Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Mercredi 18 juillet 2001.)

2 (L'audience est ouverte à 9 heures 26.)

3 (Audience publique.)

4 (Les accusés sont introduits dans le prétoire.)

5 (Plaidoirie de la défense de M. Radic par Me Fila.)

6 M. le Président: Bonjour, veuillez vous asseoir. Bonjour Mesdames et

7 Messieurs. Bonjour cabine technique, bonjour interprètes, personnel du

8 Greffe, conseil de l'accusation, conseil de la défense.

9 Nous sommes ici aujourd'hui pour continuer nos travaux et c'est au conseil

10 de la défense de M. Radic. Donc Maître Fila, vous avez la parole pour

11 votre réquisitoire s'il vous plaît.

12 M. Fila (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

13 Juges de la Chambre, avant d'entamer mon plaidoyer, je souhaite souligner

14 le fait que je ressens un grand plaisir pour l'achèvement d'un grand

15 travail et ce, d'une façon relativement rapide, étant donné que le procès

16 a commencé le 26 février de l'an dernier. Je pense pouvoir dire que nous

17 aurions terminé même avant s'il n'y avait pas eu des modifications de

18 composition de l'accusation et de certaines écritures de la défense après

19 l'arrestation de M. Prcac, chose qui nous a un peu ralentis.

20 Je tiens également à dire que les mérites d'un travail aussi bon

21 reviennent tout d'abord à votre énergie, à l'énergie du Bureau du

22 Procureur, des trois équipes qui se sont relayées. Et de mon côté, je

23 tiens à m'excuser si j'ai ralenti de quelque façon que ce soit le procès.

24 Je m'excuse notamment à l'intention des interprètes si j'ai parlé parfois

25 trop vite.

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1 Je tiens également à dire qu'il convient de ne pas perdre de vue que les

2 accusés eux aussi ont contribué dans une grande mesure à l'accélération du

3 procès.

4 Parlant de Mlado Radic que je suis en train de défendre, je voudrais dire

5 qu'il a coopéré avec le personnel du Bureau du Procureur, qu'il a accepté

6 de témoigner et qu'il m'a autorisé à accepter bon nombre de constats

7 judiciaires ainsi que bon nombre de points proposés par le Procureur M.

8 Niemann, le tout dans le but d'accélérer la procédure et dans le but de

9 procurer une meilleure compréhension au niveau du Bureau du Procureur de

10 la Chambre. Et s'agissant du Procureur, la pratique avait été de faire

11 compter aux accusés un traitement meilleur lorsqu'ils coopéraient avec le

12 Bureau du Procureur.

13 Maintenant, permettez-moi de passer à ce que je voulais dire. Comme vous

14 le savez, mon plaidoyer écrit, le plaidoyer écrit de la défense de M.

15 Radic, compte quelque 200 pages et représente ce que j'ai avancé tout au

16 long de ce procès. Répéter tout cela dans l'ensemble serait une offense à

17 l'intention de la Chambre parce que la Chambre a parfaitement bien compris

18 ce que j'ai écrit et ce que je voulais dire.

19 Ce que je tenais également à souligner sera davantage en rapport avec le

20 réquisitoire du Procureur que ce que j'ai avancé dans mes écrits. Comme on

21 le sait, dans l'Article 1 des Statuts, il a été prévu la compétence et les

22 attributions de ce Tribunal. Ce Tribunal est donc censé avoir juridiction

23 pour juger les personnes responsables de violations graves du droit

24 humanitaire international. Et j'insiste sur "graves".

25 S'agissant du rapport des Nations Unies, du Secrétaire général des Nations

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1 Unies, pour ce qui est d'Omarska, je tiens à dire que cela a pris une

2 grande place, un grand poids pour la décision de créer ce Tribunal.

3 Pour ce qui est des points que nous avons admis, et tout le reste en

4 coopération avec le Bureau du Procureur, il est certain d'avancer une

5 chose et point n'est besoin de s'attarder dessus, à savoir qu'Omarska

6 représente, ce qui s'est passé dans le centre d'instruction d'Omarska

7 représente une violation grave du droit humanitaire international. Et cela

8 ne fait aucun doute.

9 Cela peut être vu dans le constat judiciaire que nous avons accepté.

10 Maintenant ce qui est contesté, c'est de savoir quel a été le rôle de

11 Mlado Radic surnommé "Krkan" dans ce qui s'est passé à Omarska et qui fait

12 partie des attributions prévues à l'Article 1 du Statut du Tribunal

13 international.

14 En d'autres termes, la question qui se pose, c'est de savoir si l'un

15 quelconque des actes de Mlado Radic pourrait être considéré comme une

16 violation grave du droit humanitaire international. A-t-il en vertu des

17 Articles 7.1 à 5 assumé une responsabilité quelconque pour ce qui s'est

18 passé à Omarska?

19 Je crois devoir mentionner aussi une chose assez importante pour ce

20 Tribunal. Dans le droit classique dont nous avons traité ou dont nous nous

21 sommes occupés plus ou moins tous ici, le Tribunal doit établir l'état de

22 fait et appliquer le droit. Si quelqu'un est coupable, il faut donc qu'il

23 soit sanctionné. Il y a deux éléments dans une sanction: un élément de

24 vengeance pour ce qu'il a fait et d'intimidation des autres pour que les

25 autres ne le fassent pas. Ce sont les deux effets qu'une sanction doit

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1 comporter en soi.

2 Mais ce Tribunal ici a un troisième rôle encore -c'est une chose qui

3 attribue un poids particulier et une responsabilité particulière à ce

4 Tribunal-, à savoir de mettre en place un droit pénal international.

5 Je crois que le Président de cette Chambre et le premier Président de ce

6 Tribunal, M. Cassese, a insisté là-dessus: notamment les résultats du

7 travail de ce Tribunal seront, s'ils sont bons, ce qui sera repris par la

8 Cour pénale internationale. Si nous nous trompons, vous, nous ou le

9 Procureur, cela demeurera une erreur historique, non pas une erreur

10 ordinaire d'un quelconque tribunal d'une ville ou d'une autre.

11 Je le dis parce que j'estime qu'il convient de prêter une attention très

12 particulière. Il y a un proverbe chez nous qui dit qu'il convient de

13 couper les cheveux en quatre tant la procédure ici est subtile, sensible.

14 Donc, pour conclure, je crois devoir dire que l'attention doit être

15 quadruplée lorsqu'une décision quelconque de ce Tribunal doit être prise,

16 car tout simplement nous n'avons pas le droit de commettre des erreurs.

17 Les tribunaux réguliers dans tous les pays du monde ont le droit de

18 commettre des erreurs. Mais nous, ici, si une erreur juridique venait à

19 être commise, nous pouvons dire que ce serait une erreur à caractère

20 durable. C'est ce qui doit nous rendre fort prudents. Et je vais parler

21 plus tard de certaines erreurs de vocabulaire utilisées ici, mais on

22 laissera cela pour plus tard.

23 Nous avons donc déterminé que les compétences, les attributions de ce

24 Tribunal ne sont pas contestées pour les événements d'Omarska, compte tenu

25 de leur nature. Il n'est pas contesté non plus le fait que les gens qui se

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1 trouvent devant cette Chambre constituent le niveau ou l'échelon le plus

2 bas de ceux qui sont appelés à répondre de ce qui s'est passé à Omarska.

3 Il n'y avait personne plus bas sur l'échelle hiérarchique que Mlado Radic

4 qui était un simple policier, un policier ordinaire. De là à savoir s'il

5 avait été chef d'équipe ou pas, on en parlera plus tard mais le fait est

6 qu'il était un simple policier. Il y en va de même pour Kvocka et autres,

7 donc il y en a eu qui étaient même des policiers de réserve.

8 Je le souligne parce que j'estime qu'à la différence de l'année 1993 ou

9 1995 ou 1998, ce Tribunal dispose de toute la chaîne de responsabilité de

10 commandement pour ce qui est de savoir qui est-ce qui a établi les centres

11 d'instruction d'Omarska, de Keraterm et autres, et nous pouvons déterminer

12 quelle a été la chaîne de commandement depuis le haut jusqu'au dernier des

13 gardiens qui ont été désignés par Drljaca pour assurer la sécurité des

14 installations, effectifs de sécurité dont font partie les accusés se

15 trouvant ici. Je parle de ceux qui ont travaillé dans le camp. M. Zigic,

16 c'est une autre paire de manches.

17 Quand le Procureur maintenant a parlé d'Omarska, elle a dit -chose avec

18 laquelle je ne suis pas du tout d'accord et M. Krstan Simic en a parlé-

19 savoir que les Serbes ont mis en place ce camp d'Omarska. L'Article 6 du

20 même Statut dit que les attributions de ce Tribunal se limitent aux

21 personnes physiques, et l'Article 7 dit quelles sont les personnes

22 physiques qui peuvent assumer certaines responsabilités.

23 Il ne convient pas de dire que ce sont les Serbes. Nous sommes tous des

24 Serbes. Nous aussi, nous sommes des Serbes, nous avons des Serbes à

25 Belgrade, nous avons des Serbes en Amérique, au Canada et ailleurs. Ce ne

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1 sont pas tous les Serbes qui ont fait cela. Donc il faut que l'on sache.

2 Dans la chaîne de responsabilité, si Mme Somers l'avait voulu, elle aurait

3 pu tirer la chaîne de commandement pour aller jusqu'au sommet et arriver à

4 certaines personnes qui n'ont pas encore été accusées ou mises en

5 accusation. Mais il est certain que ce ne sont pas tous les Serbes qui

6 l'ont fait et il est aussi certain, chose importante pour nous, que ces

7 quatre ici qui sont assis au banc des accusés ne l'ont pas fait.

8 Si l'on voit comment est élaboré l'Acte d'accusation, on constate qu'on

9 leur a mis à charge la condition, l'organisation de la formation de ce

10 camp, et au cours de l'année écoulée, on a renoncé à bien des chefs de cet

11 Acte d'accusation. Donc on a aussi constaté qu'ils n'avaient rien à voir

12 avec la mise en place de ce camp ou camp de détention, mais je dirai que

13 l'appellation officielle était "centre d'instruction". De là à savoir ce

14 qui se trouvait derrière, on le sait.

15 Mais il est certain que ces gens-là, eux, n'ont pas inventé ce camp. Ils

16 ne l'ont pas mis en place et partant des éléments de preuve qui ont été

17 présentés, présentés par le Bureau du Procureur également, on s'est rendu

18 compte que les denrées alimentaires, les plats n'avaient pas été préparés

19 à l'endroit où ils étaient chargés d'assurer la garde. La nourriture était

20 apportée d'ailleurs. Donc quelqu'un d'autre était chargé de la nourriture.

21 La qualité et la quantité des denrées alimentaires, des plats servis ne se

22 trouvaient ni sous le contrôle ni sous les ingérences du personnel de

23 garde du centre d'instruction.

24 Maintenant, l'autre partie de l'Acte d'accusation est la question de

25 savoir ce qu'ils ont entrepris pour améliorer la situation. On en parlera.

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1 Mais ils n'ont été responsables ni de la qualité ni de la quantité des

2 plats.

3 Maintenant pour ce qui est de l'eau potable, si l'accusation s'en était

4 chargée depuis 1993 à ce jour, elle aurait pu faire effectuer une analyse

5 de contrôle de la qualité de l'eau et elle aurait pu constater que la

6 qualité de l'eau avait été contrôlée à l'époque, pendant et après, et que

7 la qualité de l'eau est la même de nos jours qu'avant. Ce n'est pas une

8 eau industrielle, une eau destinée aux porcheries. C'est la même eau qui a

9 été utilisée auparavant que de nos jours. De là à savoir si c'est une

10 qualité très haute ou moyenne, c'est une autre question, mais pour ce qui

11 est de la qualité de l'eau, les accusés n'avaient rien à voir avec.

12 Maintenant, pour ce qui est des conditions d'installation et

13 d'hébergement, le fait est qu'un tel nombre de gens sur un site aussi

14 petit, je dirai que ce n'est pas humain. C'est terrible. Mais en fonction

15 de l'Article 7, il faut que nous voyions si ces gens-là sont responsables

16 de la chose. Mlado Radic, je crois, a dit que si l'on plaçait 1.000

17 personnes sur quelques mètres carrés, ce n'était pas à lui d'en décider,

18 c'est quelqu'un d'autre qui en avait décidé.

19 Vous être en train de juger le niveau hiérarchique le plus bas. Je vous

20 rappelle l'Acte d'accusation initial où il avait été dit que Mlado Radic

21 aurait été coupable si les enquêteurs -sur lesquels il n'avait pas

22 autorité-, les visiteurs -sur lesquels il n'avait pas autorité et sur

23 lesquels n'avaient pas autorité ceux qui se trouvaient à deux échelons au-

24 dessus-, et si l'on prend un chef d'équipe, ses attributions pourraient

25 être mises en valeur seulement s'il n'y avait pas le commandant du camp ou

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1 son adjoint. Vous voyez donc combien de gradations l'Acte d'accusation

2 doit comporter, et cet Acte d'accusation doit avoir des limitations.

3 Troisièmement, ces trois éléments la nourriture, l'eau et les conditions

4 d'hébergement-, je crois pouvoir dire qu'aucun de ces accusés ici présents

5 ne pouvait influer sur ces conditions.

6 Pour ce qui est maintenant des soins médicaux, je crois pouvoir dire

7 qu'ils n'avaient rien à voir. On sait que certains médecins sont venus.

8 Mais il faut voir tout le contexte. Il n'y avait pas de médicaments dans

9 la ville de Prijedor et encore moins dans le centre d'instruction. Et

10 encore, quelle est l'influence que pouvaient exercer les accusés sur ce

11 fait? Aucune!

12 Il y avait une direction du camp, il y avait Simo Drljaca et il n'est pas

13 exact de dire que nous sommes en train de transférer toute la culpabilité

14 sur cet homme. Donc ces gens ici pouvaient faire ce que le commandant du

15 camp disait ou le commandant du centre, et c'était sa seule signature qui

16 comptait. Voilà.

17 Ce sont les choses que nous avons établies comme éléments de preuve

18 formelle. Donc ce commandant recevait les rapports et ce sont des traces

19 écrites sur lesquelles nous pouvons nous appuyer.

20 Partant des éléments fournis par le Bureau du Procureur, on voit ce que le

21 département de poste de police d'Omarska a fait en 1991/1992, on a vu

22 quels sont les salaires qu'ils ont perçus en tant que policiers

23 ordinaires. Qui, en 1992, en juin/juillet/août, pouvait savoir qu'un

24 tribunal ad hoc serait constitué à La Haye, inventer des listes de

25 salaires et appeler un département de police "poste de police" ou vise

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1 versa. Ce sont les éléments que comporte l'Acte d'accusation.

2 L'autre question maintenant, c'est de savoir ce qu'ils pouvaient faire

3 pour améliorer les conditions qui n'étaient pas bonnes mais pour

4 lesquelles ils n'étaient pas coupables ou responsables.

5 Il en est question de façon détaillée dans notre plaidoyer par écrit, mais

6 pour y arriver, il faut d'abord que nous voyions qui était qui. Qui était

7 Mlado Radic, surnommé "Krkan", que nous défendons ici, mon collègue

8 Jovanovic et moi? Un enfant de paysans, issu d'une famille pauvre, une

9 famille nombreuse (neuf frères et sœurs). Son père a eu beaucoup de mal à

10 lui faire faire des études primaires, donc le minimum. Il a travaillé

11 comme simple ouvrier. Il a eu l'opportunité de faire un petit stage et il

12 est devenu policier de village.

13 A la période pertinente pour l'Acte d'accusation, il avait déjà vingt ans

14 d'expérience en sa qualité de policier dans le secteur. Il est connu par

15 tout le monde. Mais pendant ces vingt ans, il n'a pas avancé d'un seul

16 millimètre, il se trouvait toujours au bas de l'échelle, donc au poste de

17 policier-îlotier. Il n'est même pas chef de secteur de patrouille! Donc

18 cela ne lui donne aucune responsabilité de commandement.

19 La seule chose que l'accusation a su lui mettre à charge, c'est un papier

20 de louanges pour lui faire obtenir 50 marks pour l'aider, où l'on dit

21 qu'il avait fait preuve, qu'il s'était distingué, et M. Bogdan Delic nous

22 a expliqué que c'était une espèce de certificat, de formulaire qui

23 représentait en fait quelque 50 marks allemands à lui attribuer en guise

24 d'aide, étant donné que les salaires faisaient à l'époque 2 ou 3 marks

25 seulement par mois.

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1 A l'époque pertinente pour les événements en question, l'accusé Mlado

2 Radic pour qui tous disent que, en sa qualité de policier ou milicien

3 -chez nous dans le communisme, cela s'appelait les miliciens, après

4 c'était un policier-, c'est un homme de famille avec trois enfants, sa

5 femme est cuisinière. Et son surnom "Krkan" provient du fait qu'il aimait

6 beaucoup manger.

7 Il avait donc la même la taille, moins de 180, il faisait 140 kilos, et

8 quand on met un fusil sur une corpulence de cette taille, cela fait macho

9 mais il n'était pas macho, il avait du ventre. C'est tout et c'est pour

10 cela que cela faisait grand gaillard.

11 Alors comment a-t-il été appelé, surnommé par l'accusation? Un taureau, un

12 psychopathe, un sadique par Mme Somers. Ce sont des expressions qui sont

13 vraiment très regrettables. Et nous avons une analyse d'un psychiatre

14 hollandais. La plupart de ces termes relèvent du domaine psychiatrique en

15 effet. Et nous savons comment il a été décrit par Mme Ana Najman,

16 psychologue, et par le psychiatre, et vous voyez des descriptions

17 contraires.

18 Les gens parlent de lui, de son service, avant et après le départ à

19 Omarska et en superlatif. Il n'a jamais frappé personne? il n'a jamais

20 fait d'intervention sérieuse. Pour lui, l'essentiel c'était de pouvoir

21 aller casser la croûte quelque part. Comment cela peut-il s'adapter aux

22 termes utilisés de taureau, de psychopathe ou de sadique?

23 Pour un psychopathe, on dit que c'est un homme de famille et nous avons

24 des termes utilisés à la légère de notre côté.

25 Interprète: Me Fila va un peu trop vite.

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1 M. Fila (interprétation): Nous avons d'un côté la science, les

2 psychologues et les psychiatres, et d'autre part des termes utilisés à la

3 légère, alors que les mots ont leur poids. Vous savez, ils peuvent blesser

4 les gens.

5 Nous avions un poète, Miljkovic, qui était connu en Yougoslavie, qui a

6 commis un suicide et qui a dit dans son dernier message qu'il a été tué

7 par des termes, par des mots trop lourds, et par une parole lourde, grave.

8 Les paroles, c'est notre arme à nous, à nous avocats, nous juristes. Nous

9 devons prêter attention à la façon dont nous les utilisons.

10 Un jour donc M. Mlado Radic arrive au poste de police d'Omarska, au

11 département de poste de police d'Omarska pour accompagner quelqu'un qui

12 est responsable du secteur. C'est ce qu'il avait fait pendant toutes ces

13 années de travail où il avait été aussi chauffeur. Il a appris ce jour-là

14 qu'il devait aller au centre d'instruction. On l'a mis dans une

15 fourgonnette, on l'a emmené, on lui a désigné un poste de garde, et c'est

16 ainsi qu'il a travaillé pendant deux mois et demi ou trois mois.

17 Le Bureau du Procureur, en guise d'éléments à charge principaux, vous a

18 fait voir un film. Ce film était censé démontrer la pose macho de Mlado

19 Radic et en faire déduire qu'il était chef d'équipe. A savoir, un chef, un

20 membre de la structure de commandement. 7.3.

21 Penchez vous bien attentivement sur ce film et penchez vous sur la photo

22 qui a été extraite de ce film, qui montre bien ce qui relève du 7.3. Les

23 photos près du mur -pièce à conviction de l'accusation, je vous dirai la

24 cote plus tard- il y avait Simo Drljaca, Mejakic, il y avait deux

25 officiers, je ne sais lesquels.

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1 Aucun d'entre eux ne porte de fusil sur son ventre, ils sont habillés de

2 façon normale et de par leur attitude ils démontrent qu'ils ont une

3 position de commandement. Simo Drljaca était commandant, il avait dit lui-

4 même qu'il était commandant du centre; Mejakic était chef des forces de

5 sécurité. C'est bien ce qui est dit dans les ordres écrits et les deux

6 autres faisaient partie de l'armée.

7 Mais maintenant si Mlado Radic faisait partie de la structure de

8 commandement, en vertu de l'Article 7.3, pourquoi n'était-il pas avec eux,

9 pourquoi ne faisait-il pas de déclaration aux journalistes, pourquoi ne se

10 comportait-il pas en tant que cadre de commandement?

11 Il avait été pris en photo avec les autres gardiens à son poste de garde.

12 La deuxième conclusion que nous devons tirer de ce film et de cette photo

13 c'est la suivante: s'il avait été chef d'équipe, pourquoi à ce même

14 endroit ne voit-on pas Milojica Kos et Gruban, si c'était donc le poste

15 d'un chef d'équipe que de se placer là-bas avec un fusil à l'épaule, dans

16 cette espèce d'escalier en forme d'arrondi, en colimaçon?

17 S'ils se remettaient donc les fonctions de chef d'équipe l'un à l'autre,

18 ils devaient se trouver au même endroit, au même poste de garde ou de

19 travail. Donc c'étaient Kos ou "Krkan", ainsi de suite, qui devaient se

20 relayer au même endroit, mais il clair que ce n'est pas le cas.

21 Tous les témoins de l'accusation ont dit que Mlado Radic se trouvait

22 toujours à cet endroit-là et que parfois il ne se trouvait pas là-bas,

23 comme l'a expliqué Mlado Radic quand il faisait trop chaud ou quand Zeljko

24 Mejakic lui disait: "Va au poste de transmission", comme il était policier

25 expérimenté ou il avait par exemple la tâche d'emmener quelqu'un ou

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1 d'escorter quelqu'un.

2 Son poste de garde se trouvait essentiellement là où il a été pris en

3 photo. Il ne s'est pas placé là-bas ce jour-là délibérément pour être pris

4 en photo.

5 Partant donc d'un même film, la défense tire des conclusions contraires,

6 la défense tire des conclusions contraires à celles qui sont tirées par

7 l'accusation, à savoir celles de dire que Mlado Radic avait été un simple

8 gardien. Et les qualifications dont il disposait n'étaient que des

9 qualifications de simple gardien. Tout ce qu'il a fait comme activité

10 professionnelle avait été une activité de simple policier ordinaire.

11 Maintenant qu'est-ce qui fait la différence entre lui et les autres?

12 C'était un policier actif et non pas un policier de la réserve. Il avait

13 travaillé pendant 20 ans dans la région de Prijedor, Ljubija, Omarska,

14 Prijedor et ainsi de suite, et les gens le connaissaient. Les gens le

15 connaissaient du fait de son apparence spécifique, de son surnom

16 particulier. Et c'est pour cela qu'il avait été typique, caractéristique

17 et qu'on le retenait. C'est la raison pour laquelle on appelait son équipe

18 l'équipe de "Krkan" parce qu'on identifiait l'équipe par la personne que

19 l'on connaissait. C'est tout. Pour ne pas répéter ce que Me Krstan Simic

20 et Me O'Sullivan ont déjà dit, mutatis mutandis, la défense accepte tout

21 ce qu'ils ont dit au sujet des points 7.1 et 7.3 concernant l'organisation

22 du camp.

23 Mais s'agissant de Mlado Radic, je me propose d'ajouter quelques paroles

24 encore pour bien éclairer ou tirer au clair le fait s'ils relèvent du 7.3.

25 Avait-il été chef d'équipe de jure? De jure, cela signifie qu'il aurait

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1 fallu une décision comme l'ordre de Mejakic, dit que Mejakic est chef des

2 effectifs de sécurité, donc que les autres devaient avoir un ordre par

3 écrit pour être nommé à tel ou tel endroit et Radic devait se trouver

4 nommé chef d'équipe. Mais il n'y a pas de décision d'ordre par écrit. Donc

5 de jure il ne l'avait pas été.

6 De facto maintenant. La question qui se pose, qui a été soulevée

7 d'ailleurs à plusieurs reprises par les Juges même et je crois que

8 certaines questions ont été posées à ce sujet aussi: comment se peut-il

9 que le même nombre de personnes qui s'étaient trouvées au département de

10 poste de police d'Omarska viennent à couvrir maintenant un grand centre

11 d'instruction, en d'autres termes quelques centaines ou quelques milliers

12 de gens, et ne rien changer dans la structure de commandement? Comment se

13 peut-il que Mejakic puisse se trouver à deux endroits en même temps?

14 Comment toutes ces tâches-là pouvaient-elles être accomplies sans mettre

15 en place des adjoints, des suppléants, des chefs ou petits chefs ou que

16 sais-je encore?

17 Il faut tirer au clair une question d'abord. Placer dans un même panier le

18 chef d'une équipe, le chef d'un poste de garde et la confusion entre les

19 termes policier et militaire comme l'a fait l'accusation, c'est une chose

20 inadmissible.

21 Un chef de poste de garde, ce n'est pas un poste de commandement. Par

22 exemple, dans la garde à Tito, le chef de poste de garde était un général

23 à l'armée, c'était moi. C'était le plus bas des grades de soldat, de

24 simple soldat. Je ne suis pas arrivé jusqu'à Tito, peut-être aurais-je pu

25 être général.

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1 Donc, dans la police, il devait avoir été nommé, mais il fallait que

2 quelqu'un le nomme à ce poste-là.

3 Cependant, nous avons aussi une raison formelle pour affirmer que cela n'a

4 pas été le cas. En 1994, deux ans plus tard, il a été nommé chef de poste.

5 Pourquoi le nommerait-on deux fois chef de poste, deux fois consécutives?

6 Comment se fait-il qu'en 1992 et 1993, il ait touché un salaire de simple

7 policier et qu'en 1994 on l'ait nommé chef d'équipe, pour qu'il ait une

8 retraite plus importante, plus consistante? Donc, on ne peut pas nommer

9 quelqu'un deux fois chef de poste ou chef d'équipe.

10 Maintenant, de son comportement, pourrait-on conclure qu'il a effectué des

11 tâches qui ressembleraient à celles d'un chef d'équipe? Voyez donc le

12 diapason de tout ce qui a été dit de ce que l'on a fait. On alignait les

13 gens, on hissait le drapeau, on chantait, il allait de l'un à l'autre, il

14 allait et venait, il disait quelque chose, mais on ne sait pas ce qu'il

15 disait. Après on dit: "On racontait dans le camp qu'il avait été chef

16 d'équipe". Mais on a aussi entendu dire qu'il avait été commandant, chef

17 et que sais-je encore d'autre?

18 Donc nous n'avons vu nul part, s'agissant de toutes les questions posées,

19 que quelqu'un ait dit "Krkan" a donné l'ordre de me battre ou de tuer un

20 homme. Donc on ne l'a pas vu donner un ordre actif. Donc il ne s'agit pas

21 d'ordre, mais il s'agit plutôt de conclusions.

22 Quand il avait aidé les gens en apportant du pain, en apportant un sac de

23 pain au hangar pour que l'on distribue cela aux gens de Ljubija et pendant

24 qu'il sortait, on a appris qu'un autre gardien avait arraché ce sac de

25 pain pour nourrir ses cochons, quelle était son autorité? Si lui avait été

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1 chef d'équipe, comment un autre gardien appartenant à son équipe aurait pu

2 faire la sourde oreille à ses ordres ou à ses instructions? L'accusation a

3 demandé, a posé la question à chacun des témoins: "Est-ce que "Krkan" a

4 empêché que l'on te batte?". Et exception faite de deux questions que nous

5 analyserons plus tard, personne n'avait affirmé avoir été présent lorsque

6 cela est arrivé. Et la défense a tout de suite posé la question de savoir

7 si "Krkan" avait donné un ordre à quelqu'un et quelles sont les réponses

8 apportées par les témoins? Tous, sans exception, ont dit qu'au centre

9 c'était le règne de l'anarchie, que l'on pouvait être battu par qui que ce

10 soit, tué par qui que ce soit et que qui que ce soit pouvait faire ce

11 qu'il voulait. On n'avait pas besoin d'ordre de la part de quelque

12 personne que ce soit.

13 C'est la raison pour laquelle si, d'après le Procureur, le fait que Mlado

14 Radic éventuellement aurait eu un ordre de tuer ou de passer à tabac

15 quelqu'un, alors que personne ne l'a dit, dans ma déclaration liminaire

16 ou plutôt dans la déclaration liminaire du Procureur, l'accusation

17 probablement craignait que la défense allait contester l'anarchie, car il

18 n'y avait pas effectivement de chaîne hiérarchique à Omarska.

19 Nous sommes témoins, nous savons qui se trouvait dans à Omarska. Même

20 Mejakic n'était pas celui qui était, celui qui donnait toujours des

21 ordres. Il y avait des soldats qui étaient à l'extérieur. Il y avait des

22 soldats qui pouvaient franchir à n'importe quel moment. Il y avait

23 également des personnes qui ne savaient absolument pas qui était chef. Il

24 y avait la police de Banja Luka et, pendant une vingtaine de jours, même

25 Drljaca ne pouvait pas entreprendre quoi que ce soit. Et les soldats ont

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1 pillé, ont passé à tabac, ont fait passer un mauvais traitement aux

2 prisonniers, etc. Même les enquêteurs ne pouvaient pas faire toujours

3 grand-chose. Il y avait un certain nombre de policiers qui interpellaient,

4 qui accompagnaient, escortaient ceux qui étaient interrogés, mais ces

5 policiers n'était pas parmi les gardes alors que Mlado Radic était un

6 parmi les gardes.

7 Le témoin AK, le témoin du Procureur a utilisé le terme "anarchie" et il a

8 dit: "A n'importe quel moment, on aurait pu nous passer à tabac, nous

9 faire du mal et faire n'importe quoi.". Ensuite, il a dit également qu'il

10 y avait des gens qui venaient de l'extérieur.

11 Le portail est à un kilomètre par rapport au bâtiment où se trouvaient les

12 détenus. Il y avait d'abord le portail de l'usine, il y avait des soldats,

13 il y avait des gens qui venaient de l'extérieur. Par conséquent l'entrée

14 et la sortie du centre n'étaient pas dans les prérogatives, dans la

15 compétence des gardes. Cela aussi, c'est un aspect sur lequel je voudrais

16 attirer votre attention: ce n'était pas dans les compétences et dans la

17 juridiction d'Omarska, du poste de police d'Omarska.

18 Par ailleurs, j'ai dit que l'équipe portait le nom d'équipe de "Krkan"

19 tout simplement parce qu'on le connaissait, parce qu'il était un des trois

20 policiers professionnels: Mejakic, Kvocka et, troisième Radic, policiers

21 professionnels. Ensuite, il a travaillé longtemps, par conséquent tout le

22 monde le connaissait.

23 Mais vous avez dû remarquer également, je pense que toute l'histoire est

24 montée là-dessus, toutes sont mauvaises mais celle de "Krkan" était la

25 pire, et puis c'est presque un slogan, tout le monde en a parlé. Quand on

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1 a posé la question: "Pourquoi? Est-ce que "Krkan" t'a battu?" "Non." "Est-

2 ce que "Krkan" a tué quelqu'un?" "Non, je n'ai pas vu."

3 On a parlé d'un certain nombre de noms et de quatre personnes, de quatre

4 noms: Drazenko Predojevic, Paspalj et Cosko. On a parlé également d'un

5 quatrième et il n'était même pas quand l'équipe de "Krkan" était en place,

6 Pavlic. On a dit tout ce que Pavlic avait fait et on a dit qu'il était

7 avec "Krkan". On l'a entendu parler mais on a bien entendu quand même

8 qu'il n'était pas dans cette équipe, et le Procureur avait dit que c'était

9 l'équipe de "Krkan".

10 C'est facile de coller une étiquette à qui que ce soit, mais il faut bien

11 se poser la question. Pourquoi quelqu'un se présente comme un taureau

12 parce qu'il mange beaucoup ou parce que véritablement il a fait un certain

13 nombre de choses à l'encontre de quelqu'un, parce qu'il était agressif.

14 Il est un fait également qu'il faut souligner, un autre point, et c'est la

15 raison pour laquelle j'ai dit que nous n'avons pas le droit de commettre

16 des erreurs, ni vous ni nous. Radic a déposé, il a également pu dire un

17 certain élément de preuve. Le Procureur a dit que Radic n'était pas au

18 courant et qu'il ne savait pas ce qui se passait, mais ce n'était pas

19 vrai. Radic a dit, au contraire, qu'il était au courant de ce qui se

20 passait, il a vu qu'il y avait plein de gens sales. C'est normal parce

21 qu'ils étaient sur une place qui était trop restreinte. Il a entendu

22 également des cris. Mais comment peut-on conclure? Il est parti chez

23 Drljaca. Il a demandé qu'il le relâche. Et comment Drljaca lui a parlé?

24 Qu'est-ce qu'il lui avait dit? Il a dit: "Ce n'est pas à toi de réfléchir,

25 c'est à toi d'appliquer les ordres". Avec les caractéristiques qu'il a

Page 12573

1 obtenues par les psychanalystes. Il est rentré chez lui et s'est plaint à

2 sa femme, il est resté là.

3 Et là, maintenant, il y a une autre subtilité pour moi. C'est décisif. Si

4 par exemple, à titre d'illustration, nous nous disons que tous les témoins

5 avaient dit la vérité, que Mlado Radic n'a tué personne, qu'il n'a battu

6 personne, s'il a dit lui-même la vérité, qu'il avait considéré que par le

7 fait même qu'il n'allait battre personne, qu'il n'allait tuer personne, il

8 a expié en quelque sorte le fait qu'il soit resté sur place, d'un autre

9 côté, il préserve également sa famille, ses trois fils, à ce moment-là il

10 y a une question de morale qui se pose, éthique, pas donc la

11 responsabilité pénale en vertu des Articles 2 et 5.

12 Quelle est l'alternative? Il était devant un dilemme. Le dilemme était de

13 s'enfuir, Mme Somers l'a dit. S'il y en a un qui est allé dans la

14 boucherie, il y a l'autre qui aurait pu éventuellement fuir. Il aurait pu

15 ne pas se rendre au poste de travail. Mais qu'est-ce qui se serait passé

16 par la suite? C'est là le dilemme moral, le dilemme éthique. Certes, il

17 aurait subi des conséquences, il n'aurait pas pu s'en sortir.

18 Nous avons également des jugements, des décisions du Tribunal et on voit

19 très bien comment et ce qui se passait avec ceux qui quittaient leur

20 poste. Je répète une fois de plus qu'il y avait un dilemme moral,

21 quelqu'un qui a une personnalité plus ferme, plus forte, qui se dit: "Mais

22 je ne m'intéresse ni aux femmes ni aux enfants, je ne peux pas le

23 permettre donc je pars" et peut-être il aurait péri.

24 C'est possible mais tout le monde n'est pas pareil et nous ne pouvons pas

25 agir de la même manière. Chez lui, ce qui a prévalu, c'est l'amour à

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1 l'égard de sa famille, sa formation et son éducation patriarcale: "Je ne

2 peux rien faire et ne ferai rien sur le plan actif, je ne vais rien

3 commettre mais je reste là où je suis".

4 Et puis, il ne faut pas oublier autre chose. On a dit qu'ils allaient

5 rester deux ou trois jours et qu'il s'agit d'un centre, il y a quelque

6 chose qui s'est passé, "on a pris le pouvoir à Prijedor. Nous allons

7 interroger les gens, on va voir qui l'a fait, cela va durer quelques jours

8 et après, nous rentrons chez nous.".

9 Par conséquent, l'affirmation qui a été dite ici par Mejakic et par

10 d'autres que personne n'était au clair, combien cela allait durer, que

11 tous les jours on reportait, on reportait, ce qui a amené justement

12 jusqu'au fait que cette structure, cette chaîne hiérarchique n'a pas été

13 mise en place. On ne savait pas que cela allait durer pendant un an et

14 qu'ils allaient avoir 2.000 personnes interpellées, interrogées, etc.

15 Probablement s'ils l'avaient su d'avance, on aurait déjà mis en place le

16 directeur du camp. Tout a été temporaire et on s'attendait à ce que ce

17 camp soit démantelé quelques jours plus tard.

18 Et c'est ce qui s'est passé effectivement le 6 août, Mlado Radic a dit

19 lors de son contre-interrogatoire, en répondant aux questions du

20 Procureur, qu'il avait entendu des hurlements, qu'il avait également vu

21 les gens qui étaient sales, qui avaient des bleus, etc. Il n'a pas vu que

22 l'on passait à tabac parce que sinon il l'aurait empêché.

23 La thèse du Procureur selon laquelle il était dans la chaîne de

24 commandement et qu'il y avait soi-disant quelqu'un qui avait dit: "Arrêtez

25 de battre tel et tel parce qu'il y a quelqu'un qui arrive", mais il y a un

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1 témoin qui a parlé et qui a dit juste l'inverse, et le Procureur le sait

2 bien.

3 Ceci dit, pourquoi auraient-ils eu peur? Pourquoi si, par exemple,

4 quelqu'un dit que "Krkan" va arriver, et si "Krkan" est dans cette

5 structure, si véritablement il a cette intention de génocide et s'il veut

6 tuer tout le monde, pourquoi aurait-il arrêté quelqu'un, abattu quelqu'un?

7 A ce moment-là, il aurait eu tout simplement l'idée de tuer tout le monde.

8 C'est la raison pour laquelle il faut prendre les déclarations

9 individuellement. Je vous dis: il ne veut pas tuer, il ne veut pas battre

10 et il a dit qu'il va aider tant qu'il pourra aider. C'est comme cela qu'il

11 a conçu les choses.

12 Maintenant, si nous voulons revenir en arrière, au début. Nous avons

13 constaté qu'il n'y avait pas de responsabilité, pas de ce niveau le plus

14 bas, pour la mise en place du centre d'instruction, des conditions

15 également qui y régnaient.

16 Il y a la deuxième partie de l'Acte d'accusation, même à l'encontre de

17 Mlado Radic, ce qu'ils ont fait eux-mêmes pour améliorer les conditions

18 qui étaient telles quelles. Et nous savons que ces conditions étaient

19 inhumaines, etc., vous étiez présents. Vous avez également pu constater

20 que moi j'ai dit que j'avais beaucoup de sympathie, que j'étais désolé de

21 voir qu'ils avaient passé ces épreuves-là. Mais la question qui se pose:

22 est-ce que c'est Mlado Radic qui en est coupable, est-ce qu'il aurait pu

23 faire autre chose?

24 Maintenant le Procureur, qu'est-ce qu'il fait? Si nous citons les témoins,

25 nous en avons cité une quarantaine, et tous ont dit que Mlado Radic a aidé

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1 tout le groupe de Ljubija, les femmes y compris. Il y en avait 150 au

2 total, même les femmes qui disaient qui étaient violées, toutes les femmes

3 ont dit qu'il leur a apporté la nourriture. Les gardes amenaient la

4 nourriture, il disait: "Prenez cette nourriture, allez porter cela aux

5 femmes", etc.

6 Par conséquent, si nous constatons que quelqu'un l'a fait, le Procureur

7 dit: "Voilà c'est la preuve, c'est lui qui était dans la structure de

8 commandement". Si nous disons qu'il ne l'a pas fait, à ce moment-là est:

9 il n'a pas d'âme, il ne fait rien, il n'entreprend rien.

10 Par conséquent, si Mlado Radic donne un morceau de pain à quelqu'un, il

11 est chef de l'équipe; s'il ne le donne pas, à ce moment-là c'est un

12 taureau, un sadique et un macho. Mais comment faut-il qu'il se comporte?

13 Par conséquent, si chaque garde a essayé de protéger l'un parmi 150, cela

14 aurait été déjà beaucoup. Parmi les 150 de Ljubija, la plupart des

15 témoins, même de l'accusation le témoin Y en a parlé, il l'a affirmé-, et

16 les nôtres également. Ceux du Procureur étaient Y, P, E, alors que les

17 nôtres étaient DC1 jusqu'à DC7 ont également affirmé qu'il avait aidé et

18 qu'il a empêché s'il pouvait empêcher les comportements mauvais.

19 Par conséquent, il faut se poser la question: si on a véritablement prouvé

20 le caractère humain de Mlado Radic.

21 Par conséquent, s'il avait la possibilité d'ordonner quoi que ce soit,

22 pourquoi l'a-t-il fait en cachette, pourquoi a-t-il apporté la nourriture

23 en cachette, les médicaments, les lettres, la nourriture?

24 S'il est l'un des chefs, il peut donc le faire publiquement.

25 [expurgée]

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1 [expurgée]

2 [expurgée]

3 S'il est chef, s'il est commandant, à ce moment-là pourquoi le fait-il en

4 cachette? Il va tout simplement vers l'homme qu'il veut sauver, il

5 l'emmène et il le fait sortir.

6 Je ne peux donc pas comprendre pourquoi cet aspect humanitaire est mélangé

7 avec la responsabilité hiérarchique et de commandement. Ce sont deux

8 choses différentes.

9 Il y avait également le témoin de la cuisine. On a appris qu'il y avait le

10 dîner qui était distribué pour ceux qui restaient de garde la nuit. Eh

11 bien, cette nourriture qui venait de la cuisine est la nourriture que

12 "Krkan" a distribuée aux femmes, au premier étage.

13 Est-ce que ceci est une preuve qu'il était chef d'équipe, parce qu'il a

14 dit: "Donnez ce morceau de pain, ce pain, et distribuez ce pain à ces

15 femmes."? Est-ce que c'est cela la preuve?

16 Eh bien, je vais conclure à ce sujet-là. Il va sans dire qu'au centre

17 d'instruction d'Omarska il y avait un camp, que c'était un centre qui a

18 été pris comme temporaire, que c'est la raison pour laquelle c'était comme

19 cela, qu'on ne savait pas pratiquement qui a été supérieur à qui, et que

20 cette trentaine de personnes qui étaient en équipe n'obéissaient à

21 personne.

22 Beaucoup de gardes qui sont venus ici, qui ont été cités, avaient bien

23 déclaré que personne ne pouvait leur donner des ordres. Il y avait des

24 réservistes et personne ne sait qui étaient ces réservistes. C'étaient des

25 gens qui ont souvent perdu quelqu'un sur le front, qui ont réagi comme il

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1 ne fallait pas.

2 Où est le pouvoir? En quoi consiste le pouvoir de Mlado Radic pour

3 l'empêcher?

4 J'ai dit qu'on a bien vu également, quand on a vu le film où se trouvait

5 son poste de garde. C'est là que j'ai terminé tout ce que je voulais dire

6 au sujet de l'Article 7.3. Dans mes écritures, vous allez voir le reste.

7 Maintenant, je voudrais me référer à deux témoins sur lesquels le

8 Procureur a porté son attention. Et ceci en vertu de l'Article 7.1.

9 Hase Icic est le seul détenu que le Procureur a trouvé, les renseignements

10 de Bosnie également qui ont pratiquement entendu tous ceux qui étaient

11 détenus et qui avaient dit avoir vu Mlado Radic faire quelque chose dans

12 la maison blanche. Personne n'a jamais dit qu'il l'a vu rentrer, pénétrer

13 dans la maison blanche, même pas passer. Il n'y a que Hase Icic.

14 Il est venu le matin, quelque peu avant 10 heures, il a vu Mlado Radic, et

15 ensuite, dans la nuit, vers 22 heures, il a vu Mlado Radic qui rentrait

16 dans la maison blanche et qui devait l'accompagner pour l'interrogatoire.

17 Maintenant nous allons nous arrêter. Tous ont dit, y compris l'accusation,

18 qu'il y avait les trois équipes, qu'il y avait donc des relèves: 7 heures

19 du matin, 7 heures du soir.

20 Par conséquent, si Hase Icic a vu Mlado Radic le matin à 10 heures, il ne

21 pouvait pas le voir à minuit ou 10 heures du soir, qu'il travaille, qu'il

22 est à son poste de travail. Il a pu le voir qu'il a circulé, qu'il a pris

23 un café, qu'il n'avait pas de transport pour rentrer chez lui, mais de

24 toute façon il y avait une autre équipe qui l'a relevé. Cela me paraît

25 clair.

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1 Comment uniquement en ce qui concerne Hase Icic, les enquêteurs avaient

2 interrogé à 11 heures du soir? On avait dit que tout le monde allait se

3 coucher vers 9 heures du soir et puis ensuite les femmes allaient se

4 coucher, etc. Maintenant, tout à coup, Hase Icic a entendu qu'il y avait

5 des enquêteurs à 11 heures du soir et maintenant c'est lui également qui a

6 dit que c'est Mlado Radic qui l'a escorté. Le seul qui l'a dit, ensuite il

7 a dit également que ce n'est pas bien évidemment Mlado Radic qui a ordonné

8 qu'on le batte. Ce n'est pas lui qui a ordonné, mais c'est lui quand même

9 qui était présent, etc., et en latin un proverbe dit: "Testis unum testis

10 nullum". Chez nous, c'est une autre maxime qui est utilisée, qu'il y a un

11 doute permanent et qu'il faut de tout.

12 Par conséquent, comment allons-nous conclure ce qui a été dit par Hase

13 Icic? Il est le seul à avoir entendu ce que les autres n'ont pas entendu.

14 Sa déclaration est quelque peu en l'air. C'est une déclaration

15 individuelle. Et si maintenant on la met en rapport avec d'autres

16 déclarations -même les déclarations des témoins de l'accusation-, on

17 constate qu'il est contradictoire. Il se contredit lui-même. En d'autres

18 termes, on ne peut pas, au-delà de tout doute raisonnable, lui faire

19 confiance car il y a un doute.

20 Il y a un deuxième témoin sur lequel se réfère l'accusation et notamment

21 au cours de son réquisitoire: c'est Nusret Sivac. Eh bien, qu'est-ce qu'il

22 dit Nusret Sivac? Il dit qu'il y avait une bagarre avant d'aller à la

23 cantine. Il y en a beaucoup également effectivement qui en ont parlé. Il y

24 en a qui disent des raisons différentes pour lesquelles la bagarre a

25 commencé. Il y en a qui disent qu'il n'y avait pas de lessive, d'autres

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1 parce qu'il n'y avait pas suffisamment d'eau, on ne pouvait pas donc laver

2 la vaisselle, etc. Il y avait des raisons différentes.

3 Bref, il y avait une bagarre. Nusret Sivac prétend que c'est Mlado Radic

4 qui a dirigé tout ce qui s'est passé sur cette bagarre, mais tous les

5 autres l'ont vu, il était à son poste pas en bas et ce n'est pas lui qui

6 avait laissé passer les gens. Même Sivac, à un moment donné, il dit: "J'ai

7 baissé la tête et quand j'ai relevé la tête, je n'ai plus vu Mlado Radic".

8 Comment Mlado Radic aurait pu à ce moment-là guider tout ce qui s'est

9 passé? Donc il l'a vu à un moment donné, après il a relevé la tête il ne

10 le voit plus parce qu'il avait baissé la tête entre-temps. Comment cela

11 peut se faire?

12 Par conséquent, au début il dit qu'il a été présent, et à la fin, il ne

13 l'était pas. Chez lui, la même maxime "Testis unum testis nullum".

14 Par conséquent, je considère que, au-delà de tout doute raisonnable,

15 l'accusation n'a pas prouvé en passant par ce témoin que Mlado Radic était

16 présent.

17 Maintenant, Monsieur le Président, Madame et Monsieur le Juge, nous

18 arrivons aux chefs d'accusation 14 à 17, viols. Je ne sais pas s'il faut

19 passer à huis clos partiel. On va parler d'un certain nombre de choses

20 dont il ne faudrait pas parler en audience publique. Je vais essayer

21 d'éviter mais je ne sais pas ce que vous en pensez.

22 M. le Président: Maître Fila, si vous vous sentez plus à l'aise pour

23 parler, je crois qu'il faut entrer en huis clos partiel pour quelques

24 instants. C'est mieux. Nous allons passer à huis clos partiel pour un

25 petit moment.

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1 (Audience à huis clos partiel à 10 heures 24.)

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5 (Audience publique à 10 heures 38.)

6 Nous sommes en session publique.

7 M. Fila (interprétation): La défense pense qu'elle s'est attardée pendant

8 suffisamment de temps sur ces détails et ne se penchera plus sur les

9 éléments contenus dans le mémoire final.

10 Je souhaite maintenant me pencher sur le réquisitoire du Procureur que

11 nous avons entendu ici dans ce prétoire. Il est nécessaire que j'en parle.

12 Il ne s'agit pas de la sanction proposée par le Procureur. Le Procureur a

13 le droit de proposer tout ce qu'il veut. Je ne souhaite pas me pencher là-

14 dessus, mais il existe des mots qu'il est difficile d'exprimer, de

15 prononcer sans réfléchir profondément à leur sens.

16 Dire de quelqu'un qu'il n'existe pas de circonstances atténuantes, il

17 s'agit là de tonnes de charges que l'on place sur le dos de cette

18 personne. Penchons-nous sur tout ce que j'ai dit sur Mlado Radic et sa

19 vie.

20 Il a passé toute sa vie -avec peut-être 2 mois et demi de honte- sans

21 violer la loi, sans faire quoi que ce soit de honteux. Bien au contraire,

22 tout le monde y compris les Musulmans n'ont que des mots excellents à dire

23 à son sujet.

24 Rappelons-nous les gens de Ljubija! Rappelons-nous les Croates qui ont

25 parlé! Ils ont parlé de sa bonté, de son amitié, on n'a jamais dit qu'il

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1 était désagréable par rapport à qui que ce soit, qu'il avait des idées

2 préconçues sur les critères ethniques.

3 Il était l'enfant le plus âgé, il a une famille avec 3 fils et son fils

4 aîné travaille au sein de la police, et même la SFOR et les forces

5 internationales de police n'ont rien contre cela. Nous parlons des

6 enfants, lorsqu'un enfant entend que son père ne bénéficie pas de

7 circonstances atténuantes, comment est-ce qu'il doit se sentir?

8 Il faut faire attention aux mots prononcés, si nous nous penchons sur le

9 Code pénal par rapport aux sentences en Yougoslavie, nous savons très

10 exactement quels sont les facteurs, les circonstances atténuantes, le

11 statut familial, le casier judiciaire, toute sorte de reconnaissance.

12 Mais est-ce que cette personne a dit, l'une quelconque de ces personnes

13 ont dit quelles étaient fières d'avoir été là, quelles étaient contentes

14 d'avoir été dans le camp?

15 Bien au contraire, ils souhaitaient en partir au plus vite et c'était le

16 cas des 4 co-accusés ici, alors que, d'après le Procureur, il s'agissait

17 de sadiques qui tiraient une satisfaction personnelle de ce qui se

18 passait.

19 Je ne comprends vraiment pas pourquoi le Procureur prononce des mots aussi

20 lourds. Il existe des faits qui ont été constatés. Si ces gens-là, si ces

21 co-accusés étaient heureux de la situation de souffrance de tous ces gens

22 dans le camp pourquoi auraient-ils apporté des lettres, des colis de

23 l'aide etc.? Je ne comprends pas cela.

24 Rappelons-nous les mots prononcés par le Procureur, M. Niemann, qui a dit

25 que chaque coopération avec ce Tribunal sera récompensée par le Procureur!

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1 Mlado Radic, qu'est-ce qu'il n'a pas fait par rapport aux demandes du

2 Procureur? Quelle est sa récompense? Aucune circonstance atténuante.

3 Est-ce que c'est le message de Mme Somers que nous devons transmettre à

4 tout le monde, à tous ces accusés qui risquent de venir ici: ne coopérez

5 pas car tout ce que vous faites aboutira à la situation où il n'y aura pas

6 de circonstances atténuantes?

7 Alors que, nous, depuis des années, nous essayons de convaincre les gens

8 de se rendre, de venir, de coopérer en disant que le Tribunal saura

9 respecter chaque signe de bonne volonté et saura faire la différence si

10 nous demandons l'emprisonnement à vie des gens qui ont été de simples

11 gardes. Quelle sera la sanction pour ceux qui se trouvaient au sommet? La

12 peine de mort ou je ne sais pas quoi?

13 Il y avait un dicton des grecs, des anciens grecs qui disaient qu'il était

14 important d'avoir une bonne mesure dans toute chose. Et pour finir je

15 souhaite dire quelque chose, alors que j'étais dans le doute si je devais

16 dire cela ou pas. Je suis membre d'un petit peuple qui a été bombardé par

17 la plus grande armée de ce monde en 1999 et dans ce bombardement 1.700

18 civils, des femmes et des enfants, ont été tués alors que plusieurs

19 centaines d'autres ont été blessés et Jamie Shea a dit par rapport à

20 toutes ces personnes qu'il s'agissait des dommages collatéraux. Et nous

21 avons été choqués. Heureusement le monde entier a été choqué.

22 Et s'agissant de ces dommages collatéraux, ni nous ni qui que ce soit

23 d'autres n'a dit qu'il s'agissait là de dommages collatéraux. Ni Mlado

24 Radic ni les autres personnes n'ont dit: "Je le tabassais et il est mort

25 et il s'agit là d'un dommage collatéral", alors que, s'agissant de la

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1 radio télévision de Belgrade, où 16 journalistes ont été tués, des

2 bombardements des écoles, des hôpitaux, d'un train qui a été mitraillé,

3 d'un convoi des Albanais et des Tziganes qui ont été pilonnés dans le

4 cadre de ces bombardements-là, tout ceci a été proclamé dommages

5 collatéraux.

6 Je le dis simplement pour indiquer que les mots sont extrêmement

7 dangereux. Les mots sont nos instruments, nos outils et il est nécessaire

8 d'avoir la bonne mesure lorsqu'on les emploie. Il est terrible de dire que

9 quelqu'un est coupable ou non coupable alors que la personne est

10 innocente. Il est erroné d'utiliser des mots comme "taureau", "sadique"

11 etc.

12 Permettez-moi encore une fois de vous remercier de votre attention et je

13 souhaite encore une fois remercier les interprètes également, je souhaite

14 vous remercier de votre patience et souligner que je n'ai pas parlé de la

15 théorie du dessein commun car j'ai écrit tout ce que je souhaitais écrire

16 et que Me O'Sullivan a dit tout ce qu'il fallait dire à ce sujet-là.

17 S'agissant du dessein commun, il ne faut pas oublier de qui on parle. On

18 parle d'un policier de campagne appartenant au poste de police, au

19 département du poste de police d'Omarska.

20 Quel est son but? Son but est de financer les études de ses enfants, il

21 est difficile de parler ainsi du dessein commun. Et quand on parle de

22 l'organisation des partis politiques, il ne faut pas oublier que les

23 Musulmans étaient les premiers à organiser le SDA, et le SDS a été

24 organisé en dernier. Si quelqu'un avait un dessein commun, cette personne

25 finira par être ici, car les Actes d'accusation existent et les moyens de

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1 preuve existent.

2 Il faut donc faire une distinction entre les personnes qui ont créé cela,

3 qui avaient ces intentions, ce dessein commun -et les sanctions proposées

4 par Mme Somers pourraient s'appliquer à ces gens-là-, sinon nous allons

5 perdre nos critères, c'est pour cela qu'au début, j'ai dit qu'il est

6 extrêmement important que ce Tribunal se penche sur les violations graves.

7 Je souligne le mot "graves", et non pas toutes; que l'on se penche donc

8 sur ce qui fait partie des persécutions et du dessein commun, même

9 s'agissant des viols.

10 Si le motif du viol était le désir sexuel et si ce n'était pas dans le

11 cadre des persécutions et du reste, en vertu de l'Article 1, ceci ne fait

12 pas partie de la compétence de ce Tribunal mais d'un autre Tribunal.

13 Les viols, en vertu de notre Code pénal, constituent un délit où, par le

14 biais de la force, on a un rapport sexuel avec une personne qui résiste,

15 mais bien sûr si une personne est dans le camp, cette résistance ne doit

16 pas être physiquement extrêmement forte. Il suffit que la personne fasse

17 comprendre à l'autre personne qu'elle ne souhaite pas ce rapport sexuel.

18 Mais j'ai écrit tout cela. Cependant au moment où vous prendrez vos

19 décisions, il ne faut pas oublier le poids des mots et les personnes dont

20 on parle.

21 Bien sûr Omarska est l'une des affaires les plus importantes de ce

22 Tribunal et Omarska figure dans le rapport où on mentionne Vukovar etc.

23 qui a fait l'objet d'une certaine manière de la création de ce Tribunal.

24 Cependant ces gens-là sont vraiment en bas de l'échelon, il n'y a personne

25 de subordonnée à eux, et nous ne pouvons pas les traiter comme s'ils

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1 étaient le président Karadzic, etc.

2 C'est tout ce que je souhaite dire, en ajoutant que le Procureur n'a pas

3 réussi à prouver au-delà de tout doute raisonnable la culpabilité de Mlado

4 Radic. Merci.

5 M. le Président: Très bien. De cette façon nous terminons…

6 M. Fila (interprétation): Excusez-moi. Pour terminer, je souhaite ajouter

7 encore quelque chose.

8 Puisque j'ai bénéficié de moins de temps que j'en avais besoin, je

9 souhaite dire quelque chose en latin "Bis dat qui cito dat", celui qui

10 parle brièvement parle doublement. Merci.

11 M. le Président: Très bien Maître Fila. C'était votre choix de faire cette

12 gestion de temps. Vous avez donc bien fait d'être synthétique.

13 Pour l'instant, nous allons faire la pause d'une demi-heure et nous

14 commencerons avec la défense de l'accusé M. Zigic après la pause.

15 Une demi-heure de pause.

16 (L'audience, suspendue à 10 heures 50, est reprise à 11 heures 27.)

17 (Les accusés regagnent le prétoire.)

18 (Plaidoirie de la défense de M. Zigic par Me Stojanovic.)

19 M. le Président: Veuillez vous asseoir.

20 Nous allons maintenant avoir le réquisitoire de l'accusé M. Zigic.

21 Maître Stojanovic, c'est à vous, vous avez la parole.

22 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, Madame et Monsieur

23 les Juges, je dois avouer que j'ai eu mon inspiration et l'orientation

24 pour cette plaidoirie dans une question qui a été posée à de nombreuses

25 reprises par l'éminent Président de la Chambre, la question qu'il posait

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1 aux témoins à la fin de leur déposition: "Avez-vous autre chose à dire que

2 vous n'avez pas dit jusqu'à maintenant?".

3 J'ai l'impression que la réponse à cette question aboutirait à la

4 présentation d'un mélange de sujets différents où un peu de tout serait

5 représenté. Cependant, même cela pourrait être classifié en trois parties,

6 en gros.

7 Premièrement, ce qui porte sur le supplément des réponses qui ont été en

8 partie déjà répondues ou traitées en grande partie.

9 Deuxièmement, ce qui porterait sur un commentaire de l'attitude définitive

10 de l'accusation.

11 Troisièmement, ce qui porterait sur une sorte de résumé de cette procédure

12 du point de vue de la défense, avec certaines clarifications brèves.

13 Dans le cadre de la première partie, nous souhaitons ajouter encore

14 quelque chose au sujet des persécutions en vertu de l'Article 5 du Statut

15 de ce Tribunal. Les persécutions sur la base politique, raciale et

16 religieuse, comme ceci est écrit dans le texte original du Statut de ce

17 Tribunal, déjà dans le cadre du Statut de Nuremberg, au lieu du mot "et"

18 qui établit le lien entre la base, entre les bases des persécutions, se

19 trouvait le mot "ou" et nous ne savons pas pour quelle raison dans le

20 Statut de ce Tribunal c'est le mot "i" qui figure; le mot qui provoque un

21 certain doute en créant l'apparence selon laquelle, pour que les

22 persécutions existent, il est nécessaire que les trois bases existent de

23 manière cumulative.

24 Cependant, nous considérons qu'il n'est pas difficile de résoudre ce

25 problème puisque le mot "persécutions" est écrit au pluriel. Sur la base

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1 de cela, il est possible de conclure que pour que l'acte criminel de

2 persécutions existe, il suffit que l'une des bases existe. Cependant,

3 deux, voire toutes les trois bases peuvent exister elles aussi.

4 Cependant, la liste des bases des persécutions n'en est pas épuisée. Les

5 persécutions peuvent être effectuées sur d'autres bases: des persécutions

6 d'individus, de même que des persécutions de petits groupes ou de grands

7 groupes, les persécutions sur une base économique, les persécutions des

8 toxicomanes, la persécution des sectes qui ne doivent pas nécessairement

9 être des sectes religieuses, la persécution des personnes déplacées venant

10 d'autres régions, la persécution des personnes appartenant ou soutenant

11 des mouvements différents de caractère non politique, la persécution des

12 homosexuels, et ainsi de suite.

13 Cependant, de telles persécutions ne constituent pas l'acte criminel

14 décrit à l'Article 5 du Statut. A notre avis, même la persécution des

15 forces armées ennemies dans une guerre et surtout sur le front, même si la

16 guerre dans son fondement comporte ce qui est décrit dans l'Article 5 du

17 Statut, ne peut pas constituer cet acte criminel, ce délit. Et non pas

18 seulement la persécution des membres des forces armées.

19 Par exemple, nous ne voyons pas pourquoi les membres de l'autre camp, dans

20 un conflit armé qui peut être également une guerre civile, pourquoi

21 l'autre belligérant laisserait s'acquitter des tâches cruciales,

22 confidentielles et extrêmement délicates.

23 Par exemple, pendant la guerre civile qui s'est déroulée aux Etats-Unis,

24 et nous pouvons prendre l'exemple également de la guerre civile en

25 Espagne, ceux qui se battaient pour la Confédération, les membres des

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1 forces du Sud, est-ce que ces personnes sont restées aux postes clé dans

2 les forces armées du Nord ou est-ce qu'ils ont continué à exercer des

3 fonctions politiques importantes des forces du Nord ou bien est-ce qu'ils

4 ont continué à avoir des postes économiques importants? Est-ce que les

5 citoyens de l'Allemagne ont continué à exercer ce genre de postes

6 importants aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne pendant la Deuxième Guerre

7 mondiale?

8 C'est pour cela qu'il est nécessaire, qu'à la fois dans le cadre de

9 l'accusation et dans le jugement rendu, que la base des persécutions

10 soient établies, mais également qu'elles soient expliquées dans une

11 motivation détaillée. Il s'agit là d'un élément important du délit sans

12 lequel le délit de persécution en vertu de l'Article 5 du Tribunal

13 n'existe pas.

14 Mais à part cela, il est nécessaire de faire la distinction et de se

15 limiter à la persécution qui ne fait pas partie des conséquences

16 habituelles de tout conflit armé.

17 Jusqu'à maintenant, ceci n'a pas été effectué. On a essayé à de nombreuses

18 reprises d'énumérer simplement les bases des persécutions, mais d'une

19 manière totalement inacceptable, à savoir en indiquant, en disant que les

20 accusés ont effectué la persécution sur la base politique, raciale ou

21 religieuse. Cependant, nous ne sommes pas d'accord pour que quelqu'un soit

22 condamné pour un crime extrêmement grave d'une manière extrêmement floue.

23 Pire encore, en réalité, il s'agirait en même temps de la condamnation

24 pour quelque chose qui n'a pas été fait.

25 Si nous disons qu'une personne NN, mettons John Doe, a procédé à des

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1 persécutions sur des bases politiques, raciales ou religieuses, le terme

2 "ou" laisse entendre de façon ferme que l'un de ces éléments n'existe pas.

3 Ce terme "ou " exclut l'un des éléments. Par conséquent, l'un quelconque

4 des éléments n'existe pas.

5 Toutefois, pour cet élément, là aussi il y a condamnation. Ainsi, aux fins

6 de l'existence de cet acte, il est indispensable qu'il y ait intention

7 discriminatoire, donc, au fond, il faut qu'il y ait la plus grave des

8 formes de dessein et de ce point de vue-là il ne saurait être question

9 d'application de l'élément mental, "recklessness" en anglais, et par

10 rapport à l'élément en question, il ne peut être question non plus de

11 "Dollus eventualis".

12 Les aspects aigus d'alcoolisme dans lesquels ou lors desquels il a été

13 commis certains délits pénaux sont difficiles à adjoindre au dessein ou à

14 l'intention en question. Cela est évident dans le cas concret où

15 l'agressivité en état alcoolisé se manifestait à l'égard de tout un

16 chacun. A cet effet, il existe une pratique fréquente des tribunaux

17 nationaux en Yougoslavie s'agissant de délits analogues, mais une telle

18 pratique n'est guère inconnue aux tribunaux anglo-saxons aussi.

19 L'interprétation a fait défaut et je me propose de reprendre la dernière

20 phrase que j'ai prononcée tout à l'heure. A cet effet…

21 M. le Président: Je crois qu'il y a un problème.

22 L'interprète de la cabine française: Monsieur le Président, le problème

23 n'existe pas. C'est le compte rendu qui va plus lentement que les

24 interprètes. Monsieur l'avocat peut aller plus vite sans problème.

25 Monsieur le Président, le compte rendu d'audience en anglais est bloqué

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1 mais nous pouvons suivre parfaitement.

2 M. le Président: Je crois que nous sommes maintenant en condition pour

3 continuer. Je crois, oui. Donc Maître Stojanovic, s'il vous plaît?

4 M. Stojanovic (interprétation): Merci.

5 A cet effet, il existe une pratique fréquente au niveau des tribunaux

6 nationaux en Yougoslavie s'agissant de délits analogues, or une telle

7 pratique n'est guère inconnue pour ce qui est des tribunaux anglo-saxons

8 aussi.

9 Ainsi, par exemple, dans la décision DPP contre Majevski en 1977, le

10 Tribunal du Royaume-Uni dit: "Quand le crime en question représente une

11 offense relative à la préméditation spécifique, cela peut indiquer qu'il

12 suffit pour la défense de parler d'intention absente ou faisant défaut".

13 Quand il s'agit de discrimination, comme la défense l'a déjà indiqué dans

14 ses écritures, il convient d'entendre une comparaison. La discrimination

15 consiste dans le fait de traiter un certain groupe de personnes et ici il

16 s'agit du groupe qui est sous-entendu dans les fondement de l'Article 5 H)

17 du Statut- et ce, de façon toujours plus mauvaise s'agissant d'une

18 comparaison par rapport à un autre groupe de personnes.

19 Pour ce qui est du compte rendu d'audience, je tiens à préciser que j'ai

20 prononcé un terme qui ne figure pas au compte rendu d'audience, à savoir

21 "de façon constamment détériorée".

22 Cet autre groupe de personnes, à notre avis, devrait appartenir au groupe

23 discriminé, groupe auquel le discriminateur appartient lui aussi d'une

24 certaine façon. Toutefois, il n'a pas été défini ici ni quel est le groupe

25 discriminé. S'agissait-il seulement des Musulmans, comme on le dit très

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1 souvent, ou s'agissait-il de Musulmans et de Croates, c'est-à-dire

2 d'autres non-Serbes? S'agissait-il donc d'une discrimination sur des

3 fondements ethniques?

4 S'agissait-il voire encore d'une discrimination à l'égard de l'adversaire

5 politique, chose dont il n'a nulle part été question dans l'Acte

6 d'accusation quoiqu'il puisse s'agir d'une supposition bien plus réaliste

7 que celle avancée par le Procureur? La persécution politique où il a été

8 fait abus d'éléments religieux et nationaux aux fins de réaliser des

9 objectifs purement politiques.

10 S'agissait-il encore rien que du groupe de Musulmans détenus dans les

11 camps, alors que s'agissant de l'attitude de Zigic à l'égard des Musulmans

12 bien plus nombreux à l'extérieur des camps en même temps, il n'en est

13 guère question?

14 Enfin, s'agissait-il seulement d'un groupe de particuliers qui, de l'avis

15 de ceux qui les avaient mis en détention, étaient des extrémistes car

16 partant des faits établis, il peut être constaté que certaines activités

17 inadmissibles de Zigic se trouvaient être orientées à l'encontre de

18 certains particuliers seulement?

19 Aussi convient-il, pour prouver qu'il y a eu discrimination, de procéder à

20 une comparaison, notamment là où les faits établis l'indiquent.

21 Pour ce qui est de l'accusé Zigic, les faits l'ont indiqué très

22 certainement, partant des faits qui nous relatent pour quelle raison Zigic

23 avait été condamné à Banja Luka, mais il n'a guère été procédé à quelque

24 comparaison que ce soit et il n'a guère été prouvé en quoi que ce soit que

25 Zigic s'était comporté de façon substantielle et constamment différente

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1 d'un point de vue général selon les dires de l'Acte d'accusation à l'égard

2 d'un groupe discriminé par rapport à un autre groupe quelconque.

3 Enfin, selon notre avis, l'intention discriminatoire se doit d'être

4 accompagnée de conditions appuyées d'une vaste étendue ou d'une certaine

5 façon systématique de procéder. L'intention discriminatoire doit englober

6 ces conditions également. Le mens rea doit s'accompagner des fondements de

7 l'actus reus.

8 En d'autres termes, cette intention au niveau de celui qui l'exécute doit

9 être ferme, relativement durable et générale. Ainsi, une telle intention à

10 l'égard de certains membres du groupe, mais non pas à l'égard du groupe

11 tout entier, serait non pertinente si on la considérait à un endroit ou à

12 un moment isolé seulement.

13 Une autre question à laquelle nous voudrions nous référer ici est celle du

14 dilemme, "recklessness"ou dollus eventualis. Il nous semble que le

15 Procureur dans son réquisitoire tire un trait d'égalité entre les deux, si

16 nous avons bien compris les formulations figurant au paragraphe 108 de ces

17 écritures-là. Mais ce n'est pas la même chose. La catégorie anglo-saxonne

18 de "recklessness" est plus proche de l'inadvertance que de la

19 préméditation, notamment s'agissant des conséquences de l'acte et il est

20 plus défavorable à l'égard des accusés que le dollus eventualis, et plus

21 défavorable encore que le dollus directus.

22 Dans le système européen continental, pour ce type de délit, il est de

23 règle de requérir un dollus directus, voire ensuite un dollus eventualis.

24 Il n'existe aucun fondement, notamment pas au Statut du Tribunal, pour ce

25 qui est d'élargir la responsabilité des accusés en fonction de l'élément

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1 mens rea. Il n'y a pas de logique non plus, comme cela est précisé dans

2 nos plaidoiries par écrit, disant que l'élément mental anglo-saxon doit

3 être imposé à l'homme européen en lieu et place de ce qui existe au niveau

4 européen, notamment pour ce qui est de ce que ce dernier à l'échelle

5 mondiale constitue d'universel, notamment s'agissant de délits graves.

6 Maintenant, parlant de l'Acte d'accusation relatif à M. Zigic, nous sommes

7 d'avis que ces réflexions-là peuvent revêtir de l'actualité lorsqu'il

8 s'agit d'accusations afférentes à des passages à tabac de certaines

9 personnes qui sont venues par la suite à décéder.

10 Nous estimons que ce problème-là également pourrait être résolu de façon

11 aisée et ce, par recours à une solution qui existe déjà dans le droit

12 international, solution qui se trouve être fort bien réfléchie et

13 concertée entre des dizaines d'Etats. Bien entendu, il s'agit ici de la

14 solution qui figure à l'Article 30 des Statuts du Tribunal pénal

15 international où l'on dit pouvoir considérer comme étant responsable une

16 personne qui a réalisé un actus reus dans l'intention et la connaissance,

17 en anglais "entend and the knowledge", le tout s'accompagnant d'une

18 définition très précise tant de l'intention que de la conscience.

19 Cependant, s'agissant de l'intention ou de la conscience, il n'y a guère

20 ce que l'on désigne par "recklessness". Ici, l'attitude à l'égard de la

21 conséquence se fonde sur l'évolution régulière des choses, en anglais "in

22 the ordinary course of events". La dernière phrase a des implications non

23 seulement par rapport au mens rea, mais aussi par rapport à l'actus reus.

24 S'agissant de la causalité, les Statuts de l'ICC penchent de façon

25 évidente en faveur de la théorie de la causalité adéquate.

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1 Maintenant, pourquoi et en fonction de quoi ce Tribunal-ci placerait-il ou

2 mettrait-il en place des conditions bien plus défavorables de

3 responsabilité s'agissant des accusés que cela n'a été concerté ou que

4 cela n'est mis en application dans la plupart des Etats du monde?

5 Notamment du fait, et j'en suis convaincu, que ce Tribunal constitue

6 l'avant-garde ou le précurseur d'un Tribunal pénal international avec de

7 grandes chances de se voir, de fait, muer en un tel Tribunal pénal

8 international.

9 S'agissant de la doctrine du "common purpose", de l'intention commune, du

10 dessein commun, la défense en a parlé à plusieurs reprises. Nous voudrions

11 ici mettre l'accent sur des éléments d'application. Cette doctrine

12 représente une exception par rapport à la responsabilité pénale

13 individuelle habituelle, aussi convient-il dans l'application de recourir

14 à une interprétation étroite et précise. Nous sommes d'avis que cela a

15 précisément été fait pour ce qui est de l'arrêt rendu par la Chambre

16 d'appel dans le cas Tadic, ainsi que dans les jugements sur lesquels

17 l'arrêt se fonde.

18 Dans les affaires du lynchage de SN et de l'Ile de Borkum, Borkum Island,

19 l'objectif commun des citoyens allemands n'avait pas été défini comme

20 étant la persécution d'autres nations, quoique cela ait sans aucun doute

21 été l'objectif de la guerre entamée par les autorités allemandes, mais

22 tout simplement le meurtre d'un groupe de pilotes anglais et américains en

23 leur qualité d'ennemis dans la guerre.

24 Il ne faut guère oublier que dans chaque cas concret, il doit sans doute

25 être établi que la conséquence en place consiste dans la relation de cause

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1 à effet s'agissant de l'acte commis dans un objectif concret, à savoir

2 l'acte concret doit être la conséquence de ce dessein commun.

3 De là à savoir si la survie de l'ex-Yougoslavie multinationale ou la

4 survie de cette Bosnie-Herzégovine composée d'entités avait été l'objectif

5 de Zigic, eh bien Zigic ne le sait pas de nos jours encore. Donc il ne

6 sait pas s'il a pris part à un dessein commun.

7 Quant à l'existence d'un conflit armé, cette condition préalable est

8 indispensable pour ce qui est de l'application des Articles 3 et 5 du

9 Statut du Tribunal et comme la pratique nous le dit, cela s'applique à

10 deux cas différents s'agissant de ces deux articles concrets.

11 Un conflit armé sous-entend des événements importants qui ont bien des

12 conséquences. Toutefois, notre impression c'est que dans cette affaire-ci,

13 il en est question juste aux fins de l'application de certaines normes

14 punitives. La simple constatation de l'existence d'un conflit armé est

15 mentionnée et rien de plus.

16 Parfois, au cours de ce procès, j'ai eu l'impression qu'il n'y a eu qu'une

17 seule partie belligérante, ce qui constitue un argument par l'absurde

18 "argumentum in absurdum". D'après les déclarations des témoins proposés,

19 cités par le Bureau du Procureur, s'agissant de ceux qui ont été détenus

20 dans les camps, j'ai dit… J'ai dit, s'agissant du compte rendu d'audience,

21 qu'il ne s'agissait pas des déclarations du Bureau du Procureur mais des

22 déclarations des témoins cités par le Bureau du Procureur. Donc selon ces

23 déclarations, personne n'avait attaqué les Serbes, personne n'avait pris

24 part aux combats et autres conflits, personne n'avait matériellement et de

25 façon autre aidé à ce que ce soit fait et personne ne portait ni n'avait

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1 recours à des armes. On a l'impression qu'il n'y a pas eu du tout de

2 prisonniers de guerre. Donc si cela n'existait pas, il n'y avait pas non

3 plus de conflit armé.

4 Il est exact de dire que, du point de vue de cette condition, il eût suffi

5 qu'un conflit de cette nature existe dans une autre région du même état.

6 Mais s'agissant d'autres régions, il n'en a pas été beaucoup question.

7 Un conflit armé engendre la prise de prisonniers de guerre et il ne fait

8 pas de doute que des centaines de ces prisonniers de guerre aient

9 effectivement été détenus à Omarska et Keraterm.

10 En guise d'exemple typique de prisonniers de guerre, il convient de citer

11 Sead Jusufovic surnommé "Car", Emsud Bahonjic et les gens originaires de

12 la région de Brdo capturés pendant les combats. Le Statut des prisonniers

13 de guerre ne saurait être en aucun cas modifié par le fait de les voir

14 détenus ensemble avec des civils.

15 Aussi, s'agissant de ces personnes-là, doit-on en totalité appliquer les

16 normes en vigueur relatives aux prisonniers de guerre et non pas celles

17 relatives aux civils.

18 Dans ces écritures intitulées "motion for judgement of acquittal", c'est-

19 à-dire "requête d'acquittement", la défense a exprimé la position qui

20 consiste à dire que pour l'application de l'Article 3, il ne suffit pas de

21 déterminer l'existence d'un conflit armé, il faut définir aussi que ce

22 conflit se doit d'avoir un caractère de guerre. Il est exact de dire

23 qu'une telle position diffère de la pratique existante dans la mesure où

24 la définition d'un conflit armé diffère de la définition d'une guerre.

25 Toutefois, une telle position, outre bon nombre d'arguments que nous avons

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1 avancés en faveur de cette position, fait l'objet de bien d'autres

2 arguments sérieux. Ici, l'interprétation linguistique, grammaticale, voire

3 même historique s'oppose à la proche utilitariste et opportuniste.

4 Toutefois, même si erreur il y a dans le langage utilisé, il convient d'y

5 remédier par des rectifications ou amendements, et non pas en commettant

6 une autre erreur. Le langage qui s'extériorise sous la forme de paroles

7 écrites ou verbales est l'une des armes fondamentales du droit et ce

8 langage ne doit pas être détruit, parce qu'en anéantissant le langage,

9 nous anéantissons le droit et notamment la sécurité juridique de tout un

10 chacun. Nous allons donc sacrifier la communication qui existe entre les

11 hommes et, d'autre part, nous stimulerons le législateur à recourir à des

12 activités de piètre qualité, si je puis dire. Aussi sommes-nous de

13 fervents adeptes de la règle de la vaste application de l'interprétation

14 linguistique et grammaticale dont il peut être fait des écarts seulement

15 lorsqu'il s'agit de contenus flous.

16 Bien entendu, il s'agit ici d'une approche de principe générale vers

17 laquelle il nous faut tendre mais pour laquelle il convient de procéder à

18 un perfectionnement du langage et de la technique législative. La

19 perfection du langage est un idéal auquel il convient d'aspirer mais qui

20 probablement ne sera jamais atteint. Toutefois, ici il s'agit de termes

21 clairs.

22 Par conséquent, si cette argumentation qui est la mienne on aurait conduit

23 jusqu'aux extrêmes, à ce moment-là on pourrait conclure cet exposé par des

24 mots selon lesquels tout ce que j'ai dit, il ne faudrait pas être compris

25 de la manière dont je les ai prononcés mais qu'il faudrait en conclure

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1 différemment et surtout en tirer d'autres significations. La question du

2 signifié et du signifiant. La parole, c'est le canon, c'est ce qui figure

3 dans des livres des grandes religions, et c'est une des acquisitions de la

4 civilisation.

5 Maintenant, nous allons passer à l'autre partie qui, en effet, est un

6 aperçu très bref et se réfère aux écritures finales et notamment au

7 réquisitoire de l'accusation. Ça c'est un point douloureux, je me dois de

8 vous le dire, Monsieur le Président, Madame la Juge, Monsieur le Juge. Il

9 y a un très grand nombre de questions que je ne vais pas traiter dans le

10 cadre de cet aperçu étant donné que vous pouvez trouver notre réponse très

11 précise dans nos écritures.

12 Généralement parlant, à la différence de la défense qui a essayé d'exposer

13 tout ce qui a été dit au cours du procès, l'accusation dans son

14 réquisitoire ainsi que dans sa présentation orale a restreint tout ce

15 qu'elle a dit sur les déclarations des témoins que l'accusation a cités à

16 la barre. Ceci dit, il s'agit des déclarations qui ne sont pas cohérentes

17 par rapport aux déclarations d'autres témoins. A titre d'illustration,

18 l'accusation se réfère à la déclaration d'un des témoins même si les

19 déclarations de vingt autres témoins qui ont été cités aussi bien par la

20 défense que par l'accusation, on ne peut pas en tirer de telles

21 conclusions. Mais les déclarations de cette grande majorité des témoins

22 sont pratiquement ignorées, on les passe sous silence. Ces déclarations

23 des témoins individuels sont pratiquement venues des témoins qui sont le

24 moins crédibles et l'accusation se réfère, dans la plupart des cas, aux

25 déclarations qui porteraient à la réflexion quand il s'agit de leurs

Page 12607

1 témoignages qui peuvent être considérés comme témoignages faux. C'est

2 justement à ces témoignages que l'accusation se réfère.

3 En ce qui concerne ces déclarations, la défense a donné son appréciation

4 très précise en ce qui concerne ces déclarations, notamment dans les

5 écritures. Généralement parlant, l'accusation se réfère à un certain

6 nombre d'éléments qui ne sont que des gouttes d'eau dans la mer. Il s'agit

7 de 1 %, de 2 % de ce qui a été dit au cours de ce procès sur une preuve

8 bien déterminée, sur un événement bien déterminé.

9 Par exemple, à titre d'illustration, en ce qui concerne le massacre qui a

10 eu lieu le 24 juillet 1992, l'accusation fonde son cas sur deux ou trois

11 phrases, alors que quinze témoins en parlent sur plusieurs centaines de

12 pages. Nous ne contestons pas l'éventualité théoriquement parlant que la

13 conclusion soit arrêtée sur 1 ou 2% des documents liés à un événement,

14 mais ceci pourrait être fait uniquement sur la base d'une estimation,

15 d'une appréciation très attentive et sur une analyse également qui serait

16 faite sur 90, sur l'analyse de 90% d'autres documents.

17 Par ailleurs, ce qui est encore plus important, il est indispensable de

18 donner des arguments convaincants selon lesquels les 90% de documents,

19 d'éléments ne puissent pas être acceptés, ne sont pas admissibles.

20 Par conséquent, ce n'est pas à nous de dire comment le Procureur doit

21 agir, mais il nous faut quand même dire notre grande déception à cause du

22 fait qu'on demande une prison à vie pour quelqu'un et dans le cas concret,

23 on traite très superficiellement et d'une manière minimale les événements

24 dont il a été question.

25 C'est la raison pour laquelle nous nous adressons à la Chambre pour nous

Page 12608

1 protéger d'une telle attitude, et ceci d'autant plus que la défense, dans

2 ses écritures, n'a pas manqué d'analyser chaque témoignage, chaque

3 déclaration, chaque preuve indépendamment du fait s'il s'agissait d'un

4 élément de preuve qui était en faveur ou non de la défense.

5 Comme il a été dit déjà précédemment, l'accusation, par différence à la

6 défense, se réfère pratiquement dans l'intégralité aux déclarations des

7 témoins qu'elle a cités. En ce qui concerne les déclarations des témoins

8 qui ont été cités par la défense, l'accusation ne se réfère pas, elle n'en

9 fait pas de commentaires non plus.

10 Toujours est-il, exceptionnellement, dans le réquisitoire de l'accusation,

11 à quelques reprises, on se réfère à la déposition d'un témoin de la

12 défense qui n'est pas en faveur de Zigic et encore moins à la déclaration

13 de Zigic lors de laquelle il reconnaît un certain nombre d'actes.

14 Ceci dit, cette reconnaissance n'est pas bien évidemment prise comme une

15 circonstance atténuante même si, de manière très explicite, il s'est

16 repenti et d'une manière très franche, il se repent pour ce qu'il a fait

17 et il s'excuse même, il présente ses excuses à la victime.

18 Dans son réquisitoire, l'accusation affirme que toutes ses

19 reconnaissances, ses excuses, ses repentirs étaient inexistants. Nous

20 pouvons bien évidemment dire que c'est peut-être que l'accusation oublie

21 ce qui a été dit et souvent se réfère à ce contexte dont il a été question

22 et le contexte négatif.

23 Au cours de cet exposé, il a été dit que Zigic a été amené devant le

24 Tribunal de force. Cependant, notre éminent Président de la Chambre a bien

25 précisé que ceci a été fait selon la volonté expresse de Zigic.

Page 12609

1 Si vous permettez, Monsieur le Président, Madame la Juge, Monsieur le

2 Juge, je vais demander l'aide de l'huissier en ce moment même pour donner

3 lecture de l'ordonnance à laquelle je me réfère, cela peut être lu en

4 anglais ou en BCS. Je pense que nous connaissons tous cette ordonnance et

5 personnellement, je vais plutôt vous demander de donner lecture de la

6 version en BCS.

7 Il s'agit d'un document, pour être précis, il s'agit d'une ordonnance en

8 vertu du 59 bis, la remise du mandat d'arrestation, ordonnance qui a été

9 arrêtée le 15 avril 1998 dans l'affaire IT-…

10 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre. Quelle est la pièce à

11 conviction?

12 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, nous n'avons pas la

13 cote de cette pièce à conviction jusqu'à aujourd'hui, même depuis la

14 déclaration liminaire, nous avons demandé le versement au dossier de cet

15 acte, de ce document.

16 Nous ne savons même pas s'il s'agit d'une pièce à conviction. Il s'agit

17 d'un document, d'un document de la Chambre, du Tribunal. C'est la raison

18 pour laquelle nous avons demandé l'assistance de la Chambre pour définir

19 le statut du document. Je ne sais pas si c'est un document qui fait partie

20 intégrante du dossier.

21 M. le Président: Mais ce document fait partie de l'ensemble des documents

22 qui ont fait l'objet d'échange entre le Procureur et la défense pour que

23 la Chambre puisse décider? Oui ou non? Fait-il partie de cet ensemble ou

24 non, ou est-ce un document nouveau?

25 Moi-même, je ne me rappelle pas avoir vu ce document.

Page 12610

1 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, il s'agit du

2 document, j'ai demandé au cours de tout le procès d'ailleurs de m'en

3 saisir et, comme je l'ai dit, depuis la déclaration liminaire, il s'agit

4 d'un document sur la base duquel Zigic a été arrêté, il a été transféré au

5 Tribunal. Je ne sais pas quelle est la cote…

6 M. le Président: Oui, mais vous avez présenté ce document dans vos

7 déclarations initiales? C'est ce que vous nous dites?

8 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, moi j'en ai parlé

9 oralement. J'ai parlé donc de ce document, j'ai parlé de la date, mais je

10 ne l'ai pas remis moi-même.

11 M. le Président: Je crois qu'à ce stade, nous ne sommes pas en condition

12 d'introduire de nouveaux documents. C'est la question que je vous pose. La

13 question, c'est que maintenant, nous sommes dans les arguments finaux,

14 nous n'en sommes pas à présenter des preuves. Je ne sais pas si vous vous

15 rendez compte de cela.

16 M. Stojanovic (interprétation): Monsieur le Président, nous souhaiterions

17 tout simplement présenter ce document en passant par le rétroprojecteur et

18 en même temps vous donner la teneur de ce document, donner lecture de ce

19 document.

20 M. le Président: De toute façon, je crois qu'il y a ici un aspect... Je

21 vais consulter mes collègues.

22 (Les Juges se concertent sur le siège.)

23 M. le Président: D'accord, Maître Stojanovic, vous pouvez continuer et

24 présenter le document.

25 M. Stojanovic (interprétation): Premier paragraphe, page 2 du document en

Page 12611

1 question...

2 M. le Président: Je crois que cela ne nous aide pas beaucoup, Maître

3 Stojanovic. Je crois que nous préférerions quand même avoir la version

4 anglaise sur le rétroprojecteur, non? Je ne sais pas...

5 M. Stojanovic (interprétation): Oui, nous venons donc de transmettre la

6 version anglaise pour le compte rendu, ce sera indispensable, et pour vous

7 Monsieur le Président, Madame la Juge, Monsieur le Juge.

8 (Le document est placé sur le rétroprojecteur.)

9 Par conséquent, dans ces décisions, premier paragraphe, il est libellé:

10 "Ayant entendu le Procureur, tout d'abord au sujet du fait que l'accusé

11 est en ce moment en détention à cause d'autres délits à Banja Luka,

12 Republika Srpska, en Bosnie-Herzégovine,

13 deuxièmement, qu'il est prêt à se rendre au Tribunal pour subir un procès,

14 troisièmement, que les autorités de la Republika Srpska sont prêtes à le

15 relâcher de sa détention provisoire dans le but de lui permettre de se

16 rendre aux membres du Bureau du Procureur,

17 quatrièmement, que les membres du Bureau du Procureur sont prêts à rendre

18 visite à Banja Luka afin d'arrêter l'accusé suite aux arrangements qui ont

19 été faits afin de permettre le transfert rapide de l'accusé au siège du

20 Tribunal à La Haye.".

21 Voilà, c'est comme cela que nous allons remercier l'huissier pour l'aide

22 qu'il nous a rendu. Je l'en remercie.

23 Eh bien, il en ressort de cette attitude globale de l'accusation

24 concernant la reconnaissance et la défense, si cette attitude est

25 acceptée, à ce moment-là la défense devrait en tirer un certain nombre

Page 12612

1 d'enseignements et transmettre son expérience aux futurs clients et à

2 toute autre personne intéressée.

3 Ceci veut dire que, pratiquement, on fait ressortir des dépositions de la

4 défense, uniquement des conclusions négatives alors que de nombreux

5 éléments de preuve positifs sont ignorés. On n'essaye même pas de les

6 mettre en question, ces preuves, et c'est la raison pour laquelle la

7 défense n'est pratiquement pas indispensable. Elle peut porter atteinte au

8 contraire, il ne faut même pas qu'il y ait une défense!

9 Mais nous sommes convaincus que l'attitude de l'accusation et la réponse

10 de la défense à une telle attitude est totalement erronée, au fond même.

11 Nous allons nous référer maintenant à un certain nombre de ce qui a été

12 dit dans le réquisitoire et les écritures de l'accusation. Par conséquent,

13 je vais citer les paragraphes 54, 114, 38 où il est dit que Zigic pourrait

14 être responsable, tout simplement parce qu'il a été garde à Keraterm.

15 Cependant, selon la déclaration de Zigic à laquelle se réfère, dans cette

16 partie de sa déclaration, même l'accusation, et d'après les déclarations

17 d'un certain nombre de témoins, Zigic avait des tâches à Keraterm pendant

18 les dix premiers jours du mois de juin 1992 et seulement pendant ces dix

19 premiers jours. A ce moment-là, les détenus ont été relâchés après avoir

20 été interrogés, et en grand nombre. Il a été permis, pendant ce temps-là,

21 d'apporter de la nourriture, d'autres articles indispensables aux détenus,

22 l'état au camp a été relativement bon et selon les déclarations, pardon

23 les dépositions des témoins de l'accusation, au cours de cette période, à

24 Keraterm, aucun meurtre n'a eu lieu. Comme ceci l'affirme le témoin

25 Abdulah Brckic, à cette époque-là il n'y avait pas de grands excès.

Page 12613

1 D'un autre côté, le fait même que quelqu'un ait été garde au camp ne

2 suffit pas pour l'accuser. De tels actes d'accusation devant le Tribunal,

3 devant le présent Tribunal n'existent même pas alors qu'il y avait

4 plusieurs gardes qui ont été cités en qualité de témoins. Ceci dit, Zigic

5 n'était même pas un garde, sa tâche était d'assurer l'approvisionnement en

6 utilisant la camionnette, ce qui est affirmé par le témoin DD/9, c'est la

7 page 10410, la ligne 6.

8 Etant donné qu'il avait une lésion au niveau de la main, une expérience de

9 chauffeur de taxi, ce n'était pas anormal que de lui assigner une telle

10 tâche. Ce n'était pas inhabituel.

11 Au paragraphe 62, deuxième page, écritures de l'accusation, on affirme que

12 les témoins AK, AJ et Emir Beganovic avaient témoigné du fait que Zigic

13 les avait appelés où ils se trouvaient dans la chambre Mujna et qu'il les

14 a emmenés jusqu'à la maison blanche où ils ont été passés à tabac. Il y a

15 même un certain nombre de pages dans le compte rendu où on en parle.

16 Cependant, ce n'est pas exact et notamment les témoins AK et Emir

17 Beganovic n'avaient pas dit que c'est Zigic qui les a appelés et qui les a

18 escortés à la maison blanche. Et ceci ne figure même pas dans le compte

19 rendu!

20 Au paragraphe 79, l'accusation avance la thèse selon laquelle il suffit,

21 pour que quelqu'un soit responsable, que la personne soit présente sur les

22 lieux d'événements. Mais c'est quelque chose qui n'a pas été adopté dans

23 la pratique. Il y a un certain nombre d'exceptions uniquement quand il

24 s'agit de la responsabilité du commandant. Et même si la présence

25 constitue un encouragement pour quelqu'un de commettre un crime, ceci

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1 n'est pas suffisant pour condamner, incriminer celui qui est présent. Tout

2 premièrement, il est indispensable que le présent agisse en vertu du mens

3 rea. Eh bien, jusqu'à quel point mens rea du présent est essentiel? On

4 peut en conclure également que même celui qui dort peut être considéré

5 comme étant présent. Ou bien il est assoupi quelque peu, il ne remarque

6 pas ce qui se passe autour de lui. Il peut s'agir éventuellement de

7 quelqu'un qui peut être dangereux pour la victime, mais nous sommes d'avis

8 que dans de telles circonstances, on ne peut pas parler de manière

9 sérieuse de la responsabilité de la personne présente.

10 D'un autre côté, ceci voudrait dire également que la personne présente,

11 pour qu'il ne soit pas considéré comme coupable, donc qu'on exclut sa

12 culpabilité, qu'il serait indispensable qu'il s'enfuie des lieux du crime.

13 L'accusation devrait répondre à cette question-là et nous dire d'où vient

14 son obligation que de fuir et notamment quand il s'agit d'une personne qui

15 occupe un poste très précis où il faut qu'il reste.

16 Est-ce qu'un homme ivre et malade qui est présent doit fuir afin d'éviter

17 la responsabilité? Même s'il lui est difficile de se déplacer?

18 Enfin, la personne présente, même si elle est éveillée, peut même ne pas

19 remarquer tout ce qui se passe autour d'elle, surtout ne pas remarquer

20 tous les détails importants, et surtout si elle n'est pas intéressée par

21 cela ou si elle est en train de faire autre chose.

22 Dans le cas présent, la présence même à l'événement n'a pas été constatée

23 et est contestable. Est-ce que la personne présente est seulement la

24 personne qui est le témoin oculaire ou bien aussi celui qui n'est pas le

25 témoin oculaire et qui se trouve à proximité? Est-ce que celui qui se

Page 12615

1 trouve à une distance de 3 mètres, 10 mètres, 100 mètres est la personne

2 présente ou pas? Etc., etc.

3 Dans le paragraphe 84 du même mémoire de l'accusation, il est stipulé que

4 Zigic était un policier de réserve au moment où il tabassait prétendument

5 le témoin T. Cependant, dans ce même mémoire final, référence est faite à

6 la déclaration de Zigic selon laquelle il était membre de la police de

7 réserve jusqu'au 10 juin 1992 et que le témoin T a été passé à tabac

8 environ entre la date du 15 et du 17 juin 1992. La défense ne conteste pas

9 non plus ces dates approximatives. D'ailleurs, le témoin T dit que:

10 "Zigic, à savoir la personne qui l'a passé à tabac, portait un uniforme

11 militaire et non pas de police". La défense en a d'ailleurs parlé en

12 détail dans son mémoire final.

13 Dans le paragraphe 101 du mémoire final de l'accusation, l'accusation

14 exprime l'attitude selon laquelle la doctrine du dessein commun est

15 reconnue de manière implicite dans les codes pénaux de l'ex-Yougoslavie et

16 fait référence à la déposition du témoin, de l'expert Boro Cejovic.

17 Cependant, ceci est loin de la vérité. Le Pr Cejovic a parlé des

18 associations criminelles en tant qu'une forme de complicité. Il s'agit là

19 d'ailleurs des vestiges de l'application du modèle soviétique qui ont été

20 abandonnés dans la pratique et qui ne figurent même pas dans le projet du

21 nouveau Code pénal de la République Fédérale de Yougoslavie.

22 Ceci peut être semblable au dessein commun, tout comme toute forme de

23 complicité peut contenir l'un ou l'autre des éléments de cette doctrine,

24 mais une similitude dans le Code pénal ne signifie rien en soi et, en tant

25 que norme, est d'habitude préjudiciable. Ceci vaut pour la situation à

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1 laquelle l'on condamne par analogie quelqu'un à cause des délits qui sont

2 semblables aux délits prévus par la loi en tant que délits criminels.

3 Sur la base des institutions semblables, il est possible de conclure soit

4 que quelqu'un est un meurtrier, soit qu'il ne l'est pas.

5 Mais si référence est faite aux solutions issues du droit de l'ex-

6 Yougoslavie, la question la plus importante qui se pose est de savoir si

7 cette institution pourrait s'appliquer à l'affaire, au cas concret de

8 l'accusé Zigic. La réponse est certainement que non et c'est pour cela que

9 le Procureur n'essaie même pas de fournir une réponse à cette question

10 clé.

11 Le paragraphe 225 du mémoire porte sur le meurtre de Becir Medunjanin et

12 est corroboré par ce que stipule la note en bas de page n°468 dans

13 laquelle il est écrit que le témoin T a déposé que Fadil Avdagic avait été

14 présent le premier jour lorsque Becir Medunjanin a été tabassé, et

15 référence est faite aux pages du transcript du compte rendu d'audience.

16 Cependant, dans le compte rendu d'audience, il n'est nullement écrit que

17 Fadil Avdagic était présent seulement le premier jour, l'accusation a

18 inventé et infiltré cela.

19 D'après notre estimation, ceci a été fait à cause du fait que Fadil

20 Avdagic a décrit Zigic de manière tout à fait erronée. Donc afin d'écarter

21 les conséquences de sa déposition extrêmement défavorable pour

22 l'accusation à l'encontre de Zigic sur le meurtre de Becir Medunjanin, on

23 essaie de le présenter comme témoin oculaire du premier passage à tabac

24 seulement et non pas de ceux qui ont suivi et qui ont provoqué la mort de

25 Medunjanin.

Page 12617

1 Dans le paragraphe 230 du mémoire final de l'accusation, on décrit le

2 meurtre Hankin Ramic et ce, exclusivement sur la base de la déposition du

3 témoin Azedin Oklopcic. Par ailleurs, Oklopcic affirme que l'auteur de ce

4 meurtre est Zeljko Timarac alors que l'accusation, dans son réquisitoire,

5 fait oralement dans ce prétoire, complètement de manière contraire à son

6 mémoire final, ne mentionne que Zigic, sans aucune explication d'ailleurs.

7 Pourquoi et quel est le but du Procureur lorsqu'il fait cela? Nous ne le

8 savons pas.

9 Qui plus est, le meurtre de Becir Medunjanin est entièrement enlevé de la

10 déposition du témoin Azedin Oklopcic et décrit dans d'autres paragraphes

11 d'une manière qui est complètement différente par rapport à ce que ce

12 témoin avait dit au sujet de cela. En effet, Azedin Oklopcic n'est même

13 pas mentionné à l'égard du meurtre de Medunjanin, alors que le témoin

14 Azedin Oklopcic qui a été cité à la barre par l'accusation a par ailleurs

15 décrit en détail les meurtres de Hankin Ramic et de Becir Medunjanin en

16 tant qu'un seul événement qui s'est déroulé en même temps dans le même

17 lieu.

18 Cependant, le témoin a dit que Zigic n'a pas tué Medunjanin et il

19 semblerait que c'était la raison pour laquelle, lors de la description

20 d'un seul événement décrit par ce témoin, on procède à une intervention

21 chirurgicale artificielle, pour ainsi dire.

22 Cela dit, dans ce paragraphe et dans le paragraphe suivant, Zigic n'est

23 pas mentionné en tant qu'auteur, et le meurtre de Hankin est reproché à

24 Kvocka, avec la motivation indiquant que l'accusé Kvocka savait que des

25 personnes dangereuses et violentes venaient souvent à Omarska et

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1 maltraitaient les détenus. Et dans la note en bas de page 477, il est

2 écrit que les témoins AK et J avaient déclaré que Kvocka était présent

3 lorsqu'un groupe de personnes, parmi lesquelles l'accusé Zigic aussi, est

4 entré dans le camp et maltraitait les détenus.

5 Une telle formulation crée l'apparence fausse selon laquelle on pourrait

6 conclure que Zigic se trouvait souvent à Omarska. Cependant, sur la base

7 des déclarations des témoins auxquels se réfère l'accusation, il est

8 possible de voir qu'ils ont vu une seule fois Zigic à Omarska, même s'ils

9 y avaient passé une période de temps extrêmement longue, et ce non pas à

10 l'occasion lors de laquelle Hankin a été tué, mais à une autre occasion.

11 Au paragraphe 239, l'on insère la responsabilité également en raison de la

12 torture et du comportement brutal vers Abdulah Brkic alors que ceci ne

13 figure pas dans l'Acte d'accusation.

14 Dans ce même paragraphe, dans la note en bas de page 490, on met dans la

15 bouche du témoin AK la déclaration selon laquelle Zigic aurait appelé Emir

16 Beganovic, le témoin AK, Seska Setanovic et le témoin AJ, alors que le

17 témoin AK ne l'a pas dit.

18 Après cela, dans ce même paragraphe, nous trouvons, nous devons dire cela

19 comme une invention puisque le Procureur ne trouvait pas de motivation

20 expliquant la torture du témoin AK qui avait déclaré qu'il ne savait pas

21 pourquoi Zigic l'avait tabassé. Il fallait fabriquer ce motif sur la base

22 d'une contrevérité. Nous citons le texte du Procureur: "A un moment,

23 pendant qu'il tabassait les détenus, l'accusé Zigic a commencé à hurler en

24 disant que les détenus avaient tué l'ensemble de sa famille et 'nous

25 allons vous faire la même chose'.".

Page 12619

1 Et dans la note en bas de page 495, il est indiqué que c'est le témoin AK

2 qui avait déclaré cela à la page 2035 du compte rendu d'audience. Ensuite,

3 dans le paragraphe 242…

4 M. le Président: Excusez-moi de vous interrompre, mais êtes-vous en train

5 de terminer un point ou est-ce que ce serait le bon moment de faire une

6 pause pour vous?

7 M. Stojanovic (interprétation): Si vous me le permettez, Monsieur le

8 Président, je vais terminer en ce qui concerne ce détail. Je souhaite

9 terminer peut-être encore une minute ou deux et ensuite il me restera

10 environ une heure.

11 Ensuite, dans le paragraphe 242, s'agissant du même crime, on mentionne

12 que lorsque Zigic dit: "Nous allons faire la même chose à vous aussi",

13 ceci constitue l'intimidation des victimes puisqu'ils sont les Musulmans.

14 On représente donc les choses comme si Zigic se vengeait à cause de ce que

15 les Musulmans lui avaient fait à lui, ce qui pourrait constituer

16 effectivement un élément de la torture.

17 Cependant, dans le texte réel du compte rendu d'audience portant sur cet

18 événement, il est écrit que le témoin AK avait dit que Zigic aurait soi-

19 disant dit qu'ils avaient tué l'ensemble de la famille de Slavko Ecimovic

20 qui se trouvait lui aussi dans la maison blanche et qu'il allait faire la

21 même chose au témoin aussi. Ceci se trouve à la page 2035, lignes 15 à 22

22 du transcript, du compte rendu d'audience.

23 Sur la base d'une telle déclaration, déjà on ne voit plus l'existence de

24 l'élément nécessaire pour la torture et il est connu également que Slavko

25 Ecimovic n'était pas un Musulman. Donc si l'on représentait la situation

Page 12620

1 de manière conforme à la vérité, il n'était pas possible de renforcer

2 l'argument portant sur la prétendue persécution effectuée par Zigic à

3 l'encontre des Musulmans.

4 Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, le paragraphe suivant

5 porte sur cela d'une certaine manière également, mais je pense que nous

6 pouvons néanmoins procéder à une pause maintenant.

7 M. le Président: Oui je crois qu'il est préférable de faire la pause sinon

8 nous avons une période très longue de travail suivi d'une courte. Il faut

9 diviser et faire la pause. Nous allons donc faire une pause de 50 minutes.

10 (L'audience, suspendue à 12 heures 57, et reprise à 13 heures 55.)

11 (Les accusés regagnent le prétoire.)

12 M. le Président: Veuillez vous asseoir. Donc Maître Stojanovic, vous avez

13 la parole pour continuer votre plaidoirie.

14 M. Stojanovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président, Madame la

15 Juge, Monsieur le Juge. Je vais tout de suite poursuivre donc là où je me

16 suis arrêté tout à l'heure.

17 En corroborant à cette même mise en accusation dans le mémoire de clôture

18 de l'accusation, paragraphe 240, on affirme que le témoin AI a dit qu'il

19 avait vu Kvocka au moment où Zigic a appelé Asef, Kiki, Rezak et Began et

20 que ceci figure aux pages 2150 et 2152 du compte rendu. Ceci n'est encore

21 pas vrai et, par nature même, ceci peut être considéré comme intentionnel

22 car, dans le compte rendu, nulle part il n'est marqué que ce témoin avait

23 appelé, ce témoin n'a dit que c'était Zigic qui avait fait l'appel et, au

24 cours du contre-interrogatoire, ce témoin a donné une description tout à

25 fait différente de la personne qui avait fait l'appel, et qui ne

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1 correspondait absolument pas à la personne de Zigic.

2 Lors du réquisitoire, l'accusation a sorti du contexte de l'événement, a

3 [expurgée]et Becir

4 Medunjanin dans le contact entre Zigic et Brkic, au cours duquel Zigic a

5 fait pression sur Brkic d'écrire qu'il est le Président du SDA à Puharska,

6 ce qui arrange l'accusation. Par conséquent, quand je dis "arrange

7 l'accusation", je le dis d'une façon certaine étant donné que nous

8 considérons bien évidemment que de vouloir incriminer, condamner quelqu'un

9 qui est innocent n'est certainement pas ce que l'accusation recherche.

10 Cette interprétation par conséquent est extrêmement importante à l'heure

11 actuelle et c'est la raison pour laquelle nous attirons votre attention

12 sur ce détail [expurgée], étant donné que la

13 défense prétend que l'autre partie peut ne pas lire les comptes rendus ou

14 ces éléments de preuve qu'elle avait avancés.

15 Au paragraphe 388, il a été question de persécutions de Zigic non

16 seulement à l'égard des Musulmans de Bosnie mais également des Croates et

17 des non-Serbes en général. En ce qui concerne les Croates, nous savons

18 qu'il n'a pas été question de Zigic, même pas dans les annexes D, qu'il

19 n'y a même pas un seul Croate dont il a été question. Bien évidemment,

20 question que nous pouvons nous poser: si Drago Tokmadzic, avec lequel

21 Zigic n'a rien à voir, était croate ou non. Mais en ce qui concerne les

22 témoins qui sont venus témoigner en faveur de Zigic, il y en avait quatre

23 qui étaient des Croates. Il s'agit de Sikic Ivica, de Dejanovic Danilo, de

24 Ivankovic Mile et de Kroca Drazen qui ont parlé en termes favorables de

25 Zigic et de ses rapports avec les Croates.

Page 12622

1 En ce qui concerne d'autres non-Serbes, dans le dossier il n'y a pas de

2 preuves contraires. Il ne faut pas oublier non plus Music Kanendenka, qui

3 est d'Ukraine, (expurgé). Tous les deux ont dit que Zigic

4 avait une relation, une attitude extrêmement favorable à l'égard d'autres

5 nations.

6 Au paragraphe 393 du mémoire de clôture concerne l'attitude de

7 l'accusation concernant l'événement qui a eu lieu avec le "Kum" de Zigic,

8 Hasan Karabasic, et son interprétation ici ne fait pas honneur à

9 l'accusation, en aucun cas.

10 Comme l'accusation l'affirme dans ce paragraphe: "Cet incident a eu lieu à

11 l'extérieur du camp de Trnopolje, quelque part à l'extérieur". (Fin de

12 citation.).

13 Ensuite, il y a une note en bas de page 665, avec une mention en marge que

14 ceci a été dit, relaté, par le témoin V et que ceci figure à la page 3746

15 du compte rendu.

16 Ceci dit, tout ce que le témoin V avait relaté sur ce fait, par conséquent

17 le même, est marqué sur le compte rendu 3728, lignes 8 à 11, et je cite

18 l'original:

19 "-Question: Vous avez décrit l'incident à Trnopolje avec Hasan Karabasic.

20 Pourriez-vous nous dire, généralement parlant, où cela s'est passé? Dans

21 le cadre de Trnopolje, à l'extérieur ou à l'intérieur? Quelle partie?

22 -Réponse: C'était à l'extérieur, c'était en face du café.". (Fin de

23 citation.)

24 Par conséquent, le témoin V a dit de manière explicite que l'incident a eu

25 lieu en dehors du camp de Trnopolje alors que l'accusation dans son

Page 12623

1 mémoire de clôture, se référant justement à cette même déclaration, essaie

2 de nous tromper ici et de dire que le témoin en question avait dit que

3 l'incident avait eu lieu au camp, alors qu'il s'agit d'une circonstance

4 décisive très importante et ceci sous plusieurs aspects.

5 Au paragraphe suivant, on cite que Zigic a pratiqué la torture sur Asan

6 Karabasic, ce qui n'a aucun fondement. On ne voit même pas ce qu'il a

7 voulu de son "Kum".

8 Aux paragraphes 396, 397 et 398, on donne la description d'un éventuel

9 événement avec Zijad Krivdic, et au paragraphe 397 on demande, on exige la

10 responsabilité de Zigic en vertu de l'Article 7.1 du Statut et la mise en

11 accusation à cause du crime d'outrage à la dignité de la personne contre

12 Zijad Krivdic.

13 Cependant la défense, concernant cet événement, ne veut même pas s'avancer

14 de manière sérieuse et parler de cet événement comme elle ne l'a toujours

15 pas fait car Zigic n'a pas été incriminé pour un acte quelconque à

16 l'encontre de Zijad Krivdic. Ceci ne fait pas l'objet de l'Acte

17 d'accusation et encore moins des annexes D. Par conséquent, l'accusation

18 maintient que Zigic est responsable pour un acte criminel pour lequel

19 Zigic n'a pas été incriminé. C'est la raison pour laquelle nous

20 considérons qu'il ne faut même pas le défendre.

21 Au moment du réquisitoire, l'accusation maintient que Zigic a fusillé cet

22 homme et qu'il lui a enlevé une partie du crâne. Il ne faut pas oublier

23 ici que l'accusation a proposé cet homme, Zijad Krivdic, comme témoin à

24 citer pour duplique, comme un homme en bonne santé psychique et

25 généralement parlant, et ceci a été fait le mois dernier.

Page 12624

1 En ce qui concerne le meurtre de Becir Medunjanin, on en parle aux

2 paragraphes 409 et 410 du mémoire de clôture. Ce qui est intéressant à

3 constater, c'est que là, un des arguments importants qui a été cité est la

4 déclaration de Fadil Avdagic selon laquelle Dusa, dans la maison blanche,

5 par un coup de pied, a cassé le nez de Becir Medunjanin et c'est alors que

6 Zigic et Dusa ont ri quand ils ont vu cette lésion.

7 Pour ce qui concerne la défense, nous devons dire que nous ne sommes pas

8 au clair si l'accusation, dans le cas concret, suit les déclarations

9 d'autres témoins, tout premièrement du témoin T, ou bien essaie de placer

10 devant la Chambre des choses qui ne peuvent pas être placées, qui ne

11 peuvent pas être avancées. Dusa a brisé le nez de Medunjanin déjà dans la

12 caserne et avec le nez brisé, il s'est rendu à Omarska, comme ceci a été

13 relaté par le témoin T, alors que tous les autres témoins qui ont parlé de

14 cet événement ont prétendu qu'il s'était rendu à Omarska avec le nez

15 brisé, alors que Fadil Avdagic a dit qu'avant ce coup donné par Dusa dans

16 la maison blanche, le nez de Becir Medunjanin se présentait normalement,

17 et dont la défense a parlé en détail dans son mémoire de clôture.

18 Ce qui est une ironie la plus grande, c'est que quand il s'agit de quelque

19 chose qui n'est pas une vérité et que l'accusation aurait dû le remarquer,

20 l'accusation tout au contraire fonde cette circonstance non atténuante sur

21 le fait qu'il y avait une satisfaction perverse au moment où il y a eu ce

22 passage à tabac du prisonnier, et l'accusation l'examine à fond, ce

23 détail, au paragraphe 514 et notamment dans la note en bas de page 968.

24 A ce moment-là, la défense va attirer votre attention sur une partie fort

25 importante du document, il s'agit des déclarations des témoins, et ceci en

Page 12625

1 vertu de l'Article 73 bis B) iv) du 17 septembre 1999 signé en premier par

2 M. Grant Niemann, à cette époque-là conseil au Bureau du Procureur, et sur

3 les pages 49 à 55 (version BCS), il y a des déclarations qui sont

4 présentées en résumé de quatre témoins qui ont été proposés par le Bureau

5 du Procureur, et ceci en relation avec l'incrimination pour le meurtre de

6 Becir Medunjanin.

7 Mais avant ces déclarations, il y a un commentaire et nous tenons à le

8 citer. Je cite donc: "Dans aucune de ces déclarations, on ne mentionne

9 Zigic en tant que participant dans les parenthèses si je vois bien, étant

10 donné que Zigic n'avait pas un rôle de supérieur, je ne vois pas comment

11 pouvons-nous l'incriminer pour ce meurtre, pour ce décès sans avoir des

12 preuves qu'il y ait participé. Si les enquêteurs ne présentent pas un peu

13 plus d'éléments de preuve, je considère que nous n'avons aucune autre

14 possibilité que d'expurger tout cela de cette partie comme ceci se

15 rapporte à Zigic et d'incorporer cela dans l'Acte d'accusation général

16 contre Kvocka et alias, étant donné que ceci a eu lieu à Omarska, et sans

17 qu'il y ait d'autres preuves nous serions obligés d'expurger tout ceci de

18 cette partie". (Fin de citation.)

19 Par conséquent, nous nous posons la question pourquoi et sur la base de

20 quoi nous sommes arrivés alors que Zigic soit mis en accusation pour le

21 meurtre de Becir Medunjanin. Il s'agit d'une requête de 1999 alors que

22 l'Acte d'accusation date d'avant. Nous nous posons la question par

23 ailleurs pourquoi faut-il qu'une telle incrimination soit justifiée sans

24 choisir les moyens?

25 Pour ce qui concerne une interprétation erronée, fausse de la déclaration

Page 12626

1 du témoin DD/9 au paragraphe 411 qui se veut d'incriminer l'accusé Zigic

2 pour le meurtre de Drago Tokmadzic, il a été question dans notre mémoire

3 écrit de manière détaillée étant donné que l'interprétation a été

4 totalement erronée, l'interprétation de la déclaration du témoin. Il

5 s'agit des pages de l'accusation du 11 juillet 2002. (?)

6 L'accusation a accepté cette objection de la défense et nous a présenté

7 ses excuses à cause de l'erreur qui s'est glissée dans ce document, dans

8 cet acte. Quelqu'un aurait pu dire: "Eh bien, nous l'acceptons, nous

9 l'acceptons au point auquel l'accusation accepte les excuses de Zigic à

10 [expurgée]".

11 Cependant, la question que nous nous posons ici, c'est de savoir si

12 l'accusation aurait pu éventuellement présenter ses excuses une dizaine de

13 fois, à cause d'autres erreurs qui ont été faites intentionnellement. Nous

14 laissons à la Chambre cette tâche, fort malheureuse et triste, de relever

15 d'autres erreurs.

16 Il aurait été beaucoup mieux si on avait procédé à un certain nombre de

17 corrections à cette époque-là et pas uniquement quand il s'agissait des

18 erreurs sur lesquelles la défense a attiré l'attention de l'accusation.

19 Après la déclaration d'avant-hier des représentants du Bureau du

20 Procureur, selon lesquelles les témoins Ivica Zigic et Soka Zigic avaient

21 donné à Zigic leur voiture, leurs armes et leurs fils pour piller Edin

22 Ganic, nous nous voyons dans l'obligation de demander auprès de la Chambre

23 d'instance la protection aussi bien des témoins à cause de telles

24 tentatives sans scrupule et de telles pressions sans scrupule.

25 Tout compte fait, nous considérons que de demander la peine de prison à

Page 12627

1 vie sur la base d'un certain nombre d'éléments de preuve qui n'ont pas été

2 correctement lus, entendus ou sur la base du compte rendu qui a été

3 inventé ou plutôt la teneur inventée, pourrait être traité comme quelque

4 chose d'horrible et de terrifiant.

5 Il y a une exception dans le cadre duquel l'accusation se réfère à un

6 certain nombre d'éléments de preuve de la défense et l'exception se

7 rapporte au paragraphe 416 du mémoire de clôture de l'accusation où l'on

8 affirme que Zigic, au cours de la nuit du 24 juillet 1992, n'a pas été au

9 barbecue chez lui, mais qu'à 21 heures il était à l'hôpital à Prijedor, et

10 qu'il a passé à tabac Omer Karadzic -et on se réfère à la pièce à

11 conviction qui est une demande pénale qui a été introduite.

12 Cependant, cette pièce ne peut pas être considérée comme une pièce à

13 charge étant donné que Zigic n'a jamais été poursuivi pour un tel acte,

14 mais ce qui est important ici de dire c'est autre chose et c'est beaucoup

15 plus important.

16 Tous les témoins d'alibi ont dit qu'ils se sont réunis dans la maison ou

17 dans la cour de Zigic, plutôt de ses parents, quelque part autour de 22

18 heures.

19 Deuxièmement, les témoins qui, avant ce moment même, avaient vu Zigic

20 affirmer qu'à plusieurs reprises il avait quitté la maison, il avait

21 quitté la cour mais pour peu de temps, et ceci d'après ce qu'ils nous ont

22 dit pour aller chercher de la nourriture et des boissons.

23 Troisièmement, l'hôpital se trouve à 500 mètres environ par rapport à la

24 maison de Zigic et ceci en direction de la ville, par conséquent, à

25 l'opposé de Keraterm et de cette direction qui mène à Keraterm. Ce qui

Page 12628

1 veut dire en d'autres termes qu'elle est éloignée pratiquement par la même

2 distance par rapport à Keraterm.

3 Même si Zigic, après l'hôpital, s'était acheminé vers Keraterm, il aurait

4 été obligé de passer à côté de chez lui, de sa maison, dans tous les cas.

5 Un certain nombre d'événements, même s'ils s'étaient produits, et qui ont

6 eu lieu à 500 mètres de la maison de Zigic et à l'opposé de Keraterm,

7 autour de 21 heures, ne peuvent pas ne pas avoir en vue cet alibi qu'il

8 était resté auprès du barbecue depuis 22 heures du soir jusqu'à 4 heures

9 du matin, et si Zigic était à l'hôpital à ce moment-là, il n'aurait pas pu

10 être à Keraterm.

11 Ceci dit, il est peut-être encore beaucoup plus important de souligner ce

12 que l'accusation -même si elle avait de nombreuses occasions pendant le

13 procès- a manqué de vérifier ces doutes, lors du contre-interrogatoire des

14 témoins de la défense, alors que maintenant le résultat de ce qui n'a pas

15 été fait, les conséquences de ce qui n'a pas été fait, est maintenant

16 avancé devant cette Chambre et on essaie de les placer.

17 Au paragraphe 418, l'accusation demande que Zigic soit incriminé pour la

18 torture et un comportement brutal à l'égard de Fadil Avdagic ou de Alif

19 Nijak, mais comment y procéder si de tels actes ne figurent pas dans

20 l'Acte d'accusation?

21 Paragraphe 428, on évoque que Zigic avait mis le couteau sous la gorge

22 d'Edin Ganic, et que soi-disant cela a été dit par Edin Ganic, pages 5912

23 jusqu'à 5913 du compte rendu, et pour ce qui concerne Husein Ganic, ceci

24 figure à la page 5770.

25 Cependant, même s'il s'agit ici du père et du fils qui vivent ensemble,

Page 12629

1 travaillent ensemble, leurs déclarations présentent des différences dans

2 ce détail et des différences assez importantes.

3 Husein Ganic affirme que Zigic l'avait fait sortir vers la fin de

4 l'enceinte et que lui-même ainsi qu'un groupe d'autres personnes avaient

5 emmené son fils également à côté de lui et qu'elle lui a fait subir des

6 mauvais traitements. Il s'agit de la page 5762 alors que Edin Ganic

7 maintient qu'il a été emmené dans la chambre de son père où il a été

8 installé -ce qui est tout à fait de l'autre côté de Keraterm-, et que

9 c'est là-bas qu'on lui a fait subir des mauvais traitements.

10 Cependant, tant que Edin Ganic affirme que Zigic lui a mis le couteau sous

11 la gorge devant son père Husein et que Husein a prié Zigic de ne pas tuer

12 Edin, compte rendu 5912 et 5913, Husein Ganic ne mentionne pas du tout cet

13 événement et il ne s'en souvient même pas. Le père qui, soi-disant, se

14 souvient de tout alors qu'il ne se souvient pas uniquement que c'est

15 devant lui qu'on avait mis un couteau sous la gorge et qu'il avait demandé

16 de ne pas tuer son fils.

17 Par conséquent, Husein Ganic n'a pas dit ce à quoi l'accusation se réfère,

18 ce qui peut représenter une fois de plus une tentative du Procureur de

19 corriger entre guillemets de manière illégale les contradictions entre les

20 témoins de l'accusation.

21 L'accusation a préparé pour les dépositions les témoins qu'ils ont cités à

22 là barre. Cependant, leurs déclarations qu'ils ont données, ici même, dans

23 le prétoire, devant la Chambre, sont souvent faussées, et ceci également

24 l'accusation le fait avec les dépositions, les témoignages des témoins de

25 la défense.

Page 12630

1 C'est la raison pour laquelle la défense se pose la question, et de

2 manière très claire: comment, à ce moment-là, l'accusation prépare les

3 témoins pour leurs témoignages ici dans le prétoire?

4 Au cours de son exposé, l'accusation exploite notamment la déclaration de

5 Dusko Sikirica, l'accusé pour le génocide et autres actes dans l'affaire

6 Keraterm, déclaration qui incrimine, charge Zigic mais pas pour un acte

7 très précis. Cette déclaration est datée du 4 juillet 1992 et elle figure

8 comme pièce à conviction 3/249.

9 S'il s'agit véritablement d'un document authentique, nous avons à dire le

10 suivant: si nous nous souvenons de la déclaration du témoin Dusanka

11 Andjelkovic, chef de Keraterm, Zivko Knezevic a été très fâché au moment

12 où il a appris la mort de son collègue Drago Tokmadzic et quand il a vu

13 qu'il était mort, il a dit devant ce témoin qu'il avait ordonné que les

14 prisonniers ne doivent pas être passés à tabac.

15 Il a par conséquent probablement demandé le rapport de son chef de

16 sécurité, Dusko Sikirica, et celui-ci, pour cacher ses propres démarches

17 et le comportement des gardes auxquels il était supérieur, a essayé de

18 présenter que pour tout ce qui a été fait "ceux de l'extérieur sont

19 incriminés coupables et pas lui ni aucun de ses gardes".

20 Dans son rapport, tout premièrement, il n'y figure pas, alors qu'il a été

21 accusé pour avoir fusillé, violé, etc., depuis les premiers temps de

22 Keraterm. Par conséquent, si c'est vrai, à ce moment-là, Sikirica ne

23 devrait pas être incriminé du tout.

24 Deuxièmement, il n'existe pas dans ce document des gardes de Sikirica des

25 frères Banovic. Par conséquent, si ce document est exact, à ce moment-là,

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1 eux non plus ils n'auraient pas dû être incriminés alors qu'ils le sont.

2 Dans ce rapport, on n'en parle pas, mais beaucoup de témoins en parlent

3 quand il s'agit du meurtre de Emsud Baronic, de Sead Jusufagic surnommé

4 "Car", un certain nombre d'Albanais, Drago Tokmadzic et autres.

5 Il n'y a pas encore les deux autres gardes auxquels Sikirica était

6 supérieur et dont le témoin DD/4, garde lui aussi, sur la page du compte

7 rendu 10567 ligne 16.

8 On parle concernant le meurtre de Drago Tokmadzic, au lieu de parler de

9 tous ces gardes, au lieu de parler de lui-même, Sikirica mentionne Zigic

10 qui, pendant les 15 jours qui ont précédé cet acte, a été malade. C'est la

11 raison pour laquelle on a été obligé de l'hospitaliser. Par la suite, il a

12 été en prison.

13 Mais, même si Sikirica ici se réfère à un certain nombre d'objections et

14 de commentaires de ses propres gardes, les témoins DD/6, DD/4, DD/7 et

15 DD/9 également, qui étaient bien ses gardes à Keraterm, ne savent rien,

16 strictement rien là-dessus. Il ne se sont pas plaint à Sikirica de Zigic.

17 Revenons un petit moment sur la déclaration de l'accusation selon laquelle

18 aucun des accusés ne s'est repenti, qu'il n'a pas dit qu'il déplorait tout

19 ce qui s'était passé à Prijedor. Ceci a été diffusé, divulgué dans

20 l'opinion publique. Avant-hier soir, TV de Bosnie-Herzégovine a diffusé un

21 rapport de La Haye, d'autres maisons de TV de l'ex-Yougoslavie l'ont fait

22 même en dehors et l'accent a été mis sur le réquisitoire de l'accusation

23 et notamment sur le fait qu'aucun des accusés ne s'est excusé, ne s'est

24 repenti pour les événements qui ont eu lieu à Prijedor en 1992. On a

25 transmis également qu'aucun des accusés ne s'est remis bénévolement. Dans

Page 12632

1 le quotidien Oslobo Denje d'aujourd'hui même, avec un plus grand tirage en

2 Bosnie-Herzégovine, page 5 je le pense, il est dit que l'on a évoqué, par

3 ailleurs, un certain nombre de dires de l'accusation, une fois de plus

4 qu'aucun des accusés n'a présenté des excuses, n'a dit qu'il déplorait ce

5 qui s'était passé, qu'ils ne se sont pas repentis, etc. Il y a également

6 des photos de quatre accusés parmi lesquelles également l'accusé Zigic.

7 C'est la raison pour laquelle il faudrait rappeler, non seulement à la

8 Chambre bien évidemment qui, nous en sommes convaincus, se souvient bien

9 de ce que je vais dire, mais également dans l'intérêt d'empêcher une

10 désinformation qui est placée dans le public, l'accusé Zigic, dans sa

11 déclaration et en vertu de la règle 84 bis, a déploré profondément et a

12 présenté ses excuses à tous les Musulmans qui considèrent que d'une façon

13 ou d'une autre ils ont été lésés dans leurs droits par ses propres

14 comportements et par sa propre attitude. Ceci est vrai notamment quand il

15 s'agit de [expurgée]envers lequel Zigic, dans ses déclarations, a

16 présenté toutes ses excuses de manière publique. Il a dit son repentir

17 également, y compris son comportement à l'égard de Sead Jusufagic,

18 surnommé "Car", en disant que jamais il n'aurait redit ou refait.

19 Ce Tribunal a été mis en place pour contribuer à la réconciliation des

20 peuples des régions de l'ex-Yougoslavie et si l'on place de telles

21 désinformations par les bons soins du Bureau du Procureur, je crois que

22 l'on contribue à l'objectif inverse. Nous ne demandons donc de savoir

23 quelle va être [expurgée]et autres lorsqu'ils

24 apprendront que Zigic n'a pas présenté d'excuses du tout alors que Zigic,

25 au contraire, l'a fait de façon sincère et publique avec un repentir des

Page 12633

1 plus profonds.

2 L'accusation, s'agissant de la déclaration susmentionnée de l'accusé

3 Zigic, qui n'est pas très grande, s'est servie à plusieurs reprises de

4 cette déclaration et n'avait certes pas perdu de vue ses excuses et son

5 repentir. Mais l'accusation a toutefois placé des mensonges dans l'opinion

6 publique, ce qui peut créer une espèce de pression exercée par l'opinion

7 publique sur la Chambre de première instance. La défense est toutefois

8 convaincue que la Chambre de première instance réagira de la bonne façon.

9 En tout état de cause, cette brève intervention verbale de la défense,

10 ici, a pour objectif l'élimination des torts que le Bureau du Procureur a

11 occasionnés par les désinformations transmises en direction de l'opinion

12 publique et ce, de façon injustifiée.

13 La troisième partie, comme je l'avais déjà annoncée, constituerait un bref

14 résumé de ce procès tel que l'a vu y compris la défense.

15 Un matin vers les débuts de ce procès, dans un hôtel à La Haye, j'ai été

16 réveillé par une pensée, à savoir celle que la police pourrait fort bien

17 venir me mettre aux arrêts sous l'inculpation aux termes de laquelle,

18 pendant une période de quelque deux mois, j'aurais tué par exemple un

19 certain Jan Timan à Beverwike. Je suis emmené vers un juge d'instruction

20 qui affirme que Jan Timan a disparu et que deux témoins, on pourrait dire

21 même cinq, auraient dit m'avoir vu l'avoir fait.

22 Il est tout à fait possible de trouver des gens de ce genre étant donné

23 que j'ai rédigé pas mal d'articles critiques véhéments dans la presse et

24 dans des revues scientifiques contre bon nombre de personnes puissantes et

25 d'institutions puissantes. "Mais je ne connais aucun Jan Timan et ne sais

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1 pas du tout où se trouve Beverwike, je ne suis jamais allé là-bas et je

2 n'y connais personne" m'imaginé-je en train de dire au Tribunal. Et ce

3 Tribunal me renvoie alors vers des témoins à moi qui viendraient contester

4 l'acte d'accusation.

5 Aussi me posé-je la question de savoir quel type de témoins me faut-il

6 trouver et à quel intervalle de temps doivent donc se limiter ces témoins.

7 Je ne peux pas me défendre par alibi car non seulement personne ne m'a vu

8 lorsque je suis allé me coucher, mais surtout parce qu'il m'est impossible

9 au cours des deux mois en question de couvrir chaque instant avec des

10 preuves fermes à l'appui, et de disposer de tous ces renseignements bon

11 nombre d'années par la suite, au cours de bon nombre d'années, où rien ne

12 me disait qu'il fallait assurer des éléments de preuve concernant mon

13 séjour à tel endroit et pour tout moment.

14 Mais imaginons que je trouve des témoins, la supposition fondamentale est

15 celle de savoir que ce meurtre a véritablement eu lieu. Or je ne le sais

16 pas avec une certitude complète, entière. Mais, si je réussis à m'assurer

17 des témoins et si le meurtre n'a pas eu lieu, je me suis procuré en fait

18 un faux témoin. Mais je ne saurai même pas qu'il s'agit là d'un faux

19 témoin parce que je ne sais pas avec certitude que le meurtre a

20 effectivement eu lieu.

21 Cependant, s'il m'arrive de ne pas trouver des témoins parce que le

22 meurtre par exemple n'a pas du tout eu lieu, je serai condamné comme étant

23 un meurtrier car il existe des témoins disant que je suis un meurtrier. Il

24 faut donc qu'il y ait des témoins pour témoigner du fait négatif, à savoir

25 que je n'ai pas tué.

Page 12635

1 En d'autres termes, il faut que ce soient des témoins oculaires. Or les

2 témoins oculaires les plus fréquents sont les meurtriers eux-mêmes et

3 leurs complices. Et s'il n'est point de témoins oculaires autres ou si je

4 ne puis assurer leur présence parce que tout simplement ils ne veulent pas

5 venir ou ils sont empêchés de venir pour d'autres raisons, je me dis:

6 "C'en est fini de moi".

7 S'agissant de meurtre, le cas le plus fréquent c'est qu'il n'y a pas

8 d'autres témoins oculaires ou alors ils sont forts peu nombreux. Et

9 comment finir par savoir de qui il s'agit, où ils se trouvent, sont-ils en

10 vie?

11 Et si je manque de chance dans mes recherches, je serai condamné.

12 Enfin, une idée me vint à l'esprit qui me soulagea. Il n'y a aucune chance

13 qu'en Hollande on vienne accuser qui que ce soit sous ces conditions-là.

14 Pour résumer, la défense de l'accusé Zigic dans son plaidoyer a été

15 catégorique et claire. Zigic Zoran n'a commis aucun meurtre, aucun des

16 meurtres que l'Acte d'accusation lui met à charge. Pas plus qu'il n'a pris

17 part à quelque meurtre que ce soit et de quelque façon que ce soit.

18 Zigic Zoran, à plusieurs reprises, a donné des coups à des détenus, comme

19 il l'a d'ailleurs admis dans sa déclaration faite en vertu de l'Article 84

20 bis, chose qu'il a reconnue et chose qu'il a sincèrement et profondément

21 regrettée et au sujet de laquelle il a présenté des excuses.

22 Mais partant de cette reconnaissance, on peut constater que dans ces

23 actes-là, il n'y avait guère d'intention discriminatoire. Dans un tel

24 contexte, le délit de persécution tel que décrit à l'Acte d'accusation se

25 trouve pratiquement dépourvu de ces éléments essentiels et de sa teneur la

Page 12636

1 plus importante. Pour un tel délit, fait également défaut un mens rea

2 approprié, tout comme le reste des autres circonstances dont la présente

3 défense a déjà parlé.

4 Mais quand bien même, si partant de cet état de fait ainsi établi, tel que

5 le voit la défense, et si l'on partait de la position où Zigic aurait

6 commis des délits de persécution, il ne faut pas perdre de vue que sa

7 participation aux persécutions s'est trouvée être faite dans une forme

8 extrêmement atténuée.

9 Il convient notamment de faire une grande différence entre la persécution

10 par exemple par un bombardement à long terme de villages et de villes, et

11 des persécutions, ou soi-disant persécutions, consistant à s'adresser à

12 des gens par des termes tels que "balija" ou autres.

13 Que se passerait-il si Zigic avait fait cela aux même gens à Prijedor en

14 temps de paix? Il serait allé vers un juge de simple police et avec un peu

15 de chance il assumerait une responsabilité pénale pour des délits pénaux

16 mineurs. Ce qui lui vaudrait une condamnation avec sursis ou une amende

17 pécuniaire symbolique, et il n'est pas exclu que le tout se termine avec

18 un avertissement émanant du Tribunal.

19 Ce serait un grand bonheur pour tout un chacun si tous les crimes de

20 guerre ne se limitaient qu'à des actes de ce type.

21 Dans l'avant-propos du code de l'éthique des avocats devant ce Tribunal,

22 il est dit entre autres qu'un conseil de la défense devant le Tribunal est

23 tenu de faire preuve de courage.

24 D'autre part, quelque part dans l'arrêt de la Chambre d'appel dans

25 l'affaire Tadic, et c'est une chose notoirement connue, il est dit que des

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1 avocats, disposant d'une longue pratique et expérience au cours de leur

2 carrière, se sont trouvés dans des situations où il leur fallait bien dire

3 des choses qui, aux yeux de la Chambre, n'étaient pas des choses

4 agréables. J'espère que ces termes ont servi d'introduction, de bonne

5 introduction pour ce que je me propose de dire maintenant.

6 Notre impression c'est que les témoins de la présente défense ont été

7 soumis à des tests bien plus difficiles que cela n'a été le cas pour les

8 témoins de l'accusation. Et nous pouvons le déduire partant d'une vue

9 synthétisée et, avec un peu plus de temps, je crois que nous pourrions le

10 démontrer de façon analytique et précise.

11 En effet, les témoins de la défense ont dû répondre à des questions bien

12 plus désagréables et bien plus complexes. On leur a posé des questions,

13 bien des questions qui n'ont rien à voir avec l'Acte d'accusation et on ne

14 leur a pas permis de ne pas répondre à certaines questions, même si

15 celles-ci n'avaient rien à voir directement avec l'Acte d'accusation et

16 qui conduisaient à la simple dénonciation de supérieurs, de concitoyens,

17 d'amis ou de membres de leur famille.

18 Ils ont accepté de répondre et ils l'ont fait, et à notre avis ils ont

19 réussi à part entière audit test. Les témoins de l'accusation ne se sont

20 jamais vus poser ce type de questions et on leur a permis de ne pas

21 répondre, sans raison aucune, à des questions importantes comme l'a par

22 exemple fait le témoin AD.

23 Enfin, les conseils de la défense interprètent cette différence dans un

24 sens des plus positifs.

25 Premièrement, les témoins de l'accusation, en leur guise de victimes, sont

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1 des gens à qui il est difficile de poser des questions qui peuvent être

2 douloureuses. Toutefois, il peut être dit aussi que parmi les témoins de

3 la défense il y avait eu aussi des victimes.

4 Deuxièmement, chose plus importante, la défense ne dissimule pas sa

5 satisfaction par cette approche, car cela lui a permis de chasser tout

6 doute au niveau des Juges pour ce qui est de la responsabilité de Zigic.

7 Une approche plus prudente dans ce sens aurait pu ménager de la place ou

8 de l'espace pour bon nombre de réserves.

9 Mais tout ceci ne signifie aucunement que la présente Chambre, d'après

10 l'avis des conseils de la défense, n'a pas eu une patience maximum et une

11 attitude des plus correctes, et elle a attribué, accordé aux témoins de la

12 défense la plus grande attention.

13 Pour finir, au nom de cette équipe de la défense, au nom de l'accusé, je

14 tiens à exprimer notre gratitude sans réserve pour son attitude correcte

15 et sa compréhension, sa patience et pour son assistance fréquente

16 lorsqu'il s'agissait de mettre en œuvre la procédure très complexe et

17 d'envergure pour ce qui est de conduire à bien la tâche difficile qu'il

18 nous fallait mener à terme.

19 En mon nom personnel, j'aurais peut-être encore une chose à ajouter.

20 De par son approche au procès, la présente Chambre m'a fourni l'occasion

21 de ressentir une fois de plus, en dépit de tous les efforts à déployer, le

22 plaisir de faire mon métier, métier ou profession qui à mes yeux est une

23 profession de tradition familiale. Et c'est un plaisir dont j'ai été privé

24 depuis bon nombre d'années, aussi lui suis-je fort reconnaissant.

25 Mais, pour parler encore du plaisir que j'ai eu à faire mon travail, je

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1 dois parler aussi de la contribution qu'ont faite mes collègues du Bureau

2 du Procureur, comme l'a dit, dans l'une de nos rencontres le doyen de ce

3 Tribunal, et un grand juriste, M. Grant Niemann: "Nous sommes ici comme

4 des boxeurs qui se battent, de façon acharnée, mais pas dans un ring et

5 hors du ring, c'est-à-dire du prétoire, nous ne pouvons qu'être bons

6 amis.".

7 Et une collègue admirable m'a une fois dit qu'entre nous, en tant que

8 partie adverse, il se pouvait qu'il y ait des divergences.

9 En effet, lorsque la défense a présenté dans l'affaire Celebici, qui à mon

10 avis se trouvait à la limite d'un comportement équitable ou inéquitable

11 pour être plus précis, j'avais suggéré au représentant de l'accusation,

12 Mlle Teresa McHenry, en lui demandant que l'accusation fasse de même non

13 pas à titre de revanche mais pour rétablir l'équilibre dans le procès,

14 elle m'a regardé et très sincèrement et sérieusement elle m'a dit: "Mais,

15 Monsieur Stojanovic, le Bureau du Procureur doit s'en tenir à des normes,

16 à des standards bien plus élevés que ceux de la défense.". Je suis resté

17 bouche bée, ébahie d'admiration.

18 Enfin, la présente défense, les présents conseils de la défense ne vont

19 pas aller aux enchères et proposer ou placer des demandes ou des requêtes

20 non objectives, dépourvues de compétence ou d'équilibre et dira seulement

21 qu'elle a attiré l'attention de la Chambre sur bon nombre de circonstances

22 atténuantes dans son mémoire écrit.

23 Nous nous attendons donc, de la part de la Chambre, à une décision

24 équitable s'agissant de la responsabilité, à une décision juste quant à la

25 sanction prononcée et à une argumentation appropriée de la sanction

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1 prononcée.

2 Une fois de plus, je tiens à remercier l'ensemble des Juges. Cela avait

3 été un honneur et un plaisir que de prendre part à cette tâche très ardue,

4 très responsable et fort complexe.

5 M. le Président: De cette façon, nous terminons donc la plaidoirie de

6 l'accusé M. Zigic. Merci beaucoup Maître Stojanovic.

7 Pour aujourd'hui nous allons donc en rester là et demain, 9 heures 20,

8 nous serons là pour la plaidoirie de l'accusé M. Prcac de Me Jovan Simic.

9 Vous êtes prêt, je crois que je peux comprendre cela. Nous aurons demain

10 la plaidoirie de l'accusé M. Prcac.

11 Donc à demain.

12 (L'audience est levée à 14 heures 55.)

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