LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE
Composée comme suit :
M. le Juge Almiro Rodrigues, Président
M. le Juge Fouad Riad
Mme le Juge Patricia Wald
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Décision rendue le :
17 avril 2001
LE PROCUREUR
c/
MIROSLAV KVOCKA
MILOJICA KOS
MLADO RADIC
ZORAN ZIGIC
DRAGOLJUB PRCAC
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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE LA DÉFENSE AUX FINS
DE PRÉSENTER DES PIÈCES À CONVICTION
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Le Bureau du Procureur :
Mme Susan Somers
Le Conseil de la Défense :
M. Krstan Simic, pour Miroslav Kvocka
M. Zarko Nikolic, pour Milojica Kos
M. Toma Fila, pour Mladjo Radic
M. Slobodan Stojanovic, pour Zoran Zigic
M. Jovan Simic, pour Dragoljub Prcac
LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I («la Chambre») du Tribunal international chargé de poursuivre les personnes présumées responsables de violations graves du droit international humanitaire commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991 («le Tribunal»),
VU la «Requête de la Défense aux fins de présenter des pièces à conviction», déposée le 26 janvier 2001 par la Défense de Miroslav Kvocka («la Requête»), demandant le versement au dossier des documents qui y étaient joints,
VU les débats relatifs à la Requête pendant la Conférence de mise en état du 19 février 2001,
VU la «Réponse de lAccusation à la Requête de laccusé Kvocka intitulée "Requête de la Défense aux fins de présenter des pièces à conviction"» («la Réponse de lAccusation»), déposée le 20 février 2001, dans laquelle lAccusation a exposé ses objections à ladmission ou à la nouvelle admission de la plupart des documents joints à la Requête, à lexception de quatre pour lesquels elle ne soppose pas au versement au dossier,
VU «[l]Ordonnance accédant à la demande aux fins du versement au dossier déléments de preuve documentaires», rendue le 17 mars 1999 par la Chambre de première instance III du Tribunal, par laquelle les documents ci-après, inclus dans la Requête, étaient versés au dossier comme pièces à conviction de lAccusation : 2/2.7, 2/2.11, 2/3.18, 2/3.70, 2/4.10, 2/4.16, 2/4.22, 2/4.25, 2/4.26, 2/6.1, 2/7.8,
VU la «Décision relative à la "Requête aux fins de confirmation et déclaircissement du statut des pièces à conviction présentées par lAccusation"», prise le 14 décembre 2000 par la Chambre de première instance, confirmant le fait que les documents précités avaient déjà été versés au dossier,
ATTENDU que, pendant le procès, certains de ces documents se sont vu attribuer une numérotation différente en tant que pièces à décharge, ce qui pourrait prêter à confusion lorsquil y est fait référence, et quil est bon que la Chambre et les parties soient au fait de ces chevauchements,
ATTENDU que la pièce à conviction D40/1, jointe à la Requête, a été versée au dossier verbalement le 23 janvier 2001 en qualité de pièce à décharge,
ATTENDU que larticle 89 C) du Règlement de procédure et de preuve du Tribunal («le Règlement») dispose que «[l]a Chambre peut recevoir tout élément de preuve pertinent quelle estime avoir valeur probante», que la pertinence dun élément de preuve ne sétablit pas que sur les faits de laffaire ou les actes allégués dans lacte daccusation, mais également sur la défense de laccusé et laccusé lui-même, sur les déclarations de témoins et leur crédibilité, ainsi que sur les éléments de preuve déjà admis,
ATTENDU que le droit de laccusé à se défendre, conféré par larticle 21 4) d) du Statut du Tribunal («le Statut»), embrasse son droit non seulement de répondre des chefs daccusations retenus contre lui, mais également dévoquer des circonstances qui pourraient constituer un motif de diminution dune peine éventuelle, atténuer sa responsabilité, voire en être complètement déchargé ; et que pour rendre ce droit effectif, laccusé doit disposer de la possibilité de présenter des éléments de preuve à lappui de sa défense,
ATTENDU que larticle 7 4) du Statut dispose que «le fait quun accusé a agi en exécution dun ordre dun gouvernement ou dun supérieur [...] peut être considéré comme un motif de diminution de la peine si le Tribunal international lestime conforme à la justice»,
ATTENDU que les documents fournis par les instances judiciaires militaires de la Republika Srpska, concernant des infractions touchant à la non-exécution dordres militaires ou émanant de lÉtat pendant la période du conflit armé sur le territoire de la République, peuvent indiquer la procédure suivie par ces instances dans le cadre dinfractions de ce type et les sanctions qui en découlent ; et attendu que lesdits documents ont un rapport avec laffaire et quils ont valeur probante pour ce qui est des circonstances pouvant constituer un motif de diminution dune peine éventuelle, aux termes de larticle 7 4) du Statut,
ATTENDU que les jugements rendus par le tribunal aux armées de Banja Luka à lencontre des personnes qui se sont dérobées de leurs obligations militaires, qui nont pas observé un ordre ou qui ont volontairement abandonné ou déserté les forces armées, joints à la Requête et constituant la pièce à conviction D51/1, font partie des documents précités et que, par conséquent, ils sont pertinents et ont force probante,
ATTENDU que, la demande visant louverture dune enquête sur linfraction dinexécution dune obligation essentielle, adressée au juge dinstruction du tribunal aux armées par le service du parquet au tribunal aux armées à Banja Luka, ainsi que les deux décisions subséquentes du tribunal aux armées lune ordonnant louverture de lenquête demandée, lautre la suspendant, pièces également jointes à la Requête et portant le numéro de référence D41/1, font partie des documents précités et que, par conséquent, ils sont pertinents et ont force probante,
ATTENDU, EN OUTRE, que le droit de laccusé à se défendre «[lui-même] ou à avoir lassistance dun défenseur de son choix», mentionné plus haut, tel que conféré par larticle 21 4) d) du Statut, sétend au droit et à lobligation de son conseil de chercher et de fournir au Tribunal tout élément de preuve contribuant à la défense de son client, notamment les informations reçues par des autorités compétentes ; et attendu que les objections de lAccusation selon lesquelles les documents élaborés par la Défense aux fins de ce litige ne devraient pas être versés au dossier, sont infondées en ce sens quelles dénient à laccusé sont droit à se défendre,
ATTENDU que la lettre adressée au Conseil de la Défense Krstan Simic par le Ministère de la justice de la Republika Srpska, jointe à la Requête et constituant la pièce à conviction D53/1, a un rapport avec lespèce et a force probante pour ce qui est des faits allégués et du rôle de laccusé qui y est décrit, dans la mesure où elle indique que laccusé Kvocka na jamais été assigné à la fonction de gardien dans lun ou lautre établissement carcéral et correctionnel ou centre de détention préventive et dans la mesure où elle se réfère également à lexistence dun centre dinterrogatoire à Omarska,
ATTENDU que les éventuelles contradictions entre le contenu de cette lettre et celui de l «Ordonnance dressant constat judiciaire» du 8 juin 2000 ou dautres pièces à conviction admises, comme le soutient lAccusation dans sa Réponse, seront examinées par la Chambre pendant lévaluation de ce document après son admission ; que le principe de légalité des armes le veut ainsi, puisque lévaluation des pièces à conviction de lAccusation a également été différée à une étape ultérieure, en application de «[l]Ordonnance accédant à la demande aux fins du versement au dossier déléments de preuve documentaires» rendue le 17 mars 1999 par la Chambre de première instance III du Tribunal,
ATTENDU que, pour être admises, les informations concernant le témoignage et la crédibilité du témoin doivent théoriquement être jugées pertinentes et comme ayant force probante,
ATTENDU que la télécopie envoyée au cabinet juridique du Conseil de la Défense Krstan Simic par le Centre de sécurité publique de Prijedor, jointe à la Requête et constituant la pièce à conviction D49/1, est également pertinente et quelle a force probante pour ce qui est du témoignage et de la crédibilité du témoin, dans la mesure où elle contient des informations relatives aux condamnations antérieures du témoin Emir Beganovic, lequel a été interrogé à ce propos pendant le procès en première instance,
ATTENDU que les documents ayant trait à lhospitalisation et au statut médical de Miroslav Nisic et Emir Zjakic, joints à la Requête et constituant les pièces à conviction D48/1 et D52/1 respectivement, sont pertinents et quils ont force probante pour ce qui concerne les dépositions des témoins Branko et Milenko Rosic qui ont comparu devant la Chambre le 6 février 2001,
ATTENDU que le document intitulé «Rapport relatif à la mise en uvre des conclusions formulées par la Cellule de crise de la municipalité de Prijedor» daté du 13 juillet 1992 et délivré par les services administratifs de lAssemblée municipale, joint à la Requête et constituant la pièce à conviction D50/1, se rapporte aux circonstances spatio-temporelles de lespèce ainsi quà des éléments de preuve admis antérieurement, tels que des décisions et des ordres émanant de la Cellule de crise, et que, par conséquent, il a force probante,
ATTENDU que le document intitulé «Attestation de confiscation temporaire de biens», signé par laccusé M. Kvocka, Z. Mejakic et R. Bunic, également joint r la Requête et constituant la pièce à conviction D45/1, se rapporte au témoignage de Kvocka du 15 février 2001 et quil a force probante pour ce qui est des personnes et des incidents ayant trait à laffaire,
ATTENDU quil a été établi, pendant les débats du 15 février 2001, quune erreur avait été commise dans la traduction de la pièce à conviction D45/1, dont la date devrait être lue 13 mai 1992 et non 13 mars 1992,
ATTENDU quune traduction corrigée de la pièce à conviction 2/3.70 de lAccusation, déjà versée au dossier, est jointe à la Requête et que lAccusation indique dans sa Réponse quelle ne soppose pas à ladmission de la traduction corrigée de ce document,
ATTENDU quil en va de lintérêt de la justice de garder la traduction qui semble la plus exacte,
ATTENDU que la Requête présente en annexe deux versions de la pièce à conviction 2/4.10 de lAccusation déjà admise («Rapport relatif aux activités du Poste de sécurité publique des 9 derniers mois de 1992»), lune identique à la pièce admise, lautre différente, et quil est souhaitable de clarifier les raisons de ce deuxième dépôt,
EN APPLICATION des articles 7 4), 21 2) et 21 4) d) du Statut et de larticle 89 C) du Règlement,
FAIT DROIT à la Requête sagissant des pièces à conviction D41/1, D45/1, D48/1, D49/1, D50/1, D51/1, D52/1, D53/1 et verse au dossier les documents précités,
ORDONNE au Greffe dapporter les corrections appropriées à la traduction de la pièce à conviction D45/1,
FAIT DROIT à la Requête sagissant de la traduction corrigée de la pièce à conviction 2/3.70 de lAccusation et ordonne au Greffe daffecter un nouveau numéro de référence à ce document pour les prochaines références,
ORDONNE à la Défense dindiquer, dans les 7 jours de la publication de cette décision, si elle maintient sa demande de verser au dossier une version différente de la pièce à conviction 2/4.10 de lAccusation et den préciser les raisons, à défaut de quoi la Chambre estimera quelle a été retirée,
REJETTE la demande dadmission des autres documents joints à la Requête dans la mesure où la Chambre de première instance les a déjà admis au moyen de décisions antérieures,
ORDONNE au Greffe de dresser un tableau comparatif de toutes les pièces à conviction admises jusquà présent, en indiquant les différents numéros attribués aux mêmes documents, et de le communiquer à la Chambre et aux parties dans un délai de 2 semaines à compter de la publication de la présente décision,
PRÉCISE que la valeur probante à accorder aux documents admis par la présente sera évaluée pendant les délibérations de la Chambre.
Fait en anglais.
Le Président de la Chambre de première instance
/signé/
Almiro Rodrigues
Fait le dix-sept avril 2001
La Haye (Pays-Bas)
[Sceau du Tribunal]