Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le jeudi 9 décembre 2004

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Malheureusement, le Juge

6 Thelin n'est pas en mesure de siéger aujourd'hui. Nous prévoyons qu'il

7 pourra le faire demain. Nous sommes d'avis qu'il est judicieux que nous

8 poursuivions l'audience conformément à l'Article 15 bis, et une ordonnance

9 a été publiée et sera déposée à cette fin.

10 Monsieur Cayley, est-ce que nous pouvons avoir le témoin suivant ?

11 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je vous remercie.

12 Monsieur le Président, aux fins d'agencement de notre calendrier, j'en ai

13 également parlé avec mes confrères, je pense que nous allons terminer

14 l'audience de ce témoin aujourd'hui. Notre témoin suivant ne viendra pas

15 avant demain soir ou samedi. Ce qui fait que demain --

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons tous avoir un très long

17 week-end.

18 M. CAYLEY : [interprétation] Nous aurons un très long week-end. Je ne pense

19 pas que mes confrères s'en plaignent.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Vous comprendrez fort bien que

21 la Chambre de première instance est particulièrement réticente.

22 M. CAYLEY : [interprétation] Je peux le voir d'après votre visage, Monsieur

23 le Président.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A condition que vous compreniez cela.

25 M. CAYLEY : [interprétation] Je comprends tout à fait.

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1 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

3 LE TÉMOIN : [aucune interprétation]

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous m'entendez dans une

5 langue que vous comprenez ?

6 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui, en Russe.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous pouvez nous donner

8 lecture de la carte que l'on vous montre maintenant.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous prononcer cette

11 déclaration, je vous prie ?

12 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

13 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

14 LE TÉMOIN: OLEG IUNUSOVICH SAFIULIN [Assermenté]

15 [Le témoin répond par l'interprète]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie. Veuillez prendre

17 place.

18 Monsieur l'Huissier, veuillez vous assurer que le témoin se trouve sur le

19 canal numéro 8 aux fins d'interprétation.

20 Monsieur Cayley.

21 M. CAYLEY : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

22 Interrogatoire principal par M. Cayley :

23 Q. [interprétation] Monsieur, est-ce que vous pourriez indiquer à la

24 Chambre de première instance quel est votre nom ?

25 R. Puis-je rester assis --

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1 Q. Oui. Pendant que vous déposerez, vous pourrez rester assis.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il y a une ordonnance

3 relative à la protection ?

4 M. CAYLEY : [interprétation] Non, non. Il s'agit d'une audience publique.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie.

6 On vous a demandé de dire votre nom.

7 LE TÉMOIN : [interprétation] Oleg Safiulin, je suis citoyen russe.

8 M. CAYLEY : [interprétation]

9 Q. Quel âge avez-vous, Monsieur Safiulin ?

10 R. J'ai 39 ans.

11 Q. Où résidez-vous ?

12 R. Je travaille à Moscou. J'habite dans la ville de Vologda.

13 Q. Vous êtes journaliste de métier; est-ce bien exact ?

14 R. Oui, oui, je suis journaliste pour la télévision d'état, et en général,

15 il s'agit de films documentaires. Pendant que j'étais en Yougoslavie,

16 j'étais journaliste pour la chaîne d'informations de l'état.

17 Q. En juillet 1998, je pense que vous étiez le correspondant spécial pour

18 la télévision publique; est-ce bien exact ?

19 R. Oui, en 1998 j'ai été un correspondant spécial pour la télévision

20 publique russe. Il s'agissait de la télévision ou de la chaîne

21 d'information. C'est un programme intitulé "Nouvelles".

22 Q. Ai-je raison d'indiquer qu'en juillet 1998, cette télévision publique

23 russe vous a envoyé au Kosovo ?

24 R. Oui, vous avez tout à fait raison. En juillet, en 1998, j'ai été

25 effectivement envoyé au Kosovo pour travailler dans le cadre du programme

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1 d'information.

2 Q. Pourquoi avez-vous été envoyé au Kosovo ?

3 R. A cette époque, le Kosovo était la principale source d'information

4 internationale. Toutes les chaînes de télévision avaient et devaient avoir

5 quelqu'un dans cette région en crise.

6 Q. Que se passait-il à l'époque au Kosovo qui faisait que les événements

7 représentaient une source principale d'information ?

8 R. Il y avait un conflit, en fait, une guerre civile entre les Serbes et

9 les Albanais de cette province, Il s'agissait des Serbes et des Albanais

10 qui vivaient au Kosovo.

11 Q. Avant d'avoir été envoyé au Kosovo, est-ce que vous n'avez jamais été

12 correspondant ayant couvert des conflits ou des guerres civiles dans

13 d'autres pays ?

14 R. Oui. J'avais déjà acquis une certaine expérience lors de missions dans

15 des régions en crise. J'avais, par exemple, été deux fois en mission en

16 Tchétchénie ainsi qu'en Afghanistan et en Daguestan.

17 Q. Pour ce qui est de cette mission de 1998, qui était les autres

18 journalistes qui étaient vos collègues de RTR ?

19 R. J'avais avec moi un caméraman ainsi qu'un responsable du son. C'est en

20 général la composition des équipes qui sont envoyées sur le terrain. Il

21 faut savoir qu'à cette occasion, la télévision russe avait décidé de nous

22 envoyer tous les trois. Je peux vous donner le nom des deux autres membres

23 de mon équipe.

24 Q. Comment s'appelait le caméraman ?

25 R. Aleksandar Galanov, c'était le caméraman.

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1 Q. Quel était le nom du responsable du son ?

2 R. Il s'appelait Viktor Mamaev.

3 Q. Ai-je raison d'avancer que le 15 juillet 1998, vous avez pris un avion

4 depuis Moscou pour arriver à Pristina, au Kosovo; est-ce bien exact ?

5 R. Le 15 juillet, nous sommes arrivés en avion depuis Moscou à Belgrade.

6 Après avoir passé la nuit à Belgrade et après avoir loué une Volkswagen à

7 Belgrade, c'est une voiture que j'ai déjà mentionnée lors de ma déposition

8 précédente, nous nous sommes dirigés vers Pristina, au Kosovo.

9 Q. Où avez-vous séjourné à Pristina ?

10 R. L'hôtel était le Grand. C'était l'hôtel central où descendaient tous

11 les journalistes, notamment les journalistes étrangers qui venaient des

12 quatre coins de la planète.

13 Q. Est-ce que vous parlez albanais ?

14 R. Non.

15 Q. Comment étiez-vous en mesure de communiquer à Pristina si vous ne

16 connaissiez pas la langue ?

17 R. A cette époque, Pristina était encore une ville serbe. Nous pouvions

18 communiquer en serbe, en anglais. Les Albanais qui habitent à Pristina

19 connaissent à la fois le serbe, l'albanais et même l'anglais. S'ils ne

20 comprennent pas les questions que vous leur posez en anglais, par exemple,

21 vous pouviez tout à fait poser la même question en serbe. Nous n'avions

22 aucun problème à obtenir des informations.

23 Q. Est-ce que vous avez eu besoin de la langue albanaise lors de votre

24 activité professionnelle au Kosovo ?

25 R. Bien sûr. La langue albanaise était indispensable. C'est la raison pour

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1 laquelle nous avons recruté un interprète.

2 Q. Quel était le nom de l'interprète que vous avez recruté ?

3 R. Il s'appelait Shaban Hoti. C'était un professeur de l'Université de

4 Pristina. Il enseignait le russe ainsi que la littérature. Il parlait

5 couramment l'anglais, le russe, l'albanais et le serbe.

6 M. CAYLEY : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait montrer au témoin la

7 pièce à conviction P54 ? Le numéro ERN de cette photo est le numéro U003-

8 8696. Je vous demanderais d'avoir l'amabilité de placer cela devant le

9 témoin.

10 Q. Est-ce que vous reconnaissez la personne qui se trouve sur cette

11 photo ?

12 R. Oui, je le reconnais. Il s'agit de Shaban Hoti.

13 M. CAYLEY : [interprétation] Je pense que -- il n'y a pas de problème,

14 Monsieur l'Huissier. Cela se trouve maintenant affiché grâce au système

15 d'affichage électronique.

16 Q. Combien de jours avez-vous passé à Pristina après le

17 15 juillet 1998 ?

18 R. Du 16 juillet, pendant toute la durée du séjour. Je ne me souviens pas

19 du nombre précis de jours. Cela pouvait être deux semaines. Je souhaiterais

20 vous donner une indication. Peut-être que nous sommes restés jusqu'au 26

21 juillet, peut-être jusqu'au 25. Ceci étant dit, si vous avez besoin du

22 renseignement absolument précis, je pourrais m'informer plus tard. J'ai des

23 collègues -- ou je peux trouver cela en appelant mes collègues au travail

24 ou en vérifiant certains documents. Parce que tous les documents qui

25 confirment notre voyage existent et sont disponibles.

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1 Q. J'aimerais maintenant vous demander de prêter attention à la journée du

2 20 juillet 1998, et j'aimerais vous demander de relater aux Juges ce que

3 vous avez fait ce jour-là.

4 R. La veille du 20 juillet, l'équipe précédente nous a présenté à notre

5 interprète, Shaban Hoti. Nous sommes convenus de partir le 20 juillet,

6 pendant la matinée du 20 juillet, pour pouvoir, dans le cadre d'une

7 mission, présenter un rapport, un bulletin d'information, pour couvrir le

8 côté albanais, parce que nous avions travaillé auprès du camp serbe la

9 veille ou les jours précédents. C'est une règle internationale du

10 journalisme. Lorsque vous êtes envoyé pour couvrir ce genre de conflit, il

11 est absolument nécessaire de présenter les deux points de vue afin de

12 présenter un rapport objectif. Nous nous sommes rendus du côté albanais en

13 sachant exactement dans quel endroit nous pouvions trouver --

14 Q. Je me permets de vous interrompre afin de préciser quelque chose. Parce

15 que vous avez dit : "La veille du 20 juillet, l'équipe précédente nous a

16 présenté notre interprète, et nous avons décidé de partir le 20 juillet."

17 J'aimerais vous demander quelle est la date à laquelle vous avez rencontré

18 l'équipe précédente ?

19 R. Nous n'avons pas véritablement rencontré l'équipe qui était là

20 précédemment. Nous nous sommes entretenus par téléphone. Nous nous sommes

21 ratés d'ailleurs entre Pristina et Belgrade. Nous avons reçu un appel

22 téléphonique de Shaban Hoti lorsque nous sommes arrivés à Pristina. Nous

23 l'avons appelé immédiatement, et nous nous sommes -- il est venu à notre

24 hôtel.

25 Q. Quelle est la date de cette mission ? Est-ce que vous vous souvenez le

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1 jour où vous êtes partis pour cette mission ?

2 R. C'était lundi, 20 juillet.

3 Q. Où vous êtes-vous rendus ?

4 R. Nous devions connaître la direction, le nom du village. Que souhaitez-

5 vous savoir ?

6 Q. Ce que j'aimerais savoir, c'est en quelque sorte, où vous vous rendiez

7 au Kosovo en partant de Pristina ?

8 R. Nous sommes partis de Pristina. Nous avons passé près de l'aéroport

9 Slatina. Ensuite, nous avons conduit vers -- dans la direction de Pec. Nous

10 sommes passés par l'un des postes de contrôle serbe. Puis, nous avons

11 pénétré sur le territoire qui était détenu par les Albanais.

12 Q. Pour être bien précis, pourquoi est-ce que vous vous rendiez dans cette

13 direction ? Qu'est-ce qui vous avait motivé pour vous rendre avec votre

14 voiture vers Pec alors que vous aviez quitté Pristina ?

15 R. Nous avions des renseignements suivants lesquels il se peut que nous

16 trouvions des Albanais dans cette région, et c'est pour cela que nous nous

17 dirigions vers ce secteur parce qu'il fallait que puissions présenter le

18 rapport pour le côté albanais. A ce moment-là, les Albanais avaient des

19 griefs contre les militaires serbes. Je voulais absolument présenter un

20 rapport impartial pour présenter les deux aspects du conflit.

21 Q. Est-ce que vous aviez des renseignements bien précis à propos de ce que

22 faisaient les Albanais dans leur secteur ?

23 R. Nous n'avions pas de renseignements précis. Nous savions tout

24 simplement qu'ils détenaient ce secteur du territoire, et à cette époque-

25 là, le territoire était, règle générale, contrôlé par le Serbes. En

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1 d'autres termes, nous avions des renseignements qui nous indiquaient que

2 nous pourrions trouver dans ce secteur des groupes armés, des groupes de

3 combattants, et c'est justement ces personnes que nous voulions rencontrer.

4 M. CAYLEY : [interprétation] Auriez-vous l'amabilité de montrer au témoin

5 la pièce à conviction suivante : je pense que c'est une nouvelle pièce à

6 conviction ? Il s'agit d'une partie du document P6. Il s'agit du numéro ERN

7 U007-2197.

8 Q. Monsieur Safiulin, reconnaissez-vous cette photo ?

9 R. Je ne suis pas en mesure de dire que c'était l'endroit où nous nous

10 trouvions, mais je le dirais à 95 %. Ce n'est pas une très très bonne photo

11 parce que vous ne pouvez pas voir l'ensemble de l'arrière-plan. Si je

12 pouvais voir tout l'arrière-plan de cette photographie, et si je pouvais

13 voir ce qui se trouvait derrière ce véhicule, je pourrais confirmer ce que

14 je pense.

15 Q. Et quoi ?

16 R. Cela lui ressemble quand même beaucoup.

17 Q. Quel est cet endroit ? A quoi ressemble cet endroit ?

18 R. Cela ressemble fort au poste de contrôle serbe, à savoir le dernier

19 poste de contrôle serbe par lequel vous devez passer avant de pénétrer sur

20 le territoire, qui à l'époque était détenu par les Albanais.

21 M. CAYLEY : [interprétation] J'aimerais maintenant que vous montriez au

22 témoin le document P6, cela fait partie du même jeu de documents. Il s'agit

23 du numéro ERN U007-2199, non, je m'excuse. C'est un nouveau document qui ne

24 fait pas partie du document P6.

25 M. LE GREFFIER : [interprétation] Ce sera la pièce à conviction P87.

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1 M. CAYLEY : [interprétation]

2 Q. Monsieur, pouvez-vous consulter cette photographie ? Est-ce que vous

3 reconnaissez cette photographie, et ce qu'elle montre ?

4 R. Oui. Je ne m'avancerais pas à 100 %, mais on peut voir qu'il s'agit du

5 poste de contrôle serbe, et qu'il s'agit de la partie de la route qui va

6 vers Lapusnik.

7 Q. Pourriez-vous placer maintenant cette photographie sous le

8 rétroprojecteur ? Vous avez mentionné le village de Lapusnik. J'aimerais

9 vous demander de montrer aux Juges où, d'après vous, se trouve le village

10 de Lapusnik.

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Un peu au-dessus des têtes des policiers à l'arrière-plan.

13 M. CAYLEY : [interprétation]Peut-être qu'aux fins du compte rendu

14 d'audience, nous pourrons dire que sur la photographie U007-2199, pièce à

15 conviction P87, le témoin indique que le village de Lapusnik se trouve à

16 l'arrière-plan de la photographie, immédiatement au-dessus de la tête des

17 deux officiers de police qui se trouvent au centre de la photographie.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait préciser s'il

19 s'agit de l'ensemble de l'habitation que l'on voit sur la photo, et qui se

20 trouve à peu près au niveau de la bouche et du nez de la personne qui se

21 trouve au milieu de la photographie. Est-ce que c'est cela qu'il entend, ou

22 est-ce qu'il parle d'un endroit qui se trouverait encore plus loin à

23 l'horizon sur la photographie ?

24 M. CAYLEY : [interprétation]

25 Q. Monsieur, pourriez-vous nous indiquer à l'aide de votre pointeur où,

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1 d'après vous, se trouve le village de Lapusnik --

2 R. [Le témoin s'exécute]

3 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, je pense que votre

4 description est supérieure à la mienne. Les maisons se trouvent

5 essentiellement à la gauche et à la droite de l'officier de police, et au

6 niveau de son nez ainsi qu'au niveau de sa bouche. Une fois de plus, cela

7 est placé à l'arrière-plan par rapport à l'officier de police. Est-ce que

8 c'est clair maintenant, Monsieur le Président ?

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, je vous remercie.

10 M. CAYLEY : [interprétation]

11 Q. Monsieur, j'aimerais vous montrer la pièce à conviction P1, il s'agit

12 d'une carte. Une fois de plus, je vous dirais que ce qui m'intéresse, c'est

13 l'emplacement du poste de contrôle serbe.

14 M. CAYLEY : [interprétation] J'aimerais que vous placiez la carte en face

15 du témoin pour qu'il puisse s'orienter avant que vous ne la placiez sur le

16 rétroprojecteur.

17 Q. Monsieur, pourriez-vous regardez cette carte ?

18 R. J'ai regardé la carte.

19 Q. Etes-vous en mesure de nous montrer où, d'après vous, se trouvait le

20 poste de contrôle serbe ?

21 R. Le village Komorane se trouve ici juste avant Lapusnik, au carrefour.

22 Voilà où se trouvait le poste de contrôle.

23 Q. Pourriez-vous indiquer où se trouve Pristina à l'intention des Juges,

24 si vous pouvez le faire ? Est-ce que vous voyez Pristina sur la carte ?

25 R. [Le témoin s'exécute]

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1 Pristina, voilà la route de Pristina.

2 Q. Vous avez emprunté cette route. Vous êtes parti de Pristina, vous êtes

3 passé par Slatina-Komorane; est-ce exact ?

4 R. Oui. Depuis Pristina en passant par l'aéroport de Slatina et puis

5 ensuite nous sommes passés par le village de Komorane. Ensuite, c'était le

6 dernier poste de contrôle.

7 Q. Est-ce que le policer vous a dit quelque chose lorsque vous êtes passé

8 au poste de contrôle à Komorane ?

9 R. Il nous a dit que nous ne devrions pas poursuivre notre route parce que

10 c'était dangereux. Il nous a dit : nous n'allons pas vous arrêter si vous

11 souhaitez poursuivre votre chemin, faites-le, mais vous faites au risque de

12 votre vie.

13 Q. Après avoir reçu cet avertissement, qu'avez-vous fait exactement ?

14 R. Nous sommes entrés dans notre voiture et nous avons poursuivi notre

15 chemin et nous avons remercié le policier.

16 M. CAYLEY : [interprétation] Pourriez-vous montrer au témoin le document

17 2199, qui est la nouvelle pièce à conviction P87.

18 Q. Je ne sais pas si vous serez en mesure de le faire, mais est-ce que

19 vous pourriez indiquer aux Juges où se trouve la route que vous avez prise

20 à partir du poste de contrôle ? Est-ce que vous pouvez la montrer sur cette

21 photo ?

22 R. [Le témoin s'exécute]

23 Vous voyez, il y a un tournant, puis un zigzag. Une série de

24 tournants. Nous avons pris cette route directement vers Lapusnik.

25 M. CAYLEY : [interprétation] Le témoin a indiqué sur la pièce à conviction

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1 P87 qu'essentiellement, il a poursuivi son chemin après le poste de

2 contrôle et ensuite il a emprunté la route, que vous voyez sur la gauche de

3 la photo; c'est une route qui ensuite disparaît vers le côté droit de la

4 photographie à l'arrière-plan.

5 Q. Que vous est-il arrivé lorsque vous avez poursuivi votre chemin avec

6 votre véhicule sur cette route ?

7 R. Nous avons poursuivi notre chemin pendant un kilomètre et demi, deux

8 kilomètres. Je n'en suis pas sûr exactement. Puis ensuite, nous avons vu

9 qu'il y avait une barricade qui avait été érigé sur la route. Il y avait

10 des fils de fer barbelé, et il était impossible de passer par là. Nous

11 avons pris notre caméra, je conduisais, et nous avons commencé à filmer.

12 Ensuite, nous nous sommes rapprochés de l'endroit barricadé. Il y a des

13 gens qui sont venus à notre rencontre, des gens qui étaient armés.

14 Q. A présent, je souhaiterais vous montrer un extrait de la pièce à

15 conviction P6. Ce document porte la référence U007-2200. Est-ce que vous

16 reconnaissez cette photographie ?

17 R. Oui. C'est ce que j'avais à l'esprit. Il s'agit des barrages anti-

18 chars, et devant se trouvaient deux voitures renversées, et des obstacles

19 sur la route. Personne ne pouvait passer. Il était impossible de continuer.

20 Q. Que représente cette photographie ?

21 R. Il s'agit de l'endroit où se trouvait le poste de contrôle albanais.

22 Q. Vous nous avez dit que vous aviez vu du fil de fer barbelé. Lorsque

23 vous êtes arrivé à la hauteur de ce poste de contrôle. Est-ce qu'il y avait

24 du fil de fer barbelé ?

25 R. Il y avait deux voitures renversées, et des galets qui se trouvaient là

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1 pour empêcher le passage.

2 Q. Et ces deux galets, est-ce que vous les avez vu au niveau du poste de

3 contrôle lorsque vous êtes arrivé à la hauteur de ce poste de contrôle en

4 juillet 1998 ?

5 R. Oui. Le 21 juillet 1998, ces galets antichars se trouvaient près du

6 village de Lapusnik et du poste de contrôle albanais.

7 Q. Vous avez dit que vous avez commencé à tourner, et que des hommes armés

8 avaient fait éruption en sortant de la forêt. Combien y avait-il de

9 personnes ?

10 R. Au début, cinq à sept personnes.

11 Q. Comment ces personnes étaient-elles vêtues ?

12 R. Certaines portaient des tenues civiles, étaient armées d'armes

13 automatiques. Et d'autres portaient des tenues de camouflage.

14 Q. Est-ce que ces personnes vous ont parlé ?

15 R. Nous leur avons parlé, car nous devions bien leur parler avant qu'ils

16 ne commencent à tirer sur nous.

17 Q. Qui vous accompagnait à bord du véhicule où vous vous trouviez alors

18 que vous êtes arrivés à hauteur du poste de contrôle albanais ?

19 R. Je conduisais. Shaban Hoti était assis à ma droite. Et à l'arrière, il

20 y avait Sasha Galanov, notre caméraman. Et Mamaev, le responsable du son.

21 Q. De quoi avez-vous parlé avec ces hommes armés ?

22 R. Nous leur avons demandé l'autorisation de passer, et de pénétrer sur le

23 territoire qu'ils contrôlaient. Nous leur avons expliqué que nous voulions

24 entendre leurs récits, leurs griefs. Nous voulions mieux comprendre la

25 situation qui prévalait au Kosovo à l'époque.

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1 Q. Et que vous ont-ils dit ?

2 R. Nous leur avons dit que nous avions des preuves selon lesquelles les

3 Serbes tiraient sur les civils, et nous leur avons demandé de montrer où se

4 déroulaient ces incidents. Ils nous ont dit : Non, vous ne pouvez voir

5 cela. Vous devez faire demi-tour.

6 M. CAYLEY : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait présenter au témoin

7 la carte numéro 6, extrait de la pièce à conviction P1, s'il vous plaît ?

8 Q. L'endroit où se trouvait le poste albanais dont vous nous parlez,

9 savez-vous où se trouvait ce poste de contrôle ?

10 R. Juste à l'entrée du village lui-même. Juste après le virage.

11 Q. De quel village parlez-vous ?

12 R. Le village de Lapusnik.

13 Q. Est-ce que vous pourriez apposer une annotation sur la carte à

14 l'endroit de l'emplacement où se trouvait, selon vous, ce poste de

15 contrôle ?

16 R. [Le témoin s'exécute]

17 M. CAYLEY : [interprétation] Dans un souci de clarté, je souhaite préciser

18 que le témoin a indiqué, à l'aide d'une croix, l'emplacement où se

19 trouvait, selon lui, le poste de contrôle albanais. Il faudra sans doute

20 attribuer une nouvelle cote à ce document.

21 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

22 l'Accusation P88.

23 M. CAYLEY : [interprétation]

24 Q. S'agissant des personnes qui se trouvaient au poste de contrôle et que

25 vous avez mentionnées plus tôt, vous avez dit que certains portaient des

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1 tenues civiles, et d'autres des tenues de camouflage. Savez-vous à quelle

2 armée ils appartenaient ?

3 R. Ils n'étaient membres d'aucune armée. Il s'agissait de rebelles,

4 d'insurgés. J'ai eu des expériences préalables avec ce type de personnes

5 dans d'autres pays. Il s'agissait d'une unité bien dotée en armes, bien

6 disciplinée, avec une chaîne de commandement très claire.

7 Q. Vous dites qu'ils étaient "bien disciplinés," et qu'il y avait "une

8 chaîne de commandement très claire." Comment avez-vous pu déduire cela ?

9 R. Tout d'abord, je voyais la manière dont ils communiquaient entre eux.

10 Au poste de contrôle, il y avait un haut gradé, plusieurs hommes qui lui

11 étaient subordonnés et de simples soldats.

12 Q. Comment pouvez-vous affirmer qu'il y avait un haut gradé au poste de

13 contrôle ? Qu'est-ce qui vous avait permis de conclure cela ?

14 R. Ce n'était pas difficile. Lorsqu'il prenait la parole, tout le monde se

15 taisait. Tout le monde écoutait ses ordres, et c'est lui qui devait décider

16 si nous pouvions poursuivre, ou si nous devions faire demi-tour.

17 Q. Vous avez donc fait demi-tour. Combien de temps avez-vous roulé dans la

18 direction inverse ?

19 R. Nous avons conduit pendant 900 mètres, et ensuite nous nous sommes

20 arrêtés.

21 M. CAYLEY : [interprétation] Je souhaiterais que l'on présente au témoin,

22 une fois encore, le document se terminant par 2200, document qui fait

23 partie de la pièce à conviction P6 afin que nous soyons bien sûr de la

24 direction que le témoin a empruntée. Je souhaite que cela soit placé sous

25 le rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

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1 Q. Est-ce que vous pourriez nous indiquer dans quelle direction vous vous

2 êtes rendu sur 900 mètres comme nous vous l'avez dit ?

3 R. Nous avons conduit en direction inverse. Nous avons continué après ce

4 virage.

5 Q. Le témoin indique sur cette photographie qu'il a, après avoir laissé

6 derrière lui les galets, qui se trouvent au milieu de la route, il a

7 continué son chemin vers l'arrière-plan de la photographie où nous pouvons

8 voir quelques maisons.

9 Vous avez continué en direction de Pristina, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Nous sommes repartis vers Pristina vers le poste de contrôle

11 serbe.

12 Q. Vous avez déclaré que vous aviez conduit pendant environ 900 mètres.

13 Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui s'est passé lorsque vous vous

14 êtes arrêtés ?

15 R. Nous avons vu un autocar sans vitres. Il était criblé de balles. A

16 l'arrière, il y avait une maison qui avait été détruite. Ce qui s'est sans

17 doute passé, c'est qu'au moment où l'autocar a emprunté cette route,

18 quelqu'un a ouvert le feu depuis la maison et a touché l'autocar. Il était

19 difficile de dire qui avait ouvert le feu, s'il s'agissait de Serbes ou

20 d'Albanais. Nous avons décidé de nous arrêter et de mener l'enquête.

21 Q. Est-ce que vous êtes sorti de la voiture ?

22 R. Oui, nous sommes sortis de la voiture, nous avons placé notre caméra

23 sur un trépied et nous avons commencé à tourner.

24 Q. Que s'est-il passé lorsque vous avez commencé à tourner ?

25 R. Nous avons quasiment terminé le tournage, nous avons repris notre

Page 1729

1 caméra, et nous sommes rentrés dans la voiture. A ce moment-là, nous avons

2 vu des hommes lourdement armés accourir vers nous. L'un d'entre eux était

3 armé d'une lance-grenade antichar et il y avait également des personnes

4 armées de fusils à lunette, et ils nous ont arrêtés.

5 Q. Ces hommes lourdement armés qui ont accouru vers vous, comment étaient-

6 ils vêtus ?

7 R. Comme ceux qui se trouvaient au poste de contrôle. Certains d'entre eux

8 se trouvaient d'ailleurs au poste de contrôle avant. Ils étaient

9 accompagnés d'hommes lourdement armés qui les accompagnaient et qui eux

10 étaient vêtus de tenues de camouflage. Nous avons pu en déduire que toute

11 la route était sous leur contrôle. Ils se trouvaient des deux côtés de la

12 route. Ils sont apparus très vite après que nous nous soyons arrêtés. Il

13 est difficile de courir sur une distance de 900 mètres, surtout lorsque

14 l'on porte des armes.

15 Q. Est-ce qu'il s'agissait de membres des forces de sécurité serbe ?

16 R. Non. Ce n'étaient pas des Serbes. C'étaient des Albanais.

17 Q. Lorsque ces personnes sont accourues vers vous, qu'avez-vous fait ?

18 R. Nous avons essayé de repartir en voiture. Nous savions ce qui nous

19 attendait, mais notre voiture n'était pas très puissante et nous n'aurions

20 pas pu échapper aux tirs si nous avions essayé de nous enfuir en voiture.

21 Q. Qu'avez-vous fait ?

22 R. Nous nous sommes arrêtés et nous avons attendu qu'ils arrivent à notre

23 hauteur. Ils nous ont dit de faire demi-tour et de repartir vers le poste

24 de contrôle d'où nous étions partis juste avant.

25 Q. Qu'avez-vous fait ? Vous êtes retournés à ce poste de contrôle ?

Page 1730

1 R. Oui, l'un d'entre eux est monté à bord de notre voiture. Il était armé.

2 M. CAYLEY : [interprétation] Pour être tout à fait clair, car nous parlons

3 ici de deux postes de contrôle, je souhaiterais que l'on montre au témoin

4 la pièce à conviction de l'Accusation P6, portant la référence U007-2700.

5 Q. Lorsque vous dites que vous êtes retourné au poste de contrôle, s'agit-

6 il du poste de contrôle que nous voyons sur la photo ?

7 R. Oui. Pour la deuxième fois ce jour-là, nous sommes retournés vers ce

8 poste de contrôle.

9 Q. Lorsque vous êtes arrivés à ce poste de contrôle, ou plutôt je

10 souhaiterais vous poser une question avant cela. Lorsque vous êtes arrivés

11 à ce poste de contrôle, qui se trouvait à bord de votre voiture ?

12 R. Shaban Hoti, l'interprète; Sasa Galanov, le caméraman; Viktor Mamaev,

13 le responsable du son; et moi-même. Je conduisais. Cet homme armé se

14 trouvait avec nous à bord de la voiture.

15 Q. Lorsque vous êtes arrivé au poste de contrôle albanais, que s'est-il

16 passé ?

17 R. Ils ont arrêté notre voiture devant les galets antichars, mais nous les

18 avons contourné sur la droite de la route. Nous avons contourné le poste de

19 contrôle et nous sommes arrivés derrière les barricades. Nous avons fini

20 par nous retrouver sur le territoire albanais comme nous souhaitions le

21 faire au départ.

22 Q. Lorsque vous êtes arrivés de l'autre côté des barricades, que s'est-il

23 passé ?

24 R. On nous a fait sortir de la voiture. Notre caméra, notre argent, et

25 d'autres biens ont été confisqués. Notre voiture a été conduite de l'autre

Page 1731

1 côté. On nous a emmenés vers la forêt, et ils ont commencé à armer leurs

2 armes derrière nous.

3 Q. En examinant cette photographie, si vous vous en souvenez, pourriez-

4 vous nous dire de quel côté de la route on vous a emmenés ?

5 R. Vers la forêt. Vous voyez cette colline, c'est vers là qu'ils nous ont

6 emmenés. Il y a ce point élevé, une petite colline, c'est là que commence

7 la forêt. Ils nous ont emmené vers là.

8 M. CAYLEY : [interprétation] Le témoin a indiqué, sur la photographie 2200,

9 qu'il a été emmené vers la droite par rapport à la route à l'endroit où se

10 trouve une petite colline.

11 Q. Vous avez déclaré qu'ils chargeaient leurs armes. Que pensez-vous qu'il

12 allait se passer après cela ?

13 R. Bien, ce n'était pas difficile de tirer des conclusions. Nous avons

14 supposé qu'ils allaient nous tuer. Car d'après les règlements militaires en

15 temps de guerre, nous avions désobéi à leurs ordres, nous étions entre

16 leurs mains, et ils pouvaient faire de nous ce qu'ils voulaient.

17 Q. Vous avez parlé de l'organisation, de la discipline du groupe que vous

18 avez rencontré au poste de contrôle albanais. Qu'avez-vous pensé de

19 l'organisation et de la discipline de ce deuxième groupe de soldats

20 albanais que vous avez rencontrés ?

21 R. Comme je l'ai réalisé par la suite, il s'agissait d'une unité qui était

22 déployée à différents endroits au niveau des barricades, au niveau des

23 postes de contrôle, au niveau de la forêt et un peu plus loin sur la route.

24 La personne responsable est celle qui ne nous a pas autorisés à passer. Il

25 y avait beaucoup de gens qui allaient et venaient. Celui qui nous a emmenés

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1 vers la forêt a donné des ordres, et ses ordres ont été exécutés très

2 rapidement.

3 Q. Combien de temps avez-vous passé dans la forêt ?

4 R. Entre une heure et demie et deux heures.

5 Q. Au bout d'une heure et demie ou deux heures, que s'est-il passé ?

6 R. Pendant ce temps, il y avait eu beaucoup de communications radio. Il y

7 a des commandants qui arrivaient à bord d'un véhicule. Il y avait une

8 relève. Finalement, le commandant ou l'officier supérieur est arrivé. Il

9 portait un uniforme très propre. Ses chaussures étaient cirées. Il portait

10 un uniforme de camouflage et un pistolet. C'est lui a décidé de notre sort.

11 Q. Afin de préciser votre déposition, vous avez parlé de communications

12 radio. Qui participait à ces communications radio ?

13 R. L'un de ces commandants de niveau moyen ne cessait de transmettre des

14 informations à ses adjoints, d'après ce que nous avons compris. Les

15 communications étaient incessantes.

16 Q. Lorsque vous avez parlé de communication radio, pourriez-vous nous dire

17 quel type d'appareil ils utilisaient ?

18 R. Les appareils qu'ils utilisaient étaient ridicules. Ils ressemblaient à

19 des jouets, à quelque chose que l'on pouvait acheter facilement dans un

20 magasin. Nous en avons conclu que leurs talkies-walkies n'avaient pas une

21 portée très importante. Nous en avons donc conclu que les gens avec qui ils

22 communiquaient ne se trouvaient pas très loin, peut-être à quelque 500

23 mètres de là. Ils possédaient également des talkies-walkies plus puissants,

24 mais ne les utilisaient pas aussi fréquemment.

25 Q. Vous avez dit que de nouveaux commandants étaient arrivés à bord de

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1 véhicules. Comment saviez-vous qu'il s'agissait de commandants ?

2 R. Je ne sais pas comment vous expliquer cela, mais lorsqu'un général

3 pénètre à l'intérieur d'une caserne, tout le monde se lève et se tient prêt

4 au garde-à-vous. C'est un peu la même chose qui

5 se passait ici.

6 Q. Vous dites que lorsque ces hommes que vous pensiez être des commandants

7 sont arrivés, il y a eu une réaction, n'est-ce pas ?

8 R. Oui. Ils étaient disciplinés, ils écoutaient attentivement ce que

9 disait le commandant qui venait d'arriver.

10 Q. Le dernier commandant qui, d'après votre description, portait un

11 uniforme et des chaussures cirées, au sujet de cette personne, je

12 souhaiterais vous présenter la photographie U008-1567, à laquelle il faudra

13 attribuer une nouvelle cote.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira de la pièce à conviction de

15 l'accusation P89.

16 M. CAYLEY : [interprétation]

17 Q. Monsieur Safiulin, est-ce que vous reconnaissez cette personne ?

18 R. Beaucoup de temps s'est écoulé depuis 1998. Il est difficile de dire

19 avec certitude qu'il s'agit bien là de ce commandant. Mais je suis sûr à

20 98% qu'il s'agit bien de la même personne. Il avait l'air plus jeune, mais

21 six ans se sont écoulés depuis. Je ne peux pas vous affirmer avec certitude

22 qu'il s'agit bien de lui.

23 Q. De quel commandant s'agit-il ?

24 R. L'homme a qui tout le monde était subordonné au moment où nous étions

25 détenus.

Page 1734

1 Q. Si vous vous en souvenez, quand ce commandant est-il arrivé au poste de

2 contrôle ?

3 R. Deux heures plus tard.

4 Q. Vous étiez dans la forêt à ce moment-là. A quelle distance vous

5 trouviez-vous de la route ?

6 R. Environ 100 mètres. Ce n'était pas une forêt, c'était la lisière de la

7 forêt. C'est à cet endroit que la forêt commençait. Nous étions à une

8 soixantaine de mètres de la route.

9 Q. De l'endroit où vous vous trouviez dans la forêt, est-ce que vous aviez

10 une vue dégagée sur la route ?

11 R. Oui. Nous avions une vue dégagée, mais nous ne pouvions voir que les

12 arbres qui étaient devant nous.

13 Q. Pouviez-vous voir ce qui se passait sur la route ? Comment avez-vous vu

14 arriver ces commandants ?

15 R. Ce commandant est venu vers nous. Il nous a parlé à chaque fois que

16 quelqu'un de nouveau arrivait. Il venait nous trouver et nous parlait.

17 Q. Après l'arrivée de cet homme, que s'est-il passé ?

18 R. D'autres voitures sont arrivées, nous avons été divisés en plusieurs

19 groupes et emmenés sur le territoire contrôlé par les Albanais. Nous

20 n'avions aucun document sur nous, pas d'argent, pas de caméra. Nous avions

21 uniquement les vêtements que nous portions.

22 Q. Lorsque vous dites "nous avons été divisés en plusieurs groupes", de

23 qui voulez-vous parler ? Qui a été divisé en plusieurs groupes ?

24 R. L'interprète a été emmené immédiatement pendant cette période de deux

25 heures. Comme je l'ai vu plus tard, la voiture à bord de laquelle se

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1 trouvait l'interprète poursuivit son chemin pendant environ 800 mètres, et

2 s'est arrêtée au bas d'une colline. Nous trois, nous avons été emmenés à

3 Lapusnik. Nous sommes passés à côté des maisons. Ensuite, la voiture s'est

4 arrêtée. On nous a fait sortir de la voiture sur un terrain découvert, un

5 champ ou quelque chose comme cela.

6 Q. Vous avez déclaré que vous et les deux autres membres de l'équipe de

7 tournage, étiez à bord de la même voiture, n'est-ce pas ?

8 R. Oui.

9 Q. Votre interprète, Shaban Hoti, avait été emmené ailleurs, séparé et

10 emmené ailleurs immédiatement, n'est-ce pas ?

11 R. Non. Tous ensemble, nous avons quitté le poste de contrôle, comme je

12 vous l'ai expliqué. Après que nous nous sommes éloignés, Shaban a été

13 embarqué à bord d'une voiture, et les trois Russes ont été placés à bord

14 d'une autre voiture. L'une de ces voitures s'est arrêtée au bas d'une

15 colline, et la voiture à bord de laquelle se trouvait Shaban a continué

16 pendant encore 800 mètres jusqu'à cet endroit surélevé. Ensuite, j'ai vu

17 que leur voiture s'arrêtait également.

18 Q. Je souhaiterais vous montrer la carte P1. Est-ce que vous pourriez nous

19 indiquer, si vous vous souvenez, vers quelle direction vous avez poursuivi

20 votre chemin à partir du poste de contrôle ? Je pense qu'il s'agit de la

21 carte numéro 6. Ce qui m'intéresse, c'est le trajet que vous avez effectué

22 depuis le poste de contrôle jusqu'à l'endroit où vous êtes arrivés alors

23 que M. Shaban Hoti se trouvait à 800 mètres devant vous.

24 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, puis-je ajouter ou dire

25 quelque chose. Il s'agit d'une question de principe. Simplement pour vous

Page 1736

1 demander, lorsque l'on place une carte sous les yeux du témoin pour nous

2 indiquer le trajet qu'ils ont pris, je crois qu'il n'est pas utile

3 d'annoter ces cartes. Bien sûr, les pièces ont déjà des annotations. C'est

4 mon observation, Monsieur le Président.

5 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, je trouve que c'est

6 tout à fait ridicule. Est-ce que mon éminent confrère essaie de proposer

7 que l'on enlève toutes les annotations qui indiquent les villes de la

8 carte.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, Monsieur Cayley, ce n'est pas

10 cela que propose votre confrère, mais c'est simplement qu'il faudrait

11 annoter une autre carte, une carte séparée.

12 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, d'accord. De quelles annotations parlent-

13 il ou parlons-nous ?

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est les annotations que l'on est

15 train de demander au témoin de nous faire présentement.

16 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, très bien. Bien sûr, j'étais simplement

17 en train de lui montrer la carte sur laquelle il a annoté, il a placé une

18 croix. C'est la raison pour laquelle je lui ai demandé d'apposer des

19 annotations sur cette carte.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. A ce moment-là, c'est la

21 même carte qui a été utilisée par le témoin avant, et l'on pourrait passer

22 les annotations sur cette carte-là, Monsieur Cayley.

23 M. CAYLEY : [interprétation] Je crois que cette carte-ci résout notre

24 problème et répond aux attentes de mon éminent confrère puisqu'il n'y a pas

25 de case indiquant le nom de ville.

Page 1737

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] S'il faut annoter les cartes, je crois

2 que le mieux serait que l'on demande au témoin d'apposer des annotations

3 sur cette carte-ci.

4 M. CAYLEY : [interprétation] Je suis tout à fait d'accord, Monsieur le

5 Président.

6 M. KHAN : [interprétation] Je vous remercie.

7 M. CAYLEY : [interprétation]

8 Q. Monsieur, pourriez-vous nous donner -- nous indiquer l'endroit

9 approximatif, si vous le savez, l'endroit où vous êtes arrivés après avoir

10 quitté le poste de contrôle albanais ?

11 R. [Le témoin s'exécute]

12 Q. Je vous demanderais d'indiquer une annotation, c'est-à-dire, de placer

13 un "2", d'écrire un "2" à côté de la croix.

14 R. [Le témoin s'exécute]

15 Q. Très bien.

16 M. CAYLEY : [interprétation] Simplement pour le contrôle de l'audience, le

17 témoin a indiqué à l'aide du chiffre "1" l'endroit qui, selon lui,

18 représente le poste de contrôle albanais, et il a annoté avec le chiffre

19 "2" l'endroit qui, selon lui, est l'endroit où il est revenu après qu'il

20 ait quitté le point de contrôle.

21 Q. Dites, s'il vous plaît, aux Juges de la Chambre, que s'est-il passé

22 après que vous ayez quitté le point de contrôle, c'est-à-dire, le deuxième

23 point que vous avez annoté avec le chiffre "2".

24 R. On nous a fait sortir de la voiture. On nous a demandé de regarder en

25 direction de la bordure de la forêt. Il y avait des tranchées qui

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1 entouraient ces grands rochers. Ils nous ont demandé de ne pas nous arrêter

2 et de regarder de l'autre côté de la route, de ne pas regarder la route.

3 Nous avons encore entendu qu'ils étaient en train d'armer leurs fusils. Ils

4 inspectaient la voiture, le coffre arrière et l'intérieur de la voiture.

5 Nous avons entendu du bruit. Nous les avons entendus faire des inspections

6 de la voiture. Ils ont allumé et éteint les phares. Ils étaient suspicieux.

7 Ils croyaient que -- il était certain que s'ils avaient trouvé quelque

8 chose nous n'aurions pas la possibilité de vivre encore très longtemps.

9 Q. Quand vous dites "on nous a fait sortir de la voiture," qui vous a

10 demandé de sortir de la voiture ?

11 R. C'était l'ingénieur de son, Mamaev; le caméran, Galanov et moi-même.

12 C'est nous qui devions sortir de la voiture. Nous sommes sortis. On nous a

13 demandé de nous placer devant trois grands rochers.

14 Q. Comment vous sentiez-vous à l'époque ou à ce moment-là ?

15 R. Il était clair que les blagues étaient terminées. Nous faisions face à

16 des gens qui avaient des doutes nous concernant. Ils avaient déjà commencé

17 de penser que nous étions des espions. Nous avions l'impression qu'ils

18 allaient simplement nous arroser de carburant et qu'ils allaient allumer

19 une allumette. C'est ce que nous pensions.

20 Q. De quelle façon vos collègues réagissaient-ils ? Est-ce que vous vous

21 en souvenez ?

22 R. Sasha était très inquiet. Mamaev, qui est un jeune homme pour lequel

23 c'était la première fois qu'il faisait face à ce genre de situation, était

24 particulièrement inquiet. Il le montrait peut-être moins. Il est bien

25 difficile de vous décrire quelles étaient les réactions personnelles des

Page 1739

1 personnes qui se trouvaient dans cette situation-là à l'époque. Il est

2 certain que nous avions compris c'était la fin.

3 Q. Lorsque vous parlez de Sasha, vous parlez de Sasha Galanov ?

4 R. Oui, je parle d'Alexsandar Galanov.

5 Q. Combien de temps est-ce que vous avez entendu au bord de la route ?

6 Vous nous avez décrit qu'il y avait des roches et qu'il y avait des galets.

7 R. Quarante minutes.

8 Q. Après ces 40 minutes, après qu'ils aient terminé de fouiller le

9 véhicule, qu'est-ce qui s'est passé ?

10 R. Après cela, on nous a séparés de nouveau. D'abord, ils ont pris

11 Galanov. Ensuite, ils m'ont placé derrière le volant de la voiture dans

12 laquelle nous étions arrivés, bien sûr. Mamaev a été placé dans la voiture

13 avec moi. On lui a demandé de s'asseoir et de regarder en bas entre les

14 sièges afin qu'il ne voie pas où on est, afin qu'il ne regarde pas

15 l'extérieur. Les deux hommes armés se sont assis dans la voiture avec nous.

16 Ils nous ont forcés à conduire la voiture au point 2, c'est-à-dire, là où

17 il y avait des maisons. Lorsque nous sommes arrivés à cet endroit, ils

18 m'ont fait sortir de la voiture. Ils m'ont tordu les bras derrière le dos

19 et ils m'ont forcé de sortir de la voiture. Il ne s'agissait sûrement pas

20 d'une maison résidentielle puisqu'il n'y avait personne à l'intérieur.

21 Q. Maintenant, vous dites que Galanov s'est fait sortir, ou s'est fait

22 séparé. Où est-ce que l'on a emmené ? Est-ce que vous le savez ?

23 R. Ils l'ont emmené dans la même maison, seulement qu'ils étaient arrivés

24 un peu avant nous alors que Mamaev et moi, nous étions arrivés quelque peu

25 après.

Page 1740

1 Q. Comment se fait-il que vous ayez pu trouver cette maison ?

2 R. Le gardien qui était assis derrière moi, la personne qui était assise

3 derrière moi, sur le siège derrière, me donnait des indications. Il me

4 disait d'aller tout droit, à gauche, à droite, et cetera.

5 M. CAYLEY : [interprétation] Peut-on montrer de nouveau la carte au

6 témoin, la carte qu'il a annoté ?

7 Q. Maintenant, ces deux maisons en particulier dont vous parlez, vous avez

8 dit, vous y avez été emmenés, est-ce que vous saviez où cette maison se

9 trouve ?

10 R. Je crois que cette maison se trouve tout près de la route, tout près de

11 la première annotation que j'ai faite, ou plutôt près de la deuxième

12 annotation que j'ai faite. Car je me souviens très clairement que de nous

13 être arrêtés. Je suis revenu à cet endroit de nouveau, et je peux dire

14 qu'après que l'on passe Lapusnik, il faut passer par la route supérieure.

15 La route -- la maison se trouve sur la route inférieure.

16 M. CAYLEY : [interprétation] Le témoin qui a apporté une annotation., Il a

17 écrit un numéro "3" qui est juste à côté du bâtiment où il s'est fait

18 emmené.

19 Q. Bien. Simplement quelque chose, Monsieur le Témoin, pour préciser un

20 point. Si l'on prend la route de Pristina à Pec, que l'on se déplace le

21 long de cette route, de quel côté de la route se trouve cette maison ? Je

22 dis de nouveau si l'on se dirige de Pristina en direction de Pec, de quel

23 côté de la route se trouve cette maison ?

24 R. Du côté gauche.

25 Q. Vous avez dit un peu plus tôt que le soldat vous donnait des

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1 instructions, il vous disait comment vous y rendre. Il vous disait d'aller

2 tout droit, tourner à gauche, tourner à droite. Est-ce que vous êtes allés

3 directement dans cette maison ? Est-ce que vous avez pris la route pour

4 vous rendre dans la maison immédiatement, ou est-ce que vous avez pris

5 d'autres chemins détournés ?

6 R. Nous avons pris des chemins, des routes détournées, car il y avait des

7 barricades. Alors nous sommes arrivés tout près de la maison. Nous n'avons

8 pas pris le raccourci.

9 Q. Vous dites que lorsque vous êtes arrivés dans ce bâtiment, on vous a

10 tordu le bras.

11 R. Oui, c'est exact. Lorsque je suis sorti de la voiture, on m'a tordu le

12 bras.

13 Q. Où est-ce qu'on vous a emmené par la suite ?

14 R. On m'a demandé de rentrer dans la maison, et c'est là que j'ai vu

15 Galanov. Il était déjà assis et il faisait face au mur.

16 Q. Vous dites que Mamaev et vous, vous étiez emmenés dans ce bâtiment,

17 dans cette maison. Est-ce que c'est exact ?

18 R. Oui.

19 Q. Que s'est-il passé après que vous vous trouviez à l'intérieur de cette

20 maison ?

21 R. On a bandé nos yeux immédiatement, et on nous a demandé de nous

22 asseoir.

23 Q. Combien de temps est-ce que vous avez attendu à cet endroit ?

24 R. C'était peut-être deux ou trois heures. Nous n'avions pas le droit de

25 parler. Ils nous ont dit de nous asseoir là, et de nous taire.

Page 1742

1 Q. Est-ce qu'il y avait quelqu'un d'autre avec vous ? Ou bien, est-ce que

2 vous étiez tout seul ?

3 R. Il y avait un gardien qui nous regardait, qui nous observait tout le

4 temps. C'était un gardien armé. Vous allez sans doute me demander comment

5 cela se fait-il que je savais qu'il était armé. Bien, je pouvais voir, je

6 pouvais entendre le son plutôt, le bruit d'un fusil en train de se faire

7 armer. Et je pouvais l'entendre armer son arme.

8 Q. Que s'est-il passé après ? Vous avez attendu deux ou trois heures.

9 Après cela, que s'est-il passé ?

10 R. Après cela, leur commandant supérieur est arrivé, et il était

11 accompagné de son garde du corps. Ils m'ont dit d'enlever le bandeau que

12 j'avais sur les yeux, et de répondre à leurs questions.

13 M. CAYLEY : [interprétation] Très bien. Je voudrais montrer au témoin la

14 photo qui est identifiée par la cote U008-1566. Pourrais-je également avoir

15 une cote ?

16 M. LE GREFFIER : [interprétation] Il s'agira du cote P90.

17 M. CAYLEY : [interprétation]

18 Q. Monsieur, reconnaissez-vous cette photographie, la photographie qui

19 porte la cote P90 ?

20 R. Pour dire avec une certitude qu'il s'agit de l'homme dont on vient de

21 parler est quelque chose de quelque peu difficile. Par contre, je peux dire

22 que ce n'est pas le commandant principal. Ce n'est pas la personne qui nous

23 a interrogés à ce moment-là. Cet homme, il est possible qu'il s'agisse de

24 cet homme avec lequel nous nous sommes entretenus, celui que j'appelle le

25 commandant chef, à partir du moment où j'ai enlevé le bandeau qui se

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1 trouvait sur mes yeux. On ne m'a plus redemandé de bander mes yeux. Cet

2 homme m'a dit que Shaban, notre interprète, s'était fait arrêté, et qu'il

3 ne voyagerais plus avec nous. Mais ce n'était pas le chef. Ce n'était pas

4 la personne que l'on appelait "le chef."

5 Q. Monsieur, il est possible que vous ayez vu cet homme dans la maison ?

6 R. Oui. C'est tout à fait possible. Il portait des vêtements civils, et il

7 portait sur son bras, sur sa manche, un type de brassard. Normalement,

8 c'est le genre de brassard que portent les Casques bleus ou les personnes

9 qui travaillent pour les Nations Unies.

10 Q. Que vous a dit cet homme concernant Shaban Hoti ? Vous nous avez dit

11 qu'il vous a dit que Shaban ne ferait plus partie de votre groupe, et ne se

12 déplacerait plus avec vous ? Que vous a-t-il dit autre ?

13 R. Il a dit que Shaban s'était faussement présenté, prétendant d'être

14 quelqu'un qu'il n'est pas, et que c'était la source principale de nos

15 problèmes, et que c'était la raison pour laquelle nous étions détenus.

16 Q. A-t-il dit quelque chose d'autre concernant Shaban Hoti ?

17 R. Il a dit que Shaban s'était fait arrêté. Il ne l'a pas dit en fait,

18 mais il a fait un geste pour nous faire comprendre qu'il s'était fait

19 arrêter, c'est-à-dire qu'il avait croisé ses bras.

20 Q. Après que ce commandant fut arrivé, vous nous avez dit qu'il vous a

21 interrogé. Quelles sont les questions qu'il vous a posées ?

22 R. Il a commencé par me poser des questions, à savoir quel moment nous

23 sommes arrivés à Belgrade, comment nous sommes arrivés à Pristina, pourquoi

24 nous sommes arrivés à Pristina. Ensuite, il a commencé à me poser des

25 questions, à savoir où est-ce que je suis né, dans quelles écoles j'étais

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1 allé, qu'est-ce que j'avais fait comme études universitaires, quels étaient

2 mes sujets, qui étaient mes professeurs, quel était le sujet de ma thèse,

3 ensuite combien d'enfants j'avais, et cetera, et cetera.

4 Q. Pendant combien de temps est-ce que l'on vous a interrogé ?

5 R. Chaque personne s'est fait interroger pendant 40 minutes. Après moi,

6 c'était le tour de Galanov. Et c'est lui qui s'est fait interroger de la

7 même manière.

8 Q. Vous avez dit que Shaban Hoti s'est fait arrêter. Est-ce que vous avez

9 revu Shaban Hoti de nouveau ?

10 R. Lorsque j'ai enlevé mon bandeau, j'ai vu Shaban Hoti, car c'était lui

11 qui interprétait l'interrogatoire.

12 Q. Pourriez-vous nous décrire à quoi ressemblait Shaban Hoti à ce moment-

13 là ?

14 R. Il était tout à fait clair qu'il s'était fait passer à tabac. Il était

15 recouvert d'hématomes sur le visage, et il avait du sang sur sa chemise et

16 sur son pantalon. Il semblait être très effrayé.

17 Q. Comment savez-vous qu'il semblait être très effrayé ?

18 R. Il tremblait de peur. Il avait un regard d'un homme perdu dans les

19 yeux. Je crois que c'est tout à fait clair de voir une personne effrayée.

20 Q. Merci, vous nous l'avez très bien expliqué.

21 Bien. Maintenant, après que cette interrogation fut terminée, est-ce que

22 vous vous souvenez si l'on vous a dit autre chose ?

23 R. Ils n'ont pas dit d'autre chose de très précis. Ils m'ont dit : Assois-

24 toi et attends. Ensuite, ils ont fait sortir Shaban. Je leur ai demandé ce

25 qu'ils allaient faire avec Shaban, et ils m'ont dit : Il va maintenant se

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1 battre pour nous pour nous montrer si c'est un vrai patriote. Et après

2 qu'il fut parti, ils nous ont dit que Shaban n'était pas la personne qu'il

3 prétendait être, qu'en réalité il travaillait pour la police serbe, et

4 puisque vous êtes venus avec lui, vous devez être des espions serbes

5 également, et conformément aux lois de la guerre, vous devez être punis et

6 exécutés également.

7 Q. Après que l'on vous ait dit cela, que s'est-il passé ?

8 R. Après avoir entendu cela, tout le monde était parti de nouveau. On

9 n'entendait plus rien. Quelqu'un est reparti parti dans notre voiture, et

10 on nous a laissé là seuls avec le gardien. Les choses sont restées comme

11 cela jusqu'à la tombée de la nuit.

12 Q. Pendant combien d'heures pensez-vous que vous êtes restés dans le

13 bâtiment après l'interrogation ?

14 R. Peut-être deux ou trois heures.

15 Q. Et après la tombée de la nuit que s'est-il passé ?

16 R. Après la tombée de la nuit, le commandant est revenu. Il a apporté de

17 l'eau minérale. Il a apporté un demi-pain, une sorte de croissant avec du

18 fromage, et ensuite il a dit : Vous pouvez prendre un peu d'eau. Il

19 semblerait que rien de très mauvais ne vous arrivera. Vous pouvez vous

20 asseoir ici. Vous attendrez encore un peu. C'est la dernière chose qu'il

21 nous a dit. Nous ne l'avons plus revu jusqu'à la tombée de la nuit.

22 Après que la nuit fut tombée, on nous a placé dans la même voiture dans

23 laquelle nous étions arrivés, et de nouveau, nous n'avons pas pris une

24 route directe, mais nous sommes allés par des routes secondaires afin que

25 l'on n'ait pas une idée précise de l'endroit où on en allait. Nous nous

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1 sommes arrêtés à un certain endroit. On a de nouveau enlevé les bandeaux

2 qui bandaient nous yeux.

3 A ce moment-là, il y avait trois bottes de foin. Je me souviens très

4 bien, comme si c'était hier, qu'ils étaient là. De nouveau, ils se sont

5 parlés par voie radio et c'est le dernier arrêt avant que l'on nous emmène

6 au point de contrôle. Mais à moment-là, je croyais qu'ils allaient nous

7 tuer.

8 Q. Vous avez dit que l'on vous a enlevé les bandeaux des yeux, où est-ce

9 que l'on vous a bandé les yeux.

10 R. Ils ont remis les bandeaux sur nos yeux lorsqu'ils nous ont placé dans

11 la maison. Ensuite, ils ont enlevé les bandeaux lors de l'interrogatoire et

12 ils ont remis les bandeaux après l'interrogatoire. Et après, j'étais le

13 seul qui avait le droit d'enlever le bandeau qui bandait mes yeux.

14 Q. De quoi s'est-on servi pour vous bander les yeux ? Quel genre de tissu

15 était-ce ?

16 R. Je me souviens très bien, c'était un t-shirt d'enfant, noir.

17 Q. Vous nous avez dit que vous étiez le seul à pouvoir enlever le bandeau

18 qui se trouvait sur vos yeux. Où vous trouviez-vous lorsque l'on vous a

19 débandé les yeux ?

20 R. Pour déterminer l'endroit où nous étions lorsqu'on m'a débandé les

21 yeux, je ne pourrais pas vous le dire, s'il faisait déjà nuit. Et après, le

22 commandant principal qui nous a interrogé s'est présenté de nouveau et il

23 m'a dit : C'est toi qui était le chauffeur, tu vas conduire de nouveau,

24 voici ton équipement, voici tes documents, voici tes objets. Tu vas

25 maintenant t'asseoir derrière le volant, tu vas tourner à gauche, et

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1 ensuite, nous verrons. Nous verrons si tu pourras arriver jusqu'au côté

2 serbe, puisqu'il fait déjà très tard et les Serbes tirent sur tout ce qui

3 bouge quand il fait nuit. Il m'a dit : Pars, va-t-en et ne revient plus. Et

4 tourne à gauche.

5 Q. Dans quelle langue parliez-vous à ce moment-là ?

6 R. Nous parlions en anglais et en serbe.

7 Q. Le commandant était en mesure de communiquer avec vous en anglais et en

8 serbe ?

9 R. Oui.

10 Q. Vous avez parlé des trois bottes de foin où l'on vous a emmenés.

11 Simplement, pour être tout à fait limpide, que s'est-il passé lorsqu'on

12 vous a placé devant ces trois bottes de foin ?

13 R. Il se sont parlés par radio pendant assez longtemps, pendant 30 minutes

14 à 40 minutes. Ils faisaient des blagues, ils riaient. C'était tout à fait

15 clair qu'ils étaient soit de très bonne humeur ou qu'ils étaient un peu

16 éméchés, qu'ils avaient eu un peu à boire. Dans tout les cas, nous étions

17 persuadés que des gens qui se trouvaient dans cet état-là n'hésiteraient

18 pas à nous tuer et qu'ils n'étaient pas préoccupés par ce qui allaient nous

19 arriver, qu'ils s'en foutaient. Je crois que quelque part, quelqu'un a dû

20 prendre la décision de nous libérer.

21 Q. Le commandant qui vous a remis votre équipement, est-ce que cela s'est

22 passé pendant que vous étiez devant les trois bottes de foin.

23 R. Oui. Pratiquement parlant, nous étions juste à côté d'eux. C'est lui

24 qui m'a ramené à la voiture. C'est lui qui m'a dit qu'il avait vérifié si

25 tout allait bien.

Page 1748

1 Q. Vous avez dit qu'ils vous ont demandé de prendre la gauche, de tourner

2 la gauche et de prendre la route. Quelle route est-ce que vous avez pris ?

3 R. C'était la route de Pristina-Pec, enfin, c'était avant les barricades.

4 Mais avant cela, lorsque je tournais, les barricades se trouvaient à gauche

5 avant. Avant de faire le virage à gauche, j'avais vu les barricades qui se

6 trouvaient à 300 mètres de là.

7 Q. Lorsque vous avez tourné à gauche, où vous rendiez-vous ? Dans quelle

8 direction alliez-vous sur cette route principale, après avoir tourné à

9 gauche.

10 R. Après avoir tourné à gauche, j'ai poursuivi tout droit.

11 Q. Où vous vous dirigiez vous ? Alliez-vous en direction de Pristina ou

12 alliez-vous en direction de Pec ?

13 R. Nous allions en direction de Pristina en direction du point de contrôle

14 serbe.

15 Q. Vous avez parlé des barricades, est-ce que vous avez effectivement revu

16 les barricades lorsque vous vous dirigiez en direction de Pristina.

17 R. Oui. J'ai vu les barricades depuis le virage. Elle se trouvait à 300

18 mètres du barrage.

19 Q. Parlez-vous du point de contrôle serbe ou du point de contrôle

20 albanais ?

21 R. Je parle du point de contrôle albanais. Je montais une pente. Il y

22 avait un point de contrôle albanais à la droite et le point de contrôle

23 serbe se trouvait un peu plus loin sur le côté gauche de la route, plus

24 près de Pristina.

25 Q. Combien de temps cela vous a-t-il pris avant d'arriver au poste de

Page 1749

1 contrôle serbe ?

2 R. De sept à dix minutes, pas plus.

3 Q. Lorsque vous êtes revenu à Pristina, est-ce que vous avez fait un

4 rapport concernant ce qui vous était arrivé aux autorités locales ?

5 R. Oui, nous sommes allés au poste de police et nous leur avons relaté

6 l'histoire.

7 Q. Est-ce que vous avez parlé de ce qui vous était arrivé à qui que ce

8 soit d'autre ?

9 R. Le lendemain, j'ai appelé la fille de Shaban pour lui dire que Shaban

10 s'était fait prisonnier et j'ai ensuite appelé mon bureau pour les informer

11 de ce qui s'était passé.

12 [Le Conseil de l'Accusation se concerte]

13 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

14 questions pour ce témoin. Je vous remercie.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie Monsieur Cayley. Il

16 me semblerait que l'heure de la pause est bien arrivée et je propose de la

17 faire maintenant et nous reprendrons nos travaux à 16 heures 05.

18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 07.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Guy-Smith.

21 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, Monsieur le Président.

22 Me Topolski a accepté d'intervenir en premier.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est toujours très agréable de

24 trouver quelqu'un qui se porte volontaire, n'est-ce pas ?

25 Contre-interrogatoire par M. Topolski :

Page 1750

1 Q. [interprétation] Monsieur Safiulin, je représente un Défenseur qui

2 s'appelle Isak Musliu, et j'ai quelques questions à vous poser. J'espère

3 que cela ne sera pas trop long. J'aimerais dans un premier temps, vous

4 demander si la télévision RTR avait un point de vue particulier pour ce qui

5 est l'UCK en 1998 ?

6 R. Nous travaillons pour le service d'information. Pour nous, il n'y a pas

7 de point de vue, de position, il ne s'agit pas de savoir quel sera le camp

8 considéré comme juste et quel sera le camp considéré comme faisant faute

9 route ou coupable. Notre fonction en tant que journaliste donnant des

10 informations et travaillant pour des chaînes d'information, est de prendre

11 en considération les deux camps. Lorsque nous nous rendons dans le cadre de

12 nos activités professionnelles quelque part, nous devons tout simplement

13 faire office de journaliste, et on ne nous demande pas de remplir telle

14 tâche ou d'omettre telle chose.

15 Q. Votre chaîne de télévision, par conséquent, n'avait pas de point de vue

16 pour ce qui est de ce conflit; c'est ce que vous nous dites ?

17 R. J'ai dit ce que j'ai déjà indiqué. Il n'y avait pas d'instructions qui

18 nous ont été données ou de tâches précises qui ont été avancées à propos de

19 ce que nous devions couvrir ou on ne nous a pas de couvrir un côté

20 seulement. Nous devions tout simplement filmer notre reportage.

21 Q. Vous vous étiez déjà trouvés dans des lieux de crise comme vous les

22 avez décrits, donc des zones de guerre. C'est ainsi qu'on pourrait peut-

23 être les décrire avant 1998 ?

24 R. Oui, c'est tout à fait exact.

25 Q. Ne vous étiez-vous jamais trouvés dans une situation de captivité de la

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1 part d'un camp ou de l'autre auparavant ?

2 R. Dans ce cas d'espèce précis, cela ne s'était pas passé auparavant. Nous

3 avions l'habitude de travailler de part et d'autre de la barricade, si je

4 puis m'exprimer de la sorte, et nous avions l'habitude d'œuvrer dans le

5 cadre de différents conflits et différentes guerres. Nous travaillions, en

6 fait, pour montrer les deux camps.

7 Q. Ce n'est pas tout à fait ce que je vous ai demandé. Je vous avais

8 demandé si vous n'aviez jamais été détenus auparavant par l'un des camps à

9 propos duquel vous auriez présenté un reportage.

10 R. Il y a eu un incident. J'avais été détenu en Tchéthénie.

11 Q. Nous avons deux documents qui ont trait à votre déposition. Le premier

12 de ces documents est intitulé "Déclaration". C'est une déclaration que vous

13 avez faite au bureau du Procureur du district administratif du nord de la

14 ville de Moscou. C'est une déposition que vous avez faite le 23 décembre

15 2003. Vous souvenez-vous avoir été dans le bureau du Procureur et avoir

16 présenté une déposition ? L'un des exemplaires est disponible si vous le

17 souhaitez le consulter.

18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Younis.

19 Q. Vous souvenez-vous avoir été là et avoir fait cette déclaration ?

20 R. Oui, oui. Je me souviens que nous avons été convoqués dans le bureau du

21 Procureur le 23 décembre, et je me souviens que nous avons fait une

22 déclaration qui a été prise, comme vous l'avez observée.

23 Q. Merci. Outre cela, et un peu plus tard, le 16 septembre 2004, à nouveau

24 à Moscou, Monsieur Safiulin, vous souvenez-vous que M. Lehtinen vous a posé

25 certaines questions, et M. Lehtinen est enquêteur auprès du TPI ? Une fois

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1 de plus --

2 R. Oui, M. Lehtinen était présent lors du deuxième interrogatoire et il m'a

3 posé des questions.

4 Q. M. Younis a eu l'amabilité de vous fournir un exemplaire. Si vous

5 voulez le consulter, je ne vais pas vous poser de questions à ce sujet.

6 Pour le moment, je voudrais juste confirmer ces faits.

7 J'aimerais maintenant aborder cette journée du 20 juillet 1998. Lorsque

8 vous avez quitté Pristina avec vos collègues et avec l'interprète Shaban

9 Hoti, quelle était votre destination ?

10 R. Nous voulions nous rendre dans le secteur albanais. Nous voulions

11 travailler dans ce secteur, parce que nous avions déjà terminé notre partie

12 du reportage afférent aux Serbes. Donc, nous avions terminé cette partie de

13 notre reportage.

14 Q. Lorsque j'utilise le mot "destination" que j'ai utilisé lors de ma

15 question précédente, j'ai essayé d'être précis. Est-ce que vous souhaitiez

16 vous rendre dans un endroit bien précis ?

17 R. Nous avions des renseignements à propos des endroits où nous aurions pu

18 trouver des Albanais à propos des territoires qu'ils détenaient. Il y avait

19 différents endroits. Nous avions plusieurs endroits auxquels nous pensions.

20 Il n'y avait pas que Lapusnik, il y avait également d'autres endroits où

21 nous nous rendions auparavant. Nous pouvions y travailler en toute

22 latitude.

23 Q. Est-ce que vous vous dirigiez vers le village de Lapusnik, ou est-ce

24 que vous vous dirigiez vers d'autres endroits ?

25 R. A ce moment-là, je ne savais pas que ce village s'appelait Lapusnik.

Page 1753

1 Mais j'avais une petite idée des endroits où nous aurions pu trouver des

2 combattants albanais.

3 Q. Je vous ai posé cette question comme je viens de le faire, parce que

4 lors de votre première déclaration du 23 décembre 2003, voilà les mots que

5 l'on trouve : "Vers 8 heures du matin, le

6 20 juillet, nous sommes partis avec notre interprète en direction du

7 village de Lapusnik, et ce, pour faire un film et obtenir des informations

8 de la part des Albanais."

9 Est-ce que vous vous souvenez avoir dit cela lors de cette déposition ?

10 R. Oui, tout à fait. Je l'ai dit. Vers 8 heures, le

11 20 juillet 1998. Il faut savoir que cette déposition a été présentée le

12 23 décembre 2003. A ce moment-là, je savais vers quelle direction j'allais.

13 C'est pour cela que j'ai pu donner le nom du village.

14 Q. Je voudrais que nous procédions par étape pour ce qui est de votre

15 itinéraire. J'aimerais vous demander ou demander que l'on place devant vous

16 la photographie que vous avez regardée tout à l'heure. Il s'agit du P87 et

17 de la photographie P6. Il s'agit de la photographie qui représente le

18 barrage, ou le poste de contrôle.

19 Est-ce que vous-même ou toute autre personne se trouvant dans votre

20 véhicule avez pris ces photographies ?

21 R. Non, nous n'avons pas pris ces photos. Nous n'avions pas de matériel

22 qui nous aurait permis de prendre ce genre de photos. Nous avons juste un

23 matériel vidéo, un caméscope, et nous n'avions pas d'autre matériel avec

24 nous.

25 Q. Si vous prenez la photographie de l'un des hommes, il y en a un qui est

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1 appuyé contre la voiture.

2 M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci. Il s'agit d'un élément que l'on

3 trouve sur la photographie P87.

4 Q. Lorsque vous regardez cette photographie, que vous regardez les maisons

5 qui se trouvent au loin, à l'horizon, alors, je -- vous avez dit et je suis

6 d'accord, qu'il s'agit de la zone où se trouve située le village de

7 Lapusnik. A la droite de la photographie, en d'autres termes, au-delà de la

8 jeep et du monticule, du tas de pneus, saviez-vous, et c'est la question

9 que j'aimerais vous poser, s'il y avait un déploiement de forces serbes

10 dans ce secteur ?

11 R. Non. Nous ne le savions pas. De surcroît, la photo qui est montrée ici

12 a été prise bien plus tard, après le 20 juillet. Parce que le 20 juillet

13 était un peu différent. Il n'y avait pas de véhicule de combat auprès de ce

14 poste de contrôle. Il y avait des voitures. Il y avait quelques personnes

15 qui avaient des mitraillettes. Peut-être que certains avaient des

16 mitraillettes lourdes. Mais je ne savais pas qu'il y avait des troupes

17 déployées à ce niveau-là.

18 Q. Par exemple, lorsque vous avez été dans un premier temps arrêtés par

19 les Serbes au poste de contrôle serbe, est-ce que quelqu'un vous a dit :

20 Faites attention, il y a des soldats qui se trouvent hors de la route, qui

21 sont dans la direction de Lapusnik et il s'agit de tireurs d'élite ? Est-ce

22 que quelqu'un vous l'a indiqué ?

23 R. On nous a dit et je l'ai dit, ils nous ont dit : Faites attention. Il

24 serait plus judicieux que vous n'alliez pas du côté du secteur albanais,

25 mais je dois vous dire que pour ce qui est de soldats, par exemple, de

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1 soldats serbes ou de tireurs d'élite, ils ne nous ont rien dit. Si nous

2 avions vu des tireurs embusqués, cela aurait été un mauvais tireur

3 embusqué, un mauvais tireur embusqué.

4 Q. Je ne sais pas ce que l'on entendra par un bon tireur embusqué, mais je

5 vais passer à autre chose.

6 J'aimerais maintenant vous demander de regarder la photo de tous ces

7 objets ou obstacles que l'on trouve sur la route. Je vous la montre pendant

8 que je parle maintenant. Il s'agit d'une partie du P6. Monsieur Safiulin,

9 si vous regardez dans ma direction, la voilà cette photo. Voilà, vous

10 l'avez. Très bien.

11 Pour ce qui est du 20 juillet, il s'agit de la journée où vous aviez

12 emprunté cette route, par opposition à la journée où la photo aurait pu

13 être prise. Etes-vous d'accord avec moi pour dire qu'il y avait un barrage

14 qui était composé de rochers, de galets et peut-être d'une ou deux

15 voitures, ou un ou deux véhicules, qui se trouvaient juste au niveau du

16 virage ? Est-ce que c'est ainsi que vous vous souvenez de cette journée ?

17 R. Sur cette photo, on ne peut voir que ce qu'on appelle des chevaux

18 de frise antichars. Juste derrière, il y avait effectivement deux véhicules

19 renversés sur le côté, des rochers et des galets.

20 Q. J'aimerais vous poser une question à propos de l'endroit où vous

21 avez été emmené pour votre interrogatoire. Vous nous en avez fourni une

22 description. Dans la déclaration du 23 décembre, voilà comment vous

23 décrivez cela : un bâtiment en béton avec des murs en béton et un sol en

24 béton. J'ai cité vos propos de la déclaration du 23 décembre. En septembre

25 2004, lors d'une séance de question-réponse avec M. Lehtinen, vous avez

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1 décrit cela comme "un poste permanent à un étage… pas ce que l'on

2 appellerait un domicile ou une maison résidentielle."

3 R. J'ai dit que ce bâtiment aurait pu être utilisé comme un poste à

4 un étage. Mais ce n'était pas exactement ce qu'on appelle un poste. Ce

5 bâtiment aurait pu faire office de poste, parce qu'il était extrêmement

6 bien situé. Dans ce bâtiment, personne n'habitait.

7 Q. Monsieur Safiulin, l'emplacement de ce bâtiment est très

8 important, et je veux m'assurer d'avoir compris ce que vous avez dit. Est-

9 ce vous pouviez voir la route Peja-Pristina à partir de ce bâtiment ? Ce

10 sera ma première question.

11 R. Oui, je le pense.

12 Q. Ma deuxième question est comme suit : est-ce que vous pouviez voir ce

13 bâtiment depuis la route Peja-Pristina ?

14 R. Oui, nous pouvions voir ce bâtiment à partir ou depuis la route Peja-

15 Pristina.

16 Q. Merci. Je voudrais maintenant vous poser une question à propos des

17 circonstances qui ont abouti à votre détention. Lors de l'interrogatoire

18 principal, en d'autres termes, lorsque M. Cayley vous posait des questions,

19 vous avez utilisé l'expression suivante : "Nous n'avons pas obéis à leurs

20 ordres."

21 Monsieur Safiulin, voilà ce que j'aimerais vous suggérer. Votre

22 comportement ainsi que le comportement de votre équipe, ce jour-là, aurait

23 pu être considéré comme une provocation. Etes-vous d'accord avec ce que

24 j'avance ?

25 R. Non, je ne suis pas d'accord. A ce moment-là, les Albanais ne

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1 contrôlaient pas le territoire du Kosovo, ne faisaient pas la loi. J'avais

2 une accréditation qui avait été délivrée par le ministère des Affaires

3 étrangères. J'avais ma carte de service. Je peux la présenter comme élément

4 de preuve. J'avais tout à fait le droit de travailler, d'œuvrer sur ce

5 territoire et de désobéir aux personnes qui pensaient contrôler ce

6 territoire. Je n'avais pas besoin de la permission pour travailler là.

7 J'avais déjà obtenu une accréditation qui m'avait été donné par les

8 autorités officielles.

9 Q. Je n'avais pas l'intention d'indiquer que vous pourriez -- vos efforts

10 pourraient être couronnés de succès au sein d'un tribunal, mais ce que

11 j'avance, c'est que vous avez eu un certain comportement. J'aimerais

12 expliquer ce que j'entends. Vous avez été arrêtés par les soldats de l'UCK,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui, nous avons été arrêtés.

15 Q. On vous a demandé de repartir, n'est-ce pas ?

16 R. C'est ce qu'on nous a dit.

17 Q. A quelques 3 kilomètres, vous vous êtes arrêtés et vous avez commencé à

18 filmer.

19 R. A quelque 800 mètres.

20 Q. A 800 mètres donc, je m'excuse. Et vous filmiez à l'aide de votre

21 caméscope ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous aviez déjà été arrêtés par les Serbes, qui vous avaient mis en

24 garde pour ce qui était de la poursuite de votre itinéraire de cette

25 route ?

Page 1758

1 R. Oui. Cela d'ailleurs a déjà été mentionné dans les documents qui vous

2 ont été présentés.

3 Q. En fait, vous laissez, ou vous faites peut-être abstraction de ce que

4 les Serbes auraient pu vous dire ou auraient pu ne pas vous dire. Je vous

5 demanderais du point de vue de l'UCK, Monsieur, et je répète : Est-ce que

6 votre comportement ou vos actes auraient pu être considérés comme un geste

7 de provocation ? Est-ce que vous d'accord ?

8 R. Je ne peux pas savoir comment ils auraient pu interpréter ces actes. Ce

9 que je peux vous dire, c'est que j'avais l'accréditation officielle qui

10 m'avait été délivrée par les autorités de l'état, et j'avais tout à fait le

11 droit de travailler dans ce secteur. Je savais où j'avais le droit de

12 travailler à cette phase du conflit. Je n'avais pas besoin de demander la

13 permission aux combattants albanais et de leur demander la permission pour

14 savoir si j'avais le droit de travailler ou si je n'avais pas le droit de

15 travailler, surtout si l'on se souvient que je n'étais pas sur un

16 territoire qui était placé sur leur contrôle, mais à une certaine distance

17 de ce poste. La règle de tout journaliste et tout un chacun c'est cela.

18 C'est que si l'on essaie de vous chasser de quelque part vous essayez de

19 revenir, et je voulais présenter un bon reportage.

20 Q. Je suis sûr que vous êtes un des journalistes les plus courageux que la

21 Russie aura.

22 R. Je suis sûr que vous êtes un juriste tout à fait capable d'affirmer son

23 point de vue.

24 Q. Qu'est-il advenu du film que vous avez pris ce jour-là ?

25 R. Le film a été conservé par les Albanais.

Page 1759

1 Q. Je voudrais vous poser une autre question. Vous en avez parlé

2 d'ailleurs lors de votre déposition de septembre 2004. Vous souvenez-vous

3 qu'une question vous avait été posée à propos de l'apparence de Shaban Hoti

4 et à propos de ce que vous saviez de cet homme ? Vous avez fourni une

5 description de cet homme à M. Lehtinen. J'aimerais juste, Monsieur

6 Safiulin, si vous me le permettez vous lire une phrase de votre réponse, de

7 votre réponse qui a été fournie à l'enquêteur du TPIY.

8 "Nous avons par la suite demandé à l'un des amis de Shaban Hoti si Shaban

9 collaborait avec la police serbe, et il nous a dit qu'il le faisait.

10 Toutefois, Shaban Hoti, lui-même, ne nous a jamais laissé entendre qu'il

11 aurait pu avoir des liens avec la police serbe."

12 R. C'est tout à fait exact.

13 Q. Monsieur Safiulin, vous souvenez-vous avoir fourni cette réponse en

14 2004 ?

15 R. Oui. Vous venez de le citer. Nous avons demandé à l'un des amis de

16 Shaban si Shaban avait coopéré avec la police serbe, ce que son ami a

17 confirmé d'ailleurs. Auparavant, avant que nous nous rendions dans cet

18 endroit, et avant que nous soyons capturés, nous ne le savions pas. Bien

19 entendu, personne ne serait allé nulle part si nous avions su que Shaban,

20 d'une façon ou d'une autre, avait des liens avec la police.

21 Q. Bien sûr que non. Etes-vous en mesure de nous dire qui était cet ami de

22 Shaban, cet ami qui vous a dit qu'il était collaborateur ? Parce que nous

23 ne savons pas de qui il s'agit.

24 R. Je ne me souviens pas de son nom. Je sais qu'il avait un café à

25 Pristina. Je ne pense pas que vous le trouverez. De toute façon, ce café

Page 1760

1 appartient probablement déjà à des Albanais.

2 Q. Un moment, je vous prie.

3 [Le Conseil de la Défense se concerte]

4 M. TOPOLSKI : [interprétation]

5 Q. L'ami dont vous parlez était Serbe ou Albanais ?

6 R. Il était Serbe.

7 Q. Je voudrais peut-être revenir un peu en arrière et vous poser une

8 question à propos de l'interrogatoire. Monsieur Safiulin, devons-nous

9 comprendre qu'outre le fait que vous aviez vos bras attachés dans votre dos

10 ce qui, j'en suis absolument sûr n'était pas du tout confortable, vous

11 n'avez pas fait l'objet d'autres sévices physiques. Est-ce que c'est ce que

12 vous nous dites ?

13 R. Non, non, il n'y a pas eu d'autres sévices physiques dans notre cas.

14 Vous avez tout à fait raison.

15 Q. Lors de vos déclarations, vous aviez dit qu'il y avait eu une apparence

16 de formalité pour ce qui est de cette interrogation. Vous souvenez-vous

17 qu'il y avait un bureau ou une table et une chaise qui a été amené et que

18 la personne qui vous interrogeait était assise derrière cette table ? Vous

19 vous en souvenez ? Il y avait quelqu'un qui consignait et qui prenait des

20 notes.

21 R. Je pense que ce que vous avez indiqué, c'est ce qui a été indiqué par

22 notre caméraman, Aleksandar Galanov. Je me souviens qu'ils ont amené une

23 chaise, une table et qu'il y avait un grand registre qui a été amené et

24 qu'un homme est arrivé et s'est assis derrière la table. Il y avait deux

25 gardes armés qui se trouvaient derrière lui.

Page 1761

1 Q. On vous a posé quelques questions à propos de vos antécédents

2 personnels, de votre vie personnelle; c'est exact ?

3 R. Oui.

4 Q. Puis-je avancer, Monsieur Safiulin, que ce qui les intéressaient

5 particulièrement, c'est ce que vous faisiez dans ce pays; quand est-ce que

6 vous étiez arrivé; et quel était objectif de votre voyage et où vous aviez

7 recruté l'interprète ? Ce sont le genre de questions qu'ils vous ont

8 posées, n'est-ce pas ?

9 R. Non, ils n'ont pas posé de questions à propos de Shaban, mais ils m'ont

10 effectivement posé toutes les autres questions que vous venez de

11 mentionner. Ce sont des questions qui m'ont été posées, et d'ailleurs vous

12 avez cité certaines de mes réponses.

13 Q. La personne qui menait à bien l'interrogatoire avait allégué que M.

14 Hoti avait des liens avec la police serbe et que, il se pourrait que vous

15 soyez espion. C'est ce qu'il a suggéré, n'est-ce pas ?

16 R. Oui. C'est ce qui a été dit. Il avait été dit que Shaban Hoti n'était

17 pas la personne qu'il disait être et qu'il avait coopéré avec la police

18 serbe. Puisque nous nous trouvions avec lui, nous devions également être

19 également des espions, et que conformément aux lois régissant la guerre,

20 nous devions être exécutés.

21 Q. Avez-vous en fait lu une déclaration de M. Galanov à propos de cela,

22 Monsieur Safiulin ?

23 R. Non. Ce ne sont pas les documents qui m'ont été donnés.

24 Q. Vous nous avez dit que votre caméscope ainsi que vos pellicules ou

25 votre film ont été confisqués et saisis. Je suppose que vous ne les avez

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1 jamais récupérés. Est-ce qu'une émission a été faite à la suite de votre

2 expérience en tant que correspondant ou journaliste important ayant été

3 détenu par l'UCK ? Est-ce qu'il y a eu une émission qui a été faite à ce

4 sujet ?

5 R. Oui, bien sûr. Il y a eu une émission et nous avons récupéré d'ailleurs

6 notre caméscope. Ils n'ont pris que la bande vidéo. Nous avons travaillé

7 avec ce caméscope, le lendemain. Nous sommes revenus au poste de contrôle

8 serbe et nous avons filmé Lapusnik et nous avons utilisé d'ailleurs cette

9 partie du film dans notre rapport. D'ailleurs nous avons utilisé la même

10 voiture qui nous avait été rendue, et si vous souhaitez vous pouvez

11 demander que toutes ces cassettes vidéo soient présentées au Tribunal.

12 Q. Très bien, je vous remercie d'ailleurs de votre offre. Il se peut

13 d'ailleurs que nous vous demandions de le faire. Est-ce que c'est la raison

14 qui vous a poussé à y revenir trois mois plus tard, à essayer de retrouver

15 l'endroit où vous aviez été interrogé vers octobre 2000 ou 1998 ? Je vous

16 pose la question parce que c'est ce que vous avez indiqué en septembre

17 2003, vous avez dit que vous étiez retourné sur ces lieux-là. Est-ce que le

18 but était justement de faire un film ?

19 R. Nous sommes revenus là-bas, non pas pour faire un film, mais nous

20 sommes revenus là-bas pour filmer les événements qui se déroulaient dans

21 cette région autonome du Kosovo à ce moment-là. Nous avons filmé ces

22 groupes qui se trouvaient là, pendant deux à trois semaines, et ensuite,

23 bon ils travaillaient quelques semaines, qu'il y avait un autre groupe qui

24 arrivait. Il y a eu un roulement constant à partir de 1998, et je n'avais

25 pas insisté pour ce faire, mais la mission de se rendre au Kosovo, c'était

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1 quelque chose qui représentait une mission constante pour nous, puisque

2 c'était véritablement ce qui faisait la une de la presse. C'est pour cela

3 que je m'y suis rendu à nouveau. Ce n'était pas que nous souhaitions nous

4 rendre à Lapusnik à nouveau. A ce moment-là, d'ailleurs, la JNA avait déjà

5 évacué le territoire des Albanais, et par conséquent nous avons eu la

6 possibilité de revenir là-bas et de filmer les événements qui s'étaient

7 déroulés.

8 Q. Est-ce que vous pourriez décrire le type de véhicule à bord duquel vous

9 et vos collègues, vous êtes déplacés ce jour-là ?

10 R. C'était une Passat rouge foncée. Je ne me souviens pas de la plaque

11 d'immatriculation, mais les deux premières lettres étaient BG, Belgrade.

12 Nous avons apposé les lettres "TV" sur le véhicule.

13 Q. BG 987871 ?

14 R. Je ne me souviens pas de la plaque d'immatriculation au complet. Je

15 sais que les deux premières lettres étaient BG. Si vous le souhaitez, si

16 vous regardez le documentaire que nous avons tourné, vous pourrez voir

17 quelle est la plaque d'immatriculation exacte du véhicule. Les premières

18 lettres étaient BG. Si vous le souhaitez, si vous regardez le documentaire

19 que nous avons tourné, vous pourrez voir quelle est la plaque

20 d'immatriculation exacte du véhicule.

21 Q. Merci. Ai-je raison de dire que vous et vos collègues aviez été arrêtés

22 à bord de cette voiture le 20 juillet, vers 10 heures 20 ?

23 R. Je pense que oui. C'était à peu près cette heure-ci. Nous sommes partis

24 vers 8 ou 9 heures, et nous avons dû arriver cers 10 ou 11 heures. Il est

25 difficile de donner une heure précise aujourd'hui, car beaucoup de temps

Page 1764

1 s'est écoulé depuis.

2 Q. Tout à fait. Monsieur Safiulin, je souhaiterais vous poser une ou deux

3 questions au sujet du registre, qui a été préparé par quelqu'un d'autre.

4 Est-ce que vous vous souvenez que l'on ait pris vos empreintes

5 digitales ?

6 R. On n'a pas pris mes empreintes digitales. La seule fois que l'on

7 a pris mes empreintes digitales, c'était il y a 15 ans environ. La seule

8 fois où mes empreintes digitales ont été prises, c'était 15 ans avant cela.

9 Q. Vous vous êtes sans doute entretenu longuement avec vos collègues

10 après cet incident, après avoir été libéré.

11 Est-ce que l'un d'entre eux vous a dit que ses empreintes digitales

12 avaient été prises ?

13 R. Non. Ils n'ont pas mentionné cela.

14 Q. Je vous remercie, Monsieur le Témoin.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski, je vous remercie.

16 Maître Guy-Smith, vous avez la parole.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

18 Contre-interrogatoire par M. Guy-Smith :

19 Q. [interprétation] S'agissant du récit de votre tournage, après avoir

20 perdu votre pellicule, si je vous ai bien compris, vous êtes revenus dans

21 le secteur où se trouvait le poste de contrôle serbe le lendemain, et vous

22 avez poursuivi votre tournage, n'est-ce pas ?

23 R. Oui, c'est exact. C'est ce que nous avons fait le lendemain.

24 Q. Pendant que vous filmiez, je suppose que vous racontiez l'expérience

25 que vous avez vécue la veille; est-ce exact ?

Page 1765

1 R. Je n'ai pas compris votre question. Est-ce que vous pourriez la

2 reformuler, s'il vous plaît ? Qu'est-ce que j'ai raconté à qui ? Est-ce que

3 cela faisait partie de mon documentaire ?

4 Q. Oui. Lorsque vous filmiez, vous racontiez également l'expérience que

5 vous aviez vécue. C'était là votre récit ?

6 R. A l'époque, oui. Mais pas seulement ce qui nous était arrivé. Dans ce

7 documentaire, nous avons également parlé de la situation dans la région, y

8 compris de ce qui était arrivé aux journalistes.

9 Q. S'agissant du voyage que vous avez entrepris la veille, si j'ai bien

10 compris votre déposition, vous avez déclaré qu'après avoir passé le poste

11 de contrôle serbe, vous avez conduit pendant un certain temps avant de

12 rencontrer un autre obstacle sur la route, n'est-ce pas ?

13 R. Vous voulez parler du lendemain, après notre détention ?

14 Q. Je veux parler du jour où vous avez été détenu, le jour où vous avez

15 rencontré un obstacle. Je ne sais pas si vous avez toujours cette

16 photographie sous les yeux. Excusez-moi. Je pensais que vous aviez cette

17 photographie sous les yeux.

18 R. Je ne comprends pas votre question.

19 Q. Vous avez à présent sous les yeux la photographie U007-2200, n'est-ce

20 pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Ma question est la suivante : après avoir passé le poste de contrôle

23 serbe, la fois suivante, lorsque vous avez été arrêté sur la route, c'est

24 au niveau de cet obstacle que vous avez décrit comme des chevaux de frise ?

25 R. Oui.

Page 1766

1 Q. Sur la photographie, on ne voit pas d'autres obstacles, qui d'après

2 vous se trouvaient sur la route ce jour-là également, c'est-à-dire des

3 rochers, des galets, des voitures ?

4 R. Oui, c'est exact.

5 Q. Après votre détention, est-ce que vous êtes passé de nouveau par ce

6 poste de contrôle-là ?

7 R. La première fois que nous sommes arrivés au poste de contrôle, on nous

8 a dit qu'on n'était pas autorisé à filmer à cet endroit. Nous avons fait

9 demi-tour, et nous sommes passés à côté de l'autocar qui était criblé de

10 balles. Ensuite, ces hommes armés on fait irruption, et nous ont placés en

11 détention.

12 La deuxième fois que nous sommes passés au niveau de ce poste de contrôle,

13 nous étions en voiture. Nous sommes passés à côté de ce poste de contrôle.

14 Q. Lorsque l'on vous a conduit à proximité de ce poste de contrôle, à

15 quelle distance vous trouviez-vous de la maison à l'intérieur de laquelle

16 vous nous avez dit que vous aviez été interrogé ?

17 R. Nous ne sommes passés à côté de ce poste de contrôle qu'une seule fois.

18 La première fois, nous n'avons pas contourné le poste de contrôle. Si vous

19 lisez attentivement ma déclaration, vous verrez que j'ai déclaré que nous

20 n'étions pas allés directement vers la maison. Nous avons conduit en

21 cercles pendant assez longtemps, sous escorte armée. De temps en temps, ils

22 faisaient semblant d'essayer de tirer sur nous, pour nous faire peur.

23 Q. Alors que vous conduisiez en cercle, est-ce que vous conduisiez sur des

24 routes goudronnées, tout le temps ?

25 R. Non. De temps en temps, nous empruntions des routes secondaires et des

Page 1767

1 sentiers.

2 Q. Lorsque vous avez rencontré M. Lehtinen, je ne sais pas si vous avez

3 votre déclaration sous les yeux. Il s'agit de la déclaration datée du mois

4 de septembre. Est-ce que vous l'avez devant vous ?

5 R. Oui.

6 Q. A l'époque, non seulement on vous a montré plusieurs photographies

7 concernant des endroits précis, mais on vous a également montré une série

8 de photographies concernant des personnes; est-ce exact ?

9 R. Oui.

10 Q. Alors que l'on vous a montré une série de photographies concernant des

11 personnes dont vous avez identifié deux hommes, je pense qu'il s'agit des

12 suspects 89 et 90. Est-ce qu'on vous a montré ces photographies séparément

13 ou ensemble, sous forme de liasse ?

14 R. Il y avait plusieurs photographies et plusieurs visages, mais je n'ai

15 pas reconnu ces personnes. On m'a montré plusieurs photographies et on m'a

16 demandé si je reconnaissais qui que ce soit. Je ne peux pas affirmer avec

17 certitude que se sont ces personnes-là qui étaient sur les photographies.

18 Je n'étais pas du tout sûr de l'identité de la personne apparaissant sur la

19 photographie 1566, mais pour ce qui est de la photographie 1567, j'ai

20 davantage confiance. Je pense savoir qu'il s'agit bien de la personne qui

21 contrôlait le poste de contrôle albanais.

22 Q. S'agissant de la photographie que vous avez identifiée comme étant la

23 photographie 1567, je pense qu'il s'agit de la pièce à conviction de

24 l'Accusation 89, et non pas du suspect numéro 89. Il s'agit de la

25 photographie d'un homme qui a une moustache, n'est-ce pas ?

Page 1768

1 R. Oui. Cette personne dont j'ai la photographie sous les yeux a une

2 moustache. C'est exact.

3 Q. Ses cheveux sont foncés, n'est-ce pas ?

4 R. Oui.

5 Q. Etait-il grand ?

6 R. Quiconque mesure plus de 1 mètre 68 est grand pour moi.

7 Q. Très bien. Avez-vous appris l'identité de l'homme qui figure sur cette

8 photographie, et avez-vous appris que cet homme s'appelait Shala ?

9 R. Non. Je ne connais pas très bien les noms albanais, et je ne sais pas

10 comment les Albanais s'adressent entre eux. Ils pouvaient utiliser des

11 surnoms, des prénoms des noms de famille, donc je n'ai pas vraiment fait

12 attention à cela. Nous étions dans une situation telle que nous n'étions

13 pas maître de notre sort. Il n'était pas vraiment nécessairement que nous

14 sachions le nom de la personne qui allait nous tirer dessus.

15 Q. Je comprends bien votre réponse. Mais ma question est la suivante :

16 vous n'avez pas appris que l'homme que l'on voit sur cette photographie

17 s'appelait Shala ?

18 R. Je peux vous assurer que je ne connais pas le nom de cette personne.

19 Q. Très bien. Lorsque l'on vous a montré la photographie 1567, pièce à

20 conviction de l'Accusation 89, est-ce que cette photographie vous a été

21 présentée de la même manière que celle dont je vous la présente à présent ?

22 R. A l'époque où l'on m'a montré ces photographies à Moscou, elles ne

23 m'ont pas été montrées de façon séparées. Sur toutes les photos, tous les

24 visages qui m'ont été montrés à Moscou, ce visage me semblait être le plus

25 familier. Je peux vous assurer à presque 90% que cet homme ressemble au

Page 1769

1 commandant qui nous a placés en détention et a décidé de notre sort

2 ultérieur.

3 Q. Merci. Lorsque l'on vous a montré la photographie de cet homme, cet

4 homme qui selon vous était un commandant. Est-ce que l'on vous a montré

5 cette photo de façon séparée ?

6 M. CAYLEY : [interprétation] Objection, le témoin s'est déjà vu poser cette

7 question, et il y a répondu.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, il n'y a pas encore répondu.

9 J'invite la Défense à poursuivre.

10 M. GUY-SMITH : [interprétation]

11 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous pourriez répondre à ma question, si

12 vous vous en souvenez ?

13 R. Vous essayez de me faire dire que soit on m'a montré cette photographie

14 séparément, soit on me l'a montré comme faisant partie d'un groupe de

15 photographies. Est-ce que c'est cela que vous souhaiteriez savoir ?

16 Q. Oui. J'essaie de comprendre la chose suivante : lorsque l'on vous a

17 montré ces photographies, l'une de ces photographies, au moins, vous a paru

18 familière. Est-ce que l'on vous a montré des photographies individuelles

19 d'hommes, les unes après les autres, ou est-ce que l'on vous a montré une

20 page, une feuille sur laquelle se trouvaient plusieurs photographies ?

21 R. Sur chaque photographie, il y avait un visage.

22 Q. Très bien.

23 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je n'ai plus de questions à poser au

24 témoin, Monsieur le Président.

25 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je demande aux Juges de la Chambre de

Page 1770

1 première instance d'être patients avec moi. Il y a trois petites questions

2 brèves que j'ai oublié de poser au témoin. Je demande l'autorisation de le

3 faire.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Allez-y, je vous en prie.

5 Contre-interrogatoire par M. Topolski :

6 M. TOPOLSKI : [interprétation]

7 Q. Monsieur Safiulin, il y a trois questions que je souhaiterais vous

8 poser.

9 Nous savons que vous avez été placé en détention le

10 20 juillet 1998 et que vous avez été libéré un peu plus tard cette nuit-là.

11 Saviez-vous que six jours plus tard, il y a eu une offensive serbe de

12 grande envergure dans la région de Lapusnik ?

13 R. Oui, les Serbes ont effectivement lancé une offensive.

14 Q. Après votre libération et par la suite, n'avez-vous jamais parlé à un

15 membre quelconque des services de Sûreté de l'Etat du Kosovo concernant

16 votre expérience ?

17 R. Nous avons seulement fourni une déclaration concernant le fait que

18 notre interprète ait été fait prisonnier par les Albanais. Par la suite,

19 nous n'avons pas informé la police serbe d'autres choses que cela. La

20 télévision de Belgrade a essayé de m'interviewer afin que je décrive cet

21 incident, mais nous ne l'avons pas fait. Nous avons tout simplement

22 poursuivi notre mission jusqu'à la fin de notre séjour. Le 26 juillet, nous

23 avons quitté la Yougoslavie.

24 Q. La déclaration que vous venez de mentionner, à savoir, celle concernant

25 la capture de votre interprète, cette déclaration a-t-elle été faite à

Page 1771

1 Pristina ?

2 R. Oui, nous avons fourni cette déclaration à la police serbe de Pristina.

3 Q. Je réalise que beaucoup de temps s'est écoulé depuis les événements.

4 Vous souvenez-vous toutefois du nom de l'un quelconque des officiers de

5 police serbe à qui vous avez parlé et à qui vous avez fait une déclaration

6 concernant ces événements ?

7 R. Non, je ne me souviens ni de leur prénom ni de leur nom de famille. Je

8 pense qu'à l'époque, nous ne connaissions pas leurs noms non plus. Nous

9 avons trouvé l'officier de permanence. Puis, nous avons expliqué ce qui

10 nous était arrivé. Nous étions tellement bouleversés que nous n'étions pas

11 en mesure de répondre à leurs questions. Nous avons simplement signalé le

12 fait que Shaban Hoti avait été fait prisonnier et nous avons quitté le

13 poste de police.

14 Q. Une dernière question à présent : hormis les membres de la police serbe

15 à qui vous avez parlé, n'avez-vous jamais parlé de votre expérience à

16 Lapusnik à des membres de l'Armée serbe ?

17 R. Non, personne ne nous a contactés. J'ai seulement appelé la fille de

18 Shaban et je lui ai expliqué ce qu'ils nous étaient arrivés. Le lendemain,

19 l'information était rendue publique. On a su que des journalistes russes

20 avaient été arrêtés par des combattants albanais du Kosovo. Il était

21 difficile de passer n'importe quel poste de contrôle, y compris les postes

22 de contrôle serbe. La même chose aurait pu nous arriver à un poste de

23 contrôle serbe. Cette information, d'une certaine manière, nous a aidé à

24 faciliter nos déplacements tout du moins dans les régions contrôlées par

25 les Serbes.

Page 1772

1 Q. Merci de votre patience. J'ai une toute dernière question à vous poser.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] [Hors micro]

3 M. TOPOLSKI : [aucune interprétation]

4 Q. Aviez-vous l'intention dès le départ de partir le

5 26 juillet ?

6 R. Oui, telle était notre intention.

7 Q. Merci.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Khan, avez-vous des questions à

9 poser ?

10 M. KHAN : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, une ou deux

11 questions.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je ne suis pas sûr qu'il en sera

13 vraiment ainsi.

14 Contre-interrogatoire par M. Khan :

15 Q. [interprétation] Vous souvenez-vous avoir fourni deux déclarations au

16 représentant du bureau du Procureur concernant le cas d'espèce ?

17 R. Deux déclarations ?

18 Q. Oui.

19 R. A quoi pensez-vous ?

20 Q. Vous souvenez-vous avoir fourni deux déclarations au bureau du

21 Procureur concernant vos expériences au Kosovo en 1998, et lui avoir fourni

22 des informations concernant Shaban Hoti ?

23 R. Oui, j'ai été interrogé à Moscou le 23 décembre 2003. C'est le bureau

24 du Procureur de Moscou, le procureur public qui m'a interrogé. Ensuite, le

25 16 septembre 2004, j'ai été interrogé par des représentants du Tribunal à

Page 1773

1 Moscou. C'est tout. S'il s'agit là des deux déclarations que vous aviez à

2 l'esprit, je pense avoir répondu à votre question.

3 Q. C'est exact. Vous y avez répondu. Je vous en remercie. Bien entendu,

4 vous vous souvenez avoir décrit dans ces déclarations que ces soldats qui

5 étaient sortis des buissons portaient des talkies-walkies qui, selon vous,

6 ressemblaient à des jouets. Vous souvenez-vous avoir déclaré cela ?

7 R. Oui. Ils ressemblaient à des talkies-walkies pour enfants, des jouets

8 qui peuvent acheter dans un magasin de jouets. Ils étaient de couleur

9 jaunâtre. Ce sont des talkies-walkies qui n'ont qu'une portée limitée. Ils

10 fonctionnaient toutefois. Ils avaient par ailleurs des talkies-walkies de

11 type militaire plus puissants à leur disposition.

12 Q. Pourquoi n'avez-vous pas mentionné ces talkies-walkies plus puissants

13 de type militaire dans votre déclaration aujourd'hui ?

14 R. Sans doute parce que personne ne m'a posé la question.

15 Q. Est-ce que c'est parce que vous n'avez pas vu de véritables talkies-

16 walkies de type militaire ?

17 R. Est-ce que vous essayez de dire qu'ils avaient également des pistolets

18 pour enfants, des jouets ?

19 Q. Vous n'avez pas répondu à ma question.

20 R. Ils avaient des talkies-walkies pour enfants de couleur jaune. Ils

21 avaient également des talkies-walkies militaires, de l'armée. Je vous ai

22 déjà expliqué que plusieurs commandants sont venus puis repartis. Que

23 pensiez-vous que ces commandants utilisaient pour communiquer entre eux ?

24 Ils devaient utiliser des talkies-walkies plus puissants.

25 Q. Pourquoi n'avez-vous pas mentionné ces talkies-walkies avant

Page 1774

1 aujourd'hui ? N'est-ce pas parce que vous ne les avez jamais vus ?

2 R. La raison en est que je ne m'en souvenais peut-être pas moi-même.

3 Personne ne m'a posé de questions au sujet de ces talkies-walkies plus

4 puissants. Personne ne m'a posé de questions à ce sujet, que ce soit

5 lorsque j'ai fait ma première déclaration ou lorsque j'ai fait ma deuxième

6 déclaration.

7 Q. En tant que Russe, quel était le rapport que vous aviez avec les Serbes

8 du Kosovo ? Est-ce que vous aviez un bon rapport avec eux ?

9 R. Je pourrais dire que je suis un Tartare. Je suis Musulman. J'ai des

10 rapports très bons avec tous les groupes ethniques; les Serbes, les

11 Albanais et toutes les autres nationalités.

12 Q. Permettez-moi de vous reposer la question. Est-ce que vos rapports avec

13 les Serbes du Kosovo étaient excellents ? Est-ce que vous aviez de très

14 bons rapports avec eux ? Est-ce que c'étaient des rapports normaux ?

15 R. A quoi voulez-vous en venir lorsque vous me posez cette question

16 concernant les rapports ?

17 Q. Le Russes étaient populaires parmi les Serbes, n'est-ce

18 pas ? Est-ce que c'est une généralisation ? Est-ce que c'est injuste de

19 parler ainsi ? Dites-nous.

20 R. Dites-moi, s'il vous plaît, qu'est-ce que cela a à voir avec mon

21 témoignage ici ? Est-ce que vous voulez passer à un sujet politique ?

22 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je ne souhaite surtout

23 pas argumenter avec le témoin. Je ne veux que poser des questions tout à

24 fait simples et directes.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Répétez votre question, Monsieur Khan.

Page 1775

1 M. KHAN : [interprétation]

2 Q. Je vais essayer de poser ma question de nouveau. Je suis vraiment navré

3 de ne pas avoir été très clair. Les Russes étaient considérés comme étant

4 des alliés des Serbes, n'est-ce pas ? Est-ce une évaluation juste

5 concernant ce que vous pensez du Kosovo, ou est-ce bien une mauvaise

6 interprétation des rapports ?

7 R. Les Russes n'ont pas soutenu les Serbes de façon militaire. Les Russes

8 ont toujours dit que le Kosovo était une question interne à résoudre au

9 sein de la Yougoslavie, et que les deux peuples qui vivaient dans ce pays

10 devaient résoudre leurs problèmes eux-mêmes.

11 Vous seriez sans doute satisfait si je vous disais la chose suivante :

12 permettez-moi de vous dire ce que les Albanais ont dit concernant votre

13 question. Les Albanais ont dit : Vous les Russes, vous êtes Russes. Vous

14 êtes sûrement en train d'appuyer les Serbes. Si vous appuyez les Serbes,

15 vous êtes des espions. Si vous êtes des espions et que vous vous trouvez

16 sur notre territoire, cela veut dire qu'il nous faut vous tuer.

17 Est-ce que c'est ce que vous vouliez ce que je vous dise ? Ma question est

18 peut-être appropriée si je vous la dis de cette façon-là.

19 Q. Non, je voulais simplement savoir si oui ou non, de façon générale,

20 les Serbes au Kosovo voyaient les Russes comme étant leurs Russes, leurs

21 alliés, leurs amis alors que pendant ce temps, le reste du monde condamnait

22 les Serbes pour ce qu'ils faisaient au Kosovo, pour la façon dont ils

23 traitaient les Albanais du Kosovo ?

24 R. Est-ce que vous me posez cette question ? Ce n'est pas moi qui ai

25 déterminé la politique interne ni la politique internationale de mon état.

Page 1776

1 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que je peux

2 m'arrêter ici.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Khan.

4 Monsieur Cayley. Nous ne savons pas si vous avez des questions pour ce

5 témoin.

6 M. CAYLEY : [interprétation] Non, je n'ai pas de questions pour ce témoin.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Safiulin, je suis heureux de

8 vous apprendre que cela met fin à votre témoignage. Nous vous remercions

9 énormément de vous être déplacé jusqu'ici. Je vous remercie au nom du

10 Tribunal de l'aide que vous nous avez apportée. Vous pouvez maintenant

11 disposer. Vous pouvez maintenant regagner votre demeure et revenir à votre

12 travail. Je vous remercie.

13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

14 [Le témoin se retire]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Cayley, le moment, est-ce que

16 c'est à cela que vous attendiez ?

17 M. CAYLEY : [interprétation] Monsieur le Président, en fait, je voulais

18 simplement porter une correction au compte rendu d'audience lorsque j'ai

19 évoqué la page 19, ligne 1. J'ai fait référence à la pièce de l'Accusation

20 2200, mais en réalité, je pensais à la pièce de l'Accusation qui porte la

21 cote 6, et qui porte également le numéro ERN 007-2200. C'est simplement ce

22 que je voulais dire pour le compte rendu d'audience. En réalité, Monsieur

23 le Président, pour cette semaine, nous n'avons pas d'autres témoins. Nous

24 aurons un autre témoin lundi de la semaine prochaine.

25 Concernant cette occasion justement, concernant la planification de la

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1 liste des témoins qui seront entendus pour le mois de janvier, nous vous

2 serions bien gré si vous pouviez nous entendre là-dessus lundi. Je me

3 demandais, si cela ne vous dérange, que nous voyions cela lundi.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vais vous dire précisément ce qui

5 va se passer si nous acceptons vos propositions sans avoir les dates

6 précises. En fait, la semaine prochaine nous siégerons lundi, mardi, et

7 mercredi. Vous remarquerez que nous ne nous trouvons pas sur le calendrier

8 pour ce qui est de la journée de jeudi et de vendredi.

9 Après les vacances judiciaires, nous reprendrons nos travaux le jeudi qui

10 suivra et non pas le lundi qui suivra la rentrée, car malheureusement,

11 d'autres engagements nous empêchent de siéger lundi, mardi, et mercredi.

12 C'est la raison pour laquelle nous proposons de siéger sans interruption en

13 janvier et en février, à l'exception de la dernière semaine complète de

14 février.

15 Est-ce que c'est une indication qui vous aide ?

16 M. CAYLEY : [interprétation] Oui, Monsieur le Président. Je vous en

17 remercie.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela évoque quelques soucis

19 dans l'esprit des conseils de l'Accusation ?

20 M. TOPOLSKI : [interprétation] Non, pas de soucis. Mais simplement, vous

21 avez apporté la clarification. Donc, le premier jeudi en janvier ?

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, absolument. C'est cela.

23 M. TOPOLSKI : [interprétation] Après le 10 ?

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. En fait, nous ne siégerons pas le

25 lundi immédiatement après la rentrée des vacances judiciaires, mais bien le

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1 jeudi qui suivra.

2 M. TOPOLSKI : [interprétation] De cette semaine.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

4 M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Car nous devons être à Amsterdam le

6 mercredi de cette semaine-là.

7 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis vraiment désolé, Monsieur le

8 Président, vous ne pourrez pas être à Amsterdam.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je dois être quelque part lundi et

10 mardi. Donc, je ne pourrais pas être disponible pour le Tribunal.

11 M. TOPOLSKI : [interprétation] Nous devons être à quelque part le

12 lundi et le mardi aussi.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis bien heureux que vous m'ayez

14 appris maintenant.

15 M. TOPOLSKI : [interprétation] Oui.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Alors, vous pouvez planifier toute la

17 semaine qui suivra la dernière semaine complète du mois de février.

18 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons lever la

20 séance, et nous reprendrons nos travaux lundi de la semaine prochaine à 14

21 heures 15.

22 --- L'audience est levée à 17 heures 11 et reprendra le lundi 13

23 décembre 2004, à 14 heures 15.

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