Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mardi 4 Juillet 2000.)

2 (Conférence de mise en état.)

3 (L'audience publique.)

4 (L'audience est ouverte à 16 heures 04.)

5 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

6 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît.

7 On attend toujours M. Radic.

8 Bonjour, encore une fois. Nous sommes ici pour rendre des décisions de la

9 Chambre à la suite des conférences de mise en état que nous avons eu le 6

10 et le 14 Juin et, après ça, on est ici aussi pour entendre les arguments

11 de la défense Zigic sur la défense d'alibi.

12 Avant de commencer de vous annoncer les décisions de la Chambre sur

13 plusieurs points, j'aimerais vous poser la question de savoir si la

14 défense Zigic veut être seule, ou tous les conseils et tous les autres

15 accusés peuvent être présents? Maître Tosic?

16 M. Tosic (interprétation): Monsieur le Président, compte tenu du fait que

17 nous demandons une défense d'alibi pour des chefs d'inculpation qui ne

18 concerne pas les autres accusés, puisqu'il s'agit de Keraterm, nous

19 considérons que les autres accusés n'ont pas à voir dans cette partie de

20 nos débats.

21 M. le Président: D'accord. Madame Hollis, quel est votre avis?

22 Mme Hollis (interprétation): Monsieur le Président, nous laissons la

23 décision aux Juges de cette Chambre, nous n'avons pas de préférence, ni

24 dans un sens ni dans l'autre.

25 M. le Président: Nous allons traiter des décisions, nous ferons une petite

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1 pause et après nous allons reprendre avec le conseil de la défense Zigic.

2 Premier point: les décisions.

3 Un certain nombre de questions ont été soulevées lors des conférences de

4 mise en état, en date des 6 Juin et 14 Juin derniers. Nous aborderons tour

5 à tour la question de l'admission des déclarations préalables, l'admission

6 de la photographie enregistrée sous la cote 3/31, la possibilité ou non

7 pour les parties de reprendre la parole après les questions des Juges,

8 ainsi que l'annonce à l'avance des points qui seront abordés pour chaque

9 témoin.

10 Concernant les déclarations préalables des témoins, tout d'abord, trois

11 questions ont été soulevées par les parties.

12 La première question:

13 L'accusation a suggéré que l'on admette comme pièce à conviction, une

14 déclaration préalable du témoin comparaissant. L'interrogatoire principal

15 consisterait alors à demander au témoin d'authentifier cette déclaration.

16 La question consiste donc à savoir si le Procureur peut limiter son

17 interrogatoire à faire confirmer par un témoin la déclaration préalable de

18 celui-ci et à en demander l'admission, la défense se trouvant dans la

19 situation de devoir mener un contre-interrogatoire sur la seule base ou

20 presque d'un document écrit.

21 La défense des accusés Kvocka, Prcac, Kos et Zigic s'est opposée à cette

22 proposition au motif, d'une part qu'elle violait le droit des accusés

23 d'interroger ou faire interroger les témoins à charges garantis par le

24 statut en son Article 21, paragraphe 4, alinéa E) et, d'autre part,

25 qu'elle était contraire au principe de l'oralité des débats prévus à

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1 l'Article 90, alinéa A) du Règlement de Procédure et de Preuve.

2 Le Procureur a, en revanche, plaidé qu'une telle pratique ne violerait ni

3 l'Article 21, paragraphe 4, alinéa E) du Statut, ni l'Article 90, alinéa

4 A) du Règlement, puisque le témoin comparaîtrait et pourrait être soumis à

5 toute question que la défense ou les Juges souhaiteraient lui poser. Cette

6 procédure aurait par ailleurs l'avantage, selon le Procureur, d'accélérer

7 les débats.

8 La deuxième question:

9 Elle est relative aux déclarations préalables des témoins et a été

10 soulevée aussi par la défense des accusés Kvocka, Prcac, Kos et Zigic.

11 Celle-ci demandait que des fragments de déclarations préalables, utilisés

12 dans le seul but de mettre en cause la crédibilité du témoin, puissent

13 être admis comme pièces à conviction.

14 L'accusation ne s'est pas opposée à l'admission dans le but de mettre en

15 cause la crédibilité du témoin. Elle a cependant considéré qu'il serait

16 plus approprié, dans une telle hypothèse, d'admettre la déclaration dans

17 son intégralité afin que les Juges soient en mesure d'apprécier le

18 contexte dans lequel s'inscrit l'affirmation sur laquelle la défense

19 s'appuie. Dans ces conditions, la déclaration pourrait être lue aussi pour

20 son contenu et non seulement dans le but de mettre en cause la crédibilité

21 du témoin.

22 C'est pourquoi, en cas d'admission de la déclaration dans son intégralité,

23 l'accusation n'aurait pas d'objection à ce que les autres parties

24 conduisent un deuxième contre-interrogatoire, notamment sur les éléments

25 de la déclaration mettant en cause leur client. La défense de l'accusé

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1 Radic s'est en revanche opposée à une telle admission au motif qu'elle

2 risquait d'apporter des informations supplémentaires que les autres

3 accusés n'auraient pas la possibilité de contester. A moins d'autoriser un

4 deuxième contre-interrogatoire qui risquerait de ralentir considérablement

5 le procès.

6 La troisième question:

7 Elle concerne les comptes rendus d'audience des témoins ayant déposé dans

8 d'autres affaires devant ce Tribunal. La question consistait à savoir s'il

9 était nécessaire de soumettre ces déclarations comme pièces à conviction

10 ou si, pour autant qu'il soit public, chacun, partie ou Juge, pouvait s'y

11 référer sans qu'il soit nécessaire qu'il ait été formellement admis.

12 L'accusation comme la défense se sont exprimées en faveur d'une admission

13 formelle de ces comptes rendus. Pour ce qui touche aux deux premiers

14 points relatifs aux déclarations préalables, la Chambre décide de rejeter

15 l'admission de ces déclarations préalables. La Chambre a tenu compte, en

16 prenant sa décision, de l'exigence d'un procès rapide et équitable qui

17 doit être apprécié au regard de la situation particulière qui constitue le

18 procès conjoint de plusieurs accusés.

19 La Chambre considère que la procédure proposée par l'accusation pourrait

20 constituer une atteinte au principe de l'oralité des débats et, en

21 conséquence, la pièce soumise sous le numéro de cote B3/98 n'est pas

22 admise au dossier. Quant à l'admission des déclarations en vue de mettre

23 en cause la crédibilité d'un témoin, la Chambre estime que toute

24 déclaration préalable du témoin comparaissant peut être utilisées dans le

25 but de mettre en doute sa crédibillité sans qu'il soit nécessaire

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1 d'admettre ladite déclaration ou les passages pertinents de celle-ci comme

2 pièce à conviction. Il suffit pour les parties de citer à l'audience les

3 passages qu'elle estime pertinents et qui, de cette façon, seront inscrits

4 au compte rendu d'audience. La Chambre rejette donc l'admission des pièces

5 soumises sous les numéros de cote P3/89, D 28/1, et D 28/1(A).

6 Concernant l'admission de compte rendu d'audience des témoins ayant déposé

7 dans d'autres affaires, la Chambre se range au souhait des parties et

8 décide que lesdits comptes rendus ne pourront être pris en compte qu'après

9 avoir été formellement soumis comme pièce à conviction. La Chambre précise

10 cependant que cette décision est sans préjudice de la précédente traitant

11 de l'admission des déclarations utilisées dans le but de mettre en cause

12 la crédibilité des témoins.

13 Un autre point de discussion entre les parties concernait l'admission au

14 dossier d'une photographie montrant des lésions corporelles. Cette

15 photographie a été soumise par l'accusation et porte la cote 3/31. La

16 défense s'est opposée à son admission en raison, d'une part, du manque de

17 précision entourant l'origine et les circonstances dans lesquels cette

18 photographie avait été prise, d'autre part, de sa mauvaise qualité. La

19 Chambre a décidé d'admettre la photographie en vertu de l'Article 89,

20 alinéa C) du Règlement de Procédure et de Preuve. La Chambre considère, en

21 particulier, que les indications apportées par le Procureur concernant

22 l'origine de la photographie suffisent à lui conférer valeur probante, et

23 elle constate par ailleurs que la photographie est un élément pertinent

24 pour apprécier les dommages subis par certaines victimes. La défense de

25 Radic a aussi exprimé le souhait que les parties puissent reprendre la

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1 parole après les Juges, si les questions posées par ces derniers

2 contenaient des erreurs préjudiciables à leur client. L'accusation a, par

3 ailleurs, proposé que les parties puissent poser quelques questions après

4 les Juges afin de préciser ou développer des points évoqués par les Juges

5 et qui n'auraient pas été traités par les parties lors de leur contre-

6 interrogatoire.

7 La Chambre estime sur ces points qu'en principe les parties ne reprennent

8 pas la parole après les Juges, sauf dans l'hypothèse d'une erreur

9 matérielle manifeste relative à la déposition qui vient d'être faite par

10 un témoin. Auquel cas, les parties peuvent présenter sommairement et

11 respectueusement aux Juges des observations. Sinon, il leur appartient de

12 faire valoir leurs arguments contraires, le cas échéant par la

13 présentation de témoin ou au cours de leur écriture et plaidoirie finale.

14 Enfin, la défense des accusés Kvocka et Kos a mis en cause la pratique de

15 l'accusation qui, à plusieurs reprises, a interrogé les témoins sur des

16 points autres que ceux annoncés dans son mémoire préalable au procès. Les

17 parties se sont finalement entendues lors de la conférence de mise en état

18 du 14 Juin pour que l'accusation indique, avant que le témoignage débute,

19 les points sur lesquels le témoin va déposer. Ce faisant, la Chambre

20 invite l'accusation à tenir compte, autant que faire se peut, du travail

21 préalable effectué lors de la mise en état et notamment de son mémoire

22 préalable au procès soumis en vertu de l'Article 65 ter alinéa E) iv)

23 alinéa c) du Règlement.

24 Nous avons encore, et j'ai oublié de vous inscrire cela dans l'agenda du

25 jour, une requête de l'accusation concernant le Témoin AM. Je dois peut-

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1 être ici ouvrir le débat avant de passer à l'autre question de la défense

2 d'alibi de la défense Zigic.

3 Madame Hollis, êtes-vous en condition? Je vois quelque chose du côté de la

4 défense, Maître Fila?

5 M. Fila (interprétation): Excusez-moi de vous interrompre, Monsieur le

6 Président. Il n'est pas nécessaire que nous ayons un long débat sur le

7 point que vous venez d'annoncer. La défense est d'accord avec la requête

8 de l'accusation.

9 M. le Président: Pour les mesures de protection?

10 M. Fila (interprétation): Oui.

11 M. le Président: Toute la défense est d'accord? Fantastique!

12 M. Fila (interprétation): Oui.

13 M. le Président: Merci, d'accord. Nous pouvons donc prendre la décision,

14 nous pouvons épargner le temps et la belle voix de Mme Hollis. Voilà.

15 Enfin, la Chambre a reçu, le 29 Juin dernier, une requête par laquelle

16 l'accusation demandait que soient accordées des mesures de protection au

17 Témoin AM. Nous pouvons constater qu'il n'y a pas d'opposition des

18 conseils de la défense des accusés. En ce cas, la Chambre estime qu'au vu

19 de l'Article 22 du Statut et de l'Article 75 du Règlement de Procédure et

20 de Preuve, il est dans l'intérêt de la justice d'accorder des mesures de

21 protection au Témoin AM. De cette façon, le Témoin AM se verra attribuer

22 le pseudonyme AM. Toutes les informations concernant ce témoin et

23 permettant de l'identifier seront gardées sous scellés. Toute information

24 devant être transmise au public sera donc expurgée. Et pendant la durée du

25 témoignage, des procédés d'altération de l'image seront utilisés. Donc

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1 voilà, les diverses décisions de la Chambre. Comme toujours, il y a des

2 choses agréables et d'autres moins agréables, mais nous avons tout fait

3 pour considérer qu'il y a plusieurs accusés, qu'il y a différentes

4 opinions. Il faut tenir compte de l'équité et de la rapidité du procès.

5 Donc, nous avons trouvé, dans cet esprit, quelques solutions, notamment

6 par rapport aux déclarations préalables. Nous avons quand même vu

7 aujourd'hui comment cette décision peut être mise en place sans avoir des

8 problèmes avec toutes les autres personnes. Je crois que c'est l'équilibre

9 que, dans l'esprit du Statut et dans les règles, la Chambre a pu mettre et

10 trouver dans cette décision.

11 Pour l'instant, on va faire une petite pause pour après discuter la

12 requête de la défense Zigic.

13 Pour la défense Zigic et pour Madame Hollis et pour le reste du personnel,

14 on va revenir dans un quart d'heure et nous, pour les autres, nous nous

15 verrons demain à 9 heures 30.

16 (La séance, suspendue à 16 heures 30, est reprise à 16 heures 50.)

17 M. le Président: Maître Tosic ou Maître Jovanovic, c'est à l'un de vous?

18 M. Tosic (interprétation): Monsieur le Président, le collègue Stojanovic

19 va exposer notre requête sur cette question.

20 M. le Président: Merci beaucoup Maître Tosic. Vous avez la parole Maître

21 Stojanovic.

22 M. Stojanovic (interprétation): Merci Monsieur le Président. Le temps a

23 vite passé, est-ce que je puis vous demander s'il y a une possibilité de

24 présenter deux points très brefs qui ont trait également à M. Zigic même?

25 M. le Président: Non, maintenant nous allons entendre seulement la requête

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1 de la défense Zigic. Je vous dis ça parce que nous avons des engagements,

2 nous avons d'autres choses marquées déjà. Nous sommes donc à compter le

3 temps.

4 M. Stojanovic (interprétation): Eh bien, il s'agit de Zigic également,

5 rien de plus, mais vous avez dit votre décision, donc je dois m'y

6 conformer.

7 M. le Président: Non, si vous allez vite, pas de problème. Si vous pouvez

8 dire tout ce que vous avez à dire en 10 minutes, pas de problème. C'est un

9 bon exercice de synthèse pour vous Maître Stojanovic.

10 M. Stojanovic (interprétation): Je pense que je puis exposer les trois

11 points en 5 minutes.

12 M. le Président: Allez-y donc.

13 M. Stojanovic (interprétation): Nous avons un petit malentendu avec notre

14 client seulement. Est-ce que cette session pourrait être une session à

15 huis clos, je vous prie? Est-ce que cela pose des problèmes techniques?

16 M. le Président: Non, je crois que pour discuter de la requête Zigic,

17 c'est en session publique. Sauf pour les autres aspects.

18 M. Stojanovic (interprétation): Je ne vois pas de raison majeure pour

19 avoir un huis clos partiel.

20 Si vous me permettez, ce que je voudrais dire d'abord c'est une

21 argumentation concernant notre requête relative à l'autorisation de

22 présentation d'éléments de preuve par alibi. Et nous avons présenté une

23 des écritures, je crois que nous n'avons pas besoin de présenter toutes

24 les argumentations qui y figurent déjà pour ne pas nous priver de notre

25 temps. Il y a quelques remarques que je voudrais présenter. Il y a une

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1 omission formelle de la défense et je pense que cela ne saurait avoir de

2 conséquences négatives.

3 L'omission en question est survenue en raison du fait que les dires des

4 témoins pour alibi ont été pris en date du 20 Février de cette année, et

5 en raison des modifications survenues dans l'équipe de la défense qui sont

6 intervenues précisément à ce moment-là.

7 D'autre part, il s'agit d'éléments de preuve qui, selon la défense, sont

8 d'une importance capitale pour la défense, pour le point le plus grave qui

9 est mis à charge de l'accusé.

10 Compte tenu de toute l'argumentation qui est déjà présentée, et nous

11 voudrions prier la Chambre, compte tenu de la position du Bureau du

12 Procureur, qui pourrait éventuellement être quelque peu endommagée du fait

13 de notre retard, de permettre cette défense par voie de présentation d'un

14 alibi, et je crois que cela est prévu par les Articles 89 et 127 de notre

15 Règlement.

16 Ce serait tout ce que j'avais à dire au sujet de cette défense d'alibi.

17 M. le Président: Est-ce que vous pouvez présenter les autres points,

18 Maître Stojanovic? De cette façon, le Procureur peut répondre à tous en

19 même temps.

20 M. Stojanovic (interprétation): Ce que je voudrais ajouter maintenant,

21 c'est que la défense de Zigic a déjà reçu la décision de la Chambre pour

22 ce qui est de l'examen médical de M. Zigic et nous sommes satisfaits de

23 cette décision. Il y a de toute manière une nécessité de compléter cette

24 expertise. C’est peut-être un point de détail mais, à notre avis, le

25 détail est important. Il s'agit de savoir notamment, quoi que ça puisse

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1 être entendu comme étant trivial, si les oreilles de M. Zigic ont jamais

2 été percées pour que l'on puisse y poser une boucle d'oreille. C'est un

3 détail mais il s'agit d'un meurtre et étant donné qu'aujourd'hui Avdagic

4 Fadil, le témoin, a dit que, à l'occasion de ce passage à tabac de M.

5 Medunjanin, il y avait un homme qui avait pris part et qui portait une

6 boucle d'oreille.

7 Voilà, je m'efforce ici, Monsieur le Président, d'économiser du temps.

8 Nous avions déjà adressé une requête écrite pour ce qui est de l'expertise

9 médicale. Vous avez déjà pris une décision et il s'agirait maintenant ici

10 d'un petit complément de la tâche de l'expert et, si possibilité il y a,

11 j'ose espérer une décision positive aux fins d'obtenir donc un accord sans

12 avoir à délivrer un acte formel sur le plan administratif. Très bien.

13 M. le Président: Il y a un troisième point, je crois.

14 M. Stojanovic (interprétation): Oui, Monsieur le Président.

15 (Sans traduction!)

16 M. le Président: Pardon! Il n'y a pas de traduction.

17 M. Stojanovic (interprétation): La traduction marche. Vous m'entendez

18 maintenant, Monsieur le Président?

19 M. le Président: Oui.

20 (Note de l'interprète: Monsieur l'avocat avait dit tout à l'heure que cela

21 ne méritait peut-être pas d'être porté à l'ordre du jour mais que le

22 client du conseil de la défense insistait pour que cette question soit

23 posée.)

24 M. le Président: Donc, est-ce que vous pouvez répéter Maître Stojanovic?

25 Excusez-moi de vous déranger mais est-ce que vous pouvez recommencer le

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1 troisième point?

2 M. Stojanovic (interprétation): Certainement, vous n'avez pas perdu grand-

3 chose. Notre client souhaite prendre une part active à sa défense et c'est

4 une chose dont mon collègue et moi lui sommes reconnaissants. Toutefois,

5 il nous a adressé une demande qui consiste à attirer l'attention de la

6 Chambre sur le fait que celle-ci ne recevait pas tous les documents qui

7 selon nous d'après le Règlement 76 (A) devrait avoir en sa langue

8 maternelle. J'ai ici tout un tas de documents de ce type, et je me joins à

9 lui pour ce qui est de dire qu'un certain nombre de ces documents font

10 partie du groupe auquel s'applique le Règlement en question. Et je crois

11 qu'il serait plus approprié si j'établissais une liste à notre collègue

12 Hollis aux fins d'essayer de résoudre ce problème au travers de nos

13 contacts mutuels, sans avoir à fatiguer la Chambre avec la question dont

14 il s'agit. Ce serait tout.

15 M. le Président: Merci donc Maître Stojanovic. Madame Hollis, trois

16 points?

17 Mme Hollis (interprétation): Merci Monsieur le Président. Je commencerai

18 par la fin, si vous le voulez bien. Fournir à l'accusé des copies des

19 documents que nous fournissons à la défense: nous n'avons pas nécessité ou

20 obligation de fournir des copies à l'accusé. Si la défense veut faire des

21 copies pour les remettre à l'accusé, tout va bien, mais ce n'est pas une

22 obligation qui nous incombe. Deuxième point, examen médical de l'accusé

23 Zigic: nous ne comprenons pas très bien quelle est la pertinence de

24 l'examen demandé, car le témoin qui s'est exprimé aujourd'hui n'a pas dit

25 qu'il s'agissait d'une boucle d'oreille à porter avec une oreille percée.

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1 Mais si cette requête devait être acceptée, nous disons que la question

2 qui se pose dans le cadre de cet examen est sans doute une question

3 différente. Quant à l'examen en tant que tel, c'est à la Chambre dans

4 décider. Les témoins d'alibi, le Procureur affine que l'Article 89 ne

5 règle pas toute la question, qu'il s'agit d'une disposition générale qui

6 est sous réserve d'application d'autres articles du Règlement. Donc, la

7 question n'est pas réglée grâce à l'Article 89. Le Procureur déclare que

8 l'Article 67 (A) du Règlement qui demande que soient annoncés à l'avance

9 un certain nombre de délits, c'est aux Juges de cette Chambre de se

10 prononcer sur ce point, comme il appartient également aux Juges de la

11 Chambre de contrôler les débats en vue de garantir les jugements rapides,

12 équitables et efficaces.

13 S'agissant des témoins d'alibi, nous proposons aux Juges de cette Chambre

14 de prendre deux éléments en compte. Premièrement, l'Article 20.1 du

15 Statut, si nous lisons cet article, nous voyons qu'il y est indiqué, je

16 cite que: "La Chambre de première instance veille à ce que le procès soit

17 équitable et rapide et à ce que l'instance se déroule conformément aux

18 Règles de Procédure et de Preuve; les droits de l'accusé étant pleinement

19 respectés." (Fin de citation.)

20 Nous aimerions appeler l'attention des Juges de cette Chambre sur un autre

21 article du Règlement qui nous paraît très important, à savoir l'Article

22 127 qui indique qu'il est possible de modifier les délais impartis pour

23 présentation de tel ou tel élément dans le cadre du Règlement, si l'on

24 montre que des raisons valables existent pour le faire.

25 Finalement, l'argument se résume du point de vue de l'accusation, Monsieur

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1 le Président, à ceci: il appartient aux Juges de se prononcer sur ce point

2 en tenant compte de la nécessité d'un procès équitable pour éventuellement

3 accepter une telle limite, un tel changement des délais, une fois qu'un

4 certain nombre de facteurs sont pris en compte et notamment le facteur

5 consistant en présentation d'éléments justifiant d'accepter une telle

6 requête. C'est ce qui permettrait de respecter l'Article 127.

7 Et deuxièmement, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous

8 suggérons qu'il serait bon de prendre en compte le préjudice qui pourrait

9 être causé si une annonce à l'avance n'était pas faite.

10 Troisièmement, nous suggérons que d'autres solutions que l'exclusion

11 d'éléments de preuve permettraient éventuellement de corriger le préjudice

12 lié à une annonce faite hors des délais.

13 C'est seulement en prenant compte de tous ces facteurs que les Juges

14 pourront garantir un procès équitable, car le procès doit être équitable

15 pour l'accusé, les accusés bien sûr, mais aussi pour la partie adverse.

16 Nous affirmons que si les Juges de cette Chambre tiennent compte de tous

17 ces facteurs dans le cadre précis de ce procès et si la défense avance des

18 arguments suffisants à l'appui de sa requête, nous disons que pour

19 l'instant ça n'est pas le cas, mais si la défense présente des arguments

20 suffisants à l'appui de sa requête, nous disons qu'il appartient sans

21 aucun doute aux Juges de cette chambre de décider éventuellement que la

22 défense pourra présenter une défense d'alibi pleine et entière, et ce en

23 respectant l'exigence d'un procès équitable.

24 Du point de vue de l'accusation, nous disons ne pas croire que le

25 Procureur, en tant que partie, a été lésé sans pouvoir poursuivre la

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1 procédure en raison de ce non-respect du délai. Nous répétons donc que, du

2 point de vue du Procureur, nous ne pensons pas que ce qui s'est passé

3 pourrait porter préjudice à la défense. Mais nous pensons que la défense

4 néanmoins doit présenter des arguments suffisants pour expliquer pourquoi

5 les délais n'ont pas été respectés, et une fois que cela sera fait, le

6 Procureur estime qu'il appartient totalement aux Juges de déterminer si la

7 défense d'alibi peut être menée à bien, au cas où cela serait conforme aux

8 nécessités d'un procès équitable.

9 Mme Wald (interprétation): Madame Hollis, j'ai une seule question à vous

10 poser. L'Article 67 relatif à la communication des pièces qui signale que

11 la défense doit annoncer à l'avance au Procureur son intention de procéder

12 à une défense d'alibi, c'est le 67 (A), mais au 67 (B). Nous lisons, je

13 cite: "Le défaut d'une telle notification par la défense ne limite pas le

14 droit de l'accusé de témoigner sur ces moyens de défense." (Fin de

15 citation.)

16 Il semble donc effectivement que si l'accusé décide de prendre la parole,

17 il doit pouvoir le faire dans le cadre d'une défense d'alibi. Mais

18 j'aimerais vous demander, à votre avis, quel est le rapport entre cet

19 Article et le 94 ter qui traite des affidavits? Si l'on suppose que

20 l'accusé prenne la parole en tant que témoin dans le cadre de sa défense

21 d'alibi, comment pensez-vous que l'Article 94 puisse s'appliquer du point

22 de vue de la corroboration des moyens de preuve?

23 Mme Hollis (interprétation): Madame la Juge, nous pensons que le libellé

24 de cet article semble permettre effectivement la présentation de tels

25 éléments de preuve. Il s'agit de corroboration sur un point matériel. Mais

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1 l'Article du Règlement ne limite pas les choses de cette façon, et le

2 Règlement dit que la partie adverse peut éventuellement demander à contre-

3 interroger devant la Chambre. Je pense que théoriquement les deux doivent

4 être inclus.

5 Mme Wald (interprétation): Très bien. Je vous demande si vous interprétez

6 l'Article 67 (A) ii) a) du Règlement comme signifiant que lorsque la

7 défense a notifié son intention de procéder à une défense d'alibi dans les

8 délais exigés, il faut que l'endroit ou les endroits où l'accusé prétend

9 s'être trouvé au moment des faits ainsi que le nom et l'adresse des autres

10 éléments de preuve qu'il va présenter soient mentionnés. Est-ce que j'ai

11 raison de penser que cela fait partie des éléments qui peuvent justifier

12 éventuellement une telle requête?

13 Mme Hollis (interprétation): Madame la Juge, je pense que, dans les

14 circonstances actuelles, la question est assez difficile aussi bien pour

15 la défense que pour le Procureur. Nous pensons que la défense peut se

16 prononcer sur les potentialités éventuelles d'une défense d'alibi

17 uniquement en se fondant sur ce qu'a dit l'accusé. Mais il est probable

18 que c'est seulement à un stade ultérieur de la présentation des éléments

19 de preuve de la défense que cette défense d'alibi peut être présentée.

20 Nous pensons donc qu'un certain nombre de facteurs doivent être mentionnés

21 par la défense, peut-être pas tout à fait au début du processus, mais en

22 tout cas à un stade ultérieur, car nous nous rendons bien compte de la

23 difficulté de la situation; la défense a parfois des difficultés à

24 présenter un certain nombre d'éléments avant le début du procès de façon

25 complète. Mais nous pensons que ces éléments justificatifs doivent

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1 néanmoins être présentés à un stade ultérieur.

2 Mme Wald (interprétation): Merci.

3 Mme Hollis (interprétation): Monsieur le Président, outre cette requête de

4 la défense, j'aimerais qu'un certain nombre de points soient inscrits au

5 compte rendu d'audience du côté de l'accusation. A savoir qu'au paragraphe

6 16 de la requête de la défense, la défense indique que la défense d'alibi

7 ne sera pas son seul mode de défense au sujet de ce chef d'accusation et

8 que la défense présentera d'autres éléments de preuve.

9 Monsieur le Président, si ces éléments de preuve dont il est question ici

10 rentrent dans la catégorie d'une défense spéciale, nous demandons tout de

11 même à être informés dès maintenant ou en tout cas le plus tôt possible de

12 l'intention de procéder à une telle défense spéciale, et ce conformément à

13 l'Article 67. Nous tenons à ce que ce soit consigné au compte rendu

14 d'audience. Si la défense a l'intention de procéder à un autre mode de

15 défense spéciale, nous voulons en être informés aujourd'hui ou en tout cas

16 dans les plus brefs délais. Je vous remercie Monsieur le Président.

17 M. le Président: Merci Madame Hollis. Je me tourne vers Me Stojanovic.

18 S'il vous plaît, j'ai quelques questions. Les faits, objets de la défense

19 alibi, sont arrivés en Septembre 1992. L'accusé Zigic est ici dans l'unité

20 de détention depuis presque trois ans, je crois. Pourquoi seulement, à ce

21 moment, vous avez pensé dans la défense d'alibi?

22 Il y a d'autres questions peut-être que je voudrais vous poser, mais je

23 suis peut-être limité par la confidentialité des communications entre le

24 conseil de la défense et l'accusé. Mais notamment vous répondez si vous

25 pouvez ou non: est-ce que l'autre conseil de la défense a pensé à cela ou

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1 non? Et même s'il y a pensé, pourquoi cela n'a jamais été dit? Une chose

2 est de dire: "Voilà, nous allons présenter un défense par alibi", une

3 autre chose est de dire: "Nous pensons à cela, nous avons ce problème,

4 etc.." Pourquoi seulement, c'est la question?

5 M. Stojanovic (interprétation): Certainement, nous sommes d'accord pour

6 dire que c'est une question importante à laquelle il convient de répondre.

7 Pour ce qui est des dires des témoins d'alibi, nous en disposons, nous

8 pouvons les remettre tout de suite, l'une est datée du 18 Février 2000,

9 l'autre déclaration date du 20 Février…

10 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre, Maître Stojanovic. J'ai

11 demandé pourquoi, maintenant, je ne dis pas pourquoi vous n'avez pas les

12 dires des témoins. Ces témoins existaient déjà, selon vos dires en

13 Septembre 1992, pourquoi les témoins apparaissent seulement maintenant?

14 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, je pense que cette

15 disposition prévoit non seulement une simple notification du fait de

16 l'intention de se défendre par alibi mais qu'il faut joindre aussi…

17 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre une autre fois, ce n'est

18 pas la question de savoir si, oui ou non, la disposition prévoit, et

19 j'insiste pour la troisième fois, pourquoi seulement maintenant vous avez

20 parlé de défense d'alibi, quand les faits sont arrivés en Septembre 1992

21 et que les témoins existaient déjà en Septembre 1992, c'est la question.

22 M. Stojanovic (interprétation): Je suis d'accord, Monsieur le Président,

23 je ne sais pas si je suis assez compétent pour répondre à cette question

24 étant donné que c'est précisément à ce moment-là que j'avais pris en

25 charge cette affaire et je ne sais pas ce qui s'est passé auparavant; et

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1 c'est la raison pour laquelle j'avais insisté sur le fait que la

2 notification de cet élément de preuve soit faite devant la Chambre.

3 Je ne sais pas si la position des conseils de la défense précédents avait

4 été erronée et qu'il fallait non seulement notifier la chose mais qu’il

5 fallait aussi bien citer les témoins qu'on avait l'intention de faire

6 comparaître. Donc, il s'agissait non seulement d'annoncer l'intention de

7 se défendre par alibi, mais aussi de joindre un acte de notification de

8 cette défense avec les éléments à l’appui.

9 Je considère que c'est effectivement une omission, Monsieur le Président,

10 mais je tiens à dire que j'ai toujours insisté davantage sur la substance

11 plutôt que la forme. Et j’estime que nous ne devrions pas nous priver de

12 la possibilité de considérer, de la façon la plus globale qui soit, les

13 éléments de preuve sur des événements et des faits aussi importants.

14 Nous réduirions notre espace de manœuvre si nous ne nous branchions que

15 sur une omission qui est une omission de nature formelle.

16 Nous avons les déclarations des témoins en question et nous les avons

17 reçues quelques jours avant que d'avoir présenté cette requête.

18 M. le Président: D’accord, même si nous sommes d'accord par une omission

19 formelle, au moins il y a une omission substantielle que je voudrais

20 éclaircir avec vous.

21 Quand est-ce que vous, comme conseil de la défense, vous avez appris

22 l'identité des témoins et les adresses?

23 M. Stojanovic (interprétation): Je ne sais pas si vous vous adressez à

24 moi-même ou à la défense en général.

25 M. le Président: C'est vous qui parlez sur cette question de défense

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1 d'alibi, à vous.

2 M. Stojanovic (interprétation): Je crois que ce n'était que vers le début

3 de cette année, au moment où nous avions appris qu'il y avait une

4 possibilité. Il y a, vous comprenez, beaucoup de résistance de la part des

5 gens pour ce qui est de témoigner, pour les gens de Prijedor j'entends. Et

6 il serait peut-être incorrect d'annoncer une défense d'alibi sans pour

7 autant disposer d'un accord, ne serait-ce que préalable, ou voire ne

8 serait-ce qu’oral, pour ce qui est de savoir si, effectivement, une telle

9 personne est disposée à venir témoigner. Les témoins, dont je parle, se

10 sont déclarés prêts, par écrit, à venir se déplacer ici pour témoigner

11 sans mesure de protection aucune.

12 M. le Président: Je peux comprendre tout ça, mais je ne sais pas combien

13 de conférences de mise en état cette affaire a eu dès la comparution

14 initiale de M. Zigic. Je ne sais pas combien de conférences de mise en

15 état.

16 Et si ces faits étaient déjà établis 1992, avec toute l'identité, toute

17 l’histoire…

18 Une autre question. Pouvez-vous nous éclaircir un peu plus sur le

19 paragraphe 16 par rapport à d'autres possibilités de défense? Exactement

20 le même paragraphe qu’a mentionné Mme Hollis.

21 M. Stojanovic (interprétation): Oui, je tiens à vous informer, Monsieur le

22 Président, Madame Hollis, Madame et Monsieur les Juges que nous

23 n'envisageons aucune sorte particulière de défense qui serait soumise à

24 une obligation de notification quelconque.

25 Notre intention n'est que de faire en sorte que les gens qui viendront

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1 témoigner sur les événements de cette nuit-là à Keraterm, de leur demander

2 tout simplement si M. Zigic était présent sur place. C'est-à-dire les

3 mêmes témoins qui se trouvaient sur les lieux cette nuit du 24 Juillet

4 1992 seront interrogés… D'abord, on posera la question aux témoins à

5 charge, aux témoins de l’accusation si M. Zigic, oui ou non, a été présent

6 à Keraterm, donc ce n'est pas une défense particulière en tant que telle.

7 M. le Président: D'accord.

8 M. Stojanovic (interprétation): Et il y aura des éléments de preuve qui

9 abonderont dans le sens pour dire qu'il était présent à un autre endroit,

10 autant que des éléments de preuve pour dire qu'il n'était pas présent sur

11 les lieux incriminés.

12 M. le Président: D'accord, mais il faut poser la question de la façon

13 correcte, je dis ça à propos de Maître Tosic. Excusez-moi d'avoir

14 mentionné cela, je ne voudrais quand même pas que cela reste dans le

15 compte rendu, parce qu’on ne peut pas demander à un témoin: "est-ce que

16 vous avez vu" et conclure tout de suite qu'il n'était pas là, s'il y a 500

17 personnes...

18 C'est pour encadrer vos travaux. Il faut quand même les mener d'une façon

19 correcte. Je ne dis pas, de cette façon, que c'était incorrect mais c'est

20 simplement pour le rappeler à l'attention.

21 Nous allons finir.

22 La Chambre va analyser, discuter et rendre une décision dans les prochains

23 jours, par écrit.

24 Donc, je lève la séance d’aujourd'hui.

25 (L’audience est levée à 16 heures 15.)