Affaire n° : IT-98-30/1-A

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

Devant :
M. le Juge Theodor Meron, Président

Assisté de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
13 juillet 2005

LE PROCUREUR

c/

MLADJO RADIC

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DÉCISION RELATIVE À LA DEMANDE DE MISE EN LIBERTÉ PROVISOIRE

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Le Conseil de l’Accusé :

M. Toma Fila

  1. Mlađo Radic (« Radic ») a demandé à bénéficier d’une autorisation de sortie du 15 au 22 juillet 20051 afin de pouvoir assister à la cérémonie de mariage de son fils aîné et au baptême de son petit-fils2.
  2. Radic a été transféré au Tribunal le 9 avril 1998. Jugé et reconnu coupable pour le rôle qu’il a joué dans les événements du Camp d’Omarska alors qu’il était chef d’une équipe de gardiens, il a été condamné le 2 novembre 2001 par la Chambre de première instance à une peine de vingt ans d’emprisonnement pour : persécutions ayant revêtu la forme de meurtres, de tortures et de sévices, de violences sexuelles et de viols, de harcèlement, d’humiliations, de violences psychologiques et d’internement dans des conditions inhumaines, un crime contre l’humanité ; meurtres, une violation des lois ou coutumes de la guerre ; deux chefs de tortures, une violation des lois ou coutumes de la guerre. Sa peine a été confirmée en appel le 28 février 2005. Radic est actuellement en détention au quartier pénitentiaire des Nations Unies (le « Quartier pénitentiaire ») dans l’attente de son transfert vers un État où il doit purger le reste de sa peine.
  3. Dans sa demande, Radic n’indique pas quelle disposition du Règlement de procédure et de preuve (le « Règlement ») donne pouvoir au Président d’accorder à un accusé reconnu coupable dans l’attente de son transfert dans le pays d’exécution de la peine une autorisation de sortie. De fait, aucune disposition du Règlement du Tribunal n’autorise un accusé reconnu coupable à demander au Président une telle autorisation. Aussi n’avons-nous pas le pouvoir d’examiner la Demande de Radic3. La décision rendue dans l’affaire Krnojelac et invoquée par le Requérant est sans pertinence en l’espèce4. Dans ladite affaire, la Chambre d’appel était saisie de l’appel interjeté par Krnojelac, lequel était donc habilité à demander, en application de l’article 65, une mise en liberté provisoire à la Chambre d’appel en attendant l’issue de la procédure d’appel.

  4. Cela dit, même si nous avions estimé que nous avions compétence pour examiner la demande de mise en liberté provisoire de Radic, nous n’y aurions pas fait droit. Je ne suis pas convaincu que si Mladjo Radic a souffert de la mort de ses frères, s’il a eu des contacts restreints avec les membres de sa famille parce que ceux-ci ne peuvent assumer les frais de voyage pour venir au Quartier pénitentiaire, ou si sa famille et Mladjo Radic lui-męme seraient ravis qu’il puisse assister au mariage de son fils et au baptęme de son petit-fils, cela constitue autant de raisons suffisantes pour justifier la mise en liberté provisoire d’un accusé condamné pour des crimes aussi graves5. Je ne considère pas davantage que le fait que Mladjo Radic soit « inhabituellement triste et déprimé » et que sa famille souffre de le savoir en prison soient des raisons suffisantes pour justifier une mise en liberté provisoire. Je ne considère pas plus que la modification du Règlement du Tribunal pour permettre à celui-ci d’axer ses efforts sur les plus hauts dirigeants ait un rapport quelconque avec la condamnation de Mladjo Radic par ce Tribunal pour des crimes particuličrement graves qui ont fait de nombreuses victimes6.

  5. Pour les raisons qui précèdent, la Requête est REJETÉE.

 

Fait en anglais et en français, la version en anglais faisant foi.

Le 13 juillet 2005
La Haye (Pays-Bas)

Le Président du Tribunal
_____________
Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1. Defence Request for Provisional Release, 8 juillet 2005 (la « Demande »), par. 21.
2. Ibidem, par. 21
3. Le Règlement de procédure et de preuve donne pouvoir au Président de faire droit à une demande de grâce ou de commutation de peine lorsque l’État d’exécution de la peine prononcée par le Tribunal informe le Président, conformément aux dispositions de l’article 128 du Règlement, qu’un détenu déclaré coupable par le Tribunal peut bénéficier d’une libération anticipée en vertu de la législation dudit État. Le transfert d’un détenu dans l’État d’exécution de la peine étant souvent un processus long, nous avons estimé dans des décisions antérieures que les dispositions de l’article 128 s’étendaient aux détenus incarcérés au Quartier pénitentiaire.
4. Demande, par. 16.
5. Ibidem, par. 6 à 15.
6. Ibid., par. 17 à 20.