Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL AFFAIRE N° IT-98-30-T

2 POUR L'EX-YOUGOSLAVIE

3 Lundi 06 mars 2000

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5 L'audience est ouverte à 10 heures 10.

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7 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

8 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir.

9 (Les accusés s'exécutent.)

10 Bonjour, mesdames, messieurs. Nous sommes aujourd'hui ici pour

11 l'affaire Kvocka. Nous sommes les mêmes participants, ceci pour le compte

12 rendu.

13 Je salue les interprètes.

14 L'Interprète. - Bonjour, monsieur le Président.

15 M. le Président. - Nous siégions aujourd'hui, le Juge Patricia

16 Wald et moi-même, en l'absence du Juge Fuad Riad va arriver, plus ou moins,

17 vers 11 heures. La Chambre doit s'excuser pour ce retard devant les parties

18 et les autres personnes qui participent à la séance. Nous avons eu des

19 problèmes d'organisation, nous essayons de régler les choses pour que cela

20 n'arrive pas une autre fois.

21 Nous allons continuer aujourd'hui le témoignage de M. Kvocka.

22 Bonjour, monsieur Kvocka. Vous êtes encore, comme vous le savez, sous

23 déclaration solennelle.

24 J'aimerais demander à Maître Simic de combien de temps, plus ou

25 moins, vous avez besoin pour terminer le témoignage de M. Kvocka ?

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1 M. Simic (interprétation). - Bonjour, monsieur le Président.

2 J'espère terminer mon interrogatoire dans la journée. Je pense que

3 nous aurons suffisamment de temps pour enchaîner avec l'interrogatoire de

4 M. Radic. Cela va remplir notre quatrième journée. Je pense terminer dans

5 la journée avec cet interrogatoire.

6 M. le Président. - Je vous pose cette question parce que, comme

7 vous le savez, aux termes de l'article 15 du Statut, si la Chambre ne peut

8 siéger au complet, les autres Juges peuvent décider de continuer, car nous

9 pensons que c'est l'intérêt de la justice que l'on puisse poursuivre, même

10 en l'absence du Juge Fuad Riad.

11 Comme je vous l'ai dit, le Juge Fuad Riad sera disponible vers

12 11 heures.

13 On fera donc une pause dès que ce sera convenable. Nous pourrons

14 peut-être aller jusqu'à 11 heures 10, 11 heures 15, et nous ferons une

15 pause. Et puis, nous reviendrons en séance avec le Juge Fuad Riad.

16 Maître Simic, vous avez la parole, s'il vous plaît ?

17 M. Simic (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

18 Monsieur Kvocka, suite à votre retour de Tukovi, qu'aviez-vous

19 comme mission au poste de police de Prijedor ?

20 M. Kvocka (interprétation). - A mon retour de Tukovi, de ce poste

21 de police de réserve, j'ai accompli les fonctions de policiers dans le

22 service de permanence du poste de police de Prijedor.

23 M. Simic (interprétation). - Qu'est-ce que cela sous-entend comme

24 tâches à accomplir ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Dans ce service de permanence, au

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1 poste de police de Prijedor, j'étais policier faisant partie du service de

2 permanence. Il s'agit notamment d'un groupe de 5 à 6 personnes qui font

3 partie de cette permanence. Il y a un chef d'équipe, il y a un chauffeur de

4 permanence et quelques policiers pour des interventions et des tâches

5 d'ordre général.

6 M. Simic (interprétation). - Jusqu'à quand avez-vous accompli ces

7 tâches-là ?

8 M. Kvocka (interprétation). - J'ai accompli ces tâches pendant

9 presque un an, jusqu'à l'obtention d'un titre de nomination qui a fait de

10 moi le chef d'une patrouille de police du secteur 1 de Prijedor.

11 M. Simic (interprétation). - Quand cela a-t-il eu lieu ?

12 M. Kvocka (interprétation). - En septembre à peu près de

13 l'année 1993.

14 M. Simic (interprétation). - Monsieur le Président, nous voudrions

15 présenter une pièce à conviction qui porte notre n° 27.

16 (L'huissier s'exécute.)

17 Nous nous excusons, il y a un petit problème technique ici, mais

18 nous passerons par le moniteur et je crois que cela ira.

19 M. Abtahi. - Pièces D 22/1et D 22/1 A.

20 (La pièce est posée sur le moniteur.)

21 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, si on se réfère à ce

22 document, qu'est-ce qui a été créé début août dans ce poste de sécurité

23 publique de Prijedor ?

24 M. Kvocka (interprétation). - Au poste de sécurité publique de

25 Prijedor, en début du mois d'aôut, il a été constitué un bataillon de

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1 police, qui était composée de 7 compagnies.

2 M. Simic (interprétation). - Avez-vous été membre de ce

3 bataillon ?

4 M. Kvocka (interprétation). - Oui, en qualité de policier.

5 M. Simic (interprétation). - Dans quelle compagnie, quelle

6 section ?

7 M. Kvocka (interprétation). - Je me suis trouvé dans la première

8 compagnie et ce, dans la première section de cette compagnie.

9 M. Simic (interprétation). - Qui était le chef de section ?

10 M. Kvocka (interprétation). - C'était Marin Milorad.

11 M. Simic (interprétation). - Qui était le commandant de la

12 compagnie ?

13 M. Kvocka (interprétation). - C'était Cadjo Milutin.

14 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, combien de

15 supérieurs y avait-il dans toute cette structure du bataillon, des

16 compagnies et des sections ?

17 M. Kvocka (interprétation). - Si l'on englobe le commandement du

18 bataillon, puis les commandants et les adjoints des compagnies, puis les

19 chefs de section, il y avait quelques 63 supérieurs dans la hiérarchie,

20 quels que soient leurs grades.

21 M. Simic (interprétation). - Et si l'on prend en considération le

22 nombre de ces supérieurs dans ce centre de sécurité publique d'Omarska ?

23 M. Kvocka (interprétation). - Vous parlez de Prijedor ?

24 M. Simic (interprétation). - Oui, de Prijedor, je m'excuse.

25 M. Kvocka (interprétation). - Je crois qu'il y avait 160 à

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1 170 policiers active dans ce poste de sécurité publique de Prijedor. On

2 pourrait en conclure qu'un homme sur trois, un policier sur trois, avait un

3 poste ou une fonction de commandement, dont je parlais tout à l'heure.

4 M. Simic (interprétation). - Quand on se penche sur la liste des

5 commandants adjoints, et ainsi de suite, qu'elle avait été leur fonction

6 dans l'organisation régulière de la police, y compris donc au niveau de ce

7 bataillon ?

8 M. Kvocka (interprétation). - Dans le commandement du bataillon,

9 il y avait les plus hauts gradés de ce centre de sécurité publique.

10 M. Simic (interprétation). - Vous pouvez dire leurs noms ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Oui, commandant Simo Drljaca,

12 adjoint Marko Denadija, chef du quartier général Jankovic Dusan, qui est

13 également chef du département de police, et la quatrième personne Ranko

14 Mijic qui est responsable opérationnel.

15 M. Simic (interprétation). - Revenons un peu au poste de

16 commandement de la première compagnie.

17 M. Kvocka (interprétation). - Cadjo Milutin était commandant. Il

18 était en même temps commandant du poste de police de Prijedor 1.

19 M. Simic (interprétation). - Je vous remercie.

20 Monsieur, quand vous avez parlé, il y a quelques jours, de

21 certaines modifications qui étaient survenues lorsque vous étiez revenu de

22 congés, quels étaient ces changements que vous aviez remarqués dans le

23 système d'organisation au niveau du centre d'enquête à Omarska ?

24 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, pour ce qui est de ces

25 changements aperçus à l'occasion de mon retour de congés, je dirais que des

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1 changements, des petits changements avaient déjà été opérés auparavant, dès

2 le jour même de l'incident que je vous avais décrit, lorsque la personne

3 armée avait tiré sur les personnes lors de mon intervention et lorsqu'un ou

4 deux détenus avaient été abattus. Donc je parle là du 31 mai. Zeljko avait

5 été ce matin-là absent et, lors de son retour au centre d'enquête, il était

6 assez je dirais en colère et préoccupé. Il disait que nous avions à nous

7 attendre à des tâches fort sérieuses et qu'il fallait effectivement

8 procéder à des améliorations du travail des membres de la police du

9 département d'Omarska.

10 Il avait dit dans ce contexte qu'il organiserait le travail de la

11 police en trois équipes et qu'à la tête de chaque équipe, il allait y avoir

12 un policier de permanence, que c'était une chose à laquelle il songeait

13 depuis pas mal de temps, et il avait en tête Radic Mlado qui était un

14 policier expérimenté, qui s'y connaissait en transmissions radio, qui

15 connaissait toutes les tâches de police.

16 Pour ce qui était du choix des deux autres, il avait des

17 hésitations car il se disait qu'il n'avait pas un fort grand embarras du

18 choix. C'est ainsi que, peut-être en l’aidant par des suggestions de ma

19 part, nous sommes arrivés à la conclusion que l'on pourrait désigner

20 Kosni Lodja et Gruban Moncilo surnommé Cvalja, car ces deux-là laissaient

21 l'impression de personnes, de policiers plus stables et, comme on le dirait

22 dans notre façon de parler, assez dégourdis. Et c’est ce qu'il a

23 effectivement fait.

24 M. Simic (interprétation). - Et comment vous a-t-il communiqué

25 cette décision, notamment à MM. Radic et Gurba Cekos ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, je pense qu'en arrivant

2 dans cette équipe, il leur a dit qu'ils seraient de permanence et qu'ils

3 seraient donc affectés au poste de communication, c'est-à-dire de

4 transmissions radio, et que parfois ils devraient prendre des notes pour,

5 par exemple, enregistrer les absences de certains.

6 Et il m'a dit que cela constituerait une bonne solution, car cela

7 allégerait le fardeau sur mes épaules car auparavant j'avais été de

8 permanence toutes les douze heures. Il m'avait prié de travailler de la

9 sorte pendant les quelques journées précédentes. Quand je dis : "il m'avait

10 prié", j'entends par là que c'était plus un ordre car nous ne recevions pas

11 des ordres classiques dans le sens sévère du mot, mais quand nous étions

12 priés de faire telle ou telle chose, eh bien, nous avions à considérer

13 cette sollicitation comme un ordre.

14 M. Simic (interprétation). - 'Monsieur Kvocka, étant donné que

15 vous avez travaillé dans la police pendant longtemps et que vous avez

16 occupé un certain poste de supériorité tout de même par la suite, qu'est-ce

17 que ce poste sous-entendait ?

18 M. Kvocka (interprétation). - Vous parlez là du poste, de la

19 fonction d'officier de permanence ?

20 M. Simic (interprétation). - Oui.

21 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, c'était un poste, une

22 fonction qui avait le même niveau de supériorité que toute autre tâche

23 exercée par quelque policier que ce soit, que ce soit au centre d'enquête

24 ou au niveau des différents départements de police. C'était tout à fait la

25 même chose. Il n'y avait que les tâches qui différaient.

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1 M. Simic (interprétation). - Simplifions, s'il vous plaît. Est-ce

2 que M. Radic pouvait vous donner un ordre ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Non.

4 M. Simic (interprétation). - Est-ce que vous pouviez donner un

5 ordre à M. Radic ?

6 M. Kvocka (interprétation). - Non.

7 M. Kvocka (interprétation). - Est-ce que M. Radic pouvait donner

8 un ordre à quelque officier de réserve faisant partie de l'équipe lorsqu'il

9 était de permanence ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Non.

11 M. Simic (interprétation). - Maintenant, pour ce qui est des

12 forces de sécurité, qui est-ce qui pouvait délivrer un ordre et à qui ?

13 M. Kvocka (interprétation). - Seul Zeljko Mejakic pouvait donner

14 des ordres, quels qu’ils soient, à mon intention, à celle de Radic et des

15 autres policiers.

16 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, avez-vous été

17 présent lors du déroulement de quelque incident que ce soit après

18 l'incident des coups de feu au centre d'enquête à Omarska ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Oui, il y a eu plusieurs situations,

20 après mon retour de congés, dont j'ai pris note et où j'ai, ma foi, pris

21 part. Puis-je les énumérer ?

22 M. Simic (interprétation). - Oui, allez-y, je vous en prie.

23 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, suite à mon retour, pendant

24 les quelques jours qui ont suivi sur cette espèce d'esplanade devant les

25 bâtiments administratifs, il y avait des gens que l'on avait connus comme

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1 étant portés sur la criminalité.

2 Un certain Sredic Vlado, surnommé Djordjin. Il est venu en

3 uniforme, avec un fusil, en état d’ébriété et à très haute voix, il avait

4 injurié la mère de ces "Turcs", et il s'était écrié : "Eh toi, le Hodja de

5 Kevljani" pour que je me fasse juge à son égard. Et des choses analogues.

6 Quand j'ai entendu l'énergumène crier, je me suis dirigé vers lui

7 et, de façon assez violente, je l'ai vidé, je l'ai écarté du centre

8 d'enquête. Il a dû, bien sûr, donc quitter les lieux en maugréant, en

9 disant quelque chose du style : "Nous, on les capture et vous les caressez,

10 vous êtes aux petits soins pour eux ici". Par la suite, une de mes

11 connaissances travaillant dans la police de la circulation publique m'avait

12 dit qu'il avait rencontré ce Djordjin, ce même énergumène qui avait proféré

13 ouvertement des menaces à mon égard, en disant qu'il règlerait ses comptes

14 avec moi, que j'étais le premier sur sa liste.

15 M. Simic (interprétation). - Y en a-t-il eu d'autres ?

16 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, dans cette période, j'ai eu

17 deux interventions à effectuer au portail d'entrée en étant de permanence

18 dans le bureau que nous utilisions le plus fréquemment, nous qui étions de

19 permanence.

20 J'ai été informé par téléphone du portail principal que le

21 policier et le gardien de la compagnie avaient des problèmes avec des

22 personnes en état d'ivresse, qui voulaient coûte que coûte accéder au

23 centre d'enquête. Dès que j'ai appris que cela se passait là-bas et que

24 c'était en quelque sorte une espèce d'appel au secours, je me suis

25 précipité vers le portail d'entrée. J'y ai trouvé quatre soldats armés. Ils

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1 étaient venus avec un véhicule, ils étaient en état d'ébriété, ils

2 voulaient accéder au centre d'enquête en essayant d'obliger le gardien de

3 la compagnie à ouvrir la grille. Cette grille s'ouvrait par pression sur un

4 bouton automatique à partir de la maisonnette du gardien. Et quand je suis

5 arrivé, compte tenu de l'expérience que j'avais avec les interventions au

6 niveau d’individus dans cet état-là, j'ai essayé de calmer la situation, de

7 les convaincre gentiment de repartir chez eux, car autrement, c'était

8 plutôt risqué, vu qu'ils étaient tous armés. Leur comportement était plutôt

9 assez agressif.

10 Et nous qui étions policiers de la force de police régulière, en

11 temps de paix, qui avions travaillé dans ce système communiste, comme eux

12 le disaient, ils se comportaient de façon assez arrogante, ils m'ont dit

13 que j'étais une poule effarouchée, que je n'avais qu'à ne pas garder les

14 Turcs et prendre soin d’eux.

15 M. Simic (interprétation). - Mais un petit moment... Quand ces

16 gens disent "les Turcs", ceux qui étaient venus avaient dit "les Turcs", et

17 ceux-ci ont également dit "les Turcs". Qui sont les Turcs dans leur

18 jargon ?

19 M. Kvocka (interprétation). - C'est une appellation dénigrante

20 pour les Musulmans qui vivaient dans la région.

21 Et après plusieurs minutes d'entretien, où j'ai essayé de les

22 convaincre, ils ont quand même quitté l'espace devant le portail, en

23 maugréant, je n'ai pas bien saisi ce qu'ils ont dit, mais ils sont

24 retournés vers Omarska.

25 Quand on parle d'incidents, je voudrais dire qu'il y a eu un autre

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1 incident en date du 10 juin, lorsque j'ai trouvé le matin, Zeljko Mejakic,

2 au poste, et en m'entretenant avec lui, j'avais appris qu'il y avait un

3 assassinat de Nasic Medalija, je suis sûr que le nom de famille était

4 Nasic. Il m'a expliqué brièvement que, la nuit, un gardien avait tiré à

5 travers la fenêtre du restaurant où il y avait des détenus et que cet

6 homme-là aurait tenté de fuir ou quelque chose de ce genre, et il m'a dit

7 que le gardien Popovic avait fait usage de son arme.

8 M. Simic (interprétation). - Vous n'avez pas travaillé cette nuit-

9 la ? Et le policier qui avait ouvert le feu, qu'est-il advenu de lui ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Je ne sais qu'une chose : pendant

11 5 ou 6 jours, il n'a plus travaillé. Puis, il est revenu, je l'ai revu à

12 son poste de garde.

13 M. Simic (interprétation). - Est-ce qu’il a fait l'objet de

14 mesures quelconques ?

15 M. Kvocka (interprétation). - Je ne suis pas au courant.

16 M. Simic (interprétation). - Y a-t-il eu d'autres incidents que

17 vous auriez remarqués ?

18 M. Kvocka (interprétation). - Pendant tout le reste de mon séjour,

19 une vingtaine de jours, j'ai remarqué plusieurs personnes qui avaient des

20 bleus, ce qui voulait dire que ces personnes avaient été battues.

21 Et j'ai remarqué également, lorsque nous avions escorté

22 7 à 8 personnes en provenance de Prijedor, dans le véhicule de service -je

23 crois que c'était le véhicule que l'on appelait Marica- que l'on avait

24 fouillé les personnes en question, et j'ai pu remarquer que cette fouille a

25 été effectuée de façon plutôt humiliante. Et ce, plus humiliante que l'on

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1 pourrait le tolérer. Il est évident que toute fouille est plus ou moins

2 humiliante, mais celle-ci l'était particulièrement. Et j'avais dit : "Eh,

3 les gars, ce ne pas tout à fait de cette sorte-là que les règlements

4 policiers le prévoient, je pense que vous pourriez tout aussi bien le faire

5 selon les règles". La fouille a par la suite repris, mais de façon bien

6 plus correcte.

7 M. Simic (interprétation). – Monsieur Kvocka, puisqu'il ne nous

8 appartient pas de déterminer les noms des membres de la police, je voudrais

9 vous demander autre chose, quelle était la structure nationale du service

10 de sécurité dans ce département de police d'Omarska ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Ils étaient tous serbes.

12 M. Simic (interprétation). - Y avait-il des personnes qui avaient

13 pour nom de famille Kvocka ?

14 M. Kvocka (interprétation). – Oui, encore deux personnes.

15 M. Simic (interprétation). - Quels étaient leur prénom ?

16 M. Kvocka (interprétation). - Zoran et Milojica.

17 M. Simic (interprétation). - Quand nous parlions de la structure

18 des forces de sécurité, je ne voudrais pas revenir sur ce que vous avez

19 déjà dit, mais je voudrais que vous nous apportiez quelques

20 éclaircissements pour les membres de sécurité du poste de police. Qui avait

21 été leur supérieur ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Et bien, Zeljko Mejakic était aussi

23 leur supérieur en sa qualité de commandant du département de police. Mais

24 ces hommes-là avaient été attribués à des inspecteurs. Ils recevaient leurs

25 ordres de la part des inspecteurs pour ce qui était de savoir qui étaient

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1 les personnes à emprisonner ou à amener pour interrogatoire.

2 M. Simic (interprétation). - Et vos beaux-frères, combien de temps

3 sont-ils restés à Omarska, après votre départ ?

4 M. Kvocka (interprétation). - Vous parlez de leur séjour dans ma

5 maison ?

6 M. Simic (interprétation). – Non, quand vous les avez ramenés.

7 M. Kvocka (interprétation). - Lorsque le 22 ou 23 juin, je les ai

8 ramenés au centre d'enquête, ils sont restés jusqu'à la fin, jusqu'à la

9 dissolution de ce centre d'enquête vers le début du mois d'août.

10 M. Simic (interprétation). – Et où sont-ils allés par la suite ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Tous les trois ont été transférés

12 vers Trnopolje.

13 M. Simic (interprétation). - Et quand ont-ils été libérés de

14 Trnopolje ?

15 M. Kvocka (interprétation). - Ils ont été libérés de Trnopolje

16 quelques jours après, au plus une semaine après leur transfert d'Omarska

17 vers là-bas.

18 M. Simic (interprétation). - Qui est allé les chercher à

19 Trnopolje ?

20 M. Kvocka (interprétation). - Ils ont été libérés grâce au fait

21 que mon épouse et moi-même avons pris notre voiture et sommes allés les

22 chercher.

23 M. Simic (interprétation). - Est-ce qu'ils pouvaient rentrer chez

24 eux auparavant ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Auparavant, non. Mais quand nous

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1 nous sommes rendus là-bas, nous avons trouvé des personnes qui

2 travaillaient pour la Croix-Rouge, et un médecin, qui avait fait une

3 attestation les autorisant à quitter, mais on nous avait objecté que ces

4 deux signatures n'étaient pas suffisantes, et qu'il fallait aussi la

5 signature de Slobodan Kuruzovic. Toutefois, ce dernier n'avait pas voulu

6 signer et nous avions décidé de les faire monter en voiture et de partir

7 quoiqu'il advienne.

8 M. Simic (interprétation). - Avez-vous eu des désagréments à

9 l'occasion de votre départ ou retour de Trnopolje ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Et bien, lorsque nous sortions, il y

11 avait un point de contrôle où on nous a demandé nos papiers, on a inscrit

12 nos renseignements personnels dans un registre. J'ai fait l'objet de

13 provocations assez déplaisantes. On m'avait demandé : "Pourquoi est-ce que

14 tu libères des bérets verts, que fais-tu là ?" Il y avait 5 ou 6 personnes

15 à ce point de contrôle, ils étaient tous armés.

16 M. Kvocka (interprétation). – Je pense que l'un d'entre eux a même

17 injurié ma mère. J'ai été rabaissé. Voilà en bref ce qui s'est passé.

18 M. Simic (interprétation). – Monsieur Kvocka, nous allons revenir

19 à l'acte d'accusation.

20 Qui était la personne responsable des conditions hygiéniques des

21 détenus ?

22 M. Kvocka (interprétation). - D'après les documents que nous avons

23 vus l'autre jour, c'était la direction de la mine de fer, c'est-à-dire la

24 société qui exploitait cette mine de fer était censée organiser ceci. J'ai

25 remarqué deux ou trois femmes dont je savais qu'elles avaient travaillé

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1 auparavant comme personnel de nettoyage dans ce complexe.

2 M. Simic (interprétation). - Je voudrais regarder les

3 documents D 17.7, le document D 17.1, le document de la défense 55.

4 Monsieur Kvocka, je vais lire ce paragraphe : "La direction des

5 mines a pour obligation d'organiser le nettoyage, l'entretien des services

6 d'approvisionnement en eau dans le cadre des obligations de travail, et

7 d'assurer les supports logistiques par rapport au nombre de personnes qui

8 était assigné à travailler dans le lieu".

9 Etait-ce respecté ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Oui, il y avait plusieurs personnes

11 pour lesquelles je sais qu'elles avaient travaillé auparavant dans ce même

12 complexe et qu'elles s'occupaient de la propreté, de l'hygiène, etc..

13 M. Simic (interprétation). - Parmi les membres de la station de

14 police d'Omarska, y avait-il dans le cadre de cette station de police, des

15 personnes qui s'occupaient de l'hygiène, de l'entretien ?

16 M. Kvocka (interprétation). - Non.

17 M. Simic (interprétation). - De quelle manière les membres du

18 département ont pu influer sur l'amélioration, améliorer ces conditions

19 d'hygiène ?

20 M. Kvocka (interprétation). - Je pense qu'ils ne pouvaient pas le

21 faire, du tout.

22 M. Simic (interprétation). - On parle dans ce document d'un

23 certain nombre de personnes. Pourriez-vous nous dire combien de personnes

24 ont été détenues à Omarska ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Moi, j'ai toujours pensé qu'il y

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1 avait entre 2000 et 2500 détenus.

2 M. Simic (interprétation). - Est-ce que le département de police

3 disposait d'une liste précise des détenus ?

4 M. Kvocka (interprétation). - Non.

5 M. Simic (interprétation). - Y avait-il la possibilité de tenir

6 compte de ce nombre au moment où on distribuait la nourriture ? De quelle

7 manière a-t-on distribué la nourriture ?

8 M. Kvocka (interprétation). - La nourriture était pratiquement

9 distribuée tout au long de la journée, à partir de 10 heures du matin

10 jusqu'à 17 heures de l'après-midi.

11 M. Simic (interprétation). - Combien de détenus allaient manger

12 dans un groupe ?

13 M. Kvocka (interprétation). - A peu près 30 personnes, car c'était

14 la capacité de cette partie de la cantine, 30 personnes pouvaient manger en

15 même temps à cet endroit.

16 M. Simic (interprétation). - Combien de temps fallait-il pour que

17 ces personnes puissent se nourrir, pour qu'on puisse laver ensuite et

18 amener un autre groupe ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Vu le nombre des détenus, il fallait

20 travailler vite.

21 M. Simic (interprétation). - J'essaie de reconstruire par rapport

22 au nombre de détenus. Quelle était la période de temps nécessaire pour

23 qu'un groupe de détenus relève l'autre groupe, en tenant compte du temps

24 nécessaire pour manger, nettoyer, pour y aller, etc. ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Il faudrait calculer tout ceci. Cela

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1 durait au maximum 5 minutes. Un groupe était servi pendant 5 minutes au

2 maximum.

3 M. Simic (interprétation). - Pour faire la vaisselle ?

4 M. Kvocka (interprétation). - 5 minutes aussi.

5 M. Simic (interprétation). - On peut donc dire que le repas plus

6 la vaisselle duraient 10 minutes à peu près ?

7 M. Kvocka (interprétation). - Oui.

8 M. Simic (interprétation). - Combien de groupes alors pouvaientt

9 manger au cours d'une heure, si une équipe mangeait, si on peut appeler

10 cela une équipe, pendant 10 minutes ?

11 M. Kvocka (interprétation). - On pourrait dire que 6 groupes

12 pourraient manger en une heure.

13 M. Simic (interprétation). - Si un groupe est fait de

14 30 personnes, combien de personnes pouvaient se nourrir dans une heure ?

15 M. Kvocka (interprétation). - On pourrait dire entre 180 et 200

16 personnes.

17 M. Simic (interprétation). - Et donc, la nourriture était

18 distribuée pendant quelle période de temps ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Entre 9 heures 30 du matin jusqu'à

20 17 heures 30 de l'après-midi.

21 M. Simic (interprétation). - Sur la base de ces informations, est-

22 ce que votre estimation est en accord avec cette mathématique, si on peut

23 dire ?

24 M. Kvocka (interprétation). - D'après ces estimations, tout le

25 monde ne pouvait pas être servi en nourriture.

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1 M. Simic (interprétation). - Qui était responsable de la

2 distribution de la nourriture ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Vous pensez à la cantine ?

4 M. Simic (interprétation). - Non, je pense à la distribution des

5 vivres en général.

6 M. Kvocka (interprétation). - Je sais qu'on préparait la

7 nourriture dans une cuisine centrale qui se trouvait près de l'entrée des

8 mines. Je pense qu'il y avait un chef des cuisiniers, c'était Pero Rendic,

9 je crois. Et il y avait une autre personne qui était chargée de

10 l'approvisionnement de la nourriture, c'était Milan Andjic qui avait

11 travaillé dans la logistique d'une organisation militaire.

12 M. Simic (interprétation). - Qui distribuait la nourriture au sein

13 du restaurant, de la cantine ?

14 M. Kvocka (interprétation). - C'était Zoran Delic.

15 M. Simic (interprétation). - Il était membre de quel type

16 d'unité ?

17 M. Kvocka (interprétation). - D'une unité militaire.

18 M. Simic (interprétation). - Qui mangeait cette nourriture ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Tous les détenus, mais aussi les

20 gardiens. Il y en avait qui en prenaient, il y en avait qui n'en prenaient

21 pas. Certains mangeaient un jour sur deux, d'autres ne mangeaient jamais.

22 M. Simic (interprétation). - Et les enquêteurs, que mangeaient-

23 ils ?

24 M. Kvocka (interprétation). - Ils recevaient aussi les repas.

25 M. Simic (interprétation). - D'où venaient ces repas ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - De cette même cuisine, seulement on

2 les servait à l'étage, la pièce dont je parlais l'autre jour, la pièce à

3 l'étage, c'est là qu'ils mangeaient pendant la pause.

4 M. Simic (interprétation). - Combien de repas recevaient les

5 prisonniers pendant les 24 heures ?

6 M. Kvocka (interprétation). - Un seul repas.

7 M. Simic (interprétation). - De quoi était composé ce repas ?

8 M. Kvocka (interprétation). - Il s'agissait d'une assiette de

9 soupe et d'un quart de pain.

10 M. Simic (interprétation). - Est-ce qu'il y avait des problèmes en

11 approvisionnement de pain ?

12 M. Kvocka (interprétation). - Je pense qu'à une ou deux occasion

13 la quantité de pain a été diminuée.

14 M. Simic (interprétation). - Pourquoi ?

15 M. Kvocka (interprétation). - C'est Pero Rendic qui me disait

16 parfois quand il venait avec le repas, pour les enquêteurs, qu'il y avait

17 des problèmes avec la boulangerie à cause des coupures d'électricité ou

18 d'autres problèmes techniques.

19 M. Simic (interprétation). - Est-ce que vous savez qui faisait le

20 pain quand il y avait des problèmes avec cette boulangerie civile ?

21 M. Kvocka (interprétation). - Je ne sais pas.

22 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, vous avez vu quelles

23 étaient les conditions d'hygiène et de distribution de la nourriture. Est-

24 ce que ces conditions d'hygiène correspondaient aux normes qui pouvaient

25 s'appliquer aux êtres humains ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Non, certainement non. Ces

2 conditions d'hygiène n'étaient pas acceptables.

3 M. Simic (interprétation). - Et en ce qui concerne la nourriture ?

4 M. Kvocka (interprétation). - Je pense qu'elle ne correspondait

5 pas aux besoins, parce que les détenus n'étaient servis qu'une seule fois.

6 Donc déjà, ce n'était pas suffisant. Et la qualité de la nourriture n'était

7 pas suffisante.

8 M. Simic (interprétation). - Nous avons ce même document sur le

9 rétroprojecteur. Nous pouvons revenir au point 7. Il s'agit du document

10 D 55 de la défense ou D 17/1.

11 (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

12 M. Simic (interprétation). - Monsieur, je vais vous demander de

13 nous donner lecture de la première phrase du paragraphe 7.

14 M. Kvocka (interprétation). - Je ne dispose pas de la version en

15 langue serbe.

16 M. Simic (interprétation). - Alors je vais le lire : "La direction

17 des mines est obligée d'organiser la nourriture pour les enquêteurs, les

18 gardiens et les détenus en accord avec les normes dont ils conviendront

19 avec les services de l'intendance de l'armée".

20 Est-ce que l'organisation de l'approvisionnement de la nourriture

21 était faite en accord avec cet ordre ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Oui.

23 M. Simic (interprétation). - Est-ce que le département de la

24 police d'Omarska pouvait influer de quelque façon que ce soit sur la

25 qualité de la nourriture et la façon dont elle était distribuée ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Non. Dans ce cas précis, non. Bien

2 sûr, quelqu'un parmi les gardiens, un des gardiens pouvait apporter un

3 sandwich à quelqu'un ou bien partager son sandwich avec un détenu, mais

4 c'est tout.

5 M. Simic (interprétation). - Je pose une question. Du point du

6 formel, pouviez-vous influer de quelle façon que ce soit sur la

7 distribution, l'approvisionnement en nourriture ?

8 M. Kvocka (interprétation). - Non.

9 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, on parle aussi de

10 soins médicaux qui n'étaient pas suffisants dans l'acte d'accusation. Je

11 voudrais poser des questions à ce sujet. Existait-il un système organisé de

12 protection médicale au centre d'Omarska ?

13 M. Kvocka (interprétation). - En ce qui concerne la protection

14 médicale, oui. Enfin, il y avait des formes de protection médicale, mais

15 moi je ne pourrais pas vous dire quels étaient vraiment les détails de ces

16 soins. Je peux vous dire ce que j'ai vu, par exemple. Par exemple, j'ai vu

17 souvent qu'un ambulancier, Ljuban Andjic, ou un infirmier d'Omarska, j'ai

18 vu qu'il se rendait au centre d'interrogatoire d'Omarska, qu'il apportait

19 des médicaments et qu'il les distribuait aux détenus. J'ai aussi vu, à deux

20 reprises pendant mon séjour à Omarska, qu'un médecin du centre médical

21 d'Omarska -c'était une femme médecin- était là. Ils avaient dressé une

22 table sur la pelouse et, avec l'infirmière, ils avaient examiné un certain

23 nombre de détenus qui attendaient devant ces tables. Donc il y avait des

24 consultations médicales.

25 Ce que j'ai pu voir aussi, c'est que dans le centre d'enquête, à

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1 plusieurs reprises, le Dr Ivic, de Prijedor, s'est rendu dans ce centre

2 d'enquête. J'ai pu le voir au cours de mon séjour à Omarska. Il venait avec

3 un autre infirmier qui s'appelait Mico ou Mica. Il lui manque un bras, à

4 cet infirmier. C'est tout ce que j'ai pu remarquer concernant la protection

5 médicale.

6 M. Simic (interprétation). - Parmi les détenus, y avait-il des

7 médecins ?

8 M. Kvocka (interprétation). - Il y avait plusieurs médecins parmi

9 les détenus. C'est ce que l'on disait en tout cas. Mais moi, je n'en

10 connaissais qu'un. Moi, je ne suis pas sûr qu'il me connaissait lui, mais

11 moi je le connaissais parce qu'il travaillait avant à l'hôpital de

12 Prijedor.

13 M. Simic (interprétation). - Comment s'appelait-il ?

14 M. Kvocka (interprétation). - Il s'agissait du Dr Esad Sadikovic.

15 M. Simic (interprétation). - Ces personnes qui se rendaient à

16 Omarska étaient-elles en contact avec les médecins détenus ?

17 M. Kvocka (interprétation). - Je sais que c'était le cas de

18 Ljuban Andjic. Une autre fois, le Dr Sadikovic m'avait demandé

19 personnellement d'essayer de lui apporter, si jamais je pouvais le faire,

20 toutes sortes de médicaments, tout ce que je pouvais trouver. Donc des

21 médicaments, des accessoires médicaux. Moi, je me suis rendu dans le centre

22 de santé d'Omarska et j'ai reçu des médicaments, de l'alcool, des bandages,

23 et je les ai donnés à ce docteur.

24 M. Simic (interprétation). - Monsieur Ivic vous a-t-il rendu des

25 services ? Avez-vous parlé avec lui ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Monsieur Ivic, quand il venait, se

2 rendait dans le bureau des policiers de garde.

3 M. Simic (interprétation). - Vous a-t-il dit qui l'envoyait pour

4 aider et pour soigner les personnes au centre d'enquête ?

5 M. Kvocka (interprétation). - Nous parlions de temps en temps

6 puisque je le connaissais un peu, il était médecin àPrijedor. Souvent, il

7 disait -et je pense qu'il était vraiment amer-, il disait : "Mais où ils

8 m'ont trouvé parmi tous les médecins de l'hôpital ? Simo Drljaca m'a choisi

9 moi pour venir ici !". Voilà ce qu'il disait quand nous parlions tous les

10 deux. Sinon, le Dr Ivic m'a soigné aussi une fois.

11 M. Simic (interprétation). - Je voudrais me référer à une nouvelle

12 pièce à conviction. Ce document n'a pas été coté, mais nous l'avons marqué

13 du numéro 47. Vous allez tous recevoir un exemple de ce document et voici

14 l'exemple pour le Greffe.

15 M. Abtahi. - Il s'agit de la pièce D 23/1 et D 23/1a pour la

16 version anglaise.

17 M. Simic (interprétation). - Quelle était l'aide que vous a

18 prodiguée, M. Ivic ?

19 M. Kvocka (interprétation). - J'avais des problèmes à ma jambe

20 gauche. J'avais des ampoules, mais j'avais aussi un problème avec mon ongle

21 du gros orteil, qui était rentré dans la peau, parce qu'à l'époque, nous

22 portions nos chaussures très longtemps et, à un moment, je ne pouvais même

23 plus mettre mes chaussures.

24 Et à une occasion, c'était à la mi-juin, le Dr. Ivic m'a dit, il

25 était dans cette pièce, il est venu dans la pièce où séjournaient les

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1 gardiens de garde, il m'a nettoyé la plaie et m'a dit que le seul remède

2 qu'il pouvait vraiment me conseiller était de marcher pieds nus plusieurs

3 jours, de ne pas mettre de chaussures. A cette occasion, il m'a fait un

4 certificat, une feuille de maladie.

5 M. Simic (interprétation). - Il vous a donné combien de jours de

6 congé maladie ?

7 M. Kvocka (interprétation). - Trois jours.

8 M. Simic (interprétation). - En avez-vous informé le commandant du

9 département, M. Mejakic ?

10 M. Kvocka (interprétation). – M. Mejakic était là pendant cet

11 acte.

12 M. Simic (interprétation). - Est-ce qu'il avait bien noté que vous

13 étiez en congé maladie pendant ces trois jours ?

14 M. Kvocka (interprétation). - Le commandant Zeljko m'a dit qu'il

15 n'y avait pas de problème, que je pouvais garder ma feuille médicale, et

16 qu'en même temps, je devais faire une mission du département de la police

17 dans un village.

18 M. Simic (interprétation). - De quoi s'agit-il ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Il a dit que je pouvais m'y rendre

20 sans mes bottes, avec ma voiture. Il fallait…, il s'agissait d'une femme

21 qui s'appelait Desa Stanojevic, elle était connue avant la guerre pour le

22 trafic en devises. A la veille du conflit à Prijedor, les membres de la

23 police d'Omarska avaient saisi une certaine quantité d'argent qui était

24 destiné au trafic noir. Ensuite, les événements de Prijedor, le conflit

25 s'est produit et donc, cet argent était dans les caisses du poste de police

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1 d'Omarska, ou plutôt du département. Et donc, Zeljko m'a dit que son mari

2 était mort au combat quelques jours plus tôt, et qu'il fallait peut-être

3 lui rendre cet argent, puisqu'elle a dû s'occuper des funérailles, dépenser

4 de l'argent pour cela, et dans des situations semblables, les familles

5 subissent un préjudice matériel puisque les funérailles chez nous coûtent

6 assez cher. Alors, j'ai profité de ces trois jours pour le faire. J'ai

7 trouvé cette dame, on lui a rendu l'argent. Et voilà, c'était la fin de ma

8 mission.

9 M. Simic (interprétation). - Quel était le prénom du défunt mari

10 de Mme Desa ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Il s'agissait de

12 Strahilo Stanojevic.

13 M. Simic (interprétation). - Quand êtes-vous retourné à votre

14 travail ?

15 M. Kvocka (interprétation). – J'ai repris mon travail le 19.

16 M. Simic (interprétation). - Nous allons aborder un autre thème,

17 évoqué dans l'acte d'accusation. Et je pense que nous allons peut-être même

18 pouvoir terminer avant 11 heures 15. Il s'agit des contacts des détenus

19 avec leur famille, leurs cousins.

20 M. Kvocka (interprétation). - Ces contacts étaient interdits. Dans

21 les contacts quotidiens, chaque fois que Zeljko parlait avec les policiers,

22 il le répétait. Il disait que les contacts entre les personnes détenues et

23 leur famille étaient interdits. Il disait que les détenus et les policiers

24 ne devaient pas communiquer non plus.

25 M. Simic (interprétation). - Est-ce que la famille d'une personne

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1 qui venait d'être mise en détention était informée du fait de sa

2 détention ? Il s'agit des droits fondamentaux ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Officiellement non, personne n'était

4 chargé de le faire. Je pense que c'était difficile à faire, peut-être que

5 quelqu'un le faisait de sa propre initiative, en informant quelqu'un de

6 cela.

7 M. Simic (interprétation). - Quand vous dites officiellement, vous

8 pensez à qui ? Vous pensez au département ou à vous-même ?

9 M. Kvocka (interprétation). - Je pense au département.

10 M. Simic (interprétation). – Et pour le poste de police ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Je ne sais pas.

12 M. Simic (interprétation). - Je voudrais que nous regardions à

13 nouveau le document 17/1, le document de la défense 55, il s'agit du

14 point 15 sur la page 3.

15 (L'huissier remet le document au témoin)

16 M. Simic (interprétation). – Monsieur Kvocka, au point 15 de ce

17 document crucial, pourriez-vous nous dire ce qui est dit à ce point ?

18 M. Kvocka (interprétation). - Il est écrit : "Il est formellement

19 interdit de divulguer des informations de quelque façon que ce soit

20 concernant le fonctionnement de ce centre de rassemblement et tous les

21 documents officiels doivent être gardés à l'intérieur du centre, ils ne

22 peuvent sortir de ce centre ou n'être détruits qu'avec la permission du

23 chef du poste de police de Prijedor. C'est la responsabilité du personnel

24 de sécurité".

25 Cela veut-il dire que le contact était interdit ?

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1 M. Kvocka (interprétation) - Oui.

2 M. Simic (interprétation) - Le département de police d'Omarska ou

3 les policiers qui y travaillaient, pouvaient-ils de quelque façon que ce

4 soit changer cette situation, et permettre les contacts aux détenus ou

5 améliorer les conditions de détention ?

6 M. Kvocka (interprétation) – Les policiers ne pouvaient absolument

7 rien faire à ce sujet.

8 M. Simic (interprétation) - Vous avez mentionné l'abus de cet

9 ordre. Les contacts entre les détenus et leur famille étaient-ils rendus

10 possibles grâce à l'intervention des membres du service de sécurité ?

11 M. Kvocka (interprétation) - Oui, mais ceux qui l'avaient fait,

12 s'ils l'avaient fait, l'avaient fait en contradiction avec l'ordre.

13 M. Simic (interprétation) - Est-ce que, pour la divulgation de

14 l'information, il y avait la possibilité…, y avait-il des occasions où les

15 gardiens avaient aidé les détenus ?

16 M. Kvocka (interprétation) - J'ai déjà dit qu'il y avait des

17 gardiens qui avaient pour l'habitude de partager leur sandwiches ou

18 d’apporter de la nourriture aux détenus. Moi-même, je ne faisais pas

19 attention à cet ordre, et quotidiennement, tous les jours, quand je me

20 rendais à mon travail, j'apportais plein de paquets, des sacs avec de la

21 nourriture et des vêtements. Le plus souvent, c'étaient des personnes qui

22 laissaient ces sacs devant mon appartement en mon absence, devant la porte

23 d'entrée, avec le nom des personnes qui étaient les destinataires de ces

24 paquets. Aussi, la mère de mon épouse passait beaucoup de temps avec ces

25 sacs et ces paquets. On pourrait dire que c'était un centre de d'accueil de

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1 tous ces paquets.

2 M. Simic (interprétation) - Et pour finir, pouvez-vous nous donner

3 les noms de quelques personnes que vous connaîtriez et qui vous apportaient

4 ce genre de paquets ?

5 M. Kvocka (interprétation) - Les personnes auxquelles je

6 transmettais ces paquets, il y en avait beaucoup que je ne connaissais pas

7 mais je pourrais quand même donner le nom de quelques unes des personnes

8 que je connaissais d’avant la création du camp. Un homme surnommé

9 Braco Burazerovic, par exemple. Je ne connais pas son prénom. Il habitait

10 dans mon immeuble, et son épouse et son fils me donnaient tous les jours

11 quelque chose à lui apporter à Omarska. Un homme aussi nommé Suljo, je ne

12 sais pas quel est son prénom. Il habitait aussi dans mon immeuble, et il me

13 donnait des choses à apporter à son frère, le plus souvent des vivres.

14 Quant à la mère de mon épouse, elle a de son propre chef préparé quelque

15 chose assez souvent pour [expurgée], pour laquelle elle avait

16 entendu qu'elle se trouvait dans le centre d'enquête. J'ai déjà dit que la

17 mère de mon épouse venait d'une très vieille famille musulmane, je pense

18 donc que ces deux femmes se connaissaient déjà avant la création du camp

19 d'Omarska, que ma belle-mère appréciait cette femme.

20 M. Simic (interprétation) - Est-ce que vous apportiez aussi des

21 paquets à vos collègues ?

22 M. Kvocka (interprétation) - L'épouse de femme Hamdija Arifagic

23 est venue me chercher un jour dans le hameau d'Omarska. Elle m'a prié

24 d'apporter de la nourriture à son mari. Ces une rencontre qui m'est restée

25 gravée dans la mémoire, car elle était assez émouvante. En effet, ma

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1 famille et la sienne se fréquentaient de temps en temps avant la guerre. Il

2 nous arrivait d'aller en excursion ensemble, des choses de ce genre. De

3 sorte que quand j’ai rencontré son épouse, nous avons versé des larmes,

4 elle et moi. J'ai transmis tout ce que j'avais reçu à Hamdija et, à ce

5 moment-là, j'ai eu une conservation avec lui. Je me rappelle que certains

6 des policiers de réserve ont fait des remarques à mon encontre en me

7 reprochant de ne pas avoir fouillé le pain. Dans le paquet, il y avait un

8 pain de grande taille. Certains pensaient que ce pain pouvait cacher une

9 arme. J'ai fait un geste de la main et les choses se sont terminées ainsi.

10 M. Simic (interprétation) – Hamdija était-il un grand ami à vous ?

11 M. Kvocka (interprétation) – Oui, j'ai dit que nous nous

12 fréquentions. Et j'ai dit qu'avant les événements, il travaillait avec moi

13 à Omarska.

14 M. Simic (interprétation) - Etes-vous informé du sort qui a été le

15 sien ? A-t-il survécu à Omarska ?

16 M. Kvocka (interprétation) - Je n'ai aucune information précise.

17 Je ne sais pas s'il est vivant ou mort. Je n'ai plus eu de nouvelles du

18 tout. Quelque temps après mon départ de centre d'enquête, j'ai reçu des

19 coups de fil, chez moi, à la maison, d'un homme qui se présentait comme

20 étant son frère, qui me priait de recueillir toutes informations

21 disponibles éventuellement au sujet de son frère, c'est-à-dire de Hamdija.

22 Or, un jour que je n'étais pas dans mon appartement, il a appelé, a parlé à

23 mon épouse, qui m'a dit que ce soir-là, il était ivre. Au cours de cette

24 conversation, il a parlé brutalement avec mon épouse ; ce qui a mis un

25 terme à nos contacts.

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1 M. Simic (interprétation) - Nous sommes arrivés au terme de ce que

2 je voulais vous demander. Et l'heure de la pause est arrivée également.

3 M. le Président. - Merci maître Simic. Nous allons faire une pause

4 de 20 minutes. Après on reprendra.

5

6 (La séance suspendue à 11 heures 20 est reprise à 11 heures 50).

7

8 L'audience est reprise à 11 heures 47.

9

10 M. le Président. - Monsieur le Juge Fuad Riad n'est pas encore

11 arrivé, donc nous allons continuer dans les mêmes conditions, et pour la

12 même raison que nous avions annoncées. Peut-être que pour la prochaine

13 pause, il sera déjà présent.

14 Mais, de toute façon, maître Simic, vous pouvez continuer, vous

15 avez la parole.

16 M. Simic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

17 Monsieur Kvocka, pendant votre séjour à Omarska, y avait-il

18 d'autres unités responsables de la sécurité ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Oui. Au début, pendant les deux

20 premiers jours si je ne m'abuse, des policiers du poste de police de

21 réserve de Rakelic sont arrivés. Si je me souviens bien, ils sont venus

22 aider les autres, c'est ce qu'on a dit, en raison du nombre insuffisant de

23 policiers présents.

24 M. Simic (interprétation). - Combien étaient-ils ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, si je me souviens bien, ils

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1 ont travaillé pendant la durée d'une équipe à deux reprises.

2 M. Simic (interprétation). - Qui commandait ce poste ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Milutin Pujic.

4 M. Simic (interprétation). - Connaissez-vous les policiers qui ont

5 fourni cette aide, comme vous venez de le dire ?

6 M. Kvocka (interprétation). - Oui, j'en connais deux : Rajko Kecan

7 et Dusko...

8 (L'interprète n'a pas entendu le nom de famille du deuxième

9 policier)...

10 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, revenons à la

11 dernière partie de l'interrogatoire où il a été question de visiteurs qui

12 pénétraient dans le centre d'enquête d'Omarska. Pendant votre séjour à

13 Omarska, y a-t-il eu des visites officielles dans le centre ?

14 M. Kvocka (interprétation). - Pendant mon séjour, il n'y a eu

15 aucune visite officielle. Les seules visites que j'ai pu constater, ont été

16 celles de Simo Drljaca qui est venu au centre d'enquête deux fois, et il y

17 a eu également la visite de Dusan Jankovic une fois.

18 M. Simic (interprétation). - Pouvez-vous nous dire à quel moment

19 se sont produites ces visites, même si pas mal de temps a passé depuis, je

20 le sais bien ?

21 M. Kvocka (interprétation). - Je pense que ces visites se sont

22 situées au milieu de mon séjour, mais je ne peux pas le dire avec

23 certitude.

24 M. Simic (interprétation). - Qui ces personnes sont-elles venues

25 rencontrer ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Simo Drljaca est venu rencontrer des

2 inspecteurs, c'est-à-dire les chefs de ces groupes ou ce que l'on pourrait

3 appeler les coordinateurs de ces groupes qui travaillaient dans le bureau

4 dont j'ai déjà indiqué l'emplacement.

5 Ils sont passés devant nous, les policiers, et je me trouvais une

6 fois devant le bâtiment administratif, à l'entrée, j'ai vu passer Simo

7 Drljaca qui a demandé où était Zeljko Mejakic et qui a poursuivi son chemin

8 en s'engageant dans les escaliers.

9 M. Simic (interprétation). - Y avait-il un cérémonial particulier

10 lorsque des personnes venant du poste de sécurité publique de Prijedor

11 arrivaient dans le centre d'enquête ?

12 M. Kvocka (interprétation). - Non, rien de spécial. Ils arrivaient

13 et se contentaient simplement de saluer les personnes qui se trouvaient le

14 plus près d'eux.

15 M. Simic (interprétation). - En dehors de ce que j'appellerai des

16 personnalités officielles qui venaient rendre visite au centre d'enquête,

17 d'autres personnes, qui n'avaient pas le statut de visiteurs officiels,

18 venaient-elles dans ce même centre d'enquête ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Non, personne d'autre, à moins que

20 vous ne pensiez à ces personnes qui essayaient de pénétrer à Omarska sans y

21 être autorisées.

22 M. Simic (interprétation). - Oui, c'est à ces personnes que je

23 pense. Y a-t-il eu des visites de ce genre ?

24 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, j'ai décrit déjà certains

25 cas de ce genre et ce sont les seuls dont j'ai eu connaissance. J'ai parlé

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1 de situations où des personnes sont entrées ou ont essayé de franchir le

2 portail d'entrée.

3 M. Simic (interprétation). - Quel était le contrôle effectif

4 réalisé par les policiers d'Omarska au portail d'entrée ?

5 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, s'agissant de pénétrer dans

6 le centre d'enquête, je crois pouvoir dire qu'il était très difficile aux

7 policiers de contrôler l'accès au centre, qu'ils ne parvenaient pas à

8 contrôler de façon très efficace l'entrée dans le centre d'enquête.

9 Il n'y avait qu'un seul policier à l'entrée, accompagné d'un

10 gardien de la compagnie, et lorsqu'on s'engageait à l'intérieur du centre

11 il y avait un peu plus loin un point de contrôle de l'armée. Il était

12 obligatoire de passer devant ce point de contrôle avant d'arriver jusqu'aux

13 policiers qui se tenaient debout devant le bâtiment administratif.

14 M. Simic (interprétation). - Le département de police d'Omarska

15 était-il chargé de la sécurité des bâtiments du complexe en périphérie de

16 ces bâtiments ?

17 M. Kvocka (interprétation). - Non.

18 M. Simic (interprétation). - Quelle était l'influence effective

19 des personnes chargées de la sécurité au département de police d'Omarska

20 s'agissant d'empêcher l'accès au centre d'enquête d'Omarska ?

21 M. Kvocka (interprétation). - Eh bien, l'influence exercée par les

22 policiers s'agissant d'arrêter quelqu'un qui souhaitait pénétrer dans le

23 centre d'enquête était nulle, car n'importe qui pouvait pénétrer dans le

24 centre d'enquête sans être contrôlé de façon particulière par la police.

25 M. Simic (interprétation). - Vous avez été policier assez

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1 longtemps. Quel était le nombre de policiers qui participaient à une même

2 équipe de sécurité dans le centre d'enquête ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Vous parlez des équipes dans le

4 centre d'enquête ?

5 M. Simic (interprétation). - Oui.

6 M. Kvocka (interprétation). - Une équipe comprenait une vingtaine

7 de policiers.

8 M. Simic (interprétation). - Ce nombre était-il adapté à

9 l'importance du centre d'enquête du point de vue de sa superficie pour

10 assurer une bonne sécurité des prisonniers ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Selon moi, ce n'était pas suffisant.

12 M. Simic (interprétation). - Qui pouvait modifier les effectifs

13 des équipes ?

14 M. Kvocka (interprétation). - C'est Zeljko Mejakic qui avait le

15 pouvoir d'augmenter les effectifs éventuellement ou de demander un appui de

16 la part de ses supérieurs.

17 M. Simic (interprétation). – Avait-il suffisamment de personnel

18 disponible au sein du département ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Non. Au sein du département, non.

20 M. Simic (interprétation). - Que pouvait-il faire d'autre dans ce

21 cas ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Et bien, il était sans doute censé

23 prendre contact avec ses supérieurs.

24 M. Simic (interprétation). – Existait-il une coordination entre le

25 personnel chargé de la sécurité provenant du département de police et le

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1 personnel chargé de la sécurité venant de l'extérieur, c'est-à-dire les

2 militaires ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Selon ce que j'ai pu constater, je

4 dirai qu'il n'y avait aucune coordination. Maintenant, est-ce qu’il y avait

5 des pourparlers ou des négociations à un niveau supérieur ? Je ne le sais

6 pas.

7 M. Simic (interprétation). - Des militaires de l'unité qui se

8 trouvaient aux environs pouvaient-ils pénétrer dans le centre d'enquête

9 sans obstacle ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Oui.

11 M. Simic (interprétation). - Il n'y avait absolument aucun

12 obstacle à leur entrée dans le centre d'enquête ?

13 M. Kvocka (interprétation). - Non.

14 M. Simic (interprétation). – Monsieur Kvocka, y avait-il des

15 femmes à Omarska ?

16 M. Kvocka (interprétation). - Oui.

17 M. Simic (interprétation). - Combien étaient-elles ?

18 M. Kvocka (interprétation). - Pendant mon séjour à Omarska, j'ai

19 du mal à me rappeler leur nombre exact, mais je dirai qu'elles devaient

20 être au nombre de 15, mais il est possible que ce nombre ait été de 18 ou

21 de 13, ou même de 20. Je ne connais vraiment pas leur nombre exact.

22 M. Simic (interprétation). - Où étaient elles logées ?

23 M. Kvocka (interprétation). - Elles passaient la journée dans la

24 cantine du bâtiment administratif.

25 M. Simic (interprétation). – Et la nuit ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - La nuit, elles allaient dormir à

2 l'étage, dans le bâtiment administratif, dans deux ou trois bureaux.

3 M. Simic (interprétation). - Quelles étaient les conditions dont

4 elles bénéficiaient par comparaison avec les conditions dont bénéficiaient

5 les autres détenus ?

6 M. Kvocka (interprétation). - Selon ce que j'ai pu constater, les

7 conditions qui étaient les leurs étaient un peu meilleures, car elles

8 avaient des espèces de matelas sur lesquels elles pouvaient s'allonger.

9 M. Simic (interprétation). – Avaient-elles suffisamment d'eau pour

10 se laver ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Elles recevaient.., elles avaient la

12 possibilité de se laver dans les salles de bain qui se trouvaient à l'étage

13 tous les jours.

14 M. Simic (interprétation). - Puisque nous parlons de l'eau, l'eau

15 était-elle disponible à chacun pour boire, je parle des gardiens, des

16 prisonniers et de toutes les personnes présentes.

17 M. Kvocka (interprétation). - Je crois que oui. Moi, il m'est

18 arrivé de la boire.

19 M. Simic (interprétation). - Le droit à s'approcher de l'eau

20 était-il limité pour les prisonniers ?

21 M. Kvocka (interprétation). - Je ne l'ai pas constaté.

22 M. Simic (interprétation). - Vous avez dit qu'il y avait de l'eau

23 disponible dans le bâtiment administratif au niveau des bureaux, mais y

24 avait-il de l'eau disponible au niveau de la pista ?

25 M. Kvocka (interprétation). - Oui, sur la pista, devant le

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1 bâtiment administratif, je dis devant par rapport à l'emplacement où je

2 suis, par rapport à la maquette, il y avait de l'eau. Il y avait un endroit

3 où se trouvaient plusieurs robinets, en deux rangées.

4 M. Simic (interprétation). - Vous rappelez-vous quel était le

5 nombre de ces adductions d'eau ?

6 M. Kvocka (interprétation). - Il m'est assez difficile de me

7 rappeler leur nombre exact. Je dirai qu'il y en avait 5 ou 6 qui pouvaient

8 être utilisées en même temps.

9 M. Simic (interprétation). - D'un seul côté ou des deux ?

10 M. Kvocka (interprétation). - J'ai l'impression que ces robinets

11 se trouvaient sur deux rangées, mais il est possible qu'ils n'aient été que

12 sur une rangée, je ne me rappelle pas exactement.

13 M. Simic (interprétation). - Et l'eau, dans le hangar, quelle

14 était la situation de ce point de vue ?

15 M. Kvocka (interprétation). - J'ai des informations selon

16 lesquelles l'eau aurait été disponible dans le hangar.

17 M. Simic (interprétation). - Le commandant du poste chargé de la

18 sécurité avait-il la moindre possibilité de modifier les conditions

19 d'utilisation de l'eau ou la qualité de l'eau ?

20 M. Kvocka (interprétation). - Je crois que véritablement il ne

21 pouvait rien faire à ce sujet.

22 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, avez-vous tué une

23 personne quelconque à Omarska ?

24 M. Kvocka (interprétation). - Non, jamais. Ni à Omarska ni

25 ailleurs.

Page 1004

1 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, avez-vous incité ou

2 encouragé qui que ce soit à tuer quelqu'un a Omarska ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Non, je ne l'ai jamais fait et je ne

4 le ferai jamais.

5 M. Simic (interprétation). - Avez-vous assisté lors du regrettable

6 incident du 31 à un assassinat ?

7 M. Kvocka (interprétation). - Non.

8 M. Simic (interprétation). - Avez-vous jamais dit à quelqu'un

9 qu'il fallait qu'il tue une personne ?

10 M. Kvocka (interprétation). - Non, je ne l'ai jamais fait et je ne

11 l'aurais pas fait si j'avais été en position de le faire par mes fonctions

12 hiérarchiques.

13 M. Simic (interprétation). - Avez-vous jamais passé quelqu'un à

14 tabac ?

15 M. Kvocka (interprétation). - Non.

16 M. Simic (interprétation). - Incité à un passage à tabac ?

17 M. Kvocka (interprétation). – Non.

18 M. Simic (interprétation). - Contribué à un passage à tabac ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Non jamais.

20 M. Simic (interprétation). - Avez-vous jamais été présent au

21 moment où quelqu'un aurait été frappé ou passé à tabac ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Je n'ai jamais été présent dans de

23 telles circonstances sans intervenir, et je crois avoir déjà mentionné

24 quelque situation de ce genre.

25 M. Simic (interprétation). - Vous avez devant vous la maquette du

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1 complexe d'Omarska. Etes-vous entré à l'intérieur des bâtiments que vous

2 avez sous les yeux aujourd'hui ?

3 M. Kvocka (interprétation). - Je suis entré dans le bâtiment

4 administratif, souvent d'ailleurs. Quant aux autres bâtiments, je pense

5 qu'il m'était possible d'y entrer, cela ne posait aucun problème, mais je

6 ne l'ai pas fait, à l'exception du hangar où je suis entré à plusieurs

7 reprises pour distribuer de la nourriture et des vêtements.

8 Ce que j'ai raconté au sujet de Hamdija Arifagic s'est passé à

9 l'intérieur du hangar.

10 Autrement, pour être franc, je dirais que j'évitais de pénétrer en

11 ce lieu parce que lorsque j'allais distribuer de la nourriture, je voyais

12 ces hommes me demander de l'aide, mais j'étais conscient de ne rien pouvoir

13 faire, donc il m'était désagréable d'y pénétrer, de sorte que j'évitais de

14 le faire, à moins que je n'ai des paquets à distribuer.

15 M. Simic (interprétation). - Etes-vous jamais entré dans la maison

16 blanche ?

17 M. Kvocka (interprétation). - Non.

18 M. Simic (interprétation). - Et dans la maison rouge ?

19 M. Kvocka (interprétation). - Non.

20 M. Simic (interprétation). - Parmi les femmes prisonnières, il y

21 en avait que vous connaissiez ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Oui, j'en connaissais quelques-unes.

23 M. Simic (interprétation). - Est-il jamais arrivé que l'une de ces

24 femmes vous adresse la parole pour vous parler de problèmes liés à des

25 agressions sexuelles ?

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1 M. Kvocka (interprétation). - Je n'ai jamais eu de conversation

2 avec des prisonnières sur ce sujet. Il m'est arrivé d'échanger quelques

3 mots avec elles lorsqu'elles me demandaient si j'avais des cigarettes ou si

4 je pouvais transmettre un message à leur famille à Prijedor. Ces

5 conversations donc que j'ai eues avec les prisonnières tournaient autour de

6 ces sujets.

7 M. Simic (interprétation). - Pendant votre séjour, pouvez-vous

8 dire combien de nuits vous avez passées de garde dans le centre d'enquête ?

9 M. Kvocka (interprétation). - Pendant la durée totale de mon

10 séjour, j'ai passé au plus cinq nuits dans le centre d'enquête.

11 M. Simic (interprétation). - Parlons des pièces où se trouvaient

12 les prisonnières, par rapport à l'emplacement de la salle de garde.

13 M. Kvocka (interprétation). - Ces pièces se trouvaient en face du

14 bureau où se trouvaient les gardiens, de l'autre côté du couloir.

15 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, avez-vous constaté

16 pendant les nuits que vous avez passées de garde que qui que ce soit ait

17 pénétré dans les pièces où se trouvaient les femmes prisonnières ?

18 M. Kvocka (interprétation). - Non, pendant mon séjour, cela n'est

19 jamais arrivé.

20 M. Simic (interprétation). - Monsieur Kvocka, pourquoi avez-vous

21 été contraint de quitter Omarska ?

22 M. Kvocka (interprétation). - Je crois que cela est dû à plusieurs

23 raisons qui ne m'ont jamais été transmises officiellement, ni

24 officieusement d'ailleurs.

25 Mais, d'après moi, je pense que la raison principale réside dans

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1 le fait que j'ai enfreint certains règlements. En effet, j'ai fait sortir

2 mes beaux-frères sans autorisation, j'ai transmis des paquets et des

3 cigarettes d'ailleurs. Cela, je n'en avais pas encore parlé. A la prière

4 d'un prisonnier, je lui ai rapporté des cigarettes une fois, et ensuite on

5 m'a dit que je n'avais pas le droit de le faire.

6 Donc, tout cela a provoqué des heurts avec les inspecteurs. Pour

7 moi, à l'époque, ces heurts n'étaient pas très importants, mais, par la

8 suite, ils ont acquis une ampleur plus grande et je crois que c'est dans

9 ces incidents, si je puis les appeler ainsi, que l'on peut rechercher les

10 causes de mon expulsion.

11 Si l'on tient compte de tout ce que l'on disait à mon sujet à

12 Omarska, y compris dans les environs d'Omarska, je crois que c'est là qu'on

13 peut trouver les motifs.

14 M. Simic (interprétation). - Lorsque vous avez quitté Omarska, y

15 a-t-il eu un événement inhabituel ?

16 M. Kvocka (interprétation). - Moncilo Gruban, sursommé Cvalja, un

17 jour où je suis allé rendre visite aux gardiens pour leur apporter quelque

18 chose, quelques jours après, une semaine après sans doute, Moncilo Gruban

19 m'a informé que les prisonniers avaient fait une tentative de grève de la

20 faim, en lui disant : "mais pourquoi est-ce que M. Kvocka est parti ?".

21 Alors, Cvalja a essayé de les convaincre d'essayer de renoncer à

22 cette grève de la faim en leur disant que s'ils me voulaient du bien, il

23 était préférable qu'ils ne mènent pas une telle grève de la faim qui serait

24 interprétée de façon très négative et qui risquerait de me mettre, moi,

25 dans une situation encore plus difficile.

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1 M. Simic (interprétation). - Après votre départ d'Omarska, vous

2 avez dit avoir rendu visite à vos anciens collègues. Pouvez-vous nous dire

3 combien ils étaient et à peu près à quel moment vous êtes allé leur rendre

4 visite ?

5 M. Kvocka (interprétation). - J'y suis allé deux ou trois fois. La

6 première fois, c'était au cours de la première semaine qui a suivi mon

7 départ, et il y a eu certainement une deuxième visite, peut-être même une

8 troisième dans les dix jours qui ont suivi.

9 M. Simic (interprétation). - Votre première visite a été marquée

10 par quels événements particuliers ?

11 M. Kvocka (interprétation). - Ma première visite ?

12 M. Simic (interprétation). - Avez-vous vu quelqu'un qui s'était

13 fait passer à tabac ?

14 M. Kvocka (interprétation). - A l'occasion de ma première visite,

15 j'ai vu le seul Serbe qui se trouvait là-bas, Igor Kondic. Il était donc

16 prisonnier à Omarska et j'ai vu qu'il avait été sévèrement passé à tabac.

17 Il m'a parlé à ce moment-là, il était enfermé dans la même pièce que mes

18 beaux-frères, donc je l'ai vu. Il m'a demandé de lui acheter un litre d'eau

19 minérale et je l'ai fait en association avec le gardien Zivko Pusic.

20 M. Simic (interprétation). - Quelles étaient les marques que l'on

21 constatait sur le corps de M. Kondic ?

22 M. Kvocka (interprétation) - Eh bien, ce que je peux dire, c’est

23 qu’elles étaient très nombreuses. Il avait des ecchymoses et des traces de

24 coups un peu partout sur le corps, y compris à la tête, sur les bras et un

25 peu partout. On le voyait malgré la chemise qu'il portait.

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1 M. Simic (interprétation) - D'où est originaire M. Kondic ?

2 M. Kvocka (interprétation) - De Prijedor.

3 M. Simic (interprétation) - Savez-vous s'il a survécu à ses

4 blessures ?

5 M. Kvocka (interprétation) - Par la suite, j'ai entendu dire qu'il

6 était mort à l'hôpital de Banja Luka.

7 M. Simic (interprétation) - J'en arrive à ma dernière question.

8 Monsieur Kvocka, en tant qu’homme, en tant que policier, pouvez-vous nous

9 dire si vous avez fait tout ce qui vous est imputé dans cette période

10 difficile ? Avez-vous fait tout ce que vous pouviez faire ?

11 M. Kvocka (interprétation) - Personnellement, je pense que j'ai

12 fait tout ce que je pouvais faire et même peut-être plus que ce qu'il était

13 possible de faire compte tenu de la situation dans laquelle je me trouvais.

14 M. Simic (interprétation) - Merci. Monsieur le Président, j'en ai

15 terminé avec mes questions.

16 M. le Président. - Merci. Madame Hollis ?

17 Mme Hollis (interprétation) - Merci, monsieur le Président.

18 Monsieur le Président, avant que l'on n'autorise le témoin à quitter la

19 chaise des témoins, nous avons deux questions à aborder.

20 Premièrement, il nous est apparu qu'au cours de son témoignage, le

21 témoin s'est aidé de notes. C'est très certainement assez inhabituel, en

22 tout cas d'après l'expérience qui est la mienne. J'aimerais que le

23 Procureur soit autorisé à examiner ces notes ou même à en obtenir un

24 exemplaire. C'était mon premier point.

25 Le deuxième point est le suivant. Nous sommes peut-être arrivés au

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1 moment opportun pour déterminer quelle sera la séquence du contre-

2 interrogatoire, car je sais que le Procureur a déjà exprimé le souhait de

3 contre-interroger le témoin plus tard, mais je ne sais pas si les conseils

4 de la défense des autres accusés se sont prononcés sur le point du contre-

5 interrogatoire, donc peut-être pourrions-nous discuter de cette question

6 maintenant ?

7 Et puis, puisque nous parlons de cela, il serait peut-être bon de

8 déterminer l'ordre des contre-interrogatoires. Compte tenu que la charge de

9 la preuve nous incombe, nous aimerions être les derniers à procéder aux

10 contre-interrogatoires.

11 M. le Président. - Merci, madame Hollis. On a ici trois questions

12 au moins, donc les notes que M. Kvocka a utilisées, la séquence qu'on va

13 suivre et l'ordre du contre-interrogatoire. Je crois que ce sont les trois

14 questions que Mme Hollis a posées.

15 J'aimerais bien entendre la position de la défense, notamment

16 Me Simic, par rapport à la première et aux autres questions, et des autres

17 membres de la défense par rapport aux deuxième et troisième questions.

18 Maître Simic, vous avez la parole, s’il vous plaît.

19 M. Simic (interprétation) - Monsieur le Président, s'agissant des

20 notes, il s'agit de notes personnelles de M. Kvocka. Il est tout à fait

21 normal, lorsque quelqu'un témoigne quatre jours de suite, neuf ans après

22 les événements, qu'il puisse se servir de notes pour se rappeler tous les

23 détails. Mais je n'ai rien contre, et nous pouvons très facilement remettre

24 au Procureur immédiatement deux notes que m’a remises M. Kvocka pendant la

25 pause. Il y est question d'applaudissements des prisonniers en réponse à la

Page 1012

1 question de savoir quand les membres des forces spéciales ont quitté

2 Omarska.

3 Dans la deuxième note, il est question de l'événement dont

4 Mme Greve a déjà parlé s'agissant de l'arrestation de certains prisonniers

5 et d'un incident qui s'est produit à cette occasion. Je suis tout à fait

6 prêt à remettre ces notes au Procureur. Il n'y a pas de problème.

7 Nous avons discuté déjà avec le Procureur de cette question et,

8 lors de la conférence de mise en état, nous avons dit que nous étions

9 d'accord pour que le Procureur contre-interroge ces témoins au moment qui

10 leur paraîtra le plus approprié. Nous n'avons pas de remarques à faire à ce

11 sujet.

12 Il est exact que nous n'avons absolument pas discuté du point de

13 savoir à quel moment les autres conseils de la défense vont procéder au

14 contre-interrogatoire. La question est donc tout à fait ouverte. Sur le

15 principe, je n'ai rien contre le fait que le contre-interrogatoire soit

16 réalisé par les conseils de la défense aujourd'hui ou au moment où le

17 Procureur procédera lui-même au contre-interrogatoire. Tout cela, ce sont

18 des questions qui doivent encore être réglées et j'accepterai la solution

19 qui sera proposée quelle qu’elle soit.

20 M. le Président. - Excusez-moi, Maître Simic, il y a un point.

21 Donc, nous avons quand même une séquence dans la tête, mais est-ce que vous

22 pouvez nous donner quelle est votre idée sur la séquence qu'on doit

23 suivre ?

24 M. Simic (interprétation) - Si la Chambre est d'accord pour que

25 les autres conseils de la défense interrogent M. Kvocka, je n'ai rien

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1 contre.

2 M. le Président. - Donc, Maître Nikolic, donc les notes…, on

3 passe. La question de la séquence et de l'ordre du contre-interrogatoire,

4 est-ce que vous pouvez vous prononcer sur cela ?

5 M. Nikolic (interprétation). - Monsieur le Président, la défense

6 de M. Kos n'a pas, pour le moment, l'intention de procéder au contre-

7 interrogatoire de l'accusé Kvocka. Quant à la séquence, je crois qu'elle a

8 déjà fait l'objet d'un accord préalable, à savoir que le Procureur pourra

9 procéder au contre-interrogatoire des accusés après la présentation de ses

10 propres éléments de preuve. Merci.

11 M. le Président. - Merci, maître Nikolic.

12 Je donne la parole à Maître Fila.

13 M. Fila (interprétation). - Comme vous le savez, M. Niemann a

14 demandé au nom du Procureur le droit de procéder au contre-interrogatoire

15 de l'accusé Kvocka, puis de l'accusé M. Radic, après la présentation de ses

16 propres éléments de preuve. Il a donc demandé que cela se fasse après la

17 présentation de ses propres témoins.

18 Nous nous sommes mis d'accord là-dessus. Je ne vois pas de

19 problème, mais il est entendu, bien sûr, que la défense des autres accusés

20 pourra procéder au contre-interrogatoire avant le contre-interrogatoire du

21 Procureur.

22 Donc aujourd'hui nous avons atteint la fin de l'interrogatoire

23 principal de Kvocka. Nous attendrons donc la fin des éléments de preuve du

24 Procureur. Après quoi, il y aura contre-interrogatoire de la part du

25 Procureur et ensuite, la défense présentera ses éléments de preuve. Entre-

Page 1014

1 temps, il y aura les dépositions. C'est là-dessus que nous nous sommes mis

2 d'accord, si j'ai bien compris.

3 M. le Président. - Merci beaucoup, monsieur Fila.

4 Maître Tosic ?

5 M. Tosic (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

6 Je soutiens entièrement la position des autres confrères de la

7 défense, autrement dit je soutiens ce qu'ont dit M. Simic, M. Nikolic et

8 Me Fila : nous sommes tout à fait d'accord les uns avec les autres

9 s'agissant de la séquence à suivre à l'avenir. Merci.

10 M. le Président. - Donc ce que nous avons à l'esprit, c'est ce que

11 nous avions déjà accordé, c'est qu'à la fin de l'interrogatoire principal

12 de M. Kvocka il y aurait l'interrogatoire principal de M. Radic, et le

13 Procureur pourrait faire son contre-interrogatoire à la fin de la

14 présentation de ses moyens de preuve.

15 Je ne sais pas si c'était cette question que Mme Hollis posait ou

16 si vous aviez d'autres questions à l'esprit, Madame Hollis ?

17 Mme Hollis (interprétation). - Monsieur le Président, Me Fila a

18 répondu, si je ne m'abuse, à la question que nous nous posions au sujet de

19 l'ordre des contre-interrogatoires. Si j'ai bien compris, il a dit qu'à la

20 fin de la présentation des moyens de preuve du Procureur, les autres

21 conseils de la défense procéderont aux contre-interrogatoires des accusés

22 qui ont témoigné, et après le contre-interrogatoire de la défense se

23 produira le contre-interrogatoire du Procureur.

24 C'était la question que je posais au sujet de l'ordre, donc je

25 crois avoir reçu une réponse. Merci, Monsieur le Président.

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1 La seule autre question qu'il reste à régler est la décision

2 relative aux notes. Pour être tout à fait claire, Monsieur le Président, je

3 n'ai peut-être pas bien compris ce qu'a dit le conseil de la défense de

4 M. Kvocka. Le Procureur ne demande pas à avoir accès aux notes que l'accusé

5 a pu remettre à son avocat, nous pensons qu'il s'agit d'éléments

6 confidentiels. Nous parlons, pour notre part, des notes que l'accusé avait

7 sous les yeux pendant l'interrogatoire principal. Je ne parle pas des notes

8 qu'il a transmises à son conseil de la défense.

9 M. le Président. - Maître Simic, vous voulez intervenir ?

10 M. Simic (interprétation). - Oui, Monsieur le Président, mais j'ai

11 été tout à fait clair. Il est tout à fait normal que M. Kvocka, qui a

12 témoigné pendant quatre jours au sujet d'une vingtaine de jours très

13 difficiles de son existence, se soit aidé de notes.

14 Nous pouvons remettre ce bloc-notes, mais nous n'avons pas préparé

15 le témoin de quelque façon que ce soit. J'ai simplement donné l'exemple du

16 genre de notes que M. Kvocka m'a transmises. Je crois que M. Kvocka a tout

17 à fait le droit de se préparer lui-même en rédigeant des notes, car tout de

18 même cela fait quatre jours qu'il témoigne.

19 M. le Président. - Je vous demande un moment, je vais parler avec

20 madame le Juge Patricia Wald.

21 (Les Juges se consultent sur le siège.)

22 Maître Simic, excusez-moi, nous avons ici un doute. Je crois avoir

23 compris que vous avez dit que vous nous posiez la question que le Procureur

24 puisse voir les notes. Que vous ayez dit ça, est-ce vrai ou non ?

25 M. Simic (interprétation). - Je parlais du principe, Monsieur le

Page 1017

1 Président.

2 M. le Président. - Excusez-moi, les notes que M. Kvocka a

3 utilisées pendant son témoignage, j'ai compris que vous aviez dit que vous

4 ne posiez la question que le Procureur puisse voir les notes.

5 M. Simic (interprétation). - Je parle des notes que j'ai entre les

6 mains. Quant aux note de M. Kvocka, elles l'ont aidé à se préparer. Voilà

7 le genre de notes que m'a communiqué M. Kvocka. Je pense que sur le

8 principe, il n'y a pas de problème. Je dois pouvoir communiquer avec mon

9 client. Je ne sais pas quelle était la teneur de ces notes avant de les

10 recevoir. Nous, nous n'avons pas vu de problème à ce niveau.

11 M. le Président. - Maître Simic, je crois que Mme Hollis a bien

12 fait la distinction. Une chose sont les notes que M. Kvocka vous a

13 envoyées, et cela fait partie de votre communication confidentielle, et le

14 Procureur ne veut savoir de ces notes que vous avez notamment dans vos

15 mains ; une autre chose sont les notes que M. Kvocka a utilisées pendant

16 son témoignage.

17 Et j'ai cru comprendre que vous aviez dit que vous ne faisiez pas

18 de question que le Procureur puisse voir ou jeter un coup d'œil sur les

19 notes que M. Kvocka a utilisées pendant son témoignage.

20 Je voudrais m'assurer que j'ai bien compris ou non.

21 M. Simic (interprétation). - Les notes qui sont sous les yeux de

22 M. Kvocka sont identiques à celles que j'ai entre les mains. Cela fait

23 partie de la communication secrète entre l'avocat et son client, car il

24 fallait bien que nous en discutions. Les questions que j'ai posées, je ne

25 les ai pas posées de mémoire. Nous avons dû parler de tous ces événements

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1 pour que je prépare mes questions. Donc, il s'agit d'éléments confidentiels

2 qui font partie des entretiens entre l'avocat et son client.

3 Je ne crois pas qu'il y aurait quoi que ce soit qui serait gênant

4 dans ces notes et que le Procureur ne devrait pas voir, mais, sur le

5 principe, nous pensons tout de même qu'il n'y a pas de raison qu'elles

6 aillent entre les mains du Procureur puisqu'il s'agit des éléments de la

7 communication entre l'avocat et son client.

8 M. le Président. – Donc, même s'il y avait cette distinction entre

9 des notes que M. Kvocka a préparées pour s'appuyer pendant son témoignage

10 et les autres notes, les petits papiers qui font partie de la communication

11 entre le conseil de la défense et M. Kvocka, je crois que s'agissant

12 toujours des notes de mémoire, d'appui de mémoire, le Procureur n'a pas le

13 droit de voir ces notes. Donc, s'il s'agissait de documents ou d'autres

14 matériaux, mais s'il s'agit des notes d'aide-mémoire, elles font partie et

15 c'est tout à fait normal qu'une personne, même pour témoigner pendant une

16 journée, puisse avoir des choses pour ne pas oublier. Nous tous utilisons

17 cette procédure.

18 Donc, pour cette raison, et s'agissant de notes que le témoin a

19 utilisées pour aider sa mémoire, la décision de la Chambre, c'est que le

20 Procureur n'a pas droit à les voir ou à les inspecter. J'ai pensé quand

21 même que la défense était d'accord pour faire cela.

22 Mais une fois que la défense n'est pas d'accord, je crois que la

23 Chambre décide que s'agissant des notes d'aide-mémoire, le Procureur n'a

24 pas le droit de voir ces notes. C'est la décision de la Chambre. Donc,

25 c'est décidé.

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1 Donc maintenant, je crois que nous avons à l'esprit la séquence,

2 c'est qclair la façon dont le contre-interrogatoire va se suivre. Donc, je

3 crois qu'on va faire pour l'instant une pause pour, après la pause, avoir

4 la possibilité de commencer avec le témoignage de M. Radic, et notamment

5 avoir la possibilité de compter avec la présence du juge Fuad Riad.

6 Je vois que Mme Hollis veut dire quelque chose. Vous avez la

7 parole, Madame Hollis.

8 Mme Hollis (interprétation). – Merci, Monsieur le Président. Nous

9 aimerions un éclaircissement. Vous venez d'indiquer que l'aide-mémoire

10 utilisé par le témoin pour se rafraîchir la mémoire ne peut pas faire

11 l'objet de communication à l'égard du Procureur. La situation sera-t-elle

12 la même avec les témoins du Procureur ?

13 Les aide-mémoire des témoins du Procureur ne seront donc pas

14 communiqués à la défense, n'est-ce pas ?

15 M. le Président. – Oui, Madame Hollis, la Chambre vous donne

16 l'éclaircissement avec plaisir. Le principe sera toujours le même, mais on

17 doit réserver quand même les circonstances. On doit voir à chaque

18 circonstance. Donc, le principe c'est le même, c'est le même principe pour

19 l'accusation et pour la défense, sauf s'il y a des circonstances

20 exceptionnelles qu'on verra à chaque cas. Cela vous suffit, Madame Hollis ?

21 (Mme Hollis acquiesce)

22 M. le Président. - Donc on va faire une pause de 20 minutes.

23 (Suspendue à 12 heures 30, l'audience est reprise à 13 heures.)

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25

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1 M. le Président. - Bonjour, monsieur Radic. Vous m'entendez ?

2 M. Radic (interprétation). - Oui, je vous entends.

3 M. le Président. - Vous allez lire la déclaration solennelle que

4 M. l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.

5 M. Radic (interprétation). - Je déclare solennellement que je

6 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

7 M. le Président. - Vous pouvez vous asseoir, monsieur Radic.

8 Donc, avant de commencer le témoignage de M. Radic, je dois

9 remercier M. Kvocka pour le témoignage qu'il nous a apporté. Merci

10 beaucoup, Monsieur Kvocka. Pour l'éclaircissement du public, la défense a

11 demandé que les accusés, M. Kvocka et M. Radic, prêtent leur témoignage au

12 début de ce procès. Comme vous le savez, nos règles, article 85 je crois,

13 donnent la possibilité de changer un peu l'ordre de présentation des moyens

14 de preuve prévu à cet article, et notamment de prévoir la possibilité de la

15 Chambre d'en décider autrement.

16 Avec l'accord de l'accusation et à condition que le contre-

17 interrogatoire soit fait après la présentation des moyens à charge, la

18 Chambre a estimé qu'il pouvait être dans l'intérêt de la Justice que les

19 accusés puissent témoigner pour leur propre défense à ce stade du procès.

20 La Chambre a pris la décision, comme vous l'avez remarqué, à

21 propos de l'utilisation des notes.

22 Notre collèguen le Juge Fuad Riad, est maintenant présent. Nous

23 avons discuté avec lui. Il est d'accord pour qu'on puisse utiliser des

24 aide-mémoire. Il est évident que les parties doivent être attentives au

25 fait de savoir si les notes que le témoin utilise sont ses propres notes ou

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1 si ce sont des notes écrites soit par le Procureur, soit par les avocats de

2 la défense. C'est tout à fait normal, je vous dis que la Chambre a toujours

3 envie d'avoir une bonne communication pour le témoignage. Les témoins sont

4 des témoins qui ont des choses à dire, et par les avocats de la défense, et

5 par le Procureur. Donc tout ce qui peut aider le témoin à dire la vérité,

6 toute la vérité et rien que la vérité, on doit le faire. Mais, évidemment,

7 on doit faire un contrôle des conditions et des papiers que le témoin

8 utilise. Je crois que nous sommes habitués à faire une communication ou à

9 avoir un interview et -avant- à noter les points qu'il ne doit pas oublier.

10 C'est la raison de la décision de la Chambre.

11 Donc, comme je l'ai dit, le principe c'est le principe, mais on

12 doit quand même vérifier si les conditions du principe se vérifient ou s'il

13 y a quelques modifications qui constituent une exception et, là, on

14 réglera. De toute façon, la raison d'être, c'est d'avoir une bonne

15 communication.

16 Vous voyez quand même que la Chambre n'impose soit aux avocats de

17 la défense, soit au Procureur, soit aux témoins que quand il parlent; ils

18 se dressent, se tournent dans la direction des Juges. Ce que la Chambre

19 préfère, c'est qu'il y ait une bonne communication entre les parties.

20 Donc, dans cet esprit, on va prendre le témoignage de M. Radic.

21 Nous vous remercions, monsieur Radic, d'avoir aussi voulu donner cette

22 contribution. Donc vous allez maintenant répondre aux questions que

23 Me Fila, votre avocat, va vous poser et à une opportunité quelconque qui va

24 arriver, vous aurez l'opportunité de répondre aux questions du Procureur et

25 aussi aux questions des Juges, parce que nous n'avions pas parlé de cela,

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1 mais les Juges poseront leurs questions après que les parties aient posé

2 les leurs.

3 Je dois quand même dire, à propos des conditions du déroulement de

4 l'interrogatoire principal, que la Chambre apprécie beaucoup la façon avec

5 laquelle Me Simic a conduit son interrogatoire principal. Nous vous

6 remercions aussi beaucoup, maître Simic.

7 Maintenant, je donne la parole à Maître Fila.

8 M. Fila (interprétation). - Merci, monsieur le Président.

9 Avant de passer à l'interrogatoire de M. Radic, je vous demanderai

10 de me permettre de poser une première question qui serait la suivante, à

11 savoir si mon client est d'accord avec tout ce que M. Kvocka a dit sur

12 l'emplacement géographique d'Omarska.

13 M. le Président. - Excusez-moi, maître Fila, avec cette

14 préoccupation de faciliter la communication, je vous donne une option, je

15 ne veux pas faire pression : serait-il mieux pour vous, pour communiquer

16 avec M. Radic, d'occuper cette table ici avec votre co-conseil, car d'une

17 certaine façon vous parlez avec M. Radic tout en étant à côté de lui ? Je

18 ne veux pas faire pression, mais je crois qu'il est mieux que vous veniez

19 ici à cette table avec votre co-conseil et tous vos papiers et dossiers.

20 C'est peut-être mieux. Mais, comme je l'ai di-, je ne fais pas pression,

21 vous êtes libre de choisir.

22 Monsieur l'huissier, pouvez-vous vérifier si tout va bien pour

23 Me Fila.

24 (L'huissier s'exécute.)

25 Non... Maître Fila, ici ! Vous sentez-vous plus confortable pour

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1 travailler ici, maître Fila ?

2 M. Fila (interprétation). - Oui, cela va.

3 M. le Président. - Très bien. Merci beaucoup de votre attention.

4 Donc quand vous serez disponible, vous pouvez commencer.

5 M. Fila (interprétation). - Oui, je viens de poser la question à

6 mon client, Monsieur le Président, de me permettre -avant de commencer

7 l'interrogatoire de M. Radic et aux fins d'accélérer la procédure- de bien

8 vouloir se pencher sur les circonstances dont a parlé M. Kvocka, la

9 situation politique, l'organisation de la police, la situation géographique

10 des sites, l'organisation des partis politiques qui auront exercé leurs

11 activités sur ces sites, pour ne pas avoir à tout réitérer, donc ne pas

12 avoir à répéter tout ce qui vient d'être dit, et demander à M. Radic s'il

13 accepte les faits allégués par M. Kvocka. Cela nous permettrait d'accélérer

14 la façon de procéder et ce de manière considérable. Si vous êtes d'accord,

15 je voudrais le faire.

16 M. le Président. - Oui.

17 M. Fila (interprétation). - Bien. Monsieur Radic, est-ce que vous

18 vous sentez bien, pour autant que cela soit possible dans les circonstances

19 dans lesquelles vous vous retrouvez ?

20 M. Radic (interprétation). - Oui.

21 M. Fila (interprétation). - Vous avez entendu tout à l'heure le

22 témoignage de M. Kvocka pendant quatre, je dirais même presque cinq jours,

23 et vous avez entendu tout ce qu'il a dit en répondant aux questions de

24 M. Krstan Simic. Avez-vous une objection à formuler sur ce qu'il a dit ou

25 pensez-vous que tout ceci est exact ?

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1 M. Radic (interprétation). - Je n'ai aucune objection à formuler

2 car tout ce qu'il a dit l'a été en qualité de personnalité intègre.

3 M. Fila (interprétation). - Je crois que nous pourrions passer

4 maintenant au cas particulier. Je vous prierai d'abord de nous dire où vous

5 êtes né, votre date de naissance, quelques données sur votre famille, vos

6 parents.

7 M. Radic (interprétation). - Je m'appelle Mlado Radic. Je suis

8 fils de Rade et de Zorka. Je suis né le 15 mai 1952 dans le village de

9 Gornja Lamovita, dans une famille pauvre et je suis le dixième enfant de

10 mes parents.

11 J'ai fait huit années de classes primaires. Je suis marié, donc

12 j'ai une épouse et trois enfants. J'ai fait mon service militaire à Sisak,

13 suite à quoi j'ai passé un concours de recrutement pour la police et j'ai

14 commencé à travailler dans la police en 72, et j'ai continué à exercer mes

15 activités jusqu'à nos jours.

16 M. Fila (interprétation). - Vous êtes allé peut-être un peu trop

17 vite. Je voudrais vous demander : quand vous avez fini vos études

18 primaires, est-ce que vous avez travaillé quelque part avant que d'être

19 dans la police ?

20 M. Radic (interprétation). - Oui, lorsque j'avais dix-sept ans,

21 j'ai commencé à travailler dans une société qui s'appelait Sava à

22 Bosanska Gradiska. J'y ai travaillé quatre mois en qualité de manoeuvre, il

23 s'agissait de faire un tracé de route de Prijedor à Banja Luka.

24 M. Fila (interprétation). - Par la suite ?

25 M. Radic (interprétation). - Et lorsque cette société a rejoint sa

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1 base, après le tremblement de terre à Banja Luka en 1969, j'ai commencé à

2 travailler dans une entreprise de génie civil qui s'appelait Tempo Zagreb

3 et j'étais aide-manoeuvre, j'étais aide-maçon.

4 M. Fila (interprétation). - Mais qu'est-ce qui vous a fait trouver

5 un emploi dans la police ?

6 M. Radic (interprétation). - En 71, je suis allé faire mon service

7 militaire à l'âge de 19 ans et par la suite, je suis revenu dans la même

8 société et on y avait publié à l'époque un concours public pour le

9 recrutement du personnel de la police. Je me suis présenté au concours en

10 question. J'ai été reçu et j'ai été envoyé à Baske Vode, dans la

11 municipalité de Makarska, pour suivre un stage. J'ai achevé ce stage et je

12 suis revenu à Prijedor où j'ai été affecté dans un poste régional de la

13 police à Ljublja.

14 M. Fila (interprétation). - Je voudrais vous demander de vous

15 pencher sur un document qui porte notre cote DR 1 et DR veut dire défense

16 Radic, document 1.

17 Je prierai l'huissier de bien vouloir placer ledit document sur le

18 rétroprojecteur pour que nous puissions y consacrer notre attention.

19 M. Abtahi. - Il s'agira de la pièce D 1/3 et D 1/3a de la défense.

20 M. le Président. - Vous avez dit D... ?

21 M. Abtahi. - D 1/3, monsieur le Président.

22 M. le Président. - Que signifie 3 ?

23 M. Abtahi. - 3, cela représente M. Radic.

24 M. le Président. - Donc il est possible de faire la distinction

25 entre les documents présentés par M. Kvocka et les documents qui vont être

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1 présentés par M. Radic ?

2 M. Abtahi. - Oui, Monsieur le Président, tous les documents

3 présentés par la défense de M. Kvocka finiront par le chiffre 1 qui

4 représente M. Kvocka, ensuite le chiffre 2 M. Kos, 3 M. Radic et

5 4 M. Zigic.

6 M. le Président. - Merci beaucoup. C'était seulement pour que les

7 choses soient claires. Vous pouvez continuer, Maître Fila, s'il vous plaît.

8 L'interprète. - Monsieur le Président, les interprètes

9 demanderaient de profiter de la présence de l'huisser à côté du témoin pour

10 que les micros du témoin soient rapprochés de ce dernier. Je m'excuse.

11 M. le Président. - Les interprètes demandent de rapprocher les

12 micros de M. Radic. Merci beaucoup.

13 M. Fila (interprétation). - Comme vous pouvez le voir, il s'agit

14 d'un courrier du ministère de l'Intérieur qui est daté du 21 octobre 1998

15 et qui est adressé au bureau d'avocats où je travaille. Est-ce que vous

16 pouvez nous dire ce que représente ce document ?

17 M. Radic (interprétation). - Ce document fournit des

18 renseignements personnels sur ma personne et il relate les déplacements

19 professionnels que j'ai effectués.

20 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'en accord avec ce qui est

21 écrit ici, vous avez été membre de la police du poste de police de

22 Prijedor ?

23 M. Radic (interprétation). - Oui, en 72 je suis devenu policier au

24 centre de sécurité publique de Prijedor.

25 M. Fila (interprétation). - Et par la suite ?

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1 M. Radic (interprétation). - Eh bien, je suis resté dans ce poste

2 de 72 à 74 en qualité de policier.

3 M. Fila (interprétation). - Avez-vous eu un grade quelconque ou

4 pas ?

5 M. Radic (interprétation). - Non, je n'avais pas de grade du tout,

6 j'étais simple policier.

7 M. Fila (interprétation). - Y avait-il un grade moins élevé que le

8 vôtre ?

9 M. Radic (interprétation). - Non, à cette époque il n'y en avait

10 pas. J'avais le grade le plus bas qui soit.

11 M. Fila (interprétation). - Et par la suite ?

12 M. Radic (interprétation). - Après la mise en place -après

13 l'unification du ministère de l'Intérieur- de l'ouverture d'un corridor,

14 Radic Mlado a reçu un acte de nomination qui porte le numéro 09/3-120-

15 11/1436 daté du 17 juin 1972 où j'ai été affecté au poste au centre de

16 sécurité publique de Prijedor département de police d'Omarska faisant

17 partie du centre de sécurité publique de Prijedor.

18 M. Fila (interprétation). – Donc, en date du 27/10/93, vous êtes

19 encore policier ?

20 M. Radic (interprétation). – Oui, pendant les deux années qui ont

21 suivi, je suis resté policier.

22 M. Fila (interprétation). - Quand avez-vous eu un grade dans votre

23 vie ? Votre premier grade dans la vie ?

24 M. Radic (interprétation). - Je ne sais pas si c'est indiqué ici,

25 mais c'est en 1994 que j'ai obtenu mon premier grade où j'ai été promu chef

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1 d'équipe, lorsque je suis passé travailler au centre de sécurité publique

2 de Prijedor ?

3 M. Fila (interprétation). - Pourquoi avez-vous été promu ?

4 M. Radic (interprétation). - J'ai travaillé pendant de longues

5 années, et de ce fait-là, j'avais presque atteint la fin de mon exercice

6 professionnel. Une concertation entre supérieurs avait fait en sorte que

7 les personnes qui touchaient à la fin de leur exercice puissent bénéficier

8 d'un grade légèrement supérieur, afin de toucher par la suite une retraite

9 quelque peu meilleure.

10 M. Fila (interprétation). - Et vous avez accompli les fonctions de

11 chef d'équipe comme cela a été stipulé dans l'acte de nomination ?

12 M. Radic (interprétation). - Non, je n'ai jamais accompli les

13 tâches de chef d'équipe. En passant à Prijedor, j'ai été dans le service de

14 permanence et j'ai été conducteur du véhicule de police qu'on appelle

15 Maritza, et qui servait au transport des personnes arrêtées pour porter

16 assistance si besoin était, etc.

17 M. Fila (interprétation). – En 1995, vous avez été nommé sergent-

18 chef ?

19 M. Radic (interprétation). – Oui, et c'est l'un de ces grade l'on

20 attribuait aux gens à la fin de leur carrière. J'ai obtenu ce grade, en

21 fait, par acte de solidarité parce que les retraites des simples policiers

22 étaient très peu élevées.

23 M. Fila (interprétation). - Comme on le dit dans ce courrier, on

24 dit que la période du 1er avril 1992 a été prise comme période de

25 référence. Et, en date du 1er avril 1992, vous vous trouviez à Ljublja ?

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1 M. Radic (interprétation). – Oui, à ces dates-là, je me trouvais à

2 Ljublja et à Omarska.

3 M. Fila (interprétation). - Dans le dernier alinéa, on parle de

4 vos salaires. Est-ce que vous pouvez nous dire quel a été votre salaire au

5 cours de l'année 1992 ?

6 M. Radic (interprétation). - Le salaire était plutôt symbolique.

7 C'était de l'ordre de 5 à 10 marks allemands à l'époque…, enfin, en contre-

8 valeurs de 5 à 10 marks allemands par mois.

9 M. Fila (interprétation). - Je voudrais que nous joignions ici,

10 que nous versons au dossier tout un jeu de documents qui porte sur les

11 mêmes choses pour ne pas s'attarder. Il s'agit du DR2, titre de nomination

12 aux fonctions de simple policier en 1992 ; puis en 1993, le même acte le

13 plaçant au même poste de simple policier. En 1994, il devient chef

14 d'équipe. En 1995, il est promu au grade de sergent-chef.

15 Puis, il y a un questionnaire affairant aux renseignements

16 personnels des employés et des recettes qui parlent de la cessation du

17 rapport de travail de l'intéressé Radic et du MUP qui l'employait.

18 Si vous n'y voyez pas d'objection, je crois que les

19 documents D2, D2, D3 et jusqu'à D10 pourraient être versés au dossier comme

20 un ensemble.

21 M. le Président. - Avez-vous une objection à cette procédure ?

22 M. Keegan (interprétation). – Non, monsieur le Président.

23 M. Fila (interprétation). - Comment cette cessation de rapport de

24 travail par accord mutuel est-elle intervenue ?

25 M. Radic (interprétation). – En 1996, une fois que l'on a pris

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1 connaissance de l'acte d'accusation devant ce Tribunal, mes supérieurs

2 hiérarchiques ont pris la décision à l'époque de nous écarter de nos postes

3 respectifs de travail, et de nous préparer. On nous a proposé une cessation

4 du rapport de travail par accord mutuel, donc les décisions afférentes à

5 notre départ en retraite ont été reportées. Je ne les ai pas reçues et je

6 suis venu devant ce tribunal.

7 M. Fila (interprétation). - Au cours de votre vie active, et comme

8 vous avez pu l'entendre, le collègue Niemann, dans son discours

9 introductif, a soumis un document qui témoigne de votre promotion, d'une

10 promotion, d'une récompense que vous avez reçue.

11 M. Radic (interprétation). - Oui, il avait certainement voulu

12 entendre par là que j'avais été rémunéré, récompensé pour des crimes que

13 j'aurais commis. Je voudrais répondre que pendant mon exercice de la

14 profession de policier, mon salaire mensuel avait été de 5 à 10 Marks

15 allemands, et les supérieurs avaient décidé de récompenser plusieurs

16 personnes de manière plus ou moins appropriée. Et parmi ces personnes-là,

17 mon nom a fini par figurer au bout de 25 ans de service. La seule raison en

18 a été la fin de mon exercice professionnel, une femme au logis, 3 enfants.

19 Moi, j'aurais plutôt désigné cela par une sorte d'assistance sociale et non

20 pas par une récompense.

21 Et j'entends dire que cette récompense se chiffrait à seulement

22 50 Marks allemands. J'ai pu acheter à l'intention de ma famille un peu de

23 farine, de l'huile, du sel, enfin des denrées de première nécessité.

24 De là à savoir s'il s'agissait d'une récompense ou d'une espèce de

25 stimulation, je ne discuterai pas. A mon avis, il s'agissait d'une

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1 assistance sociale.

2 M. Fila (interprétation). - Est-ce que votre femme travaillait à

3 l'époque ?

4 M. Radic (interprétation). - Non, ma femme ne travaillait pas à

5 l'époque et elle ne travaille pas non plus de nos jours. De toute ma

6 famille, il n'y a qu'un seul enfant, un fils qui travaille, qui travaillait

7 au poste de police de Prijedor 2, et qui se trouve dans la police depuis

8 3 ans déjà. Il a passé tous les stages de police organisés par les forces

9 de police internationales. Il a fait des études de droit.

10 M. Fila (interprétation). - Vous voulez prendre peut-être un verre

11 d'eau.

12 (M. Radic acquièce.)

13 J'en finirai avec les renseignements privés concernant M. Radic et

14 je passerai aux questions qui sont l'objet de cette affaire.

15 Vous étiez donc affecté à un poste de police à Omarska à l'époque

16 des faits qui nous intéressent ?

17 M. Radic (interprétation). - Oui, j'étais policier.

18 M. Fila (interprétation). - Quelles étaient vos tâches ?

19 M. Radic (interprétation). - Eh bien, par définition, le travail

20 de policier que j'avais à accomplir était une sorte d'exercice de tâches

21 préventives. Il s'agissait d'être présent à certains endroits pour qu'il

22 n'y ait pas de problèmes. C'était des restaurants, les routes pour

23 contrôler si les gens au volant avaient bu de l'alcool, ensuite la sécurité

24 de bâtiments tels que les écoles, les banques, les déplacements sur le

25 terrain.

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1 Comme M. Kvocka l'a expliqué, je n'ai jamais été chef de ma vie et

2 les chefs de secteur, c'était tout le temps d'autres personnes qui se

3 chargeaient de nous disposer en permanence, enfin de nous faire accomplir

4 toutes sortes de tâches.

5 M. Fila (interprétation). - Qu'est-ce que cela veut dire "chef

6 d'équipe" ?

7 M. Radic (interprétation). - Eh bien, c'était d'être au téléphone

8 ou à l'émetteur-récepteur radio.

9 M. Fila (interprétation). - Qui était votre supérieur en 1992 ?

10 M. Radic (interprétation). - En 1992, mon supérieur direct était

11 Zeljko Mejakic.

12 M. Fila (interprétation). - Au cours de son exposé, M. Kvocka a

13 montré certains documents relatant la façon dont était organisé ce centre

14 d'enquête d'Omarska. Est-ce que vous acceptez la relation des faits qu'il a

15 faite ?

16 M. Radic (interprétation). - Oui, tout à fait.

17 M. Fila (interprétation). - Et vous étiez au courant de ce qui se

18 faisait là-bas ?

19 M. Radic (interprétation). - Non.

20 M. Fila (interprétation). - Avant de passer à autre chose, je

21 voudrais dire qu'il y a encore trois personnes qui sont co-accusées ici. Je

22 voudrais vous demander si vous les connaissez et dans quelles circonstances

23 vous les avez connues, en allant de la gauche vers la droite.

24 M. Radic (interprétation). - Je connais M. Kvocka car nous avons

25 travaillé pendant dix ans dans le même poste de police en qualité de

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1 policiers. Nous avons travaillé ensemble.

2 J'ai connu M. Kos en sa qualité de citoyen pendant qu'il

3 travaillait quelque part à Zagreb, puisqu'il n'est venu que par la suite

4 vers la station de police d'Omarska.

5 Je n'ai jamais connu M. Zigic avant qu'il ne soit conduit, amené

6 ici dans l'unité de détention.

7 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous décrire

8 une journée de travail à Omarska ? Pouvez-vous nous dire en outre comment

9 vous êtes entré en contact avec Omarska, dans le sens des termes repris par

10 l'acte d'accusation concernant la mine notamment ?

11 M. Radic (interprétation). - En accomplissant mes tâches

12 régulières au poste de police d'Omarska, je pense pouvoir dire que j'ai été

13 libre un jour. Quand je voulais savoir ce que je ferais le jour d'après,

14 l'un des policiers de réserve, je ne sais plus lequel, m'avait dit qu'il y

15 avait eu un changement de l'ordre et des affectations du personnel et que

16 j'étais censé travailler le jour où j'ai appelé, le jour même où j'ai

17 appelé, à partir de 19 heures dans un centre quelconque.

18 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous pouvez nous dire la

19 date exacte ?

20 M. Radic (interprétation). - Il s'agissait de l'année 1992, parce

21 que je suis arrivé en date du 28 ou du 29.

22 M. Fila (interprétation). - Mais quel mois ?

23 M. Radic (interprétation). - Le mois de mai 1992.

24 M. Fila (interprétation). - Que s'est-il passé par la suite ? Vous

25 aviez appris donc qu'il fallait que vous alliez dans un centre quelconque ?

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1 M. Radic (interprétation). - Oui, je vivais à quelque 200 mètres à

2 peine de ce poste de police. J'ai mis, ce jour-là, mon uniforme, comme

3 d'habitude. Je suis venu devant les locaux de ce département de police à

4 Omarska, j'y ai rencontré une dizaine ou douzaine de personnes, notamment

5 des policiers de réserve, que je ne connaissais d'ailleurs pas. Certains

6 m'étaient connus. Et il y avait là une fourgonnette appartenant à

7 l'entreprise de distribution d'électricité de Prijedor, qui était garée là,

8 et l'un des réservistes nous avait dit de nous installer à bord de cette

9 fourgonnette, et nous nous sommes dirigés vers les bâtiments administratifs

10 dudit centre.

11 M. Fila (interprétation). - Comment êtes-vous arrivés au camp ?

12 M. Radic (interprétation). - Eh bien, nous y sommes arrivés en

13 passant par le portail principal. Nous nous sommes arrêtés dans ce bâtiment

14 administratif et à la hauteur du restaurant, la fourgonnette s'est arrêtée.

15 Nous sommes tous sortis, tous autant que nous étions, une

16 quinzaine de personnes. Nous avons été accueillis là par le commandant

17 Mejakic et il nous a dit qu'un centre venait d'être constitué là, où l'on

18 avait collecté des personnes de la région de Prijedor et que notre tâche

19 consistait à garder ces personnes afin qu'elles ne s'enfuient pas, et que

20 nous qui étions nouvellement arrivés devions remplacer, constituer la

21 relève des personnes qui étaient disposées autour.

22 M. Fila (interprétation). - Je voudrais vous demander, Monsieur le

23 Président, l'autorisation pour M. Radic de nous indiquer les emplacements

24 où ces personnes se trouvaient et où les nouvellement arrivés sont venus

25 occuper des postes de garde ?

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1 M. le Président. – Oui, d'accord, Maître Fila. Monsieur l'huissier

2 va aider en lui donnant l'extension du fil et le pointeur. Si nécessaire,

3 M. Radic peut se lever.

4 (M. Radic se lève.)

5 M. Fila (interprétation). - Monsieur Radic, pouvez-vous nous

6 montrer où la fourgonnette s'est arrêtée exactement ? Qui vous a dit qu'il

7 fallait prendre des postes ?

8 Les interprètes. - Nous entendons très mal le témoin.

9 M. le Président. - Excusez-moi de vous interrompre, mais il y a un

10 problème d'audition. Est-ce qu’il y a un microphone pour M. Radic ? Parce

11 que les interprètes ont des difficultés à le suivre. Merci. On va essayer

12 maintenant. Cela va ?

13 M. Radic (interprétation). – Oui, c'est beaucoup mieux.

14 Nous sommes arrivés par le portail principal et nous nous sommes

15 arrêtés vers ici, puisqu'il s'agit là d'un grand plateau. La fourgonnette

16 s'est arrêtée dans cette zone-là, donc à côté du restaurant. Nous sommes

17 sortis, nous avons été accueillis, ici, par Zeljko Mejakic qui a dit qu'à

18 compter de ce moment-là, nous allions être gardiens au niveau du centre ;

19 que dans ce complexe, il y avait des personnes, des détenus en provenance

20 de la municipalité de Prijedor et que notre tâche consistait à les empêcher

21 de s'enfuir et que nous allions relever les personnes qui étaient de garde

22 jusque-là.

23 Je suis resté ici, à cet endroit ici, devant ce bâtiment qu'on

24 appelait "garage". C'est là que j'ai relevé Rado Ritan ou quelqu'un

25 d'autre, je ne sais plus. A côté de moi, il y avait Mirko Jokic de ce côté-

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1 ci et, de ce côté-là, je crois que Mahmat Rajko ou Zivko, puis là-bas,

2 Milenko et les autres se sont répartis tout autour.

3 M. Fila (interprétation). – Peut-on dire que vous étiez donc

4 répartis tout autour des installations ?

5 M. Radic (interprétation). – Oui, tout à fait, tout autour de ces

6 bâtiments.

7 M. Fila (interprétation). - Vous avez pu voir qu'il y avait des

8 gens qui étaient détenus ?

9 M. Radic (interprétation). - Oui. Ici, il y avait des gens détenus

10 et ces bâtiments étaient fermés, mais on nous avait dit qu'il y avait des

11 gens à l'intérieur de ces bâtiments.

12 M. Fila (interprétation). - Quand vous dites : "On nous a dit",

13 qui vous a dit cela ?

14 M. Radic (interprétation). - Le commandant Zeljko Mejakic nous l'a

15 dit.

16 M. Fila (interprétation). - Est-ce que quelqu'un d'autre s'est

17 adressé à vous ?

18 M. Radic (interprétation). – Non, Mejakic seulement.

19 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous expliquer jusqu'à

20 quand vous êtes restés à cet endroit-là ? Comment s'est terminé cette

21 première journée de travail ?

22 M. Radic (interprétation). - Il s'agissait plutôt de la première

23 nuit, parce que nous sommes arrivés à 7 heures du soir et on a travaillé

24 jusqu'à 7 heures du matin, puis on a eu 24 heures de libre. Puis, nous

25 sommes revenus faire notre équipe. La deuxième fois que je suis venu,

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1 j'étais gardien devant le même bâtiment qu'on appelait le "garage".

2 M. Fila (interprétation). - Mais qui vous a dit cela ?

3 M. Radic (interprétation). – Non, plus personne ne nous a rien

4 dit. Nous venions à nos postes, nous étions donc déjà rodés. Mahmat était

5 là et nous avions donc repris chacun la place que nous avions occupée

6 auparavant. C'était déjà, au fil des jour, les mêmes places que nous avions

7 occupées.

8 M. Fila (interprétation). - Poursuivez.

9 M. Radic (interprétation). - Alors, j'ai fait une, deux ou voire

10 plusieurs équipes au même endroit, et quelques jours après, Zeljko Mejakic

11 est venu me dire : "Monsieur Radic, vous allez passer vers le bureau de

12 permanence".

13 M. Fila (interprétation). - Il ne vous a pas dit : "Monsieur vous

14 allez passer" ?

15 M. Radic (interprétation). - Il m'a dit exactement : "Radic, tu

16 vas aller travailler dans la pièce où se trouvent le téléphone et

17 l'émetteur récepteur et tu y seras de garde". J'ai pris alors mon fusil,

18 mes équipements, je suis allé jusqu'au bâtiment et me suis installé dans ce

19 bureau.

20 M. Fila (interprétation). - Si vous soulevez le toit de cet

21 immeuble qui se trouve… Veuillez lever le toit, je vous prie.

22 (L'huissier s'exécute, il enlève le toit.)

23 M. Radic (interprétation). - Moi-même ?

24 M. Fila (interprétation). – Non, l'huissier va le faire. Veuillez

25 nous montrer, monsieur Radic, par où vous êtes entré et où se trouvait

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1 votre poste ?

2 M. Radic (interprétation). - Je suis entré par cette porte-ci.

3 Ensuite, je suis allé à droite, je montais l'escalier jusqu'au premier

4 étage et il y a, là, un autre petit escalier, et on accède directement au

5 premier étage. C'est là que je suis arrivé à cette pièce qui porte la

6 désignation B5. C'était un bureau des mines où nous avions notre

7 permanence.

8 M. Fila (interprétation). - Qui avait-il là-dedans ?

9 M. Radic (interprétation). – Il y avait deux bureaux ; l'un se

10 trouvait à côté de la fenêtre et l'autre se trouvait ici, et la table que

11 j'occupais, le bureau que j'occupais, il y avait le poste-émetteur

12 récepteur, un téléphone et aux deux autres bureaux, il y avait des

13 dactylos.

14 M. Fila (interprétation). - Et ces dactylos venaient-elles du

15 département de police d'Omarska ou d'ailleurs ?

16 M. Radic (interprétation). - Non, ces deux femmes étaient

17 employées par le centre de sécurité publique de Prijedor.

18 M. Fila (interprétation). - Comment venaient-elles ?

19 M. Radic (interprétation). – Elles venaient avec les inspecteurs,

20 quand ces inspecteurs venaient au travail. Elles venaient donc taper là. Je

21 ne sais pas ce qu'elles tapaient.

22 M. Fila (interprétation). - Mais qui avait-il dans les autres

23 pièces que nous pouvons voir désormais ?

24 M. Radic (interprétation). - La salle B11, B10 et B9 servaient de

25 lieu d'interrogatoire.

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1 M. Fila (interprétation). – A qui ?

2 M. Radic (interprétation). - …

3 M. Fila (interprétation). - Qui faisait ces actes

4 interrogatoires ?

5 M. Radic (interprétation). - C'est là que travaillaient les

6 inspecteurs qui interrogeaient les détenus, et la pièce B3 servait aussi

7 aux interrogatoires des détenus. Dans la pièce B4, il y avait une espèce

8 d'installation de haut-parleur, et je ne sais pas à quoi cela servait. La

9 pièce B1 était utilisée par les inspecteurs et leurs supérieurs que je

10 désignerai donc ainsi. Ils avaient une documentation importante qu'ils

11 tenaient ici, ils mangeaient ici. Et nous, nous n'avions nul besoin de nous

12 aventurer vers ces pièces-là.

13 M. Fila (interprétation). - Vous êtes arrivé dans ce bureau et

14 Mejakic vous a dit de rester là et d'y être de permanence ? Est-ce que vous

15 avez aussi été de garde ?

16 M. Radic (interprétation). – Oui, j'étais de temps en temps de

17 garde à cet emplacement-ci, que l'on appelle "la tour", ici, car cette

18 partie est complètement vitrée. Il faisait très chaud, il était difficile

19 de rester là, de tenir pendant 12 heures mais il fallait bien qu'on le

20 fasse et, de temps en temps, effectivement, j'étais de garde à cet endroit-

21 là.

22 M. Fila (interprétation). - Y avait-il d'autres postes de garde ou

23 seulement celui-là ?

24 M. Radic (interprétation). - J'ai été de garde ici et là, et le

25 reste du temps, j'étais dans le bureau que je viens de vous désigner.

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1 M. Fila (interprétation). - Que faisiez-vous quand vous étiez de

2 permanence ? Quelle était votre tâche concrète ?

3 M. Radic (interprétation). – Eh bien, laissez-moi vous dire que

4 j'étais généralement tout le temps assis ici, et s'il y avait des appels,

5 comme tout était codé, si quelqu'un demandait le commandant, ma tâche était

6 de le trouver et de lui dire que Sana 1 a demandé que tu t'adresses à

7 Sana 3, etc..

8 M. Fila (interprétation). - Et Sana 1, 2 ou 3, c'étaient des codes

9 qui indiquaient quoi ?

10 M. Radic (interprétation). – Sana 1, après c'était Vrana 1,

11 c'étaient des codes qui indiquaient… Sana 2, c'était Jankovic, Sana 3,

12 c'était Milutin Cadjo, etc, etc..

13 M. Fila (interprétation). - Vous avez entendu le Procureur, on

14 vous a montré un enregistrement vidéo. On a pu y voir une personne portant

15 un fusil. De qui s'agit-il ?

16 M. Radic (interprétation). - Si vous parlez de cet emplacement-ci,

17 je dirais que c'était moi avec mon uniforme normal, avec un fusil, lorsque

18 j'étais de garde.

19 M. Fila (interprétation). - Et les chefs portaient-ils des fusils

20 et étaient-ils de garde eux aussi ?

21 M. Radic (interprétation). - Les chefs d'équipe étaient assis à

22 des bureaux, le chef d'équipe ne porte pas de fusil, c'est un travail de

23 bureau qu'il accomplit. Si vous appelez ceci un poste de travail d'un chef

24 d'équipe, je ne serais pas d'accord.

25 M. Fila (interprétation). - Je m'excuse, il y a un petit

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1 malentendu. Est-ce que les chefs d'équipe avaient des fusils et étaient-ils

2 chargés de garder, enfin d'être de garde ?

3 M. Radic (interprétation). - Les chefs d'équipe n'ont pas de fusil

4 et ne sont pas de garde. C'est le gardien qui est de garde et personne

5 d'autre.

6 M. Fila (interprétation). - Dans l'enregistrement vidéo, nous

7 avons pu voir d'autres prisonniers. Le Procureur n'a pas estimé nécessaire

8 de dire où se trouvait tel ou tel autre prisonnier. Est-ce que vous aviez

9 des barbelés à Omarska ?

10 M. Radic (interprétation). - Je voudrais bien revoir

11 l'enregistrement. Là où j'étais, c'était moi. Les personnes qui couraient

12 pour aller manger au restaurant, c'étaient des gens d'Omarska. La personne

13 qui mangeait avec son assiette dans les mains était d'Omarska, et les fils

14 et les hommes maigres que nous avons pu voir, ce n'étaient pas des gens qui

15 étaient à Omarska. C'est une chose à tirer au clair.

16 M. Fila (interprétation). - Vous avez passé pas mal de temps dans

17 ce bureau de permanence. Est-ce que Mejakic vous a dit pourquoi vous avez

18 précisément été de permanence ?

19 M. Radic (interprétation). - Non, il ne m'a pas directement dit

20 pourquoi cela avait été moi. Je ne puis que supposer que cela a été dû au

21 fait que j'étais ancien dans la police. Je savais me servir du poste

22 émetteur-récepteur, je pouvais répondre au téléphone et que je me

23 débrouillerai probablement mieux qu'un débutant.

24 M. Fila (interprétation). - Etant donné que vous avez longtemps

25 été policier et que vous étiez au courant des procédures, au cours de votre

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1 séjour dans ce centre, dans ce camp, à l'occasion des arrivées de personnes

2 détenues, est-ce que vous aviez une procédure pour ce qui est de la remise

3 des détenus, c'est-à-dire conformément à une liste, conformément à des

4 données personnelles ?

5 M. Radic (interprétation). - Non, selon une procédure normale,

6 lorsque j'étais de permanence, je recevais telle personne détenue qui

7 m'était confiée. Il y avait un acte de détention qui précisait le temps et

8 la période de détention, mais cela, c'était en procédure normale et

9 régulière. Mais, ici, personne ne faisait acte de quelque liste que ce

10 soit.

11 M. Fila (interprétation). - Donc les personnes détenues n'avaient

12 aucun acte de détention ?

13 M. Radic (interprétation). - Non, il n'y avait aucun acte écrit.

14 Cela était plutôt fait d'une manière ou en guise de raz-de-marée, plutôt

15 que selon une procédure organisée.

16 M. Fila (interprétation). - Au cours de votre séjour à Omarska, à

17 ces deux endroits, soit là où vous avez monté la garde, soit dans la pièce

18 des gardes, est-ce que vous avez été habilité à donner des ordres ?

19 M. Radic (interprétation). - Non.

20 M. Fila (interprétation). - Quand je dis à quelqu'un, je pense aux

21 collègues policiers ?

22 M. Radic (interprétation). - Non, je n'ai jamais donné d'ordres à

23 qui que ce soit. Je n'ai pas donné d'ordres, j'ai toujours été un policier.

24 C'était toujours les autres qui me donnaient des ordres, probablement parce

25 que je ne suis pas allé à l'école suffisamment longtemps pour obtenir un

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1 grade. Donc, je ne faisais que recevoir des ordres.

2 M. Fila (interprétation). - Pendant votre séjour, vous nous avez

3 expliqué que vous aviez travaillé en équipe 12/24 ?

4 M. Radic (interprétation). - Oui, les équipes qui se relevaient

5 12 heures sur 24 heures.

6 M. Fila (interprétation). - Qui vous donnait la mission, c'est-à-

7 dire qui vous disait où vous deviez travailler, à quel endroit et combien

8 de temps ?

9 M. Radic (interprétation). - C'était une pratique, déjà. Tout le

10 monde savait où il travaillait. On nous amenait avec la fourgonnette, on

11 sortait, tout le monde savait où il fallait qu'il aille. Moi, je me rendais

12 au bureau pour monter la garde ; de temps en temps, j'étais vraiment de

13 garde.

14 M. Fila (interprétation). - Qui vous disait cela ?

15 M. Radic (interprétation). - La première fois, quand on est arrivé

16 c'était M. Mejakic qui nous l'a dit et, ensuite, il n'était plus besoin de

17 le répéter.

18 M. Fila (interprétation). - Mais si quelqu'un vous disait par

19 exemple aujourd'hui : "Ce n'est pas la peine de faire la garde, tu peux

20 travailler dans les bureaux", qui pouvait vous le dire ?

21 M. Radic (interprétation). - C'était M. Mejakic ?

22 M. Fila (interprétation). - C'était ce qu'il a fait ?

23 M. Radic (interprétation). - Oui, il l'a fait souvent, c'est lui

24 qui s'est occupé de mon affectation.

25 M. Fila (interprétation). - Ce que j'essaie de soutenir devant le

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1 Tribunal, ce que je vous demande, la procédure de votre travail, la relève,

2 toutes les missions que vous aviez, est-ce que cette procédure différait

3 d'une procédure normale de fonctionnement d'un poste de police ?

4 M. Radic (interprétation). - Oui, elle était bien sûr différente.

5 Si les conditions étaient normales, personne ne serait obligé de porter des

6 uniformes de police, de se raser, etc., alors qu'il y avait des insignes

7 différents, des insignes que j'ai pu voir pour la première fois là-bas. Ils

8 portaient des barbes ou des uniformes dépareillés, avec un pantalon vert,

9 une chemise bleue, etc.

10 M. Fila (interprétation). - Quand vous vous rendiez dans le

11 département de police d'Omarska, est-ce que la personne qui était de

12 permanence vous disait quelle était votre affectation ?

13 M. Radic (interprétation). - Non.

14 M. Fila (interprétation). - Dans le poste de police d'Omarska, je

15 veux dire ?

16 M. Radic (interprétation). - Nous nous rendions à la station de

17 police d'Omarska, une camionnette nous attendait et, ensuite, nous nous

18 rendions à Omarska.

19 M. Fila (interprétation). - Vous parlez de l'époque où le centre

20 fonctionnait, mais avant le fonctionnement de ce centre, avant, quelle

21 était votre journée de travail habituel ?

22 M. Radic (interprétation). - Vous voyez, dans des conditions

23 normales, je recevais un ordre et, ensuite, une feuille de route. S'il

24 fallait visiter des villages, on nous disait à quelle heure nous devions

25 nous y rendre et à quel endroit. Nous ne portions pas d'armes.

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1 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous deviez faire des

2 rapports ?

3 M. Radic (interprétation). - Oui.

4 (L'interprète demande si le témoin peut s'asseoir. On entendra

5 mieux.)

6 M. le Président. - Maître Fila, avez-vous encore besoin que

7 M. Radic reste là, ou peut-il s'asseoir, car c'est mieux du point de vue

8 des interprètes ? Il est ainsi possible de mieux entendre.

9 M. Fila (interprétation). - Est-ce que nous allons continuer à

10 travailler directement jusqu'à 14 heures 30, ou bien allons-nous procéder à

11 une pause ? Est-ce que je peux continuer jusqu'à 14 heures 30 sans la

12 pause ?

13 M. le Président. - Si le témoin est capable de faire cela, je

14 crois qu'il est préférable d'aller jusqu'à 14 heures 30. Cela va pour

15 vous ? Vous pouvez continuer.

16 (Le témoin retourne s'asseoir.)

17 M. Fila (interprétation). - Vous avez vu une partie du matériel

18 qui nous a été communiqué par le Procureur. Vous avez vu que, dans l'acte

19 d'accusation, on dit que vous êtes un chef d'équipe. Etiez-vous un chef

20 d'équipe ?

21 M. Radic (interprétation). - Je ne sais pas d'où vient ce titre,

22 peut-être que c'étaient des détenus. Mais moi, je n'ai jamais été chef

23 d'équipe. Et personne ne m'a offert cette position. Je n'ai jamais été

24 gradé avant 1995, avant d'être retraité, immédiatement avant ma retraite.

25 M. Fila (interprétation). - Comment pouvez-vous nous expliquer

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1 alors que de nombreux témoins du Bureau du Procureur parlent de l'équipe de

2 Krkan ? Pourquoi pensez-vous qu'ils parlaient de l'équipe de Krkan qui

3 était d'ailleurs la meilleure ?

4 M. Radic (interprétation). - J'ai déjà dit que cela fait un moment

5 que je travaillais dans la police. Je travaillais dans la région de Ljubija

6 pendant 12 ans en traversant toujours les villes de Prijedor ou Kozarac,,

7 ensuite pendant 10 ans, je travaillais à Omarska jusqu'au début du conflit

8 et beaucoup de personnes me connaissaient sous le surnom de "Krkan". Et

9 maintenant, vous pouvez comprendre cette situation où beaucoup de personnes

10 que je connaissais se trouvaient dans une situation désagréable. Ils

11 étaient enfermés et moi, j'étais là pour les garder. Alors, ces vingtaines

12 de jeunes hommes, moi je les connaissais pour la moitié, je ne les

13 connaissais même pas de nom. Et pour la plupart, peut-être 3 % des

14 personnes qui étaient assises sur la pista disaient : "Tiens, c'est

15 'Krkan', c'est l'équipe de 'Krkan'." Moi je peux aussi dire que peut-être

16 vous, Monsieur Fila, vous êtes plus connu que moi, mais quand vous vous

17 rendiez avec moi là-bas, personne ne disait "l'équipe de Krkan". Ils

18 auraient dit "l'équipe de Fila".

19 Heureusement, ils n'avaient pas vu d'autres supérieurs

20 hiérarchiques, le Président de canton, le Président de région, etc. Ils ne

21 m'avaient vu que moi, moi le policier, et ils pensaient que j'étais

22 responsable de tout ce qui s'est passé, comme moi par exemple dans mon

23 unité de détention je peux penser les gardiens responsables de quelque

24 chose.

25 M. Fila (interprétation). - Monsieur Radic, vous avez dit que

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1 parmi les détenus, il y avait des amis à vous.

2 M. Radic (interprétation). - Oui.

3 M. Fila (interprétation). - Pour revenir aux propos du Procureur,

4 est-il vrai que vous n'avez jamais tenté d'aider qui que ce soit, ni vous

5 ni les autres ? Est-ce exact ?

6 M. Radic (interprétation). - Je ne suis pas d'accord avec les

7 propos de monsieur le Procureur. Je peux donner quelques exemples où, en

8 tant qu'homme, j'ai essayé d'aider un certain nombre de personnes, mais

9 pour vous dire, même quand j'ai pu les aider, c'était plus difficile pour

10 moi d'aider les détenus que quand je ne pouvais pas le faire, car vous

11 devez comprendre mon rôle. Parce que jusqu'à quelques jours auparavant, je

12 connaissais ces gens, j'assistais aux enterrements, aux noces et

13 maintenant, je me trouvais dans la situation où ils me demandaient de leur

14 donner un morceau de pain. Et même quand j'avais ces morceaux de pain,

15 j'avais du mal à les donner à quelqu'un parce que je savais que la personne

16 qui se trouvait juste à côté avait peut-être encore plus faim. D'un autre

17 côté, quand j'avais du pain, je ne pouvais pas le jeter dans la poubelle

18 parce que je savais qu'il y avait des personnes qui avaient encore plus

19 faim que moi et quand je pouvais, j'en donnais. Je donnais aux autres, en

20 cachette parfois, parfois non.

21 M. Fila (interprétation). - Est-ce que le nom de Milenko Brisevac

22 vous dit quelque chose ainsi que les noms de Hasan Hodjic,

23 Zdravko Ivanovic, Riza Hodjic, Idris Smjikic, Milan Anukic. Est-ce que

24 c'étaient des détenus ?

25 M. Radic (interprétation). - Oui.

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1 M. Fila (interprétation). - Les avez-vous aidés ?

2 M. Radic (interprétation). - C’est juste une partie des personnes

3 que j'ai un peu aidées. J'ai aidé beaucoup plus, beaucoup plus de personnes

4 que cela.

5 M. Fila (interprétation). - Je vais vous répéter les noms :

6 Idris Mujikic ?

7 M. Radic (interprétation). - Il s'agit de Mujikic Idris, surnommé

8 "Tarzan".

9 M. Fila (interprétation). - Quelle est la nationalité de ces

10 personnes ?

11 M. Radic (interprétation). - Ce sont des Musulmans et des Croates.

12 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous aviez des sentiments

13 hostiles par rapport aux personnes d'une autre religion ou venant d'une

14 autre communauté ?

15 M. Radic (interprétation). - Non, pas du tout. En 1982, alors que

16 je travaillais dans le poste de police à Omarska, j'ai été témoin au

17 mariage de Stipo Pavlovicet M. Kvocka a expliqué l'autre jour quelle est la

18 signification du terme kum chez nous, et nous, on dit aussi qu'elle est

19 (... inaudible.) juge au ciel et le kum importe au ciel et le kum sur la

20 terre.

21 M. Fila (interprétation). - Je vais vous demander de montrer au

22 témoin un document qui vient d'être traduit ce matin.

23 M. Riad (interprétation). - Excusez-moi, Stipo Pavlovic, quelle

24 était la nationalité de Stipo Pavlovic ?

25 M. Radic (interprétation). - Il était croate.

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1 M. Fila (interprétation). - Monsieur Radic, Stipo était de quelle

2 nationalité ?

3 M. Radic (interprétation). - Il est croate. Son père s'appelait

4 Pero. Nous étions bons amis, nous nous rendions visite.

5 M. le Président. - Il est peut-être plus pratique d'avoir la cote

6 avant de présenter le document. S'il vous plaît, monsieur Irad.

7 M. Abtahi. - Oui, merci monsieur le Président.

8 M. le Président. - Je profite maintenant, Monsieur Irad, pouvez-

9 vous donner les cotes des autres documents qui ont été versés par Me Fila.

10 Est-ce possible ?

11 M. Abtahi. - Oui, Monsieur le Président, je vous remercie. Les

12 précédents documents qui ont été versés, il s'agissait de neuf documents

13 qui porteront les cotes respectivement de D 2/3 à D 10/3, et le présent

14 document portera la cote D 11/3.

15 M. le Président. - Là, monsieur Irad, je crois qu'on doit quand

16 même identifier les documents. Donc je crois que Me Fila au moins

17 (... inaudible) le DR/2, DR/3, DR/5, DR/6, DR/7. Je ne vois pas neuf

18 documents.

19 M. Abtahi. - J'ai cru comprendre que Me Fila était allé jusqu'à

20 DR/10, à moins que cela ait été une erreur de ma part.

21 M. Fila- Jusqu'à 7.

22 M. Abtahi. - Autant pour moi ! Le présent document porte la cote

23 D8/3.

24 M. le Président. - Le présent document qui va être présenté,

25 c'est ?...

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1 M. Abtahi. - C'est le D8/3.

2 M. le Président. - Merci.

3 M. Fila (interprétation). - Que représente ce document,

4 Monsieur Radic ?

5 M. Radic (interprétation). - Il s'agit d'un certificat disant que

6 Mlado Radic, fils de Rade, né dans le village de Lamovita, a été présent en

7 tant que témoin au mariage, le 7 janvier 1992, lors du mariage qui a été

8 conclu entre Stipo Pavlovic et Olga Didovic.

9 M. Fila (interprétation). - Quelle est la nationalité de

10 Stipo Pavlovic ?

11 M. Radic (interprétation). - Il est croate venant de Ljublja.

12 M. le Président. - Maître Fila, excusez-moi, nous n'avons pas ce

13 document, je crois. Vous avez dit qu'il est arrivé aujourd'hui, ce matin.

14 M. Fila (interprétation). - Oui, M. Irad l'a reçu. Je lui ai donné

15 12 exemplaires. Il a été traduit ce matin. Il y a aussi l'original de ce

16 document, et il porte la cote de la défense DR/14a.

17 M. le Président. - Nous l'avons, merci beaucoup, vous pouvez

18 continuer.

19 M. Fila (interprétation). - Est-ce que vous étiez témoin de

20 quelqu'un d'autre qui n'avait pas la même religion que vous ?

21 M. Radic (interprétation). - Vous savez au cours de ma carrière,

22 dans le poste de police à Ljublja, j'ai travaillé avec un certain monsieur

23 qui s'appelait Ibrahim Delic de nationalité musulmane. Il a à peu près le

24 même âge que moi. Nos épouses sont allées dans la même école, à Prijedor.

25 Ma femme travaillait dans un restaurant et la sienne était commerçante.

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1 Après qu'on se soient mariés, tous les deux, M. Delic a été témoin aux

2 baptêmes de mes enfants. Donc, je voudrais l'expliciter.

3 On appelait cela le kum du XXème siècle, de l'avenir. Et, moi, je

4 me demandais en tant qu'homme quelle était vraiment la nationalité de mes

5 enfants, puisque j'ai 3 fils, le plus âgé a 25 ans, le plus jeune a 13 ans,

6 et je ne les ai pas baptisés selon les coutumes serbes, je ne les ai pas

7 baptisés selon les coutumes des Croates ou des Catholiques, et ce qui est

8 pire je ne les ai même pas fait circoncire. Donc ils ne sont pas Musulmans

9 ou Juifs. Je me demande ce qu'ils sont.

10 Et le résultat, c'est ce nouveau type de baptême. Quand un enfant

11 est né, un an plus tard son parrain coupe plusieurs mèches de ses cheveux,

12 et, moi, son père, je garde une mèche, le parrain garde une mèche et les

13 autres mèches sont distribuées aux autres invités. Cela s'est produit en

14 1976, à peu près. Après la naissance de mon deuxième enfant, le 30 décembre

15 1978, son épouse, Senada, a coupé les mèches de cheveux de ce deuxième

16 enfant. Quand en 1986, notre troisième enfant est né, leur fille Ariana a

17 coupé les mèches de cheveux de ce troisième enfant.

18 M. Fila (interprétation). - Pendant votre séjour à Omarska,

19 quelque chose est-il arrivé au fils de cette personne ?

20 M. Radic (interprétation). - Pendant la durée d'Omarska, j'étais

21 chez moi et, un jour, j'ai reçu un coup de fils anonyme, chez moi donc. On

22 m'a demandé si c'était bien l'appartement de la famille Radic. Moi, j'ai

23 demandé qui c'était. On m'a répondu : "Ecoutez, ce n'est pas important,

24 mais écoutez-moi". Cette voix m'a dit : "Sur la croisée des chemins Omarska

25 - Lamovita, donc à la mi-chemin entre Prijedor et Banja Luka, ton filleul

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1 s'y trouve, qui est en mauvais état de santé. Il est confus. Ensuite, elle

2 a raccroché".

3 Moi, je l'ai cru, j'avais une voiture mais je n'avais pas

4 d'essence, et elle m'a dit que cet enfant était inconscient, j'ai appelé le

5 centre de santé où le chauffeur a répondu, et j'ai pratiquement menti en

6 lui disant qu'un enfant blessé était à la croisée des chemins, qu'il

7 fallait le transporter à Banja Luka pour l'aider. Alors, ce chauffeur a

8 pris l'ambulance et il a transporté cet enfant à Banja Luka, il a été

9 hospitalisé plusieurs jours, et au retour j'ai appris que cet enfant, en

10 réalité, était en train de jouer autour du bâtiment où ils habitaient et

11 qu'il est tombé du troisième étage d'un échafaudage, qu'il a eu un

12 traumatisme crânien, qu'il a été transporté à l'hôpital inconscient.

13 Après qu'il ait été hospitalisé, ma Kuma m'a appelé au téléphone

14 me disant qu'elle était chez sa Kuma, Zeruda. Je ne me souvenais plus de

15 son prénom. Elle m'a dit qu'elle allait rester à cet endroit pendant un

16 certain moment. Moi, je lui ai dit de m'attendre à côté d'un feu rouge, à

17 côté de l'hôpital à Banja Luka, donc le jour d'après. Moi, j'ai pris

18 l'autobus avec un chauffeur Ratko Kobac, j'ai pris un sac de vivres, de la

19 nourriture, c'est mon épouse qui a mis cette nourriture dans le sac. Et, à

20 ce feu rouge, Mme Senada m'attendait. Je lui ai donné ce sac et un petit

21 peu d'argent. Je ne sais pas quelle était vraiment cette somme. J'ai fait

22 ce que j'ai pu faire et cet enfant est resté à l'hôpital, et maintenant il

23 est vivant.

24 A la sortie de l'hôpital, j'ai rendu visite à cet enfant à

25 Prijedor, mais pas régulièrement, je faisais ce que je pouvais parce que

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1 les routes ne fonctionnaient pas. Mon fils qui était à l'école à Prijedor,

2 y allait aussi, mon épouse s'y rendait à peu près tous les 15 jours. Elle a

3 préparé un sac ou deux sacs de nourriture que nous lui apportions. Comme

4 elle avait aussi un frère qui était peut-être à Trnopolje, alors elle lui

5 apportait de la nourriture aussi, mais elle a utilisé mon sac, et ce sac a

6 été enlevé, saisi, et je ne l'ai plus jamais retrouvé.

7 M. Fila (interprétation). - Que vous dit le nom de Dragica

8 Cerdic ?

9 M. Radic (interprétation). - Dragica Cerdic était la voisine de ma

10 Kuma. Elle disait que je l'ai gardée, elle disait du mal de moi. Elle

11 travaillait aussi comme cuisinière dans la mine. Elle avait son obligation

12 de travail, avec mon épouse.

13 M. Fila (interprétation). - Je vais vous poser quelques questions

14 au sujet de votre épouse. Comment se fait-il qu'elle a travaillé à Omarska

15 et que faisait elle exactement ?

16 M. Radic (interprétation). - Mon épouse, avant la guerre,

17 travaillait dans la cantine de la mine parce qu'elle était cuisinière, elle

18 était à la tête des cuisinières. Après, le début de la guerre, elle n'a pas

19 travaillé, mais elle a reçu son obligation de travail et elle devait se

20 rendre au restaurant pour y travailler. Donc elle travaillait comme

21 cuisinière avec une dizaine d'autres femmes. On y faisait la cuisine pour

22 l'armée, la police, les personnes travaillant dans la sécurité, les

23 détenus, cela représentait beaucoup de travail elle n'était pas payée mais

24 elle travaillait.

25 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'au poste où vous étiez vous

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1 pouviez laisser partir quelqu'un du camp ?

2 M. Radic (interprétation). - Non, monsieur. Non seulement je ne

3 pouvais pas laisser partir quelqu'un, mais je ne pouvais pas laisser entrer

4 qui que ce soit non plus.

5 M. Fila (interprétation). - Votre épouse... Avant cela, vous avez

6 entendu l'explication de M. Kvocka expliquant les missions du département

7 de la station de police. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire qu'il

8 n'était pas de votre compétence d'organiser la nourriture, l'adduction

9 d'eau, etc. ?

10 M. Radic (interprétation). - Non, nous n'avions rien à faire avec

11 la nourriture, avec l'eau, avec les conditions d'hygiène, etc.. Nous ne

12 nous occupions que de la sécurité.

13 M. Fila (interprétation). - Votre épouse, pendant qu'elle

14 travaillait à Omarska, était-elle en contact avec les femmes détenues ?

15 M. Radic (interprétation). - Oui, bien sûr.

16 A ma surprise, un jour, quand elle est rentrée du travail...

17 D'habitude on s'asseyait, on prenait un café, et c'est là qu'elle m'a dit

18 qu'elle a entendu du bien de moi et que je devais rester comme cela. Moi,

19 je lui ai demandé si elle n'était pas avec de Drljaca ou Zeljko quelque

20 part, parce que c'étaient mes supérieurs hiérarchiques, et ils pouvaient

21 peut-être dire du bien de moi. Elle m'a dit que non, au contraire, elle

22 était avec des femmes détenues et que ces femmes étaient Suada Ramic,

23 Mme Zikota, et encore une ou deux femme. Et je lui ai demandé comment cela

24 se faisait-il qu'elle était en compagnie de ces femmes, puisque je savais

25 que c'étaient des détenues. Elle m'avait répondu qu'elles étaient venues au

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1 restaurant, qu'elles étaient assises au restaurant, qu'elle leur avait

2 proposé de manger quelque chose, de prendre un café. Elles ont commencé à

3 parler entre femmes. Et, elle leur a demandé quelles étaient leurs

4 conditions de détention, puisque c'était des hommes qui les gardaient,

5 etc., si elles avaient des désagréments. Et Mme Suhada lui avait dit qu'au

6 contraire, elles n'avaient pas de problème, qu'elles avaient un gardien qui

7 les protégeait, M. Krkan, et que s'il n'y avait pas M. Krkan, elles

8 seraient peut-être exposées à des désagréments. Et quand elles l'ont

9 entendue, les cuisinières ainsi que mon épouse ont commencé à rire. Et

10 Mme Suhada leur a posé la question : "Mais pourquoi riez-vous ? Je n'ai

11 rien dit de drôle". Là, elles lui ont répondu que Krkan était l'époux de…,

12 donc mon épouse. Et voilà, elle m'a raconté ce qu'elles s'étaient dit.

13 M. Fila (interprétation). - Mais vous savez tout de même que le

14 Procureur vous reproche d'avoir agressé sexuellement un certain nombre de

15 personnes du sexe féminin qui étaient détenues. Est-ce que ces allégations

16 correspondent un tant soit peu à la réalité ? Je vous rappelle que vous

17 êtes sous serment.

18 M. Radic (interprétation). - Je répondrai en tant qu'homme pour

19 dire que ces allégations sont inexactes, totalement contraires à la

20 réalité. Puisque nous parlons ici de Mme Suhada Ramic, et bien sûr j'ai lu

21 l'acte d'accusation. Or en 1992, après sa libération du centre d'enquête,

22 j'ai rencontré Mme Suhada Ramic, accompagnée d'un homme, et il était déjà

23 question à l'époque de 60 000 femmes musulmanes qui auraient été violées à

24 Omarska. Donc, je lui ai demandé, puisque nous nous connaissions, je lui ai

25 dit : "Je te connaissais avant. Sais-tu ce qui a pu se passer ?". On

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1 parlait tout à fait tranquillement et elle m'a répondu qu'elle n'a subi

2 aucun désagrément. Elle a dit : "Ecoute, Mlado, je vais être tout à fait

3 franche, je n'ai subi aucun désagrément". Et lorsque je suis arrivé au

4 quartier pénitentiaire, j'ai dit cela à M. le Procureur.

5 Madame le Procureur m'a dit que…

6 M. Fila (interprétation). – Non, non, non, non, arrêtez-vous là !

7 Merci !

8 Au cours de votre séjour à Omarska, avez-vous tué ou frappé

9 quelqu'un ?

10 M. Radic (interprétation). – Non. Monsieur Fila, quelles que

11 soient les circonstances, je me suis comporté correctement au centre

12 d'enquête. Quand je voyais des gens que je fréquentais, en tant qu'adulte,

13 je me posai la question de savoir ce que j'aurais demandé à ces hommes, si

14 c'est moi qui avais été assis là-bas et que c'était eux qui me gardaient.

15 La conclusion que j'ai atteinte, c'est que je me serais sûrement attendu à

16 ce qu'ils se comportent en hommes et qu'ils ne me fassent rien de mauvais.

17 Donc, dans toute cette histoire, je n'ai pas cessé de me dire à moi-même :

18 "Monsieur Radic, tu ne tueras personne. D'ailleurs, tu n'as aucune raison

19 de le faire et tu ne frapperas personne, tu ne blesseras personne, tu ne

20 feras pas le moindre mal à qui que ce soit, car ce serait inhumain, ce

21 serait immoral, et cela ne serait pas normal". Je pensais toujours à

22 comment je me sentirais si j'étais là-bas et que lui était gardien.

23 M. Fila (interprétation). - Mais, je vous demande tout de même, si

24 vous avez vu des personnes qui avaient des ecchymoses et qu'on avait

25 frappées. Avez-vous dit en avoir rencontrées ?

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1 M. Radic (interprétation). – Oui, oui.

2 M. Fila (interprétation). - De qui s'agissait-il ?

3 M. Radic (interprétation). - Un jour, je suis arrivé, en bas, à la

4 cantine, en provenance des bureaux. J'étais donc debout, là, dans la

5 cantine, j'avais apporté de la nourriture, et une de ces femmes détenues

6 qui distribuaient la nourriture, je ne sais pas si c'est [expurgée]ou

7 Mme Zigil, parce que c'étaient celles que je connaissais le mieux, mais en

8 tout cas, l'une d'entre elle m'a dit qu'un gardien frappait un homme, là,

9 dans cette partie du centre, sur la pista.

10 Je me suis retourné, je suis allé près de la porte, et j'ai vu

11 Zdravko,, un gardien qui, à ce moment-là, je le suppose, faisait son

12 travail, avait terminé son travail. Il avait frappé cet homme. Je suis allé

13 le voir et je lui ai dit : "Monsieur Zdravko, pourquoi tu as fait cela ?"

14 Il y avait une centaine d'hommes assis sur la pista, qui

15 regardaient ce qui se passait. Je lui ai dit : "Toi, pendant ce temps-là,

16 tu frappes cet homme devant tous ces spectateurs". Il m'a dit, au lieu de

17 s'excuser, que je pouvais me le mettre là où je pense. Que ce n'était pas

18 mon devoir que de lui faire cette remarque, que je n'avais qu'à aller là où

19 j'avais été affecté, à mon poste, et que lui savait exactement où il était

20 affecté et faisait ce qu'il avait à faire.

21 Je tiens à souligner ici, aujourd'hui, que d'après le règlement,

22 je n'avais pas à lui faire cette remarque. Mais je lui ai fait cette

23 remarque, et il m'a répondu comme je viens de le dire. Or, la remarque que

24 j'ai faite, je l'ai faite parce que j'avais, humainement et moralement, le

25 sentiment qu'il ne devait pas agir comme il le faisait.

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1 M. Fila (interprétation). - Aviez vous peur ?

2 M. Radic (interprétation). - Je vous dirai que je n'étais pas

3 indifférent et, bien entendu, après l'incident que vous a relaté M. Kvocka,

4 puisqu'un certain nombre d'hommes ont été physiquement blessés, cela nous a

5 impressionnés nous tous. Et nous avons fini par nous demander de qui il

6 fallait que nous attendions de recevoir une balle ou une autre forme de

7 blessure. La situation était vraiment très déplaisante.

8 M. Fila (interprétation). - J'aimerais que l'on remette, à

9 présent, au témoin un document qui est le seul que la défense est parvenue

10 à recueillir, à savoir les affectations du personnel. Le document DR8, mais

11 la photocopie est de mauvaise qualité, je dois dire, assez peu lisible.

12 Donc, je prierai M. Abtahi de bien vouloir remettre l'original, peut-être,

13 au témoin, car c'est lui qui a l'original ; les autres documents n'étant

14 que des photocopies.

15 M. Abtahi. - Je dispose également ici uniquement des photocopies.

16 M. Fila (interprétation). - Mais l'original a été donné au

17 greffier, M. Olivier Fourmy afin que l'on remette celui-ci au témoin.

18 M. Abtahi. - L'original, je l'ai vu de mes propres yeux mais, ici,

19 je ne dispose que de la photocopie.

20 M. Fila (interprétation). - L'accusé s'exprimera sur la photocopie

21 et les Juges pourront voir l'original lorsque ce sera nécessaire.

22 M. le Président. - Je crois que nous avons l'original.

23 M. Abtahi. - Ce document, Monsieur le Président, portera la

24 cote D9/3.

25 M. Fila (interprétation). – Oui, oui.

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1 Monsieur Radic, pouvez-vous nous dire en quelques mots quelle est

2 la nature de ce document ?

3 M. Radic (interprétation). - Eh bien, je vais vous dire. Il s'agit

4 ici des affectations, enfin c'est un journal que je tenais pendant la durée

5 de mon travail à Omarska. J'ai rédigé cela au poste de police d'Omarska. On

6 voit quels sont mes horaires de travail, de 7 à 15, de 7 à 19 parfois, et

7 on voit les jours de travail.

8 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire, si sur ce

9 document, on peut voir quels sont les jours que vous avez passés à

10 travailler à Omarska ?

11 M. Radic (interprétation). - Oui, ici figure chacune des journées

12 où j'ai travaillé dans le centre d'enquête, de quelle heure à quelle heure,

13 et lorsqu'il y a des cases blanches, cela veut dire que ne travaillais pas

14 et que je n'ai pas pénétré dans centre d'enquête.

15 M. Fila (interprétation). - Cela signifie que vous étiez remplacé

16 par quelqu'un ? Est-ce que le nom de votre remplaçant y figure ?

17 M. Radic (interprétation). - Ce qui figure, ici, ce sont

18 simplement mes horaires de travail.

19 M. Fila (interprétation). - Qui vous remplaçait ?

20 M. Radic (interprétation). - Les autres policiers de réserve, ceux

21 qui venaient travailler.

22 M. Fila (interprétation). - Est-ce qu'au cours de votre existence,

23 vous avez jamais été membre du SDS ?

24 M. Radic (interprétation). – Non, jamais.

25 M. Fila (interprétation). - J'aimerais que l'on remette au témoin

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1 le document DR9 de la défense et je prierai l'accusé de nous dire de quoi

2 il s'agit.

3 M. Abtahi. - Pièces D10/3 et D10/ 3-a pour la version anglaise

4 pour la version anglaise.

5 M. Fila (interprétation). - Quel est ce document ?

6 M. Radic (interprétation). - Il s'agit d'un certificat qui indique

7 que M. MladoRadic et M. Milojica Kos, nés tous les deux dans le village de

8 Lamovita, municipalité de Prijedor, en Bosnie-Herzégovine, n'ont pas été

9 membres du parti démocratique serbe, comme le montre la documentation

10 existante établie par ce conseil municipal ; signé par le président Dusan

11 Beric.

12 M. Fila (interprétation). - J'aimerais, maintenant, que l'on vous

13 remettre les documents DR10 et DR11, les deux à la fois.

14 M. Abtahi. - Le document DR10 sera coté D11/3 et le document DR11

15 sera coté D12/3.

16 M. Fila (interprétation). - A la lecture de ces documents,

17 monsieur Radic, on constate que vous donniez votre sang bénévolement.

18 M. Radic (interprétation). - Oui.

19 M. Fila (interprétation). - Pouvez-vous nous dire pourquoi vous

20 donniez votre sang bénévolement ?

21 M. Radic (interprétation). - J'ai déjà expliqué qu'à 19 ans, je

22 suis allé accomplir mon service militaire. Or, lorsque j'étais dans mon

23 unité à l'armée, un officier de garde a appelé mon nom, un matin, en même

24 temps que le nom de trois autres jeunes gens. Je ne savais pas de quoi il

25 s'agissait. On nous a fait entrer dans un bureau et il nous a ordonné de

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1 nous asseoir. Cet ordre était un peu inhabituel pour un simple soldat.

2 A ce moment-là, il nous a dit qu'il avait lu nos cartes

3 d'enregistrement au moment de notre arrivée, qu'il avait constaté que nous

4 avions un sang de groupe "O-", tous les quatre. Il nous a donc demandé de

5 donner notre sang parce que le commandant de ma caserne, le capitaine

6 Pevendo Patija, avait eu un grave accident de voiture dans la nuit. Il

7 était quelque part à l'hôpital de Susac, et on nous a donc demandé de

8 donner notre sang. J'ai accepté. On nous a emmenés à l'hôpital, nous avons

9 donné notre sang. Le capitaine était hospitalisé à ce moment-là. Après, il

10 est sorti. D'ailleurs, pendant son séjour à l'hôpital, j'ai donné mon sang,

11 une fois, deux fois, ou trois fois, je ne me rappelle plus exactement, ce

12 qui m'a valu quelques jours de permission.

13 M. Fila (interprétation). - Pour quel motif avez-vous continué à

14 donner votre sang ?

15 M. Radic (interprétation). - Par la suite, quand je suis arrivé

16 dans la police, j'ai réfléchi au fait que j'avais eu la possibilité, un

17 jour, avec 350 grammes de mon sang, de sauver la vie d'une autre personne,

18 et j'ai pensé que je pourrais continuer. Donc je me suis inscrit à Ljublja

19 parmi les personnes qui acceptaient de donner leur sang. Selon moi, j'ai

20 donné 102 fois mon sang, 350 grammes à chaque fois, ce qui doit faire à peu

21 près 35 litres de sang ou un peu plus. Et je l'ai fait sans jamais me

22 demander si ce sang serait donné à un Croate, à un Musulman, à un Serbe, à

23 un Tzigane, à un habitant de Krajina ou à qui que ce soit d'autre.

24 M. Fila (interprétation). - Avez-vous participé à des opérations

25 militaires ?

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1 M. Radic (interprétation). - Non.

2 M. Fila (interprétation). - Vous avez appris que vous étiez mis en

3 accusation parce que votre acte d'accusation était public ?

4 M. Radic (interprétation). - Oui, je l'ai appris en 1996.

5 M. Fila (interprétation). - Après avoir appris votre mise en

6 accusation, avez-vous quitté l'endroit où vous habitiez et vous êtes-vous

7 enfui quelque part pour vous cacher ?

8 M. Radic (interprétation). - Non, je ne me suis caché nulle part.

9 J'ai continué à vivre tout à fait normalement à Prijedor où je vis encore

10 aujourd'hui dans mon appartement, rue du Roi Alexandre au numéro 36. Je

11 circulais normalement en ville. J'ai une petite maison aussi dans le

12 village de Lamovita. Mon père ne se souvient même pas quand elle a été

13 construite. Or, il est né en 1907.

14 J'ai reçu un avertissement. On me disait qu'il fallait que je me

15 cache. On m'a même conseillé de changer les traits de mon visage, de

16 changer d'identité. Je n'ai pas un instant envisagé la chose et voilà j'ai

17 fini par être arrêté.

18 M. Fila (interprétation). - Au moment de votre arrestation, on a

19 trouvé sur vous deux cartes d'identité ?

20 M. Radic (interprétation). - Oui, c'est exact.

21 M. Fila (interprétation). - Comment cela se fait-il ?

22 M. Radic (interprétation). - J'avais ma carte d'identité qui

23 indique mon identité et j'avais aussi une carte d'identité professionnelle

24 qui indique que je suis policier. C'est M. Simo Drljaca qui m'a remis cette

25 carte d'identité professionnelle lors de mon engagement. Je ne me cachais

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1 pas, j'ai mis ces deux cartes d'identité dans le même portefeuille que j'ai

2 mis dans ma poche et que je portais sur moi. Si j'avais eu l'intention de

3 me cacher, j'aurais très certainement caché ces deux pièces d'identité.

4 M. Fila (interprétation). - Mais pourquoi ne vous êtes-vous pas

5 rendu, monsieur Radic, puisque vous n'avez pas changé d'adresse et que vous

6 ne vous êtes pas caché ?

7 M. Radic (interprétation). - Vous savez pourquoi ? Je vais être

8 sincère. A l'époque où l'acte d'accusation a été dressé à mon encontre, et

9 à l'époque de l'acte d'accusation contre Simo Drlajaca sur le territoire de

10 Prijedor et dans les environs, il n'aurait pas pu se trouver une seule

11 personne qui se serait opposée à assumer sa responsabilité. Monsieur Simo

12 Drljaca ne l'a pas fait d'ailleurs. Si j'avais agi de la sorte, j'aurais

13 sans doute signé un acte d'accusation contre ma famille qui est restée là-

14 bas.

15 M. Fila (interprétation). - Je vous prie de m'excuser, Monsieur le

16 Président, pour les deux minutes de débordement sur l'horaire… Mais

17 monsieur Radic, vous avez admis, et nous avons admis dans ce procès, qu'il

18 y a eu des assassinats, des passages à tabac, des actes inhumains au centre

19 d'Omarska. Vous l'avez dit vous-même, vous avez dit l'avoir constaté.

20 M. Radic (interprétation). - C'est exact.

21 M. Fila (interprétation). - Vous avez dit avoir constaté que les

22 conditions en vigueur étaient inhumaines. La question que j'ai posée est la

23 suivante : comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Comment vous êtes vous

24 senti à l'époque de faire partie de l'appareil qui gardait ce centre

25 d'enquête, ne serait-ce qu'en position de gardien ?

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1 M. Radic (interprétation). - Je ne sais pas exactement ce que peux

2 vous dire. En tant qu'homme, je vous dirai simplement que j'ai honte de

3 tout ce qui s'est passé. J'ai honte, pour les gens qui ont fait ce qu'ils

4 ont fait. Et vraiment, je regrette grandement les souffrances qui ont été

5 imposées à ces personnes, si ces souffrances ont réellement été imposées et

6 ces humiliations. Mais je considère que, puisque je n'ai blessé personne,

7 je n'ai tué personne, puisque je n'ai volé son camion ou quelque autre

8 objet à personne, je considère que je ne suis pas coupable de ce genre de

9 choses mais en tant qu'homme j'ai honte d'avoir survécu.

10 M. Fila (interprétation). - Mais pourquoi ne vous êtes pas enfui ?

11 Pourquoi n'avez-vous pas jeté votre uniforme pour prendre la fuite ?

12 M. Radic (interprétation). – Oh, monsieur Fila, si j'avais agi

13 ainsi, j'aurais signé un acte de condamnation à mort à l'encontre de ma

14 famille.

15 M. Fila (interprétation). - Merci beaucoup. C'est la fin de mes

16 questions, Monsieur le Président.

17 M. le Président. - Merci beaucoup Maître Fila d'avoir été aussi

18 efficient et efficace. Merci beaucoup. Vous pouvez vous asseoir.

19 La Chambre de première instance vous remercie beaucoup M. Radic

20 d'avoir voulu vous présenter comme témoin. Donc on va continuer votre

21 procès.

22 Madame Hollis, peut-être, c'est le moment de me tourner vers vous

23 pour savoir où sommes-nous parce qu'il était prévu de commencer vos témoins

24 lundi prochain. Mais il y avait un peu quand même la possibilité que vous

25 puissiez amener quelques témoins avant. Nous avons dit que M. Niemann

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1 alliez faire le meilleur effort. Où sommes-nous maintenant madame Hollis ?

2 M. Hollis (interprétation). – Oui, Monsieur le Président. Compte

3 tenu des changement dans le calendrier, nous avons pris des dispositions la

4 semaine dernière pour que des témoins soient amenés ici et puissent

5 témoigner mercredi et jeudi. Donc, nous avons trois témoins disponibles

6 pour s'exprimer, et nous en avons deux autres qui peuvent prendre le

7 départ, commencer leur voyage le cas échéant. Mais, les dépositions ne

8 devraient commencer que mercredi, Monsieur le Président, sur la base de ce

9 que nous avons cru comprendre des dispositions prises la semaine dernière.

10 M. le Président. - Excusez-moi. Monsieur Fila ?

11 M. Fila (interprétation). - Monsieur le Président, j'ai une

12 proposition à faire. Je suis absolument d'accord pour dire que nous avons

13 placé le bureau du Procureur dans une situation un peu nouvelle, et il est

14 bon qu'il soit capable d'amener ici six témoins. Mais j'ai une proposition

15 à faire, parce que deux journées ne suffiront pas pour l'audition de six

16 témoins. Donc nous aurons besoin du mardi, du vendredi aussi. Alors est-ce

17 que la conférence de mise en état, prévue vendredi, ne pourrait pas être

18 tenue demain ? De sorte que cela laisserait le temps nécessaire au

19 Procureur pour l'arrivée de ses témoins.

20 Je vous prie de m'excuser de me mêler de votre travail, Monsieur

21 le Président, mais je crois que c'est une proposition positive.

22 M. le Président. – Oui, moi-même, j'ai pensé à faire une

23 anticipation de la conférence de mise en état mais je crois, quand même,

24 que nous avons au moins pour moi-même, je dois avoir un peu de temps pour

25 revoir le travail qu'on a fait, pour arriver à avoir des conclusions,

Page 1072

1 notamment vous vous rappelez que les (inaudible), c'était de dresser le

2 constat judiciaire qui a fait objet de l'accord des parties. Après le

3 témoignage des accusés, revoir pour savoir si on peut élargir encore

4 l'accord.

5 Donc, il faut quand même revoir bien pour savoir si il y a

6 quelques conséquences. Je ne sais pas si les parties sont déjà en condition

7 de faire des propositions, mais de toute façon, je pensais faire la

8 conférence de mise en état pas tout à fait à la suite de la fin, mais après

9 quelque temps pour réfléchir un peu. Donc je ne sais pas si Mme Hollis a

10 quelque chose à dire à propos de cette proposition de Me Fila ?

11 Mme Hollis (interprétation). - Nous apprécions évidemment les

12 tentatives de Me Fila pour accélérer la procédure, mais si nous avions

13 cette conférence de mise en état demain, Monsieur le Président, nous

14 pensons que peut-être les Juges de cette Chambre n'auront pas suffisamment

15 de temps pour apprécier la signification de tous ces faits. Cela étant, si

16 vous acceptez la conférence de mise en état demain, nous serons à même d'y

17 participer de façon efficace, bien entendu.

18 Et puis, Monsieur le Président, il y avait un autre point que nous

19 souhaitions évoquer avant l'audition de nos témoins si vous souhaitez les

20 entendre maintenant. Il y en a deux en fait, deux points. Ils pourraient

21 être mis au procès-verbal d'audience ; sinon, je peux attendre, Monsieur le

22 Président.

23 M. le Président. - Je vais vous faire une proposition,

24 Madame Hollis, et aux avocats de la défense. Si j'ai bien compris, je crois

25 que le Procureur est en condition d'amener des témoins pour mercredi de la

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1 semaine prochaine. Ce que l'on pourrait faire, c'est faire la conférence de

2 mise en état le mardi, on règle plusieurs choses qu'on a à régler,

3 notamment et éventuellement ces questions que Mme Hollis allait poser, des

4 questions préliminaires avant de présenter ses témoins, et le mercredi, on

5 commence avec le témoignage, la présentation des moyens à charge.

6 De cette façon, nous pourrions avoir le temps pour préparer la

7 mise en état, nous ferions la mise en état le mardi, avec toutes les

8 questions préliminaires pour la présentation des moyens à charge, et le

9 mercredi on commence. Donc, je ne sais pas si c'est possible ou non.

10 Mme Hollis (interprétation). - Monsieur le Président, peut-être

11 est-ce un problème de traduction ou peut-être n'ai-je pas bien compris,

12 mais moi, j'ai cru comprendre que cette semaine était la dernière de cette

13 session de deux semaines et que la semaine prochaine les Juges de cette

14 Chambre participeront à une autre affaire. Donc, vous venez de proposer que

15 nous entendions nos témoins la semaine prochaine, mais ce n'est pas ce que

16 j'avais à l'esprit, Monsieur le Président. Quand j'ai parlé de mercredi, je

17 pensais à mercredi de cette semaine. Peut-être ai-je mal compris, mais je

18 pensais que nous parlions de cette semaine s'agissant de l'audition de nos

19 témoins.

20 M. le Président. - Vous avez tout à fait raison, Madame Hollis et

21 je vous remercie énormément, parce qu'on oublie que l'on travaille

22 doublement. Oui, je crois que vous proposiez d'amener vos témoins ce

23 mercredi ?

24 Mme Hollis (interprétation). - Oui, Monsieur le Président. Le

25 calendrier a été modifié la semaine dernière et donc, pour tenir compte de

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1 ces modifications de calendrier sans retarder indûment la procédure, nous

2 nous sommes adressés une nouvelle fois à nos témoins en leur demandant

3 s'ils pouvaient accepter cette quatrième modification du calendrier.

4 Nous avons trouvé des témoins disponibles, trois témoins sur

5 lesquels nous pouvons compter de façon définitive et trois autres que nous

6 pourrons peut-être faire venir si nous en avons encore besoin. Et c'est ce

7 mercredi, les 7 et 8 mars, que ces témoins pourraient être disponibles car

8 nous avons cru comprendre que nous ne siégions pas le 9.

9 Ah, excusez-moi aujourd'hui est le 6, demain le 7, donc mercredi

10 le 8 et jeudi le 9. Les 8 et 9 mars sont les journées pour lesquelles nous

11 avons tenté d'organiser une audition de témoins.

12 (Les Juges se consultent sur le siège.)

13 M. le Président. - Bon, nous avons ici un problème. Nous

14 travaillons depuis, je crois, je ne sais pas combien, au moins une heure et

15 45 minutes. Cela veut dire qu'il faut faire une pause. Cela veut dire que

16 la Chambre a d'autres compromis, comme vous le savez publiquement, avec une

17 autre affaire.

18 Les interprètes. - Les interprètes aussi, Monsieur le Président.

19 M. le Président. - Je pensais à une heure 45. C'est beaucoup pour

20 les interprètes. Nous pensions terminer à 14 heures 30. Ce que je vous

21 propose : on doit vraiment préparer cette conférence de mise en état, à mon

22 avis. On doit bien analyser le travail qu'on a et on doit y réfléchir pour

23 prendre des décisions correctes.

24 Je vais demander à Mme Hollis : quelles sont les questions, très

25 rapidement, que vous deviez considérer, si on peut décider tout de suite,

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1 on décide. Si on ne peut pas, on prend en considération les questions pour

2 mercredi, en commençant la présentation des moyens de preuve à charge.

3 Donc, si vous voulez, madame Hollis, vous avez 2 minutes ou

4 3 minutes pour poser les questions que vous aviez à poser avant de

5 présenter les moyens de preuve.

6 Mme Hollis (interprétation). - Merci, Monsieur le Président.

7 Il y a un problème qui est un problème de fond, qui a trait à

8 l'arrivée récente au centre de détention d'un co-accusé, auquel sont

9 reprochés des crimes commis dans le camp d'Omarska et le deuxième point est

10 un point lié à la procédure qui porte sur les déclarations préalables et

11 les résumés des témoins.

12 Mais si vous me le permettez, je traiterai d'abord du point

13 matériel.

14 M. Prcac a été transféré au Tribunal la nuit dernière en

15 provenance de Bosnie-Herzégovine. C'est un co-accusé avec les accusés qui

16 comparaissent ici pour les crimes commis à Omarska. Donc, pour le

17 Procureur, la question se pose car le problème de l'équilibrage entre droit

18 et responsabilité est à examiner. L'arrivée de cet homme ici dans la

19 période actuelle soulève la question de savoir comment équilibrer l'usage

20 le plus efficace et le plus raisonnable qui soit des moyens, des

21 ressources, avec la nécessité d'un procès équitable et rapide.

22 Si l'on examine cet équilibre nécessaire, du côté du bureau du

23 Procureur, nous disons qu'il serait raisonnable de penser à une pause dans

24 le procès, qui permettrait à la défense de M. Prcac, de préparer cette

25 défense et de procéder à un procès conjoint pour les 4 accusés ici et

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1 M. Prcac.

2 De tous les points de vue, en tout cas, en théorie, les éléments

3 de preuve que peut présenter M. Prcac seront parallèles à ceux que

4 présenteront les défenses des 4 accusés ici.

5 Etant donné que l'époque visée par les actes d'accusation et les

6 traumatismes qu'ont subi les témoins sont comparables également et en

7 tenant compte bien entendu de la nécessité d'un procès équitable et rapide,

8 nous nous sommes posés la question de savoir si l'intérêt des accusés, ici,

9 serait violé et nous répondons à cela en disant que les accusés en question

10 sont emprisonnés depuis déjà assez longtemps, et que l'accusation n'a pas

11 encore commencé la présentation de ses moyens de preuve. Donc si

12 l'ajournement était raisonnable, disons 90 jours, pour permettre à M. Prcac

13 d'être joint à ce procès –je ne parle pas de jonctions des actes

14 d'accusation puisqu'ils sont déjà dans le même acte d'accusation- mais s'il

15 pouvait y avoir jonction d'instances au niveau du procès, je crois que ce

16 serait très intéressant pour le Tribunal. Nous estimons que le droit

17 fondamental à respecter est le droit dont jouissent tous les accusés, droit

18 à un procès équitable et rapide.

19 Mais la rapidité, à notre avis, ne se chiffre pas en jours ou en

20 mois, mais doit être également examinée du point de vue des circonstances

21 en vigueur. Nous pensons que cette question est une question tout à fait

22 importante. C'est un problème matériel, un problème de fond qu'il importe,

23 d'après nous, de régler avant le début de l'audition des témoins de

24 l'accusation.

25 Est-ce que vous souhaitez, Monsieur le Président, que je passe

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1 maintenant à la présentation de mon point de procédure ou souhaitez-vous

2 apporter une réponse à ce point de fond que je viens d'évoquer ?

3 M. le Président. - Avant de passer à votre point de procédure,

4 j'aimerais bien dire qu'au moins, on va rester avec l'information. On a au

5 moins demain pour réfléchir. Donc la prochaine séance, on va reprendre

6 votre question car on doit quand même, pour décider, entendre la défense.

7 Aujourd'hui, ce n'est pas possible.

8 Donc, peut-être, on va passer à votre deuxième point, au moins

9 pour savoir et pour avoir une référence d'information sur le contenu.

10 Mme Hollis (interprétation). - Merci Monsieur le Président. Et

11 puis j'ai dit que j'avais un deuxième point à évoquer, qui est un point de

12 procédure.

13 Il est en rapport avec la façon dont nous allons traiter les

14 résumés des dépositions préalables de chacun de nos témoins. Dans ces

15 résumés, un grand nombre d'éléments qui, dans le cas contraire, doivent

16 être recueillis de la bouche du témoin dans le prétoire sont inscrits noir

17 sur blanc.

18 Si dans le prétoire, le résumé en question peut être lu à haute

19 voix au témoin, et que le témoin peut l'adopter, c'est une procédure

20 intéressante, mais qui nécessite tout de même un certain temps au cours des

21 débats dans le prétoire. Il y aurait une autre procédure possible. Que nous

22 parlions, par exemple, au témoin avant qu'il ne témoigne ; qu'on lui lise

23 le résumé dans sa langue, que pour chacun des paragraphes du résumé, le

24 témoin confirme que les propos figurant dans ce paragraphe sont conformes à

25 la réalité et correspondent à l'expérience du témoin et, ensuite, le résumé

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1 pourrait être versé au dossier en tant qu'élément de preuve comme pièce à

2 conviction de l'accusation, et on pourrait se contenter de demander au

3 témoin si le contenu du résumé correspond bien à l'expérience du témoin.

4 Nous estimons que cela permettrait de gagner du temps en prétoire.

5 Nous avons fourni des exemplaires de ces résumés de déclarations préalables

6 à la défense. Nous avons fourni ces documents en anglais, ils peuvent être

7 lus au témoin et, simplement, une confirmation peut être demandée au témoin

8 dans le prétoire. Nous aimerions maintenant savoir ce qu'en pensent les

9 Juges.

10 M. le Président. – Maintenant, Madame Hollis, vous pouvez vous

11 asseoir. On va enregistrer seulement cela, sinon je risque vraiment d'être

12 accusé de maltraiter les gens ! Et donc je ne peux pas très accusé de

13 cela !

14 Mais je veux ajouter seulement pour terminer, je m'excuse,

15 seulement une demie minute, peut-être on pourrait aller un peu plus loin.

16 Ce n'est pas la même question mais quand nous présentons ici un document,

17 comme vous savez, il y a toujours cette préoccupation de faire parler le

18 témoin à-propos du document. J'aimerais quand même que vous puissiez

19 considérer, séparer le document qui parle par lui-même , et le témoignage

20 qui parle aussi par lui-même. S'il y a un document qui est écrit, je crois

21 que nous tous savons lire, il n'est pas nécessaire qu'un témoin pour nous

22 lire le document. Donc j'aimerais quand même que vous puissiez aller un peu

23 plus loin et penser aussi à cette question.

24 Donc, je dois fermer la séance aujourd'hui. Je vous laisse donc

25 ces indications. Il y a trois questions à penser, pour nous, pour la

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1 prochaine fois. On va reprendre la séance le mercredi avec le témoin du

2 Procureur. Mais, avant de commencer le témoignage, on doit décider de cette

3 question.

4 La conférence de mise en état dont nous avons parlé, pour faire la

5 réévaluation des accords, va se tenir pour l'autre semaine où nous allons

6 avoir le procès Kvocka, c'est-à-dire la première semaine… Je n'ai pas ici

7 l'agenda mais vous le connaissez. Nous finissons cette semaine. Après nous

8 avons 15 jours sans avoir Kvocka, quand nous reprenons Kvocka, nous ferons

9 la conférence de mise en état. Là, je crois que nous tous avons eu le temps

10 de réfléchir, de penser, éventuellement de faire des échanges entre les

11 parties, pour revoir les accords que nous avons déjà acquis, et savoir si

12 nous pouvons ou non élargir après le témoignage de ces accusés.

13 Je ne peux pas aller plus loin maintenant, parce que comme j'ai

14 dit, il y a d'autres compromis et les interprètes vont me mettre dans le

15 banc des accusés pour les avoir maltraités. Donc je ne peux pas risquer

16 cela. Pour aujourd'hui, on va en rester à cela. Je vous remercie de toute

17 façon de votre collaboration.

18 Merci beaucoup, et à mercredi.

19 (La séance est levée à 14 heures 55.)

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