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1 Le jeudi 3 mars 2005
2 [Audience publique]
3 Les accusés sont introduits dans le prétoire.
4 --- L'audience est ouverte à 9 heures 49.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour. Il semblerait que le temps
6 était contre nous ce matin. Avant de donner la parole à
7 M. Whiting, j'aimerais vous dire qu'hier j'ai agi avec un peu trop de hâte
8 au moment de lever l'audience. Je vous ai dit que nous ne pourrions pas
9 siéger vendredi 11, puisqu'une plénière aura lieu. En réalité, cette
10 plénière ne débutera qu'à midi. Par conséquent, nous pourrons nous
11 retrouver jusqu'à midi environ ce vendredi 11, de manière à ce que nous
12 puissions travailler un peu pendant cette journée.
13 Je vois que toute l'équipe de la Défense est presque là.
14 M. MANSFIELD : [interprétation] Je tiens à vous remercier, Monsieur le
15 Président, Madame, Monsieur les Juges ainsi que Monsieur Whiting. Merci de
16 vous être adaptés à la situation qui était la mienne un peu difficile.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous vouliez
18 intervenir, je crois.
19 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Une question a
20 été soulevée hier. Je me suis concerté avec les conseils de la Défense sur
21 ce point. Je crois qu'il faut des éclaircissements. Au début de l'audience
22 hier, en ce qui concerne la demande de
23 Me Topolski, j'ai dit que le bureau du Procureur n'avait pas dit à ce
24 témoin M. Qeriqi, quoi que ce soit concernant un changement quant à son
25 statut, qu'on ne lui avait pas dit qu'il n'était plus considéré comme un
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1 suspect. C'est vrai lorsque je l'ai dit hier, et de notre point de vue,
2 cela reste vrai. J'ai revérifier pour être absolument certain. En ce qui
3 nous concerne rien n'a été dit à ce témoin, à savoir qu'on ne lui a pas dit
4 qu'il n'était plus suspect.
5 Afin que les choses soient parfaitement claires, je devrais vous dire que
6 l'enquêteur dont il a été fait mention par le témoin Ole Lehtinen, cet
7 enquêteur a eu des conversations assez importantes concernant la
8 comparution de ce témoin en tant que témoin. Il a eu un certain nombre de
9 contacts avec lui quant à sa venue ici sur une injonction qui serait peut-
10 être nécessaire, injonction à comparaître. M. Lehtinen était présent
11 lorsqu'on lui a signifié cette injonction à comparaître en tant que témoin.
12 Il a participé à l'organisation de sa venue ici afin de témoigner en tant
13 que témoin. Toutefois, M. Lehtinen ni tout autre personne du bureau du
14 Procureur ne lui ont dit qu'il n'était plus suspect. Voilà, je voulais
15 simplement clarifier les choses.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Topolski, je pense --
17 M. TOPOLSKI : [interprétation] Excusez-moi, je vous ai interrompu.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'allais effectivement le faire, mais
19 j'ai décidé de me taire jusqu'à ce que j'entende ce que vous aviez à me
20 dire. La sagesse est une qualité rare.
21 M. TOPOLSKI : [interprétation] Je suis bien conscient que
22 M. Whiting nous dit là la vérité et nous rapporte ce qu'on lui a dit
23 toutefois. Il s'agit là d'une question potentiellement importante, et je
24 dirai simplement cela : nous espérons fortement qu'au moment qu'il
25 conviendra, M. Lehtinen sera mis à notre disposition afin que nous
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1 puissions contre-interroger sur cette question en particulier et sur
2 d'autres questions qui ont été soulevées. Je suis sûr que ceci aura lieu
3 aux questions relatives à conduite de l'enquête. Je n'en dirai pas plus sur
4 cette question.
5 Puisque je suis debout, j'aimerais obtenir une autorisation de votre
6 part. Il y a une question que j'aurais souhaité évoquer avec
7 M. Qeriqi. J'ai oublié de le faire hier. Avant que M. Mansfield ne débute
8 son contre-interrogatoire, j'aimerais avoir l'autorisation de le faire.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
10 Ce que j'allais dire n'a pas d'incident sur la décision déjà prise
11 sur votre requête d'hier, Maître Topolski. Les seuls éléments dont nous
12 disposons sur la question qui nous occupe, et bien, c'est que ce témoin
13 nous a déclaré avoir entendu de quelqu'un qu'il n'était plus suspect. Par
14 conséquent, si l'Accusation souhaite présenter des éléments factuels, d'une
15 manière ou d'une autre, il faudra tenir compte de cela dans le cadre de
16 nouveaux éléments de preuve apportés par ce témoin. Effectivement, vous
17 aurez la possibilité de poser la question que vous n'avez pas posée hier au
18 témoin, aujourd'hui.
19 M. TOPOLSKI : [interprétation] Merci.
20 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président --
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'espérais que nous entendions un
22 témoin --
23 M. MANSFIELD : [interprétation] Je voudrais intervenir sur cette même
24 question. J'espère poser au témoin un certain nombre de questions
25 concernant ce qu'on lui a dit afin de déterminer si on lui a dit qu'il
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1 était suspect ou qu'il n'était plus suspect. Je pense que je devrais poser
2 un certain nombre de questions supplémentaires quant à savoir s'il existe
3 des documents sur les différentes rencontres qui ont été décrites avec M.
4 Lehtinen, et qui ont porté sur la comparution du témoin ici sur
5 l'injonction, et cetera. Nous aimerions savoir ce que M. Lehtinen va nous
6 dire sur la question, et nous aimerions l'entendre pendant que le témoin
7 sera présent ici. Je vais poser un certain nombre de questions concernant
8 ce point en particulier.
9 Nous pensons qu'il serait bon d'obtenir également des informations de
10 M. Lehtinen, et que ceci pourrait vous aider lorsque vous évaluerez la
11 véracité du témoignage de M. Qeriqi.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, pouvez-vous nous
13 aider ?
14 M. WHITING : [interprétation] Pas à ce stade, malheureusement. Je ne sais
15 pas s'il existe des notes ayant été prises au cours de ces rencontres ou
16 s'il existe des rapports. Il me faudrait pour cela un peu de temps pour le
17 déterminer, je dirais dix minutes. Il faudrait que je pose la question à
18 l'enquêteur.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suggérerais que vous essayiez
20 d'obtenir ces informations le plus rapidement possible, et que vous les
21 communiquiez à M. Mansfield le plus rapidement possible, dès leur
22 obtention, et qu'entre-temps, nous poursuivions. Il me semble que la
23 question de savoir si vous avez l'intention de reciter à comparaître M.
24 Lehtinen, pourra être déterminé à la fin du contre-interrogatoire de ce
25 témoin plutôt qu'à ce stade. Si vous n'avez pas une position très précise
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1 sur ce point, je ne veux pas insister.
2 M. WHITING : [interprétation] C'est vrai. Pour l'instant, ma position n'est
3 pas tout à fait définitive sur la question. C'est quelque chose qu'il
4 faudra que je détermine un peu plus tard. Grâce aux technologies modernes,
5 je pense qu'ici, de ce prétoire, je peux contacter M. Lehtinen dès qu'il
6 sera dans son bureau, et obtenir de lui cette réponse de manière
7 relativement rapide.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avec ou sans technologie, il serait
9 bon que vous puissiez répondre à la question de
10 Me. Mansfield de manière à ce qu'il puisse déterminer le chemin à suivre ou
11 la voie à suivre dans son contre-interrogatoire.
12 Faites rentrer le témoin s'il vous plaît.
13 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur Qeriqi.
15 J'aimerais vous rappeler que vous avez prononcé une déclaration solennelle
16 au début de votre témoignage qui continue de s'appliquer. Je m'excuse du
17 retard, mais vraisemblablement, la météo a retardé l'arrivée des accusés ce
18 matin.
19 M. Topolski souhaite soulever un point supplémentaire avec vous. Par
20 la suite, Me Mansfield vous posera un certain nombre de questions.
21 Maître Topolski.
22 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président.
23 LE TÉMOIN: RAMIZ QERIQI [reprise]
24 [Le témoin répond par l'interprète]
25 Contre-interrogatoire par M. Topolski : [Suite]
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1 Q. [interprétation] Monsieur Qeriqi, vous voulez dire quelque chose peut-
2 être.
3 L'INTERPRÈTE : Le témoin lève la main.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.
5 R. Excusez-moi, j'aurais une demande à formuler. Hier, nous sommes passés
6 à plusieurs reprises à huis clos. J'ai demandé à la Chambre de première
7 instance de ne pas passer en audience à huis clos au cours de mon contre-
8 interrogatoire, car je souhaite que les miens, mon peuple, soit informé
9 avec clarté de ce qui se passe, de tout ce qui se passe. Je ne souhaite pas
10 témoigner en audience à huis clos. Je veux que tout se fasse de manière
11 publique. Je veux que tout le monde sache le type de questions qui m'est
12 posé par les avocats parce que je rentre au Kosovo. J'espère que vous
13 tiendrez compte de ma requête.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci de nous avoir informés de votre
15 volonté de parler librement et ouvertement, afin que tous puissent entendre
16 ce que vous avez à dire et les questions qui vous sont posées. Tout ceci
17 est tout à fait pertinent et sera pris en considération.
18 Toutefois, la Chambre doit tenir compte d'autres éléments, notamment
19 de l'incidence que votre témoignage peut avoir sur d'autres, notamment
20 lorsque vous faites référence à un certain nombre de patronymes. Dans
21 certains cas, certains aspects, certains volets relativement brefs de votre
22 témoignage doivent être entendus en audience à huis clos. Bien entendu, la
23 quasi-totalité de votre témoignage se fait en audience publique. Si
24 toutefois, le besoin s'en fait sentir, nous devrons envisager la
25 possibilité de passer en audience à huis clos, mais nous avons bien entendu
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1 votre demande.
2 Maître Topolski.
3 M. TOPOLSKI : [interprétation]
4 Q. Hier, nous parlions de la création de la formation de bataillons et de
5 brigades. Peut-être pourriez-vous me renseigner sur une réunion dont je
6 vous ai que vous y aviez participé. Quant à la date, tout d'abord, je pense
7 que cette réunion a eu lieu au cours de la première dizaine de jours du
8 mois d'août 1998. Je suggérerais également, et je vais vous présenter les
9 choses en différents éléments. Je pense qu'Isak Musliu, Qerqizi est venu à
10 Kroimire pour vous parler d'une réunion importante qui allait avoir lieu ce
11 soir-là. Cette réunion devait se tenir à Klecke dans une maison où était
12 stationné -- basé Fatmir Limag.
13 Avez-vous un quelconque souvenir de cet événement ?
14 R. Je l'ai évoqué plus tôt. J'ai dit jusqu'à l'offensive, jusqu'à la fin
15 du mois de mai, le numéro un c'était Shukri Buja et que j'étais son second,
16 j'étais donc le numéro deux. Après l'offensive, le bataillon et la brigade
17 ont été formés, et la décision, décision que j'ai amenée ici a été prise de
18 me nommer commandant de bataillon. En ce qui concerne la période préalable
19 à cette date, j'ai dit m'être rarement rendu à Klecke. Je ne sais pas s'il
20 y avait une brigade ou pas. Peut-être que Shukri le sait. Il est vrai que
21 la raison pour laquelle j'ai amené ces documents, c'est que je suis devenu
22 commandant de bataillon après l'offensive. A partir de ce moment-là, à
23 partir de ma nomination, je suis devenu responsable de l'état-major à
24 Kroimire.
25 Q. L'offensive que vous évoquée, c'est l'offensive qui a eu lieu fin juin,
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1 n'est-ce pas, offensive lancée par les Serbes ? Que les choses soient bien
2 claires.
3 R. L'offensive a eu lieu le 25 et le 26 juillet. Je parle de cette
4 offensive-là, oui.
5 Q. Bien. Je cherche à être très précis, Monsieur Qeriqi. J'aimerais que
6 vous m'apportiez votre concours. Ce que je suggère, c'est que vous avez
7 assisté à une réunion qui a eu à Klecke, dans une maison où était stationné
8 Fatmir Limaj, au cours des premiers jours du mois d'août. Une maison située
9 à peu près à mi-hauteur d'une colline à Klecke. Avez-vous assisté à une
10 réunion à Klecke au début du mois d'août 1998 ?
11 R. Je n'en ai pas un souvenir exact. Je ne sais pas si c'était au début ou
12 à la fin du mois d'août, mais j'y étais. C'est vrai, j'ai assisté à cette
13 réunion.
14 Q. Je vais vous citer une liste de personnes qui étaient également
15 présentes. Isak Musliu était présent, n'est-ce pas ?
16 R. Pourriez-vous me donner la liste, s'il vous plaît, avec tous les noms
17 de ces personnes, parce que peut-être que je ne me souviens pas très bien
18 de cette réunion. Il serait plus facile pour moi de connaître l'ensemble
19 des personnes qui y étaient ?
20 Q. Oui. Isak Musliu, Fatmir Limaj, vous-même, Skender Hoti, Muse Jashari,
21 Ismet Jashari, et peut-être une ou deux autres personnes dont je n'ai
22 malheureusement pas le nom.
23 R. Oui, c'est possible. C'est vrai.
24 Q. Cette réunion a commencé par une discussion sur la situation des
25 civils, puis les participants sont passés rapidement à un autre thème, à
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1 savoir, la nouvelle structure des brigades. Cette réunion a duré d'une
2 heure et demie à deux heures. Vous en souvenez-vous ?
3 R. Je ne sais pas combien de temps la réunion a duré, mais oui, je me
4 souviens de la réunion à proprement parler.
5 Q. Il y a eu un incident particulier assez extraordinaire qui a eu lieu à
6 la fin de cette réunion, qui pourrait vous rafraîchir la mémoire. Au moment
7 où la réunion est parvenue à son terme et où les gens partaient, trois tirs
8 d'artillerie ont eu lieu; tirs d'artillerie serbes qui ont atterri dans le
9 jardin de la maison. Ceci vous rafraîchit-il la mémoire ?
10 R. Je n'en ai pas le souvenir. Peut-être qu'effectivement, ceci s'est
11 produit au cours de la réunion.
12 Q. C'est à partir de ce moment-là qu'il a été décidé, entre autres que
13 Fatmir Limaj allait devenir le commandant de la
14 121e Brigade. Comme vous l'avez dit vous-même, vous alliez devenir vous-
15 même commandant d'un bataillon au sein de cette même brigade. C'est donc à
16 cette réunion que ces décisions ont été prises. C'est, en tout cas, ce que
17 j'avance. Etes-vous d'accord avec moi ?
18 R. Je ne me souviens pas si la question de ma nomination au poste de
19 commandant a fait l'objet d'une discussion au cours de la réunion, mais
20 c'est à cette époque que j'ai été nommé commandant du bataillon. J'ai pris
21 la décision à ce moment-là.
22 Q. J'en resterai là.
23 M. TOPOLSKI : [interprétation] Monsieur le Président, je suis désolé
24 d'avoir oublié de le faire hier. Merci. C'est les seules questions que je
25 souhaitais vous poser, Monsieur le Témoin.
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1 Q. Merci, Monsieur Qeriqi.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.
3 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, j'ai une
4 réponse à la question posée.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.
6 M. WHITING : [interprétation] La réponse à la question est la suivante : il
7 n'y a pas de rapport substantiel des réunions avec l'enquêteur. Il
8 s'agissait simplement de réunions administratives afin d'organiser la venue
9 du témoin ici. Nous avons la date de ces rencontres, mais il n'y a pas
10 véritablement de substance qui aurait pu faire l'objet de rapport ou de
11 note. Il y a simplement la date des rencontres qui ont été notées mais rien
12 de plus.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
14 Contre-interrogatoire par M. Mansfield :
15 Q. [interprétation] Monsieur Qeriqi, bonjour.
16 R. Bonjour, Monsieur.
17 Q. Excusez-moi du retard. Je représente Fatmir Limaj qui se trouve assis
18 derrière moi, que vous connaissez, ou que vous connaissiez sous le nom de
19 Celiku.
20 R. Oui.
21 Q. J'aimerais vous poser un certain nombre de questions sur le thème qui
22 vient juste d'être soulevé par M. Whiting, à savoir, sur quelque chose que
23 vous avez dit hier. Je reviens d'ailleurs sur ce que vous avez dit au cours
24 de votre témoignage d'hier concernant votre statut éventuel de suspect. Me
25 suivez-vous ?
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1 R. Lorsqu'on m'a assigné à témoigner, je crois, j'étais à l'époque
2 considéré comme un suspect. On pensait que je disposais d'informations sur
3 ce qui s'était passé. Après m'avoir interrogé et après m'avoir entendu dire
4 ce que je savais, et bien, ils se sont rendus compte qu'il y avait des
5 informations dont je ne disposais pas. Je pense, qu'à ce moment-là, on ne
6 m'a plus considéré comme un suspect.
7 Q. Ce que vous avez dit hier c'est ce qui suit : on ne vous avait pas dit
8 par écrit que vous n'étiez plus un suspect, mais une personne répondant au
9 prénom d'Ole, vous vous ne souveniez plus de son nom. En fait, je vais
10 citer ce que vous avez dit hier : "Lorsque nous l'avons rencontré, il m'a
11 dit qu'après l'enquête qu'ils avaient menée, ils s'étaient rendu compte que
12 je n'étais pas un suspect. C'était à la fin avant que je vienne ici."
13 Vous souvenez-vous avoir tenu ces propos hier ?
14 R. C'est bien ce que j'ai dit, et vous le savez.
15 Q. Un instant. Un instant. Ecoutez ma question. J'aimerais vous poser
16 d'autres questions. D'abord, je sais que les choses ne sont pas faciles
17 étant donné le temps écoulé. Lorsqu'on vous a fait savoir que vous étiez un
18 suspect, nous étions en avril 2003, n'est-ce pas ?
19 R. Oui, le 23 avril 2003.
20 Q. Combien de temps, après cette date du 23 avril 2003, avez-vous
21 rencontré l'enquêteur répondant au prénom d'Ole. Pouvez-vous nous donner
22 une idée ?
23 R. Je n'ai pas pris de notes, je n'ai pas consigné par écrit les dates,
24 mais je dirais que je l'ai rencontré deux ou trois fois après la première.
25 Q. Où ces réunions ont-elles eu lieu ?
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1 R. A Pristina, dans les bureaux, dans leurs bureaux.
2 Q. Lorsque vous l'avez rencontré, à deux ou trois reprises, comme vous
3 nous le dites. Etait-il seul ?
4 R. Il était accompagné d'un interprète.
5 Q. Y avait-il qui que ce soit d'autre ?
6 R. Non, personne d'autre.
7 Q. Vous-mêmes, étiez-vous seul ?
8 R. Seul, oui.
9 Q. Vous n'avez pas pris de notes, mais à votre connaissance, l'enquêteur
10 a-t-il pris des notes en votre présence ?
11 R. Je crois que oui.
12 Q. Je suis désolé de vous faire entrer dans les détails de la sorte, mais
13 il se peut que ceci ait une importance. Vous souvenez-vous si les notes
14 prises par cet enquêteur l'ont été sur un carnet, sur des feuilles
15 volantes, se trouvaient-elles dans un classeur ou bien prenait-il des notes
16 sur un ordinateur portable ?
17 R. Je ne m'en souviens plus, mais je dirais que c'était dans un carnet.
18 Peut-être a-t-il pris d'autres notes sur d'autres supports, mais je n'ai
19 pas fait attention.
20 Q. Bien. A quelles occasions vous a-t-il dit que vous n'étiez plus
21 suspect ? Pensez-vous que c'était lors de la première rencontre, de la
22 deuxième ou de la dernière ?
23 R. Je dirais lors de l'avant-dernière rencontre. Je n'en suis pas certain,
24 mais il me semble que c'était l'avant-dernière.
25 Q. Lors de cette avant-dernière rencontre, avez-vous abordé quoique ce
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1 soit d'autre, outre le fait que n'étiez plus un suspect ?
2 R. Non.
3 Q. Rien d'autre ?
4 R. On m'a demandé si j'allais venir témoigner en tant que témoin devant ce
5 Tribunal. Ma réponse a été que j'étais disposé à venir témoigner sur moi-
6 même et livrer les informations dont je disposais sur la guerre de l'UCK.
7 Ce que je sais, c'est que c'était une guerre juste et que j'ai grande
8 satisfaction à venir témoigner, ici, sur cette guerre.
9 Au final, cette demande a pris la forme d'une injonction obligatoire, mais
10 dès le début, j'ai exposé ma volonté de venir témoigner ici, de manière
11 très claire.
12 Q. Qu'il s'agisse de l'avant-dernière ou de la dernière rencontre, au
13 cours de l'une ou de l'autre, vous a-t-on jamais dit que le Procureur ou le
14 bureau du Procureur ne vous considérait pas comme une personne disant la
15 vérité ?
16 R. Voulez-vous répéter, s'il vous plaît ?
17 Q. Lors de l'avant-dernière réunion, celle dont nous venons de parler ou
18 lors de la dernière réunion que vous avez eu avec Ole Lehtinen,
19 l'enquêteur, Ole vous a-t-il suggéré, à un moment ou à un autre, que vous
20 ne disiez pas la vérité ?
21 R. Non. Il ne m'a pas dit que j'étais considéré comme quelqu'un qui ne
22 disait pas la vérité. Bien au contraire, il pensait que je disais la
23 vérité.
24 Q. Merci. Lors de votre venue ici, récemment donc, vous êtes-vous
25 entretenus, ici, à La Haye avec un membre de l'équipe chargé de l'enquête
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1 avant même que votre témoignage devant cette Chambre ne débute ?
2 R. J'ai rencontré l'enquêteur.
3 Q. Etait-ce le même enquêteur auquel vous vous êtes référé comme
4 s'appelant Ole ?
5 R. Non, celui qui est ici qui m'a posé des questions le 28.
6 Q. Je pense que vous voulez dire M. Whiting qui est en face de moi ?
7 R. Oui.
8 Q. Alors, est-ce que, lui, il vous a dit avant que vous ne témoigniez,
9 écoutez franchement, nous ne croyons pas que vous dites la vérité ?
10 R. Non, il n'a pas dit cela.
11 Q. Pardon d'avoir pris un certain temps pour discuter de cette question,
12 mais aujourd'hui, la Chambre a appris que l'enquêteur, que vous appelez
13 Ole, niait qu'il vous aurait dit ces choses. Qu'est-ce vous avez à dire, à
14 ce sujet ?
15 R. Je ne me souviens pas qu'il m'ait dit que je ne disais pas la vérité.
16 Q. Ce qui est nié, par ailleurs, c'est que l'on vous ait dit, à quelque
17 moment que ce soit, que vous n'étiez pas un suspect; en d'autres termes,
18 êtes-vous conscient, en ce moment, que l'Accusation va suggérer que vous
19 êtes un suspect ? Est-ce que vous le saviez ?
20 M. WHITING : [interprétation] Je formule l'objection à cette question. Ce
21 n'est pas tout à fait exact. La question n'est pas qu'il soit un suspect ou
22 non; la question est de savoir ce qu'on lui a dit concernant son statut. Je
23 demanderais que la question lui soit posée clairement, que M. Lehtinen a
24 dit qu'il ne lui avait jamais dit que son statut avait changé et qu'il ne
25 lui a rien dit sur le fait qu'il n'était pas suspect.
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1 LE TÉMOIN : [interprétation] Continuez, s'il vous plaît.
2 M. MANSFIELD : [interprétation]
3 Q. Alors, je vais poser plusieurs questions, l'une après l'autre.
4 L'enquêteur, que vous appelez Ole, dit qu'il ne vous a jamais dit que votre
5 statut avait changé et que vous n'étiez plus considéré comme un suspect.
6 C'est ce qu'il dit aujourd'hui. Qu'est-ce que vous avez à dire à ce
7 propos ?
8 R. Puisqu'il ne m'a pas fait de déclaration écrite à ce sujet, peut-être
9 qu'il y a un malentendu. Peut-être qu'il a dit, au début, vous étiez
10 suspect parce que vous avez beaucoup d'informations et j'ai toujours pensé
11 que comme n'importe quel enquêteur, il était à la recherche de plus amples
12 informations. Il souhaitait que j'en dise davantage. Il a peut-être pensé
13 que je ne lui disais pas tout. Ole a dit, vous étiez suspect, mais
14 aujourd'hui vous ne l'êtes plus, il n'y a plus de soupçon qui pèse contre
15 vous. Au début, nous pensions que vous aviez beaucoup d'autres éléments
16 d'informations que vous n'alliez pas nous divulguer. Voilà comment les
17 choses se sont présentées. Néanmoins, j'ai raconté les choses que je savais
18 et je suis venu ici pour défendre les déclarations que j'avais faites plus
19 tôt.
20 Q. Pendant tout le temps que vous avez passé dans ce prétoire, est-ce que
21 vous avez dit la vérité ?
22 R. Oui, c'est ce que j'ai dit.
23 Q. J'aimerais vous offrir la possibilité d'aborder, en termes généraux,
24 les allégations qui avaient été formulées, qui avaient amené l'Accusation à
25 penser, au départ, que vous étiez suspect. Est-ce que vous comprenez ce que
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1 j'ai l'intention de faire ?
2 R. Est-ce que vous voudriez bien répéter votre question ?
3 Q. Oui. J'aimerais, maintenant, vous offrir la possibilité de parler en
4 audience publique des allégations qui avaient été formulées à votre
5 encontre, pendant l'entretien où il a été dit que vous étiez suspect. Est-
6 ce que vous comprenez ce que j'ai l'intention de faire ?
7 R. Oui, je vous suis.
8 Q. Les allégations, en termes généraux -- je ne citerai aucun nom, afin
9 que nous puissions rester en audience publique -- les allégations étaient,
10 tout d'abord, que vous aviez autorisé des enlèvements de Serbes et de
11 collaborateurs avec les Serbes. Avez-vous autorisé de telles choses ?
12 R. Non, je n'ai jamais fait ce genre de choses. Ces allégations ont été
13 faites sur la base du fait que je les aurais emmenés ailleurs, mais en
14 fait, c'est faux.
15 Q. L'allégation, à ce sujet, était que vous étiez présent, lorsque des
16 gens ont été enlevés ou kidnappés. Est-ce que vous avez été présent, à un
17 moment donné, lorsque de telles choses ont eu lieu ?
18 R. Je n'ai jamais été présent et je n'ai jamais même entendu dire que des
19 gens avaient été enlevés.
20 Q. Est-ce que vous avez autorisé des arrestations, par opposition à des
21 enlèvements, des arrestations de Serbes ou de collaborateurs présumés avec
22 les Serbes, arrestations à des fins d'interrogatoire ?
23 R. Jamais.
24 Q. Dans le secteur, dans lequel vous étiez responsable, vous aviez
25 certaines responsabilités dans votre municipalité; à votre connaissance, y
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1 avait-il des centres de détention ou des prisons ?
2 R. Où cela au juste ? Dans quel secteur ?
3 Q. Je vais essayer d'être prudent dans l'utilisation du terme "secteur" ou
4 "zone." Dans le secteur où vous étiez actif au nom de l'UCK entre le mois
5 d'avril et le mois d'août, dans cette période de temps et cette zone. Est-
6 ce que vous comprenez ?
7 R. À l'époque, je n'étais pas en position de penser à l'existence de
8 prisons. C'est une question réellement insolite, parce qu'à l'époque, nous
9 ne pouvions guère trouver du pain pour nous nourrir.
10 Q. J'aimerais vous poser des questions concernant un individu, bien
11 particulier, qui a formulé des allégations, devant ce Tribunal, vous
12 concernant. Je respecte votre souhait qu'on reste en audience publique;
13 mais comme le Président de la Chambre vous l'a indiqué, il n'est pas
14 toujours possible de rester en audience publique, lorsqu'il s'agit
15 d'identifier d'autres personnes. Est-ce que vous comprenez ?
16 R. Cela m'inquiète beaucoup, simplement en raison du fait que j'y réside;
17 concernant certaines personnes au sujet desquelles vous m'avez posé des
18 questions, je vois leurs familles, je les rencontre, je n'ai pas de
19 problèmes avec eux, ils ne vont pas être exposés à quel que risque que ce
20 soit. Pour dire les choses simplement, je voudrais que toutes les personnes
21 sur place soient au courant de tout ce qui se passe, de tout ce qui est
22 dit, sinon comment est-ce que toute la vérité peut-être faite ? Mais je
23 sais qu'il incombe à la Chambre de prendre une décision, sur ce point.
24 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, j'aimerais juste
25 vous indiquer ce que je souhaiterais faire. Je tiens compte de ce que dit
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1 le témoin, je vous donnerais un exemple. Cela s'est passé le 24e jour. Je
2 ne vais pas nommer l'individu en question, mais il a témoigné et dans sa
3 déposition, ce témoin était impliqué. Cette déposition n'a pas été portée à
4 sa connaissance et j'aimerais lui soumettre ce que cet autre témoin a dit,
5 puisque cela a aussi un impact sur l'accusé que je représente. Ce que
6 j'aimerais faire, c'est passer en revue les extraits où ce témoin est
7 mentionné, mais à l'époque, c'était à huis clos partiel. J'aimerais qu'on
8 continue ainsi. Ce n'est évidemment pas parce que je souhaiterais qu'on ne
9 fasse pas toute la vérité sur cette affaire.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que nous devrions, tout de
11 même, être à huis clos partiel. Si on estime qu'on peut s'en passer, on
12 reviendra en audience publique.
13 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci beaucoup.
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous passons à huis clos partiel.
15 Mme LA GREFFIÈRE : [interprétation] Nous sommes maintenant à huis clos
16 partiel.
17 [Audience à huis clos partiel]
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7 [Audience publique]
8 LE TÉMOIN : [interprétation] Je vous remercie vivement de revenir en
9 audience publique.
10 M. MANSFIELD : [interprétation] Si vous me le permettez, j'aimerais résumer
11 en audience publique, sans nommer qui que ce soit, les allégations
12 formulées afin que vous puissiez vous prononcer en audience publique.
13 L'allégation, c'est que vous avez donné commande qu'on vous amène une
14 personne afin qu'il puisse vous remettre des armes. Lorsqu'il a été amené
15 en votre présence, on lui a mis un sac sur la tête, et il a été séquestré.
16 Est-ce la vérité ?
17 R. Non, ce n'est pas la vérité. J'ai déjà plus tôt, en ce qui concerne
18 cette personne, je crois que la police aussi m'a interrogé à deux reprises
19 en ce qui concerne cette affaire. Les enquêteurs aussi ne cessent de
20 répéter les mêmes questions, les mêmes réponses. Je réitère que ce n'est
21 pas vrai. La vérité, c'est qu'ils sont venus de leur plein gré. L'un
22 d'entre eux est parti en direction de Shale, et l'autre est rentré chez
23 lui. Après la guerre, cet homme a demandé à me rencontrer. Je lui ai dit :
24 On peut se rencontrer n'importe quand. Je ne fais que dire que la vérité.
25 Il n'y a jamais eu de sac; rien de ce genre ne s'est passé. Je ne les
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1 connaissais pas auparavant. C'est la première fois que je les ai vus ce
2 jour-là. Comment est-ce que j'aurais pu faire cela ? D'après ce que j'ai
3 entendu dire, ce témoin a dit : J'ai été cherché Luan, mais je ne l'ai pas
4 trouvé parce qu'il était au front. Donc, il avait rencontré mon adjoint.
5 Q. Je souhaiterais revenir sur quelque chose que vous avez dit dans votre
6 réponse. Est-ce que vous pourriez me dire de quelle force de police vous
7 voulez parler, lorsque vous avez dit qu'on vous avait interrogé à deux
8 reprises sur cet incident ?
9 R. La police internationale à Lipjan.
10 Q. Excusez-moi d'être si pointilleux, mais pouvez-vous me dire quand on
11 vous a interrogé à deux reprises sur ce point ? Est-ce que c'était en 1999,
12 en 2000, en 2001 ?
13 R. C'était après la guerre, mais je ne sais pas. Une fois en 2000, et une
14 fois en 2001, me semble-t-il. Je n'en suis pas sûr. Je sais, toutefois, que
15 c'était après la guerre.
16 Q. Est-ce que les policiers qui vous ont interrogé à ce sujet étaient le
17 mêmes à chaque fois ?
18 R. Non, ce n'était pas les mêmes à chaque fois.
19 Q. Aux fins du compte rendu d'audience, et pour être tout à fait précis,
20 est-ce que vous pourriez nous dire si vous vous souvenez si ces policiers
21 qui vous ont interrogé, ont noté vos réponses ? Est-ce que tout cela a été
22 consigné, dactilographié, saisi dans un ordinateur portable ou autre ?
23 R. Je pense qu'ils ont couché tout cela sur le papier, et j'ai signé
24 ensuite le document. Il s'agissait d'une feuille de papier.
25 Q. Est-ce que vous vous souvenez, par hasard, de l'une quelconque -- du
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1 nom de l'une quelconque des personnes qui vous interrogeait ?
2 R. Non, j'ai oublié leur nom. Il ne semblait pas important de me souvenir
3 de leur nom.
4 Q. Je souhaiterais que l'on aborde un autre sujet à présent. Je
5 souhaiterais vous poser quelques questions au sujet de Fatmir Limaj et de
6 vos rapports avec lui. Me suivez-vous ?
7 R. Oui.
8 Q. Tout d'abord, serait-il exact de dire - et je vais être tout à fait
9 précis pour ce qui est des dates, je veux que l'on parle de la période
10 entre avril et août 1998, donc entre le printemps et l'été. Voilà la
11 période qui m'intéresse. Vous avez déclaré avoir vu Fatmir Limaj, alias
12 Celiku, que vous le voyiez de temps en temps, à l'époque. Ce matin, vous
13 avez déclaré que vous alliez rarement à Klecke avant votre nomination le 16
14 août; est-ce exact ?
15 R. Comme je l'ai déjà expliqué, nous nous rencontrions à Likovc, si je me
16 souviens bien. Avant l'offensive, j'étais rarement à Klecke par rapport à
17 la période qui a suivi lorsque j'ai été commandant en second.
18 Q. Au cours de cette période qui a précédé votre nomination au mois d'août
19 --
20 M. MANSFIELD : [interprétation] Je souhaiterais qu'on place sur le
21 rétroprojecteur la pièce P155. Je pense qu'il s'agit d'une feuille de
22 papier sur laquelle apparaît le mot "décision". En fait, il s'agit d'une
23 autre feuille de papier. Est-ce que l'on pourrait placer cette feuille sur
24 le rétroprojecteur ? Feuille sur laquelle on peut voir le mot "décision".
25 Voilà, c'est le document en question, ou du moins sa version en anglais.
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1 Q. Nous allons parler, dans quelques instants, du mois d'août. Vous pouvez
2 voir que vous avez déjà parlé de ce document, document qui est daté du 16
3 août 1998 et qui est signé par Celiku. Aurais-je raison de dire qu'au cours
4 de la période située entre le mois d'avril et le mois d'août, lorsque vous
5 avez rencontré Celiku, à ces occasions-là, il n'a jamais été question dans
6 vos discussions de camps de détention, de prisons ou autres; est-ce exact ?
7 R. C'est exact. Nous n'avons jamais parlé de cela. Je ne peux même pas
8 imaginer qu'on ait pu de cela. Nous n'en avons jamais parlé.
9 Q. Au cours de cette période, aurais-je également raison de dire que
10 Celiku, en réalité, ne vous a jamais donné d'ordres ?
11 R. Comme je l'ai déjà expliqué, après que sa décision ait été rendue, je
12 faisais rapport par écrit. Chaque semaine, nous avions des réunions, mais
13 avant l'offensive, c'était Shukri qui était commandant. C'est à lui que je
14 faisais rapport au sujet de la situation, de l'état des positions que nous
15 construisions. Ce n'est que très rarement que je me rendais à Klecke.
16 Q. Aurais-je également raison de dire que vous ne saviez pas qui avait
17 nommé Shukri Buja à son poste ?
18 R. Comme je l'ai dit hier, c'est sans doute l'état-major général. Il
19 n'aurait pas pu être nommé à ce poste tout seul, sans intervention.
20 Q. Savez-vous qui était membre de l'état-major général entre avril et
21 août ? Le saviez-vous à l'époque ?
22 R. Je n'ai rien à dire à ce sujet. Jakup Krasniqi, le porte-parole vous a
23 déjà parlé de cela. Cela ne me regarde pas, et je n'ai aucune raison de
24 savoir ce genre de choses.
25 Q. S'ensuit-il, donc - et vous avez mentionné cela, hier et en début de
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1 semaine -- s'ensuit-il, donc, que s'agissant de Shukri Buja, vous ne saviez
2 pas s'il recevait des ordres de quelqu'un d'autre et le cas échéant, de
3 qui ?
4 R. Vous pouvez lui poser la question à lui. Je ne peux pas parler à son
5 nom. Je pense qu'il est plus à même de vous en parler. C'est à lui que je
6 faisais rapport au sujet des positions, des effectifs et il devait, sans
7 doute, rendre compte de tout cela à quelqu'un d'autre.
8 Q. Je souhaiterais, pour terminer, qu'on aborde un autre sujet. Je
9 souhaiterais qu'on parle de l'évolution de l'UCK en tant qu'armée, en tant
10 qu'organisation. C'est de cela que je voudrais qu'on parle. Je souhaite
11 vous soumettre l'idée suivante : l'UCK, en 1998, a connu trois phases bien
12 différentes. Est-ce que vous me suivez ?
13 R. Oui.
14 Q. La première phase correspondant à la situation avant le mois d'avril
15 1998 était la suivante : l'UCK était une armée clandestine qu'on pouvait
16 qualifier de groupe de guérilla qui menait des opérations de type coup de
17 main sur des objectifs très précis. Est-ce que vous seriez d'accord avec
18 moi au sujet de cette description ?
19 R. A partir du 14 juin, lorsque nous avons commencé à mener des attaques
20 de front, il ne s'agissait plus de guérilla.
21 Q. Ecoutez bien mes questions -- conviendrez-vous, avec moi, qu'avant
22 cela, l'UCK pouvait être qualifiée de groupe de guérilla qui, par la suite,
23 a évolué pour devenir une armée de volontaires au sein de laquelle de
24 nombreuses personnes venaient de leur propre gré afin de constituer des
25 unités et des antennes dans différents secteurs du Kosovo. Donc, il
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1 s'agissait d'une armée de volontaires, vers le mois de juin et le mois de
2 juillet. Il s'agit, là, de la phase numéro 2; est-ce que vous êtes d'accord
3 avec moi ?
4 R. Oui, comme je l'ai déjà dit, il s'agissait d'une armée de volontaires
5 jusqu'en 1999. Tous les membres de cette armée venaient de leur propre gré,
6 personne n'était contraint de rejoindre les rangs de l'UCK. Le 14 juin,
7 comme je l'ai déjà dit, nous avons cessé d'être une organisation
8 clandestine, nous avons mené notre guerre au vu et au su de tout le monde
9 et je pense que le premier jour, c'était une grande satisfaction pour nous
10 de rejoindre les rangs de l'UCK, d'en devenir un membre quel que soit le
11 type d'armes que nous avions à notre disposition parce que nous voulions
12 simplement chasser les Serbes et nous luttions contre des chars qui étaient
13 très nombreux. On ne peut pas décrire cela comme une guérilla; il s'agit
14 plus d'une attaque frontale.
15 Q. Tout à fait. A partir du mois d'août, suite à la décision par laquelle
16 vous avez été nommé à votre poste, le 16 août, cette armée de volontaires
17 qui était déployée dans différents secteurs du Kosovo a du être organisée,
18 officialisée pour devenir une armée plus régulière qui pouvait être
19 reconnue dans les autres pays d'Europe.
20 R. Tout à fait.
21 Q. Est-ce que vous êtes d'accord avec ce que je viens de vous soumettre ?
22 R. Tout à fait. A l'époque, il y avait beaucoup de représentants de la
23 communauté internationale qui menaient des négociations, des pourparlers.
24 Comme j'occupais un rang subalterne, je n'ai pas participé à ces
25 négociations. Donc, je ne peux pas vous donner de réponses à ce sujet.
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1 Q. Je ne souhaite pas vous poser des questions au sujet des négociations
2 et je vous remercie de votre aide. Je n'ai pas de questions à vous poser.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
4 Monsieur Whiting, je pense que le temps est venu de faire une pause.
5 Nous allons avoir notre première pause et nous reprendrons à 11h20.
6 --- L'audience est suspendue à 11 heures 00.
7 --- L'audience est reprise à 11 heures 22.
8 [La Chambre de première instance se concerte]
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.
10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 Nouvel interrogatoire par M. Whiting :
12 Q. [interprétation] Monsieur Qeriqi, vous serez heureux d'entendre que je
13 n'ai que quelques questions à vous poser. Tout d'abord, je souhaiterais
14 vous poser une ou deux questions concernant vos conversations avec M.
15 Lehtinen afin de voir si on peut éclaircir quelques points à ce sujet. Vous
16 avez déclaré, ce matin, lorsqu'on a commencé à vous poser des questions à
17 ce sujet - je veux parler de la page 10 du compte rendu d'audience
18 d'aujourd'hui - vous avez dit : "Lorsque j'ai été convoqué pour être
19 interrogé, j'étais soi-disant un suspect qui aurait eu des connaissances au
20 sujet de ce qui s'était passé. Après mon audition et après que je dise ce
21 que je savais, ils se sont certainement rendus compte que je ne connaissais
22 pas tout cela et ce statut de suspect a été abandonné."
23 Ensuite, page 14, après qu'on vous ait posé quelques questions à ce sujet,
24 vous avez déclaré que vous pensiez qu'il existait peut-être un malentendu
25 au sujet de vos conversations avec M. Lehtinen. Je souhaiterais vous poser
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1 la suivante : est-il possible qu'après qu'un certain temps se soit écoulé
2 et que vous n'ayez été accusé d'aucun crime, est-il possible qu'en réalité,
3 il y ait eu un malentendu et qu'on ne vous ait pas dit que votre statut
4 avait changé, que M. Lehtinen ne vous ait pas dit cela, mais que c'est ce
5 que vous avez cru. Est-ce une possibilité que les choses se soient passées
6 ainsi ?
7 M. GUY-SMITH : [interprétation] Objection. L'Accusation guide le témoin.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, je ne faisais pas
9 vraiment attention, mais une personne digne de foi laisse entendre que vous
10 avez peut-être guidé le témoin, Monsieur Whiting.
11 M. WHITING : [interprétation] Selon moi, non.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, veuillez poursuivre.
13 J'autorise la question.
14 M. WHITING : [interprétation]
15 Q. Est-ce que vous voulez que je répète la question,
16 Monsieur Qeriqi ?
17 R. Oui, s'il vous plaît, car j'ai dû mal à bien vous comprendre.
18 Q. Très bien. Je vais répéter ma question, mais pas l'ensemble de ma
19 question. Vous avez déclaré, ce matin, que lorsque vous avez été interrogé,
20 pour la première fois, au sujet de vos conversations avec M. Lehtinen, vous
21 avez déclaré qu'après l'audition, après avoir dit ce que vous saviez, il
22 s'était rendu compte que vous ne connaissiez pas ces choses-là et que c'est
23 sans doute la raison pour laquelle votre statut de suspect avait été
24 abandonné.
25 Vous avez déclaré, ensuite, que vous pensiez peut-être qu'il y avait
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1 un malentendu au sujet de vos conversations avec M. Lehtinen. Je vous pose
2 la question suivante : est-il possible qu'après qu'un certain temps se soit
3 écoulé au cours duquel vous n'avez été accusé d'aucun crime, un malentendu
4 se soit glissé, qu'en fait, M. Lehtinen ne vous ait pas dit que votre
5 statut avait changé, mais que c'est ce que vous avez cru ? Est-ce une
6 possibilité ?
7 R. Oui. C'est exact. Lorsque vous m'avez entendu, la première fois, en tant
8 que suspect, je pense que c'est la manière dont l'audition a eu lieu qui
9 m'a fait croire cela, car si vous n'aviez pas utilisé le terme "suspect,"
10 peut-être que je n'aurais même pas répondu. C'est plus tard que je me suis
11 rendu compte que vous ne me soupçonniez plus, même si au cours de la
12 première séance, j'ai bien vu que vous reveniez sur ce point. Je considère
13 cela tout à fait normal; mais comme vous l'avez dit, c'est ce que j'ai
14 pensé.
15 Q. Merci. Vous avez déclaré que si le terme "suspect" n'avait pas été
16 mentionné, peut-être que vous n'auriez pas répondu du tout.
17 R. Oui, c'est la première fois que je dis cela.
18 Q. Oui, je voulais juste répéter ce que vous aviez dit. Ce qui m'amène à
19 la question suivante : le fait que vous ayez, d'abord, été entendu en tant
20 que suspect et le fait que, dans le prétoire aujourd'hui, vous dites que
21 vous pensez ne plus être considéré comme un suspect, a-t-il modifié, de
22 quelque manière, que ce soit la teneur de votre déposition ?
23 R. Non, absolument pas. Comment pourrais-je changer ma déposition ? Je
24 viens ici pour confirmer ce que j'ai dit plus tôt et pour dire la vérité au
25 sujet de l'UCK et les activités menées à l'époque. Comme je l'ai dit plus
Page 3717
1 tôt, je suis très heureux et fier d'être en mesure de dire ce que je sais
2 et ce que nous avons fait au sein de l'UCK.
3 Q. Suite à la réponse que vous venez de me donner, je souhaiterais vous
4 poser une autre question. Monsieur Qeriqi, intéressons-nous quelques
5 instants au mois d'avril, mai, juin et juillet 1998, est-ce qu'il est
6 important, à vos yeux, que l'histoire de l'UCK et de ses activités, au
7 cours de ces quatre mois, dans votre secteur soit racontée de façon
8 exacte ?
9 R. Bien entendu, que c'est important à mes yeux, il y a eu beaucoup de
10 morts. Et par respect pour le sang qui a été versé, je suis venu dire la
11 vérité et je vous dis la vérité sur ce qui s'est passé.
12 Q. Est-ce parce qu'il est important, à vos yeux, que l'histoire de ce qui
13 s'est passé à cette époque soit racontée de façon exacte, est-ce pour cela
14 ou est-ce là l'une des raisons pour lesquelles vous êtes venu témoigner ici
15 devant le Tribunal ?
16 R. Oui, c'est la raison de ma présence ici et avant de venir, j'en ai
17 parlé longuement avec mes camarades. Tout le monde m'a demandé de dire la
18 vérité, y compris les familles des martyrs, les véritables combattants qui,
19 aujourd'hui, sont à la rue, sans emploi. Je parle aussi en leur nom.
20 Q. Monsieur Qeriqi, avez-vous accusé qui que ce soit au sein de l'UCK
21 d'avoir commis des crimes pendant la guerre ?
22 R. Non, je n'ai accusé personne et je n'ai vu personne commettre le
23 moindre crime. Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai jamais accusé
24 personne; j'ai simplement dit la vérité sur l'UCK, sur ce que j'ai vu de
25 mes propres yeux et sur ce que j'ai vu faire.
Page 3718
1 Q. Merci, Monsieur Qeriqi.
2 M. WHITING : [interprétation] Merci beaucoup, Monsieur le Président. Je
3 n'ai plus de questions.
4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Qeriqi, vous serez heureux
5 d'apprendre que vous n'allez plus répondre à aucune question. Le Tribunal
6 vous remercie de l'aide que vous lui avez apportée par le biais de votre
7 venue ici et de la déposition que vous avez faite. Vous êtes maintenant
8 libre de rentrer chez vous et de reprendre le cours normal vos activités.
9 Merci beaucoup. Vous êtes libéré.
10 LE TÉMOIN : [interprétation] Puis-je dire quelque chose, Monsieur le
11 Président ?
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous en prie.
13 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci. Je demanderais humblement à cette
14 Chambre de première instance, avec tout le respect que je lui dois, à juger
15 la vérité et seulement la vérité et à ne pas faire de ce procès un procès
16 politique. Je vous remercie.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie également.
18 [Le témoin se retire]
19 [La Chambre de première instance se concerte]
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.
21 M. WHITING : [interprétation] Nous sommes prêts à entendre le témoin
22 suivant.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le prochain témoin.
24 [La Chambre de première instance et la Greffière se concertent]
25 [Le témoin est introduit dans le prétoire]
Page 3719
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur. Veuillez, s'il vous
2 plaît, prononcer à haute voix la déclaration solennelle qui vous est tendue
3 sur la carte.
4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je déclare solennellement que je dirai la
5 vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.
7 Monsieur Whiting.
8 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 LE TÉMOIN: SHUKRI BUJA [Assermenté]
10 [Le témoin répond par l'interprète]
11 Interrogatoire principal par M. Whiting :
12 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur.
13 R. Bonjour.
14 Q. Me comprenez-vous bien ?
15 R. Oui.
16 Q. Pourriez-vous décliner votre identité, s'il vous plaît.
17 R. Oui. Je m'appelle Shukri Buja. Je viens du village de Bujan de la
18 municipalité de Lipjan. Je suis né le 27 août 1966.
19 Q. Monsieur, je vais vous poser un certain nombre de questions sur votre
20 parcours, mais j'aimerais, tout d'abord, vous poser quelques questions
21 préliminaires. Avez-vous reçu une assignation à comparaître émanant de ce
22 Tribunal, comparaître donc devant ce même Tribunal ?
23 R. Oui, effectivement. J'ai reçu une assignation à comparaître devant ce
24 Tribunal.
25 Q. Avez-vous témoigné dans le cadre du procès mené contre Slobodan
Page 3720
1 Milosevic les 5 et 6 juin 2002 ?
2 R. Oui, Monsieur.
3 Q. De même, avez-vous été assigné de comparaître et à témoigner dans le
4 cadre de ce procès ?
5 R. Non. J'ai comparu en tant que témoin à charge.
6 Q. Lorsque vous avez déposé dans le cadre de ce procès contre Slobodan
7 Milosevic, les 5 et 6 juin 2002, avez-vous dit la vérité ?
8 R. Oui, j'ai dit la vérité sous serment.
9 Q. Monsieur Buja, ce témoignage a-t-il porté dans une large mesure sur les
10 événements qui ont eu lieu à Racak en janvier 1999 ?
11 R. Oui.
12 Q. Avant de déposer dans le cadre de ce procès, avez-vous été interrogé
13 par des représentants du bureau du Procureur en août, septembre et octobre
14 2001 sur ces questions en particulier ?
15 R. Oui.
16 Q. Dans la déclaration que vous avez faite au bureau du Procureur, avez-
17 vous dit la vérité ?
18 R. J'ai tenté de me souvenir de tous ces événements et de dire la vérité.
19 L'INTERPRÈTE : Les interprètes demandent à ce que le témoin se rapproche de
20 son micro, s'il vous plait.
21 M. WHITING : [interprétation]
22 Q. L'Huissier, Monsieur, va vous prier de bien vouloir vous rapprocher des
23 micros.
24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Essayez de parler un petit peu plus
25 fort; nous aurions moins de mal à vous entendre.
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1 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
2 Q. Monsieur, pour finir, après avoir déposé dans le procès Milosevic, vous
3 a-t-on obligé à témoigner devant le bureau du Procureur le 28 avril 2003 ?
4 R. Oui.
5 Q. Au cours de cet entretien, de cet interrogatoire, avez-vous dit la
6 vérité ?
7 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je dois vous fournir
8 une explication concernant cet interrogatoire, ou cet entretien, si vous me
9 le permettez.
10 Q. Veuillez répondre à la question d'abord, puis fournir cette
11 explication. Avez-vous dit la vérité lorsque vous avez répondu aux
12 questions posées dans le cadre de cet interrogatoire d'avril 2003; oui ou
13 non ?
14 R. Je ne peux répondre par oui ou par non, parce que je n'ai jamais revu
15 le texte de cet entretien.
16 Q. Là n'est pas ma question. Ce que je vous demande, c'est si vous avez
17 dit la vérité en réponse aux questions qui vous ont été posées lors de cet
18 entretien. Avez-vous dit la vérité ou pas ?
19 R. A l'époque, je ne me souvenais plus de manière exacte ni précise des
20 événements J'ai pensé que la même procédure allait être suivie, même
21 procédure que celle suivie lorsque j'ai rencontré l'enquêteur dans le cadre
22 de la procédure Milosevic, après l'invitation reçue en 2003. Ils m'ont dit,
23 d'ailleurs, que la même procédure serait suivie. C'est la raison pour
24 laquelle dans cette déclaration, je n'ai pas été très précis, pensant que
25 la même procédure serait suivie, et que j'aurais la possibilité de relire
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1 ma déclaration, et éventuellement, de corriger les erreurs qui pouvaient
2 s'y trouver, de manière à pouvoir dire la vérité lorsque je viendrais
3 témoigner devant ce Tribunal alors que j'aurais prononcé la déclaration
4 solennelle. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas m'exprimer sur
5 cette déclaration.
6 Q. Je comprends bien cette explication, Monsieur Buja, mais ceci ne répond
7 pas à ma question. Je vous comprends lorsque vous dites que vous n'aviez
8 pas des souvenirs extrêmement précis de certains événements, que vous
9 n'étiez pas particulièrement concentré dans votre déclaration, que vous
10 n'avez pas eu la possibilité de corriger certaines erreurs, et cetera. Ma
11 question est la suivante : dans la mesure où vous étiez en mesure de vous
12 souvenir de certaines choses, au moment où vous avez répondu aux questions
13 qui vous ont été posées, pour ces réponses-là, en particulier, avez-vous
14 dit la vérité ? Avez-vous tenté de dire la vérité, ou avez-vous tenté au
15 contraire de duper ce Tribunal ?
16 R. Je peux déclarer devant ce Tribunal, que cette déclaration a été
17 utilisée comme moyen de chantage par le bureau du Procureur afin de
18 m'attirer ici et de déposer devant cette Chambre. C'est la raison pour
19 laquelle j'ai refusé d'être témoin à charge, mais je me suis conformé à
20 l'injonction qui m'a été notifiée. C'est la raison pour laquelle je suis
21 présent devant ce Tribunal, en réponse à cette injonction.
22 Q. Monsieur, je suis désolé, mais une fois de plus, vous ne répondez pas à
23 la question. S'il vous plaît, concentrez-vous sur la question, répondez-y,
24 et ensuite, nous pourrons passer à autre chose. Avez-vous tenté de dire la
25 vérité au cours de cet entretien, oui ou non ? Vous êtes-vous efforcé de le
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1 faire ?
2 R. Monsieur, j'ai déjà fourni une explication sur ce point. Je ne saurais
3 dire si les propos tenus au cours de cette déclaration était véridique ou
4 pas, quelle était leur véracité, parce que je n'ai pas eu la possibilité de
5 relire cette déclaration.
6 Q. Je suis désolé d'insister sur ce point, mais il est important d'obtenir
7 une réponse avant de pouvoir poursuivre. Je ne parle pas de la précision de
8 votre déclaration, je ne parle pas des erreurs que vous avez éventuellement
9 pu faire. Ma question porte davantage sur votre motivation à ce moment-là.
10 Vous êtes-vous efforcé de dire la vérité au cours de cet entretien ou pas ?
11 Je vous demande simplement de répondre à cette question. Vous nous avez
12 fourni d'autres explications, mais je vous demande simplement de répondre à
13 ma question ?
14 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai tenté de dire
15 la vérité, mais bien entendu, au cours de l'entretien, il y a eu des
16 questions qui avaient pour objet de me provoquer. J'ai essayé de leur
17 expliquer qu'ils ne me donnaient pas la possibilité d'expliquer les choses.
18 A la fin de l'entretien, si mon souvenir est bon, j'ai dit qu'une partie de
19 la vérité avait été énoncée mais pas toute la vérité.
20 Q. Vous nous avez dit quelle était votre date de naissance et votre lieu
21 de naissance. Pouvez-nous dire quel cursus scolaire vous avez suivi ?
22 R. J'ai étudié à la faculté de journalisme. Je suis allé jusqu'au bout de
23 mes études. J'ai ensuite entamé des études de troisième cycle à
24 l'Université de Pristina, dans le domaine des sciences politiques.
25 Q. Où êtes-vous allé au lycée ?
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1 R. A Lipjan.
2 Q. Après cela, avez-vous intégré la faculté de journalisme ?
3 R. Non, j'ai été emprisonné par les Serbes, par les occupants serbes.
4 Q. Avant votre détention - et j'y reviendrai dans un instant avec quelques
5 questions, avez-vous commencé vos études à l'université ?
6 R. Je me suis inscrit à l'Université de Pristina, mais je n'ai pas pu
7 poursuivre mes études.
8 Q. Avez-vous commencé vos études universitaires, ou n'avez-vous même pas
9 eu le temps de le faire ?
10 R. Je n'ai pas eu le temps de le faire.
11 Q. Vous avez dit avoir été emprisonné. En quelle année cela s'est-il
12 produit ?
13 R. En 1989.
14 Q. Pouvez-nous dire ce qui s'est passé, pourquoi avez-vous été
15 emprisonné ?
16 R. J'étais membre d'organisations clandestines à l'époque, dont les
17 activités étaient également clandestines, et qui avaient pour but de
18 veiller à la reconnaissance des droits des Albanais au Kosovo comme les
19 autres peuples constitutifs de l'ex-Yougoslavie. Cette organisation
20 clandestine oeuvrait afin que la République du Kosovo soit reconnue au sein
21 de la fédération yougoslave.
22 Q. Cette organisation clandestine avait-elle un nom ?
23 R. Oui. Le Mouvement populaire pour la République du Kosovo.
24 Q. Cette organisation était-elle connue autrement par un acronyme, par
25 exemple ?
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1 R. Oui, c'était le LPRK.
2 Q. Le nom de cette organisation a-t-il changé avec le temps ?
3 R. Oui, oui. Cela s'est produit alors que j'étais emprisonné.
4 Q. Vous souvenez-vous de l'année, à peu près, l'année au cours de laquelle
5 le nom a changé ?
6 R. Si je me souviens bien, c'était en 1990.
7 Q. Comment l'organisation s'est-elle appelée alors ?
8 R. Le terme de "République" a été retirée, parce qu'à ce moment-là,
9 l'assemblée du Kosovo avait prononcé sa déclaration pour le Kosovo, et le
10 nom de l'organisation a changé et est devenu LPK; Mouvement populaire pour
11 le Kosovo.
12 Q. Vous avez dit avoir été emprisonné parce que vous étiez membre du LPRK,
13 comme on l'appelait alors. Vous a-t-on condamné pour certaines activités,
14 précisément ?
15 R. J'ai été accusé d'avoir organisé les manifestations en 1989
16 conformément à l'Article 139, qui renvoyait à l'Article 114 de la Loi
17 pénale de l'ex-Yougoslavie.
18 Q. A quoi avez-vous été condamné ?
19 R. J'ai été condamné à 13 ans d'emprisonnement.
20 Q. Avez-vous purgé toute votre peine ?
21 R. Je n'ai passé que cinq ans en prison, parce que suite aux changements
22 survenus en 1990 dans l'ex-Yougoslavie et à l'introduction du pluralisme
23 politique, les activités et les actes condamnés à l'Article 139 ont été
24 retirés, et je n'ai plus été condamné qu'au titre de l'Article 119, qui
25 faisait référence à des crimes politiques. Par conséquent, ma peine a été
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1 réduite après cette amnistie.
2 Q. Par conséquent, vous avez libéré en 1994 ?
3 R. Oui.
4 Q. Pouvez-vous nous dire où vous avez purgé votre peine de prison en 1989
5 et 1994 ?
6 R. Dans différents centres de détention. D'abord, dans la prison de
7 Pristina, ensuite Gjurakovc. J'ai fini à Nis en Serbie. Avant cela, j'étais
8 à Dubrava. Nis était en Serbie.
9 Q. Après avoir été libéré en 1994, êtes-vous devenu membre d'un quelconque
10 parti politique ou d'un mouvement ou d'une autre organisation clandestine
11 ou ayant pignon sur rue ?
12 R. Oui. Après ma libération de prison, j'ai participé à un certain nombre
13 d'activités connues au sein de la Ligue démocratique du Kosovo, également
14 connue par la population sous le nom Mouvement; "Le Mouvement".
15 Q. Y avait-il un sigle qui était utilisé pour désigner ce mouvement ?
16 R. Oui, le LDK.
17 Q. Combien de temps êtes-vous resté membre du LDK ?
18 R. Pendant six mois environ.
19 Q. Que s'est-il passé au terme de ces six mois ?
20 R. Après ma libération, les occupants, police et armée, exerçaient des
21 pressions sur moi. Ils m'arrêtaient souvent dans la rue. Ils m'appelaient
22 afin que je me présente au poste de police jusqu'à me demander de me
23 présenter quotidiennement au poste de police de Lipjan. Ceci a entravé mes
24 activités politiques.
25 Q. Dans quelle mesure ceci a-t-il entravé vos activités politiques ?
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1 Pouvez-vous nous en dire davantage ?
2 R. Dans la mesure où les forces de police serbe ne me permettaient pas --
3 m'empêchaient de disposer d'une carte d'identité. La raison de cela,
4 c'était que chaque fois que la police m'arrêtait, elle pouvait me
5 maltraiter justement parce que je ne disposais pas de ce document
6 d'identité. Parfois, ils m'appelaient pour des entretiens informatifs au
7 poste de police de Lipjan. Il m'interrogeait pendant toute la journée et
8 ils me libéraient le soir. Parfois, ceci est allé sur deux jours. Ils me
9 demandaient de me présenter jour après jour et je refusais de leur obéir,
10 de me conformer à cet ordre et c'est la raison pour laquelle ils sont
11 devenus plus agressifs à mon égard.
12 Q. Lorsqu'au cours de ces entretiens informatifs où vous étiez interrogé
13 pendant toute la journée, avez-vous été maltraité ?
14 R. Oui, effectivement. Ma simple présence et le fait que l'on me pose des
15 questions toute la journée, c'était un mauvais traitement; on ne m'a pas
16 maltraité physiquement, mais psychologiquement, oui.
17 Q. Quelle était la teneur de leurs questions ?
18 R. Ils m'interrogeaient sur mes activités, mon engagement politique au
19 sein de la LDK, ils m'interrogeaient sur les membres de la LDK, qu'ils
20 connaissaient bien d'ailleurs, puisque c'étaient des personnages publics
21 qui étaient connus de tous. Ils me demandaient s'ils participaient à
22 d'autres activités clandestines, et cetera. Ce type de questions.
23 Q. Quelqu'un a-t-il jamais pensé que vous collaboriez avec les autorités
24 serbes, avec la police serbe ?
25 R. Non, mais l'objectif poursuivi par les forces serbes lorsqu'ils
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1 arrêtaient les gens, lorsqu'ils organisaient ces entretiens informatifs,
2 c'était justement de compromettre les personnalités politiques, à l'époque.
3 Je crois que le Tribunal doit être conscient de cela, plus de 900 000
4 Albanais du Kosovo étaient soumis à ce traitement.
5 Q. Que voulez-vous dire lorsque vous dites que l'objectif poursuivi était
6 de compromettre des personnalités -- ces personnalités politiques ? Pouvez-
7 vous expliquer cela ?
8 R. Oui, parce que ce qu'ils recherchaient lorsqu'ils faisaient participer
9 les gens à ces conversations informatives et lorsqu'ils leur demandaient,
10 aux hommes politiques, de se présenter tous les jours au poste de police,
11 c'était de faire progresser cette propagande, ces informations de
12 propagande selon lesquelles ces personnalités politiques étaient vendues à
13 leur cause ou étaient des collaborateurs.
14 Q. En 1994/1995, lorsque cela se produisait, vous saviez que c'était leur
15 objectif ? Est-ce que vous vous en êtes rendu compte, à ce moment-là, que
16 c'était l'objectif poursuivi par les autorités serbes ?
17 R. Bien entendu. C'était évident à nos yeux.
18 Q. En 1995, avez-vous quitté le Kosovo ?
19 R. Oui, en 1995, j'ai quitté le Kosovo.
20 Q. Où vous êtes-vous rendu ?
21 R. Je suis allé en Suisse.
22 Q. Quand, en 1995 ? Vous en souvenez-vous ?
23 R. Je ne saurais être précis, mais je pense que c'était au début de l'an
24 1995.
25 Q. Combien de mois, à peu près, après votre libération de prison ?
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1 R. Neuf ou dix mois peut-être.
2 Q. Vous avez dit qu'après six mois, vous avez quitté la LDK. Avant de
3 quitter le Kosovo pour la Suisse, avez-vous rejoint une autre organisation
4 ou un autre mouvement politique qui soit clandestin ou qui ait l'opinion
5 sur eux [phon] ?
6 R. J'étais membre du mouvement populaire du Kosovo; même si je ne pouvais
7 pas participer activement à ces activités, je continuais à avoir le
8 sentiment d'y appartenir.
9 Q. Vous nous parlez là de la LPK, n'est-ce pas ?
10 R. Oui.
11 Q. Pourquoi être parti du Kosovo et être allé en Suisse ?
12 R. Pour les raisons que j'ai évoquées plus tôt, les pressions importantes
13 exercées sur moi par le système violent des Serbes ainsi que pour d'autres
14 raisons économiques qui venaient s'ajouter aux premières. Tout le monde
15 sait bien qu'à l'époque, au Kosovo, tous les Albanais avaient été licenciés
16 de différentes institutions, qu'il s'agisse d'institutions politiques,
17 économiques, d'écoles, d'institutions scientifiques. Les jeunes étaient
18 fortement invités à participer aux guerres que la Serbie menaient contre
19 les gens de Yougoslavie, amoureux de leur liberté et il y avait plus de 500
20 000 jeunes, des jeunes albanais qui avaient quitté le Kosovo et j'étais
21 parmi eux.
22 Q. Travailliez-vous en Suisse ?
23 R. Non, j'étais demandeur d'asile.
24 Q. Combien de temps avez-vous passé en Suisse ?
25 R. Avant d'obtenir l'asile en Suisse, j'y ai résidé pendant neuf mois.
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1 Après ces neuf mois, j'ai obtenu l'asile en Suisse et j'y suis resté, par
2 la suite, deux à trois années.
3 Q. Après avoir obtenu l'asile, est-ce que vous avez pu travailler ?
4 R. Oui, j'ai pu travailler. La politique suisse était que nous devrions
5 commencer à nous intégrer à la vie en Suisse, nous avons pu prendre des
6 cours de langue, j'ai suivi des cours d'allemand et aussi des cours de
7 formation professionnelle.
8 Q. Qu'est-ce que vous avez fait comme travail ?
9 R. Je n'ai pas travaillé en Suisse en ce sens où j'aurais eu un salaire.
10 Q. Oui, j'ai bien compris. Est-ce que vous avez continué à être actif au
11 sein du LPK, lorsque vous étiez en Suisse ?
12 R. Oui. J'ai commencé à être impliqué; malheureusement, je n'ai pas joué
13 un rôle très actif en raison de ma situation financière. Plus tard, je me
14 suis impliqué directement et j'ai poursuivi mes activités au sein de ce
15 mouvement politique.
16 Q. Pouvez-vous nous décrire ce que vous avez fait pendant cette phase
17 ultérieure, le genre d'activités auxquelles vous avez participées ? Nous
18 parlons toujours de la période que vous avez passée en Suisse.
19 R. J'organisais des manifestations d'information pour les citoyens
20 albanais qui avaient immigré en Allemagne, en Suisse et d'autres pays. Nous
21 organisions des manifestations culturelles et sportives, par exemple.
22 Q. Est-ce que vous pourriez, brièvement, dire à la Chambre ce que
23 représentait, à vos yeux, le LPK ? Que souhaitaient les militants du LPK ?
24 R. Le LPK était une organisation politique qui avait pour vocation de
25 trouver une solution aux problèmes albanais, aux problèmes politiques au
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1 Kosovo. Ces activités menées publiquement l'étaient dans les états
2 occidentaux alors que son activité au Kosovo était clandestine. Donc, son
3 engagement principal était vis-à-vis de la libération du Kosovo.
4 Q. On a témoigné, pendant ce procès, au sujet de la LDK et au sujet du
5 fait que la LDK avait adopté une approche qu'on pourrait qualifier de
6 pacifiste afin de réaliser l'objectif de libérer le Kosovo. Est-ce que
7 l'approche du LPK était la même ? A votre connaissance, comment décririez-
8 vous l'approche du LPK ?
9 R. La différence entre ces deux organisations est la
10 suivante : la LDK avait comme philosophie politique un mouvement pacifique,
11 alors que le LPK avait une approche plus active et son programme admettait
12 la possibilité d'un combat armé.
13 Q. Quand est-ce que vous avez entendu parler, pour la première fois, de
14 l'UCK ?
15 R. Déjà, quand j'étais en prison, en 1994, certains communiqués émis par
16 l'UCK avaient été écrits et puis, de façon plus directe, j'avais discuté
17 avec un collègue politique Naid Hasani, un homme avec qui j'avais purgé ma
18 peine dans la prison de Dubrava. Nous n'en parlions pas très ouvertement
19 puisque c'était très risqué, mais nous avons, tout de même, parlé des
20 activités de l'organisation de l'UCK.
21 Q. Si vous le savez, quand diriez-vous que l'UCK a obtenu une
22 reconnaissance publique au Kosovo ?
23 R. L'UCK a été reconnue publiquement en 1997, lorsque trois de ses
24 représentants sont apparus en public après les combats qui ont eu lieu à
25 Drenica.
Page 3732
1 Q. Est-ce que cette apparition publique était un enterrement ?
2 R. Oui.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez où cela s'est passé ?
4 R. Cela s'est passé à Drenica. Je ne me souviens pas du nom du village
5 concerné, mais je me souviens que c'était au mois de
6 novembre 1997. Je crois que c'était le village de Llausha.
7 Q. Monsieur Buja, est-ce que vous pouvez nous décrire la relation, s'il y
8 en avait une, entre la LDK et le LPK à la fin de l'année 1997 et au début
9 de l'année 1998 ?
10 R. L'organisation du LPK, après la reconnaissance publique de l'UCK,
11 consistait surtout à apporter un soutien politique et financier à l'UCK et
12 j'ai participé à cette organisation en Suisse.
13 Q. Est-ce que vous savez qui étaient les dirigeants du LPK, en Suisse, à
14 la fin 1997/début 1998 ?
15 R. Oui, bien sûr.
16 Q. De qui s'agissaient-ils ?
17 R. Le président du mouvement populaire du Kosovo pour la diaspora --
18 L'INTERPRÈTE : L'interprète n'a pas saisi le nom.
19 M. WHITING : [interprétation]
20 Q. Je vous demanderais de répéter le nom et je vous demanderais de parler
21 un petit peu plus fort afin que les interprètes puissent vous entendre.
22 Est-ce que vous voudriez bien répéter le nom du président du LPK pour la
23 diaspora.
24 R. Le président du LPK, donc, la branche de la diaspora, était Fazli
25 Veliju.
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1 Q. Y avait-t-il d'autres dirigeants du LPK qui se trouvaient en Suisse
2 outre le président ?
3 R. Oui, des membres de la présidence, il y avait aussi un conseil
4 exécutif.
5 Q. Est-ce que vous vous souvenez des noms de certains de ces membres ?
6 R. Bien sûr je m'en souviens. Emrush Xhemajli, Bardhyl Mahmuti, Adem
7 Grabovci et d'autres encore.
8 Q. Est-ce que vous-même, vous aviez des fonctions au sein du LPK, à cette
9 époque, à la fin de l'année 1997/début 1998 ?
10 R. Lors des réunions générales de la section diaspora, j'ai été élu membre
11 de cette section de la diaspora, section, donc, du LPK.
12 Q. A quel moment au juste ?
13 R. Cela s'est passé en 1997.
14 Q. Est-ce qu'il y avait, à l'époque, un dirigeant du LPK qui se trouvait
15 au Kosovo ?
16 R. C'est possible, mais je n'en avais pas connaissance.
17 Q. Maintenant, je vais avancer un petit peu dans le temps, cela nous amène
18 à l'année 1998. Est-ce qu'en cette année, vous avez quitté la Suisse ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous souvenez-vous dans le courant de quel mois ?
21 R. Le mois de mars.
22 Q. Où êtes-vous allé ?
23 R. Nous avons voyagé de la Suisse vers l'Albanie.
24 Q. Puis, est-ce que vous êtes rendu d'Albanie au Kosovo ?
25 R. Oui.
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1 Q. Est-ce que vous êtes arrivé au Kosovo au mois de mars, toujours ?
2 R. Oui, au mois de mars.
3 Q. Qu'est-ce qui vous a amené à prendre la décision de faire ce voyage, à
4 ce moment-là, au mois de mars 1998 ?
5 R. J'étais celui qui a insisté, surtout pour que les membres du conseil
6 exécutif retournent au Kosovo et s'impliquent dans les activités du
7 mouvement au Kosovo. La situation créée au Kosovo à cause de l'appareil
8 serbe violent -- enfin, en raison du fait que cet appareil serbe avait
9 lancé une opération à Drenica. La raison principale pour laquelle je me
10 suis rendu au Kosovo, c'était le combat héroïque d'Adem Jashari, notre
11 commandant légendaire et le sacrifice de toute la famille Jashari. Bien
12 entendu, à cela s'ajoute aussi les massacres perpétrés par les forces
13 serbes dans d'autres villages de Drenica tels que Likoshan et Qirez.
14 Q. Je comprends. Lorsque vous avez pris la décision de partir au mois de
15 mars 1998, était-ce votre propre décision - je parle de la décision de
16 partir à ce moment précis. Est-ce que vous avez vous-même pris la décision
17 et c'est quelqu'un qui vous a dit qu'il était temps de partir ?
18 R. La décision de partir pour le Kosovo était la mienne. Pour ce qui est
19 de l'organisation du voyage, il a été organisé par d'autres membres du LPK.
20 Q. Est-ce que vous connaissiez Hashim Thaqi, à l'époque ?
21 R. Oui.
22 Q. Comment avez-vous fait sa connaissance ?
23 R. Je le connaissais en tant que membre du Mouvement populaire du Kosovo.
24 Q. Est-ce que vous avez eu des conversations avec lui avant de décider de
25 retourner au Kosovo ?
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1 R. Nous n'avons pas eu de discussions préalables, mais nous en avons parlé
2 le jour où j'ai décidé de retourner au Kosovo. J'ai été informé du fait que
3 d'autres y retournaient également. Bien entendu, j'en ai informé Agim
4 Bajrami, qui était un ami proche, un collaborateur proche. Je lui ai dit
5 que nous allions rentrer au Kosovo.
6 Q. Vous dites qu'on vous a informé du fait que d'autres allaient retournés
7 au Kosovo. Est-ce Hashim Thaqi qui vous en a informé ?
8 R. Oui, c'était Hashim Thaqi, Adem Grabovci et d'autres encore, et bien
9 entendu, mon frère Agush Buja.
10 Q. A ce moment-là, le jour où vous avez décidé de retourner au Kosovo,
11 est-ce que vous vous considériez comme membre de l'UCK ?
12 R. Je me considérais comme membre de l'UCK. Je me suis considéré comme tel
13 à partir du moment où j'ai commencé à appuyer l'UCK, financièrement et
14 politiquement.
15 Q. Est-ce que vous pouvez nous dire à partir à quel moment au juste cela
16 s'est passé ?
17 R. Le moment où je me suis engagé au sein du LPK, engagé à apporter un
18 soutien financier et politique à l'UCK. Cela remonte à 1997.
19 Q. Est-ce que vous considériez aussi Hashim Thaqi en
20 mars 1998, comme étant membre de l'UCK ?
21 R. Nous ne pouvions pas le considérer comme membre de l'UCK, mais nous
22 pouvions le considérer comme membre du LPK, qui était aussi impliqué dans
23 le soutien économique et financier à l'UCK.
24 Q. Encore une fois, au mois de mars 1998, aviez-vous entendu parlé de
25 l'existence de l'état-major général de l'UCK ?
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1 R. Oui, nous en étions informés, parce qu'à l'époque, des communiqués de
2 cet état-major général étaient publiés.
3 Q. Est-ce qu'à l'époque, vous saviez, donc au mois de
4 mars 1998, qui étaient les membres de l'état-major général ?
5 R. Bien sûr, nous ne savions pas de qui il s'agissait.
6 Q. Savez-vous si Hashim Thaqi était, à l'époque, membre de l'état-major
7 général ?
8 R. Non.
9 Q. Au moment où vous avez décidé de partir, vous nous avez dit que vous
10 avez appris que d'autres avaient également décidé de partir. Qui d'autre à
11 part ceux que vous avez déjà mentionnés.
12 R. Parmi les autres, Ismet Jashari que je connaissais parce qu'il était
13 actif sur le plan politique au sein du LPK. Puis, j'ai rencontré Sami
14 Lushtaku, Fehmi Lladrovci et d'autres encore. Parmi ceux-là, j'ai su plus
15 tard qu'il y avait aussi Fatmir Limaj. J'ai connu son nom plus tard.
16 Q. Quand avez-vous rencontré pour la première fois Fatmir Limaj ?
17 R. Ma première rencontre avec Fatmir Limaj a eu lieu en Suisse. Je ne sais
18 pas combien de fois nous nous sommes rencontrés; pas souvent, une ou deux
19 fois. Je l'ai revu pendant mon voyage vers l'Albanie et le Kosovo.
20 Q. Vous avez dit que vous avez rencontré Fatmir Limaj une ou deux fois
21 lorsque vous étiez en Suisse. Est-ce que vous vous souvenez de la première
22 rencontre en Suisse ?
23 R. Oui. Cela aurait pu se passer au sein du comité de rédaction de ce
24 qu'on appelle La voix du Kosovo.
25 Q. C'était à quelle époque ?
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1 R. Comme je l'ai dit, je ne m'en souviens plus du moment où cette
2 rencontre a eu lieu.
3 Q. Est-ce que vous vous souvenez si c'était en 1997 ou 1998 ou plus tôt ?
4 R. Je pense que cela aurait pu avoir lieu en 1997.
5 Q. Est-ce que Fatmir Limaj jouait un rôle dans le cadre de ce journal ?
6 R. Non.
7 Q. Est-ce que vous vous souvenez du contexte de cette rencontre ? Comment
8 cela se fait que vous vous êtes rencontrés lors de la réunion du comité de
9 rédaction de ce journal ?
10 R. Je ne me souviens plus des circonstances qui ont entouré cette
11 rencontre, mais je sais que bon nombre de membres de ce mouvement, de
12 nombreux compatriotes et d'immigrés albanais en Suisse, venaient au bureau
13 de rédaction. Nous avions des contacts avec eux, et nos discussions étaient
14 surtout de nature politique.
15 Q. Est-ce qu'à votre connaissance, Fatmir Limaj était membre du LPK ?
16 R. Je ne sais pas. Je ne saurais dire s'il l'était ou non.
17 Q. Est-ce que Fatmir Limaj vivait au même endroit qu'Ismet Jashari ?
18 R. Je ne sais pas.
19 Q. Est-ce que vous savez où habitait Fatmir Limaj à l'époque, à la fin
20 1997, début 1998.
21 R. Non.
22 Q. Maintenant, je me situe de nouveau, au mois de mars 1998 --
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être, avant de continuer, est-ce
24 que ce serait le moment opportun pour faire une pause ?
25 M. WHITING : [interprétation] Oui, en effet.
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1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons reprendre à une heure
2 moins quart. Notre horaire a été un peu bouleversé parce que nous avons
3 commencé tard.
4 M. WHITING : [interprétation] Merci.
5 --- L'audience est suspendue à 12 heures 24.
6 --- L'audience est reprise à 12 heures 47.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous avez la parole.
8 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
9 Q. Monsieur Buja, je vous rappelle de bien vouloir essayer de parler
10 suffisamment haut et clair, de façon à ce que nous entendions clairement
11 vos réponses. Est-ce que vous me comprenez ?
12 R. Oui.
13 Q. Avant la pause, je m'apprêtais à vous poser quelques questions au sujet
14 du mois de mars 1998. Vous avez dit que vous aviez une conversation avec
15 Hashim Thaqi et que c'est ainsi que vous aviez appris que d'autres
16 personnes étaient sur le point de rentrer au Kosovo, à ce moment-là. Quand
17 avez-vous appris que Fatmir Limaj allait, lui aussi, se rendre au Kosovo ?
18 R. Je n'ai pas dit que ce n'est que dans le cadre de conversations avec
19 Hashim Thaqi, mais avec d'autres, également. Pour ce qui est de Fatmir
20 Limaj, je l'ai rencontré en Albanie et nous avons voyagé à bord du même
21 avion, de Suisse vers l'Albanie.
22 Q. Y avait-il d'autres membres de votre groupe sur ce vol entre la Suisse
23 et l'Albanie, hormis vous et Fatmir Limaj ?
24 R. Ce n'était pas mon groupe, mais c'était un groupe dont je faisais
25 partie, moi aussi. Il y avait Adem Grabovci, Hashim Thaqi, Ismet Jashari,
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1 Agim Bajrami et d'autres.
2 Q. Est-ce que Fehmi Lladrovci se trouvait, lui aussi, sur ce vol ?
3 R. Non. J'ai rencontré Fehmi Lladrovci, en Albanie. Il est venu accompagné
4 d'autres personnes d'Allemagne.
5 Q. Connaissez-vous les autres personnes avec lesquelles il est arrivé
6 d'Allemagne ?
7 R. D'autres venaient également d'Allemagne, y compris Sami Lushtaku. Il y
8 avait des personnes d'autres pays, également.
9 Q. De quels autres pays, hormis l'Allemagne et la Suisse ?
10 R. Je ne peux pas tout savoir. Je ne connais pas tous les pays. En tout
11 cas, il y en avait d'Autriche et d'autres pays occidentaux.
12 Q. S'agissant de ce groupe dont vous faisiez partie qui venait de Suisse,
13 vous nous avez donné quelques noms. Pouvez-vous nous dire combien de
14 personnes, environ, composaient ce groupe ?
15 R. Entre dix et 15 personnes.
16 Q. A quel endroit précis vous êtes-vous rendus, en Albanie ? Où avez-vous
17 atterri ?
18 R. Nous sommes arrivés à l'aéroport Rinas de Tirana.
19 R. Etes-vous restés à Tirana ou êtes-vous allés ailleurs, en Albanie ?
20 R. Au début, nous sommes restés à Tirana.
21 Q. Combien de temps êtes-vous restés à Tirana ?
22 R. Je ne m'en souviens pas. Nous y avons peut-être passé une nuit.
23 Q. Où êtes-vous allés après ?
24 R. Nous sommes partis vers la frontière qui sépare l'Albanie du Kosovo.
25 Q. Lorsque vous êtes arrivés à Tirana, ce groupe qui venait d'Allemagne
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1 dont vous avez parlé et dont faisaient partie Sami Lushtaku et Fehmi
2 Lladrovci. Est-ce que ce groupe était déjà arrivé ou est-il arrivé après
3 vous ?
4 R. Je ne sais pas. Nous les avons rencontrés à la frontière.
5 Q. Est-ce que le groupe dont vous faisiez partie, composé de 10 à 15
6 personnes et qui arrivaient de Suisse -- est-ce que tous les membres de ce
7 groupe ont voyagé ensemble pour parcourir le trajet entre Tirana et la
8 frontière ?
9 R. Oui.
10 Q. Y avait-il d'autres personnes qui ont rejoint ce groupe à Tirana, avant
11 que vous ne partiez vers la frontière ?
12 R. Je ne m'en souviens pas.
13 Q. Que s'est-il passé à Tirana, avant que vous ne preniez la route ? Est-
14 ce que vous avez rencontré qui que ce soit ? Je veux parler de votre
15 groupe, le groupe dont vous faisiez partie.
16 R. Il y avait également d'autres personnes à Tirana.
17 Q. Qui étaient ces personnes, à Tirana ?
18 R. Parmi elles, il y avait mon frère cadet Lutfi Buja.
19 Q. Est-ce qu'Emrush Xhemajli était là, lui aussi ?
20 R. Je ne l'ai pas vu.
21 Q. Avez-vous entendu dire qu'il était là ? Avez-vous appris qu'il se
22 trouvait là ?
23 R. Je ne l'ai pas vu.
24 Q. Quelqu'un vous a-t-il dit qu'il se trouvait sur place ou non ?
25 R. Je ne peux pas vous dire ce qu'on dit d'autres personnes, je ne peux
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1 vous raconter que ce que j'ai vu de mes propres yeux.
2 Q. En fait, si. Je pense qu'il est important que vous compreniez, comme
3 vous l'avez dit, la différence entre le fait de répéter ce que d'autres
4 vous ont dit et le fait de raconter ce que vous avez vu de vos propres
5 yeux. Toutefois, les Juges de la Chambre peuvent entendre ce que vous avez
6 à dire au sujet de ce que vous avez entendu de la bouche d'autres
7 personnes. Avez-vous appris de la bouche de qui que ce soit qu'Emrush
8 Xhemajli était là ?
9 R. Je ne m'en souviens pas. Je ne me souviens pas avoir appris cela de
10 quelqu'un d'autre et tout simplement, je n'ai pas vu Emrush Xhemajli là
11 bas.
12 Q. Qu'en est-il de Xhavid Haliti ? Est-ce que vous l'avez vu à Tirana,
13 avant de partir pour la frontière ?
14 R. Si mes souvenirs sont bons, oui.
15 Q. Saviez-vous, à l'époque, qui il était ?
16 R. Il était membre de la présidence du LPK; c'est comme cela que j'ai fait
17 sa connaissance.
18 Q. Savez-vous s'il jouait le moindre rôle que ce soit au sein de l'UCK ?
19 R. A l'époque, je ne le savais pas, je ne savais pas quel rôle il jouait
20 au sein de l'UCK.
21 Q. Avez-vous appris par la suite qu'il jouait un rôle particulier au sein
22 de l'UCK ?
23 R. J'ai appris cela après la guerre.
24 Q. Le groupe dont vous faisiez partie, lorsque vous êtes arrivé à Tirana,
25 avez-vous reçu des instructions s'agissant de ce que vous deviez faire ou
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1 des endroits où vous deviez vous rendre.
2 R. Nous n'avons reçu aucune instruction, nous étions en chemin pour le
3 Kosovo et ce qui nous intéressait, c'était de savoir qu'elle était la
4 situation à la frontière, s'il y avait une forte concentration des forces
5 de l'armée et de la police serbe.
6 Q. Avez-vous pu établir quelle était la situation à la frontière ? Est-ce
7 que quelqu'un vous a dit qu'elle était cette situation ?
8 R. Nous en avons parlé entre nous. La situation à la frontière était assez
9 difficile en raison de la concentration des forces serbes qui s'y
10 trouvaient.
11 Q. Lorsque vous dites, "nous en avons parlé entre nous," est-ce que vous
12 voulez parler du groupe dont vous faisiez parti ou bien d'autres
13 personnes ?
14 R. J'ai parlé essentiellement avec Agim Bajrami et plusieurs
15 étudiants qui étaient là, à ce moment-là.
16 Q. Ces étudiants, est-ce qu'ils faisaient parti du groupe qui arrivait de
17 Suisse ou est-ce qu'ils se trouvaient à Tirana ?
18 R. Non, ils étudiaient à Tirana.
19 Q. Étaient-ils membres de l'UCK, pour autant que vous le sachiez ?
20 R. Je ne sais pas.
21 Q. Comment a-t-il été décidé que vous vous rendriez à tel ou tel endroit ?
22 Comment a-t-il été décidé de la manière dont vous traverseriez la
23 frontière ? Est-ce que vous avez décidé cela entre vous ou est-ce qu'on
24 vous a donné des instructions sur le trajet que vous alliez faire pour
25 arriver au Kosovo ?
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1 R. Je ne m'occupais pas de ce genre de choses. D'autres personnes s'en
2 chargeaient. Je ne connaissais pas le terrain très bien.
3 Q. Qui, au sein de votre groupe, s'occupait de ces questions-là ?
4 R. Je ne sais pas qui s'en occupait, mais ce que je sais, c'est que le
5 groupe est parti avec d'autres et il y avait une sorte d'unité de gardes
6 avancés.
7 Q. D'où venait cette unité de garde avancée ?
8 R. Elle se trouvait au niveau de la frontière.
9 Q. Vous nous avez dit que vous ne vous occupiez pas de ces questions et
10 vous n'avez pas été en mesure de nous dire qui s'en chargeait au sein de
11 votre groupe. Avez-vous appris si votre groupe avait reçu des instructions
12 ou un ordre afin d'effectuer ce trajet vers la frontière ? Lorsque je dis
13 "avez-vous appris cela," je souhaiterais savoir si vous en avez entendu
14 parler, si vous avez fini par le découvrir, à l'époque.
15 R. A l'époque, il y avait des personnes qui se chargeaient essentiellement
16 de l'entrée des personnes qui venaient d'Albanie à l'intérieur du Kosovo.
17 Je ne connaissais pas ces personnes. On nous a dit d'aller à la frontière
18 et c'est ce que nous avons fait. Nous avons pris la voiture en direction de
19 la frontière.
20 Q. Savez-vous qui a dit à votre groupe de se rendre à la frontière ?
21 R. Xhavid Haliti est venu et nous a dit que nous pouvions partir en
22 direction de la frontière.
23 Q. Avant de prendre le départ pour ce trajet, vous a-t-on remis des armes,
24 des uniformes ou autres ?
25 R. Non.
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1 Q. Aviez-vous quelque équipement que ce soit ?
2 R. Non. Jusqu'à la frontière nous portions des vêtements civils.
3 Q. Que s'est-il passé à la frontière ?
4 R. A la frontière, ceux qui ont pu trouver un uniforme s'en sont saisi et
5 nous avons été équipés en munitions et en armes.
6 Q. Pouvez-vous nous décrire la situation, à votre arrivée à la frontière ?
7 Qu'avez-vous fait, une fois arrivé ? Etes-vous allé dans un village, dans
8 un camp ? Où avez-vous obtenu cet équipement et ces uniformes ?
9 R. Nous sommes allés dans un village, c'est là qu'on nous a remis les
10 armes et les caisses de munitions qui allaient avec.
11 Q. Que s'est-il passé, ensuite ? Avez-vous alors traversé la frontière ?
12 R. Oui, nous nous sommes dirigés vers la frontière.
13 Q. Vous souvenez-vous à quel endroit vous avez traversé la frontière ? Au
14 niveau de quel village, de quel secteur avez-vous traversé ?
15 R. Je ne suis pas tout à fait certain, mes souvenirs ne sont pas très
16 précis. C'était peut-être au niveau du village de Vlon.
17 Q. Lorsqu'on a dit à votre groupe que vous pouviez aller à la frontière et
18 traverser, est-ce qu'on vous a également dit où vous deviez vous rendre au
19 Kosovo après avoir traversé la frontière ?
20 R. Non.
21 Q. Après avoir traversé la frontière où vous êtes-vous rendus ?
22 R. Nous avons pris la direction du secteur de Drenica.
23 Q. La région de Drenica est assez vaste. Est-ce que vous visiez un endroit
24 plus précis dans le secteur de Drenica ?
25 R. Nous sommes partis en direction de Drenica. Nous ne connaissions pas
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1 encore la situation à Drenica, et nous ne savions pas dans quel village
2 nous pouvions nous installer. Nous ne savions pas quels étaient les
3 villages qui avaient déjà été libérés par l'UCK.
4 Q. Lorsque vous êtes arrivés au Kosovo, combien y avait-il de personnes au
5 sein de votre groupe ?
6 R. Une trentaine environ.
7 Q. Après avoir traversé la frontière, avez-vous poursuivi votre trajet en
8 voiture ou à pied ?
9 R. Essentiellement à pied.
10 Q. Où êtes-vous arrivés dans la région de Drenica en tant que groupe d'une
11 trentaine de personnes ? Dans quel village ou ville vous êtes-vous arrêtés
12 en premier dans cette région ?
13 R. Je me suis installé dans le village de Tice.
14 Q. Tous les 30 membres de ce groupe sont-ils allés dans ce même village,
15 le village de Tice ?
16 R. Non, parce qu'il était impossible que tout le groupe demeure dans un
17 seul village peu peuplé par ailleurs. C'est la raison pour laquelle ce
18 groupe a été réparti entre différents villages du même secteur.
19 Q. Où cela s'est-il produit ? Où cette répartition, cette séparation du
20 groupe en plusieurs sous-groupes, s'est-elle produite ?
21 R. Il m'est difficile de vous le dire précisément, parce que je ne
22 connaissais pas bien la zone de Drenica. Peut-être Llausha, Tice, Likovc.
23 Je ne sais pas très bien.
24 Q. Je comprends que vous ne soyez pas tout à fait certain du village dans
25 lequel cela s'est produit, mais pouvez-vous nous dire comment cela s'est
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1 passé ? Vous êtes arrivés à un lieu donné, une trentaine d'entre vous, en
2 groupe. Ensuite, comment vous êtes-vous séparés en plusieurs sous-groupes ?
3 Comment la décision a-t-elle été prise ? Pouvez-vous nous décrire la
4 manière dont cela s'est fait ?
5 R. Une fois à Drenica, nous avons aperçu des soldats de l'UCK. Il nous
6 fallait un lieu où nous installer pour la nuit et nous préparer à agir le
7 lendemain. Par conséquent, nous nous sommes séparés en petits groupes avec
8 Fehmi Lladrovci. Je suis allé dans une maison dans le village de Tice.
9 Q. Vous deux seulement ?
10 R. Il y avait deux autres soldats dont j'ai oublié le nom. D'ailleurs, je
11 ne connaissais pas leur nom.
12 Q. A ce moment-là, connaissiez-vous vos noms respectifs ou simplement vos
13 surnoms ?
14 R. Certains se connaissaient par leur nom, mais à ce moment-là encore, ils
15 n'avaient pas encore de surnom.
16 Q. Combien de temps avez-vous passé à Tice dans ce village ?
17 R. Peut-être trois ou quatre jours.
18 Q. Ensuite, qu'avez-vous fait ?
19 R. Pendant cette journée, nous avons parlé de l'organisation de l'UCK, de
20 la situation dans laquelle se trouvait la population locale, de la tendance
21 qu'avaient les occupants serbes à limiter la guerre menée par l'UCK au
22 territoire de Drenica et des risques que ceci pouvait poser, compte tenu
23 des massacres et des soulèvements qui s'étaient déjà produits en 1945 à
24 Drenica. Même si j'étais sur place pour d'autres raisons, puisque j'avais
25 pour tâche de faire rapport, en tant que journaliste, des combats qui
Page 3747
1 avaient lieu sur le terrain, ayant appréhendé les risques que courait la
2 population, j'ai décidé de me rendre au Kosovo et d'organiser des unités de
3 guérilla dans la région de Kosovo que je connaissais bien et dont je
4 connaissais le terrain.
5 Q. Ces discussions dont vous venez de parler sur l'organisation de l'UCK,
6 la situation, et cetera, sont-ce là des discussions que vous avez eues
7 entre ces quatre personnes sur place, à Tice, les quatre soldats, vous-
8 même, Fehmi Lladrovci et les deux autres dont vous vous ne souvenez pas du
9 nom, ou bien ces discussions ont-elles eu lieu avec d'autres soldats et
10 d'autres dirigeants de l'UCK ?
11 R. Hashim Thaqi était également présent. Nous en avons parlé avec lui
12 ainsi qu'avec une autre personne que je ne connaissais pas à l'époque. J'en
13 ai parlé avec Fehmi Lladrovci aussi, avec Fatmir Limaj dont je ne
14 connaissais pas le nom à l'époque et avec Agim Bajrami que je connaissais.
15 Q. Vous avez dit n'avoir pas connu le nom de Fatmir Limaj à l'époque.
16 Connaissiez-vous son pseudonyme ou son surnom ?
17 R. Non. Pendant mon séjour au village de Tice, je n'ai pas connu -- je ne
18 connaissais pas son nom.
19 Q. Quand l'avez-vous appris -- non, pardon, je reprends ma question. Avez-
20 vous d'abord su son nom ou son surnom ?
21 R. Son nom.
22 Q. Quand exactement avez-vous su comment il s'appelait ?
23 R. A ce moment-là, je crois, au cours de mon séjour à Tice, peut-être
24 trois ou quatre jours plus tard.
25 Q. Vous avez dit avoir rencontré Fatmir Limaj à une ou deux reprises en
Page 3748
1 Suisse. Est-ce à dire que vous ne saviez pas comment il s'appelait lorsque
2 vous l'avez rencontré en Suisse ?
3 R. Peut-être qu'à cette époque, j'ai entendu son nom mentionné, ou peut-
4 être parce qu'à l'époque il a dû se présenter. Lorsque nous sommes passés
5 au Kosovo, je n'avais plus le souvenir de son nom, parce que comme je l'ai
6 dit, j'ai rencontré beaucoup de personnes au bureau de Zeri i Kosoves, La
7 voix du Kosovo, et j'avais du mal à me souvenir de tout le monde.
8 Q. Quand avez-vous entendu son surnom ?
9 R. Cela dépend du surnom dont vous parlez.
10 Q. Quels surnoms connaissez-vous ?
11 R. Au départ, je le connaissais comme Arbeni et Daja, parce que ses neveux
12 l'appelaient Daja. Ce n'est que plus tard que Celiku a commencé à être
13 utilisé.
14 Q. Quand, pour la première fois, avez-vous entendu ce surnom de Celiku ?
15 R. Peut-être en mai 1998.
16 Q. Vous nous avez dit avoir un certain nombre de conversations avec tous
17 ces gens. M. Fehmi Lladrovci, Hashim Thaqi, Fatmir Limaj, et cetera. Ces
18 gens étaient-ils dans des villages proches du village de Tice ?
19 R. Je ne sais pas s'ils se trouvaient à Tice à proprement parler. Je sais
20 qu'ils étaient dans les environs où se trouvaient également des villages de
21 plus petite taille. Il y avait également un soldat blessé, deux, en fait,
22 l'un d'entre eux gravement. Il y avait un dispensaire également sur place.
23 Nous nous rencontrions à Tice ou dans ce dispensaire ou si je ne m'abuse, à
24 Likovc parce que je ne suis pas sûr de l'emplacement exact de Likovc. Je ne
25 sais pas si Likovc se trouvait dans ce secteur.
Page 3749
1 Q. Outre les gens que vous avez déjà évoqués qui faisaient partie du
2 groupe avec lequel vous avez passé la frontière, y avait-il des personnes
3 basées à Drenica qui était déjà présentes avant votre arrivée, personnes
4 que vous auriez rencontrées ?
5 R. Oui. Il y avait un plus petit nombre de soldats que j'ai aperçu lorsque
6 je suis arrivé à Drenica.
7 Q. Vous souvenez-vous de leurs noms ?
8 R. Non, parce que cela aurait été impossible. Il n'y avait aucune raison
9 que je leur pose la question.
10 Q. Leurs surnoms ? Connaissez-vous certains de leurs surnoms ?
11 R. Non, parce que je n'ai pas posé la question. Il était inutile que je le
12 fasse, à l'exception d'un surnom Dhjeqi, qui signifie numéro 10.
13 Q. n'avez-vous jamais su à qui correspondait ce surnom numéro 10, Dhjeqi ?
14 R. Oui, par la suite, j'ai appris quel était son nom, Rexhep Selimi.
15 Q. Où séjournait-il Rexhep Selimi lorsque vous êtes arrivé en mars 1998 ?
16 R. Je ne sais pas où il se trouvait, mais je sais que je l'ai rencontré
17 dans cette région, Tice, Likovc, ou d'autres villages dont je n'ai plus le
18 nom à l'esprit.
19 Q. Semblait-il occuper un poste de commandement ou un poste hiérarchique
20 élevé dans le secteur où vous vous trouviez ? Je parle de Rexhep Selimi.
21 R. Je ne saurais dire à quel niveau hiérarchique il se trouvait. Je le
22 considérais simplement comme un soldat de l'Armée de libération du Kosovo.
23 Q. Vous dites l'avoir considéré comme un soldat, comme tout autre soldat
24 que vous avez aperçu sur place, soldat de l'UCK; c'est bien ce que vous
25 dites ?
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1 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. Nous portions des uniformes, des armes.
2 Nous ne pouvions faire la distinction entre les différents soldats. Il
3 était difficile de distinguer qui que ce soit, de déterminer aux
4 apparences, si quelqu'un occupait un poste supérieur du point de vue
5 hiérarchique. Au cours de discussions avec lui, on pouvait se rendre compte
6 qu'il avait une bonne préparation du point de vue politique.
7 Q. Avez-vous appris qu'il était en contact avec l'état-major général de
8 l'UCK, avec l'état-major ?
9 R. Je ne sais pas en ce qui concerne Rexhep Selimi, mais j'ai appris plus
10 tard, lors de discussions avec d'autres, qu'il avait effectivement -- il
11 était en contact avec l'état-major général. Au moins, en tout cas, c'est ce
12 qu'il disait.
13 Q. Que s'est-il passé après ces discussions ? Je crois que vous avez dit
14 qu'elles avaient duré trois ou quatre jours. Que s'est-il passé ensuite ?
15 R. Je n'ai pas dit qu'elles avaient duré trois ou quatre jours; j'ai dit
16 qu'au cours de ces trois ou quatre jours, nous avons eu des discussions une
17 fois ou deux fois avec Hashim Thaqi, une ou deux fois avec Dhjeqi, le
18 numéro 10. D'emblée, dès la première réunion, j'ai demandé à être envoyé
19 vers mon lieu de naissance que je connaissais mieux, vers des gens que je
20 connaissais bien, donc vers Lipjan et Shtime, ces deux municipalités.
21 Q. Après ces trois ou quatre jours, avez-vous été envoyé là-bas ?
22 R. Après trois ou quatre jours, effectivement, nous nous sommes mis en
23 route en direction des municipalités dans lesquelles nous pensions
24 organiser les unités de guérilla.
25 Q. Ma question est la suivante : vous nous dites avoir demandé à être
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1 envoyé dans la zone dans laquelle vous étiez né. Une fois l'avoir demandé,
2 avez-vous été envoyé ou vous a-t-on dit de vous rendre sur place ?
3 R. Oui. Hashim Thaqi a approuvé ma proposition consistant à participer à
4 l'organisation militaire, l'organisation d'unités de guérilla dans une lieu
5 que je connaissais bien.
6 Q. Vous a-t-on indiqué précisément dans quelles zones vous deviez
7 organiser des unités de guérilla ?
8 R. Non. Comme je l'ai dit, cette demande émanait de moi. Elle a reçu
9 l'aval de Hashim Thaqi. Cette demande consistait à m'envoyer dans un
10 secteur que je connaissais. A l'époque, nous ne pouvions pas définir les
11 zones opérationnelles.
12 Q. Non. Ce n'était pas ma question. Ma question était la suivante : quand
13 Hashim Thaqi vous a donné l'autorisation de vous rendre dans ce secteur que
14 vous connaissiez, vous a-t-il indiqué précisément la zone en question ?
15 Etait-ce votre village ? Etait-ce les villages autour de chez vous ? Y
16 avait-il des précisions particulières qui aient été données au moment où on
17 vous a dit de partir ?
18 R. La municipalité de Lipjan ce n'est pas un village; c'est une
19 municipalité qui englobe un certain nombre de villages, comme c'est le cas
20 pour Shtime et Lipjan aujourd'hui. Il n'était pas possible de se concentrer
21 que sur un hameau comme mon village, par exemple, Bujan. Je ne pouvais pas
22 concentrer mes activités que sur ce village parce que le danger, dans ce
23 cas, aurait été extrêmement aigu. Le village était installé -- situé sur
24 une plaine. Il aurait été très dangereux pour nous de nous y rendre.
25 Q. Par conséquent, lorsque vous êtes parti, votre mission consistait à
Page 3752
1 organiser les choses au sein de la municipalité de Lipjan, pas ailleurs,
2 juste Lipjan ?
3 R. J'avais pris la décision moi-même de me rendre à la municipalité de
4 Shtime, où une partie de ma belle-famille se trouvait; des gens en qui
5 j'avais confiance, avec qui je pensais pouvoir séjourner, et à partir
6 desquels j'aurais pu œuvrer à l'organisation des unités de guérilla. Je
7 pensais le faire par le biais de personnes impliquées au niveau politique
8 résidant sur le territoire de la municipalité de Lipjan.
9 Q. Fatmir Limaj a-t-il été chargé de quoi que ce soit à ce moment-là ? Lui
10 a-t-on ordonné de se rendre quelque part, d'organiser quelque chose ou de
11 faire autre chose ?
12 R. Je ne pourrais dire si une tâche quelconque lui a été confiée, mais
13 d'après les conversations que j'ai eu avec lui et avec Agim Bajrami, Fatmir
14 Limaj a exprimé le vœu d'œuvrer sur le territoire de la municipalité de
15 Malisheve d'où il était originaire, d'ailleurs.
16 Q. Le vœu exprimé par ce dernier a-t-il reçu l'aval de Hashim Thaqi ?
17 R. D'après mon souvenir avec Fatmir, Agim Bajrami, Ismet Jashari, Haxhi
18 Shala et moi-même sommes partis en direction de nos secteurs respectifs.
19 Q. Ce n'était pas ma question. Ma question était la suivante : Fatmir
20 Limaj a-t-il véritablement demandé à se rendre à Malisevo pour y organiser
21 les choses et y a-t-il eu aval de la part de Hashim Thaqi ?
22 M. GUY-SMITH : [interprétation] J'objecterais, Monsieur le Président. Me
23 Whiting essaie d'obtenir une confirmation quant à l'aval qui aurait été
24 donné. Il peut lui demander comment Hashim Thaqi a répondu aux vœux
25 formulés par M. Limaj ou par qui que ce soit d'autre.
Page 3753
1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
2 Oui, Monsieur Whiting.
3 M. WHITING : [interprétation]
4 Q. Je vais reformuler ma question. Vous avez dit que Fatmir Limaj
5 souhaitait organiser les choses à Malisevo. Ma question est donc la
6 suivante : a-t-il exprimé ce vœu devant Hashim Thaqi, tout comme vous
7 l'avez fait ? L'a-t-il fait ?
8 R. Je ne sais pas s'il l'a fait ou non. Je sais que, moi-même, j'ai
9 demandé l'autorisation de me rendre dans la zone que je connaissais bien
10 pour que je puisse œuvrer à l'organisation des unités.
11 Q. Est-ce que vous savez si Fatmir Limaj s'est vu attribuer une tâche ?
12 Oui ou non.
13 R. Je sais qu'on lui a assigné la tâche de nous accompagner ou de nous
14 montrer la voie de Drenice, la zone de Drenice, secteur de la municipalité
15 de Malishevo qu'il connaissait bien jusqu'à la frontière de ce secteur et
16 jusqu'à la frontière du secteur que je connaissais bien. Alors que moi,
17 j'accompagnais Agim Bajrami vers la municipalité de Kacanik.
18 Q. Ce trajet a pris combien de temps pour aller de l'endroit où vous vous
19 trouviez à Drenica jusqu'à la municipalité de Malisevo ?
20 R. Nous voyagions toujours pendant la nuit à cause du danger que
21 représentaient les forces serbes. Si je me souviens bien, nous avons dormi
22 dans un village.
23 Q. Mais combien de temps a pris le trajet de Drenica à la municipalité de
24 Malisevo ?
25 R. Plusieurs heures.
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1 Q. Où vous êtes-vous rendus dans la municipalité de Malisevo ?
2 R. Si je ne m'abuse, c'était le village de Pagarushe.
3 Q. Qui était membre de ce groupe ? Pourriez-vous nous le redire ? Ce
4 groupe qui s'est rendu au village de Pagarushe.
5 R. Moi-même, Fatmir Limaj, Ismet Jashari, Agim Bajrami et Haxhi Shala.
6 Q. Est-ce que l'une de ces personnes était responsable du groupe, était le
7 chef du groupe ?
8 R. Dans le sens d'un commandant, non. Comme je l'ai dit plus tôt, il y
9 avait une personne qui était censé nous montrer la voie, puisqu'il
10 connaissait bien le secteur et c'était Fatmir, jusqu'à Pagarushe, mais dans
11 le sens d'une structure hiérarchique, d'une chaîne de commandement.
12 Q. Vous avez dit que cela vous a pris plusieurs heures pour arriver à
13 Pagarushe. Et puis après, où êtes-vous allés ?
14 R. Après le village de Pagarushe, Agim Bajrami et moi-même avons poursuivi
15 notre route pour nous rendre à l'endroit que nous visions, c'est-à-dire, le
16 village de Klecke.
17 Q. C'était seulement vous deux qui vous êtes rendus au village de Klecke ?
18 R. Oui, nous deux. Moi-même et Agim Bajrami.
19 Q. Où, au juste, êtes-vous allés dans le village de Klecke ?
20 R. Nous nous sommes rendus chez les neveux de Fatmir, Sadik Shala. A
21 l'époque, je ne connaissais pas son nom.
22 Q. Pourquoi êtes-vous allés chez lui ?
23 R. Nous y somme allés parce que nous voulions emmener Sadik, donc, un
24 membre de la famille, afin qu'il puisse nous escorter sur la route que nous
25 ne connaissions pas entre Klecke et le village de Ribare, dans la
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1 municipalité que je connaissais bien.
2 Q. Mais est-ce que quelqu'un vous a dit d'aller chez Sadik Shala et de
3 l'emmener avec vous ou bien est-ce que c'était votre idée ?
4 R. Non, ce n'était pas mon idée puisque je ne connaissais ni Sadik Shala
5 ni sa famille. C'était Fatmir qui nous a dit cela puisqu'il était leur
6 oncle. Il connaissait la famille; donc, il nous a dit d'aller à Klecke, de
7 les contacter et de demander à un de ses neveux de nous escorter jusqu'au
8 village qui était notre destination.
9 Q. Combien de temps avez-vous passé à Klecke ?
10 R. Nous ne sommes pas restés plus d'une heure à Klecke. Nous avons
11 simplement contacté Sadik Shala et il est venu avec nous afin de nous
12 accompagner dans les villages de Shale et Blinaje, pour arriver au village
13 de Ligore [phon].
14 Q. J'ai oublié de vous demander. Lorsque vous étiez à Pagarushe, combien
15 de temps est-ce que vous y avez passé ?
16 R. Nous y avons passé une nuit et le lendemain, nous sommes repartis.
17 Q. Vous avez dit que vous vous êtes rendus avec Sadik Shala aux villages
18 de Shale et de Blinaje. Quel a été votre destination finale ?
19 R. Jusqu'à Ribare, Sadik nous a accompagnés; il y avait des connaissances.
20 C'était passé minuit lorsque nous sommes arrivés et il a logé chez les gens
21 qu'il connaissait, alors que moi-même et Agim Bajrami, nous avons poursuivi
22 notre chemin pour retourner dans notre village d'origine et nous avons
23 réussi à rejoindre mon domicile dans les premières heures de la matinée.
24 Q. C'est votre domicile à Bujan ?
25 R. Oui.
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1 Q. Combien de temps êtes-vous restés à Bujan ?
2 R. Nous y sommes restés, environ, deux jours. Je pensais que grâce à mon
3 frère aîné, Rame Buja, je pourrais rentrer en contact avec d'autres
4 personnes que je connaissais dans le secteur.
5 Q. Est-ce que vous avez fait cela ?
6 R. Oui.
7 Q. Au bout de deux jours, où est-ce que vous êtes partis ?
8 R. Au bout de deux jours, nous sommes partis vers Bulapovc [phon], au sein
9 de la famille de Mevbajovc [phon]. Je pensais y établir une base et
10 continuer à organiser une unité guérilla et avoir, d'abord, des discussions
11 avec les gens.
12 Q. Quel était le nom du village ? Bulapovc ?
13 R. Mullapolc.
14 Q. C'est dans quelle municipalité ?
15 R. La municipalité de Shtime.
16 Q. Combien de temps êtes-vous resté là-bas ?
17 R. J'y suis resté au mois de mars et avril.
18 Q. Vous avez déclaré que vous avez laissé Fatmir Limaj dans le village de
19 Pagarushe. Est-ce exact ? Est-ce bien votre témoignage ?
20 R. Oui.
21 Q. Est-ce que vous savez où il s'est rendu, lui, après avoir quitté le
22 village de Pagarushe ?
23 R. Nous étions convenus de rester en contact par l'intermédiaire de ses
24 neveux à Klecke et je croyais que Fatmir Limaj allait s'installer à Klecke
25 et que nous aurions des contacts grâce aux estafettes ou aux messagers,
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1 donc son neveu et mon frère Buja à Bujan.
2 Q. Est-ce que vous aviez une idée de ce qu'il allait faire à Klecka ?
3 R. J'avais compris qu'il allait aussi commencer à organiser une unité de
4 guérilla comme j'allais le faire.
5 Q. Qui d'autre s'est rendu à Klecka, autre que Fatmir Limaj, si vous le
6 savez ?
7 R. Je crois qu'Ismet Jashari s'y est rendu avec lui.
8 Q. Qu'en est-il de Haxhi Shala. Vous l'avez mentionné plus tôt. Est-ce que
9 vous savez où il s'est rendu ?
10 R. Je ne sais pas où il est allé parce qu'il était libre de ses mouvements
11 parce qu'il n'était pas persécuté par les forces serbes.
12 Q. Vous avez témoigné que vous vous étiez convenus de rester en contact
13 avec Fatmir Limaj par le biais de différents messagers. Est-ce que vous
14 pouvez nous dire quel aurait été le but de ces contacts ?
15 R. Le but aurait été, si j'avais eu besoin de me rendre à Drenica pour
16 entrer en contact avec Hashim Thaqi, grâce à ces messagers, nous allions
17 pouvoir fixer une heure pour nous réunir afin que Fatmir Limaj puisse
18 organiser une escorte pour m'accompagner jusqu'à Drenica.
19 Q. Est-ce qu'il y avait une autre raison ou la seule raison était-elle de
20 pouvoir organiser des réunions avec Hashim Thaqi, si c'est cela que
21 souhaitiez ?
22 R. L'organisation, la structure formelle de l'UCK, à l'époque, d'après ce
23 que j'ai pu comprendre, c'était l'état-major général et les unités de
24 guérilla. En tant que personne responsable de l'organisation de l'unité, je
25 devais rester en contact avec l'état-major général par l'intermédiaire de
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1 Hashim Thaqi, c'était le but de mon voyage.
2 Q. Oui, mais ma question concerne vos contacts avec Fatmir Limaj. Vous
3 avez dit que vous êtes restés en contact -- que vous vous êtes convenus de
4 rester en contact avec lui -- afin de pouvoir organiser des rencontres avec
5 Hashim Thaqi. Etait-ce la seule raison pour vous de rester en contact avec
6 Fatmir Limaj ou y avait-il d'autres raisons encore ?
7 R. Les réunions ou les rencontres -- en albanais, il y a deux termes, il
8 peut s'agir de rencontres individuelles ou de réunions. Alors, le but de la
9 rencontre était de rester en contact pour les raisons que j'ai déjà
10 évoquées. C'est pour cela que je tenais à rester en contact avec Hashim
11 Thaqi, afin que je puisse rester en contact avec l'état-major général.
12 Q. Mais est-ce que vous communiquiez avec Hashim Thaqi par l'intermédiaire
13 de Fatmir Limaj ? En d'autres termes, est-ce qu'un messager transmettait un
14 message à Hashim Thaqi -- je veux dire, à Fatmir Limaj qui, alors, le
15 transmettait à l'état-major général et ensuite, vous donnait des
16 renseignements ? Est-ce que c'est comme cela que se passaient les choses ?
17 R. Non, parce qu'il s'agissait d'une époque très difficile. Nous en étions
18 au tout début de l'organisation des unités de guérilla. J'avais de
19 nombreuses raisons de rester en contact avec Fatmir Limaj et de me rendre à
20 Drenica afin que je puisse obtenir des instructions claires par
21 l'intermédiaire de Hashim Thaqi, des instructions émanant de l'état-major
22 général sur les mesures que je devais prendre.
23 Q. Est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi vous deviez, d'abord,
24 rencontrer Fatmir Limaj avant de rencontrer Hashim Thaqi, afin d'obtenir
25 ces instructions ? Pourquoi cette étape intermédiaire, rencontrer Fatmir
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1 Limaj ? Quelle en était la raison ?
2 R. La raison est que je ne pouvais pas voyager seul. Je ne connaissais pas
3 la route qui menait vers Drenice. Je ne connaissais que Shtime et Lipjan,
4 cette municipalité, alors que Fatmir connaissait bien la partie de la
5 municipalité de Malisheve qui était proche de Drenice. Il connaissait bien
6 ce secteur. Il m'accompagnait. C'était une période de grands dangers, et il
7 était dangereux pour nous de nous déplacer sans bien connaître le terrain.
8 Q. Je ne veux pas m'appesantir, mais j'aimerais être très précis. Vous
9 nous dites, donc, que le seul rôle que jouait Fatmir Limaj, était de vous
10 aider à voyager afin de pouvoir rester en contact avec Hashim Thaqi et de
11 communiquer ainsi avec l'état-major général. Son unique rôle était de vous
12 accompagner lors de vos déplacements. Est-ce bien cela que vous nous
13 dites ?
14 R. Oui.
15 Q. Est-ce qu'il vous est arrivé de communiquer avec Hashim Thaqi ou
16 l'état-major général par l'intermédiaire de Fatmir Limaj ? Est-ce que vous
17 comprenez ma question ?
18 R. J'ai tenté de communiquer par l'intermédiaire de Fatmir Limaj, mais mon
19 premier entretien avec Fatmir Limaj a été un échec; c'était censé se passer
20 au mois d'avril. En fait, j'ai réussi à le contacter à la fin du mois
21 d'avril 1998, afin qu'il puisse m'accompagner lors de mon déplacement comme
22 je l'ai déjà dit. Fatmir Limaj et Ismet Jashari étaient blessés et la très
23 forte concentration des forces serbes m'a empêché de me rendre à Drenica.
24 Je n'ai pu faire ce voyage -- enfin, ce n'était pas futile, parce que j'ai
25 fait la connaissance d'un soldat qui venait d'Allemagne. Il était disposé à
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1 venir aider à l'organisation de l'unité de guérilla à Ferizaj. Donc, j'ai
2 maintenu des contacts avec Hashim Thaqi par téléphone, au mois de mai.
3 Q. Je pense que vous avez mal compris ma question. Je vous ai demandé si,
4 au mois de mars et au mois d'avril, il est arrivé que vous envoyiez un
5 messager à Fatmir Limaj, afin que Fatmir Limaj obtienne des renseignements
6 de la part de Hashim Thaqi ou de l'état-major général et vous transmette
7 ces renseignements. En d'autres termes, est-ce que vous avez communiqué
8 avec Hashim Thaqi ou l'état-major général par ce biais, en posant, d'abord,
9 la question à Fatmir Limaj et en attendant qu'il vous donne la réponse ?
10 Est-ce qu'il est arrivé que les choses se passent ainsi, en mars ou en
11 avril 1998 ?
12 R. Non. Cela ne s'est jamais passé en mars ou avril ou plus tard. Le but
13 de mes contacts avec Fatmir Limaj par le biais d'un messager, a été mis en
14 péril parce que mon frère et son neveu -- enfin, nous étions sensé nous
15 rentre à Klecke, et depuis Klecke, les soldats devaient m'accompagner à
16 Drenica afin que je puisse rencontrer Hashim Thaqi, mais cela ne s'est
17 jamais finalement passé.
18 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je crois que c'est
19 sans doute un bon moment pour nous arrêter.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous allons lever la
21 séance, et nous nous retrouverons demain matin à 9 heures. Veuillez vous
22 lever.
23 --- L'audience est levée à 13 heures 44 et reprendra le vendredi 4 mars
24 2005, à 9 heures 00.
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