Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le mercredi 18 mai 2005

2 [Audience publique]

3 [Le témoin est introduit dans le prétoire]

4 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

5 --- L'audience est ouverte à 14 heures 22.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Limaj, n'oubliez pas que vous

7 avez fait une déclaration solennelle au début de votre déposition et que

8 cette déclaration continue de s'appliquer.

9 LE TÉMOIN: FATMIR LIMAJ [Reprise]

10 [Le témoin répond par l'interprète]

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield ?

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

13 Interrogatoire principal par M. Mansfield : [Suite]

14 Q. [interprétation] Bonjour, Monsieur Limaj. Hier, nous en étions restés à

15 votre retour au Kosovo. Vous étiez arrivé à Klecka même, vous nous avez dit

16 que c'est autour du 20 mars que vous y étiez arrivé, 20 mars 1998. C'est là

17 que nous en étions restés. La question que j'aimerais vous poser maintenant

18 est la suivante : quelle était la situation qui régnait à Klecka lorsque

19 vous y êtes arrivé ?

20 R. Après notre arrivée à Klecka, je suis allé dans la famille de mon

21 neveu. Klecka, c'est un petit village de 20 maisons à peu près. Nous

22 n'avons rien vu de particulier lorsque nous sommes arrivés, comme je l'ai

23 dit. Nous nous sommes simplement installés dans la maison de cette famille.

24 Comme je l'ai dit, rien ne nous a frappés à ce moment-là en particulier, si

25 ce n'est peut-être le fait que les gens commençaient à se préoccuper, à

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1 s'intéresser à l'évolution de la situation à Drenica. Nous avons entendu

2 divers commentaires de la part des gens sur cette situation, des gens qui

3 parlaient de ces événements.

4 Q. D'après ce que vous nous avez dit hier, il apparaît clairement qu'on ne

5 vous a pas ordonné de vous rendre à Klecka, vous y êtes allé pour les

6 motifs que vous avez expliqués. Qu'aviez-vous l'intention de faire à votre

7 arrivée ? Que pensiez-vous pouvoir faire ?

8 R. Il faut que je prenne un petit peu de temps pour répondre à cette

9 question, afin que vous compreniez bien comment nous fonctionnions à

10 l'époque. Il n'y avait pas d'ordres et, pour votre information, que

11 quelqu'un donne des ordres à d'autres afin que cette personne se rende à

12 droite ou à gauche, ceci ne se faisait pas. A l'époque, à Drenica et en

13 d'autres lieux, l'UCK fonctionnait sur la base de combats de guérilla. Par

14 conséquent, il était tout à fait normal qu'un individu ou qu'un groupe

15 d'individus oeuvre dans la région, dans le village qu'il connaissait le

16 mieux, là où on pouvait l'héberger, là où la population locale pouvait lui

17 apporter ou leur apporter son soutien.

18 Par conséquent, dès mon arrivée, dès mon retour de Suisse, j'étais

19 déterminé à rejoindre ma municipalité, mais les circonstances étaient

20 telles qu'il nous a fallu opérer d'une manière différente. En tout cas si

21 ceci avait été le cas, nous aurions agi autrement. A l'époque, nous

22 pensions que la Serbie allait poursuivre ses opérations militaires dans

23 d'autres villages que Drenica. La situation était la même à Likoshan. Bien

24 entendu, nous les aidions les unités de guérilla de l'UCK qui oeuvraient,

25 qui se trouvaient à l'époque dans la région de Drenica. Mais puisque les

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1 forces serbes avaient encerclé Drenica, mais qu'elles ne lançaient pas

2 d'autres opérations militaires, un certain calme provisoire régnait. J'ai

3 jugé qu'il n'était pas bon pour moi de rester dans le village où je me

4 trouvais plus tôt, comme je vous l'ai expliqué hier.

5 En outre, il était important d'intensifier les opérations de l'UCK,

6 de les étendre à d'autres régions. Voici quelques uns des motifs qui m'ont

7 poussé à retourner à Klecka. Les actions que nous devions mener à Klecka

8 étaient tout à fait claires à nos yeux. Je me souviens qu'avant de me

9 rendre à Klecka, lors d'une conversation avec Rexhep et Hashim, nous avons

10 abordé quelques questions de nature générale, l'une d'entre elles étant la

11 situation suivante, au cours des opérations que nous allions être amenés à

12 mener en tant qu'unité de guérilla à Malisheve, nous devions veiller à ne

13 faire porter nos attaques que contre la police serbe, parce qu'à ce moment-

14 là l'armée serbe ne prenait pas part aux actes de violence et de répression

15 exercés contre la population. En outre, nous pensions que nous

16 parviendrions à faire réaliser aux recrues de l'armée serbe que la

17 situation au Kosovo était telle qu'ils devaient déserter les rangs de

18 l'armée yougoslave. Voilà quelques questions générales que nous avons

19 abordées, quelques suggestions que nous avons faites entre nous.

20 Q. Je pense qu'il manque un terme que vous avez utilisé dans le compte

21 rendu. Je crois vous avoir entendu dire que vous avez dit la chose -- non,

22 je pense que vous avez dit la chose suivante : "En ce qui concerne les

23 opérations de guérilla, nous devions veiller à ne pas faire porter nos

24 attaques sur l'armée serbe, et à n'attaquer que la police serbe."

25 Je crois que le compte rendu n'est pas tout à fait fidèle sur ce

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1 point en particulier ?

2 R. Oui, effectivement.

3 Q. Oui, j'aimerais que le compte rendu soit précisé, c'est à la ligne 6 du

4 compte rendu en anglais, --- non, pardon 8, non à la page 3, excusez-moi,

5 page 3 ligne 6, "de ne pas attaquer l'armée serbe donc, mais seulement la

6 police serbe."

7 Voilà les questions que vous avez abordées lors de vos conversations. La

8 question que j'aimerais vous poser ensuite est relativement évidente. Y

9 avait-il déjà à ce moment-là une unité ou un rassemblement de membres de

10 l'UCK à Klecka, lorsque vous y êtes arrivé ?

11 R. Non, pas du tout. Nous étions les premières personnes armées, membres

12 de l'UCK à arriver sur place, nous trois. A ce moment-là, je pensais que

13 nous étions d'ailleurs les premiers dans toute la municipalité de

14 Malisheve. Premiers membres de l'UCK. Mais comme l'a montré la suite des

15 événements, comme l'a montré les événements ultérieurs, il y avait eu

16 d'autres personnes, ceux qui se trouvaient dans une situation parfaitement

17 illégale, étant donné qu'il s'agissait là de la nature des opérations que

18 nous menions à l'époque.

19 Si vous me le permettez, j'aimerais aborder une autre question qui, à mon

20 avis, est importante. Il s'agit des thèmes, des sujets que nous avons

21 abordés lors de nos conversations avec Rexhep. Nous en avons abordé un

22 autre. A ce moment-là, nous souhaitions consulter Rexhep pour savoir que

23 faire, pour savoir comment agir lorsque nous arriverions sur place. Les

24 opérations de guérilla que nous allions être amenés à mener après nous être

25 installés à Malisheve, dans le cadre de ces opérations, nous devions

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1 veiller à ne pas mener d'opérations militaires en plein jour d'abord, et

2 ensuite nous ne devions mener aucune opération de guérilla dans des lieux

3 où la sécurité des civils pouvait être mise en danger.

4 Il y avait deux possibilités, soit des attaques contre les postes de

5 police, soit des attaques contre les patrouilles dans la rue, mais toujours

6 tard dans la nuit ou tard le soir, de manière à réduire au minimum les

7 risques que courraient les populations civiles, voire même à éliminer tout

8 risque quel qu'il soit. Parce que dans ces circonstances-là, en général, la

9 population civile ne sortait pas de nuit. Comme je l'ai dit, lorsque nous

10 sommes arrivés à Klecka, il n'y avait que nous trois.

11 Q. Simplement, pourriez-vous nous rappeler qui étaient ces trois

12 personnes, de qui parlez-vous exactement ?

13 R. Comme je l'ai dit hier, il y avait moi, mais aussi, Haxhi Shala et

14 Ismet Jashari.

15 Q. J'aimerais maintenant avancer un peu dans le temps. Nous en étions à la

16 fin du mois de mars. Nous passons maintenant au mois d'avril 1998. Qu'avez-

17 vous tenté de faire à ce moment-là ? Vous étiez armé. Portiez-vous un

18 uniforme ?

19 R. Non, non.

20 Q. Qu'avez-vous commencé à faire à la fin du mois de mars, au début du

21 mois d'avril, sans oublier les différents thèmes, les différentes questions

22 que vous avez abordés plus tôt ? Qu'avez-vous fait à ce moment-là ?

23 R. Après nous être installés à Klecka, nous nous sommes reposés pendant

24 une semaine à peu près. Les gens qui étaient accoutumés à sortir pendant la

25 journée ont sondé la situation sur le terrain, suivi les mouvements des

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1 forces serbes afin de voir où ils se rendaient, combien ils étaient. Après

2 avoir rassemblé quelques informations d'ordre général, nous avons commencé

3 à agir comme dans d'autres régions où se trouvait déjà l'UCK. L'idée était

4 de sortir la nuit, d'aller au village de Malisheve et de faire savoir que

5 nous étions présents dans la zone. C'était là le seul moyen dont nous

6 disposions de montrer notre présence, aux habitants de voir que l'UCK était

7 présent également au village de Malisheve. En général, nous sortions le

8 soir. La nuit, nous patrouillions dans les rues. Nous arrêtions un certain

9 nombre de véhicules. Nous nous rendions dans quelques villages. Nous

10 rentrions dans certains commerces ou cafés juste pour montrer que nous

11 étions là, dans la zone. Voilà en gros ce que nous faisions au début.

12 Puis, progressivement, nous avons commencé à établir des contacts

13 avec d'anciens étudiants que je comptais parmi mes amis, des gens que je

14 connaissais, car l'une de nos tâches, une tâche qui revient à toute unité

15 de guérilla quelle qu'elle soit était de recruter afin d'étoffer les rangs

16 de l'UCK. Ceci faisait aussi partie de nos activités, établir des contacts

17 avec des gens.

18 Q. J'aimerais revenir sur un certain nombre de points connexes. Mais avant

19 cela, j'aimerais savoir si des membres de votre famille savaient que vous

20 étiez revenu dans la région à Klecka à part évidemment le neveu qui vous

21 hébergeait ou avec lequel vous étiez à Klecka. Par exemple, votre épouse,

22 quelqu'un de votre famille savait-il que vous étiez revenu ?

23 R. Personne ne savait que j'étais là. Avant la chute de Malisheve aux

24 mains de l'UCK, aucun membre de ma famille n'était au courant. Si je ne

25 m'abuse, ils l'ont su deux mois après mon arrivée.

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1 Q. Les deux questions que je souhaitais vous poser sur ces premières

2 activités menées par vous. Vous êtes allé au village de Malisheve.

3 J'aimerais que vous reveniez sur cette grande carte que vous utilisiez déjà

4 hier dans le cadre de votre déposition. J'aimerais que vous nous indiquiez

5 les villages dans lesquels vous vous êtes rendu et que vous indiquiez

6 également votre zone d'activités. Je vous invite à nous montrer tout cela

7 sur cette grande carte.

8 R. Nous nous déplacions de manière aléatoire, simplement pour que l'on

9 sache que nous étions présents. Nous nous sommes rendus dans la plupart des

10 villages de la municipalité de Malisheve sans suivre un ordre précis.

11 Q. Pourriez-vous utiliser un feutre de couleur différente de manière à ce

12 que nous ne confondions pas les indications ?

13 R. Malisheve est ici. La municipalité compte une cinquantaine de villages.

14 Bien entendu, nous ne nous sommes pas rendus dans tous ces villages. Nous

15 étions présents ici surtout dans ces villages-là. Nous restions à distance

16 du village de Maline, mon village natal parce que nous ne souhaitions pas

17 être reconnus. Nous nous sommes surtout déplacés dans cette zone ici, à

18 Banje, Bellanice, Revasari [phon], Dragobil, Carralluke, Goriq, Pagarushe,

19 et cetera. Bajrak, tous ces villages ici. Temeqine, Guqat [phon], Terpeze,

20 Lladrovc, et cetera. Nous avons traversé la plupart de ces villages de la

21 municipalité de Malisheve. Cette carte ne montre pas véritablement la

22 municipalité de Malisheve. Vous avez sans doute une carte qui montre la

23 municipalité.

24 Q. Bien, ma question suivante allait porter là-dessus justement. Cela

25 tombe bien. Cette question, allait porter sur les municipalités. A ce

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1 moment-là, Malisheve était-elle reconnue comme une commune, comme une

2 municipalité ou avait-elle un autre statut ? Dans un instant nous en

3 reviendrons à la carte ?

4 R. A titre d'information, d'un point de vue ethnique Malisheve était

5 pratiquement exclusivement peuplé d'Albanais. Elle est devenue commune ou

6 municipalité en 1986. Après les changements apportés par le gouvernement

7 serbe, Malisheve s'est vue privée de son statut de municipalité. Toute

8 l'activité politique et les institutions parallèles d'Albanais existaient à

9 Malisheve parce que Malisheve se considérait comme une municipalité même si

10 son statut a été modifié. C'est ainsi que les choses se faisaient. C'est

11 ainsi que nous considérions Malisheve. En l'an 2000, après la guerre,

12 Malisheve est redevenue officiellement une municipalité.

13 Q. Peut-être qu'il va vous falloir de l'aide, mais la carte politique qui

14 nous intéresse se trouve juste en dessous des deux cartes que l'on voit sur

15 l'écran. Peut-être même en dessous de la carte de gauche.

16 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, c'est une carte qui

17 ressemble à ceci, carte dont vous devriez disposer, une carte multicolore.

18 C'est une question très simple.

19 Q. J'aimerais que vous indiquiez sur cette carte politique, une carte dont

20 je précise qu'elle a été produite après la guerre. J'aimerais que vous nous

21 indiquiez où se trouve Malisheve.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci beaucoup.

23 LE TÉMOIN : [interprétation] Voici Malisheve ici. Plus ou moins au centre

24 du Kosovo. Comme vous le voyez, il y a le village de Raso [phon], Ostrazup,

25 le village de Pagarushe. Ici, il y a une route qui va vers Gllogoc, il y a

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1 le village de Terpeze. Ici, à côté de Lipjan, il y a le village de Klecka.

2 Tous ces villages étaient limitrophes.

3 Q. Si vous entendez ma question sans avoir recours aux écouteurs, la

4 question est relativement évidente, mais il semblerait, sur cette carte,

5 que Lapusnik n'appartient pas à la municipalité de Malisheve.

6 R. Oui, c'est vrai. Lapusnik n'a jamais fait partie de la municipalité de

7 Malisheve, mais plutôt de la municipalité de Drenoc.

8 Q. Oui, merci.

9 M. MANSFIELD : [interprétation] Sur ce même thème, je demanderais que l'on

10 produise la pièce de l'Accusation P1, carte 4, s'il vous plaît. Pièce P1,

11 carte 4. Peut-être, je ne sais pas, en la plaçant sur le rétroprojecteur.

12 Quoi qu'il en soit, je pense que tout le monde dispose d'un exemplaire de

13 cette pièce. Allez, plaçons-la sur le rétroprojecteur. Merci beaucoup,

14 Monsieur l'Huissier.

15 J'attends que la carte apparaisse sur l'écran. Voilà. Bien.

16 Q. A l'aide d'un pointeur, si vous en avez ou avec quoi que ce soit que

17 vous puissiez utiliser comme un pointeur, Malisheve, en tant que

18 municipalité, ne figure pas sur cette carte véritablement, n'est-ce pas

19 exact ? Mais nous avons une autre municipalité en blanc dans la même

20 région.

21 R. Oui, c'est vrai. C'est une carte qui représente les limites

22 administratives telles qu'envisagées par les Serbes. Vous voyez que

23 Malisheve et ces villages sont répartis entre différentes municipalités.

24 Comme je l'ai dit hier, le village de Banje, jusqu'à un stade ultérieur,

25 faisait partie de la municipalité de Suva Reka. Lorsque Malisheve est

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1 devenu une municipalité, un certain nombre de villages y ont été englobés,

2 villages qui, jusqu'à présent, faisaient partie de la municipalité de

3 Suhareke, de Rahovec, de Kline, et de Lipjan, ainsi que de la municipalité

4 de Gllogoc. Ces villages sont alors devenus éléments constitutifs de la

5 municipalité de Malisheve.

6 Lorsque le statut administratif de Malisheve a été modifié et qu'elle a

7 disparu en tant que municipalité, ces villages ont été répartis à nouveau

8 dans leurs anciennes municipalités.

9 Q. Merci. J'aimerais maintenant revenir aux activités qui étaient les

10 vôtres, aux visites que vous avez effectuées dans un certain nombre de

11 villages. A cette époque, vous êtes-vous rendu dans le village de

12 Lapusnik ?

13 R. Non, parce que la position géographique de Lapusnik à l'époque

14 présentait un certain nombre de dangers parce qu'il y avait là-bas des

15 mouvements constants de forces, de troupes serbes. J'aimerais évoquer une

16 chose. En avril, alors que nous allions à Likovc à partir de Klecka,

17 quelque part entre les villages d'Orlat et Gjurgjice, en passant sur la

18 route principale, nous avons été victimes d'une embuscade de la part des

19 forces serbes. Ismet Jashari a été blessé à ce moment-là. A l'époque, cette

20 zone était sous le contrôle total des forces serbes.

21 Q. Vous avez dit vous être rendu dans un certain nombre de villages de

22 Malisheve - vous les avez évoqués, et ce de manière tout à fait aléatoire.

23 Mais, comment choisissiez-vous les villages vers lesquels vous alliez ?

24 R. Comme je l'ai dit déjà, l'un des principaux objectifs poursuivis par

25 l'unité de guérilla, et mon objectif également, c'était de se rendre dans

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1 les villages afin de démontrer notre présence aux habitants de ce village

2 et d'entrer en contact avec des personnes susceptibles de nous aider ou

3 susceptibles de venir épaissir les rangs de l'UCK. Nous choisissions

4 évidemment d'abord les villages que nous connaissions le mieux ou un

5 village où je connaissais quelqu'un d'avant et avec qui je souhaitais

6 établir le contact.

7 Q. Comment réagissaient les villageois dans les villages dans lesquels

8 vous vous rendiez ?

9 R. Au cours de nos visites la nuit, nous ne pouvions rencontrer qu'un

10 nombre limité de personnes, quatre ou cinq au maximum. Cela dépendait des

11 villages dans lesquels nous nous rendions. Par exemple, il y a des villages

12 où les hommes jeunes restent dans les cafés ou différents établissements du

13 village, et là, nous avions l'occasion de les rencontrer tard le soir dans

14 ces établissements publics. Mais dans d'autres villages, il n'y avait tout

15 simplement pas de possibilité de rencontrer des gens. Lorsqu'il y avait des

16 rencontres, c'était dans le cadre de rencontres dans la famille ou la

17 belle-famille des gens qui nous accompagnaient. On essayait de veiller à ce

18 qu'ils soient au courant de notre présence. C'était là notre objectif

19 principal. A vrai dire, nous n'avions pas d'autres objectifs à part celui-

20 là.

21 Je tiens à ajouter ceci : tout au long de cette période, nous portions des

22 masques et nous ne restions jamais très longtemps au même endroit, dans le

23 même village. Au maximum, nous restions un quart d'heure, une vingtaine de

24 minutes, et puis ensuite, nous quittions le village où nous étions. Ceux

25 que nous rencontrions nous accueillaient très chaleureusement. Ils étaient

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1 très heureux d'avoir la possibilité de rencontrer des membres de l'UCK. A

2 cette époque-là, les gens avaient encore quelques soupçons, ils ne savaient

3 pas très bien s'il y avait ou s'il n'y avait pas une UCK. C'était quelque

4 chose qui faisait l'objet de discussions fréquentes. C'était un vrai

5 dilemme pour eux. Ils ne savaient pas très bien si nous étions des Serbes

6 ou si nous étions des Albanais. A Pristina, les milieux politiques avaient

7 contribué à cette confusion. Mais les gens que nous rencontrions étaient

8 toujours heureux de rencontrer des membres de l'UCK.

9 Q. A ce stade-ci, je souhaiterais vous poser une même question à propos de

10 la façon dont on présente les éléments contre vous. Au cours de cette

11 période, vous a-t-on donné des ordres, des instructions émanant de qui que

12 ce soit ?

13 R. Non, pas du tout. Nous étions au nombre de trois, puis quatre ou cinq

14 autres sont venus nous rejoindre. Notre objectif était très clair. Nous

15 n'avions pas de possibilités de communication; il était très difficile de

16 communiquer, de se mettre en rapport avec telle ou telle personne. Pour le

17 faire, il fallait marcher pendant des heures jusqu'à Likovc. Puis, il n'y

18 avait rien de particulièrement intéressant à communiquer; il n'y avait

19 certainement pas d'ordres. Aucun ordre n'était intimé. La guérilla combat

20 précisément de cette façon-là; c'est ainsi qu'est organisé le combat de

21 guérilla.

22 Q. Imaginons que quelqu'un souhaite rejoindre les rangs de l'UCK, comment

23 s'y prendrait-il ? Est-ce qu'il y avait un plan, un programme, une façon

24 dont se formait une unité ou un groupe de l'UCK ?

25 R. Je ne peux parler qu'en mon nom propre ici. Chaque groupe, chaque

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1 individu même, qui s'occupait du recrutement appliquait sa propre méthode.

2 Mais d'une manière générale, le principe était le suivant : on ne le

3 proposait qu'à ceux en qui on avait confiance, qu'à ceux que l'on

4 connaissait d'avant. Donc, ce ne sont qu'eux que l'on recrutait. Parce qu'à

5 l'époque, il y avait un nombre limité de soldats, et pour l'UCK, cela

6 n'avait pas beaucoup d'intérêt d'augmenter les effectifs, parce qu'à cette

7 époque-là, de toute façon, nous ne disposions pas de suffisamment d'armes.

8 Par ailleurs, nous n'avions pas de projets très précis, à part ces attaques

9 de guérilla. Mais dans les cas où nous disposions d'armes et dans les cas

10 où il y avait suffisamment de gens en qui on avait confiance, cela

11 suffisait. Ils devenaient membres de l'UCK.

12 Q. Une fois un groupe ou une unité formée, à qui revenait la décision de

13 savoir qui allait diriger cette unité ou ce groupe ?

14 R. Je vous rappelle que nous sommes en train de parler d'une époque où

15 régnait le plus grand secret. Par conséquent, je vais essayer de relater ma

16 propre expérience devant le Tribunal. Un exemple, dans ma propre

17 municipalité, j'ai contacté une personne que je connaissais d'avant, en qui

18 j'avais confiance. Je lui ai parlé parce que, pour l'UCK, pour la guerre de

19 libération, pour l'engagement dans l'UCK, c'était important. Si la personne

20 à qui je parlais exprimait sa volonté et son souhait de devenir membre de

21 l'UCK, il pouvait, à partir de ce moment-là, commencer à recruter d'autres

22 personnes lui-même. C'est là la logique qui sous-tend tout combat de

23 guérilla. Je recrute une personne, la personne que j'ai recrutée en recrute

24 une autre, et cetera, et cetera. A l'époque, je ne connaissais personne

25 d'autre que cette personne-là aurait pu recruter, parce que cette personne

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1 pouvait tomber entre les mains des autorités serbes et risquait de mettre

2 en péril d'autres personnes.

3 La responsabilité de choisir les personnes avec lesquelles il souhaitait

4 travailler, c'était une responsabilité qui incombait à mon ami. S'il

5 faisait un choix inopportun, c'était lui qui allait subir les conséquences

6 de ce mauvais choix. C'est ainsi que l'on survivait à l'époque dans l'UCK

7 et dans ce mouvement de guérilla de l'UCK. Nous agissions en parfaite

8 clandestinité et nous nous intéressions particulièrement à ceux qui étaient

9 libres de leurs mouvements la journée; donc libres.

10 Q. La situation que vous venez d'évoquer, est-ce que c'est une situation

11 qui a perduré pendant tout le mois d'avril ou est-ce qu'aux environs de la

12 fin du mois d'avril, quelque chose s'est passé ?

13 R. Dans la municipalité de Malisheve, cette situation a perduré jusqu'aux

14 environs du 15, 16 ou du 29 mai. Mais une fois que furent prises les gorges

15 de Lapusnik, les choses ont commencé à changer. Les choses ont commencé à

16 changer aux environs du 9 mai. Mais en fait, ce qui est certain c'est qu'à

17 la fin du mois de mai, les choses ont certainement changé.

18 Q. Je souhaiterais que nous abordions ces changements et je commencerai

19 par faire référence au 9 mai dont vous avez fait état. Je vous demanderais

20 de bien vouloir décrire, à votre façon, ce qui s'est passé le ou aux

21 environs du 9 mai en ce qui vous concerne.

22 R. Si vous me le permettez, je souhaiterais faire état d'un événement qui

23 est directement lié aux événements du 9 mai. Je crois que c'est quelque

24 chose qui s'est passé aux environs du 29 avril. Je veux dire que je ne suis

25 pas certain des dates, mais c'est certainement aux environs de cette date-

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1 là. Ce jour-là, Rexhep Selimi, ainsi qu'un ami sont passés par notre

2 terrain. Ils sont passés par la municipalité de Malisheve, et il est venu

3 me rendre visite. Nous avons discuté de l'évolution de la situation, décrit

4 d'une manière plus précise la situation telle que nous l'avions vue à

5 Malisheve et dans les villages que nous avions vus. Il m'a donné deux

6 radios, des radios très rudimentaires, mais très efficaces pour nous à

7 l'époque. Elles n'avaient qu'un poste. C'est une radio qu'ici à l'ouest on

8 peut acheter dans des supermarchés tout à fait ordinaires.

9 Le 9 mai, nous étions à notre combat à Klecka. Jusque là, nous ne nous

10 étions jamais déplacés de jour et nous ne nous étions jamais déplacés sans

11 porter de masques. Le 9 mai, nous avons entendu des bruits à la radio, des

12 voix émanant de membres de l'UCK qui communiquaient les uns avec les

13 autres. Il y avait quelqu'un qui cherchait de l'aide, il y avait quelqu'un

14 qui expliquait la situation, l'évolution de la situation. Il y avait

15 quelqu'un qui disait aux autres : ne tirez pas parce qu'il y a des civils.

16 De ce dialogue qui était très difficile à comprendre en raison de la

17 mauvaise qualité de la réception, j'ai tiré la conclusion qu'il fallait se

18 rendre dans un endroit où on allait mieux pouvoir entendre ce qui se disait

19 à la radio de manière à ce que nous puissions mieux comprendre ce qui se

20 passait.

21 Avec quatre amis qui se trouvaient être là à ce moment-là, nous avons pris

22 un véhicule et nous nous sommes dirigés vers les hauteurs de Berisa. De là,

23 nous pouvions voir, parce qu'on a une bonne vue de là-haut, nous pouvions

24 voir plusieurs véhicules serbes ou plusieurs policiers serbes qui se

25 cachaient derrière un bus civil. Ils utilisaient ce bus civil comme

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1 bouclier pour pouvoir s'approcher des forces de l'UCK qui étaient dans le

2 village de Gjurgjice le village de Gjurgjice se situe juste à côté du

3 village d'Orlat. De l'endroit où nous étions, on voyait très bien.

4 On entendait très bien l'unité qui était à proximité, et l'on voyait très

5 bien ce qui se passait; l'unité de police serbe en revanche ne pouvait pas

6 communiquer avec l'autre unité de police. En fait, avec notre radio, nous

7 les aidions à communiquer avec l'autre unité en utilisant la fréquence.

8 Nous servions en quelque sorte de relais entre les deux unités.

9 A mesure que nous suivions le déroulement des événements, de l'autre côté

10 de la route goudronnée, du côté de Gjurgjice en allant vers Orlat et

11 jusqu'au col de Lapusnik, on voyait que les forces serbes se regroupaient,

12 elles attaquaient des membres de l'UCK de l'autre côté des villages. Par

13 exemple, si vous allez de Pristina à Peja, c'est sur le côté droit de la

14 route principale. Nous, nous avons vu ce qui se passait, nous avons vu

15 qu'une unité de la police serbe avait pris position à un endroit donné de

16 l'autre côté de la route goudronnée si vous la regardez depuis les hauteurs

17 de Berisa. A partir de cette position, position qui revêtait une grande

18 importance stratégique, cette unité serbe tirait de l'autre côté de la

19 route.

20 Nous, nous étions allés là pour observer le terrain. Nous étions au

21 nombre de cinq ou de six. Nous avons décidé de manière très spontanée que

22 nous allions leur apporter notre concours. A nous cinq, nous avons pris la

23 route, nous nous sommes dirigés vers la route principale au village de

24 Lapusnik et l'un d'entre eux est resté à l'endroit où nous étions avant.

25 Nous lui avons donné une radio de manière à ce qu'il puisse rester en

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1 contact avec les autres unités de manière à éviter tous malentendus,

2 malentendus qui pourraient avoir pour conséquence la mort d'un ou plusieurs

3 membres de l'UCK. Puis, aussi, il s'agissait de lui donner la possibilité

4 d'appeler d'autres amis qui étaient au camp de base pour l'aider si besoin

5 était.

6 Nous sommes descendus en empruntant la route principale, nous nous sommes

7 dirigés à proximité de l'endroit où nos amis étaient attaqués. Nous nous

8 sommes dispersés, nous étions à cinq ou à une dizaine de mètres les uns des

9 autres, il s'agissait de donner l'impression que nous étions plus nombreux

10 que nous l'étions vraiment. Nous avons ouvert le feu. Heureusement, nous

11 avons tiré sur un Pinzgauer serbe qui était probablement chargé avec des

12 munitions.

13 Le Pinzgauer a explosé suite à nos tirs et c'est une des raisons pour

14 lesquelles les Serbes ont quitté les lieux paniqués, ils sont partis sur le

15 champ. Puis la retraite, on l'a observée dans d'autres endroits, Gjurgjice,

16 dans d'autres villages également. Cela a déclanché la panique dans les

17 rangs de la police. Certains d'entre eux se sont enfuis dans la direction

18 de Drenica, d'autres dans la direction de Komorane.

19 Q. Je souhaiterais simplement vous poser la question suivante à présent :

20 sous quel nom vous connaissait-on à cette époque-là, le 9 mai ?

21 R. A cette époque-là, on me connaissait sous le nom de Daja. C'était mon

22 surnom. Ceci étant dit, si vous le permettez je souhaiterais dire que

23 lorsque nous avons reçu cette radio, Rexhep Selimi avait suggéré un code

24 qu'on pourrait utiliser, parce que si vous utilisez la radio vous ne pouvez

25 pas l'utiliser sans un nom de code. Il a fait des suggestions, j'en ai fait

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1 moi aussi. Mais la mienne n'a pas été acceptée. C'était le nom d'un

2 individu. Au cours de mon séjour à Pristina, on m'appelait Arbeni,

3 j'utilisais ce surnom d'Arbeni. J'ai proposé à Rexh qu'on m'appelle Beni.

4 Il a dit que, non, que cela ne passait pas bien à la radio. Il a proposé

5 que j'utilise le nom de code Celiku. J'étais Celiku 1, et Kumanova était

6 Celiku 2 puisque nous avions tous les deux les radios. Les soldats en

7 revanche me connaissaient sous le surnom de Daja. Par la suite, lorsque

8 nous avons commencé à communiquer par le truchement de la radio avec

9 d'autres unités, bien entendu, nous communiquions en utilisant les noms de

10 code unité Celiku 1 et unité Celiku 2.

11 Q. Aviez-vous joué quelque rôle que ce soit dans l'organisation d'autres

12 groupes que celui auquel vous étiez associé ?

13 R. Oui.

14 Q. L'unité Celiku 2, par exemple, saviez-vous qui en faisait partie à

15 cette époque-là ?

16 R. Il n'y avait pas d'unité Celiku 2. Nous étions trois ou quatre

17 personnes. Nous avions deux radios. J'en avais une, Ismet avait l'autre,

18 Rexhe aussi parfois, jusqu'à ce que nous soyons ensemble tous les quatre.

19 Lorsque l'un d'entre nous quittait les autres, l'autre s'appelait Celiku 2.

20 Lorsque nous étions deux sur le terrain, j'étais Celiku 1 et lui, Celiku 2.

21 Mais à l'époque, nous étions ensemble et ce n'est qu'après que Celiku 2 a

22 été formé. C'était fin mai, début juin.

23 Q. J'en arriverai à la fin du mois de mai dans quelques instants, dans

24 l'intervalle, je souhaiterais que nous examinions ce qui s'est passé entre

25 le 9 mai, date à laquelle les Serbes ont quitté la zone paniqués et en

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1 rangs dispersés à la fin du mois de mai. Que s'est-il passé le 9 mai ?

2 R. Pour nous, c'était une guérilla et un acte de guérilla. Après qu'eut

3 abouti cet acte de guérilla puisqu'il faut bien dire que cela a été un

4 succès puisque les forces serbes sont parties, nous avons suite à cela

5 contacté les membres de l'UCK dans cette région. Nous leur avons parlé,

6 nous sommes retournés à Klecka. Parce que nous estimions que nous avions

7 fait le travail pour lequel nous étions partis. Nous avions mené une action

8 militaire. Nos efforts avaient abouti, nous pouvions retourner à notre

9 campement de base.

10 Il y avait d'autres membres de l'UCK d'autres régions qui, par

11 hasard, se trouvaient être là au moment pendant qu'ils passaient de chez

12 eux à Drenica, ou de là où ils venaient vers l'endroit où ils allaient. Une

13 fois l'action menée, nous sommes rentrés immédiatement à Klecka, peut-être

14 pas immédiatement mais très rapidement après cela. De toute façon, il y

15 avait un reporter de la BBC qui a filmé lorsque l'on a tiré sur le

16 Pinzgauer et ensuite, nous sommes retournés à Klecka.

17 Q. Au cours des jours qui ont suivi, qu'avez-vous fait ?

18 R. Si vous le permettez, je souhaiterais expliquer de façon un peu plus

19 détaillée la situation telle que nous l'avons observée à Lapusnik parce que

20 cela me paraît important pour vous, Monsieur le Président, Madame et

21 Monsieur les Juges, cela me paraît important que je vous explique ce que

22 j'ai vécu.

23 Lorsque nous sommes arrivés à Lapusnik, nous étions au nombre de

24 cinq. Les civils ont commencé à nous tirer dessus parce qu'ils ne savaient

25 pas qui nous étions. Une grande confusion régnait. Une fois que furent

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1 parties les forces serbes, nous avons rencontré un groupe de soldats --

2 enfin je dis soldats maintenant mais à l'époque c'était des hommes jeunes

3 portant des vêtements, des tenues de civils sans aucun signe distinctif qui

4 permettait de les identifier comme étant des membres de l'UCK. Mais nous

5 avons appris à mieux les connaître, c'était Ymer Alushani qui les

6 dirigeait, un héros du peuple. Son pseudonyme était Voglushi. C'étaient des

7 civils qui avaient participé au combat à Lapusnik, le long de la route

8 principale menant à Lapusnik- Gjurgjice.

9 Suite à cette rencontre, au cours de laquelle nous avons fait

10 connaissance les uns des autres, nous ne savions pas qui ils étaient comme

11 je vous l'ai dit, une grande confusion régnait, il fallait clarifier les

12 choses. On a appris qu'il y avait une unité qui s'appelait Zjarri. Je ne

13 suis pas tout à fait sûr du nom, mais c'était une unité qui était liée à

14 Likovc qui exerçait ses activités dans la zone de Komorane. Ils avaient

15 entendu les tirs dans les gorges de Lapusnik et puis ils sont venus

16 apporter leur aide. Ils ont fait la même chose que nous, ils ont entendu

17 les tirs et ils sont venus aider.

18 Après les contacts que nous avons eus, nous sommes allés à Klecka.

19 Cette nuit-là, Fehmi Lladrovci et sa femme sont venus à Klecka. Ils

20 venaient, je crois, de Drenoc, du village de Sadik. Fehmi avait entendu

21 parler de ce qui s'était passé dans les gorges de Lapusnik et, le

22 lendemain, il est allé voir lui-même ce qui se passait. Lorsqu'il y est

23 allé, Ymer Alushani est venu à Klecka avec deux civils. Il nous a dit que

24 ces civils avaient peur; qu'ils voulaient que nous allions au village au

25 cas où les forces serbes reviendraient. Fehmi Lladrovci connaissait bien le

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1 terrain, il avait beaucoup d'autorité. Il venait de cette municipalité, de

2 ce village. Il a parlé aux villageois -- groupe d'Ymer et puis il est resté

3 avec nous, il nous a dit qu'on pouvait faire quelque chose, former un

4 groupe, une unité, mettre cette unité à cet endroit-là, Lapusnik. Les gens

5 venaient volontairement. Je n'avais pas suffisamment de soldats pour

6 encercler Lapusnik. Nous étions trop peu nombreux, et nous, nous

7 souhaitions exercer nos activités dans la municipalité de Malisheve.

8 Isak Musliu était là par hasard. Luani aussi. Deux jeunes hommes du

9 village de Drenoc, deux membres de la belle-famille de Fehmi Lladrovci et

10 un gamin de Lubizhde, enfin un homme jeune qui était resté là pendant

11 quelque temps jusqu'à ce qu'il trouve à se loger dans leur propre région.

12 Ils voulaient rester avec nous pendant trois ou quatre jours. Ces personnes

13 ont rejoint le groupe de leur propre initiative, c'est ainsi qu'un groupe

14 composé de membres de l'UCK s'est trouvé stationné dans la gorge de

15 Lapusnik.

16 Q. Je souhaiterais vous poser une question précise là-dessus. Tout

17 d'abord, en ce qui concerne Isak Musliu, le connaissiez-vous d'avant ?

18 R. J'ai rencontré Isak Musliu pour la première fois vers le mois d'avril

19 lorsque j'ai effectué une visite à Likovc. J'y étais allé pour récupérer

20 quelques vêtements pour nous, ceux qui se trouvaient à Klecka et pour voir

21 comment allaient mes amis. Nous ne nous étions pas vus depuis quelque

22 temps. Le seul endroit où l'on pouvait se rendre pendant la journée était

23 Likovc. Parfois on avait envie de sortir pendant la journée, c'est ainsi

24 que nous nous sommes rendus à Likovc.

25 C'est là que j'ai rencontré quelques amis de Drenica. Je crois que

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1 Rexhep Selimi m'a dit qu'il y avait quelques jeunes hommes des

2 municipalités de Shtime et Lipjan qui voulaient passer sur ce territoire,

3 il m'a demandé si je pouvais les aider. J'ai dit que oui, que nous

4 disposions d'une voiture, que nous pourrions nous servir de cette voiture

5 et poursuivre à pied.

6 A mon retour de Likovc lorsque je suis arrivé à Klecka, Isak et Luan

7 ont voyagé avec moi. C'est la première fois que nous nous sommes

8 rencontrés. Je savais que son surnom de l'époque était Lumi [comme

9 interprété]. Luani avait le même surnom à l'époque. Ils étaient originaires

10 des municipalités de Shtime et de Lipjan. Ils ne savaient pas qui j'étais

11 ni d'où je venais, car c'est la règle qui s'appliquait à l'époque. Ils sont

12 arrivés à Klecka, y ont passé la nuit. Le lendemain soir, car comme je l'ai

13 dit, nous ne nous déplacions que pendant la nuit, chacun est allé dans sa

14 municipalité respective. En chemin, j'ai entendu dire qu'ils avaient laissé

15 certains des amis qu'ils avaient accompagnés depuis l'Allemagne à Likovc.

16 Ils devaient trouver des logements. Ils devaient se rendre compte de la

17 situation sur place, trouver des logements pour les héberger, puis revenir

18 ramener leurs amis et commencer leurs activités. Comme je l'ai dit, le

19 lendemain au soir, chacun s'est rendu vers sa destination respective.

20 Au bout de deux semaines, me semble-t-il, ils sont revenus, ont passé une

21 nuit sur place. Le trajet était long. Il fallait compter environ cinq ou

22 six heures pour faire le trajet entre Klecka et l'endroit où ils étaient

23 logés. Ils sont restés à Klecka pendant la journée, car ils ne pouvaient

24 pas se déplacer pendant la journée, et dans la soirée ils sont partis pour

25 Likovc.

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1 Ils n'avaient pas besoin d'escorte, car ils connaissaient bien le chemin et

2 ils connaissaient bien le terrain. Lorsqu'ils sont revenus, ils étaient

3 accompagnés de deux ou trois autres soldats qu'ils étaient allés récupérer

4 dans leurs municipalités respectives. Lorsqu'ils sont rentrés de Likovc

5 afin de poursuivre leur trajet en direction de Shtime, je pense que les

6 événements du 9 mai ont eu lieu, et ils ont fini par rester à Klecka. Après

7 ces événements, la situation a changé, et ils ont modifié leur projet.

8 A l'époque, dans les municipalités de Shtime et de Lipjan plus

9 particulièrement, car la population était mixte et contrôlée de près par

10 les Serbes, la circulation était limitée; il fallait être très prudent. Il

11 était quasiment impossible de faire quoi que ce soit là-bas. Ils s'étaient

12 rendus compte de cela; il a été quasiment impossible d'agir. Ils étaient

13 venus combattre pour le Kosovo. Comme je l'ai déjà dit, nous sommes prêts à

14 apporter notre contribution au pays. Nous allons là où on nous dit d'aller.

15 Isak, accompagné de deux ou trois autres personnes, ont décidé de leur

16 propre gré de rester dans les gorges de Lapusnik avec l'autre groupe de

17 soldats que j'ai mentionné plus tôt.

18 Q. A ce stade, avez-vous donné des ordres, quels qu'ils soient, à Isak

19 Musliu ou à Luan ? Donniez-vous des ordres à quiconque ?

20 R. Comme je l'ai déjà dit, et je le répète, Isak et Luan étaient mes

21 invités en quelque sorte. Ils étaient à ma base, et c'est tout. Il y avait

22 des centaines de personnes comme Isak qui passaient par cette base et

23 poursuivaient leur chemin après s'être reposées. Nous nous efforcions

24 toujours d'aider les gens, de les nourrir, de les aider dans leur trajet.

25 C'est la deuxième fois que je les ai rencontrés.

Page 5945

1 Q. Après cela, avez-vous eu l'occasion de vous rendre à Lapusnik ou dans

2 la région de Lapusnik au mois de mai ?

3 R. Oui, bien entendu. La bataille a eu lieu le 17, me semble-t-il. Nous

4 nous sommes rendus là-bas. Mais l'attaque serbe n'était pas très intense,

5 donc nous avons rebroussé chemin, car nous étions venus les aider, mais

6 c'était inutile. Nous sommes revenus. Je suis reparti pour participer à la

7 bataille du 21 mai. Je ne suis pas certain de la date. Je suis allé là-bas

8 en d'autres occasions pour voir comment nos hommes se portaient.

9 Q. Pour le moment, je ne m'intéresse qu'au mois de mai. Je sais que

10 beaucoup de temps s'est écoulé depuis ces événements, mais pourriez-vous

11 nous donner une idée approximative de la fréquence de vos déplacements à

12 Lapusnik au mois de mai ?

13 R. Je pense que j'y suis allé deux ou trois fois. Je suis certain des deux

14 batailles que j'ai mentionnées. Peut-être que je m'y suis rendu à d'autres

15 occasions en visite, mais je ne suis pas sûr du nombre de fois où j'y suis

16 allé.

17 Q. Je vais vous poser une question directe au sujet de Lapusnik. Au cours

18 du mois de mai, avez-vous, à quelque moment que ce soit, participé à la

19 mise en place d'une prison dans cette région ?

20 R. Non, jamais.

21 Q. Je souhaiterais vous poser d'autres questions pertinentes au sujet du

22 mois de mai. En ce qui concerne l'UCK, au cours de cette période, pensez-

23 vous que d'autres événements importants sont survenus dans d'autres parties

24 de Malisheve. Vous nous avez indiqué, en outre, que Lapusnik ne faisait pas

25 partie de la municipalité de Malisheve.

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1 R. Nous n'avions jamais imaginé quelle serait l'importance des gorges de

2 Lapusnik pour l'UCK. Il s'agissait pour nous d'une bataille de plus. Mais

3 comme les événements l'ont montré, l'opération menée dans les gorges de

4 Lapusnik s'est révélée être un moment crucial eu égard à l'évolution de

5 l'UCK et la suite qu'ont pris les événements. Nous ne nous étions pas

6 rendus compte avant cela de l'importance de cet endroit. Si je ne m'abuse,

7 je pense qu'après le déploiement des forces dans ces gorges, des opérations

8 ont été lancées pour bloquer l'autre partie de la route. Des unités de

9 l'UCK ont bloqué la route afin d'empêcher les forces serbes de pénétrer sur

10 ce territoire et de menacer leurs arrières.

11 La situation s'est développée comme je l'ai mentionné, et les unités de

12 l'UCK qui, comme je l'ai déjà dit, jusque là, avaient agi dans la

13 clandestinité, se sont révélées soudainement au grand jour. Des unités ont

14 fait leur apparition jour après jour. Nous nous sommes rendus compte que ce

15 n'était pas seulement nous qui oeuvrions à Malisheve, c'est-à-dire un ou

16 deux groupes. Nous avons vu qu'il y avait d'autres personnes qui faisaient

17 la même chose en parallèle. Diverses unités ont fait leur apparition ainsi

18 dans plusieurs villages de la municipalité de Malisheve. L'organisation des

19 unités a commencé au sein des villages. Si je ne m'abuse, le 29 mai,

20 d'autres routes qui conduisaient à Malisheve ont été bloquées. A titre

21 d'exemple, vu ce qui s'était passé sur la route de Llozice ou Kline, ceci

22 s'est produit à Bubavec. C'est un autre village en direction de Malisheve.

23 Kijeve est un village dont la population est mixte. C'est le seul endroit

24 dans ce secteur où la police serbe était déployée. Il y avait là un poste

25 de police.

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1 Des unités de l'UCK ont bloqué la route et empêchaient la circulation de

2 ceux qui venaient de Malisheve. Il s'est passé la même chose à Rahovec. Une

3 unité de l'UCK a bloqué la route qui conduisait à Malisheve, ainsi que la

4 route qui mène de Rahovec à Malisheve. A Suhareke s'est produit la même

5 chose dans le village de Temeqine. A partir de Temeqine, les unités ont

6 fusionné à Bllace. Nous nous sommes retrouvés dans une situation où

7 Malisheve est tombée sous le contrôle de l'UCK et est devenue une zone

8 libre. Ceci marque un changement important, une nouvelle ère pour l'UCK et

9 pour le Kosovo en général.

10 Q. A Klecka, coordonniez-vous personnellement ces opérations au cours

11 desquelles des unités bloquaient les routes ? Vous occupiez-vous de la

12 coordination de ces opérations ou de la coordination d'autres opérations ?

13 R. Non, pas dans le cadre lors des événements que j'ai mentionnés. Ces

14 événements se sont déroulés en quelque sorte d'eux-mêmes. Lorsque nous nous

15 sommes rendus compte de la réalité de la situation telle que je l'ai

16 décrite, j'avais mes réserves car j'étais préoccupé de l'issue de ces

17 événements. J'étais préoccupé par l'euphorie qui commençait à faire se

18 sentir.

19 Q. Qu'est-ce qui vous préoccupait au juste ?

20 R. Comme je l'ai déjà dit, Malisheve et les villages qui en font partie ne

21 disposaient pas d'administration, ni de police serbe. Le gouvernement serbe

22 ne s'y intéressait pas. Malisheve était contrôlée par le poste de police de

23 Suhareke et de Rahovec. Le fait que Malisheve soit tombée sous notre

24 contrôle n'était pas la conséquence des actions militaires comme ce fut le

25 cas avec les gorges de Lapusnik. Il y a eu une action militaire menée à

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1 Kline. Les routes situées autour de Malisheve dont j'ai parlé, donc ceci

2 n'a pas abouti au blocage des routes, ceci ne résultait pas d'opérations

3 militaires qui ont abouti à la libération de ce secteur. Nous avons vu que

4 cette portion de la route était bloquée, nous nous sommes rendus sur place

5 pour en bloquer une autre. Chacun venait de son propre gré en plein jour

6 pour mener ces opérations, car les gens en avaient assez d'agir dans la

7 clandestinité depuis si longtemps. Les unités de l'UCK ont entrepris de

8 bloquer les routes et de constituer des antennes.

9 L'UCK n'était pas préparée à faire face à une telle situation. Pour

10 les gens, il s'agissait d'une bonne nouvelle, le fou rire régnait. Les

11 citoyens, à l'époque, ne se rendaient pas compte de l'importance de ces

12 événements. Les gens pour la première fois de leur vie étaient soûls de

13 liberté. Ils se sentaient en sécurité pour la première fois, ils savaient

14 que les forces de police serbes ne passeraient pas par Malisheve sans avoir

15 maille à partir avec les forces de l'UCK. Cette euphorie s'est diffusée sur

16 tout le territoire du Kosovo et des centaines, voire des milliers de

17 personnes originaires de diverses régions ou villes du Kosovo sont arrivées

18 à Malisheve pour respirer le vent de la liberté et pour voir de près les

19 membres de l'UCK.

20 La situation a évolué de façon très rapide pour les habitants de

21 Malisheve qui jusque-là ne savaient pas qui était l'UCK, qui étaient ces

22 personnes qui oeuvraient pendant la nuit. Un beau matin, ils se sont rendus

23 compte que leurs propres enfants étaient membres de l'UCK, chose qu'ils

24 ignoraient jusque-là. Il y avait beaucoup de gens qui déambulaient dans les

25 rues de Malisheve qui venaient de Drenica. Lorsque nous avons enlevé nos

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1 cagoules les gens se sont rendus compte que leurs fils, leurs frères, leurs

2 neveux faisaient partie de l'UCK, c'est une révélation. C'était une

3 révélation pour eux mais pour nous aussi, car l'UCK avait déployé des

4 efforts importants pour recruter ses membres qui apparaissaient au grand

5 jour en nombre important pour la première fois.

6 Cette euphorie a donné lieu au fait que des milliers de personnes ont

7 voulu rejoindre les rangs de l'UCK. Il en était fini de l'ère de la

8 clandestinité et du temps où les gens ne savaient pas où se trouvaient les

9 antennes de l'UCK. A présent, ils le savaient. Ils savaient que nous les

10 membres de l'UCK étions des personnes originaires de la même région, des

11 gens qu'ils connaissaient.

12 Voilà comment la situation évolue et comment nous sommes entrés dans une

13 nouvelle ère de développement. Il s'agissait d'un soulèvement populaire

14 comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire. L'UCK, qui au départ était

15 une organisation de guérilla avec des ambitions limitées et des

16 possibilités réduites, se trouvait face tout à coup à une situation tout à

17 fait nouvelle, personnellement, je n'avais pas pensé que ce serait le cas

18 avant quatre ou cinq ans. Mais les choses ont évolué de façon beaucoup plus

19 rapide de ce que j'imaginais.

20 Q. Une brève question avant la pause. Ce qui m'intéresse, c'est la fin du

21 mois de mai. A l'époque, nous avons assisté à l'émergence de ces unités que

22 vous avez décrites, est-ce qu'il existait une structure au sein de l'UCK,

23 une chaîne de commandement dont vous aviez connaissance ?

24 R. Hormis ce qui était connu de tous, il existait un état-major général,

25 un GQ central comme l'appelait à l'époque. Les personnes que j'ai

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1 mentionnées plus tôt se présentaient comme étant membres du QG général.

2 Peut-être que c'était le cas, peut-être que non. Il n'existait que ce QG

3 général car, à l'époque, tout se faisait sur la base de rapports amicaux.

4 Après les événements du 29 mai, nous avons entamé une nouvelle ère et

5 l'organisation a été modifiée. Jusqu'à ce moment-là, il n'y avait que le QG

6 général et les unités de guérilla.

7 M. MANSFIELD : [interprétation] Peut-être le moment serait-il opportun de

8 faire une pause ?

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.

10 Nous reprendrons nos travaux à 16 heures cinq.

11 --- L'audience est suspendue à 15 heures 43.

12 --- L'audience est reprise à 16 heures 11.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Merci.

15 Q. Dans votre dernière réponse, vous indiquez que vous concernant, et vers

16 la fin du mois de mai, la seule structure qui existait à votre

17 connaissance, structure de l'UCK, était le quartier général principal ou

18 état-major central et les unités. Je vous poserais une autre question sur

19 ce thème. En ce qui concerne l'état-major général ou l'état-major

20 principal, saviez-vous où il se trouvait ?

21 R. Si vous tenez compte du caractère clandestin et de la nature illégale

22 des combats de guérilla, vous pouvez vous imaginer quelle était la

23 situation de cet état-major principal ou central. A l'époque, nous avions

24 des contacts avec un représentant qui faisait partie de l'état-major

25 central. A l'époque, on pouvait se rencontrer sur le terrain avec Rexhep

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1 Selimi et Sokol Bashota, ainsi que d'autres amis de Drenica dont nous

2 pensions qu'ils étaient membres de l'état-major central, mais qui par la

3 suite se sont avérés ne pas faire partie de cet état-major. A l'époque, il

4 n'y avait pas de lieu précis où se trouvait l'état-major central.

5 Personnellement, je l'ai vu pour la première fois en 1998. A cette époque-

6 là, il était possible d'entrer en contact avec l'état-major central, mais

7 seulement si vous étiez représentant de ce dernier.

8 Q. J'aimerais que nous passions maintenant au mois de juin 1998. Un

9 instant, s'il vous plaît.

10 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi. Je ne suis pas en train de

11 lire la bonne ligne. Oui, je vois.

12 Monsieur le Président, merci à mes collègues de m'avoir apporté leur aide.

13 A la ligne 20, à l'écran que nous avons sous les yeux à l'heure actuelle,

14 on devrait lire décembre 1998 et non pas seulement an 1998. Décembre ne

15 figure pas au compte rendu. Oui, on me le confirme. Merci beaucoup. Peut-

16 être pourrait-on modifier le compte rendu afin qu'y figure cette précision

17 dans la version finale.

18 Q. Nous allions passer au mois de juin. Nous savons qu'un représentant de

19 l'état-major général --

20 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi. Est-ce que l'on pourrait

21 demander au témoin de bien vouloir préciser les choses. Je n'ai pas entendu

22 le mois de "décembre". Si cela a été dit, en tout cas, cela n'a pas été

23 traduit. Peut-être qu'il serait bon de demander au témoin d'apporter cette

24 clarification lui-même de vive voix.

25 M. MANSFIELD : [interprétation]

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1 Q. Monsieur Limaj, vous avez entendu, n'est-ce pas ?

2 R. Oui.

3 Q. Avez-vous dit "décembre" ou pas ?

4 R. J'ai dit que j'ai vu l'état-major général, l'état-major central pour la

5 première fois au début du mois de décembre 1998.

6 Q. Oui, merci beaucoup.

7 Bien, je recommence. Je repose une nouvelle fois ma question qui

8 concerne le mois de juin 1998. Nous savons tous qu'au cours de ce mois, un

9 membre de l'état-major général a fait une déclaration au nom de l'UCK,

10 Jakup Krasniqi, c'était lui, et il est venu à Klecka. C'est sur ce point en

11 particulier que j'aimerais vous poser une question. Etiez-vous présent à

12 Klecka et aviez-vous rencontré à ce moment-là Jakup Krasniqi ?

13 R. Oui. Si vous me le permettez, j'aimerais compléter ce que j'ai déjà

14 dit. C'est quelque chose qui me paraît très important concernant les

15 événements de Malisheve et ma préoccupation vis-à-vis de ces événements.

16 Q. Oui, je vais attendre une réponse à ma question et je vous laisserai

17 vous exprimer sur ce point.

18 R. Comme je l'ai déjà dit, les événements qui ont eu lieu après le 29 mai

19 et après que Malisheve est devenu une espèce de territoire libre dépourvu

20 de toute activité militaire de la part des unités de l'UCK, je me suis

21 inquiété. La capacité de l'UCK à défendre cette zone n'était pas

22 suffisante. Comme je l'ai dit, cette zone est tombée entre les mains de

23 l'UCK, mais pas grâce aux activités menées par cette dernière. En outre, le

24 danger auquel étaient exposés les citoyens ainsi que les membres de l'UCK,

25 ces dangers étaient graves, importants. Nous étions en grand danger. Au cas

Page 5953

1 où les forces serbes auraient tenté de lever le blocus en quelque sorte et

2 de dégager ces routes afin d'entrer à Malisheve, ce qu'ils auraient pu

3 faire, le danger aurait été grand. J'étais sûr qu'ils allaient le faire et

4 je savais que nos forces ne seraient pas suffisantes.

5 En outre, tout était nouveau, le contexte était nouveau. Nous étions

6 préoccupés parce que les choses avaient changé depuis que nous étions

7 devenus unité de guérilla. Là, je me base sur ma propre expérience pour

8 dire cela. Le plus grand acte qu'un homme puisse envisager c'est de

9 sacrifier sa propre vie et il en subit lui-même les conséquences. Pour

10 attaquer un poste de police ou une patrouille de police, nous, nous

11 mettions nous-mêmes dans une situation de danger et nous ne sacrifions pas

12 la sécurité d'autres. Nous étions prêts à nous sacrifier. Nous en assumions

13 la responsabilité, nous tous qui avions rejoint volontairement l'UCK. Par

14 conséquent, toute activité menée par nous cinq avait des conséquences sur

15 nous uniquement et non pas sur d'autres.

16 A partir de ce point particulier, nous nous sommes retrouvés confrontés à

17 une situation tout à fait nouvelle. Or, dans cette nouvelle situation, la

18 population civile aurait pu être exposée également à des risques, à des

19 dangers. Il était tout à fait normal que nous souhaitions répondre à une

20 attaque si elle était lancée par les forces serbes, toutefois, nous étions

21 préoccupés quant à notre capacité à défendre la population civile. C'est la

22 raison pour laquelle je pense que certaines mesures ont été prises dans un

23 climat d'euphorie sans préparation préalable. La situation n'était plus

24 contrôlée par l'état-major général; la situation était devenue

25 incontrôlable. Il s'agissait de plus en plus d'un soulèvement populaire.

Page 5954

1 Puisque nous agissions en parfaite illégalité et dans la clandestinité,

2 personne ne connaissait la force de l'UCK. En quelque sorte, ceci était à

3 notre avantage face aux forces serbes et pour les civils. Il était facile

4 lorsque vous entriez en contact avec un civil, et que ce civil vous

5 demandait si vous aviez des hommes en nombre suffisant et suffisamment

6 d'armes, il était facile de répondre oui.

7 Mais après le 29 mai, lorsque des milliers de jeunes hommes et des

8 milliers de gens ont su où s'adresser pour rejoindre l'UCK, je leur

9 répondais que, pour l'instant, nous n'avions pas besoin de nouveaux membres

10 et que nous les informerions si les besoins s'en faisaient sentir. Puis, un

11 autre groupe s'adressait à nous. A ce moment-là, il est devenu tout à fait

12 manifeste que nous ne disposions pas de suffisamment d'armes. Ceux qui

13 avaient des armes étaient immédiatement enrôlés, devenaient membres de

14 l'UCK, tandis que les autres étaient renvoyés. Ces gens-là, précisément,

15 recherchaient des moyens de rejoindre l'UCK. A cette époque, tout le monde

16 cherchait une solution. Heureusement, mes préoccupations se sont avérées

17 infondées, et la raison en est que les Serbes ne sont pas intervenus, comme

18 on l'a vu.

19 Les forces serbes ne sont pas intervenues, et d'une certaine manière, ce

20 faisant, ils ont aidé l'UCK à gagner le temps nécessaire pour s'adapter à

21 la nouvelle situation.

22 C'est ce que je souhaitais ajouter et je suis désolé, j'ai oublié votre

23 question.

24 Q. Moi, aussi je crois, mais ne vous inquiétez pas. J'aimerais apporter

25 une correction une nouvelle fois à ce que vous avez dit, ou en tout cas, au

Page 5955

1 compte rendu. En haut de l'écran, juste en haut, à la ligne 9 de la page

2 30. Ce qui apparaît dans le compte rendu c'est qu'il s'agit "d'un

3 soulèvement impopulaire." Or, je crois que ce que vous avez dit c'était,

4 "un soulèvement populaire," de toute la population au contraire, de

5 l'ensemble du pays. Je crois que c'est ce que vous avez dit.

6 Oui, Monsieur Limaj, vous avez bien dit un mouvement populaire concernant

7 l'ensemble de la population, n'est-ce pas ?

8 R. Oui, c'est ce que j'ai dit. Ce processus a commencé à ressembler à un

9 soulèvement de l'ensemble de la population.

10 Q. Merci. Vous avez corrigé le compte rendu.

11 La question que je voulais vous poser concerne maintenant le mois de juin.

12 L'état-major général, ou en tout cas, un représentant de l'état-major

13 général est venu à Klecka; c'était Jakup Krasniqi. Je voulais savoir si

14 vous aviez rencontré Jakup Krasniqi à Klecka ?

15 R. Oui.

16 Q. Etait-ce sa première visite sur place ?

17 R. Oui, sa première. Si vous le souhaitez, je peux expliquer dans quelques

18 circonstances a eu lieu cette visite.

19 Q. S'il vous plaît.

20 R. Un soir, avant l'arrivée de M. Krasniqi à Klecka, M. Hashim Thaqi,

21 Rexhep Selimi, et je crois Sokol Bashota, sont venus me voir. Ils m'ont dit

22 qu'il leur fallait un lieu, en tout cas, une pièce, parce que le lendemain

23 le porte-parole de l'UCK devait s'exprimer en public. Afin d'assurer la

24 sécurité de M. Krasniqi et de sa famille, ils souhaitaient que ceci ait

25 lieu à Klecka afin que le public ne sache pas où se trouvait M. Krasniqi au

Page 5956

1 moment où il allait prendre la parole. Ils m'ont demandé de faire sortir de

2 la base les soldats qui s'y trouvaient, de manière à ce qu'ils ne puissent

3 pas assister à l'arrivée de M. Krasniqi sur place, et puisque j'étais en

4 mesure de répondre favorablement à leur demande, puisque j'avais

5 suffisamment de place.

6 Le soir, ils ont amené un ordinateur afin de suivre les images, et ils ont

7 amené une table. Ce soir-là, ou cette nuit-là, nous avons organisé la

8 pièce, de manière à ce qu'elle acquière un caractère officiel, en quelque

9 sorte, dans la mesure du possible, étant donné la situation du moment. Le

10 lendemain, M. Krasniqi est arrivé. Deux journalistes de la chaîne de

11 télévision albanaise étaient arrivés avant lui. M. Krasniqi est arrivé. Il

12 est entré dans la pièce. Nous avons bu un café, et Rexhep a proposé que

13 deux soldats de l'UCK se tiennent aux côtés de M. Krasniqi pendant qu'il

14 lirait sa déclaration. C'était une déclaration exclusive diffusée pour la

15 première fois. Pour la première fois, la population, le public dans le pays

16 et hors de ses frontières, allaient avoir la possibilité de voir, de

17 connaître en quelque sorte un représentant de l'UCK; de connaître son nom

18 et de voir à quoi il ressemblait.

19 Puisque les soldats qui se trouvaient là auparavant étaient partis, il ne

20 restait plus personne à part moi et un parent proche de M. Krasniqi. Nous

21 nous tenions de chaque côté de M. Krasniqi et nous sommes restés là tout au

22 long de la déclaration.

23 Après avoir terminé la lecture de sa déclaration, M. Krasniqi a quitté les

24 lieux immédiatement. Il est parti de ma base, et Sokol Bashota m'a dit

25 qu'ils avaient une autre base près du village de Klecka.

Page 5957

1 Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, il y a un village qui

2 s'appelle Divjake, composé de dix maisons tout au plus. Ceux qui ne

3 connaissent pas la région confondent ce village avec Klecka parce qu'il est

4 très proche de Klecka et c'est une région montagneuse. Cette base était

5 déjà une base de l'UCK, mais je ne le savais pas. Le propriétaire de cette

6 maison avait été emprisonné en même temps que Demir et au même endroit que

7 lui, en raison de ses activités au sein de l'UCK.

8 On avait commencé à utiliser cette maison comme base. Les représentants de

9 l'UCK, en se rendant d'une région à l'autre, s'y arrêtaient. Il me l'a dit

10 pour deux raisons. D'abord, pour mes soldats à Klecka et pour qu'ils

11 fassent preuve de prudence sachant que maintenant tout le monde savait qui

12 était Jakup Krasniqi, afin que mes soldats de Klecka soient attentifs et

13 qu'ils gardent l'endroit, et afin de veiller à ce que ces soldats ne disent

14 pas aux autres pourquoi ils assuraient la surveillance de cet endroit.

15 Par conséquent, M. Krasniqi y venait souvent. J'y allais souvent pour le

16 voir, peut-être pas quotidiennement, mais je dirais tous les deux jours. Si

17 j'avais quelque chose à demander de particulier ou si j'avais à faire là-

18 bas, j'y allais tous les jours. Chaque fois qu'il s'y trouvait, j'allais

19 lui rendre visite.

20 Q. Bien. Puisque vous avez mentionné ce lieu, je vous inviterais à

21 consulter la carte dont l'échelle est grande. Il me semble que ce lieu y

22 est indiqué. J'aimerais que vous consultiez cette carte qui est

23 actuellement pliée et que vous nous disiez où se trouve cette maison, la

24 maison à laquelle vous avez fait référence. Je pense qu'elle se trouve au

25 nord-est de Klecka.

Page 5958

1 R. Le village est ici, toutefois les maisons sont éparpillées et pour

2 quiconque ne connaissant pas la région, il est difficile de faire la

3 différence entre les maisons de Klecka et les maisons de Divjake. J'ai

4 oublié d'évoquer le nom du propriétaire de la maison où demeurait M.

5 Krasniqi. Je crois qu'il s'appelait Nezir Zogaj, si je ne m'abuse. Par la

6 suite, après novembre ou décembre, tout l'état-major général y a été

7 stationné. Cet endroit était connu de tous.

8 M. MANSFIELD : [interprétation] Aux fins du compte rendu, la carte sur

9 laquelle vous venez d'apposer une annotation sera, je crois, DL4. Mais avec

10 votre autorisation, je ne vais pas en demander le versement pour l'instant.

11 J'attendrai que vous y ayez apposé toutes les indications qui nous

12 intéressent.

13 [La Chambre de première instance et le Greffier se concertent]

14 M. MANSFIELD : [interprétation]

15 Q. Puis-je --

16 R. Je voulais ajouter --

17 Q. Un instant, s'il vous plaît. Oui. Pardon. Veuillez poursuivre.

18 R. Je voulais dire que M. Krasniqi a emporté l'ordinateur. Ils ont emmené

19 la table et l'ordinateur et ils les ont ramenés à l'endroit où ils se

20 trouvaient initialement.

21 Q. Une question connexe à certaines réponses que vous avez apportées. Vous

22 avez dit que, lorsque M. Krasniqi était présent, vous y alliez; vous lui

23 rendiez visite, et ce assez fréquemment. C'est une question un peu

24 évidente, mais pourquoi alliez-vous le voir lorsqu'il s'y trouvait ?

25 R. Après les événements que j'ai déjà évoqués, événements qui ont suivi le

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1 29 mai à Malisheve, les choses devaient être clarifiées. Il n'était pas

2 suffisant de dire, oui, nous agissons, les choses se déroulent bien, ou

3 relativement bien, et cetera. Il nous fallait faire preuve davantage

4 d'ouverture, agir de manière plus concrète et plus transparente. Il nous

5 fallait davantage d'information, information plus précise sur ce que nous

6 devions faire à partir de maintenant.

7 Je crois qu'au cours de la semaine qui a suivi l'apparition en public de M.

8 Krasniqi, je suis allé le voir et j'ai formulé trois demandes. D'abord, je

9 lui ai demandé de bien vouloir nous informer parce que pour moi, il me

10 paraissait être la personne la plus compétente, et nous pouvions aborder

11 avec lui un certain nombre de questions directement. Il pouvait nous

12 informer sur ce qui était envisagé de faire par l'état-major. Nous

13 souhaitions parler de la prise de contrôle de Malisheve, ce qui devait être

14 fait concernant la nouvelle organisation de l'UCK.

15 Cela m'intéressait de savoir quelle était la situation à ce moment-là, si

16 le quartier général avait des contacts avec les dirigeants politiques ou

17 avec les partis politiques à Pristina. Parce que M. Krasniqi était l'un des

18 représentants politiques, l'un des militants, l'une des personnalités

19 prenant part au processus politique à Pristina. Je pense que c'était la

20 personne la plus appropriée. Puis, les demandes que nous recevions tous les

21 jours de la population exigeaient de nous que nous apportions des

22 solutions.

23 Comme je l'ai dit plus tôt, il est facile de prendre des décisions qui vous

24 concernent, vous seulement, décisions vous poussant éventuellement à

25 sacrifier votre propre vie. Vous en connaissez les conséquences. Vous savez

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1 ce qui va se passer pour vous, d'un point de vue personnel. Mais lorsqu'il

2 s'agit d'actions, d'activités qui peuvent avoir une incidence sur un groupe

3 plus large d'individus, sur une communauté, la responsabilité est plus

4 grande. Par conséquent, nous nous trouvions ici confrontés à une situation

5 dans laquelle nous ne pouvions pas prendre de décisions concrètes. Je ne

6 savais pas ce que nous devions faire dans cette nouvelle situation. Je ne

7 savais pas ce que l'UCK était disposée à faire, si l'UCK était prête pour

8 faire face à cette nouvelle phase.

9 A Malisheve, 20 000 personnes arrivaient. C'était une petite ville. Les

10 gens venaient d'autres régions, de tout le Kosovo, pour voir ce qu'il s'y

11 passait. A l'époque, nous n'avions aucune structure civile qui nous aurait

12 permis d'organiser la vie quotidienne, de créer une base logistique pour

13 les soldats et aussi pour la population civile. Par conséquent, il fallait

14 une certaine forme de coordination. A mon avis, la situation à ce moment-là

15 était invivable. C'est la raison pour laquelle je pensais que l'état-major

16 principal devrait proposer des mesures concrètes nous indiquant ce que nous

17 devions faire, quel comportement nous devions adopter dans la nouvelle

18 situation. C'est l'une des questions que j'ai abordée avec M. Krasniqi à

19 l'époque.

20 Je peux, si vous voulez, vous communiquer la réponse qui m'a été

21 faite de M. Krasniqi, qui partageait d'ailleurs ces préoccupations. En ce

22 qui concerne ces contacts avec la classe politique, il m'a répondu qu'il y

23 avait un certain nombre de contacts avec eux, même si la situation était

24 difficile. Pristina posait un certain nombre de problèmes pour nous; c'est

25 ce qu'il m'a dit. Mais il espérait trouver une langue commune, en tout cas,

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1 c'est ce qu'il m'a dit. Il a dit qu'il avait grand espoir, qu'il plaçait

2 dans les représentants de l'UCK qui avaient commencé à établir des liens,

3 des contacts avec le gouvernement en exil afin de coordonner les opérations

4 et les actions.

5 Quant à la nouvelle situation, M. Krasniqi m'a dit que l'état-major

6 général n'était pas prêt à faire face, qu'il n'avait pas la structure

7 nécessaire pour gérer cette évolution, que ceci allait trop vite. La prise

8 de contrôle de Malisheve, comme je l'ai déjà dit, était en fait la réplique

9 d'événements qui ne cessaient de se produire, et l'état-major général était

10 incapable de contrôler la situation. Il m'a dit qu'étant donné que la

11 population souhaitait rejoindre les rangs de l'UCK, qu'ils essayaient de

12 trouver davantage d'armes et de munitions, sans parler de l'organisation

13 future.

14 Il a simplement décrit la situation en disant qu'elle était

15 extrêmement difficile, mais que des actions avaient été entreprises pour

16 trouver des solutions nécessaires afin de faire face à la nouvelle

17 situation. L'une d'entre elles, l'une de ces mesures, c'était le

18 renforcement de la zone opérationnelle à Drenica, que l'on doterait d'une

19 structure de commandement; même chose pour Pastrik et Dukagjin.

20 Le jour où je suis allé parler à M. Krasniqi, si je ne m'abuse,

21 c'était le 22 ou 23 juin. C'est la première fois que j'ai été informé de

22 règles particulières qui devaient régir le travail à effectuer. Je pense

23 que c'était le 22 juin. C'est la première mesure qui a été prise par le

24 quartier général afin de définir les objectifs de la meilleure organisation

25 et du renforcement de l'UCK.

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1 Q. Vous avez parlé de l'émergence de zones opérationnelles; la

2 première à Drenica. Dans cette même réponse, vous avez parlé de Pastrik. A

3 votre connaissance, quand les premières mesures visant à établir la zone

4 opérationnelle de Pastrik ont-elles été prises ?

5 R. Cette réunion de travail avec M. Krasniqi, sur le thème dont je parle

6 ici, a eu lieu le 20. Le 22, il m'a communiqué ces différentes règles dont

7 j'ai parlé, ce règlement en réalité. C'est au début du mois de juillet, je

8 crois, le 5, le 6, ou le 7 - je n'en suis pas tout à fait certain - mais

9 c'est, en tout cas, au mois de juillet que la première mesure a été prise,

10 après lui avoir parlé. L'état-major général a commencé à nommer les

11 commandants de la zone opérationnelle de Pastrik.

12 Q. Qui sont les commandants qui ont été nommés par l'état-major général de

13 cette zone ?

14 R. Le premier commandant nommé par l'état-major pour la zone de Pastrik

15 était Muse Jashari, au début du mois de juillet. Muse Jashari venait de la

16 famille d'Adem Jashari. Notre glorieux commandant, il venait de cette même

17 famille; un commandant légendaire. L'état-major avait décidé qu'en

18 désignant un homme de ce statut, ayant cette notoriété ainsi que

19 d'expérience qu'il avait du combat, parce qu'il avait participé aux combats

20 de l'UCK, et ce, de longue date, il avait été imaginé que c'était une

21 solution que toutes les unités accepteraient facilement, toutes les unités

22 de l'UCK. Les unités de Malisheve, Suhareke, Rahovec, entre autres

23 municipalités.

24 Q. Avait-il un adjoint ?

25 R. Non. A l'époque, vous savez, ce n'était que la première étape; c'était

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1 la désignation des commandants. Puis ensuite, on donnait au commandant le

2 temps de consulter différentes unités. Suite à ces consultations, c'était

3 au commandant qu'il allait appartenir de formuler une proposition qu'il

4 soumettrait à l'état-major général pour le commandement de la zone.

5 Q. En ce qui vous concerne, est-ce qu'on vous a confié un rôle ? Est-ce

6 que vous avez été nommé à un poste de commandement ?

7 R. La nomination de Muse Jashari, qui était venu à Malisheve, cela

8 constituait à l'engager sur un territoire inconnu pour lui. Lorsque l'on

9 parlait de Suva Reka, de Rahovec, de Prizren, d'autres villages, dans

10 certains villages, il y avait des organisations publiques qui étaient en

11 place, dans les parties de Prizren, par exemple, mais cela n'était pas

12 généralisé. Pour l'UCK, il était difficile de communiquer à cette époque-

13 là. Jakup Krasniqi m'a demandé d'aider Muse à établir des contacts à

14 Malisheve. Mais il n'y a pas qu'à moi qu'il l'a demandé. Il l'a demandé

15 également à d'autres commandants, d'autres unités dans cette zone. On a

16 tous été invités à lui apporter notre aide, de manière à ce qu'il puisse

17 établir sa tâche, à savoir, consolider une liste de candidats pour le

18 commandement de la zone.

19 Q. Je souhaiterais voir à présent, et j'utiliserai sans doute une des

20 cartes du bureau du Procureur. Je vous demanderais de bien vouloir tracer

21 une ligne autour de la zone dont vous estimiez qu'elle était couverte par

22 cette zone opérationnelle en date du mois de juillet 1998. Est-ce que ce

23 serait possible pour vous de tracer un trait ?

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Il s'agit de la carte P1, carte 6. Je

25 demanderais à ce qu'elle soit placée sur le rétroprojecteur. Carte pièce à

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1 conviction 1, carte numéro 6.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que vous souhaitez que ce soit

3 enregistré ?

4 M. MANSFIELD : [interprétation] Je crois qu'il y a des exemplaires de cette

5 feuille.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je crois que c'est la réponse.

7 M. MANSFIELD : [interprétation] Je n'en ai pas eu une copie. Je ne sais si

8 elle est annotée, mais il semblerait qu'il y a quelque chose en filigrane.

9 Pourrait-on -- c'est vrai que c'est une réplique exacte de la copie de

10 cette page, carte 6, P1.

11 Q. Je sais que vous avez eu l'occasion de voir cette carte à maintes

12 reprises. Je vous demanderais de bien vouloir prendre votre temps et

13 d'utiliser le feutre qu'on vous remet et de tracer un cercle autour de la

14 zone dont vous estimez qu'elle était la zone opérationnelle telle qu'elle

15 existait en juillet 1998.

16 R. Je souhaiterais dire que le principe qui dirigeait la division des

17 zones, c'était de le faire se regrouper avec les municipalités; c'était la

18 façon la plus simple et la moins compliquée de subdiviser une région. On se

19 fondait sur le territoire qui était couvert par les municipalités en

20 question.

21 Q. Je demanderais de bien vouloir mettre cette carte sur le

22 rétroprojecteur. Ce sera plus facile à suivre, plutôt que d'attendre que

23 vous portiez vos annotations, et qu'ensuite on examine la carte. Peut-être

24 sera-t-il plus facile pour vous de le faire sur rétroprojecteur si vous

25 vous asseyiez plus proche du rétroprojecteur.

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1 R. Comme je vous l'expliquais, le principe de base était le suivant : il

2 s'agissait de diviser le territoire des municipalités. Il s'agit ici de la

3 zone opérationnelle que je viens de tracer, zone opérationnelle de Pastrik.

4 La limite est là où je l'ai tracée. Ici, vous avez la zone opérationnelle

5 telle qu'elle était prévue. On se fondait, pour la délimiter, sur la

6 municipalité de Drenica.

7 Q. C'est la ligne rouge que vous avez tracée; est-ce exact ?

8 R. Oui, la zone opérationnelle de Drenica, plus ou moins.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Aux fins du compte rendu, Maître

10 Mansfield, une ligne est tracée en couleur bleue. La zone qui est au sud-

11 ouest, si j'ai bien compris, est la zone de Pastrik. Puis, le témoin a

12 tracé une ligne rouge, et au nord-ouest de cette ligne rouge, se situe la

13 deuxième zone.

14 LE TÉMOIN : [interprétation] J'ai fait une erreur ici, parce que cela fait

15 partie en fait de la municipalité de Fushe Kosova. Ici, il s'agit de la

16 zone opérationnelle prévue pour Nerodime. Cela inclut la municipalité de

17 Malisheve, Rahovec, Suhareke, Prizren, Dragash, et la zone opérationnelle

18 de Pastrik, y compris ce que j'ai mentionné. Nerodime, en revanche, inclut

19 Ferizaj. Après, les changements ont été apportés, parce que Kacanik est

20 passé à Nerodime, même si on avait prévu de l'inclure dans la zone de

21 Karadak. Mais après l'offensive du mois d'août, des changements sont

22 intervenus et Kacanik est resté dans la zone opérationnelle de Kacanik et

23 non pas dans celle de Karadak comme cela avait été prévu au départ en fait.

24 Q. Bien, Monsieur le Président, je vais suivre vos indications et préciser

25 que la ligne noire, qui a été tracée, devait représenter la zone de

Page 5966

1 Nerodime; est-ce exact ?

2 R. Oui.

3 Q. Je sais que je m'avance un petit peu, mais je crois que cela nous

4 évitera d'avoir à refaire tout cela. Si vous utilisez la même carte, mais

5 un autre feutre, parce que nous savons qu'au mois d'août, un changement est

6 intervenu, une zone organisationnelle différente, celle de la 121e Brigade,

7 est apparue. Pourriez-vous, de manière à ce que nous puissions bien

8 comprendre ce qui se passe, tracer, sur cette même carte, la zone de

9 responsabilité couverte par la 121e Brigade. Je vous demanderais, bien

10 entendu, de tracer cette ligne au moyen d'un feutre d'une couleur

11 différente.

12 R. Après le mois d'août, après l'établissement des brigades et après

13 l'offensive de l'été, des changements sont intervenus qui étaient la

14 conséquence directe des changements intervenus sur le terrain. La 121e

15 Brigade est formée à ce moment-là, et ce dans le territoire couvert par les

16 trois zones opérationnelles existantes à l'époque. Cette zone commence --

17 je vous montre là, au moyen du feutre, la route goudronnée. A partir

18 d'Orlat, dans cette zone-ci, une partie d'Orlat relevait de la zone de la

19 121e Brigade, et puis aussi une autre partie relevait de la 113e Brigade. Le

20 long de cette route d'Orlat à Malisheve, donc cette partie-ci. Là, vous

21 voyez, vous avez la ligne de démarcation et elle se poursuit, cette ligne,

22 le long de la route qui va de Malisheve à Dulje. A chaque fois, lorsqu'on

23 va de Malisheve à Dulje, on est sur le côté gauche, Monsieur le Président,

24 Madame, Monsieur les Juges, de la route. C'est donc là la ligne de

25 démarcation pour la brigade.

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1 A Dulje, il y a aussi une route principale qui va de Pristina à Prizren. Si

2 l'on suit la route de Prizren à Pristina, la ligne de démarcation suit

3 cette route sur son côté gauche. Cela suit la route, en suivant la ligne

4 que je suis en train de tracer. Ensuite, elle tourne à angle droit vers

5 Zborce, si je ne m'abuse. Puis, elle continue vers Vrshec, à Blinaje,

6 Miletici, Mirene, et puis vient rejoindre la route qui va de Pristina à

7 Peja.

8 Puis, elle fait un tournant vers le bas, vers Komorane, Lapusnik, et elle

9 vient rejoindre l'autre ligne à Orlat. Voilà, c'est ce territoire-là qui

10 relevait du commandement de la 121e Brigade qui fût formée sur le

11 territoire, comme je vous le disais tout à l'heure, de trois zones

12 opérationnelles telles qu'elles avaient été prévues.

13 Q. Merci.

14 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

15 Juges, pourrait-on confier un numéro de pièce à conviction à cette carte.

16 Je crois qu'on avait 4, 5, 6. Ici, ce serait donc DL7.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je propose que nous leur confions

18 toutes un numéro --

19 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] -- parce que nous sommes ici, un petit

21 peu, dans un goulet d'étranglement.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] C'est vrai que cela pourrait poser

23 problème.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous avons 4, 5, et 6, sur la base de

25 s'il devait y avoir d'autres marquages, si on devait enregistrer d'autres

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1 enregistrements, cela pourrait se faire à l'avenir.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui. C'est une carte de géologue. Ici, on

3 lui confiera le numéro DL4. La carte politique, c'est DL6; et cette carte-

4 ci serait une version d'une copie de la carte, pièce à conviction 1, carte

5 6, et cette carte portera maintenant le numéro DL7.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Versées au dossier.

7 M. LE GREFFIER : [interprétation] Carte de 1995, numéro de pièce à

8 conviction DL4; carte numéro 2, carte post-conflit du Kosovo, date 2000,

9 DL5; carte numéro 3, carte de routine du Kosovo, post-guerre 2001, numéro

10 de pièce à conviction DL6; et enfin, carte numéro 6, pièce à conviction de

11 l'Accusation numéro 1, portant les annotations du témoin, portera désormais

12 le numéro de pièce à conviction DL7.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, je vois qu'on a

14 inversé l'ordre dans lequel vous aviez accordé des numéros à ces cartes,

15 mais bon.

16 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, absolument. Je ne crois pas que cela

17 ait énormément d'importance.

18 Q. Je propose, Monsieur Limaj, à présent, que nous revenions au discours

19 que vous teniez tout à l'heure. Je vous rappelle que nous étions au mois de

20 juin. Je dois dire que je ne respecte pas tout à fait l'ordre

21 chronologique, mais je souhaitais que les cartes soient enregistrées aux

22 fins d'identification. Maintenant, après la visite que vous a rendue

23 Krasniqi, et cetera, que se passe-t-il au mois de juin ? Là, je pense à

24 vous et à l'UCK. Que vous est-il arrivé au mois de juin, qui soit de

25 quelque importance que ce soit à vos yeux, dans un contexte de l'UCK ?

Page 5969

1 R. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, j'ai rencontré M. Krasniqi parce

2 que j'étais inquiet de ce que je voyais sur le terrain et de ce qui se

3 passait sur le terrain. De plus en plus de gens souhaitaient joindre les

4 rangs de l'UCK, voulaient qu'on leur remette des armes, et ils arrivaient

5 en nombre croissant. Essentiellement, il s'agissait d'hommes jeunes. Pour

6 votre information, à partir de 1991, il y avait des générations entières

7 d'hommes jeunes albanais qui n'avaient pas effectué leur service militaire.

8 La jeunesse albanaise, entre 1981 et 1991, n'avait pas fait leur service

9 militaire. Ils voulaient rejoindre les rangs de notre armée, et

10 délibérément, parce qu'ils souhaitaient lutter, se battre pour leur pays.

11 Tout comme nous, ils n'avaient pas la moindre idée de la façon dont ils

12 devaient utiliser les armes. Ils ne savaient pas non plus comment agir dans

13 les circonstances de conflits armés. C'étaient des hommes jeunes qui

14 avaient 18, 19 ans et qui, contrairement à leurs aînés, ne pouvaient pas

15 joindre les rangs de l'UCK.

16 Comme je vous l'ai dit, nous n'étions pas préparés, nous ne savions

17 pas comment nous comporter vis-à-vis de ces personnes qui souhaitaient nous

18 rejoindre. Nous agissions dans la clandestinité, personnellement - et je

19 parle en mon nom propre à présent - je pensais que nous étions venus au

20 Kosovo parce que le Kosovo avait besoin de gens qui étaient à se sacrifier

21 et nous pensions pouvoir attirer l'attention de la communauté

22 internationale sur la nécessité d'aboutir à une solution ici.

23 Ceci dit, compte tenu de l'évolution de la situation au mois de juin, nous

24 sommes par nécessité partis à la recherche d'une solution pour pouvoir

25 survivre parce qu'on avait lancé la machine de la propagande pour l'UCK et

Page 5970

1 on pouvait difficilement dire à ce moment-là, bien maintenant, je ne sais

2 pas quoi dire. A Klecka, un centre de formation devait être mis sur pied

3 parce qu'à l'époque, j'avais établi des liens avec un officier de réserve

4 parce qu'il y avait encore un système de réserve de l'armée yougoslave, un

5 officier réserviste qui connaissait les règles militaires, qui était prêt à

6 nous apporter son aide dès lors qu'il s'agissait d'assurer la formation de

7 jeunes hommes qui n'avaient pas la moindre idée, la moindre connaissance du

8 maniement des armes.

9 Klecka était un endroit qui se prêtait bien à ceci. Nous avons

10 commencé avec un groupe d'une quinzaine, vingtaine d'hommes, nous avons

11 commencé à les former. Cet officier de réserve était associé directement à

12 la formation et, parallèlement, il s'agissait aussi d'une façon d'apporter

13 une réponse positive à la population, on ne pouvait tout de même pas se

14 permettre de leur dire en permanence, rentrez, rentrez, ou repartez. On a

15 commencé une formation, certaines de ces formations duraient cinq jours,

16 d'autres six jours, cela dépendait de la situation. Les hommes suivaient

17 des cours, ensuite on leur disait qu'il fallait qu'ils rentrent chez eux et

18 qu'on les informerait de ce qu'ils seraient amenés à faire par la suite.

19 Ils se rendaient dans les unités auxquelles ils souhaitaient adhérer.

20 Ensuite, M. Krasniqi m'avait dit que, pratiquement l'intégralité de

21 l'état-major général s'était associée à l'achat d'armements, parce que

22 l'achat d'armements était la question numéro un. Cela intéressait tout le

23 monde d'avoir autant d'armes que possible et d'armer tous ceux qui

24 souhaitaient l'être. Nous avons commencé à envoyer ceux qui venaient nous

25 voir en Albanie pour qu'ils aillent chercher des armes, à leur retour, ils

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1 décidaient. C'était leur décision, ils décidaient de rester, soit d'aller

2 loger chez des amis, dans leurs familles ou s'ils souhaitaient s'installer.

3 Voilà comment la situation évoluait jour après jour.

4 N'oubliez pas quelle était la situation à l'époque, quelles étaient

5 les inquiétudes, quelle était la difficulté de la situation. Par exemple,

6 les soldats dans la municipalité de Malisheve qui manquaient d'armes et qui

7 n'avaient pas non plus de caserne. Ils restaient chez eux dans leurs

8 propres maisons. Un système d'équipes a été introduit. Il y avait une

9 équipe qui travaillait pendant huit heures sur le front et qui se reposait

10 pendant huit heures. Mettons quelqu'un qui travaillait dans un magasin, il

11 allait sur le front, il faisait son équipe de huit heures, et ensuite il

12 revenait, et une autre équipe prenait la relève, une autre personne prenait

13 la relève, faisait sa période de huit heures et rentrait à son tour chez

14 lui. A chaque fois qu'il y avait un vrai danger, on commençait à parler de

15 déplacement, parce qu'évidemment il fallait pouvoir déplacer les gens en

16 cas de danger. Mais ce n'était pas possible de les déplacer. Le seul moyen

17 pour les populations, c'était de rester chez eux et de manger dans leur

18 maison. Il n'y avait rien d'autre à faire.

19 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi de vous interrompre mais je

20 crois qu'il y a quelques petites erreurs au compte rendu d'audience. La

21 première, c'est tout en haut de l'écran à l'heure actuelle. Il me semble

22 que le témoin nous a dit : "Les gens qui avaient des armes, qui ont rejoint

23 les rangs étaient acceptés immédiatement et on les envoyait dans les

24 unités."

25 Puis deuxième correction, je crois que cela apparaît encore à

Page 5972

1 l'écran, il s'agit de la ligne 6, page 45, où il est écrit : "Certains sont

2 allés en France." Mais je crois que cela c'était un petit peu un vœux pieux

3 en fait, c'est une erreur. Je souhaitais simplement apporter ces deux

4 corrections au compte rendu d'audience en anglais.

5 Q. Je souhaiterais à présent vous poser une question supplémentaire.

6 Lorsque vous parliez de la formation, vous avez parlé d'une personne d'un

7 certain âge. Qui était cet homme d'un certain âge qui avait été employé

8 pour pratiquer pour s'occuper de la formation ?

9 R. Il s'appelle Ajet Kastrati. Il n'était pas employé, il était

10 membre de l'UCK.

11 Q. Je vous propose maintenant de faire un petit bond dans le temps. Nous

12 savons qu'à la fin du mois de juillet - donc on est au mois de juillet

13 maintenant - vous nous avez parlé des différentes règles qui vous ont été

14 expliquées par Krasniqi, ensuite des zones opérationnelles 5, 6, 7 juillet.

15 Mais à la fin du mois de juillet, comme on a eu l'occasion de l'entendre,

16 une bataille très importante a eu lieu, pour être précis le 26 juillet.

17 S'agissant du mois de juillet et du mois de juin, est-ce qu'au cours de ces

18 deux mois, vous avez eu d'autres occasions de vous rendre à Lapusnik pour

19 quelque raison que ce soit ?

20 R. Oui, j'y suis allé.

21 Q. Pourriez-vous nous dire à quelle fréquence vous vous êtes rendu à

22 Lapusnik au cours de ces deux mois, combien de fois ?

23 R. Je préfère ne pas vous donner de chiffre parce qu'un chiffre cela

24 peut s'interpréter de différente manière. Je peux vous dire que j'y suis

25 allé souvent. Comme vous l'avez dit vous-même, j'y suis allé une vingtaine

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1 de fois. Peut-être moins que cela, peut-être plus que cela, mais ce que je

2 peux dire, c'est que j'y suis allé à chaque fois que c'était nécessaire.

3 Soit en allant vers Drenica, au mois de juin, mais aussi au mois de

4 juillet.

5 Oui, je viens de me souvenir d'un incident qui est important et qui

6 peut avoir un lien avec ce que l'on dira. Au cours de cette période, et

7 pour la première fois, j'ai eu l'occasion de voir des officiers officiels

8 ou professionnels. C'était un groupe de cinq ou six officiers, il y en

9 avait peut-être plus, mais mois je n'en n'ai vu que trois de toute façon,

10 officiers qui avaient fréquenté l'académie militaire, qui étaient venu de

11 l'étranger pour rejoindre les rangs de l'UCK. Par le truchement de l'état-

12 major général, ils étaient en mission d'observation de terrain si vous

13 voulez. Ils assuraient une sorte de surveillance du terrain dans chacune

14 des unités. Parmi eux, il y avait Byslym Zuropi; la deuxième personne qui

15 est un martyr national maintenant, c'est Agim Qelaj. Le troisième, dont le

16 nom m'échappe malheureusement, avait comme surnom Hans parce qu'il venait

17 d'Allemagne. Je ne me souviens pas de son nom précisément maintenant, mais

18 on peut trouver facilement son nom. Heureusement, il est encore en vie. Ces

19 hommes-là sont venus nous voir aussi. Ils sont venus me voir

20 personnellement à Klecka. Ils sont allés voir d'autres unités, les antennes

21 de Lapusnik, Negrovce, Kishna Reka, ils sont également allés à Suhareke

22 dans la région de Dukagjin. Ils se sont rendus dans différents villages de

23 Drenica, à différents endroits.

24 Mais je voulais dire que c'était la première fois que nous voyions des

25 officiers de carrière, c'était quelque chose que nous voyions pour la

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1 première fois, cela nous a donné de l'espoir pour l'avenir. Nous avons

2 pensé que les experts dans ce domaine prendraient des initiatives, nous

3 étions très contents de voir la présence de ces officiers. Je sais qu'Agim

4 Qelaj, s'agissant de ce centre de formation dont je viens de parler, étant

5 donné qu'Agim Qelaj était spécialisé dans la formation militaire, a pris

6 sous son aile deux ou trois de mes soldats. Il voulait créer une unité

7 d'intervention, donc, il a pris deux ou trois soldats de mon unité ainsi

8 que d'autres soldats appartenant à d'autres unités. Ceci a eu lieu vers la

9 fin du mois de juin. Il les a formés, entraînés et envoyés au village de

10 Negrovce vers les gorges de Vucjak, il s'agit d'un endroit entre Negrovce

11 et Turiqevc. Cet endroit convenait à de telles activités.

12 Voilà comment les choses se sont déroulées. Je sais que nous sommes

13 allés à Lapusnik avec eux également. Je me souviens du moment où nous

14 sommes arrivés ensemble à Lapusnik. Ils ont vu l'endroit, ils ont donné

15 quelques idées à Isak ou à Ymer qui se trouvaient là. J'étais présent en

16 d'autres occasions également. A chaque fois que j'allais à Likovc, car j'y

17 allais fréquemment afin de rendre visite à mes amis. Je n'y allais pas pour

18 des missions particulières, je voulais simplement voir mes amis. Il était

19 nécessaire de passer par Lapusnik afin d'arriver à Likovc. Quiconque

20 voulait aller à Likovc se devait de traverser d'abord Lapusnik, s'y

21 arrêtait boire un café, discutait avec des gens, c'était normal.

22 Lors de ma première visite ou lors de mes visites, la première chose

23 que je faisais, c'était d'aller voir Isak ou Voglushi. En d'autres

24 occasions, je suis allé voir à Lapusnik et d'autres unités en chemin pour

25 Likovc lorsque l'on passe par la route d'Orlat qui mène aux gorges de

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1 Lapusnik.

2 Q. Je souhaiterais vous poser quelques questions précises, ce qui

3 m'intéresse c'est la période de juin et juillet. Tout d'abord, au cours de

4 cette période, avez-vous participé de quelque manière que ce soit à

5 l'organisation ou à la création d'une prison ou d'un camp de détention à

6 Lapusnik ?

7 R. Non, Monsieur. Ceci est absurde. Je vous ai dit quels étaient nos

8 problèmes et nos préoccupations principales. Il était impossible d'avoir

9 quoi que ce soit à faire avec une telle chose.

10 Q. Vous avez parlé d'Isak Musliu. Je souhaiterais vous poser une question

11 au sujet de l'autre co-accusé en l'espèce, M. Bala. Avant cette affaire,

12 avez-vous jamais eu l'occasion de le rencontrer ?

13 R. J'aimerais dire qu'il existe une différence entre le fait de rencontrer

14 quelqu'un et le fait de le connaître. Après mon arrivée ici, Bala lui-même

15 m'a dit, car je ne m'en souvenais pas, que nous nous étions rencontrés en

16 2001. Il était venu me trouver afin de me demander une faveur. Il voulait

17 que j'intervienne à l'hôpital de Pristina au sujet de sa fille. Je n'avais

18 jamais rencontré cette personne avant d'arriver à Lapusnik. Quant à savoir

19 si je l'ai rencontré par hasard, c'est possible, car j'ai rencontré des

20 milliers de soldats, mais je ne le connaissais. S'agissant de notre

21 rencontre de 2001, voilà ce qu'il m'a raconté; personnellement, je ne m'en

22 souvenais pas. Après la guerre, les soldats venaient me voir

23 quotidiennement afin de me demander des faveurs ou une aide quelconque,

24 c'était tout à fait normal, ainsi, ils pouvaient s'adapter à la nouvelle

25 situation telle qu'elle prévalait après le conflit. Il est possible que

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1 nous soyons ainsi rencontrés, mais en ce qui me concerne, c'est un

2 événement dont je n'ai pas de souvenirs. Voilà ce que M. Bala m'a raconté.

3 Il m'a dit que nous nous étions rencontrés en 2001 et c'est possible. Je ne

4 le connaissais pas avant de venir ici.

5 Q. Je souhaiterais que vous m'aidiez quelque peu. Vous nous avez dit que

6 vous vous étiez rendu dans la région de Lapusnik à plusieurs reprises. Si

7 vous êtes en mesure de le faire, à l'aide d'une vue aérienne de Lapusnik,

8 je souhaiterais que vous nous indiquiez les endroits où vous pensez vous

9 être rendu à Lapusnik. Il s'agit là encore de la pièce à conviction de

10 l'Accusation P1, image numéro 8. Je n'ai pas de copie de cette page, mais

11 je vous invite à examiner cette pièce à conviction. L'image au numéro 8

12 s'intitule : "Vue aérienne de Lapusnik."

13 Certaines de ces images ont déjà été annotées par des témoins. Ce que

14 j'attends de vous, puisque l'image apparaît à l'écran, c'est à l'aide du

15 pointeur métallique ou du stylo que vous avez devant vous --

16 R. [aucune interprétation]

17 Q. Nous n'allons pas écrire sur cette image. Est-ce que vous pourriez

18 simplement indiquer -- nous voyons en haut la route Pristina à Peja, donc

19 Pristina à gauche, Peja à droite, au vu de cette image, pourriez-vous

20 indiquer les endroits où vous pensez vous être rendu et les raisons pour

21 lesquelles vous vous y êtes rendu, les personnes que vous avez

22 rencontrées ?

23 R. Monsieur le Président, Madame et Monsieur les Juges, comme vous le

24 voyez vous-même, cette route que voyons ici va de ce côté l'autre route va

25 à Likovc. Il s'agit de la route qui relie Drenica avec l'autre secteur. Il

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1 fallait suivre ce chemin. Je suis allé dans ce groupe de maisons ici. J'ai

2 bu un café, car il y avait une unité militaire qui était appelée du nom du

3 quartier, qui s'y trouvait.

4 M. WHITING : [interprétation] Excusez-moi.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

6 M. WHITING : [interprétation] Je souhaiterais faire une suggestion. Nous

7 disposons de copies supplémentaires de cette carte; mais nous ne les avons

8 pas dans le prétoire. M. Younis a certains exemplaires de cette image dans

9 son bureau. Peut-être que si nous faisions une pause plus tôt que prévu,

10 nous pourrions retrouver ces exemplaires supplémentaires, ce qui

11 faciliterait notre travail.

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Je suis tout à fait reconnaissant.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

14 Nous allons faire une pause et nous reprendrons vers 17 heures 45.

15 --- L'audience est suspendue à 17 heures 26.

16 --- L'audience est reprise à 17 heures 50.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Avec votre autorisation, je souhaiterais

19 préciser une réponse donnée par le témoin en page 49, ligne 10 du compte

20 rendu d'audience.

21 Q. Monsieur Limaj, juste avant la pause, vous nous parliez de M. Bala et

22 vous avez établi une distinction entre le fait de connaître quelqu'un et le

23 fait de rencontrer quelqu'un. Nous avons vérifié cela. Vous avez dit, que

24 vous n'avez jamais fait la connaissance de M. Bala avant d'arriver à

25 Lapusnik.

Page 5978

1 Est-ce exact ?

2 R. Non. J'ai dit que je n'avais jamais fait sa connaissance avant de venir

3 à La Haye.

4 Q. Très bien. Peut-être que votre langue a fourché, ou que les interprètes

5 ont mal compris. Je vous remercie de cette précision.

6 Est-ce que vous disposez à présent d'un exemplaire de l'image 8 de la

7 pièce à conviction de l'Accusation numéro 1 ? Ceci doit être placé sur le

8 rétroprojecteur.

9 J'ai ici une copie, il s'agit d'un autre exemplaire de l'image numéro

10 8 qui fait partie de la pièce à conviction de l'Accusation numéro 1. Il

11 s'agit d'une vue aérienne de Lapusnik. Vous aviez commencé à examiner cette

12 image et vous aviez indiqué un endroit qui se trouve juste en dessous de la

13 route Peja-Pristina. A l'aide d'un feutre, peut-être pourriez-vous revenir

14 sur cet endroit et tracer un cercle autour ? Pourriez-vous y apposer un

15 chiffre exactement de façon à ce que nous puissions savoir sur la base de

16 votre témoignage quelle est l'importance de ce secteur ? Pouvez-vous nous

17 dire où vous êtes allé dans ce secteur ?

18 R. Les cartes me posent problème. J'ai examiné cette carte assez longtemps

19 afin d'essayer de me souvenir de mes visites éventuelles dans ce secteur.

20 Ici, vous pouvez voir une maison. Je m'en souviens parce que c'était une

21 maison appartenant à un vieil homme charmant, je dirais, qui nous

22 accueillait souvent. Nous avions de bons rapports avec lui. A chaque fois

23 que je me rendais là, j'allais voir ce vieil homme malade. Il s'appelait

24 Qerkin Sopi. Si je ne m'abuse, sa maison doit se trouver par là. Est-ce que

25 vous voulez que je trace un cercle ?

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1 Q. Oui. Je vous en prie. Veuillez apposer le chiffre 1 à côté de ce cercle

2 de façon à ce que nous puissions savoir que vous parlez de la maison de M.

3 Sopi ou du quartier du moins dans lequel vous pensez que sa maison se

4 trouvait.

5 Avant que vous ne poursuivez votre réponse, dites-moi, si vous vous

6 souvenez en examinant cette vue aérienne et toutes les difficultés que cela

7 pose, vous souvenez-vous à l'occasion des visites que vous avez effectuées

8 dans ce secteur, comment vous y êtes arrivé ? Comment êtes-vous arrivé

9 jusqu'à sa maison ? Quel chemin avez-vous emprunté pour y parvenir ?

10 R. Oui.

11 Q. Pourriez-vous l'indiquer, je vous prie.

12 R. Comme je l'ai dit, voilà l'entrée, si je puis dire. On poursuit dans

13 cette direction, si je ne m'abuse. Il s'agit d'une route étroite qui se

14 poursuit par ici, comme vous le voyez. On pouvait ensuite, soit prendre

15 cette direction et arriver à cet endroit, ou l'autre direction, même si le

16 deuxième itinéraire était plus long.

17 Q. Oui.

18 R. C'est ainsi qu'on pouvait arriver à l'endroit que j'indique à présent.

19 Q. C'est clair. Vous souvenez-vous vous être rendu à d'autres endroits

20 dans ce secteur ?

21 R. Je me suis peut-être rendu dans d'autres maisons à certaines occasions.

22 Nous nous sommes peut-être arrêtés à des endroits où se trouvaient des

23 soldats. Peut-être que des civils nous ont invités à boire un café. Il

24 s'agissait de visites impromptues.

25 Un autre endroit dont je me souviens est situé ici, près de Qerkini. C'est

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1 à côté de sa maison, plus ou moins à l'endroit que j'indique. Je m'en

2 souviens, car on s'en servait de dispensaire. Je me souviens qu'il y avait

3 une cour et un jardin. Autour de cet endroit, se trouvait des vignes. Je

4 m'en rappelle, car c'était l'été, et nous avons bu le café à l'extérieur

5 dans le jardin, avec le propriétaire. Ce dispensaire se trouvait dans sa

6 maison. Je crois qu'il s'appelait Ferat Sopi. Cela se trouvait quelque part

7 ici. Isak se trouvait ici également.

8 Q. Pouvez-vous apposer le chiffre 2 à cet endroit, étant donné que vous

9 avez apposé le chiffre 1 sur le premier endroit que vous avez montré.

10 R. Dans ce quartier, Isak logeait, dans un endroit situé près de cette

11 maison. Lorsque j'allais là-bas, je rencontrais Isak, parfois chez Qerkini.

12 Nous avons peut-être mangé ensemble. Je vous ai dit que nous avions de bons

13 rapports. C'était un ancien prisonnier politique. Il était très agréable de

14 discuter avec lui. Je sais qu'il souffrait de paralysie partielle. Mais

15 curieusement, il semblait se sentir mieux après l'évolution de l'UCK dont

16 j'ai parlé plus tôt. Sa guérison était inexplicable. Chaque fois que

17 j'allais là-bas, j'allais lui rendre visite, et dans le cadre de nos

18 conversations, j'ai appris qu'il connaissait mon oncle. Nous avons peut-

19 être mangé ensemble à quelques occasions. Nous avons bu un café. C'était

20 toujours un plaisir d'aller là-bas.

21 J'ai peut-être été dans d'autres maisons également. Je m'y arrêtais pour

22 boire le café ici et là. Il y avait des civils qui nous invitaient à boire

23 un café, à manger; pas seulement moi, mais également d'autres soldats. Nous

24 nous arrêtions chez eux pour y boire un verre d'eau, pour y déjeuner. Voilà

25 le genre de choses que nous avons pu faire. Je ne l'exclus pas.

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1 Il en va de même pour l'autre quartier, car ce que je vous décris

2 maintenant c'est un petit quartier de Lapusnik. Lapusnik est une zone assez

3 large.

4 Un de mes amis, un soldat, à l'époque où j'étais soldat, pendant dix jours,

5 je me suis arrêté chez lui. J'ai bu un café avec lui alors que j'étais en

6 route vers le village de Drenica.

7 Q. Etes-vous en mesure de nous indiquer, si vous le savez, où les

8 différentes unités ou antennes étaient situées dans ce secteur ?

9 R. Je vais essayer. L'unité Celiku 3 était positionnée à cet endroit.

10 Q. Est-ce que vous pourriez tracer un cercle à cet endroit, je vous prie.

11 R. Peut-être que je me trompe. Il s'agit de l'endroit approximatif où elle

12 se trouve. Il y avait une position à cet endroit, une autre position ici,

13 et une autre ici. Il s'agit d'estimation seulement, car je ne peux pas être

14 précis.

15 Q. Oui.

16 R. Il y en avait une autre ici. 1, 2, 3, 4, 5; il y avait cinq positions.

17 La dernière se trouvait, je crois, ici. Voilà les différents postes ou

18 antennes.

19 Q. Est-ce que vous aviez votre mot à dire sur l'endroit où ces postes

20 étaient établis ?

21 R. Je ne peux pas vous dire avec exactitude où se trouvaient les

22 différentes positions. Si je me rendais à une position militaire, j'allais

23 là, à partir de cette maison. A côté de la maison où je m'arrêtais. Je me

24 trompe peut-être sur la position exacte de ces endroits. Je sais qu'il y en

25 avait cinq.

Page 5982

1 Q. Excusez-moi. C'est peut-être mon erreur ou peut-être s'agit-il d'une

2 erreur de traduction. Je vous demandais si vous-même vous avez pris des

3 décisions sur les endroits où ces postes devaient être positionnés dans ce

4 secteur.

5 R. Non.

6 Q. Avant de mettre cette vue aérienne de côté, y a-t-il d'autres endroits

7 dont vous vous souvenez, des maisons, des lieux où vous vous seriez

8 rendus ?

9 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaite vous

10 dire qu'il y a un endroit situé à l'extérieur de ce secteur, vers

11 Kizhareke.

12 Q. Ceci n'apparaissait pas à l'écran. Pourriez-vous répéter votre réponse

13 et nous indiquer cet endroit de nouveau.

14 R. Je me trompe peut-être, car cela ne se trouve pas sur la carte. C'est

15 vers cet endroit, je pense. Là, est situé le village de Kizhareke. Une

16 unité y était positionnée. Ici, se trouvait une autre unité, une unité de

17 quartier, comme je l'ai dit plus tôt. Je ne pense pas qu'elle portait un

18 nom. Les villageois de ce quartier s'étaient organisés, avaient acheté des

19 armes afin de défendre leurs maisons.

20 Q. Pourriez-vous tracer un cercle à cet endroit et y apposer le chiffre 3.

21 R. Je pense que le numéro 4 était là; là où la route fait un tournant. A

22 cet endroit, étaient déployés des soldats qui contrôlaient les entrées et

23 les sorties. Je crois qu'il faisait partie de cette unité. Il s'agissait

24 d'une unité mixte composée de villageois.

25 Je répète qu'il s'agissait de villageois qui s'étaient organisés eux-

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1 mêmes, avaient acheté leurs propres armes et souhaitaient protéger leurs

2 maisons, car il y avait des cambriolages, en raison du fait que beaucoup de

3 civils avaient quitté le secteur. Peu de gens restait.

4 Il y a d'autres unités que je ne vois pas sur cette partie de la

5 carte. Dans une autre partie des gorges de Lapusnik, le long de la vallée,

6 Pellumbi, Lumi, Murrizi, Ferra; voilà le nom des différentes unités.

7 Q. Je pense que cela suffit pour la vue aérienne. Nous avons compris

8 qu'elle ne représentait pas l'endroit où se trouvaient toutes les unités

9 que vous connaissez.

10 M. MANSFIELD : [interprétation] Pourrait-on attribuer la cote DL8 à

11 cette pièce, je vous prie.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Cette pièce sera versée au

13 dossier.

14 M. LE GREFFIER : [interprétation] La carte numéro 8 se verra attribuer la

15 cote DL8.

16 LE TÉMOIN : [interprétation] Monsieur le Président, Madame et Monsieur les

17 Juges, je souhaite ajouter que j'ai dû me rendre dans certaines maisons,

18 mais ce n'était rien de particulier. Cela faisait partie de notre vie

19 quotidienne, car nous dormions et mangions chez toutes sortes de personnes.

20 Je ne peux pas exclure la possibilité que je me sois rendu dans d'autres

21 maisons deux ou trois fois.

22 M. MANSFIELD : [interprétation]

23 Q. Puisque nous parlons de Lapusnik --

24 R. Excusez-moi. J'ai oublié quelque chose. Maintenant je me souviens que

25 j'ai mangé avec des soldats dans une cuisine située ici. Cette cuisine se

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1 trouvait à cet endroit, si je ne m'abuse.

2 Q. Est-ce que vous pourriez tracer un cercle autour de l'endroit où vous

3 pensez que se trouvait la cuisine et apposer le chiffre 4 à côté.

4 R. Je pense que c'est le chiffre 5.

5 Q. Oui 5, tout à fait.

6 R. C'est approximativement à cet endroit. Je sais que je m'y suis rendu.

7 Il y avait entre dix à 12 soldats. Nous sommes allés déjeuner ensemble. Il

8 s'agissait d'une cuisine de fortune, mais ils appelaient cela une cuisine.

9 Je pense que nous y avons mangé avec les soldats après la bataille du 17

10 mai.

11 Q. Je souhaiterais que nous parlions des événements survenus fin juillet,

12 ou pour être plus précis, le 26 juillet. Il s'agit d'événements connus sous

13 le nom de la bataille de Lapusnik. Avez-vous participé à ces combats ?

14 R. Excusez-moi, je ne peux pas vous répondre au sujet de Lapusnik si vous

15 me posez une question au sujet de Rahovec.

16 Q. Bien --

17 R. Il s'agit d'une affaire très importante pour moi et je veux dire aux

18 Juges de la Chambre de première instance la vérité. Depuis trois ans, un

19 certain nombre d'allégations ont été portées contre moi, et je veux dire la

20 vérité. A chaque fois que vous ressentez le besoin de me poser une

21 question, faites-le de façon à ce que je puisse vous exposer mon point de

22 vue. Même si je prends beaucoup de temps pour expliquer des détails,

23 permettez-moi de pouvoir dire tout ce que je sais au sujet de cette partie

24 de ma vie, au sujet de ce que j'ai vécu.

25 Je voudrais que vous me posiez une question au sujet de Rahovec, car il

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1 s'agit d'un sujet très controversé. Toutes sortes de choses ont été dites à

2 ce sujet. Je veux que les choses soient claires. Je veux en parler même si

3 ce n'est pas directement lié à cette affaire, mais pour moi c'est

4 important.

5 Q. Excusez-moi, je surveille l'heure, et c'est la raison pour laquelle

6 j'ai parlé de Lapusnik et de la date du 26 juillet. Avez-vous participé aux

7 combats qui se sont déroulés le 26 juillet ? Ensuite, je reviendrai sur

8 Rahovec, si vous me permettez.

9 R. Non, je n'ai pas participé à ces combats. J'ai participé à la deuxième

10 partie, le premier jour, c'est-à-dire dans l'après-midi du 25. Je suis allé

11 là-bas après 15 heures, et les combats étaient intenses. Je ne pouvais pas

12 aller où je voulais. J'étais accompagné d'un ami. J'ai perdu conscience,

13 car j'avais des problèmes de santé à l'époque. Je me suis évanoui. Il m'est

14 arrivé la même chose qu'à Rahovec. Le 25 dans l'après-midi, je suis allé

15 participer aux combats, mais je n'ai pas pu me rendre sur la ligne de front

16 et je me suis évanoui. Après cela, je me suis réveillé à Klecka, où les

17 soldats m'avaient ramené. Le 26, je n'y suis pas allé, car notre présence

18 n'était pas utile, étant donné qu'à 10 heures du matin les gorges de

19 Lapusnik sont tombées.

20 Q. Ne vous inquiétez pas, je reviendrai plus tard sur Rahovec. Mais avant

21 cela, je souhaiterais vous poser une autre question.

22 A ce moment-là, c'est-à-dire vers le 26 juillet, vous trouviez-vous dans

23 les hauteurs de Berisa à bord d'un tracteur ou à côté d'un tracteur, ou en

24 compagnie d'autres soldats alors que des prisonniers de Lapusnik étaient

25 emmenés vers leur mort ? Vous trouviez-vous dans les hauteurs de Berisa à

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1 cette occasion ?

2 R. Non, j'étais malade à ce moment-là. Même si j'avais été en bonne santé,

3 il aurait été illogique pour moi d'aller de Berisa à Lapusnik, car à

4 l'époque, les pilonnages serbes étaient intenses. Nous avions même des

5 problèmes à Klecka. En outre, cet endroit était complètement dégagé.

6 C'était facile de prendre cet endroit pour cible et cet endroit était

7 constamment attaqué par les forces serbes. Si vous regardez la carte, et

8 ceci ressort également des témoignages des soldats qui se trouvaient là,

9 les soldats étaient déployés à cet endroit, et nous essuyions des tirs

10 constants. Il était impossible de se déplacer.

11 Comme je vous l'ai dit, le 25, j'ai eu des problèmes de santé, comme ce qui

12 m'était arrivé auparavant à Rahovec. Vers midi, me semble-t-il, l'un des

13 soldats est venu me voir et m'a dit que Lapusnik était tombé, à savoir les

14 gorges de Lapusnik étaient tombées. Ce qui m'est venu à l'esprit en

15 premier, c'était la situation à Malisheve, car si les gorges de Lapusnik

16 étaient tombées, cela signifiait que les forces serbes allaient se diriger

17 vers Malisheve où se trouvaient environ 100 000 personnes qui s'étaient

18 réfugiées en provenance de différents secteurs. Il y avait une

19 surpopulation à l'époque à Malisheve. Ma famille également se trouvait là,

20 mais ma famille comptait autant que les autres familles à mes yeux.

21 Si je ne m'abuse, il était 1 ou 2 heures. J'ai essayé de rassembler

22 mes esprits, de me lever avec deux soldats. Avec mon neveu également, Naser

23 Sabit. Nous sommes montés en voiture et nous sommes allés de Klecka à

24 Novoselle, comme le montre la carte, de Novoselle à Terpeze, de Terpeze le

25 long de la route goudronnée jusqu'à Malisheve, afin d'informer la

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1 population et de leur dire de fuir progressivement Malisheve, afin de les

2 avertir que les forces serbes risquaient de pilonner Malisheve, afin

3 qu'elle puisse trouver refuge ailleurs, ces familles. Parce que sur la base

4 d'expérience passée, les forces serbes ne faisaient pas de détails dans

5 leurs attaques et dans le traitement réservé à la population civile dans

6 les secteurs qui avaient été contrôlés par l'UCK. Nous souhaitions que la

7 population civile trouve refuge ailleurs.

8 Par conséquent, il y avait des commerces et des cafés qui étaient

9 bien achalandés. Les gens ne savaient pas quoi faire avec ces denrées, ils

10 espéraient que les forces serbes n'arrivent pas jusque là. Nous leur

11 disions de prendre tout ce qu'ils pouvaient avec eux et de partir, parce

12 que les forces serbes étaient en route. Je me souviens que, dans un

13 magasin, j'ai récupéré environ 15 kilos de café qui m'ont été donnés par

14 l'un des vendeurs sur la route en direction de Banje. Je vous dis tout cela

15 pour vous expliquer que les gens essayaient de récupérer tout ce qui était

16 possible de récupérer dans les magasins d'alimentation. D'ailleurs, c'était

17 une bonne affaire pour les commerçants, parce que l'endroit était plein de

18 réfugiés.

19 De là, je suis allé jusqu'à Banje. J'ai parlé avec les membres de ma

20 famille. Je leur ai dit qu'il fallait partir, parce qu'après la chute de

21 Malisheve je savais que les autres villages allaient faire de même peu de

22 temps après. J'ai continué à informer les villageois, les habitants

23 d'autres villages, Bellanice, Temeqine. Nous avons fait passer le passage

24 dans ces différents endroits. Ensuite, nous sommes repartis en direction de

25 Senik. De Senik vers Lladrovc, afin de dire à toutes les personnes que nous

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1 rencontrions de fuir dans les montagnes de Klecka, d'aller dans la vallée

2 de Klecka. Certains sont allés à Pagarushe.

3 Lorsque je suis revenu à Terpeze, c'était en fin d'après-midi. Les

4 soldats qui avaient fui les gorges de Lapusnik, en tout cas un grand nombre

5 d'entre eux, se trouvaient à Terpeze. Pendant tout le tour que nous avons

6 fait, Malisheve, Banje, Terpeze, les forces d'artillerie sont revenues à

7 Terpeze, la population civile était partie en direction opposée. Il y avait

8 des tracteurs, des camions, des camionnettes partout, tous les moyens de

9 transport à la disposition de la population. Lorsque les soldats m'ont

10 informé de ce qui s'était passé, avec les soldats présents, les autres qui

11 venaient de Klecka, nous avons essayé d'établir une ligne de front à

12 Terpeze au moins pour retarder l'entrée des forces serbes dans Malisheve

13 pour permettre à la population civile de partir. Puis, pour établir une

14 ligne de défense à Terpeze également. S'ils essayaient d'entrer dans

15 Malisheve de la direction de Terpeze, nous pourrions les retenir pour les

16 empêcher d'entrer à Klecka.

17 Ce que je voulais dire c'est que tous ces mouvements, tout cela je

18 l'ai fait de la voiture, parce que je me sentais très faible après tout ce

19 qui s'était passé et après la semaine intensive que j'avais vécue. Je pense

20 que c'est à 7 ou 8 heures du soir que je suis revenu de Terpeze à Klecka. A

21 ce moment-là, il a fallu cinq heures pour réussir à rentrer à Klecka, étant

22 donné la très forte circulation à ce moment-là, la circulation que j'ai

23 déjà évoquée. La population civile utilisait tout ce qui était disponible,

24 et pour nous, il n'y avait pas d'autre chemin à suivre afin de rentrer dans

25 Klecka. A 10 heures 00, tout était terminé comme l'ont dit les témoins

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1 oculaires qui ont assisté à tout cela. C'est véritablement ce qui s'est

2 passé ce jour-là.

3 Le soir, Isak est venu vers 8 heures. Nous n'avions aucune

4 information concernant le nombre de victimes, les morts, les blessés. Il

5 nous a dit qu'Ymer avait été tué là-bas. Nous nous sommes assis et nous

6 avons parlé. Même si nous étions très fatigués, nous avons parlé avec Isak

7 et les autres, et nous nous sommes demandé ce que nous allions faire dans

8 une telle situation. Nous avons parlé des soldats qui étaient là-bas, des

9 soldats qui étaient à Terpeze et ailleurs, parce qu'après cette offensive,

10 les soldats se sont dispersés dans de nombreux secteurs. Nous avons essayé

11 d'établir une ligne de défense, comme je l'ai déjà dit et d'établir

12 quelques postes d'observation afin de surveiller les forces serbes, parce

13 que nous ne savions pas ce qu'ils envisageaient de faire, ce qu'ils

14 allaient faire le lendemain. Nous étions préoccupés, parce qu'il y avait

15 quelque 50 000 personnes qui étaient disséminées, dispersées dans ces

16 montagnes, dans ces collines et nous ne savions pas du tout ce qui allait

17 leur arriver si les forces serbes tentaient de pénétrer dans l'arrière-pays

18 de Terpeze et de Lladrovc, nous ne savions pas ce qui allait arrivé. La

19 pression était terrible.

20 C'est ce qui s'est passé le 26, en tout cas la manière dont j'ai vu

21 les choses se dérouler.

22 Q. Avant de passer à ce que vous avez fait pour les réfugiés, les

23 personnes déplacées, j'aimerais revenir un tout petit peu en arrière. Vous

24 avez dit dans votre réponse que c'était une semaine très intensive que vous

25 avez vécue et que vous vous sentiez extrêmement faible. Ceci nous renvoie à

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1 Rahovec et à ce qui s'est passé juste avant Lapusnik. Seriez-vous assez

2 aimable pour nous raconter ce qui s'y est passé avant les événements

3 survenus à Lapusnik ?

4 R. Il s'agissait d'une conséquence des événements de Malisheve. Une

5 situation qui se répétait, une situation déjà connue. Les gens, d'autres

6 gens dans d'autres secteurs, d'autres régions se sont comportés de la même

7 manière.

8 J'ai oublié d'évoquer un incident qui a eu lieu au début du mois de

9 juillet. L'état-major général a nommé un administrateur civil pour la

10 municipalité de Malisheve. Je crois que c'était une première et que cela a

11 été la première nomination après les conversations que j'ai eues avec Jakup

12 Krasniqi, je pense que Jakup a discuté avec d'autres également. Je pense

13 que c'est à ce moment-là que l'état-major général a nommé un directoire ou

14 une administration civile afin de faire face aux difficultés rencontrées

15 par la population civile, municipalité de Malisheve. Gani Krasniqi a été

16 nommé à la tête de cette administration civile. Au début du mois de

17 juillet, il m'a invité à me rendre sur place de Klecka, puisque Malisheve

18 était devenu un centre, et m'a invité à établir un bureau ou un lieu

19 particulier à Malisheve pour ensuite définir les différentes tâches qui

20 devaient nous être assignées. Je n'ai pas accepté de quitter Klecka et de

21 me rendre à Malisheve pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Je ne

22 voulais pas assumer une telle responsabilité. Comme je l'ai dit, je pensais

23 que si je me rendais sur place, l'état-major général devait procéder à une

24 nomination afin de définir clairement ce que j'allais y faire. Peut-être

25 qu'il était bon que je précise cela dans l'intérêt de la Chambre de

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1 première instance.

2 Le 17 juillet, pour la première fois après tout ce temps passé en

3 Suisse et au Kosovo, pour la première fois j'ai décidé de passer la soirée

4 avec ma famille. Pendant toute la période, cette période passée au Kosovo,

5 c'est la première fois que j'ai décidé de passer une soirée et la nuit chez

6 moi, parce que jusqu'à présent, je ne l'avais jamais fait. Je leur avais

7 rendu visite une heure ou deux, ou pour déjeuner, mais je n'avais jamais

8 passé la nuit chez moi dans ma propre maison. C'est vers 11 heures et demie

9 du soir que je suis allé de Klecka en passant par Novoselle ou Fshati i Ri

10 jusqu'à chez moi. J'utilise le nom de Novoselle parce que c'est comme cela

11 que les choses sont écrites sur la carte.

12 Lorsque je suis arrivé au carrefour de Malisheve, il y a un lieu qui

13 sépare la route qui va à Dulje d'une part et de l'autre côté à Rahovec. Là,

14 j'ai aperçu un groupe de personnes avec deux soldats. J'ai fait arrêté le

15 véhicule. Je me suis arrêté, j'étais seul. J'ai demandé aux gens les

16 nouvelles de la situation puisqu'il était 23 heures 30. On voyait bien

17 qu'il s'était passé quelque chose de particulier. Il y avait des femmes,

18 des hommes et des soldats qui parlaient ensemble. J'ai arrêté la voiture,

19 et je leur ai demandé ce qui se passait. Les soldats m'ont dit que, d'après

20 ces civils, des combats avaient lieu à Rahovec. Ils ne savaient pas eux-

21 mêmes si c'était vrai. Ce qu'ils m'ont dit c'est que, d'après ces civils,

22 il y avait des combats en cours à Rahovec et qu'un groupe de soldats de

23 Malisheve était allé à Rahovec afin d'apporter leur aide et d'apprendre ce

24 qui s'y passait.

25 Il m'a semblé que ceci m'incombait dans une certaine mesure et je ne

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1 me sentais moi-même très à l'aise. Je ne voulais pas me rendre auprès de ma

2 famille sans savoir ce qui était en train de se passer. J'aurais pu le

3 faire, car aucun règlement militaire ne s'appliquait à ce moment-là. Tout

4 dépendait de décisions individuelles. J'aurais pu le faire, mais je suis

5 parti en direction de Rahovec. C'était tout à fait inattendu, tout à fait

6 incroyable ces combats à Rahovec.

7 A l'entrée de Rahovec, c'est quelque chose qui décrit bien la ville,

8 à l'entrée donc de Rahovec, il y a deux routes. L'une qui rentre dans le

9 village et l'autre qui la contourne. J'aimerais vous dire que je n'étais

10 jamais venu dans cet endroit même s'il se trouve à proximité de Malisheve.

11 Je n'avais rien à y faire. Je n'ai pas de famille sur place. Je n'avais

12 aucune raison d'y aller et de me rendre sur place.

13 Lorsque je suis arrivé à ce carrefour de Rahovec, j'y ai vu des soldats de

14 Rahovec. Je leur ai demandé ce qui se passait. Ils m'ont répondu qu'il y

15 avait des combats dans la ville. Après, je leur ai posé des questions. Je

16 leur ai demandé des nouvelles des soldats de Malisheve dont m'avaient parlé

17 les soldats que j'ai rencontrés d'abord, plus tôt. Ils m'ont répondu que

18 ces soldats de Malisheve avaient été envoyés à l'entrée de Rahovec lorsque

19 l'on arrive de Prizren. Je me suis dirigé vers là-bas, à ce moment-là

20 entrer à Rahovec n'était pas facile. Il fallait connaître le terrain pour

21 le faire. Je suis allé en direction de ces soldats de Malisheve. Je les ai

22 aperçus. En fait, il y a une autre route qui rejoint la route qui entre

23 dans le village et celle qui le contourne.

24 Je leur ai demandé pourquoi ils étaient venus ? Qui leur avait dit de

25 venir ici ? L'un des soldats a rétorqué, mais pourquoi vous, êtes-vous

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1 venu ? Je lui ai répondu, bien, j'ai entendu parler des combats et il a

2 répondu, oui, c'est aussi ce que nous avons entendu dire, mais il n'y a

3 personne pour nous dire quoi faire et où nous rendre. Je leur ai dit,

4 éloignez-vous de cette route parce que les Serbes sont en place. L'endroit

5 où nous nous trouvions était relativement visible, dégagé, et peu de temps

6 après, les Serbes ont pilonné ce lieu en particulier. Si nous y étions

7 restés une seconde de plus, je suis certain qu'il y aurait eu des victimes

8 parmi nous.

9 J'ai envoyé l'un des soldats à l'entrée de Rahovec à la rencontre de

10 l'un des responsables, en tout cas, l'un des membres de la population pour

11 lui demander ce qui s'était passé. Un soldat est arrivé et a répondu

12 qu'aucun dirigeant n'était présent. J'ai demandé qui avait donné des

13 ordres ? Comment ces combats ont-il pu avoir lieu à Rahovec ? D'après lui,

14 d'après ce qu'il m'a dit, plusieurs soldats étaient rentrés chez eux dans

15 le village afin de rendre visite à leurs familles. Les forces serbes les

16 avaient découverts. Ils avaient tenté de les arrêter. Ils avaient résisté

17 et c'est ainsi que les combats ont commencé.

18 Après cet incident, les soldats qui étaient postés - parce qu'il y

19 avait des unités qui étaient postées à l'entrée de Rahovec, aux environs de

20 Rahovec - donc tous les soldats qui s'y trouvaient et qui gardaient la

21 route Rahovec-Malisheve lorsqu'ils ont entendu des tirs, ils ont pensé que

22 leurs amis et les familles de leurs amis se faisaient tuer et ils sont tous

23 rentrés dans Rahovec. A ce moment-là, quiconque arrivait à Rahovec ignorait

24 complètement ce qui se passait. Tout le monde est entré à l'intérieur de

25 Rahovec afin d'aider d'autres gens.

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1 J'ai interrogé les autres douze soldats. J'ai décidé que la meilleure

2 manière d'agir et d'aider était de bloquer la route et d'établir une ligne

3 de défense à l'entrée de Rahovec. J'ai demandé à un certain nombre de

4 familles qui se trouvaient à l'entrée de Rahovec de me donner du matériel

5 afin que nous puissions ouvrir, établir des positions de défense. J'étais

6 certain que les forces serbes n'allaient pas supporter la situation, comme

7 à Malisheve. J'étais sûr qu'ils allaient agir, intervenir. Au moins, je

8 pensais qu'il serait bon que nous établissions une ligne de défense pour

9 protéger la population qui quittait le lieu. Nous avons commencé à creuser

10 des tranchées, et cela nous a pris un certain temps pour trouver le

11 matériel nécessaire. Vers 5 heures, 6 heures du matin, nous avons commencé

12 à creuser les tranchées.

13 Au cours de la première partie du lendemain, le 18, vers 8 heures du

14 matin, j'ai quitté les lieux, j'ai quitté ces jeunes hommes. Je me suis

15 déplacé, pensant que j'allais pouvoir trouver quelqu'un à même de me

16 fournir des réponses sur ce qui était en train de se passer. J'ai rencontré

17 Agim Qelaj, Rexhep Selimi, et Muse Jashari, qui étaient arrivés une heure

18 plus tôt à l'entrée de Rahovec. Je dois dire que j'étais très nerveux

19 lorsque j'ai demandé qui était la personne, quelle organisation ou quelle

20 entité avait donné l'ordre d'entrer à Rahovec.

21 A ce moment-là, le représentant de l'état-major principal, Rexhep

22 Selimi, et Byslym Zyropi et Muse, m'ont dit qu'ils entendaient, pour la

23 première fois, parler des événements de Rahovec, qu'ils en avaient entendu

24 parler pour la première fois à 7 heures ou 8 heures du matin. En toute

25 hâte, ils étaient arrivés pour voir eux-mêmes quelle était la situation et

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1 pour trouver un moyen qui nous permettrait de nous sortir de la position

2 dans laquelle se trouvait l'UCK et de nous prémunir contre les dangers

3 auxquels étaient exposée la population. Puis alors, l'état-major général,

4 M. Zyropi, et Sokol Bashota ont décidé qu'Agim Qelaj devrait devenir

5 commandant des opérations pour Rahovec, et Agim s'est vu confier la

6 fonction de point de coordination, en quelque sorte, pour tous ceux qui

7 étaient sur place.

8 A ce moment-là, je les ai informés du fait que j'avais décidé de

9 mettre sur pied une ligne ou un bloc de défense, puis, je suis retourné là-

10 bas et j'y suis resté toute la journée et toute la nuit aussi, sans dormir.

11 Il vaut peut-être la peine que je cite un autre détail ici. Aux

12 environs de 4 heures du matin, je suis monté en haut d'une colline. C'était

13 une position que nous avions mise en place au haut de la colline. J'ai

14 voulu allumer une cigarette et j'ai failli m'endormir sur le dos de ce

15 soldat. Ce soldat et moi-même avions tourné notre dos à des francs tireurs

16 serbes qui n'étaient qu'à 200 ou 300 mètres de nous. Ceux d'entre nous qui

17 ne connaissions pas le terrain, mais heureusement, je crois qu'ils étaient

18 en train de se préparer pour l'opération et ils ne voulaient pas que l'on

19 sache quelles positions ils occupaient. C'est sans doute la raison pour

20 laquelle nous sommes parvenus à survivre.

21 J'ai dormi une heure, une heure et demie à peu près, et puis ensuite

22 je suis redescendu. Je suis retourné à la ligne de front qu'on avait

23 établie. Un des habitants des maisons qui étaient à proximité de cette

24 ligne était là, alors je lui ai demandé de me faire un café. Il m'a fait un

25 café. J'ai bu le café, et je ne sais pas, c'était à peu près une demi-heure

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1 plus tard, je ne savais même plus qui j'étais, comment je m'appelais, ni

2 quoi que ce soit. En fait, j'ai pris le café, puis je suis allé voir Agim.

3 Je lui ai fait état de la situation là-bas, puis je suis tombé dans les

4 pommes. En fait, cette personne-là m'a vraiment sauvé la vie. Quelques

5 soldats m'ont amené à la clinique. Il y avait une espèce de dispensaire

6 improvisé à Gajrak, dans la municipalité de Malisheve. Les médecins se sont

7 occupés de moi. Et voilà comment se sont passées les choses à Rahovec.

8 Si dans l'histoire de l'UCK ceci doit faire office de période noire,

9 c'est bien cette période-là. Parce qu'en fait, finalement, personne ne sait

10 comment les choses se sont passées. C'est une des raisons pour lesquelles

11 je voulais en parler. Parce que je sais que cet incident fait un peu tache

12 dans l'histoire de l'UCK, parce qu'il y a eu des victimes dans les rangs de

13 l'UCK, et puis cela a eu un impact négatif sur la confiance des gens.

14 Rahovec, c'est un bon exemple de la façon dont était organisée l'UCK

15 à l'époque. C'est un exemple très concret de la façon dont on était

16 organisé.

17 Q. Je souhaiterais revenir à un moment qu'on pourrait utiliser comme

18 faisant tache, comme vous disiez tout à l'heure, ou une ombre au tableau

19 pourrait-on dire. C'est le sujet des collaborateurs. C'est de ce sujet que

20 je souhaite vous parler. Est-ce que vous-même, à titre personnel, avez

21 quelque opinion que ce soit quant aux collaborateurs ? Est-ce que vous

22 opérez une distinction, et si oui, laquelle ?

23 R. Evidemment, j'ai mes propres opinions, comme n'importe qui, sur

24 les collaborateurs. Dans le cas de l'UCK, les communiqués publiés, en tout

25 cas, la plupart des communiqués publiés par l'UCK avant l'attaque sur le

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1 front, avant les événements de l'été 1998, indiquent que les collaborateurs

2 étaient ceux qui étaient des inspecteurs directement actifs dans l'UDB ou

3 dans la police, des individus directement associés à des opérations, que ce

4 soit meurtres, tentatives d'assassinat, offensives, pillages, violations

5 des droits, emprisonnements, des opérations persistantes, mise à sac de

6 locaux. Ce sont là des gens dont on considère qu'ils collaboraient avec la

7 police serbe, qui étaient aussi responsables des violences que les Serbes.

8 Dans certains cas, les collaborateurs, qui sont, comme je vous le disais,

9 des inspecteurs, avaient dirigé les massacres de Likoshan et participé aux

10 massacres de Likoshan, Prekaz, Qirez, et autres. Il y a des exemples de

11 situations dans lesquelles les collaborateurs ont, comme le cas de la

12 Zahir Bajaziti par exemple, des cas où ils ont vraiment tendu des

13 embuscades à l'UCK. Je pense aussi à Zejnullah. Je ne me souviens pas de

14 son nom de famille maintenant, mais trois soldats ont été tués. Ou Rexhep

15 Bislimi aussi, ou le meurtre d'Afrim Zhitija, Nuri Berisha. Ce sont des

16 gens qui étaient associés, de manière systématique, à ces opérations, et ce

17 sont ces gens-là que l'UCK considérait comme étant des collaborateurs. Si

18 l'on a dit, dans ce Tribunal, qu'un collaborateur était quelqu'un qui avait

19 des liens avec les Serbes qui a coupé du bois avec des Serbes, je ne sais

20 pas; c'est un mensonge.

21 Vous savez, par exemple, à Malisheve, il y a 500 entreprises qui avaient

22 chacune des relations commerciales exclusives avec d'autres villes serbes

23 et d'autres entreprises. Parce que vous imaginez bien que nous n'étions pas

24 complètement isolés. Soit on avait des rapports commerciaux avec la

25 Macédoine, soit avec la Serbie. Si l'on avait des liens commerciaux avec

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1 des entreprises de Macédoine, il fallait qu'on paye des impôts et cela

2 n'était pas favorable du tout pour les citoyens. Ils ne voulaient pas payer

3 d'impôts. Les activités se développaient au sein même du pays, c'est-à-dire

4 entre nous et la Serbie, et les villes serbes. Vous ne trouverez pas un

5 seul exemple. Là, je suis en train de vous parler de la région que je

6 connais bien, qui est la mienne, mais je suis sûr que c'est la même chose

7 dans toutes les autres régions. Vous ne trouverez personne qui ait été

8 exproprié de son café, de son restaurant, quelque établissement que ce soit

9 dont il aurait été un propriétaire, ou maltraité. Je vous mets au défi de

10 trouver quelque cas que ce soit de ce genre.

11 L'INTERPRÈTE : L'interprète demande au témoin de bien vouloir ralentir son

12 débit.

13 M. MANSFIELD : [interprétation]

14 Q. C'est vrai que vous avez accéléré votre débit au cours de cette

15 dernière demi-heure. Je vous rappelle qu'on est en fin de journée. Je vous

16 demanderais de bien vouloir ralentir un tout petit peu, s'il vous plaît.

17 R. C'est la pression que vous exercez sur moi.

18 Q. Bien --

19 R. Parce que vous m'avez un peu mis la pression, et je tiens absolument à

20 vous dire ce qui me semble important.

21 Q. Une petite pause, cela vous permettra de reprendre haleine et cela

22 permettra aux interprètes de reprendre haleine. Dans la dernière partie de

23 votre réponse, vous avez parlé d'une distinction entre les collaborateurs

24 qui avaient été à l'origine de morts et les collaborateurs au sens suivant,

25 à savoir - et le Tribunal en a peut-être entendu parler - des

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1 collaborateurs étant des gens qui ont des liens avec les Serbes. Je vous

2 propose d'examiner ces deux catégories. Traitait-on de la même manière ces

3 deux catégories, oui ou non ?

4 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je souhaiterais vous

5 faire part d'un exemple personnel, et puis, vous tirerez vos propres

6 conclusions. Il a été dit ici que quelqu'un qui, par exemple, était garde

7 forestier avait été tué simplement parce qu'il avait des rapports avec des

8 Serbes et qu'on l'avait, par conséquent, considéré comme étant un

9 collaborateur. Je peux vous dire ceci : mon propre père, jusqu'en

10 1998/1999, travaillait - il a interrompu ses activités professionnelles au

11 moment où le conflit a commencé - mais pendant toute sa carrière, il avait

12 des collègues serbes. Il travaillait avec des Serbes. Si on devait

13 appliquer cette logique, alors mon propre père, qui a travaillé toute sa

14 vie avec des Serbes en serait un. Or, ce n'est pas vrai du tout. C'est

15 aussi éloigné de la vérité que cela peut l'être.

16 Je ne dis pas que cela n'est pas arrivé. Il se peut que certains meurtres

17 aient été commis pour des raisons purement personnelles, pour des raisons

18 de revanche personnelle, ou de vengeance. Cela, c'est une catégorie à part.

19 Maintenant, essayez de dire que l'UCK s'est rendue coupable d'avoir fait de

20 tous ceux qui avaient des rapports avec les Serbes des collaborateurs,

21 alors sachez qu'on aurait dû tuer 99 % de la population albanaise. C'est

22 vrai qu'on était opposé au régime, mais on devait tout de même communiquer

23 avec les Serbes dans toutes sortes d'activités au quotidien, dans notre vie

24 au quotidien. Il fallait quand même bien qu'on vive. Il fallait quand même

25 bien qu'on ait des rapports avec les gens avec lesquels on vivait, à

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1 Pristina aussi.

2 A Pristina, par exemple, à l'étage au-dessus de celui où j'habitais, il y

3 avait une famille serbe. Evidemment qu'on se saluait tous les jours. A

4 chaque fois qu'on se voyait, on se saluait. Ce n'est pas parce que je les

5 saluais que j'étais un pro-Milosevic. Il n'y a aucun doute dans mon esprit

6 qu'ils connaissaient fort bien mes convictions, mes croyances. J'estimais

7 que le Kosovo devait être un Etat autonome, et ils le savaient; un Etat

8 indépendant. Nous nous sommes donné le temps d'agir, et le temps nous a

9 aidé, puisque ce sont les Serbes eux-mêmes qui ont fini par se débarrasser

10 de Milosevic. Je crois qu'il y a une confusion qui est faite entre

11 collaborateurs et les gens qui n'ont rien à voir avec les Serbes. C'est

12 tout à fait erroné.

13 Malisheve, par exemple, je vous ai parlé de Malisheve, mais il y a des

14 centaines de milliers d'entreprises, petites sociétés; de petites

15 entreprises au Kosovo ailleurs qui ont des liens de coopération directe

16 avec les agissements criminels de Milosevic et les structures criminelles

17 de Milosevic. Il y a des gens qui ont pratiqué la fraude fiscale, les pots-

18 de-vin aux responsables de Serbie. Nos entreprises albanaises ont coopéré

19 avec ces entreprises-là. Elles sont devenues très puissantes. Ils ont

20 coopéré avec le fils de Milosevic, par exemple, ou avec d'autres

21 structures. Mais pour moi, cela n'était pas important. Ce qui était

22 important pour moi, c'était de porter préjudice au budget de la Serbie.

23 Maintenant, ces gens-là, ils ont leurs propres entreprises, ils ont leur

24 propre économie, ils ont été réhabilités. Il en va de l'intérêt des

25 nouvelles institutions du Kosovo; il faut que l'on examine l'origine des

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1 biens de ces personnes. Mais cela, ce sont les institutions du Kosovo qui

2 doivent s'en charger. C'est vrai que les gens se sont enrichis après les

3 années 90. Avant cela, ils n'avaient rien. Vous savez qu'il y a des hôtels,

4 il y a d'autres entreprises, et maintenant, vous pouvez le voir sur place,

5 ce sont des entreprises qui ont été légalisées. Monsieur le Président,

6 Madame, Monsieur les Juges, j'espère que les institutions du Kosovo, tôt ou

7 tard, finiront par s'intéresser de plus près à l'origine de ces richesses.

8 La raison pour laquelle je vous raconte tout cela c'est parce que je

9 voulais vous donner un exemple de la coopération entre les Albanais et les

10 Serbes, parce qu'il est impossible pour un Albanais, il était impossible

11 pour un Albanais de ne pas coopérer avec les Serbes. Comment voulez-vous

12 qu'une entreprise, un établissement quel qu'il soit, n'ait pas de liens de

13 coopération avec les Serbes. Si vous êtes une entreprise, si vous avez

14 besoin de ciment, de briques, de matériaux de construction, comment voulez-

15 vous construire des maisons si vous n'avez pas des rapports de coopération

16 et si vous n'avez pas le droit ? On ne pouvait tout de même pas dire à une

17 entreprise, n'emmenez pas de la farine, du sucre. Nous, nous n'avons pas

18 nos propres produits. Cela serait parfaitement illogique de considérer

19 ainsi ces gens-là.

20 Je continue de dire que, pour moi, les collaborateurs, et je ne suis pas le

21 seul à le penser, à mon avis, la plupart des gens dans l'UCK le pensaient,

22 les seuls collaborateurs sont ceux qui étaient associés directement à des

23 opérations ou des activités criminelles, et je peux vous donner des

24 exemples de gens de ce genre. Au cours de ce procès, j'ai appris énormément

25 de vérités dont je n'aurais sans doute pas eu écho.

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1 Q. Je souhaitais vous interrompre parce que j'avais un peu peur que vous

2 nous dressiez une liste d'exemples. D'autres vous le demanderont peut-être,

3 mais pas maintenant. Je souhaitais moi-même vous poser une question. Compte

4 tenu de ce que vous nous avez dit - c'est une question purement

5 hypothétique, mais je souhaite vous la poser malgré tout.

6 Imaginons qu'au cours des mois de mai, juin et juillet 1998, on vous ait

7 dit qu'il y avait un camp de détention dans lequel des personnes qui

8 avaient eu des rapports avec des Serbes ou dont on pensait qu'ils avaient

9 eu des rapports avec les Serbes étaient très sérieusement maltraitées,

10 imaginons donc, qu'auriez-vous fait ?

11 R. J'aurais fait rapport immédiatement au quartier général, à l'état-

12 major, aux instances dirigeantes, pour savoir ce qu'ils en savaient, ou en

13 tout cas, je les en aurais informés. Parce que sinon, je n'aurais pas pu me

14 considérer comme étant un membre de l'UCK. Ce sera un véritable suicide

15 pour l'UCK elle-même.

16 Q. Vous auriez fait rapport, mais auriez-vous fait quoi que ce soit

17 d'autre ?

18 R. Je ne vois pas ce que j'aurais pu faire d'autre.

19 Q. Pourquoi ?

20 R. Parce que je vous ai dit quel était le niveau d'organisation, quelles

21 étaient les possibilités que nous avions pour agir.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Il n'est pas tout à fait 19 heures, mais

23 j'ai bien peur que le sujet que je souhaite aborder maintenant

24 nécessiterait plus de cinq minutes. Monsieur le Président, je voudrais vous

25 assurer que le prochain sujet, en revanche, nous aurons fini de l'aborder

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1 largement à temps demain. Je suis désolé que les choses aient duré un peu

2 plus longtemps que prévu.

3 Je souhaitais simplement indiquer ceci aussi, lorsque le témoin

4 faisait état d'un enregistrement, je crois qu'il faisait état d'un film. Je

5 souhaiterais demander à ce que le film soit projeté demain. Il figure déjà

6 sur la liste des pièces à conviction. Le bureau du Procureur le sait. Il

7 s'agit de différents extraits de films portant sur le Kosovo. Dans ces

8 films figurent des endroits qui ont été cités par le témoin. Si vous en

9 êtes d'accord, projeter ce film prendrait à peu près 30 minutes et ce que

10 je souhaiterais c'est qu'à mesure qu'on projette le film, il nous dise

11 quels sont les endroits qui apparaissent à l'écran, ceci permettra

12 justement aux Juges de ne pas avoir à se rendre sur place, si je peux me

13 permettre. Voilà les petits rappels que je voulais faire.

14 [La Chambre de première instance se concerte]

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il y a juste une petite chose

16 qui me préoccupe dans ce que vous venez de dire, je crois qu'on avait prévu

17 une déposition qui allait durer trois jours pour ce témoin. Il ne

18 s'agissait pas simplement de l'interrogatoire principal mais de toutes les

19 étapes de l'interrogatoire et du contre-interrogatoire.

20 M. MANSFIELD : [interprétation] Je suis en train de réfléchir à toute

21 vitesse. Il me semble que nous avions fait une estimation de quatre jours,

22 à savoir deux pour le principal et deux pour le contre-interrogatoire.

23 C'est en tout cas l'estimation qu'on avait faite au départ.

24 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] L'estimation que j'ai vue indiquait

25 une période de trois jours.

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1 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, je suis désolé,

2 mais quelqu'un pas très loin de moi à ma droite vient d'admettre qu'il

3 était coupable pour cela. A vrai dire, j'avais prévu deux jours. Je

4 reconnais que j'accuse un certain retard, mais nous n'avons jamais imaginé

5 pouvoir avoir l'interrogatoire principal plus le contre-interrogatoire en

6 trois jours. Ce n'est certainement pas ce que nous avions prévu, et toutes

7 mes excuses si les informations dont vous disposez sont inexactes. M.

8 Churcher, qui est notre prochain témoin, devrait pouvoir venir mardi, mais

9 enfin je comprends bien que le contre-interrogatoire ne sera peut-être pas

10 fini d'ici là, mais pour nous en tout cas cela irait.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui --

12 M. MANSFIELD : [interprétation] S'il le faut, par exemple, on pourrait

13 utiliser ce film mais différemment. Cela ne doit pas nécessairement être

14 utilisé comme moyen de preuve. Il le connaît, mais cela me paraissait

15 utile.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le problème est qu'il faut veiller à

17 ce que le temps estimé pour la déposition soit le temps que l'on utilise

18 pour la déposition du témoin, parce que sinon on risque de multiplier par

19 deux la durée.

20 M. MANSFIELD : [interprétation] Je peux vous assurer ce qu'on a fait

21 pendant la nuit - je ne sais pas si M. Whiting est d'accord, je le regarde,

22 je ne sais si on le lui a dit --

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Bien maintenant, il le sait.

24 M. MANSFIELD : [interprétation] Nous avons, à vrai dire, le témoin que nous

25 allons citer à comparaître au cours des deux semaines à venir, évidemment

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1 certains des témoins ne déposeront plus maintenant, mais une décision

2 finale ne pourra pas être prise tant que l'accusé dépose. Nous travaillons

3 d'arrache-pied, je peux vous en assurer, Monsieur le Président, la liste de

4 témoins sera nettement plus courte. Je dirais que trois semaines et demie

5 maximum pour la présentation de nos moyens, même au rythme auquel nous

6 allons maintenant.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je propose que nous suspendions

8 l'audience dès maintenant, avant que vous ne changiez d'avis.

9 M. MANSFIELD : [interprétation] Absolument.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons demain à 14 heures

11 15.

12 --- L'audience est levée à 18 heures 59 et reprendra le jeudi 19 mai 2005,

13 à 14 heures 15.

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