Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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  1   Le vendredi 3 décembre 2004

  2   [Audience publique]

  3   [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

  4   --- L'audience est ouverte à 9 heures 06.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Je vois que deux personnes

  6   sont déjà sur leurs pieds. Je vais commencer la partie à gauche.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. J'aurais une

  8   question préliminaire à soulever. Je crois qu'il nous faudrait passer à

  9   huis clos partiel pour ce faire.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Passons à huis clos

 11   partiel.

 12   [Audience à huis clos partiel]

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 14   [Audience publique]

 15   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une question très

 16   brève. Comme vous le savez, l'Accusation récole les témoins de façon

 17   habituelle, et ils vont proposer une réponse à la requête formulée par mon

 18   éminent confrère M. Topolski. S'agissant de ce témoin, il a fait l'objet

 19   d'un interrogatoire par les membres de l'Accusation en 2003. A cette

 20   époque-là, on lui a montré une planche photographique qui comprenait

 21   également une photo de mon client, M. Limaj. A l'époque, lorsqu'on lui a

 22   montré ces photos, c'était M. Lehtinen qui a procédé à cette identification

 23   photographique. Le témoin avait dit qu'il ne pouvait pas identifier M.

 24   Limaj comme étant la personne qui était présente au camp. C'était

 25   immédiatement après qu'il ait vécu ces événements au camp.

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  1   M. NICHOLLS : [interprétation] Je suis vraiment navré d'interrompre. Selon

  2   moi, ce n'est pas tout à fait ce que le témoin a dit lorsqu'il a examiné

  3   cette planche photographique aux fins d'identification. Ce ne sont pas les

  4   propos qui reflètent exactement ce que le témoin a dit.

  5   M. KHAN : [interprétation] Le témoin a dit, en 2003, que la personne lui

  6   semble connue, mais qu'il ne reconnaît pas cette personne-là comme étant

  7   présente au camp. C'est cela que le témoin a dit.

  8   L'Accusation a, très aimablement, répondu à ma demande. Le témoin est

  9   arrivé à La Haye samedi, le 27 novembre, et il s'est entretenu avec les

 10   membres du bureau du Procureur à maintes reprises, samedi, dimanche, mardi,

 11   mercredi et jeudi. S'agissant de la journée de dimanche, la deuxième fois

 12   qu'il rencontrait les membres du bureau du Procureur, non pas lors de la

 13   première rencontre, mais lors de la deuxième rencontre, le témoin a dit,

 14   qu'en 1999, il surfait sur l'Internet et il est tombé sur une photo qu'il

 15   identifie comme étant l'homme qui l'a libéré du camp. Monsieur le

 16   Président, cette photo vous sera sans doute montrée lors de

 17   l'interrogatoire principal. Cette photo fait partie de la vidéo, c'est un

 18   cliché figé d'une vidéo, et cela a été montré en audience publique. Vous

 19   souviendrez, lorsque M. Topolski s'est tourné pour dire, la personne qui

 20   est assise juste à côté de M. Limaj, qui était à la tête de cette session

 21   d'identification, était M. Musliu. Cela s'est fait en audience publique.

 22   La difficulté que j'avais concernant cette communication tardive du

 23   1er décembre, il y a quelques jours, c'est que je n'avais pas pu trouver la

 24   provenance des deux photos qui ont été prises de l'Internet, que le témoin

 25   a dit qu'il avait vues. Je n'ai pas pu retrouver la vidéo en question. Nous

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  1   n'avons pas été en mesure d'enquêter sur ceci. Il s'agirait, apparemment,

  2   d'un site serbe, www.kosovo.com. Je ne sais pas si ceci existe encore, car

  3   vous savez les sites viennent et vont. Si nous pouvions enquêter, nous

  4   aurions pu peut-être, éventuellement, savoir quels étaient les clichés qui

  5   auraient pu être trouvés à ce moment-là.

  6   Maintenant, Monsieur le Président, je sais que l'Accusation n'a pas plus de

  7   ressources que nous, et je sais que M. Nicholls ne sait pas s'il y a

  8   quelqu'un dans son bureau qui est spécialisé particulièrement dans

  9   l'affaire. Je serais bien heureux d'informer l'Accusation si j'arrive à

 10   trouver ce site. Mais si je n'arrive pas à retrouver ce site, il me sera

 11   très difficile de poursuivre le contre-interrogatoire de ce témoin

 12   concernant ces questions.

 13   La raison pour laquelle je suis sur mes pieds, c'est pour vous

 14   informer. Monsieur le Président, qu'il se pourrait qu'à une étape

 15   ultérieure, dépendamment de la façon dont les événements se déroulent

 16   aujourd'hui, je ne pourrais pas peut-être pas être en mesure de contre-

 17   interroger ce témoin. Mes seules questions que j'avais à poser ce témoin

 18   dans le cadre de son contre-interrogatoire, c'était de lui poser des

 19   questions concernant ces clichés, cette photo figée. Je ne voulais

 20   nécessairement lui poser d'autres questions. Je sais que ce témoin,

 21   plusieurs témoins qui viendront témoigner ici ont vécu des événements très

 22   troublants et je ne voudrais certainement pas les traumatiser en leur

 23   posant des questions inutiles.  A moins que l'Accusation ne puisse

 24   m'informer de ces questions, je ne pourrai pas lui poser des questions et

 25   c'est la raison pour laquelle je demanderais que le témoin reste ici à La

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  1   Haye jusqu'à lundi afin de me permettre de faire d'autres enquêtes et

  2   d'essayer de retrouver ce site car, à mon égard, il s'agirait de quelques

  3   chose d'une importance primordiale.

  4   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Khan.

  5   Qu'est-ce que vous avez dit concernant cette question de

  6   communications tardive, est-ce que l'Accusation est en mesure de répondre,

  7   d'acquiescer à la question de Monsieur Kan. Pouvez-vous aider Monsieur Khan

  8   dans ce domaine.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne sais pas, Monsieur le Président, si

 10   nous pourrons l'aider. Je suis tout à fait opposé à la requête de garder le

 11   témoin plus longtemps à La Haye, pour plusieurs raisons. D'abord, je ne

 12   sais pas à quel moment le témoins cette photographie mais le témoins ne

 13   nous a pas informé de cela jusqu'à son arrivée. Il l'a trouvé sur Internet,

 14   il semblerait --

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il ne s'agit pas d'une question de

 16   jeter le blâme sur quelqu'un, il faut, bien sûr, avoir des procès justes et

 17   équitables.

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Je comprends tout à fait bien mais je ne

 19   sais pas que le témoins ait vu la photo en 1999; je ne  sais pas s'il l'a

 20   vue à ce moment-là ou maintenant mais à un certain moment donné, le témoin

 21   a vu cette photo et il semble que cette photo démontre ce qu'il dit. Nous

 22   avons également retrouvé ce site.

 23   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Lorsque vous dites qu'il a trouvé

 24   cette photo, vous voulez dire qu'il l'a imprimée.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, Monsieur le Président. Il a fait une

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  1   recherche sur un ordinateur et il m'a dit : "Justement, voici la photo dont

  2   j'ai parlé," et nous avons pu imprimer la photo qui se trouvait sur

  3   l'écran, à ce moment-là. Cette question a été soulevée ce matin. Je ne sais

  4   pas toutefois si, en fait, je ne suis pas un expert en site Web, ne sais

  5   pas de quelle façon à ce que l'on pourrait retrouver le site. Mon collègue,

  6   Colin Black a retrouvé ce site, c'est un site qui a copyright de 1997, je

  7   ne sais pas si cela peut vous aider. Toutefois, tous ces questions sont

  8   spéculatives, c'est-à-dire, s'il a un besoin de rappeler le témoin, on

  9   pourra peut-être le faire. Il peut certainement subir son contre-

 10   interrogatoire. La seule réponse à laquelle il ne pouvait répondre, c'est

 11   la date à laquelle il a vu cette photo. Il peut certainement dire qu'il a

 12   découvert la photo. Maintenant, si la photo existait en 1999, on peut lui

 13   poser cette question, mais sinon, s'il l'a vue plus tard, pour ce qui me

 14   concerne, c'est une question d'ordre assez périphéral.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, mais cela peut sembler secondaire

 16   pour vous, périphéral, mais si cette photo se trouve effectivement

 17   maintenant sur le site Web, c'est peut-être une photo qui a été placée là

 18   assez récemment. Il faut accorder un poids à la crédibilité, je le dis,

 19   puisque c'est une question hypothétique, nous ne savons pas maintenant,

 20   nous n'avons pas les faits fondamentaux à cette étape-ci.

 21   M. NICHOLLS : [interprétation] Effectivement, Monsieur le Président. Il

 22   s'agit d'une question hypothétique. C'est la raison pour laquelle je crois

 23   qu'à l'instant, il n'y a pas de problème. Si toutefois le besoin se fait

 24   sentir de rappeler le témoin --

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que nous ne comprenons pas,

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  1   Monsieur Nicholls. Nous ne pourrons pas savoir s'il y a un problème jusqu'à

  2   ce que nous découvrions si cette photo existait sur le site à ce moment-là.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Le témoin peut répondre à cette question du

  4   meilleur de son souvenir, certainement. Je vais faire de mon mieux pour

  5   essayer de découvrir qu'en est-il de cette photo et de savoir si cette

  6   photo existait sur le site à l'époque. Je vais vérifier s'il est peut-être

  7   possible de garder le témoin jusqu'à lundi. Je vais essayer de voir avec la

  8   section chargée des voyages s'ils ont pu remettre le voyage du témoin

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, à moins que vous ne puissiez

 10   apporter votre aide à Monsieur Khan, immédiatement, je crois qu'il faudrait

 11   s'attendre à ce que le témoin reste ici à La Haye jusqu'à lundi.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie.

 13   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il a d'autres questions à

 14   soulever de part et d'autre ?

 15   M. KHAN : [interprétation] Non, Monsieur le Président.

 16   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous pouvons maintenant faire entrer

 17   le témoin

 18   [Le témoin est introduit dans le prétoire]

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation]  Bonjour, Monsieur.

 20   LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Puis-je vous rappeler que vous avez

 22   déjà prononcé une affirmation solennelle et que vous êtes toujours tenu par

 23   cette même affirmation.

 24   LE TÉMOIN : [interprétation] Très bien.

 25   TÉMOIN : IVAN BAKRAC [Reprise]

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  1   [Le témoin répond par l'interprète]

  2   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est maintenant au tour de M.

  3   Nicholls qui continuera à vous poser des questions dans le cadre de

  4   l'interrogatoire principal.

  5   Interrogatoire principal par M. Nicholls : [Suite]

  6   Q.  [interprétation] Merci. Bonjour, Monsieur le Témoin.

  7   R.  Merci.

  8   Q.  De nouveau, je vous demanderais de prendre votre temps de bien

  9   comprendre la question que je vous ai posée, prenez le temps, réfléchissez

 10   bien avant de répondre. Nous ne sommes pas pressés. Avant de nous quitter,

 11   hier soir, vous étiez en train de nous raconter comment vous êtes entré

 12   dans ce camp, dans l'enceinte du camp. Vous avez dit aux Juges de la

 13   Chambre, qu'à ce moment-là, vous et les autres personnes, qui se trouvaient

 14   à bord de cette camionnette, vous avez été emmenés dans une pièce qui se

 15   trouvait dans la maison principale.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Y a-t-il un problème ?

 17   M. TOPOLSKI : [interprétation]  Je suis vraiment désolé d'interrompre. Nous

 18   avons des invités avec nous ce matin. Je ne savais pas si leurs microphones

 19   fonctionnaient ou il faudrait peut-être leur offrir un casque.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vois que vous êtes comme moi,

 21   Monsieur Topolski, vous oubliez de mettre votre micro. Veuillez poursuivre,

 22   Monsieur Nicholls.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

 24   Q.  Monsieur, vous souvenez-vous d'avoir parlé de cela hier ?

 25   R.  Oui.

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  1   Q.  Pourriez-vous maintenant décrire ce qui s'est passé lorsque vous êtes

  2   entré dans cette maison ?

  3   R.  Avant de pénétrer dans cette pièce principale, il y avait un couloir

  4   avec les toilettes qui se trouvaient à gauche et dans la pièce principale,

  5   il y avait des matelas par terre ainsi qu'une sorte de poêle qui se

  6   trouvait à droite.

  7   Q.  Je vous remercie.

  8   M. NICHOLLS : [interprétation] J'aimerais maintenant montrer au témoin la

  9   pièce P5. Il s'agit d'une présentation visuelle d'une image.

 10   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous ce qui se trouve sur la photo devant vous

 11   et pour les fins d'identification, il s'agit du bâtiment A1 de l'endroit

 12   qui se trouve dans notre livret.

 13   R.  Oui, je le reconnais.

 14   Q.  De quoi s'agit-il ?

 15   R.  C'est là, qu'au début, nous étions au rez-de-chaussée, c'est là qu'il y

 16   avait un centre. Le centre principal se trouvait là. Nous étions gardés à

 17   cet endroit-là au début.

 18   Q.  Je vous remercie.

 19   M. NICHOLLS : [interprétation] Pour le compte rendu d'audience, il s'agit

 20   de la pièce P6. Il s'agit de la pièce portant une cote d'identification

 21   U008-3669.

 22   Je voudrais demander à M. Younis de nous montrer l'intérieur de cette

 23   maison, et de nous montrer à l'aide du pointeur la pièce qui se trouve au

 24   rez-de-chaussée.

 25   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous ce que vous voyez sur l'écran ?

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  1   R.  Oui, je reconnais la pièce. Mais tout ce qui se trouve ici, à

  2   l'intérieur de la pièce, n'était pas là à ce moment-là.

  3   Q.  Pour le compte rendu d'audience, c'est la pièce dans laquelle on vous a

  4   initialement fait entré; est-ce que c'est exact ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Je souhaite également dire pour le compte rendu d'audience que j'avais

  7   commencé à vous montrer cette pièce avant lorsque vous étiez ici, mais nous

  8   nous sommes arrêtés; est-ce c'est exact ? Nous nous sommes arrêtés avant

  9   que vous ne puissiez l'examiner; est-ce exact ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Qui était dans la pièce lorsqu'on vous y a fait entrer ?

 12   R.  Il y avait plusieurs soldats à l'intérieur. Je ne suis pas tout à fait

 13   certain du nombre, mais il y en avait plusieurs.

 14   Q.  Que s'est-il passé avec vous et votre père lorsque vous êtes entrés

 15   dans cette pièce ? Qu'est-ce qui s'est passé d'abord ?

 16   R.  On nous a placés sur des matelas. On nous a demandé de nous asseoir sur

 17   ces matelas. On a commencé à nous poser des questions, à savoir, ce que

 18   nous faisions au Kosovo. De l'autre côté, ils étaient en train de frapper

 19   Genov.

 20   Q.  Qui vous posait cette question si vous vous en souvenez ? Qui étaient

 21   la personne qui vous a posé ces questions ?

 22   Pouvez-vous nous décrire la personne qui vous a posé les questions ? Y

 23   avait-il un trait particulier qui l'identifiait ?

 24   R.  Je ne suis pas tout à fait certain s'il y avait des traits particuliers

 25   qui identifiaient cette personne. Je présume que c'était l'une des

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  1   personnes qui était assez importante à cet endroit-là.

  2   Q.  Nous allons parler de cela dans quelques instants. Combien de temps

  3   avez-vous passé dans cette pièce avec votre père ?

  4   R.  Environ une heure, une heure et demie.

  5   Q.  Que s'est-il passé avec Genov pendant toute cette période ? Vous nous

  6   avez dit qu'il se faisait frapper ?

  7   R.  Oui, on le frappait à coups de pied, à coup-de-poing ainsi qu'avec les

  8   crosses de fusil.

  9   Q.  Qu'en est-il de M. Cuk ?

 10   R.  Je ne me souviens pas.

 11   Q.  Dites-nous, si vous vous en souvenez, si les soldats qui frappaient

 12   Genov lui donnaient des raisons pour le frapper ? Est-ce qu'ils lui

 13   posaient des questions lorsqu'ils le frappaient ?

 14   R.  Non, ils lui disaient qu'il faisait partie de la police serbe. Ils le

 15   battaient et l'appelaient policier. Ils lui ont dit : C'est cela les

 16   policiers serbes font aux Albanais.

 17   Q.  Vous nous disiez que la personne qui vous posait des questions semblait

 18   être une personne assez importante à cet endroit-là. Dites-moi, pourquoi

 19   aviez-vous l'impression que cette personne avait une certaine importance ?

 20   C'est une personne avec des responsabilités à cet endroit-là ?

 21   R.   Parce que lorsqu'il est entré dans cette pièce, tout le monde l'a

 22   salué alors qu'il avançait vers nous. Les gens lui montraient une certaine

 23   déférence.

 24   Q.  Pourriez-vous nous décrire l'homme que tout le monde a salué ? Dites-

 25   nous, quel âge pouvait-il avoir ?

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  1   R.  Il avait peut-être 35 à 36 ans.

  2   Q.  Quelle était sa taille ?

  3   R.  Il devait faire peut-être 1 mètre 81, 1 mètre 85.

  4   Q.  Quelle était sa corpulence ? Est-ce qu'il était grand ? Etait-il

  5   mince ? Etait-il plus gros ? Pourriez-vous nous décrire sa corpulence ?

  6   R.  Il était de taille moyenne. Il n'était ni maigre, ni gros. Il était de

  7   taille moyenne.

  8   Q.  Pourriez-vous nous décrire ses cheveux ?

  9   R.  Oui. Il avait les cheveux un peu plus longs, peignés en arrière avec

 10   quelques cheveux gris.

 11   Q.  Est-ce qu'il avait une barbe, une moustache, une pilosité sur le

 12   visage ?

 13   R.  Non, il était rasé. Non pas rasé de près, mais il n'avait ni moustache,

 14   ni barbe.

 15   Q.  Pourriez-vous nous décrire son uniforme, s'il vous plaît ?

 16   R.  C'était un uniforme de camouflage tel que le portaient tous les autres.

 17   Le sien était nettement plus propre, plus net que les uniformes des autres.

 18   Q.  Vous a-t-il posé des questions directement, ou bien est-ce que les

 19   questions étaient adressées à votre père ? Pourriez-vous décrire la manière

 20   dont cet homme vous posait des questions ?

 21   R.  Je pense que les questions étaient adressées à nous deux parce qu'il

 22   savait que nous étions père et fils. Il nous posait des questions à tous

 23   les deux, pas à l'un puis à l'autre séparément. C'était un interrogatoire.

 24   Les questions avaient trait à ce que nous faisions au Kosovo, on nous

 25   demandait où nous allions par car.

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  1   Q.  Combien de temps a duré cette séance de questions, réponses ?

  2   R.  Une dizaine, une vingtaine de minutes.

  3   Q.  La personne que vous venez de décrire comme une personne ayant

  4   certaines responsabilités, elle vous posait des questions à vous et à votre

  5   père. Comment se comportait-il à votre égard ?

  6   R.  Il était très agréable. Il ne nous a jamais fait comprendre qu'il avait

  7   l'intention de nous faire du mal. Il s'est comporté comme se comporte un

  8   soldat.

  9   Q.  Cette personne, avec des responsabilités, était-elle présente au moment

 10   même où l'on frappait Genov ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Comment cette personne a-t-elle réagi à ce passage à tabac, s'il a

 13   réagi ?

 14   R.  Sa réaction était la réaction de quelqu'un qui est heureux d'avoir pu

 15   l'attraper et que l'on puisse le frapper. Mais lui-même n'a strictement

 16   rien fait. Il se tenait en arrière.

 17   Q.  Au cours de cette conversation que vous avez eue avec cet homme avec

 18   des responsabilités, à quelle distance de lui étiez-vous ? Est-ce que vous

 19   étiez en position assise ? Est-ce que vous vous teniez debout ? Pourriez-

 20   vous décrire vos positions les uns par rapport aux autres, vous, votre père

 21   et cette personne ?

 22   R.  Il était assis à une cinquantaine de centimètres de nous. Nous, nous

 23   étions assis par terre. Lui, il était placé en face de nous à une

 24   cinquantaine de centimètres de nous.

 25   Q.  Est-ce qu'il écrivait quoi que ce soit ? Est-ce qu'il prenait des

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  1   notes ? Est-ce qu'il semblait enregistrer vos propos, d'une manière ou

  2   d'une autre ?

  3   R.  Non.

  4   Q.  Cette personne qui avait des responsabilités sur les autres soldats,

  5   est-ce que vous avez eu l'occasion de le revoir avant que vous ne finissiez

  6   par quitter le camp ?

  7   R.  Oui, il a été le premier à nous dire que nous serions libérés.

  8   Q.  Nous y reviendrons plus tard et d'une manière plus détaillée. Pourriez-

  9   vous nous dire maintenant à quel moment vous l'avez revu et où vous avez eu

 10   l'occasion de lui parler ?

 11   R.  Je n'ai pas compris la question. Qu'est-ce que vous entendez par

 12   "conversation" ? La première conversation ou la deuxième ?

 13   Q.  Excusez-moi, la deuxième conversation ou la conversation suivante, au

 14   moment où il vous a dit que vous seriez libérés. Cela a eu lieu quand ?

 15   R.  C'était dans la pièce à l'étage, pièce de la même maison.

 16   Q.  Exception faite de ces deux moments où vous avez eu l'occasion de

 17   parler avec cette personne avec des responsabilités, est-ce qu'il y en eu

 18   d'autres ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  La deuxième conversation, ou plus précisément le moment où il est venu

 21   vous dire que vous seriez libérés, cet échange a duré combien de temps ?

 22   R.  Une quinzaine ou une vingtaine de minutes. On nous a simplement demandé

 23   comment nous nous sentions, si tout allait bien. Puis, il nous a annoncé

 24   que nous serions libérés.

 25   Q.  La manière dont il se comportait vis-à-vis de vous, était-elle

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  1   identique à la manière dont il s'était comporté la première fois ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Après votre libération du camp, n'avez-vous jamais vu une photo de cet

  4   homme ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Où avez-vous vu cette photo ?

  7   R.  Sur l'Internet.

  8   Q.  Quand avez-vous vu cette photo sur l'Internet, avec autant de précision

  9   que possible, si vous vous en souvenez ?

 10   R.  Cela devait être un an après les événements, à peu près. Ma famille a

 11   acheté un ordinateur. Nous souhaitions savoir ce qui se passait au Kosovo.

 12   Sur un site Web, nous avons vu leur photo.

 13   Q.  Quel était l'adresse du site Web ?

 14   R.  kosovo.com.

 15   Q.  Vous souvenez-vous du moment où vous avez dit, pour la première fois,

 16   au responsable du bureau du Procureur que vous avez vu cette photo et que

 17   vous avez reconnu la personne ayant des responsabilités ?

 18   R.  C'était il y a quelques jours. Je crois que vous êtes la première

 19   personne à qui j'ai montré cela.

 20   Q.  Est-ce que vous avez eu l'occasion de vous connectez à l'Internet et de

 21   retrouver la photo dont vous parlez ?

 22   R.  Oui.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je souhaiterais, à

 24   présent, montrer un photographie au témoin. Cette photographie sera montrée

 25   sur le logiciel Sanction. Ceci dit, je vais remettre au témoin une copie

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  1   papier de cette photo.

  2   Malheureusement, Monsieur le Président, ce document ne porte pas de

  3   cote ERN. Je n'ai pas pu obtenir de numéro de référence ERN avant

  4   l'audience de ce matin.

  5   Q.  Monsieur, pourriez-vous examiner la photo qui est placée devant vous ?

  6   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, serait-il plus opportun,

  7   au lieu de montrer cela en gros plan, de montrer la page Web elle-même.

  8   C'est ce que le témoin a identifié.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] C'est précisément ce qu'il a sous les yeux.

 10   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne sais pas si vous

 11   avez vous, sous les yeux, la page Web. Elle est nettement plus petite.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation] Je pense que, vous, Monsieur le Président,

 13   Madame et Monsieur les Juges, vous avez la photo. Cela n'est pas la page

 14   Web en tant que telle. J'ai la page Web en tant que telle. Si vous

 15   souhaitez la voir, je peux vous la remettre.

 16   M. KHAN : [interprétation] Je pourrais peut-être vous remettre mon

 17   exemplaire, Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons une page sous les yeux, une

 19   version plus petite --

 20   M. KHAN : [interprétation] Oui.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pourrait-on demander au

 22   témoin de quelle taille était cette page, s'il s'en souvient.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui, je vais lui poser la question, Monsieur

 24   le Président.

 25   Q.  Monsieur, pour commencer, vous voyez la taille de la photo que vous

Page 1435

  1   avez sous les yeux.

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Est-ce là la taille de la photo que vous avez trouvée sur l'Internet

  4   ici à La Haye ?

  5   R.  Oui.

  6   Q.  Est-ce qu'il s'agit de la même photographie que celle que vous aviez

  7   vue sur l'Internet en 1999, moment où vous avez identifié cette personne

  8   comme étant la personne qui avait des responsabilités au camp ?

  9   R.  C'est la même photo, celle que j'ai vue à La Haye et celle que j'ai vue

 10   à l'époque. En 1999, la photo était nettement plus grande, et cela n'était

 11   pas la seule photo qu'on y voyait.

 12   Q.  Outre les différences de taille des photographies, est-ce qu'il y a

 13   d'autres différences entre la photo que vous avez eu l'occasion de voir en

 14   1999 et celle que vous avez vue ici à La Haye, et que vous avez maintenant

 15   sous les yeux ?

 16   R.  Aucune différence, à ceci près qu'il est beaucoup plus difficile de

 17   discerner les traits du visage sur la photo que j'ai sous les yeux. A part

 18   cela, c'est exactement la même photo.

 19   Q.  Pourquoi est-ce qu'il est plus difficile d'identifier les traits du

 20   visage avec la photo que vous avez sous les yeux ? Est-ce que c'est en

 21   raison de la taille ?

 22   M. KHAN : [interprétation] J'inviterais mon éminent collègue à la prudence.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je tâcherai d'être prudent. Je vais essayer

 24   d'être clair, Monsieur le Président.

 25   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, oui, c'est à cause de la taille de la

Page 1436

  1   photographie.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on remettre un stylo au témoin ?

  3   Q.  Je vous demanderais, si vous voulez bien, en commençant par le bas de

  4   la photo, de désigner exactement la personne sur la photo que vous aviez

  5   identifiée en 1999 comme étant la personne qui avait des responsabilités au

  6   camp.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Vous pouvez indiquer cela sur la photo qui se trouve à votre gauche sur

  9   le rétroprojecteur. Pardon, je n'avais pas vu. Merci.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, il s'agit de la pièce

 11   P80.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, effectivement. Elle sera

 13   enregistrée, pièce P80.

 14   M. KHAN : [interprétation] Cela paraît peut-être anodin, Monsieur le

 15   Président, pour l'heure. Mais je souhaiterais, une fois de plus, et c'est

 16   un exercice aisé, mais la page proprement dite de l'Internet, la page Web,

 17   est-ce qu'on pourrait l'inviter à mettre sur flèche sur la page Web

 18   proprement dite ?

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si vous souhaitez cela également,

 20   Maître Khan, cela peut être fait.

 21   M. KHAN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je ne sais pas

 22   exactement vers où on se dirige pour l'instant, voyez-vous.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, au cours du

 25   contre-interrogatoire, et non maintenant.

Page 1437

  1   M. NICHOLLS : [interprétation]

  2   Q.  Monsieur, vous avez fait une déclaration à l'enquêteur du TPIY en

  3   janvier 2003. Vous en souvenez-vous ?

  4   R.  Oui.

  5   Q.  Vous avez eu des contacts répétés avec les enquêteurs du bureau du

  6   Procureur à propos de questions d'ordre logistique, le moment où vous

  7   viendriez déposer.

  8   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous invite une fois de plus à la

  9   prudence.

 10   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, soyez prudent Monsieur Nicholls.

 11   Je sais que vous l'êtes.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation]

 13   Q.  Avez-vous eu des contacts avec des enquêteurs du TPIY après cette

 14   déclaration de 2003 ?

 15   R.  Uniquement des questions ayant trait à notre arrivée ici. C'était au

 16   cours des quelques mois passés.

 17   Q.  Si vous le pouvez, pourriez-vous dire à la Chambre pourquoi vous n'avez

 18   pas parlé à l'enquêteur en 2003 de la photographie que nous venons

 19   d'enregistrer comme pièce à conviction, et pourquoi vous ne nous en avez

 20   rien dit jusqu'à votre arrivée ici récemment ?

 21   R.  Je ne sais pas. Cela ne me paraissait pas si important que cela puisque

 22   c'était sur l'Internet. C'était accessible au grand public, et je pensais

 23   que vous étiez au courant.

 24   Q.  Merci.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais montrer au témoin un petit

Page 1438

  1   clip vidéo, pièce P35, je crois.

  2   [Diffusion de cassette vidéo]

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Veuillez rembobiner un tout petit peu. OK.

  4   [Diffusion de cassette vidéo]

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Non, cela suffit. On peut retirer cette

  6   image de l'écran. J'ai un arrêt sur image de cette séquence vidéo.

  7   Q.  Monsieur, reconnaissez-vous quoi que ce soit de cette séquence vidéo ?

  8   Je dois ajouter que cette séquence vidéo, on vous l'a montrée plus tôt,

  9   après votre arrivée, après que vous nous avez parlé de cette photographie.

 10   R.  Oui. J'ai reconnu l'homme qui nous a dit que nous serions libérés.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais à présent remettre au témoin

 12   une copie papier de l'arrêt sur image de cette séquence. Pourrait-on placer

 13   cela sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

 14   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Khan.

 15   M. KHAN : [interprétation] Je souhaite indiquer dès à présent que la vidéo

 16   qui a été montrée au témoin mentionne, bien entendu, le nom de Fatmir

 17   Limaj. Je souhaitais simplement attirer votre attention à ce stade-ci sur

 18   ce point.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation]

 21   Q.  Monsieur le Témoin, lorsqu'on vous a montré cette vidéo, avant, ici,

 22   est-ce qu'il y avait quelque écriture que ce soit, quelque son que ce

 23   soit ? Est-ce qu'il y avait une légende en dessous lorsque vous l'avez

 24   vue ?

 25   R.  Non, non. Je ne pense pas qu'il y ait eu une légende. Je n'ai pas fait

Page 1439

  1   particulièrement attention.

  2   Q.  Merci. Je souhaiterais que vous utilisiez le stylo que l'on vous remet,

  3   et que vous indiquiez au moyen du stylo, sur cette copie papier, la

  4   personne que vous avez reconnue comme étant la personne qui vous a annoncé

  5   que vous seriez libéré, même personne que vous avez identifiée sur la photo

  6   précédente.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Merci.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais que cette pièce soit versée

 10   au dossier sous la cote P81, s'il vous plaît.

 11   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur le Greffier.

 12   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

 13   l'Accusation portant la cote P81.

 14   M. NICHOLLS : [interprétation]

 15   Q.  Merci, Monsieur. Je souhaiterais revenir à ce dont nous parlions tout à

 16   l'heure, à savoir, ce qui se passait dans la pièce, la première pièce où

 17   l'on vous a emmené au moment où l'on vous a interrogé. Parmi les soldats

 18   qui étaient présents sur place, y en a-t-il dont vous auriez appris le nom

 19   ou le surnom ?

 20   R.  Oui. Il y en a un qui, plus tard, nous a apporté à manger et d'autres

 21   vivres.

 22   Q.  Quel était son nom ?

 23   R.  Shala.

 24   Q.  Que faisait-il dans la pièce au cours des événements que vous avez

 25   décrits durant votre interrogatoire et le passage à tabac de Genov ? Que

Page 1440

  1   faisait-il ?

  2   R.  Je ne suis pas sûr du tout. Je n'ai pas fait attention aux différentes

  3   personnes, à titre individuel.

  4   Q.  Vous avez dit qu'il vous apportait à manger, d'autres vivres. A quelle

  5   fréquence avez-vous eu l'occasion de voir cet homme dans le camp, Shala ?

  6   R.  Plusieurs fois par jour.

  7   Q.  Comment vous traitait-il à chaque fois que vous aviez des contacts avec

  8   lui ?

  9   R.  Avec respect.

 10   Q.  Même chose -- même question que pour le commandant. Pourriez-vous nous

 11   dire du mieux que vous le pouvez ce que vous avez retenu de l'apparence

 12   physique de Shala à l'époque. Quel âge pensez-vous qu'il avait ?

 13   M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi. Je crois que la question était

 14   suffisamment claire. Il est inutile qu'il guide le témoin pour qu'il fasse

 15   une description en lui proposant des indications.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Je ne crois pas que lui demander quel âge il

 17   avait est une question tendancieuse.

 18   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai un peu peur de ce qui va arriver

 19   bientôt.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous demanderais de continuer à

 21   poser des questions sur des traits spécifiques, si cela vous aide, Monsieur

 22   Nicholls, mais ce n'est pas la question.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui. Mais je n'essaie d'aller nulle part. Je

 24   n'essaie pas de lui faire me donner une réponse.

 25   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous ne cessez d'essayer de vous

Page 1441

  1   justifier. Je vous ai donné le feu vert. Saisissez cette occasion avant que

  2   je change d'avis.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci.

  4   Q.  Pourriez-vous décrire Shala du mieux que vous pouvez vous en souvenir

  5   tel qu'était son apparence en 1998.

  6   R.  Il était de taille moyenne, un homme d'un certain âge avec une

  7   moustache, affable.

  8   Q.  Comment avez-vous été amené à quitter cette pièce dans la maison, la

  9   pièce où l'on vous avait emmené au début et où l'on vous avait interrogé ?

 10   R.  Ils parlaient entre eux, et à un moment donné, ils nous ont dit de nous

 11   lever et ils ont dit qu'ils nous emmèneraient ailleurs.

 12   Q.  Lorsque vous dites "ils parlaient entre eux," de qui parlez-vous pour

 13   que les choses soient parfaitement claires ?

 14   R.  Les soldats, les soldats parlaient entre eux.

 15   Q.  Puis que s'est-il passé ? Où vous a-t-on emmenés ?

 16   R.  Ils nous ont emmenés au sous-sol de la maison qui se trouvait à côté de

 17   ce QG.

 18   Q.  Est-ce qu'à ce moment-là, on vous a dit combien de temps durerait votre

 19   détention ? Pourquoi on vous a emmené dans ce sous-sol ? Vous a-t-on fourni

 20   quelque information que ce soit de ce genre ?

 21   R.  Non. On ne nous a strictement rien dit.

 22   Q.  Qui vous a accompagné dans ce sous-sol ? Qui d'autre a été emmené au

 23   sous-sol, exception faite de vous-même ?

 24   R.  Moi, mon père, Cuk, et Genov, ils l'ont porté jusqu'au sous-sol.

 25   M. NICHOLLS : [interprétation] Pourrait-on donner à nouveau au témoin la

Page 1442

  1   pièce P78 [comme interprété] dont nous avons tous une copie papier et qu'il

  2   ne faut pas montrer au public. Elle est sous pli scellé.

  3   Q.  Cela paraît évident, il y a là un croquis. Pourriez-vous dire à la

  4   Chambre où se situait le sous-sol où l'on vous a emmené en utilisant pour

  5   cela les chiffres qui figurent sur le croquis.

  6   R.  Entre le numéro 2A et les toilettes 2. Le mot est en anglais.

  7   Q.  Très bien, merci. Vous avez écrit l'emplacement "sous-sol." Est-ce

  8   exact ?

  9   R.  Oui, oui.

 10   Q.  N'avez-vous jamais brossé un croquis de cette pièce au sous-sol ?

 11   R.  L'intérieur du sous-sol, vous voulez dire, avec le reste ?

 12   Q.  Oui.

 13   R.  La réponse c'est oui.

 14   Q.  Quand avez-vous dessiné ce croquis ?

 15   R.  En 2003, lorsque l'enquêteur est venu nous voir.

 16   Q.  Avant de dessiner ce croquis, vous a-t-on montré des photographies, des

 17   croquis ou autre chose ? L'enquêteur vous a-t-il montré ces différents

 18   éléments avant que vous ne dessiniez un croquis de cette pièce ?

 19   R.  Non.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaite maintenant montrer au témoin la

 21   pièce U003-2188. Messieurs les Juges, pour les mêmes raisons que pour la

 22   pièce P79, je souhaite qu'on remette une copie papier. Je souhaite ne pas

 23   montrer cette image à l'écran, car je ne souhaite pas la diffuser.

 24   Est-ce que tout le monde a ce document ?

 25   Q.  Reconnaissez-vous le document que vous avez sous les yeux, Monsieur ?

Page 1443

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Ce document comporte-t-il votre signature ?

  3   R.  Oui, effectivement, sous la date à droite, en haut de ce document.

  4   Q.  S'agit-il là du croquis dont vous nous avez parlé et que vous avez

  5   dessiné ?

  6   R.  Oui, effectivement.

  7   Q.  Simplement pour que les choses soient bien claires, avez-vous, vous-

  8   même dessiné, je ne parle pas des inscriptions ici, mais je parle du dessin

  9   de ce croquis. Est-ce vous qui avez tout dessiné ici ?

 10   R.  Les numéros et l'endroit où figurent nos noms, c'est moi-même qui ai

 11   inscrit tout cela. Pour ce qui est du carré autour de chaque élément, je

 12   n'en suis pas tout à fait sûr. Je ne sais pas si c'est moi qui l'ai dessiné

 13   ou si c'est l'enquêteur, mais la porte, les fenêtres, c'est moi qui ai

 14   dessiné tout cela.

 15   Q.  Si on regarde ce croquis, pour autant que vous vous en souveniez, vous

 16   pouvez vous servir du croquis, vous souvenez-vous un petit peu de cette

 17   pièce, des dimensions, et ce que représentent les différents éléments que

 18   vous avez annotés ?

 19   R.  C'était une toute petite pièce. 2 mètres sur 4 environ, peut-être 3 sur

 20   4 ou 2 sur 4, quelque chose comme cela.

 21   Q.  Vous avez précisé. Pourriez-vous -- c'est ce que vous avez indiqué ici,

 22   sur la gauche. Vous avez dit qu'il y avait une étagère. Vous avez écrit

 23   ceci.

 24   R.  Et bien, oui, quelque chose qui ressemblait à une étagère se trouvait à

 25   cet endroit-là. A 40 centimètres du sol, et la longueur était peut-être de

Page 1444

  1   30 à 40 centimètres. Je parle ici de la largeur de cette étagère.

  2   Q.  Vous avez dessiné deux cercles en bas à gauche. Il y en a un où on peut

  3   lire "sceau". Est-ce que vous pouvez nous dire ce que représentent ces deux

  4   cercles ?

  5   R.  Ce "sceau", était nos toilettes.

  6   Q.  Le cercle plus petit, à côté, que représente-t-il ?

  7   R.  C'était un système d'égout. C'était, en quelque sorte, des toilettes

  8   aussi. Nous nous en servions comme toilette également. Nous utilisions le

  9   sceau pour aller à la selle.

 10   Q.  Je souhaiterais maintenant montrer au témoin la pièce P5, s'il vous

 11   plaît.

 12   Pourriez-vous regarder ceci, s'il vous plaît, et me dire si vous

 13   reconnaissez cet endroit.

 14   R.  Oui, je reconnais cet endroit. Il s'agit là de l'entrée de ce sous-sol

 15   et de la fenêtre.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] D'après notre petit livret qui indique les

 17   différents emplacements, P6, donc A5, U008-3676.

 18   Monsieur Younis, si vous voulez bien nous montrer l'intérieur de ce

 19   bâtiment, s'il vous plaît.

 20   Q.  Si vous voulez bien regarder cette photographie, il s'agit de la même

 21   pièce ici, U008-3677. Pourriez-vous nous dire, s'il vous plaît, si vous

 22   reconnaissez cette photographie ?

 23   R.  Le sous-sol était l'endroit où nous nous trouvions. Aucun des ces

 24   articles ne se trouvaient sur les lieux. Le réfrigérateur n'y était pas, et

 25   tout ce qui se trouve à gauche n'y était pas non plus. C'était simplement

Page 1445

  1   une pièce vide. Il y avait de la paille sur le sol.

  2   Q.  La photographie suivante, même pièce, U008-3678. Dites-nous, s'il vous

  3   plaît, si vous reconnaissez cette photo.

  4   R.  Oui. Nous nous sommes assis dans l'angle, et nous avons dormi à cet

  5   endroit-là, mon père et moi-même.

  6   Q.  Simplement pour les besoins du compte rendu d'audience, vous avez

  7   indiqué sur votre croquis ceci, mais pourriez-vous nous dire quel angle

  8   vous voulez dire ? A quel "angle" de cette pièce ? Pourriez-vous nous

  9   l'indiquer maintenant, s'il vous plaît.

 10   R.  Dans cet angle-là à droite, là où se trouve cet homme qui se tient

 11   debout. C'est à cet endroit-là que mon père dormait, du côté du mur, et

 12   moi, je dormais à côté de lui.

 13   Q.  Merci. Lorsqu'on vous a emmenés tous les quatre dans cette pièce, vous

 14   avez commencé à nous en parler. Y avait-il quelqu'un d'autre dans cette

 15   pièce ?

 16   R.  Oui, il y avait quelques personnes de plus.

 17   Q.  Vous souvenez-vous du nombre de personnes qu'il y avait dans la pièce

 18   lorsque vous y êtes entrés ?

 19   R.  Je n'en suis pas tout à fait sûr. Je ne sais pas s'il s'agissait de six

 20   ou sept personnes.

 21   Q.  Qui était ces personnes qui se trouvaient dans la pièce ?

 22   R.  Vous voulez dire de quelle origine ethnique ils étaient ?

 23   Q.  Oui, c'est la première question. S'agissait-il de gardes ou de

 24   soldats ? Quel genre de personnes y avait-il ?

 25   R.  Non, c'étaient des prisonniers. Il y avait trois Albanais et quatre

Page 1446

  1   Serbes -- trois ou quatre Serbes, des prisonniers. C'étaient tous des

  2   prisonniers.

  3   Q.  Vous souvenez-vous des noms ou des surnoms de ces prisonniers ?

  4   R.  Non. Non, je n'ai jamais appris leur nom. Je n'ai appris leur nom que

  5   tout à fait récemment.

  6   M. NICHOLLS : [interprétation] Est-ce qu'on peut montrer au témoin, s'il

  7   vous plaît, le croquis sous pli scellé. Non, pas ce croquis-là, mais le

  8   plus récent.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous entendez peut-être un document

 10   qui n'a pas encore été présenté comme moyen de preuve.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Oui.

 12   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez le verser au

 13   dossier ?

 14   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vais peut-être poser d'autres questions

 15   et demander le versement après.

 16   Q.  Monsieur le Témoin, je vous montre maintenant la pièce qui comporte le

 17   numéro U003-2188. Il s'agit du croquis de l'intérieur de cette salle dans

 18   laquelle vous avez été détenu.

 19   R.  Oui, c'est exact.

 20   Q.  Si on part du haut du dessin, vous avez, à droite ici, vous avez

 21   inscrit des chiffres. Vous avez inscrit des mots. Pourriez-vous nous dire

 22   ce que cela signifie, et des formes ovales. On pourrait commencer par le

 23   haut, en haut à gauche de ce croquis.

 24   R.  Il s'agit là de dessins de personnes. L'endroit où ces personnes se

 25   trouvaient dans ce sous-sol, l'endroit où ils se tenaient, l'endroit où ils

Page 1447

  1   dormaient.

  2   Q.  Poursuivez, je vous prie.

  3   R.  En haut à gauche, il y avait trois Albanais, trois hommes. Ils étaient

  4   assis à cet endroit-là, et moi-même, mon père et les autres. Il y avait

  5   Genov, Cuk et les quatre autres hommes dont je ne connaissais pas les noms.

  6   Q.  Merci.

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, je demande le

  8   versement au dossier de ce document sous pli scellé, s'il vous plaît.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

 10   M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce de l'Accusation P82 sous pli

 11   scellé.

 12   M. NICHOLLS : [interprétation]

 13   Q.  Alors que vous étiez en prison avec ces autres hommes, comme vous venez

 14   d'indiquer qu'il y avait eu d'autres prisonniers. Vous l'avez indiqué sur

 15   votre croquis. Avez-vous pu parler aux autres prisonniers ?

 16   R.  Nous n'avions pas le droit de parler, mais nous murmurions et nous

 17   parlions.

 18   Q.  Avez-vous entendu des conversations entre les autres prisonniers qui

 19   murmuraient entre eux, peut-être ?

 20   R.  Non, pas vraiment. Pas vraiment, je n'ai pas fait attention. Mais ils

 21   parlaient entre eux.

 22   Q.  Lorsque vous avez fait votre déclaration en janvier 2003, vous

 23   souvenez-vous avoir vu des photographies que vous auriez pu reconnaître ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Ces photos, représentaient-elles des personnes que -- ou, ces

Page 1448

  1   photographies -- qui étaient les personnes que vous avez vues sur ces

  2   photos ? Nous allons maintenant nous concentrer sur cette partie de votre

  3   témoignage sur cette question-là, dans la prison.

  4   R.  Les enquêteurs m'ont montré quelques photos. Sur ces photos j'ai pu

  5   reconnaître les autres prisonniers. Je n'ai pas pu les reconnaître tous,

  6   j'ai pu reconnaître la plupart des prisonniers qui se sont retrouvés dans

  7   ce sous-sol.

  8   Q.  Je vous ai montré quelques-unes de ces photos, ces mêmes photos lorsque

  9   vous êtes arrivé ici, n'est-ce pas ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une photographie, Monsieur le

 12   Témoin.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] P54 sous pli scellé. Cette photo peut,

 14   néanmoins, être disposée sur le projecteur. U003-2164.

 15   LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, je reconnais cette personne.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] 

 17   Q.  Pardonnez-moi, je vous ai déjà montré cette photographie. Vous avez

 18   déjà reconnu cette personne au début de votre témoignage. J'aurais dû dire

 19   2166.

 20   Reconnaissez-vous la personne qui se trouve sur cette photographie ?

 21   R.  Oui, oui.

 22   Q.  Comment le reconnaissez-vous ?

 23   R.  C'était une des personnes qui se trouvaient dans la même pièce que moi.

 24   Un peu plus tard, nous avons appris de lui que les véhicules qu'ils avaient

 25   utilisés pour nous amener dans le camp, dans l'école, avaient été saisis,

Page 1449

  1   enfin, qu'on lui avait pris, que c'était son véhicule.

  2   Q.  Pourriez-vous nous parler davantage de cette conversation. Comment

  3   avez-vous appris qu'il s'agissait de son véhicule à lui ?

  4   R.  Il nous a demandé où ils nous avaient capturés, comment ils nous

  5   avaient amenés là. Nous avons dit que nous avons été capturés sur la route

  6   Prizren. Nous leur avons expliqué, nous leur avons dit que nous avons été

  7   amenés dans une Golf, dans une école. Il nous a demandé quelle était la

  8   couleur de ce véhicule. Nous avons répondu : Bleu marine. Il a répondu :

  9   Oui, c'était ma voiture, ils me l'ont prise. Ils m'ont emmené dans cette

 10   Golf, ensuite, ils m'ont pris ma voiture.

 11   Q.  Vous souvenez-vous avoir parlé d'autres traits caractéristiques de

 12   cette voiture, hormis sa couleur ?

 13   R.  Oui. Nous avons évoqué les plaques d'immatriculation qui étaient

 14   suisses.

 15   Q.  Merci. Y a-t-il autre chose dont vous vous souvenez à propos de cet

 16   homme ? Vous dites que vous ne vous souvenez pas des noms. Vous souvenez-

 17   vous d'où cet homme était originaire ou quelque chose de la sorte ?

 18   R.  Non. Je crois que cet homme et un autre homme traversaient Prizren. Ils

 19   ont été arrêtés. Cet autre homme était également dans le camp, dans cette

 20   pièce.

 21   Q.  Je souhaite maintenant vous montrer une autre photographie qui

 22   comporte, -- qui fait partie de la même pièce U003-2168. Prenez le temps

 23   nécessaire pour regarder cette photographie, et dites-moi si vous

 24   reconnaissez la personne qui se trouve sur cette photographie.

 25   R.  Oui, je le reconnais. Il était avec nous dans cette remise. Il avait

Page 1450

  1   des traces de balles sur la jambe.

  2   Q.  Vous souvenez-vous d'autre chose ou vous souvenez-vous d'autres

  3   éléments à propos de cet homme ? Savez-vous comment il était arrivé dans

  4   cette pièce ?

  5   R.  Il m'a simplement dit qu'il avait été -- qu'il voyageait en bus, qu'il

  6   avait essayé de s'enfuir, qu'on lui avait tiré dessus et qu'il avait été

  7   atteint à la jambe.

  8   Q.  Pour finir, je souhaite vous montrer une autre photographie, P64

  9   toujours, U003-2169. Pouvez-vous me dire, s'il vous plaît, si vous

 10   reconnaissez l'homme qui se trouve sur cette photographie ?

 11   R.  Cet homme est l'homme que vous m'avez montré sur la première

 12   photographie. Ils voyageaient ensemble dans cette Golf.

 13   Q.  Merci. Y a-t-il d'autres éléments dont vous vous souvenez à propos de

 14   cet homme, hormis ce que vous nous avez déjà dit ?

 15   R.  Cet homme était toujours souriant. Il est vrai qu'il réussissait à

 16   faire sourire tout le monde, tout le temps.

 17   Q.  Merci. J'en ai terminé avec cette photographie. Vous avez dessiné

 18   l'emplacement où se trouvaient ces différentes personnes dans la pièce.

 19   Est-ce que ces personnes restaient toujours au même endroit ? Pardonnez-

 20   moi. Donc, combien de nuits, combien de jours avec vous passé dans cette

 21   pièce ?

 22   R.  Je crois que j'ai dû passer trois ou cinq nuits. Je n'en suis pas tout

 23   à fait sûr, aujourd'hui. Peut-être cinq nuits environ.

 24   Q.  Les personnes que vous nous avez montrées, ces personnes, restaient-

 25   elles toujours au même endroit ou est-ce que les personnes pouvaient se

Page 1451

  1   déplacer dans cette pièce ?

  2   R.  Les gens se déplaçaient pendant quelques minutes, mais nous devions

  3   nous asseoir à l'endroit qui nous avait été attribué sinon, nous étions

  4   frappés.

  5   Q.  Qu'en était-il de Genov ? Est-ce qu'il pouvait se déplacer lorsqu'il se

  6   trouvait dans cette pièce ?

  7   R.  Non, il ne pouvait pas bouger. Je n'en suis pas tout à fait certain, me

  8   je crois qu'il s'était cassé quelque chose. C'était soit la jambe, soit le

  9   dos, mais il était incapable de bouger.

 10   Q.  Je vais maintenant vous poser une question, je vais maintenant de nous

 11   décrire, pour autant que vous vous en souveniez, quelles étaient vos

 12   conditions de détention, les vôtres et celles des autres prisonniers

 13   pendant toute la période où vous étiez détenus dans cette pièce. En premier

 14   lieu, quelle était la température dans la pièce ? Est-ce qu'il faisait

 15   chaud ou est-ce qu'il faisait froid ?

 16   R.  La température était très élevée. Nous étions au mois de juillet. Il

 17   faisait très, très chaud à l'intérieur de cette pièce car il n'y avait pas

 18   d'ouvertures. Il y avait une toute petite fenêtre. La surface était toute

 19   petite, la surface au sol. Nous étions très nombreux à l'intérieur de cette

 20   pièce.

 21   Q.  L'air circulait-il dans cette pièce ?

 22   R.  C'était nauséabond. Nous devions nous soulager, nous devions manger,

 23   dormir dans cette pièce.

 24   Q.  Vous avez commencé à parler du sol. Vous dites qu'il y avait du foin à

 25   même le sol. En quoi était fait le sol ?

Page 1452

  1   R.  C'était un mélange de béton et de ciment. C'était très humide. C'était

  2   mouillé. C'était sans doute parce que la tuyauterie était cassée à

  3   l'intérieur du mur. Il y avait de la paille qui avait été jeté partout.

  4   Q.  Qu'entendez-vous par là, vous dites que "la tuyauterie était cassée et

  5   que c'est la raison pour laquelle le sol était très humide" ? Pourriez-vous

  6   nous en parler davantage ?

  7   R.  D'ailleurs, le mur où se trouvait mon père et moi-même, il y avait une

  8   fuite. Il y avait de l'eau qui fuyait dans l'angle de la pièce. Je crois

  9   que c'était un problème de plomberie. A mon avis, c'est le tuyau qui avait

 10   éclaté.

 11   Q.  Merci beaucoup. Sur quoi dormiez-vous, vous et les autres prisonniers ?

 12   Vous avait-on remis des couvertures, d'une quelconque forme de literie ou

 13   non ?

 14   R.  Non, rien du tout. Nous utilisions nos chaussures en guise d'oreillers,

 15   sinon, nous dormions à même le foin.

 16   Q.  Pourriez-vous nous dire quel type de nourriture on vous remettait

 17   pendant tout le temps où vous avez été détenus dans ce sous-sol ?

 18   R.  Je ne peux pas à proprement vous parler de cette nourriture, de vous la

 19   décrire. Je ne sais pas s'il y avait de la viande dans ce qu'on nous

 20   donnait. Il y avait un genre de potage qui se composait de différentes

 21   choses. Je ne peux pas vraiment vous donner les ingrédients. Cela

 22   ressemblait plus à des aliments pour bétail plutôt que quelque chose pour

 23   des êtres humains.

 24   Q.  Combien de fois vous donnait-on de la nourriture par jour ? Combien de

 25   fois par jour ?

Page 1453

  1   R.  Une fois par jour.

  2   Q.  Qu'en était-il de l'eau potable ? Est-ce qu'on vous donnait de l'eau à

  3   boire ?

  4   R.  Chaque personne recevait une bouteille d'eau. Cette bouteille était

  5   remplie une fois par jour.

  6   Q.  Est-ce que vous fumiez dans cette pièce ?

  7   R.  Oui. Il y avait beaucoup de cigarettes. On ne pouvait pas en fumer

  8   autant. On nous avait remis beaucoup de cigarettes. Ils nous en donnaient

  9   deux ou trois fois par jour. On ne pouvait pas toutes les fumer.

 10   Q.  Vous avez commencé à parler de ce sceau que vous utilisiez comme

 11   toilette. Est-ce que chaque personne dans la prison, dans cette pièce dans

 12   laquelle vous vous trouviez utilisait ce même sceau ?

 13   R.  Oui, c'était le seul sceau dont nous disposions.

 14   Q.  Combien de fois par jour ce sceau était-il vidé ?

 15   R.  Jamais.

 16   Q.  Qu'en est-il de l'hygiène ? Est-ce que vous pouviez vous laver ? Est-ce

 17   qu'on vous avait donné de l'eau pour que vous puissiez vous laver, vous

 18   nettoyer ?

 19   R.  Non, on ne nous donnait pas d'eau. Il y avait juste de l'eau qui était

 20   par terre.

 21   Q.  Combien de fois par jour en l'espace de 24 heures étiez-vous confinés

 22   dans cette pièce ?

 23   R.  Vingt quatre heures par jour, sans jamais pouvoir sortir.

 24   Q.  Vous a-t-on prodigué des soins médicaux, ou est-ce qu'une personne ou

 25   quelqu'un a reçu des soins médicaux parmi ces personnes qui se trouvaient

Page 1454

  1   dans cette pièce avec vous ?

  2   R.  Non. Bien que, comme je vous l'ai déjà dit, il y avait une personne qui

  3   avait reçu une balle dans la jambe, il n'a jamais reçu aucun soin médical.

  4   Q.  Merci.

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons suspendre l'audience et

  6   reprendre à 11 heures moins 10.

  7   --- L'audience est suspendue à 10 heures 30.

  8   --- L'audience est reprise à 10 heures 56.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Nicholls, je vous écoute.

 10   M. NICHOLLS : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président,

 11   Madame et Monsieur les Juges.

 12   Q.  Monsieur, juste avant la pause, vous étiez en train  de nous parler de

 13   la pièce dans laquelle vous vous trouviez. Vous avez décrit les conditions

 14   qui prévalaient dans cette pièce qui était votre prison. Pourriez-vous

 15   maintenant nous décrire l'état dans lequel se trouvaient les autres

 16   prisonniers dans cette pièce. Je crois qu'il n'est pas nécessaire de nous

 17   décrire l'état dans lequel se trouvait Genov puisque vous nous en avez déjà

 18   parlé. Je souhaiterais savoir comment étaient les autres prisonniers, les

 19   personnes qui étaient déjà dans la pièce lorsque vous êtes arrivés.

 20   Physiquement parlant, comment étaient-ils ?

 21   R.  L'une de ces personnes, comme je l'ai déjà dit, avait un trou dans la

 22   jambe car on avait tiré dessus dans la jambe. Cette plaie s'était infectée.

 23   C'était très laid à voir. Les autres étaient dans un très mauvais état

 24   également. Leurs vêtements étaient en lambeaux. Ils étaient tous dans un

 25   très mauvais état.

Page 1455

  1   Q.  C'est ce qui est de leur état physique, mais quel était leur état

  2   mental, leur disposition psychologique ?

  3   R.  Ils étaient inquiets. Ils se demandaient qu'est-ce qui allait leur

  4   arriver, mais leur état mental était quand même assez bon.

  5   Q.  Comment vous sentiez-vous pendant que vous vous trouviez dans cette

  6   pièce, pendant le jour et pendant la nuit ?

  7   R.  J'étais terrifié. Je ne savais si on allait nous tuer ou si on allait

  8   nous libérer.

  9   Q.  Qu'en est-il de votre père ? Comment se sentait-il ?

 10   R.  Je crois qu'il était très effrayé aussi puisque j'étais avec lui. Il

 11   avait plus peur pour moi que pour lui-même.

 12   Q.  Vous nous avez décrit la façon dont les autres prisonniers étaient

 13   vêtus. Vous nous avez dit que leurs vêtements étaient en lambeaux, qu'ils

 14   étaient sales. Pourriez-vous nous décrire, s'agissant de vêtements, la

 15   question n'est pas très claire. Je voudrais donc la reformuler. Pourriez-

 16   vous décrire quel était le type de vêtements que portaient les gens ?

 17   R.  Pour la plupart, c'étaient des T-shirts, des pantalons. En fait,

 18   c'était des vêtements de civil. Il n'y avait personne qui portait des

 19   insignes particuliers.

 20   Q.  Qui assurait la garde de cette pièce ?

 21   R.  Est-ce que vous parlez devant la pièce ou en général ?

 22   Q.  Et bien, disons, en général.

 23   R.  Nous n'avions pas le droit de regarder par la fenêtre. Cela nous était

 24   interdit. Je ne sais pas s'il y avait quelqu'un qui se trouvait devant, à

 25   l'extérieur, devant la porte du sous-sol. Mais pour la plupart, il y avait

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  1   des gardes qui montaient la garde dans la cour.

  2   Q.  Pourriez-vous nous dire, si vous le savez, qui avait les clés de cette

  3   pièce ? Qui ouvrait la pièce pour vous apporter de la nourriture et de

  4   l'eau ?

  5   R.  C'était Shala et une autre personne un peu plus jeune que lui.

  6   Q.  Pendant que vous vous trouviez dans cette pièce, à combien de reprises

  7   avez-vous vu Shala ouvrir la porte et vous apporter de la nourriture, de

  8   l'eau et des cigarettes ?

  9   R.  Il était présent pour la plupart des cas. Je ne sais pas si c'est lui

 10   qui ouvrait la porte, mais c'est lui qui était le plus présent dans ce

 11   sous-sol. C'est lui que je voyais le plus souvent.

 12   Q.  Est-ce qu'il entrait, effectivement, à l'intérieur de la pièce dans le

 13   sous-sol ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  Pendant que vous vous y trouviez, est-ce que vous avez pu remarquer si

 16   on a frappé des prisonniers qui étaient dans cette même pièce ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Qui frappait les prisonniers ?

 19   R.  Il y avait deux ou trois personnes. Ils portaient des masques noirs sur

 20   leur visage.

 21   Q.  Ces personnes, pourriez-vous nous décrire de quelle façon ces personnes

 22   étaient vêtues ?

 23   R.  C'étaient des uniformes de camouflage, pour la plupart, avec des

 24   insignes identifiant l'armée albanaise.

 25   Q.  A quelle fréquence se passait ces passages à tabac alors que vous vous

Page 1457

  1   trouviez dans cette pièce ?

  2   R.  Il arrivait des fois que l'on frappe des personnes plusieurs fois par

  3   jour, mais il est certain qu'on les frappait tous les jours.

  4   Q.  Pendant la nuit, qu'en était-il ?

  5   R.  Oui. Ils ne nous permettaient pas de dormir. Ils nous réveillaient avec

  6   une torche. Ils entraient à l'intérieur et ils nous frappaient.

  7   Q.  Pourriez-vous décrire ces coups que l'on assénait aux personnes

  8   présentes ?

  9   R.  Il y avait toutes sortes de coups. Il y avait des coups donnés avec la

 10   main, donc des gifles, des coups-de-poing aux reins, des coups de pied

 11   également, avec des bottes militaires, des coups de pied à la tête, des

 12   coups donnés par des crosses de fusil.

 13   Q.  Vous nous avez dit que ces passages à tabac se faisaient par deux ou

 14   trois soldats. Est-ce que c'étaient toujours les mêmes deux ou trois

 15   soldats ou est-ce que c'étaient des groupes de deux ou trois soldats ? Est-

 16   ce que c'étaient les mêmes ?

 17   R.  Comme j'ai déjà dit, ils portaient des masques. Je ne sais  pas

 18   précisément, mais je crois que, pour la plupart, c'étaient les mêmes

 19   personnes qui faisaient cette besogne.

 20   Q.  Est-ce que vous avez vu Shala donner des coups à qui que ce soit dans

 21   cette pièce ?

 22   R.  Non.

 23   Q.  Vous, est-ce que l'on vous a frappé ?

 24   R.  Non.

 25   Q.  A-t-on frappé votre père ?

Page 1458

  1   R.  Non.

  2   Q.  Est-ce que vous savez pourquoi vous et votre père avez été épargnés ?

  3   R.  Je ne sais vraiment pas. Je ne sais pas la raison pour laquelle on ne

  4   nous a pas frappés.

  5   Q.  Shala était-il présent pendant les passages à tabac que vous avez vus ?

  6   R.  Je ne suis pas tout à fait certain s'il était tout le temps là, mais il

  7   était présent. C'est lui qui, le plus souvent, ouvrait la porte qui était

  8   fermée à clé.

  9   Q.  A chaque fois que Shala est venu dans cette pièce où vous étiez

 10   enfermé, est-ce qu'il vous parlait ?

 11   R.  Il m'a demandé une fois comment je me sentais, c'était la seule fois.

 12   Q.  Comment s'est-il comporté envers vous ? Vous nous avez dit qu'il vous a

 13   demandé comment vous alliez. Quelle était son attitude envers vous ?

 14   R.  J'avais l'impression qu'il avait un certain respect pour moi.

 15   Q.  Y avait-il quelqu'un en particulier dans cette pièce qui avait été

 16   plutôt sélectionné pour se faire passer à tabac plus que d'autres

 17   personnes ?

 18   R.  Oui, Genov.

 19   Q.  Est-ce qu'il vous est arrivé de parler à Genov ? Est-ce que vous lui

 20   avez parlé de tous ces passages à tabac, de tous ces coups qu'il avait

 21   reçus ?

 22   R.  Il gémissait de douleur, et une fois, il m'a demandé si je pouvais le

 23   tuer, si je pouvais l'étrangler, car il ne pouvait plus supporter ces

 24   passages à tabac.

 25   Q.  Qu'est-ce que vous lui avez dit ?

Page 1459

  1   R.  Je lui ai demandé de me pardonner, mais je lui ai dit que je ne pouvais

  2   pas le faire. Je ne pouvais pas le tuer.

  3   Q.  Je souhaiterais que l'on parle de la fin de votre détention dans cette

  4   pièce. Comment êtes-vous sorti de cette prison qui se trouvait dans ce

  5   sous-sol ?

  6   R.  Puisqu'ils faisaient sortir Genov et le retournaient, ils m'ont dit à

  7   un moment donné de sortir. Je croyais qu'ils allaient soit me tuer ou

  8   qu'ils allaient me passer à tabac. Ils m'ont dit de sortir à l'extérieur,

  9   et ils ont dit qu'il leur fallait s'entretenir avec moi.

 10   Q.  Qui vous a demandé de sortir et qui vous a dit, si vous vous en

 11   souvenez, que l'on voulait vous parler ?

 12   R.  C'était un homme qui portait un masque noir. Shala était présent

 13   également.

 14   Q.  Est-ce que vous êtes sorti ? Vous les avez suivis ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Est-ce que vous avez quitté votre prison seul ou y a-t-il eu quelqu'un

 17   qui vous a suivi ?

 18   R.  A ce moment-là, je suis sorti seul.

 19   Q.  Quelle était la réaction de votre père lorsque Shala et l'autre soldat

 20   vous ont dit de sortir du sous-sol ? Est-ce que vous avez pu voir la

 21   réaction de votre père ?

 22   R.  Il était particulièrement effrayé puisque nous savions tous ce qui se

 23   passait quand on se faisait sortir du sous-sol. Il était terrifié. Il leur

 24   a dit de le sortir à ma place, et de le tuer à ma place.

 25   Q.  Pourriez-vous relater aux Juges de la Chambre, brièvement, ce que vous

Page 1460

  1   avez dit. Vous avez dit : "Nous savions tous ce qui se passait aux

  2   personnes qui se faisaient sortir du sous-sol." Que vouliez-vous dire par

  3   là exactement ?

  4   R.  Dans la plupart des cas, on les battait et on les ramenait, après,

  5   battus. C'est ce qui arrivait avec Genov, et je m'attendais à ce que cela

  6   m'arrive aussi.

  7   Q.  Où vous a-t-on emmené après que l'on vous a fait sortir de cette pièce,

  8   après que Shala et cet autre soldat vous ont dit de sortir ?

  9   R.  D'abord, ils m'ont fait sortir, et je leur ai supplié de me permettre

 10   de respirer un peu l'air frais puisque l'odeur dans le sous-sol était

 11   particulièrement une odeur nauséabonde. Ensuite, ils m'ont emmené dans la

 12   pièce qui se trouvait au rez-de-chaussée.

 13   Q.  Pour être tout à fait clair, est-ce que la pièce dont vous parlez

 14   maintenant, est-ce la première pièce où l'on vous a emmené lorsque vous

 15   avez été emmené au camp la première fois que vous avez subi un

 16   interrogatoire ?

 17   R.  Oui. C'était cette pièce-là.

 18   Q.  Que s'est-il passé dans la pièce ? Qui était présent ? Qu'est-ce qui

 19   s'est passé exactement ? Qu'est-ce que l'on vous a dit ?

 20   R.  Dans cette pièce, il y avait Shala. Il y avait également un ou deux

 21   autres soldats. Je ne suis pas tout à fait certain. Ils m'ont dit de

 22   m'asseoir par terre; j'ai acquiescé. Ensuite, ils m'ont demandé si j'avais

 23   faim ou si j'avais soif.

 24   Q.  Qu'est-ce que vous avez répondu ?

 25   R.  Je leur avais dit que oui, bien sûr, que j'avais faim et que j'avais

Page 1461

  1   soif.

  2   Q.  Ensuite, que s'est-il passé ? Est-ce qu'ils vous ont dit quelle était

  3   la raison pour laquelle ils vous avaient fait sortir de cette pièce au

  4   sous-sol ?

  5   R.  Non. Ils ne m'ont rien dit. Ils m'ont simplement emmené dans cette

  6   pièce, ils m'ont donné à manger et à boire. Mais ils ne m'ont pas donné de

  7   raison pour laquelle ils m'avaient fait sortir.

  8   Q.  Est-ce que vous leur avez parlé, est-ce que vous leur avez dit quelque

  9   chose, à Shala et à l'autre soldat ou aux soldats qui étaient présents ?

 10   R.  Je ne suis pas tout à fait certain d'avoir bien saisi votre question.

 11   Qu'est-ce que vous voulez dire par là, si j'ai dit quelque chose ?

 12   Q.  Est-ce que vous leur avez demandé quelque chose ou est-ce que vous leur

 13   avez demandé de faire quelque chose ?

 14   R.  J'ai demandé à ce qu'ils emmènent mon père du sous-sol.

 15   Q.  Qu'ont-ils dit ?

 16   R.  Ils m'ont dit que non, pas tout de suite.

 17   Q.  Ensuite, que s'est-il passé ? Quand est-ce que vous avez revu votre

 18   père de nouveau ?

 19   R.  Je crois que nous avons joué une partie d'échec ensemble, car il

 20   m'avait demandé si je jouais aux échecs. J'avais dit que oui, bien sûr.

 21   Ensuite, après cette partie d'échecs, je l'ai supplié de me permette de

 22   voir mon père. En fait, je voulais savoir si je pouvais aller voir mon

 23   père. Il m'a dit que je pouvais simplement aller le voir, mais qu'il ne

 24   pouvait pas le libérer immédiatement.

 25   Q.  Lorsque vous avez dit "il" lorsque vous parlez de "lui", de cette

Page 1462

  1   personne avec qui vous avez joué aux échecs, de qui s'agit-il ?

  2   R.  Je suis désolé. C'est Shala.

  3   Q.  Vous n'êtes pas obligé de vous excuser. Merci. Pourriez-vous me dire

  4   dans quelles circonstances avez-vous revu votre père de nouveau.

  5   R.  On m'a emmené dans les toilettes, qui se trouvaient un peu plus loin,

  6   passé le sous-sol, et je me suis arrêté quelques instants pour m'entretenir

  7   avec mon père et pour lui dire que tout allait. C'est à ce moment-là qu'ils

  8   ont  décidé de le libérer également.

  9   Q.  Que s'est-il passé ensuite avec vous et votre père ?

 10   R.  Ils nous ont ramenés dans cette pièce. Ils lui ont demandé s'il avait

 11   soif. Ils lui ont demandé s'il voulait boire du café. Bien sûr qu'il

 12   voulait boire un café donc il l'a pris. C'est ainsi que nous sommes restés

 13   dans cette pièce pendant un certain temps.

 14   Q.  Combien de temps a duré cet entretien avec Shala et ce jeu d'échecs ?

 15   R.  Pas plus d'une heure.

 16   Q.  Bien. Vous nous avez dit avoir passé un certain temps dans la pièce.

 17   Parlez-vous toujours de la pièce au rez-de-chaussée dont nous parlions tout

 18   à l'heure ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Ensuite, que s'est-il passé par la suite ? Où est-ce qu'on vous a

 21   emmenés après et comment vous a-t-on fait sortir de cette pièce-là ?

 22   R.  Je crois que Shala avait décidé, ou peut-être quelqu'un d'autre avait-

 23   il décidé, peut-être un commandant a-t-il décidé que l'on devait être

 24   transférés dans une autre pièce se trouvant à l'étage.

 25   Q.  Il s'agirait de la pièce qui se trouve immédiatement au-dessus de la

Page 1463

  1   pièce dans laquelle vous vous trouviez à ce moment-là ?

  2   R.  Oui.

  3   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais montrer au témoin la pièce

  4   P5. Je demanderais à M. Younis de nous montrer le premier étage du bâtiment

  5   principal identifié A1, qui porte la cote P6.

  6   Q.  Témoin, vous ai-je montré cette pièce auparavant ?

  7   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur Younis, je vous prierais de

  8   nous faire une visite virtuelle de cette pièce.

  9   Q.  Vous souvenez-vous si je vous ai jamais montré cette pièce, Témoin ?

 10   R.  Non, vous ne m'avez pas montré cette pièce-ci. Vous ne m'avez montré

 11   que la pièce du rez-de-chaussée.

 12   Q.  Reconnaissez-vous cette pièce qui se trouve sur cet écran ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  De quelle pièce s'agit-il ?

 15   R.  C'est la pièce à l'étage. C'est là où on était détenu.

 16   Q.  Je vous remercie.

 17   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

 18   Juges, pour le compte rendu d'audience, il s'agit de la pièce se trouvant à

 19   l'étage du bâtiment A1, et le numéro de ces images est le U008-3669. Il

 20   s'agit de la pièce de l'Accusation portant la cote P6.

 21   Q.  Pourriez-vous, brièvement, nous dire si la pièce, à ce moment-là, était

 22   différente, à l'époque des événements, en 1998.

 23   M. NICHOLLS : [interprétation] Je demanderais que l'on présente cette

 24   pièce en faisant un balayage latéral.

 25   R.  Les murs avaient du papier peint dessus, et sur le plancher, il y avait

Page 1464

  1   des matelas. Les photos que l'on voit ici, ou des cadres n'étaient pas

  2   accrochés au mur à ce moment-là.

  3   Q.  Qui d'autre se trouvait dans cette pièce lorsqu'on vous y emmené ?

  4   R.  Il y avait également un autre homme albanais, un jeune homme.

  5   Q.  Que faisait-il dans cette pièce ? Quel était son statut, si vous

  6   pouviez le déduire ?

  7   R.  Plus tard, on nous a dit qu'il se cachait de la police serbe puisque,

  8   supposément, les policiers serbes avaient égorgé ses agneaux.

  9   Q.  Y avait-il quelqu'un d'autre dans cette pièce ?

 10   R.  Il y avait des soldats qui étaient présents. La plupart du temps

 11   c'était cet Albanais, mon père et moi-même.

 12   Q.  Combien de nuits et combien de jours avez-vous passés dans cette pièce-

 13   ci ?

 14   R.  Je ne suis pas tout à fait sûr s'il s'agissait de deux nuits ou de

 15   trois nuits. Je ne peux vraiment pas distinguer.

 16   Q.  Est-ce qu'il y avait un garde devant cette pièce ?

 17   R.  La porte était toujours fermée à clé. Mais je ne crois pas qu'il y

 18   avait de soldats qui montaient la garde directement devant la porte. Il y

 19   avait des soldats en bas, mais pas en haut, pas à l'étage.

 20   Q.  Est-ce que vous avez jamais vu Shala pendant que vous étiez dans cette

 21   pièce-ci ?

 22   R.  Oui, je le voyais tous les jours. Il venait nous voir tous les jours et

 23   il nous apportait de la nourriture.

 24   Q.  Est-ce qu'il était toujours aussi respectueux envers vous, comme vous

 25   nous l'avez décrit auparavant, à chaque fois qu'il vous rencontrait ?

Page 1465

  1   R.  Oui. Il semblait avoir beaucoup de respect envers mon père et moi-même.

  2   Q.  Très bien. Je souhaiterais maintenant que l'on parle de l'entretien que

  3   vous avez eu avec l'enquêteur du bureau du Procureur en janvier 2003. Nous

  4   avons déjà parlé de certaines photos qu'il vous a montrées au cours de cet

  5   entretien. Il vous a montré des photos de prisonniers, des photos aériennes

  6   que vous avez annotées. Maintenant, concernant les photos dont nous avons

  7   parlé, est-ce que M. Lehtinen, l'enquêteur en question, vous a-t-il montré

  8   d'autres photos ? Vous a-t-il montré une planche photographique avec

  9   plusieurs personnes ?

 10   R.  Oui. C'était l'armée albanaise.

 11   Q.  Dites-nous, si vous vous souvenez, au meilleur de votre souvenir,

 12   dites-nous ce que vous a dit l'enquêteur lorsqu'il vous a montré cette

 13   planche photographique avec des photographies de diverses personnes. Que

 14   vous a-t-il demandé de faire ?

 15   R.  Il m'a dit de bien regarder et de lui dire si je reconnais qui que ce

 16   soit sur ces photos.

 17   Q.  Vous a-t-il donné d'autres instructions, si vous vous en souvenez ? Si

 18   vous ne vous en souvenez pas, cela n'a pas d'importance.

 19   R.  Je ne m'en souviens pas.

 20   Q.  Il y a quelques instants, vous nous avez dit, lorsque je vous ai posé

 21   la question de ces feuilles de papier, qui était sur ces feuilles de

 22   papier, vous avez dit : Oui, c'était l'armée albanaise. Qu'est-ce que vous

 23   entendez par "armée albanaise" ? C'est ce que vous avez répondu. Est-ce que

 24   vous pourriez préciser un peu ?

 25   R.  D'abord, il m'a montré des photographies de Genov, de Cuk. Puis, il m'a

Page 1466

  1   demandé si j'en reconnaissais l'un quelconque d'entre eux. Parmi ces

  2   photographies, il y avait de Shala. J'ai immédiatement eu l'idée qu'il

  3   s'agissait d'Albanais.

  4   Q.  Après avoir reconnu Shala sur cette planche photographique, Est-ce que

  5   vous avez annoté cette planche photographique de quelque manière que ce

  6   soit ?

  7   R.  Je ne suis pas sûr de l'avoir annotée, mais j'étais sûr à 100 % que

  8   c'était bien lui.

  9   Q.  Combien de temps vous a-t-il fallu pour reconnaître Shala sur la

 10   planche photographique que l'on vous montrait ?

 11   R.  Je l'ai reconnu très rapidement.

 12   Q.  Qu'avez-vous dit à l'enquêteur Lehtinen après avoir reconnu Shala sur

 13   cette planche photographique ?

 14   R.  Je n'ai fait que lui dire qu'il s'agissait de Shala, que c'étaient un

 15   des soldats du camp.

 16   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais montrer au témoin la pièce

 17   U003-2190.

 18    Q.  Prenez votre temps, Monsieur, et veuillez examiner cette planche

 19   photographique. Est-ce que vous la reconnaissez ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  D'où la reconnaissez-vous ?

 22   R.  J'ai vu cette planche en 2003 la première fois lorsque l'enquêteur est

 23   venu me voir et m'a demandé si j'étais à même de reconnaître l'un ou

 24   quelconque de ces hommes.

 25   Q.  Qui est l'homme de la photo numéro 8 ?

Page 1467

  1   R.  Shala.

  2   Q.  C'est là la même photo que celle que vous avez choisie lorsque

  3   l'enquêteur vous a montré cette même planche photographique, l'enquêteur

  4   Lehtinen ?

  5   R.  Ce n'est pas le même morceau de papier, c'est une copie, c'est évident.

  6   Mais la photographie, à proprement parler, oui.

  7   Q.  Très bien. La signature sur cette planche photographique est-elle la

  8   vôtre ?

  9   R.  Oui, en bas à droite.

 10   Q.  Merci.

 11   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais que cette

 12   pièce soit versée au dossier.

 13   M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce de l'Accusation,

 14   portant la cote P83.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation]

 16   Q.  Monsieur, je souhaiterais que nous revenions à ce dont nous parlions

 17   tout à l'heure. Je n'ai plus beaucoup de questions à vous poser. Je

 18   voudrais que nous revenions à ce que vous avez vécu dans la pièce à l'étage

 19   de la maison que vous avez identifiée pour nous.

 20   Pouviez-vous, alors que vous étiez dans cette pièce, entendre des bruits

 21   venant de l'extérieur de la cour ?

 22   R.  Nous entendions les voix des gens qui parlaient et un coup de feu.

 23   Q.  Combien de fois avez-vous entendu des coups de feu ou un coup de feu ?

 24   R.  Peut-être plusieurs fois, quelques fois.

 25   Q.  Vous autorisait-on à quitter cette pièce à quelque moment que ce soit

Page 1468

  1   au cours de votre séjour dans cette pièce ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  A quelle fin ?

  4   R.  Pour aller aux toilettes.

  5   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais montrer la pièce P79 qui est

  6   sous pli scellé. Pourrait-on la remettre au témoin ?

  7   Q.  Veuillez prendre un instant pour examiner ce document, Monsieur, et

  8   dites-nous si vous avez indiqué les toilettes sur ce croquis, et combien de

  9   toilettes vous avez indiquées sur le croquis ?

 10   R.  Oui. Il y a deux toilettes de chaque côté. Elles sont annotées,

 11   identifiées, Toilette 1, Toilette 2.

 12   Q.  Quelles sont les toilettes que vous utilisiez lorsqu'on vous autorisait

 13   à quitter la pièce, les toilettes identifiées WC2 ou WC1 ?

 14   R.  La première fois, je suis allé au WC1. Ensuite, on m'a dit d'utiliser

 15   l'autre. Les autres toilettes marquées WC2.

 16   Q.  Très bien. Etiez-vous accompagnés d'un garde lorsqu'on vous autorisait

 17   à aller aux toilettes, ou bien est-ce que vous étiez autorisés à y aller

 18   seul ?

 19   R.  D'abord, les gardes nous accompagnaient. Après, ils nous autorisaient à

 20   y aller seul. Lorsque Shala était là avec un ou deux soldats seulement, il

 21   nous laissait y aller seul.

 22   M. NICHOLLS : [interprétation] Je souhaiterais vous montrer, Témoin, un

 23   document portant la cote U008-3672 que nous pourrions placer sur le

 24   logiciel Sanction. Peut-être serait-il préférable qu'on laisse la P79 sous

 25   les yeux du témoin. Et la cote ERN que j'ai citée et la cote ERN de la

Page 1469

  1   pièce de l'Accusation, P6.

  2   Q.  Je souhaiterais que vous examiniez cette photo, Monsieur, que vous nous

  3   disiez si vous reconnaissez ce qui apparaît sur cette photo.

  4   R.  Il s'agit de la toilette numéro 2.

  5   Q.  Quelle est la porte qui mène à la toilette numéro 2. Je vous

  6   demanderais de bien vouloir placer cela sur rétroprojecteur.

  7   R.  [Le témoin s'exécute]

  8   Q.  Aux fins du compte rendu, vous indiquez la porte qui est vers l'arrière

  9   de la photo, vers l'avant de la photo, où l'on voit que la porte est

 10   ouverte et où peut voir un petit peu à l'intérieur de la pièce. A l'arrière

 11   de la photo, il y a deux portes, c'est la porte qui se trouve à gauche.

 12   U008-3672, pour rappel.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Merci. J'en ai fini de ce document.

 14   Lorsque vous vous rendiez aux toilettes, est-ce que vous avez eu

 15   l'occasion de parler à qui que ce soit ?

 16   R.  Oui. Je passais le long du sous-sol où ils nous avaient détenus au

 17   début. Je leur demandais comment ils se sentaient, comment ils allaient. Je

 18   demandais comment allait Genov, s'il était là ? Ils m'ont répondu qu'ils

 19   l'avaient libéré.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation]

 21   Q.  Savez-vous à qui vous avez parlé ? Vous dites "ils" au pluriel, à qui

 22   faites-vous référence ? Savez-vous qui "ils" étaient dans le sous-sol ?

 23   R.  Les hommes au sous-sol, prisonniers serbes.

 24   Q.  Pourriez-vous nous dire - je pourrais vous remontrer les photos si vous

 25   pensez que cela pourrait vous aider. Pourriez-vous nous dire auquel des

Page 1470

  1   prisonniers vous avez parlé, ou est-ce que vous pourriez le décrire, me

  2   dire lequel c'était ?

  3   R.  Pour moi, peu importe. Faites comme cela vous convient.

  4   Q.  Je vais vous montrer cette même photo. Nous pourrions peut-être la

  5   mettre sur le logiciel Sanction, U003-2166, s'il vous plaît

  6   R.  Non.

  7   Q.  Pouvons-nous avoir l'U003-2168.

  8   R.  Non.

  9   Q.  U003-2169. Est-ce qu'il s'agit là d'un des hommes auquel vous avez

 10   parlé ?

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Très bien. Vous nous avez dit qu'ils vous avaient dit que Genov avait

 13   été libéré. Vous ont-ils fourni quelqu'autre information à propos de

 14   Genov ?

 15   R.  Non. J'ai simplement demandé comment allait Genov. Ils m'ont dit qu'ils

 16   l'avaient emporté, et ils leur ont dit, plus tard, qu'ils l'avaient libéré.

 17   Maintenant, je ne sais pas s'ils savaient ce qui était vraiment arrivé à

 18   Genov ou pas.

 19   Q.  Très bien. Pour être absolument sûr d'avoir bien compris votre dernière

 20   réponse, "ils", les hommes que vous avez identifiés, vous ont dit qu'on

 21   avait emporté Genov, et ces hommes vous ont dit plus tard, que les soldats

 22   ou gardes avaient dit aux Serbes, dans la prison, que Genov avait été

 23   libéré; est-ce exact ?

 24   R.  Je ne suis pas sûr du tout que les soldats le leur aient dit. Mais moi,

 25   ils m'ont dit qu'ils avaient appris que Genov avait été libéré.

Page 1471

  1   Q.  Très bien. Exception faite de cette petite conversation dont vous venez

  2   de nous parler, est-ce que vous en avez eu d'autres, des conversations,

  3   lorsque vous alliez aux toilettes ?

  4   R.  Non. Ils nous ont seulement demandé comment nous nous sentions.

  5   Q.  Est-ce que vous avez entendu, par inadvertance, d'autres conversations

  6   lorsque vous vous rendiez aux toilettes, à quelque endroit où vous vous

  7   trouviez ?

  8   R.  Oui, j'ai entendu des conversations dans la pièce à côté des toilettes.

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Peut-on présenter le P79 au témoin à

 10   nouveau, s'il vous plaît.

 11    Q.  Mes excuses. Vous l'avez sous les yeux.

 12   Pourriez-vous examiner ce croquis et me dire d'où vous aviez le

 13   sentiment que provenaient ces voix à côté des toilettes marquées

 14   WC2 ?

 15   R.  Il est difficile de vous montrer sur cette photographie. Mais la pièce

 16   qui est immédiatement à droite lorsqu'on s'approche des toilettes, c'est là

 17   qu'était la porte, et c'est là que j'ai entendu, par inadvertance, une

 18   conversation.

 19   Q.  Merci.

 20   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur Younis, peut-être pourrait-on

 21   montrer cette même photo, la pièce P5.

 22   Q.  Monsieur, je vous invite à examiner la photo que vous avez à l'écran,

 23   sous les yeux. Pourriez-vous nous dire, sur cette photo, d'où vous aviez le

 24   sentiment que venaient ces conversations, les voix ?

 25   Il s'agit de la pièce U008-3672 qui est présentée à l'écran devant le

Page 1472

  1   témoin.

  2   R.  A droite, la porte.

  3   Q.  Merci.

  4   Aux fins de compte rendu, il s'agit de la porte qui est directement à

  5   droite de la toilette que vous avez identifiée pour nous il y a quelques

  6   instants ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Avez-vous pu entendre ce qui se disait ?

  9   R.  Non, je ne pouvais pas entendre. C'était une conversation à voix basse.

 10   Parce que, manifestement, quelqu'un leur avait dit quelque chose. Donc, eux

 11   non plus n'osaient pas parler à voix haute. Mais on pouvait entendre, par

 12   inadvertance, des conversations tenues à voix basse.

 13   Q.  Très bien. Je vous ramène au moment où vous étiez à l'étage, dans le

 14   salon où vous étiez avec votre père. D'une manière générale, comment vous

 15   a-t-on traité après que vous aviez été libérés de la prison, de la pièce

 16   qui faisait office de prison ?

 17   R.  Ils ne nous ont pratiquement pas maltraités, à l'exception d'un homme

 18   qui nous a maltraités, mais c'était maltraitance psychologique plus que

 19   physique. Dans l'ensemble, ils nous respectaient.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire en quoi consistait ce mauvais traitement

 21   psychologique ?

 22   R.  A un moment donné, il est venu avec un pistolet, il s'est assis en face

 23   de moi et de mon père. Il a dit à mon père qu'il fallait qu'il dise adieu à

 24   son fils parce qu'il allait me tuer.

 25   Q.  Cet homme qui vous a menacé, quels vêtements portait-il ? Pouvez-vous

Page 1473

  1   nous en donner une description ?

  2   R.  Il portait un uniforme de camouflage.

  3   Q.  Portait-il un masque ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Comment avez-vous appris que vous alliez partir et quitter le camp, et

  6   qu'on allait vous libérer ?

  7   R.  Un des hommes responsables -- à vrai dire, non, c'est Shala qui est

  8   venu, qui a dit qu'on ne devait pas avoir peur, qu'on allait nous laisser

  9   partir. Après cela, un des hommes qui semblait avoir des responsabilités

 10   est venu nous voir. Il nous a dit qu'on allait nous libérer. Il ne savait

 11   pas exactement quand, mais il a dit qu'on allait nous libérer.

 12   Q.  Où cela s'est-il produit ?

 13   R.  En haut, dans la maison, dans cette pièce-là.

 14   Q.  Vous a-t-il dit comment vous alliez être libérés, où on allait vous

 15   emmener, comment allait se dérouler cette libération ?

 16   R.  Non. Il a simplement dit qu'on allait nous libérer, mais que, d'abord,

 17   il allait falloir que nous fassions une déclaration sur vidéo.

 18   Q.  Lequel de ces hommes, ayant des responsabilités, est venu vous voir

 19   pour dire que vous alliez être libérés et que vous alliez devoir faire une

 20   déclaration vidéo ?

 21   R.  Je vous l'ai déjà montré. C'est le même homme. L'homme qui est sur

 22   l'Internet.

 23   Q.  Merci. Pour que les choses soient parfaitement claires, il s'agit de

 24   l'homme que vous avez désigné d'une flèche sur la photographie que je vous

 25   ai présentée tout à l'heure, la photographie de l'Internet ?

Page 1474

  1   R.  Oui.

  2   Q.  Comment vous a-t-il traité au cours de cette conversation, lorsqu'il

  3   vous a parlé à vous et à votre père ?

  4   R.  Je ne sais pas. Je dirais qu'il nous a traités avec respect et qu'il

  5   s'est comporté comme un soldat.

  6   Q.  Avez-vous effectivement fait une déclaration sur vidéo avant votre

  7   libération ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Veuillez décrire ce processus, où vous avez fait cette déclaration, ce

 10   qu'on vous a dit de faire. Comment les choses se sont-elles déroulées ?

 11   R.  Quatre ou cinq soldats en uniforme sont entrés dans la pièce. Ils

 12   avaient des caméras vidéo. Ils portaient des bérets, et la plupart

 13   portaient des lunettes sombres aussi. Ils étaient armés, lourdement armés.

 14   Q.  Et puis, que s'est-il passé ?

 15   R.  Ils nous ont dit de nous tenir debout devant la caméra et de parler de

 16   la façon dont ils s'étaient comportés vis-à-vis de nous, et de ne surtout,

 17   en aucun cas, montrer quelque signe de peur que ce soit.

 18   Q.  Est-ce que votre père et vous-même avez fait votre déclaration en même

 19   temps, simultanément tous les deux ?

 20   R.  Non. Séparément. Je ne sais pas très bien si c'est lui qui est passé en

 21   premier ou moi, mais nous avons tous les deux fait une déclaration.

 22   Q.  Vous souvenez-vous, d'une manière tout à fait générale, de ce que vous

 23   avez dit dans cette déclaration ?

 24   R.  D'abord, nous nous sommes présentés. Il fallait que nous disions qu'ils

 25   nous avaient donné régulièrement à manger et comment ils s'étaient

Page 1475

  1   comportés vis-à-vis de nous, et que nous n'avions pas été victimes de

  2   mauvais traitements.

  3   Q.  Combien de temps cela a-t-il pris ?

  4   R.  Ils ont dû recommencer à plusieurs reprises. Ils me disaient de me

  5   calmer, de ne surtout montrer aucun signe de peur. Mais je ne savais pas ce

  6   qui allait arriver après cette déclaration donc j'avais un peu peur de

  7   faire cette déclaration. Et eux m'ont dit que, si je montrais encore une

  8   fois des signes de peur, ils nous tueraient.

  9   Q.  Veuillez dire aux Juges et à la Chambre, du mieux que vous pouvez, dans

 10   quelles conditions vous avez quitté le camp. Combien de temps s'est-il

 11   écoulé après cette déclaration ?

 12   R.  Je ne sais pas très bien. Je ne sais pas si c'était le lendemain de

 13   cette déclaration.

 14   Q.  Comment êtes-vous partis ? Dites-nous comment vous êtes partis, où on

 15   vous a emmenés, qui vous a emmenés, et comment vous avez fini par quitter

 16   le camp.

 17   R.  Il y avait des jeeps qui étaient garées dans la cour. Ils nous ont

 18   bandé les yeux avec des bandeaux noirs, et puis, ils nous ont conduits

 19   quelque part.

 20   Q.  Est-ce qu'il y avait des marques, des insignes, sur la jeep, quoi que

 21   ce soit qui les rend particulières d'une manière ou d'une autre ?

 22   R.  Je ne sais pas. Je ne l'ai pas vu.

 23   Q.  Le trajet en jeep, combien de temps a-t-il duré ?

 24   R.  Une dizaine ou une quinzaine de minutes.

 25   Q.  Ensuite, que s'est-il passé ?

Page 1476

  1   R.  Nous sommes entrés dans une ville où il y avait pas mal de monde au

  2   centre. La plupart étaient armés. Il n'y avait que des hommes.

  3   Q.  Saviez-vous dans quelle ville vous étiez ?

  4   R.  Non.

  5   Q.  Quand a-t-on retiré les bandeaux qui vous bandaient les yeux ?

  6   R.  Dès que nous sommes arrivés sur la route principale, la route

  7   goudronnée, juste avant d'arriver en ville.

  8   Q.  Ensuite, dans la ville, que s'est-il passé, une fois que les jeeps se

  9   sont arrêtées ?

 10   R.  Les hommes, ces terroristes, sont descendus, ils ont traversé la route.

 11   De l'autre côté de la route, il y avait une jeep qui était garée, une jeep

 12   des Nations Unies -- de l'UNICEF en fait.

 13   Q.  De quelle organisation était la jeep ?

 14   R.  Je crois que c'était d'UNICEF.

 15   Q.  Ensuite, que s'est-il passé ?

 16   R.  Les Albanais sont entrés dans un endroit qui ressemblait à un

 17   restaurant de village, puis ils sont sortis accompagnés de gens de

 18   l'UNICEF, et ils nous ont transférés vers leur jeep.

 19   Q.  Ensuite, que s'est-il passé ? Où êtes-vous allés ?

 20   R.  Ils nous ont conduit à l'extérieur de la ville dans cette jeep. Je ne

 21   sais pas où, mais nous sommes arrivés à un poste de police serbe.

 22   Q.  Quand avez-vous revu votre mère la première fois après votre

 23   libération, j'entends ?

 24   R.  Trois jours après cela.

 25   Q.  Où cela ? A quel endroit ?

Page 1477

  1   R.  A Pristina.

  2   Q.  Où à Pristina ?

  3   R.  Dans l'appartement d'une femme qui nous avait envoyés au Kosovo, Ruzica

  4   Simic.

  5   Q.  Qui était cette femme ? Quel statut avait-elle ?

  6   R.  Je crois que cette personne dirigeait la Croix Rouge dans la province

  7   du Kosovo.

  8   Q.  Lorsque vous avez revu votre mère, avez-vous été mis au courant de ce

  9   qu'elle avait fait au cours de la période où vous avez été détenus ?

 10   R.  Oui. Elle a dit, à la télévision et en public, ce qu'il s'était passé

 11   et à quel endroit nous avions été enlevés.

 12   Q.  Lorsque vous étiez chez Ruzica Simic, avez-vous rencontré quelqu'un

 13   d'autre ? J'entends par là des personnes qui n'étaient pas des membres de

 14   votre famille, mais des personnes qui travaillaient pour la Croix Rouge.

 15   R.  A un moment donné, un homme est venu. Il nous a demandé si nous

 16   pouvions reconnaître quelqu'un. Je ne sais pas exactement qui était cet

 17   homme, si c'était son frère ou quelqu'un de sa famille. Cela remonte à un

 18   certain nombre d'années.

 19   Q.  Vous souvenez-vous du nom de cet homme ? Savez-vous d'où il venait ?

 20   R.  Non.

 21   Q.  Vous a-t-on montré quelque chose ?

 22   R.  Je ne me souviens pas.

 23   Q.  Vous souvenez-vous si, oui ou non, vous avez pu répondre à certaines de

 24   ses questions ?

 25   R.  Oui. Oui, j'étais en mesure d'y répondre.

Page 1478

  1   Q.  Que lui avez-vous dit ?

  2   R.  Je crois qu'il m'a demandé si je pouvais reconnaître quelqu'un sur une

  3   photographie. Je ne savais pas très bien qui c'était, mais je savais

  4   simplement que cette personne se trouvait avec nous dans ce sous-sol.

  5   Q.  Pour que les choses soient bien claires, vous vous souvenez que la

  6   personne qui était avec vous dans ce sous-sol du camp était la personne qui

  7   avait été relâchée en même temps que vous ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Cette personne qui avait été détenue en même temps que vous dans le

 10   sous-sol de ce camp, étiez-vous en mesure de fournir, à cet homme qui vous

 11   demandait des éléments à son sujet, d'autres informations ?

 12   R.  Non.

 13   M. NICHOLLS : [interprétation] Un moment, je vous prie, Madame, Messieurs

 14   les Juges.

 15   [Le conseil de l'Accusation se concerte]

 16   M. NICHOLLS : [interprétation]

 17   Q.  Merci beaucoup, Monsieur le Témoin, je n'ai, pour l'instant, plus de

 18   questions à vous poser.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Khan, où en sommes-nous ?

 20   M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, comme je vous l'ai dit ce

 21   matin, il y a la question concernant les enquêtes supplémentaires que j'ai

 22   évoquée. Peut-être que mon confrère, Me Guy-Smith pourrait poursuivre pour

 23   l'instant. Je crois que M. Black et M. Nicholls ont fait quelques efforts.

 24   Il me semble que le site Internet a été évoqué par un journal ou a été cité

 25   sur un autre site Internet en 1997, je crois. Je ne me souviens pas la date

Page 1479

  1   exacte.

  2   M. NICHOLLS : [interprétation] Ce que nous vous avons montré, c'est quelque

  3   chose qui datait du mois de mai 1999. Il y avait un lien avec le site

  4   Internet de "Business Week".

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suppose que vous préféreriez

  6   retarder votre temps de parole.

  7   M. KHAN : [interprétation] Oui, en toute candeur, je crois qu'il s'agit ici

  8   -- je ne sais pas si je pourrai obtenir les éléments nécessaires d'ici

  9   lundi. Je souhaite rester prudent ici. Je sais que ces éléments sont

 10   disponibles. Il y a des experts sur le terrain, mais qui sont très, très

 11   coûteux. On peut rechercher les sites Internet, mais cela coûte très, très

 12   cher, parfois des centaines de livres par heure. C'est la raison pour

 13   laquelle nous allons essayer de rechercher ce site, et peut-être devoir

 14   avoir recours à ces experts, qui sont très chers.

 15   M. NICHOLLS : [interprétation] Le site Internet fonctionnait en 1999. Nous

 16   allons continuer à nous pencher sur la question, et à ce moment-là, je

 17   crois que cela nous permet clairement de cibler notre recherche portant sur

 18   ces différentes photographies. Nous pouvons attendre à lundi, si le contre-

 19   interrogatoire doit porter là-dessus. Mais s'il y a d'autres points, c'est

 20   très bien, mais peut-être que nous n'aurons pas la réponse, ou peut-être

 21   que nous n'aurons pas besoin d'avoir, justement, un contre-interrogatoire

 22   supplémentaire sur ces questions-là.

 23   M. KHAN : [interprétation] Je ne souhaite pas me lever sans cesse. Je ne

 24   souhaite pas retarder la procédure. J'ai clairement indiqué quelle était ma

 25   position. Il y a d'autres possibilités, bien sûr, que nous avons. Si Me

Page 1480

  1   Guy-Smith termine dans le temps, l'autre possibilité, c'est que je

  2   poursuive mon contre-interrogatoire, et que si d'autres éléments se

  3   présentent ou si nous avons les moyens de faire nos recherches, il y a

  4   d'autres voies que nous pouvons explorer. Mais pour l'instant, je crois que

  5   je vais faire preuve de prudence et je vais tenter d'obtenir d'autres

  6   éléments là-dessus, car cela peut être important pour mon client.

  7   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

  8   Maître Guy-Smith, vous avez été cité à deux reprises. Avez-vous un point de

  9   vue ? Est-ce que vous souhaitez poursuivre maintenant ?

 10   M. GUY-SMITH : [interprétation] J'allais proposer une suggestion, qui est

 11   celle-ci : je vais reprendre maintenant. Il se peut que j'aie des questions

 12   à poser à propos du site Internent, mais je pense que je suis en mesure de

 13   poser ces questions, et quoi qu'il en soit, si les inquiétudes qui ont été

 14   évoquées refont surface, je pourrais, soit trouver une solution, ou soit

 15   rappeler un témoin, si cela est nécessaire, aux fins de le contre-

 16   interroger. Mais, avec la permission de mon confrère qui se trouve à côté

 17   de moi, je suis tout à fait disposé à prendre la parole maintenant, pendant

 18   quelques instants.

 19   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez poursuivre, Maître

 20   Guy-Smith.

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 22   Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith : 

 23   Q.  [interprétation] Bonjour, Monsieur.

 24   R.  Bonjour.

 25   Q.  Je représente Haradin Bala. Il s'agit d'un des individus qui siège à ce

Page 1481

  1   procès. Je souhaite vous poser un certain nombre de questions portant sur

  2   différents domaines. Si vous avez du mal à comprendre mes questions,

  3   faites-le-moi savoir, je vous prie. Tout est clair ?

  4   R.  [Le témoin opine]

  5   Q.  Cet incident, dans son ensemble, qui s'est produit à ce moment-là, vous

  6   a placé dans un certain désarroi, n'est-ce pas ?

  7   R.  C'est exact.

  8   Q.  Est-il exact de dire qu'il s'agit d'un incident que vous avez essayé de

  9   gommer de votre mémoire, dans la mesure du possible ?

 10   R.  Des choses comme celles-ci ne peuvent pas être oubliées.

 11   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 12   Q.  J'ai bien entendu votre réponse. La question que je vous pose, c'est

 13   celle-ci : est-ce que c'est quelque chose que vous vous êtes efforcé de

 14   faire ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  C'est quelque chose dont vous n'étiez pas très disposé à en parler ?

 17   R.  C'est exact.

 18   Q.  C'est une conversation que vous n'avez pas eue avec votre famille

 19   depuis que cet incident s'est produit; c'est exact ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  C'est quelque chose qui, quand bien même vous l'avez vécu en présence

 22   de votre père, c'est quelque chose avec lequel vous ne vous êtes pas

 23   entretenu avec votre père depuis que cela s'est produit; c'est exact ?

 24   R.  Nous en avons peut-être parlé à deux ou trois reprises, mais nous n'en

 25   avons pas parlé longuement. Nous avons peut-être simplement échangé

Page 1482

  1   quelques mots sur la maison, à quoi ressemblait cette maison, la cour, mais

  2   nous ne sommes pas entrer dans le détail.

  3   Q.  Lorsque vous dites que vous en avez peut-être parlé à deux ou trois

  4   reprises, pourriez-vous dire au Tribunal quand vous avez eu ces

  5   conversations ? Si cela peut vous aider d'une quelconque manière, est-ce

  6   que ces conversations ont eu lieu avant que vous ne surfiez sur Internet en

  7   1999, avant ou après ?

  8   R.  Avant et après.

  9   Q.  Avant de surfer sur Internet en 1999, à cause de l'intérêt que vous

 10   portiez sur les événements se déroulant au Kosovo, avez-vous eu l'occasion

 11   de parler à des enquêteurs sur ce que vous aviez vécu ?

 12   R.  Je ne comprends pas votre question. Est-ce que vous entendez un

 13   enquêteur d'ici ou de Serbie ?

 14   Q.  Nous allons commencer par l'enquêteur serbe. Je suppose que vous avez

 15   eu l'occasion de parler avec un enquêteur venu de Serbie.

 16   R.  Non, pas en 1999. Nous n'avons eu aucune conversation.

 17   Q.  Est-ce que votre père a eu l'occasion de s'entretenir avec un enquêteur

 18   de Serbie ?

 19   R.  Pour autant que je m'en souvienne, non.

 20   Q.  Savez-vous que votre père s'est entretenu avec un enquêteur serbe ?

 21   R.  Non.

 22   Q.  Avant 1999, ma question porte sur cette période-là, avant que vous ne

 23   surfiiez sur Internet ?

 24   R.  Oui, ces conversations ont eu lieu après notre libération du camp.

 25   Q.  Combien de conversations avez-vous eues après votre libération du camp

Page 1483

  1   avec les enquêteurs serbes ?

  2   R.  A deux ou trois reprises, pour autant que je m'en souvienne.

  3   Q.  Au cours de cette première conversation, s'agissait-il d'une

  4   conversation que vous avez eue en présence de votre père ?

  5   R.  Je ne me souviens pas.

  6   Q.  Avez-vous des éléments d'information qui vous permettraient de vous

  7   rappeler si oui ou non votre père était présent lors de cette première

  8   conversation que vous avez eue avec les autorités serbes ? J'entends par là

  9   des notes, un journal ou quelque chose de ce genre ou la presse, des

 10   coupures de presse.

 11   R.  Non.

 12   Q.  Vous souvenez-vous que les autorités serbes aient parlé à votre père

 13   après votre libération du camp ?

 14   R.  Oui, c'était dans les locaux de la Croix Rouge à Pristina.

 15   Q.  Etiez-vous là lorsque votre père a eu une conversation avec les

 16   autorités serbes après votre libération du camp ?

 17   R.  Oui.

 18   Q.  Combien de temps a duré cette conversation, si vous vous en souvenez ?

 19   R.  Je ne me souviens pas.

 20   Q.  Combien de personnes, hormis vous-même et votre père, ont assisté à cet

 21   échange, si vous vous en souvenez ?

 22   R.  Ruzica Simic, entre autres. Il y avait trois ou quatre autres

 23   personnes. Mais je n'en suis pas certain.

 24   Q.  Alors que vous êtes assis là, aujourd'hui, pourriez-vous me dire si ces

 25   autres personnes étaient des hommes ou des femmes ?

Page 1484

  1   R.  Je ne me souviens pas.

  2   Q.  Alors que vous êtes ici à la barre, pourriez-vous nous dire si ces

  3   personnes étaient habillées en civil ou si elles portaient un quelconque

  4   uniforme ?

  5   R.  Ils étaient en civil, ils portaient des costumes.

  6   Q.  Vous avez dit qu'il y avait peut-être eu deux ou trois conversations

  7   que vous avez eues avec les autorités serbes. Ce que je souhaite aborder

  8   avec vous pour l'instant, est ceci : pour ce qui est des autres

  9   conversations que vous avez eues avec les autorités serbes, étiez-vous

 10   assis en train d'écouter ce que disait votre père à propos de ce qui était

 11   arrivé dans le camp au cours de ces conversations ?

 12   R.  Oui. La première fois, dès que nous sommes entrés dans le bâtiment de

 13   la Croix Rouge, nous nous sommes assis et nous avons parlé de ce qui s'est

 14   passé. La deuxième fois, c'était autour d'une table. D'autres personnes

 15   étaient présentes.

 16   Q.  Vous avez dit "nous avons parlé de," est-il exact de dire que c'étaient

 17   votre père et vous-même à qui on posait des questions, et vous fournissiez

 18   les réponses. Il y avait des membres de la police, là, j'entends la police

 19   serbe ?

 20   R.  Mon père parlait la plupart du temps. Ils m'ont simplement demandé

 21   comment je me sentais à ce moment-là.

 22   Q.  Hormis, cette simple question sur la manière dont vous vous sentiez,

 23   vous n'avez fourni aucun élément d'information à la police serbe à propos

 24   de ce que vous aviez vécu dans le camp, n'est-ce pas ?

 25   R.  Je ne me souviens pas.

Page 1485

  1   Q.  De qui vous aviez vu dans le camp; est-ce exact ?

  2   R.  Je ne me souviens pas.

  3   Q.  Avec qui vous avez parlé au camp; est-ce exact ?

  4   R.  Je ne m'en souviens pas.

  5   Q.  Ce que vous avez mangé lorsque vous étiez dans le camp, n'est-ce pas ?

  6   R.  Non, je ne m'en souviens pas.

  7   Q.  Que vous étiez dans ce camp, n'est-ce pas ?

  8   R.  Je ne me souviens pas.

  9   Q.  L'identification des différents individus que vous auriez vus au camp,

 10   n'est-ce pas ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Les vêtements que portaient les personnes qui se trouvaient au camp,

 13   n'est-ce pas ?

 14   R.  Non.

 15   Q.  Vos déplacements, les vôtres, j'entends, c'est-à-dire, vos déplacements

 16   depuis l'endroit que vous avez appelé le sous-sol et l'endroit que vous

 17   avez appelé la maison, n'est-ce pas ?

 18   R.  Nous n'avons parlé de rien.

 19   Q.  Vous n'avez pas non plus parlé à la police serbe de conversations que

 20   vous avez eues avec l'individu que vous avez reconnu ou que vous pensiez

 21   être Shala ?

 22   R.  Je ne m'en souviens pas.

 23   Q.  Vous êtes tout à fait clair là-dessus. Vous n'avez, à aucun moment, 

 24   parlé ou identifié des individus à la police serbe. C'est quelque chose sur

 25   laquelle vous êtes tout à fait clair.

Page 1486

  1   R.  Je ne m'en souviens pas, je n'en suis pas certain.

  2   Q.  Vous avez certainement parlé à la police serbe à ce moment-là, que vous

  3   vous réunissiez avec votre père et ces gens-là pour jouer aux échecs avec

  4   Shala, n'est-ce pas ?

  5   R.  Je ne m'en souviens pas.

  6   Q.  Est-il exact de dire que pour ce qui est des autres points à propos

  7   desquels vous avez témoigné aujourd'hui et hier, vous ne vous souvenez pas

  8   avoir parlé avec la police serbe peu de temps avant votre libération du

  9   camp, de tous ces sujets-là ?

 10   R.  Il y avait différentes conversations qui ont porté sur l'identification

 11   des individus, mais je ne m'en souviens pas car j'étais très choqué.

 12   Q.  Lorsque vous dites qu'il y avait des conversations qui ont porté sur

 13   l'identification de certains individus, car vous dites que vous ne vous en

 14   souvenez pas à cause de l'état dans lequel vous étiez, ce qui est tout à

 15   fait compréhensible.

 16   Vous souvenez-vous si oui ou non la police serbe prenait des notes au cours

 17   de cet échange ?

 18   R.  Je ne m'en souviens pas.

 19   Q.  Pourriez-vous nous dire, vous qui êtes assis à la barre aujourd'hui,

 20   combien de temps ou d'heures ont été consacrées à ces entretiens avec la

 21   police serbe, peu de temps après votre libération du camp ?

 22   R.  Une heure ou deux environ.

 23   Q.  Lorsque vous dites une heure ou deux environ, est-ce que cela tient

 24   compte de l'ensemble de ces conversations ? Car d'après votre témoignage,

 25   il y a eu deux ou trois conversations.

Page 1487

  1   R.  Deux heures.

  2   Q.  Alors que vous êtes à la barre aujourd'hui, vous souvenez vous, oui ou

  3   non, quand vous avez rencontré la -- combien de temps après ce premier

  4   entretien avec la police serbe, les avez-vous rencontrés à nouveau pour la

  5   deuxième fois ?

  6   R.  Je crois que là, il s'agissait du premier jour de notre libération.

  7   Nous avons parlé aux gens de la Croix Rouge. Le lendemain, il y a eu cette

  8   autre conversation avec eux.

  9   Q.  Est-ce qu'ici, vous me donnez en temps toutes les interviews que vous

 10   avez eues, vous et votre père, avec la police serbe après votre libération

 11   du camp ?

 12   R. A Pristina, oui.

 13   Q.  Avez-vous eu des entretiens avec la police serbe après votre libération

 14   du camp à l'extérieur de Pristina ?

 15   R.  Au poste de contrôle de la police à l'entrée de Pristina. Je crois que

 16   cette partie était contrôlée pas la police serbe. Ils ont arrêté la jeep de

 17   l'UNICEF, et nous ont demandé qui nous étions.

 18   Q.  A ce moment-là, avez-vous eu un entretien avec eux sur ce que vous

 19   aviez vécu dans le camp, avec la police serbe au poste de contrôle ?

 20   R.  Non, je crois que la seule question qui nous a été posée était celle-ci

 21   : qui étions-nous et d'où venions-nous.

 22   Q.  Hormis, ces trois reprises que vous avez évoquées, avez-vous, par

 23   ailleurs, été en contact avec les autorité serbes avant de quitter le

 24   Kosovo ?

 25   R.  Nous avons passé quelques jours dans la maison de Ruzica Simic. Donc,

Page 1488

  1   nous étions en contact avec elle et avec les gens de la Croix Rouge.

  2   Q.  Lorsque vous étiez en contact avec Ruzica Simic, lui avez-vous dit, ou

  3   lui avez-vous parlé de ce que vous aviez vécu dans le camp ?

  4   R.  Elle nous a demandé comment cela s'était passé là-bas. Nous lui avons

  5   dit.

  6   Q.  Je souhaite ici faire la différence entre ce que vous avez fait et ce

  7   qu'a fait votre père. Au cours de cet échange avec Ruzica Simic, est-ce

  8   votre père qui prenait la parole, et vous, vous écoutiez à la manière où

  9   les choses s'étaient déroulées lorsque vous avez parlé avez la police

 10   serbe ?

 11   R.  La conversation avec eux portait surtout sur la manière dont nous nous

 12   sentions, ou plutôt la conversation avec elle. Ce qu'elle voulait savoir

 13   simplement, c'était de savoir si nous avions été maltraités là-bas. Il ne

 14   s'agissait pas seulement les faits et au moment où les faits se sont

 15   produits, l'intéressé, moi en question.

 16   Q.  Ce que j'essaie de comprendre, c'est que vous avez eu une conversation

 17   en tête-à-tête avec cette personne. Lui avez-vous parlé alors que étiez

 18   tout seul, hors de la présence de votre père ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Est-il exact de dire qu'au cours de cette conversation qu'elle a eue

 21   avec vous, elle essayait de comprendre comment vous aviez été traité, elle

 22   était en train de parler avec votre père. Vous étiez là, n'est-ce pas ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  Vous écoutiez ce qui était en train d'être dit ?

 25   R.  Oui.

Page 1489

  1   Q.  Quelquefois, vous apportiez certains éléments vous-même ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  La part du lion, autrement dit, cette conversation était surtout entre

  4   Ruzica Simic et votre père, n'est-ce pas ?

  5   R.  C'est exact.

  6   Q.  La même chose s'est produite lorsque vous parliez avec les policiers

  7   serbes, autrement dit, les policiers serbes à votre père, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous écoutiez de temps en temps, vous interveniez ?

 10   R.  Oui.

 11   Q.  Je veux simplement m'en assurer, car, je ne souhaite pas m'écarter du

 12   sujet du Kosovo sans avoir parlé de tous ces entretiens qui ont eu lieu en

 13   présence de votre père et de vous. En avons-nous omis ?

 14   R.  Je ne me souviens pas, mais je ne crois pas.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que c'est un moment opportun,

 16   Maître Guy-Smith ?

 17   M. GUY-SMITH : [interprétation] Absolument.

 18   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre à midi 45.

 19   --- L'audience est suspendue à 12 heures 26.

 20   --- L'audience est reprise à 12 heures 47.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith, je vous écoute.

 22   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

 23   Q.  Avant de déménager dans votre nouvelle demeure, dans votre nouveau

 24   pays, et veuillez prendre l'assurance que je ne m'intéresse pas du tout, je

 25   ne veux pas que vous nous disiez où vous vivez présentement, mais en 1998,

Page 1490

  1   peu de temps après avoir quitté le camp, est-ce que vous avez reçu de

  2   l'aide psychologique, un soutien psychologique car vous étiez en état de

  3   choc ?

  4   R.  Non. J'ai refusé de suivre quelque thérapie que ce soit, mais mon père

  5   l'a quand même acceptée.

  6   Q.  Lorsque votre père a accepté le soutien psychologique qu'on vous a

  7   offert, est-ce que vous êtes allé avec lui ?

  8   R.  Non.

  9   Q.  Entre le moment où vous avez quitté le camp et la date d'aujourd'hui,

 10   est-ce que vous avez parlé avec un quelconque membre de la police de la

 11   Belgrade ? Lorsque je m'adresse à "vous," je pense à vous personnellement,

 12   je ne pense pas à vous et à votre père.

 13   R.  Je ne me souviens pas.

 14   Q.  Encore une fois, je voudrais vous poser une question. Est-ce que vous

 15   avez tenu un journal ? Est-ce que vous avez pris des notes qui pourraient

 16   rafraîchir votre mémoire, à savoir si vous avez eu des conversations avec

 17   les autorités policières de Belgrade ?

 18   M. NICHOLLS : [interprétation] Monsieur le Président, puisque le témoin a

 19   déjà répondu, je crois qu'il est inutile d'insister sur cette question.

 20   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Vous pouvez lui poser la question à

 21   savoir s'il tenait un journal.

 22   Veuillez poursuivre M. Guy-Smith.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je vous remercie.

 24   Q.  Est-ce que vous vous souvenez de ma question ?

 25   R.  Oui, je me souviens de votre question, et non, je n'ai pas tenu de

Page 1491

  1   journal ou pris des notes.

  2   Q.  Avant que vous n'arriviez dans votre nouvelle demeure, est-ce que vous

  3   avez parlé avec des représentants ou des employés d'ambassades concernant

  4   le temps passé dans le camp ?

  5   R.  Non.

  6   Q.  Ensuite, vous avez déménagé là où vous habitez maintenant, n'est-ce pas

  7   ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Entre le moment où vous avez quitté le Kosovo et avant d'arriver dans

 10   votre nouvelle demeure, là où vous habitez présentement, est-ce que vous

 11   avez eu des discussions avec des représentants d'organismes chargés

 12   d'enquêtes concernant ce que vous avez vécu dans le camp ? Est-ce que vous

 13   avez eu des conversations avec d'autres individus outre ceux que vous nous

 14   avez déjà mentionnés concernant votre détention ?

 15   R.  Non.

 16   Q.  Lorsque vous êtes arrivé à votre nouveau lieu de résidence, c'était en

 17   1998, n'est-ce pas ?

 18   R.  Oui, c'était en septembre 1998.

 19   Q.  Entre le mois de septembre 1998 et le mois de décembre 1998, au cours

 20   de cette période-là, est-ce que vous avez parlé à votre père concernant ce

 21   que vous nous avez dit un peu plus tôt ? Avez-vous eu des conversations

 22   brèves là-dessus ?

 23   R.  Parlez-vous des conversations que nous avons pu avoir tous les deux ou

 24   bien des entretiens que nous avons pu avoir avec des autorités quelconque ?

 25   Q.  Non. Est-ce que vous avez parlé avec votre père ? Est-ce que vous vous

Page 1492

  1   êtes entretenu sur le sujet ?

  2   R.  Oui. On s'est demandé comment on se sentait maintenant, après coup.

  3   Mais on n'a pas vraiment discuté d'autre chose.

  4   Q.  Je souhaiterais maintenant que l'on parle de l'année 1999, vous avez

  5   continué de vivre dans votre nouvelle demeure, dans votre nouveau lieu de

  6   résidence, n'est-ce pas ?

  7   R.  Oui.

  8   Q.  Au cours de l'année 1999, vous étiez tellement intéressé par ce qui se

  9   passait au Kosovo, que vous avez commencé à chercher sur Internet de

 10   l'information concernant Kovoso, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui. Même avant cela, j'avais un intérêt particulier pour ce qui est de

 12   ce qui se passait là-bas. C'était même avant que l'on n'obtienne un

 13   ordinateur. 

 14   Q.  Avant de vous procurer un ordinateur, alors que vous étiez dans votre

 15   nouveau lieu de résidence, est-ce que vous avez, vous et votre père, eu des

 16   rencontres, des interviews ou accordé des interviews aux journalistes, aux

 17   différents reporters soit à la télévision, ou vous avez accordé des

 18   interviews qui ont été publiées dans des journaux, dans des magazines,

 19   concernant ce que vous avez vécu ?

 20   R.  [inaudible]

 21   Q.  Il est très important de parler soit un petit peu fort, Monsieur le

 22   Témoin, ou bien de vous rapprocher des microphones.

 23   R. Non, il n'y a eu absolument aucune conversation entre mon père, moi-même

 24   ou des journalistes.

 25   Q.  Est-ce que vous savez si votre père s'est entretenu avec des

Page 1493

  1   journalistes entre le moment où vous êtes arrivés dans votre nouvelle

  2   demeure et le moment où vous vous êtes procurés un ordinateur ?

  3   R.  Il y avait un journaliste local qui était venu nous interroger

  4   concernant les événements au Kosovo -- concernant la situation au Kosovo.

  5   Il nous a demandé notre opinion là-dessus.

  6   Q.  A quel moment était-ce ?

  7   R.  C'était, je crois, en 1999.

  8   Q.  Etait-ce avant que vous n'ayez un ordinateur ou après que vous ayez

  9   votre ordinateur ?

 10   R.  Je ne suis pas tout à fait certain.

 11   Q.  Vous avez pris part à cet entretien ? Si je lis votre réponse au compte

 12   rendu d'audience, vous avez dit : "Il nous a demandé de lui parler de la

 13   situation au Kosovo."

 14   R.  Oui, j'étais présent dans la même pièce.

 15   Q.  Est-ce que vous avez ajouté un certain nombre d'éléments d'information

 16   pour ajouter quelque chose à ce que votre père avait dit, de la même façon

 17   dont vous l'avez fait lorsque vous avez parlé aux autorités serbes -- à la

 18   police serbe ?

 19   R.  Non.

 20   Q.  Pourriez-vous nous dire --

 21   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il serait peut-être opportun de passer à

 22   huis clos partiel pour cette réponse.

 23   M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos

 24   partiel.

 25   [Audience à huis clos partiel]

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11  Pages 1494-1499 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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Page 1500

  1  (expurgée)

  2  (expurgée)

  3  (expurgée)

  4   [Audience publique]

  5   M. GUY-SMITH : [interprétation]

  6   Q.  Outre les contacts que vous avez eus avec cette station de télévision

  7   locale - je crois que nous sommes toujours en 1998, n'est-ce pas, en 1999,

  8   avant que vous n'ayez obtenu votre ordinateur - est-ce que vous avez eu des

  9   contacts avec d'autres personnes concernant ce que vous avez vécu dans le

 10   camp ?

 11   R.  Non.

 12   Q.  Vous aviez refusé tout soutien psychologique qui aurait pu vous être

 13   offert à partir du moment où vous vous êtes rendu à votre nouveau lieu de

 14   résidence jusqu'au moment où vous avez obtenu votre ordinateur; est-ce que

 15   c'est exact ?

 16   R.  Oui, c'est exact.

 17   Q.  Vous souvenez-vous à quel moment vous avez obtenu ce nouvel

 18   ordinateur ?

 19   R.  En 1999. Mais je ne me souviens plus du mois.

 20   Q.  Si j'ai bien compris votre témoignage, lorsque vous êtes arrivé à votre

 21   nouveau lieu de résidence, vous alliez encore à l'école, n'est-ce pas ?

 22   R.  Non, je n'ai pas continué mes études immédiatement. J'ai terminé

 23   l'école secondaire au Kosovo et j'ai repris mes études un an après avoir

 24   déménagé.

 25   Q.  Est-ce que vous vous souvenez si vous avez obtenu ce nouvel ordinateur

Page 1501

  1   avant ou après que vous ayez poursuivi vos études ? Je parle à l'endroit où

  2   vous avez déménagé.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Vous avez poursuivi vos études. Vous souvenez-vous si vous aviez

  5   commencé vos cours à l'automne de 1999 ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  Entre, disons, le mois de janvier et le mois de septembre 1999, votre

  8   famille a obtenu cet ordinateur; est-ce exact ?

  9   R.  Oui.

 10   Q.  Avant d'obtenir cet ordinateur, est-il exact de dire que vous saviez

 11   comment surfer sur l'Internet, comme on l'appelle, c'est ainsi qu'on dit

 12   les choses dans certaines régions ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Encore une fois, corrigez-moi si je me trompes, est-ce qu'à un moment

 15   donné, votre père ou vous, avez décidé de vous informer sur ce qui se

 16   passait au Kosovo, et qu'après avoir pris cette décision, vous êtes allés

 17   chercher des informations en naviguant sur l'Internet ?

 18   R.  Oui, c'est exact.

 19   Q.  Qui a trouvé ce site Web, www.kosovo.com ? Etait-ce vous ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Lorsque vous avez trouvé ce site Web, cela s'est fait en cherchant un

 22   peu au hasard, ou bien est-ce qu'on vous l'avait indiqué ? Quelqu'un

 23   d'autre vous l'avait indiqué ?

 24   R.  J'ai fait une recherche. J'ai utilisé un moteur de recherche. J'ai

 25   saisi "Kosovo" dans la case du moteur de recherche, et c'est le premier

Page 1502

  1   site qui est apparu.

  2   Q.  Est-ce que vous avez utilisé Google ?

  3   R.  Yahoo.

  4   Q.  Je pense que Google est meilleur. Quand vous --

  5   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] On me dit que Google n'existait pas en

  6   1999.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Vous avez raison, Monsieur le Président.

  8   Q.  Lorsque vous avez obtenu cette information et que vous avez trouvé ce

  9   site Web, vous avez consacré pas mal de temps à la recherche de ce site

 10   Web ?

 11   R.  Oui, c'est exact.

 12   Q.  Pourrait-on dire que, selon vous, ce site Web est un site Web

 13   équilibré, qui présente les arguments des uns et des autres de manière

 14   équilibrée, quant à la situation au Kosovo ?

 15   R.  Non. C'est un site Web qui a essentiellement trait aux églises

 16   orthodoxes serbes du Kosovo.

 17   Q.  A combien de reprises vous êtes-vous rendu sur ce site Web, vous

 18   personnellement ? J'entends par là, examiné l'information que fournit ce

 19   site Web. Je fais référence à la période entre le moment où vous avez eu

 20   l'ordinateur pour la première fois et le moment où vous avez recommencé vos

 21   études.

 22   R.  Une ou deux fois par semaine peut-être.

 23   Q.  Lorsque vous vous êtes rendu sur ce site Web, est-ce que vous avez

 24   passé pas mal de temps sur ce site ? Pourriez-vous nous dire combien de

 25   liens vous auriez éventuellement consultés à partir de ce site Web ? Quelle

Page 1503

  1   est la quantité d'information que vous avez pu puiser sur ce site Web ?

  2   R.  Il s'agissait essentiellement d'information, d'actualités du jour, la

  3   situation au Kosovo. Il y avait aussi les photos du Kosovo.

  4   Q.  Lorsque vous avez regardé ce site Web, est-ce que vous faisiez cela

  5   seul, ou bien est-ce que c'était quelque chose que vous faisiez en famille,

  6   avec père, votre mère, votre frère ? Est-ce que ces derniers participaient

  7   à cette recherche d'information sur quelque chose qui vous tenait à cœur ?

  8   R.  Non. Essentiellement, je faisais cela seul le plus souvent. Je

  9   procédais moi-même à des recherches et je regardais ce qui se passait à

 10   l'époque.

 11   Q.  Vous souvenez-vous, ici et maintenant, des observations que vous

 12   faisiez à votre père lorsque vous trouviez des informations intéressantes ?

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Combien de fois lui avez-vous fait part de vos observations ? Encore

 15   une fois, toujours la même période de référence, entre le moment où vous

 16   avez obtenu l'ordinateur et le moment où vous avez repris vos études, à

 17   l'automne.

 18   R.  Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas combien de fois.

 19   Q.  Plus que quelques-unes ?

 20   R.  Oui.

 21   Q.  Après cela, vous avez fait cela avec votre père, vous avez vu quelque

 22   chose qui vous semblait être intéressant. Après cela, vous avez parlé avec

 23   lui du Kosovo, n'est-ce pas ?

 24   R.  Oui.

 25   Q.  Dans le cadre de certains de ces entretiens avec votre père, vous avez

Page 1504

  1   parlé du sentiment que vous aviez d'être incroyablement chanceux d'avoir

  2   survécu à ce qui vous était arrivé.

  3   R.  Oui.

  4   Q.  Dans certaines de ces conversations, vous avez parlé de certaines des

  5   choses que vous aviez vues, entendues, ressenties, et vous vous en

  6   souveniez ? Vous vous souveniez de toutes ces choses que vous aviez vécues

  7   au cours de votre séjour au camp; est-ce exact ?

  8   R.  Oui.

  9   Q.  Vous avez repris vos études à l'automne 1999. De l'automne à la fin de

 10   cette année-là, 1999, manifestement au mois de décembre, j'imagine que vous

 11   avez continué à consulter ce site Web régulièrement; est-ce exact ?

 12   R.  Oui, mais avec moins d'intérêt.

 13   Q.  Lorsque vous dites "avec moins d'intérêt" qu'entendez-vous par là ?

 14   Vous voulez dire que le sujet commençait à vous lasser et que vous aviez

 15   d'autres défis à relever à ce moment-là ? Ou est-ce que vous entendez par

 16   là que vous consultiez le site moins fréquemment ?

 17   R.  A ce moment-là, j'étais plus intéressé par tout ce qui avait trait à

 18   mon éducation, beaucoup plus qu'à la situation au Kosovo.

 19   Q.  Très bien. Pourriez-vous nous dire, et je comprends bien qu'il ne

 20   s'agira jamais que d'une estimation, mais pourriez-vous nous dire, plus ou

 21   moins, combien de fois par semaine vous avez consulté ce site Web au cours

 22   de cette période-là de votre vie ?

 23   R.  Une ou deux fois par semaine, peut-être.

 24   Q.  Au cours de cette période-là de votre vie, lorsque vous consultiez le

 25   site Web une ou deux fois par semaine, vous souvenez-vous, si à ce époque-

Page 1505

  1   là, il y avait des choses qui vous paraissaient intéressantes et dont vous

  2   auriez discuté avec votre père ?

  3   R.  Oui, il y avait des photos de soldats albanais.

  4   Q.  Lorsque vous avez vu ces photos de soldats albanais, vous en avez

  5   discuté avec votre père, n'est-ce pas ?

  6   R.  Oui, c'est exact.

  7   Q.  Vous en avez discuté avec votre père à plus d'une fois, n'est-ce pas ?

  8   R.  Oui, c'est exact.

  9   Q.  En l'an 2000, et je fais un saut dans le temps, et je propose de

 10   revenir à l'année 2000 dans son intégralité. Toute l'année 2000. Pendant

 11   toute l'année 2000, vous avez poursuivi vos études; est-ce exact ?

 12   R.  Oui.

 13   Q.  Au cours de cette période, l'année 2000, est-ce que quelque enquêteur

 14   que ce soit a contacté votre famille pour vous poser des questions sur ce

 15   qui s'était passé en 1998 ?

 16   R.  Non, je ne m'en souviens pas, mais je ne pense pas.

 17   Q.  Pour être certain, pour la dernière fois partie de 1999, j'imagine que

 18   votre réponse sera la même. Il n'y a pas eu de contact établi par quelque

 19   enquêteur que ce soit avec votre famille à propos de ces incidents.

 20   R.  Non.

 21   Q.  2001, si j'ai compris votre déposition, vous n'avez probablement pas

 22   consulté ce site Web aussi souvent qu'avant; est-ce exact ?

 23   R.  Oui, c'est exact.

 24   Q.  Vous le consultiez de temps à autre; est-ce exact ?

 25   R.  Oui.

Page 1506

  1   Q.  Evidemment, lorsque vous remarquiez quelque chose qui vous semblait

  2   intéressant, vous en discutiez avec père; est-ce exact ?

  3   R.  Oui.

  4   Q.  J'ai remarqué, -- je vous présente mes excuses, que je n'avais pas

  5   parlé de votre frère lorsque je parlais de ces conversations. Très

  6   rapidement, lorsque vous remarquiez qu'il y avait quelque qui vous semblait

  7   intéressant sur le Net, est-ce que vous en discutiez avec votre frère ? Je

  8   vous parle de la période qui s'est écoulée entre le moment où vous avez

  9   obtenu l'ordinateur et l'année 2000.

 10   R.  Oui, mais moins qu'avec mon père.

 11   Q.  Votre mère, est-ce que vous donneriez la même réponse s'agissant de

 12   votre mère.

 13   R.  Oui.

 14   Q.  Par oui, vous entendez oui, mais pas autant qu'avec votre père ?

 15   R.  Oui, c'est exact.

 16   Q.  Hormis ce site Internet que vous nous avez cité, www.kosovo.com, est-ce

 17   que vous avez visité d'autres sites Internet, ou sur Internet qui parlait

 18   du Kosovo au cours de cette période ? Par là, j'entends, entre le moment où

 19   vous avez d'abord reçu l'ordinateur jusqu'à l'an 2000 ?

 20   R.  Seulement les agences de presse serbes.

 21   Q.  Lorsque vous dites "simplement les agences de presse serbes," je pense

 22   qu'il n'est pas trop difficile de les identifier devant un Tribunal.

 23   Pourriez-vous nous les identifier, s'il vous plaît.

 24   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non.

 25   M. GUY-SMITH : [interprétation] :

Page 1507

  1   Q.  Nous dire de quels sites il s'agit.

  2   R.  Il s'agissait surtout de B92, www.b92.com. Cela dépendait. Je

  3   consultais surtout les sites serbes.

  4   Q.  Je suppose que vous répondriez la même chose si on parlait du contenu

  5   de ces sites et que vous en parliez avec père, vous parliez de ce site avec

  6   père, à la manière où vous parliez de ce site, du site www.kosovo.com.

  7   n'est-ce pas ? Autrement dit, lorsque tous les deux, vous découvriez

  8   quelque chose d'important, vous en parliez. Au cours de ces conversations

  9   vous abordiez des thèmes qui vous étaient propres à tous les deux, vous et

 10   votre père.

 11   R.  Oui.

 12   Q.  Pour ce qui est des années 2001-2002, je suppose que vous diriez plus

 13   ou moins la même chose; est-ce exact de dire cela ?

 14   R.  Oui.

 15   Q.  On pourrait dire la même chose, autrement dit, vous consultiez ces

 16   sites régulièrement pour voir ce que vous pouviez trouver, digérant les

 17   informations que vous y trouviez et apportant vos commentaires toutes les

 18   fois que cela vous semblait approprié.

 19   R.  Oui, c'est exact.

 20   Q.  Quand pour la première fois avez-vous pris connaissance de l'intérêt

 21   que vous portaient les enquêteurs du TPIY ? Quand avez-vous su pour la

 22   première qu'ils s'intéressaient à l'histoire de votre père et de la vôtre ?

 23   R.  A la fin de l'année 2002. Ils ont contacté ma grand-mère, et ils ont

 24   demandé s'ils pouvaient parler avec nous sur ce sujet. Un peu plus tard,

 25   elle leur a donné notre adresse. Ils sont venus nous voir au mois de

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  1   janvier.

  2   Q.  Sans nous dire où habite actuellement votre grand-mère, lorsque votre

  3   grand-mère a reçu cette information en vertu de quoi les enquêteurs du TPIY

  4   souhaitaient s'entretenir avec vous, elle est entrée en contact avec votre

  5   père ou votre mère; est-ce exact ?

  6   R.  Oui.

  7   Q.  A quel moment ?

  8   R.  Je ne sais pas. Je n'en suis pas tout à fait sûr.

  9   Q.  Lorsque votre grand-mère a contacté l'un de vos parents, ceci a

 10   provoqué une conversation sur ce qui vous était arrivé, n'est-ce pas ?

 11   R.  Oui, mais la conversation a surtout porté sur le fait de savoir si, oui

 12   ou non, nous étions disposés à faire une déclaration.

 13   Q.  C'est une discussion qui était importante pour un certain nombre de

 14   raisons pour vous et votre père, n'est-ce pas ?

 15   R.  Oui.

 16   Q.  Pendant ce temps, vous deviez décider comment vous alliez procéder,

 17   vous avez évoqué ce qui s'était passé et vous vouliez comprendre si c'est

 18   un terrain que vous souhaitiez aborder à nouveau ?

 19   R.  Oui.

 20   Q.  Vous souvenez-vous comment vous avez été contacté par les enquêteurs ?

 21   Vous avez été contacté au téléphone ou avez-vous reçu une lettre ?

 22   R.  Nous avons été contacté par téléphone. Je faisais mes études. J'étais à

 23   l'université et quelqu'un m'a dit, lorsque je suis rentré, que quelqu'un

 24   avait appelé. C'est ma mère qui m'a dit cela.

 25   Q.  Je suppose que les dispositions nécessaires ont été prises pour que

Page 1509

  1   vous rencontriez cette personne, n'est-ce pas ?

  2   R.  Oui.

  3   Q.  Avant de rencontrer cette personne, cette personne était Ole Lehtinen,

  4   n'est-ce pas ?

  5   R.  Oui, c'est exact.

  6   Q.  Personne d'autre ?

  7   R.  Oui, il y avait également un interprète pour nous.

  8   Q.  Vous souvenez-vous du nom de l'interprète ?

  9   M. NICHOLLS : [interprétation] Je soulève une objection sur la pertinence

 10   de ce point. Cela n'a rien à voir avec le sujet qui est débattu ici, et il

 11   ne s'agit pas d'une question appropriée pour un contre-interrogatoire.

 12   M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai aucun besoin de continuer à parler

 13   de cette question. Cela présente un certain intérêt, mais un intérêt tout à

 14   fait relatif.

 15   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation]

 17   Q.  Avant de rencontrer cet enquêteur, M. Lehtinen, est-ce que vous lui

 18   avez parlé directement au téléphone à propos du contenu qui serait abordé

 19   et sur quoi portait son intérêt à votre égard ?

 20   R.  Non, je ne me suis pas entretenu avec lui directement.

 21   Q.  Est-ce que votre père vous a fourni des éléments sur le contenu de la

 22   conversation que M. Lehtinen souhaitait avoir avec vous ?

 23   R.  Oui.

 24   Q.  Qu'est-ce que votre père vous a dit à propos de ce que M. Lehtinen

 25   souhaitait aborder avec vous ?

Page 1510

  1   R.  Il m'a dit qu'il souhaitait surtout parler de ce qui s'était passé au

  2   Kosovo, et que si cela nous convenait, il souhaitait venir nous voir.

  3   Q.  Après cette conversation que vous avez eue avec votre père, vous avez

  4   estimé que cet homme pouvait effectivement venir vous voir. Est-ce exact ?

  5   R.  Après une conversation qui a été assez longue entre nous,

  6   effectivement, oui.

  7   M. GUY-SMITH : [interprétation] Monsieur le Juge, je suis sur le point

  8   d'aborder un nouveau thème qui est assez important.

  9   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Guy-Smith. Je crois

 10   qu'il est tout à fait opportun de faire une pause maintenant.

 11   Monsieur, nous allons devoir lever l'audience maintenant, mais nous

 12   reprendrons lundi matin. Vous allez poursuivre votre témoignage lundi

 13   matin. Nous allons maintenant lever l'audience et reprendre lundi après-

 14   midi à 14 heures 15. Avant de lever l'audience, ai-je bien compris, Maître

 15   Guy-Smith, que vous n'avez plus besoin de ce document ?

 16   M. GUY-SMITH : [interprétation] Il y a un certain nombre d'années, on m'a

 17   expliqué que la discrétion était une grande vertu, donc, si cela ne prend

 18   pas trop de place, je souhaite le garder encore pendant quelques jours.

 19   J'apprécierais beaucoup si cela était possible. Je ne pense pas que nous en

 20   ayons besoin, mais simplement pour être plus prudent.

 21   M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne peux jamais intervenir lorsqu'il

 22   s'agit d'une certaine prudence avancée par un conseil.

 23   M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup.

 24   --- L'audience est levée à 13 heures 42 et reprendra le lundi 6 décembre

 25   2004, à 14 heures 15.