Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le vendredi 8 avril 2005

2 [Audience publique]

3 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Shin.

6 M. SHIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. L'Accusation est

7 prête à interroger le témoin suivant.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez faire entrer le témoin.

9 [Témoin est introduit dans le prétoire]

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bonjour, Monsieur.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Bonjour.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez, s'il vous plaît, lire à

13 haute voix la déclaration solennelle qui se trouve sur la carte qui vous

14 est tendue.

15 LE TÉMOIN : [interprétation] Bien sûr. Je déclare solennellement que je

16 dirai la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

17 LE TÉMOIN: PETER BOUCKAERT [Assermenté]

18 [Le témoin répond par l'interprète]

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Veuillez vous asseoir.

20 LE TÉMOIN : [interprétation] Merci.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Shin.

22 M. SHIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Interrogatoire principal par M. Shin :

24 Q. [interprétation] Monsieur Bouckaert, puisque nous parlons tous

25 deux la même langue, j'aimerais vous rappeler qu'il faut parler

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1 relativement lentement de manière à ce que les interprètes puissent suivre

2 nos propos, nos débats. Je demanderais pour la même raison que vous

3 ménagiez une brève pause entre ma question et votre réponse, et je ferai de

4 même avant de vous poser la question suivante. Me comprenez-vous ?

5 R. Oui.

6 Q. Pourriez-vous dire aux Juges comment vous vous appelez.

7 R. Je suis Peter Norbert Bouckaert.

8 Q. Quelle est votre date de naissance ?

9 R. Le 14 juillet 1970.

10 Q. Où cela ?

11 R. A Louvain, en Belgique.

12 Q. Quelle langue parlez-vous ?

13 R. Flamand, français et anglais.

14 Q. Je vais vous poser quelques questions concernant votre parcours, votre

15 expérience. Pourriez-vous nous dire quel cursus scolaire universitaire vous

16 avez suivi.

17 R. Oui. J'ai obtenu un diplôme à l'université de Californie, Santa

18 Barbara, en 1993. J'ai eu ce diplôme universitaire sur droit et société, et

19 notamment en études africaines, et ensuite, j'ai intégré la faculté de

20 droit de Stanford où j'ai obtenu un diplôme supérieur en 1997.

21 Q. En ce qui concerne votre expérience professionnelle maintenant, pouvez-

22 vous nous dire ce que vous avez fait lorsque vous avez quitté la faculté de

23 droit ? Quel a été votre premier travail ?

24 R. Pendant que j'étais à la faculté de droit, j'ai pris une année pour

25 travailler à Johannesburg au sein d'un centre s'intéressant aux ressources

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1 juridiques en droit constitutionnel. Ensuite, j'ai intégré Human Rights

2 Watch, tout d'abord en tant que boursier, et ensuite en tant que membre du

3 personnel pour devenir enfin chercheur principal. C'est le poste que

4 j'occupe actuellement.

5 Q. En quelle année êtes-vous allé travailler au sein de Human Rights

6 Watch ?

7 R. C'était en septembre, septembre 1997.

8 Q. Vous nous avez dit que vous avez été boursier dans un premier temps.

9 Pendant combien de temps l'avez-vous été ?

10 R. Pendant un an, j'ai travaillé dans la division africaine.

11 Q. De quelle bourse s'agissait-il ?

12 R. Il s'agissait d'une bourse proposée par cet organisme.

13 Q. Au cours de la carrière, de votre carrière, vous avez travaillé dans la

14 division africaine. Qu'y avez-vous fait ?

15 R. D'abord je suis allé en Afrique du Sud pour procéder à un certain

16 nombre de recherches. J'ai également publié quelque chose après. Il

17 s'agissait d'un rapport portant sur "Les demandeurs d'asiles." Ensuite, je

18 suis allé en Ouganda pour y effectuer un certain nombre de recherches sur

19 le système politique ougandais. J'y ai également étudié certaines choses

20 concernant les forces armées résistantes dans l'ouest du pays, et ceci a

21 amené à la publication d'un rapport intitulé "Les forces hostiles à la

22 démocratie."

23 M. KHAN : [interprétation] Oui, effectivement, les deux intervenants

24 parlent la même langue. Je pense que c'est la raison pour laquelle ils

25 parlent assez vite. Peut-être il faudrait-il, aux fins des interprètes, que

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1 les deux ralentissent afin que les questions et les réponses soient

2 interprétées, et pour ce faire, ménagent une pause entre les deux.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Khan. Je suis sûr que le

4 conseil va entendre ce conseil de votre part.

5 Vous allez un peu trop vite, Monsieur Shin.

6 M. SHIN : [interprétation] Oui, effectivement. Je crois que j'ai outrepassé

7 l'avertissement que j'avais moi-même donné au témoin.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui. Me Khan vous surveille.

9 M. SHIN : [interprétation] Oui, merci beaucoup.

10 Q. Monsieur le Témoin, comme vous l'avez sans doute entendu, nous avons

11 sans doute parlé trop vite, et j'en suis sans doute le premier responsable.

12 Par conséquent, j'essaierai de m'en souvenir et je demanderais à ce que

13 vous faisiez de même.

14 R. Oui.

15 Q. Vous parliez de la bourse dont vous avez bénéficiée. Vous nous avez dit

16 plus tôt qu'après cette période, vous avez poursuivi vos travaux au sein de

17 Human Rights Watch. Qu'avez-vous fait après cette période ? Qu'avez-vous

18 fait au sein de Human Rights Watch, ou plutôt quel poste vous y occupiez et

19 ce que vous faisiez ?

20 R. Avant que cette bourse n'arrive à son terme fin juillet 1998, la

21 division d'Europe et d'Asie centrale de Human Rights Watch s'est mis en

22 rapport avec moi et m'a demandé de travailler sur le Kosovo, et j'ai

23 commencé à le faire en septembre 1998 lorsque ma période de bourse a pris

24 fin.

25 Q. Pendant combien de temps avez-vous travaillé en tant que chercheur à

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1 Human Rights Watch ?

2 R. Jusqu'en décembre 1999. C'est à ce moment-là que je suis devenu

3 chercheur principal.

4 Q. Pour ce qui est du poste dont vous venez de parler, depuis combien de

5 temps êtes-vous chercheur principal ?

6 R. Depuis décembre 1999.

7 Q. Cela veut-il dire que vous l'êtes toujours ?

8 R. Oui, effectivement.

9 Q. Y a-t-il une section particulière au sein de Human Rights Watch à

10 laquelle vous travaillez ?

11 R. Oui. Je travaille dans la section d'urgence. Il s'agit en réalité de

12 recherches sur les zones de guerre dans le monde entier.

13 Q. Avant de vous poser d'avantage de questions sur l'unité chargée de ces

14 situations d'urgences, puis-je revenir à la période à laquelle vous avez

15 entamé vos travaux au Kosovo. Vous avez dit que, peu après juillet 1998, on

16 vous a invité à travailler sur le Kosovo et que c'est à ce moment-là que

17 vous êtes devenu chercheur. Je crois que vous avez parlé de septembre,

18 septembre de cette année-là. Pourriez-vous nous dire ce que vous avez fait

19 entre la période au cours de laquelle vous avez commencé à travailler sur

20 le Kosovo et le moment où vous êtes devenu chercheur, si toutefois les deux

21 moments n'ont pas coïncidé.

22 R. En tant que boursier, j'effectuais des recherches également sur un

23 programme particulier qui existait au sein de Human Rights Watch. C'était

24 un programme que suivaient les personnes qui souhaitaient devenir

25 chercheurs au sein de l'organisation. Par conséquent, mon travail en tant

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1 que boursier et en tant que chercheur finalement était à peu près identique

2 en tant que ce que j'y faisais.

3 Q. En tant que chercheur sur le Kosovo, qu'avez-vous fait exactement ?

4 R. Dès qu'on m'a invité à travailler sur le Kosovo à la fin du mois de

5 juillet 1998, j'ai commencé à travailler en étroite collaboration avec Fred

6 Abrahams, qui était à l'époque le chercheur principal sur le Kosovo et qui

7 avait passé de nombreuses années dans les Balkans. Mon travail impliquait

8 d'abord de me préparer personnellement pour une mission qui allait avoir

9 lieu en septembre 1998 au Kosovo. Je devais également aider Fred dans la

10 préparation d'un rapport qu'il était en train d'achever sur la base d'un

11 certain nombre de recherches qu'il avait effectuées sur le Kosovo et qui

12 s'appelait "Violations du droit humanitaire au Kosovo."

13 Q. Bien. Je vais vous poser davantage de questions dans un instant sur le

14 travail que vous avez fait au Kosovo, mais j'aimerais d'abord vous poser

15 des questions sur vos autres activités pour Human Rights Watch.

16 Pouvez-vous nous dire à peu près depuis combien de temps vous travaillez

17 dans cette section des situations d'urgences au sein de Human Rights

18 Watch ?

19 R. Elle a été formée en décembre 1999, et j'étais la première personne à

20 travailler dans cette section, dans ces services. Jusqu'à ce jour, j'ai été

21 responsable de ces services.

22 Q. En quoi consistent les activités de ces services chargés des situations

23 d'urgences ?

24 R. Human Rights Watch est une organisation qui se charge des droits de

25 l'homme, internationale, et nous disposons d'une certaine expertise en

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1 matière de recherche sur des conflits et zones de conflit. C'est ce dans

2 quoi je travaille. Ce sont des services chargés des situations d'urgences.

3 En particulier elle est chargée de faire état de ce qui se passe, par

4 exemple, lorsqu'un grand conflit en Tchétchénie, en Afghanistan, en Irak,

5 ou au Kosovo se déclenche, ce sont nos services qui travaillent avec les

6 chercheurs régionaux. Ce sont nos services qui élaborent, si vous voulez,

7 la réponse à donner à de telles situations, et ce sont souvent les

8 premières personnes sur le terrain d'ailleurs, afin de rassembler des

9 documents, des éléments sur les violations des lois de la guerre.

10 Q. Vous avez parlé de l'Irak, de l'Afghanistan. Y a-t-il d'autres régions

11 dans lesquelles vous ayez travaillé en tant que chercheur pour cette

12 section chargée des situations d'urgence ?

13 R. Oui, plein de pays dans le monde d'ailleurs. Voulez-vous que j'en cite

14 quelques-uns ?

15 Q. Oui, pas tous, mais peut-être pourriez-vous nous donner d'avantage

16 d'exemples de lieux dans lesquels vous avez travaillé et effectué des

17 recherches.

18 R. La Sierra Leone, la République démocratique du Congo, l'Ouganda en

19 Afrique, le Kosovo et la Macédoine dans les Balkans, la Tchétchénie,

20 l'Afghanistan, l'Irak, Israël et les territoires occupés, le sud de la

21 Thaïlande, le Népal, l'Azerbaïdjan, et quelques autres qui ne me reviennent

22 pas. Il y à peu près une douzaine de pays à propos desquels j'ai rédigé des

23 rapports pour le compte de Human Rights Watch.

24 Q. Combien de rapports à peu près avez-vous rédigés pour le compte de

25 Human Rights Watch et au nom de l'organisation ?

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1 R. Je crois que la dernière fois que j'ai compté, il y en avait 23 ou 24.

2 Q. Avez-vous produit d'autres documents que des rapports ?

3 R. Oui. Des ouvrages ainsi que des communiqués de presse; plus d'une

4 centaine je dirais. Des éditoriaux dans un certain nombre de journaux

5 internationaux, Washington Post, International Herald Tribune et d'autres

6 encore; lettres envoyées aux gouvernements et aux autres organisations

7 internationales; autres éléments d'informations de vulgarisation, ainsi

8 qu'un certain nombre d'articles de nature universitaire portant

9 principalement sur la transition démocratique en Afrique du Sud.

10 Q. Monsieur Bouckaert, avez-vous auparavant témoigné sur la base de

11 travaux que vous avez effectués pour Human Rights Watch ou pour des raisons

12 liées au travail que vous avez effectué pour cette même organisation ?

13 R. Je n'ai pas déposé devant un tribunal, mais j'ai témoigné devant le

14 comité chargé des Relations étrangères aux Etats-Unis sur la situation en

15 Tchétchénie. J'ai également témoigné devant l'assemblée parlementaire du

16 conseil de l'Europe, devant le comité chargé des Affaires politiques plus

17 précisément.

18 Q. Sur la base de tout ce travail sur les questions des droits de l'homme,

19 intervenez-vous dans des congrès ou des conférences ?

20 R. Oui.

21 Q. Où et sur quels thèmes ?

22 R. Je suis intervenu au Pearson Peacekeeping Institute sur le rôle de

23 notre organisation dans les opérations du maintien de la paix. J'y ai

24 notamment abordé notre expérience au Kosovo. J'ai également parlé de mon

25 travail devant un certain nombre de facultés de droit, à plusieurs reprises

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1 d'ailleurs devant la faculté de droit de Stanford d'où je viens, à Berkley,

2 et également à l'université de Columbia.

3 Q. Vous avez parlé de votre expérience au Kosovo, je crois, à ces

4 occasions. Pourriez-vous nous dire, dans les grandes lignes, les autres

5 thèmes, s'il y en a, que vous avez abordés dans le cadre d'interventions de

6 conférences.

7 R. La plupart de mes interventions étaient en fait des explications sur la

8 nature de nos travaux; sur la manière dont nous procédions; comment nous

9 travaillons sur le terrain; comment nous rédigeons nos rapports. J'ai

10 également exposé les sources de droit dont nous nous inspirions, un certain

11 nombre d'instruments juridiques, ainsi que la convention de Genève.

12 Q. Monsieur Bouckaert, avez-vous jamais reçu des distinctions pour le

13 travail que vous avez réalisé dans le domaine des droits de l'homme ?

14 R. Oui, quelques-unes. J'ai été élu membre permanent du conseil pour les

15 Relations extérieures; c'est un organisme réfléchissant sur des questions

16 de politique générale aux Etats-Unis. On m'a également reconnu juriste

17 d'intérêt public de l'année au sein de la faculté de droit de Stanford, et

18 j'ai été également reconnu à de nombreuses reprises par la communauté

19 s'intéressant aux droits de l'homme.

20 Q. J'essaie de suivre la traduction française afin de voir si nous ne

21 prenons pas trop d'avance par rapport aux interprètes.

22 Monsieur Bouckaert, maintenant j'aimerais que nous passions à Human Rights

23 Watch, à proprement parler. J'aimerais que nous parlions de manière plus

24 approfondie de cet organisme.

25 De quoi s'agit-il ? Que fait-il ?

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1 R. Human Rights Watch est l'un des deux plus grands organismes défendant

2 les droits de l'homme, organismes internationaux avec Amnistie

3 internationale. Nous sommes une organisation indépendante, non

4 gouvernementale, qui effectue des recherches et qui prône le respect des

5 droits de l'homme et le respect des lois de la guerre dans le monde. A

6 l'heure actuelle, notre organisation compte 200 personnes à peu près. Nous

7 nous sommes élargis assez rapidement. Nous travaillons à peu près dans 80

8 pays dans le monde. Mon programme dispose d'une expertise particulière dans

9 le domaine des lois de la guerre et rassemble des documents sur la

10 violation de ces dernières dans les zones de conflits. Mais nous

11 travaillons également sur un nombre assez important de sujets qui ont trait

12 aux conflits.

13 Nous produisons un certain nombre de rapports qui vont

14 principalement aux décideurs, aux responsables politiques, ainsi qu'à

15 d'autres organismes ou organes internationaux. Ces rapports sont également

16 disponibles sur notre site Internet.

17 Nous menons également des activités d'information de vulgarisation.

18 Nous avons soutenu la création de la Cour pénale internationale; nous

19 sommes membres fondateurs de la compagne internationale pour l'interdiction

20 des mines antipersonnel; nous luttons également contre les phénomènes des

21 enfants soldats, simplement pour vous donner quelques exemples.

22 Nous ne recevons aucune rémunération, aucun financement de

23 gouvernements. Nous obtenons ces financements de sources privées de manière

24 à assurer notre indépendance et notre objectivité.

25 Q. Où est basée votre organisation, Human Rights Watch ?

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1 R. Notre siège se trouve à la ville de New York, mais nous avons des

2 antennes dans le monde entier, à Bruxelles, Londres, Washington DC, Moscou,

3 et d'autres petits bureaux de terrain ailleurs, parce que nous nous

4 considérons comme une organisation mondiale de défense des droits de

5 l'homme.

6 Q. Human Rights Watch, basée à New York, mène-t-elle des enquêtes sur

7 d'éventuelles violations des droits de l'homme aux Etats-Unis ainsi que

8 dans les autres pays où se trouvent certaines antennes ?

9 R. Oui, effectivement. Nous avons un programme extrêmement actif, dirais-

10 je, et est devenu d'autant plus actif depuis les événements du 11

11 septembre, qui rassemble des documents sur les violations des droits de

12 l'homme au sein du territoire des Etats-Unis. Nous avons également un

13 certain nombre d'informations, nous essayons de les rassembler, en tout

14 cas, concernant les violations des droits de l'homme qui auraient été

15 commises par des citoyens américains dans des lieux tels que l'Irak et

16 l'Afghanistan; c'est aussi une partie de mon travail. Nous menons des

17 enquêtes également sur des violations qui auraient été commises dans les

18 pays où se trouvent des bureaux de notre organisation.

19 Q. Vous avez parlé d'enquêtes à plusieurs reprises. Peut-être que ceci

20 répond partiellement à ma question suivante. Comment effectuez-vous votre

21 travail ?

22 R. Contrairement à d'autres organisations de nature peut-être, un peu plus

23 politique, la force de notre organisation, c'est que nous nous rendons sur

24 le terrain et nous menons des enquêtes sur des violations potentielles

25 commises sur le terrain. Nous nous rendons dans les pays sur lesquels nous

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1 effectuons des recherches. Nous rencontrons les victimes et des témoins

2 d'éventuelles violations ainsi que des représentants officiels. Par

3 conséquent, nos rapports sont fondés sur des enquêtes menées auprès d'un

4 nombre très important et d'une gamme importante de sources.

5 Nos rapports publics sont rédigés de telle sorte que nos lecteurs

6 sachent très bien d'où viennent les informations qui y figurent. Par

7 conséquent, nous prenons grand soin à la manière dont est rédigé notre

8 rapport, de manière à ce qu'ils puissent vérifier eux-mêmes les sources de

9 l'information et la fiabilité de ces informations.

10 Q. Vous avez commencé à nous dire un petit peu comment Human Rights Watch

11 mène ses enquêtes. Pourriez-vous nous dire comment on prépare les rapports.

12 Quelle est l'articulation entre les rapports et les enquêtes ?

13 R. Dans la plupart des pays dans lesquels nous opérons, il existe depuis

14 longtemps un programme de recherche. Par exemple, notre travail au Kosovo a

15 débuté en 1990. Par conséquent, nous avons accès à des sources très

16 importantes d'information qui vont de sources diplomatiques à d'autres

17 sources émanant de correspondants locaux et internationaux, témoins,

18 infirmiers, médecins, et cetera. Une gamme importante de sources et

19 d'information. En règle générale, nous nous rendons sur place pour

20 assembler des informations sur un thème donné pendant une période de deux

21 semaines jusqu'à deux ou trois mois. Nous menons des entretiens avec

22 différents individus. Ensuite, nous rentrons dans nos bureaux, nous

23 compilons les informations, nous en faisons un rapport, nous essayons de

24 vérifier la fiabilité de ce que nous avons entendu, nous essayons de

25 corroborer les témoignages.

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1 Nous excluons d'ailleurs une quantité importante d'informations que

2 nous rassemblons dès que nous avons le sentiment qu'elles ne sont pas

3 suffisamment fiables pour les rendre publiques.

4 Puis, nous rédigeons un projet de rapport, qui est rédigé par le chercheur

5 qui a mené le travail sur place, donc, les gens comme moi. Ce rapport est

6 ensuite consulté par notre section juridique composée de personnes très

7 expérimentées dans le domaine juridique. Ils lisent le rapport, envoient un

8 certain nombre de questions qu'ils nous adressent à nous. Finalement, ils

9 approuvent le rapport, qui est ensuite envoyé à la division qui a des

10 programmes, qui relisent une nouvelle fois ce rapport.

11 Pardon. J'ai oublié une étape. Avant que ce rapport ne soit adressé au

12 conseil, à la section juridique, il est examiné par le centre régional; en

13 l'occurrence, il s'agirait pour le Kosovo de la division Europe et Asie

14 centrale. Ensuite, une fois qu'il est passé entre les mains de nos

15 conseillers juridiques, il est envoyé à la division des programmes qui

16 veille à ce que nos conclusions et nos recommandations soient cohérentes au

17 sein de l'organisation et ils vérifient, également, la précision des

18 informations qui y figurent.

19 En ce qui concerne les rapports particulièrement sensibles dont le

20 rapport sur le Kosovo, étant donné le travail qui a été effectué au Kosovo,

21 ces rapports sont également relus, révisés par le directeur exécutif, avant

22 d'être publiés.

23 Q. Quelques questions concernant la procédure que vous venez d'ébaucher.

24 Je crois que vous avez parlé du bureau du conseil, vous avez parlé de

25 la division des programmes, vous avez parlé de la division régionale. Pour

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1 que les choses soient claires, il s'agit, bien entendu, d'organes de Human

2 Rights Watch; n'est-ce pas ?

3 R. Oui.

4 Q. La procédure que vous avez décrite en grands traits - là, je vous

5 demande de vous baser sur votre expérience - est-ce que c'est une procédure

6 qu'on applique, d'une manière générale, dans l'ensemble du Human Rights

7 Watch ? Ou plutôt, je reformule ma question : dans quelle mesure cette

8 procédure s'applique-t-elle à tous les éléments de Human Rights Watch ?

9 R. Tous nos rapports font objet d'un examen attentif tel que je vous l'ai

10 décrit. La raison pour laquelle nous sommes une organisation de droits de

11 l'homme efficace et reconnue, elle réside précisément dans la fiabilité de

12 nos rapports. S'il devait y avoir des erreurs dans nos rapports, cela

13 aurait un impact désastreux sur notre aptitude à exercer des influences sur

14 les gouvernements et les décideurs politiques. On a un processus de

15 filtrage et d'examen très attentif et très vigilant.

16 Comme je vous l'ai signalé tout à l'heure, dans le cas du Kosovo, il

17 s'agit, là, d'un dossier qui est particulièrement dans l'œil du public et

18 recueille énormément d'attention et il y a, également, Jenin, les forces de

19 Jenin qui ont, également, été un élément important dans l'œil du public.

20 Là, la direction supérieure de notre organisation participe à l'examen des

21 résultats de nos recherches et de nos recommandations.

22 Q. Vous nous avez dit qu'il y avait toute une panoplie de sources à partir

23 desquelles Human Rights Watch reçoit ou recueille des informations.

24 Pourriez-vous nous expliquer comment Human Rights Watch procède à l'examen

25 de ces sources, à une évaluation de ces sources ?

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1 R. Nous recevons des informations qui peuvent aller de rumeurs jusqu'à des

2 déclarations très détaillées de la part de témoins oculaires. On essaie de

3 corroborer les informations autant que possible; généralement, on préfère

4 passer par une procédure d'enquête sur place pour procéder à cette

5 vérification, sur place, à savoir l'endroit où est intervenu l'événement,

6 on a des entretiens avec les témoins, avec les témoins oculaires, et ce, en

7 privé. On a des entretiens séparés avec chacun des témoins, on essaie de

8 veiller à ce qu'il y ait conformité entre les différentes informations, on

9 essaie de corroborer les faits.

10 Lorsque l'information ne provient pas de témoins oculaires ou d'une

11 victime et j'entends par là, des rapports émanant d'autres organisations

12 des droits de l'homme ou émanant de journalistes, d'une manière générale,

13 la méthodologie de travail de ces journalistes ou de ces organisations des

14 droits de l'homme locaux ou des groupes internationaux, tels que le comité

15 international de la Croix Rouge, nous la connaissons, cette méthodologie et

16 cela nous permet de procéder à une bonne évaluation de ces sources

17 d'information secondaires ou de seconde main.

18 Q. Lorsque vous recevez toute cette gamme d'informations dont vous nous

19 avez parlé et une fois que vous avez établi la précision des données, est-

20 ce qu'il est arrivé, suite à cela, que Human Rights Watch refuse de publier

21 un rapport ou quel qu'autre document

22 que ce soit, basé sur les informations recueillies par Human Rights Watch ?

23 R. Oui, dans le cadre de n'importe quelle mission, il nous arrive souvent

24 d'exclure une bonne partie des informations. Elles ne sont pas incluses

25 dans le rapport pour différentes raisons, soit nous estimons que ces

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1 informations ne sont pas fiables, soit il se trouve qu'on n'ait pas pu

2 apporter la preuve de ces allégations.

3 Q. Lorsque vous parlez d'information non fiable, comment déterminez-vous

4 si une information est fiable ou pas ?

5 R. Cela dépend, une fois de plus, de la source, est-ce qu'on la connaît

6 bien, est-ce qu'on connaît la source, est-ce qu'on connaît la méthodologie

7 de la source, est-ce qu'on a reçu ou pas d'autres informations qui sont en

8 conformité ou au contraire, qui ne sont pas conformes à cette information-

9 là. Lorsqu'on a reçu des informations de seconde main d'une autre source,

10 notre première tentative veille, généralement, à essayer de vérifier si les

11 faits sont avérés, on essaie de retrouver le témoin ou les victimes, nous-

12 mêmes, pour ce faire.

13 M. POWLES : [interprétation] Excusez-moi, Monsieur le Président, de vous

14 interrompre. Mais de ce côté du prétoire, j'ai consulté mes collègues et

15 s'agissant de la défense, nous ne contestons en rien la bonne réputation de

16 Human Rights Watch en tant qu'organisation de défense des droits de

17 l'homme. Les rapports sont généralement considérés comme tout à fait

18 fiables. Je ne sais pas si cela peut aider l'accusation, mais je tenais

19 simplement à vous signaler ceci.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Powles.

21 Monsieur Shin, vous avez entendu ?

22 M. SHIN : [interprétation] Oui, j'ai entendu. Cela me permettre de passer

23 au sujet suivant. Monsieur Bouckaert, le sujet suivant est le suivant : que

24 fait Human Rights Watch, une fois qu'un rapport a été publié ?

25 R. Notre tâche, c'est de promouvoir les droits de l'homme et de protéger

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1 les individus de violations des droits de l'homme. Une fois qu'un rapport a

2 été publié, d'une manière générale, nous menons une campagne de promotion

3 et de lobbying, en quelque sorte, auprès des autorités nationales et

4 internationales, de manière à ce qu'il soit mis fin aux abus et de manière

5 à essayer de trouver un moyen --de trouver les responsables des abus, à

6 propos desquels nous avons des informations.

7 Q. Nous allons peut-être revenir à ces activités de promotion, plus tard.

8 Pour l'instant, je souhaiterais que nous concentrions notre attention

9 sur le travail effectué par Human Rights Watch au Kosovo.

10 Le travail de Human Rights Watch au Kosovo, avant votre arrivée à Human

11 Rights Watch, est-ce que vous le connaissiez ?

12 R. Oui et cette documentation, je l'ai lue dans le cadre de mes activités

13 de préparation avant de me rendre au Kosovo.

14 Q. Quand Human Rights Watch a-t-elle commencé pour la première fois ses

15 travaux au Kosovo ?

16 R. Human Rights Watch a été formé en tant Helsinki Watch en 1978 et au

17 départ, le travail se concentrait essentiellement sur l'ancienne -- sur la

18 République Soviétique, mais au Kosovo les choses se sont intensifiées après

19 1989 lorsque le président Slobodan Milosevic a retiré le statut de province

20 autonome au Kosovo et au moment où les abus et les violations des droits de

21 l'homme ont commencé au Kosovo à l'encontre de la population d'origine

22 ethnique albanaise. Cette augmentation du nombre de violation a été

23 exponentielle.

24 Q. Sur le compte rendu, il est indiqué que votre travail au Kosovo a

25 commencé à s'intensifier en 1999 lorsque Milosevic a retiré le statut --

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1 R. 1989.

2 Q. Entre le moment où le travail s'est quelque peu intensifié et 1989, au

3 moment où vous avez rejoint les rangs du Human Rights Watch, combien de

4 rapports Human Rights Watch a-t-elle publié à propos du Kosovo ?

5 R. Avant que n'éclate le conflit armé au Kosovo, nous avons publié, au

6 moins, quatre rapports importants, pour autant que je le sache.

7 Q. Pourriez-vous nous indiquer les dates et mois entre 1989 et --

8 R. Entre 1989, 1990. Là, je ne suis pas tout à fait sûr de la date précise

9 à laquelle a été publié le premier rapport.

10 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, une fois de plus, suite à

11 ce qui a été dit par M. Powles, ces rapports relèvent du domaine public.

12 Nous n'avons aucune objection à ce que mon éminent collègue pose des

13 questions directrices, si cela peut l'aider à faire avancer les choses.

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

15 M. SHIN : [interprétation] Merci, je suis très reconnaissant.

16 M. BLACK : [interprétation] Je vois que d'une manière générale, chacun peut

17 avoir le sentiment qu'on accepte le parcours et le caractère fiable des

18 informations qui existent.

19 M. SHIN : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur le Président.

20 Q. Monsieur Bouckaert, pourriez-vous nous dire quels types de violations

21 figuraient dans ces rapports ?

22 R. Dans les quatre rapports que nous avons publiés, on parlait d'abus et

23 de violations très semblables. Après l'arrivée au pouvoir de Milosevic,

24 dans ce qui était, à l'époque, la Yougoslavie, il a retiré le statut de

25 province autonome au Kosovo. Les fonctionnaires, les universités, les

Page 5473

1 hôpitaux et autres pans de la société ont été expurgés de leur responsable

2 albanais. Des abus nombreux ont été commis par la police; des procès

3 injustes ont été tenus; le comportement, d'une manière générale, à l'égard

4 de la population albanaise était inacceptable. Généralement, la population

5 d'origine ethnique albanaise du Kosovo répondait par des protestations

6 relativement pacifiques sous le contrôle de l'autorité d'Ibrahim Rugova.

7 Q. Je crois qu'il suffirait que vous expliquiez de quels types de

8 violations il s'agissait.

9 Je souhaiterais, maintenant, que nous nous concentrions sur le

10 travail que vous avez effectué, vous-même, au Kosovo ou sur les rapports

11 qui ont été publiés au cours de la période au cours de laquelle vous

12 travailliez sur place. Je propose que nous commencions par ceux qui se sont

13 chargés de ce travail. Chez Human Rights Watch, à part vous-même, qui se

14 chargeait de faire ce travail sur le Kosovo, à l'époque où vous travailliez

15 sur le Kosovo ?

16 R. S'agissant des activités de recherche, les responsables de recherche, y

17 compris Fred Abrahams, chercheur principal travaillant sur le Kosovo ainsi

18 que sur l'Albanie et la Macédoine et la Serbie, même s'il faut reconnaître

19 qu'au cours de la période du conflit, il travaillait pratiquement,

20 exclusivement sur le Kosovo, il y avait lui, puis, moi et un certain nombre

21 d'experts conseils recrutés à court terme pour couvrir différents aspects

22 spécifiques du conflit. Par la suite, à mesure que s'intensifiait le

23 conflit jusqu'à ce qu'il aboutisse à la guerre menée par l'OTAN au Kosovo,

24 d'autres personnes ont été recrutées par Human Rights Watch, des

25 responsables de recherche travaillant sur d'autres régions des Balkans ont

Page 5474

1 été localisés, à nouveau, sur le Kosovo.

2 Q. Quel genre de personnel Human Rights Watch avait-t-elle sur place à

3 partir de -- disons -- pardon, je m'interromps. Fred Abrahams, savez-vous

4 quand il a commencé à travailler sur le Kosovo ? Juste à peu près ?

5 R. Je ne sais pas exactement quand il a commencé à travailler sur le

6 Kosovo. Le Kosovo, cela faisait partie de son travail balkan, et ce, depuis

7 les années 1990, date à laquelle il est devenu membre de l'organisation.

8 Q. Quel type de présence Human Rights Watch avait-elle au Kosovo à partir

9 du moment où vous avez rejoint ces rangs ? Vous nous avez expliqué que

10 c'était, à peu près, au mois de juillet 1998 ?

11 R. Oui. Au moment où j'ai rejoint les rangs du Human Rights Watch, Fred

12 Abrahams venait à peine de revenir de ce qui, je crois, était son deuxième

13 voyage de travail au Kosovo, après l'intensification du conflit armé au

14 Kosovo, aux environs de la fin du mois de février 1998. Puis, Fred et moi-

15 même avons commencé à préparer un voyage de recherche au Kosovo qui devait

16 avoir lieu en septembre 1998, ensuite, nous sommes revenus en novembre

17 1998. A cette époque-là, l'accès au Kosovo était devenu très difficile en

18 raison des obstacles auxquelles nous étions confrontés et obstacles que

19 mettaient, dans notre chemin, les autorités yougoslaves.

20 Q. A partir de 1998, quel type de présence Human Rights Watch avait-elle

21 sur place ?

22 R. Comme je vous l'ai expliqué, personnellement, j'ai participé à ces deux

23 voyages de recherche. Les deux ayant eu lieu sur place pendant, à peu près,

24 trois semaines pour chacun de ces voyages. Fred avait déjà effectué deux

25 voyages de recherche précédents, plus tôt dans l'année. A partir de février

Page 5475

1 jusqu'à novembre 1998, nous nous étions rendus quatre fois au Kosovo et

2 chaque période ayant duré, à peu près, deux à trois semaines.

3 Q. Human Rights Watch, effectuait-elle son travail au cours de cette

4 période-là, la période au cours de laquelle vous étiez associé à ce

5 travail ? Human Rights Watch, travaillait-elle seule ou conjointement avec

6 d'autres ?

7 R. Le Kosovo avait une présence internationale nettement réduite en 1998

8 par rapport à maintenant. Il y avait beaucoup moins d'internationaux sur

9 place. Nous consultions les membres d'Amnesty International, nous avions

10 des liens étroits avec eux. Ils se rendaient, eux aussi, sur place, dans la

11 région. Nous travaillions particulièrement, étroitement avec le centre de

12 droit international à Belgrade, une organisation de grand renom ainsi

13 qu'avec le conseil pour la défense des droits de l'homme et des libertés

14 qui était une organisation de défense des droits de l'homme dont la plupart

15 des membres étaient des Albanais et qui était fondée au Kosovo. Bien

16 entendu, nous avions des contacts très réguliers avec différents cercles

17 diplomatiques, différents responsables de la diplomatie basés au Kosovo :

18 le CICR; la Mission d'observation diplomatique du Kosovo qui était au

19 Kosovo, à l'époque; différents journalistes internationaux et journalistes

20 locaux, tout particulièrement, journalistes du journal Koha Ditore, un

21 journal dans la langue albanaise.

22 Q. Je souhaiterais revenir sur deux organisations. Le centre de droit

23 humanitaire que vous avez décrit comme étant une organisation de défense

24 des droits de l'homme, où avait-elle son siège, cette organisation ?

25 R. Le centre de droit humanitaire était et est encore une organisation

Page 5476

1 dont le siège est à Belgrade, une organisation de défense des droits de

2 l'homme dont le siège est à Belgrade, Natasa Kandic en est la directrice.

3 Le travail de cette organisation se fait dans l'ensemble des Balkans et le

4 travail a été courageux, l'information sur les violations des droits de

5 l'homme en Bosnie, en Croatie ainsi qu'au Kosovo.

6 Q. Je me permets de vous interrompre, à présent, parce que je

7 souhaiterais vous poser deux ou trois autres questions.

8 Connaissiez-vous les membres de cette organisation qui travaillaient

9 au Kosovo ?

10 R. Oui.

11 Q. Qui étaient-ils ?

12 R. Il y avait une femme serbe dont le nom était Gordana ainsi que quatre

13 ou cinq personnes d'origine ethnique albanaise dont le nom m'échappe, à

14 présent. Je dois dire que cela fait pas mal de temps. Il y avait,

15 également, Natasa Kandic qui se rendait, également, assez régulièrement sur

16 place pour travailler avec son équipe et pour faire un examen de leurs

17 activités.

18 Q. Savez-vous comment ils procédaient à leur travail ? Connaissez-vous

19 leurs méthodes de travail ?

20 R. Oui, nous nous rendions fréquemment sur place pour mener enquête sur

21 les violations et les abus. Je la rencontrais presque tous les jours

22 lorsque j'étais au pays tant au Kosovo qu'à Belgrade de manière à ce que

23 nous puissions discuter des résultats que nous obtenions, résultats de nos

24 recherches, bien entendu. Nous discutions du type d'enquête que nous

25 souhaitions mener et nous discutions, également, des difficultés auxquelles

Page 5477

1 nous étions confrontés. Puis, nous étions particulièrement impressionnés

2 par la méthodologie qu'ils appliquaient et qui étaient très proches de la

3 nôtre. C'est la raison pour laquelle nous avons fini par recruter deux des

4 membres de leur personnel pour venir travailler chez nous à Human Rights

5 Watch.

6 Q. Je vous propose de passer, à présent, au rapport rédigé au cours de

7 votre période. Pourriez-vous nous en dire les titres ? Quel était le titre

8 du premier rapport Human Rights Watch publié à l'époque où vous travailliez

9 sur le dossier du Kosovo ?

10 R. Lorsque j'ai rejoint Fred Abrahams, Fred Abrahams était en train

11 d'achever un rapport qui allait être publié et qui s'appelait "Violations

12 du droit humanitaire au Kosovo." Tel était le titre. Il a été achevé, cet

13 ouvrage, à la fin du mois d'octobre 1998, ensuite, il a été publié.

14 Q. Je vous demanderais de me donner une idée de la période dont on parle.

15 De quelle période traitait cet ouvrage ?

16 R. La période traitée dans cet ouvrage est une période qui commence à la

17 fin du mois de février 1998, date à laquelle les forces serbes et

18 yougoslaves ont mené une attaque très sérieuse dans la zone de Decan --

19 pardon, de Drenica, au Kosovo et la période s'achève à la fin du mois de

20 septembre 1998.

21 Q. Simplement pour que les choses soient parfaitement claires. Pourriez-

22 vous nous expliquer quel était votre rôle, très spécifiquement, dans le

23 cadre de la préparation de cet ouvrage pour sa publication ?

24 R. Oui. Il y a eu une période qui a duré un tout petit peu plus d'un mois,

25 juste avant que nous partions pour le Kosovo, c'est-à-dire au mois d'août

Page 5478

1 1998. Au cours de cette période, j'ai apporté mon concours à Fred Abrahams

2 afin que l'on finalise le texte du rapport, et nous avons poursuivi nos

3 activités de finalisation, de validation, et de remise à jour du rapport,

4 et nous sommes allés jusqu'à inclure des informations recueillies au cours

5 de notre visite de septembre 1998 au Kosovo.

6 Q. Comment connaissez-vous la teneur de ce rapport ?

7 R. A l'époque, j'aurais pu le réciter en dormant, par cœur, parce que nous

8 y avons travaillé fierdament tous les jours, nous nous disputions quant aux

9 informations qu'il fallait inclure ou exclure. Je connais très bien la

10 teneur de ce rapport.

11 Q. Connaissez-vous la méthodologie à laquelle a eu recours à Human Rights

12 Watch dans ce rapport particulier ?

13 R. Absolument.

14 Q. Comment pourriez-vous la comparer à la méthodologie qu'on utilisait

15 préalablement pour la publication de rapports à Human Rights Watch.

16 R. Nous avons eu recours à la même méthodologie que celle à laquelle nous

17 avions l'habitude d'avoir recours. Il y avait des difficultés qui étaient

18 assez sérieuses parce que nous avions parfois du mal à nous rendre dans

19 certains endroits du Kosovo en raison des conflits qui étaient en cours et

20 qui n'étaient pas interrompus, et en raison de la position hostile du

21 gouvernement yougoslave à l'égard de notre travail au Kosovo. Mais la

22 méthodologie était grosso modo la même que celle que je vous ai décrite

23 tout à l'heure.

24 Q. Nous reviendrons sur certains de ces points dans quelques instants.

25 Pourriez-vous, très brièvement, nous dire en résumé quels ont été les

Page 5479

1 résultats de vos recherches, ceux qui apparaissent dans le rapport. Vous

2 nous avez dit, effectivement, que vous avez abordé un certain nombre

3 d'attaques très sérieuses dans la zone de Drenica.

4 R. Oui, il est difficile de vous en parler en résumé. C'est un rapport qui

5 compte plus de 100 pages, il est difficile de vous en parler en quelques

6 mots seulement. Mais grosso modo, il s'agit de violations dont se sont

7 rendues coupables les forces serbes et les forces yougoslaves au Kosovo,

8 ainsi dont se sont rendue l'UCK, l'Armée de libération du Kosovo, au cours

9 de la même période.

10 Les résultats de nos recherches nous ont amenés à constater que les

11 forces serbes et les forces yougoslaves avaient commis la grande majorité

12 des violations au cours de cette période, et que ces violations étaient des

13 violations de grandes envergures, massives, pourrait-on dire, et qu'elles

14 représentaient des crime de guerre, des exécutions sommaires généralisées

15 des civils, des attaques sur des cibles civiles, le pilonnage de cibles

16 civiles, l'utilisation de la Croix Rouge au cours des attaques,

17 arrestations arbitraires, tueries. Je crois que cela vous donne une idée

18 assez précise de ce que l'on a trouvé du coté yougoslave.

19 Maintenant pour ce qui est de l'UCK, nous avons constaté un nombre

20 important d'enlèvements, de personnes d'origine ethnique serbe, de

21 personnes d'origine ethnique albanaise, et de rom au cours de cette

22 période. Nous les estimions au nombre de 100 personnes et victimes de ces

23 enlèvements, et nous avons constaté qu'un certain nombre de ces personnes

24 avaient été retrouvées mortes après qu'on les ait vues pour la dernière

25 fois en détention dans un centre de l'UCK. Puis, on a procédé à une analyse

Page 5480

1 très détaillée du caractère légal et juridique de conflits au Kosovo et de

2 l'applicabilité de l'Article 3, Protocole annexé à la Convention de Genève

3 s'agissant des conflits.

4 Q. Pourriez-vous nous dire - et peut-être allez vous nous dire que ce

5 n'est pas possible, n'hésitez pas de nous le dire - mais pourriez-vous nous

6 dire comment les abus, les violations sur lesquelles vous avez mené enquête

7 ou Human Rights Watch a mené enquête, quelles comparaisons feriez-vous

8 entre les abus commis par les forces yougoslaves et serbes et les abus

9 commis par l'UCK ?

10 R. Nous n'aimons pas beaucoup ces études comparatives ou ces analyses

11 comparatives, mais je dois dire qu'au cours de cette période de conflit au

12 Kosovo, la grande majorité des abus ont été commis au cours des conflits

13 par les forces yougoslaves.

14 Q. Passons à présent, si vous le voulez bien, de manière plus spécifique,

15 aux abus supposés et constatés de l'UCK.

16 De quelles sources disposait Human Rights Watch pour ces abus

17 supposés ?

18 R. Il nous est très difficile de trouver des victimes ou des témoins

19 oculaires directs. Un grand nombre des personnes tuées par l'UCK -- pour un

20 grand nombre des personnes tuées par l'UCK - cela nous a été difficile, et

21 nous avons eu la coopération du gouvernement yougoslave dès lors qu'il

22 s'agissait de trouver des témoins et d'avoir accès à des rapports

23 d'autopsies qui ont été effectués sur les corps dont l'armée yougoslave

24 prétendait qu'elle les avait trouvés, mais nous n'avons eu aucune

25 coopération de la part des autorités yougoslaves à ce stade-ci.

Page 5481

1 Nous avons pu confirmer un certain nombre de ces enlèvements grâce à

2 des sources premières, essentiellement l'enlèvement de deux enlèvements

3 séparés, de deux journalistes serbes à chaque fois. Mais pour la plupart

4 des cas, nous devions nous fier à des informations qui nous étaient

5 fournies par les centres de droits humanitaires de Belgrade dont j'ai parlé

6 tout à l'heure; par le comité international de la Croix Rouge; par certains

7 journalistes ainsi que nous fier sur des informations qui nous étaient

8 fournies par les autorités serbes et yougoslaves.

9 Q. Vous nous avez parlé des difficultés que vous avez rencontrées dès lors

10 qu'il s'agissait de s'assurer de la coopération du gouvernement yougoslave.

11 Est-ce que vous avez rencontré d'autres difficultés ? Est-ce que

12 Human Rights Watch a rencontré d'autres difficultés dès lors qu'il

13 s'agissait de mener enquête sur des abus supposés commis par l'UCK ?

14 R. Oui. Tout d'abord, il était difficile de trouver des traducteurs serbes

15 qui étaient prêts à se rendre dans les territoires contrôlés par l'UCK dans

16 des villages serbes de manière à pouvoir parler à des témoins. Ils avaient

17 peur pour leur propre sécurité. Dans la plupart des cas, les Serbes de ces

18 villages refusaient de parler à des traducteurs qui étaient albanais parce

19 qu'ils estimaient que les traducteurs albanais ne traduisaient pas de

20 manière fidèle les informations fournies. Mais dans de nombreux cas,

21 lorsque nous nous sommes rendus dans des villages serbes, nous avons été

22 victime d'hostilité et de menaces personnelles contre nos personnes. Un

23 grand nombre de Serbes du Kosovo croient la propagande diffusée par le

24 président Slobodan Milosevic, et que le gouvernement diffusait à propos du

25 rôle des organisations internationales au Kosovo. Par conséquent, ils nous

Page 5482

1 considéraient comme étant l'ennemi.

2 Malheureusement, même si nous étions très préoccupés de la situation

3 de ces victimes, malheureusement, il nous était souvent très difficile

4 d'avoir l'occasion de leur parler directement.

5 Q. Ce sont les problèmes que vous avez rencontrés lorsque vous vous

6 rendiez dans les villages serbes. Mais quand il s'agissait d'aller dans les

7 villages albanais, aviez-vous aussi des difficultés ?

8 R. Il y avait un facteur supplémentaire, à savoir, qu'un grand nombre

9 d'individus dans les territoires détenus ou contrôlés par l'UCK, un grand

10 nombre de personnes avaient peur de parler de ces abus et violations parce

11 qu'elles étaient inquiets, elles avaient peur des représailles éventuelles

12 de l'UCK ou même probables de l'UCK. Très souvent, ils étaient très peu

13 enclins à nous parler des abus commis par les membres de l'UCK dans les

14 territoires contrôlés par l'UCK. En revanche, ils étaient prêts à discuter

15 et à parler des abus commis par les autorités yougoslaves.

16 Q. Merci.

17 M. SHIN : [interprétation] Monsieur Bouckaert, je demanderais à l'Huissier

18 de bien vouloir vous montrer un document. Il s'agit de l'intercalaire 5

19 dans le classeur qui a été fourni.

20 Q. Monsieur Bouckaert, reconnaissez-vous ce document ?

21 R. Oui.

22 Q. Qu'est-ce ?

23 R. C'est le rapport dont je vous parlais, c'est le rapport que l'on

24 appelait "Violation du droit humanitaire au Kosovo" qui a été publié à la

25 fin du mois d'octobre 1998.

Page 5483

1 Q. Maintenant, je vous propose de passer à la question des abus commis par

2 l'UCK, violations des droits de l'homme. Est-ce qu'il y a une partie

3 spécifique du rapport qui a trait à ces violations ?

4 R. Oui, je crois que c'est le chapitre 10, si je ne m'abuse, qui commence

5 à la page 75.

6 Q. Très bien.

7 M. SHIN : [interprétation] Aux fins de compte rendu, je signale que cette

8 page porte la cote ERN case K036-4865. C'est la première fois pour moi. Je

9 vais essayer de présenter cela sur Sanction de manière à ce que chacun

10 puisse suivre plus aisément ce rapport.

11 M. SHIN : [interprétation]

12 Q. Monsieur Bouckaert, je vous prie de m'excuser un instant.

13 Je voudrais rappeler votre attention sur la page 78 du rapport qui a le

14 numéro ERN4868, et plus particulièrement, ce titre qu'il y a au milieu de

15 la page, en bas : "Enlèvement de personnes d'origine ethnique serbe."

16 Avant que nous n'en parlions, pourrez-vous nous redire dans le

17 domaine des enlèvements, quels ont été les chiffres retenus par Human Right

18 Watch ?

19 R. En ce qui concerne les enlèvements par l'UCK ?

20 Q. Oui.

21 R. Nous avons pensé que les estimations les plus fiables allaient de 100 à

22 140 personnes enlevées par l'UCK. Il y a eu des chiffres plus élevés qui

23 ont été fournis par les autorités yougoslaves, et nous avons considéré que

24 ces chiffres étaient moins fiables. Ceux-ci comprenaient également des

25 personnes qui ont été enlevées par l'UCK pendant de brèves périodes,

Page 5484

1 pendant pas très longtemps. Ce chiffre de 100 à 240 traduit le nombre de

2 personnes qui, en fait, ont été enlevés et dont on était encore sans

3 nouvelle au moment où on a publié le rapport.

4 Q. Pour ce qui est de la période à laquelle ces enlèvements ont eu lieu,

5 il s'agit de quelle période ?

6 R. Nous parlons de la fin de février 1998 jusqu'à la publication du

7 rapport. Le chiffre qui est cité dans le rapport correspond essentiellement

8 au mois d'août 1998.

9 Q. Sur le plan géographique, où est-ce que ces enlèvements avaient lieu

10 essentiellement ?

11 R. Dans différents secteurs du Kosovo, mais le plus grand d'enlèvements du

12 point de vue géographique avait lieu soit dans la région de Drenica ou dans

13 la région juste à côté, Malisevo et Rahovec. Ceci est dit pour certains des

14 cas qui sont mentionnés dans le rapport.

15 Q. Nous y allons y venir. En fait, on peut en parler maintenant. Je

16 voudrais que vous passiez, s'il vous plaît, maintenant, à la page 78. Avant

17 de rentrer dans les détails, pourriez-vous nous dire quelles ont été les

18 conclusions de Human Right Watch en ce qui concerne les enlèvements de

19 Serbes d'origine ethnique serbe ?

20 R. Nous avons estimé qu'entre 100 et 140 Serbes avaient été enlevés par

21 l'UCK. Mais nous avons reconnu qu'il était difficile de déterminer un

22 chiffre précis.

23 Q. Quelles étaient vos sources concernant les informations sur ces

24 enlèvements ?

25 R. C'étaient des renseignements qui nous étaient fournis par le CICR qui

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1 avait répertorié 138 Serbes dans un rapport détaillé, ainsi que pour ce qui

2 des personnes qui avaient été enlevées qui se trouvaient également dans le

3 rapport du droit humanitaire. Il s'agissait de 103 Serbes pour la même

4 période.

5 Q. Est-ce qu'il y avait d'autres sources que vous pourriez avoir

6 mentionnées, que vous pouvez préciser au sein du gouvernement, ce qu'elles

7 étaient ?

8 R. A la page 79 du rapport portant la cote K0364-8069, nous avons

9 également reçu des rapports du ministère des Affaires étrangères de la

10 Yougoslavie, et aussi en août 1998, concernant leur estimation qui était

11 que 178 personnes avaient été enlevées au Kosovo. Ce qui comprenait des

12 Serbes, d'origine ethnique serbe ainsi que des personnes d'autres

13 nationalités et des renseignements concernant 233 civils qui avaient été

14 enlevés par l'UCK, là encore, des personnes d'autres origines.

15 Q. Le CICR, le centre de droits humanitaires, le ministère des Affaires

16 étrangères, le ministère de l'Intérieur, pouvez-vous nous parler de la

17 fiabilité de ces sources ?

18 R. Nous avons travaillé de très près avec le centre de droits

19 humanitaires. Nous avons mentionné deux sources qui avaient une flagrante

20 crédibilité.

21 Je devrais également dire que le centre de droits humanitaires

22 s'occupait également des questions d'enlèvements et d'arrestations

23 arbitraires d'Albanais de souche par les autorités yougoslaves, de sorte,

24 que nous n'avons pas seulement des rapports d'un seul côté concernant les

25 enlèvements par l'UCK.

Page 5486

1 Nous avons eu de plus grandes difficultés en ce qui concerne la

2 fiabilité des renseignements qui nous étaient par les autorités yougoslaves

3 et serbes parce qu'ils ne nous donnaient pas beaucoup de détails concernant

4 les sources, et nos tentatives pour essayer d'avoir davantage de

5 renseignements à ce sujet n'ont pas abouti.

6 Q. Un peu plus loin, à la page 79, "Enlèvements à Rahovec." Pourriez-vous

7 nous dire quelles étaient les conclusions ?

8 R. En juillet --

9 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, là encore, mon confrère

10 peut présenter les choses comme il veut, mais je ne crois pas qu'il va y

11 avoir d'objections à ce que ces rapports soient admis comme éléments de

12 preuve. On sait comment ils ont été préparés et ces rapports parlent d'eux-

13 mêmes.

14 Il n'est peut-être pas nécessaire d'entrer dans les détails de ceci

15 pour dire ce que je dis ce rapport pour qu'ensuite, il soit placer au

16 dossier.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Maître Khan.

18 M. SHIN : [interprétation] Encore une fois, Monsieur le Président, je suis

19 reconnaissant à mon confrère de la Défense pour son aide pour nous

20 permettre de progresser. Je vais passer à des incidents symptomatiques ou

21 particuliers.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pense que vous pouvez passer très

23 rapidement et très directement aux passages qui vous intéressent.

24 M. SHIN : [interprétation] Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

25 Président.

Page 5487

1 M. SHIN : [interprétation]

2 Q. Monsieur Bouckaert, je voudrais attirer votre attention sur la page 80

3 qui porte la cote K036-4870. Il s'agit du cas de Jovan Lukic. Nous avons le

4 rapport devant nous. Vous avez entendu ce qu'a dit mon confrère de la

5 Défense. Je vais rappeler votre attention sur votre attention quelques

6 éléments, ici. Mais, très brièvement, de quoi s'agit-il ? Qu'est-ce que

7 cette affaire Jovan Lukic ?

8 R. Lukic était une des personnes qui apparemment, a été détenue par l'UCK

9 pendant l'offensive sur Orahovec. De nombreux Serbes de souche ont été

10 détenus à l'époque. C'est ce qui a été expliqué dans le paragraphe qui

11 précède. Il a fait une déclaration détaillée au centre de droits

12 humanitaires, qui était l'organisation avec laquelle nous travaillons de

13 façon très proche, et il a décrit sa détention par l'UCK et un certain

14 nombre de choses qu'ils avaient vues alors qu'il était en détention avec

15 l'UCK. Il dit qu'il a été détenu avec de nombreuses autres personnes dans

16 un centre de détention de Malisevo qui était dirigé par l'UCK.

17 Q. Une simple question concernant la période et peut-être les sources.

18 Dans ce premier paragraphe, la deuxième phrase qui commence par "Tanjug a

19 rendu compte du fait." "Tanjug a dit que Lukic avait été détenu dans ce

20 centre jusqu'au 17 juillet." Qu'est-ce que c'est que Tanjug ?

21 R. Tanjug, c'est une agence de nouvelles serbe qui, à l'époque, était très

22 proche des autorités yougoslaves.

23 Q. Ce centre qui figure là, qu'est-ce que c'est comme centre ?

24 R. C'est le centre de droits humanitaire.

25 Q. Vous dites que Tanjug était très proche des autorités yougoslaves. A la

Page 5488

1 lumière de ce vous avez dit dans votre déposition jusqu'à maintenant,

2 comment est ce que Human Rights Watch appréciait la crédibilité de Tanjug ?

3 R. Nous l'utilisions comme source d'information, mais la plupart du temps,

4 nous essayions de trouver des éléments qui permettaient de corroborer ces

5 éléments. Nous le faisions avec de nombreux rapports, des articles de

6 journaux. On voyait, évidemment, on reconnaissait les termes qui étaient

7 employés quand elle venait des autorités yougoslaves, une sorte de langage.

8 Q. Je vous remercie.

9 M. SHIN : [interprétation] Je voudrais, maintenant, passer à la page 81,

10 K036-4871, le cas de Vojko et Ivan Bakrac.

11 Q. De quoi s'agit-il ?

12 R. Il s'agit de deux Serbes de souche qu'on a fait descendre d'un bus.

13 C'étaient des Albanais de souche. Cela a eu lieu

14 le 29 juin. Par la suite, ils ont été relâchés selon certaines sources

15 d'information. Il y avait eu deux autres Serbes de souche qui avaient été

16 enlevés avec eux et dont les identités ne sont toujours pas connues.

17 Il y avait, également, des réfugiés de Croatie qui étaient en route,

18 qui quittaient le Kosovo parce qu'ils devaient être réinstallés par le HCR.

19 Q. Quelles sont vos sources pour cela ?

20 R. C'était le cas le mieux documenté que nous avions. Nous avons été en

21 mesure de confirmer ceci avec le HCR. C'était correct, c'était, également,

22 inclus dans le rapport. Cela avait été préalablement mentionné par le

23 rapport du centre de droits humanitaires. En avait, également, parlé Jakup

24 Krasniqi qui était porte-parole de l'UCK.

25 Q. Passons, maintenant, à la page, 83 la cote K036-4873. Il y a un titre

Page 5489

1 qui parle de "Slobodan Milica et Nebojsa Radosevic." De qui s'agit-il ?

2 R. Là, ce sera trois Serbes relativement âgés qui étaient restés dans un

3 village après que la plus grande partie de la population de souche serbe

4 ait fui l'UCK qui avait pris le contrôle du village en avril 1998. Ceci

5 était un schéma tout à fait typique que des Serbes âgés restent dans

6 certains de ces villages. Tout simplement parce qu'ils n'avaient nulle part

7 ailleurs où aller. On a trouvé, par la suite, des corps, un groupe de 34

8 corps qui ont été retrouvés par les autorités yougoslaves au lac Radonjic

9 qui était proche et ceci sur la grande route de Pristina à Pec.

10 Q. Les sources ?

11 R. Ceci a été documenté par les sources internationales, y compris un

12 rapport du Centre de droits humanitaires." Il y a eu une identification de

13 deux corps, a donné lieu à un compte rendu des autorités serbes.

14 Q. Est-ce que c'est Human Rights Watch qui a tenté d'enquêter là-dessus ?

15 R. Nous nous trouvions au Kosovo début septembre lorsque les autorités

16 yougoslaves ont annoncé qu'ils avaient trouvé 34 corps qui auraient été mis

17 dans un hôtel.

18 Nous nous sommes rendus le lendemain pour essayer d'avoir accès à ces

19 corps et voir dans quel état étaient les cadavres pour déterminer comment

20 ils avaient été tués. Nous avons demandé des renseignements supplémentaires

21 des autorités yougoslaves sur ces cas. Lorsque nous sommes arrivés,

22 finalement, à l'hôtel où ces corps étaient conservés, ils avaient déjà été

23 déplacés à une morgue à Pristina et nous n'avons pas eu davantage des

24 autorités yougoslaves.

25 Toutefois, ce cas également a été répertorié parmi les six cas qui

Page 5490

1 ont fait l'objet d'une enquête en novembre 1998. J'étais avec Helena

2 Romanach.

3 Q. Je vais, maintenant, passer à la page 84, cote K036-4874. Il y a un

4 titre sur "Enlèvements d'Albanais de souche." Si vous pouvez nous le dire,

5 tout d'abord, de quel chiffre on parle ici ?

6 R. Nous n'avons pas été en mesure d'établir des chiffres précis. Il est

7 clair qu'un certain nombre d'Albanais de souche ont été enlevés. Ceci avait

8 été documenté à ce stade et les chiffres étaient moins importants que ceux

9 qui concernaient les Serbes de souche. Mais nous avons recherché des

10 renseignements que nous considérions comme vraiment fiables sur un certain

11 nombre d'enlèvements et nous avons vu que la plupart de ces Albanais de

12 souche étaient considérés comme des collaborateurs.

13 Q. Qu'est-ce que vous entendez par cette expression "collaborateurs ?"

14 R. Il s'agissait de personnes qui travaillaient, d'une façon ou d'une

15 autre, pour les autorités yougoslaves ou pour la police ou pour des

16 découvertes en matière de sécurité, mais également d'une façon plus large :

17 deux personnes qui étaient soupçonnées de travailler comme informateurs ou

18 qui aidait trop les Yougoslaves et officiels serbes.

19 Q. Je vais, maintenant, passer à la page 85 --

20 R. Juste --

21 Q. Oui.

22 R. Certains des corps qui ont été retrouvés lors de l'incident du lac

23 Radonjic étaient les corps d'Albanais de souche. Il faut que je le

24 mentionne; environ, 34 corps y ont été trouvés. C'étaient les corps

25 d'Albanais de souche.

Page 5491

1 Q. Serait-il exact de dire qu'à ce propos Human Rights Watch aurait eu les

2 mêmes difficultés ?

3 R. Oui.

4 Q. Pour faire une enquête là-dessus ?

5 R. C'est exact.

6 Q. A la page suivante, page 85. Cote K036-4875, il y avait la question des

7 "Restrictions apportées aux médias." Je pense que vous exposez deux cas,

8 là. Pourriez-vous nous parler du premier ?

9 R. Oui. La première fois, c'était en août 1998. Ceci concernait un

10 journaliste serbe de souche et un conducteur, un chauffeur qui travaillait

11 pour le gouvernement, pour la radio du gouvernement yougoslave et qui ont

12 disparu près d'Orhahovac et on pensait qu'ils avaient été enlevés par

13 l'UCK. Ils parlaient à la radio de Pristina. Nous avons tenté d'obtenir des

14 renseignements qui n'étaient pas très clairs parce qu'ils ont disparu alors

15 qu'ils étaient sur la route et ils ont été portés disparus. L'UCK n'a

16 jamais reconnu avoir détenu ces personnes.

17 Q. Je voudrais, maintenant, vous montrer un document.

18 M. SHIN : [interprétation] Un instant, s'il vous plaît.

19 [Le conseil de l'Accusation se concerte]

20 M. SHIN : [interprétation] Avec l'aide de l'huissier, je voudrais que vous

21 puissiez voir le document qui se trouve à l'intercalaire numéro 6.

22 R. Oui.

23 Q. Rapidement, qu'est-ce que c'est que ce document ?

24 R. Ce document est un document que nous avons diffusé après avoir parlé à

25 différentes sources à la radio Pristina ainsi qu'à d'autres personnes qui

Page 5492

1 se trouvaient au Kosovo pour exprimer nos préoccupations concernant ce

2 journaliste et ce chauffeur, en demandant qu'ils soient relâchés

3 immédiatement et exposant les circonstances que nous avions pu établir

4 concernant cet enlèvement.

5 Q. De quel type de documents s'agit-il ?

6 R. C'est un communiqué de presse.

7 Q. Pourquoi est-ce que Human Rights Watch a diffusé un document de ce

8 genre ?

9 R. Parce que nous voulions immédiatement répondre à l'enlèvement de ces

10 deux personnes et essayer d'obtenir qu'ils soient relâchés. Tous ces

11 communiqués de presse étaient traduits en albanais et publiés localement

12 dans les journaux locaux. C'était une façon d'établir une communication

13 directe avec l'UCK, lorsque tout ceci était publié et ceci était traduit,

14 également, en Albanais.

15 Q. [aucune interprétation]

16 R. Oui.

17 Q. D'accord.

18 R. Ce n'était pas traduit en Albanais par vous, mais c'était traduit par

19 "Albanian Koha Ditore" et d'autres journaux. Mais Koha Ditore avait une

20 politique concernant tous les états, la Yougoslavie et les enlèvements de

21 l'UCK étaient publiés dans leur journal.

22 Q. Ceci avant que ce document n'ait été publié et daté le

23 26 août ?

24 R. Oui.

25 Q. Est-ce que Human Rights Watch a publié d'autres documents, d'autres

Page 5493

1 communiqués de presse concernant ces travaux au Kosovo?

2 R. Oui. Si vous regardez la même déclaration, côté droit de la page

3 concernant "les documents pertinents," il y a d'autres communiqués de

4 presse que nous avons diffusés quelques mois plus tôt, avant cela, juste

5 pour vous donner quelques exemples. Le premier concernait un journaliste

6 albanais de souche qui avait été arrêté au Kosovo; le deuxième avait trait

7 à une protestation concernant les libertés universitaires en Serbie; le

8 troisième traitait des droits de l'homme, un avocat spécialisé dans les

9 droits de l'homme avait été arrêté par les autorités yougoslaves et qui

10 avait fait l'objet de mauvais traitements et évidemment, il y a, là, un

11 grand nombre d'autres.

12 M. SHIN : [interprétation] Peut-être qu'on pourrait attribuer un numéro à

13 ce document ou le donner au lot de documents qui resteraient avec ces

14 intercalaires.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui.

16 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, peut-être que chaque

17 document devrait recevoir un numéro distinct pour chaque pièce parce que

18 celui de l'intercalaire numéro 3 n'est pas complet et comme l'a dit mon

19 confrère, il vous fournira une version complète de ce rapport. Il n'y aura

20 pas lieu à objection, mais peut-être que chacun de ces documents pourrait

21 recevoir un numéro distinct.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Avez-vous des commentaires là-dessus,

23 pour ce qui est de l'intercalaire numéro 3, Monsieur Shin ?

24 M. SHIN : [interprétation] Non, j'en ai discuté précédemment. J'avais mal

25 compris, à savoir que certaines parties du document pourraient faire

Page 5494

1 l'objet de certaines objections, mais nous sommes tout à fait d'accord pour

2 que l'ensemble du document qui figure à l'intercalaire numéro 3 soit

3 également présenté.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce qu'il est disponible ?

5 M. SHIN : [aucune interprétation]

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Mais il y a eu un retard pour recevoir

7 ceci, pour que le document de l'onglet 3 soit complet de façon a permettre

8 que l'ensemble du document soit présenté comme une seule pièce, on saisit

9 pour l'ensemble du document.

10 M. SHIN : [interprétation] Bien. Je vous remercie beaucoup, Monsieur le

11 Président. Je vais poursuivre avec ces documents et nous allons essayer de

12 voir un certain nombre. Merci.

13 Q. Monsieur Bouckaert, voulez-vous, s'il vous plaît, porter votre

14 attention à la page K036-4875. Vous nous avez parlé d'un cas. Pourriez-vous

15 nous dire quel est ce deuxième cas ?

16 R. Oui. Dans le deuxième cas, c'étaient deux journalistes qui

17 travaillaient pour Tanjug, un journaliste et un photographe qui ont été

18 arrêtés par l'UCK. Nous avons, également, diffusé une déclaration analogue,

19 un communiqué de presse concernant cette affaire.

20 Q. Qui étaient ces journalistes ?

21 R. Leurs noms étaient Nebojsa Radosevic et Vladimir Dobricic

22 Q. Où ont-ils été enlevés ?

23 R. Ils ont été enlevés près du village de Magure.

24 Q. Nous parlerons davantage de cet incident plus tard. Pourriez-vous, pour

25 le moment, juste nous dire, quelles étaient vos sources pour la

Page 5495

1 documentation concernant cette affaire ?

2 M. KHAN : [interprétation] Je dois élever une objection à ce sujet. Le

3 témoin a employé les mots "arrêté" par rapport à ce qui a été dit du point

4 de vue "enlèvement." Il a dit, également, "capturé," je voudrais demander

5 qu'on ne mette pas certains mots dans la bouche du témoin et qu'il puisse

6 répondre lui-même.

7 M. SHIN : [interprétation] Le rapport utilise le terme "enlèvement"

8 et j'accepte que le témoin a dit "arrêté," je suis d'accord pour utiliser

9 ce mot, mais je ne veux pas qu'on dise que le témoin l'a dit.

10 Q. Cet incident, est-ce que vous pourriez nous dire la source, s'il vous

11 plaît, Monsieur Bouckaert ?

12 R. C'est une affaire tout à fait confirmée. A l'origine, lorsque ceci a

13 été porté à notre attention, les deux journalistes avaient simplement

14 disparu. Mais quelques jours plus tard, nous avons eu confirmation, par la

15 Croix Rouge, que ces deux personnes étaient détenues par l'UCK et par la

16 suite, l'UCK a diffusé une déclaration disant que ces deux personnes

17 avaient été condamnées, ce jour-là, à 60 jours de prison parce qu'ils

18 étaient convaincus d'espionnage. Nous avons pu avoir des confirmations de

19 plusieurs sources.

20 Q. Pourrais-je, maintenant, appeler votre attention sur l'intercalaire

21 numéro 7. De quoi s'agit-il ?

22 R. Il s'agit d'une déclaration que nous avons diffusée après avoir été en

23 mesure de confirmer, pourrais-je dire, l'arrestation de ces deux

24 journalistes. Ceci confirmé avec des rapports de la Croix Rouge et comme

25 pour la déclaration précédente, c'était un appel pour qu'ils soient

Page 5496

1 relâchés.

2 Q. Est-ce que ceci était un communiqué de presse; est-ce exact ?

3 R. C'est exact.

4 Q. Ceci a, également, été traduit en albanais ?

5 R. Oui

6 Q. Qui l'a fait ?

7 R. Je suis certain que cela été publié dans le journal Koha Ditore.

8 M. SHIN : [interprétation] Passons, maintenant, à la page 86, cote K036 --

9 non, excusez-moi. Je crois que j'avais éteint mon microphone.

10 Repassons à la page 86, cote K036-4876. Peut-être que nous pourrions

11 le présenter, également, par le système Sanction. Excusez-moi, le 4876. Je

12 suis très reconnaissant à M. Younis de son aide.

13 Q. Le paragraphe au milieu de la page qui commence au milieu de la page :

14 "Le 14 Août." Vous voyez ce paragraphe ? Pourriez-vous nous dire ce que

15 c'était cet incident ?

16 R. Oui. Il s'agissait d'une de nos proches amis, Stacey Sullivan, qui

17 travaillait, essentiellement, pour le New York Times. Cette journaliste a

18 été arrêtée par un groupe de soldats de l'UCK alors qu'elle interviewait

19 des civils albanais de souche et les soldats se sont emparés de son carnet,

20 en ont brûlé certaines pages, de ce carnet. Elle est allée se plaindre à un

21 commandant régional, lequel lui a présenté des excuses et lui a dit que ces

22 soldats seraient désarmés, on leur retirerait leurs armes. Il a dit qu'il

23 l'avait fait.

24 M. SHIN : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que le moment ne

25 serait pas venu de suspendre la séance ?

Page 5497

1 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il serait préférable de poursuivre

2 encore pendant une dizaine de minutes.

3 M. SHIN : [interprétation]

4 Q. Je voudrais, maintenant, attirer votre attention sur la page 11 du

5 rapport qui porte le numéro ERN K036-4801. Si vous pouvez nous donner un

6 instant pour faire apparaître le document par le dispositif Sanction.

7 Très bien, merci.

8 Je vais appeler votre attention sur le titre -- j'ai du mal à le

9 prononcer - UCK.

10 Pourriez-vous nous dire, d'abord, ce que c'est, ce passage, ce

11 paragraphe ? Pourriez-vous nous décrire de quoi il s'agit.

12 R. Ce passage vient immédiatement après le résumé du rapport et fait des

13 recommandations aux différentes parties -- au conflit au Kosovo ainsi qu'à

14 la communauté internationale sur la façon de mettre fin aux abus au Kosovo.

15 M. SHIN : [interprétation] Excusez-moi, je n'avais pas mon microphone. Je

16 vais répéter cela.

17 Q. Je vais appeler votre attention sur le premier -- la dernière phrase,

18 ici, parle du fait que "l'UCK devrait relâcher tous les civils qu'elle

19 détient."

20 C'est une recommandation adressée à l'UCK. Mis à part la publication

21 de ce rapport, y avait-il d'autres manières par lesquelles ceci leur était

22 communiqué ?

23 R. Notre première réunion avec des membres de l'UCK avait eu lieu en

24 novembre 1998 lorsque nous avons discuté un grand nombre de questions de ce

25 genre. Mais d'une façon générale, comme je l'ai déjà dit, les journaux

Page 5498

1 albanais de souche au Kosovo, particulièrement le journal Koha Ditore,

2 avaient pour politique de citer de façon très complète nos rapports,

3 concernant certains cas, il y avait des rapports entiers qui étaient

4 reproduits dans ce journal. Nous fournissions également des exemplaires de

5 ce rapport aux représentants politiques de l'UCK, Adem Demaqi.

6 Q. Dans quelle langue ?

7 R. Les communiqués de presse auraient été en albanais. Nous donnions aussi

8 le texte d'interviews à deux journaux albanais qui traitaient plus

9 particulièrement, à la fois, des abus par l'armée yougoslave et des abus

10 par l'UCK. Ce rapport était en anglais également parce que la personne en

11 question savait bien l'anglais.

12 Q. Je vous remercie. Vous avez mentionné un des cas dont nous avons déjà

13 discuté Jakup Krasniqi. Pourriez-vous expliquer de qui il s'agit et de quoi

14 il s'agit.

15 R. Oui. Jakup Krasniqi était l'un des porte-parole principaux de l'Armée

16 de libération du Kosovo et il a donné une interview très développée à Koha

17 Ditore dans laquelle il a mentionné les cas de ces deux Serbes de souche

18 qui venaient de Croatie et qui avaient été relâchés.

19 Q. Ceci avait été compris dans votre rapport ?

20 R. Oui. Il faudrait que je le retrouve rapidement.

21 Q. Peut-être que cela gagnera du temps si -- je vous remercie. Regardez la

22 page 76

23 Excusez-moi. Le numéro ERN est le numéro K036-4866 ?

24 R. Oui. Les deux paragraphes qui se trouvent en haut de la page commençant

25 par : "L'UCK ne s'est jamais occupé de civils," et cetera." Ce sont des

Page 5499

1 extraits de l'interview de Jakup Krasniqi.

2 Q. Nous voyons à la deuxième page une référence concernant le fait que

3 deux Serbes ont été remis en liberté.

4 R. Oui. Il est dit : "Il y a quelques jours, nous avons remis deux Serbes

5 à la Croix Rouge. Ceux que nous avons enlevés étaient énoncés dans une

6 liste ou on avait dit qu'ils avaient été exécutés, mais nous ne nous

7 comportons pas d'une manière qui soit comparable à la Serbie."

8 Q. Vous avez d'autres sources de l'UCK ici ?

9 R. Oui. Au bas de la page, il y a une déclaration faite par Shaban Shala,

10 qui était un commandant de l'UCK.

11 Q. Passons à la page 77, cote K036-4867. Ceci continue ce qui semble être

12 un extrait de son interview avec Shaban Shala. Il s'agit de cas où des

13 personnes ont été enlevées. Ils se trouvaient sur des autobus, et des

14 soldats de l'UCK les ont pris. Vos commentaires concernant la dernière

15 phrase, s'il vous plaît.

16 R. Oui. Nous essayions d'avoir des renseignements de l'UCK, et son code de

17 conduite interne et ses procédures disciplinaires, ainsi que des preuves

18 qu'ils punissaient effectivement leurs membres parce qu'il y avait des

19 infractions.

20 Q. Vous avez mentionné Adem Demaqi. Le paragraphe suivant sur cette même

21 page fait référence à Adem Demaqi.

22 M. SHIN : [interprétation] Pouvons-nous le faire apparaître sur l'écran,

23 s'il vous plaît.

24 Q. On y trouve une citation très brève que l'on peut lire. Mais

25 j'attirerai simplement votre attention. Non, je vais la lire; cela ira plus

Page 5500

1 vite. "Lorsque j'ai parlé à certaines personnes du quartier général, j'ai

2 vu qu'elles étaient du même avis sur une chose. Nous ne sommes pas

3 impliqués dans des enlèvements" -- je vais essayer de lire le reste

4 lentement -- "et certains groupes le font de leur propre initiative." Si

5 nous avons une quelconque influence sur eux, nous intervenons toujours, et

6 les personnes enlevées sont libérées."

7 Il est fait référence à un quartier général ici. De quoi s'agit-il; le

8 savez-vous ?

9 R. Oui. Nous l'avons compris comme étant une référence au quartier général

10 principal de l'UCK. Cette référence, on la trouve dans un certain nombre de

11 déclarations délivrées par l'UCK, déclarations officielles qui nous ont été

12 remises par différentes voies, et il est fait référence effectivement à ce

13 quartier général.

14 Q. Bien, merci.

15 M. SHIN : [interprétation] J'en ai terminé avec ce document. Peut-être que

16 le moment est choisi pour faire la pause.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien.

18 Nous allons prendre une première pause. Les circonstances nous

19 obligent de prendre une pause de 30 minutes plutôt que de 20. Par

20 conséquent, nous reprendrons nos travaux à 16 heures 20.

21 --- L'audience est suspendue à 15 heures 50.

22 --- L'audience est reprise à 16 heures 29.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Shin.

24 M. SHIN : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

25 M. Younis m'informe du fait que nous avons distribué l'intercalaire 3

Page 5501

1 dans sa totalité peut-être serait-il bon de lui attribuer une cote.

2 Il y a neuf intercalaires en tout et pour tout. Les intercalaires 1

3 et 2 ont déjà fait l'objet d'une demande de versement. Par conséquent,

4 peut-être que cette pièce pourrait recevoir une cote qui correspondrait

5 simplement aux intercalaires 3 à 9.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 1 et 3 sont déjà versés ?

7 M. SHIN : [interprétation] Non, 1 et 2 sont déjà les pièces dans cette

8 affaire.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Qui ont été versées de manière

10 séparée ?

11 M. SHIN : [interprétation] Oui. En réalité, la table 1, c'est la pièce

12 P048, et l'intercalaire 2, c'est la pièce P138.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien. Nous allons faire quelque chose

14 d'assez imprécis.

15 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Intercalaires 3 et suivants de cette

17 liasse vont être versés au dossier en tant qu'une pièce.

18 M. LE GREFFIER : [interprétation] Pièce P212. Il s'agit des intercalaires

19 3, 4, 5, 6, 7 et 8.

20 M. SHIN : [interprétation] Excusez-moi de cette petite imprécision dans la

21 procédure.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Si c'est le pire auquel nous devons

23 nous attendre, d'un point de vue de la procédure, nous sommes dans une

24 situation tout à fait confortable.

25 M. SHIN : [interprétation] Oui. En ce qui concerne l'intercalaire 9, il

Page 5502

1 s'agit également d'un extrait d'un autre document, mais je n'ai pas entendu

2 ce qu'en pensent mes confrères de la partie adverse. Ce document, en

3 réalité, dans son ensemble, porte sur les événements de 1999. Il s'agit

4 d'un document relativement volumineux, c'est la raison pour laquelle je

5 n'ai fait figurer dans cet intercalaire que les parties pertinentes.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous versons les intercalaires 3 à 9;

7 ils portent la cote P212. Les intercalaires 1 et 2 étant déjà des pièces à

8 conviction. En l'absence d'autres objections quelles qu'elles soient, vous

9 pouvez poursuivre, Monsieur Shin, et vous pouvez traiter la question qui

10 vous intéresse de la manière la plus directe possible. C'est dans ce sens

11 que vous devez orienter les choses.

12 M. SHIN : [interprétation] Oui, effectivement. Au cours de la pause,

13 j'avais eu l'impression, peut-être erronée, qu'il y aurait davantage de

14 difficultés. Je suis très heureux de voir qu'il n'en est rien, et que nous

15 sommes d'accord.

16 Q. Monsieur Bouckaert, j'aimerais vous montrer un document. En réalité,

17 vous le trouverez vous-même dans le classeur. Il s'agit de l'intercalaire

18 numéro 4.

19 R. Oui.

20 Q. Pouvez-vous nous dire ce dont il s'agit.

21 R. Oui. C'est un rapport de Human Rights Watch, fruit de recherches menées

22 par moi-même et Fred Abrahams au cours de notre mission de septembre 1998

23 au Kosovo.

24 Q. Le titre de ce rapport est "Détentions et violations au Kosovo," n'est-

25 ce pas ?

Page 5503

1 R. Oui.

2 Q. Il y a aussi un titre n'est-ce pas, "République fédérale de

3 Yougoslavie ?"

4 R. C'est exact.

5 Q. Quand a été publié ce rapport ?

6 R. En décembre 1998.

7 Q. Pouvez-vous nous dire de quelles détentions et de quelles violations il

8 s'agit dans ce rapport ?

9 R. Il s'agit de violations commises dans le cadre de détentions,

10 violations commises par les forces yougoslaves et l'UCK contre des

11 personnes détenues, ainsi que des violations commises par des autorités

12 yougoslaves et serbes, ainsi que des abus ou le rôle négatif joué par les

13 autorités judiciaires dans la commission de ces violations. Vous y

14 trouverez un chapitre bref résumant ces différentes questions.

15 Q. C'est à la page 23 du rapport, n'est-ce pas ?

16 R. Effectivement, c'est à la page 23 du rapport.

17 Q. Je crois que j'éteins mon micro systématiquement, mais je vais cesser

18 de le faire. La page 23 porte le numéro 0067-6492. Ce chapitre se poursuit

19 jusqu'où ?

20 R. Jusqu'à la page 25.

21 Q. Le numéro ERN avec, pour deux derniers chiffres, 94.

22 Monsieur Bouckaert, vous nous avez expliqué que ce rapport est fondé sur

23 les travaux que vous avez effectués, vous et M. Abrahams, en septembre 1998

24 au Kosovo. Quelle est la période couverte ici par ce rapport ?

25 R. En ce qui concerne le chapitre concernant l'UCK, on y voit qu'il est

Page 5504

1 question de violations commises depuis février 1998 jusqu'à la date de

2 publication du rapport.

3 Q. Où ont eu lieu ces détentions et ces violations ?

4 R. Au Kosovo.

5 Q. Si possible, pourriez-vous nous dire plus précisément où au Kosovo ?

6 R. Dans de nombreux lieux du Kosovo, comme nous en avions déjà parlé, nous

7 sommes arrivés à la conclusion suivante : entre 100 et peut-être 300

8 personnes avaient été enlevées par l'UCK. Vous trouverez un certain nombre

9 de détails concernant un certain nombre de cas dans ce bref chapitre.

10 Q. Nous le voyons dans le rapport.

11 J'aimerais attirer votre attention sur un certain nombre d'éléments

12 particuliers qui figurent au troisième paragraphe. Où on y voit, je cite :

13 "Le CICR s'est vu refuser l'accès aux détenus de l'UCK, ce qui fait douter

14 de leur sécurité." Ensuite, on y voit une citation d'un représentant du

15 CICR. Pourriez-vous faire des commentaires sur ce paragraphe et cette

16 phrase.

17 R. Oui, c'est tout à fait inhabituel de la part du CICR de s'expliquer de

18 manière aussi publique concernant un certain nombre de violations. Je crois

19 que ceci montre les préoccupations extrêmement importantes qu'avait le CICR

20 concernant le manque d'accès qui leur était donné aux lieux, ainsi qu'à la

21 tendance générale aux violations sur lesquelles ils étaient en train de

22 rassembler des informations. Nous avions nos propres informations que nous

23 considérons confidentielles, mais en tout cas, nous avons partagé avec eux

24 les mêmes préoccupations et avons parlé des mêmes violations.

25 Q. Le paragraphe suivant dit, je cite : "A de nombreuse reprises, l'UCK a

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1 libéré des personnes qui étaient placées sous leur garde ou dans leur

2 détention. Le 22 juillet, l'UCK a remis 35 civils serbes au CICR après leur

3 arrestation le 19 juillet au cours des combats à Orahovec."

4 Pouvez-vous nous en dire plus ?

5 R. Oui, effectivement. Ces Serbes qui ont été remis au CICR faisaient

6 partie d'un groupe plus important de personnes origine ethnique serbe qui

7 avaient disparu au cours de la prise de contrôle brève par l'UCK

8 d'Orahovec. Certains manquaient encore à l'appel lors de la publication du

9 rapport. Il y également un cas concernant deux Serbes de la Croatie qui

10 avaient été remis à la CICR, dont nous avons parlé plus tôt.

11 Q. Cette partie que nous venons d'examiner qui commence par, à de

12 nombreuses reprises, il y a je crois des notes de bas de page

13 correspondantes. Quelles ont été les sources que vous citez ici ?

14 R. En fait, il s'agit d'une source tout à fait publique. La même

15 information figure dans le rapport consacré aux violations du droit

16 humanitaire au Kosovo. C'est une déclaration qui a été faite à ce moment-là

17 je crois.

18 Q. En ce qui concerne le paragraphe suivant qui commence par, "Le 18

19 octobre." Pouvez-vous nous dire de quoi il s'agit ici.

20 R. C'est le cas des deux journalistes serbes dont nous avons parlé au

21 cours de la session précédente, les deux journalistes serbes qui ont

22 disparu et dont on a reconnu par la suite qu'ils étaient entre les mains de

23 l'UCK et que c'était l'UCK qui les détenait, et c'est le 18 octobre.

24 Q. Nous en reparlerons plus en détail dans quelque temps.

25 A la page suivante, page 25, le premier paragraphe entier commence

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1 par, le 27 novembre. Pourriez-vous lire ce paragraphe et nous dire de quoi

2 il s'agit.

3 R. Vous voulez que je lise le paragraphe ? "Le 27 novembre, en honneur du

4 jour de commémoration du drapeau albanais, l'UCK a libéré les deux

5 journalistes."

6 Q. Veuillez ralentir, s'il vous plaît.

7 R. En la présence du diplomate américain William Walker à la tête de

8 l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et pour la

9 mission, plus précisément, de cette organisation au Kosovo.

10 "Deux militants politiques d'origine ethnique albanaise de la LDK à

11 Malisevo; il y a Jakup Kastrati et Cen Desku, qui avaient été détenus par

12 l'UCK pendant trois semaines, ont également été amnistiés. Un communiqué de

13 l'UCK publié le 27 novembre" --

14 Q. Monsieur Bouckaert, pouvez-vous lire et ménager les pauses entre les

15 phrases, s'il vous plaît.

16 R. "Un communiqué de l'UCK publié le 27 novembre indique que les amnisties

17 étaient la preuve de l'engagement de l'UCK au respect des conventions

18 internationales régissant la guerre. Le 24 novembre, l'UCK a libéré un

19 policier serbe après intervention diplomatique américaine."

20 Q. Pourriez-vous nous en dire plus sur ces deux militants politiques

21 albanais qui avaient bénéficié d'une amnistie. Qui étaient-ils ?

22 R. Il s'agissait de militants de la LDK de Malisevo. Je n'ai pas d'autres

23 informations les concernant, si ce n'est qu'ils ont été détenus pendant

24 trois semaines par l'UCK.

25 Q. Quelle est la source de cette information, information selon laquelle

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1 ils auraient été détenus par l'UCK pendant trois semaines et amnistiés ?

2 R. Il y a eu un communiqué, une déclaration publique de la part de l'UCK

3 sur ce point, à laquelle il est fait référence dans ce paragraphe.

4 Q. Au paragraphe suivant, on voit les premiers mots : "Deux autres

5 journalistes." Je pense que c'est ce dont vous nous avez déjà parlé, n'est-

6 ce pas ?

7 R. Oui, effectivement. Ces deux journalistes avaient été enlevés, ou

8 plutôt, avaient été portés disparus en août. L'UCK n'a jamais reconnu leur

9 détention, et ils étaient toujours reportés disparus au moment de la

10 publication du rapport.

11 Q. Dans le rapport précédent, nous avons vu un chapitre qui contient un

12 certain nombre de recommandations adressées à l'UCK. Dans ce rapport, y a-

13 t-il également des recommandations qui sont adressées à l'UCK ?

14 R. Oui, je crois.

15 Q. A la page 6 du rapport.

16 R. Pardon, à la page 6 du rapport.

17 M. SHIN : [interprétation] Il s'agit du numéro ERN 0067-6475.

18 Q. Ce rapport, a-t-il été communiqué à un membre de l'UCK, ou plusieurs ?

19 R. Entre la publication du premier rapport et de celui-ci, nous avons eu

20 une réunion avec l'UCK. Nous leur avons fait part de nos préoccupations et

21 nous avons formulé nos recommandations. Comme d'habitude, nous avons fourni

22 ce rapport, ainsi que tous les autres, et toutes les informations y

23 afférentes, à la presse albanaise, ainsi qu'au bureau d'Adem Demaqi, qui

24 était également la voie de communication qui nous a été suggérée par les

25 représentants de l'UCK que nous avons rencontrés.

Page 5508

1 Q. Y a-t-il eu communiqué de presse sur ce rapport ?

2 R. Oui. Tous nos rapports donnent lieu à un communiqué de presse qui les

3 accompagne et qui font la synthèse de ce qui figure dans le rapport et

4 alerte l'attention de la presse sur l'existence du rapport. On y trouve

5 également un certain nombre de citations généralement émanant du chef de la

6 division afin que les journalistes puissent les utiliser dans leurs

7 articles.

8 Q. J'aimerais maintenant attirer votre attention sur l'intercalaire numéro

9 3. Reconnaissez-vous ce document ?

10 R. Vous avez tronqué ma photo un petit peu, mais c'est un rapport que j'ai

11 signé qui est intitulé "Une semaine de terreur à Drenica : Violations du

12 droit humanitaire au Kosovo."

13 Q. Excusez-moi. Y avait-il une photo sur la page couverture ?

14 R. Oui. On dirait qu'il y a une page blanche qui tronque quelque peu la

15 photo qui se trouve en haut.

16 Q. Bien.

17 R. Ceci ne cache rien. Ce n'est pas grave.

18 Q. Quand a été publié ce rapport ?

19 R. En février 1998, non, 1999.

20 Q. 1999 ?

21 R. Oui.

22 Q. Dans quelle mesure avez-vous participé à la préparation de ce rapport ?

23 R. J'ai été le principal chercheur et j'ai également été l'auteur de ce

24 rapport.

25 Q. Pouvez-vous retracer la genèse de ce rapport et ce sur quoi il porte ?

Page 5509

1 R. Il porte sur une semaine du mois de septembre 1998 au cours de laquelle

2 les plus graves violations ont été commises par les forces yougoslaves, en

3 tout cas, à ce stade du conflit. Nous étions sur place au Kosovo à l'époque

4 et nous avons observé personnellement et visité les lieux où ces massacres

5 ont eu lieu.

6 Q. J'aimerais attirer votre attention concernant ce rapport sur deux

7 pages. Pages 8 et 9, correspondant au numéro K0364938 et K0364939.

8 Il s'agit là encore de recommandations adressées à l'UCK; c'est bien

9 exact ?

10 R. Oui, c'est exact.

11 Q. Ces pages ont également été traduites, ces recommandations ?

12 R. Je pense qu'à ce moment-là, la synthèse et les recommandations de nos

13 rapports étaient traduites au moins en serbe et peut-être également en

14 albanais par Human Rights Watch. Quoi qu'il en soit, elles étaient, bien

15 entendu, reprises par la presse locale, et comme tous nos rapports l'ont

16 été, elles ont été remises à Adem Demaqi.

17 Q. Nous pouvons en prendre connaissance nous-mêmes. J'aimerais attirer

18 votre attention sur deux points. Le premier étant le premier point de la

19 page 8, K0364938, qui commence par, je cite : "Libérez tous les civils

20 détenus." Puis cela continue. Il s'agit, en fait, du premier point du

21 deuxième grand paragraphe de cette page. Ce rapport, comme vous nous l'avez

22 expliqué, concerne des violations commises par les forces serbes. Pourquoi

23 placer cette recommandation dans ce rapport ?

24 R. Parce que nos préoccupations demeuraient concernant les enlèvements et

25 le sort de Serbes et d'Albanais enlevés par l'UCK. Je dois dire que nos

Page 5510

1 recommandations semblaient être bien accueillies par l'UCK. Il semblait

2 important de poursuivre ce bon dialogue avec l'UCK concernant leur

3 conduite.

4 Q. Pour passer à la page suivante, K0364939, page 9 du rapport. Je vous

5 renvoie à la partie supérieure, premier point qui se trouve en haut de la

6 page. Je cite : "Traduire en justice les commandants et les soldats

7 coupables de ces violations, conformément aux normes internationales

8 régissant une procédure équitable."

9 Pouvez-vous nous en dire plus sur cette recommandation ?

10 R. Bien, nous pensions qu'il était important que l'UCK applique le droit

11 humanitaire international, mais qu'il le fasse également en sanctionnant

12 ces soldats et ces commandants lorsque des violations étaient commises.

13 Q. En nous éloignant un petit peu de ces rapports pour l'instant,

14 j'aimerais revenir aux références que vous avez faites au conflit. Qui

15 étaient les parties au conflit ? Les Juges ont entendu de nombreux

16 témoignages sur ce point. Vous pouvez être bref. Simplement pour savoir de

17 qui vous parlez. Pouvez-vous nous le dire ?

18 R. Les parties, il y avait les forces yougoslaves et serbes d'un côté,

19 ainsi que certaines formations paramilitaires irrégulières du côté

20 gouvernemental, et il y avait l'Armée de libération du Kosovo ainsi que

21 d'autres éléments albanais armés de l'autre côté.

22 Q. Penchons-nous d'abord sur les forces serbes et yougoslaves. Human

23 Rights Watch, a-t-il fait des recherches ou mener des enquêtes sur ces

24 forces ?

25 R. Oui. Je pense que nous avons essayé d'établir d'une certaine manière

Page 5511

1 certaines structures de commandement de ces forces dans le rapport sur "Les

2 violations du droit humanitaire au Kosovo" en commençant par Slobodan

3 Milosevic et en suivant vers le bas la voie hiérarchique.

4 Q. Là, encore, en ce qui concerne ces forces yougoslaves et ces forces

5 serbes, vous avez mentionné la structure de commandement. Y a-t-il quoi que

6 soit d'autre qui ait fait l'objet de recherches ou d'enquêtes de votre

7 part ?

8 R. N'oubliez pas qu'à l'époque, nous opérions dans un environ extrêmement

9 complexe, qu'un conflit avait lieu à ce moment-là. Evidemment, les rapports

10 ultérieurs que nous avons produits après le conflit au Kosovo étaient

11 beaucoup plus détaillés concernant les informations que nous avons réussies

12 à recueillir sur la structure de commandement de l'armée yougoslave, ainsi

13 que sur les forces actives dans les affrontements au Kosovo.

14 En tout cas, à ce stade, nous avons pu déterminer que le conflit

15 avait lieu également avec l'armée yougoslave; il y avait également le MUP;

16 les forces de police placées sous le commandement du ministère de

17 l'Intérieur. Puis, nous avions quelques informations relativement

18 convaincantes selon lesquelles d'autres organes, par exemple, la police

19 spéciale antiterroriste relevant de Frankie - j'ai oublié son nom de

20 famille - en tout cas, on les appelait les hommes de Frankie, et qui

21 participaient également au combat, ainsi que certains Serbes armés.

22 Q. De quelle période parlez-vous ?

23 R. Je parle de février jusqu'à la publication de ce rapport, février 1998.

24 Q. Parlons de l'autre camp dans ce conflit, l'UCK. Votre organisation, a-

25 t-elle mené des recherches ou des enquêtes les concernant ?

Page 5512

1 R. Oui. Comme je l'ai dit, le rapport sur "Les violations du droit

2 humanitaire au Kosovo," ainsi que des rapports ultérieurs, présentaient

3 une analyse très détaillée de l'applicabilité de l'Article 3 commun aux

4 conventions de Genève, ainsi que les protocoles additionnels de ces mêmes

5 conventions. Aux fins de cette analyse, il nous a fallu, bien entendu, nous

6 pencher en détail sur la nature de l'UCK et sur son organisation.

7 Q. Toujours sur l'UCK. Quels éléments avez-vous étudiés dans l'analyse

8 dont vous venez de parler ?

9 R. Nous avons étudié le niveau d'organisation des forces de l'UCK. Nous

10 avons essayé de voir si, par exemple, ils portaient des uniformes, s'il

11 semblait y avoir une filière hiérarchique, quelles étaient les sources de

12 financement dont ils disposaient ? Y avait-il un commandement supérieur ?

13 Des choses comme cela.

14 Q. Pour passer ces différents éléments en revue l'un après l'autre.

15 Quelles ont été vos conclusions concernant le niveau d'organisation de

16 leurs forces ?

17 R. Le degré d'organisation de l'UCK évoluait avec le temps. Même avant

18 février 1998, les forces étaient déjà relativement actives,

19 particulièrement dans la zone de Drenica au Kosovo. Au moment dont nous

20 parlons ici, à savoir février 1998, et elles semblaient s'être davantage

21 organisées. La plupart des soldats portaient l'uniforme et des insignes de

22 l'UCK démontrant leur allégeance. Il semblait également y avoir un certain

23 nombre de commandants de zones qui, d'après les sources dont nous

24 disposions, étaient représentés au sein d'un commandement supérieur.

25 Q. Ceci figure dans le rapport concernant les régulations du droit

Page 5513

1 humanitaire au Kosovo, n'est-ce pas, ces conclusions ? Avant d'en venir à

2 cela, pouvez-vous nous dire comment vous êtes parvenu à ces conclusions ?

3 R. Elles sont basées sur nos propres observations sur le terrain. Ici, je

4 dois limiter mon témoignage aux missions que j'y ai effectuées en septembre

5 et novembre 1998. Mais mon collègue Fred Abrahams a, bien sûr, lui-même

6 effectué ses propres observations dans le cadre des missions qu'il a

7 effectuées. Puis, nous avons eu des contacts approfondis avec des

8 journalistes, particulièrement des journalistes de Koha Ditore qui

9 interviewaient, de manière régulière, des commandants de l'UCK et qui

10 connaissaient bien les noms des commandants et la structure de

11 l'organisation; tout comme le CICR, les missions d'observateurs

12 diplomatiques au Kosovo, les journalistes internationaux, ainsi que des

13 groupes de défense des droits de l'homme à l'échelle locale.

14 Q. Pouvez-vous nous dire où nous pouvons retrouver ces questions et les

15 réponses qui y sont apportées dans le rapport consacré aux "violations du

16 droit humanitaire au Kosovo." C'est à l'intercalaire 5 ?

17 R. Oui, c'est au chapitre 11 de ce même rapport. Il est intitulé "Normes

18 juridiques dans le cadre du conflit du Kosovo." C'est quelque chose que

19 l'on trouve à la page 88 et aux pages suivantes. Les éléments

20 d'informations concernant l'UCK et son organisation commencent à la page

21 92.

22 M. SHIN : [interprétation] Il s'agit du numéro ERN K0364882, et la section

23 commence à la page 88 du rapport, numéro ERN K0364878.

24 Q. Venons-en à la page 92. J'aimerais que vous nous expliquiez les choses

25 plus en détail. Nous avons la page sous les yeux. J'aimerais simplement que

Page 5514

1 vous nous expliquiez un certain nombre d'informations qui y figurent.

2 La première phrase dit la chose suivante et je cite : "Bien que l'UCK

3 soit principalement une armée de guérillas sans structure hiérarchique

4 figée et qu'il y a, à l'intérieur, différentes factions distinctes, au

5 cours de la période couverte par le présent rapport (de février à

6 septembre), l'UCK était une force militaire organisée aux regards du droit

7 humanitaire."

8 Vous parlez ici "d'une filiale hiérarchique rigide ou figée." Qu'est-ce que

9 vous voulez dire ?

10 R. Cela veut dire qu'à ce moment-là, la voie hiérarchique était

11 relativement fluide, à savoir qu'on n'y trouvait pas, par exemple, des

12 grades officiels qui étaient attribués à différents types d'officiers. Pour

13 nous, il était souvent difficile de comprendre qu'elle était la place

14 véritable qu'occupait tel ou tel commandant au sein de la structure

15 hiérarchique. Par la suite, nous avons été en mesure de parler de

16 commandants régionaux, de commandants sous-régionaux, et de savoir quelle

17 personne relevait de leur commandement.

18 Q. Pour être tout à fait clair, vous parlez de quelle période ? Il s'agit

19 de la période allant de février à septembre ?

20 R. Oui, tout à fait. Mais au cours de cette période, la filière

21 hiérarchique a commencé à se figer un peu plus. Mais cette description peut

22 véritablement s'appliquer dès février 1988.

23 Q. Nous allons poursuivre la lecture de ce paragraphe pour en arriver à

24 l'avant-dernière phrase. Je la lis : "Les commandants régionaux, pas tous,

25 mais la plupart, étaient représentés au haut commandement, à une instance

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1 qui prenait les décisions pour l'ensemble de l'UCK."

2 De quelle période était-on en train de parler ici ?

3 R. Même période, à ceci près, que l'usage du terme "haut commandement"

4 aurait été probablement plus précis "quartier général," qui est le terme

5 qu'utilisait l'UCK.

6 Q. J'aurais encore quelques questions à vous poser à propos de cette même

7 page. Au paragraphe suivant, première phrase, on fait référence au poste de

8 contrôle et aux politiques et procédures. Est-ce que vous pourriez nous

9 faire part de vos commentaires sur ce point ?

10 R. Oui. Une des choses qui frustrait le plus les observateurs et les

11 journalistes au Kosovo, c'était que très souvent on nous arrêtait aux

12 postes de contrôle, on nous demandait de montrer notre sauf-conduit délivré

13 par l'UCK, Adem Demaqi. Si l'on ne pouvait pas montrer ce sauf-conduit ou

14 ce laissez-passer, ce n'était pas rare de faire marche arrière.

15 Malheureusement, Adem Demaqi ne délivrait des sauf-conduits que pour une

16 seule journée. C'était très difficile d'en obtenir, parce qu'il ne se

17 levait pas très tôt le matin non plus. Donc, pour nous c'était difficile

18 d'en obtenir.

19 Q. Pourriez-vous nous rappeler qui est Adem Demaqi.

20 R. Il était le représentant politique de l'UCK à Pristina.

21 Q. Je vous propose de continuer de parcourir ce même paragraphe, troisième

22 phrase à partir de la fin, qui commence par, "despite" en anglais,

23 "malgré."

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Si je vous fais lecture de cette phrase, j'imagine que lorsque l'on

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1 dit, "malgré cela," on fait référence au manque de discipline. Mais "malgré

2 cela, il est manifeste que les dirigeants de l'UCK parvenaient à organiser

3 des attaques systématiques dans de grandes parties du Kosovo."

4 Il est marqué la grande partie du Kosovo. A quoi fait-on allusion

5 exactement ?

6 R. Cela inclurait l'offensive assez importante entreprise par l'UCK après

7 février/mars, après les atrocités de février/mars, commises par les forces

8 yougoslaves. On en a discuté il y a quelques instants. Ensuite, cela les a

9 amenés à prendre le contrôle du plus gros de Drenica, c'est-à-dire la

10 région centrale du Kosovo, qui est essentiellement une zone rurale. Mais

11 cela s'explique aussi suite à l'offensive qui n'a pas vraiment abouti

12 finalement sur la ville d'Orahovac, et là, c'est la seule fois où l'UCK a

13 essayé de prendre contrôle d'une grande ville. Cela n'a pas vraiment

14 échoué, après une période de deux jours, ils ont arrêté d'essayer. Mais

15 cela a été des offensives qui avaient été coordonnées par pas mal de

16 combattants.

17 Q. Je souhaite passer au paragraphe suivant, sur la page suivante.

18 Excusez-moi, Monsieur Bouckaert, vous souhaitiez dire quelque chose ?

19 R. Oui. Je crois qu'il y a un facteur qui est quand même pertinent qui est

20 à propos des procédures, juste après ce dont l'on vient de discuter. Parce

21 qu'il y a l'aspect financier, la coordination de l'appui financier au

22 Kosovo, et les armes qui provenaient de Kosovo. Il y avait distribution

23 d'armes dans l'ensemble de la province, et c'est l'UCK qui se chargeait de

24 cette distribution. Là encore, pour nous, c'était un signe de l'aptitude de

25 coordination dont faisait montre l'UCK.

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1 Q. Merci.

2 Le paragraphe suivant qui commence, et je cite : "D'avril à mi-

3 juillet 1998, l'UCK contrôlait jusqu'à 40 % du territoire du Kosovo, même

4 si la plus grande partie de ce territoire fut reprise par les forces

5 gouvernementales au mois d'août 1998."

6 Pourriez-vous nous expliquer comment Human Rights Watch est arrivé à ce

7 chiffre de 40 % ?

8 R. Oui. La zone contrôlée par l'UCK à cette époque-là c'était le plus gros

9 de Drenica ainsi que la zone en dessous de Drenica, c'est-à-dire Malisevo

10 et des villes telles que Malisevo. Donc, on a simplement regardé une carte

11 et on a consulté d'autres organisations ici, y compris la Mission

12 d'observation diplomatique du Kosovo et on

13 est arrivé à la conclusion que ce chiffre, cela représentait à peu près le

14 pourcentage de territoire, dont la plus grande partie, encore une fois,

15 était un territoire rural contrôlé par l'UCK.

16 Q. Peut-on examiner le reste de la section ? Ceci dit, je ne veux pas

17 rentrer dans les détails.

18 Nous avons cette section. Je vous propose en fait de passer à une

19 autre question. Vous avez fait référence à l'intensification du conflit

20 armé en février 1998 tout à l'heure. Est-ce que vous pourriez, très

21 brièvement, nous dire ce qui s'est passé précisément en février 1998.

22 Qu'est-ce que vous entendez exactement par intensification des conflits ?

23 R. On trouve cela dans le rapport, et Fred Abrahams, qui était également

24 chargé de la recherche, en a parlé. Il y a eu un élément-clé au cours du

25 conflit, à savoir une série d'attaques lancées par les forces yougoslaves

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1 sur trois villages autour de Drenica, qui ont conduit à des massacres très

2 graves; Kirez [phon], Donja Prekaz et Likoshan, si je ne me trompe pas.

3 Apparemment, c'était un événement-clé, déterminant, et là je fais référence

4 à l'assassinat de pratiquement toute la famille d'Adem Jashari, qui était

5 considéré comme étant le dirigeant principal de l'UCK. Ce massacre a

6 vraiment modifié la situation sur place. Au cours de l'enterrement de

7 certaines des victimes, des dizaines de millier de personnes étaient

8 présentes, et cela a permis à l'UCK de lancer une opération de recrutement

9 parmi cette multitude, et cela a permis de lancer des opérations.

10 Evidemment, cela a modifié d'autant la situation au Kosovo.

11 Q. Question de suivi : lorsque vous parlez d'intensification, comment

12 décririez-vous le niveau du conflit suite aux événements que vous venez de

13 décrire ?

14 R. Si on prend comme point de départ février 1998, on s'est aperçu que, de

15 plus en plus, on utilisait des mesures typiquement militaires, des

16 tactiques et des armements typiquement militaires. J'entends par là des

17 chars armés, des véhicules blindés, des hélicoptères. A partir de la fin du

18 mois de février 1998, les combats étaient pratiquement incessants avec de

19 très brèves pauses. Cette intensification, elle a commencé à partir des

20 massacres que j'ai décrits, et essentiellement, la frontière entre le

21 Kosovo et l'Albanie. Puis ensuite, il y a eu un déplacement vers le centre

22 du Kosovo où les forces de l'UCK ont lancée des offensives, ce qui leur a

23 permis de prendre contrôle de parties importantes du Kosovo. Puis ensuite,

24 vers la fin de l'été, nouvelle modification. Une offensive de l'armée

25 yougoslave en masse, qui a permis de reprendre le contrôle de certaines de

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1 ces zones, et avec pour conséquence les massacres dont on a parlé à

2 Drenica, entre autres. C'est là juste un résumé très bref d'événements que

3 l'on trouve dans le rapport "Droit humanitaire au Kosovo."

4 Q. Quand s'est terminé le conflit ?

5 R. Le conflit ne s'est jamais vraiment terminé. Il y a eu de brèves

6 interruptions du conflit après l'accord intervenu entre le Holbrooke et

7 Milosevic avec les premières menaces de bombardement par l'OTAN du Kosovo.

8 Milosevic a fait une promesse, à savoir d'assurer le retrait de ses troupes

9 de la plus grande partie du Kosovo. Comme en témoignent les massacres de

10 Racak, il n'a pas respecté cette promesse, et d'ailleurs ceci figure dans

11 notre rapport. Puis finalement, cela a conduit, au bout du compte, aux

12 offensives de l'OTAN et au retrait des forces yougoslaves après la fin des

13 bombardements de l'OTAN.

14 Q. Vous avez fait référence à des structures organisationnelles. Human

15 Rights Watch, a-t-elle mené enquête sur les questions de discipline de part

16 et d'autre ?

17 R. Oui.

18 Q. Quels ont été les constats faits par Human Rights Watch ? Je vous

19 demande de commencer par l'UCK.

20 R. Non, je préfèrerais commencer par les forces yougoslaves qui agissaient

21 en parfait impunité sur le terrain; c'est ce qu'on a constaté. Mais la

22 situation s'agissant de l'UCK était un peu plus complexe parce qu'ils

23 prétendaient, lorsqu'ils nous parlaient, qu'ils avaient des procédures

24 disciplinaires en place. Mais tout au long de la période au cours de

25 laquelle nous avons effectué des recherches, lorsqu'il y avait des petits

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1 incidents comme Stacey Sullivan dont on a brûlé le carnet, à part cela,

2 nous n'avons pas trouvé un seul exemple d'action disciplinaire prise par

3 l'UCK à l'encontre de ses propres membres. Ils n'ont jamais fourni des

4 informations à chaque fois que nous avons demandé, et nous l'avons fait à

5 plusieurs reprises, des informations sur ce genre d'actions disciplinaires

6 éventuelles.

7 Q. Monsieur Bouckaert, je souhaiterais à présent revenir à la question des

8 journalistes Tanjug portés disparus. Vous nous avez dit qu'une source de

9 l'UCK, pour les constatations faites par Human Rights Watch, était Jakup

10 Krasniqi, au cours des entretiens. Est-ce que vous aviez une autre source

11 au sein de l'UCK ?

12 R. De quel cas particulier parlez-vous ?

13 Q. Les journalistes portés disparus.

14 R. Krasniqi, c'était la source pour les deux personnes serbes croates

15 portées disparues. Pour ce qui est des deux journalistes serbes, il y avait

16 comme source Adem Demaqi et le CIRC, si je ne me trompe pas.

17 Q. Qu'a fait Human Rights Watch pour assurer le suivi de ce cas ?

18 R. Nous avons, par le truchement d'un intermédiaire, demandé à rencontrer

19 les membres de l'UCK et du quartier général de l'UCK, de manière à ce que

20 l'on puisse discuter de ces affaires, ainsi que d'autres questions.

21 Q. L'intermédiaire, a-t-il pris des dispositions vous permettant de

22 rencontrer ces gens ?

23 R. Oui

24 Q. Quand?

25 R. Cette rencontre a eu lieu le 10 novembre 1998.

Page 5521

1 Q. Pour être sûr d'avoir bien compris, quel objectif aviez-vous ? Pourquoi

2 vouliez-vous avoir cet entretien ?

3 R. Nous voulions une voie de communication avec l'UCK. Nous voulions

4 expliquer notre travail au Kosovo. Nous voulions les informer de leurs

5 obligations internationales au titre des droits de la guerre. Nous voulions

6 leur indiquer que nous étions concernés par le sort, notamment, de ces deux

7 journalistes, et nous souhaitions leur poser des questions quant à leur

8 code de conduite ou de déontologie, ainsi que sur d'autres questions qui

9 nous intéressaient particulièrement.

10 Q. Où s'est tenue cette rencontre ?

11 R. On nous a demandé de nous rendre dans la ville de Malisevo, et nous y

12 avons attendu jusqu'à ce que viennent nous retrouver deux représentants de

13 l'UCK. Ensuite, ce sont eux qui nous ont amenés à l'endroit de la

14 rencontre.

15 Q. Quand vous dites "nous," qui entendez-vous ?

16 R. Moi-même, Fred Abrahams et l'intermédiaire local.

17 Q. Vous vous êtes rendus dans cette ville. Une ville près de Malisevo vous

18 avez dit; c'est cela ?

19 R. Oui.

20 Q. Que s'est-il passé ?

21 R. Ils sont arrivés dans une jeep Niva blanche. Ils portaient un uniforme

22 militaire. Ils nous ont demandé de bien vouloir les accompagner. Ils nous

23 ont conduits vers une ferme dans une ville appelée Banja. Nous avons

24 pénétré dans la ferme en question, c'était juste une bâtisse normale, elle

25 n'avait rien de militaire dans sa structure. Ensuite, nous nous sommes

Page 5522

1 assis, et la rencontre a eu lieu.

2 Q. Je me permets de vous interrompre parce que je souhaiterais vous poser

3 la question suivante : lorsqu'ils vous ont conduits, j'imagine que vous

4 étiez dans leur voiture ?

5 R. Non, nous étions dans notre propre voiture. Nous les avons suivis.

6 Q. Ces deux personnes, est-ce qu'elles se sont présentées ? Est-ce

7 qu'elles ont dit qui elles étaient, lorsque vous les avez rencontrées,

8 avant que vous ne les suiviez ?

9 R. Nous avons immédiatement reconnu l'un d'entre eux; c'était Hashim

10 Thaqi.

11 Q. A ce moment-là, est-ce que vous avez reconnu l'autre ?

12 R. Non.

13 Q. Comment a commencé votre rencontre ?

14 R. Tout d'abord, nous avons fait un petit tour de table et nous nous

15 sommes présentés. D'abord, eux, se sont présentés, et nous nous sommes

16 présentés.

17 Q. Combien de personnes étaient présentes dans cette pièce ?

18 R. Nous-mêmes, moi-même, Fred Abrahams, et notre intermédiaire, nous

19 trois, ainsi que les deux représentants de l'UCK, et il y avait un autre

20 homme dans la maison, mais il n'a pas participé à la rencontre; il

21 s'agissait d'un homme âgé.

22 Q. A propos, j'ai oublié de vous demander, quelle heure était-il a peu

23 près ?

24 R. Nous sommes allés en voiture depuis Pristina vers 9 heures. Nous avons

25 quitté Pristina, nous sommes arrivés là vers 10 heures et demie. La

Page 5523

1 rencontre a dû commencer vers 11 heures et elle a durée deux heures.

2 Q. Comment les deux représentants de l'UCK se sont-ils présentés à vous ?

3 Si vous pouviez les présenter l'un après l'autre.

4 R. M. Thaqi a été le premier à se présenter. Il a dit qu'il était

5 responsable du département politique du QG de l'UCK.

6 Ensuite, la deuxième personne s'est présentée. Il a dit qu'il était

7 Celiku et il a dit qu'il était chef du département juridique du quartier

8 général de l'UCK.

9 Q. J'imagine que vous-même et Fred Abrahams, vous vous êtes présentés.

10 R. Oui. Ensuite, nous nous sommes présentés. Nous avons expliqué le

11 travail de Human Rights Watch au Kosovo. Nous sommes remontés jusqu'au

12 début de notre travail, au début des années '90. Puis, nous avons décrit

13 également le travail que nous accomplissions au cours du conflit.

14 Q. De quelle manière ont-ils réagi à vos explications portant sur le

15 travail Human Rights Watch ?

16 R. Les représentants de l'UCK nous ont fait part de leur gratitude. Ils

17 ont dit qu'ils appréciaient à sa juste valeur le travail Human Rights

18 Watch.

19 Q. Lorsque vous dites "les représentants de l'UCK," est-ce que vous

20 pourriez nous dire plus précisément qui parle exactement ?

21 R. Il m'est impossible de vous dire exactement qui a dit quoi. D'une

22 manière générale, j'aurais tendance à dire que c'était M. Thaqi qui

23 semblait être supérieur hiérarchiquement à Celiku, et il a parlé le plus

24 souvent, plus activement. Ceci dit, M. Celiku a aussi participé à la

25 réunion.

Page 5524

1 Ceci dit, la personne qui a dit qu'elle était reconnaissante pour

2 notre travail, c'était M. Thaqi.

3 Q. Quelle était la nature des sujets de vos conversations ?

4 R. Après avoir décrit brièvement notre travail, après avoir accepté les

5 remerciements, M. Thaqi et les représentants de l'UCK nous ont dit cela.

6 Puis, nous avons dit que nous étions également témoins de violations par

7 les membres de l'UCK.

8 Q. Quelle a été la réaction des deux représentants ?

9 R. Après que nous avons dit cela, M. Thaqi nous a interrompus en nous

10 disant qu'effectivement il arrivait qu'il y ait des violations en temps de

11 guerre.

12 Q. Ensuite, de quoi avez-vous discuté ?

13 R. Nous avons parlé, de façon plus détaillée, des préoccupations que nous

14 avions ayant trait à l'UCK. C'était une sorte de partie de ping pong entre

15 deux sujets. D'abord, le code de conduite ou de déontologie de l'UCK, et

16 l'autre sujet était les deux journalistes qui avaient été détenus par l'UCK

17 en octobre.

18 Q. Je vous propose qu'on examine chaque question séparément.

19 Le code de conduite ou la déontologie, de quelle manière avez-vous parlé de

20 ce sujet ?

21 R. M. Thaqi a commencé par dire qu'effectivement il y avait des violations

22 et des abus lorsqu'on était en période de guerre. Nous, nous avons dit, et

23 j'ai dit moi-même en ma qualité de juriste, que je pouvais fournir une

24 explication, ce que j'ai fait, des implications et des répercussions en

25 matière de droit international. Suite à quoi, M. Thaqi a répondu en disant,

Page 5525

1 Oui, nous avons un code de conduite qui règle ces questions. Puis ensuite,

2 nous, nous avons demandé si nous pouvions avoir un exemplaire de ce code de

3 conduite. Ils nous ont répondu que non, cela n'était pas possible en raison

4 du secret militaire ou quelque chose de ce genre-là, qu'ils n'allaient pas

5 pouvoir nous fournir un exemplaire de ce code de conduite.

6 Q. Vous ne vous en souviendrez peut-être pas, et si c'est le cas,

7 n'hésitez pas à me le dire, mais lorsque vous dites qu'ils ont dit non,

8 vous souvenez-vous de la personne qui a dit, Non, vous n'allez pas pouvoir

9 voir ce code de conduite ?

10 R. Je pense que c'était M. Thaqi, si je ne me trompe pas. Mais M. Celiku a

11 participé à cette discussion aussi. Il a dit quelques mots à propos des

12 structures civiles qu'ils étaient en train d'essayer de mettre en place

13 dans les zones dépendantes de leur contrôle, de manière à veiller à ce que

14 soit instauré l'état de droit dans les zones contrôlées par eux.

15 Q. Nous reviendrons à cela dans quelques instants. Je souhaiterais vous

16 poser une autre question tout d'abord. Vous avez évoqué la question du

17 droit international. M. Thaqi a répondu en discutant du code de conduite.

18 M. Thaqi ou M. Celiku, ont-ils réagi de quelque autre manière à la question

19 du droit international ? Est-ce qu'ils ont dit quoi que ce soit d'autre ?

20 R. Non, mais ils avaient l'air de bien connaître leurs obligations au

21 titre de la convention Genève. Ils ont certainement indiqué que l'UCK avait

22 la ferme intention de respecter les règles de la convention de Genève.

23 Q. Je souhaiterais revenir à présent à ce dont vous nous parliez il y a

24 quelques instants. Les structures civiles qu'ils souhaitaient mettre en

25 place de manière à instaurer l'état de droit. C'est M. Celiku, nous avez-

Page 5526

1 vous dit, qui a évoqué cette question. Est-ce que vous pourriez nous en

2 dire un peu plus sur ce point ? Qu'est-ce qui a été dit exactement ?

3 R. Je ne me souviens pas très exactement de ce qu'a dit M. Celiku, mais

4 grosso modo, ce qu'il essayait de nous expliquer, c'était ceci : l'UCK

5 était une armée sous pression qui essayait de mettre en place des

6 structures, et une des choses qu'ils essayaient de mettre en place, c'était

7 de mettre en place des structures civiles dans les zones qu'il décrivait

8 comme étant des zones libérées. Il a expliqué quelles étaient les

9 difficultés qu'ils rencontraient, dès lors il s'agissait de faire cela.

10 Puis, on est revenu à ce sujet quand on a discuté, après, des cas de ces

11 deux journalistes qui avaient été détenus par l'UCK.

12 Q. Je souhaiterais revenir en arrière et parler à nouveau de ces deux

13 journalistes. Lorsque vous avez parlé de ces deux journalistes, cela a

14 commencé comment ?

15 R. C'est nous qui avons lancé la discussion. Nous avons dit que nous

16 étions tout particulièrement inquiets du sort de ces deux journalistes qui

17 avaient été détenus.

18 Q. Est-ce que quelqu'un a réagi, et si oui, qui ?

19 R. La discussion s'est terminée un petit peu en queue de poisson, cette

20 discussion à propos des deux journalistes. Parce que je me souviens que M.

21 Thaqi nous a dit qu'il était particulièrement frustré en raison de la

22 tension qu'avait suscitée la détention de ces deux journalistes. Il a

23 rappelé qu'il y avait pas mal quand même de journalistes albanais et de

24 militants, défenseurs des droits de l'homme, albanais qui avaient aussi été

25 détenus par les autorités yougoslaves.

Page 5527

1 Permettez-moi de signaler ceci aussi, ils ont dit que ces deux

2 journalistes avaient subi un procès. Puis ensuite, des questions

3 spécifiques ont été posées à propos de ce - c'est nous qui avons posé ces

4 questions - nous avons dit, Mais ce procès, cela s'est fait comment ? Nous

5 avons dit, Est-ce qu'ils ont eu une représentation par un conseil, par un

6 avocat ? La réponse qu'on nous a donnée a été de dire que, oui, un conseil,

7 un avocat avait été invité, mais qu'il n'était pas venu. Nous avons demandé

8 si les deux personnes étaient présentes au cours de ce procès. La réponse

9 qu'on nous a donnée c'est que : Non, ils n'étaient présents. Nous avons

10 ensuite demandé quels étaient les chefs d'accusation. Nous avons demandé si

11 on avait eu le temps de préparer la défense, et cetera, et on nous a dit

12 que non, ce n'était pas le cas.

13 Puis, ils nous ont dit qu'il y avait des chefs d'accusation qui

14 étaient beaucoup plus sérieux que le chef d'accusation d'espionnage. Ceci

15 dit, ils n'en ont pas parlé de manière très détaillée. Suite à cette

16 discussion, moi, je tenais à leur dire quelque chose. Je leur ai dit que

17 nous estimions que c'était un procès qui était bien en deçà des normes

18 internationales en la matière et que nous estimions qu'il fallait libérer

19 ces deux journalistes.

20 Q. Avant que nous poursuivions sur ce sujet, je souhaiterais que nous

21 revenions à ce que vous venez de nous dire à propos de la discussion qui a

22 eu lieu à propos des deux journalistes. Lorsque vous dites, "ils," ils nous

23 ont répondu, les deux représentants de l'UCK, est-ce que vous pourriez être

24 plus précis quant à l'identité de qui dit quoi à quel moment ?

25 R. Je me souviens que les deux ont participé très activement à cette

Page 5528

1 discussion, et ils connaissaient tous les deux très bien les détails de ce

2 procès. Nous avions demandé très spécifiquement à notre intermédiaire

3 d'organiser une réunion pour qu'on puisse discuter de cette question-là et

4 de cette affaire. Je crois que M. Celiku était à cette réunion parce qu'il

5 était précisément responsable du service juridique, et c'est la raison pour

6 laquelle il était là au moment de notre rencontre.

7 Q. Vous nous dites qu'il avait été fait référence, à ce moment-là, des

8 chefs d'accusation beaucoup plus sérieux ou potentiellement beaucoup plus

9 sérieux que l'espionnage. Est-ce que cela veut dire que le chef

10 d'accusation principal c'était espionnage ? Est-ce que vous en avez parlé

11 de cela ?

12 R. Oui, par le truchement nos sources, nous savions déjà qu'ils avaient

13 été inculpés pour espionnage et qu'ils avaient été condamnés à 60 jours de

14 détention dans la prison UCK numéro 7, qui est une prison que nous ne

15 connaissions pas. Nous ne savions pas non plus où se trouvait cette prison.

16 Q. Est-ce que vous pourriez être un peu plus précis. Qui vous a dit qu'ils

17 étaient détenus dans la prison numéro 7 ?

18 R. C'était un journaliste du journal albanais à Koha Ditore qui nous

19 l'avait dit. Je ne sais pas si l'UCK a fait une déclaration officielle à

20 propos de ceci.

21 Q. Pour que tout soit parfaitement clair, est-ce qu'au cours de la

22 conversation que vous avez eue, il a été fait référence à cette prison

23 numéro 7 ?

24 R. Je ne sais pas si l'emplacement de la prison a fait l'objet de

25 discussion au cours de notre rencontre. Ceci étant dit, je veux dire que

Page 5529

1 nous avons posé la question, et si vous le permettez, je préfère vous

2 décrire les choses dans l'ordre chronologique, parce qu'une fois que je dis

3 que ce procès ne respectait pas les normes internationales en la matière et

4 après avoir demandé à ce que soient libérés les deux journalistes, on nous

5 a dit répondu -- il me semble que c'était M. Celiku qui nous a répondu, à

6 ce moment-là, que c'était une question qui relevait des autorités

7 judiciaires et que par conséquent, il ne voulait pas s'ingérer dans les

8 affaires de l'autorité judiciaire et qu'il y aurait appel. C'est à ce

9 moment-là que nous avons demandé -- enfin, on nous a dit aussi qu'ils

10 étaient en bonne santé et qu'ils n'avaient pas été victimes d'abus ou de

11 sévices. A ce moment-là, nous avons demandé à avoir accès aux prisonniers

12 et nous avons demandé, également, avoir accès à l'audience en appel.

13 Malheureusement, comme nos autres demandes, on s'est vus opposés une fin de

14 non-recevoir.

15 Q. Encore une fois, pour que ce soit précis, qui parlait ? Lorsque vous

16 parliez de ce procès, qui parlait ?

17 R. Je crois que lorsqu'on parlait de l'indépendance judiciaire, c'était

18 Celiku qui parlait de cela.

19 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, aux fins du compte rendu,

20 je demandais si mon éminent confrère pourrait demander au témoin si,

21 effectivement -- on dit, maintenant, que la prison numéro 7 a été

22 mentionnée, au cours de la réunion parce que je ne suis pas sûr qu'on ait

23 répondu à la question de savoir si, au cours de l'entretien, la prison

24 numéro 7 a été citée.

25 LE TÉMOIN : [interprétation] Je ne me souviens pas si on a cité la prison

Page 5530

1 numéro 7, au cours de notre rencontre.

2 M. SHIN : [interprétation] Merci.

3 Q. Vous avez parlé de cette demande d'accès. Vous demandiez d'avoir accès

4 aux prisonniers ainsi qu'à l'audience en appel et vous avez qu'on vous a

5 opposé une fin de non-recevoir. On vous a opposé cette fin de non-recevoir

6 au cours de la rencontre ?

7 R. Oui.

8 Q. Si vous vous en souvenez, qui a opposé cette fin de

9 non-recevoir ?

10 R. Je ne m'en souviens pas.

11 Q. Y avait-il une raison qui expliquait pourquoi vous ne pouviez pas aller

12 visiter les prisonniers à l'endroit où ils étaient ?

13 R. Je crois que la raison d'ordre général pour laquelle on disait non à

14 toutes nos demandes, la raison principale, c'était, secret militaire. C'est

15 vrai qu'ils nous ont dit que si on voulait interjeter auprès de la cour

16 d'appel, on pouvait le faire par le truchement du bureau d'Adem Demaqi.

17 Q. Vous dites que l'argument du secret militaire a été avancé. Pourquoi

18 est-ce que vous estimez que c'était, là, la raison principale pour laquelle

19 on vous disait non ?

20 R. Je me souviens qu'ils ont dit non à notre demande de voir le code de

21 conduite sur base du secret militaire. Maintenant, je ne peux pas dire que

22 je me souvienne très exactement de l'argument qu'ils ont avancé pour

23 expliquer pourquoi nous ne pouvions pas nous rendre dans la prison. Peut-

24 être aurais-je mieux fait de dire que je ne m'en souviens pas.

25 Q. Si je ne me trompe pas, vous nous avez dit qu'on vous avait dit, au

Page 5531

1 cours de cette rencontre, que l'état de santé des détenus était bon ?

2 R. Oui.

3 Q. Qui vous l'a dit ? Vous en souvenez-vous ?

4 R. Oui, je m'en souviens. C'était M. Celiku.

5 Q. Vous ne parlez albanais, c'est ce que vous nous avez dit tout à

6 l'heure. Comment s'est déroulée la réunion, linguistiquement parlant ?

7 R. L'intermédiaire nous servait, également, d'interprète et Fred Abrahams

8 parle albanais, lui. Mais cela a été traduit pour moi.

9 Q. Lorsqu'on vous a dit qu'on ne vous donnerait pas accès au procès en

10 appel, est-ce qu'ensuite, vous avez passé à d'autres sujets de

11 conversation ?

12 R. Oui. Nous avons, ensuite, discuté d'un certain nombre d'autres sujets.

13 Puis, après cela, nous avons, également, dit qu'il y aurait une

14 alternative, s'ils ne voulaient pas relâcher ces deux détenus. S'il y avait

15 une question d'indépendance judiciaire, ce que pourrait faire le quartier

16 général, ce serait d'accorder une amnistie aux prisonniers. Là, nous avons

17 offert notre aide dès lors qu'il s'agissait d'accorder une amnistie aux

18 deux détenus. Nous avons présenté des arguments assez fermes en faveur --

19 enfin, sur base du bien que cela ferait à l'UCK en matière de relations

20 publiques, arguments en faveur de leur libération, bien entendu. Puis,

21 ensuite, nous sommes revenus -- enfin, nous avons discuté -- vous voulez

22 que je continue ou --

23 Q. Oui, je vous en prie.

24 R. Nous avons également discuté de la question de la coopération entre

25 l'UCK et nous-mêmes; entre l'UCK et le bureau du procureur d'un tribunal

Page 5532

1 yougoslave sur la question des crimes de guerre, notamment, s'agissant de

2 l'identification de responsables yougoslaves associés aux crimes de guerre.

3 Puis, un dernier sujet que nous avons abordé, c'était le sujet de savoir si

4 l'UCK avait pris des mesures disciplinaires à l'encontre d'individus

5 membres de l'UCK.

6 Q. Que vous ont dit les représentants de l'UCK sur ce dernier sujet ?

7 R. M. Thaqi nous a dit qu'il y avait eu des mesures disciplinaires prises

8 contre certains membres de l'UCK.

9 Q. Est-ce qu'il vous a donné des détails ?

10 R. Nous lui avons demandé précisément des détails. Nous lui avons demandé

11 s'il pouvait nous fournir des détails. Nous avons dit que nous les

12 donnerions dans nos propres rapports, de montrer que l'UCK ne faisait pas

13 simplement parler de son engagement à vos conventions de Genève, mais

14 qu'elle s'y tenait activement. Mais on ne nous a pas donné d'exemple ou de

15 détail, dans aucun cas.

16 Q. Est-ce qu'on vous a donné des détails sur des cas, quels qu'ils soient,

17 après cette réunion ?

18 R. Non. Comme nous le disons très clairement, pour ce qui est de la

19 période après les conflits, nous n'avons jamais reçu d'information de l'UCK

20 concernant les cas précis dans lesquels les soldats auraient été punis pour

21 des abus qui auraient été commis.

22 Q. Vous nous avez dit que M. Celiku -- je crois que vous avez parlé du

23 département juridique, des questions juridiques.

24 R. J'ai dit qu'il était le chef du département juridique au quartier

25 général.

Page 5533

1 Q. Est-ce qu'il a expliqué ce que cela voulait dire ?

2 R. Non.

3 Q. Est-ce que vous le lui avez demandé ?

4 R. Non.

5 Q. Le jour de cette réunion, est-ce que vous avez entendu dire que M.

6 Celiku avait un autre nom ? Est-ce que vous l'avez entendu appelé par un

7 autre nom ?

8 R. Non, je ne le connaissais pas par ce nom de Celiku, pas avant cette

9 réunion. Nous ne l'avions jamais rencontré.

10 Q. Est-ce que vous avez appris, par la suite, qu'il avait un autre nom que

11 Celiku ?

12 R. Oui. Mon collègue Abrahams établit que son nom était Fatmir Limaj.

13 Q. Combien de temps a duré cette réunion ?

14 R. Elle a duré, à peu près, deux heures. Elle s'est terminée de façon

15 amiable et nous étions satisfaits du fait que l'UCK avait accepté d'avoir

16 une discussion sérieuse avec nous et nous sommes restés satisfaits de ce

17 fait que l'UCK était disposé à s'entretenir avec toutes ces questions, à la

18 différence des membres des forces yougoslaves.

19 Q. Ces événements, cette réunion proprement dite, ce qui s'est dit dans

20 cette réunion, est-ce qu'il en a été rendu compte dans des rapports de

21 Human Rights Watch ?

22 R. Oui.

23 Q. Peut-être que pour gagner du temps, vous avez parlé, d'abord, de ces

24 questions de détention et d'abus dans ce rapport ?

25 R. Oui.

Page 5534

1 Q. Il y a quelque chose d'inclus dans un des paragraphes sur la page --

2 attendez, c'est le dernier paragraphe de la page 24 qui se poursuit sur la

3 page 25.

4 M. SHIN : [interprétation] C'est à l'intercalaire 4, Monsieur le Président,

5 Madame, Monsieur les Juges, pages 24 et 25 avec le numéro ERN 0067-6493

6 jusqu'à 494.

7 Q. Y avait-il, également, un autre rapport dans lequel vous avez rendu

8 compte de cette réunion et de ce qui s'y était dit ?

9 R. Oui. Il y a eu une note interne concernant cette réunion, mais aussi,

10 il a été fait mention de cette réunion dans notre rapport qui, je pense,

11 figure au document, à l'intercalaire numéro 9. C'était dans le rapport,

12 "Under orders." J'espère que ceci a été répondu, ici.

13 Q. Juste pour gagner du temps, je vais vous demander de regarder la page

14 492 et vous pourriez me dire si c'est la bonne référence ?

15 R. Oui. Il en est également question, ailleurs, dans le rapport, mais

16 c'est l'un des endroits où il en est question au paragraphe 492 se

17 poursuivant à 493.

18 Q. Bien.

19 M. SHIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

20 Juges, c'est à la page 492 et 493 avec le numéro K0361-3426 à 27. C'est un

21 paragraphe qui commence à 1326 avec la phrase : "En novembre 1998, les

22 chercheurs de Human Rights Watch ont eu une réunion avec deux représentants

23 de l'UCK, Asim Taki et Fatmir Limaj pour discuter avec eux de la question

24 du respect des lois de la guerre.

25 Q. Monsieur Bouckaert, est-ce que ce rapport "Under orders" a été publié

Page 5535

1 ou diffusé ?

2 R. Cela a été diffusé. C'était en octobre 2001, mais il faudrait que je

3 vérifie à nouveau -- oui, en octobre 2001.

4 Q. Je vous remercie. Est-ce que Human Rights Watch a pris d'autres mesures

5 qui avaient trait à cette réunion ?

6 R. Oui. Nous avons écrit une lettre pour remercier l'UCK de nous avoir

7 permis d'avoir cette réunion.

8 Q. Je voudrais vous demander, maintenant, de regarder à l'intercalaire

9 numéro 8, numéro ERN U008-0346, est-ce que c'est bien la lettre dont vous

10 nous avez parlé ?

11 R. Oui.

12 Q. Je voudrais vous poser quelques questions concernant cette lettre.

13 Premièrement qui l'a écrite ? Est-ce que c'est Abrahams qui l'a écrite ?

14 C'est exact ?

15 R. Oui.

16 Q. A qui était-elle adressée ?

17 R. Il est dit, en haut de la page, que c'était adressé aux représentants

18 politiques générales de l'UCK qui était M. Adem Demaqi, le directorat

19 politique -- la direction politique du quartier général, il y avait Hasim

20 Thaqi et le directeur judiciaire, c'était Fatmir Limaj.

21 Q. Comment saviez-vous que Fatmir Limaj était celui qui était chargé des

22 questions juridiques au quartier général ?

23 R. Parce que c'est comme cela qu'il s'est présenté lors de la réunion.

24 Q. Il faudrait que je vous pose quelques questions, à ce sujet, de façon

25 détaillée -- excusez-moi.

Page 5536

1 M. SHIN : [interprétation] Pourrions-nous placer cette lettre sur le

2 rétroprojecteur. Nous allons le faire de la manière classique puisque cette

3 lettre n'est pas comprise dans le système Sanction.

4 Q. Au premier paragraphe, il est fait référence à deux réunions, à la mi-

5 novembre, avec M. Adem Demaqi et M. Hashim Thaqi Est-ce que cette réunion

6 de la mi-novembre avec Hasim Thaqi, celle dont vous nous avez parlé, est à

7 Banja ?

8 R. Oui, c'est exact. Je regrette, le nom de M. Limaj n'est pas inclus.

9 Q. Pourquoi est-ce que le nom de M. Limaj n'est pas inclus ?

10 R. Parce qu'Asim Gashi était considéré comme un personnage très important.

11 Il avait été vu comme étant le chef public de l'UCK. Dans notre hâte, je

12 pense que nous avons oublié le nom de M. Limaj. J'espère qu'il n'a pas été

13 offensé de ne pas voir le nom de Fatmir Limaj quand cette lettre a été

14 préparée. Je n'ai pas appris le nom de M. Limaj pendant assez longtemps et

15 ce, après cela.

16 Q. Vous nous avez expliqué que la référence à la direction judiciaire

17 apparaît tout en haut de la lettre ?

18 R. Oui. La plupart des commandants, à l'époque, avaient un nom de guerre

19 et lui, c'était Celiku. Il y avait également Serpent, Tigre, et cetera. On

20 aurait pu commencer un zoo. Il y avait un très grand nombre de noms qui

21 étaient des noms d'animaux.

22 Q. Passons, maintenant, au deuxième paragraphe où il est question d'une

23 récente décision de relâcher les deux journalistes de Tanjug ainsi que des

24 activistes politiques albanais.

25 R. Oui.

Page 5537

1 Q. Quand est-ce que ces personnes ont été relâchées ?

2 R. C'était -- la date figure dans le rapport. Je crois que c'était un peu

3 plus tôt. J'en ai parlé dans ma déposition. Je ne veux pas deviner, mais je

4 pense que c'était le 27 novembre.

5 Q. Où est-ce qu'on pourrait retrouver cela ?

6 R. C'était peu de temps après notre réunion avec l'UCK que nous avons su

7 pour ces deux journalistes.

8 Q. Est-ce que vous avez appris, après la réunion, que ces journalistes

9 avaient été relâchés ?

10 R. Non. Les gens de l'UCK étaient sous pression, à ce moment-là, pour ce

11 qui était de relâcher ces deux journalistes. Je suis sûr qu'ils ont entendu

12 différentes sources, qu'on faisait pression pour qu'ils soient relâchés.

13 Q. Passons, maintenant, au paragraphe suivant. Une phrase qui inclut le

14 passage que nous souhaitons vous rappeler : "Les discussions que nous avons

15 eu au Kosovo en particulier; le respect, par l'UCK, des règles du droit de

16 la guerre." Les discussions, ici, ont trait au fait qu'il fallait leur

17 rappeler exactement quoi ?

18 R. Il y avait des entretiens qui avaient eu lieu lors de notre entretien

19 avec M. Thaqi et Limaj à Banja.

20 Q. Peut-être qu'au début de ce paragraphe, au milieu de ce paragraphe :

21 "Nous sommes bien conscients du fait que la structure judiciaire de l'UCK

22 est en cours de formation; toutefois, ceci, en vertu du droit

23 international, le traitement humain pour des détenus et un procès public et

24 équitable."

25 Est-ce que ceci est, également, une référence aux discussions que

Page 5538

1 vous avez eues pendant cette réunion ?

2 R. Oui. C'était notre tentative d'avoir un dialogue avec l'UCK pour

3 améliorer leur respect des conventions de Genève.

4 Q. La toute dernière phrase de cette lettre, vous dites, je cite : "Nous

5 sommes particulièrement intéressés à poursuivre nos entretiens sur le code

6 de conduite de l'UCK pour ses soldats et votre coopération avec le tribunal

7 pour l'ex-Yougoslavie."

8 Est-ce que vos conversations, sur l'un ou l'autre de ces sujets, se

9 sont poursuivies avec les personnes à qui vous vous adressiez dans cette

10 lettre ?

11 R. Je n'ai plus pris part à ces discussions, par la suite. Je ne peux pas

12 vous dire s'il y a eu d'autres réunions avec l'UCK, en particulier. Pour

13 autant que je le sache, c'est la seule réunion que nous ayons eue avec

14 Thaqi et Limaj. Nous avons poursuivi nos entretiens avec M. Demaqi, mais

15 son rôle et son influence sur l'UCK étaient relativement limités. Quelques

16 mois après cette lettre, les choses, à ce moment-là, ont échappé à tout

17 contrôle du point de vue conflit et tout ceci était complètement dépassé

18 pour ce qui était de la documentation concernant les abus au Kosovo par les

19 forces yougoslaves.

20 Q. Je vous remercie.

21 M. SHIN : [interprétation] Il n'y a pas d'autres questions de l'Accusation,

22 Monsieur le Président, Messieurs les Juges.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je vous remercie, Monsieur Shin. Ceci

24 semble, très évidemment, un bon moment pour faire la deuxième suspension de

25 séance. Nous reprendrons à 6 heures 05.

Page 5539

1 --- L'audience est suspendue à 17 heures 44.

2 --- L'audience est reprise à 18 heures 07.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Maître Khan.

4 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je vous remercie.

5 Contre-interrogatoire par M. Khan :

6 Q. [interprétation] Monsieur Bouckaert, je suis M. Khan et je suis co-

7 conseil, représentant --

8 L'INTERPRÈTE : Veuillez parler dans le microphone, s'il vous plaît.

9 M. LE GREFFIER : [interprétation] Oui, il faut que vous parliez dans le

10 microphone.

11 LE TÉMOIN : [interprétation] Je n'ai pas entendu la dernière partie de

12 votre question.

13 M. KHAN : [interprétation]

14 Q. J'étais en train de dire, je crois que vous avez rencontré M. Limaj

15 déjà une fois; est-ce exact ?

16 R. C'est exact.

17 Q. J'espère ne pas prendre trop de temps avec vous, mais j'ai des

18 questions importantes à vous poser, et je serais heureux si vous preniez

19 votre temps, ne vous précipitez pas, et répondez avec le plus grand soin.

20 Vous comprenez cela ?

21 R. Oui, Maître.

22 Q. Parce que, bien entendu, vous comprenez que ce sont des questions très

23 importantes dont vous parlez.

24 R. Oui, j'en suis pleinement conscient.

25 Q. Je crois que vous avez présenté des excuses à M. Limaj pour ne pas

Page 5540

1 avoir inscrit son nom dans une lettre que vous avez envoyée, et je peux

2 vous assurer qu'il ne s'est absolument pas offensé de cela.

3 Ai-je raison aussi de croire que vous n'aviez pas l'intention d'insulter

4 qui que ce soit, même par inadvertance, lorsque vous avez fait des

5 remarques humoristiques en racontant ce qui s'était passé au cours de la

6 réunion, lorsque vous avez dit que : "L'UCK aurait perdu la guerre et

7 pourrait s'ouvrir un zoo." Je suis sûr que vous n'aviez l'intention

8 d'offenser personne en disant cela, n'est-ce pas ?

9 R. Non, je suis désolé. Je n'en avais pas l'intention.

10 Q. Vous connaissez le sens du mot "Celiku" ?

11 R. Oui, je crois que cela veut dire acier.

12 Q. Alors, vous avez dit dans votre déposition que vous aviez lu beaucoup

13 de documents concernant le Kosovo, la situation complexe dans les Balkans,

14 avant d'aller remplir votre mission dans ce territoire; c'est exact, n'est-

15 ce pas ?

16 R. C'est exact.

17 Q. Il est normal de lire beaucoup, de façon à être au courant des

18 problèmes fondamentaux qui peuvent se poser lorsque vous essayez de remplir

19 vos fonctions ou votre mission pour le compte de Human Rights Watch; c'est

20 exact, n'est-ce pas ?

21 R. Oui

22 Q. Vous êtes allé au Kosovo à deux reprises; est-ce exact ?

23 R. Je suis allé au Kosovo depuis aussi.

24 Q. Mais à l'époque où vous avez écrit vos rapports, vous aviez été au

25 Kosovo à deux reprises; c'est bien cela ?

Page 5541

1 R. Oui, c'est exact.

2 Q. Vous dites que vous avez eu une réunion pendant environ deux heures

3 lorsque vous avez rencontré M. Hashim Thaqi et mon client M. Limaj.

4 R. C'est exact.

5 Q. Ceci était une réunion officieuse, n'est-ce pas, dans un cadre

6 officieux ?

7 R. Oui.

8 Q. Est-ce que vous avez pris des notes à ce sujet ?

9 R. Nous avons diffusé un résumé de ce qui s'était dit à la réunion à peu

10 près une semaine plus tard, pour diffusion interne à Human Rights Watch.

11 Q. Vous aviez demandé que cette réunion ait lieu, de façon à pouvoir

12 parler de ces questions que vous avez déjà décrites, et on vous a accordé

13 cette réunion; c'est évident, n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous dites que M. Hashim Thaqi s'est présenté comme étant le chef du

16 directoire politique. Vous avez un souvenir précis de cela, n'est-ce pas ?

17 R. Oui.

18 Q. Mais n'est-il pas vrai que mon client, en fait, s'est présenté à vous

19 comme étant le commandant Celiku ?

20 R. Il s'est présenté comme Celiku, chef du directoire juridique au QG,

21 oui.

22 Q. Oui, mais alors c'est cela que je voudrais contester au nom de mon

23 client.

24 Est-ce que vous savez qui était Ram Buja ?

25 R. Je connais Rambouillet comme étant un endroit.

Page 5542

1 Q. Dans vos études sur l'UCK avez-vous jamais entendu parlé d'un

2 commandant appelé Ram Buja ?

3 R. Non.

4 Q. Est-ce que vous avez compris, de façon très détaillée, ce qu'étaient

5 les différents départements ou qui étaient les personnes qui constituaient

6 l'état-major général de l'UCK ?

7 R. Au moment de notre réunion, mes connaissances étaient très limitées.

8 C'était la première fois que nous avions la possibilité d'identifier les

9 personnes qui avaient des fonctions précises au sein du QG de l'UCK. Avant

10 cela, nous n'avions connaissance que d'éléments généraux qui nous avaient

11 été dits au sujet de l'UCK par des porte-parole.

12 Q. En l'occurrence, vous ne parlez pas albanais, n'est-ce pas ?

13 R. Non.

14 Q. Après votre réunion de novembre 1998, il est exact de dire que votre

15 collègue Fred Abrahams a eu plusieurs réunions avec M. Limaj ? Vous en êtes

16 conscient, n'est-ce pas ? Vous êtes au courant?

17 R. Non. En fait, je ne suis pas au courant.

18 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait que, chaque fois que Human

19 Rights Watch a demandé de l'aide de M. Limaj, que ce soit pendant l'année

20 1998 ou après cette année, cette aide a été accordée par M. Limaj ?

21 R. Je ne suis pas au courant de cela, mais nous avons certainement eu une

22 réunion très amicale lorsque je l'ai rencontré.

23 Q. Est-ce que vous êtes au courant du fait que, vers la fin de 1998, M.

24 Limaj est devenu membre de l'état-major général de l'UCK ?

25 R. Non. Je m'étais simplement rendu compte du fait qu'il s'était identifié

Page 5543

1 de la manière que j'ai dit lors de notre réunion.

2 Q. Est-ce que vous avez entendu parler de la 121e Brigade ?

3 R. Non.

4 Q. Dans toutes nos recherches au Kosovo en ce qui concerne les lectures,

5 les voyages, le fait de parler à des membres serbes, vous n'avez jamais

6 entendu parler de cela ?

7 R. Non.

8 Q. Il s'ensuit que vous ne savez pas qui était le chef de la 121e Brigade

9 à l'époque où vous avez rencontré M. Thaqi et mon client.

10 R. C'est exact.

11 Q. Vous l'avez rencontré à Banja ?

12 R. Oui.

13 Q. Est-ce que vous avez une idée d'où mon client est né ?

14 R. Je crois qu'il est né à Banja.

15 Q. D'après votre expérience, en allant dans différentes parties du Kosovo,

16 est-il exact que, lorsque vous avez rencontré diverses personnes de l'état-

17 major général ou des commandants régionaux comme vous le dites, la personne

18 chargée de ce secteur particulier, le commandant, participait à cette

19 réunion pour des raisons de courtoisie ? Est-ce que vous êtes au courant de

20 cela ou non ?

21 R. Non. D'une façon générale, comme étant un principe, je ne suis pas au

22 courant.

23 Q. Est-il possible que vous auriez pu vous tromper et que ce qu'avait dit

24 M. Limaj c'est qu'il avait étudié le droit à l'université de Pristina ?

25 R. Il a dit cela à la réunion, mais il ne s'est pas présenté comme étant

Page 5544

1 directeur judiciaire ou juridique de l'UCK.

2 Q. Dans cette qualité que vous dites, était-il à l'état-major général ou

3 était-il directeur pour les questions judiciaires ou juridiques à l'état-

4 major général ?

5 R. Oui, à l'état-major général.

6 Q. Est-ce que vous auriez --

7 M. SHIN : [interprétation] Le compte rendu dit très clairement, à la ligne

8 22 et 23, la réponse est qu'il a dit cela à la réunion, mais il ne s'est

9 pas présenté ou identifié comme étant le directeur des questions

10 judiciaires ou juridiques. Je pense que le témoin a dit cela, mais il

11 faudrait peut-être clarifier et préciser les choses.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette réponse est que, certainement,

13 il s'est identifié et présenté.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] C'est exact.

15 M. KHAN : [interprétation] Je suis reconnaissant à mon confrère.

16 Q. Ayant lu des documents, des journaux, ayant procédé à des enquêtes

17 approfondies avec vos deux voyages au Kosovo, est-ce que vous avez jamais

18 entendu, par une autre source, qu'il y avait, en fait, au niveau de l'état-

19 major général, quelqu'un qui était en charge de la direction des affaires

20 juridiques ? Avez-vous jamais appris cela d'une autre source, à part votre

21 souvenir de ce qui s'est passé lors de cette réunion ?

22 R. Non.

23 Q. Vous avez juxtaposé l'attitude et le bon vouloir de M. Thaqi et de M.

24 Limaj lors de cette réunion, comme vous l'avez dit, le bon vouloir, le fait

25 qu'ils voulaient bien aider et se montrer ouverts pour un dialogue

Page 5545

1 constructif, par rapport à l'attitude, vous avez comparé cela à l'attitude

2 que vous avez eue des autorités yougoslaves; c'est exact, n'est-ce pas ?

3 R. Oui, absolument. Nous avons eu des discussions amicales et positives

4 avec M. Thaqi et M. Limaj. Ils ont répété plusieurs fois leur volonté de

5 respecter la convention de Genève et ils ont donné l'impression de bien

6 vouloir coopérer dans notre tâche et nous donner le type de détails que

7 nous souhaitions avoir, ce qui n'était pas le type de relations que nous

8 avons eu avec les Yougoslaves.

9 Q. Je pense que vous avez dit, en fait, qu'il n'y a eu le moindre

10 subterfuge ou faux-fuyant de la part de qui que ce soit lors de cette

11 réunion avec M. Thaqi. Il a été immédiatement reconnu qu'il y avait des

12 problèmes qui se passaient dans cette guerre.

13 R. Oui. Nous étions moins satisfaits de leurs réponses lorsque nous leur

14 avons posé des questions concernant des cas précis, lorsqu'on avait traité

15 de ces problèmes.

16 Q. Bien sûr. Malheureusement, les problèmes, évidemment, surgissent dans

17 les temps de guerre, n'est-ce pas ?

18 R. Certainement.

19 Q. En fait, des problèmes se posent même pour des armées très

20 disciplinées.

21 R. Oui. La question est de savoir si ces problèmes sont traités et réglés.

22 Q. Même des armées comme l'armée des Etats-Unis ou l'armée britannique ou

23 l'armée canadienne, des armées qui ont une tradition très longue de

24 tactiques militaires, de connaissances et de règles de chevalerie, même là,

25 bien sûr, des problèmes peuvent surgir dans le feu de l'action; ce serait

Page 5546

1 juste de dire cela ?

2 R. Comme je l'ai dit de façon documentée, oui.

3 Q. D'après votre réunion, en fait, il n'y a eu aucune tentative pour

4 essayer de cacher quoi que ce soit lors de cette réunion. Est-ce que des

5 problèmes se sont posés ?

6 R. Oui, mais comme je l'ai déjà fait remarqué, notre préoccupation

7 essentielle était de voir comment ces problèmes pouvaient être traités et

8 réglés. Nous voulions avoir des informations factuelles sur la manière dont

9 l'UCK traitait ces problèmes, ou les réglaient.

10 Q. L'esprit est vif, mais la chair est faible, en l'occurrence. Est-ce que

11 vous connaissez cette formule ?

12 R. Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr de l'avoir déjà entendue.

13 Q. Dans ces discussions, on a fait de véritables tentatives pour essayer

14 de décrire les difficultés auxquelles l'UCK avait à faire face alors

15 qu'elle commençait à exister. Elle était dans ses débuts du point de vue de

16 l'organisation militaire. On vous l'a dit, n'est-ce pas ?

17 R. Oui, mais nous avons exprimé très clairement, au cours de la réunion,

18 que nous ne pensions pas que ces difficultés pouvaient justifier les

19 exécutions sommaires et autres abus de ce genre.

20 Q. Oui. Monsieur Bouckaert, je suis tout à fait au courant de votre

21 position, bien sûr. Il est tout à fait correct de dire que Human Rights

22 Watch, par rapport à ses buts très compréhensibles et louables concernant

23 le droit humanitaire, a pour but d'atténuer les ravages de la guerre.

24 R. Je ne suis pas d'accord avec vous sur ce point. Notre but est de faire

25 mettre en œuvre le droit humanitaire non s'assurer que cela s'étende au-

Page 5547

1 delà des frontières.

2 La question n'est pas une question d'organisation. Il ne s'agit pas

3 tellement d'une mise en œuvre ou d'une extension de cela.

4 Q. Nous allons revenir un instant au Kosovo. Il est exact que vous avez

5 décrit, d'après vos souvenirs, que M. Limaj avait parlé de tentatives qui

6 étaient faites sur le terrain dans le feu de l'action pour essayer de

7 construire quelque chose qui pourrait ressembler à des institutions

8 civiles; c'est cela qui vous a été décrit ?

9 R. Oui.

10 Q. Bien sûr, étant réaliste, sachant ce qui se passe sur le terrain dans

11 le cadre d'une guerre, bien sûr, dans un conflit, il y a de nombreux

12 scénarios différents quant à la manière dont les parties sont organisées,

13 n'est-ce pas ?

14 R. Oui.

15 Q. Ceci va depuis les guerres traditionnelles que l'on a connues en Europe

16 au cours des 50 dernières années, entre des structures militaires bien

17 organisées et les cas de guérilla, entre deux extrêmes où tout est

18 possible.

19 R. Oui, oui.

20 Q. Bien entendu, si une armée n'existait pas jusqu'alors, s'il s'agit,

21 dans une large mesure, d'un mouvement spontané de soutien de la population

22 qui souhaite rejoindre un groupe, qu'il s'agisse d'un groupe de terroristes

23 ou d'un groupe de résistance, il ne serait pas aisé d'organiser

24 spontanément ce mouvement soudain populaire de soutien; ce serait

25 difficile, n'est-ce pas ?

Page 5548

1 R. C'est possible.

2 Q. En bref, vous accepteriez de reconnaître que quelles que soient les

3 normes en matière de droit humanitaire international, lorsqu'il est

4 question de les appliquer, il faut bien commencer quelque part, non ? Qu'il

5 s'agisse de certaines forces armées ou d'autres ?

6 R. Oui. Mais je crois que les normes et les critères du droit humanitaire

7 international sont clairs.

8 Q. Oui, mais elles doivent bien commencer quelque part. Elles ne se

9 trouvent pas au même stade d'évolution, ces forces armées, n'est-ce pas ?

10 R. Vous avez raison.

11 Q. Même au titre du protocole additionnel numéro II, par exemple, vous

12 êtes tout à fait conscient que le texte ne vous demande pas l'impossible.

13 Il y est question de la capacité de la partie adverse, capacité de mettre

14 en œuvre les normes énoncées dans le protocole additionnel II; vous le

15 savez, n'est-ce pas ?

16 R. Oui.

17 Q. D'après les analyses que vous avez menées, d'après vos études et

18 d'après le temps que vous avez passé au Kosovo, il serait juste de dire

19 qu'il y avait de grosses lacunes en termes de structure, au sein de l'armée

20 de libération du Kosovo, même à l'époque où vous vous y trouviez, n'est-ce

21 pas ? En septembre.

22 R. Je dirais qu'il y avait des lacunes. Je ne dirais pas qu'il s'agissait

23 de grosses lacunes.

24 Q. S'agirait-il de faiblesses au niveau de la structure ?

25 R. Il y avait, effectivement, certaines difficultés en termes de structure

Page 5549

1 auxquelles était confronté l'UCK.

2 Q. Je crois que dans votre rapport --

3 M. KHAN : [interprétation] Intercalaire 5 -- un instant, s'il vous plaît.

4 LE TÉMOIN : [interprétation] Je crois que c'est la page 92.

5 M. KHAN : [interprétation] Je vous en remercie.

6 Q. Vous parlez de certains exemples. Vous dites que des correspondants de

7 guerre expérimentés tout comme Human Rights Watch et ses chercheurs qui ont

8 été confrontés à l'UCK ont observé des exemples d'une certaine discipline.

9 C'est bien ce qui figure dans votre rapport ?

10 R. Oui, effectivement, ceci figure dans le rapport. Mais je ferais

11 objection à l'interprétation que vous faites de ce qui est dit dans ce

12 rapport. Il n'est pas suggéré, ici, que, de manière générale, il y avait

13 une certaine indiscipline régnant au sein des rangs de l'UCK.

14 Q. Vous faites, également, remarquer qu'il n'y avait pas de structure

15 hiérarchique rigide, figée au sein de l'UCK, au cours de la période

16 couverte par le présent rapport, c'est-à-dire, de février à septembre.

17 C'est également exact, n'est-ce pas ?

18 R. Oui. Nous faisons, ici, référence au type de grade militaire que vous

19 trouveriez, normalement dans une armée organisée.

20 Q. Vous parlez, également, de factions internes distinctes, n'est-ce pas ?

21 R. Oui.

22 Q. Bien entendu, dans une armée régulière, dans un groupe armé organisé,

23 on ne trouve pas ce type de factions internes distinctes, n'est-ce pas ?

24 Vous avez une voie hiérarchique unique ?

25 R. Oui. Je crois qu'ici, nous parlons, en quelque sorte, de l'émergence

Page 5550

1 des FARK -- du FARK, une entité distincte de l'UCK, qui est demeurée un

2 acteur marginal. Notre rapport a été délivré et publié à l'époque où cette

3 organisation venait d'apparaître. Mais elle n'est jamais devenue un acteur

4 essentiel du conflit au Kosovo.

5 Q. Je ne fais pas référence à cela. Je ne fais pas référence au FARK. Je

6 vous parle simplement de factions internes qui ne figuraient pas, qui ne

7 seraient pas présentes dans une structure militaire normale ?

8 R. Où voyez-vous cela ?

9 Q. Vous parlez de factions internes au cours de la période considérée dans

10 le présent rapport.

11 R. A quelle page faites-vous référence ?

12 Q. A la page 92, en haut : "Bien que l'UCK soit une armée de guérilla

13 dénuée de structure hiérarchique figée ou rigide, il y a des factions

14 internes distinctes au cours de la période considérée dans le présent

15 rapport de février à septembre." C'est bien ce que vous dites ? La phrase

16 se poursuit.

17 R. C'est exact.

18 Q. Oui, mais le FARK ne faisait pas partie de l'UCK ?

19 R. Effectivement, c'est peut-être une partie qui s'était séparée de l'UCK.

20 Q. Mais en réponse à ma question, une armée régulière ne compte pas de

21 factions internes ? Vous êtes bien d'accord avec moi ?

22 R. Ici, nous parlons d'une armée de guérilla. Nous ne parlons pas d'une

23 armée régulière, normale.

24 Q. Voulez-vous répondre à ma question ?

25 R. Une armée normale, une armée régulière ne compterait pas en son sein de

Page 5551

1 factions comme celles-là, bien qu'il existe de nombreuses armées qui en

2 disposent, qui en présentent.

3 Q. Vous avez parlé de deux journalistes qui avaient été détenus et que

4 ceci, vous l'avez abordé au cours de la réunion. Vous vous souvenez de

5 cette discussion ?

6 R. Oui.

7 Q. Même des membres d'organisations éminentes telles que Human Rights

8 Watch devaient obtenir un sauf-conduit auprès d'Adem Demaqi, n'est-ce pas,

9 à cette période, en septembre 1998 ?

10 R. Oui. Nous avions un sauf-conduit spécial.

11 Q. Tout à fait mérité. Mais même des gens appartenant à des journaux, des

12 journalistes devaient obtenir des sauf-conduits de la part d'Adem Demaqi ?

13 R. C'est exact.

14 Q. Lorsque vous arriviez à un barrage routier, vous étiez censé produire

15 ce sauf-conduit qui vous avait été délivré; c'est bien exact ?

16 R. Oui.

17 Q. Si une personne, un journaliste, si deux journalistes, en l'occurrence,

18 devaient s'arrêter à ces postes et qu'ils ne disposaient pas de sauf-

19 conduits, ne pensez-vous pas qu'il aurait été raisonnable de les

20 arrêter afin de mener des enquêtes les concernant ?

21 R. Je ne me souviens pas du moindre cas au cours duquel ceci serait arrivé

22 à des journalistes, des reporters internationaux. Effectivement, parfois

23 ils ont été interceptés à des postes de contrôle, on leur a demandé un

24 sauf-conduit, ils ont dû faire marche arrière, mais je ne me souviens pas

25 du moindre cas au cours desquels ils auraient été arrêtés et interrogés.

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1 Q. Le journal Tanjug était plutôt sympathique, n'est-ce pas, et peut-être

2 le porte-voix, un des porte-voix de Slobodan Milosevic ? Vous seriez

3 d'accord avec moi ?

4 R. Je pense que j'ai dit, dans mon témoignage, que nous ne les

5 considérions pas comme étant une source objective et ce, pour toute la

6 période. Nous y avions remarqué une tendance pro yougoslave.

7 Q. Je suppose que vous ne savez pas quels documents ont été retrouvés sur

8 ces deux journalistes du journal de Belgrade ?

9 R. Nous n'avons pas reçu ces informations.

10 Q. Mais vous avez eu des éléments de preuve démontrant qu'ils ont été

11 libérés ?

12 R. Oui, ils ont été amnistiés.

13 Q. Vous n'avez aucune information selon lesquelles ils auraient été

14 maltraités, n'est-ce pas ?

15 R. Nous n'avons jamais affirmé qu'ils l'aient été, d'ailleurs.

16 Q. Vous n'avez pas d'information, dis-je, selon lesquelles ils auraient

17 été maltraités, vous n'avez aucune information concernant le traitement qui

18 leur a été réservé, les aliments qu'ils ont reçus et les conditions dans

19 lesquelles ils ont été détenus par l'UCK, n'est-ce pas ?

20 R. Aucune information n'a été obtenue sur ce point puisque nous n'avons

21 pas eu l'autorisation de les voir.

22 Q. Mais vous auriez pu aller les voir, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Vous auriez pu si vous l'aviez voulu ?

25 R. Oui.

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1 Q. Vous ne l'avez pas fait ?

2 R. Non.

3 Q. Bien entendu, sachant ce qui était en train de se passer, en en

4 discutant avec le CICR, avec d'autres journalistes de différents journaux,

5 vous n'avez rien entendu de problématique les concernant ?

6 R. Que voulez-vous dire ?

7 Q. Vous n'avez rien entendu dire, après leur libération, de la part de

8 différentes personnes selon lesquelles ces deux journalistes auraient été

9 traités autrement que de manière tout à fait correcte ?

10 R. C'est exact.

11 Q. Au cours de vos conversations avec M. Thaqi, lorsque vous avez abordé

12 avec lui les difficultés d'organisation de l'UCK, dans cette période

13 d'affrontements, je pense qu'il serait exact de dire, n'est-ce pas, que M.

14 Thaqi -- vous avez cité l'exemple de la zone de Drenica.

15 R. Je ne sais plus si c'était M. Thaqi ou M. Celiku, mais effectivement,

16 ils ont évoqué les tentatives faites de mettre en place des structures

17 civiles dans la région de Drenica.

18 Q. Si je vous renvoyais au paragraphe 24 de la déclaration, deuxième

19 déclaration, ceci vous rafraîchirait-il la mémoire ?

20 R. Je vous dirais que M. Thaqi a expliqué qu'ils étaient en train de

21 mettre en place des structures civiles dans la zone qui était sous leur

22 contrôle et qu'il a donné l'exemple de Drenica.

23 Q. Ceci vous rappelle-t-il qui a prononcé ces paroles ?

24 R. A ce stade, je ne sais plus très bien si c'était

25 M. Thaqi ou M. Celiku, je n'en ai plus le souvenir. Mais --

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1 M. SHIN : [interprétation] Excusez-moi, excusez-moi -- s'il y a des

2 questions portant sur cette déclaration, pourrait-on les lui soumettre ?

3 M. KHAN : [interprétation] Bien sûr.

4 Q. D'après les souvenirs que vous avez des conversations que vous avez

5 eues, avez-vous eu l'impression que Drenica était présenté comme étant

6 peut-être l'exemple le plus représentatif que pouvait donner M. Thaqi

7 concernant le stade d'évolution de l'UCK, était-ce, là, la région dans

8 laquelle l'UCK était la plus avancée, en termes d'évolution ?

9 R. Je ne sais pas si c'est la raison pour laquelle cet exemple a été

10 évoqué. Drenica était fortement peuplé d'albanais et l'UCK a maintenu sa

11 présence sur place, même au plus fort de l'offensive yougoslave. Mais non,

12 ce n'est pas l'impression que j'ai eue au terme de cette conversation.

13 Q. En règle générale, dans vos réunions -- bien sûr, tout n'est pas

14 parfait, on peut toujours faire mieux, mais avez-vous eu l'impression, au

15 terme de cette réunion, que ce qui vous était dit était la chose suivante :

16 nous savons qu'il y a des problèmes, mais nous faisons de notre mieux pour

17 résoudre ces problèmes. Serait-il exact de dire cela ?

18 R. Je pense que la réunion s'est passée sur une base très amicale et que

19 les représentants étaient tout à fait honnêtes lorsqu'ils ont dit qu'ils

20 étaient engagés à respecter les conventions et à appliquer les conventions

21 de Genève. Toutefois, nous n'avons pas été très satisfaits des réponses

22 apportées à certaines questions précises concernant la concrétisation de

23 ces paroles. Nous nous sommes rendus compte qu'il y avait un certain fossé

24 entre leurs intentions et les exemples qu'ils pouvaient nous évoquer et qui

25 auraient pu montrer qu'ils souhaitaient, effectivement, concrétiser leurs

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1 paroles.

2 Q. Mais ces deux personnes, et peut-être d'autres, ont été libérées peu de

3 temps après votre réunion.

4 R. C'est exact.

5 Q. C'est bien ce que vous dites, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. Oui et je souhaiterais remercier M. Limaj, d'ailleurs, de la

7 libération de ces personnes, sachant qu'une demande particulière à été

8 formulée au cours de notre réunion.

9 Q. Vous avez parlé de graves violations commises par les forces

10 yougoslaves au Kosovo.

11 R. Oui, effectivement.

12 Q. Elles figurent dans le rapport dont dispose les juges, je n'ai pas

13 l'intention de m'y attarder trop longtemps. Mais vous vous souvenez, n'est-

14 ce pas, d'un incident en particulier qui a eu lieu en septembre 1998,

15 lorsque vous avez vu un enfant de 18 mois, un bébé de 18 mois qui avait été

16 tué ?

17 R. Oui, je m'en souviens très bien. J'ai encore la photo, l'image de ce

18 massacre sur mon bureau, aujourd'hui.

19 Q. Où cela a-t-il eu lieu ?

20 R. A Drenica et à Gornje Obrinje.

21 Q. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez vu ?

22 R. Nous sommes arrivés le lendemain de la traversée par les forces

23 yougoslaves du village et ils avaient trouvés 18 membres de la famille --

24 Q. Comment s'appelle-t-elle ?

25 R. La famille --

Page 5556

1 Q. Comment ?

2 R. Comment ? Non. Obir, c'est le nom du village, je ne me souviens plus du

3 nom de la famille. En tout cas, nous avons retrouvé 18 membres de cette

4 famille, massacrés dans les bois. Principalement, des femmes et des

5 enfants. La plupart d'entre eux avaient été tués par une balle dans la

6 tête. J'ai passé la plupart de mon temps, du mois de septembre et du mois

7 de novembre à rassembler des informations sur ce massacre ainsi que

8 d'autres. C'était là, l'objet de notre rapport, "Une semaine de terreur à

9 Drenica."

10 Q. Les Serbes ont dit de cet enfant que c'était une poupée, n'est-ce pas ?

11 R. Oui.

12 Q. Ils ont dit que ce n'était pas un vrai enfant, mais simplement -- que

13 tout ceci avait été mis en scène par l'UCK.

14 R. Oui. J'ai un chapitre entier du rapport "Semaine de terreur à Drenica,"

15 qui porte sur la réponse apportée par les autorités yougoslaves qui était

16 absolument absurde, totalement déshumanisante.

17 C'était un enfant, ce n'était pas une poupée; d'ailleurs, ce n'était pas le

18 seul enfant à avoir été tué ce jour-là. Il y avait deux sœurs, de 5 et 7

19 ans, je crois, qui ont, également, été tuées.

20 Q. Les circonstances de la mort, de ces morts, de ces décès vous ont amené

21 à tirer quelles conclusions ?

22 R. Qu'ils ont été exécutés dans les forêts, dans les bois par les forces

23 yougoslaves. Ils ne portaient même pas de chaussures. Ils s'étaient abrités

24 à l'intérieur, ils avaient été surpris par les forces yougoslaves et tués.

25 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai pas l'intention

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1 de passer en revue ces différents cas d'atrocités serbes. Elles figurent

2 dans les documents dont vous disposez, vous-même. Q. Monsieur Bouckaert,

3 je vais essayer d'être bref. Avez-vous entendu parlé de M. Jan Kickert,

4 c'est un diplomate autrichien.

5 R. Oui.

6 Q. Le connaissiez-vous ?

7 R. Oui. Je le connaissais, à l'époque.

8 Q. C'est un diplomate expérimenté et tout à fait capable, n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Effectivement, c'était un homme très courageux.

10 Q. Il y a eu de nombreux éléments de propagandes au Kosovo, en 1998 et au

11 cours des années suivantes, n'est-ce pas ?

12 R. Propagandes diffusées par qui ? Par le gouvernement yougoslave ?

13 Q. Par tous les bords.

14 R. Oui.

15 Q. En temps de guerre, cela arrive ?

16 R. Oui, effectivement et une partie de notre travail consiste à faire la

17 différence entre le bon gré et [inaudible].

18 Q. Avez-vous entendu des allégations faites par les autorités

19 serbes, selon lesquelles il y aurait eu un charnier de grande envergure et

20 un massacre de grande envergure de femmes et d'enfants à Klecke ?

21 R. Oui, nous avons mené notre enquête sur la question.

22 Q. Des corps auraient été brûlés, par l'UCK, dans un four ?

23 R. Oui.

24 Q. Savez-vous ce qu'en pensait M. Kickert ?

25 R. Je ne sais pas ce qu'il en pense. Je sais ce que nous en pensons et ce

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1 que nous en avons pensé.

2 Q. Vous n'apportez pas grande foi à ses allégations, n'est-ce pas ?

3 R. Non, je peux vous expliquer peut-être. Les éléments que nous ont

4 apportés les forces yougoslaves, qu'ils nous ont présenté au comité

5 international, étaient qu'il y avait deux albanais, dont ils disaient

6 qu'ils étaient des membres de l'UCK. Ces personnes ont été présentées aux

7 médias par un juge serbe. C'était une femme, je crois, qui avait dit que

8 des gens avaient été torturés en sa présence et en fait, elle était juge;

9 elle avait condamné des gens qui, clairement, étaient responsables de

10 tortures. Quant à nous, étant donné son rôle dans l'affaire en question et

11 sachant que les autorités yougoslaves ne nous ont pas fourni les éléments

12 d'information dont nous avions besoin pour confirmer la validité de cette

13 affaire, nous avions beaucoup de doutes.

14 Q. Oui, effectivement. Sur la base des informations rassemblées, publiées

15 dans les rapports suivants, vous n'avez pas, non plus, apporté de crédit

16 aux allégations serbes concernant un site, un lieu d'exécution de masse à

17 Klecka ?

18 R. Oui, je dirai que c'est exact.

19 Q. Diriez-vous ou vous semblait-il que cette allégation avait été

20 avancée par les Serbes pour salir le nom de l'UCK, dans le cadre de cet

21 effort de propagande en temps de guerre; ce serait là une bonne hypothèse,

22 n'est-ce pas ?

23 R. Nous n'avons pas pu le confirmer. Je ne sais pas s'il y a eu mise en

24 scène ou si, simplement, nous n'avons pas été en mesure de confirmer ce qui

25 s'était passé.

Page 5559

1 Q. Serait-il juste de dire qu'étant donné votre expérience, étant donné

2 les contacts que vous avez eus avec des diplomates, que les Serbes ne se

3 privaient pas de formuler des allégations qui, pensaient-ils, pourraient

4 jeter la pire des lumières sur l'UCK ? Peut-on dire cela ?

5 R. Effectivement, ils ont formulé un grand nombre d'allégations, mais

6 lorsque nous leur avons demandé leur coopération afin de corroborer, de

7 confirmer ces allégations, nous n'avons pas reçu la coopération qui nous

8 aurait été nécessaire pour le faire. Dans de nombreux cas, ils ont fini par

9 détruire des preuves de crimes dont ils ont dit qu'ils avaient été commis

10 par l'UCK.

11 Q. Bien sûr, d'après votre expérience, d'après ce que vous avez vu au

12 Kosovo, si les Serbes avaient eu un exemple de cas où il y aurait eu

13 assassinats ou arbitraire de l'UCK, vous auriez vous attendre à ce qu'ils

14 ne dissimulent pas ces éléments, mais qu'au contraire, ils attirent votre

15 attention immédiatement sur ces différentes choses.

16 R. C'est la raison pour laquelle nous étions frustrés parce qu'il semblait

17 qu'ils disposaient d'éléments de preuve démontrant un certain nombre de

18 meurtres, d'assassinats, des cadavres, par exemple, trouvés sur les lieux

19 des crimes et nous n'avons pas reçu ces informations qui nous auraient

20 permis de confirmer ce qui s'était passé.

21 Q. Je ne vous parle pas d'informations, d'éléments de preuve disponibles.

22 Je vous parle d'allégations. Je vous dis qu'ils n'hésitaient pas à formuler

23 ces allégations.

24 R. Oui, effectivement, ils ont publié un livre blanc sur ces crimes.

25 Q. Est-il exact de dire qu'au cours de la période que vous avez passée au

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1 Kosovo, même en septembre 1998, vous n'avez jamais entendu la moindre

2 allégation émanant des Serbes contre Celiku ou contre Fatmir Limaj qui

3 aurait tué qui que ce soit à Lapusnik, vous n'avez jamais entendu ce type

4 d'allégation ?

5 R. Je n'ai pas connaissance, personnellement, que ce type d'allégation ait

6 été porté.

7 Q. Je vous en remercie.

8 M. KHAN : [interprétation] Monsieur le Président, je n'ai plus de

9 questions. Merci beaucoup.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Khan.

11 Monsieur Harvey.

12 M. HARVEY : [interprétation] Désolé, je n'ai pas l'habitude

13 d'utiliser le système. Ecoutez, je me plierais aux exigences -- enfin, je

14 laisserai M. Powles prendre la relève. Je n'ai que deux ou trois questions.

15 Je pense que M. Powles les posera aussi bien que moi-même.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

17 M. POWLES : [interprétation] Merci.

18 Contre-interrogatoire par M. Powles :

19 Q. [interprétation] Monsieur Bouckaert, je représente M. Isak Musliu qui

20 est juste derrière moi. J'espère que les questions que j'aborderais avec

21 vous ne feront pas l'objet de polémiques, ce qui devrait nous permettre de

22 conclure assez rapidement, même s'il est peu probable que nous parvenions à

23 conclure ce soir. Par conséquent, vous allez devoir passer le week-end à La

24 Haye, j'en ai bien peur et je vous présente mes excuses.

25 R. Pas de problème.

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1 Q. Trois domaines que je souhaiterais aborder. Tout d'abord, les objectifs

2 de l'UCK; deuxième domaine, la structure de l'UCK et troisièmement, le

3 contexte des événements qui se sont déroulés en 1998 au Kosovo, en mettant

4 l'accent, particulièrement, sur les activités des forces et autorités

5 serbes.

6 Nous allons commencer par le domaine activités et objectifs de l'UCK au

7 cours de l'année 1998. Vous avez dit, me semble-t-il, dans votre

8 déposition, que les événements qui se sont déroulés à Drenica en février,

9 mars 1998 ont radicalisé la population d'origine ethnique albanaise et a

10 permis aux membres de l'UCK d'augmenter ?

11 R. C'est exact.

12 Q. Ce qui s'est passé à Drenica en février, mars 1998, cela a été le

13 meurtre de 83 personnes d'origine ethnique albanaise, y compris 24 femmes

14 et enfants.

15 R. Oui, c'est exact. Nous avons des informations détaillées sur ce cas

16 dans notre rapport "Violations du droit humanitaire au Kosovo."

17 Q. Votre collègue, M. Fred Abrahams, lorsqu'il a déposé dans le procès

18 Milosevic a parlé des événements de Drenica et a indiqué que cela a

19 radicalisé les populations d'origine albanaise et que cela les a menées à

20 bout.

21 R. Je n'étais pas présent au moment où mon collègue a déposé, mais je

22 crois qu'il est correct de dire que cela a radicalisé la population

23 d'origine albanaise et que cela a renforcé d'autant les rangs de l'UCK

24 parmi les membres de la communauté albanaise.

25 Q. Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que cet événement a mené les

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1 gens à bout ?

2 R. Ce n'est pas une expression que j'aurais utilisée.

3 Q. Est-ce que vous seriez d'accord avec ce qu'il dit dans sa déposition, à

4 savoir qu'à partir de ce moment-là, il est devenu clair qu'il ne serait

5 plus possible de trouver une issue pacifique à ce conflit ?

6 M. SHIN : [interprétation] Excusez-moi, pourrait-on avoir une référence

7 plus précise à la déposition dans le procès Milosevic ?

8 M. POWLES : [interprétation] Oui. Toutes mes excuses. Il s'agit de la page

9 6062. C'est au tout début du procès Milosevic. Je peux même vous donner la

10 ligne, si vous le souhaitez. Page 6062, lignes 14 à 20.

11 M. SHIN : [interprétation] Merci.

12 M. POWLES : [interprétation]

13 Q. Bien entendu, M. Abrahams, au cours de ce procès, dit : "J'estime que

14 les événements de Drenica ont été extraordinairement importants, au cours

15 des événements parce que cela a radicalisé les populations albanaises,

16 parce qu'à l'époque, l'UCK était devenue une organisation tout à fait

17 désorganisée et à la suite des meurtres de Drenica --" M. Abrahams,

18 toujours, qui s'exprime : "-- il m'est apparu parfaitement clair qu'il

19 était exclus qu'il y ait une issue pacifique à ce conflit."

20 Est-ce que vous seriez d'accord avec lui ? Est-ce que vous diriez, vous

21 aussi, qu'une issue pacifique au conflit n'était plus possible à partir de

22 ce moment-là ?

23 R. Je dois dire que je suis un peu plus optimiste que

24 M. Abrahams. Je crois qu'une issue pacifique du conflit aurait été

25 possible, même si c'était très peu probable en raison des actions du

Page 5563

1 président Slobodan Milosevic.

2 Q. Ce sont ces massacres, tout particulièrement le massacre d'enfants, de

3 femmes et d'enfants, qui ont radicalisé la population albanaise et qui les

4 a amenés à se soulever en grand nombre et à se défendre ?

5 R. Je ne souhaiterais pas que vous m'imputiez des propos que je n'ai pas

6 tenus. Non, cela a mené à un soulèvement et un grand soutien pour l'UCK.

7 Q. Des gens ordinaires, de l'homme de la rue qui sont allés rejoindre les

8 rangs de l'UCK.

9 R. Ils n'ont pas tous rejoints les rangs de l'UCK. Peut-être que des

10 hommes jeunes et moins jeunes ont rejoint les rangs de l'UCK, mais pas

11 tous.

12 Q. Il s'agissait simplement de Kosovars, d'origine albanaise, rien de

13 spécial ?

14 R. Oui, bien entendu. Cela a modifié radicalement la situation et Adem

15 Jashari a été un martyr pour la population albanaise dans de nombreuses

16 maisons.

17 Q. Les gens n'avaient pas forcément peur, mais ils se sentaient contraints

18 de se défendre ?

19 R. Je ne veux pas spéculer quant aux raisons pour lesquelles les personnes

20 ont rejoint les rangs de l'UCK. Est-ce que c'était pour libérer le Kosovo,

21 pour se défendre eux-mêmes ? Je ne le sais pas.

22 Q. Je vous demanderais de bien vouloir passer à

23 l'intercalaire 25 du classeur. Il s'agit des pages 76 et 77. Là, il y a des

24 citations de M. Shaban Shala, un commandant de l'UCK. Il y aurait des

25 exemplaires pour la Défense, si elle le souhaite. Vous incluez une citation

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1 relativement longue de Shaban Shala où on fait référence aux actions de

2 certains membres de l'UCK, il était indiqué que -- cela a déjà été dit par

3 l'Accusation. Il est dit qu'il y avait des cas dans lesquels les individus

4 de l'UCK -- là, je fais référence à la page 77, l'UCK sanctionne de tels

5 cas même si ces actions ont été menées par des soldats.

6 R. Oui. Une fois de plus, notre objectif, c'était d'essayer de recueillir

7 des informations ayant trait à ce genre de situation ou de cas.

8 Q. Il accepte que certains individus au sein de l'UCK auraient peut-être

9 pu faire des erreurs. Si vous regardez le haut de la citation, vous voyez :

10 "Je peux ajouter que, dans ce contexte, l'UCK, en règle générale et le

11 quartier général de l'UCK ne délivrerait pas d'ordres visant à poursuivre,

12 assassiner ou massacrer des personnes innocentes ou à piller ou détruire la

13 propriété serbe au cours de la guerre. Cependant, tout ne peut pas être

14 contrôlé au cours d'une guerre."

15 Est-ce que vous seriez d'accord pour dire que le quartier général de

16 l'UCK n'avait aucun objectif fixe visant à poursuivre, même si cela a pu se

17 passer, même si certains des membres de l'UCK se sont livrés à ce genre

18 d'activités, ce n'était pas les objectifs de l'UCK ?

19 R. Nous n'avons jamais vu aucun ordre délivré par le quartier général

20 invitant des membres de l'UCK à détruire, à piller ou à massacrer.

21 Q. Oui, mais vous êtes d'accord pour dire que cela ne figurait pas parmi

22 les objectifs de l'UCK, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Passons à la citation d'Adem Demaqi, à présent, une déclaration faite à

25 radio B92 : "J'ai vu qu'il y avait une unité d'opinion sur une chose, à

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1 savoir que nous n'avons rien à faire avec les enlèvements. S'il y a des

2 groupes qui se livrent à des enlèvements et si nous pouvons exercer des

3 influences sur ces groupes, nous intervenons toujours et les personnes

4 enlevées sont libérées."

5 Apparemment, selon lui et selon le quartier général de l'UCK, il y avait

6 effectivement des groupes qui se livraient à des enlèvements, mais de leur

7 plein gré, ils agissaient seuls. Est-ce que vous êtes d'accord avec cette

8 affirmation ?

9 R. Quoi ? Que les enlèvements se faisaient par des groupes qui agissaient

10 seuls ?

11 Q. Oui.

12 R. Non, je ne suis pas d'accord avec cela.

13 Q. Vous n'êtes pas d'accord avec une des citations qui figurent dans votre

14 rapport ? Vous n'êtes pas d'accord avec la citation qui figure dans votre

15 rapport ?

16 R. Non, je ne suis pas d'accord. Nous citons cette déclaration afin

17 d'attirer l'attention sur le fait que l'UCK, à plusieurs reprises, avait

18 déclaré publiquement qu'elle respecterait les conventions de Genève. Ceci

19 étant dit, comme j'ai eu l'occasion de le dire, moi-même, à plusieurs

20 reprises, nous n'avons aucune preuve indiquant qu'ils sanctionnaient ou

21 châtiaient les individus. C'est pratique de dire et c'est facile de dire

22 qu'il y avait des groupes qui agissaient seuls.

23 Q. Je souhaiterais revenir à votre réponse précédente. Vous avez dit, tout

24 à l'heure, que vous n'aviez aucune preuve indiquant qu'il y avait une

25 politique de l'UCK visant à se livrer au pillage, à la destruction de

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1 propriétés serbes ou aux massacres, aux meurtres d'individus.

2 R. Nous avons dit -- je suis d'accord qu'il n'y avait pas d'ordre visant à

3 tuer, massacrer, à piller la propriété des Serbes. Cela, oui, je suis

4 d'accord.

5 Q. D'accord.

6 R. Ce qui nous inquiétait, ce qui nous intéressait, particulièrement,

7 c'étaient les procédures disciplinaires visant à régler ce genre de

8 questions dès lors qu'il y avait ce genre de situation et c'était le cas au

9 Kosovo.

10 Q. Oui, absolument. On ne va pas aborder cette question-là. Peu importe

11 qu'il y ait eu des procédures ou pas, mais vous êtes d'accord pour dire

12 qu'il n'y avait d'ordre visant -- vous êtes d'accord pour dire que des

13 crimes ont été commis. Maintenant, est-ce qu'il y a eu des mesures de

14 rétorsion après ou pas au sein de l'UCK ? C'est une autre histoire.

15 R. Je peux indiquer, dans mon témoignage, que l'UCK n'a jamais délivré

16 d'ordre visant à tuer telle personnes ou à mettre à sac tel endroit. Ce

17 n'était pas leur politique générale.

18 Q. Ce n'était pas leur politique générale.

19 R. Oui.

20 Q. Nous allons passer à un autre élément qui peut-être faisait partie de

21 leur politique générale, à savoir protéger la protection civile des forces

22 serbes et des forces yougoslaves. Est-ce que vous êtes d'accord avec cela ?

23 R. Je crois que c'est une discussion qui figure dans notre rapport "Under

24 orders." Je crois que c'est quelque chose qui est très -- que l'UCK,

25 souvent, dans ses attaques, était très proche de la population albanaise et

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1 les forces yougoslaves avaient coutume de répondre à ces attaques menées

2 par l'UCK, par des massacres, y compris Gornje Obrinje dont nous avons

3 parlé tout à l'heure où un enfant a été massacré, où l'UCK a placé les

4 mines anti-personnelles sur la route juste avant le village et ces mines

5 anti-personnelles ont tuées plusieurs policiers yougoslaves -- enfin,

6 serbes, des soldats serbes. Le nom de l'endroit Gornje Obrinje.

7 Dans ce contexte, je ne peux pas marquer mon accord avec votre

8 affirmation. Je crois que, parfois, l'UCK a mis en danger la population

9 civile du fait des tactiques auxquelles elle avait recours.

10 Q. Franchement, vous êtes en train de nous dire que l'UCK n'a jamais

11 cherché à quelque moment que ce soit à protéger les populations civiles ?

12 R. Non, ce n'est pas du tout ce que je dis. Je dis simplement que l'UCK,

13 du fait de cette tactique militaire, mettait parfois en danger cette même

14 population civile.

15 Q. C'est un avis qui est le vôtre.

16 R. C'est aussi un avis qui figure dans notre rapport "Under orders."

17 Q. Je le répète, c'est votre avis. Est-ce que vous êtes d'accord pour dire

18 que l'UCK, à la même époque, menait des actions visant à protéger les

19 populations civiles des attaques menées par les forces serbes ?

20 R. Je suis certain qu'ils l'ont fait, dans certains cas.

21 Q. Est-ce que vous pouvez nous citer des cas ?

22 R. Non. Je n'en connais pas comme cela que je pourrais vous citer. Mais je

23 sais que j'ai des informations que j'ai recueillies, moi-même, indiquant

24 qu'il y avait des villages où il n'y avait pas de présence de l'UCK et que

25 ceci conduisait à un renforcement de la cruauté des Serbes à leur égard.

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1 Q. Je n'ai pas d'autre questions.

2 M. POWLES : [interprétation] Je crois que peut-être le moment est venu

3 d'interrompre nos travaux.

4 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Powles. Désolé,

5 vous allez devoir revenir lundi.

6 LE TÉMOIN : [interprétation] J'irai rendre visite à ma famille en Belgique.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je sais que vous ne pourriez en être

8 que ravi.

9 --- L'audience est levée à 19 heures 00 et reprendra le lundi 11 avril

10 2005, à 14 heures 15.

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