Affaire n° IT-03-66-R77

Le Procureur c/ Beqa Beqaj

DÉCISION

LE GREFFIER ADJOINT,

VU le Statut du Tribunal, tel qu’adopté par le Conseil de Sécurité en vertu de la Résolution 827 (1993), en particulier son article 21,

VU le Règlement de procédure et de preuve, tel qu’adopté par le Tribunal le 11 février 1994, tel que modifié par la suite (le « Règlement ») et en particulier ses articles 44 et 45,

VU la Directive relative à la commission d’office de conseils de la défense, telle qu’adoptée par le Tribunal le 28 juillet 1994, et modifiée ultérieurement (la « Directive »), en particulier ses articles 8, 10, 11 A) et 18,

VU la commission d’office de M. Rodney Dixon le 5 novembre 2004 en tant que Conseil de permanence chargé de la défense de Beqa Beqaj (l’« Accusé ») en application de l’article 16 F) de la Directive,

ATTENDU que le 10 novembre 2004, l’Accusé a demandé que M. Tjarda Eduard van der Spoel, avocat à Rotterdam, soit commis à sa défense en tant que Conseil principal,

ATTENDU que l’Accusé a soumis le 16 novembre 2004 une déclaration de ressources dans laquelle il demandait à bénéficier d’une aide juridictionnelle au motif qu’il ne dispose pas des ressources nécessaires pour rémunérer un conseil,

ATTENDU que le 18 novembre 2004, le Greffe a révoqué la commission d’office de M. Dixon en tant que conseil de permanence de l’Accusé et désigné à titre temporaire M. van der Spoel en tant que Conseil principal de l’Accusé pour une période de 120 jours pendant laquelle le Greffe s’est enquis des ressources de l’Accusé afin de déterminer s’il remplit les conditions pour bénéficier d’une aide juridictionnelle conformément aux articles 7 (paragraphes B) et C)) et 10 de la Directive,

VU les renseignements fournis par l’Accusé dans sa déclaration de ressources et les éléments d’information réunis par le Greffe au cours de l’enquête sur les ressources de l’Accusé prévue par l’article 10 A) de la Directive,

ATTENDU que les paragraphes B) et C) de l’article 8 de la Directive disposent respectivement que :

B) Pour déterminer si le suspect ou l’accusé a ou non les moyens de rémunérer un conseil, sont prises en considération les ressources de toute nature dont il a directement ou indirectement la jouissance ou la libre disposition, y compris, notamment, les revenus directs, les comptes bancaires, les biens meubles ou immeubles, les actions, les obligations ou autres actifs détenus, à l’exclusion des prestations familiales ou sociales dont il peut éventuellement bénéficier. Il est aussi tenu compte, dans l’examen des ressources, de celles de son conjoint ainsi que de celles des personnes vivant habituellement avec lui, pour autant qu’il soit raisonnable de prendre ces ressources en considération ;

C) Il peut également être tenu compte des signes extérieurs de richesse du suspect ou de l’accusé ainsi que des biens, meubles ou immeubles, dont il a la jouissance, et du fait qu’il en tire ou non un revenu.

VU les pièces jointes déposées à titre confidentiel et ex parte,

Méthode du Greffe

ATTENDU que pour déterminer si un accusé a droit à l’aide juridictionnelle, on utilise la Méthode appliquée par le Greffe pour déterminer la capacité d’un accusé de rémunérer un conseil (la « Méthode du Greffe »),

ATTENDU qu’en application de la Méthode du Greffe, les actifs acquis par l’Accusé et son épouse pendant leur vie commune sont considérés comme étant des biens communs en vertu du régime matrimonial en vigueur au Kosovo, en Serbie-et-Monténégro, où l’Accusé et son épouse habitent ; ils sont la propriété indivise de l’Accusé et de son épouse et peuvent être pris en considération dans le calcul des ressources dont dispose l’Accusé, à moins que soit apportée la preuve que le régime matrimonial ne s’applique pas,

ATTENDU que l’Accusé a une épouse, cinq enfants, deux beaux-parents et six petits-enfants qui vivent dans la résidence principale du ménage (les « personnes vivant habituellement avec l’Accusé ») et avec qui il entretient une relation de codépendance financière,

ATTENDU que, conformément à la Méthode du Greffe, est déduite des ressources disponibles d’un accusé l’estimation des frais de subsistance de sa famille et des personnes dont il a la charge durant la période pendant laquelle il est prévu que l’Accusé devra être représenté devant le Tribunal international, l’excédent constituant la contribution de l’Accusé à sa défense,

Résidence principale du ménage

ATTENDU que l’Accusé est propriétaire d’une maison au Kosovo, en Serbie-et-Monténégro (la « résidence principale du ménage »),

ATTENDU que, conformément à la Méthode du Greffe, n’est inclus dans les ressources disponibles d’un accusé que l’excédent de la valeur nette de la résidence principale du ménage par rapport aux besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que la valeur nette de la résidence principale du ménage de l’Accusé n’excède pas les besoins raisonnables de l’Accusé, de sa conjointe et des personnes vivant habituellement avec lui et n’est donc pas incluse dans les ressources disponibles de l’Accusé,

Le mobilier dans la résidence principale du ménage

ATTENDU que, conformément à la Méthode du Greffe, la valeur nette du mobilier de la résidence principale du ménage est exclue des ressources disponibles de l’Accusé à moins qu’elle n’excède les besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des personnes vivant habituellement avec lui,

ATTENDU que la valeur nette du mobilier de la résidence principale du ménage n’excède pas les besoins raisonnables de l’Accusé, de son épouse et des personnes vivant habituellement avec lui et n’est donc pas incluse dans les ressources disponibles de l’Accusé,

Revenus

ATTENDU que l’Accusé est actuellement sans emploi et ne touche ni revenus ni allocations de chômage de quelque source que ce soit,

ATTENDU que l’épouse de l’Accusé et les personnes vivant habituellement avec lui sont actuellement sans emploi et que deux des personnes vivant habituellement avec lui perçoivent des prestations sociales qui n’entrent pas en ligne de compte dans le calcul permettant de déterminer si l’Accusé a droit à l’aide juridictionnelle en vertu de l’article 8) de la Directive,

Estimation des frais de subsistance de l’Accusé

ATTENDU que pour estimer les frais de subsistance de l’Accusé, de son épouse et des personnes vivant habituellement avec lui, le Greffe applique la formule donnée à la section 10 de la Méthode du Greffe, qui est la suivante :

SAE x (M + D) + EEC x T = ELE

4

où :

AE représente les dépenses mensuelles moyennes d’un ménage de quatre personnes, d’après les documents officiels des autorités de Serbie-et-Monténégro. Ces dépenses comprennent les frais de logement et de subsistance ;

EE représente les frais mensuels de subsistance que peuvent de surcroît supporter l’Accusé, son épouse, les personnes à sa charge et celles vivant habituellement avec lui. Ces frais sont propres à l’Accusé, à son épouse et aux personnes vivant habituellement avec lui, et ne sont donc pas pris en compte dans les dépenses AE. Ils comprennent notamment les frais de scolarité et les frais médicaux exceptionnels ;

M est le nombre de personnes vivant habituellement dans la résidence principale du ménage, c’est-à-dire l’Accusé, son épouse et les personnes vivant habituellement avec lui ;

D représente les personnes à la charge de l’Accusé ne vivant pas habituellement dans la résidence principale du ménage ;

T est la période comprise entre la date à laquelle le Greffe rend sa décision sur la capacité d’un accusé de rémunérer un conseil et la date jusqu’à laquelle il est prévu qu’il devra être représenté devant le Tribunal international ;

ELE est l’estimation des frais de subsistance de l’Accusé, de sa conjointe et des personnes vivant habituellement avec lui, depuis la date à laquelle le Greffe rend sa décision sur la capacité d’un accusé de rémunérer un conseil jusqu’au terme de la période durant laquelle il est prévu qu’il devra être représenté devant le Tribunal international ;

Application de la formule

ATTENDU que pour déterminer la capacité d’un accusé de rémunérer un conseil, le Greffe applique la formule donnée à la Section 11 de la Méthode du Greffe, qui est la suivante :

DM – ELE = C

où :

DM représente les ressources disponibles d’un accusé, calculées comme indiqué aux sections 5 à 8 de la Méthode du Greffe ;

ELE représente l’estimation des frais de subsistance d’un accusé, de son conjoint, des personnes à sa charge et de celles avec lesquelles il vit habituellement, calculée selon la formule précisée à la section 10 de la Méthode du Greffe ;

C est la contribution que l’accusé doit apporter au règlement des frais de sa défense ;

Contribution de l’Accusé

ATTENDU que si l’on applique la formule DM – ELE = C, la contribution de l’Accusé est de 0 dollar et qu’il est donc dans l’incapacité de rémunérer un conseil,

DÉCIDE que les frais mentionnés aux articles 22, 26 et 27 de la Directive sont à la charge du Tribunal,

Commission d’office d’un conseil

ATTENDU que selon les informations reçues par le Greffe, l’Accusé est tout à fait indigent et ne dispose pas des ressources nécessaires au paiement des frais de sa défense,

ATTENDU par ailleurs que l’Accusé a droit à une défense efficace devant le Tribunal international,

DÉCIDE, à la lumière de ce qui précède, sans préjudice des dispositions de l’article 18 de la Directive et conformément à l’article 11 A) i) de la Directive, de commettre d’office à titre permanent M. Tjarda Eduard van der Spoel en tant que conseil principal de l’Accusé, et ce à compter de la date de la présente décision.

 

Le Greffier adjoint
______________
John Hocking

[Sceau du Tribunal]

Le 2 février 2005
La Haye (Pays-Bas)