Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

Page 1329

  1   TRIBUNAL PENAL INTERNATIONAL                     AFFAIRE N° IT-98-30/1-T

  2   POUR L'EX-YOUGOSLAVIE  

  3   Jeudi 04 Mai 2000.

  4   (L'audience est ouverte à 9 heures.)

  5   (Le témoin est déjà introduit dans le prétoire.)

  6         M. le Président : Bonjour Madame Messieurs, Bonjour cabine

  7   technique, les interprètes sont là. Bonjour aussi pour les sténotypistes,

  8   pour l'accusation, je vois que M. Keegan n'est pas là.

  9   Pour la défense, je crois que tout le monde est là. Bonjour également les

 10   accusés. Nous sommes ici pour reprendre l'affaire Kovacka et autres.

 11   Finalement nous allons recommencer je crois. De toute façon, j'aimerais

 12   bien vous donner cette information en partie. S'agissant de la décision de

 13   la Chambre par rapport aux requêtes écrites, on a pris déjà des mesures

 14   et, comme vous avez bien compris, c'est une façon de dissuader les parties

 15   de déposer les requêtes écrites, mais de les faire oralement. Donc tous

 16   les problèmes qu'on peut voir dans le dépôt d'une requête écrite peuvent

 17   être évités si on le fait oralement. Voilà, c'est tout simple.

 18   Donc Madame Hollis, nous voyons que nous avons déjà un témoin dans le

 19   prétoire.

 20         Mme Hollis (interprétation) : Oui, Monsieur le Président. Ce témoin

 21   s'appelle Emire Beganovic.

 22         M. le Président : Bonjour Témoin, vous m'entendez ? La cabine me dit

 23   que le témoin est inaudible. Pouvez-vous parler un peu plus fort ? Vous

 24   m'entendez bien ?

 25   R.    Bonjour, je vous entends bien.


Page 1330

  1         M. le Président : Maintenant, la cabine a entendu aussi. Vous allez

  2   lire la déclaration solennelle que M. l'Huissier va vous tendre.

  3   R.    Je déclare solennellement que je dirai la vérité, toute la vérité,

  4   rien que la vérité.

  5         M. le Président : Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Merci

  6   beaucoup d'être venu. Excusez-nous du dérangement que nous vous avons

  7   causé. Maintenant, nous allons vraiment commencer. Pour l'instant, vous

  8   allez répondre aux questions que Mme Hollis va vous poser. Madame Hollis,

  9   c'est à vous.

 10   (INTERROGATOIRE DE Mme HOLLIS)***

 11   Q.    Merci Monsieur le Président. Pourriez-vous vous présenter s'il vous

 12   plaît ?

 13   R.    Emir Beganovic.

 14   Q.    Votre date de naissance ?

 15   R.    Le 27 octobre 1955 à Prijedor.

 16   Q.    Avez-vous des surnoms ?

 17   R.    Oui j'en ai deux : Bradso* et Began.

 18   Q.    Vous êtes de quelle appartenance ethnique ?

 19   R.    Je suis citoyen de Bosnie et je suis musulman de religion.

 20   Q.    En 1992, étiez-vous marié ? Aviez-vous des enfants ?

 21   R.    Oui, j'étais marié, j'avais un fils.

 22   Q.    Avez-vous effectué votre service militaire ?

 23   R.    Oui, j'ai fait mon service en 1975 et 1976, dans l'ex-JNA.

 24   Q.    Quelle était votre spécialité ou quelles étaient vos tâches au sein

 25   de la JNA ?


Page 1331

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1332

  1   R.    J'étais dans le génie des pionniers.

  2   Q.    Avant le mois de mai, le 30 mai 1992, quelle était votre profession

  3   ?

  4   R.    J'étais dans l'hôtellerie, à titre particulier et avec mon épouse

  5   j'avais aussi une boutique de fleurs, elle était fleuriste.

  6   Q.    Aviez-vous d'autres occupations à l'époque ?

  7   R.    Non.

  8   Q.    Donc vous aviez une boutique de fleurs et puis vous aviez également

  9   un restaurant. Est-ce exact ?

 10   R.    Oui, j'avais des cafés, des restaurants, plusieurs établissements de

 11   restauration, trois, et puis le quatrième, c'était donc cette boutique de

 12   fleurs qui appartenait à mon épouse.

 13   Q.    Ces magasins et ces établissements, où se trouvaient-ils ?

 14   R.    Ils étaient tous situés au centre de la ville.

 15   Q.    Au centre de Prijedor ?

 16   R.    Oui.

 17   Q.    Pendant que vous viviez à Prijedor, vous viviez à quel endroit ?

 18   R.    Jusqu'à l'année 1990, j'ai vécu dans la vieille ville où je suis né

 19   et j'ai déménagé rue Esad Milica où je me suis aménagé un appartement en

 20   haut d'un de ces établissements.

 21   Q.    Là où vous vous êtes installé en 1990, c'est dans quelle partie de

 22   la ville de Prijedor ?

 23   R.    C'est le centre-ville, rue Esad Milica qui est parallèle avec la rue

 24   du Maréchal Tito, derrière l'ancien hôtel Balkan. C'est là qu'est située

 25   cette rue.


Page 1333

  1   Q.    Avant les événements qui se sont produits et qui ont commencé en mai

  2   1992, comment présenteriez-vous votre situation sur le plan financier ?

  3   R.    J'étais un homme d'affaires qui avait du succès depuis très

  4   longtemps ; depuis que j'étais petit, j'étais dans l'hôtellerie avec mon

  5   père. Nous étions parmi les gens aisés de Prijedor.

  6   Q.    Quelle était à peu près la valeur de vos biens en mai 1992 ?

  7   R.    Mon estimation est que j'ai perdu entre un million et demi et deux

  8   millions de marks allemands dans cette guerre, compte tenu des biens,

  9   meubles et immobiliers, donc de tout ce que je possédais.

 10   Q.    Monsieur le Président, nous souhaitons présenter la carte de la

 11   ville de Prijedor. Nous souhaitons la verser comme pièce à conviction. Ce

 12   sera la pièce 3/76. Nous avons fourni les copies à la défense hier et nous

 13   avons des copies également pour le Greffe et pour vous, Monsieur le

 14   Président, Monsieur et Madame les Juges.

 15   (L'huissier s'exécute.)

 16   Q.    Peut-on placer cela sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

 17   (L'huissier s'exécute).

 18   Huissier, pourriez-vous rapprocher le rétroprojecteur du témoin ? Monsieur

 19   Beganovic, prenez un instant pour vous repérer sur la carte, s'il vous

 20   plaît.

 21   R.    Oui.

 22   Q.    Vous avez dit que jusqu'en 1990, vous avez vécu dans Stari Grad, la

 23   vieille ville. Pourriez-vous nous l'indiquer sur la carte ?

 24   R.    C'est cette partie, ici.

 25   Q.    C'est une zone qui est entourée d'un canal ou d'une rivière ?


Page 1334

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1335

  1   R.    C'est la rivière Zana*, ce canal s'appelle Bereg*. C'est le canal

  2   qui se jette dans la rivière Zana et la vieille ville constitue une île,

  3   en fait.

  4   Q.    Sur la carte qui est devant vous, de 1996, lorsqu'on regarde ce

  5   quartier de la vieille ville, on voit ici à peu près deux bâtiments.

  6   R.    Oui, c'est Lovac*, un établissement d'hôtellerie et puis un jardin,

  7   une terrasse d'été, le reste a été détruit.

  8   Q.    Le 30 mai 1992, combien y avait-il de bâtiments dans la vieille

  9   ville, à peu près ?

 10   R.    Entre 150 à 180, d'après moi, à peu près.

 11   Q.    Et quelle était l'appartenance ethnique des gens qui habitaient

 12   cette zone ?

 13   R.    A 100 % c'était des Musulmans. Un Serbe vivait dans la vieille

 14   ville, mais il ne possédait rien, il était locataire.

 15   Q.    Qui possédait la propriété dans les biens dans ce quartier ?

 16   R.    Tout était entre les mains des particuliers.

 17   Q.    De quelles appartenances ethniques ?

 18   R.    Ils étaient tous musulmans.

 19   Q.    Vous avez dit qu'il y avait des maisons, des logements. Est-ce qu'il

 20   y avait aussi des boutiques, des magasins ?

 21   R.    En 90, on a construit des bureaux ou des magasins dans une partie du

 22   parc.

 23   Q.    Qu'est-il arrivé à tous ces bâtiments qui existaient dans la vieille

 24   ville ?

 25   R.    Dans un premier temps, tous ces bâtiments ont été pillés, incendiés


Page 1336

  1   et rasés au bulldozer par la suite.

  2   Q.    Vous avez également dit que vous avez vécu dans le centre de

  3   Prijedor. Pouvez-vous nous montrer de quel quartier vous parlez, de

  4   l'endroit où étaient situés votre maison et vos restaurants ?

  5   R.    C'était au centre-ville, ici.

  6   Q.    Vous indiquez une zone qui lorsqu'on regarde la carte est à droite

  7   de la vieille ville. Est-ce exact ?

  8   R.    Oui.

  9   Q.    Quelle était la composition ethnique de ce quartier de la ville ?

 10   R.    C'est une population mixte de toutes les appartenances ethniques.

 11   Q.    Quand vous dites "toutes les appartenances ethniques", vous faites

 12   référence à quels groupes ethniques ?

 13   R.    Pour la plupart des Musulmans, des Serbes, des Croates et les

 14   autres.

 15   Q.    Monsieur le Président, l'accusation souhaite verser au dossier la

 16   pièce 3/76. Je demanderai à l'huissier de reprendre la carte s'il vous

 17   plaît.

 18         M. le Président : Du côté de la défense, il y a quelque objection ?

 19         M. Simic : Non.

 20         M. le Président : La pièce est versée, Madame Hollis. Merci

 21   beaucoup.

 22   Q.    Monsieur Beganovic, vous avez dit que des membres de différents

 23   groupes ethniques ont vécu dans la zone de Prijedor. Vous rappelez-vous à

 24   quelle date ont été tenues les élections en Bosnie ou en Yougoslavie ?

 25   R.    Je pense que c'était en 1991.


Page 1337

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1338

  1   Q.    Et dans la municipalité de Prijedor, quel est le parti qui a eu la

  2   majorité des voix ?

  3   R.    Le parti SDA.

  4   Q.    Ce parti était consitué majoritairement de membres de quel groupe

  5   ethnique ?

  6   R.    De Musulmans.

  7   Q.    Quels sont les autres partis politiques qui étaient présents dans

  8   cette zone à l'époque ?

  9   R.    Il y avait le parti SDA, SDS, HDZ et les réformistes d'Ante

 10   Markovic.

 11   Q.    Le parti SDS avait des membres qui étaient majoritairement d'un

 12   certain groupe ethnique ?

 13   R.    Pratiquement à 100 % c'était des Serbes.

 14   Q.    Je ne le vois pas à l'écran, mais il me semble que vous avez parlé

 15   des égarements du parti HDZ, est-ce exact ?

 16   R.    Oui.

 17   Q.    Les membres de ce parti étaient majoritairement de quel groupe

 18   ethnique ?

 19   R.    Des Croates.

 20   Q.    Vous avez mentionné le parti des réformistes, de quel parti s'agit-

 21   il ?

 22   R.    C'était le parti d'Ante Markovic qui a fondé ce parti et qui suivait

 23   un raisonnement économique. Il luttait pour une amélioration sur le plan

 24   économique, il avait pas mal d'adhérents à Prijedor et moi j'en faisais

 25   partie.


Page 1339

  1   Q.    Ce parti réformiste était-il entré en alliance avec l'un quelconque

  2   des autres partis politiques ?

  3   R.    Non.

  4   Q.    Dans quelle mesure étiez-vous politiquement actif ?

  5   R.    Je n'ai pas du tout été actif sur le plan politique, mais le docteur

  6   Esad Sadikovic, moi et Redo Marijanovic, en 1991, vers la fin de l'été,

  7   nous avons fondé la Ligue pour la paix, pour établir un certain équilibre

  8   entre ces partis. Nous voulions lutter pour la paix et attirer la plupart

  9   des gens de toutes les appartenances ethniques. Nous voulions montrer un

 10   parti constitué sur des bases ethniques qu'il n'y avait pas besoin de

 11   guerre à Prijedor. Nous luttions uniquement pour la paix, pour éviter la

 12   guerre, c'était notre seul objectif. Cependant, au début de 1992, on a vu

 13   que cela n'a pas marché.

 14   Q.    Cette ligue a pris part dans quel genre d'activité afin de démontrer

 15   aux gens que la guerre n'était pas nécessaire à Prijedor ?

 16   R.    C'était en été 1991, quand nous avons organisé cette Ligue pour la

 17   paix. Dans la Ligue, c'était pour la plupart une population urbaine de

 18   toutes les appartenances ethniques des Musulmans, des Croates, des Serbes.

 19   Et nous avons décidé d'agir par la voie des concerts publics que nous

 20   organisions dans la ville. Nous envoyions des messages de paix. Et nous

 21   sommes parvenus à chaque fois à réunir 7, 8 voire 10 000 personnes. Donc

 22   cela a signifié que les gens étaient favorables à la paix. Cependant cela

 23   ne convenait qu'à cette activité, ne convenait pas au parti et avec le

 24   temps, nous n'avions pas de locaux, nous n'avions pas où agir et nous

 25   avons été contraint d'arrêter. C'était fin mars-début avril que nous avons


Page 1340

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1341

  1   arrêté toute activité. Nous ne pouvions plus obtenir de permis pour

  2   organiser des concerts, des salles pour tenir des réunions et cela s'est

  3   éteint tout seul.

  4   Q.    Vous dites fin mars, début avril, de quelle année ?

  5   R.    1992.

  6   Q.    Vous avez dit que vous avez arrêté votre activité car vous n'aviez

  7   plus les permis pour organiser les manifestations. Qui vous refusait ces

  8   permis ?

  9   R.    Pour la plupart, c'était le parti SDS, car en mars c'est par la

 10   force que ce parti a essayé de prendre le pouvoir à Prijedor et nous qui

 11   étions dans la ligue pour la paix, nous avons rassemblé un grand nombre de

 12   citoyens qui sont sortis pacifiquement pour manifester devant le bâtiment

 13   de la mairie et nous avons réussi à remettre cela à plus tard.

 14   De plus en plus, le SDS reprenait le pouvoir des mains du SDA, ils étaient

 15   de plus en fort à Prijedor et ils n'avaient quasiment plus aucune

 16   possibilité d'avoir une activité à Prijedor. C'est comme cela que notre

 17   activité s'est arrêtée.

 18   Q.    Vous avez dit que cette ligue pour la paix a été fondée pour montrer

 19   aux gens qu'il n'était pas nécessaire qu'il y ait la guerre à Prijedor.

 20   Aviez-vous remarqué qu'il y avait des tensions entre les différents

 21   groupes ethniques à Prijedor ?

 22   R.    Oui, à partir du moment où le conflit a commencé en Croatie et que

 23   les tensions ont commencé à croître, car cette armée, la JNA,

 24   majoritairement c'étaient des Serbes qui allaient se battre en Croatie.

 25   Les Musulmans refusaient généralement d'aller se battre en Croatie et


Page 1342

  1   lorsqu'ils revenaient du front en Croatie, ils circulaient en ville,

  2   armés, ils tiraient des coups de feu.

  3   On s'est mis à vendre des armes, des grenades à main et voilà, les

  4   tensions allaient grandissant tous les jours.

  5   Q.    Lorsqu'ils revenaient de Croatie, ils circulaient armés en ville.

  6   Vous parlez de quels individus, de quel groupes de personnes ?

  7   R.    Je pense à l'armée serbe qui est allée se battre en Croatie pour

  8   faire la guerre dans les villes croates, sur les fronts croates.

  9   Q.    En plus de ces soldats serbes qui avaient des armes, avez-vous pu

 10   remarquer que d'autres individus à Prijedor ont reçu des armes ?

 11   R.    A l'époque non, je n'ai pas remarqué qu'il y avait d'autres

 12   personnes qui possédaient des armes, à l'exception de cette armée serbe

 13   qui faisait la guerre en Croatie.

 14   Q.    Vous avez dit qu'on s'était mis à vendre des armes. A qui, pour

 15   autant que vous le sachiez ?

 16   R.    A tous les citoyens. Tout un chacun qui avait de l'argent pouvait en

 17   acheter. On sait qu'un fusil automatique coûtait entre 1000 et 1500 marks

 18   allemands. Les grenades à main coûtaient 20 à 30 marks, plus tard c'était

 19   10 marks allemands et c'était pour la plupart les armes de l'ex-JNA.

 20   Q.    Dans la région de Prijedor, au moment où ces tensions grandissaient,

 21   vous avez dit que vous avez vu des soldats serbes circuler armés, qu'il y

 22   a eu des incidents, qu'il y a eu des coups de feu. Avez-vous remarqué

 23   d'autres unités militaires en déplacement dans la région de Prijedor ?

 24   R.    Oui, c'était au quotidien qu'on les voyait partir vers la Croatie,

 25   revenir de la Croatie dans la ville armés. C'était tout à fait normal,


Page 1343

  1   personne n'essayait d'empêcher quoi que ce soit, il y a eu des coups de

  2   feu, il y a eu des blessures, c'était évident. Tous les citoyens de la

  3   ville de Prijedor le savent parfaitement.

  4   Q.    Pendant la période allant du mois de février à la fin du mois

  5   d'avril 1992, avez-vous remarqué qu'il y ait eu des départs de la ville,

  6   un exode ?

  7   R.    Oui, les gens partaient et c'était un mouvement de masse. C'était

  8   très difficile d'avoir un billet de transport pour partir. C'était les

  9   Musulmans et les Croates qui partaient avant tout, essentiellement les

 10   femmes et les enfants.

 11   Ils partaient en Croatie et restaient généralement en Croatie au départ

 12   dans un premier temps, puis se rendaient dans des pays tiers dans un

 13   second temps.

 14   Q.    Y a-t-il eu des membres de votre famille qui ont quitté Prijedor à

 15   cette époque ?

 16   R.    Oui, mon épouse est partie avec mon fils à la mi-avril en Croatie,

 17   en Istrie, chez la famille à Labin. Elle y est restée jusqu'en septembre

 18   et c'est en septembre qu'elle est partie en faisant partie d'un convoi, au

 19   Pays-Bas.

 20   Q.    Quelle est la raison pour laquelle votre famille a quitté la ville

 21   de Prijedor ?

 22   R.    Pour la très simple raison qu'on voyait très bien que le territoire

 23   était incertain, que quelque chose allait arriver.

 24   On pensait tous qu'il y aurait peut-être même un combat, mais que des

 25   massacres de telle envergure auraient lieu, personne n'aurait pu le


Page 1344

  1   prévoir. Donc nous avons eu la chance de pouvoir l'extérieur pour qu'elles

  2   ne subissent pas ce que nous avons subi.

  3   Q.    Après que vous ayez envoyé votre famille, où demeuriez-vous ?

  4   R.    Le lendemain, j'ai emménagé dans la maison du docteur Esad

  5   Sadicovic.

  6   Q.    Vous avez mentionné le docteur Esad Sadicovic à plusieurs reprises.

  7   De qui s'agit-il ?

  8   R.    C'était un médecin qui travaillait pour les Nations Unies, il

  9   travaillait à Prijedor, c'était un oto-rhino-laryngologiste et il était un

 10   membre de la ville de Prijedor des plus connus. C'était un homme qui, même

 11   avant la guerre et pendant la guerre, donnait son assistance au peuple.

 12   C'était un personnage aimé, je pourrais dire que c'était l'homme le plus

 13   aimé de la ville de Prijedor, de toutes les nationalités. Tout le monde le

 14   respectait.

 15   Q.    Quelle était son appartenance ethnique ?

 16   R.    Il était bosnien d'origine musulmane.

 17   Q.    Pourquoi avez-vous emménagé chez le docteur Sadicovic après que

 18   votre famille ait quitté la ville ?

 19   R.    C'était un cousin de mon épouse et un de mes grands amis de

 20   Prijedor. Nous nous fréquentions souvent et j'étais plus en sécurité chez

 21   lui que chez moi sur la rue Sadamic, car les tensions étaient déjà très

 22   fortes et je ne me sentais pas en sécurité à Sadamic.

 23   Q.    Qu'est-ce qui allait se passer si vous restiez seul chez vous ?

 24   R.    Je pensais qu'il y aurait peut-être une grenade qui serait envoyée

 25   chez moi ou que je serais mort par balle, de coup de rafale puisque qu'on


Page 1345

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1346

  1   pouvait s'attendre à ce genre de choses des Serbes qui étaient armés et

  2   qui avaient commencé à maltraiter le peuple, tranquillement à se venger

  3   pour certaines choses qui leur sont arrivées dans la vie. Simplement s'ils

  4   n'aimaient pas une personne, ils avaient déjà commencé à faire des

  5   problèmes et les gens ne se sentaient plus en sécurité simplement.

  6   Q.    Monsieur, vous rappelez-vous, le 29 et le 30 avril, de la prise de

  7   pouvoir des Serbes de Prijedor ?

  8   R.    Oui.

  9   Q.    Après cet événement, quels étaient les changements que vous avez pu

 10   remarquer concernant les activités dans la ville de Prijedor ?

 11   R.    Eh bien, ce même jour en fait ils se sont présentés dans la ville,

 12   ils ont monté des drapeaux sur tous les immeubles des institutions de la

 13   ville. Les drapeaux portaient le signe des quatres S. Ils ont commencé à

 14   ériger des barrages routiers sur toutes les intersections les plus

 15   importantes devant chaque immeuble qui avait une importance.

 16   Et tout d'un coup, il y avait partout des barrages routiers, de sorte que

 17   les habitants, chaque fois qu'ils devaient passer par ces barrages

 18   routiers, étaient maltraités. Si la personne était d'origine musulmane ou

 19   croate, les Serbes passaient très facilement par ces barrages routiers,

 20   ils ne se faisaient même pas arrêter. Le malaise s'est fait sentir

 21   immédiatement après la prise de pouvoir. Nous manquions d'électricité, les

 22   lignes téléphoniques étaient interrompues, le courant revenait de temps en

 23   temps, mais c'était périodique. Les médias étaient également à leur

 24   service, au service des Serbes et donc la vie avait complètement changé en

 25   24 heures.


Page 1347

  1   De plus en plus, il y avait un malaise, les gens ne circulaient plus

  2   facilement dans la ville et une quinzaine de jours plus tard les gens ne

  3   circulaient plus du tout dans la ville, la ville était déserte.

  4   Q.    Est-ce que cela s'appliquait à vous aussi ? Aviez-vous arrêté de

  5   sortir ?

  6   R.    Oui, les 10 derniers jours, j'avais arrêté de sortir, de circuler

  7   librement dans la ville, j'avais fermé mes établissements. Je pensais que

  8   les employés n'avaient plus aucune raison de se présenter dans mes

  9   établissements puisque la ville était déserte. Il n'y avait plus de raison

 10   pour que je laisse le commerce ouvert et donc il n'y avait aucune raison

 11   de revenir au centre-ville. Je suis resté sur la rue du docteur Sadicovic.

 12   Q.    Quel était le dernier jour finalement ou la dernière fois où vous

 13   avez été en mesure de travailler au sein de vos commerces ?

 14   R.    C'était fin avril ou vers le 20 mai que j'ai dû fermer mes

 15   commerces.

 16   Q.    La clientèle qui venait dans vos établissements faisait partie de

 17   quel groupe ethnique ?

 18   R.    C'étaient des habitants de toutes les ethnies, mais puisque les

 19   tensions montaient, les Serbes avaient arrêté de venir dans les

 20   établissements musulmans, non seulement chez moi, mais ils arrêtaient de

 21   se présenter dans tous les établissements musulmans. Ils se regroupaient,

 22   ils fréquentaient des établissements où les propriétaires étaient de

 23   nationalité serbe, de sorte que les gens avaient commencé à se diviser

 24   ethniquement par locaux.

 25   Nous savions très bien où les Serbes allaient. Nous continuions à circuler


Page 1348

  1   dans les mêmes établissements que nous fréquentions avant la guerre, mais

  2   avec leur départ de nos établissements, il y a eu un certain partage qui

  3   s'est fait.

  4   Q.    J'aimerais maintenant concentrer votre attention sur les événements

  5   qui ont eu lieu le 30 mai 1992. Le matin du 30 mai, où étiez-vous ?

  6   R.    Je me trouvais dans la maison du docteur Esad Sadikovic.

  7   Q.    Y avait-il quelqu'un d'autre dans cette maison ?

  8   R.    Oui, il y avait un ami à moi et du docteur Esad Sadikiovic, un

  9   commerçant comme moi. Il y avait un homme malade, son nom c'était Asaf

 10   Kapetanovic, il avait des problèmes aux reins, il n'osait pas se présenter

 11   dans les hôpitaux et c'est la raison pour laquelle il se trouvait chez le

 12   docteur Esad Sadikovic qui lui donnait des injections et lui administrait

 13   des soins. C'est la raison pour laquelle, je me trouvais dans cette

 14   maison, depuis en fait déjà un bon mois et demi.

 15   Q.    Asaf kapetanovic, de quelle appartenance ethnique était-il ?

 16   R.    C'était un bosnien de confession musulmane.

 17   Q.    Et le matin du 30 mai 1992, vous rappelez-vous vous être fait

 18   réveiller par Asaf Kapetanovic ?

 19   R.    Oui, il m'a réveillé, je dormais. La veille nous avions passé la

 20   nuit ensemble, j'avais bu un peu et je dormais assez profondément et le

 21   matin je n'avais pas entendu les tirs. Il m'a réveillé et j'ai entendu les

 22   tirs, je me suis réveillé, je me suis habillé, j'ai regardé par la fenêtre

 23   et j'ai pu remarquer que tout autour, il y avait de l'armée, vêtue de

 24   toutes sortes d'uniformes divers, des uniformes de camouflage, des

 25   uniformes gris/vert olive, des uniformes de police. Nous avons ouvert la


Page 1349

  1   radio et commencé à écouter la radio.

  2   A la radio, ils ont commencé à donner des instructions pour les Musulmans,

  3   leur disant de quelle façon ils devaient se comporter, de rester

  4   tranquilles à la maison, de ne pas sortir. Par la suite, nous avons

  5   entendu par la radio que tous les Musulmans devaient mettre sur le toit de

  6   leur maison un drapeau blanc et ceux qui n'avaient pas de drapeau blanc

  7   devaient soit attacher un drap ou quelque chose de couleur blanche, pour

  8   qu'on puisse se faire identifier comme musulman. Nous avons accroché un

  9   drap sur la maison.

 10   Q.    Si je puis vous interrompre, lorsque vous avez regardé par la

 11   fenêtre, vous avez dit avoir vu des gens porter divers uniformes. Quand

 12   vous avez regardé par la fenêtre, avez-vous vu des signes de destruction,

 13   de certaines zones de la ville ?

 14   R.    Non, nous n'avons pas vu de signe de destruction, quand nous avons

 15   voulu attacher les draps, nous sommes montés et j'ai pu voir la vieille

 16   ville. Quand je suis monté à l'étage de la maison du docteur, j'ai vu que

 17   la ville était incendiée et que les maisons brûlaient un peu partout dans

 18   la ville blanche. J'étais même en mesure de voir la maison de mes parents

 19   : elle était incendiée, je voyais la fumée qui sortait de cette maison.

 20   Q.    Est-ce que vos parents se trouvaient encore à Stari Grad à ce

 21   moment-là ?

 22   R.    Je croyais que ma mère se trouvait dans la maison, mais par la suite

 23   elle a eu de la chance et elle ne s'y trouvait pas. Elle se trouvait dans

 24   la maison de ma soeur qui se situait à l'autre bout de la ville.

 25   Q.    M. Kapetanovic a-t-il pu observer la destruction faite à d'autres


Page 1350

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1351

  1   immeubles ou à des maisons qui étaient occupées par sa famille ?

  2   R.    Oui, après un certain temps peut-être, une demi-heure plus tard,

  3   Asaf a vu que son établissement brûlait, le café-bar qui lui appartenait

  4   brûlait et au-dessus de ce café-bar, il y avait son appartement de

  5   famille, à vol d'oiseaux disons que cette maison se trouvait environ à 100

  6   mètres de la maison du docteur Esad Sadakovic et il a pu voir les flammes

  7   se dégager. Les flammes avaient de 10 à 20 m de hauteur et la maison

  8   brûlait. Il a crié, il a dit : " Mon dieu, ma mère est dans la maison,

  9   j'ai peur également qu'elle brûle dans cette maison ".

 10   Donc j'ai décidé de me rendre avec lui dans la maison et lorsque nous

 11   sommes arrivés, le premier voisin qui s'y trouvait a dit que sa mère avait

 12   quitté la maison avant qu'elle ne se fasse incendier, qu'elle était

 13   vivante.

 14   Q.    Lorsque vous avez quitté la maison du docteur Esad Sadakovic pour

 15   vous diriger vers cette vieille ville, avez-vous entendu quelque chose sur

 16   votre chemin ?

 17   R.    Je n'ai pas compris la question.

 18   Q.    Quand vous avez quitté la maison du docteur Esad Sadakovic pour vous

 19   diriger vers le café de M. Kapetanovic, quels étaient les bruits que vous

 20   avez entendus sur la rue ?

 21   R.    Nous entendions des tirs et j'ai aperçu un soldat, il était peut-

 22   être à 30 à 50 mètres de nous. Il a dit " Arrêtez ! ". Je me suis

 23   retourné, je l'ai vu porter une arme. C'était un fusil qui était un peu

 24   plus grand qu'un fusil automatique, cela aurait pu être une mitrailleuse

 25   automatique. J'ai donc dit à Asaf : " Je ne vais pas attendre, je vais me


Page 1352

  1   sauver ".

  2   Il y avait une haie qui se trouvait non loin de là, j'ai sauté par-dessus

  3   cette haie, j'ai entendu des rafales. J'ai eu de la chance, je n'ai pas

  4   été atteint. Je me suis caché dans cette cour. Je savais que c'était une

  5   maison musulmane, j'ai cogné à la porte de cette maison, la porte s'est

  6   ouverte et j'ai pénétré dans cette maison.

  7   Q.    Pendant combien de temps êtes-vous resté dans cette maison ?

  8   R.    Peut-être une heure, une heure et demie.

  9   Q.    Pourquoi avez-vous quitté cette maison ?

 10   R.    Les gens chez qui j'étais avaient une radio allumée, nous entendions

 11   les instructions à la radio qui disaient que les Musulmans devaient partir

 12   de cette partie de la ville et qu'ils devaient avoir des bandeaux blancs

 13   autour des bras, qu'ils devaient quitter en colonne en direction du

 14   centre-ville vers les immeubles, les gratte-ciel.

 15   Nous avons donc eu ces gratte-ciel comme certains points de repères et

 16   toutes les colonnes se dirigaient vers les gratte-ciel, une des colonnes

 17   se dirigeaient vers les gratte-ciel et l'autre allait vers l'hôtel

 18   Balkans.

 19   Q.    Pendant que vous vous dirigiez vers cette zone, étiez-vous escorté

 20   par qui que ce soit ?

 21   R.    Oui. Pendant tout ce temps il y avait eu la police serbe et l'armée

 22   serbe qui portaient des uniformes de camouflage et il y avait certains

 23   soldats qui portaient également des uniformes bleus appartenant à la

 24   police.

 25   Q.    Quelles armes portaient ces individus, si armes ils portaient ?


Page 1353

  1   R.    Ils avaient tous des armes, ils portaient des fusils automatiques,

  2   des revolvers, ils avaient des bombes attachées à la ceinture.

  3   Q.    Pendant que vous vous dirigiez vers ce point, vers ces immeubles que

  4   vous nous avez mentionnés, avez-vous vu des cadavres ?

  5   Q.    Oui, pendant que nous marchions sur le trottoir et que nous passions

  6   par le marché, j'ai vu peut-être quelques cadavres qui étaient jetés les

  7   uns sur les autres ou empilés les uns sur les autres. Par la suite, en

  8   passant par le marché, j'ai vu quelques cadavres sous les tables devant et

  9   il y avait quelques civils. C'était des gens qui ne portaient pas

 10   d'uniforme. Il n'y avait pas d'armes non plus sur les lieux, c'étaient des

 11   cadavres de civils.

 12   Q.    Etiez-vous en mesure de reconnaître ces gens ?

 13   R.    Non, je n'étais pas en mesure de reconnaître ces gens car ils

 14   avaient probablement été massacrés par rafales et je n'ai reconnu

 15   personne.

 16   Q.    Lorsque vous êtes arrivé au centre de rassemblement, combien de

 17   personnes y avait-il ?

 18   R.    Il y avait environ 2000 personnes.

 19   Q.    Avez-vous reconnu ces gens-là ?

 20   R.    Oui, pour la plupart des personnes je les connaissais et j'ai pu

 21   apercevoir ma mère, ma soeur, mon gendre et également je peux dire que je

 22   connaissais pas mal d'autres personnes.

 23   Q.    Et quelle était l'appartenance ethnique de ces gens que vous avez

 24   reconnus ?

 25   R.    Pour la plupart, c'étaient des gens d'origine musulmane mais il y


Page 1354

  1   avait également des Croates.

  2   Q.    Que s'est-il produit lorsque vous vous êtes arrêté à ce point de

  3   rassemblement ?

  4   R.    Nous avions remarqué qu'il y avait une dizaine d'autobus stationnés

  5   qui appartenaient aux autobus de la ville. Ils étaient stationnés non loin

  6   de là et ils nous ont ordonné que les hommes âgés de 15 ans et plus

  7   devaient se mettre à l'écart et que les femmes et les enfants devaient se

  8   mettre de l'autre côté  ; c'est ce que nous avons fait, nous étions

  9   obligés de le faire.

 10   Q.    Après avoir été séparés en deux groupes -il y avait un groupe

 11   d'hommes et un autre groupe de femmes et d'enfants- que s'est-il passé

 12   avec le groupe d'hommes ?

 13   R.    On nous a entassés dans les autobus, une colonne a été formée, les

 14   autobus ont démarré en direction de Prijedor.

 15   Q.    Combien de gens y avait-il à bord de l'autobus ?

 16   R.    Il y avait un chauffeur qui portait un uniforme et environ une ou

 17   deux personnes qui faisaient l'escorte. Je crois qu'il y avait deux

 18   personnes qui nous escortaient.

 19   Q.    Combien de gens qui venaient de se faire arrêter se trouvaient à

 20   bord de votre autobus ?

 21   R.    Il y avait une cinquantaine de personnes.

 22   Q.    Vous avez indiqué qu'une ou deux personnes vous escortaient à bord

 23   de cet autobus. Quel genre d'uniforme portaient ces hommes ?

 24   R.    Des uniformes bleus.

 25   Q.    Avez-vous reconnu de quel genre d'uniforme il s'agissait ?


Page 1355

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1356

  1   R.    Des uniformes de police.

  2   Q.    Avez-vous reconnu ces personnes qui vous escortaient ?

  3   R.    Dans mon autobus non, je ne les ai pas reconnus, je ne les

  4   connaissais pas.

  5   Q.    Vous nous avez indiqué que lorsque vous êtes monté à bord de ces

  6   autobus, vous avez pris la direction du SUP. Avez-vous reçu des directives

  7   par rapport aux façons de vous comporter ?

  8   R.    Ils nous ont dit de garder la tête baissée, de ne pas regarder par

  9   les fenêtres. La colonne s'est arrêtée devant le SUP pendant 5 à 10

 10   minutes, ils sont probablement allés prendre des instructions au SUP.

 11   Par la suite, sont revenus ces deux personnes qui faisaient l'escorte. La

 12   colonne a redémarré, nous sommes sortis sur la rue de la JNA et par la

 13   suite la rue du Partisan, et nous avons pris la direction de Tomasica.

 14   Q.    Qu'est-ce que c'est Tomasica ?

 15   R.    C'est un village qui se trouve à environ 20 kilomètres de Prijedor.

 16   Q.    Après Tomacica, où vous êtes-vous dirigé ?

 17   R.    Nous ne nous sommes pas arrivés à Tomasica. Avant d'arriver dans

 18   cette ville, nous avons pris la route et nous avons tourné à gauche. Par

 19   la suite, j'ai compris ce qui s'était passé, mais je n'avais jamais pris

 20   ce chemin qui allait, en fait, vers Omarska.

 21   Q.    A quelle heure êtes-vous arrivé à Omarska ? Est-ce que qu'il faisait

 22   encore jour ? Il faisait nuit ?

 23   R.    Il commençait à faire nuit.

 24   Q.    Et au moment où votre autobus est arrivé à Omarska, combien y avait-

 25   il d'autobus qui s'étaient immobilisés à Omarska ?


Page 1357

  1   R.    S'agissant de notre colonne, il y avait une dizaine d'autobus.

  2   Q.    Lorsque votre autobus est arrivé, à quel endroit s'est-il immobilisé

  3   ?

  4   R.    Devant la Pista, près du restaurant d'Omarska.

  5   Q.    Que s'est-il passé par la suite quand votre bus s'est immobilisé à

  6   cet endroit ?

  7   R.    Ils nous ont fait sortir, de dix en dix. Ils nous fouillaient, ils

  8   prenaient tous les objets de valeur et ils nous faisaient entrer dans une

  9   pièce qui se trouvait derrière le restaurant.

 10   Q.    Vous dites que lorsque vous êtes arrivés, ils ont fait sortir les

 11   hommes dix par dix et les ont fouillés. Ces individus qui ont fait sortir

 12   ces gens, est-ce que ces personnes attendaient l'arrivée de votre autobus

 13   ?

 14   R.    Oui, oui, ils étaient sur place.

 15   Q.    Quel genre de vêtement portaient-ils ?

 16   R.    Certains portaient également des uniformes de police bleus d'autres

 17   des uniformes de camouflage, d'autres des uniformes gris vert olive ;

 18   toutes ces personnes étaient d'origine serbe, des membres de l'armée, de

 19   la police.

 20   Q.    Quelles étaient les armes que ces individus portaient ?

 21   R.    Ils portaient des armes automatiques, des revolvers, des grenades à

 22   main.

 23   Q.    Ces individus qui vous ont fait sortir de ces bus, qui vous ont

 24   fouillé, vous avez pu les revoir quand vous étiez détenu au camp d'Omarska

 25   ?


Page 1358

  1   R.    Oui, pour la plupart d'entre eux je les ai revus.

  2   Q.    Et ces individus, quelles étaient leurs tâches ou leurs fonctions au

  3   sein du camp d'Omarska ?

  4   R.    Certains étaient des supérieurs, d'autres simplement des gardes.

  5   Q.    Vous-même, lorsque vous êtes descendu de l'autobus, que s'est-il

  6   passé ?

  7   R.    Ils m'ont demandé de sortir, de vider mes poches et à un moment

  8   donné, puisque je portais une veste de jean que je n'avais pas portée

  9   depuis longtemps, jai mis ma main dans une poche et j'ai sorti quelques

 10   pétards que j'avais de je ne sais quand et le garde a vu les pétards. Il a

 11   vu que j'avais déposé les pétards sur ce banc sur lequel il fallait

 12   déposer tous les objets et il a dit  : "lui, prenez-le, tuez-le sur place,

 13   c'est avec cela qu'il a essayé de jouer avec notre armée".

 14   C'est la raison pour laquelle ils m'ont mis à l'écart et j'attendais de me

 15   faire exécuter. A un moment donné, quelqu'un m'a pris par les épaules, il

 16   a commencé à me pousser et à m'entasser dans la pièce.

 17   Q.    Pourrions-nous arrêter ici ? Vous avez sorti quelque chose de votre

 18   poche ? Qu'est-ce que c'était ?

 19   R.    Ce n'étaient que des pétards tout à fait ordinaires qu'on a fait

 20   exploser pour le nouvel An. J'ai sorti certains papiers, j'ai vidé mes

 21   poches.

 22   Q.    Par la suite, vous avez indiqué : "il a vu que j'avais déposé les

 23   pétards et il faut le faire exécuter". De qui s'agit-il lorsque vous

 24   parler de "il m'a dit" ?

 25   R.    C'était un garde qui était pendant toute la durée de mon séjour là.


Page 1359

  1   Il s'appelait Pavic, il était noir et il avait une mêche de cheveux gris

  2   naturel et il était garde dans le camp d'Omarska pendant tout mon séjour.

  3   Q.    Et pendant votre détention dans le camp d'Omarska, avez-vous

  4   remarqué que cette personne appartenait à un groupe de gardes ou à une

  5   équipe particulière ?

  6   R.    Oui.

  7   Q.    De quelle équipe s'agissait-il ?

  8   R.    Je crois que c'était celle de Kakan.

  9   Q.    Et quand vous dites l'équipe de Kakan, comment s'appelait cette

 10   équipe ? C'est ainsi que vous l'appeliez dans le camp ?

 11   R.    Oui, c'était l'équipe de Kurkan*.

 12   Q.    Vous avez dit qu'après avoir été fouillé et mis de côté, on vous

 13   avait emmené vers un immeuble. De quel immeuble s'agissait-il ?

 14   R.    J'ai été emmené dans un immeuble qui s'appelait la pièce à Mujo,

 15   derrière le restaurant, et j'ai été poussé vers là-bas par un soldat. Je

 16   n'osais pas regarder parce que je pensais que l'on m'emmenait pour

 17   m'abattre.

 18   Par la suite, j'ai vu qu'il y avait un uniforme bleu derrière moi et quand

 19   je me suis retourné, je l'ai reconnu, c'était un policier professionnel et

 20   il m'a dit de fuir.

 21   Après, j'ai vu 600 à 700 personnes là-bas que je connaissais pour la

 22   plupart d'entre elles, et il m'a dit "Va-t-en, mets-toi à l'écart, ne

 23   répond pas si on appelle ton nom et ton prénom, car si tu réponds tu seras

 24   abattu. Si on t'interpelle, garde le silence comme si tu n'étais pas là.

 25   C'est tout ce que je peux faire pour toi". Il m'a dit qu'il ne pouvait


Page 1360

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1361

  1   rien faire d'autre pour moi. Il s'est retourné et il est reparti.

  2   Q.    Et vous êtes disposé à donner le nom de cette personne aux Juges ?

  3   R.    Nous nous connaissions bien puisqu'il avait souvent été ce policier

  4   de permanence au centre de la ville, et comme j'avais des commerces, je le

  5   voyais souvent mais je ne me souviens pas du tout de son nom.

  6   Q.    Vous avez dit que lorsque vous étiez entré dans cette pièce que vous

  7   avez désignée par le nom de pièce à Mujo, vous avez dit que vous aviez vu

  8   600 personnes à peu près. Pourriez-vous les reconnaître ?

  9   R.    Oui, je les connaissais pour la plupart d'entre eux, il y avait le

 10   frère à mon oncle, des voisins de la vieille ville. Presque toute la

 11   vieille ville était rassemblée là, les hommes de la vieille ville

 12   notamment et d'autres qui venaient d'une partie de la ville qui s'appelait

 13   Lucica*. Et là-aussi je connaissais la plupart des gens.

 14   Q.    Et ce cousin qui se trouvait là-bas, comment s'appelait-il ?

 15   R.    Mirsad Beganovic.

 16   Q.    Les gens que vous connaissiez dans cette pièce, de quels groupes

 17   ethniques étaient-ils ?

 18   R.    Pour la plupart du temps, c'étaient des Musulmans, mais il y avait

 19   certains Croates aussi.

 20   Q.    Combien de temps êtes-vous resté dans cette pièce à Mujo, après

 21   avoir été emmené là-bas ?

 22   R.    Je n'ai passé que cette nuit-là sur place, et comme il y avait plus

 23   de 1000 personnes entassées à l'intérieur, nous ne pouvions pratiquement

 24   pas respirer et encore moins nous coucher. La moitié a été emmenée vers

 25   l'endroit appelé Pista et l'autre moitié est restée sur place.


Page 1362

  1   Q.    Vous avez été emmené vers l'endroit appelé Pista. Où êtes-vous resté

  2   ?

  3   R.    J'ai été emmené à Pista.

  4   Q.    Combien de temps avez-vous passé à Pista ?

  5   R.    J'y suis resté pendant les dix à douze jours qui ont suivi.

  6   Q.    Et de cet endroit appelé Pista, où vous a t-on emmené et détenu ?

  7   R.    J'ai été emmené de la Pista d'abord vers une maison blanche où on

  8   m'a passé à tabac, puis deux jours après je suis passé dans une pièce qui

  9   s'appelait Petnesca.

 10   Q.    Et cette pièce qui s'appelait pièce Petnesca, n° 15, où se trouvait-

 11   elle ?

 12   R.    Dans un immeuble qu'on appelait le "hangar".

 13   Q.    Combien de temps vous a t-on gardé là-bas ?

 14   R.    Je suis resté un peu moins d'un mois à l'intérieur.

 15   Q.    De cette pièce n° 15, où vous a t-on emmené ?

 16   R.    J'ai été emmené pour interrogatoire dans un bureau au-dessus du

 17   restaurant. C'était un bureau où on interrogeait les détenus. Par la

 18   suite, j'ai été amené vers la Pista et le même jour on m'a ramené dans ce

 19   qu'on appelait la pièce à Mujo.

 20   Q.    C'est la même pièce à Mujo dont vous avez parlé tout à l'heure ?

 21   R.    Oui.

 22   Q.    Y avait-il quelques autres endroits dans le camp d'Omarska où vous

 23   avez été gardé avant d'être emmené à l'extérieur ?

 24   R.    Il y avait ce qu'on appelait le "petit garage" qui devait avoir au

 25   plus 20 m2. J'y ai passé deux jours et deux nuits. Nous étions là 160 ou


Page 1363

  1   170 personnes, c'était terrible dans ce petit garage.

  2   Q.    Quand est-ce que vous avez été emmené dans le camp d'Omarska ?

  3   R.    Le 6 août 1992.

  4   Q.    Monsieur le Président, je voudrais vous demander maintenant

  5   d'autoriser le témoin de se rapprocher de la maquette, et je crois que

  6   nous aurons besoin de l'assistance des techniciens pour diriger la caméra

  7   vers la maquette. Est-ce possible ?

  8         M. le Président : Oui, madame Hollis. Le témoin peut se rapprocher

  9   et nous allons tout faire. M. Dubuisson prend des mesures aussi avec la

 10   cabine technique.

 11   Q.    Je voudrais que M. l'huissier aide le témoin avec un microphone et

 12   un casque pendant son déplacement.

 13   (L'huissier s'exécute.)

 14         M. le Président : Je vois que M. Tosic veut dire quelque chose.

 15         M. Tosic (interprétation) : Je m'excuse, Monsieur le Président, je

 16   ne voulais pas interrompre, je voulais prendre la parole déjà auparavant.

 17   Il y avait déjà eu pas mal de questions directives de la part de

 18   l'accusation pour ce qui est des dates 30 avril, 30 mai, puis alors, en

 19   demandant s'il a vu des cadavres, il aurait mieux valu lui demander ce

 20   qu'il avait vu et pour qu'il n'y ait pas de questions directives, je ne

 21   vais pas toutes les énumérer, je voudrais que ces cas soient évités.

 22   Pour ce qui est des dires du témoin, ces dires ne coïncident peut-être pas

 23   tout à fait et je voudrais que l'on ne demande pas au témoin où il se

 24   trouvait le jour du 30, mais il aurait mieux valu parler de l'événement en

 25   tant que tel. C'est tout.


Page 1364

  1   Q.    Est-ce que je peux répondre, Monsieur le Président ?

  2         M. le Président : Maître Fila veut aussi intervenir.

  3         M. Fila (interprétation) : Je vous demande de constater qu'en

  4   s'approchant de la maquette, le témoin a injurié la mère de l'accusé

  5   Pradic , nous avons tous entendu ici. Si vous le faites, faites-le de

  6   façon à ce que nous entendions tous. Nous avons tous entendu.

  7         M. le Président : Pouvez-vous répondre à la question, madame Hollis,

  8   soulevée par Me Tosic ?

  9   Q.    Merci, Monsieur le Président. L'accusation estime que pour se

 10   concentrer à l'occasion des témoignages et gagner du temps, nous pouvons

 11   poser des questions directives quand il s'agit de certaines dates, mais si

 12   la défense conteste la date de la prise de pouvoir à Prijedor, il faudrait

 13   savoir que c'était une chose qui a été convenue.

 14   Nous le faisons pour accélérer la procédure mais il ne s'agit pas de faits

 15   qui sont contestables et quand il s'agit des cadavres, le témoin peut

 16   répondre par oui ou par non s'il en a vus ou pas. C'est la façon dont nous

 17   avons voulu procéder pour raccourcir la procédure et nous attarder sur les

 18   éléments pertinents, sans quoi nous aurions risqué d'avoir un

 19   interrogatoire trop long.

 20   Pour ce qui est des écarts entre les déclarations précédentes du témoin et

 21   celles d'aujourd'hui, ces choses peuvent être clarifiées par voie de

 22   contre-interrogatoire. Nous ne pensons pas avoir posé des questions

 23   directives qui n'auraient pas été inappropriés. Quant aux divergences

 24   entre les déclarations du témoin, je crois que la défense peut se pencher

 25   sur la question lors du contre-interrogatoire.


Page 1365

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1366

  1         M. le Président : Madame Hollis a raison mais nous serons vigilants

  2   aussi pour la défense. Mais c'est vrai que nous n'avons pas décidé de

  3   constat judiciaire hier, mais nous avons dit que la Chambre constatait que

  4   les parties étaient d'accord, au moins sur une quantité de faits.

  5   Là où il y a accord, c'est vrai que nous avons dit ici que les règles que

  6   nous allions utiliser ici, c'étaient les règles normales, mais nous

  7   n'avons pas oublié qu'il y a des accords. Il faut tenir bien à cela, sinon

  8   on arrive à finir cette affaire. Si chacun, à chaque moment, doit

  9   interrompre, vous avez toujours le droit de le faire, mais avec des

 10   raisons. Je crois que nous devons peut-être avoir bien à l'esprit que nous

 11   sommes d'accord, qu'il y a des dates qui sont accordées et on peut peut-

 12   être aller plus vite et peut-être j'étais en train de penser qu'il n'était

 13   pas nécessaire même de prendre cela dans l'interrogatoire principal.

 14   Mais je n'ai pas interrompu et comme nous sommes encore à essayer

 15   d'affiner la procédure, comme nous sommes dans une phase transitoire dans

 16   notre décision, je n'ai pas interrompu.

 17   Je remercie l'intervention, comme je vous ai dit, vous avez toujours le

 18   droit d'intervenir, mais faites-le si vraiment nécessaire, si vraiment

 19   utile. Donc, vous pouvez continuer quant à l'aspect du témoin qui a

 20   injurié, je ne me suis pas rendu compte. Le témoin saura bien dans sa

 21   conscience si oui ou non. Je n'ai pas entendu, je n'ai pas vu. Je ne vais

 22   pas prendre cette question, mais il faut faire bien attention pour les

 23   prochaines fois.

 24   Donc, madame Hollis, vous pouvez continuer.

 25   Q.    Monsieur le Président, vous avez parlé d'un autobus arrivant à


Page 1367

  1   Omarska et vous avez dit qu'il s'était arrêté devant l'immeuble du

  2   restaurant. Pouvez-vous le montrer, je vous prie ?

  3   (Le témoin montre le restaurant.)

  4   R.    C'est là que se trouvait le restaurant et voici la porte d'accès.

  5   Q.    Tout ce bâtiment porte-t-il un nom, un terme pour être désigné ?

  6   R.    Celui-ci ou l'autre ?

  7   Q.    Tout ce bâtiment que vous venez de montrer.

  8   R.    Nous l'appelions le bâtiment du restaurant.

  9   Q.    Vous avez également mentionné une partie qui s'appelait " pista ".

 10   Pouvez-vous nous montrer cette partie ?

 11   R.    C'est cette partie-ci entre le hangar et le restaurant, toute cette

 12   partie.

 13   Q.    Vous avez mentionné le hangar. Vous entendez par là cet immeuble le

 14   long qui fait face au restaurant ?

 15   R.    Oui, cet immeuble.

 16   Q.    Vous avez mentionné un immeuble qui s'appelait la " maison blanche

 17   ". Pouvez-vous le montrer ?

 18   R.    C'est celui-ci.

 19         M. Riad (interprétation) : Je m'excuse, mais je ne vois rien sur

 20   l'écran.

 21   Q.    Je regrette, mais je ne pense pas pouvoir vous aider. Car j'ignore

 22   quelles sont les possibilités techniques de le faire. On m'a dit que cela

 23   se trouvait sur le moniteur vidéo. Voyez-vous monsieur le Juge ? Je

 24   voudrais que les caméras soient de nouveau tournées vers la maquette du

 25   camp et je pense que nous avons, peut-être Monsieur le Président,


Page 1368

  1   certaines difficultés techniques, mais il me semble que nous pourrions

  2   continuer.

  3   Je demanderai à M. l'Huissier d'enlever le toit de la maison du bâtiment

  4   du restaurant pour dégager l'arrière de l'immeuble. Nous voyons maintenant

  5   le premier étage de cet immeuble. Monsieur Beganovic, je vous prie de nous

  6   montrer la pièce où vous avez été interrogé.

  7   R.    Je pense que c'était ici, celle qui porte la désignation B9.

  8   Q.    Ce B9, c'est un numéro qui était inscrit à l'entrée de la pièce ?

  9   R.    Je ne pourrais pas l'affirmer.

 10   Q.    Mais le numéro que vous venez de dire, c'est le numéro qui désigne

 11   cette pièce ?

 12   R.    Oui, c'est le numéro qui désigne cette pièce, B9, ici.

 13   Q.    Je voudrais que l'on enlève le premier étage du même immeuble et je

 14   vous demanderai de montrer à l'aide du pointeur la pièce que vous aviez

 15   désignée par la pièce de Mujo.

 16   R.    C'est celle-ci, elle porte la désignation A9.

 17   Q.    C'est le numéro qui est porté sur la maquette quant à cette pièce ?

 18   R.    Oui.

 19   Q.    Maintenant, je demanderai à ce que les autres toits soient enlevés

 20   concernant le même immeuble. Vous avez mentionné la partie " restaurant "

 21   de l'immeuble. Pourriez-vous nous la montrer ?

 22   R.    Oui, c'est celle qui porte la désignation A 22.

 23   Q.    Pendant que vous avez séjourné à Omarska, auriez-vous séjourné dans

 24   une partie d'immeuble que l'on appelait la " pièce vitrée " ?

 25   R.    Non, mais je sais de quoi il s'agit.


Page 1369

  1   Q.    Vous n'avez jamais séjourné dans cette pièce ?

  2   R.    Non.

  3   Q.    Pourriez-vous montrer à l'aide du pointeur la pièce que l'on

  4   désignait par ce nom ?

  5   R.    C'est la pièce qui porte la désignation A14.

  6   Q.    Vous avez également dit que vous avez séjourné dans la " maison

  7   blanche ", que vous y avez été battu et gardé. Pourriez-vous approcher de

  8   cette maison blanche et nous montrer les pièces ou la pièce où vous avez

  9   séjourné ?

 10   R.    C'est cet immeuble, ici. Je me trouvais dans la pièce A6, la seconde

 11   à droite, une fois que l'on est entré.

 12   Q.    Quand on entre dans ce bâtiment, vous entendez la deuxième pièce à

 13   droite, c'est bien de celle-là dont vous parliez ?

 14   R.    Oui.

 15   Q.    Vous avez également dit qu'on vous avait gardé dans cette " maison

 16   blanche " pendant un bref laps de temps. Pouvez-vous nous montrer les

 17   pièces où on vous a gardé ?

 18   R.    La pièce A3, c'est la première à gauche.

 19   Q.    On vous a gardé dans une autre pièce quelconque ?

 20   R.    Une autre nuit j'ai été gardé dans la pièce qui était un WC qui

 21   porte la désignation A15.

 22   Q.    Cette pièce se trouve où par rapport à l'entrée, à l'accès de la

 23   maison blanche ?

 24   R.    C'était tout droit en entrant que se trouvait ce WC.

 25   Q.    Vous avez dit qu'on vous avait gardé dans une pièce qui s'appelait


Page 1370

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1371

  1   l'A15, la petnesca dans ce hangar. Je demanderai à l'huissier d'enlever le

  2   toit de la partie avant du hangar et je demanderai au témoin de montrer la

  3   pièce pour laquelle il vous avait dit qu'elle s'appelait la petnesca.

  4   R.    C'est cette pièce-ci qui porte la désignation B7. Et on pouvait

  5   aller vers la pièce B8 et B 23.

  6   Q.    Quand on entrait dans cet immeuble du hangar, où se trouvait la

  7   pièce en question par rapport à l'escalier ?

  8   R.    Du côté droit, on montait par ici, on montait l'escalier et la porte

  9   se trouvait à droite pour accéder à cette pièce.

 10   Q.    Je vous remercie. Je prie le témoin de regagner son siège à présent.

 11         M. le Président : Madame Hollis, peut-être est-ce le bon moment pour

 12   faire une pause.

 13   Q.    Certainement, Monsieur le Président.

 14               M. Simic (interprétation) : Nous estimons que ce témoin est

 15   très important pour nos clients et je demanderai de nous permettre un

 16   contact avec notre client pour que nous convenions de quelques éléments au

 17   lieu de l'emmener au sous-sol. Nous pourrions le contacter dans la pièce à

 18   côté, cela nous ferait gagner du temps.

 19         M. le Président : Monsieur Dubuisson, du point de vue logistique, y

 20   a-t-il quelque difficulté à faire ce contact ou non ?

 21         M. Dubuisson : Je vais voir où est le problème.

 22         M. le Président : Si possible, vous ferez le contact et pour éviter

 23   des questions et éviter notamment que lorsqu'on va revenir, quelqu'un nous

 24   dise qu'il y a des problèmes, j'aimerais demander au témoin de sortir

 25   avant nous pour éviter des conflits.


Page 1372

  1   Témoin, vous pouvez sortir pour la pause. Ensuite, le témoin va entrer

  2   après que les Juges entrent.

  3   Excusez-moi d'avoir pris cette mesure, c'est pour éviter des problèmes et

  4   des conflits. Nous allons faire une pause de vingt minutes.

  5   (La séance, suspendue à 10 heures 55 est reprise à 11 heures 30.)

  6   (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

  7         M. le Président : Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

  8   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  9   Q.    Pendant que le témoin rentre, je souhaite qu'il soit consigné au

 10   procès-verbal que mon collègue a regardé le témoin pendant qu'il

 11   s'approchait du modèle et qu'il n'a pas remarqué qu'il y a eu des propos

 12   injurieux adressés par ce témoin et je souhaite que cela soit consigné.

 13         M. le Président : Très bien, madame Hollis, vous pouvez continuer.

 14   Mais il y a des tensions qu'on respire dans la salle. Il faut quand même

 15   se contenir un peu. Vous pouvez continuer Madame Hollis.

 16   Q.    Merci, Monsieur le Président. Monsieur Beganovic, vous avez dit que

 17   vous avez passé la première nuit dans la pièce " Mujo " et que le

 18   lendemain, vous avez été emmené dans la zone de la " pista ". Avez-vous

 19   remarqué qu'il y avait des personnes en uniforme dans cette zone ?

 20   R.    Oui.

 21   Q.    Qu'avez-vous vu ?

 22   R.    J'ai vu des soldats en uniforme militaire, des policiers en uniforme

 23   bleu, je circulais dans cette zone, il y avait un véhicule, là, à côté de

 24   la " pista " un véhicule de police, blindé, qui était dirigé vers nous. Le

 25   canon était dirigé vers nous.


Page 1373

  1   Q.    Ce véhicule blindé de la police avait ses canons tournés vers vous.

  2   Vous avez pu établir un lien entre un certain nombre de personnes de ce

  3   véhicule ?

  4   R.    Oui, on voyait que l'armée serbe dirigeait le véhicule et que nous

  5   étions visés en cas de révolte peut-être, je ne sais pas.

  6   Q.    Les personnes que vous avez vues et qui étaient en relation avec ce

  7   véhicule, c'étaient des personnes que vous avez vues pendant toute la

  8   durée de votre détention à Omarska ?

  9   R.    Je les ai vues pendant les premiers 10 à 12 jours et après les

 10   contacts et les histoires, on a pu en déduire qu'ils venaient de Banja

 11   Luka.

 12   Q.    Ces individus que vous avez vus pendant les premiers 10 à 12 jours

 13   dans Omarska, quel était leur comportement, leur attitude à l'égard des

 14   détenus, qu'avez-vous pu observer ?

 15   R.    Ils étaient violents à notre égard, ils ne nous laissaient pas aller

 16   dans les toilettes, il ne nous donnaient pas de nourriture. Pendant les 6

 17   premiers jours, je n'ai pas reçu un seul morceau de pain. Ce n'est que le

 18   sixième jour que j'ai pu recevoir de la nourriture.

 19   Q.    Lorsque vous parlez de comportements violents, cela se produisait à

 20   quel moment du jour ou de la nuit ?

 21   R.    C'était soit dans la journée soit dans la nuit. A tout moment, à

 22   tout instant, on pouvait être inquiété, physiquement maltraité ou

 23   psychologiquement. On nous emmenait subir des interrogatoires au-dessus de

 24   ce restaurant dans ces pièces. Les gens qui revenaient revenaient après

 25   avoir été passés à tabac. Et cela a commencé dès le premier jour dans le


Page 1374

  1   camp.

  2   Q.    Ce groupe pour lequel vous croyez qu'il venait de Banja Luka,

  3   qu'avez-vous pu remarquer quant aux relations entre les membres de ce

  4   groupe et le personnel régulier du camp ?

  5   R.    Eh bien leurs contacts, c'était un peu comme s'ils venaient tous

  6   d'une même unité militaire, de la même direction de la police. Ils avaient

  7   la même attitude à notre égard, que ce soit les gens de Banja Luka ou ceux

  8   de la municipalité de Prijedor. Ils coopéraient, ils travaillaient

  9   ensemble.

 10   Q.    Cette unité pour laquelle vous croyez qu'elle est venue de Banja

 11   Luka quand ils maltraitaient les détenus, avez-vous remarqué à un moment

 12   quelconque que quelqu'un a essayé de mettre fin à ces abus ?

 13   R.    Personne ne l'a empêché.

 14   Q.    Vous est-il arrivé de remarquer à un moment quelconque quelque chose

 15   qui vous aurait indiqué qu'ils ont été punis ?

 16   R.    Non, jamais personne n'a été puni. On a encore moins eu l'impression

 17   que quelqu'un les empêchait de faire cela. Même, ils ont été félicités de

 18   ce comportement quand il maltraitaient physiquement des gens.

 19   Q.    Le personnel du camp, à l'exception de cette unité pour laquelle

 20   vous croyez qu'elle est de Banja Luka, ce personnel du camp, est-ce qu'il

 21   y avait parmi ces gens des individus que vous connaissiez, que vous

 22   fréquentiez avant d'arriver au camp ?

 23   R.    J'en connaissais quelques uns parmi ces permanents du camp, je

 24   connaissais Koka, je connaissais un homme qui s'appelait Koka, qui se

 25   trouvait tous les jours au camp, il vendait la volaille et c'est pour cela


Page 1375

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1376

  1   qu'on l'a surnommé Koka, signifiant "poulet" en BCS. Je connaissais aussi

  2   quelques personnes qui se rendaient occasionnellement au camp qui

  3   n'étaient pas des gardes.

  4   Q.    Ceux qui se rendaient quotidiennement au camp, c'était Koka et vous

  5   avez dit que Koka, vous l'aviez connu auparavant. Au camp, que faisait-il

  6   ?

  7   R.    Koka ?

  8   Q.    Oui, Koka ?

  9   R.    Koka dressait des listes sans cesse, il dressait des listes. Il

 10   venait dans la pièce n° 15, la pièce ASK. Là, devant le hangar, il nous

 11   alignait, il dressait des listes. Mais quel était l'objectif de ces

 12   listes, je ne le sais pas.

 13   Q.    Pendant quelle période avez-vous vu Koka à Omarska ?

 14   R.    Je le voyais pendant que j'étais dans la pièce n° 15, donc à la mi-

 15   juin jusqu'au début du mois de juillet.

 16   Q.    Quand vous l'avez vu, quel type de vêtement portait-il ?

 17   R.    Je pense que Kocka portait un uniforme bleu.

 18   Q.    Portait-il des armes et s'il en portait, quel genre d'arme ?

 19   R.    Je ne l'ai pas vu porter des armes.

 20   Q.    Vous nous avez dit que vous l'aviez connu avant le camp. De quelle

 21   appartenance ethnique était-il ?

 22   R.    Serbe.

 23   Q.    Vous avez également dit que vous connaissiez Kvocka. Qui est Kvocka

 24   ?

 25   R.    Kvocka était un policier, il travaillait au SUP, il était à Omarska,


Page 1377

  1   à Prijedor pendant quelque temps. Je connaissais son épouse qui est, à vol

  2   d'oiseau, à une centaine de mètres de ma maison. Sa maison se trouve là.

  3   Elle est à peu près de la même génération que moi. Et je connaissais son

  4   beau-frère avec qui j'ai grandi. Ma mère était amie avec sa belle-mère.

  5   Elle le voyait chez lui et elles passaient aussi leurs vacances au bord de

  6   la mer.

  7   Q.    Vous dites que vous connaissiez l'épouse de Kvocka. Quel était le

  8   nom de famille de son père ?

  9   R.    Crnalic.

 10   Q.    Pendant quelle période voyez-vous Kvocka au camp ?

 11   R.    C'était au tout début que je le voyais au camp, les premiers jours.

 12   Pendant que j'étais dans la pièce n°°15, je ne le voyais pas. Je l'ai revu

 13   quand je suis sorti de la n°°15.

 14   Q.    Pendant que vous étiez sur la Pista, vous voyiez Kvocka souvent ou

 15   non ?

 16   R.    Je le voyais presque tous les jours.

 17   Q.    A quel moment de la journée ou de la nuit le voyez-vous ?

 18   R.    Dans la journée, je le voyais mais pas la nuit. Pendant la journée,

 19   si je me souviens bien, il rentrait en Mercedes, il avait une Mercedes

 20   190, il arrivait généralement à l'angle du restaurant. Il arrivait là, il

 21   apportait des cigarettes, de la nourriture, de l'alcool, il distribuait

 22   cela aux gardes presque tous les jours, pratiquement tous les jours.

 23   Q.    Excusez-moi si je peux vous interrompre. Vous avez indiqué la zone

 24   du restaurant. Donc pour que cela soit consigné au compte rendu, quel est

 25   précisément l'endroit que vous indiquez du côté du restaurant ?


Page 1378

  1   R.    Du côté où se trouve le restaurant.

  2   Q.    Et comme vous avez dit qu'il arrivait dans cette zone en voiture,

  3   vous voulez dire qu'il arrivait dans la zone la plus proche du hangar ou

  4   la zone la plus éloignée du hangar ?

  5   R.    C'était à l'angle du restaurant. C'est là qu'il se garait

  6   généralement. Il sortait de son coffre ces choses.

  7   Q.    Lorsque vous parliez de l'angle du restaurant, vous parliez de la

  8   zone qui est la plus proche du hangar ou la partie la plus éloignée du

  9   hangar ?

 10   R.    Quand on regarde de votre point de vue, c'est l'angle droit du

 11   restaurant.

 12   Q.    Donc l'angle le plus éloigné du hangar ?

 13   R.    Oui, oui, plus loin du hangar, la partie qui donne sur la maison

 14   blanche.

 15   Q.    Vous voyez donc Kvocka faisant cela. Qu'avez-vous vu Kvocka faire

 16   d'autre ?

 17   R.    Ce qui sautait aux yeux, c'est qu'il avait des gants, des mitaines

 18   et il portait sans arrêt un fusil qui s'appelait Pouparit et il était là

 19   tout le temps et donnait des ordres tout simplement. Il était leur chef et

 20   ils l'écoutait. C'était un fusil à pompe.

 21   Q.    En plus de circuler dans le camp, l'avez-vous vu rentrer à

 22   l'intérieur d'un quelconque des bâtiments du camp ?

 23   R.    Il rentrait souvent par le portail principal et il montait dans les

 24   bureaux ou bien il se trouvait en bas, au rez-de-chaussée, mais il

 25   rentrait, il sortait fréquemment tous les jours. A chaque fois qu'il était


Page 1379

  1   là, il bougeait tout le temps.

  2   Q.    Quand vous dites "il rentrait par le portail principal, il se

  3   rendait dans ce bâtiment", de quel bâtiment s'agissait-il ?

  4   R.    Le bâtiment du restaurant.

  5   Q.    L'avez-vous vu entrer dans l'un quelconque des autres bâtiments ?

  6   R.    Cela ne m'intéressait pas particulièrement à l'époque. Il circulait

  7   dans l'ensemble de l'enceinte du camp, partout.

  8   Q.    Pendant que vous étiez dans le camp, Kvocka vous a permis de

  9   recevoir un colis, est-ce exact ?

 10   R.    Oui.

 11   Q.    Et ce colis venait de la part de qui ?

 12   R.    C'était un colis qui venait de la part de ma mère. Elle l'a porté à

 13   sa belle-mère ;ce n'est pas lui personnellement qui me l'a remis, c'est

 14   vrai que le colis est arrivé, l'ensemble des choses qui étaient contenues

 15   dans le colis n'y étaient plus, mais il y avait quelques vêtements et un

 16   peu de nourriture. C'était fin juillet, mi-juillet à peu près.

 17   Q.    En plus de cette fois où Kvocka a fait en sorte que vous receviez un

 18   colis, est-ce que cela s'est reproduit ?

 19   R.    Non, pour ce qui est de moi, personnellement le colis m'est arrivé

 20   une seule fois ; plus tard, ma mère m'a dit qu'elle a porté plusieurs

 21   autres colis mais je ne les ai reçus qu'une fois.

 22   Q.    En plus de ces deux personnes que vous avez nommées, deux personnes

 23   que vous connaissiez avant d'arriver au camp, pendant votre détention à

 24   Omarska, avez-vous pu reconnaître d'autres personnes qui travaillaient au

 25   camp ?


Page 1380

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1381

  1   R.    Oui. Avec le temps, j'ai fini par connaître tous les noms des gardes

  2   : Paspalj, Krkan, Krle, un homme qui avait une mitrailleuse en surplomb du

  3   restaurant, qui nous visait pendant qu'on était sur la pista ; puis il y

  4   avait Soskan, Pirvan et tous les autres. C'est naturel, dans notre séjour,

  5   on a fini par les connaître tous.

  6   Q.    Pour ce qui est de Krkan, est-ce un surnom ou un vrai nom ?

  7   R.    C'est un surnom.

  8   Q.    Comment avez-vous connu cette personne dont le surnom est Krkan ?

  9   R.    Tous les détenus savaient qui était Krkan, qui était Paspalj, on les

 10   appelait comme cela et eux, entre eux, s'appelaient comme cela. Cela ne

 11   posait aucun problème, on pouvait facilement savoir qui était qui.

 12   Q.    Voyez-vous Krkan souvent dans le camp pendant que vous étiez à

 13   Omarska ?

 14   R.    Pendant qu'il était sur la pista, je le voyais pendant qu'il était

 15   de garde et dans la pièce 15, je ne pouvais pas le voir, j'étais immobile.

 16   Plus tard, quand je suis passé dans la pièce mujo, après la n° 15, quand

 17   je sortais pour prendre l'air, quand il nous laissait sortir, il m'est

 18   arrivé de le voir, il passait, il était là, mais c'est surtout pendant les

 19   premiers dix à douze jours que je l'ai vu.

 20   Q.    Quand vous l'avez vu, que faisait-il ?

 21   R.    Rien de particulier. Il circulait, parfois il se tenait sur cette

 22   vitre ronde là haut, à l'entrée. Il était là, je n'avais pas d'autre

 23   contact avec lui.

 24   Q.    Vous dites qu'il se trouvait parfois là où se trouvait ce verre

 25   arrondi. Vous parlez de quel bâtiment ou de quelles installations ?


Page 1382

  1   R.    Oui, le bâtiment du restaurant à l'entrée du restaurant.

  2   Q.    Et quand vous avez vu Krkan, portait-il une arme ? Et si oui de quel

  3   genre ?

  4   R.    Je pense que c'était un fusil automatique.

  5   Q.    Vous avez mentionné quelques autres noms, par exemple Paspalj.

  6   Comment l'avez-vous vu ou rencontré ?

  7   R.    Il rentrait souvent dans la pièce "mujo" et il torturait

  8   physiquement les détenus. Il ne choisissait pas particulièrement la

  9   personne, il était sans arrêt ivre. Donc il entrait, il tirait des coups

 10   de feu à l'intérieur dans la pièce et il battait les gens. Krkan, là où il

 11   y a cette camionnette, où il y a l'entrée de la pièce, c'est là qu'il

 12   mangeait et buvait et puis, quand cela lui venait à l'idée, il rentrait

 13   dans notre pièce et nous torturait physiquement et psychiquement.

 14   Q.    Au moment de ces abus de Paspalj et de Kvocka, est-il arrivé que le

 15   personnel du camp intervienne ?

 16   R.    Non, jamais, personne. Il pouvait faire ce qu'il voulait tout

 17   simplement. Jamais personne ne les a réprimandés ni punis ni écartés.

 18   Rien.

 19   Q.    Vous avez mentionné Krlc, c'est un vrai nom ou un surnom ?

 20   R.    Un surnom.

 21   Q.    Quelle est la fréquence de la présence de cette personne ? L'avez-

 22   vous vue souvent ou non ?

 23   R.    Je l'ai vue au début, pas pendant que j'étais dans la pièce n° 15,

 24   après je l'ai vue dans la pièce "mujo" et pendant les derniers jours au

 25   camp, j'ai été emmené dehors, je pense trois fois le soir, pour qu'on me


Page 1383

  1   fasse du chantage pour l'argent. Il était là debout, à côté de cette

  2   entrée, de cette porte, avec Brk qui se rendait dans le camp. Je pense

  3   qu'il était chauffeur de taxi, il venait avec une Mercedes verte, il était

  4   chauffeur de taxi avant la guerre à Omarska. On me demandait 100 000 marks

  5   allemands pour qu'on me transporte en hélicoptère ou bien que je donne 50

  6   000 marks.

  7         M. le Président : Maître Nikolic veut intervenir. Avez-vous quelques

  8   observations, Maître Nikolic ?

  9         M. Nikolic (interprétation) : Monsieur le Président, je reviens

 10   uniquement sur ce que vous avez dit, à savoir qu'il fallait avoir une

 11   raison valable. Il me semble que la défense de l'accusé Kvocka a une

 12   raison valable à présent. Je demanderai à l'accusation de se limiter à

 13   l'interrogatoire tel qu'il a été présenté dans le mémoire, à savoir sur

 14   quelle circonstance sera interrogé le témoin Beganovic. Il me semble que

 15   l'accusation vient d'élargir le domaine de l'interrogatoire en dépassant

 16   le champ de ce mémoire.

 17         M. le Président : Madame Hollis ?

 18   Q.    Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris l'objection. Le témoin a

 19   répondu à la question que nous considérons comme pertinente. Je ne pense

 20   pas qu'il y ait limitation sur le champ de l'interrogation principal à la

 21   différence du contre-interrogatoire. Je dois dire que je ne comprends pas

 22   très bien la nature de cette objection.

 23         M. le Président : Maître Nikolic, quel est l'objet de votre

 24   objection ? La question sort du champ de l'acte d'accusation ou dans

 25   quelles limites ?


Page 1384

  1         M. Nikolic (interprétation) : J'ai entre les mains le mémoire du 23

  2   février, le mémoire du 23 février 2000 de l'accusation en vertu de

  3   l'article 65-C. En premier lieu, nous voyons en premier lieu le témoin

  4   Emir Beganovic sur la liste dressée par le Procureur. Conformément à la

  5   règle 65 ter, IV, l'accusation cite les chefs d'accusation sur lesquels

  6   portera la déposition de ce témoin. C'est ainsi que l'a compris la

  7   défense.

  8         M. le Président : Estimez-vous que la question sort de l'acte

  9   d'accusation qu'on a ici ou non ?

 10         M. Nikolic (interprétation) : Concrètement, la question qui a été

 11   posée au témoin dépasse le cadre, le champ. Telle est la position de la

 12   défense.

 13         M. le Président : Mme Hollis, vous avez compris maintenant.

 14   Q.    Oui, j'ai compris Monsieur le Président. Nous considérons que cela

 15   ne dépasse pas le champ de l'acte d'accusation. Il s'agit des mauvais

 16   traitements des détenus, des conditions dans le camp, cela concerne le

 17   personnel du camp et ces dépositions sont faites par un témoin qui s'y

 18   trouvait et qui parle de ce qu'il a vu également.

 19   Monsieur le Président, cela fait partie de l'acte d'accusation, à savoir

 20   que l'argent a été extorqué des détenus et cela parle du chantage, nous

 21   pensons que ce sont des éléments de preuve pertinents et que cela ne

 22   dépasse pas le champ de l'acte d'accusation.

 23         M. le Président : Maître Nikolic ?

 24         M. Nikolic (interprétation) : Lorsque nous avons soulevé cette

 25   objection, nous pensions à la déclaration qui nous a été communiquée par


Page 1385

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1386

  1   l'accusation annonçant la déposition du témoin Beganovic. C'est sur la

  2   base de ces déclarations que l'accusation a cité la règle 65 ter.

  3   C'est dans ce sens que nous estimons que l'accusation sort du champ

  4   qu'elle avait indiqué préalablement. Autrement, nous ne voyons pas

  5   l'utilité de ce mémoire car sinon le témoin aurait pu être entendu sur

  6   l'ensemble de l'acte d'accusation. C'est comme cela que nous l'avons

  7   compris, nous, la défense.

  8         M. le Président : Maître Nikolic, l'article 65 ter, c'est une façon

  9   d'organiser les choses.

 10   Mais le champ pour l'interrogatoire principal, c'est toujours l'acte

 11   d'accusation. La Chambre estime que la question ne sort pas de l'acte

 12   d'accusation ; donc la Chambre rejette l'objection et demande à Mme Hollis

 13   de continuer. Merci.

 14   Q.    Monsieur Beganovic, vous avez parlé de trois incidents où vous avez

 15   été emmené dehors de la pièce "Mujo" et Krle et Brcko étaient impliqués

 16   dans ces incidents et vous avez mentionné quelque chose au sujet de

 17   l'argent. Pouvez-vous préciser ces incidents ou étaient impliqués Krle et

 18   Brcko ?

 19   R.    Il s'agissait de la dernière période qui constituait peut-être 6 à 7

 20   jours de détention. Pendant une nuit, on m'a interpellé par mon nom de

 21   famille et mon prénom, je croyais être maltraité physiquement mais quand

 22   je suis sorti à l'extérieur j'ai vu Prcac que j'avais eu la chance de bien

 23   connaître en détention et il me parlait normalement. Krle était là

 24   également.

 25   Je crois qu'il y avait également un ou deux autres gardes, ils étaient


Page 1387

  1   trois ou quatre en tout, mais avant cela, M. Rajic était sorti et est

  2   revenu, c'est à ce moment-là qu'ils m'ont appelé et donc Brcko m'a parlé

  3   et il a dit qu'il savait que j'avais de l'argent et que si je voulais

  4   rester en vie, il fallait que je leur donne 100 000 marks allemands pour

  5   que je sois transporté vers Belgrade par hélicoptère. Il m'a demandé par

  6   la suite de leur donner 50 000 marks pour qu'on puisse me faire sortir

  7   dans la ville de Prijedor. Je leur ai dit que je n'avais pas d'argent, que

  8   l'argent avait été détruit.

  9   Ils m'ont répondu qu'ils savaient que mon argent devait être enterré

 10   quelque part. Ils m'ont dit qu'ils allaient revenir le lendemain pour

 11   parler avec moi.

 12   Par la suite, je ne me rappelais plus si c'était la nuit suivante ou deux

 13   nuits plus tard, la même équipe est revenue, l'entretien s'est terminé

 14   comme la première fois, la troisième fois lorsque Brk m'a interpellé, je

 15   ne me souviens pas si Krle était présent. Nous nous étions entendus en

 16   effet qu'il allait probablement me transporter dans le coffre de sa

 17   voiture et qu'il m'emmènerait à Prijedor pour me laisser trouver l'argent.

 18   En revanche, on avait déjà commencé à parler du fait que le camp serait

 19   fermé et Brk n'est plus jamais revenu et cela s'est terminé comme cela.

 20   Q.    Donc est-ce que vous leur avez donné de l'argent à Brk ou aux autres

 21   ?

 22   R.    Non, je n'ai rien donné à Brk, par contre, oui, quand j'étais sur la

 23   " pista ", pendant les 5 à 6 premiers jours, ils m'ont permis de pénétrer

 24   dans les toilettes, derrière le restaurant après l'entrée, à gauche et il

 25   y avait un homme qui m'a suivi. C'était un homme qui venait de l'équipe de


Page 1388

  1   Banja Luka. Il était dans les blindés des transports de troupes, c'était

  2   un petit homme de 26 ans. Il est entré avec moi dans les toilettes et il a

  3   pointé dans ma direction un fusil automatique, il a dit : "Sors tout ce

  4   que tu as dans tes poches. " Et j'ai donc vidé une de mes poches, il y

  5   avait 1200 à 1300 marks allemands, il les a confisqués, mais il ne m'a

  6   rien demandé par la suite, j'avais d'autre argent sur moi, mais il pensait

  7   probablement que c'était tout et il ne m'a pas pris le reste. Il m'a dit

  8   que si je le disais à quelqu'un, que je perdais ma tête, que je serai tué.

  9   Q.    Les incidents lorsque Brk et Krle vous ont fait sortir et lorsque

 10   Brk vous a demandé de vous remettre de l'argent, est-ce Krle n'est jamais

 11   intervenu pour stopper ce qui se passait ?

 12   R.    Non, pas du tout, il n'est pas intervenu, j'avais l'impression qu'il

 13   faisait partie de l'équipe, qu'il travaillait avec l'équipe, qu'il était

 14   de connivence avec ces gens et qu'il faisait partie de l'équipe qui était

 15   venue m'extroquer de l'argent.

 16   Q.    Maintenant, vous avez mentionné le nom Kurkan. C'est un surnom.

 17   Avez-vous entendu à quelque moment que ce soit ce surnom ou est-ce que

 18   vous avez entendu qu'une autre personne à l'intérieur du camp s'appelait

 19   de la même façon ?

 20   R.    Non.

 21   Q.    Et Krle, vous mentionnez que c'est également un surnom, est-ce qu'il

 22   y avait quelqu'un d'autre qui portait ce même surnom dans le camp ?

 23   R.    Non, c'était la seule personne qui portait ce surnom au camp.

 24   Q.    Vous avez mentionné que les interrogatoires ont commencé au camp

 25   presque tout de suite, est-ce exact ?


Page 1389

  1   R.    Oui. Je crois qu'ils ont commencé, en fait, je crois que… je suis

  2   arrivé le 30 mai, c'était un samedi et je sais que les interrogatoires ont

  3   déjà commencé le lundi qui a suivi. Je sais que Esad Beganovic avait déjà

  4   été emmené lundi matin pour l'interrogatoire. C'est comme cela que je sais

  5   que les interrogatoires ont commencé tout de suite.

  6   Q.    En vous basant sur vos propres observations, quel était le groupe de

  7   gens qui étaient impliqués avec ces interrogatoires ?

  8   R.    Pour la plupart des intellectuels serbes qui avaient été inspecteurs

  9   de police, qui avaient travaillé avant la guerre au SUP de Prijedor,

 10   c'était eux qui menaient les interrogatoires pour la plupart des personnes

 11   présentes.

 12   Q.    De nouveau en vous basant sur vos propres observations, quelle était

 13   la différence de ces traitements que les détenus ont eu pendant que les

 14   personnes qui conduisaient les interrogatoires étaient présentes et

 15   pendant la période où elles n'étaient pas présentes ?

 16   R.    C'était à peu près pareil. Mais pendant les interrogatoires dans les

 17   95 % des cas, les gens qui revenaient avaient été passés à tabac. Il est

 18   arrivé rarement que les gens reviennent sans avoir été passées à tabac.

 19   Cela se passait dans tous les bureaux, on voyait un carré, il fallait

 20   s'agenouiller près d'un carré qui se trouvait en bas dans les bureaux et

 21   c'est là qu'ils battaient les gens et que les gens étaient passés à tabac

 22   et ils voulaient absolument recevoir des aveux, des confessions et les

 23   gens n'avaient pas le choix et il fallait qu'ils confessent et qu'ils

 24   signent des documents.

 25   Les gens se faisaient battre, c'était tout à fait habituel, même si les


Page 1390

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1391

  1   gens leur disaient qu'ils n'avaient pas d'arme à la maison, qu'ils

  2   n'avaient jamais participé à la politique et n'étaient impliqués dans

  3   aucun des partis politiques. C'est à ce moment-là que les gens se

  4   faisaient battre et ils devaient signer des déclarations, des confessions

  5   faites sous la menace, en se faisant battre.

  6   Q.    Mais pendant le temps que vous étiez au camp d'Omarska, les détenus

  7   qui s'y trouvaient, d'après vos propres observations, si vous pouvez nous

  8   donner le nombre de gens qui se trouvaient au camp ?

  9   R.    D'après ma propre évaluation, il devait y avoir environ 3 000

 10   personnes.

 11   Q.    Et ces détenus qui s'y trouvaient, de quel sexe étaient-ils ?

 12   R.    Je n'ai pas compris votre question. Je n'ai pas compris.

 13   Q.    Les détenus qui se trouvaient au camp, étaient des femmes et des

 14   enfants, des femmes ou des enfants ?

 15   R.    Ah bon, le sexe de ces personnes… Il s'agissait pour la plupart

 16   d'hommes. Il y avait de 30 à 35 % de femmes, mais pour le reste c'était

 17   des hommes. Il est venu aussi des enfants âgés de 15 ans, peut-être même

 18   plus jeunes, au tout début de la détention. Et il y avait également des

 19   viellards qui avaient plus de 90 ans.

 20   Q.    Vous avez mentionné que vous connaissiez au moins quelques personnes

 21   dans le camp, les gens que vous connaissiez, de quelle appartenance

 22   ethnique étaient-ils ?

 23   R.    Vous parlez des détenus ou des gardes ?

 24   Q.    Je parle des détenus.

 25   R.    Ils étaient pour la plupart de confession musulmane, mais il y avait


Page 1392

  1   également des Croates.

  2   Q.    Quel genre de vêtements portaient ces détenus pendant leur détention

  3   au camp d'Omarska ?

  4   R.    Certains portaient des pyjamas, d'autres des vestes. En fait, il y

  5   avait des personnes même venues en pantoufles, d'autres étaient pieds nus

  6   mais pour la plupart de ces gens, ils étaient vêtus de vêtements civils ;

  7   il y avait des gens qui portaient des pantalons de jean, d'autres

  8   personnes étaient en costume.

  9   Q.    Vous avez décrit pour la Chambre les conditions de vie qui

 10   existaient à Omarska pendant que vous y étiez détenu, pouvez-vous décrire

 11   ces conditions de vie, s'il vous plaît ?

 12   R.    Les conditions de vie étaient catastrophiques. C'est très difficile

 13   de décrire ces conditions. Je n'ai pas de mots pour exprimer cette

 14   horreur. Les gens marchaient complètement ensanglantés, ils étaient

 15   couverts de sang. Ils avaient des vers sur eux ou ils étaient battus. Ils

 16   étaient maltraités. 50 % des gens souffraient d'entérite, c'était vraiment

 17   catastrophique.

 18   Il y avait une seule toilette qui ne marchait pas, elle était bouchée.

 19   Il y avait de 20 à 30 centimètres de matières fécales. Je n'ai pas de mots

 20   pour décrire cette horreur. On ne pouvait même pas dire que c'était une

 21   prison, c'était une vraie catastrophe.

 22   Q.    Vous avez mentionné que les gens se promenaient avec des plaies

 23   ouvertes, les gens se faisaient battre. A combien de reprises avez-vous vu

 24   ce genre d'abus se produire sur ces gens ?

 25   R.    Un peu partout, en fait. Nous étions presque tous battus, il n'y


Page 1393

  1   avait pas un seul homme qui n'avait pas des grosses plaies gisantes sur

  2   eux. C'était presque un vrai miracle de voir quelqu'un sans blessure et

  3   tout le monde avait perdu de 20 à 30 kilos. Nous ressemblions à des

  4   squelettes. Je pesais 49 kilos la première fois lorsqu'ils m'ont pesé pour

  5   la première fois, sinon je pèse 75-76 kilos.

  6   Q.    Pendant que vous étiez au camp, avez-vous vu vous-même des gens se

  7   faire maltraiter physiquement ?

  8   R.    Oui, je pouvais l'observer sur une base quotidienne, tous les jours.

  9   Q.    Quel genre d'abus avez-vous pu observer ?

 10   R.    Il s'agissait d'abus psychologiques et physiques mais l'abus

 11   physique était le plus courant.

 12   Q.    Combien de temps après votre arrivée au camp avez-vous vu ce genre

 13   d'abus se produire ?

 14   R.    Immédiatement après les premiers jours.

 15   Q.    Et combien de temps après votre arrivée au camp avez-vous vu ces

 16   signes visibles d'abus physiques ?

 17   R.    Après quelques jours, tout de suite après mon arrivée.

 18   Q.    Vous avez mentionné que vous, personnellement, vous avez vu des

 19   détenus se faire abuser physiquement. A quel moment, si cela ne s'est

 20   jamais reproduit, avez-vous vu des employés du camp intervenir ou arrêter

 21   ce genre d'abus ?

 22   R.    Je n'ai jamais vu personne empêcher ce genre d'abus. Parfois, j'ai

 23   vu des gardiens qui voulaient peut-être aider particulièrement une

 24   personne pour le transférer dans une autre pièce. Des fois, ils offraient

 25   une certaine aide à une personne par ci, par là, mais leurs supérieurs


Page 1394

  1   n'ont jamais essayé de les empêcher de maltraiter des détenus. C'était une

  2   équation inexistante à Omarska.

  3   Q.    Pendant votre détention au camp d'Omarska, à combien de reprises

  4   avez-vous entendu des sons ou des gémissements de gens souffrant de

  5   douleur ?

  6   R.    Tous les jours, à toutes les heures, continuellement.

  7   Q.    Qu'avez-vous pu entendre ?

  8   R.    Des cris, des gémissements. Pendant que j'étais dans la salle et que

  9   j'entendais pendant qu'ils étaient interrogés, on avait l'impression

 10   qu'ils cassaient des meubles. Il y avait des vacarmes incroyables, des

 11   cris, des gémissements. Des fois, c'était pire d'écouter ces cris que de

 12   se faire battre personnellement.

 13   Les gens se bouchaient les oreilles simplement pour ne plus rien entendre.

 14   C'était incroyable, ces sons, ces cris, ces gémissements étaient

 15   absolument inexplicables.

 16   Q.    Pendant que vous vous trouviez sur la "pista", d'où ces sons

 17   provenaient-ils ?

 18   R.    De l'immeuble du restaurant et de la "maison blanche" pour la

 19   plupart.

 20   Q.    Quelle était la force ou la puissance des sons que vous avez pu

 21   entendre ?

 22   R.    Ils étaient tellement forts qu'on pouvait les entendre de partout,

 23   de la "pista", de l'entrée de la pièce où j'étais, de la "maison blanche".

 24   On pouvait vraiment les entendre de partout. Ils étaient tellement forts.

 25   On pouvait même les entendre de la pièce n° 15 et des autres pièces de


Page 1395

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1396

  1   l'extérieur.

  2   Q.    Par rapport à ce que vous avez pu observer vous-même au camp,

  3   n'étiez-vous jamais présent quelque part où les détenus ont été appelés ou

  4   appelés à sortir de la pièce ?

  5   R.    J'ai été appelé moi-même et j'ai été témoin quelques fois quand on a

  6   fait sortir les gens.

  7   Q.    Et en votre présence, à combien de reprises a-t-on interpellé des

  8   gens ?

  9   R.    C'était continuellement, tous les jours.

 10   Q.    Quand cela a-t-il commencé ?

 11   R.    Cela a commencé tout de suite, au début du mois de juin. A partir de

 12   ce lundi, en fait, du troisième jour de mon arrivée au centre de

 13   détention, à Omarska, les gens sont arrivés et cela n'a jamais arrêté

 14   jusqu'à la dernière journée.

 15   Q.    Ces personnes qui se faisaient interpeler, est-ce que qu'elles

 16   revenaient dans la pièce où vous vous trouviez ?

 17   R.    Il arrivait qu'ils revenaient après être passés à tabac, mais il y

 18   avait beaucoup de personnes qui ne sont jamais revenues. Pour ce qui est

 19   du sort de la plupart de ces personnes, pour la plupart d'entre eux, leur

 20   sort nous est complètement inconnu même à ce jour.

 21   Q.    Maintenant, concernant ces gens qui se faisaient appeler et qui se

 22   faisaient battre, est-ce que que vous avez pu voir qu'on leur administrait

 23   un soin médical quelconque pour leurs blessures ?

 24   R.    Non, personne n'a essayé de leur offrir ou de leur administrer une

 25   aide médicale. Nous ne savions même pas qui pouvait nous aider car tout le


Page 1397

  1   monde battait tout le monde, tout le monde était maltraité.

  2   On n'avait aucune ressource, nous ne savions pas à qui demander cette aide

  3   médicale.

  4   Q.    Parmi les détenus du camp, y avait-il des médecins ?

  5   R.    Il y avait également des médecins musulmans et il y avait le Dr Esad

  6   Sadikovic qui a essayé de nous aider. Il nous a aidés du mieux qu'il

  7   pouvait, soit en nous donnant des conseils ou parfois il allait voir les

  8   soldats serbes et il devait venir en aide aux gens qui étaient blessés au

  9   front et des fois il allait intervenir pour les aider. Je sais qu'à une ou

 10   deux reprises, il a ramené une poudre et une injection, avec une aiguille

 11   il donnait des injections, et il administrait cette aide médicale aux gens

 12   qui étaient très critiques.

 13   Malheureusement l'aiguille était toujours la même, il n'avait pas

 14   d'aiguille de rechange, et donc voilà, de temps en temps il ramenait lors

 15   de ces sorties cette poudre mais il y avait également quelques autres

 16   médecins qui n'ont osé venir en aide à personne.

 17   Q.    Le Docteur Sadikovic, s'agit-il du même docteur Sadikovic que vous

 18   avez mentionné plus tôt dans votre témoignage ?

 19   R.    Oui.

 20   Q.    Quand avez-vous vu pour la dernière fois le Dr Sadikovic ?

 21   R.    Le 5 août au soir. On l'a fait sortir. D'après ce que je sais, il

 22   était avec moi pendant tout le temps dans la pièce "mujo", nous dormions

 23   côte à côte et, peut-être vers 10 heures du soir on l'a interpelé.

 24   Il est sorti par la porte principale, je n'ai pas vu mais j'ai entendu

 25   Fuad, c'était un homme de garde, qui se tenait de garde, je l'ai entendu


Page 1398

  1   parler avec Prcac. Il y a eu un entretien qui a duré quelques minutes.

  2   Q.    Monsieur Beganovic, si je puis vous interrompre, j'aimerais vous

  3   demander de restreindre votre témoignage. Qu'avez-vous pu observer

  4   personnellement ?

  5   R.    Je sais seulement que le 5 août au soir, de la pièce de Mujo il a

  6   été sorti et par la suite je ne sais plus rien.

  7   Q.    Pendant le temps que vous étiez détenu dans le camp d'Omarska, à

  8   combien de reprises avez-vous entendu des termes injurieux dirigés à

  9   l'encontre des détenus ?

 10   R.    Des termes injurieux étaient des choses qu'on entendait

 11   régulièrement. Il n'y avait personne qui nous parlait normalement.

 12   C'étaient toujours des injures. Ils nous disaient qu'on était des Balija,

 13   des Turcs. Ils injuriaient notre mère Balija.

 14   C'était tout à fait régulier d'entendre ce genre d'entretien. Personne ne

 15   nous parlait normalement.

 16   Q.    Ce mot " Balija ", qu'est-ce que cela veut dire ?

 17   R.    C'est un terme dénigrant pour les Musulmans.

 18   Q.    Au moment où on employait ce terme à l'encontre des détenus, avez-

 19   vous pu observer quelqu'un, le personnel du camp, arrêter ou essayer

 20   d'arrêter ce genre de propos ?

 21   R.    Non, jamais.

 22   Q.    Vous avez mentionné dans votre témoignage que vous n'avez pas reçu

 23   de nourriture avant d'arriver au camp, est-ce exact ?

 24   R.    Oui, c'est exact, j'ai reçu de la nourriture seulement le sixième

 25   jour de ma détention.


Page 1399

  1   Q.    Après le sixième jour où vous avez reçu de la nourriture, à combien

  2   de reprises, ou à quelle fréquence on vous nourrissait ?

  3   R.    Ils avaient formé des groupes de 30 personnes et une fois par jour,

  4   on nous donnait à manger. En revanche, pendant les premiers quinze à vingt

  5   jours, ce n'était pas tous les détenus qui ont eu la chance de manger. Il

  6   arrivait très souvent de manger deux jours ou trois jours. Par la suite,

  7   cela s'est régularisé un peu et on arrivait à manger une fois par jour.

  8   Quoique très souvent c'était périmé, c'était mieux de ne pas manger que de

  9   manger cette nourriture périmée. C'est finalement à cause de cette

 10   nourriture que nous avons eu cette dysenterie et nous n'avions pas le

 11   choix, nous buvions l'eau industrielle, ce n'était pas de l'eau potable,

 12   mais nous la buvions quand même.

 13   Q.    Vous avez mentionné que les gens recevaient de la nourriture en

 14   groupe de 30. Avez-vous pu voir que les gens se sont faits maltraités

 15   pendant qu'ils se dirigeaient vers les endroits où on leur donnait à

 16   manger ou lorsqu'ils revenaient ?

 17   R.    J'ai vu et j'ai fait l'objet de ce passage à tabac, et j'ai vu à peu

 18   près 90 % des fois, lorsqu'on se dirigeait vers la nourriture, on se

 19   faisait battre, au moment où on entrait ou lorsqu'on sortait. Très

 20   souvent, dans le couloir, lorsqu'on sortait du restaurant, ils nous

 21   arrosaient d'eau et par la suite, ils jetaient vers nous ces assiettes en

 22   plastique et donc par la suite, puisqu'il fallait courir, les premières

 23   personnes tombaient, car c'était glissant et par la suite, les autres

 24   tombaient par-dessus et ils nous battaient de cette façon-là, tout le

 25   monde jusqu'à ce qu'ils ne se fatiguent pas. Quand ils se fatiguaient, ils


Page 1400

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1401

  1   arrêtaient et il y avait de temps en temps une des personnes qui passait

  2   pendant qu'ils arrêtaient de battre, mais cela se passait tous les jours.

  3   Q.    Vous dites que de temps en temps ils se fatiguaient et laissaient

  4   passer des groupes sans les battre ; lorsque vous parlez d'eux, de qui

  5   parlez-vous ? Lorsque vous mentionnez le mot " ils " ?

  6   R.    C'étaient les gardes serbes.

  7   Q.    Où avait lieu ces repas ?

  8   R.    C'était dans la salle du restaurant. Il fallait courir en trois

  9   minutes, manger le repas et sortir pour que le groupe suivant puisse

 10   venir. Chaque groupe n'avait que trois minutes et pendant les trois

 11   minutes, on nous passait à tabac également. Donc cela dépend du sort de

 12   chacun. Certaines personnes pouvaient passer, qui pouvaient recevoir un

 13   coup de crosse de fusil ou un coup de bâton et d'autres personnes

 14   pouvaient en recevoir 10.

 15   Q.    A quel moment avez-vous vu les employés du camp intervenir et

 16   s'opposer à ce genre d'abus ?

 17   R.    Ils ne sont jamais intervenus puisqu'ils leur donnaient l'ordre de

 18   le faire. Leurs supérieurs leur ordonnaient de battre.

 19   Q.    Vous avez mentionné que vous avez été détenu dans la " salle de Mujo

 20   " et qu'il y avait environ 600 personnes dans la " pièce de Mujo ".

 21   S'agissait-il de la première nuit que vous avez passé dans cette pièce ?

 22   R.    Cette nuit-là, il y avait environ 1 000 personnes d'après moi, et le

 23   lendemain matin, puisqu'il y avait beaucoup trop de personnes, ils ont

 24   transféré la moitié des gens sur la " pista ", je faisais partie du groupe

 25   et bien sûr, la pièce de Mujo était vraiment bondée encore.


Page 1402

  1   Q.    Quand vous êtes revenu dans la " pièce de Mujo ", combien y avait-il

  2   de personnes ?

  3   R.    Il y avait de 600 à 700 personnes dans cette pièce.

  4   Q.    De quoi avaient l'air les conditions de vie dans cette pièce ?

  5   Combien d'espace aviez-vous pour bouger dans cette pièce ?

  6   R.    Nous avions juste assez d'espace pour nous coucher sur le côté. Il

  7   manquait tellement d'espace qu'on ne pouvait pas s'allonger sur le dos.

  8   Q.    Pendant que vous vous trouviez dans la pièce n° 15 à l'intérieur du

  9   hangar, combien y avait-il de personnes dans cette pièce ?

 10   R.    De 400 à 450 personnes.

 11   Q.    Et combien d'espace aviez-vous dans cette pièce pendant que vous

 12   vous y trouviez ?

 13   R.    La situation était environ la même que la pièce à "mujo".

 14   Q.    Vous avez également mentionné que pendant un certain temps, vous

 15   avez été détenu dans une pièce que vous avez appelée "le garage". Combien

 16   y avait-il de personnes dans cette pièce-la ?

 17   R.    Pendant que je m'y trouvais, il devait y avoir environ 180 personnes

 18   et nous n'avions même pas la possibilité de lever le bras  ; si jamais

 19   quelqu'un levait le bras ou le pied, il ne pouvait jamais le remettre ou

 20   remettre le pied par terre. Heureusement, je n'ai passé que deux nuits

 21   dans cette pièce.

 22   L'état psychologique était tellement épouvantable qu'on se mordait les uns

 23   les autres pour se faire de l'espace. C'était une vraie horreur. Nous

 24   étions collés les uns contre les autres. Par chance, il y avait un peu

 25   d'air qui entrait par une fenêtre brisée qui se trouvait là, sinon on


Page 1403

  1   aurait étouffé.

  2   Au début, il y avait plus de 200 personnes dans cette salle et il y avait

  3   également des morts qu'ils tiraient par la porte de métal du garage. Parmi

  4   les gens qui se trouvaient à l'intérieur de la pièce, il y avait des gens

  5   blessés, et des gens morts.

  6   Q.    Après que ces gens aient été blessés ou après avoir subi la mort,

  7   est-ce qu'on enlevait ces personnes ?

  8   R.    Par la suite, oui mais pas immédiatement. Après un certain temps,

  9   les blessés n'ont pas été sortis de cette pièce mais les morts, oui, on

 10   sortait les morts, les cadavres étaient enlevés de cette pièce.

 11   Q.    Du 30 mars au début du mois d'août, quelle était l'odeur qui se

 12   dégageait de ce camp ?

 13   R.    C'était affreux. C'était une odeur nauséabonde qui se trouvait

 14   partout dans chaque pièce de ce camp de détention. Nous étions tous dans

 15   des conditions épouvantables. Nos barbes avaient poussé, nous avions tous

 16   des poux, nos cheveux avaient poussé, nous avions une barbe, c'était

 17   atroce.

 18   Q.    Vous avez mentionné à plusieurs reprises que vous avez fait l'objet

 19   d'abus pendant que vous vous trouviez au camp. A quelle fréquence avez-

 20   vous été abusé physiquement pendant que vous vous trouviez au camp

 21   d'Omarska ?

 22   R.    J'ai été interpellé à trois reprises. Séparément et pendant que je

 23   faisais partie du groupe, j'étais maltraité physiquement très souvent et à

 24   trois reprises, on m'a vraiment interpellé séparément.

 25   Q.    Pendant que vous faisiez partie du groupe, quel était le genre


Page 1404

  1   d'abus que vous subissiez ?

  2   R.    Cela passait pour la plupart du temps lorsque qu'on se dirigeait

  3   vers ce restaurant pour aller manger mais de temps en temps ils pouvaient

  4   aussi entrer dans la pièce "à mujo", ils nous donnaient des coups avec les

  5   bâtons, des coups de pied  ; ils sortaient et je crois qu'ils étaient sans

  6   doute ivres et donc ils entraient par là pour nous battre et ils

  7   ressortaient par la suite.

  8   Les gens qui se trouvaient tout près de la porte subissaient le plus de

  9   coups et donc c'est la raison pour laquelle les gens craignaient de se

 10   trouver près de la porte car ils se faisaient battre plus souvent.

 11   Q.    A quel moment ce genre d'abus de groupe a commencé après votre

 12   arrivée au camp ?

 13   R.    Après les cinq à six jours après mon arrivée, ils ont commencé à

 14   battre ce groupe, quoique les interrogatoires aient déjà commencé le

 15   lundi. Ils ont commencé à faire sortir les gens et à leur demander de

 16   faire des aveux et à les maltraiter physiquement.

 17   Q.    Vous avez parlé de trois occasions où vous avez été interpelé. Je

 18   voudrais vous poser plusieurs questions au sujet de ces situations. Lors

 19   de la première occasion, lorsque cela est arrivé, combien de temps aviez-

 20   vous déjà passé dans le camp ?

 21   R.    J'étais là depuis dix ou onze jours à peu près.

 22   Q.    C'était à l'époque où vous vous trouviez encore sur la " pista " ?

 23   R.    Oui, mais il avait plu et on nous avait fait entrer dans la pièce où

 24   se trouvait le restaurant. C'est là qu'on nous avait fait entrer. Il est

 25   venu un homme en uniforme vert olive, avec un ceinturon blanc de policier,


Page 1405

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1406

  1   un revolver et une matraque. Il m'a interpellé par mon nom et mon prénom.

  2   Je ne le savais pas jusque là mais j'ai appris par la suite qu'il

  3   s'appelait Dragan et c'est M. Delic d'Omarska qui était propriétaire du

  4   restaurant Europa, c'est son neveu qui me l'a dit.

  5   Q.    Avez-vous reconnu ce Dragan en sa qualité de garde ordinaire dans le

  6   camp ?

  7   R.    Non, non. Il était venu à titre tout à fait privé.

  8   Q.    Que vous est-il arrivé après que l'on vous ait fait sortir ?

  9   R.    Je croyais qu'on m'emmenait pour un interrogatoire mais on m'a fait

 10   entrer par la porte du restaurant et j'ai vu là Nikca Janjic que je

 11   connaissais de Prijedor et j'ai vu un conflit un an avant cet épisode dans

 12   le camp. Il m'a dit : " Tu vois comme les temps ont changé ? Ce soir, je

 13   t'égorgerai. "

 14   Q.    Qui vous a dit cela ?

 15   R.    Nikica Janjic.

 16   Q.    Et où vous trouviez-vous, dans quelle partie du camp vous trouviez-

 17   vous quand cela vous a été dit ?

 18   R.    Cela a eu lieu dans la salle du restaurant mais je me trouvais

 19   personnellement vers la sortie principale du restaurant.

 20   Q.    Etiez-vous dans le restaurant ou devant le restaurant ?

 21   R.    Devant, à un mètre ou deux de la porte.

 22   Q.    Une fois qu'il vous avait dit qu'il allait vous égorger cette nuit-

 23   là, qu'est-il arrivé ?

 24   R.    Ledit Dragan lui a dit : " Reviens, on se reverra dans une demi-

 25   heure " et je suis retourné dans la salle du restaurant et j'ai dit adieu


Page 1407

  1   à mes amis, les gens que je connaissais, je leur ai dit qui j'avais vu et

  2   ce qu'ils m'avaient dit et je croyais fermement que j'allais être tué,

  3   c'est-à-dire égorgé.

  4   Q.    Qu'est-il arrivé ensuite ?

  5   R.    Ils sont venus une demi-heure plus tard, ledit Dragan est de nouveau

  6   entré, il m'a interpellé, je suis ressorti à l'extérieur et lorsque je

  7   sortais, j'ai aperçu (expurgé) me suivre et au même moment, pendant

  8   que je sortais encore, le dénommé Dragan, pour autant que je m'en

  9   souvienne, a commencé à me frapper avec une matraque, il m'a tapé sur la

 10   tête et sur le cou et il m'a dit qu'on allait se diriger vers la " maison

 11   blanche ". Et derrière moi, (expurgé) courait.

 12         M. le Président : Je voudrais vous dire deux choses, la première,

 13   vous avez déjà plus ou moins deux heures et demi d'interrogatoire

 14   principal. Vous aviez annoncé deux heures, cela ne veut peut-être pas dire

 15   grand chose, mais vous pouvez peut-être lire cette question avec l'autre.

 16   Nous pensons faire une pause à une heure moins le quart. Je profite de

 17   l'interruption pour vous dire une autre chose. Le témoin a parlé beaucoup

 18   de petits noms : Krkan, Krlc, Brk, etc, peut-être faudrait-il demander au

 19   témoin s'il peut établir cette relation avec les noms de l'accusation.

 20   Nos autres audiences sont publiques et le public ne connaît peut-être pas

 21   cette liaison. Si vous pouvez penser à ces trois choses en même temps mais

 22   je sais que vous êtes capable de le faire.

 23   Merci beaucoup, Madame Hollis.

 24   Q.    Je vais certainement le faire, Monsieur le Président.

 25   Monsieur Beganovic, vous avez mentionné une personne du nom de (expurgé)


Page 1408

  1   (expurgé), qui était-ce ?

  2   R.    C'était un poète, il était organisateur de manifestations

  3   culturelles. C'était une personnalité bien connue dans la ville.

  4   Q.    Vous le connaissiez avant d'arriver dans le camp ?

  5   R.    Je le connais depuis que j'existe, depuis toujours.

  6   Q.    Et de quel groupe ethnique était-il ?

  7   R.    Musulman.

  8   Q.    Vous avez dit qu'on vous avait emmené vers la "maison blanche" et

  9   qu'on vous battait chemin faisant, que vous est-il arrivé quand vous êtes

 10   arrivé là-bas ?

 11   R.    Lorsque nous sommes arrivés là-bas, j'ai été dirigé vers une pièce à

 12   droite et Nikita Janjic me suivait et Dragan et (expurgé)

 13  (expurgé)et Asaf Kapetanovic s'étaient joints à nous. Ils se trouvaient dans

 14   la pièce qui se trouvait à gauche.

 15   J'avais été battu physiquement par Dragan et Nikita Janjic et les deux

 16   autres avaient été soumis à de mauvais traitements, j'ai vu qu'il y avait

 17   Zigic, Dusko Tonisevic*, appelé Duca, et un certain Saponja, c'était le

 18   fils de Slavko Saponja, je pense qu'il s'appelait Dragan, il était joueur

 19   de hand-ball à Prijedor.

 20   Ils avaient été mes amis, Saponja entrait de temps en temps dans cette

 21   seconde pièce à droite pour me faire subir de mauvais traitements

 22   physiques.

 23   Et lorsque ces mauvais traitements ont cessé, nous sommes sortis devant la

 24   " maison blanche ". Zigic nous a dit de nous pencher et de boire comme des

 25   chiens, de laper l'eau. Et nous l'avons fait. Ensuite, on nous a dit de


Page 1409

  1   nous diriger vers le restaurant et les trois sont allés là-bas et Dragan

  2   que m'a fait revenir sur nos pas, il m'a fait entré à la " maison blanche

  3   ", de nouveau, il m'a cogné plusieurs fois encore et il m'a fait entrer

  4   dans la pièce à gauche.

  5   Q.    Vous avez dit que Zigic, Dusko Knezovic et Saponca avaient pris part

  6   à ses mauvais traitements. Comment avez-vous reconnu Zigic ?

  7   R.    J'ai reconnu Zigic, car lui, je ne le connaissais pas bien, avant la

  8   guerre, mais j'ai bien fait connaissance quelques 15 jours avant la

  9   création du camp. Il avait maltraité (expurgé) et il lui avait tiré

 10   dans la jambe. Et moi, je me trouvais à quelque 10 à 15 mètres de là,

 11   j'observais ce qui se passait et c'est là que j'ai appris qu'il s'agissait

 12   de lui et d'ailleurs en ville, on disait qu'il allait et venait, qu'il

 13   maltraitait les gens et il y avait une camionnette qui emmenait et

 14   ramenait des gens pour mauvais traitements.

 15   Q.    Pour ce qui est de Ducko Knezevic* comment le connaissiez-vous ?

 16   R.    Je ne le connaissais pas, j'ai appris dans le camp comment il

 17   s'appelait.

 18   Q.    Vous avez mentionné que Caponja* était joueur de Hand-ball, coment

 19   le connaissiez-vous ?

 20   R.    Depuis sa naissance, il est un peu plus jeune que moi, mes parents

 21   et ses parents étaient amis de famille. Ses parents se sont mariés dans

 22   notre maison de famille car son père et le mien étaient amis et comme ils

 23   n'avaient pas une maison suffisamment grande pour faire le mariage chez

 24   eux, ils se sont mariés dans notre maison. Nous nous connaissons depuis

 25   toujours. Nous nous rencontrions, nous nous fréquentions, nous allions


Page 1410

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1411

  1   boire un pot dans les cafétérias de la ville.

  2   Q.    Quel était votre état physique après avoir été passé à tabac dans la

  3   " maison blanche " ?

  4   R.    Mon état physique était tel que quelques heures après, j'ai ressenti

  5   toute la douleur que cela avait occasionné. J'avais du mal à bouger, ma

  6   tête était enflée. J'avais noirci, j'étais ensanglanté, mes jambes étaient

  7   pleines de traces de coups, dans le dos, j'ai eu aussi plusieurs centaines

  8   de coups, sur le cou, sur la tête. Quand on m'a fait entrer dans la

  9   seconde pièce, à gauche où se trouvait des jeunes gens qui avaient

 10   participé à l'attaque contre Prijedor, il y avait plusieurs personnes à

 11   l'intérieur et ils étaient tous dans le même état que moi.

 12   On ne pouvait plus bouger et un gardien est entré la nuit, il avait allumé

 13   sa lampe torche, et il avait dit : " Slavko, fils de pute, tu nous avais

 14   dit que tu n'avais pas attaqué Prijedor, mais dans ton groupe, il y a même

 15   des noirs. " Et je me suis retourné, je lui ai dit : " si tu penses à moi,

 16   je ne suis pas un noir, mais ce sont les coups de la " pista " et cela a

 17   été un règlement de compte tout à fait privé je n'ai rien à voir avec ces

 18   gens. " Il est venu à moi, il s'est agenouillé et il a dit : " Je baise

 19   leur mère, comment peuvent-il battre les gens à ce point-là ? "

 20   J'avais compris qu'il était sincère et je lui avais dit ce qui s'était

 21   passé, je l'ai prié de me ramener vers la " pista", que j'appartenais à

 22   l'autre groupe et il m'avait promis d'essayer et mais qu'il ne pouvait

 23   rien me garantir. Il est revenu le matin, il m'a emmené vers le hangar,

 24   pour que je puisse me laver autant que faire se pouvait et il m'a ramené

 25   vers la " pista ". Sur la "pista", plus personne des autres concitoyens,


Page 1412

  1   amis et connaissances ne pouvait me reconnaître. Ma tête était tellement

  2   enflée. J'avais complètement noirci, comme cet appareil ici que vous

  3   voyez.

  4   Q.    Vous venez de mentionner le fait que la pièce dans laquelle on vous

  5   avait amené, se trouvait à gauche et qu'il y avait plusieurs hommes à

  6   l'intérieur et un garde qui a jeté un oeil dans la pièce et qui a dit

  7   quelque chose à un homme qui s'appelait Slavko. Qui est ce Slavko que vous

  8   venez de mentionner ?

  9   R.    Slavko, c'est un jeune homme, un ami de ma tendre enfance, nous

 10   sommes allés à l'école ensemble, il était homme d'affaires dans le secteur

 11   privé, nous nous fréquentions. Il était croate, il était connu par toute

 12   la ville pratiquement. Il avait été accusé d'avoir conduit une attaque, si

 13   tant est qu'attaque, il y eut contre Prijedor. Je ne sais pas quand il a

 14   été capturé et où, mais il était arrivé au camp deux ou trois jours avant

 15   que je n'accède à cette " maison blanche " et à la pièce où il se

 16   trouvait. Il marchait sur ses propres jambes et quand je l'ai vu par la

 17   suite dans cette pièce, il hallucinait, il ne savait pas ce qu'il disait,

 18   il racontait des sornettes et j'avais l'impression qu'il allait mourir

 19   d'un moment à l'autre.

 20   Q.    Avez-vous remarqué quelques traces de blessure sur lui ?

 21   R.    Eh bien, tous ces jeunes gens, une dizaine d'entre eux, là, étaient

 22   visiblement passé à tabac et on voyait bien qu'ils avaient du mal à

 23   marcher ou à se déplacer. Déjà, couchés, ils avaient du mal à bouger. Ils

 24   ne faisaient que gémir.

 25   Q.    Quel était le nom de famille de Slavko ?


Page 1413

  1   R.    Slavko Ecimovic surnommé "Ecim".

  2   Q.    Au cours de ce premier incident, lorsque vous avez été passé à

  3   tabac, est-ce que quelqu'un, une personne quelconque du personnel du camp

  4   serait intervenue pour empêcher ce passage à tabac ?

  5   R.    Non, jamais, personne.

  6   Q.    Vous avez dit qu'à trois reprises on vous avait fait sortir pour

  7   vous passer à tabac. La seconde fois que cela est arrivé, combien de temps

  8   s'était passé entre les deux passages à tabac ?

  9   R.    Deux jours.

 10   Q.    Lorsqu'on vous a interpellé pour la seconde fois, où vous avait-on

 11   tenu gardé pendant ce temps ?

 12   R.    A ce moment-là, nous étions sortis de la pièce n° 15, à côté de la

 13   "maison blanche" et on nous avait fait asseoir à côté du gazon et ledit

 14   Koka a établi une liste et on a noté les noms, prénoms et surnoms des

 15   détenus de cette pièce n°15. Je ne sais pas pourquoi ; je me trouvais à ce

 16   moment-là dans ce groupe de détenus qui était sorti de la pièce n° 15.

 17   Q.    Pendant que vous étiez dans ce groupe, près de la "maison blanche"

 18   et que Koka était en train de recenser vos noms, avez-vous vu quelqu'un du

 19   personnel du camp ?

 20   R.    Oui, à côté de la "maison blanche", j'ai vu un gardien qui portait

 21   le surnom de Zucaria* près de la porte et Kvocka, leur commandant, se

 22   trouvait au coin, à l'autre coin.

 23   Q.    Quand vous avez vu Kvocka là-bas, que faisait-il ?

 24   R.    Il était debout, il ne faisait rien et j'ai vu aussi Nikca Janjic

 25   arrivé qui allait à la rencontre de Kvocka.


Page 1414

  1   Q.    Est-ce bien le même Nikica Janjic qui avait été mentionné tout à

  2   l'heure ?

  3   R.    Oui.

  4   Q.    Qu'avez-vous alors remarqué ?

  5   R.    J'ai remarqué qu'ils s'entretenaient entre eux, qu'ils échangeaient

  6   quelque chose. J'ai l'impression qu'il s'agissait d'argent ou d'un papier

  7   quelconque ; je n'ai pas pu remarquer mais ce n'était pas un objet. J'ai

  8   vu qu'ils étaient en train d'échanger quelque chose qui ressemblait à des

  9   papiers ou à de l'argent ?

 10   Q.    Quand vous dites que vous les avez vus s'entretenir ou échanger

 11   quelque chose, vous entendez qui par là, quelle personne ?

 12   R.    Kvocka, le commandant et Nikca Janjic.

 13   Q.    Qu'est-il arrivé ensuite ?

 14   R.    Nikca s'est dirigé vers le groupe où j'étais assis, et il m'a dit  :

 15   "lève-toi". Je me suis levé, je me suis approché du garde que l'on

 16   appelait Ckalja, et je lui ai dit que je ne voulais pas aller à la "maison

 17   blanche", je lui ai dit  : "regardez ce que vous m'avez fait il y a deux

 18   jours". Il a dit qu'il allait m'égorger et que je n'allais pas entrer.

 19   Ckjalja m'a dit alors qu'il me garantissait que je n'aurais pas de mauvais

 20   traitements physiques mais que l'on voulait me faire entrer pour me

 21   parler. Que voulez-vous que je fasse ? Je suis entré et au moment-même où

 22   j'entrai Nikca Janjic a commencé à me frapper, Ckalja n'est pas entré

 23   après, il est resté probablement dehors.

 24   Ensuite est venu encore un petit soldat, un soldat de petite taille qui

 25   avait des cheveux longs, une espèce de manteau militaire qui avait une ou


Page 1415

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1416

  1   deux tailles au-dessus de celle qui lui conviendrait. A à ce moment,

  2   Nikica a commencé à me taper avec la crosse de son révolver, c'était un

  3   colt. Il m'a frappé à la tête, j'ai reçu tellement de coups dans la tête

  4   que j'ai eu plusieurs fractures du crâne et ensuite on a continué à me

  5   donner des coups de pied. A un moment donné, il s'est arrêté. Je lui ai

  6   dit qu'il valait mieux qu'il presse ce pistolet et qu'il m'abatte ou alors

  7   qu'il me laisse en paix et qu'il fasse des deux choses l'une. Laquelle il

  8   voulait.

  9   Il m'avait dit qu'il pensait me tuer mais qu'il avait changé d'avis. Je

 10   lui ai dit  : "mais laisse-moi tranquille". Il me dit qu'il ne ne

 11   reviendrait plus au camp, qu'il s'était suffisamment vengé et que cela

 12   suffisait, de ne pas lui en vouloir, une fois que la guerre terminée, que

 13   cela ne créerait plus de problême, et qu'il fallait oublier la chose.

 14   Il m'a dit  : "tu vois ce que Kvocka m'a donné ? Où tu dois être jeté ?".

 15   Il m'a montré un bout de papier où il y avait écrit  : Emir Beganovic,

 16   tranchée nø 2".

 17   Il a remis ce bout de papier dans sa poche, et il a dit  : "ma mère m'a

 18   demandé de ne pas te tuer, c'est pour cela que je ne l'ai pas fait".

 19   Je lui ai demandé de me ramener de l'eau, il m'a ramené un jerrican d'eau,

 20   je me suis lavé le visage puis il m'a donné une cigarette  ; on s'est

 21   parlé encore un peu. Je lui ai demandé quelques cigarettes pour plus tard,

 22   il me les a données et lorsque nous sortions, nous nous sommes arrêtés à

 23   la porte. Il m'a même serré la main. Il est parti, il a tenu parole, il

 24   n'est plus jamais revenu.

 25   Q.    Vous venez de nous dire qu'à un moment donné, il vous avait remis ou


Page 1417

  1   montrer un bout de papier en disant :"regarde ce que Kvocka m'a donné et

  2   où tu dois finir". On avait marqué COP 2 ?

  3   R.    Pour autant que je le sache, c'est une tranchée ou une excavation de

  4   mine. Ce sont des grandes surfaces, ce sont des excavations de grande

  5   surface, et pour autant que je le sache, actuellement cela est empli

  6   d'eau. Au camp, on disait que les morts étaient transportés vers ces

  7   tranchées dans la mine pour y être jetés.

  8   Q.    Vous avez dit que suite à cet évènement, Janjic ne vous a plus

  9   battu. Je me propose de passer au troisième événement mais je crois que

 10   l'heure est venue de procéder à une pause avant que de passer à ce

 11   troisième incident.

 12         M. le Président : J'ai attendu de finir l'interrogatoire principal,

 13   c'est pour cela que je n'ai pas interrompu. Monsieur le témoin, on va vous

 14   demander de sortir de la salle avec l'aide de M. l'huissier pour faire une

 15   pause.

 16   La pause, en principe, sera de 30 minutes. Madame Hollis, pendant que le

 17   témoin va sortir, de combien de temps avez-vous besoin pour finir ?

 18   Q.    Monsieur le Président, ce témoin va nous parler d'encore un incident

 19   de passage à tabac qui est survenu dans ce camp. Il va ensuite témoigner

 20   de son départ du camp et des événements qui ont eu lieu à l'oscasion du

 21   transport vers un autre camp. Puis, viennent des éléments de preuve

 22   concernant l'influence de son séjour dans le camp, son état de santé, son

 23   déplacement et celui de sa famille vers d'autres régions. Il y a plusieurs

 24   chapitres à traverser.

 25         M. le Président : Etes-vous capable de vous faire une idée de


Page 1418

  1   combien de temps Madame Hollis ?

  2   Q.    Monsieur le Président je crois que cela pourrait durer quelques 45

  3   minutes à une heure encore.

  4         M. le Président : On ne peut pas commencer le contre-interrogatoire

  5   aujourd'hui. Cela va être difficile.

  6   Q.    Oui. Je pense que l'on pourrait aller plus vite, mais en plus de ce

  7   que j'ai dit au début et à la fin les informations que nous avons

  8   recuillies sont des informations qui relèvent des discussions relatives à

  9   la procédure que nous avons eues hier.

 10         M. le Président : Dès qu'on dépasse cette phase provisoire, est-ce

 11   qu'on peut faire confiance dans votre évaluation du temps pour le témoin

 12   ou c'est une prévision, car vous avez prévu 2 heures. Nous allons arriver

 13   à 4 heures. Donc ce que je voudrais savoir si les prévisions que vous nous

 14   avez données, nous pouvons les retenir, pour le futur ou non.

 15   Q.    Monsieur le Président, je dois vous dire que ce n'est qu'une

 16   évaluation, pour être tout à fait sincère, et je ne saurais-vous dire que

 17   cela va durer exactement tant de temps, même si je me limite à ce qui

 18   s'est passé dans le camp et nous ne pouvons pas le faire. Je crois qu'à

 19   mon avis, cela peut être même un peu plus long et tout à fait sincèrement,

 20   je ne puis vous promettre que cela va durer exactement ce temps-là. C'est

 21   juste une évaluation de notre part, nous nous sommes efforcés d'être les

 22   plus précis, je ne saurais-vous garantir que ce sera exactement ce laps de

 23   temps.

 24         M. Riad (interprétation) : Excusez-moi Monsieur le Président, j'ai

 25   noté qu'il y avait plusieurs répétitions dans les événements que nous


Page 1419

  1   avons déjà entendus, je vous demanderai d'éviter cela Madame Hollis.

  2   Q.    Je m'efforcerai de le faire, Monsieur le Juge. Je vais peut-être

  3   interrompre le témoin, mais je m'efforcerai de le faire. Mais je dois

  4   toutefois souligner qu'à notre avis, tous ces éléments sont pertinents et

  5   c'est le premier témoin que nous entendons et les longueurs sont

  6   justifiées, compte tenu notamment de ce qu'a vécu cet homme-là et des

  7   renseignements dont il dispose concernant le camp.

  8         M. le Président : Nous comprenons quand même qu'en étant le premier

  9   témoin, qu'on peut développer un peu, mais il faudrait accélérer après.

 10   Excusez-moi Maître Fila, je vais vous donner la parole, je voudrais

 11   m'adresser à Maître Simic, pour le fait de savoir si vous avez déjà

 12   calculé sur le temps total, Me Kustan Simic.... Combien de temps plus ou

 13   moins ? Etes-vous en condition de nous dire combien de temps vous avez

 14   besoin pour le contre-interrogatoire ?

 15         M. Simic : Monsieur le Président, nous avons convenu hier que les

 16   conseils de la défense présenteront l'ordre du contre-interrogatoire et

 17   s'efforceront de procéder à une évaluation du temps nécessaire. Etant

 18   donné que l'interrogatoire principal n'est pas encore terminé et compte

 19   tenu du fait que nous entendons parler de certains faits qui ne figurent

 20   pas aux déclarations de témoin et dans le cas Tadic, il faudrait que la

 21   défense se réunisse pour un bref laps de temps pour convenir du temps

 22   nécessaire à chacun d'entre nous.

 23         M. le Président : Maître Fila, vous aviez l'intention de parler ?

 24         M. Fila (interprétation) : Madame Hollis avait fait une remarque

 25   concernant le fait qu'elle redoutait que la défense allait poser cinq fois


Page 1420

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1421

  1   la même question. Mme Hollis a cinq fois posé une question : est-ce que la

  2   direction du camp avait essayé d'empêcher les actes prévus… pour être plus

  3   bref l'article du statut et à chaque fois on lui a répondu.

  4   Je ne lui reproche rien, entendez-moi bien, mais on aurait pu poser une

  5   seule question. Est-ce qu'au cours de votre séjour dans le camp l'un

  6   quelconque des dirigeants du camp avait essayé d'interdire ce comportement

  7   ? La réponse aurait été non et on en aurait fini. La seconde chose que je

  8   voulais dire au cours de toutes les auditions faites au niveau de M. Emir

  9   Beganovic, on n'a mentionné aucune fois Kurkan, ni dans le cas de Tadic,

 10   ni dans tous les autres écrits que nous avons reçus et la défense avait

 11   convenu que ce qui ne serait pas mentionné, elle ne contre-interrogerait

 12   pas.

 13   Et donc le défenseur de Kos, ni moi-même, ni M. Simic l'autre Simic,

 14   n'aurait de question à poser au contre-interrogatoire. Il n'y aurait donc

 15   que Simic Krstan et Tosic qui seraient intervenus, maintenant il y a 3

 16   nouveaux noms qui interviennent. Maintenant il faudra que nous contre-

 17   interrogions.

 18         M. le Président : Merci Maître Fila. Par rapport aux questions que

 19   vous posez, j'ai personnellement ma propre opinion, pour ne pas induire,

 20   je vais donner l'opportunité de répondre à Mme Hollis.

 21   Q.    Merci Monsieur le Président. En ce qui concerne les répétitions,

 22   mentionnées par la défense, si cela était remarqué, les questions ont

 23   d'abord été d'ordre général et les questions ont eu trait ensuite à des

 24   cas spécifiques, les passages à tabac du témoin concerné. Je lui avais

 25   demandé si quelqu'un avait empêché la chose, si cela peut vous satisfaire


Page 1422

  1   nous ne poserons plus la question. Mais nous avons constaté que personne

  2   n'a essayé de le faire et nous avons jugé qu'il s'agit d'un renseignement

  3   précieux pour la Chambre et nous nous proposons de poursuivre nos

  4   questions dans ce sens.

  5   Pour ce qui est maintenant des noms mentionnés, l'un des accusés dans

  6   l'affaire Tadic, et nous nous sommes centrés sur cela. Il est clair qu'il

  7   y a eu plusieurs accusés de mentionnés, mais personne n'était Tadic et

  8   nous avons essayé de concentrer les choses sur des questions pertinentes

  9   pour l'affaire dont nous traitons. Et nous avons posé des questions

 10   pertinentes pour ce qui est de l'affaire Tadic.

 11   Et quant au compte-rendu d'audience de l'affaire Tadic, nous estimons

 12   qu'il n'est pas exact d'avoir des accusés différents et des allégations

 13   différentes concernant ces accusés. Les déclarations que nous avons prises

 14   ont été recueillies en 1994 et 1995 et ce sont là des déclarations prises

 15   parce des enquêteurs. Ce ne sont pas des déclarations propres au procès

 16   lui-même. Et ce ne serait pas la même chose si un juge d'instruction avait

 17   posé ces questions et c'est probablement la question vous ne trouverez pas

 18   dans toutes ces déclarations précédentes tous ces renseignements. C'est

 19   peut-être l'une des raisons à ce fait.

 20         M. le Président : D'accord. Je crois que la question des

 21   répétitions, celles mentionnés par Me Fila, est-ce que quelqu'un a arrêté

 22   quelqu'un de faire… C'est vrai qu'il y a une répétition. J'ai compris que

 23   vous aviez décrit plusieurs façons de maltraiter et à chacune vous avez

 24   demander cela. Mais c'était vrai que vous pouviez décrire toutes les

 25   façons de maltraitement et à la fin pour toutes ces façons de maltraiter,


Page 1423

  1   dire : est-ce que quelqu'un a essayé d'arrêter pour toutes les façons ?

  2   C'est une option.

  3   J'ai compris donc de mon point de vue, c'était votre stratégie. Je ne peux

  4   pas quand même interférer dans la stratégie. Soit de la défense soit de

  5   l'accusation, mais je vois que du point de vue de l'efficacité on pourrait

  6   faire d'autres choses. Mais je ne peux pas condamner. L'autre question,

  7   c'est vrai qu'il y a des noms peut-être qui ne viennent pas dans le

  8   compte-rendu, mais il faut bien tenir compte que la notion de nouveau, de

  9   nouvelle question que nous avons invoqués s'appliquent soit à la défense

 10   soit à l'accusation. Et l'interrogatoire principal à l'affaire Tadic a été

 11   dirigé vers une personne.

 12   Donc le témoin avait connaissance de toute une autre série de personnes

 13   qui n'ont pas été mentionnées, mais qui se justifie mentionner ici. Voilà

 14   une nouvelle question qui se justifie pour la défense comme pour

 15   l'accusation. Vous avez l'opportunité du contre-interrogatoire si

 16   l'accusation allait être empêchée de présenter son affaire. Je crois que

 17   le Procureur doit présenter son affaire, la défense doit répondre.

 18         M. Fila (interprétation) : Je m'excuse auprès de Mme Hollis et ce,

 19   de façon sincère, si j'ai été mal interprété. Je ne lui reproche pas le

 20   fait que ces nouveaux noms aient fait leur apparition mais je n'ai fait

 21   que dire que nous devrons maintenant, conformément à l'accord que nous

 22   avons établi, prolonger notre contre-interrogatoire, c'est tout ; mais je

 23   ne reproche rien à Mme Hollis.

 24         M. le Président : Nous ne pouvons pas prolonger le débat car nous

 25   devons faire une pause. Maître Simic, quel est l'objet de votre


Page 1424

  1   interrogation ?

  2         M. Simic : Je me propose d'être très bref, Monsieur le Président.

  3   J'ai soulevé un fait à savoir que dans les déclarations du témoin qui ont

  4   été recueillies en 1994 et 1995 comme l'a dit Mme Hollis et qui compte 20

  5   pages....

  6         M. le Président : Nous avons encadré de façon générale nous sommes

  7   tous les mêmes. Pourquoi pas, nous sommes tous des personnes intelligentes

  8   et nous comprenons bien d'une façon intelligente qu'on doit faire une

  9   pause. On va faire une pause une demi-heure car je crois que peut-être on

 10   doit quand même changer un peu plus l'organisation car on sait que si on

 11   fait une pause de moins d'une demi-heure les accusés ne peuvent pas avoir

 12   leur pause.

 13   En respect pour les accusés, on va faire peut-être dans le temps de pause

 14   d'une demi-heure pour qu'il puisse au moins sortir car ils ont le droit de

 15   suivre les débats. Nous allons faire une pause de 30 minutes et Mme Hollis

 16   je vous prie d'essayer de terminer au moins aujourd'hui le contre-

 17   interrogatoire. Je sais que vous allez faire des efforts pour cela.

 18   Une demi-heure, c'est-à-dire 13 heures 40 minutes.

 19   (La séance est reprise à 13 heures 45.)

 20   (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

 21         M. le Président : Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

 22   Nous n'avons pas de témoin, monsieur Dubuisson ?

 23         M. Dubuisson : Si, il arrive monsieur le Juge.

 24   Q.    Pendant que nous attendons l'entrée du témoin, monsieur le

 25   Président, nous souhaitons répéter le fait que l'accusation comprend


Page 1425

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1426

  1   parfaitement la nécessité d'avancer de la manière la plus rapide à travers

  2   les témoignages. Nous prendrons toutes les mesures possibles afin

  3   d'accélérer la présentation de nos éléments de preuve.

  4         M. le Président : Oui, madame Hollis, nous enregistrons la bonne

  5   volonté, nous allons voir la pratique.

  6   (Le témoin est introduit dans le prétoire.)

  7   Mme Hollis, vous pouvez continuer, vous avez la parole.

  8   Q.    Merci monsieur le Président.

  9   Monsieur Buganovic, avant la pause nous allions aborder le troisième

 10   incident. Vous avez été appelé à sortir et vous avez été passé à tabac. Ce

 11   troisième incident s'est produit combien de jours après le deuxième

 12   incident où vous avez été battu ?

 13   R.    Je pense que c'était de nouveau deux jours plus tard.

 14   Q.    Au moment de ce troisième incident, vous étiez détenu à quel endroit

 15   ?

 16   R.    Dans la pièce n° 15.

 17   Q.    Que s'est-il passé quand on vous a appelé à sortir cette troisième

 18   fois ?

 19   R.    J'ai entendu appeler mon nom et mon prénom, je ne sais pas qui a

 20   prononcé mon nom, et j'ai vu que Dragan se tenait à la porte, Dragan qui

 21   était présent pendant mon premier passage à tabac.

 22   Q.    Que s'est-il passé à partir du moment où vous avez traversé le seuil

 23   de la porte et où vous avez vu Dragan ?

 24   R.    Rien. Comme ma tête était ensanglantée et enflée, l'un des détenus

 25   avait posé un torchon blanc sur ma tête afin d'arrêter les saignements.


Page 1427

  1   C'était une partie d'un tee-shirt blanc, en tout cas c'était un tissu

  2   blanc. Il m'a dit : "Mais tu n'es pas Hodja, pourquoi as-tu du blanc sur

  3   ta tête ?" Je me suis tu et il m'a dit : "Allez, descend". Pendant que je

  4   le croisais, il s'est mis à nouveau à me frapper avec une matraque sur la

  5   tête, le dos, la partie supérieure du corps.

  6   Q.    Vous avez dit qu'il vous avait fait remarquer que vous n'étiez pas

  7   Hodja. Que signifie Hodja ?

  8   R.    Hodja, c'est un prêtre musulman.

  9   Q.    Excusez-moi. Quand il vous a dit que vous n'étiez pas Hodja, il a

 10   mentionné ce pansement sur votre tête. Que voulait-il dire par là ?

 11   Qu'est-ce que cela signifiait ?

 12   R.    Je n'en sais rien, peut-être pour me provoquer, pour m'injurier.

 13   Q.    Et que s'est-il produit par la suite ? Vous avez dit qu'il s'était

 14   mis à vous battre à nouveau.

 15   R.    Oui, il s'est mis à me battre, à me frapper, et il m'a fait entrer

 16   dans la partie inférieure du hangar.

 17   Q.    Quand vous dites la partie inférieure vous pensez au rez-de-chaussée

 18   ?

 19   R.    Oui.

 20   Q.    A partir du moment où il vous a poussé à l'intérieur, que s'est-il

 21   passé ?

 22   R.    Il se trouvait à cet endroit un groupe de soldats serbes. Ils

 23   portaient tous un uniforme de camouflage et ils étaient cinq ou six. Donc

 24   j'ai été forcé à entrer à l'intérieur de ce groupe et ils se sont tous mis

 25   à me frapper.


Page 1428

  1   J'étais le seul détenu présent. Je n'ai pas remarqué la présence d'autres

  2   détenus et ils m'ont tous frappé. Puis un moment, il y avait des sortes de

  3   piliers afin de délimiter l'espace de travail. Il me semble qu'ils étaient

  4   en métal. A un moment je me suis retrouvé à l'intérieur de ces poteaux, je

  5   n'ai pas pu me relever. Puis, à un moment, je ne me souviens plus lequel

  6   de ces soldats l'a fait mais il m'a pris par les jambes, il m'a relevé. Un

  7   autre a pris un fil de fer, un filin de fer et avec ce filin métallique

  8   ils m'ont suspendu par les pieds. Je ne sais pas combien de temps je suis

  9   resté comme cela, mais à un moment mes baskets sont tombées et mes jambes

 10   ont glissé, se sont libérées de ce filin. Dragan est venu vers moi et il

 11   m'a dit : "mais tu me connais, tu sais qui je suis". Je lui ai dit :"Je ne

 12   sais pas". Je lui ai dit que je ne savais absolument pas qui il était ni

 13   d'où il venait. Là, il a dit aux autres : "Emmenez-le là-haut et que Senad

 14   Muslimovic soit amené".

 15   Q.    Quand il vous a demandé si vous le connaissiez et que vous avez

 16   répondu par la négative, vous avez dit que vous ne l'aviez jamais vu,

 17   pourquoi l'avez-vous dit ?

 18   R.    Je leur ai dit pour la simple raison que nous savions que dans le

 19   camp le témoin n'était pas laissé en vie. Si on les connaissait, on ne

 20   vivait pas jusqu'au lendemain. Dès que quelqu'un était connu par le nom et

 21   par le prénom, il ne pouvait pas rester en vie. En fait ils étaient tués

 22   pour qu'on ne sache pas le lendemain qui a tué.

 23   Il voulait savoir si je le connaissais. C'est pour cela qu'il ne m'a pas

 24   tué. Si j'avais dit que je le connaissais, il m'aurait certainement tué.

 25   Q.    Vous avez dit que Dragan a pris part à ce passage à tabac avec


Page 1429

  1   plusieurs autres individus. Avez-vous pu reconnaître l'un quelconque de

  2   ces autres individus en tant que garde régulier au camp ?

  3   R.    En tant que personnel régulier ? Non, il n'y en avait pas un seul,

  4   ils étaient tous venus de l'extérieur, de Prijedor, des environs. Il y

  5   avait des gens que je connaissais et d'autres que je ne connaissais pas

  6   mais il n'y avait personne faisant partie du personnel du camp.

  7   Q.    Lorsque Dragan a dit : "Emmenez celui-ci et amenez-moi Senad

  8   Muslimovic, que vous est-il arrivé ?"

  9   R.    Rien, je me suis acheminé vers là-haut, vers l'escalier, mais mes

 10   baskets étaient restées en bas. Dragan a dit qu'il allait que je revienne

 11   pour prendre ces baskets. Je lui ai dit : "Non, je n'en ai pas besoin". Il

 12   a dit : "Il vaut mieux que tu reviennes plutôt que ce soit moi qui te les

 13   apportes". Donc je suis revenu, ils se sont remis à me battre, mais j'ai

 14   trouvé suffisamment de forces pour remonter l'escalier. Je suis allé dans

 15   la pièce n° 15, je suis entré et quand je suis arrivé à l'endroit où

 16   j'avais été allongé au préalable, je me suis évanoui.

 17   Q.    Après ce troisième passage à tabac, étiez-vous en mesure de sortir

 18   tous les jours pour aller chercher de la nourriture ?

 19   R.    Non, pendant quelque temps je suis resté sans pouvoir bouger, je ne

 20   sortais pas, je ne quittais pas la pièce n° 15. En fait je ne suis plus

 21   sorti du tout, pendant sept ou huit jours je ne tenais plus debout. Après,

 22   je me suis remis à marcher, ils me portaient à l'endroit où il y avait de

 23   l'eau, je n'allais même pas aux toilettes. Pendant trente jours environ je

 24   n'ai pas eu besoin de faire mes gros besoins.

 25   Q.    Je voudrais attirer votre attention sur le jour où vous avez été


Page 1430

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1431

  1   emmené d'Omarska. Le jour où vous avez pu sortir d'Omarska, combien de

  2   personnes ont été emmenées à l'extérieur d'Omarska ?

  3   R.    La moitié des détenus du camp environ... je dirais entre 1300 et

  4   1500 personnes.

  5   Q.    Le jour en question, le jour où vous êtes sorti d'Omarska, comment

  6   est-ce que cela s'est produit, comment est-ce que cela a été mis en

  7   pratique par le personnel du camp ?

  8   R.    Pouvez-vous répéter s'il vous plaît cette question ?

  9   Q.    Oui bien sûr. Quelle a été la méthode ? Comment ont-ils sorti les

 10   détenus pour les mener à l'extérieur d'Omarska ?

 11   R.    Je ne sais pas comment cette sélection a été faite. Il y a eu des

 12   listes, ils s'amenaient, ils lisaient des noms. Après, j'ai appris qu'il y

 13   a eu des gens qui ont été emmenés à Trnopolje. Ceux-là se rendaient sur la

 14   piste 1 et nous, nous étions alignés devant la pièce à Mujo. Donc nous qui

 15   allions être emmenés ailleurs, à ce moment-là nous ne savions pas où nous

 16   allions être emmenés.

 17   Q.    Lorsque vous vous trouviez devant la pièce à Mujo, avez-vous reconnu

 18   des membres du personnel du camp sur place ?

 19   R.    Eh bien tous, tous y étaient. Il y avait un peu la cohue au sujet de

 20   cette répartition des détenus. Tout le monde était sur place, bougeait,

 21   circulait...

 22   Q.    Qui avez-vous reconnu ? Donnez-nous les noms des personnes que vous

 23   avez reconnues.

 24   R.    Eh bien là, sur le champ, je ne pourrais pas dire précisément qui a

 25   prononcé ces noms. Ils étaient plusieurs. En fait ils se relayaient, l'un


Page 1432

  1   venait, il lisait les noms de la liste puis il partait et un autre venait.

  2   Cela fait bien trop longtemps pour que je puisse me rappeler précisément

  3   les noms. Mais c'étaient les gardes qui étaient là tout le temps, ce sont

  4   eux qui venaient et qui lisaient les noms qui figuraient sur les listes.

  5   Q.    Où avez-vous été emmené d'Omarska ?

  6   R.    On a été emmené à Manjaca en quittant Omarska, au camp de Manjaca.

  7   Q.    Où se situe Manjaca, dans quelle municipalité, si vous le savez ?

  8   R.    C'est la municipalité de Banja Luka, me semble-t-il ?

  9   Q.    Comment avez-vous été transporté à Manjaca ?

 10   R.    C'était le chaos généralisé dans les gares. Au début, il fallait

 11   qu'on baisse la tête pour ne pas regarder par la fenêtre, mais la colonne

 12   s'est arrêtée assez rapidement sur la route et on a pu voir qu'on allait

 13   vers Banja Luka, que c'était la route de Prijedor à Banja Luka.

 14   Là, ils se sont mis à nous frapper et ils ont dit que nous devions tous

 15   nous glisser sous les sièges. Chaque détenu pouvait se cacher sous un

 16   siège et lorsque je l'ai fait, lorsque je me suis glissé en-dessous, je

 17   l'ai fait jusqu'à ce qu'on arrive à Manjaca et jusqu'à ce qu'on nous fasse

 18   descendre des cars. Je n'arrive même pas à comprendre aujourd'hui comment

 19   j'ai pu rester comme cela dans cette position pendant si longtemps.

 20   Q.    Et vous avez été détenu à Manjaca pendant combien de temps ?

 21   R.    A partir du 7 août jusqu'au 13 décembre 1992.

 22   Q.    Et de Manjaca, où avez-vous été emmené ?

 23   R.    De Manjaca, j'ai été emmené au camp de Badkovic.

 24   Q.    Le camp de Badkovic est situé dans quelle partie de la Bosnie-

 25   Herzégovine ?


Page 1433

  1   R.    C'est Semberija*, la municipalité de Bijelina*.

  2   Q.    Pendant combien de temps avez-vous été détenu au camp de Badkovic ?

  3   R.    Du 13 décembre au 4 mars 1993.

  4   Q.    Et à partir de là, où êtes-vous allé ?

  5   R.    Nous avons été échangés dans la municipalité de Hahic* près de

  6   Brsko. Je suis passé du côté de la fédération, comme on l'appelle

  7   maintenant.

  8   Q.    Monsieur Beganovic, pendant votre déposition vous avez évoqué

  9   plusieurs membres du personnel par leurs surnoms, parce exemple Kurkan.

 10   Connaissiez-vous à l'époque le vrai nom de Kurkan ?

 11   R.    Non.

 12   Q.    Vous avez également parlé de Kerle*. Connaissiez-vous le vrai nom de

 13   Krl ?

 14   R.    Mladzo Radic c'est Kerkan* et Kerle* c'est Milojsa Kos*. Kvocka,

 15   c'est Kvocka Miroslav. Prsac*, Dragan. Zigic Zoran. Voilà.

 16   Q.    Vous avez également mentionné Skalja. Connaissiez-vous son vrai nom

 17   ?

 18   R.    Skalja*, je ne connais que son surnom. Quant à Paskal* je ne connais

 19   que son nom de famille. Koka*, je connaissais son nom et son prénom. Je

 20   n'arrive pas à me rappeler mais je l'avais toujours connu sous le nom de

 21   Koka.

 22   Q.    Vous avez mentionné Prsac. Connaissiez-vous Prsac avant le camp ?

 23   R.    Non.

 24   Q.    Et comment l'avez-vous connu au camp ?

 25   R.    Eh bien j'ai entendu dire qu'un certain Prsac était arrivé pour


Page 1434

  1   remplacer le commandant Kvocka. Je l'ai peut-être vu une ou deux fois au

  2   camp. Simplement, je ne le connaissais pas du tout de Prijedor. Au camp

  3   non plus je ne le voyais pas souvent parce que j'évitais de sortir,

  4   j'essayais de me rendre le plus rarement possible à la nourriture parce

  5   que j'avais peur qu'on me reconnaisse. Tout simplement je ne le voyais

  6   pas, il ne rentrait pas dans notre pièce, la pièce à Mujo. Du moins moi je

  7   ne l'ai pas vu rentrer.

  8   Q.    Quand vous êtes arrivé pour la première fois au camp d'Omarska, dans

  9   quel état physique étiez-vous généralement parlant ?

 10   R.    Eh bien j'étais en bonne condition physique. Je faisais 75-76 kilos.

 11   Physiquement, psychiquement j'étais en bonne condition.

 12   Q.    Et quand vous avez été emmené d'Omarska, début août, pouvez-vous

 13   décrire à la Chambre votre état physique ?

 14   R.    J'étais dans un état affreux physiquement. Je faisais 49 kilos quand

 15   on nous a pesés à Manjaca pour la première fois, j'étais, comment dire,

 16   squelettique. Mes jambes, mes bras, ma tête étaient blessés. Psychiquement

 17   je m'en suis sorti à peu près indemme. J'ai réussi à surmonter toutes ces

 18   souffrances. Je pense que psychiquement j'ai assez bien résisté aux

 19   mauvais traitements mais physiquement mes souffrances étaient atroces.

 20   Q.    Avez-vous eu des conséquences de votre séjour à Omarska des

 21   conditions de détention et des mauvais traitements physiques ?

 22   R.    Ces conséquences se font ressentir à long terme. Je ressens encore

 23   des problèmes de ma colonne vertébrale qui a été blessée, j'ai des

 24   douleurs dans les jambes, dans les bras aussi, souvent des douleurs, des

 25   maux de tête. Avant le camp je n'avais jamais eu de maux de tête, alors


Page 1435

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1436

  1   qu'à présent j'ai souvent des maux de tête violents, je souffre

  2   d'insomnie.

  3   Q.    Vous avez décrit votre situation financière avant votre arrivée à

  4   Omarska. Pouvez-vous décrire à la Chambre quelles sont les circonstances

  5   du fait que vous avez dû quitter la région et dire quelle est votre

  6   situation aujourd'hui ?

  7   R.    Jusqu'à très récemment, je vivais d'allocations sociales mais depuis

  8   un an, mon épouse a ouvert une boutique, un magasin de fleurs au Pays-Bas,

  9   ce qui fait qu'aujourd'hui ma situation financière n'est pas mauvaise. On

 10   a démarré l'affaire, on verra si cela pourra marcher, mais jusqu'à l'année

 11   dernière je vivais d'allocations sociales ici aux Pays-Bas.

 12   Q.    Vos biens à Prijedor, avant le 30 mai 1992, est-ce que vous avez pu

 13   entrer en possession de vos biens ?

 14   R.    Non, rien ne m'a été restitué, je n'ai rien pu retrouver. Il y a un

 15   mois je me suis rendu à Prijedor. Il me reste deux commerces qui n'ont pas

 16   été détruits, le café Pink et le magasin de fleurs, mais les Serbes qui

 17   occupent aujourd'hui ces commerces ne veulent pas les quitter, les

 18   autorisés ne veulent rien faire afin de les faire libérer, et je ne sais

 19   pas comment cela va évoluer à l'avenir.

 20   Pour ce qui est de la situation à Prijedor il n'y a eu aucune évolution de

 21   la situation.

 22   Q.    Monsieur le Président, nous n'avons plus de question pour ce témoin.

 23         M. le Président : Merci beaucoup madame Hollis, nous enregistrons

 24   quand même vos efforts pour terminer aujourd'hui.

 25   Je me tourne maintenant vers Maître Simic.


Page 1437

  1   (CONTRE INTERROGATOIRE DE M. SIMIC)*

  2   Q     Monsieur le Président, compte tenu du fait qu'il est 14 heures 10 ,

  3   la question qui se pose est de savoir s'il est utile de commencer

  4   aujourd'hui, puisque nous pensons que suite à ce genre d'interrogatoire,

  5   la défense devrait au moins se mettre de d'accord sur l'ordre du contre-

  6   interrogatoire, sur les sujets.

  7   Il nous faudrait à peu près 10 minutes pour nous concerter et il serait

  8   plus efficace de démarrer demain pour mieux se préparer et mieux

  9   s'organiser. Mais nous accepterons votre décision quelle qu'elle soit.

 10         M. le Président : Pendant la pause, je pensais que vous étiez

 11   capables de vous mettre d'accord parce que l'interrogatoire principal

 12   était presque fini. Je vais enregistrer que vous nous devez 20 minutes

 13   dans la totalité, nous allons enregistrer 20 minutes car à mon avis vous

 14   avez pu vous mettre d'accord pendant la pause.

 15   Q.    Nous pouvons commencer si vous le souhaitez, nous avons un accord

 16   global.

 17         M. le Président : Nous devons profiter de ces 20  minutes.

 18   Q.    Je commencerai, M. Zigic continue, M. Nikolic, M. Fila et M. Simic

 19   en dernier lieu. Le seul changement est que M. Tosic interrogera après

 20   moi.

 21         M. le Président : L'ordre sera : Maître Stancinic, ensuite Maître

 22   Tosic, ensuite Maître Nikolic, ensuite Maître Fila.

 23   La défense de M. Kos, nous ne savons pas encore qui.

 24   Le team de la défense dit qui va interroger, donc quand on dit Simic,

 25   Nikolic, Tosic, Fila, chacun de vous dit quel est l'avocat qui va contre-


Page 1438

  1   interroger, mais l'ordre est celui-ci, n'est-ce pas ?

  2   Q.    Oui.

  3   M. le Président : Donc, Témoin vous allez maintenant répondre aux

  4   questions que les avocats de la défense vont vous poser. Je profite de

  5   l'instant pour vous rappeler que nous sommes ici pour rendre justice et ne

  6   pas pratiquer la vengeance. Je dis tout cela pour tout le monde toutes les

  7   personnes, je sais que les  avocats de la défense font leur travail ici et

  8   ils savent le faire et ils vont être gentils avec vous. Maître Simic, vous

  9   avez la parole.

 10   Q.    Merci M. le Président.

 11   Je désire dire que je suis terriblement désolé pour ce que M. Beganovic a

 12   subi mais il est vrai que la haine n'est certainement pas une bonne chose

 13   dans la vie et j'appuie tout à fait votre position. Je voulais également

 14   ajouter que la vérité est notre meilleure amie et c'est dans ce sens que

 15   je vais aborder.

 16   Monsieur Beganovic, parlons d'abord de la période des élections et des

 17   événements qui ont eu lieu pendant la campagne électorale. Vous avez

 18   énuméré trois parties nationales et vous avez parlé du fait

 19   qu'indépendamment des parties, ils étaient composés de Serbes, de Croates

 20   et de Musulmans. Savez-vous si les Musulmans et les Bosniens faisaient

 21   partie des parties opposées ?

 22   R.    Non je n'ai pas ce genre d'information, par contre je sais qu'il y

 23   avait des Musulmans, des Serbes et des Croates dans le parti d'Ante

 24   Markovic, parti dans lequel j'étais, le parti réformiste.

 25   Q.    Très bien, nous allons parler plus longuement plus tard. En fait,


Page 1439

  1   pourriez-vous nous dire comment se comportait le parti national envers le

  2   parti de M. Markovic ?

  3   R.    C'était très négatif.

  4   Q.    Est-ce que ce parti, c'est-à-dire les gens qui étaient membres de ce

  5   parti avaient des problèmes politiques ?

  6   R.    Non je ne pourrais pas dire qu'ils avaient des problèmes politiques,

  7   mais je pourrais dire que verbalement il y a eu très souvent des échanges

  8   peut-être un peu désagréables entre tout le monde, les habitants, les

  9   Musulmans, les Serbes et les Croates et les gens disaient : si les Serbes

 10   peuvent tous faire tous faire partie d'un de leur parti pourquoi on ne

 11   pourrait pas avoir un parti à nous, et pour les Croates c'était le HDZ,

 12   donc la plupart des habitants étaient partagés en partis nationaux.

 13   Q.    Monsieur Beganovic, en tant que personne de cette ville, pourriez-

 14   vous nous dire quel était le premier parti national fondé sur le

 15   territoire de la Bosnie Herzégovine ?

 16   R.    Je ne sais pas, je n'étais pas particulièrement intéressé à cette

 17   chose. Lorsque les partis nationaux ont commencé à se fonder, j'étais en

 18   Hollande en 1990 pour affaires, j'y ai passé quelques mois et de sorte que

 19   lorsque je suis rentré en Bosnie à la fin de 1990, le terrain était déjà

 20   préparé mais la politique n'était jamais quelque chose qui m'intéressait

 21   énormément. Je n'ai pas tous ces renseignements.

 22   Q.    Puisque j'appartenais au parti d'Ante Markovic, je détiens certaines

 23   informations et je vais peut-être en parler plus longuement en fait, car

 24   je connais la chose, si vous voulez. Donc cela veut donc dire que la SDS,

 25   HDZ et SDA pourquoi n'ont-ils pas fait un bloc ? Est-ce que vous savez


Page 1440

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1441

  1   s'ils ont créé un bloc ?

  2   R.    Oui, je crois que oui. C'était une coalition des partis nationaux.

  3   Q.    Est-ce que c'était publié de façon publique ?

  4   R.    Non mais c'est ce que ça avait l'air puisque c'est l'impression que

  5   nous avions.

  6   Q.    Après la fin des élections, et je vais vous dire que c'était en

  7   1990, et non pas 1991,- vous avait fait une erreur tout à l'heure, c'est

  8   pour vous le rappeler,- quel était le rapport des partis ?.

  9   R.    Le SDA avait gagné. Par la suite, c'étaot le SDS et le HDZ..

 10   Q.    Savez-vous si le SDA avait reçu un nombre de voix suffisantes pour

 11   former un pouvoir à Prijedor ou était-ce une coalition ?

 12   R.    Ils avaient reçu assez de voix, de sorte que c'était un parti à

 13   Prijedor qui avait le plus d'adhérents, mais je n'appartenais pas à ce

 14   parti.

 15   Q.    Pourriez-vous dire Monsieur Beganovic que le parti du SDA avait reçu

 16   plus de 50 % de voix et qu'ils avaient pris le pouvoir.

 17   R.    Oui, ils avaient le pouvoir à Prijedor avant la prise du pouvoir et

 18   c'est incontestable. Le SDA avait donc le pouvoir à Prijedor et ils

 19   étaient divisés ; nous savons très bien qui était le maire, le Président

 20   du Tribunal, qui était chef de police ou le directeur des mines et qui

 21   était le directeur de l'électricité. Je ne vois pas où vous voulez en

 22   venir de quelle façon  voulez-vous dire que le parti n'avait pas de

 23   pouvoir, il avait un pouvoir, j'aurais préféré que non, mais une partie

 24   était au pouvoir.

 25   Q.    Je crois que nous ne nous sommes pas compris. Pour que le SDA puisse


Page 1442

  1   être au pouvoir, il aurait fallu qu'ils aient 51 % de voix.

  2   R.    Je ne sais pas, je ne suis pas un homme politique, je sais très bien

  3   qui détenait le pouvoir, qui était le maire.

  4   Q.    Qui était le maire de la municipalité ?

  5   R.    C'était un Musulman.

  6   Q.    Qui était le Président ?

  7   R.    Le président de la police était musulman. Le Président de la mairie

  8   était un musulman également.

  9   Q.    La question que je vous pose est très claire. Qui était le Président

 10   du pouvoir municipal ?

 11   R.    J'étais un homme d'affaires et pas du tout concerné par ce genre de

 12   chose.

 13   Q.    Monsieur Beganovic, nous parlons ici de faits, vous dites que vous

 14   savez qui était au pouvoir, je vous demande qui était le Président du

 15   pouvoir municipal.

 16   R.    C'était un musulman

 17   Q.    Quel était son nom ?

 18   R.    Il était professeur, il s'appelait Mohamed, et je ne me rappelle

 19   plus de son nom de famille.

 20   Je sais qu'il était professeur à l'école secondaire de Prijedor mais je ne

 21   me souviens plus de son nom de famille, je vais vous les dire plus tard ;

 22   Q.    Donc vous croyez que le Président du gouvernement municipal était

 23   d'appartenance musulmane.

 24   R.    Oui.

 25   Q.    J'aimerais en revenir aux tensions que vous avez mentionnées. De


Page 1443

  1   quelle façon ces tensions se faisaient voir et pour quelle raison avez-

  2   vous, au mois d'avril avant la prise du pouvoir, envoyé votre famille ? En

  3   fait c'était une bonne décision.

  4   R.    Pour la simple raison que les tensions étaient tellement énormes que

  5   j'ai vu que quelque chose allait se passer et je ne savais pas de quoi il

  6   s'agissait exactement. Je ne savais pas si les habitants allaient quitter

  7   la ville, s'il y aurait un combat au front, je ne savais pas tout à fait

  8   avec plus de précision ce qui allait survenir, mais avec le retour des des

  9   soldats serbes du front croate, ils étaient tellement agressifs ques

 10   j'avais très peur pour moi, j'avais certainement peur pour ma femme et mon

 11   enfant.

 12   On ne pouvait plus vivre normalement, on ne pouvait plus avoir des

 13   commerces et donc cela nous a pris un mois, je pensais que j'enverrais mes

 14   enfants en vacances au mois d'avril, j'ai décidé de rester derrière et de

 15   ne pas quitter avec eux, c'était pour la simple raison qu'on entendait des

 16   tirs comme s'il y avait une guerre à Prijedor. Ca tout le monde le sait.

 17   Q.    Vous venez d'introduire le terme de guerre. Qui faisait la guerre ?

 18   R.    Les soldats serbes qui étaient arrivés de la Croatie et quand ils

 19   avaient perdu quelqu'un, un frère ou un ami, ils revenaient et se

 20   vengeaient sur nous. C'était pire que la guerre. Ce sont des gens qui

 21   avaient des tanks, des chars, des mitrailleuses et nous on n'avait rien,

 22   nous  les musulmans, croyez-vous qu'on avait des armes nous de simples

 23   habitants ?

 24   Q.    Vous avez mentionné tout à l'heure qu'il y avait un marché d'armes

 25   libres.


Page 1444

  1   R.    Oui, il y avait un marché d'armes libre.

  2   Q.    Oui, je suis d'accord avec vous, tout le monde pouvait acheter des

  3   armes, tous les gens qui avaient de l'argent pouvaient acheter des armes.

  4   R.    Oui, c'est un fait.

  5   Q.    L'argent n'avait pas d'appartenance nationale ?

  6   R.    Non.

  7   Q.    J'aimerais maintenant revenir à la ligue patriotique. Je suis tout à

  8   fait d'accord que lorsque vous voulez organiser une manifestation

  9   nationale il fallait avoir un permis. Qui émettait ces permis ?

 10   R.    C'est le SUP.

 11   Q.    Qui y était la tête du soupe.

 12   R.    C'était un musulman du nom de Hasan Talundzic

 13   Q.    Quelle est la raison pour laquelle ils vous ont empêché d'organiser

 14   des manifestations publiques pour votre ligue de paix ?

 15   R.    A partir du 30 avril nous n'avons aucune possibilité de faire ce

 16   genre de manifestation puisque les barrages routiers venaient de se

 17   former, mais jusqu'au mois d'avril on pouvait.

 18   Q.    Et au mois d'avril est ce qu'on vous a empêché de manifester ?

 19   R.    Au mois de mars, le 15 mars il y avait eu une prise, en fait le

 20   premier essai de prise de pouvoir a eu lieu le 15 avril, je crois. En

 21   plein jour, nous sommes sortis devant la mairie. Il y avait une centaine

 22   de personnes et pour une raison ou une autre, ils ont décidé d'abandonner

 23   et de trouver une nouvelle date pour prendrele pouvoir les fusils. C'est

 24   la raison pour laquelle nous avons arrêté. Donc au mois de mars, nous

 25   avons arrêté d'organiser nos concerts et nos manifestations culturelles.


Page 1445

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1446

  1   Kuruzovic ne nous permettait pas d'entrer dans la mairie. Il savait très

  2   bien ce qu'il faisait dans la région de Prijedor. Il m'avait menacé de

  3   m'emmener en Croatie à Gradiska pour que je puisse voir ce qu'ils ont fait

  4   de Gradiska à cause des Oustachis et des gens comme moi et je ne faisais

  5   absolument rien de mal avant cela, j'étais un commerçant et je vendais des

  6   fleurs, et j'étais dans la restauration.

  7   Q.    Monsieur Beganovic, vous avez mentionné le 15 mars comme étant une

  8   journée à laquelle on a essayé de prendre le pouvoir.

  9   R.    Je crois que c'était au mois de mars.

 10   Q.    De quelle façon ça s'est manifesté ?

 11   R.    Les Serbes étaient au pouvoir ils ont placé des snippers sur

 12   l'immeuble de Rudnic* qui se trouvait derrière la municipalité, derrière

 13   la mairie et ils sont venus à la mairie. Ils ont essayé de faire en sorte

 14   qu'on leur remette le pouvoir, ils ont pénétré à l'intérieur de la mairie

 15   et ont déjà commencé leurs négociations et c'est à ce moment-là qu'ils ont

 16   vu que les gens avaient commencé à se rassembler de plus en plus.

 17   Le moment n'était peut-être pas opportun pour la création de ces camps et

 18   ils ont remis le tout à plus tard.

 19   Q.    Quel genre d'action le 15 mars ?

 20   R.    Je ne sais pas exactement si c'est bien la date mais c'était au

 21   moins au mois de mars. Il y avait eu un essai de la prise de pouvoir à

 22   Prijedor, c'était en mars.

 23   Q.    Une première tentative ? De quelle façon cette tentative a eu lieu ?

 24   R.    Probablement avec la sortie de ces gens devant la mairie  ; cette

 25   tentative a finalement été remise à plus tard et ne l'a pas empêché.


Page 1447

  1   Q.    Monsieur Beganovic, vous avez donné une déclaration en 1995, vous

  2   l'avez signée, il y a 22 pages  ; à ce moment-là, vous avez parlé en

  3   détail de plusieurs événements.

  4   R.    Oui.

  5   Q.    Avez-vous jamais eu dans votre vie des armes en votre possession ?

  6   R.    Oui.

  7   Q.    Quel genre d'arme ?

  8   R.    Fusil de chasse.

  9   Q.    Quel était le type ?

 10   R.    Une carabine avec un snipper, c'était un fusil qui appartenait à mon

 11   père et qui était en sa possession plus de 30 ans, c'était un chasseur qui

 12   était très connu à Prijedor. Cette arme, mon père est né en 1982 et cette

 13   arme est restée en ma possession. J'ai hérité de cette arme mais je n'ai

 14   jamais pu obtenir un permis pour ce fusil parce que la police serbe ne me

 15   permettait pas… cette police serbe n'arrêtait pas de me harceler toute ma

 16   vie depuis que je suis né.

 17   Q.    Je vous ai demandé de me parler de votre arme et ne pas parler de

 18   rien d'autre. De quelle façon on vous a enlevé votre arme  ? Vous avez

 19   mentionné que votre père est décédé en quelle année ?

 20   R.    En 1982.

 21   Q.    Il y a eu une procédure dans laquelle vous avez reçu un héritage ?

 22   Est-ce que que cette arme est passée à vous ?

 23   R.    Oui.

 24   Q.    Votre père avait-il un permis pour cette arme ?

 25   R.    Oui, il était chasseur, il avait un permis.


Page 1448

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1449

  1   Q.    Lorsque vous avez hérité, est-ce que vous savez quelle est la

  2   procédure pour légaliser une arme ?

  3   R.    Oui.

  4   Q.    Avez-vous fait une demande à ce que cette arme vous soit légalisée ?

  5   R.    Oui. C'est le Tribunal qui doit légaliser cette arme et j'avais

  6   apporté au SUP une demande. J'avais également obtenu un permis d'un club

  7   de chasse qui me permettait de voler.

  8   J'avais reçu une autorisation mais on n'a jamais voulu autoriser cette

  9   arme et par contre, lorsque j'étais soldat de réserve à Manocac j'avais le

 10   droit de porter cette arme.

 11   Q.    J'aimerais que l'on parle de la façon dont vous avez obtenu cette

 12   arme.

 13   Je suis en train de parler de la légalité du port d'arme, cette

 14   autorisation légale de posséder une arme. Avez-vous obtenu une décision

 15   conforme au règlement en vigueur pour ce qui est de posséder une arme

 16   héritée de la part de votre père ?

 17   R.    J'ai reçu un acte juridique me faisant hériter de cette arme de la

 18   part de mon père. J'ai soumis cet acte au Tribunal et à la police et tout

 19   le monde savait que je la possédais.

 20   Q.    Vous avez obtenu un papier vous autorisant à le faire ?

 21   R.    Oui. Mon épouse aussi car elle voulait également partir à la chasse

 22   mais on ne l'avait pas autorisée et Blanco Zigic et autres compagnies ne

 23   l'ont pas autorisée et on nous a enlevés notre arme.

 24   Q.    Mais vous êtes bien conscient que sans autorisation des autorités

 25   compétentes, vous aviez illicitement en possession un fusil ?


Page 1450

  1   R.    Je ne dirai pas illicitement. J'avais deux fusils et j'ai fait

  2   déposer une demande au SUP et j'ai demandé à être membre de l'association

  3   de chasse locale.

  4   Q.    Mais vous ne l'avez pas obtenu ?

  5   R.    Non, cela m'a été réfusé, j'ai porté plainte, mon épouse aussi ;

  6   cela lui a été refusé également.

  7   Q.    Quand vous a-t-on enlevé ces armes ?

  8   R.    Je crois que cela a eu lieu en 1988, mais je ne saurais vous dire la

  9   date exacte.

 10   Q.    Lorsqu'on vous a privé de ces armes, vous a-t-on délivré une

 11   attestation concernant le type d'armes qu'on vous a enlevées ?

 12   R.    Oui.

 13   Q.    Qu'est-ce qu'un fusil à canon court, appelé cratège* ?

 14   M. Beganovic a dit 1988 et non pas 1998, c'est une erreur au compte rendu

 15   d'audience. Pouvez-vous nous dire quand ces fusils vous ont été enlevés ?

 16   R.    En 1998.

 17   Q.    Avez-vous eu un reçu pour ce qui était de l'enlèvement de ces armes

 18   et votre privation de la possession de celles-ci ?

 19   R.    Oui.

 20   Q.    Aviez-vous lu ce qui était écrit ?

 21   R.    Je n'arrive pas à m'en souvenir.

 22   Q.    Y avait-il premièrement fusil, tel type, etc. ? Mais ne vous fâchez

 23   pas.

 24   R.    Non, je ne me fâche pas mais c'était il y a longtemps.

 25   Q.    Vous souvenez-vous que sous le n° 2, il y avait fusil à canon court,


Page 1451

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1452

  1   appelé cratège* ?

  2   R.    Non, ce n'était pas un fusil à canon court, c'était un calibre 12,

  3   un fusil de chasse à grenaille et cela a été acheté à Novi Sad à

  4   l'exposition d'armes de chasse et j'avais une carabine à lunettes qui

  5   étaient des plus modernes et mon père était connu à Prijedor. Il avait eu

  6   des médailles de chasse, il avait abattu des daims de première catégorie,

  7   donc je n'ai jamais possédé de fusil à canon court.

  8   Q.    Qu'a donc suivi la police lorsqu'elle a…

  9         M. le Président : Excusez-moi, on doit terminer aujourd'hui.

 10   D'accord ? Nous allons finir pour aujourd'hui.

 11   R.    Je suis d'accord, Monsieur le Président.

 12         M. le Président : Le témoin doit revenir demain et doit sortir.

 13   Suivant ce que j'ai dit, par rapport au schéma de deux pauses d'une demi-

 14   heure, pour garantir aussi un repos pour les accusés, je vous propose le

 15   schéma suivant que j'aimerais bien que vous notiez :

 16   Donc nous allons prendre à 9 heures 30. Nous ferons une période de travail

 17   jusqu'à 11 heures. Après une pause de 30 minutes, cela veut dire que la

 18   deuxième période de travail sera de 11 heures 30 à 12 heures 50.

 19   Après une demi-heure de pause, la troisième période de travail sera de 13

 20   heures 20 à 14 heures 30.

 21   Voyez aussi que nous travaillons, nous nous fatiguons et nous diminuons un

 22   peu la période de travail. La première sera dz 1 heure 30, la seconde de 1

 23   heure 20 et la troisième de 1 heure 10. Au total on fera toujours quatre

 24   heures de travail.

 25   Pourquoi je vous dis cela ? Pour que vous puissiez gérer votre temps.


Page 1453

  1

  2

  3

  4

  5

  6

  7

  8

  9

 10

 11

 12

 13   page blanche insérée aux fins d'assurer la correspondance entre la

 14   pagination anglaise et la pagination française

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25


Page 1454

  1   Vous avez des questions à poser et mon idée c'est qu'il n'était pas

  2   convenable de couper une question pour faire la pause.

  3   Si vous avez une question à poser, vous la poserez, mais vous n'entrez pas

  4   dans une question si nous sommes tout près de la pause. C'est-à-dire avec

  5   des petites différences de cinq minutes plus ou moins, on va essayer de

  6   respecter cet horaire de travail et si vous oubliez, je ferai le signal

  7   classique qu'il faut faire une pause.

  8   Donc la question c'est de régler un peu, organiser un peu nos travaux.

  9   Nous tous connaissons les règles et la règle du temps de la gestion du

 10   temps sera celle-ci.

 11   Comme j'ai dit, il serait mieux de faire des périodes plus courtes de

 12   travail mais pour garantir aussi le repos des accusés, on a dû changer un

 13   peu le schéma. Le schéma sera celui-ci, on va le tester pour voir s'il

 14   fonctionne bien et pour le voir, nous serons là demain à 9 heures 30.

 15   Merci et bon travail.

 16         Mme Hollis (interprétation) : Excusez-moi, Monsieur le Président.

 17   Puis-je rapidement présenter à la Chambre une question qui a trait aux

 18   témoins ?

 19   Le témoin n° 3, pour des raisons d'affaires, d'obligations nous a obligés

 20   d'avoir, au lieu du témoin n° 3, un témoin qui porte le n° 4.

 21   Le témoin n° 3 se présentera dans le courant de la semaine prochaine. Car

 22   cette personne ne pouvait pas modifier son agenda d'affaires et nous avons

 23   dû procéder à cette petite rotation.

 24   M le Président. - De toute façon, peut-être vais-je consulter Maître Simic

 25   ou avez-vous quelque objection à changer l'ordre des témoins ?


Page 1455

  1         M. Simic : Non.

  2         M. le Président : Nous comprenons bien qu'il y ait un ordre de

  3   présentation des témoins mais on peut la changer. Il faut seulement que

  4   les personnes soient préparées pour contre-interroger, lire les documents,

  5   etc.

  6   Je comprends, mais la Chambre n'a aucun problème et la défense n'a aucune

  7   opposition. Donc, nous sommes d'accord.

  8   Madame Hollis, merci beaucoup d'attirer notre attention et à demain,

  9   merci.

 10   (La séance est levée à 14 heures 25.)

 11

 12

 13

 14

 15

 16

 17

 18

 19

 20

 21

 22

 23

 24

 25