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1 (Lundi 22 janvier 2001.)
2 (L'audience est ouverte à 10 heures 05.)
3 (Audience publique.)
4 (Décisions.)
5 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
6 Bonjour, cabine technique. Bonjour, interprètes.
7 Interprète: Bonjour, Monsieur le Président.
8 M. le Président: Bonjour, Bureau du Procureur. Je vois que ce sont les
9 mêmes personnes. Pour les conseils de défense, nous voyons que les
10 conseils sont plus ou moins au complet.
11 Nous sommes ici aujourd'hui pour commencer la présentation des moyens à
12 décharge dans cette affaire.
13 Avant tout, comme nous vous l'avions promis, nous avons quelques décisions
14 ou quelques questions à éclaircir après notre débat de la dernière
15 semaine, nous avions donc des questions à résoudre. Nous avons la
16 possibilité de prendre une décision pour quelques-unes, tandis que
17 d'autres attendront l'arrivée de certaines informations.
18 La première question que nous devons résoudre est la convocation du témoin
19 AK.
20 La Chambre estime que les témoins n'appartiennent à personne. Le témoin a
21 déjà témoigné. Néanmoins, s'il veut comparaître de nouveau, la défense
22 peut essayer de reconvoquer le témoin AK.
23 Deuxième question à résoudre, la requête de la défense de Radic pour
24 production de documentation médicale des témoins A et F.
25 La Chambre n'ordonnera pas au Procureur de faire des enquêtes pour la
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1 défense. Le Procureur a présenté ses preuves; si la défense veut aller
2 plus loin, elle est libre de le faire. La défense connaît donc l'identité
3 des témoins et peut mener ses enquêtes. De ce point de vue, la requête est
4 rejetée.
5 Troisième question, l’admission du compte rendu du témoignage du témoin R
6 dans l'affaire Tadic.
7 Pour une décision sur l'admission d'un compte rendu d'audience, la Chambre
8 a besoin de savoir si le témoin sera présent à l'audience ou non. Le
9 premier pas à faire est, pour la défense, de contacter le témoin pour lui
10 demander s'il comparaîtra pour la défense. A la suite de cette réponse, la
11 défense peut nous soumettre la demande avec l'information nécessaire.
12 Donc, la décision est que la défense demandera au témoin R, dans l'affaire
13 Tadic, de témoigner pour la défense dans cette affaire.
14 Quatrième question, l’Article 94ter ou 92bis.
15 Le nouvel Article pouvait réduire la possibilité pour la défense
16 d'introduire du témoignage écrit. La défense a exprimé le désir de
17 continuer avec l'Article 94ter à ce stade. L'Article 6 du Règlement
18 prévoit que l'entrée en vigueur de modifications nouvelles sera sans
19 préjudice des droits de l'accusé. Donc la Chambre, pour maintenir le
20 principe d'égalité des armes, décide que les affidavits mentionnés par la
21 défense dans leur mémoire, suite à l'Article 65ter du Règlement, seront
22 réglés par l'ancien Article 94ter.
23 Il reste d'autres questions ouvertes sur lesquelles la Chambre ne peut pas
24 encore décider.
25 C'est le cas de la requête sur la confidentialité des annexes de l'Acte
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1 d'accusation, présentées par l'accusé M. Zigic. La Chambre attend la
2 réponse du Procureur.
3 Une autre question concerne le témoin expert, la requête de l'accusé M.
4 Radic.
5 Le Procureur considère sa position vu la suggestion de la Chambre de
6 contre-interroger les experts par écrit. Après que le Procureur se sera
7 prononcé sur cette question, la Chambre décidera.
8 Pièces à conviction, la requête présentée par la défense de M. Kvocka.
9 Il reste à savoir à la Chambre si le Procureur est satisfait des
10 précisions données par la défense ou si les objections continuent. De
11 toute façon, la Chambre ne connaît pas les documents. Ou les documents
12 sont présentés dans l'ensemble de façon à pouvoir obtenir la réaction du
13 Procureur et la connaissance des pièces, ou la Chambre prendra position à
14 chaque fois que le document est présenté.
15 Mais la Chambre veut quand même
16 vous dire qu'elle préférerait la première solution: avoir
17 l'ensemble des pièces et se prononcer pour
18 l'ensemble. C'est plus rapide
19 et plus efficace.
20 Mesures de protection, la requête présentée par la défense de M. Kvocka.
21 La Chambre comprend que Me Simic a retiré sa requête au sujet des sauf-
22 conduits. Nous attendons que la défense de M. Kvocka précise à la Chambre
23 quelle est l'identité des témoins et les mesures dont nous avons besoin
24 pour chacun de ces témoins. Il est facile de le faire par écrit, et après
25 on décidera.
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1 Voilà donc les décisions et l'éclaircissement à propos des différentes
2 questions que nous avions ouvertes dès notre débat. Pour l'instant, c'est
3 tout.
4 Je vais donner la parole à Maître Krstan Simic pour faire sa déclaration
5 liminaire pour la défense de M. Kvocka. Maître Krstan Simic, vous avez la
6 parole, c'est à vous, s'il vous plaît.
7 (Déclaration liminaire de la défense, Me Krstan Simic.)
8 M. K. Simic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président, et merci.
9 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, ce procès est un
10 procès à l'égard d'individus, d'un individu ou de plusieurs individus qui
11 exerçant leurs tâches, tâches pour lesquelles ils ont opté sur le plan
12 professionnel, tâches qu'ils aimaient, s'étaient trouvés dans une tempête,
13 la tempête d'une guerre terrible qui a secoué les territoires de l'ex-
14 République socialiste fédérative de Yougoslavie, et notamment de la
15 Bosnie-Herzégovine où il est arrivé beaucoup de choses, choses contraires
16 au droit coutumier, et comme nous savons souvent le dire contraires aux
17 droits de l'homme et aux droits énoncés par Dieu.
18 Lorsque j'ai parlé de conflits armés, je tenais à souligner que nous
19 n'allons pas dans ce procès traiter de cette question-là, car Kvocka avec
20 les autres co-accusés n'a pas mis en doute ou en litige l'existence d'un
21 conflit armé en fonction des critères adoptés par la Chambre, pour ce qui
22 est des appels interlocutoires du cas Tadic.
23 La Chambre d'appel avait à ce moment-là statué, et je me propose de citer:
24 "Le conflit armé existe à chaque fois que l'on a recours à la force armée
25 entre Etats, ou lorsqu'il y a violence avec usage d'armes entre autorités
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1 et groupes armés organisés ou alors entre de tels groupes au sein d'un
2 même Etat".
3 Madame et Messieurs les Juges, compte tenu du fait que l'existence d'un
4 conflit armé est un préalable pour ce qui est de l'application des normes
5 internationales du droit coutumier, nous avons fait de ce fait-là un fait
6 incontesté, et nous n'allons pas en traiter dans un contexte approfondi
7 aux fins de ne pas perdre notre temps.
8 Toutefois, je me dois de souligner que les activités de ce Tribunal se
9 trouvent au centre de l'attention de l'opinion publique tant experte que
10 générale, centre d'intérêt des historiens, des sociologues et des autres
11 intervenants dans les activités publiques.
12 Je crois que, avec le recul, l'intérêt sera certainement plus grand encore
13 et représentera une source de droit, un apport de réponse de la part de la
14 Communauté internationale à certains événements, et notamment concernant
15 l'évaluation des événements qui s'y sont passés.
16 Les causes de toute guerre civile, quelle que soit la qualification que
17 nous lui donnons, sont profondes, complexes, enchevêtrées d'un héritage ou
18 patrimoine historique, et ce dans les conditions du passé et avec un
19 regard tourné vers l'avenir.
20 Devant ce Tribunal, se sont présentés plusieurs experts, plusieurs
21 professionnels qui nous ont parlé des causes en question. Ils ont présenté
22 des qualifications très variées devant l'opinion publique et ces
23 positions-là ont souvent été controversées, opposées.
24 Pour ce qui me concerne, je suis certain qu'avec un recul historique ces
25 événements-là pourront être traités partant d'un autre aspect, d'un aspect
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1 relatif à des causes complexes, compliquées qui ont conduit au
2 démantèlement d'un Etat, pour lequel on vous a précisé ici que c'étaient
3 des rapports idylliques où les gens se comprenaient bien, où ils
4 s'entendaient bien et où il y avait des mariages mixtes.
5 A un moment donné, ils ont oublié tout cela et se sont lancés dans une
6 guerre sanglante qui a laissé derrière soi des conséquences, des séquelles
7 des plus graves, séquelles dont vient malheureusement traiter aussi ce
8 Tribunal. Quand je dis "malheureusement" ce n'est pas parce que le
9 Tribunal a pour objectif d'apporter ou de faire justice mais parce que de
10 tels événements sont survenus.
11 Alors parlant des causes de ce conflit armé, la défense tient seulement à
12 souligner deux aspects de cette triste question et ne traitera plus de
13 cette question par la suite.
14 La Bosnie-Herzégovine était une unité fédérale au sein de la RSF de
15 Yougoslavie. Cette unité fédérale qui comportait et disposait d'un haut
16 niveau de qualité d'un Etat, d'après sa Constitution, avait trois peuples
17 constitutionnels sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine,
18 constituant l'Etat en question. C'est ce qui avait été affirmé par la
19 Constitution, ce qui avait été affirmé par les relations sociales, ce qui
20 avait été affirmé par l'ensemble des lois promulguées.
21 Cependant, à la veille de cette terrible guerre, certaines personnes
22 avaient craint que cette guerre puisse survenir, et il est fait amendement
23 à la Constitution de Bosnie-Herzégovine disant qu'au niveau de la Bosnie-
24 Herzégovine en sa qualité d'unité fédérale au sein de la RSF de
25 Yougoslavie il s'agissait de mettre en place une commission chargée de
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1 mettre en oeuvre l'égalité en droit des trois peuples en présence.
2 Ce principe constitutionnel, auquel s'est conformée la commission en
3 question, consistait à faire insérer dans cette commission quinze
4 représentants de chacune des nations en présence, des Serbes, des
5 Bosniaques et des Croates, et que cette commission se charge de traiter de
6 certaines questions. Compte tenu des questions à traiter, il s'agissait de
7 questions plutôt restreintes qui devaient se concentrer sur l'objectif de
8 la création de cette commission, à savoir assurer l'égalité en droit de
9 toutes les nations créant l'Etat en question.
10 Il était également prévu que l'assemblée ou le Parlement de la Bosnie-
11 Herzégovine, en sa qualité de corps législatif, adopte une loi qui
12 réglementerait les modalités de fonctionnement de ladite commission, ainsi
13 que les questions dont cette commission était censée traiter.
14 Les décisions prises dans le cadre de cette commission étaient censées
15 être adoptées à l'unanimité; on avait donc exclu la possibilité de la
16 dictature de la majorité, à savoir que les voix d'un peuple l'emportent
17 sur celles de l'autre.
18 Cette disposition constitutionnelle avait justement pour objectif
19 d'assurer l'égalité en droit, d'assurer ou plutôt d'empêcher qu'il n'y ait
20 ou qu'il ne survienne ce qui est malheureusement survenu.
21 Je dois dire malheureusement encore, suite aux élections en Bosnie-
22 Herzégovine, qui avaient été proclamées tant par les hommes politiques que
23 par l'opinion publique de Bosnie-Herzégovine, et je dirai même de
24 l'opinion publique mondiale, comme étant démocratiques rien que parce que
25 c'étaient des élections, les premières élections où l'on devait choisir un
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1 pouvoir pluripartite. C'étaient donc les premières élections où il y avait
2 plusieurs partis et non seulement un seul parti qui, jusque là, avait mis
3 en place sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine un Etat de parti
4 pratiquement.
5 Les peuples de la Bosnie-Herzégovine n'ont pas répondu de façon adéquate à
6 ce défi, ou plutôt à l'opportunité de cette introduction d'un système
7 pluripartite et de passage à une économie de marché pour suivre des
8 principes démocratiques qui avaient été adoptés et en vigueur dans les
9 pays occidentaux d'une manière générale. Les leaders nationaux ont plutôt
10 opté en faveur de partis politiques nationalistes.
11 Et sur ce territoire de Bosnie-Herzégovine, il a été mis en place trois
12 partis nationalistes: d'abord, le HDZ, le parti de la Communauté
13 démocratique croate où, presque à 100%, il n'y avait que des Croates; puis
14 le parti de l'Action démocratique, plus connu comme SDA, où, à 99%, il y
15 avait des membres du groupe ethnique musulman; et un troisième parti qui
16 s'est créé, le Parti démocratique serbe, connu sous le sigle SDS, où il y
17 avait à 99% des membres de ce groupe ethnique serbe.
18 Ces trois partis nationaux -et je dirais même nationalistes car les
19 événements ont montré par la suite qu'il s'agissait effectivement de
20 partis nationalistes- se sont d'abord, en une première phase, constitués
21 en coalition pour mettre en place un pouvoir en Bosnie-Herzégovine, en
22 mettant de côté toutes les forces politiques qui avaient prôné un système
23 multiethnique, qui avaient prôné des programmes économiques démocratiques.
24 Donc le pouvoir, après les élections, est revenu au SDS, au SDA et au HDZ.
25 Il n'y avait plus de place pour aucun membre de quelque parti que ce soit,
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1 à l'exception de quelques rares délégués élus par la volonté des citoyens
2 et qui ont été portés au Parlement, mais que tout le monde injuriait. Ils
3 étaient soumis à une majorisation et à un tel rapport de forces. Dans un
4 tel rapport de forces, les trois concepts de forces nationalistes ont dû
5 aboutir à un conflit au sein de l'assemblée, et l'assemblée s'est trouvée
6 bloquée. Et jamais il n'a été créé cette commission d'égalité en droit des
7 différentes nations.
8 Cette commission n'a donc eu aucune chance de commencer à fonctionner pour
9 mettre en place le principe d'égalité en droits des trois nationalités en
10 présence en Bosnie-Herzégovine. Et la guerre a éclaté. Par conséquent,
11 jamais la loi, dont j'ai parlé tout à l'heure, n'a été adoptée pour
12 réglementer cette matière. Dans cette division-là où les médias avaient
13 été placés en fonction de l'intolérance, de la haine raciale et des
14 antagonismes, la Bosnie-Herzégovine s'est indubitablement dirigée vers la
15 guerre.
16 La seconde question à soulever, rien que pour souligner l'importance des
17 termes utilisés devant ce Tribunal, est la question du référendum. Ces
18 deux questions, d'après la défense de M. Kvocka, ont été génératrices de
19 la guerre. Quand j'ai parlé de référendum, j'ai parlé là du plébiscite du
20 peuple serbe et je pense au référendum des Croates et des Musulmans.
21 Ce plébiscite du peuple serbe, organisé sous la direction du SDS, avait
22 été organisé avec une question de formulé: "Souhaitez-vous demeurer au
23 sein de l'ex-RSF de Yougoslavie?" La plupart de la population serbe, en
24 répondant à cette question et en optant intimement en faveur de la
25 Yougoslavie en sa qualité de leur Etat et, d'autre part, ces gens-là
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1 exposés au choc médiatique, certes présent dans tous les médias, ont opté
2 en faveur du plébiscite organisé par ce Parti démocratique serbe. Très peu
3 de membres des autres groupes ethniques se sont présentés au plébiscite.
4 Ainsi, tout simplement, la Bosnie venait à se diviser, à se décomposer en
5 fonction de la questin nationale. Les Serbes sont devenus les ennemis des
6 Musulmans, les Musulmans sont devenus les ennemis des Serbes et de la
7 troisième nationalité. Donc les coutures se démantelaient. Par la suite,
8 les autorités de Sarajevo ont organisé aussi un référendum portant sur la
9 souveraineté de la Bosnie-Herzégovine, à savoir sur l'indépendance de la
10 Bosnie-Herzégovine.
11 Je dois dire que le premier plébiscite, qui avait été organisé par les
12 Serbes sous la direction du SDS, était illégal, non constitutionnel,
13 contraire aux dispositions constitutionnelles, car la Constitution
14 prévoyait de façon expresse les conditions pour l'organisation d'un
15 référendum. Mais aussi l'autre référendum, organisé lui par les autorités
16 de Sarajevo, dans sa phase initiale, on peut dire que lui non plus n'a pas
17 été constitutionnel. On a organisé un référendum, on a organisé des postes
18 de vote: les gens pouvaient se prononcer et se prononcer en faveur ou
19 contre la question posée au référendum.
20 Cependant, le résultat qu'a donné ce référendum a été le suivant: ont
21 répondu au référendum entre 63 et 64% des gens qui avaient le droit de
22 vote en Bosnie-Herzégovine. Ce sont des données officielles. Par
23 l'affirmative, en faveur de la décision portant Bosnie-Herzégovine
24 souveraine et indépendante, il s'est prononcé quelque 95% des gens. Il
25 s'agissait essentiellement de Musulmans et de Croates. Il est vrai qu'il y
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1 avait eu là aussi quelques Serbes, mais la Constitution, elle, prévoit
2 aussi une disposition aux termes de laquelle la décision prise par
3 référendum, au cas d'une réponse affirmative de la part de deux tiers du
4 corps électoral -deux tiers de ce corps électoral, cela fait 66,6% des
5 électeurs. Il est donc incontestable de dire qu'il s'est présenté 63,4 ou
6 disons entre 63 et 64% du corps électoral.
7 Compte tenu de ce fait, du fait qu'aux postes de vote il n'y a pas eu la
8 majorité nécessaire susceptible de donner une réponse positive, le
9 référendum s'est avéré également contraire à la Constitution. Ces deux
10 décisions, en sus de l'absence de cette commission d'égalité en droit
11 national, constituent selon l'avis de la défense, un générateur ou les
12 générateurs essentiels de ce qui est arrivé par la suite en Bosnie-
13 Herzégovine.
14 Pour appuyer ces dires, ce que je viens de dire, je tiens à vous parler de
15 l'opinion d'une commission d'experts présidée par le professeur de droit
16 constitutionnel, M. Badinter. C'est ce qui est connu au niveau de
17 l'opinion publique yougoslave, sous l'appellation commission Badinter.
18 Cette commission s'est penchée sur la question du référendum et a formulé
19 ses conclusions en disant que "ce référendum se trouvait probablement être
20 valable, car il constituait l'expression de la volonté de la plupart ou de
21 la majorité des citoyens de la Bosnie-Herzégovine".
22 Or, à la veille d'une guerre sanglante, qui a marqué malheureusement la
23 fin de ce millénaire, une commission d'experts, dans son application d'une
24 disposition constitutionnelle et du droit constitutionnel qui couronne
25 tous les systèmes juridiques, pour donner des qualifications du genre "Je
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1 suis un peu enceinte et je suis un peu non enceinte", si je puis
2 m'exprimer ainsi. C'est la raison pour laquelle nous estimons avoir eu
3 l'obligation d'en parler aux fins de situer le contexte de tous les
4 événements et d'aider à l'évaluation et à la position dans laquelle se
5 sont trouvés les gens qui se sont lancés dans une sorte de confusion, qui
6 ne comprenaient pas ce qui se passait.
7 Madame et Messieurs les Juges, nous parlons ici de planification et
8 d'objectifs. Mais je tiens à vous dire que c'étaient des temps de
9 confusion générale, où l'on ne savait ni où l'on était ni ce qui allait
10 arriver; on ne savait pas qui tirait quels fils. C'était simplement la
11 veille d'un chaos, d'une guerre civile. C'est la raison pour laquelle nous
12 sommes souvent surpris par des formulations où il y avait, où l'on parlait
13 d'une partie d'échec en filigrane, où chacun avait sa place, son poste
14 déterminé. Même le petit policier du poste de police qui se trouvait à la
15 périphérie de tout cela.
16 Et à la fin, concernant ces relations, je voudrais juste vous faire part
17 d'une constatation. Hélas, dans la situation dans laquelle se sont trouvés
18 les peuples de Bosnie-Herzégovine, qui certainement n'ont pas mérité ce
19 qui leur est arrivé, avaient à leur tête des gens qui n'étaient pas à la
20 mesure des défis de la situation. Ces gens ont cherché refuge au sein de
21 leur nationalité, de leur corps national, en niant ce que voulaient les
22 autres corps nationaux.
23 C'est ce qui nous a amenés à une position où, aujourd'hui, le Bureau du
24 Procureur a dressé des actes d'accusation à l'encontre de M. Milosevic et
25 M. Karadzic, chefs ou leaders des Serbes dans ces temps critiques. Et
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1 compte tenu des événements, et de ce que fait ce Tribunal, nous sommes
2 certains que la mort seule a empêché le fait que M. Tudjman, leader du
3 peuple croate dans ces temps tristes de jadis, ne vienne faire lui aussi
4 l'objet, objet important de l'intérêt de ce Tribunal, qui est appelé à
5 faire justice et à donner une opportunité pour la réconciliation des
6 peuples vivants sur ce territoire-là.
7 En plus, je dois vous citer encore un leader en ces temps tristes, il
8 s'agit de M. Itzetbegovic. Devant ce Tribunal, on a déjà traité du cas de
9 Celebici, et l'opinion publique est au courant de Tarcin, Glavice, Kazani,
10 et la réconciliation des peuples en question mérite que, dans le contexte
11 de tous ces leaders nationaux, l'on étudie, l'on évalue le rôle aussi de
12 M. Itzetbegovic. Mais cela revient aux attributions et compétences du
13 Tribunal, ou plutôt du Bureau du Procureur de ce dernier.
14 Mais nous qui venons de ces territoires-là, qui en sommes originaires,
15 nous souhaiterions que véritablement tous ceux qui sont responsables de ce
16 qui s'y est passé soient traités sur pied d'égalité, et que nous obtenions
17 des réponses des plus complètes.
18 Car Monsieur, Madame et Messieurs les Juges, pour la Bosnie-Herzégovine,
19 nous voyons une seule chance, une seule opportunité pour la Bosnie-
20 Herzégovine, qui se traduit par une phrase de feu Willy Brandt, chef des
21 socio-démocrates allemands de l'époque, qui avait dit: "La vérité, la
22 repentance et la réconciliation". Nous souhaitons croire que ce Tribunal
23 agit pour réaliser ces principes.
24 Monsieur le Président, Madame et Monsieur le Juge, devant vous se trouve
25 un homme, un policier tout à fait ordinaire, appartenant à un poste de
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1 police local, villageois pratiquement, au sujet duquel l'accusation
2 affirme qu'il faisait partie d'un plan global, qu'il connaissait les buts,
3 qu'il soutenait ces buts et qu'en faisant cela, il se trouvait sur le
4 chemin de persécution de ses collègues, les collègues qui étaient ses
5 camarades de classe, les collègues avec lesquels il a travaillé jusqu'à la
6 veille, les cousins les plus proches de son épouse, qui étaient de
7 nationalité musulmane, les cousins les plus proches de ses soeurs qui sont
8 toutes les deux mariées à des Musulmans; et tout ceci uniquement parce
9 qu'il est policier, chef d'un secteur, un policier ordinaire de la
10 circulation.
11 Ce policier qui, par le concours de circonstances, se trouvait dans un
12 poste de police, ce poste de police se trouvant dans un territoire où
13 quelqu'un a pris, à un moment donné, la décision de créer un centre de
14 rassemblement ou un camp, ceci est juste une question de terminologie, et
15 donc il est devenu membre de ce que l'on a appelé "la sécurité intérieure"
16 de ce lieu.
17 En partant du principe de la responsabilité pénale individuelle,
18 ressortant, corroboré par les documents en vigueur devant ce Tribunal, la
19 défense croit que, ici, on juge Miroslav Kvocka, et non pas ce policier
20 faisant partie de la police, d'une jurisprudence de l'armée, un état de
21 démantèlement, dans le cadre..., qu'on juge les Serbes qui au moment de la
22 désintégration de la RSFY ont cherché pour eux-mêmes une solution
23 politique, étatique.
24 Malheureusement, ceci avait déjà été dit au début de son discours
25 préliminaire par M. Niemann, en disant que tous ces faits avaient été
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1 accomplis par la police, par l'armée. Donc si on accepte ce concept, qu'en
2 réalité on juge la police, on juge l'armée, on juge un système judiciaire,
3 on juge les avocats qui, à l'époque, vaquaient à leurs occupations,
4 faisaient leur travail, et donc signaient des contrats permettant aux
5 personnes d'échanger leurs biens contre le biens des autres, alors ces
6 avocats, eux aussi, devraient être jugés. Mais ils n'ont fait que leur
7 travail à l'époque.
8 On pourrait leur dire "Ecoutez! Vous avez écrit, vous avez mené à bien 200
9 contrats", alors que ces contrats ne représentaient pas la volonté d'un
10 peuple, d'un grand nombre de personnes. Car ces contrats n'était pas
11 l'expression de la volonté de ce peuple, de ces gens, car les raisons de
12 leur départ, les raisons profondes étaient les événements, et ces
13 événements n'étaient pas bons.
14 C'est pour cela que nous avons, à plusieurs reprises, démontré avec tout
15 le respect que nous devons à nos confrères de l'accusation. Nous avons
16 essayé de démontrer que leur point de vue relève souvent du concept de
17 responsabilité collective.
18 Monsieur le Président, Monsieur et Madame les Juges, entre le concept de
19 responsabilité collective et le concept du fascisme, la frontière est très
20 mince. La défense va s'efforcer de démontrer, justement, que M. Kvocka, et
21 uniquement M. Kvocka, qui n'est qu'un individu, qu'un simple individu,
22 c'est cet individu qui est jugé ici, qu'il est ici pour prouver son
23 innocence, qu'il n'est pas intéressé par la Republika Srpska, par les
24 intérêts de la Republika Srpska, parce qu'il a été policier, parce qu'il a
25 fait toute sa vie dans la police, il est ici pour défendre son honneur à
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1 lui tout seul.
2 C'est pour cela que nous allons nous efforcer de ne pas entrer dans ces
3 zones de plan collectif, parce que très vite nous réaliserons que c'était
4 la guerre, ce plan collectif, et que nous tous, qui étions présents, là-
5 bas à l'époque, nous faisions tous partie de ce plan. C'est pour cela que
6 je me suis permis de répondre à M. Niemann de façon un peu ironique quand
7 il avait dit à une époque que, moi à l'époque, je faisais partie d'une
8 option politique qu'on appelait les Réformistes. Je lui avais répondu en
9 disant que j'espérais que je n'allais pas faire l'objet d'un Acte
10 d'accusation moi aussi. C'était une plaisanterie, mais cela faisait partie
11 d'un des arguments de la défense. Monsieur Kvocka, ce qu'il a fait, il a
12 fait cela dans le cadre du système qui existait à Omarska.
13 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, dans le cadre de cette
14 affaire, nous pensons qu'il est très important de traiter de la question
15 de la création du camp, de la structure et de l'organisation du camp, car
16 nous considérons qu'à travers ces questions, nous allons trouver la
17 réponse qui nous intéresse: à savoir quelle était la structure dirigeante
18 du camp.
19 Je vais suivre la méthodologie qui avait été suivie par mon confrère de
20 l'accusation, Me Niemann, et je vais présenter un certain nombre de
21 documents au cours de la présentation de mes arguments.
22 Je vais demander qu'on présente le document. Monsieur le Président, Madame
23 et Monsieur les Juges, je vais répondre au même scénario que celui qui
24 avait été présenté par M. Niemann. La plupart de ces documents avaient
25 déjà été versés au dossier, je n'aurai donc éventuellement besoin que de
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1 montrer ces documents sur le rétroprojecteur, car tous ces documents ont
2 été versés au dossier ou bien deviendront des pièces à conviction.
3 Je vais donc juste demander à l'huissier d'attirer votre attention sur les
4 parties pertinentes de ces documents, de les présenter sur le
5 rétroprojecteur. Pourriez-vous présenter ce document, le placer sur le
6 rétroprojecteur? Je vais attirer votre attention sur les paragraphes en
7 question.
8 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, c'est une coïncidence
9 peut-être, mais il se trouve que le premier document que mon éminent
10 collègue Niemann a utilisé lors de son premier discours, eh bien, nous
11 allons le présenter. Il s'agit de l'ordre de M. Simo Drljaca, hautement
12 confidentiel, n°11-12-20, datant du 31 mai 1992.
13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, dans cet ordre M.
14 Drljaca, en tant que chef du poste de sécurité publique, membre de la
15 cellule de crise de la municipalité de Prijedor, ordonne -et j’attire
16 votre attention là-dessus- il ordonne car il était en position de le faire
17 en tant que chef du poste de sécurité publique et en tant que membre de la
18 cellule de crise. Ce qui accentue son autorité, car ce Tribunal a à
19 maintes reprises discuté de la question du pouvoir, du véritable pouvoir
20 et de la position de cellule de crise.
21 M. le Président: Maître Krstan Simic, excusez-moi de vous interrompre. Si
22 possible, quand vous utilisez ce document, qui est déjà versé au dossier,
23 pouvez-vous s'il vous plaît mentionner la cote? C'est plus facile. Merci.
24 Excusez-moi.
25 M. K. Simic (interprétation): La pièce à conviction D17/1.
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1 M. le Président: J'avais dit que c'était un document présenté par Me
2 Niemann.
3 Madame Somers?
4 Mme Somers (interprétation): Je présente mes excuses à la Chambre et au
5 collègue, mais pour moi il s'agit du document 2/4.11, si ceci peut vous
6 aider.
7 M. K. Simic (interprétation): D17/1. Monsieur le Président, il s'agit
8 d'une erreur peut-être, puisque M. Niemann a utilisé ce document pour
9 illustrer son propos liminaire. Et c'est la défense de M. Kvocka qui a
10 introduit ce document en tant que pièce à conviction. C'est peut-être pour
11 cela qu'il y a cette différence de cote.
12 Mme Somers (interprétation): Je m'excuse encore une fois, mais le Greffe a
13 assigné à nouveau les cotes à ces pièces à conviction, qui nous ont été
14 communiquées en 1999, se trouvant dans le registre de l'affaire.
15 Donc le numéro que je viens de vous communiquer, c’est le nouveau numéro
16 qui nous a été communiqué par le Greffe, il s'agit du n°2/4.11.
17 M. le Président: Madame Thomson, avez-vous une explication utile pour nous
18 concernant ce document?
19 Mme Thomson (interprétation): J'essaie de trouver ce document. Donnez-moi
20 un instant, s’il vous plaît.
21 M. le Président: Nous n’allons pas vous donner ce moment maintenant, vous
22 le ferez à la pause. Nous allons continuer. On éclaircira cette question
23 après.
24 Maître Krstan Simic, vous pouvez continuer, s'il vous plaît.
25 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame et
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1 Monsieur les Juges. Le document dont je parle et que vous allez sans doute
2 analyser avec beaucoup d'attention contient tous les éléments: tout
3 d'abord, la personne qui donne l'ordre; deuxièmement, à qui est donné cet
4 ordre; troisièmement, qu'est-ce qu'on demande, qu’est-ce qu’on ordonne à
5 tout un chacun.
6 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, on dit aussi qui doit
7 faire un rapport parmi toutes ces personnes à qui on a donné l'ordre de
8 faire quelque chose. Et ce n'est pas tout. Dans cet ordre, dans son
9 dernier paragraphe, on a dit qui est responsable de contrôler l'exécution
10 de l'ordre. Ce document, comme la plupart d'autres documents, à la fin
11 indique qui sont les destinataires de ce document. Il s'agit de la
12 dernière page de ce document, la page 3.
13 Donc les destinataires: la cellule de crise, la cellule de crise qui a
14 créé le camp d’Omarska; les coordinateurs du service de sécurité publique,
15 ceux qui d'après cet ordre devaient conduire des enquêtes, évaluer la
16 responsabilité et nommer des personnes dans le cadre de l'espace destiné à
17 accueillir les prisonniers; ensuite, le service de sécurité publique de
18 Banja Luka dans le cadre duquel agit le centre de police de Prijedor;
19 ensuite, le chef de la police, haut fonctionnaire qui a l'autorité dans le
20 cadre de ces postes de police; ensuite, le chef de sécurité; ensuite, le
21 directeur général de la mine Ljuba; et les archives.
22 Nous allons prouver à travers ce document que cet ordre indique clairement
23 les fonctions de différentes personnes du camp d'Omarska: qui était
24 responsable de quoi, qui pouvait exactement faire quoi. Je dois aussi
25 attirer votre attention sur le fait qu'au paragraphe 6 on voit exactement
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1 quelle était la mission du poste de police d’Omarska: assurer la sécurité.
2 Nous allons prouver que l'accusé Kvocka, ainsi que les autres, n'étaient
3 que des maillons dans le cadre de ce service de sécurité.
4 Je dois dire aussi qu'il s'agit d'une mission ordinaire, définie par le
5 code, le règlement intérieur de la police, puisque les policiers doivent
6 conduire des missions de sécurité et que ces missions ont été réglementées
7 par le règlement du travail de la police.
8 Donc, à partir du moment où un policier reçoit une mission, une mission
9 qui a été prévue par le règlement de sa profession, et que si, en même
10 temps, on lui indique qu'il s'agit d'une mission temporaire, que ce centre
11 d'enquête va durer dix ou quinze jours, le temps nécessaire d'effectuer un
12 certain nombre d'enquêtes, ce qui a été d'ailleurs prouvé par un certain
13 nombre de détenus qui ont témoigné, on leur a dit à eux aussi que ces
14 détentions n'allaient durer que quelques jours. Et c'est exactement ce qui
15 s'est passé au début, on a interrogé des gens, on les a laissé partir.
16 Ceci a duré à peu près jusqu'au 10, après on les laissait partir, rentrer
17 chez eux.
18 Ce que nous allons tenter de prouver, c’est qu'à un moment donné un
19 changement est survenu. Mais je vais parler de ceci plus tard. Monsieur le
20 Président, Madame et Monsieur les Juges, j'ai un document qui n'a pas été
21 encore versé au dossier. Pour faciliter le travail des Juges, je dispose
22 d'un nombre suffisant de copies de ces documents et je peux les
23 communiquer à la Chambre.
24 Je vais demander l’aide de l'huissier à cet effet: donc des copies pour la
25 Chambre et une copie pour le rétroprojecteur.
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1 (L’huissier s’exécute.)
2 M. le Président: Quelle sera la cote, Madame la Greffière?
3 Mme Thomson (interprétation): D37/1.
4 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur
5 les Juges, vous avez sous les yeux à nouveau un rapport, un rapport qui a
6 été écrit le 1er juillet 1992, c'est-à-dire pendant l'existence d'Omarska,
7 au plus fort de son existence.
8 Ce rapport a été adressé à l'assemblée municipale de Prijedor et le
9 signataire est le chef du poste de sécurité publique, M. Simo Drljaca. Au
10 premier paragraphe de ce rapport, il est dit -je cite-: "Par la conclusion
11 n°02-111-108/92, par laquelle il est interdit de libérer des prisonniers,
12 cette conclusion est respectée dans sa totalité".
13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il est évident, il
14 est clair qu'à partir de la création, depuis la création d'Omarska, depuis
15 le début du fonctionnement d'Omarska, des changements sont survenus.
16 Evidemment, des simples policiers venant d'un département de police
17 n'étaient pas informés de ces changements. Donc, de ce document, il est
18 clair que c'est la cellule de crise de la municipalité de Prijedor qui a
19 pris la décision d'interdire la libération de prisonniers du camp et que
20 cette même décision est mise en œuvre par la personne qui a signé ce
21 rapport.
22 Je dois dire, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, qu'il
23 s'agit de cette même personne, de la même personne à qui, en vertu des
24 points 11 et 12, des paragraphes 11 et 12 de l'ordre qui vient d'être
25 cité, datant du 31 mai 1992, "toutes les personnes d'Omarska doivent
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1 présenter des rapports toutes les 24 heures", c'est-à-dire que, toutes les
2 24 heures, chaque élément de l'organisation du camp d'Omarska doit faire
3 un rapport à M. Simo Drljaca qui, ensuite, doit les communiquer à la
4 cellule de crise de la municipalité de Prijedor.
5 Donc nous nous efforçons, au cours de notre présentation liminaire -et
6 nous espérons que nous allons réussir à le prouver-, nous tentons de
7 prouver qui était le véritable commandant à Omarska: ce n'était pas Zeljko
8 Mejakic, ce n'était pas Miroslav Kvocka. Car, comme vous pouvez le voir
9 vous-mêmes, M. Mejakic, en tant que commandant du département du poste de
10 police, avait pour obligation, du point de vue de sa mission de sécurité,
11 d'établir un rapport, de faire un rapport toutes les 24 heures. Si les
12 affirmations de l'accusation avaient été exactes, eh bien, c'est M.
13 Mejakic en personne qui aurait été le destinataire de ces rapports.
14 La documentation dont nous disposons, qui nous a été communiquée par
15 l'accusation, car je dois dire à la Chambre et aux médias aussi que la
16 défense -et je parle au nom de la défense de tous les accusés- n'a pas
17 réussi à trouver des documents, à obtenir des documents qui auraient pu
18 l'aider à prouver ce qu'elle veut prouver, nous avons cependant reçu des
19 documents qui nous ont permis de construire, d'organiser notre défense et
20 de trouver des réponses adéquates.
21 Pour illustrer à nouveau la situation dans le camp et montrer à nouveau
22 qui était qui dans le camp -nous allons parler de ceci quand nous allons
23 parler de l'organisation du camp-, je dois attirer votre attention sur les
24 autres paragraphes qui démontrent bien qu'il existait une organisation
25 très précise au sein du camp et que les missions qui avaient été assignées
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1 à différentes personnes faisant partie de cette organisation étaient bien
2 établies.
3 C'est une autre question de savoir si ces éléments étaient en mesure de
4 mettre en œuvre leurs missions, compte tenu de la situation dans le camp
5 et en Bosnie-Herzégovine en général, à l'époque. Le témoin va témoigner à
6 ce sujet, des témoins que nous allons appeler vont témoigner à ce sujet.
7 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, il existe toute une
8 série de documents qui pourraient montrer que l'homme dont nous venons de
9 parler -et nous allons présenter ces documents au cours de la présentation
10 des moyens de preuve de la défense- décidait de tout.
11 Nous allons prouver que, par exemple, dans le cadre du système qui
12 prévalait dans le camp d'Omarska, on ne pouvait même pas changer de
13 cuisinier, de femme de ménage, d'ouvrier qui faisait des travaux
14 d'entretien dans le cadre de son obligation de travail dans la mine, sans
15 que M. Drljaca soit d'accord. Donc même ces choses triviales relevaient de
16 ses compétences: on ne peut pas changer de cuisinier, on ne peut pas
17 changer de femme de ménage sans qu'il donne son aval, sans qu'il soit en
18 mesure d'évaluer si la personne proposée de la remplacer, par exemple, est
19 apte à le faire.
20 Nous allons essayer de prouver, nous allons prouver que M. Mejakic
21 demandait des laissez-passer pour des personnes venant effectuer un
22 certain nombre de tâches dans le camp. Il s'agit à nouveau de personnes
23 qui venaient accomplir leur obligation de travail.
24 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, est-ce qu'il existe
25 quelque part dans le monde un commandant de camp, qui est le dirigeant du
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1 camp mais qui ne peut pas faire un laissez-passer à une femme de ménage
2 qui doit venir nettoyer des pièces à l'intérieur du camp? Et ce n'est pas
3 lui qui l'a nommée, ce n'est pas lui qui a décidé de la personne à venir.
4 Moi, j'affirme que non, que ceci n'existe pas.
5 L'accusation a présenté des documents, des rapports, des lettres et je
6 dois rappeler à mes collègues de l'accusation, leur demander si, à un seul
7 endroit, à une seule occasion, ils ont trouvé un rapport destiné à M.
8 Mejakic, à M. Kvocka et à M. Gruban, pour ne pas mentionner les autres?
9 Est-ce qu'à un endroit, dans un document quelconque, ils ont trouvé un
10 document -et j'ai déjà dit que nous avons trouvé tous les documents de
11 l'accusation-, ont-ils trouvé, dans un seul document, un rapport signé par
12 M. Mejakic ou M. Kvocka, de quelque façon que ce soit?
13 Il est vrai que j'ai mentionné tout à l'heure un document -nous allons le
14 présenter au cours de la présentation des moyens de preuve de la défense-,
15 un document par lequel M. Mejakic demande si l'on accorde des laissez-
16 passer spéciaux pour qu'il puisse savoir qui a le droit d'entrer dans le
17 camp. Il signe ce document en tant que "commandant du poste de police", M.
18 Mejakic, et non pas en tant que commandant du camp.
19 Sur ce même document, qui date du 29 juin, il est écrit que ce laissez-
20 passer avait été pris, recueilli par M. Mejakic.
21 L'accusation, lors de son propos liminaire, a évoqué également un principe
22 en vigueur au sein de la police, principe selon lequel la police est une
23 organisation dans laquelle chacun sait très bien qui émet les ordres, qui
24 agit d'une façon ou d'une autre, qui en d'autres termes fait quoi.
25 L'accusation a présenté un document à ce sujet. Et je m'appuierai pour ma
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1 part sur le même document, que j'ai l'intention de distribuer aux Juges de
2 cette Chambre, car il n'a pas encore été versé au dossier de la présente
3 affaire. Il s'agit d'un document daté du 6 mai 1992, qui présente les
4 conclusions d'une réunion de la police.
5 Le numéro référence est le n° 11-12. Ce document est datée du 11 mai 1992
6 pour une raison très simple, à savoir que M. Drljaca met au courant ses
7 subordonnés de ce qu'il attend d'eux.
8 M. le Président: Quelle est la cote de ce document?
9 Mme Thomson (interprétation): Il s’agit de la pièce à conviction D38/1.
10 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, j'ai l'intention
11 d'indiquer quels sont, à notre avis, les éléments pertinents de ce
12 document. Il s'agit plus particulièrement des paragraphes 7 et 8.
13 Je cite: Paragraphe 7: "La relation entre officier supérieur, policier et
14 ouvrier doit être définie de la façon la plus stricte possible".
15 Paragraphe 8: "Tous les ordres doivent donner lieu à des actions sans
16 aucune remise en cause; tout refus d'agir aura pour résultat un
17 licenciement ou une expulsion des forces de réserve".
18 Maître Niemann a fait particulièrement référence à ces paragraphes, mais
19 uniquement dans le contexte de cet ordre et d'autres documents similaires.
20 Ce qui signifie que cet ordre du 31 mai 1992, que nous avons vu il y a
21 quelques instants, et d'autres ordres de même nature ont été émis dans le
22 cadre d'une relation supérieur/subordonné, qui avait été définie comme
23 devant exclure toute remise en cause, toute question de la part des
24 intéressés.
25 Si des questions étaient posées, le résultat était le licenciement ou
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1 l'expulsion des forces de réserve. Un policier qui était privé de son
2 travail n'avait plus de salaire. Il n’avait plus d'affectation en temps de
3 guerre. Il devait s'adresser à nouveau au ministère dont il dépendait,
4 c'est-à-dire le ministère de l'Intérieur qui lui fournissait une nouvelle
5 affectation et cette nouvelle affectation était très souvent synonyme de
6 départ sur le front, le front où les hommes se faisaient tuer au
7 quotidien.
8 Et n'oublions pas, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges,
9 qu’à l’époque, la corruption régnait compte tenu de la désintégration de
10 l'Etat, comme c'est le cas un peu partout dans le monde. Les gens étaient
11 prêts à payer des pots-de-vin de façon très massive à la police pour se
12 voir affectés dans les forces de réserve. En effet, une telle affectation
13 dans les forces de réserve signifiait la sécurité. Il était beaucoup plus
14 sûr de faire partie des forces de réserve de la police que d'être envoyé
15 sur le front, à Gradacac ou ailleurs. Et compte tenu de la création
16 d’Omarska à l'époque, chacun tenait compte du fait qu'aller à Gradacac,
17 sur le front, signifiait le risque de ne pas revenir.
18 M. le Président: Je profite de cette interruption pour proposer une pause
19 d'une demi-heure. Vous êtes d'accord?
20 M. K. Simic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, tout à fait.
21 Merci.
22 M. le Président: Donc une demi-heure.
23 (L’audience, suspendue à 11 heures 20, est reprise à 11 heures 53.)
24 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
25 (Les accusés s'assoient.)
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1 Maître Krstan Simic, nous allons travailler jusqu'à 13 heures 10, plus ou
2 moins, ceci pour votre orientation. Vous avez la parole.
3 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
4 J'aurais encore une phrase à ajouter au sujet de cet ordre du 31 mai 1992.
5 A l'aide de ce document que nous avons reçu, nous allons démontrer que cet
6 ordre a été reçu par M. Mejakic, commandant du département du poste de
7 police d'Omarska, chargé de la sécurité. Cet ordre, M. Kvocka l'a vu pour
8 la première fois ici, au quartier pénitentiaire, lorsque ce document nous
9 a été remis dans le cadre de la communication des pièces.
10 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je reprendrai les
11 propos de M. Zobjan, chef du centre du service de sécurité qui, dans le
12 document qui a été présenté tout à l'heure, déclare -je cite-: "Les mots
13 que je prononce sont des ordres; ils doivent être respectés et exécutés
14 sans faillir". Mon collègue, M. Niemann, a cité ces propos dans ses propos
15 liminaires et j'en fais autant pour ma part aujourd'hui.
16 Ce même homme, ce chef du service de sécurité, dans le cadre des
17 compétences qui étaient les siennes au sein de la nouvelle police créée
18 dans la partie du pays sous le contrôle des Serbes de Bosnie, émet un
19 ordre le 17 juin 1992, ordre que nous avons versé au dossier de la
20 présente affaire sous la cote D9/1.
21 Je vais citer une partie de cette décision en vertu de laquelle, le 1er
22 avril 1992, est émis un règlement temporaire destiné aux forces du MUP de
23 la République serbe de Bosnie-Herzégovine. Dans le cadre de cette
24 décision, le chef du secteur, sous la responsabilité du centre du service
25 de sécurité de Banja Luka, le poste de sécurité public de Prijedor, le
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1 poste de police de Prijedor et le lieu où travaille M. Kvocka, à savoir le
2 département du poste de police d'Omarska, sont concernés. Le chef du
3 service de sécurité déclare que "ses décisions doivent être respectées et
4 exécutées". Il émet une décision selon laquelle "M. Kvocka continue à
5 effectuer les tâches qu'il effectuait", en application de la même décision
6 datant de 1990, qui elle aussi a été versée au dossier de la présente
7 affaire.
8 Compte tenu de la nature temporaire de cette décision -ce qui est écrit
9 dans le texte-, il est décrété que M. Kvocka est déployé dans le cadre des
10 hommes chargés du secteur dépendant de ce poste de police; ceci également
11 en 1993, date pour laquelle il existe également une pièce à conviction sur
12 laquelle nous reviendrons un peu plus tard. Ce secteur ne correspond qu'au
13 poste de police de Prijedor.
14 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, vous savez que M.
15 Kvocka a été démis de ses fonctions d'une façon tout à fait humiliante à
16 Omarska, pour y être rétabli le 23 juin 1992. Mon confrère me fait
17 remarquer qu'au compte rendu d'audience, il est indiqué que M. Kvocka a
18 été replacé dans ses fonctions le 23 juin. Or, il a été démis de ses
19 fonctions le 23 juin 1992. Nous en reparlerons dans une partie ultérieure
20 de ces propos liminaires.
21 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous démontrerons -et
22 il a déjà été question de cela devant cette Chambre de première instance-
23 que, dans le cadre du système en vigueur dans le camp d'Omarska, il
24 existait également quatre segments de l'organisation de la sécurité:
25 d'abord la sécurité intérieure, le service de sécurité intérieur, le poste
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1 de police de Prijedor dans le cadre duquel M. Kvocka remplissait un
2 certain nombre de fonctions, dans la pièce réservée aux transmissions ou
3 plutôt située à côté de la salle des transmissions.
4 Le deuxième volet du service de sécurité était une tâche temporaire
5 assignée à la police spéciale de Banja Luka, qui a commencé à fonctionner
6 dans la première moitié du mois de juin et qui a causé de nombreux
7 problèmes. Ce volet des services de sécurité a disparu d'Omarska à la mi-
8 juin 1992.
9 J'attire l'attention de la Chambre de première instance à cet égard sur la
10 pièce à conviction D18/1, versée au dossier par la défense, qui porte sur
11 le travail de ce volant des forces de sécurité.
12 Le document coté /A est la version anglaise de cette pièce.
13 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, vous avez sous les
14 yeux un texte qui vous informe des événements survenus dans le camp
15 d'Omarska. J'appelle plus particulièrement votre attention sur l'identité
16 de ceux qui fournissent des informations au sujet des problèmes causés par
17 ce volant des forces de sécurité.
18 En bas, à droite de ce texte, vous avez en effet un nom et un seul, celui
19 de Simo Drljaca. Il n'est pas écrit que cette information est fournie par
20 le commandant du camp, par le directeur du camp ou par un adjoint. Les
21 informations relatives à la situation qui règne à l'intérieur du camp, aux
22 problèmes qui se produisent à l'intérieur du camp, sont résumées dans un
23 rapport émanant de ce même homme auquel tous les responsables du camp sont
24 tenus de soumettre un rapport quotidien.
25 Nous sommes absolument certains que vous allez très rapidement analyser ce
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1 document, et je me contenterai pour ma part d'en tirer quelques phrases
2 qui me semblent tout à fait capitales. Je cite: "Il est question d'une
3 unité commandée par Strazivuk, qui cependant était incapable d'exercer le
4 moindre contrôle sur ses troupes et leurs comportements". Ces mots
5 signifient, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, que ce
6 volant des forces de sécurité était commandé par Strazivuk et pas par le
7 commandant du département de la police d'Omarska, M. Zeljko Mejakic, sans
8 parler d'une des personnes présentes ici au banc des accusés.
9 Pour corroborer ce que nous allons nous efforcer de démontrer, je vais
10 citer à présent un autre passage du texte, qui montre que: "L'exactitude
11 des informations fournies peut être confirmée par tous ceux qui
12 travaillaient de façon opérationnelle dans le camp, à la tête desquels se
13 trouvait Mirko Jesic et le lieutenant colonel, Majstorovic."
14 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'accusation affirme
15 que MM. Kvocka et Mejakic étaient commandants, puis adjoints, on ne sait
16 pas très bien à partir de quelle date et jusqu'à quelle date, mais en tout
17 cas qu'ils l'étaient à la date du 13 juin, à savoir au moment où Omarska
18 fonctionnait, et lorsqu'a commencé à entrer en vigueur la suppression des
19 remises en liberté.
20 Ils ne supportent pas ce rapport, et ils vont même plus loin, ils sont
21 totalement impuissants. Ils sont absolument insignifiants. Le commandant
22 du département du poste de police est tellement insignifiant que M.
23 Drljaca ne juge même pas nécessaire de le mentionner comme une personne
24 apte à fournir des informations relatives aux événements mentionnés dans
25 ce document.
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1 Le commandant du poste de police est tellement insignifiant qu'il n'est
2 même pas fait mention du fait que M. Mejakic peut confirmer ce qui est
3 écrit dans ce texte.
4 Or, il n'était pas aussi insignifiant que cela, car ce département de la
5 police d'Omarska est un département situé au bas de l'échelle
6 hiérarchique; c'est un département qui a certaines compétences, dont nous
7 parlerons plus tard au cours de nos propos liminaires; et nous voyons
8 qu'un chef des services de sécurité, partant du principe que M. Mejakic
9 n'a absolument aucune importance, ne mentionne même pas son nom en tant
10 que personnalité dont l'autorité pourrait permettre de confirmer à un
11 supérieur le fait que certaines personnes posent des problèmes dans un
12 volant particulier des forces de sécurité, et que ces problèmes créent y
13 compris un certain nombre de situations conflictuelles dans lesquelles
14 sont impliqués des membres de la sécurité.
15 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous démontrerons que
16 l'évêque de Banja Luka, un homme qui a fait la preuve de sa volonté de
17 combattre pour l'être humain, je veux parler du Dr Franjo Komarica, a
18 écrit une lettre pour demander de l'aide afin d'obtenir la remise en
19 liberté d'un prêtre détenu, le père Stipo Sosic.
20 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, cette lettre encore
21 une fois n'a pas été adressée à M. Mejakic, commandant du département de
22 police d'Omarska, mais encore une fois cette lettre a été adressée à cette
23 même personne auteur de tous les rapports, dont nous avons parlé jusqu'à
24 présent, et l'homme auquel étaient destinés les rapports quotidiens des
25 responsables du camp d'Omarska.
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1 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, finalement, lorsque
2 les médias et l'opinion publique ont commencé à s'intéresser aux
3 événements survenus dans les camps d'Omarska et de Keraterm, lorsque des
4 informations au sujet de la réalité ont fini par parvenir jusqu'à la
5 direction du centre des services de sécurité, je tiens à indiquer que le
6 chef de ce centre des services de sécurité a, le 14 août 1992, créé une
7 commission composée de Vojin Bera, président de la commission, Crondic
8 Vaso, membre de la commission, de Ranko Mijic, membre de la commission,
9 d'un certain Jugoslav Rodic, membre de la commission.
10 Il a été décidé que, dans un délai très bref, ces hommes devaient vérifier
11 les faits liés non seulement aux événements survenus dans le camp
12 d'Omarska, de Keraterm et de Trnopolje, mais également sur le territoire
13 placé sous la responsabilité du poste de sécurité publique qui englobait
14 Sanski Most, Novi Grad, Bosanski Novi, toute localité placée sous la
15 responsabilité du poste de sécurité publique.
16 Avec l'aide de l'huissier, j'aimerais également vous soumettre le présent
17 rapport qui, pensons-nous, devrait nous aider à vous démontrer un certain
18 nombre de faits. Ce document, comme les autres, nous l'avons reçu de
19 l'accusation, dans le cadre de la communication des pièces.
20 M. le Président: Quelle est la cote, Madame Thomson, pour ce document?
21 Mme Thomson (interprétation): Il s'agit de la pièce à conviction D38/1.
22 M. le Président: Je crois que nous avons déjà un document D38, peut-être
23 que ce sera le D39?
24 Mme Thomson (interprétation): Non, Monsieur le Président. En effet, une
25 erreur a été commise, un document a déjà été soumis et nous y reviendrons
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1 plus tard. Mais la cote de ce document est bien 38/1.
2 M. le Président: De toute façon, j'ai déjà un document avec moi qui a la
3 cote D38/1: c'est le document qui date du 11 mai 1992.
4 Que va-t-on faire avec cela, Madame Thomson?
5 Mme Thomson (interprétation): Il s'agit d'un document déjà versé au
6 dossier. Si vous voulez, je peux passer en revue toutes les cotes déjà
7 affectées. Nous avons quatre pièces à conviction dont certaines avaient
8 déjà été versées au dossier; j'en ai donné les cotes.
9 M. le Président: Prenez soin de cela, mais nous risquons d'avoir quatre
10 cotes pour le même document. Il faut en tenir compte, sinon on n'arrive
11 pas à bien fonctionner.
12 Mme Thomson (interprétation): Oui, j'ai consulté la défense et
13 l'accusation pendant la pause, et nous avons mis de l'ordre dans les
14 cotes. Après la fin de ces propos liminaires, nous pourrons revenir sur la
15 question, si vous le voulez, Monsieur le Président.
16 M. Riad (interprétation): Peut-on coter ce document D38/1bis, pour le
17 moment?
18 M. le Président: Madame Thomson, voilà la confusion où nous sommes. Il
19 faut éclaircir cela une fois pour toutes.
20 Ce document du 11 mai 1992, vous dites qu'il a déjà été versé au dossier.
21 Quelle est la cote maintenant de ce document? Quelle a été sa cote?
22 Mme Thomson (interprétation): La cote de ce document était D38/1, mais
23 nous nous sommes rendu compte qu'une erreur avait été commise. A présent,
24 la cote actuelle est D37/1. Quant à ce document qui vient d'être
25 mentionné, il porte à présent la cote D38/1.
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1 M. le Président: Ma question est la suivante: j'aimerais savoir quelle est
2 la cote du document distribué aujourd'hui, qui portait la cote D37/1,
3 datant du 1er juillet 1992, et qui portait la cote D37? Quelle est sa
4 cote?
5 Mme Thomson (interprétation): Vous voulez bien dire du 1er juillet?
6 M. le Président: Oui.
7 Mme Thomson (interprétation): Ce document avait déjà été versé au dossier
8 sous la cote D20/1.
9 M. le Président: Maintenant le document que nous avons, le rapport est le
10 document D38/1. C'est cela?
11 Mme Thomson (interprétation): Oui, Monsieur le Président.
12 M. le Président: Il faut vraiment prendre soin, soit du côté des conseils
13 soit du côté du Greffe, d'éviter cette situation. Sinon nous perdons
14 beaucoup de temps et, encore pire, quand nous allons travailler, nous ne
15 saurons pas quels sont les documents que chacun a cités.
16 Si chacun a une cote, à la fin nous n'allons pas nous entendre et nous
17 comprendre. Il faut bien établir une cote commune à toutes les parties.
18 Maître Krstan Simic, vous pouvez continuer. Comme vous le savez
19 maintenant, ce document est le D38/1, le rapport que vous avez mentionné.
20 Vous pouvez continuer.
21 M. K. Simic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.
22 Compte tenu du volume et de la teneur de ce rapport, je ne doute point que
23 la Chambre ne manquera pas d'étudier le rapport en question dans son
24 ensemble, parce que cela lui permettra d'avoir une vue d'ensemble sur les
25 événements concernant plusieurs municipalités avoisinantes de Prijedor.
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1 Mais pour ce discours liminaire, je tenais à citer des emplacements
2 pertinents du point de vue notamment de ce dont nous sommes en train de
3 parler ici.
4 A la page 3, tant de la version serbe que de la version anglaise, il se
5 trouve un texte que je me propose de citer: "En date du 27 mai 1992,
6 partant d'une décision prise par...". Je m'excuse, il s'agit de la
7 quatrième page en version anglaise; je recommence la lecture de ce dernier
8 paragraphe: "En date du 27 mai 1992, partant d'une décision prise par la
9 cellule de crise de la municipalité de Prijedor, tous les détenus de
10 Keraterm ont été transférés vers les installations d'Omarska. Partant de
11 la même décision, les installations d'Omarska ont été placées sous
12 contrôle ou supervision directe de la police et de l'armée. La police, à
13 savoir le poste de police d'Omarska, est chargée de la sécurité des
14 installations, notamment du bâtiment de l'administration, de l'atelier et
15 du garage pour les grosses machines, alors que l'armée elle se trouve
16 chargée de la sécurisation en profondeur des postes de garde et de la
17 couverture de certaines zones en fonction de ses besoins."
18 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, ce rapport ne fait
19 que confirmer le fait que ce département de police d'Omarska se trouvait
20 être chargé de tâches qui sont des tâches de police classiques, prévues
21 par les règlements policiers, à savoir sécuriser de façon intérieure les
22 installations qui viennent d'être citées.
23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, en page 8, à savoir
24 en page 11 de la version anglaise, le rapport en question analyse la
25 situation au niveau des centres de rassemblement sur le territoire de la
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1 municipalité de Sanski Most; c'est une municipalité limitrophe de celle de
2 Prijedor.
3 Au premier paragraphe de ce rapport qui traite des événements au niveau de
4 la municipalité de Sanski Most, il est dit -je cite la dernière phrase du
5 premier paragraphe-: "Par une décision à part de la cellule de crise, les
6 installations appelées Betonirka ont été transformées en prison. Il a été
7 procédé à la nomination d'un directeur et de son adjoint. Alors qu'au
8 niveau des tâches de la sécurité avec les membres de l'armée, ont pris
9 part à la réalisation de ces dernières les employés de la police".
10 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, dans un rapport aussi
11 général, il s'avère que véritablement, quand bien même il y aurait eu un
12 directeur du camp ou de la prison ou de ce centre d'enquête d'Omarska, le
13 rapport l'aurait présenté tout comme il a montré que cela existait au
14 niveau de la prison qui a été mentionnée, à Sanski Most.
15 Or, par tous ces documents-ci, nous avons tenu à démontrer que M. Kvocka,
16 chef du secteur de patrouille dans la région, par cette décision du 17
17 juin, ne pouvait pas l'être, car cela n'est précisé par aucun des
18 documents pertinents concernant cette époque.
19 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, pour en finir du
20 traitement des questions relatives à l'organisation, à la structure
21 organisationnelle du camp d'Omarska, je me propose de vous citer un autre
22 document; il s'agit notamment d'une décision datée du 22 juin... Je
23 m'excuse, ce n'est pas celle-là: il y a eu un petit malentendu au niveau
24 de la décision qui m'a été communiquée par mon collaborateur. Il s'agit
25 d'une décision afférente au relâchement, à la libération de certaines
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1 personnes, que nous nous proposons de verser en tant qu'élément de preuve
2 et qui est daté du 2 juin 1992. Il est indiqué comme suit -je cite-: "Est
3 tenu responsable, personnellement, le chef du service de sécurité qui est
4 à même de libérer une personne détenue par sa signature seule". Donc le
5 directeur, et lui seul, est susceptible de relâcher quelque détenu que ce
6 soit à Omarska et Keraterm.
7 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, je n'ai pas à vous
8 rappeler qu'il s'agit de la même personne, celle à qui tous sont censés
9 rendre des comptes lorsqu'il s'agit du camp d'Omarska. Vous allez le voir
10 dans ce rapport aussi, celui que nous avons vu tout à l'heure, que c'est
11 précisément M. Simo Drljaca qui a présenté lui-même une partie du rapport
12 à l'égard de la commission qui s'est créée à cette fin, sur ordre du
13 commandant du centre de sécurité publique.
14 Pourquoi? Eh bien, la réponse est simple, car c'est la seule autorité
15 habilitée à prendre des décisions sur tout ce qui se passait à Omarska.
16 C'était la seule autorité qui disposait de renseignements, c'était la
17 seule personne susceptible de pouvoir libérer qui que ce soit, la seule
18 autorité qui pouvait se permettre de faire des rapports à l'intention de
19 qui que ce soit.
20 Je me propose d'en finir avec ce segment relatif à la structure
21 organisationnelle, qui ne manquera pas de constituer un segment très
22 important de cette procédure de présentation des preuves, et de notre
23 volonté de démontrer que M. Kvocka n'avait aucune autre autorité, si ce
24 n'est celle de ces tâches quotidiennes qui lui étaient assignées. La
25 conséquence en est le fait qu'il a été chassé d'Omarska.
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1 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, en me conformant au
2 message de votre décision, pour ce qui est de la date du 15 décembre 2000,
3 la défense se propose de se concentrer sur la période de temps passée par
4 M. Kvocka à Omarska. Nous considérons que, si responsabilité il y a de sa
5 part, il ne peut être tenu responsable que pour ce qui concerne la période
6 de temps qu'il a passée à Omarska. La défense se propose de prouver que
7 Kvocka a séjourné à Omarska du 29 mai jusqu'au 23 juin 1992.
8 Il est vrai que M. Kvocka, suite à sa suspension -et il ne sait pas de nos
9 jours encore ce que cela a signifié- depuis le 23 jusqu'à son retour, au
10 1er juillet 1992, le fait qu'il ait effectué deux ou trois fois des
11 visites à ses beaux-frères à Omarska, ce sont des dates où il a pu être
12 aperçu; mais il n'y a pas travaillé. Il est allé voir ses beaux-frères
13 pour leur porter des colis, comme il le faisait d'ailleurs
14 quotidiennement, comme nous l'a dit le Témoin F. Il a apporté des colis
15 tous les jours et il n'est point étonnant de constater qu'il est venu,
16 même après ces dates-là, apporter des colis.
17 Mais la dernière fois où il est allé à Omarska, c'était le 2 juillet; nous
18 allons le prouver. Et l'accusé se souvient fort bien de cette journée-là.
19 Par la suite, en raison des relations et des tensions liées à son nom, à
20 son comportement, à ses actes, à son mariage, à son couple mixte, il n'est
21 plus allé effectuer ses visites, car tout simplement il n'a plus été en
22 mesure de porter du linge ou des vivres à ses beaux-frères, parce qu'il a
23 commencé à avoir peur, des craintes et des appréhensions pour sa propre
24 sécurité.
25 Partant donc de cette période du 29 mai au 23 juin, M. Kvocka s'est
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1 absenté à deux reprises.
2 La première fois, pendant deux ou trois jours, après les coups de feu du
3 30 mai parce que, pour des raisons tout à fait compréhensibles et compte
4 tenu de la situation dans laquelle il se trouvait, il était très stressé;
5 M. Mejakic, son supérieur, son commandant, lui avait donné quelques
6 journées libres. Comme l'a dit M. Radic dans son interview devant le
7 Procureur, il a dit: "Que pouvais-je faire? Monsieur Kvocka aurait pu se
8 faire tuer". C'est la raison pour laquelle il s'est fait récompenser avec
9 deux jours de permission.
10 A une autre période, vers la fin de son séjour là-bas, M. Kvocka s'est
11 absenté pour des raisons de santé aussi bien que pour des raisons
12 professionnelles, car vers le 12 ou 13, Popovic Strahilo, membre de la
13 police de réserve, a été tué. Et M. Kvocka au cours du mois de mai, à
14 l'occasion de l'accomplissement de ses tâches quotidiennes, avait saisi
15 des fonds pécuniaires de l'épouse de ce Popovic pour trafic de devises.
16 Suite à la saisie de ces devises, il a été émis une attestation
17 officielle, parce que cela est prévu par la réglementation. Dans notre
18 présentation des éléments de preuve, nous allons présenter ce document.
19 Suite au décès de cet individu, M. Mejakic a dit à M. Kvocka, compte tenu
20 du temps où il vivait, compte tenu des dépenses afférentes à
21 l'enterrement, que cet argent saisi soit repris dans les caisses et soit
22 restitué à l'épouse ou à la famille de feu ou du décédé Popovic.
23 Mon assistant vient de me signaler que, lorsque nous avions parlé du décès
24 de Strahilo Popovic, on ne mentionne que certains jours; alors, je tiens à
25 préciser la date: il s'agit du 12 ou 13 juin, afin qu'il n'y ait pas de
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1 confusion. C'est une date pertinente pour ce qui concerne le séjour de M.
2 Kvocka à Omarska.
3 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, l'Acte d'accusation
4 met à charge de M. Kvocka des actes graves, des délits pour
5 l'accomplissement desquels il faudrait qu'il y ait une intention. Dans ces
6 propos liminaires, nous n'allons pas traiter de questions juridiques, car
7 les questions juridiques ne devront suivre qu'après étude de tous les
8 faits pertinents, lorsque nous aurons donc entendu tous les éléments de
9 preuve. Mais nous allons prendre en considération le fait qu'il devrait y
10 avoir eu intention.
11 Quand il s'agit de M. Kvocka, je tiens à dire que M. Kvocka provient d'une
12 famille démunie, où ils étaient cinq enfants; leur père était manœuvre au
13 sein de l'entreprise "Zitoprodukt" à Prijedor, où il avait été chargé de
14 transporter des sacs. La famille devait souvent faire face à des pénuries
15 de vivres. A la fin de ses études primaires, il a opté en faveur d'études
16 au niveau du ministère de l'Intérieur, pour deux raisons. D'abord, il a
17 bien aimé cette profession, mais l'autre raison est peut-être plus
18 importante encore: c'est que cette scolarisation est gratuite. Les élèves
19 sont logés à l'internat, ils sont vêtus d'uniformes. Et ce qu'il y a de
20 plus important, après ces études-là, après cette formation à Sarajevo, à
21 Vrace, il y a un emploi sûr qui l'attend, un salaire sûr qui l'attend.
22 Cela faisait donc une bouche de moins à nourrir au niveau de la famille
23 Kvocka.
24 Il fréquente donc cette école et, vous l'avez déjà entendu, dès le premier
25 groupe de témoins, un camarade de classe qui avait dit qu'il était plein
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1 d'ambition, plein de bonne volonté, désireux de devenir un bon policier.
2 Il termine ses études en qualité de l'un des dix premiers de sa
3 génération. Cela avait impliqué une récompense qui consistait à lui
4 permettre de choisir son lieu d'emploi. Il réalise cette récompense et
5 vient travailler à Prijedor.
6 L'école de l'intérieur, du ministère de l'Intérieur à Sarajevo, est une
7 école multiethnique. Au niveau de la police, l'un des règlements, c'était
8 d'avoir une représentation paritaire de tous les groupes ethniques, aux
9 fins de ne pas créer une représentation ou une image d'inégalité en
10 droits, dont j'ai déjà parlé au début de mon intervention.
11 Dans cette école-là, on édifiait un esprit de communautarisme, un esprit
12 de partenariat parce que nous savons tous que, pour une profession de
13 policier, il serait périlleux de ne pas avoir un partenaire, un collègue
14 sur lequel on pourrait prendre appui. Dans de telles situations, il
15 importe peu le fait de savoir si votre partenaire est croate, musulman ou
16 membre d'un autre groupe ethnique. C'est pourquoi justement, au niveau de
17 cette école, c'est une question à laquelle une attention toute
18 particulière avait été accordée.
19 Eduqué donc dans un tel esprit, il arrive à Prijedor; il fonde sa propre
20 famille, il se marie et il épouse une jeune fille originaire d'une
21 ancienne famille musulmane. La région d'Omarska est une région
22 ethniquement serbe, avec une tradition assez marquée, mais cela ne dérange
23 nullement ni M. Kvocka ni sa famille. Et ils accueillent de bon cœur cette
24 belle-fille qui est musulmane et qui, pendant le séjour de M. Kvocka
25 ailleurs, à l'accomplissement d'une mission en France où il avait été
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1 chargé de sécuriser l'ambassade de la République socialiste fédérative de
2 Yougoslavie, continue à vivre à Omarska dans la maison des parents de M.
3 Kvocka. Tous les jours, elle fait le trajet en train pour aller à Prijedor
4 travailler et revenir de Prijedor chez elle.
5 Cet esprit dont a fait preuve M. Kvocka dans son mariage, dans le fait
6 d'avoir épousé cette fille, est présent dans toute sa famille: ses deux
7 sœurs épousent deux Musulmans. Malheureusement, cette guerre apporte une
8 tragédie avec soi, une tragédie pour ses deux sœurs à lui. En effet, l'une
9 vivant avec son époux musulman, à Stolac, près de Capljina, suite aux
10 persécutions qui se sont déroulées tout au large de la Bosnie-Herzégovine,
11 s'est trouvée chassée de là-bas; elle vit de nos jours aux Etats-Unis. Son
12 père et sa mère ne l'ont pas revue pendant dix ans. Est-ce que Kvocka
13 voulait que son père et sa mère voulaient qu'ils ne revoient plus leur
14 enfant? Pour ce qui est de l'autre sœur, elle avait divorcé.
15 Mais depuis l'audition de M. Kvocka à ce jour, je puis communiquer à cette
16 Chambre encore une information tragique. Le deuxième beau-frère de M.
17 Kvocka avait travaillé sur un engin de construction. Il travaillait sur le
18 terrain et, malheureusement, on l'a retrouvé: il a été déterré d'une de
19 ces fosses communes, qui sont si nombreuses en Bosnie-Herzégovine. Ce qui
20 fait que l'enfant de la sœur de M. Kvocka se retrouve privée de père.
21 Pouvons-nous maintenant dire que M. Kvocka avait souhaité que son neveu
22 n'ait plus son père?
23 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, nous nous proposons
24 de prouver que M. Kvocka -et je viens de citer le Témoin F- avait apporté
25 des colis quotidiennement à Omarska pour aider les gens à survivre, pour
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1 atténuer leurs souffrances. Nous ne contestons pas que souffrance à
2 Omarska, il y a eu. Nous nous proposons, Monsieur le Président, Madame et
3 Monsieur les Juges, que M. Kvocka, en date du 30 mai, avait placé sa
4 personne devant une personne sous l'effet de l'alcool, désespérée, qui
5 avait perdu son frère au combat pour protéger des détenus musulmans, dont
6 deux ou trois ont malheureusement été tués. Certains ont été blessés et
7 ont survécu. Nous nous attendons à ce que ces derniers fassent leur
8 comparution devant cette Chambre.
9 A l'époque, je tiens à dire que la colère de cet homme, qui avait tiré,
10 qui avait ouvert le feu, avait même atteint Nisic Miroslav, un des membres
11 de ce poste de sécurité -dont nous avons ici l'affidavit- et qui témoigne
12 de cet événement terrible. Ce que nous posons comme question -et nous nous
13 proposons de le prouver- est de dire: est-ce que quelqu'un peut avoir
14 l'intention de persécuter, de tuer, de torturer qui que ce soit s'il
15 cherche instinctivement à protéger la vie de ceux qu'il était censé
16 persécuter, tuer, etc.? Madame et Messieurs les Juges, ce serait absurde.
17 Ses jours de permission, les jours où il avait été récompensé, comme l'a
18 dit M. Radic, après ces coups de feu, M. Kvocka s'en est servi pour aller
19 voir ce qui s'est passé avec les restes de sa famille, les familles de ses
20 amis musulmans. Et à son logement, il a trouvé plusieurs femmes
21 musulmanes, femmes âgées, à qui il a donné à manger. Parmi ces femmes-là,
22 il y avait la mère de Beganovic Emir, qui a témoigné ici, devant cette
23 Chambre, en premier. Kvocka leur apportait à manger parce que la mère de
24 Beganovic Emir était l'amie de la belle-mère de M. Kvocka. Dans son
25 appartement, il y avait cinq ou six femmes qui, mettant à profit le fait
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1 que lui-même était policier, ont trouvé abri dans son propre logement. Se
2 proposeront d'en parler ses beaux-frères, se proposeront d'en parler
3 d'autres témoins encore, notamment l'épouse de M. Kvocka qui est passée,
4 qui a traversé tous ces événements d'une façon des plus pénibles.
5 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, est-ce qu'une
6 personne a pu prendre part aux persécutions et qu'il s'agisse d'une
7 personne, de la même personne qui a été chassée d'Omarska sous les rires
8 des autres gardiens? On vous le confirmera. Je m'excuse d'utiliser ces
9 termes, mais on lui disait: "Kvocka, baisse ta culotte pour qu'on voie si
10 les Musulmans t'ont circoncis? As-tu perdu ta cervelle?" A cause de tels
11 rapports, Kvocka était l'objet de menaces des extrémistes.
12 L'enseignant, M. Radovan Daljevic, qui a choisi la police, et dont nous
13 avons gardé la déclaration sous serment a dit à un moment: "C'est
14 véritablement étonnant que M. Kvocka ait survécu à cette époque.". Mais il
15 a survécu et il est ici aujourd'hui. Nous allons démontrer que M. Kvocka
16 n'avait pas choisi cette option politique qui consistait à préférer les
17 nationalismes. Monsieur Kvocka avait adopté l'idée de Réformistes, il
18 s'agit de l'alliance des Réformistes qui voulait donner une dernière
19 chance à la Yougoslavie. Il a essayé de s'engager du point de vue
20 politique, mais malheureusement cette idée a échoué. Il n'a jamais été
21 membre du SDS.
22 Ses actes, et ce pourquoi il se battait, par rapport à la coexistence
23 multiethnique, vont montrer que, par exemple en 1994, M. Kvocka, et
24 c'était la guerre à l'époque, contrairement aux paragraphes 343, -les
25 paragraphes que nous avons acceptés comme non contestés-et 345 où il est
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1 question de mariage mixte, où il a été démontré que M. Kvocka était
2 parrain à un mariage mixte, où se sont mariés un Musulman et une Serbe.
3 Donc ses idéaux étaient des idéaux d'égalité. Il était parrain au mariage,
4 "kum".
5 Avec cette institution de "kum", on devient presque un cousin. Le droit
6 commun interdit que deux "kum" se marient. C'est une amitié publique, une
7 amitié qui avait été célébrée dans l'appartement même de M. Kvocka. Il a
8 aidé son "kum", il a tenté de lui trouver du travail, il est allé voir des
9 amis pour leur demander de lui donner du travail car il est électricien;
10 c'était un bon professionnel. Mais, à l’époque, il n'y avait pas de
11 travail, il n’y avait pas de travail pour les Serbes et ne parlons pas des
12 Musulmans, car ils étaient musulmans. Et lui, il s’est débrouillé pour
13 l’aider, pour lui trouver du travail pour qu’il puisse survivre.
14 Les gens, comme ils connaissaient Kvocka, ils lui ont donné, ils lui ont
15 trouvé du travail. Et comme ils craignaient pour la sécurité de leur
16 famille, pour leur propre sécurité, ils demandaient à ce que Kvocka
17 travaille aussi sur ces chantiers, car c'était vraiment des temps
18 dangereux.
19 Nous allons montrer quels étaient les travaux, les missions qu'il avait
20 trouvés pour son "kum", en 1994.
21 Les rapports de Kvocka avec les membres des autres nationalités vont être
22 démontrés par le fait que, par exemple, sa fille, pendant que Kvocka était
23 détenu dans l'unité pénitentiaire, a épousé un Croate. Elle a même eu un
24 enfant. Et donc ceci termine ce cercle.
25 Tous les membres de la famille de Kvocka appartiennent, viennent des trois
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1 groupes ethniques.
2 Je vous demande donc: cet homme dont l'épouse est musulmane, dont les
3 sœurs ont épousé des Musulmans, dont la fille a été épousé un Croate, qui
4 a été "kum" dans des familles de Musulmans, est-ce que cet homme est prêt
5 à persécuter, à annihiler les autres nationalités? Non. Monsieur le
6 Président, Madame et Monsieur les Juges, ceci n'est pas possible.
7 Si nous analysons les documents, si nous les analysons avec toute
8 attention, nous aurions pu avoir un autre Acte d'accusation, une position
9 différente. Les convictions de Kvocka, ses choix personnels n'allaient pas
10 dans le sens de la politique officielle de l’époque.
11 Je voudrais attirer votre attention sur un document qui n'a pas été versé
12 au dossier. Je demande l'aide de l'huissier.
13 (L’huissier s’exécute.)
14 Je vais vous demander d'examiner ce document. Il s'agit de la décision 03-
15 531/62, datant du 22 juin 1992.
16 Mme Thomson (interprétation): Ce sera la pièce à conviction D39/1.
17 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, cette décision parle
18 de personnes qui peuvent avoir des fonctions importantes, des fonctions en
19 vue.
20 Et au paragraphe 2 de cette décision, il est dit: "Il n'est pas possible
21 de nommer à ce poste des personnes de nationalité serbe qui n'ont pas
22 participé au plébiscite ou bien qui n'ont pas confirmé par le plébiscite
23 qu'ils ne sont pas convaincus que le seul représentant valable, possible
24 du peuple serbes est le SDS, le Parti démocratique serbe".
25 Il est évident que M. Kvocka -heureusement pour lui, pour sa conscience-
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1 ne remplissait pas ces critères. C'est vrai, Monsieur le Président, Madame
2 et Monsieur les Juges, comme le corrobore un document; je ne vais pas vous
3 présenter ce document, mais au cours du mois d'août 1992, il y a eu des
4 compagnies, des pelotons de l'organisation de la police du poste de
5 sécurité de Prijedor. Il y a eu 56 personnes qui avaient des postes
6 d'autorité, des commandants, des remplaçants aux commandants, des
7 adjoints. Parmi ces 56 noms, ne figure pas celui de M. Kvocka; alors qu'en
8 1992, il y avait à peu près 180 policiers travaillant dans le poste de
9 police. Cela veut dire que chaque troisième personne avait un poste
10 d'autorité, était commandant de peloton, de compagnie etc.
11 Nous allons démontrer ceci à travers les pièces à conviction de la
12 défense. Le nom de M. Kvocka ne figure pas dans ces documents.
13 Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Juges, il s'agit d'une
14 affaire qui traite d'événements difficiles, d'événements auxquels ont
15 participé des personnes, des événements qui ont été vécus par d'autres
16 personnes. En parlant avec un témoin qui, pratiquement, à partir du
17 premier jour était à Omarska jusqu'à la dissolution d'Omarska, j'ai
18 entendu beaucoup de propos qui donnent une réponse à beaucoup de questions
19 posées.
20 Il a dit à peu près ceci: "Omarska était un mal en soi. Cependant, les
21 gens qui se trouvent devant le Tribunal, devant ce Tribunal, les gens qui
22 parlent dans le public d'Omarska, en parlant d'Omarska, mélangent la
23 réalité avec les histoires des récits qu'ils ont entendus. Et il en
24 résulte une situation confuse. Ceci est nocif pour la justice, car il
25 suffit de dire la vérité au sujet d'Omarska: c'était un mal en soi.
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1 En suivant les mots de cet homme qui a vraiment vécu le malheur d'Omarska
2 -mais il n'a pas de haine dans son cœur à cause de ceci-, nous pouvons
3 ajouter le mot d'un témoin qui a témoigné ici. Je ne regarde pas le compte
4 rendu d'audience, mais je souviens que le Juge Riad avait posé la question
5 au témoin, à savoir quand elle est partie dans un autre pays, un pays
6 étranger, est-ce que elle a entendu dire, de la part d'autres personnes
7 qui avaient séjourné à Omarska, quel était le sort réservé à son défunt
8 mari qui, malheureusement, a péri à Omarska, qui était une des victimes
9 d'Omarska?
10 Elle a répondu qu'en arrivant dans ce nouveau pays, elle a rencontré au
11 moins 50 personnes; 50 personnes qui se sont présentées comme des
12 personnes ayant témoigné, ayant été des témoins oculaires de cet événement
13 et que chaque personne a parlé de cet événement de sa propre façon, en
14 tout cas, différemment.
15 Elle n'osait pas faire de conclusion concernant la mort de son mari; elle
16 a laissé à la Chambre le soin d'établir la vérité concernant la mort de
17 son époux.
18 Ces deux propos que je viens de vous citer démontrent de la meilleure
19 façon combien il y a de récits contradictoires concernant ces événements
20 qui se sont soi-disant produits. Quand on parle d'Omarska, on fait un
21 amalgame entre ce que l'on a vu, entendu dire, ce que l'on aurait entendu
22 dire. Un témoin qui est venu témoigner ici -dont l'interprète n'a pas
23 entendu le nom- a dit qu'il a vu peu de choses. Il a dit qu'il avait été
24 enfermé dans une pièce la plupart du temps, qu'il ne pouvait voir que peu
25 de choses. Il ne sortait que pour manger, très brièvement.
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1 Pour trouver la vérité, établir la vérité, nous croyons que nous allons
2 démontrer que M. Kvocka n'a rien fait, qu'il ne faisait pas partie de ce
3 dessein commun, qu'il ne l'a pas soutenu, tout simplement que M. Kvocka
4 est la victime des événements qui se sont produits sur le territoire de
5 l'ex-Bosnie-Herzégovine, comme beaucoup d'autres citoyens qui ont sans
6 doute souffert encore plus que lui. Nous le regrettons. Ici, nous essayons
7 de dire la vérité.
8 Je vous remercie. J'ai terminé mon discours.
9 M. le Président: Merci beaucoup, Maître Krstan Simic.
10 Je crois que nous avions prévu de faire une pause à 13 heures 10. Il me
11 semble que c'est le bon moment pour la faire maintenant. Nous allons avoir
12 une pause de 50 minutes.
13 (Suspendue à 13 heures 6, l'audience est reprise à 13 heures 55.)
14 M. le Président: Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.
15 Maître Krstan Simic?
16 M. K. Simic (interprétation): Merci Monsieur le Président. La défense
17 appelle son premier témoin, M. Zdravko Samardzija.
18 (Le témoin, M. Samardzija, est introduit dans le prétoire.)
19 M. le Président: Témoin, c'est moi qui vous parle. Vous allez lire la
20 déclaration solennelle que M. l'huissier va vous tendre, s'il vous plaît.
21 M. Samardzija (interprétation): Je déclare solennellement que je dirai la
22 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
23 M. le Président: Vous pouvez vous asseoir, s'il vous plaît. Je comprends
24 que votre nom est Zdravko Smardzija. Je ne prononce pas bien. Vous allez
25 répondre aux questions que l'avocat, Me Krstan Simic, va vous poser.
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1 Après, vous allez répondre aux questions du Procureur et, éventuellement,
2 aux questions des Juges. Merci d'être venu.
3 Maître Krstan Simic, c'est à vous maintenant.
4 (Interrogatoire principal de M. Samardzija par Me Krstan Simic.)
5 M. K. Simic (interprétation): Bonjour Monsieur Samardzija.
6 M. Samardzija (interprétation): Bonjour.
7 M. K. Simic (interprétation): Nous nous connaissons. Nous avons parlé avec
8 les enquêteurs aussi. Donc je vais vous poser quelques questions. Compte
9 tenu du fait que nos propos sont interprétés, souvent on me demande de
10 ralentir, je vais vous dire la même chose: de respecter une pause entre
11 mes questions et vos réponses pour qu'il n'y ait pas de chevauchement au
12 point de vue de l'interprétation.
13 M. Samardzija (interprétation): Très bien.
14 M. K. Simic (interprétation): Nous pouvons commencer, n'est-ce pas?
15 M. Samardzija (interprétation): Oui.
16 M. K Simic (interprétation): Pour le compte rendu d'audience, je vais vous
17 demander de vous présenter.
18 M. Samardzija (interprétation): Je m'appelle Zdravko Samardzija.
19 M. le Président: Je vois que Mme Somers veut communiquer quelque chose.
20 Mme Somers (interprétation): J'aimerais demander aux Juges de la Chambre
21 s'ils ont conscience du fait que des notes semblent être placées sous les
22 yeux du témoin. Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais peut-être serait-il
23 bon de l'apprendre.
24 M. le Président (interprétation): Maître Krstan Simic, savez-vous si le
25 témoin est en possession de notes écrites?
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1 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, lors de l'entretien
2 que j'ai eu avec M. Samardzija, il a simplement dessiné un schéma. Il a,
3 en fait, établi le plan des services de sécurité. C'est simplement un
4 morceau de papier qu'il peut nous montrer pour aller plus vite et être
5 plus efficace dans son témoignage. Mais si cela dérange la Chambre, ce
6 n'est pas indispensable.
7 M. le Président (interprétation): Madame Somers, aimeriez-vous voir ces
8 notes, jeter un coup d'oeil sur ces notes? Si cela accélère les débats,
9 c'est une bonne idée.
10 Mme Somers (interprétation): Si cela accélère les débats, très bien mais
11 si cela remplace la mémoire personnelle du témoin, cela pose problème. Je
12 demanderai simplement aux Juges de bien vouloir jeter un coup d'oeil sur
13 ce papier.
14 Mme Wald (interprétation): Nous avons déjà vu des témoins utiliser des
15 notes dans le prétoire. Si vous voulez les voir, vous en avez entièrement
16 le droit mais, manifestement, il ne s'agit pas d'un texte que lit le
17 témoin. D'autres témoins ont déjà eu l'autorisation de consulter des
18 papiers de ce genre.
19 Mme Somers (interprétation): Si c'est une pratique du Tribunal, bien
20 entendu tout va bien, mais j'aimerais simplement demander la possibilité
21 de voir ce morceau de papier.
22 M. K. Simic (interprétation): Vous pouvez le faire tout de suite.
23 (Le Procureur prend connaissance du papier.)
24 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas
25 d'objection si une copie de ce document peut nous être remise à la fin du
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1 témoignage du témoin.
2 M. K. Simic (interprétation): Vous recevrez une copie de ce document
3 immédiatement après le témoignage.
4 M. le Président: Très bien, vous pouvez continuer, Maître Krstan Simic,
5 s'il vous plaît.
6 M. K. Simic (interprétation): Merci. Monsieur, nous poursuivons. Je vous
7 demande de décliner vos noms et prénoms?
8 M. Samardzija (interprétation): Zdravko Samardzija.
9 M. K. Simic (interprétation): Pouvez-vous nous dire quand vous êtes né et
10 où?
11 M. Samardzija (interprétation): Je suis né à Sanski Most, le 8 février
12 1954.
13 M. K. Simic (interprétation): Où habitez-vous?
14 M. Samardzija (interprétation): A Banja Luka.
15 M. K. Simic (interprétation): Depuis quand?
16 M. Samardzija (interprétation): Depuis 1961.
17 M. K. Simic (interprétation): Etes-vous marié?
18 M. Samardzija (interprétation): Oui.
19 M. K. Simic (interprétation): Avez-vous des enfants?
20 M. Samardzija (interprétation): J'ai deux enfants.
21 M. K. Simic (interprétation): Quelles études avez-vous suivies et
22 terminées, si vous avez obtenu un diplôme?
23 Réponse: J'ai fait des études secondaires, suivies d'études à la faculté
24 de droit de Banja Luka.
25 Question: Avez-vous fait votre service militaire?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Où?
3 Réponse: Dans l'école des officiers de réserve.
4 Question: Avez-vous obtenu un grade quelconque à la fin de votre école
5 d'officiers?
6 Réponse: Oui, j'étais sous-lieutenant.
7 Question: Quand vous avez terminé vos études, où avez-vous trouvé un
8 emploi?
9 Réponse: A la fin de mes études, j'ai trouvé un emploi dans les services
10 de sécurité publique de Banja Luka.
11 Question: Quel est votre statut actuel?
12 Réponse: Actuellement, je suis retraité.
13 Question: Donc vous avez passé toute votre carrière dans le système de la
14 police en République socialiste fédérative de Yougoslavie d'abord, et,
15 ensuite, en Republika Srpska, n'est-ce pas?
16 Réponse: Exact.
17 Question: A quel endroit avez-vous travaillé pendant tout ce temps?
18 Réponse: Eh bien, j'ai travaillé pendant tout ce temps à Banja Luka.
19 Question: Dans votre réponse précédente, vous avez dit avoir travaillé au
20 centre des services de sécurité de Banja Luka. Pourriez-vous nous dire ce
21 que représente ce centre des services de sécurité?
22 Réponse: Ce centre de service de sécurité, au niveau du schéma
23 organisationnel, c'est une instance qui vient en second lieu après le
24 ministère des Affaires intérieures. C'est une instance constituée de deux
25 segments: le segment de la sécurité publique et le segment de la sécurité
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1 d'Etat.
2 Question: Très bien. Merci. Vous, vous travailliez dans le cadre de la
3 sécurité de l'Etat, n'est-ce pas?
4 Réponse: Oui.
5 Question: Tout le temps? Pendant toute votre carrière?
6 Réponse: Tout le temps.
7 Question: Monsieur Samardzija, j'aimerais que nous déterminions, que nous
8 définissions immédiatement la structure hiérarchique de ce volant des
9 forces de sécurité chargées de la sécurité de l'Etat. Qui était le
10 responsable numéro un dans ce secteur?
11 Réponse: Il était subordonné au directeur du centre, mais il y avait une
12 liaison de subordination avec le sous-secrétaire d'Etat à l'Intérieur, qui
13 siégeait à Sarajevo.
14 Question: Ce que vous venez de dire signifie-t-il que certains rapports
15 émanant de la sécurité de l'Etat pouvaient être adressés à des instances
16 supérieures par le biais du MUP et du chef du centre des services de
17 sécurité?
18 Réponse: Eh bien, ce segment de sécurité d'Etat avait son système de
19 transmission à soi. Indépendamment du centre de services de sécurité, il
20 était en mesure de procéder à ses propres communications et transmissions.
21 Mais je dois dire que la chose était rarement utilisée.
22 En principe, tous les documents transitaient par le système de
23 communication régulier, habituel. Cela signifie, en d'autres termes, que
24 le chef du centre de sécurité pouvait avoir une vue d'ensemble sur
25 l'ensemble des activités déployées par ce centre de sécurité.
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1 Question: Monsieur Samardzija, quelle était la fonction du service de
2 sécurité de l'Etat dans le cadre du système de la Republika Srpska?
3 Réponse: Il y avait une dualité de tâches: une partie était strictement
4 précisée par notre règlement et nous avions pour obligation de prêter
5 assistance professionnelle au fonctionnement de la sécurité publique.
6 Question: Vous avez parlé du deuxième volant des forces de sécurité dans
7 ce centre de la sécurité publique, à savoir les forces chargées de la
8 sécurité publique. Quelle était la mission exacte de ces forces?
9 Réponse: Le segment chargé de la sécurité publique avait des obligations
10 déterminées par la loi, et cela se constituait de plusieurs départements
11 ou de plusieurs segments. Au niveau du centre, nous avions différents
12 départements. Il s'agissait de départements chargés de la police générale,
13 de la police chargée de la circulation routière et des services subdivisés
14 en sections. Il y avait les sections chargées des cadres, des finances, la
15 section chargée des passeports, celle qui était chargée du suivi des
16 étrangers, et je ne sais encore. Ce serait à peu près tout. Excusez-moi,
17 excusez-moi, il y avait une section chargée des préparatifs de la défense.
18 Question: Monsieur Samardzija, qui dirigeait le centre?
19 Réponse: Eh bien, le directeur du centre était à la tête des deux segments
20 dont je viens de parler.
21 Question: Des deux volants de ces forces donc?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Monsieur Samardzija, puisque nous n'avons pas pour objectif ici
24 d'analyser dans le détail cette organisation des forces de police, qui a
25 déjà été évoquée devant les Juges de cette Chambre, je vous rappelle
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1 simplement que vous avez dit que c'était le deuxième niveau des forces de
2 sécurité en Bosnie-Herzégovine. Quel était le troisième niveau?
3 Réponse: C'étaient les postes de sécurité publique et le quatrième niveau,
4 c'étaient les petits départements avancés. C'étaient, si vous voulez, les
5 postes hiérarchiquement les plus bas dans l'échelle.
6 Question: Dans le cadre du centre des services de sécurité de Banja Luka,
7 existait-il des départements?
8 Réponse: Oui, il y avait des départements de ce poste de police.
9 Question: Non, non, mais nous parlons du CSP, le centre de sécurité
10 publique: existait-il des postes de sécurité publique?
11 Excusez-moi, tout à l'heure, j'ai fait un lapsus en parlant de
12 départements?
13 Réponse: Tout à fait. C'est moi qui m'excuse.
14 Question: Pouvez-vous vous rappeler éventuellement combien de postes de
15 sécurité relevaient de ce système répondant à la dénomination "centre de
16 sécurité publique"?
17 Réponse: Il y avait trois postes de sécurité publique: il y avait un petit
18 département pour accompagner les activités et il y avait des départements
19 villageois qui représentaient en quelque sorte un quatrième niveau.
20 Question: Est-ce que Banja Luka avait son propre poste de sécurité
21 publique?
22 Réponse: Oui.
23 Question: Et Prijedor avait-il son propre poste de sécurité publique?
24 Réponse: Bien sûr.
25 Question: Qui dirigeait le poste de sécurité publique?
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1 Réponse: Il y avait un directeur et son adjoint.
2 Question: Quelle était la répartition de ces postes de sécurité publique,
3 si vous le savez? Est-ce qu'il y avait des niveaux hiérarchiques
4 inférieurs dans un poste de sécurité publique?
5 Réponse: Oui, en effet. Ce poste de sécurité publique avait une
6 subdivision à soi. Il y avait une police générale, une police chargée de
7 la circulation routière dans le cadre de ce poste de sécurité publique et,
8 en sus, il y avait des rayons de surveillance au niveau de la ville.
9 Question: Non, non. Nous y viendrons plus tard. Dans le contexte du poste
10 de sécurité publique, est-ce qu'il y avait une section chargée des
11 enquêtes criminelles?
12 Réponse: Oui.
13 Question: Existait-il également une section chargée de la criminalité
14 économique?
15 Réponse: Oui, tout était pareil comme au niveau du centre de sécurité
16 publique, mais il y avait moins d'exécutants.
17 Question: Donc le centre de sécurité publique et les postes de sécurité
18 publique avaient tout à fait la même structure, en dehors du nombre de
19 personnes qui y travaillaient, n'est-ce pas?
20 Réponse: L'appellation des sections était pareille sauf qu'il y avait
21 moins d'exécutants.
22 Question: Dans un poste de sécurité publique, existait-il des éléments qui
23 portaient un uniforme de policier et comment s'appelaient ces hommes? Je
24 parle bien du poste de sécurité publique.
25 Réponse: Oui, il y avait des gens qui portaient l'uniforme; c'étaient ce
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1 que l'on appelait les miliciens à l'époque, et leurs supérieurs portaient
2 aussi des uniformes. Il était prévu, de par la structure
3 organisationnelle, quels sont les gens qui devaient porter l'uniforme et
4 les supérieurs qui devaient venir en civil.
5 Question: Et existait-il des postes de police, des commissariats de police
6 dans le cadre de ces postes de sécurité publique?
7 Réponse: Oui.
8 Question: Dans ces commissariats de ce qu'on appelle la "milicija", c'est-
9 à-dire la police, en français, y avait-il des hommes en uniforme?
10 Réponse: Oui.
11 Question: Qui dirigeait ces postes de police et ces commissariats?
12 Réponse: Il y avait le commandant, son adjoint et un suppléant.
13 Question: Qui dirigeait les commissariats de police?
14 Réponse: Le commandant.
15 Question: Etait-il possible, dans un poste de police -et je vous demande
16 de tenir compte de la division en secteurs géographiques de ces postes de
17 police-, donc existait-il une telle organisation territoriale?
18 Réponse: Oui.
19 Question: Dans quels cas cette répartition s'appliquait-elle?
20 Réponse: Pour ce qui est des communautés locales un peu plus éloignées, ou
21 des segments, des zones urbaines qui ne sont pas des zones de ville, mais
22 plutôt des zones urbanisées au niveau de la campagne.
23 Question: Donc il y avait des départements détachés de ces postes de
24 police, mais est-ce que ces départements avaient leur propre secteur, leur
25 propre quartier général?
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1 Réponse: Oui.
2 Question: Et ces départements des postes de police, qui les dirigeait, si
3 vous le savez?
4 Réponse: Au niveau des départements, il y avait un chef de département.
5 Question: Ces départements étaient-ils dotés d'un commandant adjoint ou
6 d'un commandant suppléant, comme c'était le cas dans les postes de police?
7 Réponse: Non, il n'y avait qu'un commandant.
8 Question: Combien y avait-il de policiers dans ces départements? Est-ce
9 que c'étaient des structures importantes?
10 Question: Il s'agissait de postes avec un petit nombre, au niveau des
11 effectifs, car il s'agissait de couvrir avec le nombre de personnes les
12 villages éloignés. On appelait cela "des secteurs de patrouille", à la
13 différence des postes urbains où il y avait des rayons de surveillance ou
14 de suivi.
15 Question: Monsieur, j'aimerais à présent que nous revenions sur le sujet
16 qui est, en fait, la cause de votre présence ici, à savoir ce qui s'est
17 passé en 1992.
18 En 1992, vous travailliez également au centre de sécurité publique dans le
19 cadre des forces chargées de la sécurité publique à Banja Luka?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Où se trouvait votre poste de travail?
22 Réponse: Je me trouvais au niveau d'un département chargé des
23 transmissions et de la cryptographie. C'était nominalement ma tâche, mais…
24 Question: Non, non, mais ne vous pressez pas trop. Etes-vous devenu, un
25 peu plus tard, le chef de ce département?
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1 Réponse: En effet.
2 Question: En 1992, une fois que les tensions nationalistes étaient déjà
3 nées, une fois que des conflits ont commencé à se multiplier dans la
4 région, avez-vous été chargé d'autres missions?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Quelle était votre nouvelle mission?
7 Réponse: J'étais officier de liaison avec les Nations Unies et les
8 organisations internationales, étant donné que je pouvais me servir de
9 l'anglais. J'ai reçu cet ordre de la part du directeur du centre des
10 services de sécurité. C'est le directeur même de ce centre de service de
11 sécurité qui m'a désigné comme étant la personne ou l'une de ces personnes
12 qui auraient à se charger de ces tâches-là. Nous étions plusieurs à le
13 faire.
14 Réponse: Monsieur, dans le cadre de ces fonctions, vous arrivait-il de
15 vous rendre à Prijedor?
16 Réponse: Oui.
17 Question: En cette qualité d'officier de liaison avec les représentants
18 des organisations humanitaires internationales, avez-vous, en 1992, après
19 le démantèlement du camp, emmené les personnes qui s'étaient trouvées dans
20 ce camp vers Trnopolje et Manjaca?
21 Réponse: Oui.
22 Question: Monsieur Samardzija, dans le cadre des contacts que vous avez pu
23 avoir à ce moment-là, avez-vous fait la connaissance d'un homme répondant
24 au nom de Simo Drljaca?
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Qui était-ce?
2 Réponse: Simo Drljaca avait été nommé chef de la police de Prijedor, après
3 les événements qui se sont déroulés à Prijedor.
4 Question: Cela était-il après la prise du pouvoir par les Serbes?
5 Réponse: Oui.
6 Question: Avez-vous eu la possibilité de rencontrer Simo Drljaca à
7 plusieurs reprises?
8 Réponse: Oui.
9 Question: Vous êtes un homme qui jouit d'une grande expérience au sein de
10 la police et, en cette qualité, je vous demanderai de le décrire le plus
11 rapidement possible?
12 Réponse: Eh bien, en bref, ce n'était pas un professionnel. Il n'avait pas
13 de connaissance véritablement policière pour ce qui est de son
14 comportement.
15 Question: Quel était ce comportement?
16 Réponse: Eh bien, il effectuait des entretiens de nature officielle à
17 l'extérieur des pièces destinées à cette fin et, dans un système que nous
18 avions connu auparavant, cela était pour le moins inhabituel.
19 Question: Comment s'habillait-il pour aller dans des lieux publics et
20 officiels?
21 Réponse: J'ai remarqué qu'il savait se rendre à des réunions en baskets
22 blanches, ce qui est tout à fait inhabituel pour ce rang hiérarchique.
23 C'est en effet de cette façon-là que je l'avais remarqué quand je le
24 rencontrais.
25 Question: Quel était son rapport aux gens dans la région? Pouvez-vous
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1 apprécier s'il était tolérant, par exemple? Comment le décririez-vous?
2 Réponse: Eh bien, mon appréciation, c'est qu'il était assez violent dans
3 son comportement et cela coïncidait avec la façon dont il était bâti.
4 Question: Vous avez fait état d'entretiens qu'il aurait eus avec certaines
5 personnes en dehors des locaux officiels, donc en dehors des locaux de la
6 police. Monsieur Drljaca -et je rappelle que vous travailliez au sein du
7 5e Service ou du 5e Département du secrétariat, a-t-il fait appel à vous
8 au retour d'un tel entretien et à quelles fins?
9 Réponse: Eh bien, il voulait que j'assure une couverture opérationnelle, à
10 savoir que je me mette sur l'écoute de certaines personnes.
11 Question: Quel est le terme technique utilisé pour cela?
12 Réponse: On appelle cela "couverture opérationnelle et technique".
13 Question: Que signifient ces termes, cette expression "couverture
14 opérationnelle et technique"?
15 Réponse: Cela signifie la mise en place de toutes les mesures à la
16 disposition de la sécurité d'Etat pour déterminer les faits concernant
17 certains individus.
18 Question: Cette expression impliquait-elle, entre autres activités -et
19 vous avez déjà prononcé le mot- celle de mettre des gens sur écoute?
20 Réponse: Oui.
21 Question: Où a eu lieu cet entretien?
22 Réponse: Cet entretien a eu lieu au niveau du "dom" des pionniers, "dom"
23 signifiant foyer ou maison.
24 Question: Où se trouve ce "dom" des pionniers?
25 Réponse: Il se trouve à Banja Luka.
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1 Question: Est-ce que vous pouvez nous dire de quoi se compose ce "dom",
2 cette maison?
3 Réponse: Cela se constitue d'une pièce destinée aux activités sportives,
4 des salles accessoires et une salle pour un rassemblement social. C'est
5 quelque chose du type d'une cafétéria.
6 Question: Comment était habillé M. Drljaca ce jour-là?
7 Réponse: De façon sportive mais je ne saurais vous préciser ce qu'il
8 portait exactement.
9 Question: Vous avez dit qu'il vous a demandé de mettre certaines personnes
10 sur écoute. C'est exact, n'est-ce pas?
11 Réponse: Oui.
12 Question: Vous a-t-il dit quel était son objectif, pour quelle raison il
13 souhaitait mettre ces personnes sur écoute?
14 Réponse: Il avait dit que, sur le territoire de la municipalité, il se
15 trouvait un certain nombre de personnalités de nationalité serbe mais qui
16 n'étaient pas fiables, et il voulait…, il cherchait à se procurer des
17 preuves pour démontrer leur manque de fiabilité; et c'est dans ce sens que
18 notre entretien s'est déroulé.
19 Question: Monsieur Samardzija, pourriez-vous vous rappeler certains noms
20 de personnes pour lesquelles M. Drjalca a demandé un mise sur écoute?
21 Réponse: Je n'arrive pas à me souvenir de tous les noms, je me souviens
22 des noms de famille. Je sais qu'il avait mentionné Kvocka et je sais qu'il
23 était question de Miskic Simo, que je connaissais en sa qualité de
24 policier. J'ai été très surpris de la chose, je connaissais également M.
25 Kvocka, il y avait également trois ou quatre autres hommes dont je ne me
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1 souviens plus des noms. Mais je crois que sa demande concernait quatre ou
2 cinq personnes.
3 Question: A-t-il prononcé le nom de Crdo Srdic.
4 Réponse: Je ne pense pas qu'il ait prononcé le nom et le prénom à la fois,
5 je ne saurais vous le dire avec précision. Mais ce que je puis affirmer
6 avec certitude, c'est qu'il s'était agi de Simo Miskic et de M. Kvocka.
7 Cela m'est resté en mémoire en raison de ces noms spécifiques, parce que
8 Kvocka, c'est un nom d'animal et c'est pour cela que je m'en suis souvenu.
9 Sans quoi je ne prêtais pas beaucoup d'attention aux noms de famille des
10 autres, mais je les ai retransmis à mes supérieurs.
11 Question: Monsieur Samardzija, lors de cette rencontre avec M. Drljaca,
12 celui-ci vous a-t-il dit quelle était la raison pour laquelle il
13 souhaitait mettre sur écoute chacune des personnes dont il vous a donné le
14 nom, ou bien vous a-t-il fourni une seule raison pour tout le monde?
15 Réponse: Il a allégué une raison générale. Il avait trouvé que ces gens
16 étaient suspects alors les raisons de ces suspicions peuvent être très
17 vastes.
18 Question: Et avez-vous répondu quelque chose à M. Drljaca qui, bien sûr,
19 avait un rang hiérarchique supérieur au vôtre. Et si vous lui avez répondu
20 quelque chose, qu'avez-vous dit?
21 Réponse: Je lui ai répondu qu'il ne m'appartenait pas de décider de la
22 chose et qu'il fallait passer obligatoirement, pour ce type de chose, par
23 le chef du centre de sécurité.
24 Question: Il y a un instant, vous avez déclaré avoir informé de
25 l'existence de cet entretien votre supérieur.
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1 Réponse: Oui, de par la nature même du règlement, je suis tenu d'en
2 informer mon supérieur.
3 Question: Je sais bien que pas mal de temps a passé depuis, mais je vous
4 demande d'essayer de vous rappeler à quel moment cet entretien entre vous-
5 même et M. Drljaca a eu lieu dans cette maison des pionniers?
6 Réponse: Cela avait eu lieu quelque part en 1992, vers la mi-1992. Je
7 crois que c'était vers la mi-juin ou au début, mais je crois que c'est
8 plutôt vers le début du mois de juin.
9 Question: Nous n'oublions pas que vous travailliez dans ce département
10 chargé de ce qu'il est convenu d'appeler "la couverture des citoyens".
11 Dans ce contexte, je vous demande si par la suite vous avez été informé de
12 l'existence de requête de même nature provenant de M. Drljaca toujours?
13 Réponse: Au moment où cela s'est passé, je n'étais pas chargé de ces
14 tâches-là mais, en prenant un café avec mes collègues, j'ai appris qu'il y
15 avait eu une demande très ample. Je ne suis pas sûr qu'on s'y soit
16 conformés effectivement parce que les possibilités techniques ne le
17 permettaient pas. Je crois que l'exposé des motifs pour lesquels on
18 n'avait pas fait cela, c'est qu'on n'avait pas tenu compte des
19 possibilités techniques à notre disposition.
20 Question: Vous ne connaissez pas personnellement M. Kvocka?
21 Réponse: Non.
22 Question: Vous n'avez jamais eu de contact avec lui, vous ne l'avez jamais
23 rencontré?
24 Réponse: Non, je ne l'ai jamais connu.
25 M. le Président: Madame Somers, je crois que Me Krstan Simic a induit la
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1 question, c'est cela que vous allez dire?
2 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, si vous me le
3 permettez, j'aimerais demander à ce stade de nos débats que nous mettions
4 un terme à cet aspect des questions qui guide le témoin dans ses réponses,
5 et que Me Simic s'en tienne au témoignage.
6 M. le Président: Vous êtes d'accord, Maître Krstan Simic, n'est-ce pas?
7 Voilà!
8 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, je ne vois pas en
9 quoi les questions que je viens de poser guidaient le témoin dans ses
10 réponses, mais vous vous rappellerez que nous en avons discuté longuement,
11 le témoin et moi, de toutes ces questions pendant la préparation du
12 témoignage. Enfin, je vais m'efforcer de répondre à la demande de Mme
13 Somers quoi qu'il en soit.
14 M. le Président: Il le faut, nous sommes au coeur de votre question
15 essentielle. Si nous sommes dans une situation instrumentaire des faits
16 qui ne font pas partie du cœur, d'accord, je crois que nous sommes
17 d'accord qu'on peut un peu guider le témoin. Mais quand nous arrivons au
18 coeur de la question, Maître, là, il faut faire d'une autre façon. N'est-
19 ce pas, Maître Krstan Simic? Excusez-moi.
20 M. K. Simic (interprétation): Oui, Monsieur le Président, merci. J'accepte
21 cette remarque.
22 Monsieur Samardzija, nous allons maintenant, si vous le voulez, bien
23 parler d'une autre question. Avez-vous entendu parler de l'ouverture des
24 camps d'Omarska, de Keraterm quand ils ont été démantelés.
25 Réponse: Oui.
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1 Question: Avez-vous des informations indiquant que, lorsque ce qui s'est
2 produit dans ces camps a été connu, une certaine commission a été créée à
3 Banja Luka par le centre de sécurité publique?
4 Réponse: Oui, je suis au courant.
5 Question: Qui a créé cette commission?
6 Réponse: Eh bien, après avoir entendu dire qu'il y avait eu des
7 irrégularités, cela a été mis en place par le chef du centre de sécurité
8 M. Zupljanin Stojan. En principe…
9 Question: Le service de sécurité de l'Etat devait-il envoyer un membre qui
10 devait siéger dans cette commission?
11 Réponse: Oui, en principe ces commissions étaient constituées à titre
12 paritaire.
13 Question: Savez-vous qui a représenté le secteur de la sécurité d'Etat au
14 sein de cette commission?
15 Réponse: Je crois que s'était trouvé là-bas le chef M. Bera Vojin et il y
16 avait quelqu'un de détaché de Prijedor -je ne me souviens plus exactement
17 son nom-, je crois que c'était un certain Jelisin Jelisic, je connaissais
18 certains membres de la commission du département de la sécurité publique.
19 Question: Qui venait de la sécurité publique?
20 Réponse: Je sais que M. Vaso Skondric dans cette première tentative de
21 rétablir l'ordre était venu d'une direction de la Bosnie-Herzégovine, il
22 était venu avec M. Torbica.
23 Question: Quel était le rôle joué par Mme Torbica et par M. Skondric? Vous
24 dites qu'ils sont tous les deux venus dans les locaux du MUP de Bosnie-
25 Herzégovine sur le territoire de Banja Luka?
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1 Réponse: Etant donné que les relations étaient déjà perturbées et que la
2 situation interethnique était devenue très complexe, il avait été convenu
3 de créer des points de contrôle couverts par le centre de Banja Luka.
4 Question: Vous venez de dire que les barrages routiers devaient être
5 mixtes, que signifie le terme "mixtes"?
6 Réponse: Quand on dit "mixte", cela veut dire composition ethnique mixte
7 de la police?
8 Question: Monsieur Skondric et Mme Torbica remplissaient donc ces
9 fonctions?
10 Réponse: Il était venu sur ordre du ministre de l'Intérieur. Je crois que
11 c'est M. Mustafic qui avait donné cet ordre.
12 (L'interprète signale qu'il s'agit de M. Torbica et non pas de Mme.)
13 Question: Monsieur Vojin Bera était votre supérieur?
14 Réponse: Oui, à un moment donné, il avait été mon supérieur.
15 Question: En tant que policier qui a eu une longue carrière, je vous
16 demande quel était son rapport aux tâches qu'on lui confiait?
17 Réponse: Il était très systématique, précis et cherchait toujours à
18 trouver un grand nombre de points de confirmation. Il cherchait toujours à
19 vérifier mathématiquement les choses. Et pour des cas d'erreurs, de
20 petites erreurs mathématiques, il nous contraignait à faire, à plusieurs
21 reprises, la même tâche pour avoir une exactitude totale.
22 Question: Disposez-vous d'information indiquant que cette commission a
23 bien rempli la mission qui lui avait été confiée par un ordre du centre de
24 sécurité publique?
25 Réponse: Pour autant que je le sache, cette commission s'est rendue sur le
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1 terrain et a accompli sa mission. Il a été établi un document quelconque
2 qui a été retransmis par la suite aux instances supérieures avec des
3 propositions et suggestions appropriées, à l'intention du directeur du
4 centre de sécurité publique et de la sécurité de l'Etat de l'époque.
5 Question: Monsieur Samardzija, ce rapport, une fois qu'il a été examiné
6 par les hommes chargés de la sécurité de l'Etat et par le centre de
7 service de sécurité, a-t-il débouché sur des résultats particuliers?
8 Réponse: Il s'est ensuivi des activités pour surmonter la situation de
9 crise et une décision a été prise de démanteler, de désarmer toutes les
10 formations paramilitaires et de tout ramener vers les institutions
11 légales, à savoir vers des unités de l'armée ou des unités de la police
12 régulière.
13 Question: Qui a pris la décision de démanteler toutes les formations
14 paramilitaires? Qui a décidé qu'il ne resterait en existence que des
15 forces de police et des forces militaires régulières?
16 Réponse: Sur proposition du centre de sécurité publique, la chose a été
17 examinée au Parlement et l'assemblée a donc décidé de démanteler jusqu'au
18 30 août toutes les unités paramilitaires, et a confisqué toutes les armes
19 illicitement en leur possession. Cela se rapportait notamment à certains
20 types d'arme, telles que les transports de troupes blindés; ensuite, les
21 véhicules spécialement aménagés par des gens en y soudant des blocs ou des
22 pièces métalliques de protection.
23 Question: Les institutions régulières, et notamment la police dans cette
24 période, la période qui s'achève le 31 août 1992, avaient-elles des
25 problèmes graves avec les formations paramilitaires du fait du
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1 comportement de ces dernières?
2 Réponse: Oui. Il y a eu de gros problèmes compte tenu du fait que, dans
3 ces conditions ainsi créées, des groupes se sont créés avec toute sorte de
4 types de gens au sein de ces groupes. Certains faisaient partie de ces
5 groupes pour protéger leur propre vie, parce que les gens trouvaient que
6 la situation était très chargée de risques, et ceux qui avaient des
7 dossiers judiciaires avaient voulu en profiter pour des activités
8 criminelles. Les motivations étaient donc très variées.
9 Il y avait des gens aussi qui, psychiquement, n'étaient pas du tout aptes
10 à s'exposer à de tels événements. Il y avait donc des gens, un vaste
11 éventail de gens qui créaient des problèmes et la police n'avait pas
12 suffisamment de personnel qualifié et approprié pour faire face à ce grand
13 nombre de personnes qui étaient venues d'ailleurs dans ces zones de
14 combat. Et il y en avait qui maniaient plus facilement les armes. Ce qui
15 fait que la police craignait, redoutait de s'opposer à ces groupes-là.
16 C'est la raison pour laquelle il fallait résoudre le problème au niveau de
17 l'Etat en coordination entre l'armée et la police.
18 Question: Monsieur, ce que vous venez de dire, signifie-t-il que la police
19 ne contrôlait pas ces formations paramilitaires?
20 Réponse: C'est cela.
21 Question: Monsieur le Président, j'aimerais à présent demander que l'on
22 soumette au témoin la pièce D38/1, qui a été versée au dossier pendant
23 l'exposé de mon propos liminaire.
24 M. Riad (interprétation): Excusez-moi mais la dernière réponse, la réponse
25 à la question de savoir si les forces de police n'avaient aucun contrôle
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1 sur ces formations paramilitaires est en anglais "yes, it did". Ce "yes",
2 porte sur quoi? Est-ce qu'il signifie que la police avait le contrôle des
3 formations paramilitaires ou pas? J'aimerais que le témoin nous répète sa
4 question dans une phrase complète.
5 M. Samardzija (interprétation): La police n'avait pas plein contrôle pour
6 ce qui est des personnes qui s'étaient organisées de façon paramilitaire
7 et nous avions appelé cela, à titre officiel, "formations paramilitaires".
8 M. Riad (interprétation): Merci.
9 M. K. Simic (interprétation): Merci Monsieur le Juge de votre aide.
10 Monsieur, je vous demanderai, à présent, de bien vouloir jeter un coup
11 d'oeil sur cette décision datant du 14 août 1992. Est-ce la décision dont
12 vous venez de parler?
13 M. Samardzija (interprétation): Oui, j'y reconnais la signature du chef de
14 centre.
15 Question: Je vous demanderai, à présent, de vous rendre en page 16 de ce
16 document.
17 Réponse: Oui.
18 Question: Vous y voyez, sur cette page 16, la signature de quatre
19 personnes.
20 M. le Président: Où sommes-nous dans la page en anglais, pour qu'on puisse
21 vous suivre, Maître Krstan Simic?
22 M. K. Simic (interprétation): Un instant simplement, Monsieur le
23 Président, si vous voulez bien.
24 M. le Président: Oui, il se trouve qu'il faut qu'elle soit mise sur le
25 rétroprojecteur.
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1 M. K. Simic (interprétation): En anglais, il s’agit de la page 21 et de la
2 page 22, deux pages, 21 et 22.
3 (L'huissier s'exécute.)
4 M. Samardzija (interprétation): Oui.
5 Question: Est-ce que, parmi les hommes qui sont signataires et qui
6 représentent les dirigeants de cette commission, Vojin Bera était
7 président de la commission?
8 Réponse: Oui, je reconnais sa signature et celle de Jugoslav Skondric,
9 mais je ne pourrais pas identifier sa signature étant donné que je n'ai
10 jamais eu dans les mains des actes officiels émanant de sa part.
11 Question: Vous connaissez Jugoslav Rodic?
12 Réponse: Oui, tout à fait. Il a une signature spécifique.
13 Question: Lui, était-il un membre du service de sécurité de Banja Luka,
14 lui aussi?
15 Réponse: Il était du centre sécurité publique de Banja Luka, département
16 détaché à Prijedor.
17 Question: Vous m'avez dit avoir eu l'occasion de lire déjà ce rapport par
18 le passé. Et vous avez dit être informé du caractère et des méthodes
19 utilisées par M. Bera.
20 Considérez-vous que ce rapport est un rapport convenable, compte tenu des
21 éléments sur lesquels il était chargé d'enquêter?
22 Réponse: Oui, je pense que c'est la raison pour laquelle on lui avait
23 confié la tâche. Il se peut fort bien que, si l'on avait confié la tâche à
24 quelqu'un d'autre, le rapport ait porté sur deux ou trois pages et pas sur
25 autant de pages mais personne n'était aussi systématique que lui.
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1 Question: Monsieur Samardzija, vous avez constaté également qu'il existe
2 des annexes à ce rapport également, puisque tous les postes de sécurité
3 publique ont rendu un rapport individuel. Etait-ce là une indication des
4 modalités de travail de M. Bera, de son système de travail?
5 Réponse: Oui, il avait pour principe de mettre à l'œuvre tous ses
6 subordonnés pour aboutir à des informations auxquelles il donnait forme et
7 qu'il présentait sous forme de document final en autorisant le texte
8 final. Et je parle du temps où il était mon supérieur direct: il avait
9 pour habitude de rassembler tous les documents, tous les renseignements,
10 de tout réunifier et d'autoriser la version finale par la suite.
11 Question: Dans la pratique, est-ce qu'il vérifiait les éléments contenus
12 dans les rapports que lui soumettaient ses subordonnés puisqu'il lui
13 fallait ensuite les agréer par sa propre signature à lui?
14 Réponse: C'était sa méthode de travail régulière. Il cherchait toujours à
15 relever des erreurs éventuelles de rédaction ou de fonctionnement et il
16 était très content quand il pouvait trouver une erreur quelconque dans le
17 rapport présenté par quelqu'un.
18 Question: Ce rapport comporte des informations relatives au nombre de
19 personnes qui sont passées par le centre d'enquête. Et ce rapport a-t-il
20 été agréé?
21 Réponse: Pour autant que je le sache, ce rapport a été agréé comme étant
22 fondé par un collège et c’est partant de là que l'on avait exigé la
23 dissolution de certaines formations paramilitaires.
24 Question: Dans ce rapport figure également une information particulière, à
25 savoir que 49 personnes auraient disparu à Omarska dans des conditions
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1 énigmatiques.
2 Mais quand on entend une telle information, quand on apprend que 49
3 personnes ont disparu quelques jours, c’est une nouvelle très importante.
4 Est-ce qu’une telle nouvelle a provoqué une enquête particulière? Avez-
5 vous des informations à ce sujet?
6 Réponse: Je crois que l’une des raisons pour lesquelles ces inspections
7 sont déplacées là-bas, c'était pour déterminer la situation véritable des
8 choses, étant donné qu'on savait déjà que le comportement des unités
9 paramilitaires était tel que la police régulière n'était plus en mesure de
10 les contrôler. Et c'est la raison pour laquelle des vérifications ont été
11 effectuées.
12 Question: J'avais commencé une phrase, Monsieur le Président, mais je la
13 reprends car c'était une question qui guidait le témoin.
14 Monsieur le Témoin, vous connaissiez M. Bera. A qui aurait-il été tenté de
15 confier l’enquête au sujet des événements d'Omarska?
16 Réponse: Il s'adressait en général aux supérieurs; il s'entretenait
17 d'habitude avec le chef du centre de sécurité publique, mais il cherchait
18 toujours à obtenir des renseignements plus vastes. Je suppose donc qu'il a
19 dû intégrer quelqu'un d'autre encore au niveau des structures du pouvoir,
20 un adjoint du commandant de la police, enfin quelqu’un de la direction
21 restreinte. Il avait pour habitude de consulter les supérieurs les plus
22 haut gradés pour vérifier les choses. Et je crois qu'il a dû procéder à un
23 contrôle personnel, car c'était ce type d’homme-là.
24 Question: Suite à ce travail, une fois qu'il a été démontré que la
25 commission avait appris ce qui s'était passé à Omarska, M. Drljaca a-t-il
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1 été remplacé à son poste?
2 Réponse: Eh bien, je crois qu'il y a eu des situations qui n'ont pas été
3 tout à fait conformes à ce qu'on demandait. Et je crois qu'un entretien a
4 dû avoir effectivement lieu, mais je ne puis parler de la teneur de cet
5 entretien. Je sais que des entretiens sérieux ont été menés au niveau du
6 centre concernant les événements.
7 Question: Ce rapport a-t-il été envoyé au ministère, également au MUP de
8 la Republika Srpska?
9 Réponse: Oui, je pense que ce rapport a été confectionné en deux
10 exemplaires, l'un à l'intention du sous-secrétaire d'Etat à la sécurité
11 d’Etat et au sous-secrétaire d'Etat chargé de la sécurité publique, qui
12 sont tous deux subordonnés directement au ministre.
13 Question: Dans le cadre du mandat qui était le vôtre en tant qu'officier
14 de liaison, je vous demande à présent si vous n'avez jamais été à la tête
15 d'une quelconque délégation qui se serait rendue en visite dans les camp
16 d'Omarska ou de Keraterm?
17 Réponse: Non.
18 Question: Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, je remercie
19 le Témoin et je n'ai plus aucune question à lui poser.
20 M. le Président: Nous vous remercions aussi beaucoup, Maître Krstan Simic.
21 Vous aviez dit une heure et c'est presque une heure, une heure et cinq
22 minutes. C’est très bien.
23 Ce n'est pas la peine de commencer le contre-interrogatoire aujourd'hui,
24 je pense que vous en êtes d’accord: nous avons seulement cinq minutes.
25 Pour ne pas l'interrompre, il vaut mieux le faire demain.
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1 Nous allons continuer demain, Monsieur Samardzija. Donc demain à 9 heures
2 20. Allez-y, Madame Somers, s’il vous plaît?
3 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je suis nouvelle dans
4 ces fonctions devant cette Chambre, mais je me demandai si ce n'était pas
5 tout de même une habitude que le Président de la Chambre informe le témoin
6 qu'il ne devrait pas discuter de son témoignage avec quiconque?
7 M. le Président: Non, nous avons décidé cela et c'est une décision qui se
8 maintient. Donc les parties savent très bien qu’après que le témoin prête
9 serment il n'est pas contactable par aucune des parties, sauf quelque
10 situation exceptionnelle qui doit être communiquée à la Chambre.
11 Une autre exception que nous avons prise, c'étaient les accusés les
12 experts. C'est un peu différent.
13 Mais pour les témoins qui ont prêté serment, oui, c'est vrai, merci
14 beaucoup de nous l’avoir rappelé.
15 Nous pouvons peut-être profiter des deux minutes qui restent. A la fin de
16 chaque moment où nous avons utilisé les documents, nous avons l'habitude
17 de résoudre cela.
18 Maître Krstan Simic, vous aviez vos documents, vos pièces à conviction D38
19 et D39, dont vous demandiez le versement au dossier, c'est cela?
20 M. K. Simic (interprétation): Oui, Monsieur le Président. Je pensais le
21 faire à la fin du contre-interrogatoire, mais je peux demander le
22 versement de ces pièces au dossier immédiatement.
23 M. le Président: Très bien. Mais ces documents ont été utilisés dans vos
24 déclarations liminaires.
25 Madame Somers, avez-vous des objections par rapport à ces deux documents
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1 D38 et D39, ce sont les documents que Me Krstan Simic a utilisé dans sa
2 déclaration liminaire?
3 Mme Somers (interprétation): Monsieur le Président, je crois qu'un grand
4 nombre de ces documents mense ont déjà été versés au dossier et peut-être
5 sous une cote un peu différente. Si c'est le cas, nous allons nous
6 efforcer de travailler avec la Greffière d'audience pour essayer de mettre
7 un peu d’ordre car nous aussi nous allons faire référence à des documents
8 déjà versés, mais s’agissant des nouveaux documents pas d'objection.
9 M. le Président: Oui, il s’agit ici des nouveaux documents, donc cette
10 confusion a été éclaircie. Il y avait deux documents qui avaient déjà été
11 versés au dossier.
12 Les deux documents dont nous parlons maintenant sont les documents D38 et
13 D39/1.
14 Je vois qu'il y a un problème, les sténotypistes anglaises ne m'entendent
15 pas, c’est ça ? Eh bien, s'il n'y a pas d'interprétation vers l'anglais,
16 je peux parler anglais.
17 Mme Thomson (interprétation): Est-ce que les interprètes des cabines
18 française et anglaise pourraient vérifier les boutons de leur console.
19 Interprète: C’est chose faite, Monsieur le Président.
20 M. le Président: Madame Somers a déjà dit dit que s'il s'agissait des
21 documents nouveaux elle n'avait pas d'objection.
22 Maître Krstan Simic?
23 M. K. Simic (interprétation): Monsieur le Président, puisque je ne peux
24 communiquer avec M. Samardzija pendant la suspension jusqu'à demain, je
25 demanderai à Madame la Greffière d’audience ou à Monsieur l'huissier de se
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1 saisir du document et d’en faire une photocopie pour le Bureau du
2 Procureur, de façon à ne pas transgresser les règles.
3 M. le Président: Oui, mais à la fin du témoignage.
4 Les documents D38 et D39 sont versés au dossier.
5 Demain à 9 heures 20, nous serons là pour continuer.
6 Merci beaucoup et à demain.
7 (L'audience est levée à 15 heures.)
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