Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 28 février 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 17.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour à vous tous.

6 Maître Whiting.

7 M. WHITING : [interprétation] Bonjour, Monsieur le Président. Avant de

8 passer au témoin suivant, j'aimerais simplement me permettre un instant et

9 d'introduire un nouveau membre de notre équipe qui se trouve ici à ma

10 droite, M. Milbert Shin. Il travaille au sein de notre équipe dans les

11 coulisses depuis un certain temps et aujourd'hui, c'est la première fois

12 qu'il apparaît dans cette salle.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Bienvenue à M. Shin.

14 M. WHITING : [interprétation] Nous allons, à nouveau, jeter la confusion

15 dans votre esprit avec un autre visage, Monsieur le Président.

16 Nous sommes prêts en ce qui concerne le témoin suivant, il peut être

17 introduit dans cette salle.

18 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Veuillez, s'il vous plaît,

20 prononcer la déclaration solennelle qui se trouve sur la feuille de papier

21 que vous avez à présent sous les yeux.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui. Je peux le lire.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] A haute voix, s'il vous plaît.

24 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la

25 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

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1 LE TÉMOIN: RAMIZ QERIQI [Assermenté]

2 [Le témoin répond par l'interprète]

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci beaucoup. Veuillez vous asseoir.

4 Monsieur Whiting souhaite vous poser un certain nombre de questions.

5 Monsieur Whiting ?

6 M. WHITING : [interprétation] Tout à fait.

7 Interrogatoire principal par M. Whiting :

8 Q. [interprétation] Monsieur, quel est votre nom, s'il vous plaît ?

9 R. Je m'appelle Ramiz Qeriqi.

10 Q. Vous a-t-on jamais connu sous un surnom particulier ?

11 R. Oui. Je me sentais plus fier et plus honoré lorsque l'on m'appelait

12 Luani.

13 Q. D'où vous vient ce surnom ?

14 R. C'est en 1991, je crois, que l'on m'a donné ce surnom.

15 Q. Ce surnom, l'aviez-vous déjà pendant la guerre, en 1998 ?

16 R. Oui.

17 Q. Monsieur Qeriqi, vous a-t-on assigné à comparaître devant ce Tribunal,

18 aujourd'hui ?

19 R. Oui.

20 Q. En avril 2003, avez-vous reçu une citation de la part du bureau du

21 Procureur, citation à comparaître en tant que suspect dans le cadre d'un

22 entretien avec ce même bureau du Procureur ?

23 R. Oui, le 22 avril. Je me suis présenté le 23.

24 Q. Avez-vous dit la vérité au cours de cet entretien ?

25 R. J'ai tenté de dire la vérité et je pense que je l'ai fait.

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1 Q. Quelle est votre date de naissance, s'il vous plaît ?

2 R. 1950.

3 Q. Excusez-moi, quelle est votre date de naissance ?

4 R. Le 15 avril 1962.

5 Q. Où êtes-vous né ?

6 R. A Kroimire.

7 Q. Est-ce au Kosovo ?

8 R. Kroimire, c'est à Drenic, dans le nord de l'Albanie. Aujourd'hui, on

9 appelle cette région, le Kosovo.

10 Q. Merci. Quel a été votre cursus scolaire ? Jusqu'où êtes-vous allés ?

11 R. Malheureusement, je n'ai suivi que les cours de l'éducation primaire

12 dans mon village. Ensuite, je suis allé au lycée, à Lipjan. J'ai commencé

13 des études dans la faculté de biologie à Pristina en 1981. Mais, pour nous

14 les Albanais, nous avons été chassés de la faculté par les Serbes même si

15 ma faculté n'allait pas créer de difficultés pour les Serbes mais ce qui

16 s'est produit pour tous les universitaires du Kosovo. En tout cas, ils ont

17 fait de leur mieux pour les chasser.

18 Q. Après 1981, lorsque vous avez été chassé de l'université par les

19 Serbes, qu'avez-vous fait ?

20 R. De nombreux Albanais, en tout cas certains d'entre nous ont été

21 emprisonnés. Les intellectuels, ceux qui sont retournés vers les Serbes,

22 ceux qui ont répondu que le Kosovo leur appartenait. Ceux qui avaient

23 obtenu des diplômes à l'université ont été emprisonnés, alors que de

24 nombreux autres ont été obligés de quitter le pays. Moi, j'ai pu m'enfuir

25 là où mon frère travaillait, c'est là que j'y ai trouvé refuge avec un

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1 certain nombre de mes amis, en Slovénie.

2 Q. Très bien. Ensuite vous avez dû faire votre service militaire, n'est-ce

3 pas, à un moment donné ?

4 R. Oui.

5 Q. Quand ?

6 R. J'ai fait mon service militaire en 1982/1983 en Slovénie. A l'époque,

7 c'était au sein de l'armée yougoslave.

8 Q. Après cela, qu'avez-vous fait ?

9 R. Après mon service militaire, je suis revenu en Slovénie où se trouvait

10 mon frère afin d'y gagner ma vie, d'y travailler, en tant qu'ouvrier.

11 Q. Combien de temps avez-vous passé en Slovénie ?

12 R. Je suis resté en Slovénie jusqu'en 1991 lorsque la guerre a éclaté.

13 Q. De 1983 jusqu'en 1991, avez-vous eu l'occasion de rentrer au Kosovo ?

14 R. Oui, à de nombreuses reprises, à de nombreuses reprises.

15 Q. Quel type d'activités avez-vous eu en Slovénie entre 1983 et 1991 ?

16 R. En Slovénie, j'ai travaillé en tant qu'ouvrier dans le bâtiment. Au

17 départ, j'ai travaillé dans un certain nombre d'entreprises, entreprises

18 albanaises et slovènes. Après que j'ai eu appris le métier, j'ai constitué

19 ma propre entreprise de construction.

20 Q. Que s'est-il passé en Slovénie en 1991 ?

21 R. Les Slovènes aimaient la liberté et l'indépendance. Ils ont souhaité

22 faire sécession de la Yougoslavie qui était, en fait, une entité

23 artificiellement créée; ce que nous souhaitions faire, nous aussi, les

24 Albanais, mais nous n'avions pas de quelconque soutien. Par conséquent, les

25 Slovènes ont entamé leur guerre. A l'époque, je me suis porté volontaire

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1 pour devenir soldat et lutter dans le camp des Slovènes afin de protéger

2 leurs enfants et les personnes âgées. J'ai incité mes amis Albanais. Nous

3 étions à peu près 33 à avoir proposé nos services en tant que volontaires.

4 J'ai informé les personnes concernées que nous souhaitions participer. J'ai

5 donné les noms des personnes qui souhaitaient combattre, et on nous a dit

6 qu'ils nous contacteraient si toutefois le besoin s'en faisait sentir. Mais

7 comme vous le savez tous, la guerre s'est avérée très brève et il n'a pas

8 été nécessaire que nous participions à la guerre. Nous souhaitions

9 simplement apporter notre contribution humanitaire à une autre guerre.

10 Q. En 1991, êtes-vous revenu au Kosovo ?

11 R. Oui.

12 Q. Vous souvenez-vous de la date exacte de votre retour en 1991 ?

13 R. Oui. Les Slovènes nous ont proposé leur nationalité, des documents

14 d'identité. Mais fin 1991, en décembre, je suis reparti au Kosovo.

15 Q. Qu'avez-vous fait au Kosovo une fois revenu ?

16 R. Je suis rentré au Kosovo et j'ai essayé de m'occuper de trouver des

17 petits boulots à droite à gauche, mais souvent je vivais caché.

18 Q. Qu'est-ce que vous voulez dire par caché ?

19 R. Et bien, j'étais en situation illégale vis-à-vis de leur gouvernement,

20 le gouvernement des Serbes.

21 Q. Pourquoi vous trouviez-vous en situation illégale au Kosovo ?

22 R. Parce que j'étais Albanais, j'étais né à Drenica, et ma famille ne

23 parlait pas le serbe.

24 Q. Pour que les choses soient bien claires, qui considérait à l'époque que

25 vous vous trouviez ou que vous viviez en situation illégale ?

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1 R. Qui nous considérait de la sorte ? Bien, ce que je dis simplement,

2 c'est que moi, je me trouvais en situation illégale parce que les Serbes à

3 l'époque, même avant qu'ils ne m'aient frappé parce qu'ils tenaient en leur

4 main les rênes du pouvoir et qu'ils considéraient normal de frapper un

5 Albanais. En fait, ils cherchaient une prétendue arme que j'aurais eue en

6 ma possession. Je ne sais pas ce qu'ils voulaient. Ils voulaient simplement

7 peut-être me jeter en prison. Ils voulaient simplement trouver un prétexte,

8 pas seulement dans mon cas, mais dans le cas de nombreux Albanais

9 d'ailleurs, ils trouvaient toujours un prétexte suffisant pour nous taxer

10 de personne indésirable vis-à-vis du gouvernement.

11 Q. Avec l'aide de l'huissière, je voudrais vous soumettre une carte. Il

12 s'agit de la carte 6 de la pièce de l'Accusation numéro 1.

13 M. WHITING : [interprétation] Pourriez-vous la placer sur le

14 rétroprojecteur, s'il vous plaît ?

15 Q. Monsieur Qeriqi, pourriez-vous nous indiquer le village de votre

16 naissance, s'il vous plaît, Kroimire ?

17 M. WHITING : [interprétation] Avec un crayon peut-être.

18 LE TÉMOIN : [interprétation] Oui.

19 M. WHITING : [interprétation]

20 Q. Voyez-vous ce village ?

21 R. Oui, j'ai un crayon. Ici, voilà.

22 Q. Merci.

23 M. WHITING : [interprétation] Aux fins du compte rendu, le témoin a entouré

24 d'un cercle le village de Kroimire.

25 Q. Peut-être pourriez-vous appuyer le trait, s'il vous plaît, pour que

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1 nous voyions mieux ?

2 Maintenant, pourriez-vous, s'il vous plaît, entourer d'un cercle --

3 M. WHITING : [interprétation] Ou plutôt éloignez-vous un petit peu, s'il

4 vous plaît, du rétroprojecteur pour cette question.

5 Q. Simplement, pourriez-vous, simplement entourer d'un cercle la zone que

6 vous appelez zone de Drenica ? Peut-être que toute la zone en question

7 n'est pas sur la carte, mais tout ce qui correspond à la zone de Drenica,

8 pourriez-vous, s'il vous plaît, l'indiquer sur la carte en l'entourant d'un

9 cercle ?

10 R. Il n'y a pas toute la zone de Drenica. Je peux vous la décrire avec des

11 mots si vous voulez, comme je le peux. Drenica est composée de plusieurs

12 municipalités : Skenderaj; Drenoc, Gllogovc comme on l'appelait avant;

13 quelques villages de la municipalité de Kline; de la municipalité de

14 Lipjan; de la municipalité de Malisheve; quelques villages de Mitrovica;

15 quelques villages de Vushtrri. Peut-être que j'en ai oublié quelques-uns,

16 quelques villages, mais c'est plus ou moins ce à quoi correspond la zone de

17 Drenica. Ici, il n'y a qu'une partie sur la carte qui est représentée.

18 Je ne vois qu'une portion réduite de la zone de Drenica. Cette zone est de

19 superficie plus importante.

20 Q. Je comprends --

21 R. Je n'ai pas pu vous indiquer la zone de manière appropriée sur cette

22 carte.

23 Q. Vous avez tracé une ligne en forme de U qui va d'à peu près de

24 Korretice, vers le sud, vers Carraleve, puis la ligne remonte, je ne vois

25 très bien, mais jusqu'à Arlat et Negrovce, à peu près. C'est bien la ligne

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1 que vous avez tracée, n'est-ce pas ?

2 R. Oui, c'est cela.

3 Q. Et la zone qui se trouve à l'intérieur de cet U fait donc partie de la

4 région de la zone de Drenica, n'est-ce pas ?

5 R. Oui.

6 M. WHITING : [interprétation] Peut-on attribuer une cote à ce document,

7 s'il vous plaît, Monsieur le Président.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

9 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agit du document P151.

10 M. WHITING : [interprétation]

11 Q. Monsieur Qeriqi, vous avez parlé du fait que vous avez été frappé par

12 les autorités Serbes. Quand cela s'est-il produit ?

13 R. Cela s'est produit en 1990. Je ne sais pas très bien à quel moment.

14 Peut-être en 1991.

15 Q. Pouvez-vous nous dire ce qui s'est passé ?

16 R. Il était à peu près 23 heures du soir. Je rentrais de Slovénie où

17 j'avais travaillé dans un village, Rusinovce, avant d'arriver dans mon

18 village. Après Rusinovce, il y a Shale; ensuite Kroimire, mon village.

19 C'est là, donc, dans ce lieu que, comme je l'ai dit, les Serbes faisaient

20 aussi avec les autres Albanais, ce qu'ils faisaient aux autres, et bien,

21 ils l'ont fait à moi aussi. Ils m'ont arrêté dans ma progression. Ils m'ont

22 demandé mes papiers et il m'a répondu : tu n'as pas tendu les documents

23 comme il faut. Mets les mains sur la voiture. Ils ont commencé à me

24 frapper. Mais, en réalité, ceci ne m'a pas affaibli; ceci m'a renforcé

25 parce que je savais bien, que les choses étaient claires pour moi qu'ils

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1 étaient nos ennemis.

2 Q. Combien étaient-ils ?

3 R. Cinq.

4 Q. Etiez-vous seul ?

5 R. J'étais avec un parent.

6 Q. Pour revenir à la période de votre retour au Kosovo, donc à la fin du

7 mois de décembre 1991, et pour passer à 1992, au cours de cette année avez-

8 vous d'une quelconque manière participé à la formation ou à l'entraînement

9 de personnes du Kosovo ?

10 R. Oui.

11 Q. Où cet entraînement avait-il eu lieu ?

12 R. Dans nos montagnes d'abord, vers Kroimire. Il y a des monts

13 relativement élevés dans un village qui s'appelle Karaqice. C'est là que

14 nous nous sommes organisés, et en 1992, nous sommes parvenus à un accord.

15 Je n'étais pas le seul. Il y avait un groupe assez considérable d'autres

16 personnes. Nous avons trouvé le lieu le plus approprié et nous avons décidé

17 d'aller à Tirana pour y subir un entraînement. Il y avait moi-même, un ami,

18 Ruzhdi Saramati et Merita Mazreku. Elle était chargée des femmes et, moi,

19 j'étais chargé des hommes, des jeunes garçons. Il fallait que je leur fasse

20 traverser la frontière.

21 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent au témoin de bien vouloir

22 ralentir, s'il vous plaît.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Excusez-moi, Monsieur, mais ce que vous dites doit être interprété par

25 les interprètes et vous parlez très rapidement. Pourriez-vous, s'il vous

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1 plaît, un petit peu ralentir afin qu'ils puissent vous suivre ?

2 R. Oui. Je peux répéter si vous voulez.

3 Q. Non, vous pouvez poursuivre. Je vous invite tout simplement à parler

4 moins vite. Vous nous parliez donc des personnes impliquées. Ils y avaient

5 Merita Mazreku et Ruzhdi Saramati.

6 R. Oui. Moi-même et Merita, nous deux étions chargés d'emmener les gens

7 sur les sites d'entraînement. Ruzhdi et Halil Alidemaj étaient chargés de

8 rassembler les ressources nécessaires. Nous avons essayé de nous entraîner,

9 connaissant l'ennemi auquel nous devions faire face, sachant que parfois

10 nous essayons de faire les choses de manière douce, et que sachant que cela

11 ne fonctionnerait pas nous essayons de nous préparer à réagir avec la

12 manière forte.

13 Q. Vous-même ou d'autres personnes dont vous nous avez donné l'identité,

14 faisiez-vous partie d'un mouvement ou d'une organisation particulière à

15 l'époque ?

16 R. Oui. Il s'agissait d'un Parti d'unité nationale qui s'était chargé de

17 faire cela. Nous étions un groupe de volontaires qui souhaitaient

18 simplement contribuer à la question nationale quels que soient les

19 sacrifices nécessaires. Nous étions prêts à sacrifier nos vies pour cet

20 objectif. Il y avait des gens de Skenderaj, des gens de Kroimire, de

21 Prizren qui participaient. Nous avons notre centre à nous à Prizren, mais

22 nous avons également organisé de nombreuses réunions à Kroimire.

23 Q. Avez-vous fait venir des gens du Kosovo en Albanie pour qu'ils s'y

24 entrainent ?

25 R. Oui. Oui.

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1 Q. Quand cela s'est-il produit ?

2 R. Nous sommes parvenus à un accord en 1992, et en 1993 nous avons emmené

3 un groupe.

4 Q. Combien y avait-il de personnes dans ce groupe ?

5 R. Dix hommes et cinq femmes, cinq jeunes filles.

6 Q. D'où venaient ces gens ? D'où étaient-ils originaires.

7 R. Je l'ai déjà dit, je crois. Ils étaient des villages de Skenderaj; de

8 mon village, ils en avaient quelques-uns; quelques-uns de Prizren; du

9 village de Malisheve, également proche. Ici, avec moi d'ailleurs, j'ai une

10 photo de mes amis et de moi-même, mais, nous ne sommes pas tous sur cette

11 photo. Si vous le souhaitez, je peux vous la montrer.

12 Q. Oui, ce serait une bonne idée. Est-ce que vous pouvez le mettre sur le

13 rétroprojecteur ?

14 R. Cette photo…

15 Q. Que représente cette photo, s'il vous plaît ?

16 R. Il s'agit d'une photo des personnes qui ont été formées et entraînées

17 pour une guérilla, le cas échéant, pour réagir contre les Serbes.

18 Q. Et vous vous trouviez-vous sur cette photo ?

19 R. Voilà, c'est moi ici. Je crois que je n'ai pas beaucoup changé.

20 M. WHITING : [interprétation] Le témoin vient d'identifier la personne au

21 deuxième rang, tout à fait sur la droite, en chemise blanche.

22 LE TÉMOIN : [interprétation] Voilà où je me trouve.

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Est-ce que Jete Hasani se trouve sur cette photo ?

25 R. Oui. Il est au milieu, mais il n'a pas été entraîné, formé. Il nous

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1 aidait par des moyens économiques. Des Serbes l'avaient frappé, battu. Des

2 policiers de Shtime l'avaient battu à tel point qu'il a dû aller à Tirana

3 pour se faire soigner. Après avoir récupéré, il nous a rejoint. Je le

4 connaissais d'avant.

5 Quand il a vu ce que nous souhaitions faire, ce que nous essayons de

6 faire, pourquoi nous étions à Tirana, il nous a apporté son appui financier

7 parce qu'il gagnait bien sa vie, raison pour laquelle il se trouve avec

8 nous sur la photo.

9 Q. Est-ce que vous pouvez nous montrer de qui il s'agit avec le pointeur ?

10 R. Je l'ai dit, au milieu, debout.

11 Q. Merci.

12 M. WHITING : [interprétation] Le témoin a indiqué une personne en chemise

13 bleue, qui est debout au milieu du deuxième rang.

14 Q. Si vous me le permettez, je vous demanderais de pouvoir faire une copie

15 de cette photo pour pouvoir la conserver dans le dossier en temps que moyen

16 de preuve. Je suis sûr que vous souhaitez conserver l'original.

17 R. Vous pouvez la prendre si vous le souhaitez. J'ai d'autres photos chez

18 moi. Je peux vous la donner. Comme vous préférez.

19 Q. Moi, je pense -- bon, très bien.

20 M. WHITING : [interprétation] Est-ce qu'on pourrait attribuer une cote à

21 cette photo.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, ce sera intégré au dossier.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira de la cote P152.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Combien cet entraînement a-t-il duré ?

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1 R. Entre six et sept mois.

2 Q. Est-ce que vous pouvez décrire cet entraînement?

3 R. La première phase s'est passée dans une pièce où nous allons entraîner

4 du point de vue moral, physique et psychologique, puis une partie de

5 l'entraînement a eu lieu dans la forêt, et encore une autre étape, une

6 autre phase en ville. Je vous expliquerai chaque phase si vous le

7 souhaitez. Ceux qui connaissent ce genre d'entraînement savent ce que cela

8 veut dire être entraîné dans la forêt ou en ville.

9 Q. Je voudrais vous adresser quelques questions bien précises concernant

10 l'entraînement. Y a-t-il eu des armes utilisées dans le cadre de cet

11 entraînement ?

12 R. Pas en Albanie. Seulement quand nous sommes retournés au Kosovo, c'est

13 là qu'on s'est servi d'armes, parce qu'en Albanie nous étions en train

14 d'œuvrer de manière illicite, même là-bas.

15 Q. Où au juste en Albanie s'est déroulé cet entraînement ?

16 R. Je suis désolé, mais c'est un secret. C'était une sorte de gymnase, de

17 salle de sport.

18 Q. Je ne vais pas insister. Cela n'a pas une grande importance. Vous avez

19 parlé des faits que vous avez rassemblé ce groupe en 1993. Est-ce que vous

20 avez emmené d'autres groupes par la suite plus tard, groupes que vous

21 auriez emmenés en Albanie pour s'y entraîner ?

22 R. Oui. Nous avons formé un autre groupe, mais pour des raisons

23 économiques nous avons dû repousser chemin et nous les avons entraîné au

24 Kosovo.

25 Q. Où au juste cet entraînement a-t-il lieu ?

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1 R. Dans les montagnes aux alentours de Kroimire et Pola.

2 Q. Dans le cadre de cet entraînement-là, combien de personnes avez-vous

3 formé ?

4 R. Toujours des groupes de dix, parfois des groupes de cinq, mais pas

5 plus.

6 Q. Est-ce que vous dirigiez cet entraînement ?

7 R. Pas toujours, pas tous, mais j'ai toujours été responsable d'un groupe,

8 ou du moins j'étais impliqué dans un groupe.

9 Q. J'attire votre attention sur l'année 1994. Est-ce que vous vous êtes

10 rendu quelque part en cette année ?

11 R. En 1994, je me suis rendu en Allemagne.

12 Q. Vous vous souvenez quand au juste en 1994 ?

13 R. Le 11 février 1994, je suis arrivé à Munich.

14 Q. Pourquoi vous êtes-vous rendu en Allemagne ?

15 R. Des amis m'y ont envoyé afin de rencontrer quelqu'un, des amis qui

16 avaient récolté des fonds pour nous afin que nous puissions poursuivre nos

17 efforts. Mais je devais partir avec un ami. Nous avions des documents faux,

18 des faux, donc il n'a pas pu faire le voyage, donc je suis arrivé seul en

19 Allemagne. Je me suis rendu seul en Allemagne, et j'ai travaillé jusqu'en

20 1998 de façon systématique. Enfin, pendant sept mois, je ne me suis pas

21 signalé aux autorités, parce que je pensais retourner chez moi dans ma

22 patrie. Mais, je ne l'ai pas fait, puisque les choses n'ont pas changé.

23 Alors finalement, j'ai signalé ma présence en tant que réfugié, et j'ai

24 informé les autorités de tous les problèmes auxquels j'étais confronté au

25 Kosovo et ils m'ont accordé l'asile. Ils m'ont donné un passeport allemand

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1 en tant que réfugié, non pas en tant qu'Allemand.

2 Q. Vous avez dit que vous avez travaillé jusqu'en 1998. Est-ce que vous

3 pouvez nous décrire votre travail ?

4 R. Oui. Je travaillais dans la construction et dans quelques restaurants.

5 Après minuit nous étions affecté au nettoyage de ces restaurants. Je

6 travaillais pour une entreprise qui s'appelait Whitman [phon], et une

7 société de construction. Je n'avais pas honte de faire ce genre de travail,

8 parce que je voyais là des intellectuels, des professeurs albanais qui

9 faisaient le même genre de travail, même pire. Je me souviens une fois un

10 professeur, un ancien professeur de l'université du Kosovo m'a dit :

11 puisque vous connaissez bien ce genre de travail, vous travaillez bien, je

12 vous en prie, prenez-moi comme assistant. Alors voilà ce que je faisais.

13 Q. Monsieur le Témoin, lorsque vous étiez en Allemagne, est-ce que vous

14 êtes impliqué dans un mouvement qui concernait le Kosovo ?

15 R. Oui.

16 Q. Quel était le nom de ce mouvement, de ce groupe ?

17 R. En Allemagne j'ai été impliqué dans plusieurs mouvements, notamment le

18 mouvement populaire du Kosovo, qui rassemblait des membres du Parti de

19 l'unité nationale et de la LKCK, ainsi que le Parti démocratique des

20 Albanais. Ce mouvement était mieux organisé, comptait plus de militants qui

21 étaient plus impliqués dans le mouvement de libération nationale et je me

22 sentais plus à l'aise. J'avais de meilleur rapport avec ce mouvement et je

23 les ai aidés. Je les ai aidé à trouver une salle de réunion où ils

24 pouvaient se rassembler. J'ai convoqué ces réunions. J'ai trouvé un lieu où

25 elle pouvait se tenir.

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1 Q. Vous avez dit que le groupe s'appelait le mouvement populaire du

2 Kosovo. Est-ce que ce mouvement était connu par un sigle, un acronyme ?

3 R. Oui, LPK.

4 Q. Vous avez fait allusion à d'autres groupes qui étaient également

5 impliqués, LKCK. Est-ce que vous pouvez me dire quels autres groupes à part

6 le LKCK ?

7 R. Le Parti de l'unité nationale.

8 Q. Est-ce que ce groupe portait un acronyme ou un sigle ?

9 R. UNIKOMB.

10 Q. D'autres partis encore ?

11 R. Un parti, PRSH; le Parti révolutionnaire des Albanais. J'ai mentionné

12 les groupes avec lesquels j'ai collaboré, parce qu'ils y avaient d'autres

13 partis également, mais tous visaient le même but. Tous étaient du même avis

14 que si nous ne combattions pas, nous ne serions jamais libres. D'autres

15 partis ont ainsi suivi la même ligne de conduite, mais le LPK a entrepris

16 de diriger la guerre qui s'organisait au Kosovo. C'est là où j'ai pensé que

17 je pourrais le plus contribué, puisque j'avais été entraîné, je me sentais

18 préparer.

19 Q. Pour être tout à fait clair, je vous poserai quelques questions

20 concernant la LPK qui préconisait une lutte armée au Kosovo afin de

21 combattre les Serbes.

22 R. Pas uniquement la LPK, mais la nation toute entière s'opposait aux

23 Serbes. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la LPK contait des membres

24 qui se distinguaient. Bon nombre d'entre eux avaient été emprisonnés et

25 expulsés du Kosovo par la force par les Serbes. Ils souhaitaient retourner

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1 vivre au Kosovo, mais les autorités, à l'époque, ne l'autorisaient pas,

2 donc ils avaient dû partir. A mon avis, ils ont quitté le pays avec pour

3 seul but d'y retourner un jour, et non pas pour quitter le pays une fois

4 pour toute. La raison pour laquelle je crois que ces membres étaient

5 particulièrement motivés en tant que patriotes et en vue de leur

6 contribution de leurs efforts nationaux.

7 Q. Monsieur le Témoin, qui était le chef, le dirigeant de la LPK, à

8 l'époque, si vous le savez ?

9 R. Je me trompe peut-être, Emrush. Enfin, c'est Emrush, aujourd'hui. Je ne

10 sais pas si c'était lui à l'époque, peut-être. Il y avait : Gafur Alushani,

11 Ali Ahmeti, Azem Sula, et plusieurs personnes que je ne connaissais pas,

12 mais qui étaient bien connues des Albanais du Kosovo.

13 Q. Vous avez mentionné Emrush. Quel est son nom de famille ?

14 R. Xhemajli.

15 Q. Est-ce que vous savez où il se trouvait à ce moment-là ?

16 R. Je ne sais pas où, mais les réunions ont eu lieu dans le canton

17 d'Argovie en Suisse.

18 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu en Suisse pour assister à des

19 réunions ?

20 R. Je m'y suis rendu pour demander la permission d'aller combattre, pas

21 avant.

22 Q. C'était à quelle époque ?

23 R. Au mois de janvier 1998. Je m'y étais rendu auparavant, mais pour

24 l'essentiel, j'envoyais des messages par des amis. Je m'y suis rendu

25 personnellement en janvier 1998.

Page 3558

1 Q. Pourquoi y êtes-vous allé en janvier 1998 ?

2 R. Je crois que le monde tout entier sait bien qu'à l'époque les Serbes

3 ont massacré de nombreuses familles. Simplement, il s'agissait d'une phase

4 d'avant-guerre ou même de guerre au Kosovo, un état de guerre. Je m'y suis

5 rendu afin de leur demander la permission d'aller combattre.

6 Q. A qui avez-vous demandé cette permission ?

7 R. J'ai déposé une demande écrite. La présidence s'y trouvait, les

8 personnes que j'ai mentionnées tout à l'heure, ainsi que d'autres dont je

9 ne me souviens pas. Je les respectais, je leur faisais confiance et j'étais

10 prêt à partir dès qu'ils me le demanderaient.

11 Q. Qu'avez-vous demandé au juste dans cette requête écrite ?

12 R. J'ai demandé qu'on m'autorise à combattre, qu'on paye mon déplacement,

13 je n'étais pas seul. J'étais avec plusieurs amis. C'était comme cela à

14 l'époque. On ne pouvait pas simplement rejoindre une guerre, il fallait

15 quand même se rendre dans un endroit précis, se présenter à un endroit

16 précis. C'est ce que j'ai fait, je me suis présenté et j'ai rejoint la

17 guerre de manière licite.

18 Q. Est-ce que vous demandiez à pouvoir rejoindre l'UCK pour combattre ?

19 R. Non pas là, mais au Kosovo. Peut-être qu'il y a eu un malentendu,

20 j'étais en Suisse. Je ne voulais pas combattre en Suisse. Je demandais la

21 permission d'aller combattre ou rejoindre les combats au Kosovo.

22 Q. Oui, j'ai bien compris. Ma question était : est-ce que vous avez fait

23 une demande visant à pouvoir combattre aux côtés de l'UCK au Kosovo ?

24 R. Oui, bien sûr. L'UCK, tous les Albanais qui souhaitaient participer au

25 combat voulaient rejoindre l'UCK. Bien souvent, vous pouviez voir des

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1 slogans dans les rues : "Nous sommes l'UCK", parce que c'était la seule

2 force armée qui a permis de restaurer l'identité du peuple kosovar, et j'en

3 faisais partie.

4 Q. Vous avez dit qu'il ne s'agissait pas uniquement de vous-même, que vous

5 étiez avec un certain nombre d'amis. Est-ce que vous vous souvenez de

6 combien il s'agissait ?

7 R. Nous étions plusieurs, mais en dépit du fait que j'ai déposé la demande

8 et nonobstant le fait que nous étions tous volontaires, la moitié du groupe

9 a décidé de ne pas y aller. Finalement, seule la moitié du groupe s'est

10 rendue au Kosovo. Je ne sais pas pourquoi ils ne sont pas venus finalement.

11 Peut-être n'étaient-ils pas suffisamment préparés ? Je crois que j'ai ici

12 un document qui porte les noms des personnes qui s'y trouvaient à l'époque.

13 Q. Vous voulez dire les noms des personnes qui se sont rendues au Kosovo

14 avec vous ?

15 R. Les noms des personnes qui ont déposé une demande visant à participer

16 au combat au Kosovo. Comme je l'ai dit, dans ce groupe-là, il y en a

17 certains qui s'y sont rendus finalement et d'autres qui ne s'y sont pas

18 rendus.

19 Q. Vous souvenez-vous de mémoire du nom des personnes qui sont allées avec

20 vous au Kosovo ou avez-vous besoin de consulter le document dont vous dites

21 que vous avez avec vous ?

22 R. Excusez-moi. C'est le document qui porte les noms des personnes qui ont

23 demandé à aller combattre. Certaines de ces personnes qui sont allées

24 combattre figurent bien sur cette liste, et d'autres n'y sont pas allés.

25 Certains d'entre eux n'avaient pas les moyens d'aller jusqu'au Kosovo. Il y

Page 3560

1 a trois ou quatre noms de personnes qui se sont rendues sur place. Peut-

2 être que d'autres y sont allés par la suite, mais cela je n'en sais rien.

3 Q. Pouvez-vous nous sortir cette liste, s'il vous plaît ?

4 R. Oui. Je vais la chercher. Voilà la liste en question. C'est la liste

5 que j'ai dressée à l'époque. Voilà comment je l'ai adressée --

6 Q. Combien de noms figurent sur cette liste ?

7 R. Il y a 12 noms de personnes qui figurent sur cette liste.

8 Q. Combien de personnes parmi les gens qui figurent sur cette liste se

9 sont finalement rendues au Kosovo sur ces 12 personnes ?

10 R. Six à peu près. Sur 12, cinq ou six y sont allés. Certaines personnes y

11 sont allées après moi. Au total, je dirais peut-être sept personnes, mais

12 moi, je suis parti avec cinq de ces personnes. Puis, il y a trois ou quatre

13 autres personnes qui y sont allées, mais dont le nom de figure pas sur le

14 document.

15 Q. Très bien. Vous pouvez ranger la liste. Avez-vous eu l'autorisation de

16 partir avec les personnes dont le nom figure sur la liste ? Les personnes

17 de ce groupe.

18 R. Oui, j'ai finalement obtenu la permission, en mars 1998. J'ai obtenu

19 cette permission de partir. En mars, on m'a appelé, je suis allé récupérer

20 l'argent. Ensuite, c'était Jashar Selihu qui était en possession de cet

21 argent et nous avons notre voyage vers Duraj.

22 Q. Lorsque vous avez séjourné en Allemagne, avez-vous entendu ou connu, ou

23 rencontré Isak Musliu ?

24 R. Oui. C'était l'un de mes amis et nous étions très proches.

25 Q. Avait-il des liens particuliers avec le LPK ?

Page 3561

1 R. Je ne crois pas, je ne sais pas. Je ne saurais répondre à cette

2 question. C'était un de mes amis, un ami de ma famille. Nous nous sommes

3 vus au cours de réunions d'information pour l'UCK, lorsqu'Abedin Rexha et

4 Ilaz Kodra y étaient également ainsi qu'un certain nombre d'autres

5 militants. A l'époque, il a prêté serment et il a juré de participer à la

6 guerre comme d'autres. Nous nous connaissions déjà avant. Nous ne vivions

7 pas très loin l'un de l'autre au Kosovo. Toutefois après, lorsqu'il a prêté

8 serment et qu'il a juré de participer à la guerre, nous sommes devenus

9 inséparables en Allemagne, j'allais le voir chez lui dans son appartement,

10 il venait chez moi. Il vivait avec nous de temps en temps, avec la famille.

11 Nous allions ensemble aux réunions d'information concernant les activités

12 de l'UCK. Ensemble, nous sommes partis faire la guerre.

13 Q. Cela veut dire quoi, que vous êtes partis ensemble faire la guerre ?

14 R. Nous sommes rentrés ensemble au Kosovo. Il faisait partie du groupe

15 avec lequel je suis parti.

16 Q. Vous aviez dit être partis à Duraj. Ceci a-t-il eu lieu en mars 1998 ?

17 R. A la fin du mois de mars, fin mars, oui. Je ne sais pas très bien quel

18 jour ou même le mois, mais je dirais fin mars, début avril.

19 Q. Monsieur Qeriqi, un groupe est reparti au Kosovo finalement, qui était

20 à la tête de ce groupe ? Y avait-il quelqu'un ?

21 R. Le groupe dans lequel je me trouvais ?

22 Q. Oui.

23 R. D'accord.

24 Q. Qui était à la tête de ce groupe ?

25 R. Moi, c'est moi qui étais chargé et responsable de ce groupe.

Page 3562

1 Q. Lorsque vous êtes arrivés en Albanie, que s'est-il passé ?

2 R. Des amis nous attendaient. Ils allaient nous donner des instructions

3 quant à la manière dont nous devions rentrer au Kosovo.

4 Q. Avez-vous vous-même reçu des instructions quant à la manière dont vous

5 deviez passer au Kosovo ?

6 R. Oui.

7 Q. Qui vous a donné ces instructions ?

8 R. Plus tard, je me suis rendu compte que c'était le commandant de l'UCK,

9 Azem Sula. C'était pour moi un plaisir de le rencontrer parce qu'à mon

10 avis, l'avoir ici, savoir que c'était lui qui occupait ce poste-là, c'était

11 pour moi une garantie que les choses allaient bien se passer. Aviez-vous

12 entendu parler de lui avant votre arrivée en Albanie ?

13 R. Oui, j'avais entendu son nom. Nous savions que c'était un militant

14 concerné par les questions nationales, nous le respections en tant

15 qu'individu. Il était recherché par les Serbes aussi.

16 Q. Pour quelle raison ?

17 R. Parce qu'il était Albanais et parce qu'il savait que le Kosovo

18 appartenait aux Albanais. C'est la raison pour laquelle, à mon avis, il

19 était recherché. Il le savait encore mieux que nous.

20 Q. Combien de temps êtes-vous resté en Albanie avant de passer au Kosovo ?

21 R. Je ne sais pas exactement, une semaine ou deux, peut-être, pas plus, je

22 pense. Pas plus de deux semaines, peut-être, une semaine, dix jours. Je

23 n'en suis pas tout à fait sûre.

24 Q. Vous avez dit qu'Azem Sula vous avait donné des instructions quant à la

25 manière de passer au Kosovo ? Vous a-t-il dit exactement où deviez vous

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1 rendre ?

2 R. Il est venu avec nous jusqu'à Krume.

3 Q. Après, que s'est-il passé ?

4 R. Il nous a ensuite dit où nous devions nous rendre et il m'a donné ses

5 instructions à moi.

6 Q. Où vous a-t-il d'aller ?

7 R. A Likovc.

8 Q. Etes-vous allés à Likovc ?

9 R. Après quelques difficultés, nous sommes parvenus à Likovc.

10 Q. Qu'entendez-vous par difficultés ?

11 R. Bien sûr, il était difficile de traverser la frontière parce que les

12 Serbes étaient venus de Serbie pour garder cette frontière albano-albanaise,

13 nous avons donc dû faire preuve de prudence. Même s'il s'agissait d'un

14 territoire albanais, les Serbes avaient établi leurs postes frontières et

15 surveillaient cette frontière de manière à ce que nous ne puissions pas

16 passer. Il nous a donc fallu plusieurs jours pour traverser la frontière.

17 Q. Vous en avez parlé à plusieurs reprises mais j'aimerais y revenir pour

18 que les choses soient bien claires. Pour vous le Kosovo appartient à

19 l'Albanie ?

20 R. D'un point de vue historique, je pense que le Kosovo fait partie de

21 l'Albanie. Chaque fois que j'étudie l'histoire, il m'apparaît clairement

22 que ce territoire a été séparé de l'Albanie de manière injuste. Bien qu'une

23 guerre paraisse inutile, que par la voie diplomatique des discussions

24 soient engagées pour qu'une solution soit trouvée. Quatre-vingt dix pour

25 cent des gens sont des Albanais; seul les 10 % restant sont des individus

Page 3564

1 de différentes nationalités.

2 Q. Combien de temps vous a-t-il fallu pour arriver jusqu'à Livkovc ?

3 R. De Krume, il nous a fallu près d'une semaine pour y arriver.

4 Q. Que s'est-il passé lorsque vous êtes arrivés à Likovc ?

5 R. Nous nous sommes rendus compte que l'armée y était bien organisée et

6 cela nous a fait chaud au cœur.

7 Q. Avez-vous rencontré qui que ce soit ?

8 R. Oui. La personne qu'on m'avait indiquée et dont on m'avait dit qu'il

9 fallait que je la rencontre.

10 Q. Qui était-ce ?

11 R. Azim Sula m'a dit de voir Agroni et le numéro 10, Rexhep Selimi.

12 Q. Avez-vous donné quoi que ce soit à Rexhep Selimi ? Lui avez-vous

13 apporté quelque chose ?

14 R. Oui. Je lui ai amené une lettre dans laquelle il était dit l'endroit

15 vers lequel je devais me rendre, quelle était ma tâche, mes tâches et mes

16 responsabilités, même si on me l'avait déjà dit par oral. A ma

17 connaissance, cette lettre disait que je devais être stationné à Kroimire

18 parce que j'étais originaire de ce village et que je connaissais bien

19 l'endroit.

20 Q. Combien de temps avez-vous passé à Likovc ?

21 R. J'y ai passé une semaine. Puis je suis allé à Klecke, et ensuite à

22 Kroimire.

23 Q. Lorsque vous êtes allé à Klecke, vous vous y êtes rendu seul ou

24 accompagné ?

25 R. Par hasard, j'ai rencontré Celiku et Sadik Shala, qui est un martyre

Page 3565

1 désormais, et c'est avec eux que je m'y suis rendu.

2 Q. De Likovc jusqu'à Klecke; c'est cela ?

3 R. Oui. A Klecke, oui.

4 Q. Lorsque vous êtes tombé par hasard sur Celiku, avez-vous eu une

5 conversation avec lui ? Lui avez-vous parlé ?

6 R. Peut-être qu'il a entendu dire de la bouche de Rexhep Selimi que je me

7 rendais à Klecke; nous nous connaissions pas avant ce jour. Au cours de la

8 conversation, il m'a demandé si j'allais à Klecke; j'ai répondu que oui.

9 Pour moi c'était très plaisant de me rendre compte qu'il y avait des

10 soldats de l'UCK à Klecke, compte tenu de l'importance de ce lieu d'un

11 point de vue stratégique. Nous n'avons pas abordé d'autres questions au

12 cours de cette conversation. Nous avons juste fait le chemin ensemble.

13 Q. Vous avez parlé de "l'importance stratégique, voire même géostratégique

14 de Klecke." Pourquoi ?

15 R. Klecke était une zone montagneuse et il était très facile de nous

16 défendre face aux Serbes et à l'armée serbe.

17 Q. Lorsque vous avez quitté Likovc pour aller à Klecke, ceci s'est-il

18 produit en mars ou était-ce déjà en avril ?

19 R. En avril.

20 Q. La personne que vous avez appelé "Celiku," comment s'appelait-elle en

21 réalité, le savez-vous ?

22 R. Plus précisément, à cette époque, je ne le savais pas quel était son

23 vrai nom.

24 Q. L'avez-vous appris par la suite ?

25 R. Oui, par la suite, oui.

Page 3566

1 Q. Qu'avez-vous appris ?

2 R. J'ai appris que son vrai nom était Fatmir Limaj, tout comme moi au

3 moment où un certain nombre de soldats ne connaissaient pas mon nom,

4 puisqu'à l'époque nous nous servions de surnoms, de pseudonymes. Quelqu'un

5 a pensé qu'il était beaucoup plus sage d'utiliser des pseudonymes et non

6 pas le vrai nom des personnes. Quelle était cette personne, je pense

7 qu'elle avait raison.

8 Q. Vous avez parlé de Sadik Shala, et vous nous avez dit que cette

9 personne était un martyr. Savez-vous de quel village était originaire Sadik

10 Shala ?

11 R. De Klecke.

12 Q. Quand a-t-il été tué, si vous le savez ?

13 R. A ma connaissance, il a été tué au cours de la bataille de Rahovec.

14 Q. Celiku vous a-t-il dit ce qu'il faisait à Klecke ?

15 R. Non, il n'était pas nécessaire qu'il le fasse puisque nous nous y

16 rendions ensemble. C'est tout. Il m'a juste dit qu'il s'était basé à

17 Klecke, que tout allait bien, et c'est tout.

18 Q. Lorsque vous êtes allé à Klecke, y avez-vous séjourné ou avez-vous

19 poursuivi votre route directement jusqu'à Kroimire ?

20 R. J'ai passé deux nuits à Klecke et ensuite j'ai poursuivi mon chemin

21 jusqu'à Kroimire.

22 Q. Vous y êtes-vous rendu seul à Kroimire ?

23 R. J'y suis allé seul afin d'organiser les choses, d'appeler mes amis dans

24 le temps, et j'avais un message à leur transmettre, un message de

25 mobilisation. Je devais également leur dire qu'ils nous fallaient arrêter

Page 3567

1 les forces, les Serbes, les empêcher de rentrer dans les villages de la

2 région et d'empêcher qu'ils ne maltraitent la population locale.

3 Q. Combien de temps êtes-vous resté à Kroimire ?

4 R. J'y ai passé deux nuits, et ensuite je suis revenu à Klecke. J'y suis

5 retourné, et ce, pendant une semaine, Klecke-Kroimire, Klecke-Kroimire.

6 Cela a duré une semaine.

7 Q. Nous sommes toujours en avril 1998, d'après vos souvenirs ?

8 R. Oui, oui, oui. Tout ceci s'est produit en l'espace d'une semaine, comme

9 je vous l'ai dit.

10 Q. Après cette fameuse semaine, que s'est-il passé ?

11 R. J'ai dû rentrer à Likovc une fois de plus et revenir avec mes amis qui

12 se trouvaient à Likovc, revenir à Klecke.

13 Q. Je vais vous montrer une photo.

14 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit du U003-3680. Ce document a été

15 fourni à la Cour déjà. Il s'agit de la photo numéro 4. On pourrait placer

16 cette photo sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît. Est-ce qu'on peut

17 peut-être la soulever un petit peu pour qu'on puisse voir toute la photo ?

18 Q. Monsieur le Témoin, reconnaissez-vous cette photo ?

19 R. Oui.

20 Q. Est-ce que vous savez quand cette photo a été prise ?

21 R. Cette photo aurait pu être prise vers la fin du mois d'avril ou le

22 début du mois de mai.

23 Q. Qui voit-on sur cette photo ?

24 R. Sur cette photo l'on voit Kumanova, Ismet Jashari; Isak Musliu,

25 Qerqizi; Celiku, Fatmir Limaj; et Luani, le commandant Luani, c'est-à-dire,

Page 3568

1 moi-même.

2 Q. Il y a quelque chose de manuscrit sous le texte qui est imprimé. Est-ce

3 votre écriture ?

4 R. C'est mon écriture et je confirme aujourd'hui que c'est bien ce que

5 j'ai écrit le jour où vous m'avez posé des questions pour la première fois.

6 Q. Est-ce que vous pourriez juste nous lire ce que vous avez écrit ?

7 R. Cette photo a véritablement été prise à Klecke dans le salon de Hafir

8 Manit. L'écriture est exacte, c'est-à-dire que je certifie qu'il s'agit

9 bien de mon écriture, de mon nom, et de ma signature.

10 Q. Ce terme oda, donc salon d'Hafir Manit, est-ce qu'Hafir Manit est un

11 parent de Sadik Shala ?

12 R. Il est le père de Sadik. Donc l'oda était celui de Sadik, mais

13 normalement nous disons que cela appartient au chef de famille, à l'aîné de

14 la famille.

15 Q. Merci.

16 M. WHITING : [interprétation] Est-ce que l'on pourrait attribuer une

17 cote à cette photo, Monsieur le Président.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

19 M. WHITING : [interprétation] La photo et la traduction qui

20 l'accompagne.

21 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] La pièce P153.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 M. Whiting, je crois que ce serait un bon moment pour faire une

24 pause. Nous allons faire une pause et reprendre à 16 heures moins 10.

25 --- L'audience est suspendue à 15 heures 25.

Page 3569

1 --- L'audience est reprise à 15 heures 53.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

3 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

4 Q. J'aimerais attirer votre attention sur le début du mois de mai 1998.

5 Etiez-vous impliqué dans quelque combat que ce soit à l'époque ?

6 R. Oui.

7 Q. Où ?

8 R. A Lapusnik.

9 Q. Vous souvenez-vous de la date de ces combats ?

10 R. Le 9 mai.

11 Q. Comment êtes-vous arrivé jusqu'à Lapusnik ?

12 R. A l'époque, nous étions à Klecke, depuis Klecke que nous nous sommes

13 rendus à Lapusnik, parce que nous avons entendu des tirs. Nous avons été

14 sauvés ceux qui combattaient.

15 Q. Qui d'autre s'est rendu à Lapusnik, si tant est que d'autres s'y sont

16 rendus ?

17 R. Nous étions trois groupes qui avons quitté Klecke et chaque groupe

18 comportant cinq membres.

19 Q. Y avait-il des personnes qui dirigeaient chaque groupe ?

20 R. Un groupe était dirigé par moi, l'autre par Celiku et le troisième par

21 Topi.

22 Q. Est-ce qu'il y avait une personne les trois groupes ?

23 R. Il y avait quelqu'un de responsable. A Klecke, c'était Fatmir, Celiku,

24 qui avait la position plus élevée, qui était responsable ou qui dirigeait.

25 Q. Par rapport à ces trois groupes dont vous avez dit qu'ils se sont

Page 3570

1 rendus depuis Klecke à Lapusnik, est-ce que quelqu'un dirigeait ou était

2 responsable de ces trois groupes, juste pour les combats qui ont eu lieu à

3 Lapusnik ?

4 R. Lorsque nous nous sommes rendus à Lapusnik, Fatmir y est allé avec le

5 premier groupe, puis Topi et moi-même, nous nous y sommes rendus avec nos

6 groupes respectifs. Topi avait un transmetteur, un émetteur radio, Fatmir

7 n'en n'avait pas. Nous sommes arrivés plus tard, peut-être vingt minutes

8 plus tard.

9 Q. Ma question est : est-ce qu'il y avait une personne responsable des

10 trois groupes qui s'est rendue de Klecke à Lapusnik ?

11 R. Fatmir était responsable à Klecke, ni moi-même ni Topi.

12 Q. Vous dites donc qu'il était responsable des trois groupes, qu'il

13 dirigeait ces trois groupes ?

14 R. Oui. Il était responsable de ceux qui se trouvaient à Klecke.

15 Q. Monsieur le Témoin, que s'est-il passé à Lapusnik ?

16 R. A Lapusnik, des combats avaient lieu. Cela a été un grand succès pour

17 l'ALK ou l'UCK. Mais pour ceux qui s'y sont rendus depuis Klecke, donc mon

18 groupe, on n'a pas fait grand-chose parce que, quand on y est arrivé, les

19 combats touchaient à leur fin. Il y a eu un incendie dont les Serbes

20 étaient victimes. Pour moi, cela m'a beaucoup satisfait parce que, pour la

21 première fois, je me suis rendu compte que nous étions dans une position

22 qui nous permettait de résister aux offensives serbes, que nous étions

23 capables de protéger nos terres, parce que nous étions dans notre propre

24 pays. Nous étions en train de lutter pour la libération de notre pays, il y

25 avait tout un arsenal d'armes qui s'y trouvait qui venait de Belgrade. Mais

Page 3571

1 je crois que la nature était de notre côté parce que les moyens dont nous

2 disposions, comparés à ceux dont disposaient les Serbes, on ne pouvait pas

3 les comparer. Les Serbes avaient des moyens techniques supérieurs mais la

4 volonté, la juste guerre a triomphé. Nous avons donc pu repousser les

5 Serbes. Je crois que notre plus gros succès a été obtenu par l'autre

6 groupe, je ne le connaissais pas, le groupe situé de l'autre côté de la

7 route, je crois que cela s'appelait Pellumbi, mais je ne suis pas certain.

8 C'est eux qui ont obtenu le plus grand succès. Ce jour-là, les soldats se

9 sont réjouis; ils étaient très heureux. Cela nous a donné plus de forces

10 pour poursuivre nos efforts de libération. Nous avons remporté la victoire

11 contre des forces supérieures. C'est ainsi que j'ai perçu ce combat.

12 Q. Est-ce que les forces de l'UCK ont essuyé des pertes ?

13 R. Je ne crois pas que les Serbes ont eu des victimes mais l'un de nos

14 soldats a été tué et un autre blessé.

15 Q. Vous avez dit que vous avez pu les repousser de l'endroit où ils se

16 trouvaient. Vous parliez des Serbes, vous les avez repoussés jusqu'où au

17 juste ?

18 R. Les Serbes se sont retirés vers leur position antérieure à Komorane.

19 Depuis la position qu'ils tenaient, ils se sont retirés et sont retournés à

20 Komorane. Il y a une colline qui, je crois, s'appelle Cuka à Komorane.

21 C'est là où ils ont battu en retraite. Certains d'entre eux ont pris

22 position à un carrefour.

23 Q. Vous avez fait allusion à un autre groupe de l'autre côté de la route.

24 Vous dites que vous croyez qu'ils s'appelaient Pellumbi, de quelle route

25 s'agissait-il ?

Page 3572

1 R. La route principale, Peja-Prishtine.

2 Q. Est-ce que vous avez vu Ymer Alushani pendant ces combats ?

3 R. Oui, je l'ai vu.

4 Q. Le connaissiez-vous déjà, avant ce jour ?

5 R. Oui, mais pas dans ce genre de circonstances. Je le connaissais

6 personnellement. C'était quelqu'un de frappant. Il était très grand.

7 Parfois quand je me rendais à Komorane ou dans d'autres villages, je le

8 voyais par hasard. Donc, je le connaissais mais pas dans le cadre de la

9 lutte organisée.

10 Q. Quel était son surnom, son pseudonyme pendant la guerre ?

11 R. A l'époque, je ne connaissais pas son pseudonyme. On se rencontrait une

12 fois de temps en temps mais, par la suite, j'ai su que son pseudonyme était

13 Voglushi.

14 Q. Quel était son village d'origine, si vous pouvez nous le dire ?

15 R. Komorane, autant que je le sache.

16 Q. Après cette bataille, cette lutte, le 9 mai, est-ce que vous savez

17 combien de temps l'UCK a pu tenir Lapusnik ?

18 R. Je crois jusqu'à la première offensive, c'est ce que je crois, mais je

19 n'étais pas responsable de Lapusnik.

20 Q. La première offensive dont vous parlez a eu lieu quand ?

21 R. Je crois que c'était au mois de juillet, le 25 ou le 26.

22 Q. Le 9 mai, pendant combien de temps êtes-vous à Lapusnik ?

23 R. Seulement le jour-même du combat.

24 R. Où êtes-vous allé après ?

25 R. Je suis rentré à Klecke.

Page 3573

1 Q. Vous avez dit que Fatmir Limaj avait une unité de cinq personnes qui

2 s'y sont rendues. Cette unité portait-elle un nom ?

3 R. Oui.

4 Q. Quel était ce nom ?

5 R. A l'époque, je ne sais pas ou je ne savais pas.

6 Q. Est-ce que vous avez su par la suite quel était le nom ?

7 R. Plus tard, on l'a dénommé "Celiku". Mais le jour même du combat, cette

8 unité n'avait pas ce nom.

9 Q. Quand est-ce que vous avez entendu, pour la première fois, que cette

10 unité s'appelait Celiku ?

11 R. Je ne saurais le dire avec certitude, peut-être vers fin mai ?

12 Q. Est-ce qu'Isak Musliu était impliqué dans les combats du 9 mai ?

13 R. Oui.

14 Q. A quelle unité appartenait-il ? A la vôtre, à celle de Topi ou à celle

15 de Celiku ?

16 R. Laissez-moi vous expliquer. C'étaient comme des escadrons. Nous

17 faisions partie de la même unité, plus ou moins. Je ne voudrais pas qu'il y

18 ait de malentendu. Lorsque nous avons attaqué, nous avons mené une

19 offensive par trois groupes de cinq. Isak se trouvait avec Celiku.

20 Q. Plus tard, au mois de mai, est-ce que vous avez, de nouveau, participé

21 à des combats à Lapusnik ?

22 R. Je suis retourné, le 29 mai, avec trois autres soldats, nous étions,

23 donc, quatre en tout, afin d'y aider parce que les Serbes ont monté une

24 offensive à Lapusnik. Nous nous sommes rendus dans un quartier là-bas, aux

25 alentours de Komorane, afin d'apporter notre soutien, notre assistance.

Page 3574

1 Nous avons commencé à combattre en parallèle. Nous avons attendu la tombée

2 de la nuit, les forces se sont retirées, vers l'endroit que j'ai déjà

3 mentionné, vers le carrefour, à Komorane.

4 Q. Lorsque vous vous êtes rendu à Lapusnik, le 29 mai, d'où veniez-vous ?

5 R. Je me trouvais à Kroimire à l'époque. Et depuis Kroimire, je me suis

6 rendu à Lapusnik, aux alentours de Komorane.

7 Q. Pourquoi vous êtes-vous rendu à Lapusnik ?

8 R. Comme je l'ai déjà expliqué, j'y suis allé pour apporter mon aide parce

9 que nous étions tous membres de la même armée.

10 Q. Je comprends bien, mais comment avez-vous su qu'une assistance était

11 nécessaire ?

12 R. Mon village et Komorane sont tout proches. J'ai entendu les tirs et je

13 m'y suis rendu pour apporter mon assistance.

14 Q. Combien de temps y êtes-vous resté ?

15 R. Seulement, ce jour-là. J'y suis arrivé dans l'après-midi, je suis

16 resté sur place jusqu'au soir et puis, je suis rentré à Kroimire.

17 Q. Pendant le mois de mai ou début juin 1998, avez-vous participé à

18 d'autres combats ?

19 R. J'ai aussi participé, je ne suis plus sûr de la date, mais à Ratkoc.

20 Q. Est-ce que vous vous souvenez approximativement de la date ?

21 R. Je ne me souviens pas de la date. J'aurais pu retrouver cela si je

22 voulais parce qu'on sait très bien quand la bataille de Ratkoc a eu lieu.

23 Q. Est-ce que vous vous souvenez du mois ?

24 R. Je crois qu'il s'agissait du mois de juin. Je crois que c'était juin.

25 Q. Où se trouve Ratkoc ?

Page 3575

1 R. Près de Rahovec.

2 Q. Quand vous vous êtes rendu à Ratkoc, d'où veniez-vous ?

3 R. Je me trouvais à Klecke. Je me suis rendu de Klecke à Ratkoc.

4 Q. Pourquoi vous êtes-vous rendu à Ratkoc ?

5 R. Nous y sommes allés pour aider parce qu'il y avait des combats en

6 cours. Le jour où je m'y suis rendu avec cinq ou six ou huit autres

7 personnes.

8 Q. Comment avez-vous su qu'il y avait des combats en cours ?

9 R. Je crois que quelqu'un a dû nous en informer, qu'il y avait des

10 combats. On a dû nous en informer à Klecke. Moi-même, Topi et quelques

11 autres, nous sommes partis depuis Klecke, et d'autres dont les noms

12 m'échappent.

13 Q. Monsieur le Témoin, est-ce que vous y êtes allé de votre propre

14 initiative ou est-ce que quelqu'un vous a dit d'y aller ?

15 R. Nous ne pouvions pas nous rendre où que ce soit de notre propre

16 initiative. Quand je me trouvais à Kroimire, par exemple, plus tard, aucun

17 soldat ne pouvait quitter ce lieu sans que je le sache ou sans que je lui

18 donne l'ordre de partir au combat. Donc, c'est tout à fait normal de

19 recevoir des instructions.

20 Q. Qui vous a donné pour instruction de vous rendre à

21 Ratkoc ?

22 R. A Klecke, toutes les instructions venaient de Fatmir, que ce soit à

23 Kroimire ou en d'autres endroits.

24 Q. Je voudrais maintenant revenir à Kroimire, en mai 1998; vous nous avez

25 dit que vous vous trouviez à Kroimire -- en tout cas, parfois pendant le

Page 3576

1 courant du mois de mai. Pouvez-vous nous dire ce que vous faisiez là-bas ?

2 R. A Kroimire, j'organisais les gens. Nous avons commencé à creuser des

3 tranchées, non pas à Kroimire, mais à Carraleve parce que Kroimire était,

4 en quelque sorte, protégé par Carraleve, Zborce, Blinaje, Fushtice. Ainsi,

5 nous avons commencé à creuser des tranchées, à construire des bunkers. Nous

6 avons recruté de nouveaux soldats. C'était l'époque à laquelle nous avons

7 commencé à nous organiser ouvertement.

8 Q. Au mois de mai 1998 jusqu'à début juin, combien de soldats étaient sous

9 vos ordres à Kroimire ?

10 R. J'ai, quelque part, un registre. Je pense à Zborce et à Blinaje.

11 J'avais, environ, 100 personnes, entre 70 et 100.

12 Q. Est-ce que Ramadan Behluli était un des soldats sous vos ordres ?

13 R. Oui.

14 Q. Quel était son grade ?

15 R. Tout d'abord, il a été commandant d'escadron.

16 Q. A quelle date au juste ?

17 R. Au début, en mai ou en juin. Au mois de juin, je crois.

18 Q. Où était-il basé ?

19 R. Il était avec nous. Il travaillait avec nous. Il était en position à

20 Carraleve. Il travaillait, surtout, à construire des bunkers et à creuser

21 des tranchées. C'était à proximité de sa maison; en fait, c'est là où il

22 habitait.

23 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de donner des ordres à Ramadan Behluli ?

24 R. Je ne sais pas -- bien sûr, dans le contexte de la guerre, si un

25 supérieur hiérarchique affecte une personne à une certaine tâche, cela

Page 3577

1 ressemble à un ordre. Pour vous donner un exemple, je lui ai dit de prendre

2 position -- enfin, d'aller construire des bunkers et de se préparer, de se

3 tenir prêt. Lorsque nous étions prêts, il serait temps d'attaquer les

4 forces serbes.

5 Q. Lorsque vous lui avez donné ces instructions, est-ce que vous avez

6 estimé qu'il s'agissait d'ordres que vous lui donniez ?

7 R. Bien entendu. Dans le contexte de la guerre, il s'agit

8 d'ordres.

9 Q. Lors des combats qui ont eu lieu dans votre secteur est-ce que vous

10 avez donné des ordres ?

11 R. Je vous décris comment les choses se sont passées pendant la guerre. Il

12 y avait un endroit où tous les soldats se rendaient. J'étais leur chef,

13 leur commandant, je les dirigeais pendant la guerre et je les ai affectés à

14 différents endroits. Nous ne comptions pas autant de soldats que les Serbes

15 donc il fallait répartir les soldats en différents endroits. J'estime qu'il

16 s'agissait d'ordre. Ils m'écoutaient lorsque je leur disais allez ici ou là

17 par groupe de trois. Je les affectais à telle ou telle position, c'était

18 bien un ordre. Il ne s'agissait pas de parvenir à un accord, nous n'avions

19 pas le temps de parvenir à des accords. Cela ressemblait à un ordre, je

20 leur donnais l'ordre de prendre telle ou telle position et de ne pas

21 autoriser les Serbes à entrer ou accéder. C'est comme cela que cela s'est

22 passé.

23 Ils ne se sont jamais rendus sur le front sans que j'y sois, peut-

24 être parce que j'avais plus d'expérience et parce que j'avais été nommé en

25 tant que commandant ou dirigeant si vous voulez, quand je m'y trouvais

Page 3578

1 pendant la guerre.

2 Fin mai, je n'étais plus seul, il y avait quelqu'un d'autre.

3 Q. Je vais y revenir dans quelques instants. Vous avez déclaré que vous

4 aviez des soldats à différents endroits, pouvez-vous nous indiquer où se

5 trouvaient ces antennes ?

6 R. Ils y en avaient à Carraleve. J'ai un croquis représentant l'endroit où

7 se trouvaient ces différentes antennes. Là où se trouvaient nos positions,

8 à certains endroits nous n'avons pas terminé les constructions, nous

9 n'avions pas de bunkers, donc il a fallu que nous trouvions des endroits

10 appropriés.

11 Q. Excusez-moi vous étiez stationné à Kroimire, n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Vous avez mentionné l'existence d'une antenne à Carraleve. Y avait-il

14 d'autres antennes dans les environs de Kroimire ?

15 R. Oui, à Zborce, à Fushtice et à Blinaje. Je me rendais rarement aux deux

16 endroits dont je viens de mentionner.

17 Q. Quand est-il de Petrastica ? Y avait-il une antenne à cet endroit ?

18 R. Il y avait une caserne à Petrastica où les soldats pouvaient dormir.

19 Excusez-moi, je croyais que vous vouliez parler d'endroits, d'antennes

20 utilisées pour les combats.

21 Q. Vous m'avez bien compris et vous avez déjà répondu à la question que je

22 vous posais.

23 Vous avez dit que fin mai, vous n'étiez plus seul, que s'est il passé

24 à ce moment là, s'agissant du commandement de votre secteur ?

25 R. J'étais là avant. J'avais organisé les troupes. J'avais demandé aux

Page 3579

1 soldats de se rassembler. Tout cela se faisait sous couvert, tout le monde

2 ne pouvait pas rejoindre nos rangs, seulement ceux pour lesquels nous

3 estimions qu'ils en étaient capables. Il y avait des villageois qui nous

4 fournissaient de la nourriture. A ce moment-là, un autre chef est venu nous

5 rejoindre, il s'appelait Shukri Buja.

6 Q. Que s'est il passé à son arrivée ?

7 R. Je suis devenu en quelque sorte son second ou son adjoint. Il occupait

8 une position supérieure au plan hiérarchique par rapport à la mienne.

9 Q. Qu'a-t-il dit à son arrivée ? Que vous a-t-il dit ?

10 R. Il m'a dit, dorénavant, je serai responsable du secteur situé entre ici

11 et Kacanik. Pour ma part, j'ai continué à exercer les mêmes fonctions qu'à

12 Carraleve, à construire des positions et à préparer les activités de

13 défense.

14 Q. Est-ce que Shukri Buja s'occupait de secteurs particuliers ?

15 R. Il était davantage au Blinaje et à Fushtice. Parfois, il venait voir ce

16 que nous faisions à l'endroit où nous étions déployés.

17 Q. Vous vous occupiez plus particulièrement de Carraleve, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Pour autant que vous le sachiez qui a nommé Shukri Buja à ce poste ?

20 R. Je l'ignore. Sans doute quelqu'un occupant un rang plus élevé, il

21 n'aurait pas pu être nommé à ce poste sans l'aval de quelqu'un.

22 Q. Vous avez déclaré qu'en mai 1998, Shukri Buja était arrivé et avait

23 déclaré qu'il était commandant de ce secteur. A ce moment-là, est-ce qu'il

24 existait un commandement, un échelon supérieur au vôtre pour ce qui st de

25 ce secteur ? Donc au-dessus de vous-même et de Shukri Buja ?

Page 3580

1 R. Bien sûr. Nous avions des supérieurs hiérarchiques dès le début.

2 Lorsque je suis arrivé, je suis arrivé d'Albanie, j'ai rencontré Azem Sula,

3 Rexhep Selimi. Je suis allé à Klecke avec Fatmir. Je me rendais

4 régulièrement à Kroimire.

5 On ne peut pas toujours faire faire ce qu'on veut. Il existe une

6 chaîne de commandement, une filière hiérarchique. Les gens ne peuvent pas

7 s'autoproclamer chef ou autre, quelqu'un devait les nommer au poste qu'ils

8 occupaient.

9 Q. M. Qeriqi, le commandement qui était supérieur à vous et à Shukri Buja,

10 où était-il stationné ?

11 R. Je pense que Shukri serait davantage en mesure de vous répondre. Comme

12 je vous l'ai dit, je suis arrivé de Likovc, je suis allé à Klecke, de

13 Klecke à Kroimire. C'est ainsi que les choses étaient organisées.

14 Q. Donc, l'organisation allait de Likovc, à Klecke, à Kroimire, n'est-ce

15 pas ?

16 R. Oui

17 Q. Qui était le commandant à Klecke ?

18 R. Vous avez oublié que j'ai déjà répondu à cela. Comme je l'ai dit Fatmir

19 était le commandant à Klecke. A Likovc, s'était Rexhep Selimi. Le

20 commandant général était Azem Sula. Mais, je pense avoir déjà déclaré tout

21 cela dans ma déposition.

22 Q. En juin et juillet 1998, vous est-t-il jamais arrivé à rencontrer

23 Fatmir Limaj à Klecke ?

24 R. Au mois de juin ?

25 Q. Au mois juin et de juillet, vous êtes jamais arrivé de rencontrer

Page 3581

1 Fatmir Limaj et de le voir à Klecke ?

2 R. Je l'ai rencontré pendant les combats. A l'époque, je l'ai rencontré,

3 mais je ne recevais pas d'ordres ni d'instructions de sa part. Je n'étais

4 plus le plus haut responsable dans ce secteur, j'étais le second à Kroimire.

5 Q. Lorsque vous vous êtes rencontrés à Klecke, est-ce que vous lui avez

6 parlé de la situation dans votre secteur ?

7 R. Oui, pas seulement avec Fatmir, je crois que nous nous rencontrions,

8 nous parlions de nos succès, des activités qui se déroulaient bien sur le

9 front. Voilà en substance, l'essentiel de nos conversations.

10 Q. Donc, vous avez été expliquer à Fatmir Limaj ce qui se passait dans

11 votre secteur, les succès, les activités diverses, et ainsi de suite ?

12 R. Oui.

13 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à l'huissière de bien vouloir

14 présenter au témoin un document portant la référence U003-3699, ce document

15 a été communiqué aux parties -- en fait, il s'agit de la réponse U003-3679.

16 C'est le troisième document.

17 Q. Monsieur Qeriqi, est-ce que vous voyez cette carte ? Est-ce que vous la

18 reconnaissez ?

19 R. Oui.

20 Q. Voyez-vous votre signature sur cette carte ? Peut-être vaudrait-il

21 mieux que vous regardiez sur votre gauche.

22 R. Oui, oui, je le vois.

23 Q. Voyez-vous qu'une ligne est dessinée sur cette carte ? Il s'agit d'un

24 cercle qui entoure Klecke, Lipovica, Carraleve. Cela forme un cercle. Est-

25 ce que vous voyez ce cercle sur la carte ?

Page 3582

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce vous qui avez dessiné ce cercle, cette ligne ?

3 R. Oui.

4 Q. Que représente cette ligne au juste ?

5 R. Elle représente une partie de la zone où j'oeuvrais. Cela correspond

6 aux quatre bataillons qui relevaient de Klecke.

7 Q. Est-ce à cela que ressemblait ce secteur, cette zone dont vous venez de

8 nous parler en mai et juin 1998 ?

9 R. Cette zone existait même avant, mais mon bataillon n'était pas organisé

10 de la manière que je l'ai indiquée ici.

11 Q. S'agissant de la période dont nous parlons, même avant, est-ce que

12 cette zone relevait du commandement de Klecke ?

13 R. Oui. Elle relevait du commandement de Klecke, mais ici je voulais

14 parler du bataillon à la tête duquel je me trouvais.

15 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais que l'on attribue une cote à

16 ce document.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

18 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Il s'agira du document P154.

19 M. WHITING : [interprétation] Nous pouvons retirer ce document du

20 rétroprojecteur.

21 Q. Monsieur Qeriqi, à votre connaissance Shukri Buja faisait-il un rapport

22 à Klecke ?

23 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas.

24 Mon écran ne marche pas, donc je vous demanderais de bien vouloir faire le

25 nécessaire. Je peux suivre la traduction et je fais en sorte de ne pas

Page 3583

1 parler trop vite.

2 Q. Savez-vous si Shukri Buja recevait des ordres de Klecke ?

3 R. Je ne le sais pas. Vous pourriez poser la question à Shukri.

4 Je souhaiterais ajouter quelque chose. Un peu plus tôt, me semble-t-il, je

5 pouvais suivre la traduction sur l'écran. Je ne souhaite pas

6 particulièrement me voir à l'écran; je préférerais voir le texte.

7 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à l'huissière de bien vouloir

8 appuyer sur le bouton qui convient.

9 LE TÉMOIN : [interprétation] Maintenant, ça va.

10 M. WHITING : [interprétation]

11 Q. Je souhaiterais attirer votre attention sur les combats qui se sont

12 déroulés dans votre secteur. Vous souvenez-vous quand ont eu lieu les

13 premiers combats ?

14 R. Les premiers combats que j'ai dirigés pour ce qui est de Carraleve,

15 tout a commencé le 14 juin. Ce jour-là, j'étais plus satisfait qu'à

16 Lapusnik.

17 Q. Que s'est-il passé ce jour-là ?

18 R. Ce jour-là, nous étions prêts, nous étions déployés sur nos positions.

19 Les Serbes ont effectué une percée à Carraleve et on commençait à se

20 diriger vers Pjetershtice, puis vers Kroimire. Nous les avons empêchés

21 d'avancer plus loin. Les combats ont été très intenses, toutefois, même si

22 les Serbes étaient très bien armés, très bien équipés, nous avons réussi à

23 repousser l'attaque. Je pense que ce jour-là, l'armée et la police

24 yougoslaves ont essuyé des pertes. Je ne sais pas s'il y a eu des morts,

25 mais en tout cas, il y a eu des blessés. De notre côté, il n'y a pas eu de

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1 pertes. C'était la première attaque frontale que nous avons menée à

2 Carraleve. Les Serbes venaient de Belgrade. Ils avaient peut-être d'autres

3 alliés. Je pense qu'ils parlaient différents dialectes.

4 Q. Avant le début de la percée vers Carraleve et de la poursuite de

5 l'avancée vers Petrastica, où étaient contenues les forces serbes ?

6 R. Elles étaient contenues à Pishat e Shtime. Ces forces venaient des

7 environs de Pristina et étaient avancées vers Lipjan. Ces troupes étaient

8 très bien armées. A leur arrivée, elles ont lancé l'offensive.

9 Q. Combien de temps les combats ont-ils duré ?

10 R. Toute la journée, environ.

11 Q. Vous avez dit que ces troupes étaient très bien armées. Quels types

12 d'armes avaient-elles à leur disposition ?

13 R. J'ignore ce qu'elles n'avaient pas. Elles avaient toutes sortes

14 d'armes, des chars, des Pragas, des mortiers, des mitrailleuses, des lance-

15 roquettes, tout un arsenal d'armes lourdes et légères également. Ce jour-

16 là, ils ont utilisé toutes les armes qu'ils avaient à leur disposition. Ils

17 ont tiré également sur le village et ils ont utilisé des armes lourdes

18 contre le village.

19 Q. S'agissait-il de l'armée et de la police serbes, ou uniquement de l'un

20 ou l'autre ?

21 R. A Carraleve, c'est la police et l'armée qui ont attaqué. Je me souviens

22 qu'il a été dit une fois de ne pas attaquer l'armée. Mais la raison pour

23 laquelle j'ai déclaré que je me sentais bien ce jour-là, c'est parce que

24 nous avons combattu l'armée serbe.

25 Q. De quel type d'armes disposiez-vous ?

Page 3585

1 R. Nous avions des armes plus puissantes que celles dont disposaient les

2 Serbes. Une seule de nos Kalachnikovs était plus importante qu'un de leurs

3 chars. Nous avions des armes légères, un lance-roquettes portatif. Il

4 s'agissait là de l'arme la plus lourde dont nous disposions. Nous avions

5 des Kalachnikovs et des fusils à lunette. Certains avaient également des

6 fusils de chasse. Voilà les armes dont nous nous sommes servies. Nous avons

7 eu plus de succès avec ces armes que les Serbes. Les Serbes ont rebroussé

8 chemin sans réaliser leur objectif. Ils voulaient effectuer une percée,

9 mais leur attaque a été repoussée.

10 Q. Alors que vous étiez au commandement des forces de l'UCK de Carraleve,

11 pouvez-vous nous dire à quelle période où vous avez été membre du

12 commandement des forces de l'UCK à Carreleve ? Etiez-vous au commandement

13 des forces de l'UCK à Carreleve pendant ces combats ?

14 R. J'ai dirigé l'attaque. Plus tard, j'ai été nommé commandant. A ce

15 moment-là, comme je l'ai dit, je n'étais pas officiellement commandant. Je

16 me trouvais à la tête d'un groupe composé de plusieurs soldats. J'ai

17 accepté des soldats qui avaient rejoint nos rangs. Je suivais l'avancement

18 de la construction des tranchées et des bunkers. Je me trouvais toujours à

19 proximité de l'endroit où nous établissions nos positions. Il est assez

20 normal que je me sois trouvé en charge des opérations.

21 Q. Est-ce que vous avez dirigé les combats qui ont eu lieu le 14 juin ?

22 R. Oui.

23 Q. Y a-t-il eu d'autre combat dans votre secteur après cette date ?

24 R. Oui, le 17 juin. Entre le 17 juin et le moment où l'offensive a été

25 lancée, il y a eu six combats, et c'est six combats ont été couronnés de

Page 3586

1 succès. Pour ce qui est du septième combat, ce fut un échec. Nous avons dû

2 nous retirer de Carraleve.

3 Q. Ce septième combat, s'agissait-il de l'offensive qui était menée fin

4 juin 1998 ?

5 R. [aucune interprétation]

6 Q. Vous avez parlé du septième combat --

7 R. Oui, le septième combat. Il s'agit là de la dernière offensive qui a

8 été menée le 25 et 26 juillet.

9 Q. Vous avez dit qu'avant cela il y avait eu six combats. Est-ce que le

10 premier de ces combats s'est déroulé le 14 juin, et le deuxième le 17

11 juin ?

12 R. Oui. Il y a eu quatre autres combats, mais je ne me souviens pas des

13 dates auxquelles ils ont eu lieu.

14 Q. Je voudrais vous poser des questions au sujet du 17 juin 1998. Que

15 s'est-il passé lors de ce combat ?

16 R. Ce jour-là, comme je l'ai dit un peu plus tôt, nous avons connu un

17 succès. L'un de mes soldats a été légèrement blessé au bras. Ce combat

18 était couronné de succès, et il n'y a pas eu de pertes de notre côté.

19 Q. Ce soldat qui a été blessé, qui était-ce ?

20 R. Ramadan Behluli.

21 Q. Est-ce qu'il est parti quelque part pour y être soigné ?

22 R. Il est allé quelque part en direction de Berisa, mais je ne sais pas où

23 exactement. J'aurais pu lui demander où il avait été soigné, mais je ne lui

24 ai pas posé la question. Ce n'était pas vraiment une blessure; c'était une

25 égratignure simplement.

Page 3587

1 Q. Comment le combat a-t-il commencé ce 17 juin ? Qu'est-ce qui a été à

2 l'origine de ce combat ? Est-ce que les Serbes vous ont attaqués, ou est-ce

3 vous qui les avez attaqués ?

4 R. Pour être tout à fait franc, nous n'attaquions que rarement les Serbes.

5 C'est eux qui nous attaquaient plutôt. Nous nous organisions plutôt de

6 façon défensive pour répondre à leur attaque. Nous ne pouvions pas attaquer

7 les Serbes chez nous. Nous nous trouvions à Carreleve, qui était

8 entièrement peuplé d'Albanais. Je ne pense pas qu'un Serbe soit jamais né à

9 Sarajevo ou à Kroimire. Si nous avions voulu les attaquer, nous les aurions

10 attaqués à Belgrade ou à Nis. Je n'apprécie pas vraiment votre question. Ce

11 n'est pas nous qui avons attaqué les Serbes. C'est les Serbes qui nous ont

12 attaqués.

13 Q. Je comprends. Avez-vous repoussé l'attaque du 17 juin; est-ce bien là

14 ce que vous nous dites ?

15 R. Oui.

16 Q. Le 17 juin, avez-vous vu Fatmir Limaj ?

17 R. Oui.

18 Q. Où l'avez-vous vu ?

19 R. A Kroimire.

20 Q. Si vous le savez, pourquoi est-il venu à Kroimire ?

21 R. A chaque fois que les combats faisaient rage, des camarades venaient

22 nous prêter assistance. Comme je l'ai dit plus tôt, lorsque je suis allé à

23 Komorane pour aider Lapusnik de la même manière, ils sont venus m'aider

24 mais il était trop tard. Les combats étaient déjà terminés. Je ne l'ai pas

25 rencontré pendant les combats, mais je l'ai rencontré à Kroimire.

Page 3588

1 Q. Au cours des différents combats qui ont fait rage dans votre secteur,

2 et dont vous nous avez parlés, ces six combats, à cette occasion, est-il

3 jamais arrivé que d'autres unités viennent prêter rescousse à vos soldats ?

4 R. Bien sûr. Nous recevions toujours de l'aide d'Ymer Alushani, dont j'ai

5 parlé plus tôt. Les personnes venaient nous aider de tous les côtés.

6 Q. Lorsqu'Ymer Alushani est venu à la rescousse de vos soldats, savez-vous

7 d'où il venait ?

8 R. Oui, bien sûr.

9 Q. D'où venait-il ?

10 R. Comme je l'ai dit plus tôt, il venait de la région de Lapusnik.

11 Q. Comment se déroulaient les communications avec les autres secteurs ?

12 R. Je n'avais pas d'appareil radio pour ma part. Peut-être que d'autres en

13 avaient, mais nous nous servions essentiellement d'estafettes. Les

14 villageois nous disaient où les combats faisaient rage, et nous avions pour

15 obligation de nous y rendre et d'aider les unités qui participaient au

16 combat. C'était quelque chose de tout à fait normal.

17 Q. Vous est-il jamais arrivé d'envoyer une estafette afin d'obtenir de

18 l'aide dans le cadre des combats qui avaient lieu dans votre secteur ?

19 R. Non, je ne pense pas que j'ai envoyé une estafette. Ils venaient me

20 voir de leur propre initiative. Il est possible que j'aie envoyé une

21 estafette, mais je ne m'en souviens pas aujourd'hui.

22 Q. Savez-vous comment Ymer Alushani est venu jusqu'à vous pour vous

23 aider ? Comment savait-il qu'il y avait des combats dans votre secteur ? Si

24 vous le savez.

25 R. Lorsqu'il y a eu des combats à Carraleve, comme je l'ai déjà dit,

Page 3589

1 Lapusnik et Kroimire n'étaient pas très distants l'un de l'autre, et l'on

2 entendait les échanges de coup de feu. Lorsqu'il y avait des combats à

3 Carraleve jusqu'à Drenoc, on entendait ces mêmes coups de feu parce que

4 c'était des armes lourdes qui étaient utilisées.

5 Au cours des combats à Carraleve, il est arrivé que des mortiers et

6 des lance-roquettes soient utilisés. D'ailleurs, un civil de Kroimire a été

7 tué; une femme, Afir Detaqeriqi [phon]. Comment ne pas entendre les combats

8 à Komorane ou à Lapusnik, lorsque de Carraleve à Kroimire il n'y a que 7

9 kilomètres ? C'est ce qui explique que les combats aient été entendus de

10 plus loin. Il n'était pas nécessaire que j'appelle qui que ce soit. Nous

11 portions le même uniforme et nous arborions les mêmes emblèmes.

12 Q. En juillet 1998, avez-vous participé aux combats qui ont eu lieu à

13 Rahovec ?

14 R. Non. Même si quelqu'un est venu me chercher, il m'a dit que je devais

15 me rendre à Rahovec. Je n'avais que quelques soldats avec moi et il n'était

16 pas possible de nous rendre sur place. Si je n'avais pas été en état

17 d'alerte moi-même, je me serais rendu à Rahovec.

18 Q. La personne qui est venue vous transmettre ce message, d'où venait-elle,

19 si toutefois vous le savez ?

20 R. Une personne est venue chercher de la nourriture à Klecke, et cette

21 personne a entendu qu'il y avait des combats à Rahovec. Cet homme a dit que

22 toute personne désireuse de se joindre au combat pouvait le faire, mais je

23 n'avais pas suffisamment de soldats et je n'ai pas pu me rendre sur place

24 pour les aider.

25 Q. Monsieur Qeriqi, savez-vous si quelqu'un a envoyé cette personne, ce

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1 messager de Klecke ?

2 R. Je crois que vous vous répétez dans vos questions. Je ne sais pas si

3 cela vient du fait que vous ne me comprenez pas, ou que vous oubliez les

4 choses et les réponses que j'ai déjà données. Comme je l'ai déjà dit plus

5 tôt, Celiku se trouvait à Klecke, et tout ce qui m'arrivait de Klecke

6 m'arrivait de Celiku. Même chose pour Kroimire et moi-même. Tout ce qui

7 partait de Kroimire émanait de moi, et par la suite de moi-même et de

8 Shukri Buja. Nous dirigions l'endroit qui nous avait été affecté. Nous

9 étions chargé des choses, des combats, de défendre la cause, et cetera. De

10 tout.

11 Q. Monsieur Qeriqi, à quelle date ces combats à Rohavec ont-ils eu lieu au

12 mois de juillet précisément ?

13 R. Je ne sais pas. Malheureusement, je ne sais pas, parce que

14 c'était un combat intense. Je n'ai pas la date précise parce que je n'y ai

15 pas participé.

16 Q. J'aimerais attirer votre attention sur l'offensive que vous avez déjà

17 évoquée à la fin du mois de juillet 1998. Où vous trouviez-vous lorsque

18 cette offensive a été lancée ?

19 R. Quelle offensive ? La première ?

20 Q. Celle qui a eu lieu les 25 et 26 juillet 1998.

21 R. J'étais impliqué dans les combats qui avaient lieu à Carraleve. Je vais

22 redire une nouvelle fois que les combats qui ont eu lieu ont été menés de

23 manière héroïque. Nous avons eu à déplorer une victime à Zborce. J'ai perdu

24 mon premier soldat, ce qui a constitué une grande perte pour moi. En outre,

25 ils ont pris nos positions à Zborce. Il nous a été impossible de les

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1 arrêter. Les forces serbes, ce jour-là, ont tué une personne âgée, une

2 personne civile, un paralysé qui ne pouvait pas se mouvoir. Il avait 70 ou

3 80 ans, et ils ont fait de lui ce qu'ils voulaient. Ils l'ont massacré.

4 Q. Comment l'ont-ils massacré ? Savez-vous ce qui s'est passé exactement ?

5 R. Pas exactement, non. C'est sa famille qui m'a dit qu'il avait été

6 torturé avant d'être tué. Je ne peux que me faire le cohéritier de ce qui

7 m'a été dit par son fils. Il m'a dit qu'il avait été tué à petit feu.

8 Q. Vous nous avez dit avoir perdu, à cette occasion, votre premier soldat.

9 Qui était-ce ?

10 R. Le premier soldat que j'ai perdu c'était Ruzhdi Selihu, et le bataillon

11 que j'ai dirigé a été rebaptisé en son nom.

12 Q. De Carraleve, où êtes-vous allé ? Avez-vous combattu à Zborce, vous-

13 même ?

14 R. Non. Les combats avaient eu lieu à la fois à Carraleve et à Zborce. Ils

15 nous attaquaient sur deux fronts. A ce moment-là, je dirigeais les combats

16 à Carraleve. Par la suite, j'ai pris deux soldats avec moi et j'ai voulu

17 essayer d'aider ceux de Zborce parce qu'ils se trouvaient dans une

18 situation plus difficile que nous. Lorsque je suis arrivé sur place, Zborce

19 avait déjà été pris. A ce moment-là, un ordre nous est parvenu qui nous

20 demandait de libérer la route principale parce que les Serbes allaient

21 attaquer la population. Ils ont commencé à tirer non seulement sur nous,

22 mais aussi sur le village où avait trouvé refuge la population. D'ailleurs,

23 elle ne trouvait pas seulement refuge dans ce village, mais elle y vivait

24 tout simplement, les gens vivaient dans leur maison.

25 Q. Cet ordre vous intimant de libérer la route principale, de qui émanait-

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1 il ?

2 R. Cet ordre nous a été transmis par Shukri.

3 Q. Où se trouvait Shukri Buja au cours des combats ?

4 R. Il devait être à Blinaje. A ce moment-là, il est venu. Je ne l'ai pas

5 vu personnellement, mais le soldat me l'a dit. Il m'a dit qu'il leur avait

6 dit qu'il fallait qu'ils se retirent et qu'ils libèrent la route

7 principale.

8 Q. Shukri Buja avait-il un pseudonyme ?

9 R. Oui. C'était Kushtrimi Gazetari, Sokoli.

10 Q. Est-ce --

11 R. Kushtrimi, pas Kushtriti, comme cela s'affiche sur le compte rendu. Sur

12 le compte rendu on lit, Kushtriti, mais c'est Kushtrimi, avec un m.

13 Q. Merci d'avoir apporté cette correction. Avez-vous eu des difficultés

14 avec Shukri Buja à cette période ?

15 R. Non, non, aucun problème. J'avais un peu de mal à accepter cet ordre de

16 retrait, parce que j'y étais opposé. Voilà le seul problème que j'ai

17 rencontré. Parce que j'avais l'impression qu'il faisait les choses à

18 dessein. Peut-être que tel n'était pas le cas, mais en tout cas, c'est ce

19 que m'a évoqué cet ordre. Mais à part cela, il n'y a pas eu d'autres

20 problèmes.

21 Q. Je ne vous comprends pas. Qu'est-ce que vous dites ? Qu'est-ce que vous

22 voulez dire, lorsque vous dites qu'il l'a fait à dessein ? Il a fait quoi à

23 dessein ?

24 R. Peut-être que c'est là mon interprétation des choses, peut-être que

25 c'était une mauvaise interprétation. Moi, je ne souhaitais pas que nous

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1 nous retirerions et je me suis opposé à l'ordre qu'il nous avait donné. Or,

2 cet ordre de retrait, parce que je ne voyais pas de motifs justifiant un

3 retrait. Voilà, c'est tout, rien d'autre.

4 Q. Y a-t-il eu une quelconque discussion par la suite sur cet ordre de

5 retrait ?

6 R. Je ne sais pas s'il y a eu quoi que ce soit, mais il s'est justifié en

7 disant que c'était quelqu'un d'autre qui lui avait dit de se retirer.

8 Q. Vous a-t-il dit qui lui avait demandé ce retrait ?

9 R. A l'époque, il a dit qu'il avait reçu un ordre de l'état-major général.

10 Quant à moi, je ne pense pas qu'il ait reçu un ordre de l'état-major

11 général. Il est impossible qu'il ait rencontré qui que ce soit de cet état-

12 major.

13 Q. Après cette offensive, où vous êtes-vous rendu ?

14 R. Après cette offensive, nous avons retiré nos forces et avons assumé

15 notre dernière position. La population s'est réfugiée dans les gorges et

16 nous, nous sommes restés dans les villages à Pjetershtice, à Kroimire, et

17 nous avons établi une autre ligne de défense. Nous avons établi de

18 nouvelles positions. Tout d'abord, nous avons ensuite construit des bunkers

19 et des tranchées.

20 Q. Combien de temps après l'offensive avez-vous commencé tout cela ?

21 R. Juste après l'offensive en l'espace de deux ou trois jours, mais juste

22 après l'offensive. C'est ce qu'il faut faire dans le contexte de la guerre,

23 lorsque l'on vous oblige à vous déplacer. Alors que vous vous trouvez dans

24 un endroit X, et bien, vous reprenez position ailleurs et vous établissez

25 une nouvelle ligne de défense, donc juste après l'offensive, après deux ou

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1 trois jours, ou une semaine.

2 Q. Après l'offensive, vous a-t-on affecté à un poste particulier ?

3 R. Pendant un certain temps, je suis resté seul avec mes soldats, pendant

4 deux ou trois semaines environ. Par la suite, après l'offensive, j'ai été

5 nommé commandant de bataillon, de manière officielle sur décision.

6 Q. Avec l'aide de l'huissière, j'aimerais vous montrer un document qui

7 porte la date du 16 août 1998.

8 M. WHITING : [interprétation] Il s'agit d'un document qui a été fourni au

9 conseil de la Défense, mais qui n'a pas été fourni aux Juges, or nous

10 disposons d'exemplaires de ce document à leur attention. Ce document se

11 trouve également sur le rétroprojecteur.

12 Q. Monsieur Qeriqi, reconnaissez-vous ce document ?

13 R. Oui, bien sûr, je reconnais ce document. C'est moi-même qui vous l'ai

14 remis. C'est un document qui spécifie qu'à partir d'une date donnée, je

15 suis devenu commandant de bataillon, et je reconnais la brigade en tant que

16 brigade, et que je fais rapport de mes activités à la brigade, et qu'à

17 partir de la date prescrite sur le document, il devient mon commandant.

18 Q. Qui a signé ce document ?

19 R. Le commandant Celiku.

20 M. WHITING : [interprétation] Je demanderais à ce qu'une cote soit

21 attribuée à ce document, Monsieur le Président.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien sûr.

23 M. WHITING : [interprétation] Avec sa traduction.

24 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] P155.

25 M. WHITING : [interprétation]

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1 Q. Cette nomination au poste de commandant de bataillon, Monsieur Qeriqi,

2 amenait-elle des changements, une évolution dans la structure existant dans

3 votre secteur, la structure hiérarchique, j'entends ?

4 R. Non. Si ce n'est que Shukri n'était plus là, et que j'étais seul. En

5 d'autres termes, je dirigeais ce bataillon. Des petits changements ont eu

6 lieu impliquant un certain nombre de soldats. Il y a eu une

7 restructuration, mais à ce moment-là, nous ne savions pas tout. J'étais

8 commandant, mais à l'époque le commandant adjoint chargé de la logistique

9 n'était pas encore nommé, et là, à ce moment précis, ce commandant est

10 nommé.

11 Q. Vous voyez le compte rendu sur votre écran ?

12 R. Oui, cela y est. Merci.

13 Q. Où est allé Shukri Buja, si toutefois vous le savez ?

14 R. A ma connaissance, il est allé dans la zone de Nerodime.

15 Q. A votre connaissance, entre avril et septembre 1998, les fonctions

16 assignées à Fatmir Limaj ont-elles changées, ou sont-elles restées en

17 substance les mêmes ?

18 R. Je ne saurais le dire avec précision parce que je n'étais pas placé

19 sous les ordres de Fatmir Limaj à l'époque, sauf lorsque j'ai reçu la

20 décision. C'était la même personne à Kroimire, la même à Klecke. A partir

21 de ce jour, date à laquelle on m'a informé de cette nomination, je

22 dépendais de lui. J'organisais des réunions avec les différents commandants

23 des différentes unités. Je leur ai expliqué où se trouvaient nos positions,

24 combien de soldats nous disposions, combien de soldats nous avaient

25 rejoint, parce que chaque jour de nouveaux soldats nous rejoignaient. Par

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1 conséquent, je les informais de la vie militaire en général, et ce, à

2 partir du 16 août. Avant cela, je ne sais pas. Je n'ai rien à ajouter. Je

3 n'en ai pas le droit.

4 Q. Monsieur Qeriqi, j'aimerais revenir en arrière avec vous. Vous avez dit

5 plus tôt qu'Isak Musliu a participé au combat de Lapusnik le 9 mai 1998.

6 R. Oui.

7 Q. Savez-vous ce qu'il a fait ensuite ?

8 R. Je ne sais pas ce qu'il a fait ensuite. Il est resté sur place à

9 l'époque, donc je ne sais pas ce qu'il a fait par la suite.

10 Q. Il est resté où ?

11 R. A Lapusnik. Je sais que ce jour-là il est resté à Lapusnik.

12 Q. Savez-vous quel est devenu son poste après cette date ?

13 R. Comme je l'ai dit - puisque vous m'avez déjà posé la question - je

14 pense qu'il aurait pu devenir commandant de section et qu'il soit devenu

15 responsable d'une vingtaine de soldats, pas plus; mais peut-être que je me

16 trompe.

17 Q. A votre avis, quand est-il devenu commandant de section ?

18 R. Je dirais avant l'offensive, parce qu'après l'offensive Lapusnik a été

19 prise. C'est là mon opinion personnelle. Peut-être que je me trompe.

20 Q. Vous avez dit également avoir participé au combat du 29 mai à Lapusnik.

21 Après, du 29 mai jusqu'à la fin du mois de juillet 1998, vous êtes-vous

22 rendu vous-même à nouveau à Lapusnik ?

23 R. Non, jamais.

24 Q. Combien de temps êtes-vous resté commandant de bataillon ? Pendant

25 combien de temps avez-vous occupé ce poste ?

Page 3597

1 R. J'ai occupé ce rang de la date à laquelle la décision a été prise.

2 Jusqu'au 10 août jusqu'au 15 janvier 1999. D'août à janvier.

3 Q. Que s'est-il passé en janvier 1999 ?

4 R. Sur ordre de l'état-major général, je me suis rendu à Tirana afin

5 d'emmener certains de mes soldats qui étaient restés sur place parce que

6 blessés, et de rendre visite à ma famille qui se trouvait sur place à

7 l'époque.

8 Q. Quelqu'un vous a-t-il remplacé au poste de commandant de bataillon ?

9 R. J'ai laissé sur place un adjoint. Il s'appelle Elez Dyrmishi.

10 Q. Depuis combien de temps était-il votre adjoint ?

11 R. Depuis un certain temps. Auparavant il était chargé de la logistique au

12 sein du bataillon. Mais à ce poste en particulier il y est resté pendant

13 deux mois à peu près. Cela se trouve dans mes documents quelque part. Je ne

14 pense qu'il ait occupé ce poste pendant plus deux mois.

15 Q. Mais avant cela il s'occupait de la logistique; c'est bien ce que vous

16 dites ?

17 R. Oui.

18 Q. J'aimerais vous ramener en arrière et revenir au moment de l'offensive

19 fin juillet 1998. Avez-vous vu des gens arrivés en tracteur à Kroimire ?

20 R. Beaucoup de gens sont arrivés en tracteurs. Je ne sais pas de qui vous

21 parlez exactement.

22 Q. Je parle en particulier d'un groupe d'hommes arrivés en tracteur peu de

23 temps après l'offensive de juillet 1998. Avez-vous assisté à leur arrivée.

24 R. Je me souviens avoir déjà entendu cette question de votre bouche la

25 première fois. Au début, je ne m'en souvenais plus, et puis au fil de la

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1 conversation, cela m'est revenu. Effectivement, j'ai assisté à cela. Je

2 sais de quoi vous parlez.

3 Q. Combien d'hommes se trouvaient sur ce tracteur ?

4 R. Je pense qu'ils étaient 11, 12 ou 13, quelque chose comme cela.

5 Q. Avez-vous reconnu l'un de ces hommes ?

6 R. Oui, deux en fait.

7 Q. Qui étaient-ils ?

8 R. Ils venaient de Godance. L'un d'entre eux était Shefqet, et l'autre,

9 Adem. C'est ainsi qu'ils s'appelaient. Mes beaux-parents vivaient près de

10 chez eux et c'est comme cela que je les ai connus.

11 Q. Vos beaux-parents vivent à Godance ?

12 R. Oui, ils sont de la même famille.

13 Q. Quel est le nom de famille des deux hommes que vous avez reconnus ?

14 R. Ramadani. A ma connaissance, ce sont des Ramadani. Je n'en suis pas

15 sûr.

16 Q. Qu'avez-vous fait ?

17 R. C'était un groupe qui était en mouvement. Il y avait eu des combats ce

18 jour-là et j'avais peur qu'ils ne soient tués par les Serbes. Je les ai

19 emmenés chez moi. C'était à l'heure du petit déjeuner. Je leur ai préparé

20 quelque chose pour le petit déjeuner. Ensuite j'ai demandé à quelqu'un de

21 leur montrer l'itinéraire à suivre, un itinéraire où ils ne risquaient pas

22 de croiser des Serbes afin qu'ils puissent rentrer chez eux.

23 Q. Lorsque vous dites que vous les avez emmenés chez vous, parlez-vous de

24 tout le groupe ou de ces deux hommes seulement ?

25 R. Non, de ces deux hommes seulement. C'étaient les seuls que je

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1 connaisse. Quant au reste du groupe, je leur ai également indiqué

2 l'itinéraire à suivre. Mais je n'ai emmené chez moi que ces deux hommes. Si

3 j'avais emmené tout le monde, je n'aurais pas eu suffisamment de nourriture

4 ni suffisamment d'espace pour les recevoir.

5 Q. Avez-vous su d'où venaient ces gens ?

6 R. Non. Ils venaient de Shale, de cet endroit, de cette zone. Mais par la

7 suite, j'ai appris -- enfin je les ai trouvés là le matin. Tôt le matin,

8 lorsque je me suis réveillé, je les ai vus dans le village. Mais c'est vous

9 qui m'avez dit qu'ils venaient de cette direction, sans quoi, je ne

10 l'aurais pas su.

11 Q. Avant cela, vous n'avez jamais su d'où ils venaient

12 précisément ?

13 R. Non, non, je ne l'ai pas su. Je ne savais pas. Ce que je savais, c'est

14 vers où ils se dirigeaient. Je savais qu'ils se rendaient en direction de

15 Carraleve.

16 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce l'heure de

17 faire la pause.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pouvez-vous encore poursuivre pendant

19 dix minutes, ou cela pose-t-il problème ? Si cela pose vraiment un

20 problème, nous pouvons faire la pause tout de suite.

21 M. WHITING : [interprétation] Non, nous allons entrer dans un nouveau

22 domaine plus long.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans ce cas, nous allons faire la

24 pause dès maintenant et nous allons nous retrouver à 17 heures 40.

25 --- L'audience est suspendue à 17 heures 15.

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1 --- L'audience est reprise à 17 heures 42.

2 M. WHITING : [interprétation] M. Powles souhaiterait évoquer une question.

3 Je pense que ce serait utile de le faire maintenant plutôt que d'attendre

4 la fin.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Powles.

6 M. POWLES : [interprétation] Il y a deux semaines, le 14 février,

7 l'Accusation a déposé une requête concernant la recevabilité de la

8 déclaration de Ramandan Behluli en tant que moyen de preuve sur le fond. Si

9 j'ai bien compris la Défense doit donner une réponse aujourd'hui.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est exact.

11 M. POWLES : [interprétation] J'ai été désigné à mon insu pour rédiger une

12 réponse --

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a des descriptions que l'on

14 pourrait donner à ce genre de remarque, mais je ne vais pas les citer.

15 M. POWLES : [interprétation] J'ai un peu l'impression de ne pas avoir fait

16 mes devoirs. En fait, je n'ai pas encore fini de rédiger cette réponse.

17 L'Accusation accepte que la Défense soumette ses écritures dans la semaine,

18 et ce que je demanderais c'est que la Défense bénéficie de sept jours

19 supplémentaires pour rédiger la réponse.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bon, je vois que des signes

21 d'assentiment de part et d'autre. Cela illustre l'esprit généreux qui anime

22 nos travaux.

23 M. POWLES : [interprétation] J'en suis très reconnaissant. Je vais encore

24 aller plus loin. En ce qui concerne l'avis d'alibi qui est également dû

25 aujourd'hui, nous pourrions le faire en l'espace de 24 heures d'ici demain

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1 à 16 heures.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

3 M. POWLES : [interprétation] Merci.

4 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'ai intérêt à intervenir rapidement.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qu'est-ce que vous vouliez dire ?

6 M. GUY-SMITH : [interprétation] C'est à moi qu'il appartient de mettre au

7 point cet avis. Il est prêt maintenant, mais c'est un peu passé les délais

8 pour la notification d'alibi.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis sûr que vous avez distrait par

10 ce qui se passe ici.

11 M. GUY-SMITH : [interprétation] Oui, en effet.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien.

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Merci beaucoup.

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Moi, je ne me suis pas vu attribuer une

15 tâche, mais je dois vous présenter des excuses pour ce qui est de demain.

16 J'espère que c'est la dernière fois que je vais devoir évoquer un procès

17 qui a lieu à Londres.

18 Cela dit, la semaine passée, j'étais censé faire mon plaidoyer final, mais

19 pendant toute la semaine nous avons attendu. Différents jurés sont tombés

20 malades, l'un a eu un accident de moto, donc je n'ai pas pu le faire. A

21 Londres, ils se sont arrangés pour que je puisse le faire en une journée et

22 revenir mercredi.

23 M. Whiting a très gentiment accepté que mes collègues passent avant moi, et

24 il a très gentiment accepté que je puisse interroger le témoin la toute

25 première chose mercredi. Je suis vraiment désolé. Je suis très

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1 reconnaissant pour la collaboration de mes collègues.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous comprends très bien et je

3 pense que vous serez très soulagé d'être enfin libre de ce procès.

4 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, en effet. Mais bon, ne dites pas cela

5 à Londres.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Avant que

7 M. Guy-Smith ne l'oublie, nous devons traiter son objection, la pièce P147.

8 M. GUY-SMITH : [interprétation] Je pensais attendre la fin de la procédure

9 d'aujourd'hui, mais je veux bien l'aborder maintenant.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non, pas tout de suite à moins que

11 vous n'ayez plus rien à dire.

12 M. GUY-SMITH : [interprétation] Si, j'ai encore quelque chose à dire.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être que si nous avons quelque

14 peu de temps demain, à la fin du contre-interrogatoire, pour ceux qui sont

15 présents, mais avant la fin de la séance peut-être que ce serait le bon

16 moment d'aborder la question. Nous allons le garder à l'esprit.

17 M. GUY-SMITH : [interprétation] Ce serait très bien. Merci.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous vous êtes vu attribuer

19 une tâche, Monsieur Whiting ?

20 M. WHITING : [interprétation] Oui, de nombreuses tâches, Monsieur le

21 Président. Pour l'heure, il s'agit de continuer à interroger le témoin.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] C'est parfait.

23 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Qeriqi.

25 Monsieur Whiting.

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1 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

2 Q. Monsieur Qeriqi, je vais maintenant aborder un autre sujet, soit celui

3 des règles au sein de l'UCK. Aviez-vous des règles au sein de l'UCK ?

4 R. Oui.

5 Q. Avec l'aide de l'huissière, je vais vous montrer un document dont le

6 numéro ERN est le U000-0445 à U000-0461.

7 M. WHITING : [interprétation] Je crois qu'on va soumettre ce document à la

8 Chambre et à la Défense. C'est un document qui a été porté à notre

9 attention par le témoin. Nous l'avions déjà en notre possession, mais nous

10 n'en n'avons pas demandé la traduction. Cela dit, nous avons maintenant

11 demandé qu'il soit traduit. J'en ai averti la Défense et je vais tout de

12 même poser au témoin quelques questions concernant ce document.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

14 M. WHITING : [interprétation]

15 Q. Monsieur Qeriqi, je ne vais pas vous demander si vous reconnaissez ce

16 document; je vous demanderais est-ce que vous savez ce dont il s'agit ?

17 R. J'ai l'original sur moi. Je l'ai amené, donc vous pouvez garder cet

18 exemplaire. J'ai ici l'original. Il s'agit de règles provisoires pour

19 l'organisation de la vie au sein de l'armée. Je l'ai ici sous les yeux.

20 Q. Quand est-ce que vous avez obtenu ce livre ?

21 R. Je l'ai peut-être obtenu vers fin juin.

22 Q. Vous dites "peut-être." Est-ce que c'était avant la première offensive

23 que vous avez obtenu ce livre, ce manuel ?

24 R. Avant l'offensive.

25 Q. Est-ce que vous vous souvenez comment vous l'avez obtenu ?

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1 R. Je crois que Shukri et moi-même l'avions, ce manuel, et nous devions le

2 donner à chaque soldat pour qu'il puisse en prendre connaissance. Et chaque

3 soldat l'a fait.

4 Q. Est-ce que vous vous souvenez de quelle source vous avez obtenu ce

5 livre ?

6 R. Je ne sais pas d'où il est venu, mais il a dû nous parvenir de l'état-

7 major général.

8 Q. Est-ce que vous vous souvenez qui vous l'a donné ?

9 R. Comme je l'ai dit, autant que je sache, c'est Shukri qui me l'a amené,

10 et tous deux nous l'avons donné aux soldats afin qu'ils puissent le lire.

11 C'est arrivé à la fin du mois de juin.

12 Q. 1998 ?

13 R. Oui.

14 Q. Est-ce que vous voudriez bien vous tourner vers la première page.

15 R. Oui.

16 Q. On y voit un chiffre romain I et puis un chiffre romain II. Que dit le

17 chiffre romain II ? Est-ce que vous voyez ce à quoi j'essaie d'attirer

18 votre attention ?

19 M. WHITING : [interprétation] Peut-être que l'huissière pourrait nous

20 aider. Je ne sais pas si "chiffre romain II," c'est assez clair.

21 R. Si, si, je sais. Il ne s'agit que d'un exemple, un exemple donné sur la

22 manière de faire des rapports à la 1ère ou à la 2e Compagnie. C'est juste un

23 exemple.

24 Q. Non. Voyez le chiffre 1 sur la page ? Enfin, il y a les chiffres 1, 2,

25 3, 4, 5.

Page 3605

1 R. Ah, vous voulez dire ces chiffres-là ?

2 Q. Merci. Est-ce que vous pouvez nous lire ce qui figure en face du

3 chiffre 1 ?

4 R. C'est le serment. Il est dit : "en tant que membre de l'UCK --

5 Q. Je vais vous demander de lire cela lentement afin que les interprètes -

6 et j'espère que les interprètes en ont un exemplaire - afin que les

7 interprètes puissent suivre.

8 R. C'est le serment que nous avons prêté lorsque nous sommes partis au

9 combat. "En tant que membre de l'UCK" -- pardon.

10 "En tant que membre de l'UCK, je jure de me battre pour la libération des

11 territoires occupés d'Albanie, pour leur unité territoriale. Je serai

12 toujours un combattant discipliné, vigilant et prêt à sacrifier même ma vie

13 pour l'intérêt sacré de la patrie. Si je devais enfreindre ce serment je

14 serai puni par les lois de la guerre. Si je trahis, je mourrai. Je le

15 jure."

16 C'était le serment militaire que nous prêtions.

17 Q. Est-ce que les soldats étaient obligés de prêter ce serment ?

18 R. Pas tous les jours. Ils ne le faisaient qu'une fois. Il suffisait que

19 le soldat lise le serment et le comprenne.

20 Q. Quand est-ce que vous avez prêté serment ?

21 R. Malheureusement, je viens de lire ce serment maintenant. Le jour où

22 j'aurais dû prêter serment, j'étais sur le front. C'est pour cela que je

23 n'ai jamais fait ce serment. Auparavant, lorsque la situation était encore

24 illicite, ma prestation de serment a eu lieu même plus tôt. Je ne me

25 souviens pas d'avoir prêté ce serment-ci. Je me souviens d'avoir prêté ce

Page 3606

1 serment en 1992, lorsque je me suis rendu en Albanie pour me former.

2 Q. Est-ce que vous pourriez vous reporter à la page 5 du document, s'il

3 vous plaît.

4 R. [aucune interprétation]

5 Q. Vous voyez là les chiffres 1, 2, 3, 4, 5, 6.

6 R. Oui.

7 Q. Est-ce que vous pourriez nous lire ce que l'on trouve sous le chiffre

8 2.

9 R. Oui. "Le commandant est le commandant direct vis-à-vis des subordonnés.

10 Des soldats de la compagnie de supérieur hiérarchique direct."

11 Q. Puis il y a encore une ligne --

12 R. "Le commandant a le droit de donner à ses subordonnées des ordres, et

13 de veiller à ce que ses ordres soient bien exécutées. Il est normal que le

14 commandant ait le droit de donner des ordres à ces subordonnées et qu'il

15 s'assure que les ordres sont bien exécutées."

16 Q. Est-ce que vous pourriez nous dire ce qui se trouve sous le chiffre 4.

17 R. De quelle page ?

18 Q. Sur la même page, la page 5.

19 R. "L'officier hiérarchique, mon supérieur, a le droit légal d'exiger de

20 ses subordonnées le respect des règles, des ordres, et des instructions,

21 alors que les subordonnées ont l'obligation d'exécuter les ordres, les

22 décisions, les instructions, et ainsi de suite."

23 Q. Est-ce que vous voulez bien tourner la page suivante, la page 6, s'il

24 vous plaît, et lire ce qui se trouve sous le chiffre 1, le premier chiffre

25 1 ?

Page 3607

1 R. "Ce sont les règles concernant les ordres et leur exécution. L'ordre

2 reflète la décision prise par l'officier supérieur concernant le problème

3 qu'il faut résoudre. Les ordres sont données par écrit, ou par d'autres

4 moyens de communication selon les voies hiérarchiques, et doivent être

5 exécutés."

6 Q. Est-ce que vous pourriez aussi nous donner lecture du chiffre 2.

7 R. "Les ordres n'ont pas à être discutés mais doivent être exécutés

8 rapidement avec précision et loyauté. Le soldat est obligé de rendre des

9 comptes à son supérieur hiérarchique une fois qu'il aura exécuté l'ordre.

10 La personne responsable des conséquences possibles de l'ordre donné est le

11 supérieur hiérarchique."

12 Est-ce que je devrais donner lecture de tous les chiffres ?

13 Q. Non, cela va. Veuillez maintenant aller à la page 8, s'il vous plaît.

14 R. Oui.

15 Q. Est-ce que vous pourriez nous donner lecture du chiffre 8, la première

16 phrase du chiffre 8.

17 R. "Les soldats sont obligés de se comporter de façon décente vis-à-vis

18 des citoyens et des journalistes étrangers."

19 Q. Est-ce que vous pourriez nous lire la dernière phrase du chiffre 8.

20 R. "Les personnes qui communiqueraient avec eux devraient être concises et

21 sans leur donner de renseignement militaire."

22 Je crois que c'est tout à fait normal.

23 Q. Est-ce que vous voudriez bien maintenant aller à la page 10, s'il vous

24 plaît. Est-ce que vous voyez sur cette page une série de phrases qui

25 commence par le terme "te". Je ne sais pas si je le prononce correctement.

Page 3608

1 R. Oui.

2 Q. Est-ce que vous pourriez aller jusqu'à la sixième phrase, "te merr

3 masa", et nous donner lecture de cette phrase, s'il vous plaît.

4 R. "A prendre des mesures adéquates contre les personnes qui ont enfreint

5 les normes consacrées par les règles ainsi que d'autres normes dont la

6 violation pourrait être préjudicielle à la morale et à l'autorité."

7 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant aller à la page 23. Est-ce que vous

8 voyez la cinquième phrase qui commence par "njerezve te panjohur." Est-ce

9 que vous voudriez nous en donner lecture, s'il vous plaît.

10 R. Si. "Le soldat a sur lui des documents secrets. Il doit passer la nuit

11 quelque part dans une famille. Il devrait laisser ces documents auprès du

12 commandant de l'unité la plus proche pour les sauvegarder."

13 Q. Est-ce que vous pourriez maintenant aller à la page 27, s'il vous

14 plaît, et nous lire le chiffre 1.

15 R. "Selon nos conditions, la politique militaire est l'organe exécutif

16 civil et militaire qui est opérationnel sur le territoire du Kosovo,

17 notamment le territoire libre créé par l'armée de libération du Kosovo. Il

18 est organisé et défend les militaires et les civils sur le territoire du

19 Kosovo, surveille les communications, enquête sur les auteurs de crimes

20 civils et militaires, et identifie les auteurs de tels crimes."

21 Q. Est-ce que vous pourriez aller à la page 28, et nous lire la troisième

22 phrase "qu ushtarakeve".

23 R. "Les militaires et les soldats, lorsqu'ils enfreignent les règles, se

24 verront retirer leurs documents, leurs armes, et on les emmènera à un

25 endroit approprié."

Page 3609

1 Q. La phrase qui suit.

2 R. "Ne pas exercer de violence physique sauf dans les cas où ils sont

3 attaqués et sont empêchés d'accomplir leurs devoirs, ne devraient pas

4 utiliser des violences physiques sauf dans les cas où ils se font agresser

5 et sont ainsi d'empêcher d'accomplir leurs devoirs."

6 Q. La phrase suivante.

7 R. "Tous les auteurs d'infractions criminelles seront renvoyés devant

8 l'organe compétent --

9 La phrase suivante ?

10 Q. Oui, s'il vous plaît.

11 R. "Ils devraient être prudents, faire attention, bien se comporter,

12 notamment quant ils logent dans des familles, des familles qui ont

13 contribué et continuent à contribuer à notre guerre de libération

14 nationale.

15 Q. Et puis la dernière phrase.

16 R. Est-ce que je la lis ? Je pense que c'est une bonne idée de la lire.

17 Q. La dernière phrase, juste avant le chiffre 6.

18 R. Le chiffre 6 tout entier ?

19 Q. Non, la dernière phrase.

20 R. D'accord, la dernière.

21 "Il est interdit d'utiliser son pouvoir à des fins ou pour des motivations

22 personnelles."

23 C'est pour cela que j'ai amené ce document au Tribunal, pour bien montrer

24 que notre armée était soumise à des règles, et que nous n'osions pas faire

25 tout ce que nous souhaitions, ou faire des caprices.

Page 3610

1 Q. Je vais vous demander de continuer à lire. Veuillez vous reporter à la

2 page 28. Il y a encore deux choses que j'aimerais que vous nous lisiez sur

3 la page 28.

4 R. "Lorsque nous nous acquittons de nos tâches de barrages routiers, tous

5 les soldats devraient être traités de façon égale. Il faut se comporter de

6 façon adéquate. Ceux qui voyagent doit être convaincus du fait que vous ne

7 faites qu'accomplir votre devoir vis-à-vis de la population et de la

8 patrie."

9 Q. Puis le chiffre 10.

10 R. "PU," donc la police militaire, "doit garder à l'esprit qu'il s'agit

11 d'activités de guerre, et donc le niveau de responsabilité doit

12 correspondre à ce contexte. Vis-à-vis de l'ennemi et de tout ceux qui

13 tentent de saboter ou de faire obstruction à notre guerre de libération,

14 nous ne devrions avoir aucune compassion."

15 Je n'arrive pas à lire cela très bien.

16 Q. Lisez simplement ce que vous pouvez.

17 R. "Ces règles entrent en vigueur avec effet immédiat."

18 Q. Je vous remercie.

19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je vous demanderais

20 d'attribuer une cote à ce document, étant entendu que l'Accusation vous

21 soumettra une traduction complète dès qu'elle sera prête.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

23 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Pièce P156.

24 M. WHITING : [interprétation]

25 Q. Monsieur Qeriqi, vous avez déclaré qu'avez avoir reçu ce manuel

Page 3611

1 d'instruction, vous avez transmis ledit manuel à tous vos soldats pour

2 qu'ils le lisent. Est-ce bien ce qui s'est passé ? Avez-vous respecté ces

3 règles ?

4 R. Oui. Je pense que nous les avons suivies.

5 Q. Avez-vous demandé aux soldats placés sous vos ordres de suivre ces

6 règles ?

7 R. Nous le leur avons demandé, mais nous n'avions pas beaucoup de temps,

8 car nous combattions. Bien entendu, tous les soldats devaient bien

9 comprendre ce règlement.

10 Q. Dans ce règlement, il est fait référence à plusieurs reprises à la

11 police militaire. A votre connaissance, quand la police militaire a-t-elle

12 été constituée au sein de l'UCK ?

13 R. Je pense que dans mon secteur, il n'y avait que deux ou quatre

14 policiers. Ils ne sont pas restés très longtemps. C'était peut-être début

15 juillet ou fin juin; vers la fin du mois de juin ou le début du mois de

16 juillet.

17 Q. A votre connaissance, en quoi consistait les fonctions confiées aux

18 policiers militaires ?

19 R. Les policiers militaires avaient pour mission de rechercher les

20 soldats, de surveiller leur comportement, d'aider la population civile.

21 Voilà en quoi consistaient leurs tâches; par exemple, ils devaient voir

22 comment les soldats se comportaient dans la rue et lorsqu'il y avait des

23 combats, ils venaient combattre à nos côtés.

24 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je vais passer à une

25 autre série de questions, mais avant de le faire, je demanderais que la

Page 3612

1 Chambre fasse un avertissement au témoin en application de l'Article 90(E).

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Qeriqi, on m'a demandé de

3 vous rappeler qu'en vertu du système que nous appliquons dans ce Tribunal,

4 si l'on vous pose une question qui, selon vous, risquerait de vous

5 incriminer, vous pouvez refuser d'y répondre. Est-ce que vous comprenez ce

6 que je viens de vous dire ?

7 LE TÉMOIN : [interprétation] En partie, oui. Est-ce que vous pourriez

8 répéter ce que vous venez de dire encore une fois ?

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pour résumer, vous pouvez refuser de

10 répondre à toute question dont la réponse que vous fourniriez risquerait de

11 vous incriminer.

12 LE TÉMOIN : [interprétation] De par ma présence, je vous affirme que je

13 suis prêt à répondre à toute question qui me sera posée.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il s'agit simplement d'une précaution

15 afin de nous assurer que vous connaissez vos droits. Si vous avez une

16 objection à soulever eu égard à ce que je viens de vous rappeler, n'hésitez

17 pas à le faire, et nous verrons ce qu'il conviendra de faire à ce moment-

18 là.

19 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai prêté serment. J'ai déclaré que je dirai

20 la vérité, et c'est ce que j'ai l'intention de faire par rapport à ce que

21 je sais. Je ne vois pas j'éviterais de répondre à certaines questions qui

22 me seraient posées.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Veuillez simplement garder

24 cela à l'esprit. Cela étant dit, M. Whiting va continuer à vous interroger.

25 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

Page 3613

1 Q. Monsieur Qeriqi, connaissez-vous Emin Emini ? Savez vous qui il était ?

2 R. Emin Emini ?

3 Q. Est-ce que ce nom vous dit quelque chose ?

4 R. Oui. Je le connaissais. Je sais que vous m'avez posé des questions au

5 sujet lors du premier entretien que nous avons eu, vous m'avez posé des

6 questions à son sujet.

7 Q. Etiez-vous présent lors de son enlèvement le 12 juin 1998 ?

8 R. Non.

9 Q. Avez-vous pris part à son enlèvement ?

10 R. Je vous ai dit que non. Je ne sais même pas que cette personne avait

11 été enlevée. Je n'en ai pas entendu parlé. Je l'ai su lorsque vous êtes

12 venu m'interroger.

13 Q. Vous n'avez pas appris, vous n'avez pas entendu dire qu'il avait été

14 enlevé en juin 1998, vous ne le saviez pas ?

15 R. Non, je ne le savais pas.

16 M. GUY-SMITH : [interprétation] Excusez-moi, peut-être que c'est dû au ton

17 avec lequel M. Whiting a posé cette question, mais je pense que M. Whiting

18 est en train de guider le témoin ou, en tout cas, il prend cette direction.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que l'on ne saurait soulever

20 aucune objection par rapport à la question qui vient d'être posée, mais

21 j'ai moi-même remarqué le ton qui avait été employé.

22 Monsieur Whiting, veuillez poursuivre.

23 M. WHITING : [interprétation] Très bien, je tiendrai compte de cela.

24 Q. Connaissez-vous Lutfi Xhemshiti ?

25 R. C'est à moi que vous posez la question ? Je n'ai pas entendu votre

Page 3614

1 question.

2 Q. Je vais vous poser une nouvelle fois cette question. Connaissez-vous

3 Lutfi Xhemshiti ?

4 R. Non, je ne le connais pas.

5 Q. Connaissez-vous sa famille de Bregu i Zi ?

6 R. Je les ai vus une fois.

7 Q. Est-ce que vous vous êtes rendu dans leur maison, vers le mois de juin

8 ou juillet 1998 ?

9 R. Oui, j'y suis allé pour une arme. J'ai récupéré une arme chez eux.

10 C'est là la seule fois que j'ai confisqué une arme dans une famille. Je me

11 suis senti très mal à l'aise quand je suis entré dans la maison en

12 uniforme. Les enfants étaient effrayés. Je leur ai dit que j'étais là pour

13 récupérer une arme. En entrant dans cette maison en uniforme, je me sentais

14 mal, je ne trouvais pas cela juste. C'est la seule fois que je suis allé

15 confisquer ou saisir une arme. Ils m'ont donné une arme. Il s'agissait d'un

16 fusil de calibre 48. Je l'ai remis à un soldat et je n'ai jamais revu cette

17 famille.

18 Q. Quand cet épisode a-t-il eu lieu, si vous vous en souvenez ?

19 R. Je ne saurais vous dire la date avec précision. Je ne sais pas

20 exactement.

21 Q. Savez-vous au cours de quel mois cela a eu lieu ?

22 R. Peut-être en juin, mais là encore je ne saurais vous répondre avec

23 précision.

24 Q. Était-ce avant l'offensive qui a eu lieu fin juillet 1998 ?

25 R. Avant. C'était avant l'offensive.

Page 3615

1 Q. Lorsque vous vous êtes rendu dans cette maison, était-ce pendant la

2 journée, ou pendant la nuit ?

3 R. C'était pendant la nuit.

4 Q. Vous souvenez-vous quelle heure il était ?

5 R. Je ne sais pas.

6 Q. Est-ce que les habitants de cette maison étaient endormis lorsque vous

7 êtes arrivé ?

8 R. Non, ils étaient tous réveillés.

9 Q. Qui vous a accompagné ?

10 R. J'étais accompagné de plusieurs de mes soldats. Je ne me souviens pas

11 exactement qui était là avec moi. Il y avait deux ou trois soldats qui

12 m'accompagnaient. C'était pendant la soirée, juste avant la tombée de la

13 nuit.

14 Q. Vous souvenez-vous du nom de l'un quelconque des soldats qui vous

15 accompagnaient ?

16 R. Je ne m'en souviens pas.

17 Q. Avez-vous adressé la parole à qui que ce soit dans cette maison ?

18 R. Oui, j'ai parlé à quelqu'un. Je ne sais pas si c'était son frère ou

19 quelqu'un d'autre. A ma connaissance Luta était là aussi. C'est lui qui m'a

20 remis l'arme. Il m'a également remis une tenue de garde forestier.

21 Q. Est-ce que vous avez discuté avec Luta ?

22 R. Non. Il m'a simplement remis le fusil et la tenue ou l'uniforme. En ce

23 qui concerne cet uniforme, je lui ai dit que je n'étais pas là pour cela.

24 Je l'ai remercié pour l'arme, et il m'a dit je te remets cet uniforme parce

25 qu'il ressemble à l'uniforme de l'armée. Donc j'ai pris cet uniforme

Page 3616

1 également, mais ce n'est pas moi qui le lui ai demandé. Toute sa famille

2 était présente. Son frère était là. Je lui ai dit qui j'étais. Je me suis

3 présenté, j'ai donné mon nom, mon prénom.

4 Q. Savez-vous quel était l'emploi exercé par Luta Xhemshiti ?

5 R. À l'époque, quelqu'un m'a dit qu'il possédait un fusil, qu'il était

6 garde forestier. C'est pour cela que j'y suis allé, pour récupérer le

7 fusil. Je ne savais rien d'autre à son sujet.

8 Q. A-t-il dit quoi que ce soit au sujet de l'UCK ?

9 R. Non, il m'a simplement dit, je viendrais moi aussi, rien d'autre.

10 Q. Qu'avez-vous répondu lorsqu'il a dit qu'il viendrait ?

11 R. Je lui ai dit, tu viendras une autre fois, aujourd'hui donne-moi

12 simplement le fusil. Il m'a dit d'accord, je vais me préparer et je vais

13 venir.

14 Q. Avez-vous appris qu'il a été enlevé quelques jours plus tard ?

15 R. Non, je n'ai jamais appris cela. Je ne le savais pas.

16 Q. Avez-vous jamais entendu dire qu'il avait été enlevé ?

17 R. Par la suite oui, mais pas à l'époque. Par la suite, j'ai entendu dire

18 qu'il s'était passé quelque chose. Son épouse et l'un de ses enfants

19 étaient là, et ont demandé s'il se trouvait quelque part dans ce secteur.

20 Je ne sais pas s'il était accompagné d'un enfant ou de deux enfants. Cela

21 s'est passé à Kroimire, je lui ai dit c'est moi qui suis venu chez vous, et

22 à qui vous avez remis le fusil. Il n'y avait pas de raison de procéder à

23 cet enlèvement.

24 Q. Quand avez-vous parlé à son épouse ?

25 R. Je ne m'en souviens pas, mais je sais qu'elle est venue. C'était

Page 3617

1 pendant les combats.

2 Q. Quels combats ?

3 R. Je ne sais pas exactement quand cela s'est passé, mais c'était à

4 l'époque où je servais dans les rangs de l'armée. Probablement après

5 l'offensive, vers septembre ou octobre, mais je ne saurais vous donner de

6 date précise, car je ne sais pas.

7 Q. Lorsqu'elle est venue vous trouver, que vous a-t-elle dit ?

8 R. Elle m'a dit mon mari a disparu. Quelqu'un a enlevé mon mari. Je lui ai

9 dit que cela ne pouvait pas être quelqu'un de l'armée, que c'était

10 impossible qu'un membre de l'armée soit venu pour l'enlever.

11 Q. Avez-vous jamais appris quoi que ce soit d'autre au sujet du sort qui

12 avait été réservé à cet homme ?

13 R. Non, rien d'autre.

14 Q. Vous souvenez-vous d'un dénommé Hetem Rexhaj qui se serait présenté à

15 votre quartier général à Kroimire ?

16 R. Je me souviens que vous m'avez déjà posé cette question à l'époque. Il

17 m'a fallu du temps pour me rappeler cette personne. Deux frères servaient à

18 mes côtés. L'un d'entre eux s'appelait Hetem Rexhaj. Est-ce bien le nom que

19 vous avez mentionné ?

20 Q. Oui. Vous avez dit qu'il y avait deux frères qui servaient à vos

21 côtés ? Qu'entendez-vous par là ?

22 R. Oui, deux frères. Je ne connais pas leurs noms. Ils n'étaient pas avec

23 nous, ils ne faisaient pas partie de nos rangs, mais ils sont venus nous

24 trouver.

25 Q. Que s'est-il passé lorsqu'ils sont arrivés ?

Page 3618

1 R. L'un d'entre eux a dit qu'ils avaient été convoqués pour venir servir

2 dans les rangs de l'UCK.

3 Q. Qu'avez-vous répondu ?

4 R. Juste l'un d'entre vous ou les deux ? Il a dit : Juste l'un d'entre

5 nous. J'ai dit : Très bien, l'un d'entre vous peut rester, et l'autre peut

6 partir. J'ai ajouté que ce n'est pas moi qui les avais convoqués, et que ce

7 devait être quelqu'un d'autre.

8 Ils sont partis pour Shale. J'ai dit à mes soldats de leur expliquer la

9 direction. J'avais des soldats déployés à Shale, Kroimire et Lapusnik. Ils

10 sont partis vers Shale. Je ne sais pas jusqu'où ils sont allés. Il y avait

11 des combats intenses qui faisaient rage. Il est possible qu'ils aient été

12 tués par les Serbes au cours des combats.

13 Q. Vous dites "l'un d'entre eux pouvait rester, et l'autre pouvait

14 partir."

15 R. Non. J'ai dit que l'un pouvait rentrer chez lui, et que l'autre, celui

16 qui avait été convoqué, pouvait rester. Cette personne est en vie. Si l'un

17 d'entre eux n'est plus en vie, l'autre est certainement en vie, et peut me

18 faire face; je peux le confronter. Si ce ne sont pas les propos que j'ai

19 tenus, je serai tenu responsable.

20 Q. Qu'est-il arrivé à celui qui est resté ?

21 R. Je ne sais pas. Je lui ai simplement dit de partir vers Shale; c'est ce

22 qu'il a fait. Je ne l'ai jamais revu par la suite. Mes soldats lui ont

23 expliqué la direction à prendre pour Shale.

24 Q. Savez-vous ce qu'il lui est arrivé ?

25 R. Je sais qu'il est parti en direction de Shale.

Page 3619

1 Q. Savez-vous ce qui lui est arrivé par la suite ?

2 R. Je ne sais rien de plus, rien de plus.

3 Q. Etait-il ligoté ?

4 R. Non. Il était inutile de l'attacher. Si quelqu'un vient vous trouver et

5 vous dit : j'ai été convoqué dans les rangs de l'armée. Je ne vois pas en

6 quoi il aurait été nécessaire de l'attacher.

7 Q. Je souhaiterais vous présenter quelques photographies avec l'aide de

8 l'huissière.

9 M. WHITING : [interprétation] Aux fins du compte rendu d'audience, je

10 précise qu'il s'agit des photographies U003-2174, 2172, 2164 et 2165. Il

11 est inutile de placer ces photos sur le rétroprojecteur.

12 Q. Monsieur Qeriqi, veuillez regarder ces photos, je vous prie.

13 R. Oui.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'on a placé sur le

15 rétroprojecteur une photo au sujet de laquelle certaines mesures ont été

16 prises ?

17 M. WHITING : [interprétation] Je ne crois pas, Monsieur le Président. La

18 pièce à conviction dont est extraite cette photo est conservée sous pli

19 scellé. En ce qui concerne la photo elle-même, je pense qu'il n'y a pas de

20 problème.

21 Q. Monsieur Qeriqi, est-ce que vous reconnaissez l'un quelconque des

22 hommes dont le visage apparaît sur ces photos ?

23 R. Non. J'ai regardé toutes les photos, mais je ne connais pas ces

24 personnes.

25 Q. Savez-vous que quatre hommes serbes ont été débarqués d'un autobus à

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1 Carraleve vers le 30 juin 1998 ?

2 R. Non.

3 Q. N'avez-vous jamais entendu parler du fait qu'un homme serbe avait été

4 arrêté à Carraleve --

5 R. Non.

6 Q. Il faut que je termine ma question avant que vous répondiez.

7 R. Excusez-moi.

8 Q. Avez-vous entendu dire que des hommes serbes avaient été débarqués d'un

9 autocar à Carraleve ?

10 R. Non.

11 Q. Connaissez-vous un soldat appelé Rrahman Tafa ?

12 R. Oui, je l'ai connu. Aujourd'hui, c'est un martyr.

13 Q. Quand a-t-il été tué ?

14 R. Il a été tué le 11 avril 1999 à Koshare.

15 Q. En juin 1998, était-il placé sous vos ordres ?

16 R. Rrahman, oui.

17 Q. Qu'en est-il de Ramadan Lushi ? Etait-il, lui aussi, placé sous vos

18 ordres ?

19 R. Il n'y a jamais eu de Ramadan Lushi.

20 Q. Qu'en est-il de Feradin [phon] Gashi ?

21 R. Il est arrivé plus tard. Il a rejoint nos rangs plus tard, après

22 l'offensive. Avant cela, il n'a passé que peu de temps dans nos rangs. Il

23 s'occupait davantage des questions logistiques.

24 Q. Je souhaiterais vous présenter deux photos supplémentaires. Aux fins du

25 compte rendu, il s'agit des photos U003-8699 et U003-8700.

Page 3621

1 R. Je ne le connais pas. Je ne les connais pas.

2 Q. Aux environs du 25 juin 1998, avez-vous entendu quoi que ce soit

3 concernant Zivorad Krstic ou Srboljub Miladinovic ? Avez-vous entendu quoi

4 que ce soit selon lequel ces deux hommes auraient été débarqués du car de

5 Carraleve ?

6 R. Non.

7 Q. Miladinovic, ce nom vous dit-il quoi que ce soit, il s'agissait d'un

8 agent de la circulation de Shtime ?

9 R. Je ne me souviens pas de cela. Je n'ai rien entendu dire le concernant.

10 Q. Ma question était la suivante : ce nom vous dit-il quelque chose ?

11 Connaissiez-vous cet homme ?

12 R. Non, je ne le connaissais pas. Je ne vivais pas sur place. Je ne

13 pouvais pas les connaître. Je vous ai dit qu'à partir de 1991 [comme

14 interprété], je vivais à l'étranger. Comment pouvais-je connaître les

15 Serbes ?

16 Q. N'avez-vous jamais entendu parler de l'arrestation à Carraleve ou du

17 débarquement d'un autobus de cet agent de la circulation ?

18 R. Non, je n'en ai pas entendu parler.

19 Q. J'aimerais vous soumettre davantage des photos. Aux fins du compte

20 rendu, il s'agit des photos U003-2166, U003-2167, et

21 U003-2168. Monsieur Qeriqi --

22 R. Je ne les connais pas non plus.

23 Q. En juin ou en juillet 1998, avez-vous entendu quoi que ce soit

24 concernant trois Serbes, deux frères et un autre homme, qui auraient été

25 débarqués de leur propre véhicule, une voiture ? Ceci ce serait produit

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1 dans votre région.

2 R. Non, je n'en n'ai pas entendu parler et nous n'avions pas le droit

3 d'enlever les gens. Je ne pense pas que des gens aient été enlevés par nos

4 soldats.

5 Q. J'aimerais vous montrer une autre photo. Il s'agit de U003-2171.

6 R. Je ne le connais pas non plus.

7 Q. Avez-vous entendu parler du fait que deux Serbes auraient été débarqués

8 de leur camion de livraison en juin ou en juillet 1998 ?

9 R. Je n'en ai pas entendu parler.

10 Q. En juin et en juillet 1998, avez-vous entendu parler de la capture

11 quelconque d'hommes serbes par des soldats de l'UCK dans votre secteur ?

12 Avez-vous appris que des hommes serbes avaient été arrêtés par des soldats

13 de l'UCK dans votre secteur à cette époque ?

14 R. Non. Je vous ai déjà dit plus tôt que personne n'avait le droit

15 d'enlever qui que ce soit. Ceci ne figurait pas dans notre règlement. Je ne

16 peux pas imaginer que quiconque ait osé faire ce genre de chose. Comment

17 aurais-je pu entendre parler de quelque chose que nous ne faisions pas ?

18 Q. J'aimerais maintenant vous montrer d'autres photos :

19 U0323-1471, 0323-1436, et U003-8705.

20 R. Je ne les connais pas.

21 Q. Agim Ademi, Vesel Ahmeti, Shyqyri Zymeri, ces noms vous disent-ils

22 quelque chose ?

23 R. Je ne les connaissais pas auparavant, mais après la guerre, j'ai

24 entendu des rumeurs les concernant. A part cela, je ne les connaissais pas.

25 Agim, celui dont vous parlez, ma belle famille vivait près de chez lui. Je

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1 sais qu'ils avaient des liens de parenté, mais je n'en sais pas plus.

2 Q. Ce sont les membres de votre belle famille qui vivent à Godance ?

3 R. Oui.

4 Q. Avez-vous participé avec d'autres à leur enlèvement le 27 juin 1998 ?

5 R. Non, non, je n'ai participé à un quelconque enlèvement, ni de ces

6 personnes, ni d'autres personnes. Je n'aurais aucune raison de le faire.

7 Comme tout le monde d'ailleurs, personne n'avait de raison de le faire.

8 Q. Si je comprends bien votre réponse, vous ne savez pas qu'ils ont été

9 enlevés en juin 1998. Vous n'en n'avez absolument pas eu connaissance, si

10 j'ai bien compris votre témoignage.

11 R. Je ne sais rien là-dessus, et je suis absolument certain de ce que je

12 déclare. Si j'avais su quoi que ce soit, je l'aurais dit devant ce

13 Tribunal. Mais je n'ai aucune information sur cela. Ce que je dis, c'est

14 que je ne sais rien sur ces hommes.

15 M. WHITING : [interprétation] Pouvons-nous passer à huis clos partiel, s'il

16 vous plaît ?

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

18 [Audience à huis clos partiel]

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11 Pages 3624-3629 expurgées. Audience à huis clos partiel.

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20 [Audience publique]

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons lever l'audience jusqu'à

22 14 heures 15 demain après-midi.

23 --- L'audience est levée à 19 heures et reprendra le mardi 1er mars 2005, à

24 14 heures 15.

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