Press Release
. Communiqué de presse
(Exclusively for the use of the media. Not an official document)
APPEALS CHAMBER |
CHAMBRE
D’APPEL |
La Haye, 28 fèvrier 2005
CT/S.I.P./940f
ARRÊT DE LA CHAMBRE D’APPEL DANS L’AFFAIRE
LE PROCUREUR CONTRE MIROSLAV KVOCKA, MLADO
RADIC, ZORAN ZIGIC ET DRAGOLJUB PRCAC
Veuillez trouver ci-dessous le résumé de l'arrêt
rendu par la Chambre d'Appel composée des Juges Shahabuddeen
(Président), Pocar, Mumba, Güney et Weinberg de Roca
et tel que lu à l’audience de ce jour par le Juge
Président :
Ce qui suit n’est qu’un résumé
et non pas l’Arrêt lui-même. À l’issue de l’audience,
des copies de l’Arrêt en anglais, français et BCS seront
mises à la disposition des parties, et en particulier des
accusés dans une langue qu’ils comprennent. Je souligne que
seul fait autorité l’exposé des conclusions de la
Chambre d’appel que l’on trouve dans le texte écrit de l’Arrêt
en anglais. Cependant il sera donné lecture du dispositif
à la fin du présent résumé.
Le procès de Miroslav Kvocka, Mladjo
Radic, Zoran Zigic, Dragoljub Prcac et Milojica Kos s’est ouvert
le 28 février 2000. La Chambre de première
instance I du Tribunal a rendu son jugement le 2 novembre 2001.
Miroslav Kvocka a interjeté appel du Jugement le 13 novembre 2001,
suivi de Mladjo Radic et de Dragoljub Prcac le 15 novembre 2001,
puis de Milojica Kos et de Zoran Zigic le 16 novembre 2001.
Le 21 mai 2002, Milojica Kos a retiré son
appel.
La procédure d’appel en l’espèce
a été notamment marquée par le dépôt
de plusieurs requêtes aux fins d’admission de moyens de preuve
supplémentaires en application de l’article 115 du Règlement
de procédure et de preuve. La Chambre d’appel a conclu que
trois éléments de preuve supplémentaires ainsi
que trois éléments de preuve en réplique étaient
admissibles aux termes de l’article 115. Le procès en
appel a eu lieu du 23 au 26 mars 2004. Des audiences
consacrées aux éléments de preuve supplémentaires
ont eu lieu du 19 au 21 juillet 2004.
Les événements qui sont à
l’origine du présent appel se sont déroulés
dans trois camps établis dans les villages d’Omarska et Trnopolje
et dans l’usine Keraterm, dans la région de Prijedor, au
nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine. Ces camps ont été
établis peu après la prise de contrôle par les
Serbes de la ville de Prijedor le 30 avril 1992 :
leur objectif premier était de détenir des personnes
soupçonnées d’être solidaires de l’opposition
à la prise de contrôle de la ville.
Je vais maintenant présenter les appelants :
Miroslav Kvocka était policier d’active
relevant du poste de police d’Omarska au moment de la création
du camp d’Omarska. La Chambre de première instance a conclu
que Miroslav Kvocka tenait, dans l’administration du camp, un rang
équivalent à celui de commandant en second du service
de garde et qu’il avait une certaine autorité sur les gardiens.
Vu son pouvoir et son influence sur ces derniers et son manque de
zèle à empêcher la commission de crimes et à
soulager les souffrances des détenus, vu également
le rôle important qu’il a joué pour perpétuer
le fonctionnement du camp et ce, bien qu’il ait su qu’il s’agissait
d’un projet criminel, la Chambre de première instance a jugé
que Miroslav Kvocka était coauteur de l’entreprise criminelle
commune du camp d’Omarska. Il a été déclaré
coupable, sur la base de l’article 7 1) du Statut, en tant
que coauteur des crimes de persécutions, sanctionnées
par l’article 5 du Statut, et de meurtres et tortures, réprimés
par son article 3. La Chambre de première instance l’a
condamné à une peine unique de sept ans d’emprisonnement
pour les crimes dont il a été déclaré
coupable.
Dragoljub Prcac était un policier à
la retraite ayant exercé des fonctions de technicien de la
police scientifique et il a été mobilisé pour
servir au poste de police d’Omarska le 29 avril 1992.
La Chambre de première instance a conclu qu’il avait exercé
les fonctions d’auxiliaire administratif auprès du commandant
du camp d’Omarska pendant plus de trois semaines et, qu’à
ce titre, il pouvait circuler librement dans l’enceinte du camp.
La Chambre a estimé que Dragoljub Prcac, du fait de sa position,
avait une certaine influence sur les gardiens. La Chambre a conclu
qu’il avait choisi de rester impassible lorsque des crimes étaient
commis en sa présence, et que s’il n’était pas responsable
du comportement des gardiens ni de celui des personnes procédant
aux interrogatoires, il n’en restait pas moins responsable de la
gestion des mouvements des détenus au sein du camp. La Chambre
de première instance a conclu que sa participation en connaissance
de cause au fonctionnement du camp avait été importante
et que ses actes et ses omissions avaient largement contribué
à aider et à faciliter l’entreprise criminelle commune
du camp. La Chambre de première instance l’a déclaré
coupable, sur la base de l’article 7 1) du Statut, en
tant que coauteur des crimes de persécutions, sanctionnées
par l’article 5 du Statut, et de meurtres et tortures, réprimés
par son article 3. La Chambre de première instance l’a
condamné à une peine unique de cinq ans d’emprisonnement
pour les crimes dont il a été déclaré
coupable.
Mladjo Radic était policier d’active
relevant du poste de police d’Omarska. La Chambre de première
instance a conclu qu’il avait pris ses fonctions de chef d’équipe
de gardiens au camp d’Omarska vers le 28 mai 1992 et qu’il
y était resté jusqu’à la fin août 1992.
La Chambre a conclu que Mladjo Radic avait une autorité considérable
sur les gardiens de son équipe. Il a choisi de se servir
de ce pouvoir pour empêcher certains crimes, sans prêter
attention à la vaste majorité de ceux qui étaient
commis lorsque son équipe était de garde. La Chambre
de première instance a noté que les gardiens de son
équipe étaient particulièrement brutaux et
que Mladjo Radic avait personnellement fait subir des violences
sexuelles à des femmes détenues au camp. La Chambre
a conclu que Mladjo Radic avait joué un rôle important
dans le fonctionnement du camp d’Omarska et qu’il était coauteur
de l’entreprise criminelle commune. Il a été déclaré
coupable sur la base de l’article 7 1) du Statut en tant
que coauteur des crimes suivants, commis dans le cadre d’une entreprise
criminelle commune : persécutions, crime sanctionné
par l’article 5 du Statut, meurtres et tortures, crimes sanctionnés
par son article 3. Mladjo Radic a été condamné
à une peine unique de vingt ans d’emprisonnement pour sa
participation aux crimes commis au camp d’Omarska.
Zoran Zigic était chauffeur de taxi
et civil et avait été mobilisé pour servir
en tant que policier de réserve. Il a brièvement travaillé
en tant que garde au camp de Keraterm, où il effectuait des
livraisons, et il était également autorisé
à pénétrer dans les camps d’Omarska et de Trnopolje.
S’agissant du camp d’Omarska, la Chambre a conclu que Zoran Zigic
s’y rendait régulièrement à seule fin d’y maltraiter
des détenus. La part importante prise par Zoran Zigic aux
crimes commis dans le camp d’Omarska, ajoutée au fait qu’il
savait que ces crimes constituaient des persécutions, ainsi
que l’ardeur et l’enthousiasme avec lesquels il y a participé
ont amené la Chambre de première instance à
conclure qu’il s’était rendu coauteur de l’entreprise criminelle
commune du camp d’Omarska. La Chambre a également conclu
que Zoran Zigic avait commis des crimes de persécutions,
torture et meurtre au camp de Keraterm et que ces crimes s’inscrivaient
dans le cadre d’une attaque généralisée ou
systématique dirigée contre les détenus non
serbes de ce camp, constituant de ce fait des crimes contre l’humanité.
La Chambre de première instance a en outre conclu que Zoran
Zigic s’était rendu au camp de Trnopolje et y avait maltraité
des détenus.
Sur la base de l’article 7 1) du
Statut, Zoran Zigic a été déclaré coupable
de persécutions, à raison des crimes commis au camp
d’Omarska en général, et en particulier contre des
personnes identifiées, ainsi qu’à raison des crimes
commis par lui au camp de Keraterm contre des personnes identifiées.
Zoran Zigic a été reconnu coupable de meurtre, à
raison des crimes commis au camp d’Omarska en général
et contre une personne identifiée en particulier. S’agissant
du camp de Keraterm, il a été déclaré
coupable du meurtre de personnes identifiées. Il a été
déclaré coupable de torture, à raison de crimes
commis au camp d’Omarska en général et contre des
personnes identifiées en particulier, et à raison
de crimes commis au camp de Keraterm contre des personnes identifiées.
Il a été déclaré coupable de traitements
cruels, à raison de crimes commis contre une personne identifiée
au camp d’Omarska et contre une autre au camp de Trnopolje. La Chambre
de première instance a condamné Zoran Zigic à
une peine unique de 25 ans d’emprisonnement.
Je vais maintenant aborder les moyens d’appel
soulevés par les appelants :
Les quatre appelants partagent des moyens d’appel
qui ont trait à une insuffisance alléguée des
motifs donnés par la Chambre de première instance,
à des questions relatives à l’acte d’accusation et
à la thèse de l’entreprise criminelle commune. Nous
allons examiner ces moyens avant d’aborder les moyens d’appels propres
à chacun des appelants.
Examinons donc les moyens d’appel communs :
En premier lieu, traitons de l’insuffisance
alléguée des motifs donnés. Plusieurs appelants
soutiennent que la Chambre de première instance n’a pas suffisamment
motivé les déclarations de culpabilité prononcées
à leur encontre.
La Chambre d’appel rappelle que tout accusé
a droit à connaître les motifs de la décision
le concernant. Cependant la Chambre de première instance
n’a pas l’obligation de justifier ses conclusions pour chacun des
arguments présentés au procès. Il convient
de supposer que la Chambre de première instance a évalué
tous les éléments de preuve qui lui ont été
soumis, sauf indication contraire, quand par exemple il n’est pas
fait référence à un élément qui
aurait manifestement dû être mis en exergue. À
cet égard, la Chambre d’appel souligne qu’un appelant alléguant
une erreur de droit en raison de l’absence de décision motivée
doit identifier les constatations ou les arguments spécifiques
que la Chambre de première instance n’a, selon lui, pas abordés
et expliquer pourquoi pareille omission invalide la décision.
On ne peut se prononcer sur la qualité d’un jugement sur
la seule base de sa longueur ou en comparant le nombre de pages
consacrées à certaines questions particulières.
Ces moyens d’appel sont rejetés.
Deuxièmement, les questions relatives
à l’acte d’accusation. Les appelants avancent que la Chambre
de première instance a commis une erreur de droit en les
déclarant coupables de crimes qui n’ont pas été
correctement exposés dans l’acte d’accusation, et dont ils
n’ont par conséquent pas été notifiés.
Les appelants font valoir en particulier que l’acte d’accusation
ne met pas en cause leur responsabilité sur la base d’une
participation à une entreprise criminelle commune.
Il est établi que le Statut impose au
Procureur d’exposer dans l’acte d’accusation tous les faits essentiels
qui fondent les accusations portées, mais non les éléments
de preuve qui doivent établir ces faits. Un acte d’accusation
est vicié s’il n’expose pas les faits essentiels. Le caractère
essentiel d’un fait est déterminé par la nature de
la thèse de l’Accusation. Si l’Accusation fait appel à
la théorie de l’entreprise criminelle commune, elle doit
indiquer l’objectif de l’entreprise, l’identité des participants
et la nature de la participation de l’accusé à ladite
entreprise. L’acte d’accusation doit également préciser
la catégorie d’entreprise criminelle commune alléguée.
Cependant, dans certains cas, le caractère préjudiciable
d’un acte d’accusation vicié peut être purgé
si l’Accusation a fourni en temps voulu à l’accusé
des informations claires et cohérentes, concernant les faits
sur lesquels reposent les accusations portées contre lui,
ce qui contrebalance le fait que celles-ci ne lui ont pas été
indiquées de manière appropriée.
La Chambre d’appel note que la participation
à une entreprise criminelle commune n’a été
alléguée contre les appelants ni dans l’acte d’accusation
initial, ni dans ceux qui ont suivi. Cependant, la Chambre d’appel
fait observer que l’Accusation a fourni en temps voulu des informations
claires et cohérentes aux appelants. Ces informations concernaient
les faits sur lesquels reposaient les accusations portées
contre eux et contrebalançaient le fait que l’acte d’accusation
ne les avaient pas informés de manière appropriée
de l’intention de l’Accusation de mettre en cause leur responsabilité
pour leur participation à une entreprise criminelle commune.
L’Accusation a traité de la question de l’entreprise criminelle
commune dans son mémoire préalable au procès
du 9 avril 1999, ainsi que dans sa version mise à
jour du 14 février 2000, puis dans sa déclaration
liminaire et dans sa nouvelle déclaration liminaire prononcée
après l’arrestation de Prcac et la suspension du procès
qui en a résulté. L’examen des arguments présentés
en première instance par les appelants confirme qu’ils étaient
informés du fait que leur participation à l’entreprise
criminelle commune serait un argument de l’Accusation au cours du
procès.
Mladjo Radic et Miroslav Kvocka font également
valoir que la Chambre de première instance a commis une erreur
puisqu’elle s’est abstenue de faire des constatations pour chacun
des faits énumérés dans les annexes confidentielles
de l’acte d’accusation. Comme l’a fait observer la Chambre d’appel
par le passé, « les annexes d’un acte d’accusation en
font partie intégrante ». Les faits ou événements
mentionnés dans les annexes confidentielles constituent des
faits essentiels qui doivent être prouvés pour que
l’accusé puisse être tenu responsable des crimes qui
lui sont reprochés dans l’acte d’accusation. La Chambre d’appel
fait observer que la Chambre de première instance a fait
des constatations pour certains des faits énumérés
dans les annexes confidentielles et s’est assurée que des
crimes relevant de chaque catégorie d’infractions visées
dans l’acte d’accusation avaient effectivement été
commis, sans choisir de procéder à une analyse au
cas par cas pour chaque victime et pour chaque crime. La Chambre
d’appel estime qu’il aurait été préférable
que la Chambre de première instance fournisse une liste exhaustive
des faits établis sous-tendant chacun des crimes. Cependant
la Chambre d’appel a été en mesure de trouver dans
le jugement rendu en première instance un grand nombre de
constatations tendant à établir les crimes dont les
appelants ont été déclarés coupables.
Le troisième moyen d’appel commun
a trait à l’entreprise criminelle commune. Les appelants
contestent les principes juridiques appliqués par la Chambre
de première instance pour conclure qu’ils avaient pris part
à une entreprise criminelle commune. La Chambre d’appel affirme
que l’entreprise criminelle commune constitue une forme de « commission »
au sens de l’article 7 1) du Statut et suppose une pluralité
de coauteurs agissant pour atteindre un objectif commun impliquant
la perpétration d’un crime visé dans le Statut. La
jurisprudence du Tribunal international a identifié trois
catégories d’entreprise criminelle commune. En l’espèce,
c’est la deuxième catégorie d’entreprise criminelle
commune qui était invoquée, la variante « systémique »,
caractérisée par l’existence d’un système criminel
organisé, en particulier dans les affaires de camps de concentration
ou de détention. Les participants à une entreprise
criminelle commune de cette catégorie sont censés
avoir connaissance personnellement du système organisé
et avoir l’intention de contribuer à l’objectif criminel
concerté de ce système.
Dans leurs arguments, les appelants soulèvent
des questions relatives à la distinction qu’il convient d’établir
entre la participation en tant que coauteur et la participation
en tant que complice à une entreprise criminelle commune.
La Chambre de première instance a considéré
que le coauteur d’une entreprise criminelle commune doit partager
l’intention de réaliser cette entreprise et en favoriser
activement la réalisation. Un complice, en revanche, ne doit
pas partager l’intention des autres participants ; il suffit
qu’il soit conscient du fait que sa contribution aide à perpétrer
ou facilite un crime commis par les autres participants. La Chambre
de première instance a estimé que l’intention commune
pouvait être déduite d’une connaissance de la nature
criminelle du projet et d’une participation continue et importante
à sa réalisation. Elle a concédé qu’il
pouvait être difficile d’établir une distinction entre
un complice et un coauteur, en particulier lorsque sont en cause
des accusés occupant des fonctions de niveau intermédiaire
qui n’ont pas commis personnellement de crimes. La Chambre de première
instance a toutefois estimé que lorsqu’un accusé avait
participé à un crime qui facilitait la réalisation
des objectifs de l’entreprise criminelle, il était plus probable
qu’il soit tenu responsable en tant que coauteur que comme complice.
En outre, les appelants soulèvent tous
des questions relatives au degré de contribution requis pour
établir la participation à une entreprise criminelle
commune. Ils font notamment valoir que l’on ne saurait déduire
qu’il y a eu contribution importante de leur part en raison de la
position qu’ils occupaient dans le camp. La Chambre d’appel note
tout d’abord que pour établir la participation d’une personne
à une entreprise criminelle commune, il n’est pas nécessaire
que celle-ci ait matériellement participé à
l’un quelconque des éléments constitutifs des crimes
reprochés. La Chambre d’appel considère par ailleurs
qu’il n’est pas expressément requis en droit que l’accusé
ait contribué de manière importante à l’entreprise
criminelle commune. En pratique, toutefois, l’importance de la contribution
de l’accusé est un élément pertinent lorsqu’il
s’agit de démontrer que celui-ci partageait l’intention de
réaliser l’objectif commun. La Chambre d’appel affirme également
que le poste occupé de fait ou de droit par l’accusé
dans le camp ne constitue que l’un des éléments contextuels
que la Chambre de première instance doit prendre en considération
pour déterminer s’il a ou non participé à la
réalisation de l’objectif commun. Les pouvoirs dont était
investi l’accusé peuvent néanmoins être à
prendre en considération pour établir la connaissance
qu’il avait du système et sa participation à la mise
en œuvre ou au maintien de l’objectif criminel commun dont procédait
le système, ainsi que pour évaluer ultérieurement
son degré de participation dans le cadre de la fixation de
la peine.
Les appelants laissent tous entendre qu’ils
n’étaient pas animés de l’intention requise pour contribuer
à la réalisation de l’entreprise criminelle commune
et qu’ils ne faisaient que leur travail. La Chambre d’appel remarque
qu’elle a confirmé à maintes reprises qu’il y avait
lieu d’établir une distinction entre l’intention et le mobile.
Il n’est pas nécessaire, pour que l’intention délictueuse
soit démontrée, que le coauteur éprouve une
satisfaction personnelle ou un enthousiasme quelconque, ni qu’il
décide de sa propre initiative de contribuer à l’entreprise
commune.
Parmi les arguments juridiques avancés
par les appelants figure la question de savoir si l’Accusation doit
prouver l’existence d’un accord conclu entre l’accusé et
les autres participants à l’entreprise criminelle commune.
La Chambre d’appel estime que la jurisprudence est claire à
cet égard. L’entreprise criminelle commune requiert l’existence
d’un objectif commun qui consiste à commettre un crime ou
en implique la perpétration. Cet objectif commun ne doit
pas nécessairement avoir été élaboré
ou formulé au préalable ; il peut se concrétiser
de manière inopinée.
Plusieurs arguments avancés par les
appelants semblent implicitement indiquer que ces derniers ne devraient
pas être tenus responsables de crimes commis alors qu’ils
ne se trouvaient pas dans le camp. Dans le cadre d’une entreprise
criminelle commune, il n’est pas nécessaire que le coauteur
commette physiquement l’un quelconque des éléments
matériels constitutifs du crime reproché. Le participant
à une entreprise criminelle commune ne doit pas non plus
être physiquement présent au moment et à l’endroit
où le crime est commis. Même s’il est possible en droit
qu’un accusé soit tenu responsable de crimes commis en son
absence, l’application de cette possibilité dépend
des éléments de preuve produits.
La Chambre d’appel en vient maintenant aux moyens
d’appel soulevés par chacun des appelants :
Pour des raisons pratiques, la Chambre d’appel
abordera les moyens d’appel soulevés par les appelants dans
un ordre différent de celui qu’ils ont choisi dans leurs
mémoires respectifs. Le présent résumé
n’examine que les principaux arguments présentés.
Parlons d’abord de Miroslav Kvocka :
Miroslav Kvocka affirme que la Chambre de première
instance a mal apprécié son audition par l’Accusation.
Il fait valoir que les éléments de preuve relatifs
à cette audition n’auraient pas dû être admis
et que, contrairement à ce qu’a conclu la Chambre de première
instance, rien dans l’audition en question n’étaye la thèse
selon laquelle il y avait des chefs d’équipe au camp d’Omarska.
La Chambre d’appel ne considère pas
que la Chambre de première instance ait eu tort d’admettre
les éléments de preuve relatifs à l’audition
de Miroslav Kvocka. S’agissant de l’interprétation qui a
été faite du procès-verbal de l’audition, la
Chambre d’appel estime qu’un juge du fait aurait pu raisonnablement
tirer la même conclusion que la Chambre de première
instance. Ce moyen d’appel est donc rejeté.
Dans son deuxième moyen d’appel, Miroslav
Kvocka soutient que la Chambre de première instance a conclu
à tort qu’il était de fait commandant en second du
service de garde. Il affirme que les éléments de preuve
ne l’établissent pas au-delà de tout doute raisonnable
et il conteste certains témoignages. Selon lui, il n’était
pas le second de Zeljko Meakic, commandant du poste de police d’Omarska
à l’époque, et ne remplaçait pas non plus Meakic
en son absence.
La Chambre d’appel estime que le grief formulé
par Miroslav Kvocka est sans fondement. Miroslav Kvocka n’a pas
démontré qu’aucun juge du fait ne pouvait raisonnablement
conclure qu’il détenait de fait une position d’autorité
dans le camp. Pour parvenir à cette conclusion, la Chambre
de première instance s’est fondée sur un certain nombre
de témoignages. La plupart des arguments qu’avance Miroslav
Kvocka pour réfuter ces témoignages ne tiennent pas.
Un juge du fait pouvait raisonnablement conclure sur la base du
témoignage fourni par Miroslav Kvocka lui-même que
ce dernier agissait en qualité de second de Zeljko Meakic
lorsque Meakic était absent. La Chambre d’appel note en outre
que comme, dans l’acte d’accusation modifié, Miroslav Kvocka
est tenu responsable sur la base de l’article 7 1) du
Statut, le poste qu’il occupait officiellement dans la hiérarchie
de la police, qu’il s’agisse de commandant ou de commandant en second,
ne revêt aucune importance en ce qui concerne sa responsabilité.
Une personne ne doit pas nécessairement occuper un poste
officiel dans la hiérarchie pour que sa responsabilité
soit engagée sur la base de l’article 7 1). Ce
moyen d’appel est donc rejeté.
Miroslav Kvocka soutient que la Chambre de
première instance a conclu à tort que l’élément
matériel et l’élément moral requis étaient
réunis pour établir sa responsabilité en tant
que coauteur dans le cadre d’une entreprise criminelle commune.
Il affirme en particulier qu’il n’avait pas connaissance de l’objectif
criminel commun et qu’il n’avait pas l’intention de contribuer à
la réalisation du système de mauvais traitements.
La Chambre d’appel rappelle ici les constatations
de la Chambre de première instance : Miroslav Kvocka
a travaillé au camp entre le 29 mai 1992 environ
et le 23 juin 1992. Il a été absent du 2 au 6 juin 1992,
puis du 16 au 19 juin 1992. Il occupait un poste
important au sein du camp et avait une certaine autorité
sur les gardiens. Il avait suffisamment d’influence pour prévenir
certains sévices ou y mettre un terme mais ne s’est servi
de cette influence qu’à de très rares occasions. Il
s’acquittait diligemment de ses tâches et prenait une part
active à la marche du camp. Par sa participation, il a cautionné
aux yeux des autres participants ce qui se passait dans le camp.
Miroslav Kvocka n’a pas démontré en quoi les constatations
de la Chambre de première instance étaient déraisonnables.
Il est évident que, de par les fonctions qu’il exerçait,
Miroslav Kvocka a contribué à la gestion et au fonctionnement
du camp au quotidien et que, ce faisant, il a permis au système
de mauvais traitements qui y régnait de perdurer.
Bien que Miroslav Kvocka ait pu participer
à l’entreprise criminelle commune, dans les premiers temps,
sans être conscient de la nature criminelle de celle-ci, les
faits de l’espèce prouvent qu’il n’aurait pas pu ne pas en
prendre conscience par la suite. La Chambre d’appel se rallie à
l’opinion de la Chambre de première instance selon laquelle,
faute d’éléments de preuve directs, l’intention de
Miroslav Kvocka peut être déduite des circonstances,
eu égard à l’autorité dont il jouissait au
camp, à la connaissance qu’il avait des crimes qui y étaient
perpétrés et à sa participation continue à
la marche de l’établissement. La Chambre d’appel estime qu’un
juge du fait aurait pu raisonnablement conclure, sur la base des
constatations de la Chambre de première instance, que Miroslav
Kvocka partageait l’intention de contribuer à la réalisation
de l’objectif criminel commun. Pour ces raisons, la Chambre d’appel
considère que la Chambre de première instance n’a
pas commis d’erreur lorsqu’elle a déclaré Miroslav
Kvocka coupable en tant que coauteur de crimes commis dans le cadre
de l’entreprise criminelle commune. Ce moyen d’appel est donc rejeté.
Miroslav Kvocka soutient que la Chambre de
première instance l’a déclaré à tort
coupable de meurtre. Il avance que la Chambre de première
instance n’a pas apprécié comme il convenait les éléments
de preuve relatifs aux meurtres de prisonniers perpétrés
à Omarska entre le 24 mai et le 30 août 1992.
Selon lui, la Chambre de première instance n’a pas établi
qu’il avait commis des actes ou omissions en rapport avec le décès
de chacune des victimes.
La Chambre d’appel doit tout d’abord examiner
le laps de temps pour lequel la responsabilité de Miroslav
Kvocka peut être engagée. La Chambre d’appel convient
avec Miroslav Kvocka que la Chambre de première instance
a décidé de ne pas le tenir responsable des crimes
commis avant son arrivée au camp. La Chambre de première
instance a également estimé qu’il ne pouvait être
tenu responsable des crimes commis après son départ.
Cependant, la Chambre d’appel considère que la Chambre de
première instance n’a pas limité la responsabilité
de Miroslav Kvocka à la seule période pendant laquelle
il travaillait effectivement au camp mais l’a tenu responsable des
crimes qui y ont été commis pendant la durée
de son service, qu’il ait été ou non présent
sur les lieux.
Pour déclarer un accusé coupable
du crime de meurtre commis dans le cadre d’une entreprise criminelle
commune, il n’est pas nécessaire d’établir que ce
dernier a matériellement participé au meurtre. Il
suffit de démontrer que le décès de la victime
a résulté de la mise en œuvre d’un objectif criminel
commun et que la responsabilité de l’accusé est engagée
pour avoir contribué à la réalisation de cet
objectif. La Chambre d’appel juge que la Chambre de première
instance n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a déclaré
Miroslav Kvocka coupable de meurtre sans qu’ait été
établie sa participation matérielle à chacun
des meurtres reprochés.
Miroslav Kvocka avance que la Chambre de première
instance l’a déclaré à tort coupable du meurtre
de certaines personnes identifiées. Pour les motifs exposés
dans l’Arrêt, la Chambre d’appel retient les arguments de
Kvocka relatifs aux meurtres d’Ahil Dedic et d’Ismet Hodzic et rejette
le surplus. La Chambre d’appel estime que ces deux erreurs ne sont
pas de nature à invalider la déclaration de culpabilité
prononcée à l’encontre de Miroslav Kvocka s’agissant
du chef 5, meurtres, dans la mesure où elle confirme
la déclaration de culpabilité prononcée pour
les meurtres de Mehmedalija Nasic et de Becir Medunjanin.
Miroslav Kvocka soutient que la Chambre de
première instance a conclu à tort qu’il était
responsable des tortures infligées aux détenus du
camp d’Omarska.
Contrairement à ce qu’affirme Miroslav
Kvocka, la Chambre d’appel fait observer que la Chambre de première
instance n’a pas exigé la preuve que l’un au moins des auteurs
des actes reprochés était un agent de l’État
pour que les actes en question soient qualifiés de torture.
En outre, la Chambre d’appel estime que la Chambre de première
instance n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle n’a pas exigé
que ce critère soit rempli, reprenant ainsi à son
compte l’arrêt Kunarac. Pour les motifs exposés
dans le présent Arrêt, la Chambre d’appel rejette les
griefs soulevés par Miroslav Kvocka au sujet de certains
actes de torture.
Miroslav Kvocka affirme que la Chambre de première
instance l’a déclaré à tort coupable de persécutions,
un crime contre l’humanité. Il avance que les actes de persécution
doivent atteindre le même degré de gravité que
les autres crimes contre l’humanité prohibés par l’article 5
du Statut et que, par conséquent, les actes de harcèlement,
les humiliations et les violences psychologiques ne constituent
pas des persécutions. Il fait valoir que l’Accusation n’a
pas démontré au-delà de tout doute raisonnable
que les viols et les violences sexuelles allégués
ont été perpétrés pendant la durée
de son service au camp. Il fait également valoir que, comme
il lui était impossible d’influer sur l’emprisonnement ou
la libération des détenus, il n’aurait pas dû
être tenu responsable de leur internement dans des conditions
inhumaines.
Miroslav Kvocka soutient par ailleurs que la
Chambre de première instance l’a déclaré à
tort coupable de persécutions, un crime contre l’humanité,
l’Accusation n’ayant pas démontré au-delà de
tout doute raisonnable qu’il était animé de l’intention
discriminatoire requise. Il souligne qu’il est marié à
une Musulmane de Bosnie et entretenait des rapports étroits
avec des non Serbes, qu’il était membre du Parti réformiste
d’Ante Markovic, de tendance modérée, et qu’il a été
relevé de ses fonctions au camp d’Omarska après qu’on
l’eut perçu comme un traître et soupçonné
d’aider des Musulmans de Bosnie.
Pour la Chambre d’appel, il ne fait aucun doute
que, vu le contexte dans lequel les actes reprochés ont été
commis et compte tenu de leur effet cumulatif, les actes de harcèlement,
les humiliations et les violences psychologiques mentionnés
par la Chambre de première instance, de par leur gravité,
constituent des éléments matériels du crime
de persécutions. La Chambre d’appel estime également
qu’il n’importe aucunement que Miroslav Kvocka n’ait pas été
en mesure d’empêcher certains crimes puisque sa contribution
à l’entreprise criminelle commune englobant ces crimes a
été établie.
S’agissant des viols et des violences sexuelles,
la Chambre d’appel juge que la Chambre de première instance
a eu tort de déclarer Miroslav Kvocka coupable de ces crimes,
étant donné qu’il n’a pas été établi
que ceux-ci avaient eu lieu au cours de la période pendant
laquelle il travaillait au camp d’Omarska. La Chambre d’appel retient
donc cette branche du moyen d’appel soulevé par Miroslav
Kvocka et annule la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre pour viols et violences sexuelles, qualifiés
de persécutions.
La Chambre d’appel rappelle sa conclusion selon
laquelle la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur
en estimant que Miroslav Kvocka était animé de l’intention
de contribuer à l’entreprise criminelle commune mise en place
au camp d’Omarska. La Chambre d’appel est d’avis que, dans le contexte
propre à cette affaire, l’intention de contribuer à
l’entreprise criminelle commune et l’intention discriminatoire recouvrent
la même notion. Partant, la Chambre d’appel considère
que la Chambre de première instance n’a pas commis d’erreur
en concluant que Miroslav Kvocka possédait l’intention discriminatoire
requise. Hormis la branche relative aux viols et aux violences sexuelles,
ce moyen d’appel est donc rejeté.
La Chambre d’appel en vient maintenant aux moyens
d’appel soulevés par Mladjo Radic :
Mladjo Radic fait valoir que la Chambre de
première instance a violé son droit à un procès
équitable et impartial en s’abstenant de faire des constatations
concernant chaque fait énuméré dans les annexes
confidentielles. Après avoir minutieusement examiné
les constatations de la Chambre de première instance, la
Chambre d’appel estime que contrairement à ce que soutient
Mladjo Radic, la Chambre de première instance ne l’a déclaré
coupable de certains chefs retenus dans l’acte d’accusation qu’après
avoir établi au moins certains faits qui sous-tendent chacun
d’entre eux. En conséquence, ce moyen d’appel est rejeté.
Mladjo Radic reproche à la Chambre de
première instance de l’avoir déclaré coupable
de persécutions constitutives d’un crime contre l’humanité.
Il fait valoir qu’un acte n’est qualifié de discriminatoire
que s’il entraîne des conséquences discriminatoires,
et qu’il ne suffit pas d’établir que l’appelant savait que
ses actes étaient discriminatoires, mais aussi qu’il était
animé de l’intention consciente d’exercer une discrimination.
Mladjo Radic conteste la conclusion de la Chambre de première
instance selon laquelle l’intention discriminatoire requise à
titre individuel pour les persécutions peut être déduite
du caractère discriminatoire du camp d’Omarska.
La Chambre d’appel considère que vu
les circonstances, il ne fait aucun doute que les crimes sous-jacents
ont été commis pour des raisons discriminatoires et
ont été discriminatoires dans les faits. La Chambre
d’appel est d’accord avec Mladjo Radic pour estimer que l’intention
discriminatoire ne saurait être directement déduite
du caractère discriminatoire général d’une
attaque qualifiée de crime contre l’humanité. Toutefois,
l’intention discriminatoire peut être déduite du contexte
dans lequel s’est inscrite l’attaque, à condition que les
circonstances entourant les crimes confirment l’existence d’une
telle intention.
Mladjo Radic soutient également qu’il
ne partageait pas les objectifs visés par la politique discriminatoire,
et qu’il avait travaillé au camp contre son gré parce
que son supérieur lui en avait expressément donné
l’ordre. Selon la Chambre d’appel, il semble que Mladjo Radic n’établit
pas de distinction entre le mobile et l’intention. Elle estime que
la Chambre de première instance a eu raison de conclure,
sur la base de la connaissance qu’il avait de la nature des crimes
et de sa participation, en connaissance de cause, au système
de persécutions mis en place dans le camp, que Mladjo Radic
avait agi avec une intention discriminatoire. En conséquence,
ce moyen d’appel est rejeté.
Mladjo Radic conteste diverses constatations
faites par la Chambre de première instance, et en particulier
celle qui concerne l’autorité dont il était investi
dans le camp. Il fait valoir que la Chambre de première instance
n’a pas établi au-delà de tout doute raisonnable qu’il
était chef d’équipe et qu’il occupait un poste de
responsabilité. Il soutient qu’il avait offert son aide aux
détenus « chaque fois que possible » et qu’il ne
l’a pas fait parce qu’il était investi d’une quelconque autorité,
et il ajoute qu’il n’exerçait pas un contrôle effectif
sur les gardiens de son équipe. La Chambre d’appel fait observer
que la Chambre de première instance s’est fondée sur
les déclarations d’un grand nombre de témoins pour
établir l’autorité de Mladjo Radic. Une lecture attentive
des déclarations de témoins sur lesquelles ce dernier
s’appuie pour contester la conclusion de la Chambre de première
instance montre qu’elles n’étayent pas ses arguments. Mladjo
Radic n’a donc pas démontré qu’aucun juge du fait
n’aurait pu raisonnablement parvenir à la conclusion tirée
par la Chambre de première instance.
Mladjo Radic fait également grief à
la Chambre de première instance d’avoir conclu qu’il avait
violé, tenté de violer certaines personnes et commis
des violences sexuelles à leur encontre. Après avoir
examiné ces griefs et les preuves pertinentes, la Chambre
d’appel rejette, pour les motifs exposés dans l’Arrêt,
les arguments de Mladjo Radic.
Dans ce moyen d’appel, Mladjo Radic reproche
à la Chambre de première instance d’avoir appliqué
en l’espèce la théorie de l’entreprise criminelle
commune. Il conteste la conclusion de la Chambre de première
instance selon laquelle le camp d’Omarska constituait une entreprise
criminelle commune. Il soutient que d’après les conclusions
de la Chambre de première instance, l’anarchie et le désordre
régnaient dans le camp et qu’à son avis, il n’est
guère plausible de parler de dessein commun. À supposer
même, ajoute-il, que ce dessein commun ait été
une réalité, les Appelants n’en avaient pas connaissance
et n’avaient pas pris part à son élaboration. Il soutient
également qu’il n’a pas participé délibérément
et intentionnellement au fonctionnement du camp. Il avance que loin
de là, le camp n’était pour lui qu’un simple lieu
de travail, un lieu auquel il était affecté sur ordre
de ses supérieurs.
L’argument de Mladjo Radic concernant l’anarchie
et le désordre qui régnaient dans le camp ne tient
pas. L’existence du camp et la gestion du service de garde nécessitaient
un certain degré d’organisation. En effet, s’agissant de
l’intention de persécuter la population non serbe de la région
de Prijedor, le camp opérait avec une redoutable efficacité.
L’anarchie et le désordre auxquels la Chambre de première
instance a fait référence faisaient partie intégrante
des rouages du camp ; les gardiens pouvaient ainsi infliger
à l’envi des mauvais traitements aux détenus, mais
cela ne signifiait pas pour autant que leurs agissements étaient
ceux d’une bande désorganisée et ne s’inscrivaient
pas dans le cadre de l’entreprise criminelle commune. La Chambre
d’appel fait remarquer que Mladjo Radic reconnaît qu’il avait
connaissance des crimes commis dans le camp. Lorsqu’il avance qu’il
travaillait dans ce camp parce qu’il exécutait des ordres
et craignait les conséquences que le refus d’y obéir
pourrait entraîner, il confond intention et mobile. Dans la
mesure où il a pris part, délibérément
et en connaissance de cause, au fonctionnement du camp, ses mobiles
ne revêtent aucune importance s’agissant de la déclaration
de culpabilité prononcée à son encontre. Pour
ces raisons, ce moyen d’appel est rejeté.
La Chambre d’appel en vient maintenant aux moyens
d’appel soulevés par Zoran Zigic :
Zoran Zigic a, à plusieurs reprises,
prié la Chambre d’appel de considérer son mémoire
en clôture comme faisant partie de son mémoire d’appel.
La Chambre d’appel rappelle qu’un appelant doit lui indiquer précisément
les paragraphes des jugements, les comptes rendus d’audience, les
pièces à conviction ou les sources auxquelles il est
fait référence afin qu’elle puisse s’acquitter efficacement
de sa tâche. Des références générales
aux arguments présentés au procès ne remplissent
pas cette condition et la Chambre d’appel n’en tiendra pas compte.
Les griefs formulés par Zoran Zigic
portent sur l’acte d’accusation. La Chambre d’appel croit comprendre
qu’il conteste la présentation de l’acte d’accusation, et
en particulier les annexes, qui, selon lui, ont semé la confusion
et l’on gêné dans la préparation de sa défense.
La Chambre d’appel croit comprendre que Zoran Zigic se plaint de
ce qu’il a été déclaré coupable de certains
crimes qui n’étaient pas clairement exposés dans l’acte
d’accusation.
Afin d’examiner ces griefs, la Chambre d’appel
doit déterminer si la Chambre de première instance
a prononcé des déclarations de culpabilité
en se fondant sur des faits essentiels dont l’acte d’accusation
modifié ne dit mot, et si tel a été le cas,
déterminer si le procès de Zoran Zigic a été
de ce fait inéquitable. Après avoir analysé
les exemples fournis par Zoran Zigic, la Chambre d’appel conclut,
pour les motifs exposés dans l’Arrêt, qu’il n’a subi
aucun préjudice du fait de l’imprécision de l’acte
d’accusation.
Zoran Zigic relève que la Chambre de
première instance a commis une erreur de droit en appliquant
un critère juridique erroné pour déterminer
s’il était animé de l’intention requise pour les persécutions.
Il fait également valoir que les conclusions tirées
par la Chambre de première instance ne sauraient conforter
l’idée qu’il a agi avec une intention discriminatoire. En
outre, il avance que la Chambre de première instance s’est
trompée car les persécutions étaient motivées
non pas par des considérations religieuses ou ethniques mais
par une volonté de faire sécession.
La Chambre d’appel estime infondé l’argument
de Zoran Zigic selon lequel la Chambre de première instance
a commis une erreur de droit dans la définition de la discrimination.
Elle considère également qu’il n’a présenté
aucun élément de preuve à l’appui de son argument
concernant la volonté de faire sécession. Le dossier
de première instance n’accrédite pas cette opinion
et aucun témoin n’a indiqué qu’on lui avait demandé
de s’exprimer sur la question de la sécession. La Chambre
d’appel fait observer que la Chambre de première instance
disposait de preuves en nombre lui permettant de conclure raisonnablement
que les détenus des camps d’Omarska, de Keraterm et de Trnopolje
s’y trouvaient en raison de leur appartenance religieuse, ethnique
et politique.
Dans la plupart de ses moyens d’appel, Zoran
Zigic conteste les déclarations de culpabilité prononcées
à son encontre pour le meurtre de certaines personnes, les
tortures infligées à des personnes identifiées
et les sévices dont ont fait l’objet des victimes nommément
désignées. Après avoir soigneusement examiné
le Jugement et les preuves relatives à ces arguments, la
Chambre d’appel, pour les motifs exposés dans l’Arrêt,
rejette ces griefs s’agissant de toutes les personnes concernées.
Outre le fait qu’elle l’a déclaré
coupable des crimes commis à l’encontre de personnes identifiées,
la Chambre de première instance a déclaré Zoran
Zigic responsable « des crimes commis au camp d’Omarska en
général », à savoir des persécutions,
des meurtres et des tortures. Zoran Zigic conteste cette conclusion
au motif qu’elle n’est pas étayée par les constatations
de la Chambre de première instance, et ajoute que celle-ci
a commis une erreur en concluant qu’il avait contribué de
manière importante au fonctionnement du camp.
La Chambre d’appel estime qu’il n’est pas besoin
qu’une personne exerce des fonctions officielles dans le camp ou
appartienne au personnel de ce camp pour être tenue responsable
pour sa participation à l’entreprise criminelle commune.
Il est possible d’avancer que le fait que des visiteurs opportunistes
aient pu pénétrer dans le camp et maltraiter au hasard
les détenus a ajouté au climat d’oppression et de
peur qui régnait dans le camp. Toutefois, dans un tel cas,
la preuve d’une contribution importante au régime instauré
dans le camp s’impose pour établir la responsabilité
en vertu de la théorie de l’entreprise criminelle commune.
La Chambre d’appel n’entend pas minimiser la gravité des
crimes que Zoran Zigic a commis dans ce camp ; ils constituent
des violations graves du droit international humanitaire. Par ailleurs,
la Chambre de première instance a conclu que le camp était
le théâtre d’une « succession ininterrompue de
meurtres, d’actes de torture et d’autres formes de violences physiques
et psychologiques » et que « SlCes actes de brutalité
extrême y étaient généralisés ».
Cette violence n’était pas seulement le fait d’un petit groupe.
Les actes auxquels Zoran Zigic a participé, nonobstant leur
gravité, n’étaient que des détails d’un tableau
de violence et d’oppression généralisées. La
Chambre d’appel estime qu’en l’absence de preuves supplémentaires
portant sur la participation de Zoran Zigic au fonctionnement du
camp, aucun juge du fait n’aurait pu raisonnablement conclure, sur
la base des éléments de preuve présentés
devant la Chambre de première instance, que l’appelant a
participé à l’entreprise criminelle commune. La déclaration
de culpabilité prononcée à son encontre pour
les crimes commis au camp « en général »
est annulée.
La Chambre d’appel en vient enfin aux moyens
d’appel soulevés par Dragoljub Prcac :
Dragoljub Prcac soutient que la Chambre de
première instance a accepté tous les arguments qu’il
avait présentés, et qu’en conséquence, elle
aurait dû l’acquitter de tous les chefs. La Chambre d’appel
considère que vu les conclusions énumérées
dans le Jugement, la Chambre de première instance n’a pas,
de toute évidence, accepté tous les arguments de l’appelant.
Ce moyen d’appel est, en conséquence, rejeté.
Dragoljub Prcac s’attache ensuite à
ce qu’il appelle « la conformité de l’acte d’accusation
avec le jugement rendu en première instance ». Il fait
valoir que la Chambre de première instance a fait un certain
nombre de constatations relatives à des faits sur lesquels
l’acte d’accusation reste muet. La Chambre d’appel fait remarquer
que Dragoljub Prcac n’a pas exposé en détail les incohérences
entre l’acte d’accusation et le Jugement qui peuvent faire l’objet
d’un recours, à l’exception d’une référence
à la conclusion selon laquelle il exerçait les fonctions
d’auxiliaire administratif. Dans l’acte d’accusation, il est dit
que Dragoljub Prcac avait remplacé Miroslav Kvocka au poste
de commandant en second du camp d’Omarska. Toutefois, la Chambre
de première instance a conclu qu’il n’était pas commandant
en second du camp mais qu’il exerçait en fait les fonctions
d’auxiliaire administratif auprès du « chef de la sécurité ».
Dragoljub Prcac soutient qu’en faisant abstraction des éléments
figurant dans l’acte d’accusation et en concluant qu’il exerçait
les fonctions d’auxiliaire administratif, la Chambre de première
instance a, à tort, joué le rôle du Procureur
et l’a déclaré coupable sur la base de faits qui n’étaient
pas exposés dans l’acte d’accusation.
La Chambre d’appel fait observer que la question
qui se pose est celle de savoir si la conclusion selon laquelle
Dragoljub Prcac exerçait les fonctions d’auxiliaire administratif
a une incidence sur sa responsabilité pour les crimes commis
au camp d’Omarska. La Chambre d’appel fait également remarquer
qu’au procès, la Défense n’a pas contesté la
description des tâches de Dragoljub Prcac qui figure dans
le Jugement, mais qu’elle l’a au contraire confirmée. Dans
son mémoire en clôture, l’appelant a lui-même
dit qu’il occupait « un poste administratif ». En conséquence,
il n’a pas démontré qu’aucun juge du fait n’aurait
pu raisonnablement aboutir à la conclusion de la Chambre
de première instance selon laquelle il exerçait les
fonctions d’auxiliaire administratif. Plus important encore, la
Chambre d’appel considère que l’intitulé utilisé
par la Chambre de première instance pour décrire le
poste qu’il occupait importe peu s’agissant de la conclusion selon
laquelle il était coauteur dans le cadre d’une entreprise
criminelle commune. La Chambre de première instance n’a pas
estimé que le fait d’exercer les fonctions d’auxiliaire administratif
permettait de conclure à la responsabilité pénale.
L’intitulé du poste servait uniquement à résumer
les tâches que Dragoljub Prcac accomplissait et qui se distinguaient
de celles des autres gardiens ou de leurs supérieurs. La
Chambre de première instance a, à juste titre, conclu
à la responsabilité de Dragoljub Prcac sur la base
des tâches qu’il accomplissait effectivement et non sur celle
d’un intitulé décrivant ces tâches. La Chambre
d’appel estime que Dragoljub Prcac n’a pas démontré
qu’aucun juge du fait n’aurait pu raisonnablement conclure, comme
l’a fait la Chambre de première instance, qu’il a contribué
de manière importante à l’entreprise criminelle commune
que constituait le camp d’Omarska. En conséquence, ce moyen
d’appel est rejeté.
Dragoljub Prcac avance que la Chambre de première
instance a commis plusieurs erreurs de fait et de droit concernant
ses fonctions administratives, son rôle dans la préparation
et la lecture des listes de détenus, etc. Il affirme que,
si la Chambre de première instance n’avait pas commis ces
erreurs, elle « l’aurait certainement acquitté ».
Dragoljub Prcac fait valoir que la Chambre
de première instance a constaté à tort que,
dans le mémoire préalable au procès, il avait
essentiellement prétendu qu’il n’était guère
qu’un auxiliaire administratif de Zeljko Meakic au camp d’Omarska.
L’appelant soutient qu’il n’a jamais rien prétendu de tel
et affirme qu’il n’accomplissait que ponctuellement des tâches
administratives. La Chambre d’appel estime que l’argument de Dragoljub
Prcac est infondé. La Chambre de première instance
n’a jamais dit que la thèse de la Défense était
que Prcac exerçait officiellement des fonctions administratives.
En constatant que la Défense prétendait, en bref,
que Dragoljub Prcac n’était guère qu’un auxiliaire
administratif de Zeljko Meakic au camp d’Omarska, la Chambre de
première instance analysait simplement la nature des tâches
qu’il accomplissait dans le camp en se fondant sur les éléments
de preuve présentés au procès, et sur le fait
que Dragoljub Prcac avait lui-même soutenu qu’il occupait
« un poste administratif ». La Chambre de première
instance a fait une appréciation parfaitement raisonnable
des éléments de preuve sur ce point.
Dragoljub Prcac affirme également que
la Chambre de première instance a constaté à
tort que « SdCe nombreux témoins à charge SavaientC
confirmé la description faite par Prcac des tâches
administratives qu’il exerçait au camp ». Selon l’appelant,
aucun de ces témoins n’a qualifié ses tâches
d’administratives et rien dans leur déposition au procès
n’indique qu’il « s’occupait des tâches administratives »
du camp. De l’avis de la Chambre d’appel, la conclusion de la Chambre
de première instance selon laquelle Dragoljub Prcac exerçait
les fonctions d’auxiliaire administratif était fondée
sur la nature des tâches qu’il exécutait au camp, telles
qu’elles ont été décrites par plusieurs témoins
à charge et par l’appelant lui-même, et non sur l’intitulé
décrivant ces tâches. Au surplus, puisque la Chambre
de première instance n’a pas conclu que Dragoljub Prcac exerçait
officiellement les fonctions d’« auxiliaire administratif »,
la Chambre d’appel estime qu’il importe peu que les témoins
entendus au procès n’aient pas dit expressément que
les tâches accomplies au camp par Dragoljub Prcac étaient
de nature administrative.
En outre, Dragoljub Prcac affirme que la Chambre
de première instance a constaté à tort qu’il
avait la responsabilité de s’occuper des listes des détenus
qui étaient interrogés, transférés,
échangés ou remis en liberté. La Chambre d’appel
ne constate aucune erreur de la Chambre de première instance
sur ce point. Elle fait observer qu’outre les autres tâches
qu’il accomplissait dans le camp, également tenues pour acquises
par la Chambre de première instance, le fait de s’occuper
des listes de détenus donnait une indication sur la nature
de ses fonctions et de son autorité dans le camp. Aussi,
la Chambre d’appel ne voit aucune raison d’infirmer les conclusions
de la Chambre de première instance sur ce point. Dragoljub
Prcac conteste également les constatations de la Chambre
de première instance selon lesquelles il appelait les détenus
dont les noms figuraient sur les listes. La Chambre d’appel conclut
que les arguments de Dragoljub Prcac sont sans fondement. La Chambre
de première instance n’a jamais dit que Dragoljub Prcac avait
déclaré qu’il avait fréquemment accompli cette
tâche ou qu’il était le seul à le faire. Du
reste, la Chambre d’appel note que les épisodes pour lesquels
il est établi que Dragoljub Prcac avait appelé des
détenus ont simplement été considérés
par la Chambre de première instance comme une preuve de la
nature de ses fonctions dans le camp et qu’ils ne constituent en
aucun cas un crime dont il a été déclaré
coupable. Dragoljub Prcac avance que, puisqu’il ignorait tout du
sort réservé aux détenus qui avaient disparu
après avoir été appelés, la Chambre
de première instance a eu tort de le tenir pénalement
responsable de ce qui leur était arrivé. La Chambre
d’appel fait observer que Dragoljub Prcac n’a été
tenu responsable d’aucun crime commis à l’encontre de détenus
en particulier. La Chambre de première instance a au contraire
conclu qu’il avait pris part à une entreprise criminelle
commune visant à commettre des persécutions au camp
d’Omarska. En conséquence, le fait que Dragoljub Prcac ait
eu connaissance ou non du sort qui a été réservé
aux détenus disparus importe peu s’agissant de sa responsabilité
pénale au regard de l’article 7 1) du Statut.
Dragoljub Prcac affirme en outre que la Chambre
de première instance a commis une erreur en concluant qu’il
ne travaillait pas dans le camp sous la contrainte. À propos
de la constatation de la Chambre de première instance selon
laquelle il « n’a jamais fait mention de ces menaces lorsqu’il
a été interrogé par l’Accusation », Dragoljub
Prcac affirme qu’il a bel et bien déclaré alors à
l’Accusation qu’il était venu travailler au camp sous la
menace, ce qu’il a réaffirmé dans son mémoire
préalable au procès et lors de la déclaration
liminaire, et qui a été confirmé par deux témoins.
La Chambre d’appel note que la constatation selon laquelle Dragoljub
Prcac n’a jamais fait mention de menaces lorsqu’il a été
interrogé par l’Accusation n’était que l’un des éléments
pris en compte par la Chambre de première instance dans sa
conclusion. Au vu de l’ensemble des éléments de preuve
présentés devant la Chambre de première instance,
la Chambre d’appel estime que Dragoljub Prcac n’a pas démontré
qu’aucun juge du fait n’aurait pu raisonnablement conclure qu’il
ne travaillait pas dans le camp sous la contrainte.
Dragoljub Prcac fait valoir que, dans le Jugement,
la Chambre de première instance n’a pas fourni « la
moindre explication » à propos de la crédibilité
des témoins ni indiqué si elle considérait
qu’un témoignage était digne de foi et, le cas échéant,
dans quelle mesure. Il soutient en particulier que la Chambre de
première instance a commis une erreur en ne précisant
pas si elle était convaincue par le témoin Jesic et
par lui-même.
La Chambre d’appel note que, contrairement
à ce qu’avance Dragoljub Prcac, les références
concernant l’appréciation que la Chambre a faite de la crédibilité
des témoins abondent dans le Jugement. En tout état
de cause, la Chambre d’appel estime qu’il n’est nul besoin qu’y
figurent les conclusions relatives à la crédibilité
de chaque témoin entendu. Au surplus, la Chambre d’appel
fait observer que Dragoljub Prcac ne soutient pas que tous les témoins
à charge, ni même certains d’entre eux, n’étaient
pas des témoins oculaires ou qu’ils ont déposé
devant la Chambre de première instance à propos de
faits dont ils n’avaient pas une connaissance directe. Dragoljub
Prcac n’a donc relevé aucune erreur de fait ou de droit.
Dragoljub Prcac avance en outre que certains
témoignages ne cadraient pas avec les « faits réels »
et étaient en partie « mensongers ». La Chambre
d’appel constate que Dragoljub Prcac ne précise pas la conclusion
de la Chambre de première instance qu’il attaque dans cette
branche du moyen d’appel et qu’il ne mentionne aucun des faits à
propos desquels les témoins auraient fait des fausses déclarations.
Ce moyen d’appel est en conséquence rejeté.
En dernier lieu, Dragoljub Prcac affirme qu’il
a été privé du droit à un procès
équitable car il n’a pas eu suffisamment de temps pour se
préparer convenablement au contre-interrogatoire et à
la présentation de la déposition de dix témoins.
La Chambre d’appel constate que cette question a été
soulevée devant la Chambre de première instance, qui
l’a tranchée. La Chambre d’appel s’est elle-même prononcée
sur ce point pendant le procès en première instance
dans le cadre d’un appel interlocutoire. En outre, les arguments
avancés par Dragoljub Prcac concernant la communication tardive
ou la modification des listes de témoins sont sans fondement.
Dragoljub Prcac prétend également
que la Chambre de première instance n’a pas répondu
à sa demande de consultation de comptes rendus d’audience
provenant de l’affaire Sikirica. La Chambre d’appel note
que la Défense de Dragoljub Prcac a présenté
oralement cette demande à l’audience du 28 mai 2001
et que la Chambre de première instance a immédiatement
rendu une décision orale sur la question. Dragoljub Prcac
n’a pas démontré que la Chambre de première
instance avait commis la moindre erreur concernant cette demande
formulée oralement. Par ces motifs, le moyen d’appel en question
est rejeté.
La Chambre d’appel en vient maintenant à
la question de la sentence :
Les appelants ont tous interjeté appel
de la sentence qui a été prononcée contre eux.
Miroslav Kvocka estime que la Chambre de première instance
n’a pas tenu compte de certaines circonstances atténuantes
dans la sentence et qu’elle a fixé une peine disproportionnée
par rapport aux autres peines prononcées par le Tribunal.
Dragoljub Prcac soutient que la Chambre de première instance
n’a pas tenu compte de plusieurs circonstances atténuantes
dans la sentence et qu’elle lui a de ce fait infligé une
peine trop lourde. Mladjo Radic avance que la Chambre de première
instance n’a pas suffisamment motivé la sentence, qu’elle
a retenu à tort certaines circonstances aggravantes, qu’elle
n’a pas accordé suffisamment de poids à certaines
circonstances atténuantes et que la comparaison de sa sentence
avec d’autres prononcées par le Tribunal montre que sa peine
devrait être réduite. Zoran Zigic soutient que la Chambre
de première instance n’a pas tenu compte de plusieurs circonstances
atténuantes.
La Chambre d’appel rappelle que la fixation
de la peine est laissée à l’appréciation des
Chambres de première instance. La procédure d’appel
ne donne pas lieu à un nouveau procès, elle est au
contraire de nature corrective. C’est pourquoi la Chambre d’appel
ne substituera pas sa propre sentence à celle prononcée
en première instance sauf s’il peut être démontré
que la Chambre de première instance a commis une erreur manifeste.
La Chambre d’appel constate que la Chambre de première instance
a commis une erreur lorsqu’elle a refusé de retenir la reddition
volontaire de Zoran Zigic au Tribunal comme une circonstance atténuante.
Toutefois, il n’est accordé que peu de poids à cet
élément puisque Zoran Zigic était en prison
lorsqu’il s’est livré. Quant aux autres moyens d’appel relatifs
à la sentence, ils sont rejetés.
En résumé :
Par ces motifs, qui sont exposés en
détail dans l’Arrêt, l’appel de Miroslav Kvocka contre
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre pour les meurtres d’Ahil Dedic et d’Ismet Hodzic et
contre la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre pour viols et violences sexuelles sous la
qualification de persécutions, est accueilli. L’appel de
Zoran Zigic contre la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre pour les crimes commis au camp d’Omarska en
général est également accueilli, ainsi que
la branche du moyen d’appel selon laquelle la Chambre de première
instance n’aurait pas retenu sa reddition volontaire comme une circonstance
atténuante. Tous les autres moyens d’appel sont rejetés.
Je vais maintenant vous donner lecture du dispositif
de l’Arrêt dans son intégralité.
Messieurs les appelants, veuillez vous lever.
DISPOSITIF
Par ces motifs, LA CHAMBRE D’APPEL,
EN APPLICATION de l’article 25 du
Statut et des articles 117 et 118 du Règlement,
VU les écritures respectives des
parties et leurs exposés aux audiences du 23 au 26 mars 2004
et du 21 juillet 2004,
SIÉGEANT en audience publique,
À L’UNANIMITÉ,
S’AGISSANT DES MOYENS D’APPEL SOULEVÉS
PAR MIROSLAV KVOCKA :
NOTE le retrait du premier moyen d’appel
de Miroslav Kvocka,
ACCUEILLE partiellement le quatrième
moyen d’appel soulevé par Miroslav Kvocka en ce
qu’il a trait à la déclaration de culpabilité
en tant que coauteur de persécutions prononcée à
son encontre pour viols et violences sexuelles (chef 1), ANNULE
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut pour le
chef 1 (persécutions, un crime contre l’humanité)
en ce qu’elle a trait aux viols et aux violences sexuelles, et CONFIRME
pour le surplus la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut
pour le chef 1,
ACCUEILLE partiellement le cinquième
moyen d’appel soulevé par Miroslav Kvocka en ce qu’il a trait
aux meurtres d’Ahil Dedic et d’Ismet Hodzic, ANNULE la déclaration
de culpabilité prononcée à son encontre sur
la base de l’article 7 1) du Statut pour le chef 5 (meurtres,
une violation des lois ou coutumes de la guerre) en ce qu’elle a
trait aux meurtres d’Ahil Dedic et d’Ismet Hodzic, et CONFIRME
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut pour le
chef 5 en ce qui concerne les meurtres de Mehmedalija Nasic
et de Becir Medunjanin,
REJETTE, pour le surplus, l’appel interjeté
par Miroslav Kvocka contre les déclarations de culpabilité
prononcées à son encontre,
CONFIRME la peine de 25 années d’emprisonnement,
tel qu'imposé par la Chambre de première instance.
S’AGISSANT DES MOYENS D’APPEL SOULEVÉS
PAR MLADJO RADIC :
REJETTE l’ensemble des moyens d’appel
soulevés par Mladjo Radic et CONFIRME la peine de
20 années d’emprisonnement, tel qu'imposé par la Chambre
de première instance.
S’AGISSANT DES MOYENS D’APPEL SOULEVÉS
PAR ZORAN ZIGIC :
ACCUEILLE les moyens d’appel soulevés
par Zoran Zigic concernant sa responsabilité pour les crimes
commis au camp d’Omarska en général, ANNULE
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut pour le
chef 1 (persécutions, un crime contre l’humanité)
en ce qu’elle a trait aux crimes commis au camp d’Omarska en général,
ANNULE la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut
pour le chef 7 (meurtres, une violation des lois ou coutumes
de la guerre) en ce qu’elle a trait aux crimes commis au camp d’Omarska
en général, ANNULE la déclaration de
culpabilité prononcée à son encontre sur la
base de l’article 7 1) du Statut pour le chef 12 (tortures,
une violation des lois ou coutumes de la guerre) en ce qu’elle a
trait aux crimes commis au camp d’Omarska en général,
et CONFIRME la déclaration de culpabilité prononcée
à son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut
pour le chef 1, en ce qu’elle a trait aux crimes commis contre
Becir Medunjanin, Asef Kapetanovic, les témoins AK, AJ et
T, Abdulah Brkic, Emir Beganovic, Fajzo Mujkanovic, le témoin
AE, Redzep Grabic, Jasmin Ramadonovic, le témoin V, Edin
Ganic, Emsud Bahonjic, Drago Tokmadzic et Sead Jusufagic, CONFIRME
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre sur la base de l’article 7 1) pour le chef 7
en ce qu’elle a trait aux crimes commis contre Becir Medunjanin,
Drago Tokmadzic, Sead Jusufagic et Emsud Bahonjic, et CONFIRME
la déclaration de culpabilité prononcée à
son encontre sur la base de l’article 7 1) du Statut pour le
chef 12 en ce qu’elle a trait aux crimes commis contre Abdulah
Brkic, les témoins T, AK et AJ, Asef Kapetanovic, Fajzo Mujkanovic,
le témoin AE, Redzep Grabic et Jasmin Ramadanovic,
REJETTE, pour le surplus, l’appel interjeté
par Zoran Zigic contre les déclarations de culpabilité
prononcées à son encontre,
CONFIRME la peine de 25 années d’emprisonnement,
tel qu'imposé par la Chambre de première instance.
S’AGISSANT DES MOYENS D’APPEL SOULEVÉS
PAR DRAGOLJUB PRCAC :
REJETTE l’ensemble des moyens d’appel
soulevés par Dragoljub Prcac et CONFIRME la peine
de cinq années d’emprisonnement, tel qu'imposé par
la Chambre de première instance, et enfin,
DIT, aux termes de l’article 118 du
Règlement, que l’Arrêt est exécutoire immédiatement,
ORDONNE, en application des articles 103 C)
et 107 du Règlement, que les appelants restent sous la garde
du Tribunal international jusqu’à ce que soient arrêtées
les dispositions nécessaires pour leur transfert vers l’État
auquel ils purgeront leur peine.
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Le texte intégral de l’Arrêt
disponible sur demande aux Services d’Information Publique ainsi
que sur le site Internet du Tribunal. Ce document est disponible
en anglais; sa traduction en français sera publiée
aussi rapidement que possible.
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