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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-95-16-T
2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE
3 Jeudi 11 novembre 1999
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5 L'audience est ouverte à 9 heures 35.
6 Mlle Lauer. - Affaire IT-95-16-T, le Procureur contre Zoran Kupreskic,
7 Mirjan Kupreskic, Vlatko Kupreskic, Drago Josipovic, Dragan Papic et
8 Vladimir Santic.
9 M. le Président (interprétation). - Merci. Bonjour.
10 J'aimerais commencer par vous prier de m'excuser pour ce regrettable
11 retard. En effet, hier, j'avais dit très clairement que nous commencerions
12 à 9 heures du matin, mais il y a sans doute eu un malentendu.
13 Et puis, j'aimerais vous dire également que notre horaire à partir de
14 maintenant sera le suivant. Nous aurons une première pause à 11 heures 5,
15 cette pause durera jusqu'à 11 heures 20, donc ce sera une pause très
16 courte, j'en suis désolé. Nous reprendrons nos travaux à 11 heures 20 pour
17 entendre Me Puliselic qui ne dispose que d'une heure, c'est-à-dire jusqu'à
18 12 heures 20. Après quoi, nous aurons une pause de dix minutes et nous
19 reprendrons à nouveau à 12 heures 30 jusqu'à 14 heures. C'est un horaire
20 assez chargé, j'en suis désolé, mais nous ne pouvons pas travailler
21 autrement.
22 Je crois que c'est le tour de Me Radovic, n'est-ce pas ?
23 M. Radovic (interprétation). - Monsieur le Président, j’ai une question à
24 vous poser. Nous avons hier proposé une mise en liberté provisoire
25 oralement alors que les défenseurs du troisième accusé ont présenté cette
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1 même requête par écrit. Cela signifie-t-il que nous devrions déposer notre
2 demande par écrit ou bien une demande orale suffit-elle ? Voilà ce que je
3 voulais vous demander, Monsieur le Président.
4 M. le Président (interprétation). - Votre proposition, votre demande orale
5 suffit. Et je tiens à vous dire que nous avons examiné avec le plus grand
6 soin les trois requêtes : une requête orale, deux requêtes écrites
7 demandant une remise en liberté de Zoran, Mirjan et Vlatko Kupreskic.
8 Et nous rendons notre décision en disant que ces requêtes sont rejetées
9 compte tenu de l'absence de circonstances exceptionnelles prévues à
10 l'article 65 du Règlement.
11 J'ajouterai par ailleurs que l'idée évoquée par Mme la Présidente McDonald
12 devant l'assemblée générale et le Conseil de sécurité à New York, idée qui
13 repose sur une proposition émanant du groupe d'experts qui a récemment
14 visité les installations du Tribunal, cette proposition porte sur la
15 possibilité d'autoriser une remise en liberté provisoire au début des
16 procédures, c'est-à-dire au niveau de la comparution initiale.
17 Si cette proposition est acceptée par les Nations Unies, l'accusé, tout
18 accusé qui s'est rendu de son plein gré au Tribunal peut, au moment de la
19 comparution initiale, demander une mise en liberté provisoire.
20 Je dis bien que ceci se situe dans l’hypothèse où la proposition est
21 acceptée par la plénière des Juges. Mais en tout état de cause, cette
22 proposition ne concerne donc pas les personnes qui sont déjà ici en
23 détention et dont le procès a déjà commencé. Or, ici, nous en sommes au
24 terme du procès, donc c'est une étape très tardive pour une telle requête.
25 Je propose à présent de donner la parole à Me Susak. C'est bien votre
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1 tour, n'est-ce pas ?
2 M. Susak (interprétation). - Merci, Monsieur le Président. Oui vous avez
3 raison.
4 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, le collègue de
5 l'accusation Drago Josipovic est jugé ici devant ce Tribunal et c'est avec
6 un grand espoir que je dis croire que la vérité et la justice seront
7 établies à l'issue de ce procès.
8 Drago Josipovic est poursuivi sur la base de l'Acte d'accusation établi le
9 9 février 1998 dans lequel il est stipulé que l'accusé a commis des crimes
10 à Ahmici et dans les environs, dans la période allant d'octobre 1992 à
11 mai 1993. Dans le reste de l'Acte d'accusation, il est stipulé que pendant
12 cette période, entre le HVO et les représentants du gouvernement de
13 Bosnie-Herzégovine, un conflit a éclaté donc, comme je l'ai dit, dans
14 cette période qui s'étend d'octobre 1992 à mai 1993.
15 Par ailleurs, il est stipulé dans l'Acte d'accusation que le
16 16 avril 1993, le HVO a attaqué Vitez et un certain nombre de villages et
17 qu'il s'agissait d'une action coordonnée au plus haut niveau impliquant
18 plusieurs centaines de soldats du HVO. Drago Josipovic est évoqué dans
19 l'Acte d'accusation comme étant responsable de persécutions décrites aux
20 paragraphes 9, 10, 20 et 21 de l'Acte d'accusation modifié. Et cette
21 action est considérée comme un crime contre l'humanité.
22 Par ailleurs, Drago Josipovic est accusé d'avoir, avec Santic, attaqué
23 Muzafer Puscul le 16 avril 1993. Il est accusé d'avoir emmené sa famille
24 hors de sa maison et d'avoir tué, avec l'accusé Santic, Mustafa Puscul.
25 L'Acte d'accusation indique que Drago Josipovic et Vladimir Santic ont
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1 commis cet acte en compagnie d'autres soldats. Ceci est indiqué dans
2 l'Acte d'accusation comme étant un crime contre l'humanité et en même
3 temps comme étant une infraction aux lois et coutumes de la guerre.
4 J'indique d'emblée que rien n'indique que Drago Josipovic ait commis l'un
5 quelconque des actes figurant dans l'Acte d'accusation modifié. Il est
6 exact qu'un certain nombre d'éléments de preuve ont été présentés et au
7 cours de mon intervention, je vais me concentrer sur les parties
8 pertinentes de l'Acte d'accusation. Et je parlerai des témoins de
9 l'accusation, des témoins de la défense mais également des témoins de la
10 Chambre.
11 Bien entendu, je vais m'efforcer d'être aussi bref que possible et de ne
12 pas me répéter s'agissant des éléments et des événements qui ont déjà été
13 évoqués par mes confrères dans leur plaidoirie.
14 La Chambre a entendu des témoignages directs et indirects, ce qui doit lui
15 permettre de rendre un verdict conforme à la loi et équitable. Sur la base
16 de l'appréciation des Juges, les allégations retenues contre l'accusé, la
17 signification de ces allégations et le poids de ces allégations seront
18 évalués. S'agissant de cela, il importe de dire que l'aggravation des
19 rapports entre les Musulmans et les Croates a été due à une situation liée
20 à la guerre en Croatie. C'est Svonimir Cilic et Vlado Alilovic, deux
21 témoins, qui l'ont indiqué.
22 Par rapport aux Serbes, a été créée à ce moment-là la communauté croate
23 d'Herceg-Bosna en novembre 1991, et au printemps de l'année suivante, le
24 HVO et sa composante militaire ont été créés également. Le premier conflit
25 entre les Croates et les Musulmans a éclaté le 20 octobre 1992 et un
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1 certain nombre de témoins, tel que Fahrudin Ahmic, Abdullah Ahmic,
2 Mehmed Ahmic, Svonimir Cilic et Vlado Alilovic l'ont bien indiqué dans
3 leur déposition.
4 Il ressort de leur déposition que sur la route entre Vitez et Novi Travnik
5 a été érigé un barrage sur ordre du commandement suprême des forces armées
6 musulmanes d'Ahmici avec l'aide d'un certain nombre d'unités
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8 de Vhrovine. Cette route, cette voie de communication entre Vitez et
9 Novi Travnik avait une importance stratégique pour le HVO. C'est ce qu'ont
10 dit entre autres Brian Watters, un témoin, le général de l'armée de
11 Bosnie-Herzégovine Sefer Alilovic également, ainsi que Asim Dzambasovic
12 qui a été entendu au titre de témoin expert au cours de ce procès.
13 Ce premier conflit a une certaine importance pour Drago Josipovic
14 s'agissant d'un certain nombre de conclusions qu'il est possible d’en
15 tirer, eu égard au fait de savoir s'il faisait partie ou non du HVO.
16 En effet, le Procureur dans ses réquisitions a été catégorique en disant
17 que Drago Josipovic était membre actif du HVO, et il a même indiqué qu'il
18 était membre actif de la réserve de l'armée. Ces catégories ne sont pas
19 très nettes à mes yeux, très compréhensibles à mes yeux, et à cet égard,
20 je dirai qu'au cours du premier conflit, l’étable de Drago Josipovic a été
21 incendiée.
22 Le témoin CA, une femme musulmane a déclaré avoir éteint l'incendie dans
23 l'étable de Drago Josipovic en ajoutant qu'un certain nombre de Musulmans,
24 Avdo Becirevic, Asim Ahmic et Fahrudin Ahmic avaient éteint l'incendie
25 avec elle. Ce fait a son importance. En effet, il permet d'en tirer des
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1 conclusions et des appréciations très claires quant au fait que Drago
2 Josipovic n'a pas participé au premier conflit, qu'il n'était pas membre
3 actif du HVO et qu'à cette époque-là, il n'était pas mobilisé dans les
4 rangs du HVO. Par ailleurs, ce fait indique également que, y compris au
5 cours de la guerre, Drago Josipovic entretenait de bonnes relations avec
6 ses voisins Fahrudin Ahmic, le témoin CA et le témoin CB.
7 Après le premier conflit, des pourparlers ont eu lieu qui ont un rapport
8 avec Drago Josipovic. Au cours de ces pourparlers, il a été question du
9 retour des Musulmans à Ahmici ainsi que de la restitution des armes.
10 Il est bien connu dans l'histoire que la partie qui perd une guerre doit
11 restituer ses armes. Le fait que cet accord ait été conclu ressort de la
12 déposition du témoin Abdullah Ahmic, du témoin B, du témoin I, du
13 témoin FF et du témoin Q.
14 Le témoin expert de la Chambre, Asim Dzambasovic, nous a également aidés
15 sur ce point. En effet, il a déclaré que deux parties au conflit peuvent
16 s'entendre pour que l'une d'entre elles restitue ses armes. Dans le
17 contexte de ce dont nous parlons, il convient de mentionner le fait que
18 Fahrudin Ahmic s’est fait retirer ses armes. Le témoin CA a dit au cours
19 de sa déposition que Fahran Ahmic a trouvé un certain nombre d'armes dans
20 la caserne qui appartenaient auparavant à la JNA, donc ces armes ont été
21 trouvées après la reprise de cette caserne, des éléments de fusil et Drago
22 Josipovic et Fahran Ahmic se sont saisis de ces éléments de fusil pour
23 fabriquer un seul et unique fusil qu'ils partageaient.
24 Nenad Santic aurait repris ce fusil à Fahran Ahmic, d'après le témoin,
25 mais elle n'a pas dit à qui Nenad Santic a donné cette arme. Et si nous
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1 écoutons le témoin CB qui a également déclaré que Nenad Santic avait
2 repris son arme à Fahran Ahmic, nous devons comparer cette déposition avec
3 celle de M. Bralo qui dit que cette arme a été donnée à Nikica Grebenar,
4 qui répartissait les hommes dans les patrouilles de garde responsables de
5 ce quartier de Zume. Sur la requête de Fahran Ahmic, ce fusil a été remis
6 à Drago Josipovic. Anto Bralo l'a dit, effectivement et cela a été
7 confirmé par les témoins Frano Kovac et le témoin DH.
8 Le témoin CB a indiqué que le fait qu'on ait trouvé cette arme chez Drago
9 Josipovic n'a pas nui à leurs rapports, n'a pas créé une quelconque
10 tension entre les deux familles. Elle ajoute en outre que Drago Josipovic
11 venait souvent rendre visite à Fahran Ahmic et vice-versa, donc cette
12 décision était leur décision. Le témoin CB qui a assisté à ces
13 conversations affirme que Drago Josipovic a rendu cette arme.
14 Je considère qu'au moment où le fusil a été pris après le premier conflit,
15 Drago Josipovic ne savait pas ce qui allait se passer au mois d'avril de
16 l'année suivante. Il n'avait aucune intention d'effrayer qui que ce soit
17 avec cette arme et j'ajoute que le témoin CB a indiqué que ce fusil a été
18 pris avec un certificat et qu'il a ensuite été remis aux patrouilles de
19 gardes villageoises. Il a donc été destiné à un usage officiel, c'est-à-
20 dire à l'utilisation des patrouilles villageoises et sur la base d'un
21 accord avec celui qui la possédait.
22 Je considère que ce fait ne peut pas être retenu contre Drago Josipovic.
23 Quant au fait qu'il portait un uniforme, il ne suffit pas à signifier, à
24 prouver que Drago Josipovic aurait commis un crime quelconque.
25 L'affirmation du Procureur selon laquelle il n'y avait pas de membres de
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1 l'armée de Bosnie-Herzégovine à Ahmici est inexacte. Cette affirmation du
2 Procureur contredit les dépositions des témoins C, M, V et Z, ainsi que la
3 déposition du témoin Asim Dzambasovic et Abdullah Ahmic.
4 La 325ème brigade de Vitez avait son propre commandement et Abdullah Ahmic
5 a déclaré que les troupes étaient sous ce commandement. Le témoin V
6 affirme qu'elle a vu des groupes organisés de l'armée de Bosnie-
7 Herzégovine à Ahmici, ce qui est confirmé par les données que l'on trouve
8 dans son journal intime.
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10 Le témoin Y a déclaré que les représentants du quartier général de la
11 325e Brigade de l'armée de Bosnie-Herzégovine, après le 20 octobre 1992,
12 sont revenus à Ahmici pour contribuer à l'organisation des combats. Ce
13 témoin déclare également qu'un certain nombre d'habitants ont pris des
14 positions dans Ahmici au voisinage de la mosquée, le 16 avril 1993.
15 Le Procureur, lui, affirme que Drago Josipovic était un soldat membre du
16 HVO, et il le dit sur la base du fait que Drago Josipovic aurait été
17 membre des gardes villageoises. Si nous écoutons Zvonimir Cilic, nous
18 constatons qu'avant la création du HVO, il existait des patrouilles
19 villageoises. Ces patrouilles villageoises étaient au départ des
20 patrouilles conjointes auxquelles participaient des Musulmans et des
21 Croates. Et après le premier conflit, celui du 20 octobre 1992, les
22 patrouilles se sont séparées, divisées, dissociées.
23 Un témoin déclare que les Musulmans ont créé leur gouvernement distinct.
24 Le témoin Zvonimir Cilic déclare cela, donc que ce gouvernement a été créé
25 en juillet 1992 et que le commandement a, plus tard, au cours de la même
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1 année, créé une force de police distincte également. Donc il y a eu plus
2 tard deux armées et deux polices.
3 La garde villageoise de Santici a été créée spontanément par les
4 habitants, ce qui est confirmé par les dépositions. Ces gardes
5 villageoises avaient une hiérarchie horizontale et une hiérarchie
6 verticale, ce qui ressort de la déposition du témoin Mehmed Ahmic, Vlado
7 Alilovic, Zvonimir Cilic, Abdullah Ahmic ; et le témoin DA affirme que les
8 gardes villageoises n'avaient pas de structure officielle et qu'elles
9 n'avaient pas non plus de commandement. Le témoin Rudo Kuvenja confirme
10 cette déposition en indiquant que des volontaires faisaient partie de ces
11 gardes villageoises.
12 Et si nous écoutons la déposition du colonel Blaskic, nous constatons que
13 ces gardes villageoises ne dépendaient pas de l'armée. En d'autres termes,
14 les ordres destinés à l'armée n'étaient pas destinés aux patrouilles de
15 gardes villageoises. Donc l'affirmation du Procureur selon laquelle les
16 gardes villageoises dépendaient du HVO ne tient pas.
17 Je crois en avoir terminé sur ce point particulier et je voudrais à
18 présent en aborder un autre, à savoir les menaces contre Aladin Karahoda.
19 Le témoin Z et le témoin BB accusent Drago Josipovic, dans la nuit du 15
20 au 16 avril, d'avoir enfermé un gardien, Aladin Karahoda, dans le centre
21 de garde établi dans l'entrepôt de Santic. Ces deux témoins déclarent
22 avoir entendu cela de la bouche d'Aladin Karahoda.
23 Je me dois de dire d'emblée que, dans ses réquisitions, le Procureur ne
24 s'est appuyé que sur certains segments de la déposition de ces témoins. Je
25 considère pour ma part que la recherche de la vérité ne peut se faire de
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1 façon satisfaisante que lorsque toutes les circonstances atténuantes
2 pouvant profiter à l'accusé ainsi que toutes les circonstances aggravantes
3 qui nuisent à l'accusé sont prises en considération.
4 La déposition du témoin Z montre que Drago Josipovic ne se trouvait pas au
5 voisinage de l'entrepôt Ogrev. Il affirme qu'avec Galib Imsirevic il était
6 de garde cette nuit-là. Il dit d'ailleurs que cette patrouille était
7 renforcée et qu'elle avait un rayon de circulation plus important. Sa
8 maison se trouve sur la route à vingt mètres à peine de la maison de Drago
9 Josipovic. Mais en face de sa maison, je parle du témoin Z, se trouve une
10 route goudronnée et, de l'autre côté encore, l'entrepôt Ogrev.
11 La maison du témoin est un peu retirée de la route, séparée d'elle par une
12 barrière de 8 centimètres sur 5 centimètres d'épaisseur. Donc, si comme
13 cela était dit, la garde villageoise a travaillé jusqu'à 2 heures du
14 matin, il aurait été possible de voir Drago Josipovic et les hommes qui
15 l'accompagnaient passer sur la route, franchir le champ, franchir la
16 barrière et franchir encore quelques mètres pour entrer dans l'entrepôt.
17 Le témoin Z a ajouté d'ailleurs avoir gardé au cours de cette patrouille
18 le père de Galib Imsirevic, sa maison, jusqu'à 2 heures du matin. Le
19 Procureur n'a pas tenu compte de cette déposition en ne tenant pas compte
20 du fait que des éléments très clairs dans cette déposition indiquent que
21 Drago Josipovic ne se trouvait pas dans l'entrepôt cette nuit-là. Et ce
22 n'est pas tout.
23 Dragan Calic, un autre témoin, a indiqué qu'Aladin Karahoda était gardien
24 dans cet entrepôt et qu'il avait pour tâche, pour mission, de garder ce
25 bâtiment jusqu'au 18 avril 1993 c'est-à-dire jusqu'à l'arrivée du
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1 contremaître le lendemain matin. Je pense que ce qui indique qu'Aladin
2 Karahoda n'est pas sorti du bâtiment, c'est la peur qui était la sienne.
3 En effet, le témoin Z a déclaré qu'après les tirs il était chez lui à la
4 maison et que c'est seulement après 8 heures que, pour des raisons de
5 sécurité, il s'est rendu dans la maison de Vlado Santic, et qu'il n'est
6 pas sorti de cette maison jusqu'à l'arrivée des forces de la Forpronu à
7 15 heures 30 environ.
8 Il déclare avoir vu Aladin Karahoda dans la cour de l'entrepôt, faisant
9 des gestes de la main. Le témoin André Kujawinski a déclaré également
10 qu'Aladin Karahoda a quitté la cour pour arriver jusqu'à la route où se
11 trouvaient les forces de la Forpronu. Ce témoin déclare d'ailleurs que
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13 Aladin Karahoda s'est faufilé sous la balustrade, ce qui ne peut être
14 exact puisque le grillage allait jusqu'au sol mais c'est un élément tout à
15 fait secondaire.
16 La déposition de Dragan Calic et les photographies, dont je vais parler,
17 ont été examinées par les Juges et sont confirmées par une cassette
18 vidéo : on voit qu'un homme de plus de 100 kilos, y compris, aurait pu
19 franchir ce grillage en l'enjambant compte tenu de la configuration de
20 cette balustrade. Et la maison du gardien, chacun a pu le voir sur les
21 photographies et sur la vidéo, a une porte en verre et trois fenêtres dont
22 l'une regarde vers l'est, l'autre vers l'ouest et la troisième vers le
23 sud.
24 Sur la base de la déposition d'Ivan Vankovic notamment, il ressort que
25 c'est du côté est de l'entrepôt que l'on trouve les maisons d'Asim Ahmic
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1 et de Mujo Ahmic, -et je ne vais pas énumérer les autres maisons qui se
2 trouvent plus loin- alors qu'à l'est, se trouve la maison de
3 Avdo Becirevic. Ce qui implique qu'Aladin Karahoda avait toutes
4 possibilités de sortir de la maison du gardien à tout moment pour se
5 diriger vers des maisons dont les propriétaires avaient la même
6 appartenance ethnique que lui.
7 La déposition de Dragan Calic, et je rappelle qu'elle est confirmée par
8 une cassette vidéo, indique par ailleurs que dans la cour de l'entrepôt,
9 il est possible de pénétrer par deux entrées mais qu'une des deux entrées
10 est toujours fermée. Or c'est celle qu'a franchie Aladin Karahoda. Donc ce
11 serait un petit peu comme si quelqu'un sortait d'une maison par la
12 cheminée plutôt que d'utiliser la porte. Il aurait pu sortir par la
13 première porte car elle possède une porte qui était ouverte. Mais c'était
14 un homme jeune en bonne santé, de 27 ans, qui n'était pas très lourd. Donc
15 quand il a vu les forces de la Forpronu, il pouvait sortir sans
16 difficultés.
17 Le témoin Z n'a pas raison de dire que cet homme a été enfermé et qu'il
18 tremblait. Pourquoi ? Parce que les deux hommes se sont comportés de la
19 même façon. Le témoin Z s'est évanoui, comme le disent le témoin BB et le
20 témoin Z lui-même, lorsque les véhicules de la Forpronu sont apparus ; il
21 s'est évanoui de peur et il s'est retrouvé à l'hôpital de Novi Travnik. Le
22 témoin Z a interprété les faits en disant qu'Aladin Karahoda avait été
23 enfermé dans la maison du gardien en interprétant cela sur la base de la
24 peur.
25 Enfin nous avons ici une spécificité qui traverse toute l'affaire du
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1 client Drago Josipovic. Comme dans tous les autres cas, le témoin BB a été
2 interrogé par les enquêteurs du Procureur et dans ce cas-là, elle n'a pas
3 mentionné Aladin Karahoda. De même, le témoin Z a été interrogé par
4 l'enquêteur du Procureur le 11 juillet 1997 pendant deux jours. Il a
5 également fait une déposition au poste de police de Zenica de le
6 2 février 1998 et, le 10 mai 1998 seulement, il a mentionné le cas-là
7 d'Aladin Karahoda.
8 Ce qui signifie que le témoin Z et le témoin BB, une fois que l'Acte
9 d'accusation a été daté et officiellement publié par le Tribunal et que
10 Drago Josipovic s'est trouvé à La Haye, ont fait des dépositions devant le
11 Tribunal en disant, en affirmant qu'Aladin Karahoda avait été enfermé à
12 clef dans cet entrepôt par Drago Josipovic.
13 Je dois mentionner également que dans les deux cas, il s'agit d'un témoin
14 de deuxième main. Et on pourrait se poser la question si cette déclaration
15 pourrait faire partie des éléments de preuve admissibles. L'histoire de
16 guerre d'Aladin Karahoda me rappelle des histoires de chasse. Cela n'est
17 pas du tout convaincant et j'estime que Drago Josipovic cette nuit là ne
18 se trouvait pas dans cet entrepôt ; fait qui implique qu'il n'a guère
19 enfermé à clef Aladin Karahoda, qu'il ne l'avait pas menacé et qu'il ne
20 l'avait pas privé de son pistolet.
21 Je dois ajouter également que l'assertion du Procureur n'est pas exacte à
22 savoir celle où il avait dit que cette maison de Drago Josipovic se
23 trouvant de l'autre côté de la route et une cour se trouvant entre les
24 deux font que ce poste de garde de l'entreprise Ogrev se trouvait du côté
25 opposé de la cour.
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1 Ce qui signifie que la maison de Drago Josipovic se trouve à plus de
2 100 mètres de ce poste de garde. Cela peut être nettement aperçu sur la
3 bande vidéo où l'on voit qu'il y a une distance de plus de 100 mètres
4 entre les deux. Ce qui fait qu'Aladin Karahoda ne pouvait pas redouter
5 Drago Josipovic pour ce qui est du moment où il sortirait de la maison,
6 puisqu'il sortait de l'autre côté par rapport au côté où se trouvait la
7 maison de Drago Josipovic.
8 Je me propose maintenant de passer au point où il s'agit du meurtre de
9 Muzafer Puscul et de sa famille. Je dois dire tout de suite que
10 Drago Josipovic n'a pas commis l'acte qui lui est imputé. Il n'avait ni
11 l'intention ni la connaissance de ce qui s'est passé avec Muzafer Puscul,
12 ce qui implique qu'il ne peut pas être considéré comme responsable aux
13 termes de l'article 7 du Règlement.
14 Pour ce qui est des dires du témoin EE, ces dires sont tout à fait
15 problématiques et pas du tout convaincants. Cette femme a à plusieurs
16 reprises modifié ses déclarations ; certaines d'entre elles sont tout à
17 fait contraires aux précédentes et ces déclarations sont contraires à
18 celles des autres témoins qui ont été interrogés ici devant le Tribunal,
19 devant cette Chambre.
20 LUN5*
21 Pour ce qui est de la suite, je voudrais me référer aux différences les
22 plus grandes, les divergences les plus grandes entre ce qui a été déposé
23 ici devant la Chambre et les déclarations qu'il avait faites auparavant.
24 En fait, je dois mentionner seulement une phrase en guise d'introduction,
25 à savoir qu'elle a témoigné à charge de Drago Josipovic en disant qu'avec
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1 Drago Santic il avait brûlé leur maison, tué Muzafer Puscul et les avait
2 emmenés de force de leur logis.
3 Le témoin EE, à l'occasion de l'audience du 8 octobre 1998, avait reconnu
4 à la porte de sa maison Zeljko Livancic, Marinko Katava. Et elle mentionne
5 Stipo Alilovic aussi, Karlo Cerkez. Toutefois, si l'on considère la
6 déclaration du 14 mai 1993 qu'elle avait faite au centre de sécurité de
7 Zenica, elle avait dit qu'il y avait Stipo Alilovic, Zeljko Livancic,
8 Vlado Santic et Drago Josipovic. Elle ne mentionne pas Cerkez et ne
9 mentionne pas Katava.
10 En fonction de la déclaration du 20 mars 1993, qu'elle a faite au Tribunal
11 de Zenica, elle dit avoir vu Zeljko, Alilovic, Santic, Kristo et Cerkez.
12 En fonction de la déclaration du 1er février 1992 qu'elle avait faite aux
13 enquêteurs du bureau du Procureur, elle avait dit qu'elle avait vu Zeljko
14 Livancic, Stipo Alilovic, Drago Josipovic, Marinko Katava et Karlo Cerkez
15 et elle ne mentionne pas Vlado Santic. Dans sa déclaration du 31 juillet
16 1996 et 1er août 1996, qu'elle avait faite devant les enquêteurs du bureau
17 du Procureur, elle avait vu Stipo Alilovic, Vlado Santic, Drago Josipovic,
18 Marinko Katava, Karlo Cerkez et Zeljko Livancic.
19 La témoin EE n'est pas conséquente dans sa description des personnes qui
20 l'avaient emmenée, qui avaient emmené son mari hors de la maison. Dans
21 l'audition du 8 octobre 1998, elle avait affirmé que Zeljko Livancic et
22 Vlado Santic avaient emmené son mari à l'extérieur. Dans la déclaration au
23 centre de sécurité de Zenica en date du 14 mai 1993, elle avait dit que
24 Stipo Alilovic avait ordonné à Zeljko Livancic d'emmener Muzafer Puscul et
25 que c'est Livancic qui l'avait emmené derrière la grange et qu'elle avait
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1 par la suite entendu des coups de feu.
2 Selon la déposition devant les enquêteurs du Tribunal, en date du
3 1er février 1995, il découle que Stipo, Zelkjo Livancic, Vlado Santic,
4 Drago Josipovic et Marinko Katava avaient emmené Muzafer Puscul derrière
5 la grange. Et dans sa déclaration faite le 31 juillet 1996 et le 1er août
6 96, il découle que Muzafer Puscul avait été emmené par Zelkjo Livancic et
7 Vlado Santic.
8 Monsieur le Président, je ne voudrais pas énumérer davantage les
9 divergences qui apparaissent et qui sont fort nombreuses. Je ne ferai que
10 mentionner, que citer le cas de Marinko Katava. Contre Marinko Katava, il
11 avait été procédé à une requête de retrait de l'Acte d'accusation. Le
12 Tribunal l'a confirmée et cela importe pour deux raisons. Les déclarations
13 du témoin EE ne sont pas conformes à la vérité et ce témoin ne devrait pas
14 bénéficier de la foi du présent Tribunal.
15 Je me propose de citer une question, qui est celle de savoir si, sur une
16 déclaration d'un témoin, il peut être prononcé une sentence de
17 culpabilité. Et ce n'est pas sur les dires d'un seul témoin que l'on peut
18 se prononcer sur la culpabilité d'un accusé ou pas. Et d'autant plus qu'il
19 y a des divergences entre ces déclarations-ci et le témoin A, qui donc
20 font qu'une culpabilité ne saurait être déterminée sur la base de ces
21 dires. Les témoignages du témoin EE ne se trouvent appuyés par quelque
22 autre élément de preuve que ce soit.
23 Les événements auprès de la maison de Muzafer Puscul ne pourraient être
24 considérés de façon dissociée de l'événement qui s'est produit chez
25 Nasif Ahmic et Asim Ahmic. Cela constitue un ensemble, une continuité dans
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1 le temps et dans l'espace.
2 Le témoin DD a déclaré que le 16 avril 1993, tôt le matin, elle avait été
3 réveillée par une explosion. Elle dit en outre qu'elle avait vu de sa
4 terrasse un groupe de soldats arrivant de la maison de Asim, elle les
5 avait donc vus chez Asim Ahmic, ce qui sous-entend que ce groupe de
6 soldats se déplaçait en provenance de la maison de Muzafer Ahmic. Cette
7 direction, ce sens de déplacement a été confirmé par le témoin FF qui a
8 également vu un groupe de soldats se déplacer de cette direction-là et les
9 dires du témoin Josip Vidovic abondent dans ce sens. Josip Vidovic avait
10 dit que cela lui a été raconté par Velma, la fille du témoin DD.
11 Les déclarations de ce témoin par rapport à celles du témoin EE ont un
12 caractère de corrélation unilatérale. Ces deux témoignages sont directs.
13 En effet, le témoin EE a déclaré qu'un groupe de soldats, pendant que l'on
14 tirait sur sa maison à elle et que l'on incendiait sa maison à elle,
15 s'était dirigé vers la maison de Ramiz Ahmic, Nasif Ahmic et Asim Ahmic.
16 Ce qui confirme les dires du témoin FF, comme je l'ai dit, du témoin Josip
17 Vidovic et de la témoin DD.
18 Je dois à nouveau soulever une question qui a été contournée par le
19 Procureur. Le témoin CA a déclaré que lorsqu'elle s'était déplacée depuis
20 sa maison vers la maison de Muzafer Puscul, c'est-à-dire de la maison de
21 Zarko Kristo, ces maisons se trouvant à proximité l'une de l'autre, la
22 témoin CA a dit qu'elle avait vu dans la maison de Zarko Kristo M. Karlo
23 Cerkez tirer de son fusil. Et ses dires coïncident avec ceux du témoin EE,
24 qui avait dit que l'on avait tiré vers sa maison à partir de la maison de
25 Kristo Zarko, lorsque sa maison avait été incendiée.
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1 LUN6*
2 Cette distance entre ces maisons et celle d'Anto Papic est environ, selon
3 moi, de 700 mètres. Le témoin CA s'est dirigé avec sa famille vers la
4 maison de Nikola Omazic, puis vers la maison d'Ante Papic. Selon les dires
5 de ce témoin, donc, et du témoin BB, il ressort qu'elles avaient traversé
6 les champs depuis Zarko Kristo vers la maison de Nikola Omazic et que
7 c'est là qu'elles avaient rencontré Drago Josipovic et le témoin DG.
8 Ces moments-là impliquent avec force que Drago Josipovic ne se trouvait ni
9 chez lui, c'est-à-dire ni dans la maison de Muzafer Puscul, ni dans la
10 maison de Nazif Ahmic.
11 La déclaration du témoin EE est très mise en valeur par M. le Procureur.
12 Il y a beaucoup d'attributs qui ont été prononcés, à savoir attributs de
13 fiabilité, de véracité, et j'ose, pour ma part, affirmer tout à fait le
14 contraire. Lorsqu'on a fait la description de Drago Josipovic par les
15 témoins EE et DD, nous constatons des divergences énormes. Il s'avère en
16 fait qu'il ne s'agit pas du tout de la même personne et ce n'est pas le
17 même Drago Josipovic décrit par la personne EE et la personne DD.
18 Le témoin DD indique qu'elle avait vu Drago Josipovic de chez elle
19 lorsque, en tirant, il arrivait de la maison d'Asim Ahmic. Et la deuxième
20 fois, elle l'avait vu lorsque, derrière chez elle, il était arrivé lorsque
21 son fils venait d'être emmené dans cette direction-là, son fils Amir.
22 Ce témoin DD indique que Drago Josipovic avait un couvre-chef noir en
23 maille et qu'il avait passé ce couvre-chef, cette cagoule, sur le visage.
24 Je ne condamne pas M. le Procureur pour ne pas avoir remarqué cette
25 divergence car dans le procès-verbal, on voit que le témoin EE a décrit
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1 Drago Josipovic comme ayant un couvre-chef de couleur, multicolore, et
2 que, d'autre part, on dit qu'il avait un couvre-chef noir. Et j'ai
3 réécouté les enregistrements que j'ai obtenus de la part du greffe et
4 constaté que le témoin EE avait fait une déclaration de Drago Josipovic et
5 de ce couvre-chef qui ne figure pas, malheureusement, dans le procès-
6 verbal d'audience.
7 Je considère que les dires des deux témoins en question ne sont pas dignes
8 de foi car le témoin CA et le témoin CB ont indiqué... Je m'excuse, j'ai
9 fait une petite confusion. Oui, Monsieur le Président, j'ai fait une
10 petite halte, je viens de me rappeler d'un fait.
11 Les témoins CB et CA ont fait des déclarations divergentes par rapport à
12 celles des témoins CB à CA (?), à savoir les deux témoins ont dit que
13 lorsqu'elles avaient vu Drago Josipovic ce matin-là il n'avait pas de
14 couvre-chef sur la tête du tout. C'est une donnée qui vient abonder dans
15 le sens des assertions disant que Drago Josipovic n'était ni dans la
16 maison de M. Nazim Ahmic et de Muzafer Puscul.
17 Si Drago Josipovic, au moment des actes incriminés qui font l'objet de
18 l'Acte d'accusation ne sont pas fondés, viennent être confirmés par les
19 dires du témoin DG qui avait déclaré que Drago Josipovic était venu par sa
20 cour le matin vers 5 heures et quart. Et suite à un bref entretien, ils
21 ont entendu des coups de feu et puis ils sont arrivés au carrefour au
22 niveau de la maison d Ante Bralo. Après ces coups de feu, ils ont continué
23 vers la maison de Nikola Omazic et c'est là qu'ils ont rencontré les
24 familles des témoins CA et CB.
25 L'événement qui pourrait être reconstruit partant des dires de ce témoin
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1 converge avec ceux des témoins Kovac Katica, Kovac Ana, Ante Bralo et
2 Finka Bralo. Ils ont tous souligné que de la maison, en allant vers la
3 maison d'Omazic, ils avaient vu le témoin DG et Drago Josipovic. Ils ont
4 également dit qu'ils avaient rencontré le témoin CA, CB et leurs familles
5 respectives.
6 Les témoins CA et CB ont souligné, en outre, qu'elles avaient prié Drago
7 Josipovic de les abriter, ce que Drago Josipovic a accepté de faire. Et en
8 premier lieu, le témoin DG, car les enfants du témoin CB étaient nu-pieds
9 et peu vêtus. Le témoin CB souligne que ce sont d'abord les enfants du
10 témoin CB qui l'ont prié de les emmener à la maison. Puis il a été prié
11 par les témoins CB et CA. Les dires de ce témoin viennent confirmer et
12 compléter les dires du témoin CB qui a, sans hésiter, souligné clairement
13 que le témoin CA avait prié le témoin DG de l'emmener chez lui, dans sa
14 maison.
15 Par conséquent, lorsque l'on voit la corrélation existant entre ces
16 déclarations, il est établi qu'il y a un lien qui permet de conclure le
17 fait que Drago Josipovic, ce matin-là, avant 5 heures 30, se trouvait à la
18 maison du témoin DG et qu'à proximité de la maison de Nikola Omazic il a
19 rencontré le témoin CA.
20 Je dois également souligner l'importance des dires, du témoignage du
21 témoin CB
22 LUN7*
23 cette dame a déclaré aux enquêteurs du Procureur qu'elle était sortie de
24 sa maison quelques minutes après que Fahran Ahmic ait été tué. Elle dit
25 qu'ils se pressaient parce que les enfants n'avaient même pas eu le temps
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1 de se chausser.
2 Donc elle avait dit que de chez elle jusqu'à la maison du témoin DG et de
3 sa maison vers la maison de Muzafer Puscul, la vue était très dégagée. Les
4 maisons sont disséminées, elles se trouvent dans les champs et il n'y
5 avait pas, à cette époque-là de l'année, de végétation.
6 Elle affirme donc que Drago Josipovic n'avait pas pu abattre son époux et
7 qu'il n'avait pas pu être à proximité de cette maison-là, ce qui sous-
8 entend qu'il ne pouvait pas se trouver non plus à proximité de la maison
9 de Muzafer Puscul.
10 Elle avait également déclaré devant cette Chambre de première instance
11 qu'un groupe de soldats l'avait attaquée lorsqu'elle était sortie de la
12 maison et que Fahran Ahmic avait été tué et, que sans réfléchir en se
13 pressant avec les enfants et avec le témoin CA, elle s'était dirigée vers
14 Rovna. Elle a également souligné qu'il n'y avait aucune possibilité pour
15 elle de ne pas apercevoir quelque personne que ce soit se déplacer sur un
16 même lieu. Elle a également dit que si quelqu'un venait à se déplacer sur
17 le même site, il n'aurait pas pu passer inaperçu.
18 Les dires des témoins CA et CB au Tribunal indiquent clairement la
19 nécessité d'une conclusion, à savoir celle que Drago Josipovic ne pouvait
20 en aucun cas se trouver à proximité de la maison de Muzafer Puscul et de
21 Fahran Ahmic.
22 Lors de la déclaration faite par témoin DG devant cette Chambre de
23 première instance, il avait été dit que la maison de Asim Ahmic se
24 trouvait juste à côté de la route, du chemin franchi par Cazim Ramic et
25 Drago Josipovic. La maison de Cazim Ramic est éclairée, elle a des
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1 fenêtres et ne se trouve qu'à cinq mètres de la route, mais la maison de
2 Naser Ahmic où Cazim Ramic s'est trouvé avec sa famille et
3 Mirza Osmancevic est également éclairée.
4 A l'occasion de l'audience, on a lu à ce témoin la déclaration faite par
5 Cazim Ramic, le Procureur ne s'y était d'ailleurs pas opposé, et selon la
6 déclaration de Cazim Ramic, il apparaît que Drago Josipovic et le
7 témoin DG n'ont tué personne. Il a dit que les tueries avaient été
8 commises par des personnes masquées.
9 Avec le respect que je dois aux Juges de cette Chambre, je comprends que
10 ceci ne peut pas être une preuve mais c'est tout de même une circonstance
11 que Frano Kovac, Anto Bralo, les témoins CG, CB et CA ont évoquée. Ce qui
12 confère une certaine pertinence à cette circonstance.
13 Le fait que la déposition du témoin EE soit exacte, lorsque cette femme a
14 déclaré avoir vu un groupe de soldats se déplacer vers la maison de
15 Nasif Ahmic, est confirmé par la déposition du témoin DH. Ce témoin a
16 déclaré que de l'étable de Muzafer Ahmic, il était possible de voir la
17 route et donc les maisons de Ramiz et de Nasif Ahmic. Le témoin EE a
18 déclaré avoir entendu des voix près de la maison de Ramiz Ahmic, avoir
19 entendu la voix de Ramiz Ahmic et celle du témoin DD.
20 Ce qui prouve que le groupe de soldats, qui se trouvait dans la maison du
21 témoin EE, est sorti de cette maison pour se diriger vers celle du
22 témoin DD. Le témoin FF, pour sa part, a déclaré qu'après la détonation,
23 après avoir été attaqué par les représentants de l'armée, il s'est écoulé
24 une demi-heure. Une demi-heure pour qu'il quitte son voisinage immédiat et
25 se dirige vers la route.
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1 Le témoin Z, qui a dit qu'au cours de la nuit du 15 au 16 il se trouvait
2 chez lui à la maison à une distance de 20 mètres de la route, a déclaré
3 également avoir tôt le matin vu un groupe de soldats franchir cette route
4 pour se diriger vers le nord de Zume. Si l'on compare la déposition du
5 témoin FF, et si l'on tient compte de la durée de sa présence aux abords
6 de sa maison, avec les dires des témoins CA, CB et DG, nous constatons
7 deux choses.
8 Premièrement, que Drago Josipovic n'était pas dans ce groupe d'hommes, je
9 parle du groupe qui se trouvait dans la maison du témoin EE et du
10 témoin DD, avant de franchir la route. Si l'on relie les dépositions du
11 témoin Zoran Covic aux dépositions que je viens d'évoquer, la chose est
12 plus que claire. Zoran Covic a déclaré en effet avoir entendu son père
13 dire que les familles de Ramiz et de Nasif Ahmic étaient restées chez
14 elles.
15 Par conséquent, il a reçu cette information de quelqu'un qui était au
16 courant. Et si l'on tient compte du fait que les tirs ont été les plus
17 nourris au niveau de la route et que personne n'a franchi la route en
18 provenance de la maison du témoin DG, personne n'étant non plus allé dans
19 la maison du témoin DG à partir de la route, cela signifie que Zoran Covic
20 a obtenu cette information de la bouche d'une personne qui a participé aux
21 événements.
22 Ce qui, je le répète, tend à indiquer que Drago Josipovic se trouvait chez
23 lui dans sa maison et pas dans la maison de Muzafer Puscul ou Nasif Ahmic.
24 J'ai déjà dit qu'au cours du premier conflit, Drago Josipovic était dans
25 sa propre maison. Ce qui confirme que l'affirmation du Procureur selon
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1 laquelle à ce moment il était mobilisé est inexacte.
2 Drago Josipovic n'était pas non plus mobilisé le 16 avril 1993. Il était
3 chez lui, dans sa maison, ce que prouvent la déposition du témoin CA ainsi
4 que celle du témoin CB, et celles du témoin DG Frano Kovac, Anto Bralo et
5 Katica Kovac ont dit la même chose dans leur déposition.
6 La pièce à conviction P353 sur laquelle s'appuie le Procureur n'est pas
7 exacte s'agissant de Drago Josipovic. En effet ces listes ont été établies
8 à des fins d'obtention de compensations financières comme un grand nombre
9 de témoins l'on dit, en autres Katica Kovac et Vlado Alilovic.
10 Dragan Stoljak, qui était responsable du bureau de la défense de
11 Vitez, déclare que la mobilisation s'est produite le 16 avril dans
12 l'après-midi, alors que Vlado Alilovic a déclaré que la mobilisation avait
13 été réalisée entre le 16 avril et le 20 avril de façon régulière et
14 J8*
15 qu'il était impossible à un moment déterminé de savoir avec précision qui
16 était déjà mobilisé. Drago Josipovic se trouvant chez lui dans sa maison,
17 à ce moment-là, ce fait indique qu'il ne faisait pas activement partie du
18 HVO et que le 16 avril il n'était pas mobilisé. Il n'a été mobilisé que le
19 19 avril 1998. C'est ce qu'affirment les témoins Ante Bralo, Frano Kovac
20 et Katica Kovac.
21 S'agissant d'Ante Bralo et Frano Kovac, ils sont également indiqués dans
22 les documents du Procureur comme étant mobilisés, ce qui inexact.
23 Ante Bralo possède des documents qui ont été versés au dossier de ce
24 procès et qui indiquent qu'il travaillait au sein du Bataillon britannique
25 de la Forpronu, ce qui exclut la possibilité pour lui d'avoir été mobilisé
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1 à cette époque, ce qui donc contredit les affirmations du Procureur.
2 Quant à Frano Kovac, il est confirmé également qu'il n'était pas mobilisé
3 à cette époque, ce qui ressort de la lecture de son livret militaire. Il
4 travaillait à ce moment-là à Novi Travnik et ne venait que de temps en
5 temps à Santici. Sa maison était en construction, il ne connaissait pas
6 bien les environs, personne ne le connaissait particulièrement bien dans
7 la région. Ces deux hommes ainsi que Drago Josipovic n'ont été mobilisés
8 que le 19 avril 193.
9 Il convient de souligner d'emblée que Frano Kovac et Ante Bralo tout comme
10 Drago Josipovic étaient chez eux à la maison au cours du premier conflit.
11 Ante Bralo et Frano Kovac ont indiqué qu'au cours du premier conflit ils
12 coupaient des arbres avec Mirsad Osmanovic, et que c'est au cours de ce
13 travail qu'ont éclaté les premiers coups de feu, raison pour laquelle ils
14 ont passé la première nuit ensemble. Ceci est également une preuve, une
15 confirmation de la thèse de la défense selon laquelle ces hommes n'ont pas
16 été mobilisés avant le 19 avril. Je parle bien de Frano Kovac, Ante Bralo
17 et Drago Josipovic.
18 Le Procureur affirme que Drago Josipovic méprisait, haïssait les membres
19 de la communauté musulmane, ce qui est inexact. En effet, le témoin CA
20 déclare qu'elle a demandé à Drago Josipovic où elle pouvait s'abriter.
21 J'ai résumé, Maître.
22 (Maître Susak s'adressait à Me Slokovic-Glumac, dit l'interprète.)
23 J'ai déjà dit que, selon les dépositions des témoins CA et CB, c'est au
24 témoin DG qu'elles se sont adressées pour lui demander de s'abriter dans
25 sa maison. Lorsque le témoin DG et Drago Josipovic ont rencontré leur
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1 famille, les enfants étaient nu-pieds et c'est à cette occasion que le
2 témoin DG... et selon le témoin DG, les enfants lui ont demandé de les
3 recevoir chez lui. Drago Josipovic et le témoin DG ont emmené ces
4 personnes dans la maison du témoin DG, leur ont donné du lait et les ont
5 reçues de la façon la plus aimable qui soit.
6 Au cours de la journée, le témoin CA a quitté cette maison, comme elle l'a
7 déclaré elle-même, témoignage qui a été confirmé par celui du témoin CB.
8 Le témoin EE a également confirmé avoir quitté la maison du témoin DG.
9 Quant au témoin DG, Ante Bralo et Katica Kovac, ces trois témoins
10 indiquent de façon unanime que la maison du témoin DG n'était pas fermée à
11 clé, qu'ils pouvaient tous sortir de cette maison quand ils le voulaient.
12 Et le témoin CA est sortie de cette maison pour se rendre dans celle de
13 Fahrid Ahmic.
14 S'agissant de la maison de Fahrid Ahmic, je considère que la déposition du
15 témoin Z est inexacte. En effet, cet homme déclare que dans l'après-midi
16 du 16, quand il s'est senti mal et qu'il se trouvait dans un véhicule
17 motorisé, il a jeté un coup d'oeil à l'extérieur et a vu un groupe de
18 soldats devant la maison de Fahrid Ahmic à une vingtaine de mètres. Or, la
19 distance réelle n'est pas de 20 mètres mais elle est supérieure à
20 60 mètres. Et Fahrid Ahmic se trouvait près de cette maison, portant un
21 couvre-chef.
22 Les témoins CA et CB ont déclaré que cet après-midi-là, à 15 heures 30, il
23 était dans la maison de Fahran Ahmic, ce qui est confirmé par la
24 déposition du témoin DH qui a déclaré que, lui-même, Nikica Grebenar et
25 Miro Ahmic sont allés recueillir, ramasser le corps de Fahran Ahmic.
Page 12107
1 Et le fait que Drago Josipovic n'était pas présent est confirmé par la
2 déposition du témoin CA qui a déclaré avoir demandé à Drago Josipovic de se
3 rendre sur les lieux pour voir le corps sans vie et qui lui a répondu
4 qu'il avait peur et ne pourrait le faire qu'à la tombée de la nuit. Donc
5 l'allégation du Procureur selon laquelle Drago Josipovic se trouvait dans
6 la cour dans la maison de Fahran Ahmic est inexacte.
7 Je voudrais parler de Mirsad Osmanovic à présent. Il convient de souligner
8 que les dépositions des témoins CA et CB montrent que le témoin CA a prié
9 Drago Josipovic d'amener dans la maison du témoin DG Mirsad Osmanovic et
10 sa famille, ainsi que celle de Cazim Ahmic. Cette requête a été répétée eu
11 égard au témoin EE et à sa famille pour lesquels un abri dans la maison du
12 témoin DG a été demandé également.
13 Le Procureur semble étonné de voir que Drago Josipovic a amené ces
14 familles dans cette maison. On comprend bien que le témoin CA se déplaçait
15 sur la route, donc la route au bord de laquelle se trouvaient les maisons
16 de Cazim Ahmic et de Mirsad Osmanovic. Et la maison du témoin EE n'est pas
17 éloignée non plus, donc elles étaient visibles.
18 Le témoin CA était facilement reconnaissable puisqu'il portait un couvre-
19 chef et les vêtements musulmans, donc elle-même, le témoin EE, Cazim Ahmic
20 et Mirsad Osmanovic étaient très facilement reconnaissables.
21 Le Procureur a tort également lorsqu'il déclare que Drago Josipovic et le
22 témoin DG ont enfermé des Musulmans à clé. Un certain nombre de
23 témoignages contredisent ce fait, notamment le cas de Mirsad Osmanovic qui
24 avait un bébé en bas âge et une famille -trois enfants- et qui est allé à
25 Rovna. Drago Josipovic a aidé Mirsad, qui était son voisin, à se rendre à
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1 Rovna. Il lui a donné d'ailleurs un gilet. Mais lorsqu'un soldat du HVO
2 l'a menacé de faire sauter la maison du propriétaire s'il y restait, il
3 est retourné dans la maison du témoin DG, ce qui montre que tous les
4 Musulmans pouvaient aller et venir de la maison du témoin DG comme ils le
5 souhaitaient.
6 Je tiens à souligner que Drago Josipovic et le témoin DG ont sauvé des
7 femmes et des enfants musulmans, mais également des hommes en âge de
8 combattre tels qu'Amir Ramic et Zemur. Mais Mirsad Osmanovic, qui était
9 officier de l'armée de Bosnie-Herzégovine, a beaucoup fait pour eux, au
10 point de mettre en danger sa propre vie.
11 S'agissant maintenant du fait que des Musulmans auraient été emmenés hors
12 de la maison de Drago Papic vers la maison de Miso... hors de la maison
13 d'Ante Papic vers la maison de Miso Livancic, je considère que Drago
14 Josipovic n'a pas participé à cet acte non plus. Le témoin EE a déclaré
15 que le témoin DG était arrivé dans sa maison pour lui dire qu'elle devrait
16 prendre la route et que la Forpronu s'occuperait d'eux.
17 Le témoin CB a déclaré que le témoin DG l'a emmenée à cet endroit, et le
18 témoin CB et le témoin CA ont dit qu'à ce moment-là ils ont vu Drago
19 Josipovic dans sa cour et qu'il leur était loisible de se déplacer à leur
20 gré, ce qui est corroboré par un autre témoin qui dit avoir traversé les
21 champs dans la direction de la maison de Fahran Ahmic et y être arrivé
22 avant les autres qui avaient pris un chemin plus long ; et avoir vu à ce
23 moment-là Drago Josipovic dans la cour.
24 Mais le témoin DG, Katica Kovac, Finka Bralo,
25 LUN9*
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1 Ante Bralo, ont déclaré que Drago Josipovic est allé vers sa maison une
2 heure avant qu'Ante Papic ait emmené les Musulmans sur la route et
3 ensuite, vers la maison de Miso Livancic.
4 Les témoignages des témoins CA et CB indiquent également qu'ils sont
5 ensuite allés dans la maison de Miso Livancic alors qu'il ressort du
6 témoignage du témoin DG qu'il les y a emmenés avec leur accord.
7 Drago Josipovic n'a pas participé à l'acte qui lui est reproché, il n'a
8 pas omis de faire ce qu'il convenait de faire vis-à-vis des Musulmans, en
9 relation avec cette arrivée sur la route, parce que c'est le témoin DG qui
10 a parlé aux représentants de la Forpronu en allemand. Au moment où ces
11 représentants de la Forpronu ont été rencontrés, et lorsque la Forpronu a
12 refusé de convoyer les Musulmans, c'est lui qui les a emmenés dans la
13 maison de Miso Livancic de son plein gré et pendant tout ce temps, Drago
14 Josipovic est resté à la maison.
15 Le témoin CA lui a ensuite demandé si elle pouvait rester ; il lui a dit
16 qu'elle pouvait, mais comme il l'a expliqué lui-même, un certain nombre de
17 choses sont survenues par la suite, qui sont d'ailleurs tout à fait
18 conformes à la vérité.
19 Le témoin DD également, je l'ai déjà dit, a été interrogé à plusieurs
20 reprises par les enquêteurs et c'est seulement après que l'acte
21 d'accusation a été dressé et confirmé que le nom de Drago Josipovic a été
22 mentionné par ce témoin.
23 Mais il importe à ce stade que je fasse mention d'une erreur de M. le
24 Procureur Terrier. Je crois, j'ai toute confiance dans ce que dit
25 M. Terrier, j'ai confiance également dans ses enquêteurs ; dans les notes
Page 12110
1 officielles de M. Terrier, il est indiqué que, le 16 avril 1993, l'un des
2 soldats a passé à tabac Elma, qui a été blessée à cette occasion. Le
3 Procureur affirme que l'enquêteur, dans ses notes, a écrit que c'était le
4 témoin EE qui avait déclaré qu'Anto Bralo avait tué son fils Amir.
5 Si nous comparons tous les autres éléments de preuve à ces notes qui ont
6 été versées au dossier et qui sont rédigées de la main du Procureur, la
7 véracité et la crédibilité du témoin DD est largement remise en cause. Le
8 Procureur affirme que le témoin DG a déclaré au témoin CB que lui non plus
9 ne se sentait pas tout à fait en sécurité dans sa maison. Et il faut
10 comprendre le témoin DG ; en effet, le témoin DG était une personne âgée,
11 de santé faible, qui avait tendance à oublier un certain nombre de choses,
12 et d'ailleurs, dans sa déposition, le témoin DG l'a dit lui-même.
13 Mais si je reviens sur ce fait, c'est parce que le Procureur a accordé la
14 plus grande attention précisément à la déposition de ce témoin. C'est la
15 raison pour laquelle je considère que Drago Josipovic n'avait aucun
16 objectif, n'avait aucune raison de participer à des actes de persécution
17 ou à des assassinats. Il n'existe aucun élément de discrimination chez lui
18 contre les Musulmans, que ce soit une discrimination fondée sur des bases
19 politiques, religieuses, culturelles ou autres, ou ethniques.
20 Il n'a pas participé à une attaque systématique contre les Musulmans, ni
21 en groupe, ni individuellement, il n'a pas participé, il n'a pas contribué
22 de quelque autre manière à l'exécution de ces actes, il n'a pas non plus
23 planifié ou organisé des actes d'une autre nature.
24 Les actions de Drago Josipovic n'ont aucun rapport, n'ont entraîné aucun
25 autre acte criminel et il n'existe aucune possibilité de prouver
Page 12111
1 l'intention du crime. Le fait que Drago Josipovic ait possédé un fusil et
2 un uniforme, je le répète, ne signifie pas, en tout état de cause, qu'il a
3 commis un quelconque élément d'un acte criminel.
4 J'ai parlé de la peur évoquée par le témoin DG, que j'ai remise en cause.
5 Selon la déposition du témoin Finka Bralo, il ressort que tout le monde
6 avait peur puisque, si Mirsad Osmanovic, un officier de l'armée de Bosnie-
7 Herzégovine, rentre chez lui, cela sème la terreur et il faut comprendre
8 le témoin DG, il faut comprendre qu'il était possible qu'il ait eu peur.
9 Il a dit au témoin CB, je le répète, que lui-même craignait pour sa
10 sécurité et pour celle de sa famille.
11 De tout ce que j'ai dit jusqu'à présent, il ressort que Drago Josipovic
12 n'a commis aucun acte répréhensible évoqué dans l'acte d'accusation
13 original ou dans l'acte d'accusation modifié, et je propose donc que les
14 Juges de cette Chambre rendent à son égard une sentence de remise en
15 liberté, d'acquittement.
16 Je demande également aux Juges d'accepter sa mise en liberté provisoire.
17 En effet, c'est un homme qui s'est rendu de son plein gré au Tribunal et
18 le Tribunal a eu confiance en lui donc je propose que... le Tribunal a eu
19 suffisamment confiance en lui pour lui permettre de se rendre à
20 l'enterrement de sa mère après quoi, il est revenu au quartier
21 pénitentiaire. Cette confiance du Tribunal était donc justifiée.
22 Quant au gouvernement de Bosnie-Herzégovine il garantit que si Drago
23 Josipovic ne voulait pas se rendre à une convocation du Tribunal
24 volontairement, il y sera contraint par le Gouvernement.
25 Merci, Monsieur le Président, j'en ai terminé.
Page 12112
1 M. le Président (interprétation). - Très bien. 20 minutes de pause, donc
2 uniquement 20 minutes.
3 (L’audience, suspendue à 11 heures, est reprise à 11 heures 20.)
4 LUN10*
5 M. le Président (interprétation). - Avant de donner la parole à
6 Me Puliselic, j'aimerais dire que nous avons examiné avec le plus grand
7 soin la question de la confidentialité de deux documents déposés par le
8 Procureur. Je parle du mémoire du Procureur ainsi que du mémoire déposé
9 par Me Krajina. Nous avons décidé que ces deux documents ne seraient pas
10 couverts par la confidentialité à partir de maintenant. Ils sont donc
11 désormais des documents ouverts au public.
12 Maître Puliselic, vous avez la parole.
13 M. Puliselic (interprétation). - Monsieur le Président, Madame et
14 Messieurs les Juges, la défense de cet accusé va mettre l'accent sur un
15 certain nombre de points en se concentrant sur le premier et le deuxième
16 conflits. Après quoi, dans la même ligne que les conclusions écrites, nous
17 avons l'intention de revenir sur un certain nombre de témoins de
18 l'accusation et de la défense.
19 Quant au contenu du mémoire écrit de la défense, nous allons nous efforcer
20 de ne pas le répéter, pas plus que nous n'allons répéter ce qu'ont déjà
21 dit les conseils de la défense qui se sont exprimés jusqu'à présent.
22 Pour commencer, nous souhaitons dire que l'Acte d'accusation dressé en
23 1995 et signé par M. le Procureur Gladstone chargeait Dragan Papic d'un
24 certain nombre d'actes criminels visés aux articles 2 et 3 du Statut du
25 Tribunal : six actes criminels.
Page 12113
1 Selon cet Acte d'accusation, les actes en question auraient été censés
2 avoir été commis à Pirici alors que, dans l'Acte d'accusation modifié de
3 1998, Dragan Papic est accusé de crimes visés à l'article 5/1 du Statut du
4 Tribunal et censés avoir été commis dans le village d'Ahmici.
5 S'agissant de la description de la façon dont ces actes auraient été
6 commis, il est permis de mettre en cause la véracité des témoins, d'un
7 certain nombre de témoins qui ont été pris en compte par le Procureur pour
8 élaborer le premier Acte d'accusation, puis l'Acte d'accusation modifié,
9 dressé une fois que Dragan Papic se trouvait déjà à La Haye.
10 Les témoins de la défense ont montré que, le 16 avril 1993, date du début
11 de la commission de ces crimes, l'accusé Dragan Papic ne se trouvait, ni à
12 Pirici, ni à Ahmici, puisqu'il se trouvait dans la vallée de la Lasva où
13 il gardait le pont de Radak comme n'importe quel membre des patrouilles
14 villageoises.
15 Au point 1 de l'Acte d'accusation original et de l'Acte d'accusation
16 modifié, Dragan Papic est accusé de crimes contre l'humanité en vertu de
17 l'article 5A du Statut, c'est-à-dire de persécutions sur des bases
18 politiques ou religieuses. La défense affirme qu'aucun des éléments
19 inscrits à l'Acte d'accusation n'a été commis par Dragan Papic.
20 Dragan Papic n'a participé, ni au premier conflit, celui du
21 20 octobre 1992, ni au deuxième conflit, celui du 16 avril 1993. Il n'a,
22 ni contribué à la commission, ni incité à la commission, d'un acte qui
23 aurait pu être de nature discriminatoire à l'égard des Musulmans. Et le
24 16 avril 1993, il ne connaissait pas non plus les objectifs ou les buts
25 poursuivis dans le cadre du conflit.
Page 12114
1 La défense tient à souligner qu'en raison du caractère très vague de
2 l'Acte d'accusation, c'est seulement dans le cours des débats, alors
3 qu'étaient entendus les témoins de l'accusation, c'est seulement à ce
4 moment-là qu'elle a pu comprendre avec précision quelle était la nature
5 exacte des actes reprochés à l'accusé Dragan Papic. La défense affirme que
6 Dragan Papic n'a commis aucun des actes qui lui sont reprochés par
7 certains témoins, à savoir que les actes reconnus par la défense, du point
8 de vue de leur signification et de leur importance, n'ont pas la
9 possibilité d'être visés par l'article 5H du Statut du Tribunal.
10 La défense en a parlé de façon plus... ces éléments sont décrits plus en
11 détail dans le document écrit de la défense, sur lequel celle-ci ne
12 reviendra pas. Dragan Papic est également accusé dans le cadre du conflit
13 du 20 octobre 1992. A cet égard, la défense tient à souligner qu'il
14 ressort de l'écoute des témoins de l'accusation, puis des témoins de la
15 défense et des témoins de la Chambre, sans le moindre doute que, le
16 20 octobre 1992, il n'y a eu aucune attaque contre la population musulmane
17 civile d'Ahmici, de Santici et de Pirici ; en tout cas, aucune attaque
18 destinée à expulser ses habitants de leur maison.
19 La défense estime que ce fait est tout à fait incontestable. Il n'y avait
20 qu'un barrage qui avait été dressé quelques jours auparavant par les
21 Musulmans pour empêcher le passage des unités du HVO dans la direction de
22 Jajce, où ces unités voulaient établir la jonction avec d'autres unités du
23 HVO qui combattaient les Serbes. Il ne fait aucun doute qu'à Jajce, les
24 combats se déroulaient entre le HVO et l'armée serbe, et qu'après quelques
25 jours, les Serbes se sont emparés de Jajce.
Page 12115
1 Par conséquent, le conflit armé du 20 octobre 1992 était un conflit armé
2 entre deux armées provoqué par l'érection d'un barrage, et les Croates
3 d'Ahmici n'ont pas participé à ce conflit. La défense affirme qu'au cours
4 de ce conflit, pas une seule maison n'a été détruite intentionnellement
5 hormis la maison de Mehmed Ahmic. La population musulmane civile n'a pas
6 été expulsée. Ces Musulmans sont retournés chez eux. Les Croates,
7 d'ailleurs, les ont invités à y revenir. Leurs maisons n'ont pas été
8 endommagées, n'ont pas été pillées, elles sont restées intactes.
9 La maison de Mehmed Ahmic a été endommagée, incendiée par des projectiles
10 provenant de Hrasno et pas d'obus tirés par le HVO, comme le dit
11 Mehmed Ahmic, depuis la forêt. L'accusé Dragan Papic, selon le témoin
12 Mehmed Ahmic, occupait une position très importante au sein... le témoin
13 Mehmed Ahmic a reconnu avoir occupé une position importante au sein du
14 parti SDA, le parti des Musulmans. Il n'était pas un citoyen ordinaire, il
15 avait des fonctions très importantes et a joué un rôle important dans
16 l'érection du barrage. C'est la raison, d'ailleurs, pour laquelle le HVO a
17 pilonné sa maison, a pris sa maison pour cible.
18 Sur l'insistance de la défense, Mehmed Ahmic a également reconnu avoir
19 participé à l'érection d'un autre barrage installé par les Musulmans sur
20 la route qui passait devant la maison d'Ivo Papic précisément. Ceci, selon
21 Mehmed Ahmic, s'est produit avant le premier conflit. C'est la raison pour
22 laquelle les témoins du Procureur ont tiré profit de ce fait en modifiant
23 la date d'érection du barrage, disant qu'il avait été installé par
24 Dragan Papic, qui aurait été une espèce de commandant au niveau de ce
25 barrage. Je pense que cette déposition est celle du témoin B.
Page 12116
1 Il est impossible d'admettre les allégations de Mehmed Ahmic selon
2 lesquelles, le 20 octobre 1992, aux premières heures de la matinée,
3 Dragan Papic aurait tiré d'un fusil automatique à partir de la fenêtre de
4 sa maison, de la maison protégée par des sacs de sable sur la maison
5 LUN11*
6 de Mehmed ainsi que sur les bois entourant cette maison. Mehmed Ahmic a
7 prétendu que cette maison a été incendiée par un obus provenant de Hrasno
8 et que la maison avait été prise pour cible par le HVO.
9 Pero Papic, le témoin Rajic, Zvonimir Santic ont confirmé qu'aux premières
10 heures de la matinée du 20 octobre 1992 Dragan Papic est allé, alors que
11 le conflit avait commencé à Gornja Rovna, avec les femmes de sa famille où
12 il a rencontré Nenad Santic, le maire du village de Santici, et que, ce
13 jour-là, on lui a donné une arme de 60 millimètres. Il s'est dirigé vers
14 Donja Rovna, près de la maison de Santic, avec l'objectif de signaler
15 l'avance des Musulmans de Gornja Rovna vers Donja Rovna.
16 Selon les déclarations de Santic, pendant tout ce temps, Dragan Papic,
17 alors que les tirs se produisaient autour du barrage, était dans les
18 champs environnants et ce, jusqu'à la fin du conflit, aux alentours de
19 quatre heures de l'après-midi. Donc il ne pouvait pas, à ce moment-là,
20 avoir tiré sur la maison de Mehmed Ahmic en utilisant des armes diverses.
21 De la déclaration du témoin expert, il ressort que les bois à partir
22 desquels Dragan Papic aurait tiré se trouvent à une centaine de mètres de
23 la maison de Mehmed Ahmic. Il s'ensuit qu'il était impossible pour Mehmed
24 Ahmic de reconnaître à une telle distance Dragan Papic ou les autres
25 personnes qui se trouvaient avec lui, notamment en raison du fait qu'il
Page 12117
1 était en train de fuir et qu'il était allongé au sol en compagnie de son
2 fils.
3 Il n'aurait pas pu voir Dragan Papic non plus à la fenêtre, vêtu d'un
4 uniforme noir -il dit l'avoir vu jusqu'à la ceinture- puisque, dans le
5 même temps, il a déclaré que des sacs de sable protégeaient la maison et
6 qu'il montaient jusqu'à la moitié de la fenêtre. Donc, s'il avait vu
7 quelque chose, il n'aurait pu voir que la tête, éventuellement, mais pas
8 l'uniforme noir. Et en tout état de cause, y compris dans ces conditions,
9 il n'aurait pas pu le reconnaître si nous prenons en compte la déposition
10 du témoin Waagenaar. D'ailleurs, Mehmed Ahmic a déclaré que la maison
11 était à une distance de 70 mètres, ce qui explique ce que je viens de
12 dire.
13 J'aimerais maintenant dire quelques mots du conflit du 16 avril 1993. Le
14 Procureur affirme que Dragan Papic a aidé à préparer l'attaque du mois
15 d'avril 1993, selon les modalités décrites au paragraphe 9 de l'Acte
16 d'accusation modifié.
17 Dans ce paragraphe, il est question entre autres d'équipements militaires.
18 Eu égard à l'équipement militaire, le seul équipement militaire dont
19 Dragan Papic ait disposé dans sa vie est celui qui lui a été remis pendant
20 son service militaire au sein de l'ex-JNA, service militaire qu'il a
21 accompli quelques années avant le conflit. Pendant cet entraînement, il a
22 appris à manier un fusil M48 et un mortier de 60 millimètres. Les témoins
23 Goran Papic, Pero Papic et Zdenko Rajic ont évoqué ce fait.
24 Je tiens à souligner également qu'aucun des témoins de l'accusation n'a
25 déclaré que Dragan Papic aurait participé à un quelconque entraînement
Page 12118
1 militaire.
2 Dragan Papic ne s'est en aucun cas armé pour prétendument préparer
3 l'attaque du mois d'avril 1993. Il possédait un fusil M48 depuis pas mal
4 de temps, qui lui était utile dans son travail car il était travailleur
5 forestier. Il possédait ce fusil depuis qu'il a commencé à travailler au
6 sein de cette entreprise en tant que garde forestier. C'est la seule arme
7 qu'il possédait. Je pense qu'il ne peut être contesté que Dragan Papic
8 était employé de cette entreprise de "foresterie" et ce, jusqu'au début de
9 la guerre, c'est-à-dire jusqu'au 15 avril 1993.
10 La défense a d'ailleurs présenté le livret professionnel de Dragan Papic,
11 qui a été versé au dossier en tant qu'élément de preuve. Et le fait qu'il
12 ait été garde forestier a été évoqué par des témoins de la défense, mais
13 également par des témoins de l'accusation.
14 Dragan Papic avait donc un contrat de travail permanent et ce, jusqu'à la
15 guerre, ce qui explique qu'il ait participé moins que les autres aux
16 patrouilles villageoises.
17 L'affirmation selon laquelle, la veille du conflit, Dragan Papic a évacué
18 sa famille, affirmation de Dragan Papic, a été évoquée par le Procureur
19 dans le cadre de la déposition du témoin A, qui affirme que, dans la
20 soirée du 15 avril 1993, il a vu Dragan Papic emmener des femmes dans une
21 Lada rouge. Le témoin F, qui avait 14 ans à l'époque, a vu une automobile
22 de couleur rouge, de marque Lada, dont il pense que le propriétaire était
23 Dragan Papic. Il a vu ce véhicule vers 3 heures de l'après-midi emmener
24 des femmes et des enfants même si, dans la maison de Dragan Papic, il n'y
25 avait pas encore d'enfants à cette heure-là.
Page 12119
1 Je tiens à signaler que le témoin F, s'exprimant devant les enquêteurs du
2 Tribunal, n'a jamais parlé de cela.
3 La défense s'appuie sur les témoignages de Goran Papic, Ljubica Milicevic,
4 Ankica Vidovic qui ont déclaré qu'à ce moment-là, Dragan Papic possédait
5 une automobile de marque Zastava 101, que l'on appelle "Stojadin"
6 populairement, et qui était de couleur jaune.
7 S'agissant de l'accord de vente du véhicule qui fait l'objet d'une pièce à
8 conviction, il ressort que Dragan Papic possédait effectivement une Lada
9 rouge, mais qu'il n'est entré en possession de ce véhicule qu'en 1995,
10 c'est-à-dire en-dehors de la période visée par l'Acte d'accusation. Les
11 témoins Ljubica Milicevic, Zvonimir Santic et Goran Santic ont vu Dragan
12 Papic emmener à pied les femmes de sa famille le 16 avril 1993 aux
13 premières heures de la matinée et ce, après le début des tirs.
14 En fait, Dragan Papic s'est enfui après le début du conflit pour mettre à
15 l'abri sa femme, qui était enceinte de neuf mois, pour mettre à l'abri
16 également sa mère et sa soeur à Donja Rovna, où la situation, c'était bien
17 connu, était plus calme, plus tranquille. Le fait que l'épouse de Dragan
18 Papic était enceinte de neuf mois est prouvé par un certain nombre de
19 dépositions des témoins de la défense, ainsi que par un certain nombre de
20 documents, notamment les documents déposés par le témoin Marian... le
21 document relatif à la naissance de son fils Marian le 28 avril 1993.
22 Si Dragan Papic avait haï les Musulmans, il n'aurait pas agi comme il l'a
23 fait. Un certain nombre de témoins ont déclaré avoir vu devant la maison
24 de Dragan Papic une mitrailleuse protégée par des sacs de sable et, le
25 17 avril 1993, avoir vu Dragan Papic dans le voisinage, revêtu d'un
Page 12120
1 uniforme noir.
2 A la différence de ces témoins, les témoins Ljubica Milisevic, Pero Papic
3 et Goran Papic affirment n'avoir jamais, devant la maison d'Ivo Papic,
4 avoir vu des armes, en tout cas, n'y avoir jamais vu une mitrailleuse, une
5 PAM, une PAT ou une autre arme de même nature.
6 Ces témoins contredisent donc les témoins de l'accusation au sujet de
7 cette prétendue mitrailleuse ou d'autres armes qui auraient été placées, y
8 compris avant le conflit, devant la maison d'Ivo Papic.
9 Par ailleurs, il ne serait pas logique pour Dragan Papic d'avoir
10 transformé la maison de son père en forteresse alors que sa femme était
11 prête à accoucher.
12 D'autre part, le 17 avril 1993, Dragan Papic ne pouvait pas être sur ce
13 lieu puisqu'il était de garde au pont de Radak ce jour-là et que, selon la
14 déposition d'un certain nombre de témoins, il n'a pas quitté sa
15 patrouille.
16 La défense affirme que, le 16 avril 1993, dans l'après-midi, la Forpronu a
17 pénétré dans le village d'Ahmici. Un film, d'ailleurs, a été tourné à
18 cette occasion et a été montré devant ce Tribunal qui indique que devant
19 la maison... s'il avait donc existé devant la maison d'Ivo Papic une
20 mitrailleuse, comme l'affirme le Procureur, les gens qui ont tourné ce
21 film n'auraient pas manqué de filmer la mitrailleuse, puisque cette maison
22 se trouve tout près de la route sur laquelle se déplaçaient les véhicules
23 de la Forpronu. Or, ce détail important ne figure pas sur les images du
24 film. La défense, de ce fait, affirme que le témoin A n'a pas dit la
25 vérité.
Page 12121
1 Dans l'Acte d'accusation, il est déclaré que Dragan Papic avait organisé
2 des soldats du HVO en leur fournissant des armes et des munitions. La
3 position de Dragan Papic, la position importante qu'il occupait dans le
4 village, ne lui permettait d'aucune façon d'organiser des soldats, de les
5 armer, de leur fournir des munitions ou de faire quelque autre acte
6 relatif à une activité armée. Il n'avait aucune fonction politique ou
7 militaire, il n'était même pas soldat.
8 LUN12*
9 Le Procureur n'a pas apporté la preuve que Dragan Papic aurait préparé sa
10 maison et la maison de sa famille pour les transformer en point de feu
11 destiné à lancer une attaque. Pour agir de la sorte, il aurait fallu
12 savoir, d'ailleurs, qu'une attaque se préparait.
13 Or, Dragan Papic n'en savait rien. Le 15 avril 1993, c'est-à-dire la
14 veille du jour critique, pendant les heures de travail, Dragan Papic était
15 à son travail, après quoi, il a réparé des automobiles. C'est Goran Papic
16 qui l'a dit dans sa déposition. Par ailleurs, dans la maison de son père
17 Ivo Papic se trouvait, comme cela a déjà été dit, son épouse, prête à
18 accoucher.
19 Donc seul un fou aurait pu, dans une telle situation, vouloir préparer sa
20 maison en centre d'attaque ou garder des armes dans la maison ou autour de
21 la maison, ou y garder des munitions ou d'autres armes. Sa mère, sa soeur,
22 qui se trouvaient également dans cette maison, auraient-elles autorisé une
23 action de ce genre ? C'est la raison pour laquelle les témoins de
24 l'accusation, qui ont parlé de cela dans leur déposition, ne disent pas la
25 vérité. Ces témoins sont amers en raison de ce qu'ils ont vécu, et ils ne
Page 12122
1 cessent de subir les pressions des services de renseignements musulmans,
2 Aida.
3 Chacun a pu constater que les dépositions faites devant ce service de
4 renseignements Aida comportaient de grandes contradictions par rapport aux
5 dépositions faites devant les enquêteurs ou devant la Chambre de première
6 instance. Ce qui n'a cessé d'alourdir les charges retenues contre
7 Dragan Papic.
8 Dans les premières heures du jour, lorsque les coups de feu ont commencé,
9 la plupart des Croates ne savaient pas ce qui se passait, avaient du mal à
10 comprendre, étaient tous terrorisés dans l'incertitude la plus totale par
11 rapport à ce qui était en train de se passer. Dragan Papic n'aurait pas pu
12 cacher aux autres habitants, aux Musulmans, qu'une attaque se préparait,
13 puisque lui-même ne savait rien de cette préparation.
14 Dans l'Acte d'accusation, il est affirmé que Dragan Papic était un soldat
15 du HVO. Dragan Papic est devenu soldat à l'instant même où la mobilisation
16 a été déclarée, c'est-à-dire à partir du 16 avril 1993. Et il a reçu sa
17 convocation officielle après l'accouchement de son épouse. C'est la raison
18 pour laquelle le nom de Dragan Papic figure en dernier sur la liste des
19 personnes mobilisées. Elle correspond au n° 349, je parle de la pièce à
20 conviction de l'accusation P335.
21 La défense va à présent revenir brièvement sur la déposition d'autres
22 témoins de l'accusation qui chargent l'accusé Dragan Papic. Le témoin
23 Charles Stevens qui, à la fin du deuxième jour de sa déposition seulement,
24 a reconnu dans le prétoire Dragan Papic. Nous nous rappelons tous cet
25 instant, puisqu'à partir de ce moment-là, la Chambre d'instance a rendu
Page 12123
1 une nouvelle décision, s'agissant des rapports entre les témoins et les
2 membres de la défense et de l'accusation.
3 Il y a eu erreur, visiblement, dans l'identification faite par ce témoin
4 puisqu'il a dit, répondant à une question de la défense, qu'il ne
5 reconnaissait pas Dragan Papic à 100 % parce que la personne avec laquelle
6 il avait communiqué, grâce au langage des signes, la plupart du temps
7 pendant 20 minutes, et qui s'était vantée auprès de lui d'avoir tué
8 32 Musulmans, ne portait pas de barbe alors que la personne qu'il
9 reconnaissait dans le prétoire en tant que personne avec laquelle il avait
10 eu ces contacts portait une barbe.
11 La défense a prouvé, grâce à la pièce à conviction D5 de la défense, qui
12 est une vidéocassette, ainsi que grâce aux déclarations d'un certain
13 nombre de témoins, qu'à l'époque, Dragan Papic portait effectivement une
14 barbe, mais pas la même que celle qu'il avait dans le prétoire ; une barbe
15 beaucoup plus longue et beaucoup plus remarquable.
16 Il a également été dit que le témoin expert, M. Waagenaar, avait déclaré
17 qu'il était pratiquement impossible pour lui de se rappeler un visage
18 après six semaines. Quant au témoin Stevens, le laps de temps écoulé entre
19 le moment où il avait vu la personne et le moment où il a dû la
20 reconnaître dans le prétoire n'était pas de six semaines, mais bien de
21 six ans.
22 Sur la base de tout cela, ainsi que sur la base des réquisitions du
23 Procureur, il apparaît que le témoin n'avait pas de raisons de dire la
24 vérité. Je souhaite rappeler le premier Acte d'accusation dressé contre
25 Dragan Papic en 1995, dans lequel un témoin a déclaré devant les
Page 12124
1 enquêteurs que des prisonniers musulmans avaient creusé des tranchées à
2 Pirici et que, ce jour-là, Dragan Papic aurait tué Jusuf Ibrakovic. A
3 l'évidence, il y a eu une certaine confusion au niveau de ce fait puisque,
4 dans l'Acte d'accusation modifié, il a été confirmé que l'auteur de cet
5 acte n'était pas Dragan Papic, mais une autre personne.
6 Le témoin G prétend que, le 16 avril 1993, il aurait vu Dragan Papic
7 porter un fusil, accompagné de deux soldats devant une maison de son
8 voisinage, et qu'une personne gisait au sol, morte. Ceci malgré le fait
9 que ce même témoin, dans une déclaration préalable, avait dit que
10 Dragan Papic portait toujours un uniforme noir alors que, tout d'un coup,
11 il déclarait l'avoir vu en uniforme de camouflage avec un couvre-chef sur
12 la tête. Les témoins de la défense ont souligné que ce témoin était le
13 seul témoin de l'accusation prétendant avoir vu Dragan Papic le
14 16 avril 1993 à Ahmici.
15 Des témoins de l'accusation d'ailleurs, les témoins E, F et CC, ont
16 témoigné, au sujet du même événement du 16 avril 1993, de la présence de
17 Dragan Papic devant la maison de Husein Ahmic. Mais aucun de ces témoins
18 de l'accusation n'a dit avoir vu Dragan Papic devant cette maison. Ils ont
19 tous dit avoir vu des soldats alors qu'ils connaissaient Dragan Papic très
20 bien. Donc, Dragan Papic n'a été reconnu que par le témoin G qui, à
21 l'époque n'avait que 13 ans, était terrifié, dont la famille avait été
22 tuée, qui était en état de choc et qui avait plusieurs fois perdu
23 conscience ce jour-là en raison de ses blessures.
24 C'est seulement, donc, en 1998 que Dragan Papic est accusé par le témoin G
25 en rapport avec ce fait. Au moment où le témoin G répond aux questions des
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1 enquêteurs qui lui demandent finalement pourquoi c'est la première fois
2 qu'il parle de ce fait alors qu'il a déjà fourni plusieurs déclarations
3 depuis 1993.
4 Le témoin, à la question de la défense, répond qu'il n'en a jamais fait
5 mention auparavant parce qu'il avait peur de Dragan Papic. Cette
6 déclaration du témoin est inacceptable puisqu'après la guerre, il s'était
7 rendu à plusieurs reprises à Ahmici voir la maison de Papic en offrant de
8 vendre son terrain et en disant qu'il avait l'intention de se rendre
9 LUN13*
10 à l'étranger.
11 Vlatko Kupreskic lui-même, qui a été entendu en tant que témoin, a déclaré
12 que le témoin G lui a proposé également, donc à lui, d'acheter son
13 terrain.
14 Quant à la crédibilité de ce témoin, nous pouvons en juger au mieux de
15 cette déclaration disant que, le 15 avril 1993, les enfants des Croates ne
16 se trouvaient pas à l'école d'Ahmici. Il faisait allusion par cela au fait
17 qu'ils étaient prévenus de ce qui allait se produire le lendemain.
18 Mais cela est contraire à la déclaration préalable de Fikreta Vidovic, la
19 maîtresse, ainsi qu'à la déclaration du témoin H, qui ont confirmé que
20 tous les enfants des familles croates s'étaient rendus à l'école ce jour-
21 là.
22 Dragan Papic, à la date du 15 ou 16 avril 1993, n'a pas aidé à assassiner
23 des Musulmans. Les faits présentés par la défense montrent irréfutablement
24 qu'il se trouvait sur le pont de Radak et non pas à Ahmici. De l'endroit
25 où il se trouvait, il ne pouvait, ni savoir, ni voir ce qui se produisait
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1 à Ahmici.
2 Quant au fait que, depuis le pont de Radak, on ne voyait pas Ahmici, on a
3 entendu le témoin de la personne qui se trouvait monter la garde avec
4 Dragan Papic, qui a affirmé que personne n'avait le droit de s'écarter de
5 cet endroit et que Dragan Papic est resté sur place pendant la totalité du
6 temps. Zvonimir Santic a déclaré de la manière semblable en disant... en
7 le confirmant et en disant qu'il a passé 30 heures de l'autre côté du
8 pont. Ivica Milicevic affirme qu'elle a vu Dragan Papic près du pont au
9 moment où elle s'est rendue chercher de l'eau à cet endroit.
10 Elle a même... Même si Dragan Papic avait appris le lendemain ce qui
11 s'était produit à Ahmici, ce qu'il était en train de faire, à savoir
12 garder le pont, il n'aurait pas pu aider ceux qui ont attaqué les
13 Musulmans.
14 Tôt le matin, à la date du 16 avril 1993, lorsque les tirs ont éclaté,
15 Dragan Papic, dès qu'il l'a pu, le plus vite possible, avec son épouse, sa
16 mère et sa soeur, s'est enfui en direction de Donja Rovna. De nouveau, il
17 n'a pas eu de chance, il est tombé sur Nenad Santic, qui s'attendait à
18 voir Dragan par là et qui habitait à proximité. En tant que commandant des
19 gardes villageoises, il l'a envoyé au pont de Radak. A l'époque, il ne
20 faisait pas partie du HVO, il n'avait non plus aucun lien avec le HVO. En
21 fait, il était chargé des patrouilles villageoises comme cela ressort des
22 déclarations de différents témoins.
23 Jusqu'à la guerre, Nenad Santic travaillait à la station d'essence de
24 Vitez, comme nous l'avons entendu de la part du témoin Vidovic. Plus tard,
25 comme tous les autres, comme de nombreux autres, il a été mobilisé et il
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1 est mort au champ de bataille.
2 Il n'avait aucun lien ni coopération avec les patrouilles villageoises. En
3 fait, ce lien n'existait pas entre le HVO et les patrouilles villageoises,
4 s'agissant des opérations d'armement, et de surveillance, et de contrôle.
5 Dans la municipalité de Busovaca, en revanche, la guerre a commencé en
6 janvier 1993 ; la situation était différente, et c'est pour cela qu'il y a
7 eu un lien entre le HVO et les patrouilles villageoises. C'est Zvonimir
8 Santic qui en a parlé, lui qui était à la tête des patrouilles
9 villageoises de Donja Rovna. Et comme nous le savons, Donja Rovna fait
10 partie de la municipalité de Busovaca.
11 Ainsi, ce lien entre le HVO et les gardes villageoises dans la
12 municipalité de Busovaca ne peut pas être considéré comme identique avec
13 la situation dans la municipalité de Vitez. Les témoins qui, pendant la
14 présentation des éléments de preuve du Procureur, ont évoqué Dragan Papic
15 comme ayant pris part aux persécutions, sont des victimes traumatisées du
16 conflit qui a éclaté le 16 avril 1993. Il s'agit de personnes qui ont été
17 forcées d'enterrer leurs morts, d'abandonner leurs maisons détruites,
18 d'apporter des soins à leurs blessés, de quitter Ahmici où ces personnes
19 sont nées et ont vécu. C'est pourquoi leurs dépositions sont subjectives
20 et n'ont pas pu être confirmées pour la majorité de leur contenu.
21 Ici, la défense évoque de nouveau la déposition du témoin expert,
22 M. Waagenaar, qui a parlé du manque de rationalité dans les dépositions
23 des témoins qui ont subi des chocs émotionnels.
24 Sur la base d'une conversation qu'il aurait eue avec Dragan Papic en 1991,
25 Abdullah Ahmic, on déduit, sur l'état d'esprit de l'ensemble du peuple
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1 croate qui, d'après lui, est en train de préparer une guerre, qui est en
2 train de préparer une attaque sur le peuple musulman, bien qu'il n'y ait
3 encore aucun indice sur un éventuel conflit qui éclaterait entre les
4 Musulmans et les Croates.
5 Ce sont les Serbes qui étaient les adversaires des Croates et non pas les
6 Musulmans. Ce n'est qu'entre eux qu'ils ont mené la guerre.
7 Le témoin Abdullah Ahmic a également affirmé que Dragan Papic a porté un
8 uniforme et qu'il portait un fusil à lunettes, et que le 20 octobre 1992,
9 c'est depuis la maison de Papic, depuis un fusil à lunettes qu'on a tiré
10 au moment où il se trouvait à 300 mètres de cet endroit.
11 Bien qu'il ait eu un autre entretien avec le Procureur auparavant,
12 Abdullah Ahmic, n'avait jamais mentionné ce détail ainsi que toute une
13 série d'autres détails au préalable.
14 Donc, ce témoin est amer, vu le supplice des membres de sa famille, et
15 s'agissant de son premier témoin, Mehmed Ahmic, qui a également déposé
16 ici, donc d'après son témoignage, Dragan Papic ne pouvait pas avoir ce
17 genre de fusil. Les témoins de la défense se sont prononcés là-dessus.
18 Dragan Papic portait un fusil simple, ordinaire, qu'il avait reçu dans son
19 entreprise.
20 A la question de la défense à Abdullah Ahmic, lui demandant : "Comment
21 savez-vous que d'une distance de 300 mètres on a tiré sur lui d'un fusil à
22 lunettes", il a répondu : "c'était certainement nécessairement ce fusil-
23 là, puisque le tir était très précis".
24 Autrement dit, Abdullah Ahmic sait précisément d'où provenaient les tirs.
25 Il sait quelle était la précision des tirs et il sait qu'il s'agissait
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1 d'un fusil à lunettes, bien qu'il n'ait pas été touché en dépit de cette
2 grande précision.
3 Et que dire sur les affirmations d'Abdullah Ahmic lorsqu'il dit qu'entre
4 les deux conflits, il a vu Dragan Papic porter un instrument qui
5 permettait d'étrangler. Mais c'est très étrange d'entendre que finalement
6 Dragan Papic n'ait pas tué quelqu'un ou étranglé quelqu'un puisqu'il
7 disposait d'un si grande palette d'armes.
8 Le Procureur estime que la déposition de ce témoin est crédible, bien
9 qu'elle ait été élargie de manière considérable au moment où elle a été
10 donnée dans ce prétoire par rapport aux déclarations préalables. Il y a
11 des choses qui n'ont jamais été dites au préalable devant le Procureur et
12 également certaines déclarations, selon lui, auraient été erronées parce
13 qu'il était gêné.
14 Et donc le 16 avril 1993, il aurait entendu des tirs de la maison de
15 Dragan Papic. En fait, c'était la maison de Ivo Papic et ce témoin, ainsi
16 que bien d'autres le savent pertinemment, mais il s'agissait de mentionner
17 le nom de Dragan Papic à tout prix.
18 Et il est vraiment tout à fait invraisemblable qu'au moment où les tirs
19 proviennent de toutes parts, le témoin soit à même d'évaluer que les tirs
20 proviennent précisément de la maison de Dragan Papic bien qu'il ne le voie
21 pas.
22 LUN14*
23 Plus tard, au moment où il a été blessé, il affirme qu'il a vu l'éclat des
24 projectiles provenant des fenêtres de la maison de Dragan Papic, et qu'il
25 a également remarqué deux soldats qui se trouvaient devant la maison.
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1 Fahrudin Ahmic a déclaré qu'il a été blessé au moment où il sortait de la
2 maison de Hilmija Ahmic et que c'est précisément à ce moment-là qu'il a vu
3 un tir provenir d'un fusil de la maison de Dragan Papic.
4 Sur la base de la déclaration qui a été donnée au Procureur, la défense a
5 filmé avec une caméra vidéo les positions auxquelles se référait Fahrudin
6 pour établir que, depuis cette maison d'Hilmija, on ne voyait pas du tout
7 les fenêtres de la maison de Dragan Papic, mais uniquement le sommet du
8 toit. Et on voyait encore moins l'espace devant la maison où il aurait vu
9 des soldats.
10 La défense a également pu établir que, depuis les fenêtres de la maison de
11 Papic, on ne voyait nullement l'espace devant la maison d'Hilmija Ahmic.
12 Cependant, Fahrudin Ahmic a été peut-être informé du fait qu'on a procédé
13 au tournage et il a craint qu'il y ait un contrôle de sa déposition. C'est
14 pourquoi il a modifié sa déposition : ici, dans ce prétoire, il a dit
15 qu'il a été blessé à un autre endroit assez éloigné de la maison
16 d'Hilmija, et de cet endroit on voit bien la maison de Dragan Papic. Il a
17 également affirmé que les tirs provenaient des maisons de Mehmed Ahmic où,
18 à l'époque, évidemment personne n'habitait.
19 La défense a proposé, par conséquent, que la déclaration de Fahrudin Ahmic
20 donnée au Procureur soit versée au dossier pour que la Chambre puisse voir
21 dans quelle mesure ces déclarations diffèrent.
22 Le 16 avril 1993, d'après la défense, dans la maison de Dragan Papic
23 durant la journée il n'y avait aucun membre de la famille parce que tous
24 les membres de la famille avaient quitté cette maison suite au début des
25 tirs, tôt dans la matinée.
Page 12131
1 Quant à savoir si un quelconque des soldats était entré dans la maison ou
2 avait passé du temps dans la maison, personne de la famille de Papic ne le
3 sait.
4 Dans sa lettre finale, le Procureur indique qu'il y a un lien entre Dragan
5 Papic et le HVO. Le Procureur affirme que Dragan Papic a permis au HVO
6 d'utiliser sa maison et son terrain à de nombreuses reprises, et que le
7 HVO a déployé une activité intense à cet endroit, non seulement entre les
8 deux conflits mais également à d'autres occasions.
9 Premièrement, la défense saisit l'occasion pour montrer que, sur la base
10 des déclarations des témoins, le Procureur indique de manière erronée
11 qu'il s'agit de la maison de Dragan Papic. Il s'agit de la propriétaire
12 d'Ivo Papic. Ivo Papic réside toujours dans cette maison. Or, en 1995,
13 Dragan Papic a déménagé avec sa famille à Vitez. Il s'agit d'une famille
14 extrêmement patriarcale. Les témoins de l'accusation savent pertinemment
15 que Dragan Papic est le chef incontesté de la famille.
16 Egalement, la propriété d'où il a été tiré, il s'agit d'une propriété qui
17 n'appartient pas à la famille Papic. La question qui se pose donc est de
18 savoir si les propriétaires étaient en mesure de s'opposer aux unités
19 armées, aux unités militaires.
20 Quant au témoin B, témoin B qui est également cité par le Procureur et qui
21 affirme que Dragan Papic a pris part aux activités autour des postes de
22 contrôle et des barrages routiers, et affirme également qu'il aurait été
23 commandant d'un de ces barrages routiers, s'agissant de ce témoin B, la
24 défense tient à faire observer que, s'agissant du barrage qui a été érigé
25 par Mehmed Ahmic avant le premier conflit, devant la maison de Papic, sur
Page 12132
1 la route, que ce témoin a présenté ce barrage comme un barrage croate, et
2 il a déclaré que Papic était une sorte de commandant à cet endroit.
3 Mais Mehmed Ahmic lui-même, au moment de sa déposition ici, sur insistance
4 de la part de la défense, a fini par reconnaître que ce barrage lui aussi,
5 donc sur la route principale, a été installé, érigé par les Musulmans
6 devant sa propre maison et que lui-même, en personne, a demandé que ce
7 barrage soit déplacé. Ce barrage a été placé devant la maison de Mehmed.
8 Mais le témoin a initialement parlé d'un barrage croate, érigé pour la
9 première fois entre les deux Croates et en reprochant ce fait à Dragan
10 Papic qui n'avait aucun lien avec celui-ci.
11 Qui est le témoin B ? Le témoin B, dans un premier temps, a servi au sein
12 de la JNA en tant qu'officier de carrière. Par la suite, il a rejoint les
13 rangs de l'armée de Bosnie-Herzégovine, il a été officier chargé des
14 questions de sécurité. Pendant longtemps ou à de très rares occasions, il
15 s'est rendu à Ahmici. Soudainement, il s'y rend entre les deux conflits et
16 il remarque la présence de Papic dans des situations qui sont
17 compromettantes pour celui-ci.
18 Le témoin B, que fait-il à Ahmici ? Il n'est pas tout à fait clair. En
19 tant qu'officier de l'armée de Bosnie-Herzégovine, qu'a-t-il à faire à cet
20 endroit ? Ne devrait-il pas être plutôt à d'autres endroits où des combats
21 sont en cours ? Ou au contraire aurait-il été chargé d'une mission à
22 Ahmici ? Ce témoin, ainsi que d'autres membres de sa famille, a des
23 raisons de reprocher des faits aux Croates, habitants d'Ahmici.
24 Ce que tient à faire observer la défense est que le témoin B est le fils
25 du témoin KL qui a également déposé dans cette affaire, et lui est le
Page 12133
1 frère du témoin EE. Comme il y a eu beaucoup de victimes dans cette
2 famille, il est tout à fait naturel qu'il y ait eu des traumatismes et que
3 ces témoins aient été traumatisées. Mais ils ne peuvent pas présenter des
4 faits subjectifs comme une vérité incontestable.
5 Donc, toutes sortes d'armes, des mitrailleuses, des mitraillettes, fusils
6 antiaériens, etc., auraient été vus devant la maison de Dragan Papic. Les
7 dépositions des témoins diffèrent quant aux endroits où étaient placées
8 ces armes. Certains témoins ont vu des sacs de sable, d'autres des nids de
9 mitraillettes. Selon l'un, ce nid se trouvait à gauche par rapport à la
10 maison. Selon l'autre, à droite. Un troisième affirme que ce nid se
11 trouvait à 50 mètres de la maison, en fait plus près d'autres maisons.
12 Quant au témoin D qui est cité dans la lettre finale du Procureur où il
13 est dit que cette femme témoin aurait remarqué des balles incendiaires
14 provenant de Zume et du pont de Radak, même avant la date du
15 16 avril 1993, la question en fait demeure entière. Qu'a vu ce témoin ?
16 Nous l'ignorons.
17 Pendant sa déposition ici, ce témoin a déclaré avoir vu Dragan Papic se
18 rendre au Bungalow puis, suite à une question qui lui a été posée par la
19 défense, elle a répondu qu'elle ne l'a pas vu de ses propres yeux, qu'elle
20 l'a supposé puisqu'il n'avait pas d'autres endroits où il aurait pu se
21 rendre.
22 Le Procureur affirme que les procès verbaux du HVO montrent que Dragan
23 Papic faisait partie du bataillon d'escorte de Travnik et qu'il avait le
24 rôle d'un coursier dans ce bataillon. Donc, cela confirmerait un rôle
25 important de Dragan Papic dans le HVO.
Page 12134
1 Cette donnée contredit la pièce P351 du Procureur. Il s'agit de la liste
2 des bureaux du HVO de Vitez où Dragan Papic
3 LUN15*
4 appartient en même temps au 92ème Régiment, et Dragan Papic n'avait rien à
5 voir avec Novi Travnik. C'était peut-être un autre Dragan Papic de
6 Novi Travnik. Ces renseignements nous montrent à quel point la
7 documentation présentée par le Procureur n'est pas fiable. Notamment pour
8 ce qui est de la pièce P351, la défense affirme que sur cette liste il y a
9 des personnes âgées, des femmes, il y a des Musulmans. Ufeta Tuco elle-
10 même y figure.
11 La défense, pendant la présentation des éléments de preuve, a pu montrer
12 grâce aux dépositions de ces témoins, que cette liste a été dressée afin
13 d'obtenir des actions. Maître Radovic en a parlé, je ne souhaite pas me
14 répéter.
15 Dans la lettre du Procureur, il est fait mention de la mobilisation et il
16 est confirmé que Dragan Papic avait un statut de réserviste et il n'aurait
17 donc pas pu être un soldat du HVO.
18 Dans sa lettre finale, le Procureur indique que les témoins de la défense
19 n'étaient pas fiables. Il ne conteste pas que Dragan Papic ait monté la
20 garde sur le pont de Radak, mais il affirme qu'à cet endroit il n'est pas
21 resté pendant toute la durée du temps.
22 Ivo Vidovic, le témoin de la défense, par exemple, n'est pas cru par le
23 Procureur parce que le Procureur lui reproche de ne pas savoir que les
24 patrouilles villageoises avaient pris part au conflit au moment où Dragan
25 Papic, donc le 20 octobre, se trouvait dans les champs.
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1 Dragan Papic était occupé par son travail. Et pour quelle raison aurait-il
2 dû être au courant du fait que le HVO a été constitué ? Pourquoi devait-il
3 savoir où se trouvait Dragan Papic, dans les champs ou non ?
4 Ivo Papic également. Pourquoi devait-il savoir qu'il y a eu des accords
5 passés entre les Croates ou les Musulmans, qu'il y a eu des unités qui ont
6 été constituées et de quelle manière elles ont été constituées ?
7 Simplement, il y a des gens qui ne s'intéressent pas à ce genre de choses.
8 Il y en a d'autres, en revanche, qui s'intéressent à cela, et puis qui
9 peuvent s'intéresser également à tout autre chose.
10 Ivo Vidovic n'a pas renié le fait que nombre de Musulmans ont été victimes
11 à Ahmici. Ce qu'il a affirmé, c'est que la portée de leur supplice ne lui
12 a été connue que progressivement. Pendant qu'il montait la garde au pont
13 de Radak, il l'ignorait.
14 Zvonimir Santic, qui montait la garde de l'autre côté du pont, n'est pas
15 cru lui non plus par le Procureur. En fait, le Procureur trouve que
16 Zvonimir Santic a correctement répondu à la question que Papic montait la
17 garde, mais il ne savait pas qui montait la garde de l'autre côté. Mais
18 seules deux personnes montaient la garde. C'est cela la réponse.
19 De l'autre côté, en revanche, il y avait beaucoup plus de personnes, au
20 moins une dizaine de personnes, qui se relayaient, tandis que Zvonimir
21 Santic, en tant que commandant qui montait la garde le plus souvent, il
22 n'est pas du tout étonnant qu'il ne se rappelle pas toutes les personnes
23 qui ont pu monter la garde à chacun des moments donnés.
24 Le Procureur considère comme peu fiable la déclaration de Goran Papic
25 puisqu'il n'accorde la crédibilité qu'aux déclarations et aux dépositions
Page 12136
1 des témoins de l'accusation. Mais la défense s'est déjà référée à cela.
2 Si vous me le permettez, je ferai observer que les témoins de la défense
3 évoquent un mortier de 62 millimètres qu'aurait possédé Dragan Papic, et
4 je dois dire que cette arme n'a été mentionnée par aucun des témoins de
5 l'accusation.
6 Les témoins de la défense, s'ils n'étaient pas fiables, n'auraient pas
7 parlé de ce mortier qui a permis de reprocher d'autres faits, des faits
8 supplémentaires au Procureur. Dragan Papic a appris à manier ce mortier de
9 62 millimètres pendant son service au sein de la JNA, et c'est là qu'il a
10 appris à manier le fusil M48. Nenad Santic, justement en se basant sur ce
11 fait, a remis ce mortier à Dragan Papic. Et c'est pour cela qu'il lui a
12 demandé de s'en charger.
13 Ljubica Milicevic, quant à elle, Zdenko Rajic, lui aussi, ne semblent pas
14 être des témoins fiables aux yeux du Procureur.
15 Mais je n'ai pas le temps de m'étendre là-dessus. Le Procureur ne croit
16 pas qu'avant le début des tirs, le 16 avril 1993, Dragan Papic ne savait
17 pas qu'une attaque était imminente puisque Dragan Vidovic a déclaré que,
18 dans la maison de Jozo Livancic, une réunion s'était tenue et qu'il était
19 convenu d'informer les autres qu'une attaque allait survenir et qu'il
20 fallait évacuer les maisons.
21 Donc c'est cela justement qui prouve que Dragan Papic n'était pas membre
22 régulier des patrouilles villageoises, et sa famille n'a pas été prévenue
23 parce qu'on supposait que cette famille qui habitait dans la partie basse
24 du village allait facilement pouvoir se rendre en direction de Donja Rovna
25 et qu'il était donc plus important d'informer la population qui habitait
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1 dans la partie centrale et dans les hauteurs du village.
2 Le Procureur ne conteste pas qu'avant la guerre Dragan Papic ait entretenu
3 de bonnes relations avec les Musulmans. Mais en évoquant la déposition de
4 Tone Bringa, le témoin expert, il affirme qu'il y a eu modification de
5 l'attitude à cause des tensions qui se sont exacerbées. Or, ce qu'affirme
6 la défense, c'est que les Croates ne sont pas les seuls qui ont modifié
7 leur attitude, ce sont les Musulmans eux aussi qui ont changé de
8 comportement. Donc le caractère ne peut pas se modifier uniquement d'un
9 côté, mais aussi il se modifie nécessairement de l'autre dans des
10 conditions qui sont différentes.
11 Et il n'est donc pas fondé de reprocher un certain nombre de choses sur
12 ces bases-là à Dragan Papic, parfois des faits qui lui sont reprochés sont
13 tout à fait inacceptables.
14 M. le Président (interprétation). - Monsieur Puliselic, votre temps
15 s'écoule.
16 M. Puliselic (interprétation). - Oui, je m'apprête à terminer, Monsieur le
17 Président.
18 Le Procureur a mentionné qu'il n'y a pas de circonstances atténuantes du
19 côté de l'accusé puisqu'il n'avait pas collaboré avec le Procureur. La
20 défense, par contre, estime que la collaboration avec le Procureur n'est
21 pas la seule des circonstances atténuantes en prendre en considération.
22 Les juristes de l'ex-Yougoslavie pourraient prendre en considération le
23 fait que Dragan Papic s'est rendu et s'est mis à la disposition du
24 Tribunal une fois qu'il a appris qu'il y avait un Acte d'accusation
25 dressés contre lui. En plus, M. Papic avait des enfants en bas âge dont il
Page 12138
1 fallait tenir compte et une femme qui n'avait pas d'emploi. C'est une
2 circonstance atténuante également.
3 Il faut également prendre en considération le fait que de Dragan Papic n'a
4 jamais été condamné sur quelque point que ce soit, et une preuve a été
5 apportée à l'appui.
6 Il convient également de tenir compte du fait qu'il s'est comporté
7 correctement et de façon disciplinée dans l'unité de détention, chose qui
8 peut être aisément vérifiée.
9 Je vais proposer, pour finir, ce qui suit, à savoir que la défense
10 considère que les allégations avancées par le Procureur ne prouvent pas
11 que Dragan Papic a contribué à la politique de la persécution,
12 conformément à l'article 5 H) de l'Acte d'accusation car il n'était pas au
13 courant des intentions de persécution à la date à laquelle les crimes
14 incriminés ont eu lieu à Ahmici.
15 Nous proposons que les arguments soient acceptés comme cela a été présenté
16 dans les conclusions écrites de la défense, et d'exempter Dragan Papic de
17 toute responsabilité et de toute culpabilité. Je vous remercie de votre
18 attention.
19 M. le Président (interprétation). - Bien, je vous remercie. Avant la
20 pause, j'aimerais revenir sur les deux documents que j'ai évoqués tout à
21 l'heure. J'ai parlé du mémoire de la défense de Me Krajina, mais je sais,
22 je me rends compte qu'il y en a d'autres, bien sûr, qui ont été déposés
23 dans le cadre de la confidentialité. Je veux parler des mémoires de
24 Me Slokovic-Glumac, de Me Radovic et de Me Susak.
25 S'agissant donc de la décision que j'ai formulée tout à l'heure, nous
Page 12139
1 décidons que tout ces
2 LUN16*
3 J16 Agnès Relu
4 Jonction OK
5 mémoires finaux ne sont plus confidentiels à partir de maintenant.
6 (L'audience, suspendue à 12 heures 20, reprend à 12 heures 35.)
7 M. le Président (interprétation). - Avant de donner la parole à
8 Me Pavkovic, je voudrais dire que nous avons décidé de rejeter la requête
9 présentée par Me Susak concernant la mise en liberté provisoire de
10 M. Josipovic pour les mêmes raisons que nous avons énoncées tout à
11 l'heure. Il s'agirait plutôt de trois demandes préalables de mise en
12 liberté provisoire et non pas de demandes actuelles.
13 A vous, Maître Pavkovic.
14 M. Pavkovic (interprétation). - Je vous remercie, Monsieur le Président.
15 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans cet instant décisif de ce
16 débat très long, je crois que vous avez en tête probablement une décision
17 concernant la responsabilité de M. Vladimir Santic.
18 Nous avons entendu bien des témoins de l'une et de l'autre des parties en
19 présence, nous avons entendu des experts qui, pour ce qui nous concerne,
20 nous, juristes, nous ont aidés à résoudre des dilemmes dans notre
21 profession et toujours au service de cette dernière. Vous avez vu des
22 pièces à conviction et, selon votre conviction, l'accusé M. Vladimir
23 Santic est coupable, ou alors l'accusé Vladimir Santic est innocent.
24 Je suis, quant à moi, convaincu que vous avez probablement cette deuxième
25 conviction qui l'emporte, à savoir que M. Vladimir Santic n'est coupable
Page 12140
1 d'aucun des chefs de l'accusation. Et si cela est vrai, ma tâche
2 consisterait en ce moment-ci en une tâche modeste.
3 Partant de l'appréciation raisonnable de toutes les appréciations
4 formulées par les témoins, je voudrais indiquer les raisons pour
5 lesquelles MM. les Juges et Mme le Juge pourraient adopter une sentence
6 déclarant M. Vladimir Santic innocent.
7 Dans les arguments présentés par le Procureur, qui a rappelé les
8 événements du 16 avril 1993, il a savamment su susciter des sentiments
9 auxquels, ni alors, ni maintenant, l'on ne saurait rester indifférent lors
10 du défilé des témoins auquel nous avons assisté. Personne ne saurait
11 rester indifférent à l'égard des crimes, quand bien même ils ne seraient
12 pas affectés en personne.
13 Toutefois, je me trouve convaincu que Messieurs les Juges, Madame le Juge,
14 vous conserverez votre raison en toute tranquillité et jugerez en fonction
15 des faits prouvés et en toute sérénité en dehors de tout doute raisonnable
16 comme votre honneur de Juge vous l'enjoint.
17 Il a été discuté et débattu de bien des questions qui se rapportent à la
18 défense de Vladimir Santic et je ne me propose pas ici de les reprendre.
19 Je soutiens les positions énoncées, notamment celles de mon collègue
20 Susak, à savoir celles au terme de laquelle le client de M. Susak est
21 accusé pour le même événement et pour les mêmes actes que le mien.
22 Ce que je dois remarquer toutefois, et dire que la défense de Vladimir
23 Santic ne se joint pas à notre collègue Slokovic, je cite : "Je souligne
24 que toute l'unité de police a participé au village d'Ahmici". Fin de
25 citation. Je suis convaincu que c'est un lapsus.
Page 12141
1 Mais quand bien même cela ne serait pas le cas, et cela l'est, j'attirerai
2 votre attention le moment voulu sur les moments qui remettent en question
3 de façon très sérieuse cette assertion.
4 Il ne s'agit pas seulement des dires des témoins, mais il s'agit des
5 preuves matérielles et ces dernières montrent de façon tout à fait
6 authentique que cette assertion se trouve inexacte, l'assertion au terme
7 de laquelle "toute l'unité de la police militaire a, etc.." Fin de
8 citation.
9 Je me propose de parler maintenant de l'Acte d'accusation modifié et
10 complété et des chefs d'accusation qui se rapportent à mon client
11 M. Vladimir Santic.
12 Le Procureur, pour vous le rappeler, accuse Vladimir Santic de crimes
13 contre l'humanité, persécution sur des bases politiques, raciales et
14 religieuses en fonction de l'article 5 H) du Statut du Tribunal. Cela se
15 concentre dans les paragraphes 9, 10, 20 et 21 de l'Acte d'accusation et,
16 en fait, cet Acte d'accusation pourrait s'énoncer comme suit :
17 L'accusé avec la participation d'autres personnes accusées ici et autres,
18 et membres du HVO, en sa qualité de soldat donc, a pris part à l'attaque
19 contre Ahmici en date du 16 avril 1993. Et si l'intention, selon le
20 Procureur, était de nettoyer le terrain des Musulmans bosniaques, l'accusé
21 aurait entrepris des actes pour la tuerie délibérée et systématique et
22 l'expulsion des Musulmans ainsi que pour la destruction en grande
23 envergure de leurs biens.
24 Vladimir Santic, au point 19, se trouve également accusé de violation
25 grave des lois et coutumes de la guerre et cela est désigné par des actes
Page 12142
1 de meurtre, à savoir actes cruels, agissements cruels.
2 Avant que de m'aventurer dans l'analyse des thèses énoncés par le
3 Procureur, je tiens, Monsieur le Président, Messieurs les Juges, Madame le
4 Juge, à indiquer une spécificité au sujet de laquelle je voudrais vous
5 demander ne pas la perdre de vue dans l'espoir que celle-ci méritera votre
6 attention.
7 En effet, le Procureur, dans son Acte d'accusation modifié et complété, a
8 accusé Vladimir Santic exclusivement en sa qualité de soldat du HVO et
9 tout ce qui est allégué dans cet acte d'accusation se fonde sur cette
10 position, ou plutôt ce statut de l'accusé.
11 Mais, dans ses conclusions écrites, le Procureur -et notamment en plus
12 dans son exposé oral- se concentre sur une argumentation qui vise à
13 prouver la thèse au terme de laquelle Vladimir Santic serait coupable
14 notamment pour le fait d'avoir commandé à ses subordonnés l'exécution de
15 la persécution des Musulmans à Ahmici en date du 16 avril 1993.
16 Le Procureur dit que Vladimir Santic avait un
17 LUN17*
18 rôle de commandement dans la police militaire : il transmettait les
19 directives et les complétait avec ses ordres personnels et se trouve, par
20 voie de conséquence, coupable de sa fonction et de ses devoirs de
21 commandant.
22 Donc, le Procureur, pour la première fois et contrairement à l'Acte
23 confirmé d'accusation qui traite l'accusé en qualité de soldat du HVO,
24 place maintenant Vladimir Santic en position de commandement, donc en
25 fonction d'autorité pour édifier sa position relative à la responsabilité
Page 12143
1 de l'accusé.
2 La défense à ce sujet exprime sa profonde préoccupation pour une telle
3 façon de procéder et se demande en quoi, alors, consiste le sens de la
4 confirmation de l'Acte d'accusation par le Tribunal, donc par l'organe de
5 contrôle, si le Procureur peut se permettre, de son propre gré, de
6 modifier les Règlements de la procédure. Et je ne parle pas là des
7 dilemmes qui sont posés devant le conseil de la défense.
8 Est-ce que l'accusé a le droit de se défendre lui-même contre les chefs
9 d'accusation qui lui sont mis à charge ? Et comble de l'ironie, on va
10 reprocher à la défense, dans les conclusions écrites, qu'"elle n'avait pas
11 prêté attention au rôle de l'accusé de commandement de ce bataillon, de ce
12 1er Bataillon en date du 16 avril 93", et je termine ici la citation qui
13 se trouve à la page 202 et pages qui suivent.
14 Il est vrai que le Procureur formellement, sur un plan formel, va se
15 référer à l'article 7 alinéa 1 du Statut mais, concernant la teneur de ce
16 qu'il affirmera, finira par conclure de l'accusation de Vladimir Santic en
17 se référant à l'alinéa 3 de ce même article, car il dit dans ses
18 conclusions écrites : il parle de responsabilité de commandement pour les
19 crimes commis.
20 J'avais ressenti, Madame et Messieurs les Juges, de relever ce point et
21 vous allez conclure quant à vous si cela est pertinent ou pas. Je pense
22 que cela l'est. Et je vous donnerai les raisons que j'ai en vue par la
23 suite car je voudrais m'en tenir à l'idée maîtresse de la défense.
24 Je vais donc dans mon exposé me centrer d'abord sur l'argumentation
25 présentée par le Procureur pour appuyer, ou du moins par laquelle il
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1 voulait appuyer ses thèses d'accusation, pour ce qui est ce que je
2 désignerai par un Acte d'accusation légitime. Et puis je me proposerai
3 d'analyser ce qui se passerait si le Procureur avait accusé sur ces
4 fondements-là -il ne l'a pas fait et il vient de le faire en final-, pour
5 prouver que, même dans ce cas-là, l'accusé Vlado Santic, pour le statut
6 dans lequel il se trouve désormais incriminé, n'a pas pris part aux actes
7 incriminés à l'époque où cela a eu lieu et surtout pas de la façon dont le
8 Procureur l'en accuse.
9 L'Acte d'accusation modifié est complété. Pour ce qui est de la
10 persécution sur des bases raciales, religieuses et autres, aux fins de
11 prouver ces thèses de persécution des Musulmans de Bosnie, le Procureur a
12 convié plusieurs témoins à comparaître devant cette Chambre.
13 Il est vrai que la défense n'avait pas été au courant de tout ceci, et
14 cela ne me surprend pas, car la procédure aurait pu le prévoir auparavant.
15 La situation s'est déjà manifestée auparavant et l'on avait affirmé que
16 l'accusé avait effectivement effectué, commis les actes dont on l'accuse.
17 Le Procureur s'est donc centré sur des thèses et des arguments appuyés par
18 l'Acte d'accusation.
19 Pour ma part, j'ai décidé de prendre en considération tous les dires des
20 témoins qui mentionnent Vladimir Santic de quelque façon que ce soit.
21 Après évaluation de tous les éléments de preuve, je suis parvenu à une
22 conclusion qui est la suivante. Le Procureur n'a pas prouvé hors de tout
23 doute raisonnable que Vladimir Santic a directement pris part aux actes du
24 16 avril 1993, pas plus qu'il n'y a pris part indirectement. Je dirais
25 même qu'il n'y a été mêlé de quelque façon que ce soit, et je me propose
Page 12145
1 de démontrer ultérieurement que l'accusé a été surpris par les événements
2 en question, car je me propose de présenter un exposé de l'alibi dont
3 dispose l'accusé.
4 Le Procureur a d'abord, pour soutenir les thèses de l'accusation, fait
5 venir un témoin B, un témoin AA, Sulejman Kavazovic, Zaim Kablar, le
6 témoin Lee Withworth et le témoin EE.
7 Si l'on excepte le témoin EE -et nous devons l'excepter car je vais
8 revenir à ce témoin de façon plus particulière car c'est sur ses dires à
9 lui que le Procureur fonde une autre thèse, et nous ne sommes pas ici pour
10 évaluer ce témoin et c'est le seul témoin qui affirme que Vlado Santic se
11 trouvait à Ahmici en date du 16 avril 1993-, je me demande ce que les
12 autres témoins qui ont été cités à la barre par le Procureur ont dit.
13 Le témoin B. Il était censé servir au Procureur, selon ce que la défense a
14 compris, pour prouver que l'accusé, à la veille du conflit, avait eu une
15 relation quelconque avec l'unité qui avait pris part au conflit, selon le
16 Procureur.
17 Selon ce qu'a dit ce témoin, Santic, à la veille du conflit, aurait été vu
18 au Bungalow, et c'est là-bas qu'il aurait transmis des commandements bien
19 définis.
20 Le fait qu'il s'agisse là d'un témoin de deuxième main n'est pas un
21 argument auquel je me proposerai de recourir pour remettre en question ces
22 dires. Mais c'est plutôt dans le sens du peu de fiabilité des dires de ce
23 témoin que je me dirige, car ce témoin n'avait pas une vue d'ensemble sur
24 la situation générale parce qu'il avait dit qu'à Stari Vitez il avait été
25 présent lors de l'interrogatoire d'un jeune prisonnier du HVO qui aurait,
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1 semble-t-il, déclaré -car il était dans le HVO- que Vlado Santic serait
2 venu un soir au Bungalow pour transmettre ces ordres.
3 D'abord ce témoin, d'après ce qu'il a admis lui-même, n'a pas assisté tout
4 le temps à l'interrogatoire en question et auquel on se réfère.
5 Deuxièmement, ce jeune soldat... pardon, ce jeune prisonnier n'est plus
6 jamais revenu de son emprisonnement. Troisièmement, et c'est là le plus
7 important, lorsque le témoin a affirmé que cet interrogatoire avait été
8 effectué conformément aux conventions de Genève, pour ce qui est du
9 comportement vis-à-vis
10 LUN18*
11 des prisonniers, on devrait s'attendre à ce qu'il y ait une trace écrite,
12 un procès-verbal de cet interrogatoire. Et, pour ce qui est de votre
13 question, Monsieur le Président, sur l'existence d'une trace écrite ou
14 d'un procès-verbal, je voudrais vous rappeler et répondre qu'il n'existe
15 rien.
16 Et c'est bien pour cela que je mets sous un point d'interrogation tous les
17 dires de ce témoin-là et j'affirme que, sur ces dires-là, nous ne saurions
18 conclure que Vlado Santic se trouvait au poste où on le place et selon
19 lequel Vlado Santic aurait proféré les paroles qui lui sont imputées. Je
20 reviens à ce qu'a dit le collègue Me Puliselic, tout à l'heure, à savoir
21 les dires du témoin EE, personne qui a proféré un témoignage à charge de
22 l'accusé. Alors je vais y revenir plus tard.
23 Maintenant, je passe au témoin AA. Lorsque l'on prend en considération
24 toute l'envergure, toute la place qui a été accordée aux dires de ce
25 témoin et aux dires du même témoin avant l'audition ici, j'en conclus que
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1 c'est un témoin fort important pour le Procureur. Et c'est ainsi qu'il est
2 traité d'ailleurs dans cette affaire. Il semble donc faire partie des
3 témoins les plus importants.
4 Et les informations avancées par ce témoin sont multiples. Il était dans
5 la police militaire et disposait d'informations qui semblaient être utiles
6 pour appuyer les thèses sur le rôle de Vladimir Santic. Toutefois, toutes
7 ces déclarations devraient en fait être classées parmi celles qui ont
8 trait aux faits d'importance pour appuyer la thèse de la persécution des
9 Musulmans de Bosnie, car le monsieur en question est Musulman, et ensuite
10 les thèses qui parlent de l'attitude de l'accusé Vladimir Santic, et par
11 la suite, bien d'autres renseignements qui n'ont point trop d'importance
12 pour ce que M. le Procureur cherche à prouver.
13 Il est indubitable, le fait que ce témoin connaisse Vladimir Santic. L'on
14 ne conteste pas qu'il le connaisse depuis pas mal de temps déjà, et l'on
15 ne conteste pas non plus qu'ils aient appartenu tous les deux à la même
16 unité de police militaire qui avait pour tâche, comme l'a dit le témoin,
17 de garder 24 heures sur 24 le point de commandement situé à l'hôtel de
18 Vitez.
19 Il n'est pas contesté que Vlado Santic ait été à un moment donné
20 commandant de cette unité. Le Procureur le reconnaît lui-même pour en
21 finir lorsqu'il a analysé les dires de ce témoin jusqu'au 1er avril 1993
22 où il a quitté l'espace en question et il ne peut pas parler par voie de
23 conséquence des événements qui ont eu lieu le 16 avril 1993.
24 Aux fins d'appuyer ces assertions, ces allégations pour ce qui est de la
25 fiabilité dudit témoin, le Procureur a dit dans ses conclusions écrites
Page 12148
1 qu'il n'y avait aucune animosité entre Vlado Santic et le témoin en
2 question. Ce n'est pas exact. Au contraire, il y a une forte animosité
3 entre les deux et cela va bien sûr jeter de l'ombrage sur la crédibilité
4 du témoignage en tant que tel.
5 Le témoin a reconnu devant vous qu'avec plusieurs autres personnes il
6 avait lancé une grenade sur un kiosque qui se trouvait être en possession
7 de l'épouse de Vlado Santic. En le disant ici, et qui plus est il avait
8 dit qu'il avait au préalable embrasé (embrassé ?) cette grenade, est-ce
9 que les Juges n'ont pas l'impression que dans ce geste il y a forcément
10 une espèce d'esprit de revanche ? Et faudrait-il alors que tout ce qu'il a
11 énoncé au sujet de Vlado Santic soit vrai et négliger en même temps le
12 reste ?
13 Et il est un argument clé qui n'est pas contesté par le Procureur, c'est
14 le fait que le témoin ait abandonné l'espace de la Bosnie centrale en
15 début avril, et c'est là le point déterminant pour la remise en question
16 de tout ce qui s'est passé par la suite et qui serait en corrélation avec
17 les dires du témoin au sujet de l'accusé.
18 Je ne vais pas, à présent, m'aventurer plus profondément dans une analyse
19 qui démontrerait que le Procureur s'est servi de certains renseignements
20 inexacts. Pour illustrer la chose, je ne soulignerai qu'un point :
21 lorsqu'il a purgé sa peine un certain Bralo, Vlado Santic a été
22 précisément la personne qui, selon le même témoin, l'avait maltraité, et
23 le témoin a bien dit qu'il s'agissait de Vasko Ljubicic.(?)
24 Je voudrais pour ce qui est de ce témoin et en conclusion pour votre
25 appréciation que le témoin duquel je parle et quant aux relations et
Page 12149
1 rapports entre Vlado Santic et lui-même, que tout ce qui avait été fait de
2 mal vis-à-vis de lui n'était pas dû au fait qu'il ait été Musulman parce
3 que Vlado a traité tout le monde de la même façon.
4 Ce témoin a dit également, à la lumière des thèses du Procureur concernant
5 la persécution des Musulmans, que le même témoin avait dit pendant
6 l'époque où il se trouvait à la police militaire, que cette police
7 militaire n'avait pas de dents, de griefs contre la population musulmane,
8 et n'avait pas détruit leur maison et n'avait pas dévasté leurs biens
9 immobiliers.
10 Les témoins Kavazovic Sulejman et Zaim Kablar parlent d'une époque après
11 le 16 avril 1993. Et je tiens à dire d'ores et déjà que le témoin
12 Kavazovic n'est pas fiable car il s'agit d'une personne qui a confondu
13 Vlado Santic, l'accusé, avec un autre Vlado Santic.
14 Le témoin en question a décrit Vlado Santic comme une personne avec des
15 cheveux bruns courts. Vlado Santic, ni alors ni aujourd'hui, n'avait de
16 cheveux noirs, ils ne sont pas noirs non plus maintenant et ils ne sont
17 pas courts non plus. Le témoin a également dit qu'il connaissait Vlado
18 Santic et qu'il l'avait connu en une occasion à l'hôtel lorsque celui-ci
19 avait été amené.
20 Le Procureur dira à ce sujet que Vlado Santic avait des fonctions dans les
21 services de renseignements à l'époque. Vlado Santic était inspecteur de
22 police. Toutefois, tout ce qui appuie l'assertion selon laquelle le témoin
23 Kavazovic a confondu Vlado Santic avec un autre Vlado Santic est un fait
24 qui a été illustré par une pièce à l'appui qui porte le sigle D5/6. Et si
25 vous vous en souvenez, quoi qu'il soit difficile de se rappeler tous les
Page 12150
1 détails de cette affaire, le témoin Kavazovic avait affirmé s'être
2 entretenu au téléphone avec Vlado Santic ce jour-là et avait confirmé que
3 cet entretien avait été effectué à partir d'un numéro déterminé d'abonné.
4 Le témoin avait affirmé en répondant à une question du Président de la
5 Chambre : "Etait-ce bien à ce numéro d'abonné que vous vous êtes entretenu
6 avec M. Vlado Santic en sa qualité d'accusé ? Il a répondu par
7 l'affirmative.
8 Le document 5/6 démontre que ce numéro de téléphone et, dans le document
9 en question se trouvent les certificats des PTT et bien d'autres
10 documents, appartient à Vlado Santic mais non pas ce Vlado Santic qui est
11 accusé ici, mais un autre Vlado Santic. Donc le témoin n'a pas dit la
12 vérité lorsqu'il
13 LUN19*
14 a affirmé qu'il s'est entretenu au téléphone avec l'accusé Vlado Santic.
15 Zaim Kablar quant à lui, l'homme qui a remercié devant ce Tribunal Vlado
16 Santic et se trouvait heureux de pouvoir le faire -car Vlado Santic, ces
17 jours-là, dans ces temps déments, l'avait sauvé lui-même-, et quand il a
18 parlé de questions qui pourraient faire partie de la zone de
19 responsabilité de l'accusé -car le témoin a été dirigé vers des travaux de
20 tranchée-, il avait dit au sujet de ces tranchées creusées par lui-même et
21 d'autres qu'il n'y avait pas de liste de personnes pour creuser les
22 tranchées. Et celles-ci, ces listes-là, étaient encore moins rédigées par
23 Vlado Santic, puis a conclu que, "si Vlado Santic avait su que j'étais
24 dirigé vers ces travaux de tranchée, il m'aurait exempté de la chose".
25 Le témoin Withworth aurait difficilement pu voir Vlado Santic dans la
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1 localité de Vitez. Il le situe dans les structures locales de la sécurité
2 de l'hôtel, mais il n'en est pas tout à fait certain non plus. Il ne dit
3 pas un mot sur les événements du 16 avril 1993. Et je serais... Monsieur
4 le Président, Madame et Monsieur les Juges, les témoins qui se sont
5 adressés devant cette Chambre de première instance pour confirmer les
6 thèses de l'accusation pour dire que Vlado Santic avait exécuté, mis en
7 oeuvre une politique de nettoyage ethnique dans cet espace de Bosnie
8 centrale et d'Ahmici. Mais comme vous avez pu le voir, aucun de ces
9 témoins n'avait aucune connaissance concrète et précise pour ce qui est
10 des événements incriminés du 16 avril 1993.
11 Je tiens à vous rappeler que je me propose tout de même de faire un retour
12 sur le témoin EE. Par la présentation de ces éléments de preuve, -et la
13 défense est convaincue de ne pas avoir omis quelque témoin que ce soit- de
14 par la présentation de ces éléments de preuve, le Procureur n'a réussi à
15 prouver aucun acte qui aurait été commis par Vlado Santic et qui aurait pu
16 être caractérisé comme un acte de persécution sur des bases politiques,
17 raciales ou religieuses. Et ce sont des fondements qui, en vertu des
18 normes appliquées jusqu'à présent pour définir la notion de persécution en
19 matière de droit international, que nous connaissons en tant que tels.
20 Le Procureur, pour vous rappeler son Acte d'accusation complété et
21 modifié, n'a pas aidé et encouragé l'attaque qui s'est tenue au mois
22 d'avril contre des civils, il n'a pas pris part à l'entraînement militaire
23 et je tiens à dire que Vlado Santic a toujours vécu à Vitez et jamais à
24 Ahmici, et le Procureur affirme que c'est lui qui avait évacué les civils
25 croates la nuit d'avant, qui avait organisé les unités militaires, qui
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1 avait préparé sa maison et celle de ses cousins et parents comme point de
2 départ pour le lancement de l'attaque. Il avait informé ses concitoyens
3 croates de l'attaque qui allait avoir lieu.
4 Alors, nous aimerions, en notre qualité de défense, savoir quels sont les
5 actes d'inculpation qui portent sur Vlado Santic et quels sont ceux qui ne
6 portent pas sur lui ? Cet Acte d'accusation devrait donc être plus
7 particulièrement défini, les actes en tant que tels devant être
8 complètement définis, car ce n'est qu'ainsi que l'on saurait d'une part
9 prouver la consistance de ceux-ci, ou les remettre en cause.
10 Je tiens à vous rappeler en ce moment-ci que le Procureur, dans ses
11 conclusions écrites d'une trentaine de pages, a consacré une seule phrase
12 à Vlado Santic, en disant que les preuves démontreront sa participation à
13 l'attaque sur Ahmici. Le Procureur n'a pas épargné Vlado Santic, mais il
14 n'avait plutôt plus rien d'autre à lui mettre à charge.
15 Monsieur le Président, Madame et Monsieur le Juge, je voudrais maintenant
16 m'occuper des conclusions écrites du Procureur, de ses réquisitions. J'ai
17 commencé à m'exprimer sur ce point pour mettre en garde contre certaines
18 des observations du Procureur. S'il ne s'agissait pas ici de quelque chose
19 d'aussi capital, si le destin d'un certain nombre de personnes n'était pas
20 en cause, je n'accorderais peut-être pas un instant aux arguments
21 développés par le Procureur dans ses réquisitions.
22 Mais avec le respect que je vous dois et en vous demandant un instant de
23 patience, je me dois néanmoins de faire valoir que les thèses du Procureur
24 telles que présentées dans son mémoire final ne tiennent pas. Il est très
25 intéressant de voir d'ailleurs comment le Procureur crée cette thèse au
Page 12153
1 sujet de la responsabilité de Vladimir Santic dans les actions qui lui
2 sont reprochées. Le Procureur admet dans son mémoire qu'il ne dispose pas
3 de preuves prouvant avec certitude la responsabilité de l'accusé et ses
4 arguments se développent de la façon suivante.
5 Pour commencer, le Procureur affirme que les membres de la première
6 compagnie du 4ème Bataillon de la police militaire, au nombre desquels on
7 trouve le peloton antiterroriste des Jokers, a participé aux alentours du
8 16 avril 1993 et sur ordre aux actes de persécution commis à Ahmici. Par
9 ailleurs, le Procureur affirme que Vlado Santic était commandant de cette
10 compagnie et, donc, de ce peloton antiterroriste des Jokers, le
11 16 avril 1993 ; et puis le Procureur affirme que Vlado Santic contrôlait
12 les unités de la police militaire, exerçait un commandement sur elles, il
13 parle de la façon dont Vlado Santic faisait respecter la discipline, il
14 fait appel à des témoins qui ont prétendu avoir vu Vlado Santic non loin
15 d'Ahmici le 24 et le 26 avril 1994 ; il fait référence à 16 témoins et à
16 un certain nombre de documents afin, selon ses propres dires, de prouver
17 la participation de l'accusé à la campagne de persécution.
18 Et le Procureur conclut en affirmant que Vlado Santic donnait des ordres,
19 avait donné des ordres à ses subordonnés pour que ceux-ci exécutent les
20 actes de persécution. Les ordres ont été adressés au commandement de la
21 police militaire selon le Procureur, ou alternativement il s'agit d'ordres
22 qu'il a transmis à ses subordonnés. Autrement dit, le crime aurait été
23 commis par une personne autre que l'accusé et ce, sur réception d'un ordre
24 provenant d'un commandement et destiné à des subordonnés. C'est ce
25 qu'affirme le Procureur.
Page 12154
1 LUN20*
2 Mais que nous montrent les éléments de preuve qu'il est impossible de
3 contester ? Vladimir Santic n'était pas le commandant de la 1ère Compagnie
4 du 4ème Bataillon de la police militaire le 16 avril 1993. Pas un seul
5 élément de preuve ne l'a démontré, et je ne parlerai pas de supputation ou
6 de supposition. Le dernier document signé par Vlado Santic date du
7 8 avril 1993 et ce document n'a pas donné lieu à une identification de la
8 signature de Vlado Santic, je tiens à le souligner.
9 Ce qui est affirmé au sujet de Vlado Santic par le Procureur, c'est qu'il
10 était également le commandant des Jokers, étant commandant de la
11 1ère Compagnie du 4ème Bataillon. Or, un document du 18 mars 1993 montre
12 sans l'ombre d'un doute que ce peloton, s'il dépendait bien du
13 commandement de la compagnie et donc du bataillon, avait été placé sous le
14 commandement direct du commandant de la 2ème Compagnie du 4ème Bataillon.
15 Le Procureur affirme que ce rôle de commandant exercé par l'accusé n'a
16 duré qu'une journée, que ce jour-là. Or, le document ne le montre pas. Et
17 le témoin Dzambasovic, sur lequel je reviendrai, ce témoin, lorsqu'il a vu
18 ce document, a déclaré que ce n'était pas ce qu'indiquait le document.
19 C'est vrai, le document n'indique pas que le détachement de ces hommes n'a
20 duré qu'une seule journée.
21 Par ailleurs, pas un seul des seize témoins invoqués par le Procureur et
22 qui aurait dû confirmer le rôle de la police militaire le 16 avril 1993,
23 ou plus précisément confirmer la présence de la 1ère Compagnie de ce
24 bataillon de la police militaire à Ahmici, aucun témoin ne dit avoir vu
25 Vlado Santic ce jour-là ou qu'il s'agissait de membres de la 1ère Compagnie
Page 12155
1 du 4ème Bataillon de la police militaire.
2 Les hommes qui ont été vus portaient l'uniforme et arboraient les insignes
3 de la police militaire mais, réellement, pas un seul des témoins entendus
4 n'a affirmé que ces hommes étaient effectivement et précisément membres de
5 cette compagnie-là.
6 La pièce à conviction de la défense D16 prouve, elle, qui dirigeait cette
7 compagnie de la police militaire à Ahmici et on n'y trouve pas le nom de
8 Santic.
9 Par ailleurs, lorsque le Procureur a parlé des ordres, nous constatons
10 qu'il n'existe pas un seul ordre, en tout cas pas un seul ordre n'a été
11 soumis à cette Chambre de première instance qui prouve que le
12 4ème Bataillon de la police militaire donnait des ordres à la 1ère Compagnie
13 ou à des niveaux hiérarchiques inférieurs. Et aucun témoin n'a parlé non
14 plus de la transmission d'un ordre oral répondant à cette filière
15 hiérarchique. Il n'y a pas d'élément de preuve dans ce sens parce qu'il
16 n'existe pas d'ordre qui ait demandé au commandant ou aux hommes de la
17 1ère Compagnie de transmettre cet ordre à ses subordonnés. Il n'y a pas non
18 plus la moindre preuve qui indiquerait qu'à un niveau inférieur à celui-ci
19 des instructions orales ou écrites aient été transmises. Il n'y a pas un
20 seul élément de preuve qui indique que Vlado Santic connaissait en fait le
21 contenu d'un ordre quelconque.
22 Je vous rappelle que cette Chambre de première instance s'est vu présenter
23 trois ordres dont l'auteur est un homme qui a été témoin dans ce procès,
24 le témoin CI. Lorsqu'il a déposé, ce témoin a confirmé que ces ordres
25 émanaient de lui. Je parle des pièces à conviction de la défense D36,
Page 12156
1 D37 et D38/2.
2 Pas un seul de ces ordres n'a le moindre rapport direct avec Vlado Santic
3 en tant que commandant de la 1ère Compagnie, supposition présentée par le
4 Procureur, et il n'existe pas non plus la moindre preuve que Vlado ait eu
5 connaissance du contenu de ces ordres -je parle des ordres en date du
6 15 avril à 10 heures, 15 heures 40, et de l'ordre en date du 16 avril 1993
7 à 1 heure 30. La défense affirme que Vlado Santic ne connaissait pas la
8 teneur de ces ordres et elle a souligné qu'il n'existait pas non plus de
9 preuve qu'il ait existé d'autres ordres.
10 Mais examinons à présent la situation qui aurait prévalu si Vlado Santic,
11 comme l'affirme le Procureur, avait eu connaissance du contenu de ces
12 ordres. Même dans ces conditions, il n'aurait pu être informé du contenu
13 que des ordres dont je viens de parler. Et si nous parlons de ces ordres,
14 il peut être utile, sans doute, de parler de la nature de ces ordres.
15 Contrairement aux allégations du Procureur selon lesquelles, dans ces
16 ordres, il serait question d'instructions destinées à organiser une
17 attaque, un témoin de l'accusation -la défense remercie d'ailleurs ce
18 témoin de l'accusation-, a indiqué que ces ordres étaient des ordres de
19 défense. Le témoin a examiné chacun de ces ordres avec le plus grand soin,
20 individuellement, et en a conclu qu'il s'agissait d'ordres destinés à
21 organiser la défense.
22 La défense de l'accusé se demande dans ces conditions comment le Procureur
23 a pu se dire que ces ordres étaient destinés à organiser une attaque ? En
24 effet, la conclusion que je viens de formuler devant vous a même été celle
25 d'un expert militaire lorsqu'il a lu les intitulés de ces ordres. Car nous
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1 constatons que les unités auxquelles ces ordres étaient adressés étaient
2 chargées d'empêcher des attaques de la part des Musulmans bosniens,
3 d'empêcher des incursions de groupes terroristes, de sécuriser le poste de
4 commandement et d'un certain nombre d'autres tâches qui étaient affectées
5 à la police militaire.
6 Maintenant, demandons-nous ce que seraient, si Vlado Santic avait connu la
7 teneur de ces ordres, les tâches qui auraient été celles de Vlado Santic.
8 Le témoin expert Dzambasovic a déclaré que le commandement et la
9 subordination sont des principes élémentaires de l'organisation d'une
10 armée, et que tous les hommes d'une armée devaient respecter ces principes
11 dans le cadre d'une discipline militaire très stricte. Il existe un
12 certain degré d'autonomie à tous les niveaux, mais si un ordre défensif ou
13 offensif est reçu, cet ordre ne peut être remis en cause à quelque niveau
14 que ce soit : il doit être exécuté.
15 Donc, si Vlado Santic avait reçu un ordre de cette nature -et le devoir de
16 la police militaire était de sécuriser le poste de commandement-, dans ces
17 conditions il aurait été contraint de se plier à la discipline militaire
18 et de faire exactement ce qui était stipulé de la façon la plus claire
19 dans l'ordre en question.
20 Parlons maintenant des rapports de subordination. Je me suis demandé, dans
21 ces conditions, comment le Procureur avait pu se former la conclusion
22 qu'il s'est formée après avoir entendu son témoin expert, conclusion selon
23 laquelle Vlado Santic était sur le terrain. D'où vient cette conclusion
24 selon laquelle il aurait existé d'autres ordres ? Lorsque je dis sur le
25 terrain, je pense à Ahmici. D'où peut-on tirer la conclusion qu'il aurait
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1 été le dirigeant de son unité, comme l'affirme le Procureur ?
2 Pour répondre à cette question, je dois rappeler aux Juges de cette
3 Chambre de ne pas perdre de vue la pièce à conviction du Procureur P390,
4 et je demanderai que l'on accorde le plus grand soin à se demander dans
5 quelle mesure le Procureur a respecté la décision de cette Chambre
6 lorsqu'il a utilisé cette pièce à conviction.
7 M. le Président (interprétation). - Maître Pavkovic, je vous prie de
8 m'excuser pour cette interruption, mais j'aimerais vous poser une
9 question. S'agissant de ce que vous venez de dire au sujet des ordres qui
10 auraient été reçus par M. Santic, êtes-vous en train de baser votre
11 défense sur l'existence d'ordres supérieurs ?
12 M. Pavkovic (interprétation). - Je n'ai pas entendu l'interprétation.
13 M. le Président (interprétation). - Je vous demandais si, eu égard à ce
14 que vous venez de dire, s'agissant des ordres qui auraient été reçus par
15 M. Santic, à ce sujet je me demandais si ce que vous êtes en train de
16 faire, c'est vous référer au principe de l'existence d'ordres supérieurs
17 dans le cadre de votre ligne de défense.
18 LUN21*
19 l'argument selon lequel une personne exécutant des ordres provenant d'un
20 niveau hiérarchique supérieur pourrait être exemptée de sa responsabilité
21 dans quelque crime qu'elle aurait commis dans ce contexte.
22 M. Pavkovic (interprétation). - Non, Monsieur le Président, ce n'est pas
23 ce que je suis en train de faire. Ce que je suis en train de faire, c'est
24 analyser les ordres qui ont été soumis aux Juges de cette Chambre et dont
25 l'expert Dzambasovic a parlé. Si Santic avait pour devoir d'exécuter ces
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1 ordres-là car il n'en existe pas d'autres, eh bien ces ordres lui
2 donnaient pour mission d'assurer la sécurité du poste de commandement.
3 C'est de cela que je parle bien entendu. Peut-être y a-t-il un malentendu.
4 Je ne suis pas en train d'affirmer que l'exécution de ces ordres pourrait
5 l'exempter de sa responsabilité ou exempter de sa responsabilité l'auteur
6 de ces ordres. Je suis en train de parler des trois ordres pour lesquels
7 le témoin Dzambasovic a dit qu'il s'agissait d'ordres défensifs.
8 La thèse que je défends, c'est que l'accusé Vlado Santic n'avait pas
9 connaissance du contenu de ces ordres. Mais si c'est bien à ces ordres que
10 pense le Procureur, j'étais contraint de faire une analyse pour prouver
11 que Vlado Santic n'était pas sur le terrain, comme l'affirme le Procureur,
12 mais se trouvait à l'hôtel. Et j'évoque à présent la pièce à conviction de
13 l'accusation 390 sur laquelle le Procureur semble fonder ses suppositions
14 et ses allégations.
15 M. le Président (interprétation). - Très bien. Merci.
16 M. Pavkovic (interprétation). - Je ne sais pas si nous nous comprenons
17 maintenant ?
18 M. le Président (interprétation). - Oui, oui. Merci.
19 M. Pavkovic (interprétation). - Donc le Procureur, lui-même, comme je l'ai
20 déjà signalé, a indiqué dans ses conclusions écrites qu'il n'avait pas de
21 preuves directes du rôle de commandement exercé par l'accusé. Et il
22 déclare ensuite que si la Chambre estime que le Procureur n'a pas prouvé
23 la responsabilité eu égard à la commission des actes de persécution à
24 Ahmici, l'accusé peut néanmoins être considéré comme responsable dans le
25 cadre des actes destinés à favoriser et à aider à la commission de ces
Page 12160
1 actes de persécution.
2 Dans ce cadre, je pense qu'il peut être utile de passer quelques instants
3 à analyser d'un peu plus près cette thèse de l'accusation. Je viens de
4 citer le Procureur, il admet lui-même ne pas disposer de preuves certaines
5 démontrant l'existence d'un rôle de commandement. Mais dès lors qu'il
6 souhaite prouver tout de même l'existence d'une certaine responsabilité,
7 eh bien, cette responsabilité, il la situe, il la relie au fait que
8 l'accusé aurait omis de s'opposer au contenu des ordres en question.
9 Je trouve que cela n'est pas logique car, d'un côté, on affirme qu'il n'y
10 a pas existence et, de l'autre côté, on accuse tout de même pour absence
11 d'opposition à l'exécution d'un ordre. Et je me demande de quel ordre il
12 s'agit en fait.
13 Le Procureur, s'agissant de Santic, affirme que l'accusé est resté inactif
14 lorsque des actes de persécution contre la population civile musulmane ont
15 été ordonnés à ces hommes ; et il dit que, d'une part, il y a donc manque
16 d'action, inaction, et que, d'autre part, il y a exécution réelle d'un
17 crime, commission réelle d'un crime.
18 Par ailleurs, le Procureur ajoute que Vlado Santic, et en l'absence de
19 preuves indiquant clairement le rôle de commandement de l'accusé, il
20 affirme que Vlado Santic a tout de même agi dans le sens de l'expulsion
21 des Musulmans et qu'il a aidé à cette persécution ex post facto.
22 Pour parler de cela, j'attire l'attention des Juges sur la position de son
23 unité par rapport à l'endroit où les crimes ont été commis. Et
24 Vlado Santic aurait omis de sanctionner ses subordonnés. Selon le
25 Procureur, cela revient au même que d'accorder une aide morale aux auteurs
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1 du crime, ce qui serait un élément de qualification important dans
2 l'exécution du crime.
3 J'ai déjà dit avoir l'impression que présenter la responsabilité de cette
4 façon en disant que Santic serait responsable pour avoir omis de punir ses
5 subordonnés, j'ai déjà dit que cette vision de la responsabilité s'inscrit
6 à mon avis dans le paragraphe 3 de l'article 7 du Statut, ce qui n'est pas
7 invoqué.
8 Deuxièmement, le Procureur affirme que Santic a aidé à la commission de
9 ces actes ex post facto. Une responsabilité après les faits peut être
10 envisagée si elle a été envisagée avant les faits et si les auteurs de
11 l'acte ont manifesté une certaine ténacité, un certain enthousiasme dans
12 l'exécution de l'acte en question à partir des premiers stades de cette
13 exécution. Or, ce n'est pas le cas dans les allégations retenues par le
14 Procureur.
15 Deuxième argument : pour être incitateur d'un acte, il n'est possible
16 d'agir qu'avant les faits ou pendant les faits mais pas après les faits.
17 Or, le Procureur affirme dans le cas qui nous intéresse que c'est à une
18 date ultérieure, le 24 et le 26 avril 1994, que Vlado Santic a encouragé,
19 incité quelqu'un à la commission d'un acte. Or, il est impossible
20 d'inciter quelqu'un à commettre un acte qui a déjà été commis.
21 Puisqu'apparemment, le temps n'est pas mon ami, et compte tenu de vos
22 instructions, Monsieur le Président, je vais maintenant accélérer un peu
23 la présentation des deux autres thèmes que je souhaiterais vous soumettre.
24 Premier thème : celui de l'alibi. Je dois commencer par répondre à la
25 thèse du Procureur relatif aux chefs 16 à 19 de l'Acte d'accusation. La
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1 défense a présenté des éléments de preuve indiquant que Vlado Santic était
2 dans l'hôtel Vitez le 16 avril 1993 à partir de 5 heures du matin et toute
3 la journée jusqu'à 20 heures.
4 Par conséquent, il est impossible pour Vlado Santic d'avoir participé aux
5 combats qui ont eu lieu à Ahmici dans le laps de temps que je viens
6 d'indiquer. La présence de l'accusé à un autre endroit que celui où le
7 crime est censé avoir été commis, a été confirmée par au moins deux
8 témoins. Le témoin de la défense Biletic a affirmé que -or ce matin-là il
9 se trouvait devant l'entrée principale de l'hôtel Vitez-, ce témoin a
10 affirmé que ce matin-là, très tôt à 5 heures ou 5 heures et quart,
11 Vlado Santic est arrivé à l'hôtel.
12 Le témoin se trouvait devant la porte de l'hôtel, ils n'ont pas parlé l'un
13 avec l'autre, ils se sont simplement salués et Vlado s'est rendu à son
14 poste de travail. Selon le témoin, Vlado Santic venait très souvent
15 travailler très tôt le matin. Peu de temps après, à 6 heures ou aux
16 alentours de 6 heures, un peu avant, un peu après selon ce qu'a dit ce
17 témoin, une explosion très forte a été entendue. Et le témoin parle de
18 panique. Il dit que toutes les personnes présentes dans l'hôtel se sont
19 ruées dans le hall d'entrée et qu'il a, à ce moment-là, entendu la voix de
20 Vlado Santic.
21 Le témoin Franjic, lui aussi, affirme qu'à 6 heures et quart, et en fait
22 jusqu'à 6 heures 30, il a aussi vu Vlado Santic à l'entrée de l'hôtel.
23 Donc les dépositions de ces deux témoins sont conformes sur ce point
24 particulier. Biletic l'a entendu, Franjic l'a vu ; Franjic est le
25 directeur de l'hôtel, Franjic connaît Vlado Santic. Donc apparemment, il
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1 n'y a pas de contestation possible, pas même de la part du Procureur,
2 quant au fait que Vlado Santic se trouvait à l'hôtel ce jour-là.
3 Le Procureur accepte la déposition du témoin Franjic, comme il le dit dans
4 ses conclusions écrites, il admet que Vlado Santic se trouvait à cette
5 heure-là à l'hôtel, ce qui ne l'empêche pas d'affirmer que cet élément ne
6 remet pas en cause la thèse du Procureur selon laquelle
7 LUN22*
8 Vlado Santic se trouvait à Ahmici sans doute un peu avant.
9 Même si je fais confiance au témoin Franjic, le témoin Biletic est un
10 témoin peu fiable, affirme le Procureur, mais il admet qu'ils aient été
11 tous les deux à l'hôtel. Il reproche à Biletic de déclarer... enfin de ne
12 pas se souvenir très précisément, de manière très exhaustive, des
13 événements. Mais le Procureur, quand il fait ce genre de reproche, oublie
14 que, s'agissant de Biletic, un mois seulement avant que celui-ci ne
15 comparaisse devant le Tribunal, son enquêteur, son investigateur s'est
16 entretenu avec lui, que la défense a été présente sans prendre part à cet
17 entretien, et que le champ des questions a été limité par le Procureur
18 lui-même, donc que c'est lui-même qui a identifié les domaines et pour lui
19 reprocher a posteriori d'être trop sélectif.
20 Un autre témoin de la défense, M. Franjic, a déposé à ce moment-là, donc,
21 au même moment que le premier. Et lorsqu'on compare ces déclarations, donc
22 avant que ces personnes ne comparaissent au Tribunal, je ne vois pas ce
23 qui nous empêcherait d'en tenir compte.
24 "Je me souviens même..." Oui, le témoin affirme : "Je me souviens même du
25 livre que j'ai lu la veille, donc je n'étais pas fatigué", comme ceci lui
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1 a été reproché.
2 Je ne pense pas que ce reproche de sélectivité puisse être
3 accepté parce que le Procureur reconnaît à Biletic qu'il a vu après
4 20 heures le 16 Santic au Bungalow, non pas parce que Biletic l'affirme,
5 mais parce que la pièce P250 le montre. Dans sa déposition, Biletic
6 déclare que, s'agissant de la sécurité de la police militaire, tous les
7 ordres à partir de 20 heures le soir… en fait, que tous avaient quitté
8 l'hôtel suite à l'ordre reçu.
9 Et un petit commentaire, si vous permettez. Le Procureur admet qu'entre
10 16 heures 15 et 16 heures 30 Santic se trouvait à l'hôtel. Il s'appuie sur
11 la déclaration de M. Franjic. Mais il aurait pu être à Ahmici au préalable
12 devant la maison du témoin EE, il aurait pu commettre le crime, donc. En
13 ces temps de paix, ce genre d'acte ne serait pas plus possible qu'à
14 l'époque, donc après 5 heures 30, d'après, donc, l'idée du Procureur,
15 Santic se trouve à Ahmici et à 6 heures 15, il est à 3 ou 5 kilomètres de
16 distance à Vitez puisque c'est là que le situent les témoins. Et par la
17 suite, il est à Ahmici à la tête d'une unité. Ce scénario ne me semble pas
18 convaincant.
19 La logique des choses était toute différente. Il est arrivé à l'hôtel,
20 Biletic l'a vu là-bas et toutes ces journées…. En fait, permettez-moi de
21 dire que Biletic n'est pas resté collé à Santic, il l'a vu, il a confirmé
22 sa présence et Vlado Santic n'aurait pas pu quitter l'hôtel sans que
23 Biletic ne le voie. Biletic se trouvait à l'entrée principale, il a vu
24 tous ceux qui sont entrés, tous ceux qui sont sortis de l'hôtel et il y en
25 avait peu, parce que c'était la guerre. On entendait des explosions et
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1 c'est cela qui a empêché les gens d'entrer et sortir librement, enfin,
2 comme nous le présente ce scénario.
3 Mon collègue de la défense, M. Susak, a déjà évoqué les chefs d'accusation
4 portés contre son client et Santic aux points 16 à 19 de l'Acte
5 d'accusation. Le seul témoin, Monsieur le Président, Madame, Monsieur le
6 Juge, le seul témoin qui confirme que Santic s'est trouvé le 16 à Ahmici
7 est le témoin EE. Cette dame déclare que Vlado Santic s'est trouvé devant
8 sa porte et par la suite elle affirme qu'avec d'autres il a commis le
9 crime.
10 Rappelons-nous brièvement sa déposition du 8 octobre 1998 devant ce
11 Tribunal : "Lorsque mon mari a ouvert la porte, et quand nous avons jeté
12 un coup d'oeil sur la terrasse, j'ai vu des soldats, Vlado Santic,
13 Zeljko Livancic, Drago Josipovic, Marinko Katava, Karlo Cerkez. Zeljko et
14 Vlado ont emmené mon mari derrière la grange. "
15 Permettez-moi d'analyser ce que déclare le témoin, mais je dois dire de
16 prime abord que la défense est convaincue que ce témoin ne dit pas la
17 vérité. En fait, personne ne conteste que son époux ait été victime des
18 événements le 16 avril 1993. Mais ce que la défense conteste, c'est que le
19 témoin EE ait été témoin oculaire de cet événement. Comme nous le savons
20 tous, il y a des événements que nous n'arrivons pas à chasser de notre
21 mémoire et nous nous souvenons de certains faits toute notre vie. Nous
22 n'avons pas besoin de l'avis du témoin expert Waagenaar pour le savoir.
23 L'assassinat de l'époux d'une personne proche, l'assassinat de quelqu'un
24 sous vos yeux, c'est sans aucun doute un événement qui laisse des traces
25 ineffaçables, mais enfin, faut-il alors douter de ce que nous avons vu ?
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1 Ce qu'affirme le témoin, c'est que Marinko Katava se trouvait devant le
2 seuil de sa porte. Elle a peut-être fait confusion sur Marinko Katava,
3 peut-être était-ce une autre personne. Elle avait peur et ce n'est pas à
4 exclure.
5 Mais ce qu'elle dit par ailleurs, c'est qu'elle connaît très bien Marinko
6 Katava. Elle affirme devant ce Tribunal qu'elle est sûre à 100 % que la
7 personne qui se trouvait devant sa porte le matin en question était bien
8 Marinko Katava. Et que se passe-t-il par la suite ? Où se trouve
9 Marinko Katava ?
10 Très brièvement, il est venu devant ce Tribunal, il a affirmé que le matin
11 en question il se trouvait à l'entrée de son immeuble à Vitez et comme
12 nous l'avons déjà rappelé, Marinko Katava a déjà fait l'objet
13 d'inculpation précisément sur la base d'une déclaration faite par ce
14 témoin. Mais lorsque le témoin CD est venu comparaître et lorsqu'il a
15 déposé dans une autre affaire en disant que Marinkov Katava se trouvait à
16 Vitez, à ce moment-là le Procureur a retiré son inculpation contre Marinko
17 Katava.
18 Donc le témoin JJ lui aussi affirme la même chose : Marinko Katava se
19 trouvait à Vitez ce matin-là. Donc, nous avons les témoins CD et JJ qui
20 sont tous les deux membres de la communauté ethnique musulmane et il nous
21 a été très difficile de les approcher. La défense avait beaucoup de
22 difficultés à prendre contact avec ces témoins, et le témoin CD est un
23 témoin qui a été cité par la Chambre. Donc s'il affirme que mon client se
24 trouvait à Vitez, il ne pouvait pas se trouver en même temps à Ahmici. Ce
25 témoin affirme également que le matin en question devant sa porte se
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1 trouvait Stipo Alilovic.
2 Tout cela, toutes ces histoires sur Stipo Alilovic, vous savez, permettez-
3 moi de vous rappeler, l'épouse de Stipo Alilovic est venue en tant que
4 témoin de la Chambre et le Procureur ne conteste pas cela. C'est que Stipo
5 Alilovic est parti le 23 mars 1993 de Bosnie pour se rendre aux Pays-Bas.
6 Il était malade, il est mort en 1995, il n'a jamais quitté le
7 LUN23*
8 territoire des Pays-Bas avant sa mort. Il n'aurait pas pu se trouver à
9 Ahmici comme l'affirme le Procureur qui prétend que la défense ne l'a pas
10 contesté, n'a pas pu le réfuter. Donc l'épouse affirme qu'ils n'avaient
11 pas de pièce d'identité et que cet homme ne pouvait pas circuler. Même aux
12 Pays-Bas, il leur était impossible de satisfaire à leurs besoins
13 élémentaires de survie.
14 Nous avons la pièce C11 d'où il ressort qu'ils disposaient d'une pièce
15 leur permettant de bénéficier des virements auprès de la poste qu'ils
16 recevaient en tant que réfugiés. Donc Stipo Alilovic ne pouvait pas
17 effectuer un voyage pour se rendre à Ahmici et pour commettre le crime, il
18 n'avait pas de pièce d'identité lui permettant de voyager.
19 En 1993, les frontières étaient encore fermées, vous ne pouviez pas
20 circuler sans passeport. Mais l'épouse de Stipo Alilovic a dit aussi que
21 son mari a quitté la Bosnie parce qu'il était hostile à la guerre. Alors,
22 serait-il revenu pour faire la guerre là-bas et revenir par la suite de
23 nouveau aux Pays-Bas ? Non.
24 Nous pouvons prétendre que son histoire n'est pas fiable parce que c'est
25 son épouse, mais nous n'avons aucune raison de douter des déclarations de
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1 citoyens néerlandais qui sont venus ici. Nous avons leur voisine,
2 Mme Hume, et puis le témoin Groenwald également. Que dit-elle,
3 Mme Hume ? : "Le 16 avril 1993, Stipo Alilovic n'avait aucun moyen de se
4 trouver à Ahmici puisqu'il se trouvait aux Pays-Bas ce jour-là. Et je me
5 souviens parfaitement de ce jour-là puisque le jour en question, dit le
6 témoin néerlandais, c'est ce jour-là que j'ai trouvé un travail." Et cette
7 dame nous a présenté les documents qui démontrent cela.
8 Donc c'est le 16 avril 1993 qu'elle a trouvé du travail en tant que
9 maîtresse d'école à Amsterdam. Elle dit : "Je me souviens parfaitement de
10 ce jour-là puisque Stipo était mon ami, et j'ai un moyen sûr de me
11 rappeler ce jour-là." Et qui d'entre nous ne se rappelle pas le premier
12 jour de son emploi ?
13 Le témoin EE a déposé en disant que Zeljko Livancic, lui aussi, s'est
14 trouvé devant sa porte ce jour-là et que c'est avec les autres qu'il a
15 emmené son mari qu'elle n'a plus revu.
16 Les témoins qui sont venus déposer ici pour confirmer que Zeljko Livancic
17 ne s'est pas trouvé le 16 avril 1993 devant la maison de ce témoin, mais
18 plutôt qu'il s'est trouvé sur une colline, à Kuber, qui se trouve à
19 quelques kilomètres de là, le témoin DH et Ivo Pranjkovic et Andzelko
20 Vidovic ont confirmé cela. Ils ont confirmé également qu'ils étaient
21 partis dès le 13 en direction de Kuber, que c'est Livancic, Pranjkovic,
22 Livancic qui sont partis et qu'ils y sont restés jusqu'au conflit,
23 jusqu'au 16.
24 Ils ont déclaré : "Il vous appartient d'en juger qu'il n'aurait pas pu le
25 faire, qu'il ne pouvait pas quitter l'unité et se rendre n'importe où
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1 puisqu'il avait un certain nombre de responsabilités de commandement."
2 En conclusion, lorsque le témoin EE affirme que Katava s’est trouvé devant
3 sa maison, Stipo Alilovic également, Zeljko Livancic aussi, alors que les
4 dépositions des témoins que je viens de citer disent que ceci n'était
5 purement et simplement pas possible, peut-on alors faire confiance au
6 témoin EE ? Peut-on lui faire confiance lorsqu'elle affirme que Vlado
7 Santic lui aussi s'est trouvé à cet endroit ?
8 Ce témoin a donné plusieurs déclarations préalables, au moins cinq, avant
9 de venir déposer dans ce prétoire. Dans les conclusions écrites, toutes
10 ses déclarations sont citées en détail avec toute l'argumentation qu'elles
11 contiennent, et j'attire votre attention sur des correspondances entre ces
12 déclarations qui nous permettent de juger de leur manque de fiabilité.
13 Bien entendu, il y a beaucoup de détails dont on ne peut pas se souvenir
14 dans ce genre de circonstance, mais on ne peut pas faire confusion sur les
15 les prénoms et les noms des gens. Il ne fait aucun doute qu'on reconnaît
16 les personnes qu'on connaît.
17 Enfin, permettez-moi de vous présenter deux ou trois points nous
18 permettant de voir que ce témoin ne dit pas la vérité. Ce témoin affirme
19 que le 16, pendant toute la journée du 16 avril 1993, lorsque son époux a
20 été emmené, qu'elle a passé toute cette journée dans un hangar. Donc elle
21 aurait passé toute la journée là-dedans ? Livancic et Pranjkovic... non,
22 excusez-moi, Livancic le confirme et je pense que c'est un fait
23 incontesté.
24 Pendant toute la journée, ce témoin reste donc dans ce hangar. Elle ne
25 sort pas une seule fois, elle ne sort pas pour voir où a été emmené et
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1 exécuté son mari. On pourrait évidemment dire qu'elle avait peur, elle
2 était avec ses enfants, sa mère, c'est pour ça qu'elle n'est pas sortie
3 pour voir si son époux n'avait pas besoin d'aide, s'il n'était pas blessé.
4 Donc sa peur peut justifier le fait qu'elle ne sorte pas. Cependant, ce
5 qu'elle affirme elle-même, c'est qu'elle est sortie au moins deux fois,
6 qu'elle est sortie de ce hangar pour éteindre l'incendie dans la maison,
7 et même pour s'habiller.
8 Alors, la question que je vous pose est la suivante : elle sort pour
9 éteindre l'incendie dans sa maison, mais elle ne va pas voir derrière le
10 hangar si son époux n'est pas blessé ? Pourquoi ne se rend-elle pas
11 derrière le hangar ? C'est clair, parce qu'elle n'a pas vu ces hommes
12 emmener son mari et le tuer, donc cela prouve qu'elle n'est pas témoin
13 oculaire de l'événement.
14 A un moment aussi elle dit : "Il a été emmené et il y a une rafale qui a
15 été tirée." Le fusil M48 qu'elle affirme avoir vu chez ces hommes ne
16 permet pas de tirer de rafales. Et un dernier élément, un dernier détail :
17 c'est déjà la soirée, il fait noir ; Drago Josipovic arrive avec le
18 témoin DH et avec Papic et il demande au témoin EE de sortir et de
19 s'installer dans la maison de Drago Papic ; elle ne veut pas partir, tout
20 comme auparavant elle ne voulait pas sortir lorsque Livancic lui demandait
21 de le faire. Elle leur pose une question, elle demande : "Qui est avec
22 vous ?". Livancic, d'après la déposition, répond : "Drago Josipovic est
23 ici", et le témoin sort.
24 Alors la question est la suivante... Et qui plus est, Livancic dit :
25 "J'avais l'impression qu'elle faisait confiance à Drago Josipovic. Elle se
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1 sentait en sécurité et c'est pour cette raison-là quelle est sortie". Donc
2 la question que je pose est la suivante : si Drago Josipovic avait pris
3 part à ce crime, comme elle l'affirme, mais comment pouvait-elle alors
4 avoir confiance en cet homme ? Pourquoi serait-elle sortie justement après
5 avoir appris que Drago Josipovic était là ? Et il l'a raccompagne jusqu'à
6 la maison de Papic.
7 Enfin, c'est le temps qui me reste justement qui me permettra d'exposer
8 mes conclusions. Quelle est la question qui reste en suspens, Monsieur le
9 Président, Madame et Monsieur les Juges ? C'est la question du motif.
10 Pour quelle raison le témoin EE dépose-t-elle de la manière dont elle
11 dépose en reprochant des crimes graves, comme elle le fait devant ce
12 Tribunal ? Je me suis demandé si c'était réellement par une envie que la
13 vérité soit établie, comme l'affirme le Procureur, ou bien serait-elle par
14 haine, volonté de vengeance, par des passions basses donc ? N'était-ce pas
15 plutôt ce dernier cas de figure ? N'était-ce pas cela qui l'a poussée à
16 venir déposer ?
17 Le témoin EE a souffert gravement. Son époux a été la victime du conflit,