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1 Le lundi 15 novembre 2004
2 [Audience publique]
3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 18.
4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Nous allons maintenant
6 commencer le procès des trois accusés. Chacun d'entre eux avait plaidé
7 préalablement non coupable aux accusations de tous les chefs figurant dans
8 l'acte d'accusation. Les procédures de ce matin nous ont permis de
9 comprendre que l'interprétation qui est assurée a pu faire en sorte que les
10 accusés puissent suivre les procédures dans une langue qu'ils comprennent.
11 C'est donc ainsi que je me tourne vers M. Cayley en l'invitant de faire sa
12 déclaration liminaire.
13 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, Monsieur, Madame les
14 Juges, avec votre permission, je souhaiterais entrer quelques commentaires
15 en guise d'introduction. Je vous propose de montrer une série de pièces
16 grâce au système Sanction. Vous allez voir tous les documents sur l'écran
17 devant vous. Tous les documents ont été communiqués à la Défense, même si,
18 bien sûr, nous allons procéder au versement de ces pièces au dossier par le
19 biais de plusieurs témoins qui viendront témoigner subséquemment. Il y a
20 des documents telles les résolutions du conseil de Sécurité ainsi que
21 certaines déclarations publiques faites par le Procureur, font partie de
22 l'admission des éléments. Je vais maintenant commencer.
23 [Déclaration liminaire de l'Accusation]
24 M. CAYLEY : [interprétation] Les faits essentiels de cette affaire sont
25 assez clairs. Le Procureur démontrera qu'entre le mois de mai et le mois de
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1 juillet 1998, des Serbes et des Albanais ont été enlevés et ont été détenus
2 de façon illégale dans un camp improvisé dans le village de Lapusnik, au
3 Kosovo. C'est là qu'ils ont fait l'objet de tortures, de mauvais
4 traitements. Ils ont été passés à tabac de façon brutale à plus de 20
5 reprises. Ils ont également été tués par des armes à feu.
6 Les trois accusés qui se trouvent devant vous, Fatmir Limaj, Isak Musliu et
7 Haradin Bala, sont responsables de ces événements.
8 Cette affaire à l'origine, y compris la souffrance humaine qui a précédé,
9 qui a suivi, fait partie maintenant de l'histoire européenne. Les espoirs,
10 les frustrations et les différences irréconciliables qui ont mené à cette
11 guerre, alors que ces éléments étant pertinents, ne sont pas en procès ici
12 en importance et de cause devant vous, nous n'essayons pas de condamner ou
13 de parler d'une partie de cette cause de la guerre. Les causes de la
14 guerre, les aspirations d'un peuple opprimé ne font pas l'objet de cette
15 plainte. La position de l'Accusation est simplement celle-ci : il n'y a
16 aucune cause, quelque juste qu'elle soit, ne peut légitimer des meurtres
17 indiscriminés. Le Procureur a, depuis dix ans, essayé d'en arriver à un
18 seul objectif, c'est-à-dire, de condamner de façon impartiale tous les
19 crimes sérieux qui sont commis par quelque partie que ce soit et qui
20 tombent sous la juridiction de ce Tribunal.
21 J'espère que vous pouvez voir la carte devant vous, la carte de
22 Kosovo, Kosovo qui se trouve dans les Balkans, bien sûr. L'encadré en jaune
23 représente le Kosovo. Les crimes qui figurent dans cet acte d'accusation se
24 trouvent donc au Kosovo. Vous pouvez voir que Kosovo est située dans la
25 partie sud de ce qui était autrefois l'ex-Yougoslavie. Elle partage les
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1 frontières avec le Monténégro à l'ouest, l'Albanie au sud-ouest et la
2 République de l'ex-Yougoslavie de la Macédoine au sud. C'est là que vous
3 pouvez voir la Serbie également au nord de la République du Kosovo.
4 Le village de Lapusnik, qui est la scène du crime en l'espèce, vous pouvez
5 voir qu'il est indiqué sur cette carte-ci. Ce village se trouve dans la
6 municipalité de Glogovac. Vous pouvez voir que le village de Lapusnik est
7 en rouge.
8 Est-ce que vous pouvez voir la carte qui se trouve devant vous, Monsieur le
9 Président ? Bon, je vois. Merci.
10 Le village de Lapusnik est situé de façon bien stratégique sur la route
11 entre Pristina, Peja et Pec. Vous pouvez voir ici la route de Pristina-Pec
12 à la droite. Ensuite, le curseur nous montre l'endroit où se trouve la
13 ville principale, c'est-à-dire, la capitale du Kosovo, plutôt. A la gauche,
14 vous pouvez voir la ville de Pec, ou connu sous le nom de Peja en albanais,
15 et Pec en serbe. Donc, le Kosovo [comme interprété] se trouve de façon bien
16 stratégique sur la route qui se trouve au carrefour de ces trois [comme
17 interprété] endroits principaux.
18 En février et en mars 1998, jusqu'à cette date, le Kosovo est devenu
19 l'objet d'un -- un endroit où on pouvait voir un conflit armé. D'une part
20 il y avait la police serbe, l'armée serbe et l'armée de la Libération du
21 Kosovo de l'autre côté. Au mois de mai 1998, Fatmir Limaj était revenu de
22 la Suisse. C'est là qu'il s'est établi au QG de l'UCK à Klecka. Il était le
23 commandant des forces de l'UCK dans une zone dans laquelle les crimes qui
24 sont spécifiés dans cet acte d'accusation ont eu lieu.
25 Je demanderais maintenant à ce que l'on passe à la pièce suivante. C'est là
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1 que l'on peut voir Klecka indiqué ici sur cette carte grâce au curseur.
2 Vous pouvez voir également Lapusnik, la scène du crime principale, qui est
3 encadré par cet encadré rouge.
4 Fatmir Limaj était le commandant des forces de l'UCK dans une zone qui est
5 mentionnée à l'acte d'accusation. C'est là que les crimes allégués ont eu
6 lieu. Un nombre de points de l'UCK se trouvaient dans la zone de contrôle
7 de Fatmir Limaj, y compris l'un de ces points qui se trouvait au village de
8 Lapusnik.
9 De nouveau, le curseur montre le village de Lapusnik.
10 Isak Musliu était le commandant des troupes de l'UCK de Lapusnik. Les
11 commandants ou les chefs de tous ces points de tous ces endroits y compris.
12 Isak Musliu devait rendre compte à Fatmir Limaj et, lui, à son tour, était
13 régulièrement présent à ces points ou à ces endroits militaires afin de
14 superviser -- de commander ces troupes dans la région. En fait, d'avoir
15 plus de présence et de renforcer son commandement dans cette zone, Fatmir
16 Limaj, y compris d'autres, tels Isak Musliu et Haradin Bala, ont participé
17 à une campagne qui visait à accuser les Abanais et les Serbes, qui avaient
18 collaboré avec les Serbes en les enlevant, en les emprisonnant, en les
19 torturant et en les tuant. Les Serbes étaient arrêtés simplement parce
20 qu'ils étaient Serbes. Les Albanais se faisaient arrêter simplement parce
21 qu'ils étaient présumés collaborateurs. Très souvent, il semblait que la
22 collaboration avait été basée sur le fait que plusieurs d'entre eux avaient
23 des contacts simplement sociaux avec les Serbes, et des fois, c'étaient des
24 différences politiques qui ne s'accordaient pas la politique de l'ALK.
25 Les éléments de preuve vous montreront, Monsieur le Président,
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1 Monsieur, Madame les Juges, que plusieurs Albanais et Serbes avaient été
2 capturés et avaient été enlevés à Lapusnik. Les Serbes et les Albanais
3 avaient été enlevés par les membres de l'ALK. Ils avaient été enlevés
4 depuis leurs maisons très souvent, en plein milieu de la nuit, très souvent
5 lorsqu'ils se trouvaient soit à bord d'un transport d'autobus faisant
6 partie des transports publics ou dans leur voiture. Ils étaient emmenés au
7 village où Limaj avait sa zone de commandement. Ils étaient emmenés au camp
8 de Lapusnik. C'est Limaj, qui se trouvait à Klecka où se trouvait son QG,
9 n'a pas ordonné ses enlèvements. Vous ne le savez. Ils étaient simplement
10 informés immédiatement que les choses s'étaient déroulées de la sorte et,
11 même si plusieurs prisonniers avaient été faits l'objet d'interrogatoire,
12 très souvent, ils avaient été battus. On en a pu de déterminer leur base
13 légale sur laquelle ils étaient détenus.
14 Isak Musliu était un commandant du camp et Haradin Bala était un
15 garde au camp. Tous les deux ont participé à des crimes atroces au camp.
16 Les prisonniers étaient tenus dans des conditions inhumaines. Ils ont fait
17 l'objet de tortures et de passage à tabac. Un grand nombre de prisonniers
18 avaient été battus à mort au camp où ils ont exécutés Isak Musliu et
19 Haridan Bala se trouvait à Lapusnik. Ils se trouvaient régulièrement en
20 tocan. Farmir Limaj se rendait à Lapusnik, ou s'est rendu à Lapusnik
21 plutôt, au moins à 20 reprises entre le mois de mai, le mois de juillet
22 1998. Il savait très bien ce qui se passait dans ces camps improvisés, et
23 Isak Musliu s'est plié à ses ordres. Le camp était opérationnel depuis le
24 mois de mai jusqu'au 26 juillet 1998, lorsqu'une contre-offensive serbe qui
25 a eu lieu dans cette région a fait en sorte qu'il y a eu une évacuation des
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1 prisonniers qui restaient encore détenus au camp. Ensuite, ils sont été
2 emmenés au camp plutôt dans les collines qui se trouvaient en haut au-
3 dessus de Lapusnik, un endroit qui s'appelle Berisa, et Berisa est indiqué
4 ici sur cette carte encadrée en orange.
5 C'est là, que suivant les ordres de Fatmir Limaj, environ la moitié
6 des prisonniers qui restaient ce sont faits libérer et l'autre moitié ont
7 été exécutés par Haradin Bala.
8 Monsieur le Président, voici les faits essentiels de cette affaire.
9 Kosovo est sous ligie de présentement de l'administration intérimaire
10 des Nations Unies par l'UNMIK, donc, la MINUK. Elle a été établi par le
11 conseil de Sécurité en 1998 sous la résolution 1244 après la fin de la
12 guerre, et l'administration supervise de façon très proche à ce qui se
13 passe au Kosovo. Les Nations Unies reçoivent un apport important pour leur
14 travail au Kosovo et, grâce à l'organisation pour la coopération et la
15 sécurité en Europe la KFOR et les forces du Kosovo. Ce sont des forces de
16 l'OTAN qui sont responsables pour maintenir la paix et la sécurité au
17 Kosovo. Je le mentionne afin que vous puissiez savoir de quoi nous allons
18 parler dans le cadre du procès.
19 Simplement pour mentionner quelques faits s'agissant de la langue
20 B/C/S comme on l'appelle ici au Tribunal, et l'albanais, il arrive très
21 souvent que sur les cartes, on aperçoive deux noms indiquant le même
22 endroit. Au Kosovo, les noms d'endroits portent des toponymes kosovares,
23 alors que, pour ce qui est des Serbes, ils se réfèrent à ces endroits en
24 Serbes, donc ils nous arrivent très souvent d'avoir deux toponymes pour le
25 même endroit, et très souvent le mot se ressemble beaucoup. Il arrive assez
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1 souvent que les mots soient les mêmes. Il arrivera très souvent qu'un même
2 endroit soit appelé de toute façon légèrement différente.
3 Maintenant, simplement, j'aimerais ajouter quelques mots concernant
4 l'enquête dans cette affaire. Un survivant comme vous l'entendrez, c'était
5 un témoin qui a, d'abord, formulé une plainte à la police locale au Kosovo
6 et, ensuite, il s'est -- cette plainte a fait l'objet d'enquête de la
7 MINUK. C'est la MINUK qui a commencé d'ailleurs la première enquête
8 concernant ces crimes.
9 Le Procureur du Tribunal pénal international a exercé ces
10 juridictions en 2002 sur cette affaire, et c'est, à ce moment-là, que c'est
11 le bureau du Procureur qui a pris cette affaire afin de l'examiner. Je vous
12 mentionnerais comme vous le verrez de temps en temps dans cette affaire
13 qu'il y a certaines déclarations de témoins, d'autres matériels dont
14 l'origine ne se trouve pas dans ce bureau-ci de la MINUK. C'est, à ce
15 moment-là, que je dois dire que c'est le bureau du Procureur qui a mené
16 l'enquête concernant cette affaire. Nous nous sommes entretenus avec la
17 plupart des témoins qui sont identifiés dans l'affaire MINUK dans "Grâce à
18 MINUK". Nous les avons interrogé nous-mêmes également.
19 La Défense dispose de tous les documents qui ont été communiqués par
20 la MINUK, et nous allons les communiquer en vertu de l'Article 66 ou
21 l'Article 68 du Règlement de procédure et de preuve. A l'origine, l'enquête
22 a enquêté sur quatre personnes.
23 C'était une enquête menée par la MINUK, et nous en
24 avons fait de même. Maintenant Agim Murtezi, et trois autres personnes qui
25 se trouvent devant vous. Agim Murtezi a été accusé d'arrestation, mais on
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1 n'a pas pu identifier très bien son origine ou l'origine de cette plainte.
2 Les trois accusés qui se trouvent devant vous ont exercé leurs droits au
3 silence et, après une enquête plus approfondie, et après avoir entendu
4 Murtezi, il est devenu très clair qu'il ne se trouvait pas à Lapusnik
5 pendant la période pertinente. Il a été libéré, et les charges ont été
6 retirées.
7 Dernièrement, un dernier mot sur la MINUK, et la KFOR, notre enquête
8 aurait été impossible au Kosovo sans ces deux organisations. Les gens
9 travaillaient très fort avec les membres internationaux pour établir la
10 règle de droit afin de s'assurer que le Kosovo fonctionne de façon
11 transparente et que le Kosovo est muni d'un système juridique transparent
12 et fonctionnel. Je voudrais tirer ma révérence envers ces organisations et
13 ces personnes.
14 Maintenant, je souhaiterais dire quelques mots concernant Lapusnik.
15 Ici, vous pouvez voir un endroit très traditionnel, une installation un
16 village traditionnellement organisé de la façon traditionnelle albanaise,
17 et c'est ici que ce camp improvisé avait été établi entre le mois de mai et
18 le mois de juillet 1998. Ici, vous pouvez voir une route, le curseur montre
19 la route, et c'est ici que l'on peut trouver une autre installation qui
20 était indiquée -- qui était le QG de l'ALK. C'est dans ces bâtiments que ce
21 camp se trouvait. Même si tous les crimes contenus dans l'acte d'accusation
22 n'ont pas eu lieu au camp, c'est ici, que les victimes se faisaient
23 enlever, se faisaient emmener après s'être faits enlever. C'est ici, que
24 les victimes étaient illégalement emprisonnées, et c'était ici, que les
25 victimes faisaient l'objet de passage à tabac, de tortures, e de mauvais
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1 traitements. C'est ici et à partir d'ici -- depuis ici, que l'on a emmené
2 ces victimes afin de les exécutées.
3 Une déclaration liminaire doit contenir une introduction concernant
4 les éléments de preuve sur lesquels le Procureur veut se reposer. Le
5 Procureur a également parlé par écrit dans son mémoire préalable au procès
6 concernant la base juridique sur laquelle ces accusés se sont vus trouver
7 accusés. C'est là que, dans son mémoire préalable au procès, que l'on
8 énumère la nature ou la défense qui figurera.
9 Maintenant, quelques mots, quelques commentaires préliminaires sur le
10 mémoire préalable au procès de la Défense. Monsieur le Président, Madame le
11 Juge, Monsieur le Juge, je vous demanderais de tenir compte de ce qu'a dit
12 la Défense en l'espèce.
13 Les accusés, Limaj et Musliu, reconnaissent avoir été présents dans le
14 village de Laspunik pendant toutes les périodes ou presque -- toutes les
15 périodes qui figurent dans l'acte d'accusation. Fatmir Limaj dit que s'être
16 retrouvé à Lapusnik, au moins à 20 reprises, entre le mois de mai et le
17 mois de juillet 1998; Isak Musliu a dit -- a proposé qu'il se trouvait à
18 Lapusnik entre le mois de mai et le mois de juillet 1998, même s'il s'est
19 absenté à quelques reprises lors de quelques voyages.
20 Alors qu'ils ont admis de s'être trouvés à cet endroit-là pendant que
21 ces meurtres ont eu lieu, et ces souffrances ont eu lieu pour ces deux
22 accusés, il n'y a pas eu de camp, il n'y a pas eu de prisonniers, il n'y a
23 pas eu de passages à tabac, il n'y a pas eu de torture, il n'y a pas eu de
24 morts. Cela ne pèse pas sur leur conscience. C'est le Procureur qui
25 prouvera les éléments de culpabilité qui seront apportés contre eux. Le
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1 Procureur fera exactement cette même chose. C'est à la cour de démontrer
2 ceci au-delà de tout doute raisonnable.
3 M. Bala a eu une explication légèrement différente. C'est le troisième co-
4 accusé. Il a dit s'être trouvé à Lapusnik pendant quelques semaines au mois
5 de mai 1998 et, ensuite, il a quitté cet endroit pour se rendre ailleurs.
6 Selon sa position, il dit ne pas reconnaître l'existence du camp.
7 Maintenant, suivant l'Article 92 bis, sa réponse est la suivante : c'est
8 qu'il nie complètement l'existence du camp.
9 Les éléments de preuve, Monsieur le Président, sont tirés de plusieurs
10 sources. Nous n'allons pas simplement faire appel aux victimes, aux
11 survivants, mais nous allons nous reposer sur les preuves médico-légales
12 qui sont assez inhabituels lorsqu'on parle de crimes de guerre. De plus,
13 les éléments de preuve fournis par les survivants tels que corroborés par
14 les membres de la communauté internationale vous confirmeront que, pendant
15 la période pertinente, il était très claire que les Serbes et les Albanais
16 se faisaient enlever et avaient été exécutés par certains éléments au sein
17 de l'ALK.
18 Nous allons nous reposer sur certaines preuves fournies par les membres de
19 l'ALK, des individus qui se trouvaient à l'intérieur de l'organisation.
20 Ceux-ci confirmeront, partiellement ou dans son ensemble, un certain nombre
21 d'éléments critiques qui font l'objet de cette affaire.
22 Je souhaiterais maintenant faire quelques commentaires, Monsieur le
23 Président, concernant la structure de l'acte d'accusation et ce qui figure
24 dans celle-ci. Les trois accusés se voient reprocher des crimes
25 d'emprisonnement illégal au titre du chef 1 en tant que crimes contre
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1 l'humanité, et du chef 2 en tant que violation des lois ou coutumes de la
2 guerre. Fatmir Limaj et Isak Musliu sont accusés de ces crimes au titre des
3 Articles 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal. Pour Haradin Bala, ce n'est
4 que l'Article 7(1) qui s'applique. Les trois accusés sont souvent reprochés
5 des crimes de tortures, d'actes inhumains, de traitements cruels. La
6 torture figure aux chefs 3 et 4 en tant que crimes contre l'humanité et
7 violation des lois ou coutumes de la guerre. Respectivement, les actes
8 inhumains se retrouvent au chef 5 en tant que violation des lois ou
9 coutumes de la guerre, et le traitement cruel au chef 6 en tant que
10 violation des lois ou coutumes de la guerre également.
11 S'agissant de ces chefs d'accusation, Fatmir Limaj et Isak Musliu sont
12 accusés au titre des Articles 7(1) et 7(3) du Statut du Tribunal. Haradin
13 Bala uniquement au titre de l'Article 7(1). Les trois accusés se voient
14 reprochés le crime de meurtre ou d'assassinat. L'assassinat au chef 7, en
15 tant que crimes contre l'humanité, et le meurtre au chef 8, en tant que
16 violation des lois ou coutumes de la guerre. Ceci rend compte du meurtre ou
17 de l'assassinat d'Ajet Gashi, de Milovan Krstic, de Miodrag Krstic, de
18 Slobodan Mitrovic, de Miroslav Suljnic, de Sinisa Blagojevic, de Zivorad
19 Krstic, de Stamen Genov, de Djordje Petkovic, de Jefta Petkovic, de Zvonko
20 Marinkovic, d'Agim Ademi, et le meurtre de Vesel Ahmeti et de Fehmi Xhema.
21 Fatmir Limaj et Isak Musliu se voient reprocher l'homicide illicite de ces
22 hommes au terme des Articles 7(1) et 7(3) du Statut.
23 S'agissant de Haradin Bala, il n'est accusé uniquement au titre de
24 l'Article 7(1) du Statut des meurtres de Jefta Petkovic, Fehmi Xhema,
25 Zvonko Marinkovic, Agim Ademi, et Vesel Ahmeti.
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1 L'assassinat se retrouve aux chefs 9 et 10, en tant que crimes contre
2 l'humanité, violation des lois ou coutumes de la guerre. Il s'agit là des
3 meurtres ou assassinats d'Emin Emini, d'Ibush Hamza, d'Hyzri Harjizi, de
4 Shaban Hoti, de Hasan Hoxha, de Safet Hysenaj, de Bashkim Rashiti, de Hetem
5 Rexhaj, de Lutfi Xhemshiti, et de Shyqyri Zymeri.
6 Fatmir Limaj se voit reprocher l'ensemble de ces meurtres ou assassinats au
7 titre de l'Article 7(1) et de l'Article 7(3) du Statut; pour Haradin Bala,
8 au titre de l'Article 7(1) seulement du Statut.
9 Quelques mots sur les modes de responsabilité au titre de l'Article 7(1) du
10 Statut. Vous constaterez à la lecture du paragraphe d'introduction de
11 chaque série de chefs d'accusation, aux paragraphes 21, 25, 28 et 34, que
12 nous indiquons les modes de responsabilité que nous invoquons pour ces
13 chefs d'accusation. Alors que Fatmir Limaj et Isak Musliu sont accusés au
14 titre de l'Article 7(1) du Statut, les modes de responsabilité que nous
15 invoquons sont ceux qui consistent à avoir planifié, incité à commettre,
16 ordonné, commis ou aidé et encouragé ces actes. Alors que, pour Haradin
17 Bala, au titre de l'Article 7(1) du Statut, nous invoquons uniquement le
18 fait d'avoir commis ou d'avoir aidé et encouragé à la perpétration de ces
19 actes.
20 Lorsque nous indiquons que le mode de responsabilité est celui d'avoir
21 commis, c'est que nous souhaitons montrer que non seulement l'accusé a
22 personnellement participé aux crimes allégués, lorsque cela est montré,
23 mais que ces crimes font partie d'une entreprise criminelle commune à
24 laquelle les trois accusés ont participé. Vous vous souviendrez que nous
25 avons plaidé et indiqué quelle était la nature d'une entreprise criminelle
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1 commune aux paragraphes 6 à 13 de l'acte d'accusation. Vous vous
2 souviendrez que, dans Tadic, on a identifié trois formes d'entreprises
3 criminelles communes. Je vais en parler plus tard lors de cette déclaration
4 liminaire.
5 A ce stade, je voudrais simplement dire quelque chose au sujet de la
6 responsabilité au titre de l'entreprise criminelle commune. Dans le cadre
7 d'une entreprise criminelle commune, il ne s'agit pas de punir un homme
8 pour les fautes qu'en a commis un autre. Il s'agit de punir celui qui a
9 participé à un crime dans le cadre d'une entreprise criminelle commune à
10 laquelle d'autres ont également participé. La nature des crimes commis est
11 donc la culpabilité de chacun des participants et reflétée, bien entendu,
12 par la totalité des crimes commis par ceux qui ont exécuté ce plan. Mais, à
13 la base, il y a formulation et il y a participation à un plan de criminel
14 commun. Il s'agit des règles qui s'appliquent dans toute société pour
15 pouvoir demander des comptes à ceux qui n'ont pas toujours de sang sur les
16 mains. Ce qui va devenir clair à partir des éléments que nous allons
17 présenter, c'est que l'emprisonnement, l'enlèvement, les mauvais
18 traitements, le meurtre de ces victimes s'inscrit dans le cadre d'une
19 entreprise criminelle commune.
20 Ces trois accusés sont mis en accusation au titre de l'Article 7(1)
21 pour responsabilité pénale dont la participation à une entreprise
22 criminelle commune. Qui sont ces trois accusés ?
23 Le premier accusé est Fatmir Limaj. Il a 33 ans. Il est né à Banja à
24 côté de Malisevo au Kosovo. Vous pouvez voir, ici, que le curseur est placé
25 sur ce village. On voit également Lapusnik qui se trouve un petit peu au-
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1 dessus. M. Limaj venait de cette région. Il a également occupé les
2 fonctions d'adjoint au ministre de la Défense au sein du gouvernement
3 provisoire du Kosovo et, ultérieurement, il a également été membre de
4 l'assemblée municipale de Pristina ainsi que secrétaire chargé des
5 relations au public pour le PDK.
6 Le PDK, ou Parti démocratique du Kosovo, est un parti dont a vu
7 l'apparition et qui a succédé au PPDK, le parti politique qui était en
8 relation étroite avec l'UCK.
9 M. Limaj a étudié au Kosovo; il a étudié le droit à l'université de
10 Pristina. Dès son plus jeune âge, il a été impliqué dans la résistance à la
11 domination serbe au Kosovo. Il a rejoint les rangs de l'UCK avant la guerre
12 en 1998. Après la répression menée par les autorités serbes contre les
13 organisations albanaises du Kosovo, il a demandé le statut de réfugié en
14 Suisse en 1997. Il est resté dans ce pays jusqu'au mois de mars 1998. A ce
15 moment-là, il est retourné au Kosovo, où il a mis en place un QG de l'UCK à
16 Klecka; un lieu que je vous ai déjà montré sur la carte, et que l'on peut
17 voir également sur cette carte-ci avec le curseur blanc. Il avait le
18 contrôle des forces de l'UCK qui se trouvaient au sud de l'axe stratégique
19 Pristina-Peja, que je vous montre ici sur la carte.
20 Au mois de mai 1998, déjà les forces placées sous le contrôle de Limaj,
21 s'étaient rendues maîtresses du village de Lapusnik, qui servait aussi bien
22 de base pour les combats de l'UCK sur le front que pour les opérations de
23 l'UCK contre les Serbes. Cela servait également de camp de détention pour
24 les prisonniers serbes et albanais.
25 A partir de cette période, Limaj se faisait appeler Celiku également.
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1 C'était son pseudonyme ou son nom de guerre. L'unité qui était placé sous
2 son commandement à Lapusnik, qui était commandé par le deuxième accusé dans
3 cette affaire, Isak Musliu, était connue sous le terme de Celiku 3.
4 Deuxième accusé, Isak Musliu qui a également 33 ans. Il est né dans le
5 village de Racak que l'on peut voir. C'est également un homme qui vient de
6 cette même région. Il a fait son service militaire au sein de la JNA en
7 1989. Il a rejoint les rangs de l'UCK en 1996. En avril 2000, il est devenu
8 membre des services de police du Kosovo, le KPS. Il en a été mis à pied le
9 9 mai 2002. Son surnom pendant la guerre, c'était Qerqiz. Peu après le 9
10 mai 1998, Musliu est devenu le chef des soldats de l'UCK à Lapusnik. Il
11 relevait directement de Limaj Fatmir. Il commandait les hommes qui se
12 trouvaient à Lapusnik contrairement à Limaj qui lui, était commandant au
13 niveau régional. Le rôle de Musliu consistait à organiser une partie de la
14 défense de la zone de Lapusnik et de commander les gardes qui travaillaient
15 au camp.
16 Le troisième accusé en l'espèce, M. Haradin Bala est né à Korotice E
17 Eperme, que je vous montre sur la carte. Il est également originaire de la
18 région. Il est cardiaque. Il suit actuellement un traitement qui porte ses
19 fruits. Certes, il a souhaité arguer qu'il n'était pas en état physique
20 d'être jugé, mais les médecins se sont prononcés dans un sens inverse.
21 Haradin Bala est devenu membre de l'UCK en avril 1998. C'est en mai 1998
22 qu'il s'est rendu à Lapusnik. Il était garde au camp de détention de
23 Lapusnik. A partir de cette période, il porterait le pseudonyme de Shala.
24 Je voudrais brièvement, j'insiste brièvement, je voudrais brièvement parler
25 de l'histoire du Kosovo.
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1 Tous les peuples, tous les pays du monde sont définis par leur
2 histoire, par le flux et le reflux des empires, par les bonheurs et les
3 malheurs qu'ils connaissent. Dans les pays de l'ex-Yougoslavie, l'histoire
4 est omniprésente. On ne peut y échapper. Elle justifie, elle nourrit les
5 actes aussi bien bons que mauvais de tous ceux qui se trouvent dans cette
6 mosaïque complexe. Bien entendu, l'histoire doit faire -- c'est un sujet
7 qui doit faire l'objet de beaucoup de prudence dans le contexte d'un procès
8 au pénal au niveau international. Parce qu'une polémique au sujet de la
9 véracité ou de l'exactitude de certains faits historiques, est toujours un
10 écueil dans lequel on risque de tomber. Cependant, je pense qu'il peut être
11 utile de vous dresser un bref tableau de la situation historique.
12 Depuis des générations, les Serbes et les Albanais n'arrivent pas à se
13 mettre d'accord sur la véritable histoire du Kosovo et sur les droits de
14 propriété culturelle de cette région. On peut dire que des deux côtés, on a
15 des droits légitimes à revendiquer cette région. Ce qui est vrai
16 indéniablement, c'est que pendant bonne partie des mille dernières années,
17 les Serbes et les Albanais ont vécu, à la fois dans la paix et dans le
18 conflit dans le territoire que l'on appelle aujourd'hui le Kosovo. Les
19 Albanais affirment que ce sont eux qui habitaient là à l'origine, et qu'ils
20 descendent directement des antiques Illyriens. Les Serbes affirment quant à
21 eux, que le Kosovo se trouvait au cœur même d'un royaume médiéval. A
22 l'appui de cela, ils montrent tous les monastères, les églises orthodoxes
23 qui constellent le paysage du Kosovo.
24 Il y a une journée qui a marqué l'histoire du Kosovo; c'est celle du 28
25 juin 1389. Rassurez-vous, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les
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1 Juges, je ne vais pas vous donner toute l'histoire du Kosovo, mais cette
2 date est essentielle. Parce que d'après la tradition historique serbe, le
3 prince serbe Lazar a lutté contre l'envahisseur ottoman turc à Kosovo
4 Polje, le champ des merles, et il y a été vaincu. Il y a été vaincu, mais
5 sa mort a été considérée comme un sacrifie glorieux. Sa défaite a ouvert la
6 voie à l'invasion turque dans la région, qui n'a trouvé son terme que
7 300 ans plus tard aux portes de Vienne.
8 Cet événement a une emprise indéniable sur l'imaginaire serbe. On y suscite
9 des cris pleins d'émotion, des revendications sur le Kosovo, qui vont de
10 pair avec le réveil de l'identité nationale serbe. Pour beaucoup de serbes,
11 aujourd'hui encore, le Kosovo, c'est un petit peu leur Runnymede ou leur
12 Valley Forge, lieu qu'ils invoqueraient s'ils étaient soit Britanniques,
13 soit Américains, donc un lieu extrêmement important dans leur culture et
14 dans leur religion. C'est un lieu qui est également considéré comme la
15 patrie historique d'une bonne partie de la population albanaise.
16 Les Ottomans ont dominé le Kosovo pendant à peu près 500 ans. Ils y ont
17 amené la foi islamique. De nombreux Albanais se sont convertis. Pendant la
18 même période, de nombreux Serbes sont partis du Kosovo. Au début du 20e
19 siècle, les Serbes ont repris le contrôle du Kosovo. C'est à ce moment-là
20 que des crimes horribles ont été commis contre la population albanaise.
21 A l'issue de la Première guerre mondiale, les Serbes ont été vaincus au
22 Kosovo. Leur armée qui battait retraite, a été victime des représailles. Il
23 en était de même pour les civils serbes. Au bout de 4 ans de guerre, la
24 population serbe est revenue. C'est à ce moment-là que la population
25 albanaise a été elle-même victime de représailles.
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1 Pendant toute la période de l'entre-deux-guerres, les Serbes ont
2 essayé de rétablir l'équilibre démographique au Kosovo en envoyant s'y
3 installer des colons serbes. Au cours de la Deuxième guerre mondiale, les
4 Serbes, en particulier les colons, ont été chassés du territoire. A la fin
5 de la guerre, on a vu la création de la Yougoslavie communiste; le Kosovo,
6 devenant une province de cette nouvelle nation. Les Albanais avait espéré
7 qu'on verrait la création d'un nouvel Etat albanais qui incorporerait le
8 Kosovo; ceci n'a pas été le cas. Leurs protestations ont été réprimées de
9 manière violente par le nouveau régime communiste.
10 Dans les années soixante et soixante-dix, l'autonomie de Kosovo dans
11 l'Yougoslavie était tellement limitée, c'est-à-dire que dès les premiers
12 mois des années soixante, la province était directement sous la règle
13 serbe, au lieu de la règle fédérale. Des dizaines de mille d'Albanais sont
14 littéralement expulsés de Kosovo. Dans les années soixante, le maréchal
15 Tito a réduit le contrôle serbe et a amélioré les droits de la population
16 albanaise. A 1974, la province a été accordée une autonomie totale, ce qui
17 a donné au Kosovo les mêmes droits que les autres six républiques.
18 Après la période de 1974, les Albanais ont été mis sur un pied de
19 plus égalité avec les Serbes et ils pouvaient des positions principales au
20 gouvernement et aux affaires commerciales dans la province. A partir de
21 cette période, les Serbes se plaignaient d'harcèlement par des Albanais,
22 qui aussi demandaient le statut total d'une république.
23 A 1980-81, 100 000 Serbes avaient quitté le Kosovo. Les Serbes
24 étaient de plus en plus inquiets parce que, du fait de l'immigration serbe
25 et du taux de natalité très élevé de la population albanaise, on se
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1 trouvait dans un rapport d'un pour neuf, un Serbe pour neuf Albanais.
2 En 1981, on a assisté à des émeutes très violentes et de très grande
3 envergure du fait des étudiants albanais du Kosovo qui se plaignaient des
4 conditions de vie à l'université de Pristina. Ces émeutes ont débouché sur
5 des revendications relatives à l'indépendance du Kosovo. Suite à ces
6 émeutes, la population albanaise du Kosovo a été victime d'une répression
7 terrible qui a commencé par l'arrestation de centaines de personnes et le
8 début d'opérations de sécurité par la JNA et par la police afin de
9 maintenir l'ordre au Kosovo.
10 Après avoir été libérés de prison, beaucoup des Albanais du Kosovo sont
11 partis vers la Suisse et vers l'Allemagne où le mouvement populaire du
12 Kosovo s'était constitué pour objectif de rendre au peuple albanais sa
13 liberté au Kosovo par le truchement d'un soulèvement armé. Le LPK annonçait
14 l'UCK.
15 De 1981 à 1987, les tensions ont beaucoup augmenté entre les deux
16 communautés plus importantes au Kosovo; chacun revendiquant des droits
17 contre l'autre. La communauté serbe au Kosovo, s'est sentie de plus en plus
18 isolée. Nombreux sont ceux qui ont souhaité partir pour la Serbie. Des deux
19 côtés, les médias n'ont fait qu'attiser les difficultés rencontrées par les
20 populations du Kosovo. Slobodan Milosevic a exploité les tensions qui
21 existaient au Kosovo. Il est arrivé au pouvoir en exploitant l'indignation
22 des Serbes au sujet de ce qu'ils estimaient être un statut inégal dont ils
23 souffraient, dont souffraient les Serbes du Kosovo.
24 En 1990, Milosevic avait aboli l'autonomie limitée dont jouissait
25 précédemment le Kosovo. Il avait placé au poste de responsabilité de la
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1 province des Serbes, et ont constatait une répression de tout ce qui avait
2 trait à la culture et à la langue albanaise. Au cours de cette période, le
3 LDK, ou Ligue démocratique du Kosovo, est devenue une plate-forme politique
4 non violente qui a permis à des Albanais de contester le régime serbe au
5 Kosovo. Des centaines de milliers d'Albanais l'ont rejoint. M. Ibrahim
6 Rugova qui est le président actuel du Kosovo, a été le premier dirigeant du
7 LDK. Arrive 1995, 1996, à ce moment-là, de plus en plus, on était déçu de
8 la politique de non-violence, de résistance non violente du LDK. Cette
9 déception venait aussi bien du Parti du LDK lui-même qu'en dehors.
10 L'accord de Dayton en 1995, n'a pas réussi à régler la question du
11 Kosovo. Les Albanais du Kosovo se sont sentis trahis. Il y a eu de plus en
12 plus de soutien en faveur du LPK et d'un soulèvement armé contre le régime
13 serbe. Le LPK a financé des attaques dirigées sur les forces de sécurité
14 serbes à partir de 1992. Le LPK a organisé des formations militaires en
15 Albanie. Le LPK et l'UCK qui prenait naissance ont attaqué des cibles, la
16 police notamment, tuant des membres de la police, tant Serbes qu'Albanais.
17 Des centres de réfugiés serbes qui ont accueilli des Serbes qui avaient fui
18 le conflit qui avait éclaté dans d'autres parties de la Yougoslavie, ont
19 été pris pour cible. Le malaise serbe, la colère des Serbes n'a fait que
20 croître dans la région. Les réactions des forces de sécurité serbes ont
21 augmenté, se sont intensifiées.
22 De grand nombre d'Albanais ont fait l'objet d'harcèlement, de
23 détention et de mauvais traitements de la main des forces de sécurité
24 serbe. Les Albanais ont été placés en détention sans procès. Certains sont
25 morts, alors qu'ils étaient détenus par la police.
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1 En 1997, l'Albanie elle-même s'est effondrée, a sombré dans
2 l'anarchie. Des arsenaux militaires ont été dévalisés. Il y avait
3 maintenant beaucoup d'armes qui étaient disponibles aux Albanais du Kosovo
4 qui voulaient combattre les Serbes. L'UCK existait officiellement depuis
5 1993, mais on croyait de plus en plus en une résistance armée face au
6 régime serbe. Il y avait de plus en plus d'armes qui, soudainement, étaient
7 disponibles en provenance d'Albanie. Des actions de plus en plus dures de
8 la part des forces de la sécurité serbe qui, tout ceci, a débouché sur
9 l'expansion rapide et efficace de l'UCK en 1997 et 1998.
10 En 1998, en février, dans la région de Drenica, à l'époque, c'était
11 un bastion de l'UCK. A ce moment-là, les forces de sécurité serbe, qui
12 voulaient neutraliser les forces de l'UCK dans la zone, ont attaqué
13 plusieurs villages. Ce faisant, ces forces ont tué beaucoup de femmes et
14 d'enfants albanais. Les opérations, menées par les forces de sécurité serbe
15 à la frontière avec l'Albanie, pour recouper les sources permettant
16 d'acheminer des armes à l'UCK, ont eu les mêmes résultats. Les civils ont
17 pris la fuite; certains ont été tués. Des villages ont été pillés et
18 détruits.
19 L'UCK a commencé à établir des postes de contrôle sur les routes de
20 par la région. Des civils serbes qui vivaient dans ces zones se sont sentis
21 isolés et pris de peur. Beaucoup ont pris la fuite en Serbie même ou dans
22 des zones où il y avait davantage de Serbes qui vivaient dans la région,
23 dans la province. Des échanges sociaux et commerciaux entre les deux
24 communautés se sont réduits pour finir par s'éteindre.
25 C'est ainsi que la province a rapidement tout sombré dans le conflit
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1 ethnique violent. C'est dans ce contexte, devant cette toile de fond qu'il
2 faut voir les crimes repris dans l'acte d'accusation.
3 On peut dire du Kosovo que c'est un lieu qui toujours s'est trouvé en
4 marge, à la périphérie des États et des Empires qui ont revendiqué la
5 souveraineté dans la région. La présence de l'Etat, de l'appareil d'Etat a
6 donc toujours été très limitée. Au-delà de la famille, du clan ou de la
7 communauté locale villageoise, les loyautés ont toujours été très faibles,
8 très instables. Nous le verrons au fil de ce procès.
9 Permettez-moi de vous parler rapidement de la question du conflit
10 armé. Vous allez maintenant voir apparaître deux paragraphes de l'acte
11 d'accusation, le paragraphe 4 et le paragraphe 18.
12 On retrouve dans l'acte d'accusation des chefs d'accusation en
13 application de l'Article 3 et de l'Article 5 du Statut, crimes de guerre et
14 crimes contre l'humanité respectivement. La jurisprudence de ce Tribunal
15 est établie. Elle dit que les violations de l'Article 3, violations des
16 lois ou coutumes de la guerre et les violations de l'Article 5, crimes
17 contre l'humanité, peuvent se produire aussi bien dans des conflits armés
18 internes que des conflits internationaux. Le Procureur évoque expressément
19 au paragraphe 4 du deuxième acte d'accusation modifié, qu'après des années
20 de recrudescence de la tension et de la violence, on a vu éclater un
21 conflit armé entre les forces serbes et l'UCK au début de l'année 1998. Si
22 on prend ces deux paragraphes ensemble, le 4 et le 18, on peut dire que
23 pendant toute la durée de l'acte d'accusation, il y a eu un conflit armé
24 interne opposant les forces de ce qui étaient alors la RFY et l'UCK,
25 l'armée de la libération du Kosovo.
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1 Dans leurs mémoires préalables au procès, les trois accusés disent
2 qu'ils n'acceptent pas cette thèse, à savoir que selon eux, il n'y a pas de
3 conflit armé interne. C'est comme cela que ce libellé existe en droit pénal
4 international. Pour eux, il n'y avait pas de conflit opposant les forces de
5 la RFY et les forces de l'UCK lors de la période couverte par l'acte
6 d'accusation. Pour déterminer si, effectivement, il y a conflit armé au
7 moment des faits, on a une décision de la Chambre d'appel du premier procès
8 qui s'est tenu devant ce Tribunal; le Procureur contre Tadic. Aux fins de
9 la présente déclaration liminaire, on peut résumer les conditions à remplir
10 de la façon suivante :
11 Il faut montrer qu'il y avait des violences armées poursuivies
12 prolongées entre des autorités gouvernementales et des groupes armés
13 organisés. Pour le prouver, il faut que le Procureur prouve et présente des
14 éléments de preuve et que vous, Madame et Messieurs les Juges, vous voyez
15 exactement ce qu'il en est de l'organisation des parties au conflit et que
16 vous voyez quelle est l'intensité du conflit.
17 Je pense qu'il est utile de s'attarder un instant à l'examen des
18 consignes données, il y a à peu près de dix ans de cela, maintenant, par la
19 Chambre d'appel, à l'affaire Tadic. Il y a un appel interlocutoire qui a
20 fait l'objet d'une décision, qui fût plus tard appliqué par la Chambre. Il
21 y ait dit, que la portée temporelle et géographique de conflits armés tant
22 internes qu'internationaux dépasse la période et le lieu précis où se sont
23 déroulés des hostilités. Ceci se trouve au paragraphe 67 de la décision de
24 la Chambre d'appel.
25 Quelle influence ou quelle importance plus exactement faut-il donner à tout
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1 ceci ? La Chambre d'appel s'est rendue compte que pour prendre la juste
2 mesure d'un conflit, on se saurait se limiter dans son examen à des
3 événements qui se sont déroulés au moment précis ou aux alentours de ces
4 dates ou de ces lieux, lieux où furent commises les infractions. Je pense
5 que vous devez non seulement envisager les événements qui se sont produits
6 à Lapusnik ou aux alentours entre mi et juillet 1998, mais nous pensons
7 humblement qu'il faut aussi que vous examiniez les éléments de preuve que
8 constituent les éléments qui se sont produits tant avant qu'après cette été
9 1998, événements qui se sont produits en dehors de la municipalité de
10 Lapusnik et de Glogovac, pour voir s'il y avait, à l'époque, de l'acte
11 d'accusation un conflit armé. Je parle ici de la totalité de la
12 Yougoslavie, mais du Kosovo, mais je fais valoir qu'il serait utile de
13 s'attacher à l'examen d'éléments de preuve portant sur des conflits se
14 déroulant ailleurs que dans les seules municipalités de Glogovac et de
15 Lapusnik.
16 Quelles sont ces preuves ? Parlons tout d'abord de l'organisation des
17 parties au conflit.
18 C'est logique, dans un conflit il y a deux parties qui s'opposent. Ici, en
19 l'occurrence d'un côté, vous avez la police serbe. Au fur et à mesure que
20 le conflit a gagné en intensité, il y eut la VJ, l'armée yougoslave. De
21 l'autre côté, vous aviez l'UCK, l'armée libération de Kosovo. Prenons
22 d'abord les forces serbes, des témoins viendront vous dire que beaucoup des
23 policiers ayant participé étaient des membres d'Unité de Combat spécialité,
24 pas seulement des éléments de la police régulière, des forces de l'ordre,
25 ce qui montre tout le sérieux qu'accordaient les autorités serbes à la
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1 menace que constituait l'UCK. La VJ a d'abord été déployée dans les régions
2 limitrophes, les régions frontalières. Vous voyez ici les régions
3 frontalières, les régions limitrophes avec l'Albanie à partir du Kosovo.
4 C'est là que fût déployer la régie pour essayer d'enrayer l'afflux d'armes
5 et d'équipements venant de l'Albanie vers le Kosovo. Au cours de l'année
6 1998, de plus en plus, on a eu recours à l'armée pour que le combat contre
7 l'UCK se situe à l'intérieur des frontières du Kosovo.
8 Nous ne pensons pas qu'on met en cause -- que la Défense puisse mettre en
9 cause au niveau de l'organisation des forces serbes; cependant, si l'on
10 voit le niveau de l'organisation des forces de police et de l'armée serbe,
11 c'est important pour avoir une idée des éléments utilisés par l'UCK au
12 cours de l'été 1998. Ces éléments de preuve sont importants non seulement
13 pour évaluer l'organisation et le degré d'efficacité de l'UCK, mais pour
14 avoir une idée également du conflit en tant que tel.
15 Qu'en est-il de l'autre côté, de l'UCK ? L'Accusation ne le conteste pas,
16 en 1998, l'UCK était une armée en train de se développer. On ne peut pas
17 dire que l'UCK de 1998 était une force comparable à une force nationale
18 bien organisée de l'OTAN. C'est incontestable, jusqu'à la fin de l'été
19 1998, l'UCK s'appuyait sur des forces locales qui étaient très loyales à
20 l'égard de leurs commandants. Par exemple, vous aviez ici en l'occurrence
21 Fatmir Limaj, ou Celiku, qui était le commandant régional local.
22 Mais il ne faut pas aux fins d'établir les conditions nécessaires à remplir
23 ce critère juridique, il ne faut pas nécessairement une organisation
24 militaire très sophistiquée. Si c'était le cas, on pourrait dire que
25 beaucoup d'armées dans beaucoup ce coin du monde ne tomberaient pas sous le
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1 coup de l'application du droit pénal international.
2 Vous entendrez ici à la barre des témoins un officier à la retraite. Un
3 témoin international qui viendra vous dire qu'à l'été 1998, l'UCK était
4 suffisamment bien organisée que pour avoir des zones opérationnelles bien
5 délimitées pour bénéficier d'un appui logistique sous la forme d'armes, de
6 munitions et d'uniformes qui lui étaient fournis par l'Albanie,
7 suffisamment former forte que pour opérer ou faire fonctionner des QG
8 militaires, rudimentaires, de par le Kosovo que pour recruter, et former
9 des soldats, et lorsque arrive le mois de mai et juin 1998, pour contrôler
10 les voies de passage qui suivaient les grandes artères au Kosovo. Ce qu'il
11 leur donnait le contrôle du territoire, et c'est ce que fait une armée,
12 elle prend un territoire et le contrôle.
13 Vous aurez des membres de l'UCK qui viendront corroborer le fait qu'au
14 moment de l'été 1998, l'UCK était suffisamment bien organisé, et que pour
15 organiser de longues opérations militaires dans beaucoup d'endroits du
16 Kosovo. L'Accusation demandera le versement au dossier de plusieurs
17 communiqués de l'UCK, des déclarations publiques de l'UCK qui datent de la
18 fin 1997, et qui vont parcourir toute l'année 1998. Dans ces déclarations
19 l'UCK, à plusieurs reprises, elle souligne qu'elle est une force militaire
20 organisée qui mène des opérations militaires, et non pas des attaques
21 terroristes.
22 Vous allez, notamment, voir une déclaration du 11 juillet 1998. Vous avez
23 un individu, un certain Krasniqi, qui était le porte-parole de l'UCK. Je
24 vous ai placé la totalité de la citation et son contexte, mais je me
25 permettrais de lire la dernière phrase : "Dans les circonstances actuelles,
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1 on ne peut accepter aucune espèce de Sinn Fein, et nous ne sommes pas de
2 loin -- ni de près, ni de loin comparable à l'IRA, l'armée irlandaise. Nous
3 combattons pour la libération. L'UCK c'est le sigle en albanais de l'armée
4 de libération de Kosovo. C'est une formation militaire régulière. Ce n'est
5 pas une organisation. Ce n'est pas un groupe qui s'engage ou se livre à des
6 actions de petites tailles. Nos opérations sont de grande envergure, et
7 ressemblent davantage à celle mené par une armée régulière."
8 Nous sommes en juillet 1998, à ce moment-là; l'UCK dit d'elle-même qu'elle
9 est une force militaire, une formation militaire organisée, mais ce qui
10 compte encore plus, c'est que, comme nous le savons, en juin 1998, le
11 premier accusé en l'espèce, M. Fatmir Limaj, est convaincu que l'UCK est
12 une structure organisée qui dispose d'une structure militaire et politique
13 authentique. C'est ce qu'il dit lui-même. Je vais vous faire diffuser une
14 séquence vidéo. Vous verrez les sous-titres. Ici, il s'agit d'un extrait.
15 Je vais vous demander de suivre les sous-titres. Les interprètes ne
16 disposent pas du texte et vont s'efforcer de résumer ce qui est dit.
17 [Diffusion de cassette vidéo]
18 M. CAYLEY : [interprétation] A ce moment-là, c'est une structure organisée
19 qui a une structure militaire et politique authentique avec une vision très
20 claire, et une plate-forme politique et militaire très claire qui permet de
21 réaliser ces objectifs -- nos objectifs. Je dis que je crois que c'était là
22 l'objectif qui nous menait au succès. L'importance c'est la première
23 apparition de
24 M. Krasniqi.
25 Fatmir Limaj déclare à ce moment-là que l'UCK s'était une structure
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1 organisée disposant d'une structure militaire et politique authentique.
2 Nous le savons. Cette déclaration renvoie à la période qui se situe au mois
3 de juin 1998. Vous l'aurez lue. Vous vous en souviendrez. M. Limaj parle de
4 la première fois où l'on a vu
5 M. Krasniqi.
6 Je vais maintenant vous montrer un communiqué du 12 juin 1998. Le voici. Il
7 s'agit d'un communiqué de presse qui annonce que l'UCK ou que le grand
8 quartier général de l'UCK a décidé de nommer M. le Professeur Jakup
9 Krasniqi à la fonction de porte-parole. Nous le savons car nous avons la
10 date. C'est celle du 12 juin 1998. Nous avons la déclaration de Fatmir
11 Limaj s'agissant de l'organisation de l'UCK qu'il faut voir, par rapport
12 avec cette période, celle du mois de juin 1998, moment où il déclare que
13 l'UCK est une structure militaire organisée.
14 Fatmir Limaj et tout comme Isak Musliu disent dans leurs mémoires
15 préalables au procès, au paragraphe 17, qu'en 1998, celui qui était
16 Procureur du TPY, Mme Louise Arbour, avait dit qu'elle ne savait pas si
17 l'UCK constituait une force militaire organisée qui devait faire respecter
18 les dispositions des conventions de Genève. Je n'ai pas pu trouver cette
19 déclaration, mais je vais vous montrer ce que j'ai quand même trouvé. Le
20 document suivant que je vais vous montrer, c'est une déclaration publique
21 du Procureur du TPY le 10 mars 1998. Cette déclaration concerne la
22 compétence du Tribunal s'agissant du Kosovo. Je ne vais pas tout vous lire,
23 mais vous le verrez. Regardez la toute dernière ligne. Elle parle du
24 mandat, de la compétence qui lui est conférée. Elle l'a déjà dit: "Cette
25 compétence est permanente et concerne également et couvre les derniers
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1 événements violents au Kosovo." Voilà ce que pensait le 10 mars 1998, le
2 Procureur de ce Tribunal.
3 Il y a un lien entre l'organisation du conflit et l'intensité du conflit.
4 Mais maintenant, je vais m'intéresser tout particulièrement à cette
5 deuxième condition qu'il faut remplir pour que s'applique le droit pénal
6 international, intensité du conflit. Le 31 mars 1998, le conseil de
7 Sécurité a estimé qu'en vertu du chapitre 7, la situation au Kosovo est à
8 ce point grave qu'elle constituait une menace à la paix et à la sécurité
9 internationale. Vous voyez ce document. Le conseil de Sécurité condamne les
10 forces excessives utilisées par les policiers serbes contre les civils et
11 les manifestants tout à fait paisibles du Kosovo, ainsi que tout acte de
12 terrorisme commis par l'UCK ou par tout autre groupe ou individus et tout
13 soutien extérieur, appui extérieur apporté à des activités terroristes au
14 Kosovo.
15 Cliché suivant : cette même résolution disait également que les Etats
16 n'étaient autorisées à fournir aucune arme, que ce soit à la RFY ou à la
17 l'UCK. Même si on ne parle pas expressément de l'UCK, on parle de la
18 fourniture d'équipements matériel et de matériel militaire à des activités
19 terroristes. Ce qui compte surtout dans ce document, c'est le dernier
20 paragraphe -- je pense qu'on va pouvoir l'afficher -- qui exhorte Mme
21 Louise Arbour de commencer à recueillir des renseignements portant sur les
22 actes de violence au Kosovo et qui seraient susceptibles d'être de la
23 compétence du TPY. Cette résolution conseille aussi à la RFY de collaborer,
24 de coopérer avec le Tribunal. Voilà la position dans laquelle se trouvaient
25 le Procureur et le conseil de Sécurité en mars 1998.
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1 Le 7 juillet, le Procureur écrit au groupe de contacts. Vous vous
2 souviendrez que ce groupe, c'était un groupe d'états qui avait pour
3 vocation de sauver la situation au Kosovo. Cette lettre est envoyée à celui
4 qui était l'ambassadeur des Etats-Unis aux Nations Unies après plusieurs
5 mois d'enquêtes sur les infractions commises dans la région où elle
6 confirme qu'on peut dire qu'au Kosovo, il y a un conflit armé, ce qui a
7 pour conséquence que le Tribunal est compétent dans la région. Ce fut là,
8 bien entendu, une déclaration rétrospective, rétroactive, consécutive à
9 plusieurs mois d'enquêtes, de travail au Kosovo. Elle renvoie cette
10 déclaration à des crimes qui avaient déjà été commis en 1998.
11 La résolution du conseil de Sécurité 1119 du 23 septembre 1998 s'est vue
12 recevoir cette lettre du Procureur du Tribunal pénal international pour
13 l'ex-Yougoslavie dans laquelle elle exprime le point de vue que la
14 situation au Kosovo représente un conflit armé conformément au mandat du
15 Tribunal. Cette représentation faite par le Procureur ne prouvant pas le
16 conflit armé existait, mais, de toute façon, il est certain que grâce à
17 cette lettre, cela prouve l'affirmation de la Défense qu'il n'y a pas eu de
18 conflit armé pendant l'été 1998 tel que cru par le Procureur.
19 Il est également intéressant de remarquer qu'au mois de septembre
20 1998, le conseil de Sécurité décrivait les conflits qui existaient au
21 Kosovo en tant qu'étant des conflits intenses et a exprimé des
22 préoccupations très sérieuses concernant dans ces rapports la violation du
23 droit international humanitaire. Le conseil de Sécurité a été impliqué et
24 son implication s'est vue augmenter au cours de l'année 1998 et s'est vue
25 culminer au mois de juillet 1999 avec la résolution 1244. Je me suis déjà
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1 référé à l'établissement de cette résolution, c'est-à-dire, à
2 l'établissement de l'administration intérim au Kosovo des Nations Unies. Au
3 14 août 1999, lorsque les forces yougoslaves s'étaient retirées du Kosovo,
4 c'est à ce moment-là que 40 000 hommes, troupes de l'OTAN ont été déployés
5 dans la province.
6 Les éléments de preuve seront entendus par des témoins internationaux
7 et d'autres officiers de l'armée qui étaient présents au Kosovo, et qui
8 étaient chargés de la mission, de l'observation du conflit qui avait
9 escaladé et qui s'était vu intensifié qu'au cours de la période couverte
10 par l'acte d'accusation que le conflit s'était intensifié et était devenu
11 beaucoup plus, géographiquement, se trouvait déployé sur une plus grande
12 partie. Les membres de l'armée et de la police serbe corroboreront qu'il
13 existait effectivement en 1998 une guerre dans cette région.
14 Le haut représentant de l'organisation des droits de l'homme a écrit
15 de nombreux documents concernant les abus qui existaient au Kosovo. Je
16 crois que l'applicabilité de l'Article 3 et du protocole 2 concernant le
17 conflit au Kosovo et de ces sociétés entre l'UCK et les forces
18 gouvernementales se sont vues, le 28 février 1998, ont vu l'intensification
19 du conflit qui se voit nécessaire pour que l'Article 3 soit appliqué, et la
20 Mission de l'observation du Droit de l'homme ont évalué que suivant ce qui
21 se passent entre eux, les forces gouvernementales et l'UCK représente une
22 base pour que la condition soit établie suivant ce qui figure au protocole
23 2 des conventions de Genève.
24 Nous allons vous présenter ce rapport de la mission de l'observation
25 humanitaire des droits de l'homme, mais je vous dirais que ces éléments de
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1 preuve sont pertinents, ont une valeur probante, et sont présentés par un
2 groupe indépendant avec une énorme expérience et une expertise des conflits
3 et de leurs natures partout dans le monde.
4 En dernier lieu, les membres de l'UCK et qu'est-ce que je vous ai
5 déjà dit des membres des forces serbes ont cru toujours qu'en été 1998, ils
6 prenaient part à un conflit armé. Nous allons vous présenter des éléments
7 de preuve à cet effet fournis par plusieurs témoins. J'ai deux exemples de
8 déclarations. Il est très important de voir qu'il y a eu un communiqué
9 l'ALK, qui se trouve à la partie droite de l'écran, et à gauche de l'écran,
10 vous verrez un rapport fait par le commandement du Corps de Pristina qui
11 était la formation de la VJ principale présente au Kosovo au cours de cette
12 période trouble.
13 Vous verrez qu'à gauche de l'écran, le général Pavkovic, qui était le
14 commandant du Corps de Pristina et qui était chargé par le Tribunal, qui
15 s'est vu accusé de crimes par le Tribunal pendant l'année 1998, ils disent
16 que la situation concernant la sécurité au Kosovo se voit de plus en plus
17 complexe chaque jour à cause des opérations des terroristes albanais qui se
18 servent d'attaques fréquentes sur le ministère de l'Intérieur et sur les
19 membres du ministère de l'Intérieur, sur les citoyens de nationalité serbe,
20 et sur les Albanais qui sont loyaux au système, instaurant l'incertitude et
21 la peur. Je ne vais pas vous lire ce qui figure à la partie droite de la
22 page, mais nous pouvons voir que, de par leur façon d'opérer et par la
23 façon dont le soutien logistique et des renseignements se fassent, ces
24 forces terroristes de plus en plus prennent un aspect d'organisation
25 militaire, car elles sont déployées en unité, et en peloton, et en
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1 compagnie. A la page suivante, c'est le document à gauche, cela représente
2 la même chose. C'est la deuxième page du rapport, et ici, vous pouvez voir
3 le général Pavkovic, qui fait une évaluation, et qui estime qu'au mois de
4 mai, l'UCK avait pris au moins 30 % du territoire du pays. Vous verrez une
5 partie de ce paragraphe surligné. Vous verrez que les terroristes albanais
6 possédaient une énorme quantité d'armes diverses calibres, et d'autres
7 armes leur permettant de mener une guerre de guérilla. On parle d'un
8 problème de manque de munition, et des essais de passer la frontière en
9 Albanie, en Macédoine, et c'est ce que l'on s'attend à ce que cela se
10 passe.
11 Ensuite, à droite, vous verrez que l'UCK -- que le général Pavkovic, le
12 général de la VJ, en fait, répond à ce que l'on dit, que les opérations
13 militaires ont été menées par l'UCK, et qui est précisé dans ce communiqué
14 qui se trouve à droite de l'écran.
15 Si l'on passe maintenant à la diapo suivante, simplement pour être plus
16 complet, je l'inclus car vous pouvez voir le tampon du général Pavkovic, la
17 signature de ce dernier. Il est également accusé par ce Tribunal.
18 Monsieur le Président, jusqu'à quand, souhaiteriez-vous que je poursuive ?
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien, je crois que normalement nous
20 prendrions une pause à 3 heures 40.
21 M. CAYLEY : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.
22 Je souhaiterais maintenant vous parler du paragraphe 19 de l'acte
23 d'accusation. Tous les actes et omissions qui sont décrits comme crimes
24 contre l'humanité font partie d'une attaque généralisée systématique et
25 dirigée contre la population civile serbe, et les collaborateurs albanais
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1 présumés. Les chefs 1, 3, 5, 7 et 9 trouvent les accusés coupables de
2 crimes contre l'humanité. Les éléments de preuve à l'appui de ces charges
3 sont identiques aux éléments de preuve qui sont offerts par les charges
4 concernant les violations des trois coutumes de la guerre.
5 L'Article 5 dit, Monsieur le Président, que l'auteur des crimes doit
6 savoir que ces agissements font parties d'un schéma de crimes systématiques
7 et dirigés contre une population civile, et que ces agissements font partie
8 d'un tel schéma.
9 Je le mentionne, Monsieur le Président, car les accusés nient que ces
10 crimes faisaient partie d'une attaque systématique et généralisée contre
11 une population civile. C'est la raison pour laquelle je vais maintenant
12 vous parler de cet élément.
13 Le jugement Stakic, suivant Kunarac, a identifié les faits qui
14 représentent une attaque généralisée et systématique. En parlant,
15 particulièrement, des conséquences de l'attaque sur une population ciblée,
16 le nombre de victimes est un pré requis, le nombre de dates, la nature des
17 actes, la participation possible d'autorités ou d'officiels, des
18 représentants des autorités, et chaque schéma identifiable de crimes.
19 Maintenant, dans le jugement Simic, il est confirmé, qu'en fait, il
20 n'y a absolument aucune nécessité dans le droit coutumier international que
21 les actes qui font partie d'une attaque soit lié à une politique ou un
22 plan. Ceci résume brièvement la loi telle que nous l'avons expliquée dans
23 notre mémoire préalable au procès.
24 Maintenant, pour ce qui est du groupe chargé et d'observer le "Human
25 Rights Watch", donc ce groupe dans son rapport de 1998, comme je l'ai déjà
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1 indiqué dit que depuis le mois de février jusqu'au mois de septembre 1998,
2 l'UCK avait commis une violation des droits de la guerre en prenant des
3 otages civiles, et en commettant des exécutions sommaires, alors que le
4 rapport contient des déclarations, des représentants de l'UCK condamnant
5 les enlèvements et les abus au droit international. Il cite également
6 l'annonce de l'ALK, le représentant -- en fait, de l'ALK, le pourparler de
7 l'ALK, Jacob Krasniqi, en juillet 1998, qui dit-- qui avoue, effectivement,
8 que les civils liés à la police et à l'armée, qui avaient été kidnappés par
9 ces derniers -- qui avaient été kidnappés par l'UCK et qui étaient appelés
10 collaborateurs albanais avait été particulièrement ciblé.
11 Voici ce qui est dit au mois de juillet 1998, vous vous rappelez
12 qu'il s'agit d'une personne qui était le porte-parole de l'ALK, au mois de
13 juin 1998, d'abord je cite : "D'abord les forces serbes, qu'il s'agisse de
14 polices militaires, ou de civils, ou des civils armés représentent nos
15 ennemis. Depuis le début, il a fallu établir des lois internes pour nos
16 opérations. Cela éclaire également que l'UCK reconnaît les conventions de
17 Genève et les conventions qui gouvernent le comportement d'une guerre. Nous
18 ne voulons pas kidnapper nécessairement les personnes, mais même si
19 quelques personnes de ce type ont souffert, je dis que c'étaient des
20 collaborateurs albanais plutôt que des civils serbes. Nous ne comportons
21 pas comme les Serbes, et nous n'enlevons pas les personnes."
22 Il est absolument inéquivoque qu'au mois de juillet 1998, le porte-
23 parole de l'ALK parle de personnes enlevées qui ont fait l'objet d'une
24 liste ou qui ont été exécutées.
25 Sur la base des mécanismes relationnels de l'ALK, nous pouvons savoir qu'à
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1 un niveau central de l'ALK, il y avait une confirmation publique de ce qui
2 s'est passé, de ces enlèvements, et de ces exécutions. Le Procureur offrira
3 des éléments précis qu'un homme albanais qui avait été enlevé par les
4 membres de l'ALK s'est fait tué, et s'est fait exécuté un mois après que
5 Krasniqi a fait cet annonce.
6 Vous verrez ici maintenant, encore une fois, un écran divisé en deux. A
7 gauche, vous verrez ce que le document dit. Voici ce qui a été trouvé sur
8 le corps de cet homme qui a été tué. Je ne vais pas montrer -- je vais
9 entrer en détail : "Car il l'a collaboré avec la force occupante d'avoir
10 fait une propagande anti-albanaise causant la peur, la panique, et la haine
11 au nom du peuple albanais, et c'est ainsi que Ramiz Hoxha [phon], de
12 Belanica, a été -- sont passés à la mort en tant que traîtres de la nation.
13 Voici, le sort réservé aux traîtres."
14 Maintenant, cette mort de M. Ramiz Hoxha de Belanica a été confirmée plus
15 tard dans la presse, dans les médias. Vous verrez ici, que Ramiz Hoxha du
16 village de Belanica s'est fait exécuté par l'ALK, ou l'UCK, après avoir --
17 car il a eu des liens avec Agim Krasniqi et des membres de l'ALK.
18 Maintenant, il y a eu une autre déclaration qui a été attachée à un
19 autre corps disant qu'il a été traître. Il n'y a absolument aucun élément
20 nous permettant de dire qu'il y a eu un procès contre la trahison, et il
21 n'y a absolument rien qui nous dit que M. Hoxha était un traître. Vous avez
22 vu l'article des médias qui confirme plus tard que cet homme s'est fait
23 tué. Le "Human Rights Watch" a évalué que, vers la fin de 1998, il y a eu
24 environ 100 Serbes, beaucoup plus, en fait, probablement qui se sont
25 enlevés de l'UCK, des gens habitant à Orahovac. Mais la plupart de ces
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1 personnes de ces Serbes se sont faits libérer alors qu'un bon nombre
2 simplement vu disparaître. En juillet 1998, un groupe de Serbes se sont
3 faits enlever, et ont été tenus par des groupes albanais armés de Malisevo.
4 L'un d'eux s'est enfui, et c'est qui est arrivé aux autres prisonniers, on
5 ne le sait pas. "Human Rights Watch" a fait un rapport disant qu'il y a eu
6 une liste de personnes enlevées, qui a été faite pour ce qui est des
7 Serbes, des Roms et des Albanais au cours de 1998.
8 Le témoin expert, Stéphanie Schwander-Severs, confirmera qu'il y a un
9 bon nombre -- que c'était au cours de l'été 1998 que ces membres de la
10 population civile albanaise, qui était sous la domination serbe et qui
11 était loyale à l'ALK, ont subi un sort brutal.
12 Au mois de décembre 1998, Susan Ringaard Pedersen, une employée travaillant
13 à l'OSCE au Kosovo, s'est rencontrée avec les Serbes de tout le Kosovo, qui
14 parlaient des personnes disparues, des personnes qui s'étaient faites
15 enlevées. Mme Pedersen a rencontré également le commandant de l'UCK dans la
16 zone de Lapusnik, qui lui a confirmé que l'UCK avait effectivement détenu
17 des Kosovars albanais, qui étaient soit des collaborateurs ou des
18 criminels. Mme Pedersen fait référence à un homme qui s'appelait Fahti
19 [phon], qui avait été décrit comme un homme se trouvant à la tête de la
20 police militaire de l'UCK. Il a confirmé que l'UCK avait certains individus
21 en détention. Il avait confirmé que les prisonniers avaient été tenus dans
22 des maisons privées, et qu'on les déplacaient dépendamment des avances
23 serbes militaires. Nous savons que c'est absolument consistant de ce qui
24 s'est passé au camp de Lapusnik en 1998. C'est un camp qui avait été
25 improvisé, qui était situé dans une zone agricole, domestique. Les
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1 prisonniers se faisaient déplacer alors que les forces serbes avançaient.
2 Suite aux avancements des forces serbes, Mme Ringaard, qui va témoigner, a
3 demandé à Fahti d'obtenir une liste des prisonniers, qu'elle n'a jamais
4 reçue.
5 Les membres des forces de sécurité serbe corroboreront, démontrant un bon
6 nombre de documents, et en déposant oralement devant vous, qu'une politique
7 bien connue, une politique systématique d'enlèvement de Serbes et de
8 citoyens albanais, donc d'enlèvement par les membres de l'UCK.
9 Ces éléments de preuve, Monsieur le Président, démontreront ce qui
10 s'est passé, et dresseront un portrait de ce qui s'est passé à Lapusnik,
11 diront qu'il s'agit de comportement qui peut peut-être catégoriser comme
12 étant des comportements systématiques et généralisés, des enlèvements qui
13 ont eu lieu pendant plusieurs mois, des enlèvements ont eu lieux sur une
14 zone très large géographiquement parlant. Des Serbes et des Albanais en
15 avaient été l'objet. Des individus qui avaient été enlevés avaient été
16 traités de façon brutale. Ils se sont faits exécutés au cours de ces trois
17 mois. Les observateurs internationaux de l'OSCE, du "Human Rights Watch",
18 ont identifié un schéma d'enlèvement de Serbes et d'Albanais dans certaines
19 régions du Kosovo au cours de l'été 1998. Des hauts représentants -- un
20 haut représentant de l'ALK en juillet 1998, et plus tard en 1998, [comme
21 interprété] les responsables, ont acquiescé que des individus se sont faits
22 kidnappés, enlevés, emprisonnés, dans certains cas exécutés, démontrant
23 tout du moins une connaissance des événements qui se sont passés sur le
24 territoire, une politique acceptée par eux. Les représentants de sécurité
25 serbe ont fait état pendant cette période d'un schéma, en représentant
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1 qu'il y avait un schéma d'enlèvements et de meurtres fait par l'UCK de
2 Serbes et d'Albanais pendant cette période.
3 Monsieur Président, je remarque que l'heure est arrivée pour prendre
4 la pause.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons maintenant
6 lever la séance, et reprendrons nos travaux à 16 heures.
7 --- L'audience est suspendue à 15 heures 40.
8 --- L'audience est reprise à 16 heures 02.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avant de vous laisser continuer,
10 Monsieur Cayley, je voudrais vous signaler, s'agissant des rapports qui ont
11 été reçus par la Chambre au sujet de la question soulevée ce matin, et qui
12 a fait l'objet de présentation d'arguments par les conseils de la Défense,
13 ce rapport nous indique que la situation n'évolue pas de manière favorable,
14 si bien que nous allons formellement donner l'ordre au Greffe de prendre
15 toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les accusés en
16 l'espèce n'aient pas les yeux bandés pendant leur déplacement entre le
17 quartier pénitentiaire et le Tribunal. Nous espérons que grâce à cette
18 ordonnance, on pourra faire avancer la situation.
19 Monsieur Cayley, vous avez la parole.
20 M. CAYLEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. On m'a demandé
21 de ralentir un petit peu. Je vais essayer de me conformer à cette demande.
22 J'espérais ne pas aller trop vite précédemment.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien évidemment, vu la nécessité de
24 traduire vos propos, il ne faut pas aller trop vite. Votre résolution est
25 donc la bonne.
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1 M. CAYLEY : [interprétation] Je vais parler brièvement de l'identité des
2 victimes en l'espèce. Les victimes étaient aussi bien des Albanais que des
3 Serbes. Les Serbes étaient visés plus particulièrement parce que c'étaient
4 des Serbes et parce qu'on les identifiait aux forces de sécurité, elles-
5 mêmes serbes, présentes au Kosovo. A une exception, tous ces Serbes étaient
6 des civils. L'un d'entre eux était un sous-officier au sein de la VJ,
7 l'armée yougoslave, un dénommé Stamen Genov qui, en réalité, était Bulgare
8 de souche, mais il était yougoslave, et il servait au sein de l'armée
9 yougoslave. Je parlerai des circonstances de son meurtre ultérieurement au
10 cours de ma déclaration liminaire.
11 Certaines des victimes serbes étaient des réfugiés qui avaient été
12 réinstallés au Kosovo et qui venaient d'autres régions de la Yougoslavie.
13 C'est à cause de la guerre que ces gens étaient devenus de réfugiés, et ces
14 gens venaient d'autres régions de la Yougoslavie, avaient été réinstallés
15 au Kosovo par les autorités de Belgrade. Mais la plupart des victimes
16 serbes étaient des Serbes du Kosovo, c'est-à-dire, des Serbes de souche,
17 nés au Kosovo et qui avaient grandi au Kosovo.
18 Les Albanais visés par l'UCK, nous les avons désignés dans notre acte
19 d'accusation au moyen du terme de "collaborateurs perçus." C'était une
20 "perception" et j'insiste sur ce terme, parce que les moyens de preuve que
21 nous allons présenter en l'espèce, montreront que souvent ces Albanais du
22 Kosovo qui étaient arrêtés, l'étaient parce qu'ils avaient fréquenté, de
23 manière informelle, les Serbes qui habitaient près de chez eux. Il est
24 possible que ces gens aient été opposés aux opérations menées par les
25 Serbes au Kosovo, mais, dans le même temps, désapprouvaient les méthodes
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1 employées par l'UCK. Pour certains d'entre eux, il s'agissait d'anciens
2 fonctionnaires. Il y a en a un qui soit un ancien employé dans la
3 sylviculture, un ancien policier. Bien entendu, ceci ne justifie en rien la
4 brutalité et les meurtres qui ont eu lieu à Lapusnik entre mai et juin
5 1998.
6 Maintenant, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vais
7 parler du droit de manière plus approfondie pour chacun des chefs
8 d'accusation. J'ai déjà déclaré que le Procureur s'appuie uniquement sur
9 l'Article 3 et l'Article 5 du Statut dans tout le Règlement. Les conditions
10 juridiques requises pour établir un crime contre l'humanité et les
11 violations des lois ou coutumes de la guerre, se trouvent aux paragraphes
12 100 à 109 du mémoire préalable au procès de l'Accusation. Aucun des accusés
13 ne s'est élevé contre la qualification juridique adoptée par le Procureur.
14 Bien entendu, ils s'opposent ou ils refusent de reconnaître la validité des
15 moyens de preuve, mais pas les qualifications juridiques. Je me permets de
16 vous renvoyer à ce passage de notre mémoire en procès. J'indiquerai,
17 d'ailleurs je l'ai déjà fait, les points sur lesquels nous ne sommes pas
18 d'accord avec les accusés au sujet des qualifications juridiques.
19 Chefs d'accusation 1 et 2, emprisonnement. Le chef d'accusation numéro 1
20 reproche aux trois accusés un crime contre l'humanité, plus
21 particulièrement, le crime d'emprisonnement. En l'essence, le droit nous
22 dit la chose suivante : on ne peut, en temps de guerre, emprisonner une
23 personne sans justification. Même si cette détention est justifiée, on ne
24 peut maintenir cette personne en détention, à moins de se conformer aux
25 garanties prévues par les conventions de Genève en matière de procédure.
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1 Les moyens de preuve que nous allons produire en l'espèce, montreront qu'il
2 n'y avait aucun fondement juridique à ces emprisonnements. S'agissant du
3 respect des garanties prévues par les conventions de Genève, il est inutile
4 d'en parler puisque jamais cela n'a été respecté.
5 Chef d'accusation 2, traitement cruel. Au titre du chef 2, nous reprochons
6 aux accusés la détention illégale en tant que traitement cruel, une
7 violation des lois ou coutumes de la guerre au titre de l'Article 3 du
8 Statut du Tribunal. La définition juridique des traitements cruels, a été
9 rédigée intentionnellement de manière assez globale, assez large, afin de
10 prendre en compte tous les dols dont peuvent être victimes les non-
11 combattants pendant la guerre. La définition est la suivante : un acte ou
12 une omission qui entraîne une atteinte grave à la l'intégrité physique et
13 mentale ou une atteinte à l'intégrité physique, constitue une atteinte à la
14 dignité humaine. Il faut que cet acte soit commis à l'encontre d'une
15 personne qui ne participe pas aux hostilités de manière active.
16 Si l'emprisonnement illégal n'a pas encore été défini par les Chambres du
17 Tribunal en tant que traitement cruel, la jurisprudence, cependant, nous
18 montre très clairement que les Chambres étudient ces questions au cas par
19 cas, et que cette infraction de traitement cruel fait partie de quelque
20 chose qui se retrouve à l'Article commun 3 de toutes les conventions de
21 Genève, et qui implique un certain nombre de protections qui sont prévues.
22 J'avance que, lorsque l'on enlève de manière arbitraire, que l'on
23 emprisonne quelqu'un qui ne participe pas aux hostilités, que l'on procède
24 de la sorte sans aucune justification juridique, que l'on ne permet pas à
25 cette personne d'avoir une assistance juridique, que l'on ne respecte même
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1 pas les garanties minimum prévues par les conventions de Genève, que l'on
2 n'indique pas au prisonnier pourquoi il est en détention, combien de temps
3 il va rester en détention, alors que partout autour de lui, c'est la mort,
4 c'est la violence qui règne, on peut dire qu'au minimum, on a affaire à une
5 atteinte grave à la dignité humaine et qu'on peut dire qu'effectivement, il
6 y a là, traitement cruel et violation des lois ou coutumes de la guerre.
7 Les trois accusés contestent les faits, mais ils ne contestent cependant
8 pas l'affirmation selon laquelle l'emprisonnement illégal constitue une
9 forme de traitement cruel.
10 Les moyens de preuve en l'espèce vont démontrer que ces enlèvements et
11 l'emprisonnement de toutes ces victimes n'ont jamais eu de fondement
12 juridique. Ces gens ont été arrêtés, ont été emprisonnés parce qu'ils
13 étaient Serbes, parce qu'ils étaient Kosovars, et étaient considérés, de
14 manière arbitraire, comme des collaborateurs. Rien ne venait étayer cette
15 affirmation et cette classification. De plus, à aucun moment les garanties
16 prévues par l'Article 43 de la convention de Genève n'ont été respectées.
17 Les éléments de preuve dont nous disposons au sujet des enlèvements et des
18 mises en détention se retrouvent de la même manière pour les Serbes comme
19 pour les Albanais. Tous les Serbes ont été enlevés dans des circonstances
20 semblables. On pourra en dire de même pour les Albanais du Kosovo, victimes
21 de ces infractions.
22 Vous allez bénéficier d'éléments de preuve au sujet des enlèvements, de
23 l'emprisonnement d'un certain nombre de victimes. Mais je vais me limiter à
24 chacun des groupes, pour chacun des groupes, un exemple représentatif.
25 Je ne vais pas me répéter tout au long de mon intervention, mais je dirai,
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1 cependant, que de mai 1998 à juillet 1998, des personnes ont été enlevées,
2 ont été emmenées à Lapusnik. A la fin de juillet 1998, sous une opération
3 militaire serbe dans la zone, le camp a été évacué, et la moitié des
4 prisonniers a été libéré; le reste exécuté. Seuls les prisonniers albanais
5 ont été remis en liberté à ce moment-là. Tous les prisonniers serbes, à
6 l'exception de deux, avaient été assassinés. Vous entendrez ces deux hommes
7 puisqu'ils vont témoigner en l'espèce.
8 La plupart des victimes ont été transportées au camp de Lapusnik en
9 véhicule. Souvent, les victimes avaient les yeux bandés. On leur avait
10 placé des sacs ou des couvertures sur la tête. Ils étaient attachés. Dans
11 le pire des cas, certaines victimes ont été placées dans le coffre d'un
12 véhicule, et contraintes d'y rester pendant des heures pendant tout le
13 trajet qui les emmenait au camp. Beaucoup de ceux qui ont été enlevés ont
14 été violemment passés à tabac en chemin. Pour certains d'entre eux, ces
15 sévices avaient été si violents qu'ils ne pouvaient plus marcher. Certains
16 ont même perdu connaissance suite aux sévices subis.
17 Vous allez entendre un homme dont le destin semblait d'être exécuté à la
18 fin du camp, mais qui, par miracle, a réussi à survivre. Vous entendrez son
19 histoire parce qu'il va déposer en l'espèce. Rizah Rexhaj vient du village
20 de Petrov, un village que l'on peut voir sur la carte à l'écran. Lapusnik
21 se trouve ici à l'endroit que j'indique dans la partie rouge. Petrov se
22 trouve ici surligné en jaune.
23 Peu de temps après le 4 juillet 1998, le père de Rizah Rexhaj, Hetem
24 Rexhaj, un homme âgé de 60 ans, un agriculteur, un civil, a été emmené par
25 l'UCK et emprisonné de manière illégale au camp de Lapusnik. Rizah, celui
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1 dont je vous raconte maintenant l'histoire, s'est mis à la recherche de son
2 père. Il l'a cherché pendant deux semaines. Il a essayé d'entrer en contact
3 avec les représentants locaux de l'UCK afin de savoir ce qui était advenu
4 de son père. On l'a envoyé vers Celiku, le premier accusé en l'espèce,
5 Fatmir Limaj, pour essayer d'obtenir la mise en liberté de son père. Ceci
6 n'a rien donné; personne ne voulait l'aider.
7 Un soir, très tard dans la nuit, un groupe de soldats de l'UCK -- l'armée
8 est arrive chez Rizah Rexhaj à Petrov. Il a été arrêté. On l'a fait monter
9 abord d'un véhicule. On lui a couvert la tête, et il a été amené ainsi
10 jusqu'au camp de Lapusnik. C'est le troisième accusé, Haradin Bala, qui a
11 ouvert les portes de la prison. Rizah était contraint de se défaire de tous
12 les biens précieux qu'il avait sur lui. Il a dû remettre également à
13 Haradin Bala son ceinturon et ces lacets. On l'a placé dans une pièce qui
14 se trouvait dans la maison principale du camp. Il y avait là d'autres
15 prisonniers. Haradin Bala a demandé à Rizah pourquoi il cherchait son père,
16 et il s'est mis en suite à le frapper de manière si violente que ce dernier
17 a perdu connaissance Rizah a vu Shaban Hoti, qui était ensuite assassiné.
18 Il l'a vu être battu. Ses jambes, ses armes [comme interprété] avaient été
19 attachés par des chaînes. Il était couvert de sang. Trois soldats de l'UCK
20 se sont jetés sur lui. Ils lui ont marché sur son corps, lui ont donné des
21 coups de pieds, ce qui sont conduits ainsi comme des véritables sauvages.
22 Vous entendrez dans toute son horreur la description de cette scène atroce.
23 Pour les gardes, c'était une distraction sportive. Shaban Hoti était
24 professeur, il était linguiste. La seule chose qu'on avait à lui reprocher,
25 c'était d'avoir travaillé en tant qu'interprète pour un groupe de
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1 journalistes qui n'avait pas l'agrément de l'UCK. Rizah Rexhaj a été
2 contraint d'assister à ce genre de scène, et lui-même a été passé à tabac
3 par Haradin Bala et le deuxième accusé, Isak Musliu.
4 Un jour, Rizah Rexhaj a vu Fatmir Limaj au camp. Ultérieurement, Rizah
5 Rexhaj a été amené vers l'étable. C'est là qu'il a resté jusqu'à son départ
6 de Lapusnik à la fin du mois de juillet, au moment où les forces serbes ont
7 procédé à une avancée dans la région. A ce moment-là, Haradin Bala, sous
8 les ordres de Klecka et Fatmir Limaj, ont amenés les 20 prisonniers qui
9 restaient vers Berisa, à l'endroit que j'ai indiqué sur la carte.
10 La moitié des prisonniers ont été libérés. Les autres ont été fusillés par
11 un peloton d'exécution qui était dirigé par Haradin Bala. Rizah Rexhaj, ce
12 jour-là, devait être exécuté sur ce flanc de colline, mais il a survécu.
13 C'est grâce à son courage et c'est grâce au fait qu'il a survécu que nous
14 sommes ici aujourd'hui parce qu'il a eu le courage nécessaire de se
15 présenter, d'identifier les accusés, de donner leurs noms et de montrer à
16 la MINUK l'endroit où l'exécution avait eu lieu. C'est de cette manière que
17 l'on a pu retrouver les corps, et que l'on a pu les identifier. Je vous
18 donnerais plus tard, dans le cadre de ma déclaration liminaire, des détails
19 supplémentaires au sujet de ceci.
20 Son père, Hetem Rexhaj, celui qu'il avait entrepris de rechercher, il l'a
21 vu pour la dernière fois le 26 juillet 1998. Son père se trouvait dans un
22 autre bâtiment du camp. Mais il l'a vu au moment où on les a fait sortir du
23 camp, quand le camp a été fermé, quand on les a amené vers Berisa. Son père
24 donc, il a été exécuté sur le flanc de cette montagne. C'était un
25 agriculteur, un civil. Mais son fils, Rizah, lui -- le destin a voulu qu'il
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1 survive. Il vous dira lui-même toute l'ampleur de cette tragédie.
2 C'est surtout au mois de mai et de juin 1998 que les victimes serbes ont
3 été enlevées, emprisonnées. Lorsque le camp a été évacué au cours du mois
4 de juillet, il ne restait plus que de deux Serbes survivants -- en fait, on
5 n'a connaissance que de ces deux hommes. C'est leur histoire que je vais
6 vous raconter, mais elle est révélatrice de ce qui s'est passé, de ce qu'il
7 est advenu de nombreuses autres victimes serbes, en l'espèce, qui aussi ont
8 été enlevées.
9 Le 29 juin 1998, deux Serbes, un père et un fils, Vojko et Ivan Bakrac, ont
10 été amenés. Ils se trouvaient dans un bus qui allait de Kosovo à Belgrade.
11 Cela s'est passé dans un village qui s'appelle Crnoljevo. Vous voyez ce
12 village ici sur la carte qui se trouve devant vous. La route vient du sud,
13 passe par Suva Reka, passe par Crnoljevo, et c'est par là que l'on passe
14 lorsqu'on va en Serbie, à Belgrade. Nous sommes en juin 1998. A ce moment-
15 là, Crnoljevo, c'était un bastion de l'UCK, et le commandant local était
16 subordonné au premier accusé en espèce, Fatmir Limaj.
17 Beaucoup de familles de toutes origines ethniques ont souffert au cours de
18 cette guerre en Yougoslavie, mais l'odyssée tragique de la famille Bakrac
19 est révélatrice de l'effondrement du tissu social de tout ce pays. Vojko
20 est un Serbe de souche, né en Slovénie. Son fils, Ivan, lui aussi Serbe de
21 souche, est né à Zagreb en Croatie en 1979. En 1992, la Serbie et la
22 Croatie était en guerre. A l'âge de 13 ans, Ivan et sa famille ont été
23 contraints de quitter Zagreb pour chercher refuge à Belgrade. Les autorités
24 serbes ont trouvé du travail pour le père d'Ivan à Djakovica, dans un
25 hôtel. Les Bakrac ont vite compris que le Kosovo était sur le point de
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1 subir un conflit ethnique. Toute la famille a cherché à quitter le Kosovo,
2 pour trouver un avenir meilleur.
3 En juin 1998, les Bakrac vont nous dire que le Kosovo se trouvait en crise.
4 L'UCK contrôlait bon nombre des routes de la province, et il n'était
5 vraiment pas sûr de se déplacer à ce moment-là si on était serbe. Au moment
6 où ils étaient enlevés par l'UCK, la famille Bakrac devait partir à
7 Belgrade pour une dernière fois, afin d'obtenir les documents nécessaires
8 leur permettant de partir pour toujours, et chercher une vie meilleure
9 ailleurs.
10 L'autocar a été arrêté par des membres de l'UCK, au village de Crnoljevo,
11 que vous voyez ici. Le père et le fils vous diront qu'on les a fait sortir
12 du bus, de l'autocar, en même temps que deux autres victimes qui ont été
13 assassinés, Stamen Genov et Djordje Cuk. Je vous ai dit que cet homme que
14 c'était un sous-officier de l'armée yougoslave. C'était le premier. Le
15 second, c'était un civil serbe. Le père et le fils étaient vraiment bleus
16 de peur car ils croyaient qu'on allait les tuer. Mme Bakrac, la femme de
17 Vojko, elle est restée à bord du bus. Elle était tout à fait perdue, en
18 point d'hystérie. On peut s'imaginer ce qui se passait. Stamen Genov, étant
19 de la VJ, les Bakrac vous le diront du fait, il a été tellement tabassé par
20 l'UCK qu'il n'était plus à même de se relever et de marcher.
21 Ivan et Vojko Bakrac ont alors été amenés en même temps que Genov et
22 Cuk en un lieu qu'il ne leur est pas possible de nommer, lieu qu'ils ont,
23 cependant, tous les deux reconnu, grâce à des photographies comme étant le
24 lieu, dont l'accusation affirme qu'il s'agit du camp de détention de
25 Lapusnik. Le fils, Ivan, reconnaîtra l'accusé Haradin Bala, qui était garde
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1 du camp. Il a reconnu Haradin Bala dans une série de photos qui lui a été
2 présentée au moment de son audition. Il a confirmé à l'enquêteur que
3 c'était l'homme qu'il connaissait sous le nom de Shala, le surnom qui lui a
4 été donné au camp de Lapusnik.
5 Le père n'a pu reconnaître Haradin Bala grâce aux photographies, mais
6 il donne une description tout à fait convaincante de l'accusé Bala, et il
7 confirme qu'il connaissait cet homme sous son nom de guerre, Shala.
8 Souvenez-vous que Haradin Bala a reconnu être appelé Shala, mais il
9 nie s'être trouvé à Lapusnik après la fin du mois de mai 1998. Il ne fait
10 pas l'ombre d'un doute que la famille Bakrac a été amenée et placée en
11 détention illégale à Lapusnik à la fin du mois de juin 1998. Ces deux
12 témoins donnent une description très précise du sous-sol du camp là où ils
13 ont été détenus en même temps que d'autres prisonniers serbes et albanais.
14 Comme ils étaient des Serbes de Croatie, Ivan a eu la sagesse de mentir et
15 dire que c'étaient des Croates davantage que des Serbes, se disant qu'ainsi
16 ils pourraient être sauvés. Les deux témoins expliqueront de quelle
17 manière, après sept jours, l'UCK a décidé de les relâcher. Le père et le
18 fils ont été contraints de faire une déclaration qui a été enregistré par
19 vidéo par l'UCK pour dire qu'ils avaient été très bien traités. Ensuite, on
20 leur a bandé les yeux, on les a placé dans un véhicule qui les a conduits à
21 Malisevo, où là, ils ont été remis au CICR. J'appelle votre attention sur
22 un entretien que je vous ai déjà montré, où l'on voit le porte-parole
23 officiel de l'UCK, Jakup Krasniqi qui a dit le 18 juillet 1998, à "Koha
24 Ditore", un journal du Kosovo ceci, je le cite :
25 "Il y a quelques jours de cela, nous avons remis deux Serbes
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1 originaires de Croatie à la Croix rouge." Il dit, ensuite : "Ceux que nous
2 avons enlevés sont repris dans une liste de personnes qui doivent être
3 exécutées, mais nous, nous n'avons pas le même comportement aussi bestial
4 qu'en Serbie. "
5 Vous avez ici Jakup Krasniqi qui annonce tout à fait officiellement
6 la libération de ces deux Serbes; les deux Bakrac. Ce sont les deux seuls
7 survivants serbes connus du camp. Stamen Genov et Djordje Cuk n'ont plus
8 jamais été revus. Je parlerai plus tard des circonstances dans lesquelles
9 ces deux hommes ont trouvé la mort.
10 Chefs 3 à 6, torture, acte inhumain et traitement cruel. Il concerne le
11 mauvais traitement infligé aux prisonniers au camp, les sévices physiques
12 dont beaucoup des victimes ont souffert, aussi des conditions atroces de
13 détention; pas de nourriture, conditions hygiéniques atroces, conditions
14 barbares primitives. Beaucoup des victimes étaient enchaînées comme on
15 enchaîne des animaux, et devaient se coucher dans leurs propres excréments,
16 car ils ne pouvaient se déplacer ni se lever.
17 Les trois accusés contestent les éléments de preuve, mais ils ne
18 contestent pas la qualification juridique qui est donnée, que vous trouvez
19 aux paragraphes 112 à 121, du mémoire préalable au procès de l'Accusation.
20 Chefs 3 et 4. Ce sont des crimes contre l'humanité; la torture en premier
21 lieu. Je vous le disais que les chefs 3 et 4 concernent tous les deux la
22 torture. Tout d'abord, en tant que crime contre l'humanité, ensuite, en
23 tant que crime de guerre. La jurisprudence du Tribunal confirme que les
24 ingrédients fondamentaux de l'infraction, sont les mêmes que soit évoqué
25 l'Article 3 ou l'Article 5 du Statut pour qualifier la torture. La seule
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1 distinction juridique entre ces deux infractions, ce sont les conditions
2 générales qu'il faut remplir pour ce qui est du crime contre l'humanité.
3 La torture se distincte d'autres formes de mauvais traitement en
4 raison de la gravité et de la finalité de l'attaque. La finalité peut être
5 d'obtenir des renseignements ou des aveux, ou pour simplement intimider ou
6 faire peur à quelqu'un. Il est utile de relever ici que la finalité ne peut
7 être qu'une motivation partielle; cela ne va pas être nécessairement
8 l'objectif seul et ultime ou essentiel. Vous avez le paragraphe 182 du
9 jugement Krnojelac qui pourrait vous aider ici à tirer les conclusions qui
10 s'imposent en l'espèce.
11 S'agissant des chefs 5 et 6, acte inhumain. C'est un crime contre
12 l'humanité et traitement cruel en tant que violation des lois et coutumes
13 de la guerre. Là aussi, les éléments constitutifs fondamentaux des deux
14 infractions sont les mêmes. La seule distinction se situant dans le fait
15 qu'il y a d'autres conditions générales, d'autres prérequis généraux
16 supplémentaires pour le crime contre l'humanité.
17 Qu'en est-il des éléments de preuve ? Ceux que vous entendrez, vous
18 montreront que même si tous les prisonniers n'ont pas été battus, ceux qui
19 ont été l'ont été souvent de façon féroce, répétée à un point tel qu'ils
20 perdaient souvent connaissance. Les violences et sévices physiques,
21 l'intimidation, la peur qui en découle, c'était la quintessence même du
22 régime à Lapusnik. Vous entendrez quelques témoins vous dirent qu'il
23 arrivait à des prisonniers d'être battus à mort. Les survivants vous diront
24 qu'ils ont perdu des dents, et que les coups portés leur ont brisé les
25 côtes, que les hommes étaient tabassés de façon répétée, de façon brutale,
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1 permanente, à l'aide de coups-de-poing. On les a piétinés, on leur a donné
2 des coups de pied. On s'est servi de toute sorte d'instruments pour les
3 frapper. Les prisonniers étaient en proie à une peur constante, car chacun
4 voyait ce que les autres avaient subi. Qui allait être le suivant ? Quelle
5 serait la durée du tabassage qui allait venir ? Qui allait les frapper ?
6 Est-ce qu'ils allaient survivre à un autre tabassage ? C'était ce genre de
7 questions qu'ils se posaient.
8 Vous entendrez les éléments de preuve de médecins légistes qui vous
9 montreront ainsi que le témoignage oral d'un survivant, qu'un prisonnier a
10 été tellement sévèrement, tellement brutalement frappé, que son tibia s'en
11 est trouvé cassé en deux. Je vous ai dit qu'il y avait ce site de
12 l'exécution à Berisa. Neuf dépouilles mortelles y ont été retrouvées, qui
13 ont été examinées par un pathologiste, médecin légiste, un anthropologue
14 aussi spécialiste en médecine légale et le professeur George Maat qui est
15 professeur d'anatomie à l'université de Leiden. Tous ces éléments vous
16 montreront que ces prisonniers, toutes ces dépouilles qu'on a retrouvées à
17 Berisa, avaient subi des blessures traumatiques aux avant-bras, à la
18 poitrine, aux membres inférieurs, aux dents, qui pouvaient entraîner la
19 mort. Tout ceci montre que ces blessures ont été provoquées par des
20 piétinements et des coups donnés, des
21 coups-de-poing ou d'autres forces brutes.
22 Les éléments de preuve vont vous montrer que les prisonniers qui ont été
23 frappés étaient parfois interrogés pendant qu'on les frappait. Plusieurs
24 prisonniers viendront vous dire que pendant qu'on les frappait, leurs
25 tortionnaires leur posaient des questions, les interrogeaient quant à
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1 l'interaction qu'ils avaient, au contact qu'ils avaient la population serbe
2 du Kosovo.
3 Comme les éléments de preuve vous le montreront, c'était quelquefois
4 utilisé comme moyen d'intimidation. Lorsqu'on atteint un tel degré de
5 violence physique, il est équivalent à la torture.
6 On peut se demander si c'est encore de l'intimidation. Pensez à ceci.
7 L'intensité extraordinaire des passages à tabac, le caractère répété des
8 attaques physiques, des assauts, des atteintes physiques, l'état des
9 victimes après de telles atteintes. L'autre élément, c'est la période
10 prolongée au cours de laquelle ces sévices ont été infligés.
11 Souvent on attachait, on ligotait les prisonniers pendant qu'on les
12 frappait. Parfois, on leur bandait les yeux. Ce ne fut pas toujours le cas,
13 mais les tortionnaires, les soldats de l'UCK à Lapusnik, s'étaient cachés
14 le visage pendant qu'ils se livraient à ces actes violents. Les prisonniers
15 ont vite appris à connaître leurs tortionnaires à cause de la stature, de
16 l'allure qu'avait l'homme qui les frappait, à cause de son surnom, de sa
17 voix, de la façon dont il se livrait à ces agissements.
18 L'autre type de sévice subi, physique et mental; ce sont les conditions
19 même de la détention. Vous verrez ce que j'appelle l'étable. Les
20 prisonniers qui se trouvaient dans l'étable étaient enchaînés comme le sont
21 les animaux; incapables de se déplacer. Ils étaient souillés, ensanglantés,
22 affamés. Vous entendrez des récits divers pour ce qui est de la nourriture
23 qui aura été donnée, de l'eau. Ceux qui ont été les premiers à être
24 emprisonnés, on souffert davantage que ceux qui sont venus plus tard.
25 Certains semblent avoir été pris pour cible et, souvent, ils recevaient des
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1 portions congrues de nourriture ou d'eau potable. Certains prisonniers
2 disent qu'ils ont reçu très peu de nourriture, très peu d'eau. D'autres
3 diront encore qu'elle n'était pas bonne la nourriture, mais que cela
4 suffisait. Les conditions sanitaires étaient vraiment médiocres. A mon
5 avis, c'était délibéré. Si les prisonniers étaient autorisés à faire leurs
6 besoins plutôt que d'être obligés de se souiller eux-mêmes, souvent ils
7 devaient le faire dans un sceau qui débordait et qui était rarement vidé.
8 Il n'y avait pratiquement pas de soins médicaux. Lorsqu'il y a tellement de
9 violence quotidienne et institutionnalisée, il n'est pas surprenant de voir
10 qu'il n'y avait pas de soins apportés aux prisonniers. Tout ceci dans un
11 seul but, celui d'infliger le plus de souffrance possible.
12 Haradin Bala est synonyme des violences pour beaucoup des victimes du camp.
13 Apparemment, il ne se cachait jamais le visage. Certaines victimes
14 connaissaient son nom ou son surnom ou décrivent son aspect général. Des
15 victimes l'ont reconnu parce qu'ils le connaissaient avant la guerre. Bala,
16 il a participé lui-même à ces actes de violence ou il montait la garde
17 pendant que les soldats de l'UCK se livraient à ces passages à tabac.
18 Isak Musliu était le commandant immédiat de ceux qui se livraient à ces
19 actes de torture et de violence. Il portait souvent un masque. Pourtant
20 beaucoup de victimes connaissent son nom véritable, son surnom. Ils disent
21 que c'était un homme particulièrement violent qui, souvent, participait aux
22 passages à tabac. Certains prisonniers diront qu'ils ont été la victime
23 d'hommes qui connaissaient les arts martiaux et s'en servaient, et
24 assénaient des coups de poings et des coups de pied féroces.
25 Vous le verrez. Vous avez ici notamment un document qu'on a retrouvé
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1 dans la maison d'Isak Musliu. Cela montre qu'il était membre de la
2 fédération de karaté du Kosovo. Ici, vous voyez sur le cliché suivant son
3 nom. Document suivant : extrait du formulaire envoyé par M. Musliu pour
4 participer à la police du Kosovo, à la KPS, et il décrit comme étant un
5 maître de premier niveau en karaté.
6 Fatmir Limaj se trouvait très souvent au camp. Il a été vu à plusieurs
7 reprises par les prisonniers. Les violences qui continuaient et les
8 conditions qui prévalaient au camp lui auraient été évidentes. Limaj savait
9 très bien ce qui se passait. Effectivement, il en faisait partie. Il était
10 le supérieur et il approuvait ce qui se passait. De plus, s'agissant d'Isak
11 Musliu qui était chargé de Lapusnik, Fatmir Limaj était directement
12 responsable de ce qui se passait à Lapusnik. Bien sûr, comme je l'ai déjà
13 dit, les personnes autres que Haradin Bala et Isak Musliu ont asséné des
14 coups aux prisonniers, vous l'entendrez. Mais cette violence, en fait,
15 faisait partie d'un système de mauvais traitements auxquels les trois
16 accusés ont fait partie, s'étaient soumis.
17 Les actes des autres gardes dans le camp, qui ne se trouve pas ici devant
18 vous mais qui ont participé à l'entreprise criminelle commune, sont les
19 actes de Fatmir Limaj, les actes d'Isak Musliu, et les actes de Haradin
20 Bala. De nouveau, j'insiste pour dire, Monsieur le Président, je vais vous
21 montrer une partie du mémoire préalable au procès de M. Fatmir Limaj.
22 Fatmir Limaj, vous verrez, vers le milieu de cet extrait, était basé
23 à Klecka. De temps en temps, il se rendait à Lapusnik afin de participer à
24 plusieurs opérations. Il s'est rendu à Lapusnik environ 20 reprises pendant
25 la période en question. Ceci, Monsieur le Président, Monsieur, Madame les
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1 Juges, représente une admission de Fatmir Limaj dans son mémoire préalable
2 au procès. Il disait qu'il se rendait là-bas pour donner un coup de mains
3 aux opérations. Vous verrez, du document, que même s'il ne nie pas avoir
4 s'être retrouvé au camp, il y a des personnes qui le placent dans le camp,
5 c'était absolument inconcevable de penser qu'il s'est rendu à Lapusnik afin
6 d'aider pour ce qui est des opérations militaires sans avoir connaissance
7 de ce qui passait avec les prisonniers. La zone des opérations de l'UCK se
8 trouve environ à 350 mètres de ce camp. Les lignes de front de Lapusnik se
9 trouvent là.
10 Je souhaiterais maintenant passer aux derniers chefs de l'acte
11 d'accusation, il s'agit des chefs 7 à 10.
12 Lorsqu'on parle de meurtre aux chefs 7 et 9, c'est un crime contre
13 l'humanité et s'agissant des chefs 8 et 10, il s'agit d'une violation de
14 lois ou coutumes de la guerre. Pour ce qui est de la torture, ce sont des
15 éléments de meurtre qui font partie des mêmes chefs d'accusation, tels que
16 crimes contre l'humanité ou une violation des lois ou coutumes de la
17 guerre. La seule différence étant que j'ai dit plus tôt, et je le répète,
18 c'est le prérequis général, additionnel, de crimes contre l'humanité. Vous
19 le trouverez aux paragraphes 122 à 124 dans l'acte d'accusation.
20 Ce que l'on voit au paragraphe 29, c'est le meurtre de Gashi et vous pouvez
21 voir sa photo devant vous. Limaj et Musliu sont accusés en vertu des
22 Articles 7(1) et 7(3) du Statut de meurtre illégal de cette personne. Ajet
23 Gashi était un ex-officier de police, un Albanais qui a été licencié de la
24 police. Un procès lui avait été intenté, un procès sur la base politique
25 par le régime de Milosevic. Maintenant, Shesat Gashi, le frère d'Ajet, dit
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1 qu'au mois de mai 1998, Ajet s'est rendu au QG de l'UCK à Klecka. Il
2 pensait qu'il était là et qu'il travaillait pour l'UCK.
3 Puisqu'il n'a pas entendu aucune nouvelle de lui, la mère de Gashi a essayé
4 de voir où il se trouvait. On lui a dit qu'elle ne devait pas être
5 inquiète. Mais comme elle ne le voyait pas, elle a fait d'autres demandes,
6 et à la troisième demande, afin de savoir où il se trouvait, d'autres
7 soldats de l'UCK lui ont demandé de ne pas essayer de s'enquérir sur le
8 sort de son fils. Alors que le frère d'Ajet croyait qu'Ajet était gardé au
9 camp de Lapusnik, vous entendrez un élément de preuve, d'un témoignage
10 direct d'un témoin disant qu'il l'a vu au camp de Lapusnik vers la mi-mai
11 1998. Ajet Gashi, tout comme bon nombre d'autres prisonniers, a dû écrire
12 un récit, une confession concernant sa vie. Dans certains cas, ces
13 déclarations qui avaient été faites par ces prisonniers à Lapusnik nous
14 sont disponibles.
15 Les éléments de preuve prouveront qu'Ajet Gashi était détenu dans un
16 endroit que j'ai décrit comme étant les étables. C'est une partie du camp
17 où normalement on gardait les animaux, c'est une partie de cette enceinte
18 où l'on gardait des animaux. Il était passé à tabac de façon très brutale.
19 Vous entendrez des témoignages vous rapportant le récit de son exécution.
20 Des éléments de preuve nous démontreront qu'aux alentours du 10 juin 1998,
21 Ajet Gashi s'est fait sortir du camp de Lapusnik par un nombre de soldats
22 et de gardiens du camp de Lapusnik. Sur la route de Magura, au carrefour de
23 Laletic - et vous verrez sur la carte de l'endroit où il s'agit - c'était
24 sur la route de Magura tout près du carrefour de Laletic qu'il s'est fait
25 exécuté par un fusil automatique par deux soldats de l'UCK sous le
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1 commandement d'Isak Musliu et Fatmir Limaj. Les éléments de preuve vous
2 démontreront qu'Ajet Gashi s'est fait exécuté suivant un ordre militaire.
3 D'autres preuves seront menées de façon, c'est-à-dire, d'autres éléments de
4 preuve diront que cet ordre s'est rendu à Lapusnik mais provenait de
5 Klecka, le QG de Fatmir Limaj.
6 Le cadavre d'Ajet Gashi a été trouvé par sa famille tout près de l'endroit
7 où il s'est fait tué. Des documents de la cour et des articles de journaux
8 produits confirmeront son meurtre. Kosovo entier savait de quoi il
9 s'agissait. On a tué Ajet à coup de cinq balles dans le torse. Son corps
10 est resté sur la route à l'entrée de Maguro pendant 2 jours, en état de
11 décomposition pour donner un exemple aux autres.
12 Tout le Kosovo savait au mois de juin 1998 qu'Ajet Gashi s'était fait
13 tué. La famille a trouvé le corps, et ils ont enterré ce corps au cimetière
14 de Glugovac. En 2003, le bureau du Procureur a demandé la permission
15 d'exhumer le corps depuis l'endroit où il avait été enterré afin de mener
16 une autopsie et un examen anthropologique. Après cet examen, il a été
17 confirmé que la cause de la mort était plusieurs blessures causées par arme
18 à feu au corps et à la tête.
19 Je souhaiterais maintenant attirer votre attention, Monsieur le
20 Président, au meurtre de ces personnes qui se trouve à l'Annexe 1 de l'acte
21 d'accusation. Tous ces hommes se sont faits enlevés par les membres de
22 l'ALK entre le 24 juin 1998 et le 26 juillet 1998. Ils étaient tous détenus
23 à Lapusnik. Ensuite, ils ont été exécutés à l'exception d'une personne.
24 Tous étaient des civils, tous à l'exception de l'un deux, était Serbe.
25 Comme j'ai déjà dit, Stamen Genov qui était un Yougoslave mais
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1 d'origine bulgare, travaillait en tant que médecin sergent dans la VJ, mais
2 il n'était pas en fonction lorsqu'il s'est fait arrêter. Fatmir Limaj et
3 Isak Musliu sont tous les deux accusés de meurtre au titre de l'Article
4 7(1) et l'Article 7(3), du meurtre de huit hommes. Ici, sur la photographie
5 à gauche, vous pouvez voir Milovan Krstic, et à la droite, Miodrag Krstic.
6 Sur cette photo, vous voyez Boban Mitrovic. Lorsqu'ils ont été tués en
7 1998, Milovan Krstic, le premier homme que vous voyez à gauche, était âgé
8 de 28 ans. Il était marié, il avait deux enfants. Miodrag Krstic avait 34
9 ans. Il était marié, avait quatre enfants. L'homme que vous voyez
10 présentement sur la photo, Slobodan Mitrovic était marié, et il avait des
11 jumeaux.
12 Milovan et Miodrag Krstic étaient frères. Slobodan Mitrovic était
13 leur cousin. Les trois hommes étaient de très bons amis, mais ils étaient
14 également parents. Ils vivaient tous à Racak, à Suva Reka, au Kosovo. Vous
15 pouvez voir l'endroit où cela se trouve sur la carte. Ils ne vivaient pas à
16 Suva Reka, mais dans le village de Suva Reka. C'est tout près; c'est dans
17 cette même zone de Kosovo.
18 Avant la guerre, ils étaient mariés. Ils ont trouvé des emplois et
19 vivaient de façon pacifique avec leurs voisins albanais. Slobodan Mitrovic
20 avait plusieurs amis albanais puisqu'il parlait leur langue. Slobodan, ou
21 Boban comme il était connu, s'était marié avec Ljiljana en 1982. En 1991,
22 ils ont eu des jumeaux; Alexandre et Ana.
23 Vers la mi-juin 1998, Slobodan Mitrovic a reçu un avertissement d'un
24 ami albanais qu'il devait quitter l'endroit, et qu'il devait partir avec sa
25 femme et ses enfants car ils étaient en danger. Le
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1 14 juin 1998, il a pris sa femme Ljiljana et ses enfants. Il est allé les
2 placer chez des parents à Arandjelovac, en Serbie. Lui-même est retourné à
3 Racak, au Kosovo.
4 Au mois de juin 1998, Miodrag Krstic qui est l'homme que vous avez vu
5 sur la deuxième photo à gauche, suivait un traitement médical à Belgrade,
6 en Serbie. Le 23 juin, Milovan Krstic et Slobodan Mitrovic se sont rendus à
7 Belgrade afin de le chercher et de le ramener à sa famille au Kosovo. Les
8 deux hommes qui avaient pris la route d'Arandjelovac en Serbie, ont pris
9 cette route-là. Alors que Slobodan Mitrovic avait gardé un contact avec sa
10 femme alors qu'ils étaient séparés, il voulait la surprendre, elle et ses
11 enfants. Il ne lui a pas dit qu'il revenait. Les conditions à Kosovo
12 étaient épouvantables; Ljiljana le savait. Elle lui a demandé de rester
13 avec la famille en Serbie.
14 Milovan Krstic n'a pas voulu revenir au Kosovo avec son frère malade
15 et tout seul. Donc, contre les suppliques de sa femme, Boban est allé à
16 l'hôpital à Belgrade. Ljiljana et les jumeaux n'ont plus jamais revu Boban.
17 Milovan et Slobodan, donc Milovan Krstic et Slobodan Mitrovic ont passés la
18 nuit du 23 juin 1998 à Belgrade. Ils étaient chez des parents. Miroslav
19 Krstic, l'oncle de Milovan et de Miodrag les avait appelés cette nuit-là
20 depuis le Kosovo. Il les avait avertis en leur disant qu'il y avait un
21 danger, qu'il ne fallait pas revenir à Suva Reka en passant pas Crnoljevo.
22 Vous vous souviendrez, bien sûr, l'endroit que je vous ai déjà indiqué, que
23 Bakrac et Djordje, là où Djordje et Stamen Genov s'étaient fait enlevés car
24 il y avait là un point de contrôle de l'UCK.
25 Néanmoins, le lendemain matin, ces deux hommes sont allés chercher
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1 Miodrag Krstic à l'hôpital. Ensuite, les trois amis ont commencé leur
2 voyage en direction du Kosovo. Ils n'ont pas suivi le conseil de leur
3 oncle; ils sont passés par Crnoljevo. La police a confirmé que trois hommes
4 ont traversé la frontière du Kosovo depuis la Serbie entre 15 heures 20 et
5 15 heures 30 dans l'après-midi du 24 juin 1998. Peu de temps après cela,
6 ils se sont faits enlevés à Crnoljevo par les membres de l'UCK. Ils se sont
7 faits amenés au camp de Lapusnik. De nouveau, je vous montre sur cette
8 carte l'endroit où est situé Lapusnik. Voici Crnoljevo, donc le point de
9 contrôle de l'UCK. Ici, vous pouvez apercevoir le village de Racak. C'est
10 là où les trois hommes habitaient, ce village qui se trouve tout près de
11 Suva Reka.
12 C'est ici que les trois hommes ont été aperçus par les survivants,
13 dans une cellule qui était un entrepôt, une petite pièce qui servait
14 d'entrepôt au camp de Lapusnik. Ces trois hommes, on ne les a plus jamais
15 revus après soit à Lapusnik ou ailleurs. Ils ont été simplement tués.
16 Monsieur le Président, Monsieur, Madame le Juge, je n'ai fait que
17 vous donner quelques images de la vie d'un homme. J'essaie simplement de
18 vous expliquer à quel point ces trois accusés ont causé des dommages
19 irréparables. Ljiljana, la femme de Boban Mitrovic qui viendra témoigner
20 devant vous, vous témoignera, vous parlera de la vie de son mari. Elle
21 décrit qu'il s'agissait d'un homme merveilleux, qu'il aimait elle et ses
22 enfants. Il les appelait chaque fois qu'il était absent, qu'il était en
23 voyage. Elle vous parlera de la bataille quotidienne entre désespoir et
24 l'espoir, cette bataille qu'elle endure tous les jours. Car elle est
25 certaine que si son mari avait été vivant, six ans plus tard, retrouver
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1 elle et son mari.
2 Bien sûr, cet homme est mort. Comme il n'y a pas de corps, comme ses
3 restes ont été enterrés en secret, il n'y a pas la possibilité pour cette
4 femme et ses enfants de faire le deuil. Ces personnes vivent une vie en
5 suspension, ils ne peuvent aller ni en avant ni à l'arrière. Ce procès
6 pourra au moins porter une fermeture à au moins une des familles pour faire
7 la paix avec le passé et avancer vers le futur.
8 La victime suivante est un homme appelé Miroslav Suljnic. Vous pouvez
9 voir sa photo à l'écran. Il vivait à Vidanje, au Kosovo, avec ses parents,
10 son frère et sa sœur. Il travaillait dans un moulin à papier à Doberdol;
11 c'était un village. A partir du 10 mai 1998 jusqu'au 21 mai 1998, il
12 travaillait là dans cette scierie, et n'était pas revenu à la maison.
13 Le 21 mai, il a essayé de se rendre à la maison entre 16 heures et 16
14 heures 30. Miroslav est arrivé au point de contrôle du MUP serbe à Komorane
15 sur la route Pristina-Pec. On lui a donné un avertissement de ne pas
16 continuer son voyage. C'était la police serbe qui lui a dit cela, puisqu'on
17 lui a dit que l'UCK avait un point de contrôle à Lapusnik. C'était
18 l'endroit du camp que je vous ai déjà montré, et ce, sur la carte.
19 Miroslav Suljnic n'avait jamais eu de problèmes auparavant avec ses
20 voisins albanais. Il était persuadé que rien n'allait lui arriver, qu'il
21 était en sécurité. Il a ignoré cet avertissement, et il a poursuivi son
22 chemin. Au point de contrôle de Lapusnik, il a été enlevé au camp par les
23 membres de l'UCK à Lapusnik. C'est là qu'il a été emprisonné, qu'il s'est
24 fait détenir. Il y a un survivant du camp de Lapusnik, qui confirme sa
25 présence à Lapusnik vers la fin du mois de juin au début du mois de
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1 juillet.
2 Les forces des services de Sécurité serbes, après avoir fouillé le
3 camp de Lapusnik, après la fin du mois de juillet 1998, ont trouvé un
4 document. Vous pouvez voir en anglais de la traduction de ce document, donc
5 les forces de sécurité serbe ont trouvé ce document qui se lit comme suit
6 en anglais : "Je suis Miroslav Suljnic, né le
7 8 juin 1996," comme il est écrit. "Je suis un travailleur de profession.
8 J'ai été enlevé par l'armée de la libération du Kosovo à Lapusnik le 21
9 mai."
10 Comme je vous ai dit, Monsieur le Président, un nombre de témoins
11 vous diront qu'ils avaient été forcés à écrire une confession sur leur vie
12 pour pouvoir, par la suite, subir un interrogatoire par les membres de
13 l'UCK. Jeremija Suljnic, le frère de la victime, vous affirmera qu'il
14 s'agit tout à fait certainement de l'écriture de son frère. Même si le
15 document dit qu'il est né en 1996, nous le savons, bien sûr, que Miroslav
16 Suljnic, en 1998, était un adulte. Il est né en 1969. Il a dû faire une
17 inversion de ces chiffres. Dans un certain sens, selon mon humble avis, une
18 telle erreur n'ajoute que l'authenticité de ce document. Nous pouvons
19 imaginer quelqu'un d'effrayé écrire ces propos alors qu'il est détenu en
20 tant que prisonnier dans le camp de Lapusnik.
21 La famille n'a jamais vu Miroslav de nouveau car il a été tué à
22 Lapusnik. De toute façon, il a certainement -- s'est fait sortir de
23 Lapusnik entre le 24 juin 1998 et le 26 juillet 1998.
24 La prochaine victime est Zivorad Krstic. Vous apercevez sa photo sur
25 l'écran. Il n'a pas de lien de parenté avec Milovan et Miodrag. Comme je
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1 vous ai dit, c'était une personne à la retraite. Il avait perdu sa femme.
2 Il vivait à Pristina en 1998. Il avait 68 ans. Il avait trois filles. Sa
3 femme était décédée alors que ses filles -- alors que ses enfants étaient
4 encore jeunes. Son beau-frère dit qu'il avait consacré sa vie à élever ses
5 trois filles. Il le décrit comme étant une âme douce que tout le monde
6 aimait, et qui était respecté par ses voisins serbes et albanais.
7 Au moment où il a été enlevé, il suivait des traitements contre le
8 diabète. Il venait d'être opéré de la cataracte aux deux yeux. C'était un
9 homme malade. Le 23 juin 1998, il est parti de Pristina en direction d'un
10 village situé à l'extérieur de Prizren afin d'assister aux funérailles de
11 son frère qui venait de décéder. Le 25 juin, on l'a fait monter à bord d'un
12 bus. C'est le fils de son frère décédé, Vekmir [phon] Krstic qui s'en est
13 chargé. On l'a fait monter à bord de ce bus qui est parti à 10 heures du
14 matin pour ne pas retourner à Pristina. Dans la soirée, Zivorad n'était pas
15 arrivé à Pristina. On s'est renseigné auprès de la police à Prizren. Les
16 policiers ont confirmé que l'autocar avait été intercepté par l'UCK à
17 Crnoljevo encore une fois, que l'on voit ici à l'écran.
18 L'UCK a fait descendre Zivorad Krstic de l'autocar. Sa carte
19 d'identité et les quelques possessions qu'il avait sur lui, ont été remises
20 à sa famille. Quelques jours plus tard, Stojan Stojanovic le beau-fils de
21 Zivorad, a appris qu'Ivan et Vojko Bakrac, les deux Serbes dont j'ai parlé
22 précédemment, avaient été remis en liberté par l'UCK. Eux qui avaient aussi
23 été enlevés par Crnoljevo. Ces deux hommes avaient été remis en liberté.
24 Par l'intermédiaire de la Croix rouge, le beau-fils a pris contact avec les
25 Bakrac, montrer une photographie de son beau-père, et ces deux hommes ont
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1 pu confirmer, qu'effectivement, il se trouvait au camp. Il s'était
2 présenté. Il leur avait expliqué qui il était, d'où il venait.
3 La famille de Zivorad Krstic ne l'a jamais plus revu. Nous avançons
4 que soit il a été assassiné à Lapusnik, ou bien, qu'il a été assassiné
5 après avoir été enlevé; un homme malade, un homme qui revenait des
6 funérailles de son frère qui a été assassiné uniquement parce qu'il était
7 Serbe.
8 A l'image, nous avons Stamen Genov et Djordje Cuk. Stamen Genov se
9 trouve à droite. Il porte un uniforme. J'ai déjà expliqué qu'il était
10 infirmier au sein de la VJ. Au moment des faits, le monsieur que l'on voit
11 à gauche, c'est Djordje Cuk.
12 Djordje Cuk, c'était un jeune Serbe. Il était né en Croatie. En 1995,
13 sa famille avait quitté la Croatie à cause de la guerre qui faisait rage
14 dans la région. J'ai déjà expliqué que cela avait été le cas de beaucoup
15 d'autres réfugiés serbes. Il était lui aussi réinstallé avec ses parents et
16 son frère Djakovica au Kosovo. Le
17 29 juin 1998, il se déplaçait en autocar de Djakovica à Belgrade. C'est le
18 même autocar qui transportait les Bakrac. Les soldats de l'UCK, les hommes
19 de l'UCK ont intercepté le bus à Crnoljevo. On a contrôlé l'identité de
20 tous les passagers. Djordje et trois autres hommes ont dû descendre de
21 l'autocar.
22 Il y avait également celui qui était originaire de Bulgarie qui
23 servait au sein de la VJ. Il a été enlevé avec Cuk. Stamen Genov n'était
24 pas de service; il était en permission d'aller voir sa petite amie à
25 Krusevac. Les Bakrac vous diront que ces deux hommes étaient terrifiés. Les
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1 quatre victimes ont été emmenées par l'UCK dans une école où ils ont été
2 interrogés au sujet de leur situation. Stamen Genov a été identifié grâce à
3 son livret militaire. Genov et Cuk ont été violemment passés à tabac.
4 Stamen Genov a été frappé de telle manière qu'il en a perdu
5 connaissance. Djordje Cuk, lui aussi a été victime d'un passage à tabac si
6 violent que lorsque les hommes de l'UCK sont venus les chercher pour les
7 emmener à Lapusnik, pour emmener ces quatre hommes à Lapusnik, ils ne
8 pouvaient même pas tenir debout. A Lapusnik, Genov et Cuk ont tous les deux
9 été victimes de sévices corporels. Stamen Genov a subi un traitement
10 particulièrement cruel parce qu'il était membre de la VJ. Les témoins nous
11 expliqueront que Genov a été passé à tabac de manière si violente qu'il a
12 imploré ses compagnons de cellule de le tuer.
13 A la fin du mois de juillet 1998, quand les Serbes ont pris le
14 contrôle de Lapusnik, on a retrouvé les notes qui avaient été prises à
15 l'occasion de l'interrogatoire de Genov, C'est ce que vous avez sous les
16 yeux actuellement. Je n'ai pas l'intention de passer tout cela en revue,
17 mais on voit, je m'appelle Genov, on voit son lieu de naissance, sa date de
18 naissance. On a, ensuite, la liste des garnisons yougoslaves à Djakovica.
19 C'est au même moment, -- et je demanderais à ce que l'on nous
20 présente le document suivant à l'écran. C'est à cette même époque, que les
21 forces de sécurité serbes au Kosovo ont confirmé son décès. L'Accusation va
22 présenter le procès-verbal d'une réunion qui a eu lieu le 30 juillet. On
23 voit qu'il y a une réunion du commandement conjoint pour le Kosovo-
24 Metohija. Il s'agissait là de réunions qui étaient organisées par
25 l'administration civile, la police, l'armée serbe. Un commandement conjoint
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1 avait été mis en place pour faire face à la crise au Kosovo à cette époque.
2 Je vais demander à ce que l'on passe à l'image suivante. Ici, nous
3 avons un document qui nous montre que le 30 juillet, on parle du décès de
4 Genov, du fait qu'il a été tué.
5 Il est indéniable, tous les témoins vous le confirmeront, que ce
6 jeune homme qui était infirmier au sein de la VJ, a été soumis à des
7 sévices d'une brutalité quasi indescriptible. Il est mort à Lapusnik ou
8 dans les environs, sans doute matraqué à mort. Ni Djordje, ni Cuk ou Stamen
9 Genov n'ont jamais été revu, bien entendu, par les membres de leurs
10 familles, car ces deux hommes sont morts. Ils ont été assassinés par les
11 gardes du camp de Lapusnik, soit à Lapusnik, soit dans un autre lieu après
12 qu'on les ait eu emmenés de Lapusnik.
13 Sinisa Blagojevic, vous voyez une photographie à l'écran. Il est à droite.
14 C'est lui, l'homme que l'on voit à droite sur cette photo. Sinisa
15 Blagojevic avait 32 ans au mois de juin 1998. Il venait du village de
16 Krajiste où il habitait. C'est un village où habitaient à la fois des
17 Albanais et des Serbes au Kosovo. Il appartenait à une famille de six
18 enfants. Il était l'aîné de ces six enfants, et le chef de famille. Il
19 était marié, il avait lui-même deux enfants en bas âge. Il travaillait pour
20 l'Etat. Il était garde forestier à Lipovica. Il avait un appartement à
21 Vusevac [phon], un appartement qui était mis à sa disposition par son
22 employeur dans le cadre de son travail.
23 Le 22 juin, on a appris à Sinica que son appartement à Vusevac avait été
24 pillé et dévasté pendant la semaine. La police à expliquer à Sinisa et aux
25 membres de sa famille qu'il ne fallait pas aller à Vusevac. Mais, malgré
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1 tout, ils s'y sont rendus pour récupérer ce qu'ils pouvaient dans
2 l'appartement de Sinisa. Sinisa avait du bétail non loin de son appartement
3 de service. Lui est les membres de sa famille ont envisagé d'emmener le
4 bétail, mais finalement, ils ont décidé que Sinisa reviendrait le
5 lendemain. Il est parti sur son tracteur le lendemain, jamais plus les
6 membres de sa famille ne l'ont revu.
7 La police a expliqué à son frère que l'UCK avait mené une opération
8 ce jour-là à Vusevac, et d'autres informations ont permis de déterminer
9 qu'il y avait un point de contrôle de l'UCK dans le village à ce moment-là.
10 En réalité, Sinica a été enlevé par l'UCK. Il a été emmené à Lapusnik où il
11 a été assassiné. Jamais depuis son enlèvement on ne l'a revu.
12 Maintenant, j'aimerais que nous passions à l'Annexe 2 de l'acte
13 d'accusation qui traite de quatre hommes, ces quatre hommes qui ont été
14 assassinés à la mi-juillet 1998 au camp de Lapusnik ou dans les environs.
15 Je répète ce que j'ai déjà dit au sujet de ces meurtres. Fatmir Limaj et
16 Isak Musliu se voient reprochés ces crimes aux titres des Articles 7(1) et
17 7(3) du Statut du Tribunal. Isak Musliu et Haradin Bala se voient également
18 accusés de participation directe ou d'avoir aidé et encouragé aux meurtres
19 de ces quatre personnes.
20 Les deux hommes que nous avons à l'écran s'appellent Jefta Petkovic pour
21 celui de gauche, et Zvonko Marinkovic, c'est le plus jeune que nous voyons
22 à droite. Zvonko Marinkovic, c'était un jeune Serbe qui habitait dans le
23 village de Musutiste avec sa femme, Svetlana Marinkovic et leurs deux
24 enfants âgés de huit ans et trois ans au moment de ces événements. Il
25 habitait dans la même maison que son frère, et la femme de celui-ci ainsi
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1 que leurs enfants. Sa femme vous expliquera qu'ils avaient une famille très
2 unie. Ils ont connu huit ans de bonheur après leur mariage et avant qu'il
3 ne disparaisse. Il travaillait pour une entreprise qui s'appelait la
4 Malcolm Company.
5 Jefta Petkovic, celui que l'on voit à gauche, venait du village de Racak à
6 Suva Reka. Il travaillait comme chauffeur de poids lourds pour cette même
7 entreprise, avec Zvonko. Le 23 juin 1998, Zvonko a passé un coup de fil à
8 sa femme, Svetlana, pour lui expliquer qu'il revenait de Belgrade ce jour-
9 là avec Jefta Petkovic dans un camion appartenant à la société pour
10 laquelle il travaillait. C'est la dernière fois que Svetlana a entendu sa
11 voix.
12 Le 24 juin 1998, ces deux hommes ont été interceptés près du village
13 de Crnoljevo le même endroit à proximité duquel se trouvait un point de
14 contrôle de l'UCK. Ils ont ensuite été emmenés au camp de détention de
15 l'UCK et à Lapusnik. Ces deux hommes étaient des civils, ces deux hommes
16 étaient Serbes.
17 Des survivants du camp ont identifié Zvonko et Jefta à partir de leurs
18 photographies. Ils ont confirmé qu'effectivement ils étaient au camp. Il
19 était courant que les prisonniers ne connaissent pas les noms des autres
20 prisonniers ou se trompent parce que les prisonniers souvent n'avaient pas
21 le droit de se parler. Jefta et Zvonko ont été victimes de passages à tabac
22 extrêmement violents que j'ai déjà eu l'occasion de vous décrire. Avant
23 l'évacuation du camp et à la fin du mois de juillet 1998, Zvonko Marinkovic
24 et Jefta Petkovic ont été assassinés.
25 Je vais parler maintenant des deux victimes suivantes que vous avez à
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1 l'écran. Il s'agit d'Agim Ademi à gauche et Vesel Ahmeti à droite. Au cours
2 du mois de juin 1998, Agim Ademi et Vesel Ahmeti ont tous deux été enlevés.
3 Ils se trouvaient dans le village de Gorance. Ils ont été emmenés au camp
4 de détention de l'UCK à Lapusnik. Ces deux hommes ont été enchaînés dans
5 l'étable. Ils ont tous deux été soumis à des sévices corporels violents. A
6 la mi-juillet, ces deux hommes ont été assassinés.
7 La personne suivante que vous avez à l'écran est un dénommé Fehmi Xhema qui
8 est également connu sous le nom de Fehmi Tafa. Le 13 juin 1998, un homme
9 dénommé Vebi Tafa [phon] et qui venait du village de Crnoljevo - afin
10 d'éviter toute confusion, je précise qu'il s'agit de quelqu'un qui n'est
11 pas la victime puisque la victime s'appelle Vebi Tafa, et cet homme,
12 l'homme dont je vous parle Fehmi Tafa.
13 Donc, un dénommé Vebi Tafa du village de Crnoljevo avait disparu de
14 sa maison. Toujours, nous parlons du même endroit, à côté de l'endroit où
15 se trouvait le point de contrôle de l'UCK où de nombreuses victimes ont été
16 interceptées. Le 14 juin 1998, son frère, Fehmi Tafa, l'homme que nous
17 voyons à l'écran est parti à sa recherche. Très vite, Femi Tafa a été
18 arrêté par deux soldats de l'UCK du village de Crnoljevo. On l'a emmené au
19 QG local de l'UCK. Là, il a été ligoté. On lui a bandé les yeux. On l'a
20 fait monté à bord d'une voiture. On l'a d'abord emmené au village de
21 Klecka, là où se trouvait le QG de Fatmir Limaj. Ensuite, on l'a emmené au
22 camp de Lapusnik. On l'a fait descendre de la voiture et on l'a fait entrer
23 dans une cellule à Lapusnik.
24 Après le 14 juin 1998, dans les jours qui ont suivi, Haradin Bala et
25 Isak Musliu et deux autres soldats sont entrés dans la cellule où était
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1 emprisonné Fehmi Tafa. Ils lui ont ordonné de se lever. On l'a ligoté, et
2 on lui a bandé les yeux. Les autres prisonniers ont reçu l'ordre de
3 détourner le regard. Les quatre gardes dont Isak Musliu et Haradin Bala ont
4 emmené Fehmi Tafa. Plus tard, Haradin Bala et Isak Musliu ont traîné Fehmi
5 Tafa dans la cellule. Ils l'ont ramené dans la cellule. Il était
6 pratiquement sans connaissance. Il avait été très violemment battu. Il
7 arrivait à peine à parler. Il était dans un état catastrophique suite aux
8 sévices qu'il avait subis. Il a imploré qu'on lui donne de l'eau. Il s'est
9 plaint de douleurs au niveau de la poitrine. L'un des prisonniers a demandé
10 à Haradin Bala qu'on donne un peu d'eau pour Fehmi, mais on lui a refusé
11 cette demande.
12 Vingt minutes plus tard, Femi est décédé dans cette cellule d'une saleté
13 répugnante. Il avait été battu à mort. On a informé Bala du décès de Fehmi.
14 Pendant 24 heures, la cellule a été gardée avec beaucoup de soins par Bala
15 et un autre garde, puis le corps a été enlevé de la cellule par Haradin
16 Bala et un autre soldat.
17 Je vais maintenant vous demander de passer à l'Annexe numéro 3. A l'Annexe
18 3, vous trouverez encore le nom de dix personnes décédées et ce qui nous
19 amène aux paragraphes 34 et 37 de l'acte d'accusation.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vu l'heure, Monsieur Cayley, mieux
21 vaudrait que l'on fasse la pause maintenant avant que vous n'entamiez le
22 passage suivant. Nous allons avoir une deuxième pause pour permettre aux
23 interprètes de se reposer et pour permettre de changer les cassettes.
24 Nous reprendrons à 17 heures 40.
25 M. CAYLEY : [interprétation] Je me permets de vous indiquer que j'ai à peu
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1 près besoin d'une heure, un peu moins d'une heure.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ces conditions, nous n'allons pas
3 demander à la Défense de s'exprimer aujourd'hui. Je le signale pour éviter
4 tout malentendu.
5 --- L'audience est suspendue à 17 heures 16.
6 --- L'audience est reprise à 17 heures 41.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Cayley, vous avez mentionné,
8 en dernier lieu avant la pause, une personne qui ne semble pas figurer dans
9 l'Annexe 2.
10 M. CAYLEY : [interprétation] Du paragraphe 32.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.
12 M. CAYLEY : [interprétation] Enfin, puis-je poursuivre, Monsieur le
13 Président ?
14 Enfin, Madame et Messieurs les Juges, permettez-moi de vous renvoyer à
15 l'Annexe 3 de l'acte d'accusation. Vous allez y trouver les noms de 10
16 personnes décédées. Les paragraphes pertinents, c'est les paragraphes 34 à
17 37 de l'acte d'accusation. S'agissant de ces crimes, Fatmir Limaj et
18 Haradin Bala sont les seuls à être mis en accusation en application de les
19 Articles 7(1) et 7(3). Fatmir Limaj et Haradin Bala sont accusés en
20 application de l'Article 7(1) du Statut pour avoir aidé, planifié, incité à
21 commettre, ordonné, commis, ou de toute façon aider et encourager à
22 planifier, préparer ou exécuter un crime, alors que M. Limaj est accusé du
23 7(1) et du 7(3); M. Bala du 7(1) uniquement.
24 Le 26 juillet 1998, les forces de sécurité serbe ont déclenché une
25 offensive dans la région, pour s'attaquer au bastion de l'UCK à Lapusnik,
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1 et les prisonniers nous l'ont dit. Ils ont entendu le bruit de tirs,
2 d'obus. Mais il y aussi des documents militaires serbes que nous avons et,
3 si j'en avais plus de temps, je vous le présenterais en tant que moyen de
4 preuve. Mais au moment du procès, vous aurez ces documents militaires des
5 Serbes, qui montrent que le 26 juillet il y a eu une opération militaire.
6 Ceci confirme les dires des prisonniers qui ont entendu cela de l'intérieur
7 du camp.
8 Alors que progressait l'avancée des Serbes vers Lapusnik et le camp,
9 Haradin Bala et un autre garde ont fait sortir tous les prisonniers qui
10 étaient restés dans les cellules du bâtiment central. Vous entendez M.
11 Lehtinen, qui va vous faire une visite guidée du camp. Bien sûr,
12 malheureusement, ce sera une présentation du camp en réalité virtuel, mais
13 vous pouvez ainsi déambuler dans le camp comme si vous y étiez. Vous verrez
14 cette zone que j'appelle le bâtiment central.
15 20 personnes ont été rassemblées. C'tait tous des Albanais du Kosovo.
16 A ce moment-là, tous les Serbes, qui étaient restés, avaient étés
17 assassinés. Bala a dit aux prisonniers qu'ils devaient quitter Lapusnik, et
18 qu'ils iraient en direction de Berisa. Vous avez vu l'endroit où se
19 trouvent les monts Berisa, et quiconque allait essayer de s'échapper serait
20 exécuté sur le champ. Vous imaginez de l'aspect de ces prisonniers, battus,
21 affaiblis, couverts de leur propre excrément. Je vous ai déjà parlé d'un de
22 ces prisonniers, Shyqyri Zymeri, qui avait été à ce point sauvagement battu
23 qu'il avait le tibia cassé, il ne lui était pas possible de marcher. Les
24 autres prisonniers ont dû se relayer pour l'aider à escalader la colline.
25 C'était un terrain très accidenté, difficile même pour des hommes en bonne
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1 santé, alors que ces hommes étaient loin de l'être, en bonne santé.
2 Ils ont parcourus la route, cette route accidentée pendant un certain
3 temps, et ils sont arrivés à un point où il y avait enfin un chemin de
4 forêt qui croisait leur chemin. Quelqu'un viendra vous dire que Fatmir
5 Limaj est arrivé avec une escorte, et a parlé de longues minutes à Bala.
6 Puis il est parti, et il a laissé derrière lui un soldat de l'UCK, qui
7 allait devenir le troisième membre de cette escorte, escortant les
8 prisonniers qui allaient être exécutés. Ce groupe hagard a poursuivi son
9 chemin, et c'est là, près d'un ruisseau, où ils ont ramassé quelques
10 fruits. Bala a alors divisé les prisonniers en deux groupes. Les
11 prisonniers se sont doutés de quelque chose allait se passer.
12 Le premier groupe de plus de 10 prisonniers a été emmené d'un côté.
13 Haradin Bala a donné à chacun de ces prisonniers un document signé par
14 Fatmir Limaj, le commandant Celiku, disant qu'ils avaient été relâchés. Ce
15 groupe est parvenu au QG de l'UCK à Kishna Reka que vous voyez ici sur la
16 carte en dessous de Lapusnik. C'est là, qu'ils ont été en détention pendant
17 peu de temps avant d'être transférés à Kroimire, endroit que vous voyez
18 indiquer lui aussi sur la carte, en dessous de Klecka.
19 Bala est revenu vers les prisonniers qui n'avaient pas été libérés,
20 il en a fait l'appel un à un. Ce groupe a dû se rendre vers une clairière
21 dans la forêt accompagné d'Haradin Bala et de deux autres gardes. Un de ces
22 gardes c'était un de ceux qui se trouvaient à Lapusnik, le troisième, c'est
23 celui qui avait accompagné Fatmir Limaj. L'un était accompagné de ce fusil
24 d'assaut AK-47, c'était Bala, et le troisième soldat aussi, celui qui
25 venait du groupe de Limaj. L'autre garde de Laspunik, lui, il avait un
Page 324
1 fusil M-48.
2 A ce moment-là, on a donné l'ordre aux hommes de s'asseoir en ligne.
3 Ils savaient à quoi à s'attendre ces hommes, puisque Bala a dit qu'ils
4 allaient tous être punis de mort, les trois soldats ont ouvert le feu, ces
5 trois soldats ont ouvert le feu de façon interrompue. Deux de ces
6 prisonniers savaient ce qu'il allait se passer ont réagi très rapidement et
7 se sont mis à courir en direction de cette forêt épaisse qui les entourait.
8 Les dix autres hommes sont tombés sous les balles.
9 Il y a un des survivants dont je vous ai déjà parlé, Rizah Rexhaj.
10 Son père, je vous l'ai dit, se trouvait parmi ceux qui ont été tués à
11 Berisa. Son corps n'a jamais été retrouvé, mais il n'a jamais entendu
12 parler de son père.
13 Rappelez-vous ce qu'a dit la Défense, elle dit que cela ne s'est
14 jamais passé, mais vous avez ce que les survivants vous racontent. En 2001
15 et en 2002, ce site d'exécution a été retrouvé et on a retrouvé des
16 dépouilles mortelles. Des échantillons d'ADN ont été retrouvés, et on a pu
17 montrer qu'il y avait concordance avec les parents de la famille pour ce
18 qui est des personnes se trouvant dans la troisième annexe, outre que Hetem
19 Rexhaj, le père de Rizah Rexhaj, n'a jamais été trouvé. Ce n'est pas
20 étonnant. Son fils a survécu. Les tueurs ont déplacé le corps à un autre
21 site.
22 Deuxièmement, après avoir examiné les restes humains un pathologiste
23 et un anthropologue ont pu confirmé qui a au moins à six reprises ces
24 personnes ont péri suite aux armes à feu.
25 Dans trois instances des experts n'ont pas pu établir qu'il y avait
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1 un lien entre eux les armes à feu et les cadavres. Un bon nombre de corps
2 ont démontré des blessures qui confirment qu'ils avaient été battus à
3 passage de façon de très sérieuse.
4 Troisièmement, des munitions restantes ont été trouvées sur le site
5 d'exécution, et les experts balistiques ont pu confirmer à plusieurs
6 reprises que c'étaient les munitions qui étaient restées et qui provenaient
7 de fusils AK-47 d'une arme d'assaut, et l'arme utilisée par Bala et le
8 troisième garde. Les origines de cette munition peuvent retracer jusqu'en
9 Albanie. Les éléments de preuve prouveront que dans ce cas-ci la l'UCK
10 s'est servi de ce genre de munition provenant d'Albanie.
11 Le meurtre de plusieurs individus qui sont énumérés au tableau trois
12 de l'acte d'accusation, je ne vais pas passer en revue chacune de ces
13 personnes puisque nous ne n'aurions pas assez de temps, mais la première
14 victime est un homme qui se trouve -- d'un homme qui s'appelle Emin Emini.
15 Voici sa photographie. Nous pouvons passer la prochaine photo. C'est Ibush
16 Hamza. Cet homme est Hyzri Harjizi est la personne présente.
17 Cet homme Shaban Hoti, comme je vous ai déjà mentionné, il était
18 marié. Il avait deux filles et un fils. Comme je vous ai déjà expliqué,
19 c'était un linguiste. Il parlait le français et le russe. Il a perdu son
20 emploi en 1992, alors que Milosevic a essayé de se débarrasser des Albanais
21 qui travaillaient dans des positions qui étaient au sein de l'Etat. Au
22 cours de l'année 1998, il a commencé à travailler avec les journalistes
23 étrangers au Kosovo et de servir de sa connaissance des langues. Le 26
24 juillet 1998, il accompagnait trois journalistes russes, et c'est à ce
25 moment-là qu'ils se font fait arrêter à Lapusnik. Les journalistes ont été
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1 détenus et relâchés. Shaba Hoti avait été gardé par l'UCK et vous entendrez
2 des témoignages de ces journalistes. Par la suite, Shaban Hoti s'est fait
3 tué sur Berisa. Sa famille viendra vous parler de la façon dont il a
4 disparu. La famille est même allée voir Fatmir Limaj concernant Shaban
5 Hoti, concernant sa disparition. Le corps de ce dernier a été trouvé
6 exhumé.
7 Ensuite, Hasan Hoxha avait été kidnappé au mois de juillet 1998. De
8 nouveau, sa famille a essayé de le retracer. Il avait six enfants, et il
9 était marié. Il a été dirigé vers Petrastica, un village qui était sous le
10 commandant de Fatmir Limaj. La famille, lorsqu'elle a fait des demandes
11 auprès du QG de Petrastica même s'il s'avait que Hasan Hoxha se trouvait là
12 a reçu la réponse qu'il devait retourner, et ne plus s'enquérir de lui.
13 La personne suivante s'appelle Bashkim Rashiti. Il était marié
14 également. Il avait trois fils et une fille. Sa femme croyait qu'il avait
15 rejoint les rangs de l'UCK et de Krimeravac [phon]. Elle a essayé de le
16 trouver afin de pouvoir lui donner des vêtements propres pour voir s'il
17 allait bien. Il n'a jamais été et on ne l'a jamais plus revu. Il est mort
18 sur la montagne de Berisa.
19 La prochaine personne est Hetem Rexhaj. C'est le père de Rizah
20 Rexhaj. La prochaine personne sur la liste était Lutfi Xhemshiti. Il avait
21 été marié depuis 11 ans. Il avait quatre enfants. Sa femme a essayé de le
22 retracer pendant des mois. De nouveau, elle s'est rendue au QG de
23 Krimeravac, comme l'a fait la femme de Bashkim Rashiti. De nouveau, il n'y
24 avait absolument aucune trace de l'homme en question.
25 Dernièrement, je crois que la dernière personne qui se trouvant sur
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1 la liste est-ce bien exact Shyqyri Zymeri.
2 Je suivrais, Monsieur le Président, vous parlez du droit, c'est-à-
3 dire de la responsable des trois accusés. J'ai déjà parlé de certains
4 éléments de preuve, mais je souhaiterais en parler de plus davantage.
5 S'agissant du droit qui s'applique pour l'Article 7(1), le fait
6 d'ordonner de commettre d'aider à planifier, vous trouvez ceci mentionner
7 aux paragraphes 135 à 150 du mémoire préalable au procès de l'accusé. Les
8 trois accusés ne contestent pas l'Accusation pour ce qui est du droit.
9 Quelques commentaires s'agissant de la forme de la responsabilité en tant
10 que commission. Pour ce qui est des autres formes, tout ceci est répercuté
11 dans le mémoire préalable au procès, et ne porte pas objection de la part
12 de la Défense.
13 Pour ce qui est de la commission, il y a commission directe de
14 l'infraction, où l'Accusation doit prouver que l'accusé a exécuté tous les
15 éléments constitutifs de l'élément matériel de l'infraction et dès que
16 l'accusé a agi animer de l'intention délictueuse de l'élément moral. Ce qui
17 m'intéresse ici c'est la participation physique personnelle directe, ainsi
18 que l'intention criminelle requise. Bien sûr, il est possible d'avoir
19 plusieurs auteurs d'une même infraction où la conduite de chacun des ces
20 co-auteurs ou de ces auteurs répond aux éléments requis.
21 Une deuxième forme de responsabilité, c'est la participation des trois
22 accusés à l'entreprise criminelle commune. Je l'ai déjà évoqué. Trois
23 formes d'entreprises criminelles communes sont plaidées à titre subsidiaire
24 dans l'acte d'accusation. Elles sont toutes reconnues par la jurisprudence
25 du Tribunal. Ce sont des vecteurs légitimes permettant de démontrer la
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1 culpabilité, la responsabilité pénale des trois accusés.
2 L'interprétation faite par la Chambre d'appel du Statut inclut cette forme
3 de responsabilité pénale, et ce faisant, elle reconnaît l'intention
4 initiale qui animait le conseil de Sécurité lorsqu'il a créé ce Tribunal,
5 qui devait avoir pour compétence une compétence qui ne se limitait pas à
6 ceux qui auraient commis physiquement des actes criminels, mais tous ceux
7 qui avaient participé à des violations du droit international humanitaire.
8 Ce concept reconnaît qu'en temps de guerre, des crimes de ce type, de cette
9 nature qu'on trouve dans l'acte d'accusation, sont le fait de groupes
10 davantage que d'individus qui agissent à la poursuite, à la réalisation
11 d'un objectif, d'un dessein commun davantage que d'un plan individuel ou
12 isolé.
13 Quelques éléments de base qui risquent de vous aider. Même s'il est
14 possible que vous décidiez qu'un accusé a aidé à l'exécution d'une
15 entreprise criminelle commune, en général, un accusé ayant participé à un
16 objectif commun, sera concerné que pour garder ou considéré comme étant un
17 co-auteur. Je pense qu'ici, en l'espèce, c'est le cas. Si ces trois
18 individus sont jugés responsables en tant que membres d'une entreprise
19 criminelle commune, c'est en tant que co-auteurs.
20 Il y a trois conditions de base : la pluralité de personnes, d'auteurs;
21 deuxièmement, l'existence d'un plan commun qui consiste à commettre un des
22 crimes visés dans le Statut où on implique la perpétration; troisièmement,
23 la participation de l'accusé au dessein commun.
24 Première forme d'entreprise criminelle commune qu'on appelle CCE, CC1 de
25 base. Ici, vous avez tous les participants qui partagent une intention
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1 commune, même s'ils n'ont pas tous participé à l'acte en tant que tel. Un
2 exemple serait le cas où vous avez trois hommes qui décident d'emprisonner,
3 de frapper, de torturer, de tuer des prisonniers dans un camp de fortune.
4 Même si tous les trois doivent partager l'intention criminelle qui sous-
5 tend toutes les infractions, leur rôle peut être différent dans l'exécution
6 de ce plan. L'un peut être un garde, un ou deux vont peut-être être des
7 tortionnaires, des tueurs, l'autre peut-être le commandant du camp, un
8 autre le commandant régional de la région où se situe ce camp et qui est le
9 supérieur du commandant du camp. Chacun sera peut-être, ou verra sa
10 responsabilité engagée pour la part qu'il a joué, pour le rôle qu'il a joué
11 en fonction de sa contribution. Le seul élément requis, c'est qu'il devait
12 avoir l'intention d'obtenir les résultats de ce plan. C'est la somme totale
13 des crimes de l'entreprise criminelle commune.
14 La deuxième forme de CC2, c'est comme cela qu'on l'appelle parfois. Elle
15 est plaidée de façon subsidiaire à la première. Elle porte surtout sur des
16 crimes commis dans des camps en temps de guerre. Cette forme exige que
17 chacun des accusés ait connaissance d'un système de mauvais traitement qui
18 est conjugué à une intention de porter à bien ou de faire porter ces fruits
19 à un système commun concerté de mauvais traitement.
20 La décision Kvocka de 2001, en première instance, a examiné vraiment à la
21 loupe l'évolution juridique de ce concept, et a estimé que la jurisprudence
22 montre que lorsqu'il y avait fonctionnement d'une installation de détention
23 d'une telle façon, que l'intention criminelle était tellement manifeste,
24 lorsqu'il était tellement clair que tous ceux qui y participaient, y
25 participaient sciemment, lorsque tout était tout aussi manifeste, cela
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1 voulait dire qu'il y avait responsabilité pénale individuelle pour une
2 participation à une entreprise criminelle commune soit en tant que co-
3 auteur ou en tant que complice en fonction de la fonction qu'occupait cette
4 personne dans la hiérarchie de l'organisation et en fonction aussi de son
5 degré de participation.
6 Paragraphe 306 du jugement, je pense qu'il peut vous être utile. Plusieurs
7 facteurs sont énumérés permettant de déterminer le niveau ou le degré de
8 participation d'un accusé dans cette forme d'entreprise criminelle commune.
9 Il y a d'abord la taille de l'entreprise criminelle; deuxièmement, les
10 fonctions qui étaient celles de l'accusé; troisièmement, son poste;
11 quatrièmement, le temps qu'il a passé à participer après avoir appris la
12 nature criminelle du système; cinquièmement, les efforts entrepris par
13 l'accusé pour empêcher que ce système ne fonctionne; sixièmement, la
14 gravité et la portée des crimes commis et l'efficience, le zèle apporté, la
15 cruauté gratuite manifestée dans l'exercice de cette fonction, la preuve
16 directe d'une intention partagée, d'un accord donné à l'entreprise
17 criminelle par une participation répétée, continue et élargie au système,
18 par des manifestations verbales ou la participation physique à l'exécution
19 d'un crime.
20 Huitièmement, le rôle joué par l'accusé au regard de la gravité et de
21 la portée des crimes commis. Ce sont des facteurs qui sont susceptibles de
22 vous aider. Il est important de souligner ceci. La participation coupable
23 d'un accusé ne veut pas dire qu'il connaissait chacun des crimes commis
24 dans ce système de mauvais traitement. Le fait de savoir que ces crimes
25 étaient commis, y participer sciemment à ce système, selon des modalités de
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1 nature à faciliter de façon substantielle la commission d'un crime ou de
2 façon à permettre le bon fonctionnement, le fonctionnement efficace
3 d'entreprise criminelle, suffit à établir, à engager la responsabilité
4 pénale.
5 En quelques mots, la troisième forme de l'entreprise criminelle
6 commune, c'est la forme élargie où l'objet, la finalité de cette entreprise
7 est dépassée par les actes naturels et prévisibles de l'un ou de plusieurs
8 des co-auteurs.
9 La meilleure preuve, vous la trouverez dans notre acte d'accusation.
10 Ici, l'Accusation avance que l'objet et la finalité de cette forme, c'était
11 d'emprisonner, d'infliger des sévices et des tortures à des prisonniers
12 serbes et albanais, et que les meurtres allégués aux chefs 7 à 10, à moins
13 qu'on ne prouve qu'ils n'aient été commis de façon spécifique par l'un ou
14 plusieurs des trois accusés, qu'ils étaient la conséquence naturelle et
15 prévisible de l'exécution des trois autres objectifs du plan, à savoir,
16 l'emprisonnement, la torture. En tout cas, deux d'entre eux. Les trois
17 accusés savaient que ces crimes, les meurtres seraient l'issue possible de
18 l'exécution de cette entreprise criminelle commune. Si vous estimiez qu'il
19 y avait une entreprise criminelle commune, mais que les éléments de preuve
20 qui vous sont présentés, vous pensez que le meurtre, c'était davantage la
21 conséquence que l'objet initial, ceci vous permettrait de condamner au
22 regard de cette troisième forme d'entreprise criminelle commune plutôt que
23 par rapport à la première.
24 Une dernière remarque s'agissant de la troisième forme d'entreprise
25 criminelle commune. Je pense que c'est au paragraphe 32 du mémoire Musliu
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1 et du paragraphe 39 du mémoire Limaj, cette forme, selon ces mémoires,
2 n'existait pas en droit coutumier international en 1998. Les deux accusés
3 citent les paragraphes 185 à 192 de la décision Tadic à l'appui de ce
4 qu'ils avancent.
5 Qu'en pense l'Accusation ? La Chambre d'appel Tadic avait envisagé de
6 façon spécifique cette forme d'entreprise criminelle commune au paragraphe
7 220, et a dit qu'elle s'inscrivait dans le droit international coutumier
8 tel qu'il existait en 1992. Je crois que notre position, elle est étayée
9 par le fait que Tadic lui-même, au moment du procès, a été acquitté de
10 plusieurs meurtres en première instance, mais qu'en appel, en application
11 de cette forme élargie d'entreprise criminelle commune, il a été condamné.
12 Nous avons donc une jurisprudence en appel qui exclut que la Chambre
13 d'appel aurait pensé que cette forme élargie d'entreprise criminelle
14 commune n'existait pas en 1998, puisqu'elle a été appliquée de façon
15 précise à un crime qui avait été commis en 1992. De surcroît, la décision
16 Tadic en appel, vient d'être confirmée par la Chambre d'appel Ojdanic.
17 Celle-ci, a de façon unanime, estimé que cette forme d'entreprise
18 criminelle commune était établie en droit coutumier international en 1992.
19 Revenons au droit qui s'applique à l'Article 7(3) du Statut. Seuls sont
20 concernés Limaj et Musliu. L'Article 7(3) s'applique, effectivement, à un
21 conflit armé interne, tel que celui qui existait ici. Le droit est énoncé
22 au paragraphe 151 à 157 du mémoire préalable au procès. Les deux accusés ne
23 soulèvent qu'une question. C'est plutôt au niveau de l'administration de la
24 preuve davantage qu'un point de droit. Ces deux mémoires font référence à
25 une omission "regrettable" dans le mémoire de l'Accusation, et cite une
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1 décision de la Chambre d'appel dans l'affaire Hadzihasanovic, où il est dit
2 qu'un accusé ne peut pas être mis en accusation en application de l'Article
3 7(3) du Statut pour des crimes commis précédemment par des soldats qui,
4 ensuite, se sont trouvés sous leur commandement. Si, par exemple, vous
5 héritez d'un commandant d'un soldat qui venait d'une autre unité, le
6 commandant ne peut pas être tenu responsable des crimes qui auraient
7 accompagné ce soldat dont il aurait hérité avec ce soldat.
8 A la lecture de l'acte d'accusation, vous verrez qu'il n'est pas
9 nécessaire que l'Accusation s'appuie sur une telle doctrine. Nous
10 n'affirmons pas que Limaj et Musliu aient pris sous leur commandement des
11 subordonnés qui avaient auparavant commis des crimes. Nous disons qu'ils
12 commandaient des individus qui, au moment des faits, ont commis ces crimes.
13 Je pense surtout ici à Haradin Bala, un des trois accusés.
14 J'ai effleuré certains des éléments de preuve établissant un lien
15 entre ces trois accusés. J'étoffe mon propos pour vous donner un meilleur
16 éclairage.
17 La Défense ne contredit pas, Monsieur le Président, que Fatmir Limaj
18 est revenu de la Suisse pour aller au Kosovo au mois de
19 mars 1998. Fatmir Limaj confirme, d'ailleurs, qu'il y a eu dans une
20 interview, pendant qu'il était en Suisse, qu'il a été chargé de certaines
21 choses par l'état-major de l'UCK. Ensuite, il n'est pas démenti qu'il est
22 allé immédiatement à un endroit qui s'appelle Klecka. La Défense ne
23 conteste pas ce fait; nous pouvons voir cela sur la carte.
24 Le Procureur démontrera que c'est à partir d'ici qu'il a organisé les
25 QG régionaux de l'UCK pour cette zone au sud de la route Pristina-Peja.
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1 Cette zone de commandement inclut plusieurs endroits qui figurent dans
2 l'acte d'accusation, dans lequel plusieurs crimes sont énumérés. Cet
3 endroit, Celiku, veut dire métal. C'est là que les soldats de l'ALK, ont de
4 façon très routinière, avait adopté des noms de guerre de personnes
5 diverses.
6 Pour ce qui est de Fatmir Limaj et pour ce qui est de son
7 commandement, j'ai déjà dit que les villages qui se trouvaient autour de
8 Klecka étaient établis selon un certain principe de points,
9 c'est-à-dire, c'était des concentrations militaires de l'UCK. Chaque point
10 était composé d'unités, de soldats de l'UCK sous le commandement local de
11 l'UCK qui, effectivement, était sous le commandement de Fatmir Limaj. Par
12 exemple, ici, Lapusnik était connu sous le nom de Celiku 3. Ces points
13 étaient organisés dans plusieurs villages, y compris Kroimire, qui se
14 trouve ici, Luznica, que je vous montre ici, Kisna Reka, ici, Fustica, que
15 vous pouvez voir également là, Trpeza, Javor qui n'est pas indiqué sur la
16 carte, ou plutôt oui, je vois que le nom y figure. Crnoljevo, vous vous
17 souviendrez que c'est là qu'un bon nombre de victimes se sont faites
18 enlevées. Ensuite, Zborce et Rasinovac. Ces villages étaient sous le
19 commandement de Fatmir Limaj. Vous entendrez des éléments de preuve vous
20 dire que Fatmir Limaj se rencontrait régulièrement avec le commandant de
21 Klecka, avec le commandant de cette zone de l'UCK. Donc, il y a des
22 événements qui se sont déroulés dans cette zone d'opération, et c'est lui
23 qui en donnait des ordres. Fatmir Limaj était reconnu en tant que
24 commandant par ses subordonnés. Vous entendrez des témoignages de plusieurs
25 personnes vous disant ceci. Ses ordres étaient exécutés, Monsieur le
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1 Président, Madame, Monsieur les Juges.
2 Limaj communiquait avec ses subordonnés par voie de messagers ou
3 d'estafettes. C'est un fait qui est confirmé, admis par Haradin Bala sans
4 son mémoire préalable au procès au paragraphe 13,
5 c'est-à-dire que l'UCK s'est servi d'estafettes pour pouvoir établir des
6 liens, pour communiquer entre les unités.
7 Avec le temps, la radio était devenue un moyen pour communiquer entre
8 les unités. La position de Fatmir Limaj, dans son mémoire préalable au
9 procès, est celle, c'est-à-dire que l'Accusation a terriblement exagéré
10 l'étendue de l'organisation militaire de l'UCK pendant la période
11 pertinente.
12 D'abord, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, afin que
13 l'on puisse attacher une fiabilité, il n'est pas nécessaire pour que
14 l'Accusation prouve qu'il y a eu un niveau de sophistication et
15 d'organisation au sein de l'UCK, qui se rapporte à une armée sophistiquée
16 et moderne. Ce qui veut dire qu'en 1998, l'armée avait une structure
17 rudimentaire qui fonctionnait. Deuxièmement, dans cette affaire, les trois
18 accusés étaient soit de façon constante, ou pour être juste envers Limaj de
19 façon régulière, présents sur la scène du crime.
20 Fatmir Limaj dépeint une image de son commandement, de son autorité
21 dans son mémoire préalable au procès, qui manque de crédibilité. Il dit
22 qu'entre le mois de mars et le mois de
23 juillet 1998, il était responsable de l'organisation, d'organiser des
24 hommes, et qu'il n'avait aucun pouvoir sur eux. Au cours de la période qui
25 figure dans l'acte d'accusation, il était un membre qui donnait la
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1 formation aux soldats de l'UCK afin qu'ils puissent se former pour attaquer
2 les Serbes et défendre les villages albanais du Kosovo. Mais il n'avait pas
3 d'autorité de facto ou de jure sur personne. Il pouvait encourager ou faire
4 des suggestions militaires en tant que commandant militaire, mais il dit
5 qu'il n'avait absolument aucune autorité en tant que soldat pendant la
6 période visée par l'acte d'accusation, c'est-à-dire, au mois d'août 1998
7 alors qu'à cet époque-ci, tout d'un coup, il a eu soudainement une autorité
8 militaire. Donc, c'est à ce moment-là que les forces qui faisaient partie
9 de la 121e Brigade de l'UCK, tout d'un coup, y compris Isak Musliu qui est
10 devenu le commandant député de la Brigade, de la 121e Brigade, il se
11 trouvait sous Limaj au mois
12 d'août 1998.
13 En fait, Monsieur le Président, vous devez vous pencher sur la
14 substance des faits plutôt que d'examiner la forme. Alors qu'il ait pu
15 avoir des changements structurels simplement parce qu'une organisation
16 militaire change de nom d'Unité de Celiku à la
17 121e Brigade, ne veut pas dire que tout d'un coup tout est changé, et que
18 la responsabilité juridique est factuelle, a changé également, et que les
19 liens qui existaient entre le commandement et ses subordonnés ont changé
20 également. Ce n'est que logique de penser de cette façon-là.
21 Les éléments de preuve vous montreront que Fatmir Limaj avait une autorité
22 nécessaire de facto, tout du moins pour les membres de l'UCK de Lapusnik et
23 pour ce qui est des autres parties de la région, de cette -- à l'époque.
24 Les membres de l'UCK vous démontreront que Fatmir Limaj avait effectivement
25 une autorité sur ce qui est de la base structurelle, organisationnelle de
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1 base. Les victimes vous diront également la même chose. Je vous rappellerai
2 que Fatmir Limaj a dit quelque chose lui-même le 14 juin 1992. Je vous ai
3 déjà montré de ce qui a été dit. En fait, on a dit que c'était le 14 juin,
4 mais il se référait à une période au mois de juin 1998, en fait, il parlait
5 de la structure organisationnelle au mois de juin. Je ne sais pas si l'on
6 peut faire passer ces deux vidéos de nouveau.
7 L'INTERPRÈTE : L'interprète signale qu'ils n'ont pas de concept, ne peuvent
8 pas traduire.
9 [Diffusion de cassette vidéo]
10 M. CAYLEY : [interprétation] Le point de l'UCK ou le bastion de l'UCK,
11 Lapusnik, alors que là, l'endroit où cette prison était située, a été
12 établie selon des forces de sécurité serbe le 9 mai 1998. Fatmir Limaj a
13 désigné ce point comme étant Celiku 3. Naturellement, la Défense conteste
14 ceci. Par contre, M. Musliu reconnaît dans son mémoire préalable au procès,
15 que le coordinateur ou l'organisateur de Lapusnik n'était pas un commandant
16 local. M. Bala dit dans son mémoire préalable au procès avoir compris que
17 c'était M. Musliu qui était le dirigeant de l'unité, le chef de l'unité de
18 Lapusnik après le 8 mai 1998. En fait, Musliu dit qu'il avait été employé
19 par l'UCK à partir de 1987 et qu'il était dans l'Unité de Celiku et
20 également dans la 121e Brigade, et que Fatmir Limaj était son commandant.
21 Nous pouvons voir un document qui représente un extrait de l'application,
22 d'une demande d'emploi pour la police où il dit qu'il avait été employé à
23 partir de novembre 1996, libération de l'armée du Kosovo, d'abord, l'Unité
24 Celiku qui est devenue la 121e Brigade basée à Klecka et plus tard, qu'il
25 était commandant de la police militaire de Nerodimlje pour ce qui est de la
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1 zone d'opération de Nerodimlje. Plus tard, il était coordonnateur pour la
2 formation de la police kosovare, le commandant, en fait, Fatmir Limaj.
3 Il n'y a absolument aucune qualification pour ce qui est de ce
4 document par M. Musliu pour dire qu'entre le mois de mai et de juillet
5 1998, que d'une certaine façon, lui et M. Limaj étaient des collègues de
6 stature égale, et qu'ils avaient coordonné; soudainement au mois d'août
7 1998, que lui et M. Limaj avaient été transformés pendant la nuit pour
8 devenir commandant et commandant adjoint de la 121e Brigade.
9 M. Musliu a reconnu lorsqu'il a été arrêté que son nom, en fait, était
10 Qerqiz, et ce nom reviendra assez souvent au cours du procès. Pour ce qui
11 est maintenant de l'existence du camp de Lapusnik même, M. Musliu a donné,
12 dans sa mémoire préalable au procès, qu'il était présent à Lapusnik, qu'il
13 était basé à Lapusnik entre le mois de mai et le mois de juillet 1998.
14 Comme j'ai déjà dit, M. Limaj dans son mémoire préalable au procès,
15 qu'entre le mois de mai et le mois de juillet 1998, il s'est rendu au
16 village de Lapusnik, là où il y avait le camp de détention de l'UCK qui
17 fait l'objet de ces actes d'accusation et qui s'est rendu au moins à 20
18 reprises. M. Musliu confirme dans son mémoire préalable au procès
19 qu'effectivement, M. Limaj s'est rendu à Lapusnik environ à 20 reprises
20 pendant cette période, donc il corrobore ce que dit son commandement.
21 Tous les deux, Limaj et Musliu, disent qu'il n'y a pas eu de camp à
22 Lapusnik, qu'il n'y a pas eu de prisonniers, qu'il n'y a pas eu de passages
23 à tabac, qu'il n'y a pas eu de tortures, et qu'il n'y a pas eu de morts que
24 l'on peut attribuer à ce camp et à eux. En fait, vous pouvez voir que, le
25 27 février 2004, lorsque les trois accusés ont enregistrés leurs plaidoyers
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1 au deuxième acte d'accusation modifié - je ne sais pas si l'on peut faire
2 passer cet exemplaire.
3 [Diffusion de cassette audio]
4 "M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Acte 5, actes inhumains, un crime
5 contre l'humanité et sanctionné par les Articles 5(1), 7(1) et 7(3) du
6 Statut du Tribunal. De quelle façon plaidez-vous au chef 5 ?
7 L'ACCUSÉ LIMAJ : [interprétation] Nous avons déjà enregistré notre
8 plaidoyer préalablement, et même maintenant, nous n'acceptons pas ceci.
9 Moi, personnellement, je n'accepte pas que ce camp ait existé.
10 M. LE JUGE ORIE : [interprétation] Permettez-moi de vous arrêter ici."
11 [Fin de la diffusion de cassette audio]
12 M. CAYLEY : [interprétation] M. Limaj a très clairement indiqué que tout ce
13 dont je vous parle maintenant n'est que pure invention, n'est que pure
14 fantaisie.
15 Permettez-moi maintenant, Monsieur le Président, de vous dire quelque chose
16 concernant les victimes du camp de Lapusnik, quelque chose que M. Limaj a
17 dit.
18 Les éléments de preuve permettront d'établir beaucoup plus que
19 simplement d'établir qu'il y a eu un camp à Lapusnik. Ces éléments de
20 preuve que l'on entendra établiront également que Fatmir Limaj est
21 responsable de toutes les horreurs qui ont eu lieu à cet endroit-là. Comme
22 je l'ai déjà dit précédemment, je vous demanderais de penser ce qu'a dit sa
23 Défense. Lorsque vous entendrez le contre-interrogatoire de la Défense et
24 lorsque vous entendrez des victimes témoigner là-dessus, je vous prierais
25 de penser à ce qu'il a dit, qu'il n'y avait pas eu de camp, pas de
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1 prisonniers, pas de victimes, pas de morts. Bien sûr, la thèse de
2 l'Accusation est tout à fait le contraire. Le seul fait qu'ils aient admis
3 d'avoir été présents à Lapusnik ne peut pas nous permettre de penser à une
4 autre défense.
5 En fait, ce qui est un fait, c'est qu'à partir du mois de janvier
6 1998, un très grand nombre de Serbes et d'Albanais avaient commencé à
7 disparaître au Kosovo. Plusieurs d'entre eux avaient été enlevés par
8 certains éléments de l'UCK. Le centre de détention de Lapusnik était un
9 endroit où ces personnes se trouvaient. Des hommes se faisaient arrêter.
10 Ils se faisaient emmener à cet endroit-là, et tout cela a duré pendant une
11 période de trois mois. L'enlèvement, le transport au camp central, c'était
12 une coordination et un effort coordonné, et cela a duré assez longtemps.
13 Chaque être humain savait qu'il y avait quelque chose qui se passait à
14 l'été, en 1998 au camp. Il y avait des hommes qui se faisaient passer à
15 tabac, qui étaient enchaînés au plancher. Fatmir Limaj savait très bien ce
16 qui se passait. Il se trouvait parmi les prisonniers lorsqu'il s'est rendu
17 à 20 reprises à Lapusnik. Il a vu de ses propres yeux ce que j'essaie de
18 vous décrire. Il a donné des ordres à ceux qui ont emmené des victimes à
19 Lapusnik. Il a demandé, il a commandé à ceux qu'il a dit de mettre la clé
20 dans la serrure, et il a donné des ordres. Ceux qui ont commis les
21 meurtres, ils savaient très bien qu'il s'agissait de régime sans merci, de
22 régime violent. Vous l'entendrez dire que c'est lui qui avait l'autorité de
23 relâcher les prisonniers de Lapusnik. Il avait le pouvoir de décider sur le
24 destin d'un homme. A plusieurs reprises, vous le verrez, il avait le
25 pouvoir de droit de vie ou de mort sur ces personnes.
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1 Fatmir Limaj a relâché certaines personnes auxquelles il a demandé ou
2 il a ordonné de ne jamais dire ce qui s'est passé. Pourquoi ? Pour cacher
3 sa culpabilité de ces crimes. Fatmir Limaj, le commandant de Celiku savait
4 maintenant et il le sait aujourd'hui alors qu'il est assis ici devant vous,
5 ce qui s'est passé à Lapusnik au cours de ces trois mois. Pourquoi ? Car
6 c'est lui qui a encouragé. Il a causé le tout. Il est donc légalement
7 responsable des événements qui se sont déroulés au camp.
8 Plus tard, en 1998, Fatmir Limaj a admis aux membres de la communauté
9 internationale lorsqu'on l'a confronté au fait que l'UCK détenait des
10 civils, il a dit : oui, deux Serbes, deux journalistes serbes qui étaient
11 détenus par l'UCK pour avoir été à l'encontre des règlements de l'UCK, ces
12 deux personnes avaient été sentenciées à un emprisonnement sans jamais
13 avoir été présent à leurs propres procès. Il n'avait pas le droit à se
14 faire représenter par des avocats. L'endroit où ils se trouvaient était un
15 secret. On ne devait savoir qu'ils se trouvaient au camp de Lapusnik.
16 Maintenant, je vais vous parler de l'exécution d'un groupe de
17 prisonniers, puis des personnes à Berisa à la fin du mois de juillet 1998.
18 Ceci est un crime pour lequel Fatmir Limaj, non seulement qu'il a
19 connaissance de ce crime, et comme je vous ai dit plutôt, je vous ai montré
20 des éléments de preuve ou qu'il y ait participé. Il a rencontré les
21 détenus, il a rencontré lui et Haradin Bala alors que les détenus pouvaient
22 soit être relâchés ou se faire tués. Il a donné des ordres. Bala a relâché
23 un groupe alors que l'autre groupe, il les a fait marché jusqu'à une
24 clairière avec l'un des soldats, Limaj et un autre gardien, ils ont
25 exécutés dix hommes par un peloton d'exécution disant qu'ils avaient été
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1 condamnés à la mort.
2 L'UCK a assuré la communauté internationale, de façon répétitive,
3 qu'ils respectaient les conventions de Genève. Il est exact de dire qu'il y
4 avait plusieurs combattants honorables. Ils essayaient, de façon dure, de
5 se plier au droit international humanitaire même s'ils étaient soumis à des
6 provocations extrêmes. Mais ce qui est arrivé, c'est que le camp de
7 Lapusnik est un exemple contraire de cela. Fatmir Limaj a dit, qu'il
8 s'était plié au droit humanitaire international, et qu'il punissait les
9 soldats qui n'obéissaient pas. Mais vous ne l'entendrez pas dire que des
10 crimes qui avaient été commis au camp de Lapusnik ont fait l'objet d'une
11 enquête soit par Limaj ou par qui que ce soit d'autres.
12 J'aimerais vous montrer un extrait concernant les points de vue de Fatmir
13 Limaj sur les sanctions.
14 [Diffusion de cassette vidéo]
15 M. CAYLEY : [interprétation] Vous savez que toutes les armées du
16 monde d'ailleurs ainsi que dans la nôtre, l'ordre et la discipline sont
17 essentiels pour la réussite. Je vous informe que je suis fanatique de
18 l'ordre et de la discipline, et je ne permettrais à aucun soldat et à aucun
19 officier d'en feindre à l'ordre et à la discipline au sein de l'UCK, donc,
20 nous avons bien entendu.
21 M. Limaj était un fanatique lorsqu'il était question d'ordre et de
22 discipline. Mais vous constaterez qu'aucun des soldats qui a commis des
23 crimes à Lapusnik n'a jamais été victime de sanction. Vous constaterez
24 qu'Isak Musliu, bien au contraire a bénéficié d'une promotion après les
25 événements de Lapusnik. D'abord, il est devenu adjoint de Limaj et au sein
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1 de la 121e Brigade avant de devenir chef de la police militaire dans une
2 autre zone opérationnelle au sein de l'UCK si bien qu'il a été récompensé.
3 On l'a récompensé de la façon dont il avait fait fonctionner le camp de
4 Lapusnik. On ne l'a nullement sanctionné et, avec la thèse de la Défense,
5 pas de camp, pas d'emprisonnement, pas torture, pas de mort. On ne peut pas
6 s'attendre à ce que la Défense nous donne des éléments de preuve de
7 sanction, ou d'actes d'entrepris, ou d'actions de prévention pour éviter
8 que de tels crimes ne soient commis.
9 Isak Musliu, alias Qerqiz, a commandé les soldats au point de Lapunisk de
10 mai 1998 à juillet 1998. Il relevait directement de Fatmir Limaj. Il
11 contrôlait l'accès au camp de prisonniers. Il donnait des ordres aux
12 soldats dans le camp. Il a donné l'ordre de déplacer les prisonniers, de
13 les passer à tabac, de leur bander les yeux. Il l'a reconnu lui-même. Il
14 était en garnison à Lapusnik. Si l'on peut dire les éléments de preuve que
15 nous allons présenter montreront qu'il était régulièrement au camp, c'est
16 un commandant, un chef efficace, zélé, et il est indéniable que cet homme
17 tirait un véritable plaisir de la violence gratuite et brutale qu'il
18 infligeait aux prisonniers. C'était un amateur d'armes martiales, et il se
19 servait de ses connaissances et de divers instruments pour torturer, et
20 terrifier les prisonniers. Les prisonniers se sentaient perdre toute
21 valeur. Ils étaient témoins de scènes atroces au quotidien. Ils sentaient
22 que leur vie dépendait de cet homme brutal et sans pitié qu'était Isak
23 Musliu.
24 Un certain nombre de prisonniers ont été battus, de manière si
25 violente, que leur seul désir à cesser, c'est de mourir vite et sans
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1 douleur.
2 Je vous rappellerai que nous disposons d'éléments de preuve de types
3 médicaux légaux qui attestent des blessures horribles qu'ont subi un grand
4 nombre de prisonniers.
5 Isak Musliu a personnellement participé au meurtre d'un grand nombre de
6 détenus. Il faisait fonctionner le camp au nom de Fatmir Limaj. Il était
7 responsable du régime qui y prévalait. Musliu commandait les soldats qui se
8 trouvaient au camp. Il était au camp de mai à juillet 1998. Il n'a rien
9 fait pour empêcher que ne se produisent les crimes qui ont eu lieu.
10 Bien au contraire, on voit que du fait de ce comportement brutal et
11 meurtrier, il a encouragé la perpétration de ces atrocités. On peut dire
12 qu'il a participé de manière importante répétée et continue à ces actes
13 terribles et criminels. Si l'on garde à l'esprit la nature de sa défense
14 qui ressemble comme une sœur à celle de son co-accusé Limaj, c'est-à-dire,
15 pas de camp, pas de prisonnier, pas de torture, pas de mort. Il est presque
16 inutile de vous dire que lui non plus il n'a jamais empêché aucun de ses
17 subordonnés de commettre des crimes à Lapusnik ni ne les a sanctionnés.
18 Haradin Bala alias Shala était de garde à Lapusnik. Musliu était son chef
19 au camp. Il semble qu'il y avait deux hommes qui portaient ce nom de Shala
20 à Lapusnik. Ici, vous voyez la photographie de l'autre homme. Le véritable
21 nom de cet homme est Ruzdhi Karpuzi.
22 On peut voir qu'il ne ressemble en rien physiquement à Haradin Bala.
23 Cet homme, lui travaillait en dehors du camp de détention. Si bien, que
24 lorsque les prisonniers parlent de Shala garde au camp, et bien, ils nous
25 parlent d'Haradin Bala. Ils ne parlent pas de l'homme que nous avons en ce
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1 moment à l'écran. Dans son mémoire préalable au procès, Haradin Bala
2 confirme qu'effectivement, Isak Musliu était le chef de l'Unité de Celiku
3 3, dont il faisait lui-même parti. Quand il travaillait en tant que garde
4 au camp de Lapusnik, Bala portait un uniforme noir. Il avait le rôle de
5 tout gardien de camp. Il gardait l'entré du camp. C'est lui qui fermait à
6 clé, ou qui ouvrait les portes des zones de détentions. A leur arrivée, il
7 emmenait les prisonniers dans leurs cellules. Il les enchaînait à terre.
8 Bala frappait les prisonniers et, souvent, il garantissait la sécurité du
9 lieu où se déroulaient les passages à tabac, et où les autres se livraient
10 à leur triste besogne. Souvent les prisonniers ont été enchaînés comme des
11 animaux, et ils ont eu les yeux bandés avant d'être passés à tabac. Bala
12 participait à tout cela, et dans cet environnement, il a lui-même menacé
13 des prisonniers. Ce qui n'a fait qu'augmenter la crainte qu'ils leur
14 éprouvaient, et leur a enlevé toute lueur d'espoir.
15 Les éléments de preuve que j'ai déjà mentionnés montreront qu'il a
16 participé personnellement à un grand nombre de meurtre dans l'espèce.
17 Je vais pour finir, et pour être exhaustif, vous rappelez que le 26 juillet
18 1998, c'est Haradin Bala qui a emmené 20 prisonniers dans les montagnes au-
19 dessus de Lapusnik vers Berisa. Dix prisonniers ont été libérés, et les dix
20 autres ont été exécutés sur l'ordre de Limaj. Limaj porte la responsabilité
21 de cet acte. Mais la culpabilité de Bala, ici, est des plus simples, et des
22 plus évidentes sur la base des éléments de preuve dont nous disposons.
23 J'ai déjà indiqué la nature de sa thèse, c'est en partie un alibi, il
24 -- au titre de l'Article 90 bis, et des écritures qui ont été déposées, il
25 nie l'existence du camp. Voilà, un point c'est tout.
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1
2
3 J'en ai presque terminé. Il me reste à peine trois ou quatre minutes. J'ai
4 passé beaucoup de temps à parler des éléments de preuve et du droit en
5 l'espèce. C'est ce que l'on attend de moi. Mais il est juste de dire que
6 pratiquement que toutes les affaires dont à connaître ce Tribunal ont trait
7 à des actes dont nous préférerions jamais avoir à connaître, dont nous
8 préférerions ne pas croire à l'existence. Mais c'est la nature de notre
9 travail. Le seul élément qui distinct des affaires dont à connaître ce
10 Tribunal c'est une affaire de proportion, c'est-à-dire, le nombre de
11 meurtres, le nombre de cas de tortures, les souffrances endurées. Mais
12 toutes ces affaires jugées devant ce Tribunal s'éloignent de loin des
13 crimes de droit commun que nous connaissons généralement, puisque ces
14 crimes provoquent et brisent la vie de nombreuses familles, et constituent
15 un véritable drame.
16 Jamais, nous ne pourrons traiter de tous les crimes commis par tous
17 les participants de cette guerre. Ceci, d'ailleurs, n'a pas été envisagé
18 par le conseil de Sécurité au moment d'établir ce Tribunal. Mais je
19 voudrais dire qu'il ne faut pas que certains groupes soient placés au-
20 dessus des lois, et cela n'aura jamais le fait du bureau du Procureur. La
21 Défense de Limaj et de Musliu critique le Procureur dans leur mémoire
22 préalable au procès. Du simple fait que nous ayons édicté un acte
23 d'accusation à leur encontre. Ils avancent que nous essayons de réviser
24 l'histoire et que nous semblons faire croire que les crimes les plus graves
25 commis au cours de l'année 1998 sont le fait de l'armée de libération du
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1 Kosovo. Mais je voudrais dire très clairement que pour nous ce n'est pas la
2 façon dont nous voyons la situation. Comme je l'ai dit, le Procureur ne
3 conteste nullement que, pendant la même période, les forces de sécurité se
4 soient rendues coupables de très graves violations des droits de l'homme,
5 et ceci à une grande échelle.
6 Ces infractions ont connu leur point d'ordre avec les événements qui
7 se sont déroulés de janvier à juin 1999 et pour lesquels Slobodan Milosevic
8 est actuellement jugé ici même au Tribunal, et pour lesquels le colonel
9 général Pavkovic, le colonel général Lazarevic, le colonel général
10 Djordjevic, le colonel général Lukic, Milan Milutinovic, Nikola Sainovic,
11 le général Dragoljub Ojdanic et Vlajko Stojakovic ont été inculpés.
12 S'agissant des évènements de 1998, il est possible que les témoins viennent
13 nous parler de crimes commis par les Serbes pendant cette même période.
14 Mais ceci ne justifie en rien ce qui s'est passé à Lapusnik.
15 L'emprisonnement illégal, la torture, le meurtre de toutes ces personnes
16 innocentes n'était nullement dictée par les nécessités de la guerre.
17 L'ombre de Milosevic, et des crimes qu'il avait commis au Kosovo, n'exonère
18 nullement les trois accusés de la responsabilité qui est les leurs,
19 s'agissant des crimes de Lapusnik. C'est -- la morale l'exige, ainsi que le
20 droit.
21 Les fondements de notre institution repose sur les principes traditionnels
22 de la morale, de la justice, et du droit, qui ont été défini par la
23 civilisation au fil des siècles. Nous reconnaissons notre foi dans la
24 dignité et la valeur de chaque être humain. Nous acceptons le fait que la
25 guerre est une activité regrettable, mais nous avons l'aspiration et le
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1 désir -- désir qui s'appuie sur les principes juridiques, de voir que tout
2 ce qui ne participent pas aux combats, que ce soit des soldats hors de
3 combat ou des civils, soient traités avec la même humanité et la même
4 pitié. La loi -- le droit, reconnaît que ces garantis fondamentaux sont
5 universels et s'appliquent à tous les victimes de la guerre, quelque soit
6 leur sexe, quelque soit leur appartenance ethnique, quelque soit leur race.
7 Justice égale et précise, et exacte pour tous les hommes. Il s'agit là des
8 paroles de Jefferson, qui doivent constituer une source d'espoir pour les
9 trois accusés eux-mêmes, même si je les appliquent en premier lieu aux
10 victimes, car les trois accusés peuvent espérer à un procès équitable, où
11 tous les droits qui découlent du Statut du Tribunal leur seront garantis.
12 Ils peuvent considérer les Juges de la Chambre comme les garants de
13 l'intégrité de cette procédure. Les accusés bénéficient d'une défense de
14 très haute qualité, comme cela est d'ailleurs normale, comme le déclare les
15 conseils de la Défense dans leurs mémoires préalables au procès.
16 C'est -- la charge de la preuve repose sur l'Accusation. C'est à
17 l'Accusation qu'il appartient de prouver la participation des évènements
18 que nous avons mentionnés. Les Juges de la Chambre doit être convaincu au-
19 delà de toute doute raisonnable de la culpabilité des accusés. C'est
20 l'Article 87, le fil rouge [comme interprété] la garantie, dont bénéficient
21 les trois accusés. Je dois dire que dans mon pays, de telles explications
22 entraînent souvent des difficultés pour les Juges, et les conseils de la
23 Défense ou de L'Accusation. Mais vous, vous êtes des Juges professionnels.
24 Vous savez mieux que moi tout ce que tout cela recouvre. Vous savez, vous
25 êtes les Juges des faits, les Juges du droit. Vous n'avez pas besoin de
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1 recevoir des instructions comme ce serait le cas d'un jury. Il me suffira
2 de dire que l'Accusation serait à la hauteur de ses obligations s'agissant
3 de la charge de la preuve.
4 Aujourd'hui, le Kosovo est une société divisée. De longues années
5 d'oppression et de division, et la guerre que l'on a connue si récemment a
6 laissé des cicatrices très profondes dans cette société. Les habitants sont
7 mus par le chagrin et l'amertume, la colère, d'un côté comme de l'autre.
8 Nous le voyons tous. Mais dans cet acte d'accusation, nous avons des
9 victimes albanaises et des victimes serbes. Les fils et les pères de
10 familles dans les deux communautés, qui partagent une paisse commune, une
11 douleur partagée qui pourrait ouvrir la voie vers la réconciliation. Car
12 après tous, l'un des principes essentiels de cette institution, cela y
13 était de promouvoir la réconciliation dans la région, si bien que chacun
14 pense que son voisin est pareil à lui-même.
15 Les actes des hommes en temps de guerre, que ce soit des actes qui
16 tournent vers le bien ou vers le mal, ce sont des actes qui finalement ne
17 durent pas très longtemps. Or -- mais ceux sont les actes qui ont une
18 répercussion sur la paix, qui elle durent beaucoup plus longtemps par
19 nature. A moins que les actes criminels commis en tant de guerre ne soient
20 -- fassent objet d'une confrontation ouverte et franche, même si cela est
21 extrêmement difficile, on risque de se retrouver avec des répercussions
22 très graves pour l'avenir. La capacité et le désir à traiter de ces crimes,
23 à s'y confronter, est un signe de maturité et de progrès.
24 Sylejman Selimi, un Albanais de Kosovo, éminemment respecté
25 aujourd'hui, dit la chose suivante à ce sujet, je cite : "Tous les pays
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1 démocratiques, toutes les démocraties, doivent se confronter à ceux qui ont
2 commis des crimes en temps de guerre. Ceci vaut aussi pour les pays qui
3 vivent en démocratie et cela représente toujours une difficulté, alors,
4 pensez, nous qui venons juste de nous lancer dans cette voie. Bien entendu,
5 personne n'est au-dessus des lois. Certains peuvent se livrer à des actes
6 dans l'euphorie du moment, mais, ensuite, il faut qu'ils répondent de ces
7 actes."
8 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'en ai terminé.
9 Je vais laisser maintenant la parole aux moyens de preuve, mais je suis
10 honnêtement et catégoriquement convaincu que, si les éléments de preuve en
11 l'espèce sont entendus librement et dans l'équité, elles prouveront ce que
12 sont véritablement ces hommes : de simples meurtriers et des tortionnaires.
13 C'est ce que nous affirmons quant à nous, c'est ce que vous vont montrer
14 les éléments de preuve. Avec tout le respect que dois à la Chambre, c'est
15 ce que le droit vous imposera de conclure. Merci.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Cayley, de cette
17 déclaration liminaire bien tournée.
18 Comme vous l'aurez constaté du côté de la Défense, étant donné que nous
19 avons une quatrième langue dans cette affaire, étant donné que nous avons
20 besoin de place pour cette quatrième cabine, cette quatrième interprète,
21 nous sommes un peu limité s'agissant du prétoire dans lequel nous pouvons
22 siéger, et nous devons partager ce prétoire avec une autre affaire. Ceci
23 est inconvénient, mais c'est la réalité à laquelle nous sommes confrontée,
24 que nous devons accepter. La première conséquence de cet état de faits,
25 c'est que demain nous siégerons à 9 heures jusqu'à 13 heures 45 parce que
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1 le prétoire sera utilisé par une autre Chambre l'après-midi. Mais,
2 normalement, nous devrions cette semaine continuer à siéger l'après-midi.
3 Je parle de mercredi, de jeudi, et de vendredi. Nous siégerons de 14 heures
4 15 à 19 heures.
5 Je suspends l'audience jusqu'à demain matin, 9 heures.
6 --- L'audience est levée à 18 heures 45 et reprendra le mardi 16
7 novembre 2004, à 9 heures.
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