistolet, comme je circulais beaucoup, je voyageais beaucoup, je voyageais
18 la nuit, je traversais le territoire. C'est avec autorisation bien
19 évidemment que je possédais ce pistolet. Mais que vous me croyez ou non,
20 moi, je n'ai pas tiré en dix ans plus de dix balles. Je me souviens,
21 c'était avec mon père parce qu'on avait organisé des fêtes et qu'il était
22 de coutume de tirer en l'air quelques balles.
23 M. Blaxill (interprétation). - Vous venez de dire que vous
24 l'avez acheté parce que vous avez beaucoup voyagé. Cela veut-il dire que
25 vous avez porté ce pistolet pour votre propre protection ?
Page 11274
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, je l'avais normalement
2 dans la voiture, devant, pour me protéger. Oui, c'est pour ça.
3 M. Blaxill (interprétation). - Je présume, Monsieur Kupreskic,
4 que les dix balles que vous avez tirées, que c'était plutôt pour vous
5 entraîner ?
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mais les armes ne
7 m'intéressaient jamais. Je ne sais même pas pourquoi. Je sais qu'une fois,
8 j'étais chez moi, à la maison, et en montrant à mon ami le pistolet, une
9 balle avait été tirée. J'ai eu tellement peur que, par la suite, je ne
10 l'ai même plus pris avec moi, même pas dans la voiture. Et même,
11 aujourd'hui, je l'ai ce pistolet. Vous pouvez même, éventuellement,
12 appeler un expert et faire une expertise et vous verrez qu'on n'a pas tiré
13 beaucoup de balles avec ce pistolet.
14 M. Blaxill (interprétation). - Est-ce que ces balles, ces dix
15 balles ont été tirées sur une cible ? Etait-ce un entraînement ou dans
16 quelles conditions avez-vous tiré ?
17 M. V. Kupreskic (interprétation). - Quand c'était à la maison,
18 le pistolet a tiré tout seul, je ne sais pas, la gâchette n'était pas bien
19 mise. Mais c'est mon père qui l'avait utilisé. Par exemple, à Noël, c'est
20 de coutume de tirer en l'air quelques balles. C'était la même chose pour
21 les fêtes de famille. Cela arrivait, mais moi-même non, jamais.
22 M. Blaxill (interprétation). - A cette occasion où cela s'est
23 passé tout à fait par hasard, pouvez-vous dire à quel moment cela s'est
24 passé ?
25 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je pense que c'était en 88
Page 11275
1 ou 89, je ne me souviens pas exactement, mais je pense que c'est là
2 effectivement qu'il y a eu cet incident, que le pistolet est parti tout
3 seul parce que le cran de sécurité de la gâchette n'était pas mis.
4 M. Blaxill (interprétation). - En ce qui concerne d'autres
5 armes, le fusil ou une carabine, vous avez dit que vous n'avez jamais
6 vous-même possédé de telles armes, y compris le 16 avril 93. C'est ainsi
7 que je l'ai compris, est-ce vrai ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'est vrai, vous avez bien
9 compris, je n'ai jamais possédé un fusil.
10 M. Blaxill (interprétation). - A cette même période, à n'importe
11 quel moment, étiez-vous dans la situation de posséder une arme
12 temporairement, par exemple, qu'un ami vous ait laissé un fusil, une autre
13 arme, peu de temps ?
14 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je me souviens d'une scène,
15 c'était quelque peu ridicule : c'était le 16 avril, au moment où je suis
16 venu, c'était vers 13 heures, et j'ai dit qu'à la sortie de cette grande
17 forêt, au croisement où il y avait une petite forêt, j'ai rencontré Drago
18 Grgic. Lui, il portait un fusil, un petit fusil. Par la suite, j'ai appris
19 que c'était le fusil qui appartenait à Ivica Kupreskic ; c'était une
20 carabine au fond, c'était un fusil de chasse. Probablement qu'Ivica avait
21 déposé ce fusil chez lui. Et il m'avait dit : "Tiens, tu peux prendre ce
22 fusil, tu peux le passer à Ivica". Moi, j'étais confus. Je ne savais pas à
23 qui appartenait ce fusil. Au moment où il m'a passé le fusil, la gâchette
24 s'est déclenchée ; une fois de plus une balle est partie et moi, j'ai eu
25 peur. Puis j'ai dit : "Non, je ne veux pas le prendre parce que j'ai peur
Page 11276
1 et que je ne sais pas manier le fusil".
2 Il y avait Anto Vidovic, surnommé Catko, qui était avec nous. Il
3 a été quelques secondes dans mes mains. Par la suite, j'ai appris d'Ivica
4 que c'était effectivement son fusil et qu'il l'avait repris. Et que ce
5 fusil a été gardé par quelqu'un et qu'il l'avait repris.
6 M. Blaxill (interprétation). - Entendu.
7 Maintenant, j'aimerais me référer à votre journal de guerre, si
8 vous le voulez bien, et jeter un coup d'œil une fois de plus sur quelques
9 points. J'aimerais me référer à quelques notes de ce journal de guerre.
10 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge, je vais
11 me reporter à la page n° 2 ; c'est le 8 décembre 1993.
12 M. V. Kupreskic (interprétation). - Monsieur le Procureur,
13 pouvez-vous me permettre de donner quelques explications, s'il vous plaît,
14 devant la Chambre et notamment au sujet de ce journal de guerre, pour que
15 les Juges puissent mieux suivre et véritablement comprendre de quoi il
16 s'agit, et ce que représente ce journal de guerre ?
17 Ce journal de guerre a 49 page au total. Les 12 premières pages,
18 par conséquent -y compris cette page sur laquelle il n'y a rien : c'est la
19 page de couverture en quelque sorte-, se rapportent aux notes et les
20 données concernant mes activités au sein de la commission du logement, qui
21 a développé ses activités entre 87 et 88, et dans mon entreprise SPS. Par
22 conséquent, les 12 premières pages datent de 87 et 88 et portent sur mes
23 activités dans cette entreprise.
24 Les quinze pages qui suivent ces douze premières pages, y
25 compris ces pages de 1 à 15, comme je l'ai marqué, c'est effectivement le
Page 11277
1 journal de guerre.
2 Ce serait dans votre document à partir de la page 13. On peut
3 compter ces pages comme le journal de guerre. Tous les jours, j'ai marqué
4 ce que j'ai fait. Cela comprend une autre période. La période où j'ai été
5 mobilisé, où j'ai été chauffeur auprès de ce centre médical ; en d'autres
6 termes, à partir du 15 septembre 1993 jusqu'au 27 avril 1993, quand j'ai
7 été démobilisé, quand je n'avais plus de tâche à remplir à ce poste.
8 En d'autres termes, ces quinze pages se rapportent à ce journal
9 de guerre comme je le désigne. Ensuite, les 22 pages, à partir de la
10 page 27 jusqu'au n° 49, ces 22 pages se rapportent aux préparatifs de ma
11 défense devant cette Chambre et ce sont les notes que moi-même j'ai prises
12 en 1996 et en 1997
13 Par conséquent, je pense que vous voyez plus clairement de quoi
14 il s'agit. On peut par conséquent distinguer les trois chapitres. Il y a
15 d'abord les notes de l'entreprise SPS, ensuite le journal de guerre, ce
16 que j'ai fait. Et, en troisième lieu, il y a les préparatifs de ma défense
17 devant cette Chambre. Ils se constituent de trois parties.
18 M. Blaxill (interprétation). - Nous allons donc nous référer,
19 Monsieur Kupreskic, à la deuxième partie. Je vais vous demander -pour
20 abréger quelque peu- la date est le 13 décembre 1993 : c'est la deuxième
21 page de notre traduction, Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur
22 le Juge.
23 Serez-vous d'accord avec moi, Monsieur Kupreskic, que c'est bien
24 vous qui avez pris les notes et que c'est le Dr Bosko qui vous a informé,
25 ce soir-là, qui vous a désigné pour le commandant de la section sanitaire
Page 11278
1 du 1er Bataillon ? Est-ce bien cela ?
2 M. V. Kupreskic (interprétation). – C'est à droite. On parle du
3 9-12-93 pour que l'on soit au clair. C'est marqué que le Dr Bosko m'a
4 informé le soir. Effectivement, vous en avez donné lecture. C'est vrai.
5 M. Blaxill (interprétation). – Est-il vrai, si nous voyons les
6 pages qui suivent...
7 M. V. Kupreskic (interprétation). – Mais je n'ai pas répondu à
8 la question que vous m'avez posée. J'ai tout simplement constaté ce qui a
9 été marqué, mais je peux vous donner mon commentaire, si vous voulez bien.
10 A cette époque-là, le Dr Bosko, effectivement, m'a demandé…
11 Etant donné que j'étais le seul homme dans le service médical, et je pense
12 qu'il y avait plusieurs dispensaires qui existaient dans ce territoire, et
13 sachant également que j'avais aussi un certain nombre de qualités sur le
14 plan organisation, le Dr Bosko m'a demandé de l'aider pour contrôler,
15 surveiller les dispensaires en dehors de Zume, où moi-même j'étais
16 chauffeur.
17 C'est pourquoi il avait proposé à M. Bertovic de me désigner
18 comme tel, mais moi, je ne l'ai pas accepté. Et ceci, peut être conclu de
19 ce même journal de guerre et de la description qui est donnée sur la même
20 page.
21 Et si vous pouvez me suivre, c'est en bas à droite. C'est marqué
22 le 17-12-93 où moi, je dis -et je cite- : "Je n'accepte pas et je suis
23 allé déposer une plainte et parlé avec M. Sahivic". Justement à ce propos-
24 là, j'ai bien précisé que je ne voulais pas effectuer ces tâches. C'est
25 avec M. Sahivic que j'ai eu cet entretien le 17 décembre 1993.
Page 11279
1 De tout façon, j'avais pris note absolument chaque jour pour
2 préciser ce qui s'était passé, et comment se sont déroulées mes journées.
3 Ultérieurement, après cet entretien avec M. Sahivic, on m'avait donné un
4 ordre verbal et je n'avais absolument rien à faire d'autre que d'aider le
5 Dr Bosko. Je n'ai jamais eu de documents, on ne m'a jamais désigné sous
6 forme écrite à ce poste-là. Comment ce poste s'appelait-il, si j'avais
7 tout simplement rendu visite à des dispensaires différents ? Je ne sais
8 pas. Mais je n'ai jamais eu de décision écrite à ce sujet.
9 Plus loin, vous pouvez voir également… Je pense que ceci était
10 le 20 décembre 1993, on m'avait donc ordonné verbalement d'aider le
11 Dr Bosko et de visiter d'autres dispensaires. Vous pouvez le voir dans la
12 suite.
13 M. Blaxill (interprétation). - Par conséquent, nous pourrions
14 dire, Monsieur Kupreskic, n'est-ce pas, si l'on se réfère à ces pages
15 différentes, on peut en déduire de ce que vous avez dit, que vous avez
16 rendu visite à des dispensaires différents. Nous allons voir la page 8 de
17 la traduction. Nous pouvons voir ce qui a été marqué. Le premier concerne
18 la période du 1er février 1994 au 4 février 1994.
19 M. V. Kupreskic (interprétation). – Non, mais il ne s'agit
20 absolument pas de cliniques ! Ce sont des dispensaires au niveau des
21 villages qui étaient installés dans des caves avec trois, quatre femmes.
22 Il n'y avait pratiquement pas une infirmière, même pas une aide soignante.
23 Comment voulez-vous dire que j'avais rendu visite aux cliniques
24 différentes ? Non ! Je ne suis pas médecin.
25 M. Blaxill (interprétation). – Ce que j'aimerais vous demander
Page 11280
1 au sujet de ces notes que vous avez consignées dans ce document pour la
2 période du début du mois de février, nous voyons des références faites à
3 des inspections réalisées auprès de soldats ; notamment le 3 février 1994,
4 une inspection réalisée ce jour-là, et puis le 4 février, une nouvelle
5 inspection.
6 Ces inspections étaient-elles réalisées par vous pour
7 représenter le Dr Bosko ? Ou étaient-elles réalisées par des tiers ?
8 Pouvez-vous nous le dire brièvement ?
9 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui, brièvement. Puisque
10 j'avais reçu l'ordre d'apporter mon aide au Dr Bosko, encore aujourd'hui,
11 d'ailleurs, nous avons très peu de médecins à Vitez. Donc ce que je
12 faisais, c'était de prendre des notes de façon à ce que la commission
13 puisse examiner ces notes au sujet de ces patients. J'étais à ce poste
14 uniquement pour prendre des notes. Je dirai que là encore, je faisais le
15 travail qui était le mien.
16 Mais je ne suis absolument pas un professionnel capable
17 d'évaluer le degré d'invalidité de ces personnes, dirais-je.
18 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, disons la
19 chose suivante : vous avez, par exemple, expliqué le contenu d'un document
20 émanant de l'administration de la police dans lequel il est inscrit qu'au
21 lieu de vous payer, on vous donne un titre ; est-il logique, dans ces
22 conditions, que si ce certificat émanait du HVO et portait sur votre
23 période de travail, ou supposée telle, nous lisons -je cite- : "Exécuter
24 les activités d'assistant" ? Serait-ce une bonne façon de décrire l'aide
25 que vous avez apportée au Dr Bosko ?
Page 11281
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, en aucun cas, je
2 n'aurais pu être l'assistant du Dr Bosko, je n'ai aucun rapport avec la
3 médecine et je n'ai jamais exécuté des activités de ce genre ou reçu un
4 papier à cet égard. Le document qui est présenté par le Procureur, je l'ai
5 vu pour la première fois ici et, pour moi, il est de nature plus que
6 suspecte. A quel moment a-t-il été élaboré ? Quelle est la nature de ce
7 document ?
8 M. Blaxill (interprétation). - Bien. Monsieur Kupreskic,
9 j'aimerais regarder la pièce à conviction de l'accusation 329, je vous
10 prie.
11 (L'huissier s'exécute.)
12 Le document que vous voyez sur le rétroprojecteur en ce moment,
13 vous le lisez, n'est-ce pas, en langue croate, bosniaque, n'est-ce pas ?
14 (Le témoin acquiesce.)
15 Vous dites que vous n'avez jamais vu de toute votre vie ce
16 document avant de le voir produit ici dans ce prétoire par le Procureur ;
17 est-ce exact ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - C'est exact, c'est ici que
19 je l'ai vu pour la première fois.
20 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, vous
21 rappelez-vous qu'une mallette a été saisie chez vous, sur vous, au moment
22 de votre arrestation .
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je me rappelle que j'avais
24 un cartable, je ne sais pas quand il a été saisi. J'ai simplement appris
25 plus tard qu'on l'avait emporté de chez moi, mais je ne me rappelle
Page 11282
1 absolument pas qu'il y ait eu un document de ce genre dans ce cartable,
2 car je n'ai jamais vu ce document jusqu'à présent.
3 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, puis-je me
4 permettre de vous dire que, lorsque le contenu de cette mallette a été
5 inventorié par le bureau du Procureur, ce document a été trouvé dans votre
6 mallette, votre attaché-case ? Vous continuez à affirmer n'avoir aucune
7 connaissance de l'existence de ce document ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je l'affirme parce que c'est
9 moi, maintenant, qui vais vous dire quelque chose. J'ai reçu le document
10 sur lequel figuraient l'adresse et le numéro de téléphone de la mère
11 d'Anto Furundzija, ce qui montre bien qu'il s'agit de spéculations.
12 Spéculations de qui ? Je ne sais pas. Mais moi, je ne connaissais pas Anto
13 Furundzija, j'ai fait sa connaissance ici, au quartier de détention et je
14 connaissais encore moins sa mère ou son numéro de téléphone ; comment
15 aurais-je connu cela ?
16 Le prénom et le prénom de famille de sa mère et son numéro de
17 téléphone sur ce document, d'où viennent-ils ? Alors qu'en est-il de ce
18 document que j'ai entre les mains ?
19 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, il existe des
20 registres du HVO qui disent que vous n'êtes pas apte au service. Ce
21 document a été trouvé dans votre attaché-case ; êtes-vous d'accord sur ce
22 fait que ce document a bien été trouvé dans votre attaché-case ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Mon livret militaire, oui,
24 il était dans mon attaché-case, bien entendu.
25 M. Blaxill (interprétation). - Est-il vrai également, Monsieur,
Page 11283
1 qu'il y avait un magnétophone et une cassette enregistrée qui ont
2 également été trouvés dans votre attaché-case ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, tout cela est exact,
4 sauf ces deux documents : celui-ci que j'ai entre les mains, dont je ne me
5 souviens pas, je ne l'ai jamais vu, je l'ai vu ici pour la première fois,
6 ainsi que le document comportant l'adresse et le numéro de téléphone de la
7 mère de Furundzija.
8 M. Blaxill (interprétation). - Et vous possédiez également des
9 documents tels qu'un passeport, des documents d'affaires, professionnels,
10 et un certain nombre d'autres documents qui se trouvaient dans cet
11 attaché-case, n'est-ce pas ? Documents personnels ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, tout cela est vrai,
13 mais permettez-moi de dire que ces documents, vous le savez vous-même,
14 puisqu'on en a discuté ici dans ce prétoire, ces documents ont voyagé, que
15 cet attaché-case a été ouvert, qu'il a circulé d'un endroit à un autre.
16 Donc tout est possible.
17 M. Blaxill (interprétation). - N'est-il pas tout de même assez
18 étonnant, Monsieur Kupreskic, que le document dont nous sommes en train de
19 parler comporte votre nom, le nom de votre père, votre lieu de naissance,
20 votre date de naissance, qu'il y soit stipulé que vous apparteniez au
21 service médical du 92ème Régiment de Vitez, que vous étiez sans aucun doute
22 impliqué dans une tâche professionnelle liée à la médecine et que vous
23 avez été démobilisé le 15 janvier 1996 ?
24 N'est-il pas assez étonnant que tous ces éléments figurant sur
25 ce document aient trouvé leur chemin jusqu'à votre attaché-case, sans que
Page 11284
1 vous n'en ayez eu connaissance ? Par conséquent, ce que je dis, c'est que
2 vous connaissiez ce document, que vous saviez qu'il était en votre
3 possession, que vous saviez qu'il était dans votre attaché-case, n'est-ce
4 pas ?
5 M. V. Kupreskic (interprétation). - Les données figurant ici
6 sont inexactes à part le fait qu'il s'agit de moi, que je suis né à tel
7 moment et à tel endroit. La date est absolument inexacte. Et vous avez vu
8 ici, à la 13ème page du journal, quelque chose que je n'ai pas pu inventer
9 à savoir que j'ai été mobilisé le 15 septembre. Il est écrit très
10 clairement : en 1993, en tant que chauffeur d'une ambulance ; et que j'ai
11 exécuté cette fonction, si je ne m'abuse, jusqu'au 27 avril 1993. Tout
12 cela figure dans le journal. Je n'ai pas pu l'inventer puisqu'il m'a été
13 confisqué.
14 Ici, sur ce document, la date est inexacte et l'activité
15 exécutée est inexacte également. Et vous verrez aussi que le 15 janvier
16 1996 est la date qui figure sur le certificat que j'ai entre les mains.
17 Autrement dit, j'aurais été démobilisé le 15 janvier 1996, alors que cela
18 faisait deux ans, largement, que je travaillais à l'entreprise Sutra et,
19 un peu plus tard, dans mon entreprise à moi.
20 M. Blaxill (interprétation). – Vous contestez donc le fait que
21 ce document ait jamais était présent dans votre attaché-case, n'est-ce
22 pas, en dépit du fait que nous avons ici un mémoire officiel indiquant que
23 ce document a été saisi dans votre attaché-case ?
24 Restons-en là. Je voudrais en revenir à votre journal personnel
25 quelques instants. Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le
Page 11285
1 Juge, il me reste peu de questions.
2 Page 17 de notre traduction. Je vous propose, Monsieur, de lire
3 ce texte correspondant à la date du 8 août 1996. C'est à la fin des
4 annotations correspondant à cette date, c'est-à-dire à peine quelques
5 lignes avant le titre "9 août 1996".
6 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai trouvé la date du
7 8 août 1996. Il est écrit jeudi également.
8 M. Blaxill (interprétation). – Voyez-vous, vers la fin du
9 passage, le nom de Zvonimir Hodak, inscrit par vous ?
10 M. V. Kupreskic (interprétation). - Pouvez-vous m'éclairer ? Je
11 ne vois pas où ce nom se trouve.
12 M. Blaxill (interprétation). – Dans notre traduction, nous avons
13 l'inscription "9 août 1996" ; un peu au-dessus de cette annotation du
14 "9 août 1996", j'aimerais que vous regardiez ce qui est écrit.
15 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'arrive pas à trouver
16 cette date.
17 (L'huissier montre un document au témoin.)
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, maintenant je vois sur
19 votre exemplaire.
20 Sur votre exemplaire, oui.
21 M. Blaxill (interprétation). – Vous avez inscrit une liste
22 d'articles vestimentaires ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui.
24 M. Blaxill (interprétation). – Dans quel contexte parlez-vous
25 ici d'un manteau en daim, de couleur chocolat, avec un doublure en
Page 11286
1 fourrure, et d'un pantalon en velours côtelé de couleur olive ? A quoi se
2 rapportent ces indications ?
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai préparé ma défense et
4 cela se trouve dans cette partie de mon journal ; je préparais ma défense.
5 J'ai écrit les vêtements que je portais ce matin-là, le 16 avril 1993.
6 Autrement dit, je portais des vêtements civils et je les décris avec
7 précision. J'ai écrit d'ailleurs, au cinquième point de ce paragraphe, que
8 je n'avais aucune arme.
9 Donc, vous voyez l'inscription "vêtements" ; sous "vêtements",
10 vous avez une série de tirets ; au cinquième tiret, j'inscris le fait que
11 je ne portais aucune d'arme, que je n'avais aucune arme.
12 M. Blaxill (interprétation). – N'est-il pas également inscrit
13 -je cite- : "Mais, sur le chemin du retour, on m'a donné un fusil de
14 petits calibre appartenant à I.K. et trois ou quatre balles". (Fin de
15 citation.)
16 Je suppose que cela se rapporte à l'incident dont vous venez de
17 faire état.
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, quelques secondes à
19 peine.
20 M. Blaxill (interprétation). – J'aimerais appeler votre
21 attention à présent sur les documents rédigés au moment de
22 l'interrogatoire effectué par le Procureur. Monsieur le Président,
23 Madame le Juge, Monsieur le Juge, il s'agit du document rédigé au moment
24 de l'interrogatoire effectué par le Procureur.
25 Mme Ameerali (interprétation). - Pièce à conviction de
Page 11287
1 l'accusation de n° 381.
2 (L'huissier s'exécute.)
3 M. Blaxill (interprétation). - Je n'ai pas l'intention de
4 revenir sur les terrains qui ont déjà été abordés de façon tout à fait
5 approfondie, mais, Monsieur Kupreskic, est-il exact que vous ayez dit aux
6 représentants du Bureau du Procureur, M. Terrier et M. Smith, au moment de
7 cet interrogatoire, que lorsqu'on vous a appelé et que vous êtes allé voir
8 votre père avant de vous rendre dans l'abri, votre père vous a dit : "Tu
9 sais toi-même que nous n'avons eu aucun problème". Donc il est resté dans
10 la maison alors que les autres sont partis pour l'abri. Vous rappelez-vous
11 avoir dit cela ?
12 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai sans doute dit cela.
13 Car vraiment... peut-être que c'est ainsi que les choses se sont passées,
14 mais je ne peux pas me rappeler tous les détails aujourd'hui, ici ; mais
15 vraiment, nous n'avons jamais eu de problème, avec qui que ce soit. Et, à
16 ce moment-là, je répète que je considérais, et je l'ai dit cela dans le
17 compte rendu, que ces détails n'étaient pas importants à l'époque, alors
18 qu'aujourd'hui, ici, bien entendu, j'ai un avis différent.
19 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit, et cela figure
20 dans la traduction anglaise, en page 14, le deuxième paragraphe important,
21 je cite : "A 9 heures, j'étais dans l'abri. On nous a dit que nous
22 pouvions sortir de l'abri pour nous rendre dans la cour devant l'abri".
23 Quand je suis sorti, ma femme et mes enfants sont restés à
24 l'intérieur de l'abri. J'ai été choqué par ce que j'ai vu ; je me suis
25 dit : "Mon Dieu, c'est vraiment la guerre". Et, à ce moment-là, vous
Page 11288
1 dites : "Pas de coups de feu, il n'y avait pas de coups de feu, il n'y
2 avait plus de coups de feu dans le voisinage, mais des maisons étaient
3 déjà en feu, notamment les maisons qui se trouvaient près de la mienne". A
4 ce moment-là, vous exprimez une inquiétude au sujet du fait que votre père
5 était toujours à la maison, puis vous proposez de dessiner l'endroit où se
6 trouvait votre maison.
7 Monsieur Kupreskic, vous avez dit à ce moment-là qu'à 9 heures,
8 vous étiez hors de l'abri et qu'il n'y avait pas de coups de feu. La
9 question que je vous pose est donc la suivante : pourquoi n'êtes-vous pas
10 allé voir votre père à ce moment-là, si ce qui est écrit ici est exact ?
11 M. V. Kupreskic (interprétation). - Pouvez-vous me dire à quelle
12 page cela est écrit ? A la page 13, n'est-ce pas ?
13 M. Blaxill (interprétation). - Moi, je travaille sur la base
14 d'une traduction anglaise, Monsieur Kupreskic. Donc nous avons peut-être
15 un problème à lier nos deux exemplaires. Mais je vais essayer de me
16 procurer un moyen pour vous orienter un peu dans ce texte. On me dit que
17 cela se trouve aux alentours de la page 13. On venait de vous demander
18 d'épeler le nom de Jozo Vrebac. Je vous prierais de lire ces quelques
19 paragraphes, à cet endroit là.
20 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai trouvé.
21 M. Blaxill (interprétation). - Donc ma question est celle que je
22 vous ai posée : est-il exact qu'il n'y avait pas de coups de feu, à
23 9 heures, au moment où vous vous trouviez hors de l'abri ? Et dans ces
24 conditions pourquoi n'êtes-vous pas allé jusqu'à votre maison à ce moment-
25 là ?
Page 11289
1 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, vous voyez, en
2 haut, il est écrit très clairement, sous la référence VK, c'est-à-dire
3 Vlatko Kupreskic, mon nom : "J'étais dans l'abri..", et ici c'est un peu
4 mal écrit... "...jusqu'à 9 heures 30". Je crois que tout cela correspond à
5 ce que j'ai dit aujourd'hui ou plutôt hier dans ma déposition. Donc c'est
6 bien ce que j'ai dit, qu'aux alentours de 9 heures et demie, je suis sorti
7 de l'abri, dans cette entrée, parce que j'avais l'impression que les coups
8 de feu s'étaient un peu calmés. Et de cet endroit, bien entendu, j'ai vu
9 de la fumée. Il y avait encore des coups de feu. Et j'ai dit : "Mais mon
10 Dieu, c'est vraiment la guerre".
11 Je crois que j'ai décrit cette situation dans des termes assez
12 semblables au cours de ma déposition ici, étant entendu que là encore il
13 s'agit d'un débat portant sur des détails. Ce débat a été interrompu un
14 peu plus tard. Je n'étais pas censé faire une description aussi détaillée
15 que celle que je viens de faire ici au cours des deux derniers jours, à ce
16 moment-là. A ce moment-là, je ne considérais pas qu'il était aussi
17 important de tout décrire. Et la discussion que nous avions n'avait pas
18 cela pour objet. Nous nous sommes entendus sur une certaine forme de
19 discussion.
20 Et vous savez que j'ai présenté ma défense au Procureur dans son
21 intégralité. J'ai fourni les bases de ma défense et c'est la raison pour
22 laquelle j'ai demandé à témoigner ici pour éclaircir, à l'intention des
23 Juges, les détails dont vous êtes précisément en train de parler.
24 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, avec tout le
25 respect que je vous dois, à ce moment-là, vous étiez détenu, vous étiez en
Page 11290
1 prison. Vous étiez interrogé par des représentants de l'accusation. Vous
2 étiez en présence de deux avocats de la défense, Me Krajina et Me Par. Et
3 en dépit de cela, vous dites que vous vous êtes comporté sur la base de
4 l'idée que les détails n'étaient pas importants. C'est bien ce que vous
5 nous dites, Monsieur ? Si c'est ce que vous dites, j'accepte ce que vous
6 dites.
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Eh bien, oui, à ce moment-
8 là, je considérais que ce n'était pas important ! C'est même écrit.
9 D'ailleurs, je vous trouverai la page où est écrit ce que je dis à
10 M. Terrier en lui disant : "N'utilisez pas ceci demain à mon encontre". Je
11 dis la vérité.
12 Rendez-vous compte que c'est la première fois de ma vie que je
13 participe à un interrogatoire de ce genre. L'une des raisons les plus
14 convainquantes réside précisément dans le fait, et vous l'avez constaté,
15 que j'ai été le premier à demander à témoigner devant les Juges de façon à
16 éclaircir tout ce qu'il convenait d'éclaircir pour les Juges.
17 M. Blaxill (interprétation). - Vers le bas de ce qui est la
18 page 15 de notre traduction, à peu près huit paragraphes après ce que vous
19 venez de lire, vous dites de quelle façon vous vous êtes trouvé engagé
20 dans votre travail pour le service médical.
21 L'une de vos phrases est la suivante. Je cite : "Je ne pouvais
22 pas refuser ceci puisque, y compris jusqu'à ce moment-là, j'étais toujours
23 négativement critiqué, j'étais critiqué en raison de ma passivité." ; (Fin
24 de citation).
25 En fait, avez-vous manifesté votre volonté d'aider le HVO dans
Page 11291
1 cette activité, dans ce travail, de façon à ce que la perception que l'on
2 avait de vous change ? Perception qui consiste à penser que vous n'étiez
3 pas prêt à prendre parti.
4 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'évitais tout engagement.
5 Qui, s'il est normal, a le désir d'aller faire la guerre et d'aller faire
6 quelque chose de précis dans le cadre d'une guerre ? Je crois que je suis
7 un homme normal, ça, je n'ai jamais voulu l'accepter. Mais quand vous êtes
8 menacé par des soldats, quand vous recevez des ordres, il n'y a pas
9 d'autre moyen. Est-ce que c'est une faute, pour moi, d'avoir aidé les
10 gens ?
11 Moi, dans la ville de Vitez, pendant la guerre, j'ai aidé y
12 compris les blessés musulmans ; j'ai un témoin, une femme musulmane -qui a
13 témoigné ici- et je l'ai aidée avec mon automobile, et cette femme a
14 témoigné. Elle a également témoigné dans les locaux de la municipalité.
15 Une femme témoin musulmane.
16 M. Blaxill (interprétation). - Un dernier point. Vous avez
17 indiqué, au moment de votre interrogatoire, que vous aviez signé un
18 certain nombre de documents commerciaux lorsque vous vous trouviez à
19 Split ; avez-vous conservé ces documents en votre possession pour prouver
20 les transactions auxquelles vous participiez ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est pas ce que j'ai
22 dit. Si vous pensez à la journée du 14 avril 1994, ce jour-là, nous
23 n'avons eu qu'une seule conversation, qui s'est conclue par un accord dans
24 les locaux de l'entreprise Kotex.
25 Mais avant cela, la seule chose que je peux vous dire, c'est que
Page 11292
1 nous avions des conversations, des pourparlers, des accords, et il existe
2 des preuves y compris dans l'entreprise Uzor, de Split, qui s'occupait de
3 commerce de textiles ainsi qu'à Jugoplastika, à Brodomerkur, deux autres
4 entreprises.
5 Toutes ces entreprises sont des grandes entreprises avec
6 lesquelles nous travaillions. Je pense qu'il existe là-bas encore un
7 document personnel m'appartenant, qui ressemble à mon journal personnel,
8 qui prouve que nous avions des rapports précis avec ces entreprises de
9 Split.
10 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, vous avez
11 aussi fait référence, dans cet interrogatoire, à la maison. Vous avez dit
12 que lorsque vous étiez retourné jusqu'à la maison pour voir votre père
13 -ceci se trouve en page 32 du document de l'interrogatoire, Monsieur le
14 Président, Madame et Monsieur les Juges- quels genres de dommages avez-
15 vous constatés ?
16 Et vous décrivez à cet endroit... vous dites que la porte
17 d'entrée était brisée, que la serrure de la deuxième porte était défoncée,
18 que toutes les fenêtres étaient ouvertes, regardant sur la route d'Ahmici,
19 que les chambres à coucher étaient détruites et ensuite, vous décrivez ce
20 que vous avez déjà dit ici aujourd'hui et hier, c'est-à-dire de la boue
21 sur le sol, sans doute provenant de bottes boueuses. Continuez-vous à
22 maintenir, ici, aujourd'hui, que cette description est une description
23 précise des dommages subie par la maison ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). - Bien entendu. Ce que j'ai
25 dit à l'époque et ce que j'ai dit aujourd'hui au cours des deux derniers
Page 11293
1 jours, tout cela est exact.
2 Je crois que j'ai fourni une très bonne description. Ce que je
3 dis ici, c'est que lorsque je suis arrivé avec mon épouse une dizaine de
4 jours plus tard dans ma maison, à ce moment-là, nous avons vu plus en
5 détail tout ce qui s'était passé. Je pense que ces deux descriptions
6 correspondent tout à fait bien.
7 M. Blaxill (interprétation). - Bien. Monsieur le Président,
8 Madame et Monsieur les Juges, je voudrais passer à un autre sujet.
9 Brièvement, j'ai une petite bande audio à diffuser, très brève,
10 quelques lignes de conversation, et j'aimerais qu'on la diffuse
11 maintenant.
12 Oui, nous avons des exemplaires pour les Juges.
13 M. le Président (interprétation). - J'ai également besoin d'une
14 cote pour le document relatif à l'interrogatoire... 381, excusez-moi.
15 Mme Ameerali (interprétation). - Pièce à conviction de
16 l'accusation.
17 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, permettez-
18 moi, nous ne savons pas de quelle cassette, de quel document audio, il
19 s'agit. Ce document ne nous a pas été remis et je considère que ce n'est
20 pas le moment de diffuser ce document maintenant.
21 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur le Président, vous
22 m'avez entendu faire référence il y a quelques instants au contenu de
23 l'attaché-case de M. Kupreskic, et dans cet attaché-case se trouvaient un
24 magnétophone et une cassette audio. La cassette que j'entends diffuser
25 maintenant est la cassette qui a été trouvée dans son attaché-case, pour
Page 11294
1 laquelle un reçu a été signé par Me Krajina quant au fait qu'il s'agissait
2 d'un document retenu par le Bureau du Procureur, alors que tous les autres
3 éléments qui étaient présents dans l'attaché-case ont été récupérés par
4 M. Kupreskic.
5 Voilà quelle est la source de cette cassette.
6 M. le Président (interprétation). - Mais avez-vous communiqué
7 cette cassette aux conseils de la défense à ce jour ?
8 M. Blaxill (interprétation). - Oui, j'ai cru comprendre que
9 c'était le cas. Cette cassette a été mentionnée le 20 mai 1998 dans une
10 plaidoirie, dans une intervention où le Procureur a parlé de la filière de
11 conservation des documents contenus dans l'attaché-case de Vlatko
12 Kupreskic.
13 En fait, dans le dernier paragraphe de ce document,
14 paragraphe 14, nous lisons que l'attaché-case ne contient aucun des
15 éléments au sujet desquels M. Kupreskic a formulé des contestations, que
16 dans l'attaché-case saisi par le TPI, etc.
17 Au paragraphe 13, le paragraphe précédent, nous lisons : "Les
18 originaux et les copies de tous les éléments trouvés dans l'attaché-case
19 de Kupreskic à l'exception d'une cassette et d'un magnétophone ont été
20 retournés avec l'attaché-case", donc j'ai cru comprendre que les conseils
21 de la défense ont une copie de ce document.
22 M. le Président (interprétation). - Maître Krajina ?
23 M. Krajina (interprétation). - Monsieur le Président, je suis
24 vraiment surpris, nous n'avons jamais vu, nous n'avons jamais reçu cette
25 cassette, et sans offenser personne, je voudrais dire que c'est un geste
Page 11295
1 inapproprié.
2 Je ne sais pas quelle est la méthode utilisée ici, mais c'est
3 probablement de façon intentionnelle que nous n'avons pas reçu cette
4 cassette.
5 M. Blaxill (interprétation). - Ceci concerne des éléments en
6 date du 4 février 1998. Monsieur le Président, je voudrais avoir un
7 instant pour consulter mes collègues, je n'étais pas dans le procès à ce
8 moment-là, je voudrais vérifier un point.
9 (Les Procureurs ce concertent).
10 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur le Président, mes
11 collègues et moi-même avons rencontré Me Par et Krajina en-dehors du
12 prétoire hier et je suis certain que ceci a été évoqué. Le problème que
13 nous avions, c'est qu'à l'époque, la traduction officielle de la cassette
14 n'était pas prête, mais nous avons un projet de traduction qui est entre
15 les mains des conseils de la défense. Donc je suis un peu surpris
16 d'entendre mon collègue évoquer un malentendu avec nous quand à la nature
17 de cette cassette. Car nous avons dit que nous avions l'intention de
18 diffuser cette cassette, et comme je viens de dire, il est possible qu'il
19 y ait eu un problème lié à la traduction.
20 S'il s'agit d'un problème de communication entre nous, c'est
21 très regrettable, mais comme je l'ai déjà dit, je ne peux m'appuyer que
22 sur les comptes rendus en date du 20 mai 1998. A ce moment-là, chacun
23 savait que ces documents avaient été saisis dans l'attaché-case.
24 M. le Président (interprétation). – Mais vous parlez d'un compte
25 rendu ; qu'en est-il de la cassette audio ? L'avez-vous remise à
Page 11296
1 Me Krajina ?
2 M. Blaxill (interprétation). – Oui, c'est ce que j'essayais de
3 vérifier. Je voulais vérifier si un exemplaire de cette cassette avait été
4 dûment remise, et l'on me dit que oui, que c'est bien le cas.
5 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président ?
6 M. le Président (interprétation). – Oui.
7 M. Krajina (interprétation). – Ecoutez, Monsieur le Président,
8 je vis ceci comme une insulte. Aucune cassette n'a jamais été remise ni à
9 moi-même ni à mes confrères, jamais. Et je prie mon collègue, M. le
10 Procureur, de tenir un peu mieux compte de ce qu'il dit.
11 M. Blaxill (interprétation). - J'ai une information devant moi,
12 Monsieur le Président, Madame le Juge, Monsieur le Juge. Tout ce que je
13 peux citer, c'est que M. Vlatko Kupreskic, à ce moment-là, s'est plaint
14 parce qu'un certain nombre d'objets étaient contenus dans son attaché-case
15 et qu'on ne lui a pas rendus. On a parlé du journal de guerre. On a dit
16 également qu'on allait lui remettre, ce journal de guerre. On parle aussi
17 de cette cassette. On dit qu'il y avait ce magnétophone, et que son
18 magnétophone ne lui a pas été rendu. On lui a expliqué que c'était comme
19 pièce à conviction qu'on voulait garder ce magnétophone qu'on lui avait
20 soumis, la copie de cette cassette. Je ne peux rien dire d'autre.
21 M. V. Kupreskic (interprétation). – Monsieur le Président,
22 Madame le Juge, Monsieur le Juge, est-ce que je peux dire, moi, quelques
23 mots à ce propos.
24 M. le Président (interprétation). – Je vous en prie.
25 M. V. Kupreskic (interprétation). – Le directeur n'est pas trop
Page 11297
1 loin, par conséquent lui-même et moi-même, nous étions ensemble et c'est
2 en présence du témoin que j'aie reçu tout ça sous une forme écrite avec
3 une signature, et je dispose de ce témoin. Et tous les documents, je les
4 ai eus en sa présence. Jamais je n'ai eu cette bande. Vous pouvez
5 l'appeler, si vous voulez, M. McFayden. Il y a également toute une
6 commission qui a enregistré tout ça. Ce n'est pas exact. Absolument. Je
7 n'ai jamais eu cette bande et la copie de la bande.
8 (Le Procureur se concerte avec le Bureau du Procureur.)
9 (Les Juges se concertent sur le siège.)
10 M. le Président (interprétation). – Je pense que vu un certain
11 nombre de doutes qui ont été exprimés au sujet de cette bande, si elle a
12 été soumise ou non à Me Krajina, on ne peut pas l'accepter. Je n'ai aucun
13 doute sur ce que vient de dire Me Krajina. De toute façon, ce sont des
14 choses qui arrivent. Il y a eu probablement peut-être une erreur qui s'est
15 glissée. Cette cassette n'a jamais été remise à Me Krajina, par conséquent
16 nous ne pouvons certainement pas l'approuver.
17 M. Blaxill (interprétation). – Nous comprenons, nous allons
18 vérifier. D'accord.
19 Monsieur le Président, compte tenu du fait que c'est une bande
20 qui existe, je pourrais quand même poser quelques questions.
21 Eventuellement, nous allons pouvoir également poser ces questions au
22 moment de la réplique. Par conséquent, j'aimerais poser quelques
23 questions, si vous me le permettez maintenant. Je reste là.
24 Monsieur Kupreskic, est-ce que vous vous souvenez qu'il y avait
25 un magnétophone dans votre attaché-case ?
Page 11298
1 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
2 M. Blaxill (interprétation). – Est-ce que dans cet attaché-case,
3 il y avait également une bande ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). – Oui.
5 M. Blaxill (interprétation). – Est-ce que vous pouvez, s'il vous
6 plaît, nous dire ce qui a été enregistré ? C'était une musique, une
7 conversation ?
8 M. V. Kupreskic (interprétation). – Bien évidemment, je vais
9 vous dire tout. Vous savez très bien que ni mes avocats ni moi-même, on
10 n'a jamais eu de problème au niveau de la coopération avec vous-même. Par
11 conséquent, il n'y a rien de douteux. Et c'est les Juges qui doivent être
12 au courant.
13 Il s'agissait d'une petite cassette, c'était un magnétophone et
14 un dictaphone à la fois, Philips. J'ai essayé d'enregistrer le soldat que
15 j'ai moi-même aperçu au moment où j'étais sur le chemin du retour, depuis
16 ma maison. Il était 13 heures de l'après-midi. Et je considérais qu'il
17 s'agissait par conséquent, de cet homme. Et comme lui, il s'en est souvenu
18 que Drago Grgic, -mais malheureusement il n'est plus en vie, il a été tué-
19 il se souvenait du moment où Drago Grgic m'avait remis ce fusil. Il était
20 à côte, il a vu que le fusil avait tiré tout seul.
21 Par conséquent, au moment où j'avais demandé un chauffeur pour
22 ma société, il y avait un jeune homme de Zenica qui est venu me voir. Lui,
23 il me ressemblait à ce soldat que j'ai rencontré le 16 avril 1993, que
24 j'ai vu à peu près vers 13 heures. Je l'ai vu à ce croisement, ensemble
25 avec Drago Grgic avec Anto Vidovic surnommé Catko.
Page 11299
1 Et en me préparant pour la défense, ici, dans ce prétoire devant
2 cette Chambre, moi, j'ai fait mon enregistrement. Je lui posais les
3 questions : est-ce que tu te souviens de ceci ? Est-ce que demain tu
4 pourrais me le confirmer si c'est toi même qui me ressemble, à cet homme-
5 là ? Dans ce cas-là tu pourrais être mon témoin. C'est ce qui est marqué
6 également dans mon journal, le journal de guerre.
7 Je ne veux pas abuser de votre temps, c'est bien marqué sur mon
8 journal de guerre, ce soldat qui était ensemble, etc., qui a vu cette
9 scène. Nous avons ri un petit peu, parce que de tout façon, moi, je ne
10 sais pas manier les armes et je n'ai rien à voir avec des fusils.
11 Moi, je pensais qu'à ce moment-là, c'était très important. C'est
12 de cela qu'il s'agit. En ce qui me concerne, moi-même ni mon avocat
13 n'avons aucun problème, si vous voulez, pour voir cette cassette car
14 c'était effectivement ce qui a été dit sur cette cassette.
15 A mon avis, de toute façon, il n'y a rien qui soit contestable
16 et qui ressort de cette cassette.
17 M. le Président (interprétation). – Merci Monsieur Kupreskic.
18 Cependant, l'avocat Krajina a fait objection en ce qui concerne
19 la cassette. On ne va pas permettre la cassette.
20 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai une
21 copie de la lettre envoyée le 24 février 1998. Excusez-moi, je suis trop
22 rapide, je parle trop rapidement.
23 Donc la lettre qui a été envoyée à Me Krajina parle de ce
24 magnétophone Philips. On a marqué dans cette lettre que la copie de cette
25 bande a été retournée à votre client. On a informé Me Krajina, dans cette
Page 11300
1 lettre, du fait que nous avons remis cette bande à son client.
2 Je sais bien évidemment que ceci créé des problèmes, et avec
3 votre permission, nous pourrions peut-être également laisser cette
4 question pour plus tard.
5 M. le Président (interprétation). – Maître Krajina, je vous en
6 prie.
7 M. Krajina (interprétation). – Monsieur le Président, Madame,
8 Monsieur le Juge, je pense que nous pouvons passer plus loin. Mais il est
9 vrai que cette concertation de ce document a été contestée par nous. Et
10 c'est la raison pour laquelle il y avait cette correspondance. Il y avait
11 aussi ce débat devant cette Chambre. Nous avons affirmé que ceci n'a pas
12 été retourné comme il a été signalé dans ce document, dans cette lettre.
13 Est-ce que vous vous souvenez, Monsieur le Président, de la
14 décision de la Chambre de vérifier, de nous remettre la copie, etc. On n'a
15 jamais mis un terme à cette question-là.
16 M. le Président (interprétation). – D'accord. Maître Blaxill, je
17 vous en prie.
18 M. Blaxill (interprétation). - Je pense que tout est clair,
19 Monsieur le Président. Mais j'ai quelques questions également que je
20 voudrais poser à M. Kupreskic, ça ne va pas durer au-delà de deux, trois
21 minutes.
22 Il est vrai qu'en 1995, n'est-ce pas, vous avez acheté l'arme
23 sur la proposition de votre épouse ?
24 M. V. Kupreskic (interprétation). - Je n'ai pas acheté sur la
25 proposition de mon épouse, j'ai obtenu un fusil en 1995, je pense que
Page 11301
1 c'était en janvier 1995.
2 M. Blaxill (interprétation). - Nous avons vu l'arme, que
3 personnellement j'appellerai un fusil automatique Kalachnikov, qui a été à
4 votre épouse au cours de ce procès. Et vous-même, vous étiez présent.
5 S'agit-il de ce fusil, Monsieur Kupreskic, que vous aviez ? Celui qu'on a
6 montré à votre épouse au moment où elle a déposé ici.
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Probablement, je ne peux le
8 contester. Je ne connais pas les références, je ne sais pas comment se
9 présentait ce fusil ; que vous le croyiez ou non. Au moins de janvier,
10 quand je l'ai amené chez moi, par la suite je ne l'ai jamais pris, par
11 conséquent il n'y a aucune raison de perdre notre temps. De toute façon,
12 vous pouvez me montrer le fusil, c'est probablement ça, je ne le conteste
13 pas.
14 (L'huissier montre le fusil au témoin.)
15 M. Blaxill (interprétation). - Excusez-moi, nous perdons un
16 petit peu notre temps, mais est-ce que vous voulez bien quand même voir de
17 plus près ce fusil ? Est-ce que ce fusil vous rappelle quelque chose ?
18 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce fusil que j'ai eu en
19 1995, oui c'est quelque chose comme ça -je ne sais pas où est le problème-
20 une Kalachnikov que j'ai achetée.
21 M. Blaxill (interprétation). - Au moment où vous avez été arrêté
22 par les forces de la Sfor, vous avez dit qu'il s'agissait probablement de
23 cambrioleurs. Vous avez pris le fusil.
24 Je pense que l'huissier n'a plus besoin de tenir ce fusil, il
25 peut le remettre à sa place.
Page 11302
1 (L'huissier s'exécute.)
2 Vous avez dit, par conséquent, qu'il s'agissait de cambrioleurs,
3 n'est-ce pas ?
4 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, au moment où j'ai
5 entendu les tirs, puis il y avait un bruit également... D'abord, je me
6 disais que je rêvais, qu'il y avait encore la guerre qui recommençait. Et
7 puis, quand je me suis réveillé, j'ai pensé que c'était des cambrioleurs,
8 car nous avions subi quelques attaques, c'était en 1994, en 1997. Notre
9 maison a donc été attaquée à deux reprises, en 1995 et en 1997.
10 M. Blaxill (interprétation). - Vous avez dit que votre maison a
11 été attaquée. Comment, de quelle façon a-t-elle été attaquée ? Est-ce que
12 c'étaient par les militaires ou des cambrioleurs ? De qui s'agissait-il ?
13 M. V. Kupreskic (interprétation). - Il s'agissait de
14 cambrioleurs, de voleurs. J'avais une entreprise et ils pensaient
15 probablement que j'avais de l'argent sur moi. Chaque fois, ils enfonçait
16 la porte et ils cambriolaient la maison au moment où moi j'étais en voyage
17 d'affaires.
18 M. Blaxill (interprétation). - Je me souviens vous avoir entendu
19 dire, lors de l'interrogatoire principal, Monsieur Kupreskic, que vous
20 avez entendu des détonations au moment où les gens ont enfoncé -comme vous
21 l'avez dit- la porte et ont pénétré dans votre maison, lors de votre
22 arrestation. Vous avez entendu des détonations, n'est-ce pas ?
23 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai dit et je le reprécise
24 que j'ai eu l'impression que je rêvais, et que j'ai eu l'impression qu'il
25 y avait des détonations comme le 16 avril 1993. Il y avait beaucoup de
Page 11303
1 bruits, enfin cela tirait de tous les côtés. Je ne sais pas, mais c'était
2 quelque chose qui dépassait mon esprit. De toute façon je le redis, une
3 fois de plus, ce n'était pas indispensable, il y a des grenades qui ont
4 été d'abord jetées ; mon épouse est restée à l'intérieur. Donc des
5 grenades ont été jetées au rez-de-chaussée, c'est à côté de ma mère, alors
6 que ma mère dormait.
7 Heureusement, que ma mère n'était pas, à cette époque-là, à la
8 maison. Elle était chez ma soeur en Allemagne. C'est comme cela qu'elle
9 n'a pas été tuée. Imaginez-vous ce jour-là, le 17 décembre, deux fois j'ai
10 été en présence de ces gens-là. C'était comme un cirque.
11 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, sept jours
12 plus tard, ma famille...
13 Je vous en prie, Monsieur le Procureur, permettez-moi.
14 Ma famille a été visitée par le commandant Kufuk, avec son
15 interprète musulman, et je pense qu'il y avait aussi un autre membre ; ils
16 sont donc arrivés chez moi à la maison. Mon épouse les a reçus chez nous,
17 à la maison. Elle leur a même offert une boisson. Ils ont pris ce verre et
18 il a laissé cette carte de visite à mon épouse, je l'ai ici sur moi. Et il
19 avait dit, au moment où il m'a vu à Novi Travnik, au moment où il a vu les
20 documents, et quand il a vu de quoi il s'agissait il s'est excusé auprès
21 de ma famille. C'est tout ce qui me réjouit et qui me satisfait en ce
22 moment, c'est la carte de visite de ce commandant.
23 Merci. Encore une fois, chacun peut commettre des erreurs. Et
24 voilà.
25 M. Blaxill (interprétation). - Monsieur Kupreskic, je voudrais
Page 11304
1 tout simplement vous donner une proposition au sujet de votre commentaire.
2 Les soldats qui vous ont arrêtés, ont dit qu'il y a eu deux rafales qui
3 ont été tirées d'un fusil automatique. C'est vous qui avez tiré avant
4 d'être blessé, et avant d'être en sécurité en tant que prisonnier.
5 Est-il vrai que vous avez tiré et que c'étaient deux rafales
6 très brèves ?
7 M. V. Kupreskic (interprétation). - Non, ce n'est pas vrai parce
8 que je ne savais pas tirer. Je pense... je ne sais absolument pas tirer
9 des rafales... mais je pense que j'ai tiré effectivement. Mon épouse a
10 regardé et me l'a raconté. Je pense que j'ai tiré du côté du mur. De toute
11 façon, je ne savais pas tirer et j'ai eu peur ; au moment où j'ai tiré la
12 première balle, le fusil est presque tombé, il n'est pas vraiment tombé,
13 mais cela s'est passé en quelques secondes, et puis j'ai jeté le fusil.
14 Au moment où j'ai retrouvé conscience, quand ils m'ont mis sur
15 le canapé ces gens-là, j'ai tout de suite posé la question de savoir si
16 quelqu'un avait été blessé. Mais personne n'a été blessé, c'est un fait,
17 jamais dans ma vie je n'ai gardé un fusil dans mes mains. Et puis je ne
18 savais même pas ce que c'était un fusil. Mais je pensais que c'étaient des
19 cambrioleurs. Et c'est la raison pour laquelle j'ai posé la question :
20 mais pourquoi vous m'avez fait cela, il n'y avait aucun besoin d'agir
21 ainsi.
22 M. Blaxill (interprétation). - Merci, Monsieur Kupreskic.
23 En guise de conclusion, je voudrais vous poser quelques
24 questions. Vous avez dit que votre famille avait quelques problèmes avec
25 Sakib Ahmic, au sujet des frontières entre la terre qui est la vôtre et
Page 11305
1 que c'était également un homme qui n'était pas facile à vivre, et que
2 d'autres voisins avaient les mêmes problèmes.
3 M. V. Kupreskic (interprétation). - Ce n'est pas ma famille qui
4 avait des problèmes. Mon père a vécu en très bons termes. Il a fait des
5 problèmes non seulement à mon père, mais même vis-à-vis de ses voisins
6 musulmans. C'était quelqu'un qui n'était pas confortable à vivre. De toute
7 façon, en ce qui me concerne, je n'avais aucun problème avec lui parce que
8 ce n'est pas la terre qui m'intéressait, il y avait beaucoup d'autres
9 choses beaucoup plus intéressantes qui m'intéressaient, c'est pourquoi je
10 n'avais pas de problème avec lui.
11 M. Blaxill (interprétation). - Devant votre maison, ces jours-
12 ci, il y a quelque chose qui est en blanc, tout au moins sur la photo
13 aérienne. Est-il vrai qu'une fois que vous êtes retourné à Ahmici, une
14 surélévation, une colline a été enlevée, et que cela a donc été terrassé ?
15 Est-ce vrai ?
16 M. V. Kupreskic (interprétation). - Oui, c'est une colline qui
17 se trouvait juste devant la porte de mon magasin.
18 (Le témoin montre l'endroit.)
19 M. Blaxill (interprétation). – Oui. Où avez-vous enlevé et
20 déposé la terre ?
21 M. V. Kupreskic (interprétation). - J'ai déplacé cette terre
22 devant l'entrepôt, mais ce n'est pas la terre qui m'appartient ; je n'en
23 suis pas propriétaire. Ce sont les Ahmic, Latif et Atif Ahmic, qui en sont
24 propriétaires. Eux, ils m'étaient reconnaissants parce que c'est comme
25 cela que j'ai réussi à aménager le terrain, et c'est comme cela qu'ils ont
Page 11306
1 obtenu une meilleure qualité de la terre. Vous pourrez vérifier auprès
2 d'eux et ils vous diront que c'est véridique, ce que je dis, parce que
3 j''ai donné quelques milliers de Deutsche Marks pour le faire.
4 J'utilise actuellement ce terrain comme parking. Ils ne m'ont
5 jamais fait d'objection, au contraire. Ils m'ont été reconnaissants. Il y
6 a quelques jours, c'est mon épouse qui me l'a raconté, eux-mêmes, ils ont
7 déposé les ordures devant chez moi, et personne ne les a gênés. (expurgée)
8 (expurgée)
9 (expurgée) et lui également m'est
10 reconnaissant parce que j'ai pratiquement aménagé le terrain grâce à cette
11 terre que je lui avais portée.
12 M. Blaxill (interprétation). – Est-ce que, en résultat, vous
13 êtes parti une partie du terrain (expurgée) (?) ? Vous pouvez répondre
14 par oui ou non.
15 M. V. Krupeskic (interprétation). - Oui.
16 M. Blaxill (interprétation). – Merci.
17 M. V. Krupeskic (interprétation). – C'est une partie, une
18 section, effectivement, qui touche le terrain, l'espace (expurgée) Je me
19 souviens : lui, il s'est plaint à un moment donné, et nous avons envoyé
20 une machine ; nous avons balayé le terrain. Nous n'avions plus de
21 problèmes du tout.
22 M. Blaxill (interprétation). – Merci, Monsieur le Témoin, merci
23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges. J'aimerais que les
24 pièces à conviction P 377, 378, 379, 380 et 381 soient versés au dossier.
25 M. le Président (interprétation). – Y a-t-il une objection ?
Page 11307
1 M. Krajina (interprétation) – Non.
2 M. le Président (interprétation). – Nous allons donc verser ces
3 documents au dossier.
4 M. Blaxill (interprétation). – Merci, Monsieur le Président.
5 M. le Président (interprétation). - Avant de prendre la décision
6 à quel moment on fera la pause, avez-vous l'intention de contre-interroger
7 le témoin.
8 M. Krajina (interprétation) - Juste une question.
9 M. le Président (interprétation). – A ce moment-là, nous pouvons
10 le faire tout de suite. Je vous en prie, Maître Krajina.
11 M. Krajina (interprétation) – Monsieur Kupreskic, à la fin de
12 votre déposition, je vais tout simplement vous poser la question
13 suivante : auriez-vous vous-même quelques chose à dire sur laquelle on ne
14 vous a pas posé de questions ? Est-ce que, éventuellement, vous voulez
15 apporter quelques éclaircissements, déclarer quelque chose au sujet de
16 l'acte d'accusation et sur les preuves qui ont été avancées au cours du
17 procès ?
18 M. V. Krupeskic (interprétation). - Je voudrais tout simplement
19 remercier le Président, Madame et Monsieur les Juges de bien vouloir
20 suivre ce que j'ai eu à dire. Je pense que j'ai réussi à démontrer ce que
21 j'affirmais depuis le premier jour, à savoir que je ne suis pas coupable
22 et qu'aucune allégation n'est justifiée.
23 Vous vous souvenez que, la première fois, quand j'ai eu le droit
24 à la parole, quand j'ai dit que toutes les allégations à l'égard de moi-
25 même ne pouvaient pas être exactes parce que je n'avais ni intérêt, et je
Page 11308
1 n'avais même pas le courage d'entreprendre quoi que ce soit. J'ai même dit
2 que mes voisins Musulmans allaient confirmer ce que j'ai dit moi-même.
3 Mes avocats et moi-même, on n'avait aucune question que l'on
4 pourrait dire contestable au cours des entretiens avec le Procureur. Vous
5 savez que, moi, il y a un an déjà, j'ai découvert tous les documents que
6 je possédais. Je n'ai jamais eu peur de la vérité. Mais l'une des raisons
7 pour lesquelles je ne me suis pas rendu ici tout seul et de plein gré,
8 c'est probablement parce que je suis ici depuis 2 ans. Et vous voyez que
9 ce procès dure.
10 Ma famille et moi-même, nous souffrons beaucoup à cause de tout
11 ce qui se passe ici même. Et je vais vous demander, Monsieur le Président,
12 Madame et Monsieur les Juges, de m'aider, de me dire ce qu'il est
13 indispensable à entreprendre pour que mon avocat et moi-même, on puisse
14 vous prouver mon innocence.
15 Le Bureau du Procureur a été très correct vis-à-vis de nous,
16 mais que faut-il faire encore pour vous prouver que je suis innocent et
17 que je ne suis pas coupable ? Vous voyez que je ne peux pas tout vous
18 raconter, ce n'est pas possible.
19 Mais vous pouvez vous rendre à n'importe quel moment à Ahmici,
20 et vous pourrez voir dans mon magasin, chez moi à la maison ; vous verrez
21 que les Musulmans, les voisins, s'y rendent encore. Le témoin L -celui qui
22 m'avait accusé ici- m'a fait saluer par ma fille, et s'est renseigné sur
23 l'état de ma santé. Le témoin Q passe tous les jours devant chez moi ; il
24 ne regarde pas vraiment, parce qu'il en a honte, alors que le témoin qui a
25 été annoncé ce matin par le M. le Procureur, Musulman, Ahmic, passe à côté
Page 11309
1 de ma maison et s'arrête devant chez moi.
2 Mais je me pose la question : ce qui est contestable encore, je
3 suis profondément désolé de voir ce qui s'est passé à mes voisins et je le
4 condamne de toutes mes forces, mais comprenez-moi, je suis parent, chef de
5 famille, je suis malade, et je me pose la question de savoir comment j'ai
6 pu véritablement tenir le coup un an et demi en prison, alors que ce n'est
7 qu'après un an et 7 mois que j'ai eu cette possibilité de m'exprimer et de
8 dire que je ne suis pas coupable de toutes ces allégations qui font
9 l'objet de l'acte d'accusation.
10 Ma défense cet après-midi va avancer la proposition pour la mise
11 en liberté. Je pense que vous voudrez bien satisfaire à cette demande, à
12 cette requête, et je vous prie de comprendre. Les familles souffrent. Les
13 voisins musulmans, leurs familles souffrent, mais pourquoi ma famille
14 doit-elle souffrir ? Parce que nous sommes innocents à 100 %.
15 M. Krajina (interprétation) – Merci, Monsieur le Président.
16 M. le Président (interprétation). - Merci, la Chambre n'a pas de
17 questions à vous poser, Monsieur Kupreskic. Merci, Monsieur Kupreskic pour
18 votre déposition.
19 M. V. Krupeskic (interprétation). - Merci à vous.
20 M. le Président (interprétation). – Y a-t-il d'autres questions
21 éventuellement sur lesquelles on pourrait débattre avant de lever la
22 séance ? Y a-t-il d'autres questions, éventuellement ?
23 M. Susak (interprétation). - Bien évidemment, je pensais qu'il
24 ne fallait pas abuser de votre temps étant donné que nous n'avions pas
25 beaucoup de temps. C'est pourquoi je n'ai pas demandé non plus la mise en
Page 11310
1 liberté de Drago Josipovic.
2 Par conséquent, je serai très bref et je vous donnerai très
3 brièvement les motifs de cette proposition.
4 M. le Président (interprétation). - Je vous en prie.
5 M. Susak (interprétation). – Je pense en effet qu'il y a des
6 circonstances exceptionnelles qui justifieraient la décision de la Chambre
7 pour la mise en liberté de Drago Josipovic ; sa mère vient de décéder.
8 C'est le 6 mai de cette année qu'elle est décédée. C'est elle qui s'est
9 occupée des enfants de Drago Josipovic, et notamment de Nikola, qui est né
10 en 1984 et qui est en première année de l'école secondaire.
11 La mère des enfants, Slavica Josipovic, est chargée sur le plan
12 du travail. Elle est la seule qui gagne la vie et qui peut subvenir aux
13 besoins des enfants, et elle ne peut se consacrer suffisamment aux
14 enfants. Goran est né en 1979 ; il est en première année d'études à la
15 faculté des sciences économiques. Par conséquent, il est indispensable de
16 surveiller les enfants, sinon cela pourrait avoir une influence négative
17 ultérieurement.
18 Ils ont été très attachés à la grand-mère, au père, qui
19 s'occupait, et la mise en liberté de Drago Josipovic serait d'un grand
20 secours, d'un grand support, pour Goran et Nikola, qui vivent
21 difficilement l'absence de leur père.
22 Les circonstances exceptionnelles également se justifient par le
23 fait que tous les témoins ont été interrogés devant la Chambre en ce qui
24 concerne Drago Josipovic.
25 Par ailleurs, les témoins prévus par le Procureur ne se
Page 11311
1 rapportent pas à Drago Josipovic. Le procès est assez long, et comme on
2 peut le constater, la Chambre a déjà pris la décision de mettre en liberté
3 provisoire Drago Josipovic, et au moment où il est parti de La Haye à
4 Santici pour assister à l'enterrement de sa mère.
5 Drago Josipovic n'était pas sous le régime du contrôle spécial,
6 il s'est rendu à Santici, il y était et puis il est retourné dans le
7 quartier pénitentiaire de La Haye. Drago Josipovic est venu de plein gré
8 ici à La Haye, devant le Tribunal, et au moment où il a appris l'acte
9 d'accusation, il n'a pas changé le lieu de résidence.
10 Le Tribunal, je pense, est convaincu que Drago Josipovic est là,
11 il est présent, et qu'il ne pourra certainement pas présenter un danger,
12 ni pour une victime, ni pour un témoin, ni pour qui que ce soit.
13 C'est la raison pour laquelle nous proposons que la Chambre
14 prenne la décision par laquelle Drago Josipovic sera mis en liberté
15 provisoirement.
16 Cette proposition se fonde sur l'article 65 du Règlement de
17 Procédure et de Preuve. C'est tout, Monsieur le Président, merci.
18 M. le Président (interprétation). - Merci.
19 Le Procureur voudrait-il réagir ?
20 M. Blaxill (interprétation). - Très brièvement. La réalité très
21 malheureuse est que chaque fois que quelqu'un subit un procès, il se
22 trouve dans une situation dans laquelle la liberté lui est déniée pendant
23 le procès. C'est la règle générale ici étant donné la gravité des crimes
24 allégués dans ces procès. Les difficultés subies par les parents, les
25 enfants etc., sont un élément très regrettable qui accompagne ces procès.
Page 11312
1 En raison de cela, je dis, Monsieur le Président, Madame,
2 Monsieur les Juges, qu'il faut exercer la plus grande attention en
3 examinant les circonstances familiales ainsi qu'exceptionnelles invoquées
4 ici.
5 Je pense que l'exemple qui vient d'être évoqué au sujet de
6 M. Josipovic a à voir avec le fait que le décès d'un membre de la famille
7 s'est produit et que, bien entendu, l'accusé devait honorer sa mère et est
8 revenu au procès après cela.
9 Je pense cependant qu'à ce stade du procès, nous sommes... nous
10 allons aborder les arguments liés à M. Josipovic. Un grand nombre du
11 travail a déjà été effectué, sauf pour certains témoins généraux de
12 l'accusation ainsi que la réplique et la duplique.
13 Il a été dit ici que nous devions considérer des circonstances
14 exceptionnelles dans des situations de ce genre. Le verdict du Tribunal a
15 son importance, toute aussi exceptionnelle.
16 Des pressions énormes pèsent sur les accusés au moment où ce
17 verdict est imminent, notamment sur les personnes accusées des crimes les
18 plus graves. Donc les pressions s'exerçant sur eux pour les empêcher de
19 revenir à La Haye -c'est un facteur humain- sont nécessairement très
20 importantes.
21 L'autre facteur -je vous propose d'y réfléchir- c'est la réalité
22 de la difficulté... des difficultés vécues par certaines familles jusqu'à
23 ce jour. Mais ce ne sont pas des circonstances exceptionnelles à notre
24 avis, en tout cas s'agissant de quelques mois.
25 Je reprends à ce stade pour vous rappeler ce qu'a dit mon
Page 11313
1 collègue M. Terrier un peu plus tôt au sujet des demandes présentées par
2 Me Slokovic-Glumac et Me Radovic.
3 Il a dit que le Procureur avait une certaine expérience des
4 problèmes qu'il a rencontrés avec les autorités pertinentes en Bosnie-
5 Herzégovine. Nous ne prenons pas en compte uniquement la Croatie, je le
6 répète, qui est un Etat distinct, mais nous parlons bien des deux
7 composantes dans l'entité connue sous le nom de "Fédération de Bosnie-
8 Herzégovine", et ceci a son importance, s'agissant d'un personnage qui
9 représente l'Etat, ou l'une des composantes de ce pays.
10 En tant que telles, les assurances sont peut-être difficiles à
11 obtenir, en tout cas par la Chambre.
12 Voilà ce que je voulais dire, Monsieur le Président, Madame et
13 Monsieur les Juges, j'en ai terminé pour le moment.
14 M. le Président (interprétation). - Merci.
15 Y a-t-il d'autres arguments ?
16 Mme Glumac (interprétation). - Monsieur le Président, en rapport
17 avec ce texte que j'ai réussi à lire, que nous avons reçu de M. le
18 Procureur, je voudrais dire qu'il est question ici d'une personne qui a
19 pour fonction des fonctions d'agent de liaison d'un Etat et qui
20 n'accomplit pas bien son travail.
21 Je considère que c'est à la Fédération d'envoyer une autre
22 personne qui permettra un meilleur travail, car la personne dont il est
23 question ici ne pourra pas remplir sa responsabilité en termes
24 d'assurances à fournir au Tribunal.
25 Nous recevons l'information selon laquelle l'homme dont il est
Page 11314
1 question dans ce texte a perdu son emploi ici. C'est donc une information
2 nouvelle que nous vous transmettons.
3 Et un mot encore, si vous me le permettez, Monsieur le
4 Président, puisque nous atteignons la fin de cette audience. Lorsque nous
5 parlions de la forme des réquisitoires et plaidoiries, vous aviez dit que
6 vous souhaiteriez recevoir une sorte de résumé comportant quelques pages
7 qui présenteront donc notre point de vue sur les témoins qui ont été
8 entendus.
9 S'agit-il toujours d'un résumé ou bien convient-il que nous
10 préparions à la fois le résumé et les plaidoiries dans leur intégralité ?
11 M. le Président (interprétation). - Merci.
12 Nous souhaitions obtenir un plan de votre plaidoirie avec, si
13 possible, des références au compte rendu d'audience à l'appui de vos
14 affirmations. Quant au reste de la plaidoirie, l'intégralité de la
15 plaidoirie, elle sera présentée oralement. J'ai proposé cela pour
16 faciliter le travail des deux parties.
17 Bien entendu, vous avez toute liberté de rédiger un long
18 mémoire, mais compte tenu des problèmes de langue qui se posent -puisque
19 je suppose que vous rédigerez votre document en croate- cela présentera
20 sans doute quelques difficultés eu égard à la difficulté de traduire ce
21 texte en anglais ; j'ai pensé qu'il serait intéressant pour nous
22 d'entendre l'intégralité de votre plaidoirie oralement et de vous demander
23 uniquement un plan par écrit.
24 Bien entendu, vous disposerez d'une semaine de plus que
25 l'accusation pour pouvoir répondre aux éléments figurant dans ce résumé du
Page 11315
1 Procureur.
2 Maître Par ?
3 M. Par (interprétation). - Je vous prie de m'excuser mais
4 j'aurais une question technique à évoquer, en rapport avec les témoins
5 dont le Procureur a annoncé qu'il allait les citer à comparaître dans la
6 phase ultérieure du procès.
7 Je n'ai pas bien compris si le Procureur, eu égard à ces
8 témoins, allait nous communiquer de nouvelles déclarations préalables.
9 Dans notre cas particulier, le Procureur a fait savoir l'identité de l'un
10 des témoins qui est un enquêteur du Tribunal et qui a effectué un certain
11 nombre de mesures sur le terrain, en rapport avec les déclarations d'un
12 témoin de la défense présenté par nous.
13 Donc ce que nous aimerions savoir, c'est si le Procureur a
14 l'intention de nous communiquer les mesures effectuées par le travail de
15 cet enquêteur, de façon à ce que nous puissions préparer des preuves en
16 réplique.
17 Le Procureur nous a également annoncé qu'il va citer un témoin,
18 un autre témoin, dont nous avons déjà une déclaration préalable qui a été
19 recueillie il y a un an ou deux. Donc, au cas où le Procureur disposerait
20 d'une nouvelle déclaration de ce témoin, nous aimerions savoir s'il a
21 l'intention de nous la communiquer de façon à nous aider à réagir à cette
22 déposition. C'est ce que nous ne savions pas, c'est la raison pour
23 laquelle nous intervenons pour demander des renseignements à ce sujet.
24 M. le Président (interprétation). - Oui, merci Maître Par.
25 Maître Blaxill ?
Page 11316
1 M. Blaxill (interprétation). - Notre interprétation de la
2 situation, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, c'est que
3 si nous présentons des témoins en réplique et duplique, c'est un peu comme
4 un nouveau mini-procès. L'article 66 donc renvoie la balle et nous devons
5 produire tous les éléments liés au témoin que nous avons l'intention de
6 citer.
7 C'est de cette façon que nous avons l'intention de procéder. Et
8 ce que nous avions déjà en notre possession a déjà été communiqué. Bien
9 entendu, s'il y a encore des découvertes faites par l'enquêteur, les
10 résultats seront communiqués immédiatement à la défense.
11 Comme je l'ai déjà dit -et je le répète- nous allons procéder
12 comme si nous reprenions l'article 66 pour l'appliquer une nouvelle fois
13 et toute communication sera faite eu égard à toutes les personnes que nous
14 avons l'intention de citer à la barre des témoins.
15 M. le Président (interprétation). - Excellent. Donc vous
16 accorderez sans doute à la défense quelques semaines avant de reprendre ?
17 M. Blaxill (interprétation). - Oui, s'il y avait un élément qui
18 devait repousser nos travaux de plusieurs semaines et que nous nous voyons
19 obligé d'accorder deux semaines à la défense, malheureusement nous le
20 ferons vu la nature de cette procédure, mais si tout va bien nous pourrons
21 poursuivre.
22 Un des témoins, M. McLeod a fait l'objet d'un rapport qui est
23 déjà entre les mains des deux parties. Les autres documents ont été
24 communiqués. Donc j'espère pouvoir lever tout doute éventuel dans l'esprit
25 de M. Par.
Page 11317
1 M. le Président (interprétation). - Maître Par s'inquiétait
2 particulièrement de toute nouvelle déclaration préalable d'un quelconque
3 témoin que vous souhaiteriez citer.
4 M. Blaxill (interprétation). - Il s'agissait, je crois, surtout
5 de l'enquêteur, car nous avions fait référence à des enquêtes, et il
6 souhaitait savoir s'il disposerait des résultats de ce travail.
7 Nous approchons maintenant des audiences du mois de septembre.
8 Donc tout travail nouveau dans ce domaine devrait s'achever à la mi-août
9 ou à la fin août ou même avant.
10 Bien entendu, cela dépend de la logistique de la mission sur le
11 terrain, mais si de nouveaux éléments apparaissent ils seront communiqués.
12 M. le Président (interprétation). - Merci, très bien.
13 Nous sommes maintenant en mesure de lever l'audience et nous
14 suspendons jusqu'au 27 septembre, à 9 heures.
15 La séance est levée à 16 heures 15.
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25