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1 Le lundi 23 mai 2005
2 [Audience publique]
3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]
4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez excuser notre retard de
6 quelques minutes.
7 J'aimerais vous rappeler, Monsieur Limaj, que vous avez prononcé une
8 déclaration solennelle au début de votre déposition.
9 Monsieur Whiting.
10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis
11 impatient de commencer, mais je crois que Me Mansfield à quelque chose à
12 nous dire, une question à soulever avant que nous puissions commencer.
13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, excusez-moi, je ne
14 vous avais pas remarqué.
15 M. MANSFIELD : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, je
16 n'avais pas l'intention de soulever la question à ce stade, mais je peux
17 vous dire de quoi il s'agit. Jeudi dernier, on nous a remis une liste de
18 pièces à conviction que l'Accusation envisage éventuellement d'utiliser au
19 cours du contre-interrogatoire. En annexe de cette liste - et nous n'y
20 avions pas d'objection concernant ce point en particulier, mais en annexe
21 de cette liste se trouve un document qui contient des extraits d'un livre.
22 A ma connaissance, les différents extraits classés en intercalaires 2, 3,
23 4, 5, peut-être à l'exception de l'intercalaire 5, ces extraits vous les
24 avez peut-être sous les yeux.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document nous est soumis à
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1 l'instant même.
2 M. MANSFIELD : [interprétation] Commençons par le premier intercalaire.
3 Vous allez y apercevoir des sous intercalaires, si je puis dire. Il s'agit
4 en réalité d'extraits de l'ouvrage en question. Vous verrez à
5 l'intercalaire numéro 1, qu'il y a été publié il y a quelque temps, en
6 2001, il s'agit en réalité "Projet de création du comité de rédaction pour
7 la publication d'une monographie sur les martyrs de l'armée de libération
8 du Kosovo." Ce projet a été approuvé et confirmé. Il y a la liste, puis il
9 y a le nom de Fatmir Limaj que l'on trouve à peu près au milieu de la liste
10 à la page suivante. Ensuite, sous différents titres dans les différents
11 intercalaires, on trouve quelque chose qui est dit sur Sadik Shala qui sera
12 le premier.
13 J'avais l'intention de soulever la question et de savoir si le Procureur
14 avait véritablement l'intention d'utiliser ce document. Je soulèverai la
15 question à ce stade afin que vous l'étudier.
16 Il n'y a pas de questions. Je pense que ce document, dans son intégralité,
17 a été entre les mains de l'Accusation depuis un certain temps déjà. Ce
18 n'est pas une révélation récente, en tout cas, à notre connaissance.
19 Personne ne suggère qu'ils viennent juste de mettre la main dessus. S'ils
20 avaient eu l'intention d'utiliser cet ouvrage dans le cadre de la
21 présentation de leurs arguments, s'ils avaient souhaité s'appuyer sur ce
22 document, ils auraient dû le communiquer il y a déjà longtemps, et d'une
23 quelconque manière, auraient dû le présenter dans le cadre de l'exposition
24 de leurs arguments. Ils n'ont fait ni l'un ni l'autre, nous n'en avons pas
25 parlé, et il n'a pas été utilisé dans le cadre de la présentation des
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1 éléments à charge.
2 Etant donné les circonstances, il est difficile de déterminer si ce
3 document qui existe déjà depuis un certain temps, si ce document va être
4 utilisé par l'Accusation, difficile de comprendre comment ils vont le
5 faire. Bien entendu, M. Whiting pourra peut-être nous dire quelle est la
6 base qui puisse justifier son utilisation. Ce document est-il suffisamment
7 fiable pour être utilisé par l'Accusation, et nous ne voyons pas très bien
8 comment on va pouvoir se fonder véritablement sur ce document à ce stade.
9 Si l'Accusation n'entend pas utiliser ces informations, cet ouvrage comme
10 élément de preuve, dans ce cas, nous pensons qu'il est encore moins
11 pertinent, encore moins fiable. S'il s'agit simplement de dire : "Bien,
12 voici ce document. Nous n'allons pas nous fonder sur ce document, mais
13 voici ce que nous allons dire ou qu'avez-vous à nous en dire," à mon avis,
14 ceci ne concerne pas directement les discussions qui sont les nôtres.
15 Toutefois, il y a un principe fondamental que je souhaite rappeler ici. A
16 notre avis, toute question que l'Accusation souhaite utiliser quel que soit
17 le but recherché dans le cade du contre-interrogatoire, toute question ou
18 tout élément doit être communiqué au préalable par l'Accusation. Il y a
19 évidemment un certain nombre d'exceptions que l'on comprend aisément à
20 cette règle. Toutefois, ces exceptions doivent être évaluées de manière
21 prudente.
22 Si quelque chose se produit de manière assez inattendue, l'Accusation qui
23 aurait pu ne pas prévoir ces nouvelles circonstances, l'Accusation pourra
24 éventuellement revenir sur cette question, et bien entendu, c'est une
25 procédure tout à fait normale et tout à fait connue. Il ne semble pas que
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1 ce soit ici le but recherché. Il y a une autre possibilité qui peut-être
2 envisagée. L'Accusation peut rouvrir la présentation de ces éléments de
3 preuve. Or, il semblerait que ce ne soit pas l'objet de la demande formulée
4 ici, parce que, bien entendu, l'Accusation est tout à fait en mesure de le
5 faire, si toutefois elle peut prouver qu'il s'agit là d'une question qui
6 n'était pas envisageable et qui n'aurait pas pu être découverte en tant
7 opportun au moment où l'Accusation présentait ses éléments à charge. Il ne
8 semble pas qu'il s'agisse de la situation en l'espèce.
9 Il ne reste plus que deux possibilités à envisager. La première a trait à
10 la question de la crédibilité sous réserve que le document soit pertinent,
11 et qu'il ait trait véritablement à une question qui a été soulevée au cours
12 de l'interrogatoire principal. Peut-être que l'Accusation pourrait utiliser
13 ce document bien que les sources existantes indiquent, et ce, sans
14 exception, je crois, que si cette possibilité va être poursuivie, qu'il
15 faut en informer préalablement les représentants de l'accusé au moins 24
16 heures à l'avance. Par conséquent, ils auraient dû le faire avant que M.
17 Limaj ne comparaisse en tant que témoin.
18 Je dois dire que sur ce point, nous nous sommes engagés à ne pas parler
19 avec M. Limaj après le début de sa déposition. C'est ce que nous avons
20 fait. Nous ne lui avons pas remis la liste des pièces à conviction, et nous
21 ne lui avons pas parlé de cette pièce en particulier. Il n'est pas du tout
22 au courant de la situation. En ce qui concerne la question de la
23 crédibilité, il aurait dû avoir la possibilité à de nombreuses reprises
24 d'étudier ce document.
25 Puis, le principe de légalité des armes dont vous êtes bien conscients est
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1 essentiel. C'est bien sûr sur ce principe que reposent les obligations de
2 communication. Par conséquent, pour faire en sorte que légalité des armes
3 soit respectée, si l'Accusation envisage d'utiliser un document, il est
4 nécessaire que l'accusé ait la possibilité d'étudier le document en
5 question, document qui est sur le point d'être utilisé. Bien entendu, ce
6 n'est pas ce qui s'est passé ici.
7 Donc, la crédibilité est une chose. Puis, il y a la question de la
8 nécessité de rafraîchir la mémoire de quelqu'un. C'est un petit peu
9 difficile, parce que personne ne suggère que ce document est un document
10 tout à fait fiable, sans quoi, sans doute, il aurait été utilisé dans le
11 cadre de la présentation des éléments à charge. A ce stade, il est
12 difficile de savoir si ce document a rafraîchi la mémoire de qui que ce
13 soit, puisqu'on ne voit pas si ce document a été rédigé ou compilé par M.
14 Limaj au moment où les questions qui y sont abordées étaient connues de
15 lui.
16 Par conséquent, aucune des solutions, aucune des voies envisageables,
17 d'habitude, ne peuvent être suivies à ce stade alors que l'accusé comparaît
18 en tant que témoin. De manière plus générale - et c'est une remarque qui
19 s'applique à l'ensemble de ces éléments - un regard à ce document révèle
20 qu'il a pour objet de couvrir un certain nombre d'événements, et qu'il y
21 est fait référence à un certain nombre de noms d'individus, Ismet Jashari
22 entre autres. On y trouve également des dates, dates auxquelles nous avons
23 fait à maintes reprises références.
24 S'il s'agit là d'un document de contexte historique censé émaner de l'UCK
25 et censé revêtir une importance, là encore, nous affirmons que ce document
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1 aurait dû être présenté. Nous ne pouvons pas être pris par surprise ou ils
2 ne peuvent pas être pris par surprise, parce que sans revenir sur les
3 détails, une requête, un mémoire préliminaire a été déposé dans lequel un
4 certain nombre de questions générales ont été présentées à l'Accusation sur
5 la chronologie, particulièrement avant que M. Limaj ne comparaisse en tant
6 que témoin, l'Accusation a reçu un résumé, les grandes lignes, en quelque
7 sorte, de son témoignage. Par conséquent, ils savaient très bien ce sur
8 quoi il allait s'exprimer, et bien entendu, ils savaient qu'un contre-
9 interrogatoire serait effectué sur un certain nombre de questions qui ont
10 été abordées dans ce mémoire préliminaire, ainsi que dans le résumé qui a
11 été remis à l'Accusation juste avant le début de sa déposition.
12 Par conséquent, nous pensons que ce document aurait pu être présenté
13 de multiples manières. Je dois ajouter que nous ne sommes pas ici pour
14 prendre qui que ce soit en embuscade. Nous sommes ici pour révéler la
15 vérité de manière tout à fait équitable et appropriée.
16 Bien entendu, je ne sais pas quelles sont les questions qui vont être
17 posées, mais l'Article du règlement 66(B) établit les critères concernant
18 les questions posées dans le cadre de la présentation des éléments de
19 preuve à charge et à décharge. Eventuellement, on pourrait interpréter les
20 choses comme étant, en vérité, une embuscade ici. Par conséquent, si cela
21 est nécessaire, je demanderais à pouvoir disposer de suffisamment de temps,
22 de manière à pouvoir résoudre la question ici, à ce stade. Si l'Accusation
23 souhaite effectivement utiliser ce document dans un avenir proche. Je
24 m'excuse de la procédure utilisée et je m'excuse d'avoir à présenter ces
25 arguments aujourd'hui, mais je pense que la question risque de se poser un
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1 peu plus tard.
2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quand avez-vous reçu ce document ?
3 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je crois que c'était jeudi dernier. Je
4 crois que c'est à la fin de sa déposition, de son interrogatoire principal,
5 que ce document m'est parvenu.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'était pas jeudi ?
7 M. MANSFIELD : [interprétation] Non. J'essaie de me souvenir, mais je crois
8 véritablement que j'ai obtenu ce document jeudi après-midi. Quand
9 exactement au cours de l'après-midi, je ne sais plus. En tout cas, avant la
10 fin de la journée de jeudi, mais pas avant.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Monsieur Guy-Smith, vous avez
12 quelque chose à ajouter ?
13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, je rejoins les propos tenus par mon
14 collègue.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.
16 M. TOPOLSKI : [interprétation] [hors micro] Rien.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting.
18 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, quelques mots
19 concernant la question de ce document. Ce document, c'est un livre publié
20 en quatre volumes publics. C'est une source publique d'information. Ce
21 document était en possession du bureau du Procureur depuis un certain
22 temps. Toutefois, il n'a pas été traduit, ou en tout cas, certains extraits
23 de cet ouvrage n'ont pas été traduits avant très récemment. Je n'ai obtenu
24 les traductions sur lesquelles j'aimerais me fonder qu'au cours de la
25 semaine passée. Ce n'est -- plutôt, la pertinence du document ne m'est
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1 apparue qu'après, ou en tout cas, qu'au cours de la déposition de M. Limaj.
2 Mais ce qui est plus important, c'est de rappeler que le droit est
3 assez clair sur la question. L'Accusation n'a pas l'intention - et c'est
4 une remarque préliminaire - simplement pour vous montrer que l'Accusation
5 n'essaie pas de prendre qui que ce soit en embuscade ou de priver la
6 Défense de ce document pour l'infliger à l'accusé après son interrogatoire
7 principal. C'est un document que nous avons reçu, comme je le disais, la
8 semaine passée seulement, ou en tout cas, nous en avons compris
9 l'importance la semaine dernière.
10 Mais le droit est assez clair sur la question. Nous n'avons pas
11 l'intention de présenter, en tant que pièce à conviction, ce document. Nous
12 souhaitons simplement l'utiliser au cours du contre-interrogatoire pour
13 contester la crédibilité du témoin. Nous souhaitons lui présenter ce
14 document et voir quelle est la réponse qu'il peut y apporter et quel est
15 son commentaire sur ce document.
16 J'aimerais attirer l'attention des Juges de cette Chambre sur l'arrêt
17 rendu dans l'affaire Rutaganda. J'ai en fait des exemplaires de ce document
18 que je peux vous faire passer par l'intermédiaire de M. Younis.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.
20 M. WHITING : [interprétation] Vous y trouverez deux décisions. D'abord
21 l'arrêt rendu par la Chambre d'appel ainsi que la décision émanant de la
22 Chambre dans l'affaire Milosevic, décision relativement récente. Dans
23 l'arrêt Rutaganda, c'est l'affaire ICTR-96-7-A [comme interprété]. Le
24 jugement remonte au 26 mai 2003. Je crois qu'il s'agit du deuxième document
25 dans la série de documents qui vous ont été remis. Je n'ai photocopié que
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1 quelques pages de cet arrêt, mais j'aimerais attirer votre attention sur la
2 partie qui commence au paragraphe 280, et je dirais --
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 280 ?
4 M. WHITING : [interprétation] 280. Je dirais que le raisonnement et la
5 décision prise dans le cadre de cet arrêt nous concerne directement.
6 Dans cette affaire, l'Accusation -- l'appelant a témoigné.
7 L'Accusation a fourni à la Défense un certain nombre de documents de source
8 publique. Peut-être pas tous, mais en tout cas, un certain nombre d'entre
9 eux, après son interrogatoire principal, et a demandé à utiliser un certain
10 nombres de ces documents au cours du contre-interrogatoire. L'Accusation a
11 eu droit à une autorisation de le faire. C'est une autorisation qui lui a
12 été donnée par la Chambre. Cette question a été soumise à un appel de la
13 part de l'accusé, et l'Accusation a confirmé la décision qui avait été
14 prise.
15 La Cour d'appel a même été plus loin en disant qu'il n'y avait aucune
16 difficulté à accepter certains, voire tous ces documents en tant que pièces
17 à conviction. Mais l'Accusation a été tout à fait autorisée à utiliser ces
18 documents dans le cadre du contre-interrogatoire du témoin.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quels sont les passages sur
20 lesquels vous vous fondez en particulier ?
21 M. WHITING : [interprétation] Oui. Vous trouverez, dans les
22 paragraphes 280 et suivants, le contexte général. Mais j'aimerais
23 particulièrement attirer votre attention sur paragraphe 284 où il est dit
24 : "Etant donné que les photos, les communiqués de presse et les articles où
25 le statut de RTLM on trait à des questions qui ont été soulevées par
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1 l'appelant au cours de l'interrogatoire principal, la Chambre d'appel
2 considère que la Chambre préliminaire était habilitée à les recevoir au
3 cours de l'interrogatoire principal de l'appelant."
4 Je vous invite également à regarder ce qui est écrit dans le
5 paragraphe 280. L'appelant à présenter le même argument que celui qui est
6 présenté par la Défense ici aujourd'hui.
7 Puis, vous pourrez passer également au paragraphe 287 où il est dit :
8 "Par conséquent, la Chambre d'appel juge que l'appelant n'a pas montré que
9 la Chambre préliminaire a fait une erreur en recevant les photographies
10 contenues dans la publication intitulée 'Le génocide du Rwanda,' et cetera,
11 document qui a permis à l'Accusation de réfuter les allégations faites par
12 l'appelant au cours du cours du contre-interrogatoire."
13 Là encore, je ne tiens pas à demander le versement en tant que pièce
14 à conviction de ce document. Ce n'est pas l'objectif qui est le nôtre
15 lorsque nous allons soumettre ce document au témoin. Bien entendu, s'il
16 adoptait ces documents comme étant valables, peut-être que la possibilité
17 se présenterait, mais je ne pense pas que ceci serait nécessaire.
18 J'aimerais attirer votre attention également sur la décision prise
19 dans le cadre de l'affaire Milosevic, document que je vous ai fourni et
20 datant du 17 mai 2005. Cette décision nous intéresse particulièrement
21 concernant les paragraphes 10 et 11.
22 Cette décision porte principalement sur la demande faite par
23 l'Accusation de déclarer recevable un certain nombre de documents présentés
24 au cours du contre-interrogatoire pendant la présentation des éléments à
25 décharge. Là encore, ce n'est pas l'intention poursuivie par l'Accusation
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1 dans le cadre de cette affaire, mais ici, aucune difficulté ne se présente
2 quant à la possibilité qu'aurait l'Accusation d'utiliser ces documents dans
3 le contre-interrogatoire, documents n'ayant pas été communiqués au
4 préalable.
5 La décision prise dans l'affaire Milosevic cite, au paragraphe 10,
6 une décision orale dans l'affaire Hadzihasanovic. Dans cette affaire, la
7 question s'est présentée de savoir comment traiter des documents qui
8 n'avaient pas été communiqués, documents qui allaient être présentés à des
9 témoins de la Défense au cours du contre-interrogatoire. Si j'ai bien
10 compris, la question n'a cessé de se poser pendant l'affaire et a fait
11 l'objet d'un certain nombre de décisions orales, et celle-ci était la
12 première décision orale. Mais je dirais que dans ce contexte-là aussi, nous
13 devrions avoir l'autorisation de présenter le document au témoin.
14 J'aimerais attirer votre attention sur la page 5, l'attention des Juges, et
15 particulièrement sur le dernier paragraphe, qui cite la décision
16 Hadzihasanovic. On y lit : "Il est de l'opinion de la Chambre préliminaire
17 que l'Accusation peut présenter, au cours de son contre-interrogatoire,
18 tous documents qui n'ont pas été déjà reçus, afin de tester la crédibilité
19 du témoin ou de lui rafraîchir la mémoire." Dans ces deux affaires,
20 l'Accusation a été autorisée à présenter des documents qui ne figuraient
21 pas au dossier en tant qu'éléments de preuve et qu'elle avait en sa
22 possession avant ou après la présentation des ses éléments de preuve.
23 C'est vrai, comme l'a dit Me Mansfield, que dans cette décision, que
24 la Cour a imposé un délai de communication de 24 heures dans cette affaire.
25 Selon moi, nous ne devrions pas suivre cette règle en l'espèce. Cette
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1 disposition ne figure pas dans la décision Rutaganda. Dans le cadre de
2 cette affaire, les éléments ont été fournis, comme ici, à la conclusion de
3 l'interrogatoire principal, et ceci n'a posé aucune difficulté.
4 L'Accusation peut présenter ces documents, comme elle a pu le faire dans
5 l'affaire Rutaganda. Je pense que la Cour doit se conformer à la décision
6 prise dans le cadre de cette affaire Rutaganda plutôt que de se conformer à
7 la décision Hadzihasanovic.
8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas seulement une question
9 d'égalité, de justice, concernant l'utilisation du document que vous vous
10 proposez de présenter au témoin. La question est de savoir s'il nous faut
11 imposer un délai afin d'assurer la justesse de cette procédure. Les choses
12 peuvent varier d'une affaire à l'autre selon la nature du document.
13 M. WHITING : [interprétation] Oui, effectivement. Effectivement, je peux
14 envisager une situation dans laquelle -- en tout cas, je peux envisager
15 qu'afin que les choses soient tout à fait justes, un délai soit imposé. Je
16 ne sais pas très bien. C'est vrai, peut-être qu'il peut s'agir d'une
17 question qui doit faire l'objet d'une décision cas par cas. Toutefois, je
18 dirais qu'il existe une règle générale ou qu'il y a une tendance générale à
19 la communication préalable qui n'est pas nécessairement appropriée ici.
20 Parce que jusqu'à ce que l'Accusation entende ce que le témoin a à dire, il
21 est difficile de savoir ce qui va être important, il est difficile de
22 prévoir quelles vont être toutes les questions qui vont être soulevées,
23 toutes les choses que va dire le témoin, quelle va être leur pertinence,
24 quelle va être leur importance. Il serait extrêmement difficile, voire même
25 impossible pour l'Accusation de tenter d'anticiper sur toutes les questions
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1 qui risquent d'être soulevées dans le cadre de l'interrogatoire principal
2 du témoin, arguments qui devront être ensuite être réfutés.
3 Je crois qu'ici nous sommes dans une situation qui représente un bon
4 exemple. Je crois que Me Mansfield a parlé des résumés qui nous ont été
5 fournis ainsi que du mémoire préliminaire. Mais pour en arriver aux
6 détails, le document que j'aimerais soumettre au témoin -- en tout cas, les
7 extraits du document que j'aimerais soumettre au témoin ont trait
8 principalement à la période mars-avril 1998. Cette période n'est même pas
9 abordée dans le mémoire préliminaire de l'accusé. Par conséquent, ici,
10 personne n'en parle. Nous parlons de l'arrivée au Kosovo et jusqu'à la
11 période du 9 mai.
12 En ce qui concerne le résumé fourni au titre de l'Article 65 ter du
13 règlement, il s'agit d'un résumé d'une seule page. Il n'entre absolument
14 pas dans les détails. La seule chose qui est dite dans ce résumé, c'est
15 qu'il a établi l'Unité Celiku 1 à Klecka, aucune date, aucun contexte,
16 aucune période, rien. En fait, nous ne savons pas très bien si c'est bien
17 ce qu'il a dit dans sa déposition parce que sa déposition est beaucoup plus
18 ambiguë sur ce point en particulier, en ce qui concerne, en tout cas, la
19 période mars-avril.
20 Alors, pour être tout à fait honnête, ce n'est que lorsque le témoin
21 a déposé sur cette période en particulier, sur la structure détaillée des
22 choses, ce n'est qu'à ce moment-là que, même si j'avais eu cet ouvrage
23 traduit avant, ce qui n'était pas le cas, je ne pense pas que j'aurais
24 pensé que ce document, j'aurais voulu l'utiliser, avant d'avoir entendu le
25 témoin.
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1 Voilà un bon exemple de la raison pour laquelle il ne peut y avoir de
2 règle s'appliquant de manière générale à la communication de documents
3 avant la déposition du témoin, parce qu'il est impossible de déterminer ce
4 qui va être dit. Je ne dis pas que c'est impossible, mais il est impossible
5 en tout cas de connaître l'ensemble des détails, l'ensemble des dimensions
6 d'une déposition de témoin.
7 En conséquence, sur la base des motifs et des raisons juridiques
8 avancés dans l'arrêt Rutaganda, et pour les raisons plus factuelles que
9 j'ai présentées en ce qui concerne ce document particulier, nous pensons
10 devoir être autorisés à présenter ce document au témoin dans le cadre du
11 contre-interrogatoire afin de mettre en doute sa crédibilité.
12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous reconnaissez
13 que ce document a été remis à la Défense jeudi après-midi ?
14 M. WHITING : [interprétation] Oui.
15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous nous dire pourquoi ce
16 document n'aurait pas dû être communiqué dans le cadre de la période de
17 présentation des éléments à charge ?
18 M. WHITING : [interprétation] Ce n'est pas un document sur lequel nous
19 souhaitions nous fonder dans le cadre de la présentation de nos éléments de
20 preuve. Pas seulement en ce qui concerne la question de responsabilité,
21 mais nous ne savons pas qui sont les auteurs de ce document, nous ne savons
22 pas dans quelle mesure nous pourrions authentifier ce document. En ce qui
23 concerne les principes applicables dans cette affaire, il est question de
24 Lapusnik. Mais comme je l'ai dit, ce document porte davantage sur la
25 période de mars et d'avril, qui est plus importante aujourd'hui, maintenant
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1 que nous avons entendu la déposition de M. Limaj.
2 C'est un document que nous avions examiné sans traduction. Nous
3 n'avons pas obtenu la traduction avant il y a quelques jours à peine. Mais
4 c'est un document que nous avons choisi de ne pas utiliser, pas parce que
5 nous pensions qu'il n'était pas fiable, mais simplement parce que nous
6 n'avons pas souhaité le présenter. Puis, nous avons établi un certain
7 nombre de limites concernant les documents dont nous ne connaissions pas
8 très bien les sources. Nous ne pouvions pas présenter tous ces documents.
9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis un peu perdu. Vous dites que
10 vous reconnaissez la pertinence du document, sa pertinence potentielle,
11 mais vous avez choisi de ne pas l'utiliser. Ou alors, êtes-vous en train de
12 dire que vous ne vous êtes pas rendu compte de sa pertinence potentielle
13 parce qu'il n'avait pas été traduit, ou êtes-vous en train de dire autre
14 chose ?
15 M. WHITING : [interprétation] En fait, ce que je répondrais se situe un peu
16 entre les deux. Nous avons rapidement examiné ce document, enfin ce livre.
17 En fait, nous avons demandé à un interprète de le feuilleter rapidement, et
18 nous avons vu qu'il n'y avait pas de lien avec les charges retenues contre
19 l'accusé dans la présente affaire. C'est la raison pour laquelle nous avons
20 prévu de ne pas l'utiliser.
21 Mais ensuite, nous avons réexaminé ce livre d'un peu plus près et
22 compte tenu de son intérêt et de sa pertinence potentielle, nous avons
23 décidé d'en faire traduire une dizaine de chapitres. Chacun des chapitres
24 porte sur la biographie d'une personne. Lorsque les traductions nous sont
25 revenues la semaine dernière, et également au vu de la déposition qu'avait
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1 faite le témoin, il nous est apparu tout d'un coup qu'il y a des passages
2 dans ce livre qui sont pertinents.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, avez-vous quelque
4 chose à ajouter ?
5 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, si vous me le
6 permettez, rapidement. La dernière observation, dirais-je, n'a aucun sens.
7 Car depuis le début de la présente affaire, la période mars-avril était
8 connue comme une période tout à fait cruciale. Toutes les parties savaient
9 que cette période était importante; je veux parler de l'Accusation et de
10 nous-même, la Défense de M. Limaj. M. Limaj l'a d'ailleurs dit dans ses
11 propos liminaires qui étaient assez longs.
12 Si nous prenons l'intercalaire 3, le bas de la page, c'est un extrait
13 de cet ouvrage. Ismet Jashari est mentionné à l'avant-dernière ligne de
14 cette page. Depuis le début, il devait être tout à fait manifeste, tout à
15 fait clair, que ce livre avait une grande importance. Ce n'est donc pour
16 cela qu'il n'a pas été utilisé avant. Quant au fait qu'il n'ait été traduit
17 que récemment, nous disons que c'est un argument qui ne tient pas vis-à-vis
18 de la pertinence et de l'authenticité de ce livre.
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être la question la plus
20 pertinente est-elle de savoir pourquoi il n'a pas été communiqué avant.
21 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, pourquoi n'a-t-il pas été communiqué
22 avant, puisque c'est un document qui prend peut-être un certain temps à
23 traduire. On aurait dû nous l'annoncer et nous dire si l'Accusation avait
24 l'intention de l'utiliser ou pas.
25 Alors, que nous dit l'Accusation ? Elle nous dit : Nous avons eu des
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1 problèmes de traduction. La traduction a pris longtemps. Nous regrettons.
2 Nous n'allons pas nous appuyer sur ce livre parce que nous ne l'avions pas
3 prévu, mais nous n'allons donner la possibilité à personne d'examiner ce
4 livre avant notre contre-interrogatoire.
5 Nous estimons que ceci est un summum d'iniquité, car s'agissant de ces
6 questions, la recevabilité est la question qui se pose à chaque fois. Vous
7 vous souviendrez, Monsieur le Président, que lorsque j'ai parlé de la
8 recevabilité, j'ai parlé d'un critère qui était la fiabilité. Ce que l'on
9 trouve en arrière-plan de cette discussion, c'est si oui ou non une
10 personne est apte, est en mesure de prendre connaissance d'un document et
11 de le connaître vraiment.
12 J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir sur le
13 paragraphe 282 de l'arrêt Rutaganda que vous avez sous les yeux. Au début
14 du contre-interrogatoire de l'appelant : "L'Accusation présente à la
15 Chambre un document qui contient un certain nombre d'éléments papier
16 qu'elle a l'intention d'utiliser au contre-interrogatoire. Les trois
17 documents cités sont dans ce classeur, et n'ont pas été communiqués au
18 préalable à la Défense. La Chambre de première instance autorise
19 l'Accusation à les verser au dossier, mais afin de donner la possibilité à
20 l'appelant de se familiariser avec ces documents, elle remet à une date
21 ultérieure l'interrogatoire qui ne commencera que le lendemain."
22 Tout cela laisse de côté la question de la communication sur le principe et
23 de la recevabilité en tant que principe, même si la Chambre décidait qu'il
24 fallait accorder un certain temps au témoin qui, en l'espèce, et l'accusé
25 pour se familiariser avec le document, dans ce même rapport nous trouvons
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1 une question à ce point précis. "Il convient de ne pas perdre de vue que la
2 Chambre de première instance a accordé à l'appelant un temps suffisant pour
3 prendre connaissance des photographies, des articles de presse et des
4 articles d'association." Le fait est que cette possibilité ne lui a pas été
5 donnée en l'espèce. Voilà tout ce qui sous-entend l'arrêt dont nous
6 parlons.
7 J'aimerais à présent vous remettre le document que j'ai entre les mains.
8 Nous en avons un certain nombre de copies pour tout le monde. C'est la
9 décision Hadzihasanovic. Je ne sais pas si la Chambre et l'Accusation sont
10 en possession de ce document. Nous avons un exemplaire pour toutes les
11 parties.
12 Une modification a été apportée oralement. Elle est assez importante
13 d'ailleurs. Je suis en train de la chercher. Je vous prie d'excuser
14 l'absence de la numérotation des pages. On voit la page
15 12 524 qui commence au milieu de la page 6 de notre document, si je ne
16 m'abuse.
17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Page 3 sur 8.
18 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je vous remercie.
19 La page suivante à la ligne 22, - non, il y a encore une différence de
20 présentation entre les deux documents que je compulse. Enfin, je cherche
21 une expression où on lit, "can not" en anglais "ne peut pas" au lieu de
22 "can only" "ne peut que." Enfin, je reviendrai sur ce point un peu plus
23 tard.
24 Ce que je voulais dire au sujet de cette décision de la Chambre dans
25 l'affaire Hadzihasanovic, apparemment, il y a trois exemplaires différents
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1 de ce texte. Ce que cette source de droit déclare - et je sais bien qu'il y
2 aura plusieurs décisions analogues à celle-ci et absolument identiques à ce
3 que j'ai dit tout à l'heure - à savoir que la Chambre déclare qu'un délai
4 de 24 heures doit être respecté, moi, je ne demande pas que ce délai soit
5 de 24 heures. C'est la page
6 12 527. Il en est question à plusieurs endroits. Sur ma page, c'est à la
7 ligne 4. C'est là que l'appréciation de la crédibilité se fait. Afin de
8 prouver la crédibilité, il importe de communiquer - c'est en ligne 10 - le
9 document en question à la Défense en indiquant l'intention de l'Accusation
10 de l'utiliser, puis, la ligne 12, au moins 24 heures avant la comparution
11 d'un témoin de la Défense, et cetera. Par conséquent, ce n'est peut-être
12 pas une règle définitive ce délai de 24 heures. Ce qui ressort clairement
13 de la décision de la Chambre, très franchement, c'est que le témoin doit se
14 voir accorder cette possibilité. Le délai peut être de 24 heures, il peut
15 être d'une nuit, en tout cas, bien entendu, le délai ne sera pas le même si
16 le document est très volumineux ou s'il l'est un peu moins. Certains
17 documents peuvent être examinés en cinq minutes.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans cette décision --
19 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semble que le délai envisagé ait
21 été de 24 heures avant la comparution du témoin de la Défense.
22 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai lu rapidement les autres
24 décisions pertinentes. N'était-il pas question dans ces autres décisions de
25 24 heures avant le contre-interrogatoire ?
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1 M. MANSFIELD : [interprétation] Bien, la chose n'est pas tout à fait
2 claire. Si nous nous penchons sur l'autre source, à savoir, la décision
3 Rutaganda, et que l'on prenne en compte la réalité des faits, ce qui s'est
4 passé est tout à fait comparable, c'est-à-dire qu'on a donné la nuit au
5 témoin qui était déjà sur la chaise des témoins, qui témoignait déjà. Sa
6 déposition avait commencé. Tout ce que je dis, c'est qu'en dehors du
7 principe de la communication qui n'a pas été respectée, il faut tout de
8 même que le témoin ait la possibilité de se familiariser avec le document,
9 de l'examiner rapidement, et qu'un certain temps lui soit accordé à cette
10 fin, car il ne peut répondre à des questions s'il n'a pas eu la possibilité
11 de prendre connaissance du document. C'est tout ce que je demande. Si c'est
12 la nuit, je ne pense pas que Me Whiting finira aujourd'hui. Il faudrait au
13 moins qu'on puisse remettre au témoin un exemplaire du document pour qu'il
14 puisse y jeter un coup d'œil cette nuit. Nous disons que c'est un problème
15 d'équité.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.
17 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que vous ne
18 voulez pas qu'on joue à un match de tennis ici, --
19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le tournoi de Roland Garos a commencé
20 à France. Allez-y.
21 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais dire deux petites choses. La
22 première, c'est au sujet de la communication. Je ne pense pas que ce
23 document aurait dû être communiqué en vertu du Règlement que ce soit au
24 titre de l'Article 66(A)(i) ou de l'Article 66(B) ou de l'Article 48.
25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pensais que vous alliez parler de
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1 communication.
2 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Si le document est remis au
3 témoin, je n'ai aucune objection à ce que M. Limaj en prenne possession, et
4 qu'il ait la possibilité cette nuit de lire ce document et d'y réfléchir.
5 Je ne pensais pas --
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela peut se faire ? Est-ce
7 que vous avez l'intention d'accepter cette possibilité ?
8 M. WHITING : [interprétation] Non, ce n'était pas mon intention. Ce n'est
9 pas un problème de remettre le contre-interrogatoire à demain.
10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci. Nous allons prendre
11 quelques instants pour examiner la question.
12 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je
13 pourrais --
14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Mansfield, je ne
15 vous ai pas redonné la balle.
16 M. MANSFIELD : [interprétation] Non, non, c'était simplement une correction
17 assez importante que j'aimerais vous soumettre.
18 En page 4 de 8 de ce document. Il m'a fallu quelque temps pour retrouver le
19 passage, excusez-moi. En page 6, donc sur le total de 8, à la ligne 22,
20 nous lisons que : "Suite à l'application de ce principe, l'Accusation ne
21 peut que présenter" ses arguments au cours du contre-interrogatoire, ne
22 peut que soumettre ce document au cours du contre-interrogatoire. En fait,
23 la décision orale a permis d'amender, de corriger ce texte le 2 décembre
24 2004. Mais j'indique qu'il faut lire : "ne peut" qu'au lieu de "ne peut
25 pas." C'est un changement assez important. Nous avons un exemplaire de
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1 cette correction pour les Juges et pour tous ceux qui souhaitent en
2 disposer.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous admettons cet
4 argument, Maître Mansfield. Nous suspendons quelque temps.
5 --- La pause est prise à 15 heures 04.
6 --- La pause est terminée à 15 heures 15.
7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre est d'avis qu'il ne peut y
8 avoir une objection de principe vis-à-vis de l'utilisation de ce document
9 dans le cadre du contre-interrogatoire. L'arrêt de la Chambre d'appel du
10 Tribunal dans l'affaire jugée par le Tribunal du Rwanda, à savoir l'affaire
11 Rutaganda, ainsi que la décision de la Chambre de première instance dans
12 l'affaire Hadzihasanovic et Kubura sont, nous semble-t-il, tout à fait
13 conformes à cette question de principe. Les arguments présentés dans
14 l'affaire Rutaganda semblent, en effet, tout à fait comparables à ceux qui
15 ont été présentés ici dans le cadre de la présentation de l'objection.
16 Il reste la question de savoir si des mesures spéciales devraient
17 être prises pour assurer l'équité dans cette affaire. Nous estimons qu'il
18 conviendrait en effet de prendre certaines mesures, et conscients des
19 indications fournies par M. Whiting quant au fait que la question ne sera
20 réglée que demain après-midi, nous pensons, pour le moment, que ce laps de
21 temps devrait suffire à garantir une entière équité pour le témoin.
22 Nous observons qu'une référence a été faite à une autre décision rendue par
23 la Chambre de première instance, Hadzihasanovic, qui a laissé entendre
24 qu'il conviendrait que des documents de cette nature soient mis à la
25 disposition du témoin avant l'entrée du témoin dans le prétoire. Nous
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1 pensons que cette observation semble aller à l'encontre de la décision
2 rendue dans l'affaire Rutaganda. Si c'est une mesure qui est tout à fait
3 acceptable dans le cas particulier, ce n'est certainement pas une mesure
4 destinée à assurer le minimum d'équité nécessaire.
5 Par conséquent, nous pensons qu'un certain laps de temps doit être
6 accordé au témoin pour lui garantir une pleine et entière équité et lui
7 permettre de lire le document en question pendant la nuit. A cette fin, un
8 exemplaire de ce document devrait être remis à M. Limaj à la fin de
9 l'audience aujourd'hui.
10 Lorsque le contre-interrogatoire sera terminé, juste avant les
11 questions supplémentaires, nous pensons qu'il devrait pouvoir donner à son
12 conseil des indications claires quant à l'usage que celui-ci doit faire de
13 ce document. Si, en raison de ces instructions, il s'avère nécessaire de
14 modifier le calendrier de nos audiences, nous examinerons la question à ce
15 moment-là.
16 Je me résume, le document peut être utilisé dans notre affaire. Il sera
17 fourni à M. Limaj ce soir, à la fin de l'audience, de façon à ce qu'il
18 puisse l'examiner pendant la nuit, ou en tout cas, avant le début de
19 l'audience de demain. A la fin de son contre-interrogatoire, compte tenu du
20 fait que, selon les dispositions en vigueur, son conseil ne peut lui parler
21 pendant toute la durée de sa déposition, des dispositions ont été prises
22 pour lever cette contrainte, et à la fin du contre-interrogatoire il aura
23 la possibilité de donner ses instructions à son conseil, avant le début des
24 questions supplémentaires.
25 Nous allons commencer maintenant, Monsieur Whiting, le contre-
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1 interrogatoire.
2 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais je vous
3 demanderais, si vous me le permettez, si nous ne sommes pas arrivés au
4 terme de la période d'une heure et demie et s'il n'est pas nécessaire de
5 faire la pause.
6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non. Nous avons interrompu quelques
7 instants, mais cela n'a pas redémarré le calcul du temps. Dans 25 minutes,
8 30 minutes, nous allons faire la pause, puisque nous avons commencé avec un
9 léger retard.
10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pouvez-vous prévoir de
12 contre-interroger pendant une heure, pas plus.
13 M. WHITING : [interprétation] Je ferai de mon mieux, et mes collègues me
14 tireront par la manche si j'oublie l'heure.
15 LE TÉMOIN: FATMIR LIMAJ [Reprise]
16 [Le témoin répond par l'interprète]
17 Contre-interrogatoire par M. Whiting :
18 Q. [interprétation] Monsieur Limaj, je vais commencer là où vous avez
19 terminé à la fin de l'interrogatoire principal. En effet, vous avez dit à
20 la Chambre que vous aviez appris l'existence d'un acte d'accusation à votre
21 encontre émanant de ce Tribunal et que lorsque les médias vous ont
22 contacté, vous avez menti quant à l'endroit où vous vous trouviez. C'est
23 exact, n'est-ce pas ?
24 R. J'ai déjà dit pour quelles raisons j'avais adopté cette attitude à
25 l'égard des médias. J'ai déjà dit pourquoi je ne leur avais pas dit où je
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1 me trouvais. Je ne considère pas cela comme un mensonge.
2 Q. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le fait de dire à la presse que vous
3 étiez en Autriche ou en Italie ou ailleurs, alors qu'en fait vous étiez en
4 Slovénie, ne serait pas un mensonge ? En dehors des justifications que vous
5 avez avancées, cela n'était pas la vérité, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
6 R. Parce qu'après la guerre, j'ai fait de la politique et je sais comment
7 doivent se comporter les représentants officiels. Il y avait déjà des
8 contacts qui avaient démarré entre M. Steiner et le premier ministre, et je
9 ne voulais pas que les médias sachent où je me trouvais avant publication
10 d'une déclaration officielle. Car je savais que des représentants des
11 médias viendraient à mon hôtel pour m'interroger. C'était la première fois
12 qu'un acte d'accusation était dressé contre un ancien membre de l'UCK au
13 Kosovo.
14 Q. Parce que vous ne vouliez pas que les médias viennent à votre hôtel, ou
15 en tout cas, parce que vous dites que vous ne vouliez pas que les médias se
16 rendent à votre hôtel, vous avez menti quant à l'endroit où vous vous
17 trouviez, n'est-ce pas ?
18 R. J'ai déjà dit qu'à mon avis, ceci ne peut être considéré comme un
19 mensonge, contrairement à ce que vous semblez faire. A mon avis, c'était
20 simplement une démarche personnelle de ma part. Je ne souhaitais pas dire
21 aux médias où je me trouvais à ce moment-là, car je pensais que c'était
22 préférable dans mon intérêt et dans l'intérêt de l'évolution politique.
23 Q. Monsieur Limaj, vous ne leur avez pas dit que vous refusiez de leur
24 dire où vous étiez. Vous ne leur avez pas dit : "Je refuse de vous dire où
25 je suis." Mais vous leur avez dit quelque chose qui n'était pas la vérité,
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1 n'est-ce pas ?
2 R. Monsieur le Procureur, j'ai dit la vérité aux personnes à qui j'étais
3 censé dire la vérité, à savoir aux représentants du secrétaire général des
4 Nations Unies dont dépend d'ailleurs votre bureau. Pour moi, ceci est plus
5 important que de dire aux médias où je me trouvais. M. Steiner savait où je
6 me trouvais. Votre bureau le savait également. Le premier ministre du
7 Kosovo le savait, et c'est ceux qui, à mes yeux, avaient de l'importance.
8 Q. Etes-vous en train de dire, dans votre déposition, que vous considérez
9 que selon votre intérêt personnel, vous pouvez décider de dire la vérité à
10 certains et de ne pas la dire à d'autres ? Est-ce bien ce que vous affirmez
11 dans votre déposition, Monsieur Limaj ?
12 R. Non, ce n'est pas ce que je dis. Mais je me suis efforcé de respecter
13 les principes du travail officiel. Car j'étais un représentant officiel du
14 parlement du Kosovo, représentant d'un parti politique, et c'est la raison
15 pour laquelle je me suis plié à cette logique.
16 Q. Vous étiez un représentant officiel depuis l'an 2000 à peu près, n'est-
17 ce pas, d'après ce que vous avez dit dans votre déposition ?
18 R. Non, pas depuis 2000; depuis la fin de 1998. En 1998 et 1999, j'étais
19 peut-être moins en vue en tant que représentant officiel, mais à partir de
20 1999, et surtout depuis le démarrage des stations de télévision au Kosovo,
21 j'ai toujours été disponible pour les médias.
22 Q. Mais depuis 1998, est-ce que votre habitude a consisté à ne pas dire la
23 vérité ?
24 R. Non, non pas du tout. Je crois pouvoir dire que j'ai été l'une des
25 personnes les plus transparente, et ce en permanence à l'égard des médias.
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1 D'ailleurs, on peut le vérifier auprès des médias du Kosovo, tant auprès
2 des médias de langue albanaise que des autres. Je ne pense pas qu'il y ait
3 jamais eu quelqu'un de plus transparent dans ses contacts avec les médias.
4 Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui dise davantage la vérité aux
5 médias que moi. Je donne toujours aux médias mon point de vue personnel et
6 le point de vue de mon parti, et vous pouvez vérifier cela auprès des
7 médias écrits et télévisuels.
8 Q. Donc, vous vous efforcez de dire la vérité aux médias.
9 R. Toujours. Toujours.
10 Q. J'aimerais vous ramenez à 1996, date à laquelle vous avez adhéré à
11 l'UCK. Je crois que vous avez dit, dans votre déposition, que vous étiez
12 entré dans les rangs de l'UCK en août 1996; c'est bien cela ?
13 R. Oui.
14 Q. Vous y êtes entré avec Rexhep Selimi.
15 R. Je n'y suis pas entré avec lui. Ce que j'ai dit, c'est que j'étais
16 entré à l'UCK grâce à Rexhep Selimi. J'ai dit que mon premier contact a été
17 avec Rexhep Selimi.
18 Q. Rexhep Selimi était membre du Grand état-major.
19 R. Rexhep Selimi, d'après ce que j'ai entendu, était membre du Grand état-
20 major. Il était membre à part entière de ce Grand état-major au mois de
21 novembre. Mais j'ai entendu dire qu'il en était membre au mois de mars,
22 lorsque nous sommes revenus de Suisse. C'est à ce moment-là qu'il s'est
23 présenté en tant que représentant du Grand état-major. Mais en tant que
24 membre officiel de cet état-major, j'ai découvert la chose au mois de
25 novembre.
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1 Q. Il l'était en mars 1998, n'est-ce pas ?
2 R. Il y a une différence entre représentant du Grand quartier général,
3 porte-parole, et membre à part entière. Il était représentant du Grand
4 quartier général au mois de mars.
5 Q. Vous avez dit mars, mais c'est mars 1998, n'est-ce pas ?
6 R. Oui. A ce moment-là, il était représentant du Grand quartier général.
7 Q. Le premier jour de votre déposition, on vous a interrogé au sujet
8 de l'année 1996 et de ce qui s'est passé après votre entrée dans les rangs
9 de l'UCK, au moment où vous avez participé à des actions de guérilla. Vous
10 avez répondu que vous n'en aviez pas eu l'occasion à ce moment-là. C'est
11 bien ce que vous affirmez dans votre déposition, n'est-ce pas ?
12 R. Oui, s'agissant de cela.
13 Q. En 1997, vous êtes allé en Suisse ?
14 R. Oui.
15 Q. Vous avez dit dans votre déposition que vous n'aviez pas eu de contact
16 avec l'UCK au cours de votre séjour en Suisse. C'est bien ce que vous
17 affirmez dans votre déposition, n'est-ce pas ?
18 R. J'aimerais m'expliquer, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
19 Juges. Les gens qui avaient des contacts avec l'UCK, je parle de ceux qui
20 recueillaient de l'argent pour l'UCK, étaient nombreux en Suisse. Mais à
21 mon avis, ils n'étaient pas membres de l'UCK à part entière, ceux qui
22 étaient en Suisse. C'est ce que je voulais dire.
23 Q. Vous n'avez pas reçu d'instructions de l'UCK pendant toute cette
24 période. C'est ce que vous affirmez dans votre déposition ?
25 R. Non.
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1 Q. Vous affirmez dans votre déposition n'avoir eu aucun contact avec votre
2 patrie ni avec le mouvement populaire du Kosovo lorsque vous étiez en
3 Suisse. Mais vous ne dites pas ne pas avoir eu de contact avec l'UCK. Vous
4 secouez la tête. Est-ce que c'est une réponse affirmative ?
5 R. Oui, c'est exact.
6 Q. Est-ce que vous vous rappelez ce qui s'est passé dans l'UCK en novembre
7 1997 ?
8 R. Que voulez-vous dire ?
9 Q. Lorsque l'UCK est devenue publique, si je peux m'exprimer ainsi, durant
10 des funérailles.
11 R. Oui, certainement, certainement.
12 Q. Est-ce que vous vous rappelez qui était enterré ce jour-là ?
13 R. Bien sûr, je me rappelle.
14 Q. Pourriez-vous nous le dire ?
15 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, en novembre 1997,
16 au moment d'un match de foot, il y a eu un affrontement entre une unité de
17 la guérilla, c'est-à-dire une unité de l'UCK, du village, et les forces
18 serbes. Pendant la fusillade, les forces serbes ont tué un instituteur du
19 village, Halil Geci; c'était son nom, si je ne me trompe pas. Cet homme a
20 été enterré deux jours plus tard, et de nombreux habitants du village
21 participaient à ses funérailles. C'était la première fois que trois membres
22 de l'UCK sont apparus devant la population réunie pour lire une déclaration
23 ou un discours.
24 Q. L'un d'eux était Rexhep Selimi.
25 R. Oui, mais nous ne l'avons su que plus tard.
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1 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous avoir eu une interview lors de l'été
2 2000 qui est un élément de preuve dans cette affaire ?
3 R. Non, je n'ai pas eu d'interview.
4 Q. Vous n'avez pas eu d'interview pendant l'été 2000 ?
5 R. Mais de quelle interview parlez-vous? J'ai eu beaucoup d'interviews.
6 J'ai eu des interviews avec les télévisions et avec les journaux.
7 Q. Il s'agit d'une interview à la télévision et qui était un élément de
8 preuve dans cette affaire. Il s'agit de la pièce P36. On l'a déjà utilisée
9 dans cette affaire. Est-ce que vous vous souvenez avoir répondu à des
10 questions concernant l'UCK ?
11 R. Je crois que je vous ai déjà dit que j'ai donné beaucoup d'interviews
12 et je ne vois pas de laquelle vous parlez. Bien sûr, au cours de toutes les
13 interviews, je parlais de l'UCK.
14 Q. Bien. Je vais vous dire exactement de quelle interview il s'agit.
15 Pouvons-nous regarder l'extrait numéro 4 qui commence à la page 6 de la
16 pièce de l'Accusation P36. Je crois qu'il faut que nous passions à l'écran
17 pour cela.
18 Q. Monsieur Limaj, je vous demande d'écouter avec attention.
19 [Diffusion de cassette vidéo]
20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]
21 "C'est intéressant. En 1996, nous souhaitions mener une opération. C'était
22 une objection -- c'était notre droit, et j'attendais que le nouveau
23 ministre de l'ordre public Rexhep Selimi vienne. Nous avions décidé d'un
24 moment, et nous avions décidé d'un endroit dans le village. Je l'attendais
25 à cet endroit où nous devions nous retrouver. D'après la conversation qui
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1 avait lieu chez le coiffeur, la discussion concernant l'UCK à l'époque, on
2 en parlait très peu chez le coiffeur. Ensuite, ils ont commencé à discuter
3 entre eux de combien il y avait de Serbes, combien il y avait de Serbes qui
4 tuaient des gens pour quelles raisons.
5 "Bien sûr, au cours de ce débat, quelqu'un m'a demandé à moi
6 directement ce que je pensais de cette armée. Il m'a demandé à moi, parce
7 que j'habitais à Pristina, et que peut-être que je savais plus que lui. La
8 nature de nos opérations était très secrète. Il était très difficile pour
9 moi de dire quoi que ce soit. J'ai trouvé une réponse à lui faire. Je lui
10 ai dit : Bien, si les Serbes inventent tout cela, c'est bon pour nous. En
11 fait, si ce sont les Serbes qui font réellement les choses dont on parle,
12 il nous faut supporter cela, parce que c'est à eux-mêmes qu'ils font du mal
13 en faisant cela.
14 "Interviewer : C'est très vrai, puisque le 26 novembre, c'est la
15 première fois que l'UCK organisait -- qu'une organisation de l'UCK a été
16 lancée.
17 "Que pensez-vous de l'affaire Mitrovica ?
18 "Fatmir Limaj : Les conditions pour les réussites de l'UCK, ou plutôt
19 du commandement militaire, tout au long de guerre, étaient telles qu'à
20 certains moments, elle était capable de passer d'une phase d'action à une
21 phase de non action au moment le plus opportun."
22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]
23 M. WHITING : [interprétation]
24 Q. Dans cet entretien, Monsieur Limaj, vous dites qu'en 1996, vous
25 attendiez que Rexhep Selimi mène une opération. Vous avez secoué la tête,
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1 vous voulez dire oui, n'est-ce pas ? Est-ce que cela était vrai qu'en 1996
2 cela a eu lieu ?
3 R. J'ai dit que je n'étais pas présent lors de cette action militaire.
4 Cela prouve exactement ce que j'ai dit tout à l'heure, que Rexhep Selimi,
5 je lui ai donné l'occasion et pas simplement à lui, Rexhep Selimi mais à
6 toute l'armée, d'utiliser ma maison dans mon village pour différentes
7 raisons. Lors de cette interview, Rexhep Selimi était chez moi, et je l'ai
8 reçu. Ils arrivaient d'une opération et je les ai accueillis chez moi.
9 C'était l'aide que j'apportais à l'UCK. Cela prouve tout ce que je vous ai
10 dit jusqu'à maintenant. Vous m'avez demandé si j'avais participé
11 directement à cette opération, je vous ai dit : "Non." La réponse est que
12 je n'ai pas participé directement à cette action.
13 Q. Monsieur Limaj, vous dites dans cette interview, qu'à un moment en
14 1996, vous étiez prêt à mener cette opération. Est-ce qu'il s'agit -- et
15 que vous attendiez Rexhep Selimi, est-ce que cela que vous dites dans votre
16 témoignage ?
17 R. Monsieur le Procureur, j'ai dit : Si vous voulez faire une différence,
18 c'est votre problème. J'ai toujours dit que je commençais à faire partie de
19 l'UCK à partir du mois d'août. Quoique j'aie dit, j'en ai toujours fait
20 partie. Pour répondre directement à votre question pour savoir si j'ai
21 participé aux opérations, la réponse est non. Mais j'ai reçu Rexhep Selimi
22 et ses amis chez moi. C'est de cette manière que j'ai apporté ma
23 contribution même si ce n'était pas une contribution directe.
24 Q. Que disiez-vous lorsque vous disiez : "Nous étions en train d'essayer
25 de nous préparer pour mener une opération." Est-ce que c'est cela que vous
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1 vouliez dire quand vous avez dit ce que je viens de citer ?
2 R. Je vous ai dit ce que je voulais dire. Je pense que cela est clair.
3 Même dans l'interview c'est clair. Vous pouvez l'interpréter comme vous
4 voulez. Je crois que cela est très clair, très direct.
5 Q. C'est au Tribunal de décider. Vous avez dit également, pendant cette
6 interview, que vous n'étiez pas à Ludoviq parce que vous aviez été envoyé
7 en mission en Suisse, parce que c'était une mission qui vous avait été
8 donnée par l'état-major général, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
9 R. Oui. Ceux d'entre nous qui travaillaient pour notre patrie pensaient
10 qu'il était bon de réunir des fonds. Ce que je veux dire par là, c'était
11 qu'il s'agissait d'une activité permanente. Tous les activistes qui
12 levaient des fonds en Suisse et dans les autres pays occidentaux le
13 faisaient, bien sûr, au nom de l'état-major général et de l'état-major
14 central.
15 Q. Monsieur Limaj, vous avez dit dans votre témoignage, la semaine
16 dernière, devant cette Chambre de première instance et encore aujourd'hui,
17 que vous ne voyez pas confier de tâche à des missions par l'état-major
18 général en Suisse, et que vous n'étiez pas en contact avec l'état-major
19 général. Là, dans cet entretien, vous dites que l'état-major général vous
20 avait confié une mission. Alors, quelle est la vérité, Monsieur Limaj ?
21 R. La vérité est ce que je vous dis maintenant, Monsieur.
22 Q. Dans cette interview vous avez menti. S'agit-il de votre témoignage
23 devant cette Chambre ?
24 R. Je ne crois que vous avez devant vous quelqu'un qui ment.
25 Q. La Chambre de première instance en décidera. S'agit-il de la seule
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1 réponse que vous souhaitez me faire ?
2 R. Je pense qu'il faut laisser aux Juges le soin de décider de cette
3 question.
4 Q. Vous ne dites pas qu'est-ce que vous avez dit dans cette interview
5 était vrai ? Vous n'êtes pas en mesure de dire cela ?
6 R. Je ne vous dis pas que cela n'est pas vrai. Ce que j'essayais de vous
7 expliquer, c'est que dans l'interview, j'ai dit qu'une mission m'avait été
8 confiée par l'état-major général, parce qu'à l'époque, c'était comme cela
9 que je voyais les choses, que c'était une mission qui m'était confiée par
10 l'état-major. Parce que quand nous quittions le Kosovo, nous travaillions
11 conjointement avec les gens qui travaillaient pour le Kosovo. Nous faisions
12 tout au nom de l'état-major. Lorsque j'ai dit qu'une mission m'avait été
13 confiée par l'état-major, c'est ce que je voulais dire en fait. C'est ce
14 que je dis maintenant.
15 Q. Vous voulez dire que ces deux affirmations sont vraies. Ce que vous
16 avez dit dans cette interview et ce que vous nous dites ici aujourd'hui ?
17 R. J'essaie de vous expliquer, que les choses dans le contexte général
18 pour vous expliquer, ce qu'en réalité je voulais dire, ce que je pensais
19 lorsque j'ai dit ce que j'ai dit au sujet d'une mission qui m'avait été
20 confiée par l'état-major général.
21 Q. Ce que vous vouliez dire dans votre première interview est que vous
22 vouliez que les gens pensent que cela était vrai, et non que vous n'aviez
23 pas de rapport avec l'UCK. Ici, devant le Tribunal, vous voulez que ceux
24 qui vous écoutent pensent que cela n'était pas vrai. Cela n'est-il pas
25 vrai, Monsieur Limaj ?
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1 R. Non. Non, c'est le contraire. Monsieur le Président, Madame et Monsieur
2 les Juges, avant-hier, j'ai dit que j'ai reçu un message de Rexhep Selimi
3 au cours de l'année 1997 après une opération. Il suivait mes activités et
4 il voulait que je continue mon activité à travers la cause de la patrie.
5 C'était une sorte d'approbation de la part de M. Selimi de ce que je
6 faisais là-bas, parce que j'avais montré mes capacités, j'avais fait la
7 preuve de ma capacité à mener des actions à l'avenir.
8 J'ai quitté le Kosovo, et j'ai travaillé avec l'association pour la
9 patrie. C'est ce qui s'est passé. C'est ce que je vous ai dit les jours
10 précédents. Je ne pense pas que le Procureur puisse dire que je veux que
11 les citoyens pensent cela parce que les citoyens connaissent très bien mon
12 curriculum vitae. J'ai déclaré, de manière très ouverte, ce que j'étais et
13 ce que je faisais. Lors de cette interview qui était donnée aux médias
14 étrangers, j'ai fait la même chose. Il faut se souvenir de cela.
15 Ce que j'essayais de faire, c'était de prouver une certaine
16 continuité entre notre organisation, parce que cette interview n'était pas
17 pour les médias locaux; elle était pour d'autres, et je voulais que les
18 citoyens soient fiers de nous.
19 Q. En d'autres termes, vous dites que vous disiez une certaine chose aux
20 médias étrangers, et d'autres au peuple du Kosovo. Est-ce que c'est ce que
21 vous nous dites, Monsieur Limaj ?
22 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
23 Q. C'est l'impression que j'avais.
24 R. C'est peut-être l'impression que vous aviez mais cela n'est pas le cas.
25 Q. Monsieur Limaj, est-ce qu'à présent votre déposition est qu'au départ
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1 vous avez dit que vous pensiez que votre mission vous a été confiée par
2 ceux qui défendaient votre patrie, et d'une certaine manière vous était
3 confiée par l'UCK. A présent, vous nous dites que cette lettre de Rexhep
4 Selimi était une sorte de mission, d'appel, qu'il vous confiait une mission
5 au nom de l'état-major ? S'agit-il de votre témoignage ?
6 R. Je pense que la question est assez longue. Je ne suis pas sûr de quelle
7 réponse vous faire en premier.
8 Q. Je vais reposer ma question, Monsieur Limaj. Au départ, vous pensiez
9 que vous travailliez au nom de la patrie, et que d'une certaine manière,
10 c'était une mission qui vous était confiée par l'UCK. Maintenant, vous nous
11 dites que - et c'est ce que j'essaie -- c'est la question sur laquelle je
12 voudrais que vous répondiez - c'est que vous avez reçu une lettre de Rexhep
13 Selimi, et que vous dites que cette lettre était une mission qui était
14 officiellement confiée par l'état-major.
15 R. La façon que vous avez de décrire les choses est différente de ce que
16 je vous dis. C'est peut-être ce que vous essayez de me faire dire. J'ai
17 reçu un message de M. Selimi après avoir quitté le Kosovo et être allé en
18 Albanie après les événements. J'ai reçu un message de lui sous la forme de
19 salutations qui me disaient également ce que je devais faire, qui était de
20 continuer à faire ce que vous faites, continuer à nous envoyer de l'argent
21 parce que nous avons besoin d'argent. Vous pouvez interpréter cela comme
22 vous le souhaitez.
23 Q. Ce que je vous demande --
24 R. Il s'agissait simplement de salutations amicales et une reconnaissance
25 de ce que je faisais en Suisse.
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1 Q. Il ne s'agissait pas d'une mission qui vous était confiée, oui ou non,
2 Monsieur Limaj ?
3 R. Je vous ai dit ce que je voulais vous dire. Je n'ai pas d'autres
4 réponses à vous faire.
5 Il s'agissait simplement d'un encouragement pour le bon travail que
6 nous effectuons. Où que nous allions pour rassembler de l'argent, nous
7 disions aux gens qui étaient exilés, c'est-à-dire, le peuple du Kosovo, la
8 diaspora, nous leur disions que nous rassemblions des fonds au nom de
9 l'état-major.
10 Q. La vérité est, Monsieur Limaj, qu'il était -- que tout dépendait de à
11 qui vous parliez, et que la vérité que vous disiez était différente suivant
12 la personne à qui vous parliez.
13 R. Non, ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur.
14 M. WHITING : [interprétation] Je pense que je vais passer à un autre sujet,
15 et qu'il serait bon de faire la pause à présent.
16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une pause et
17 reprendre à 16 heures 10.
18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.
19 --- L'audience est reprise à 16 heures 14.
20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.
21 M. WHITING : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.
22 Q. Monsieur Limaj, repartons vers le passé. Vous avez dit que dès 1990, il
23 n'y avait pas une seule personne qui ne suivait pas l'évolution de la
24 situation au Kosovo de façon très proche, n'est-ce pas ?
25 R. C'est ce que je pense. Je pense que cela a été le cas pour la majorité
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1 des Albanais.
2 Q. Vous avez dit dans votre témoignage qu'en 1996, à l'époque où vous avez
3 rejoint l'UCK, que vous avez pris connaissance à ce moment-là du fait que
4 des communiqués étaient publiés par l'UCK.
5 R. Ce que j'ai dit c'est que j'ai commencé à connaître l'UCK avant les
6 communiqués, et c'était en 1995 ou 1996. C'est à ce moment-là que j'ai
7 entendu parler de l'UCK pour la première fois.
8 Q. Je m'excuse, je vous repose la question : vous avez su qu'il existait
9 des communiqués avant que vous ayez rejoint l'UCK, n'est-ce pas ?
10 R. Oui. Grâce aux quotidiens. Je crois qu'il y avait un ou deux
11 communiqués qui étaient publiés; je ne suis pas sûr. Je crois qu'avant que
12 je m'engage dans l'UCK, il y avait deux communiqués qui étaient publiés
13 dans la presse quotidienne, et cela, c'était avant que moi-même je fasse
14 partie de l'UCK.
15 Q. Lorsque vous êtes allé en Suisse, par la suite, vous avez continué à
16 vous intéresser à ce qui se passait au Kosovo ?
17 R. Oui.
18 Q. Vous avez lu les communiqués qui ont été publiés en 1997 ?
19 R. Oui.
20 Q. Vous saviez que l'UCK se voyait comme une armée de libération et non
21 pas comme une organisation terroriste, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
22 R. Oui.
23 Q. Vous saviez que l'UCK voyait les Serbes comme étant les terroristes.
24 R. Non. Je ne crois pas qu'elle voyait les Serbes comme des terroristes,
25 mais voyait le régime Milosevic comme une force d'occupation, un régime
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1 d'occupation. Une force d'occupation qui exerçait la violence. Je ne crois
2 pas que le terme "terroristes" ne puisse être utilisé dans ce contexte. Je
3 pense que le terme d'occupation serait un terme plus approprié. Nous nous
4 sommes toujours battus contre la terreur serbe.
5 Q. Vous saviez que l'UCK parlait du régime d'occupation comme des
6 terroristes, n'est-ce pas ?
7 R. C'est ce que j'ai dit, des terroristes, un régime barbare. Il y avait
8 différents termes utilisés, pas seulement par l'UCK, mais par la majorité
9 des Albanais qui utilisaient ces différents termes.
10 Q. Vous saviez que l'UCK cherchait un soutien international pour sa cause,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Oui.
13 Q. Pour obtenir ce soutien international, l'UCK devait prouver que ce
14 n'était pas une organisation terroriste, mais une armée organisée
15 régulière, n'est-ce pas ?
16 R. Non. L'UCK voulait plutôt prouver qu'il s'agissait d'une force de
17 libération, pas seulement vis-à-vis de la communauté internationale, mais
18 également vis-à-vis de la communauté dans le pays lui-même, qu'il
19 s'agissait d'une armée de libération.
20 Q. Pas seulement --
21 R. D'une armée qui libère.
22 Q. Pas seulement une armée militaire, mais également une armée bien
23 organisée ?
24 R. Cela est devenu un objectif de l'UCK plus tard, celui de se présenter
25 comme une armée organisée. Mais à ce moment-là --
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1 Q. Il s'agissait d'un des objectifs de l'UCK de devenir une organisation
2 organisée, de façon à ce qu'elle puise obtenir un soutien international,
3 n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
4 R. Je pense que les choses étaient différentes à l'époque. A ce moment-là,
5 il y avait le risque, Monsieur le Président, que l'UCK soit appelée une
6 organisation terroriste, et à ce moment-là, on ne pouvait pas appeler une
7 organisation terroriste simplement sur le fondement de son organisation. Il
8 y a des organisations terroristes qui sont bien organisées. A ce moment-là,
9 ce que l'UCK cherchait à faire, c'est que les activités n'avaient rien à
10 faire avec des activités terroristes; c'est ce que j'ai dit. Mais comme je
11 l'ai dit tout à l'heure, il y a des organisations terroristes qui sont bien
12 organisées.
13 Q. Vous vouliez prouver au monde que l'UCK était une armée qui avait le
14 soutien de la population, n'est-ce pas ?
15 R. Tout dépend de quelle période vous parlez, Monsieur le Procureur.
16 Q. Alors, je vais être plus précis. Après Prekaz, l'UCK avait le soutien
17 de la population ?
18 R. Après Prekaz, oui. C'est à ce moment-là que cela a commencé.
19 L'événement à Prekaz est la clé de ce qui s'est passé après.
20 Q. Il s'agissait d'un moment où les choses ont changé.
21 R. Exactement. Je crois que Prekaz est le moment où tout a changé.
22 Q. Cela a eu lieu au début du mois de mars, n'est-ce pas ?
23 R. Est-ce que vous pourriez répéter la question, s'il vous plaît.
24 Q. Prekaz, cela a eu lieu au début du mois de mars 1998 ?
25 R. Oui. Cela a eu lieu le 5, 6 et 7 mars, après les événements à Qirez et
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1 Likoshan qui, eux-mêmes, ont eu lieu, si je ne me trompe pas, les 28 et 29
2 février.
3 Q. Vous saviez également que l'UCK voyait la politique d'Ibrahim Rugova
4 comme un échec, n'est-ce pas ?
5 R. Pendant cette période, les choses étaient assez confuses. Il est vrai
6 que l'UCK, à ce moment-là, a appelé à l'unité parce que l'organisation
7 avait comme objectif d'être populaire, d'avoir le soutien de la population.
8 Mais la situation était confuse parce que l'UCK, à ce moment-là, était un
9 petit groupe et avait, pour ce moment-là, l'objectif de rester une
10 organisation clandestine. Nous ne pensions pas qu'elle devait devenir
11 publique.
12 Q. Monsieur Limaj --
13 R. -- au départ.
14 Q. Je vais vous interrompre parce que je n'ai pas l'impression que vous
15 répondiez à la question. La question était : l'UCK pensait que la méthode
16 de Rugova était un échec, n'est-ce pas ?
17 R. L'UCK pensait, effectivement, que les tentatives politiques, jusqu'à ce
18 moment-là, avaient échoué et qu'il fallait trouver une autre solution.
19 Q. Les tentatives politiques, pour que les choses soient claires, étaient
20 les tentatives faites par Ibrahim Rugova, n'est-ce pas ?
21 R. Elles n'étaient pas faites par Ibrahim Rugova, mais elles étaient
22 soutenues à l'initiative de plusieurs organismes politiques différents.
23 Ibrahim Rugova n'était que l'un de ces organes politiques.
24 Q. Mais il était un de ceux qui faisait ces tentatives et peut-être celui
25 qui était le plus en vue. Mais l'UCK estimait que ses tentatives avaient
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1 échoué, n'est-ce pas ?
2 R. Pour vous faire un tableau clair, je pense qu'il faut un peu clarifier
3 les choses. On peut dire qu'à ce moment-là, Ibrahim Rugova était celui qui
4 défendait cette politique.
5 Q. Vous pensiez, vous-même également, que la méthode adoptée par M. Rugova
6 était un échec, n'est-ce pas ? Vous, vous-même ?
7 R. Je ne pensais pas cela, mais c'était très visible à chaque étape. Je
8 pensais que cela ne pouvait pas amener un changement concret pour le
9 Kosovo. Ces messages étaient également reçus par la communauté
10 internationale.
11 Q. Je n'ai pas compris votre réponse. Vous avez dit : "Non, je ne pensais
12 pas," et ensuite vous avez dit : "Il me semble que c'était visible." Donc,
13 est-ce que vous pensez qu'il s'agissait d'un échec ou pas, Monsieur Limaj ?
14 R. La réponse n'était peut-être pas claire, mais ce que je voulais dire,
15 c'est que c'était ce que je pensais et c'était ce qui était évident.
16 Q. Merci. Vous pensiez également que l'UCK avait comme politique de cibler
17 les gens qui étaient soupçonnés de collaborer, n'est-ce pas ? Vous le
18 saviez ?
19 R. Oui, l'UCK cherchait à cibler ceux qui travaillaient pour la police
20 serbe et pour les services secrets. Il y a eu un communiqué à ce sujet.
21 Q. Vous souvenez-vous de quel communiqué il s'agit ?
22 R. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas sûr, mais je crois que ce
23 communiqué à été publié en 1996 ou peut-être plus tard. Je ne me souviens
24 pas de la date.
25 Q. Nous allons examiner les communiqués et nous allons voir si nous
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1 trouvons celui dont vous parlez. Mais je ne suis pas sûr que je sache
2 duquel vous parlez. Les collaborateurs de l'UCK, et je vous cite : "sont
3 ceux qui sont des inspecteurs de l'UDB, ou de la police, ou des personnes
4 qui sont directement engagées dans des opérations comprenant meurtres,
5 assassinats, tentatives d'assassinat, diverses actions criminelles, telles
6 que des violations du droit, l'emprisonnement de personnes, et des
7 opérations menées de manière permanente." S'agit-il de comment vous avez
8 défini les collaborateurs; tel que l'UCK définissait les collaborateurs,
9 n'est-ce pas ?
10 R. Oui, c'est comme cela que j'ai dit les choses.
11 Q. A partir du début de 1997, Jakup Krasniqi faisait partie de l'état-
12 major de l'UCK.
13 R. Je ne le savais pas. La première fois que j'ai vu Jakup Krasniqi en
14 tant que membre, en tant que porte-parole de l'UCK et de son état-major,
15 est lorsqu'il l'a fait de manière publique. Je ne le savais pas avant et je
16 ne le connaissais même pas personnellement.
17 Q. Donc, le 14 juin 1998, vous saviez qu'il faisait partie de l'état-major
18 général ?
19 R. Oui. Il s'agissait du porte-parole de l'état-major, et normalement il
20 faut être membre de l'état-major pour pouvoir en être son porte-parole.
21 Q. Vous avez également dit dans votre témoignage qu'après le 14 juin, vous
22 voyiez Jakup Krasniqi régulièrement. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir
23 dit cela ?
24 R. Oui. Après le 14 juin, je le voyais très fréquemment lorsqu'il venait à
25 Klecka. J'allais d'ailleurs plus tard; plusieurs fois, je suis allé chez
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1 lui. Une fois, je l'ai vu à Kroimire. Oui, j'ai dit que je le voyais
2 fréquemment.
3 Q. En fait, vous avez dit que vous le voyiez à peu près un jour sur deux à
4 partir du 14 juin.
5 R. Oui, oui. Lorsqu'il était à Klecka, je le voyais. Ensuite, je l'ai vu
6 également à Divjak. Ce que je voulais dire, c'est Klecka, et Divjak aussi.
7 Je le voyais pratiquement tous les jours. Mais il n'habitait pas à Divjak
8 ou Klecka. Il se déplaçait. Mais pendant qu'il était à Klecka, à Divjak,
9 dans sa base, oui, je le voyais régulièrement.
10 Q. Vous avez dit également que vous alliez le voir pour lui poser des
11 questions que vous aviez à lui poser. Je vous cite, c'est-à-dire que vous
12 lui demandiez "d'avoir plus d'information exacte." S'agit-il de votre
13 témoignage, Monsieur Limaj ?
14 R. Oui, cela a eu lieu pour la première fois officiellement lorsque j'ai
15 pu m'adresser directement à l'état-major de l'UCK, à son représentant. Je
16 pensais que, grâce à lui, par son intermédiaire, tout pouvait être résolu,
17 parce qu'après le 29 mai, comme je l'ai dit, les événements ont fait
18 changer la réalité.
19 Q. Vous avez dit, et je cite vos propres termes, qu'il s'agissait de "la
20 personne la plus compétente avec laquelle nous pouvions discuter
21 directement des questions." Il s'agit des termes que vous avez utilisés
22 lors de votre deuxième jour de déposition. Vous opinez du chef.
23 Il définissait les collaborateurs de façon très différente de la vôtre, tel
24 que vous l'avait fait devant cette Chambre. Il définissait les
25 collaborateurs comme des personnes qui pouvaient causer du tort au pays. Il
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1 disait, et je cite : "un collaborateur est une personne qui est
2 préjudiciable à l'UCK, lorsque cette personne donne des informations sur
3 les déplacements de l'UCK au régime de Belgrade."
4 C'est ainsi qu'il définissait les collaborateurs, Monsieur Limaj. C'est ce
5 que vous pensiez, vous aussi, n'est-ce pas ?
6 R. Non. Les faits prouvent que cela n'est pas le cas. Les faits prouvent
7 ce que je disais. Si ce que vous dites est vrai, l'UCK n'aurait jamais eu
8 le soutien d'une telle partie aussi large de la population et elle aurait
9 pu devenir une organisation terroriste.
10 Je pense que ce que j'ai dit devant la Chambre à ce sujet est clair.
11 Q. Est-ce que vous dites qu'il y a une opinion différente de celle de
12 l'UCK et de celle de M. Krasniqi, et que leur façon de voir les choses,
13 l'UCK et M. Krasniqi, concernant les collaborateurs, n'était pas juste ?
14 R. Je vous dis que j'ai vu ce qu'avait fait l'UCK, et c'est ce que j'ai
15 vu. Concernant M. Krasniqi et ce qu'il a pu dire, ses déclarations peuvent
16 être confuses.
17 Q. M. Krasniqi a également dit, à un autre moment au cours de sa
18 déposition, qu'il avait parlé de "collaborateurs de l'ennemi qui étaient
19 nombreux au Kosovo dans les sphères économiques et politiques ainsi que
20 dans les sphères culturelles et dans le domaine de la sécurité." Là encore,
21 c'est une définition beaucoup plus large de ce qu'est un collaborateur que
22 celle que vous avez présentée ici au cours de votre déposition, n'est-ce
23 pas, Monsieur Limaj ?
24 R. Oui, il y a une différence en effet. Mais je crois qu'il faut que les
25 choses soient parfaitement claires. Vous me demandez si la cible de l'UCK,
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1 entre autres, était les collaborateurs, ceux dont j'ai parlé ici, ceux que
2 j'ai décrit comme étant des personnes ayant collaboré avec les Serbes. Mais
3 ceux qui avaient travaillé avec les Serbes, ils étaient autres que les
4 collaborateurs. C'est en tout cas la vision que j'avais.
5 Q. Mais la question que je vous pose, c'est de savoir si l'opinion qui
6 était la vôtre était différente de celle de l'UCK.
7 R. Non. Non, elle n'était pas différente, je vous le certifie. Sur la base
8 des actions concrètes menées par l'UCK, je ne dis pas ici qu'aucune erreur
9 n'a été commise, mais les actions engagées par l'UCK en 1996 et en 1997.
10 Les faits correspondent à ce que j'essaie de raconter ici. Quelques erreurs
11 ont pu être commises, mais l'UCK avait des instructions claires sur les
12 personnes à cibler au travers de ces communiqués. Je pense que nous avons
13 suivi la logique de l'UCK qui correspond tout à fait à la mienne.
14 Q. Cette réponse m'amène à vous poser d'autres questions. D'abord, vous
15 avez dit que l'UCK a suivi cette approche, cette démarche au cours de 1996-
16 1997. Vous n'avez pas parlé de 1998. Quelque chose a changé en 1998 ?
17 R. Non.
18 Q. Les choses étaient les mêmes en 1998, d'après vous ?
19 R. J'ai parlé de 1996, parce que c'est à ce moment-là que je me suis formé
20 cette opinion, cette vision. J'y ai vu des choses qui m'ont permis de
21 former l'opinion que j'ai aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai fait
22 référence à 1996 et en 1997. C'est à ce moment-là que l'UCK a eu affaire à
23 ces individus. Bien sûr, ceci s'est poursuivi en 1998 et en 1999 en ce qui
24 concerne la politique menée par l'UCK. Peut-être que certaines personnes
25 ont commis des erreurs. Mais il est impossible de dire qu'il s'agissait de
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1 la politique de l'UCK. Parfois l'UCK, l'état-major général a commis des
2 erreurs. Evidemment, on ne peut pas le nier, mais là, je parle en termes
3 généraux.
4 Q. Simplement pour que les choses soient tout à fait claires, vous êtes en
5 train de dire que la politique de l'UCK consistait à cibler les
6 collaborateurs qui œuvraient activement au profit de la police serbe ou UDB
7 en 1996, 1997 et 1998. C'est ce que vous avancez.
8 R. J'ai dit que les cibles de l'UCK en 1996, 1997 et 1998, étaient des
9 gens; peut-être pas en 1996 seulement, mais peut-être même encore avant.
10 Des gens qui participaient activement à des violations, des enlèvements,
11 des meurtres et des massacres indirects commis par les Serbes.
12 Q. Vous avez également dit, il y a quelques instants, que l'UCK avait des
13 instructions claires quand aux personnes à cibler par le biais de
14 communiqués. Affirmez-vous que ces instructions claires étaient transmises
15 par le biais des communiqués ou par tout autre moyen ?
16 R. J'ai dit, Madame et Messieurs les Juges, qu'au moyen de ces
17 communiqués, l'UCK avaient présentés d'une manière claire ses objectifs et
18 son approche, ainsi qu'au travers des opérations menées sur le terrain au
19 cours du meurtre de ces inspecteurs. Par conséquent, au travers des
20 communiqués, il était possible de saisir qui étaient les cibles des actions
21 menées par l'UCK.
22 Q. Lorsque vous parlez "d'instructions claires", vous faites seulement
23 référence aux communiqués, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
24 R. Oui. Oui, seulement aux actions concrètes observables sur le terrain.
25 Q. M. Kranisqi qui a témoigné ici et qui l'auteur d'un certain nombre de
Page 6141
1 ces communiqués, a déclaré qu'à aucun moment dans ces communiqués une
2 définition du terme de collaborateur n'a été proposée. C'est vrai, n'est-ce
3 pas, Monsieur Limaj ?
4 R. Monsieur, j'essaie d'expliquer les choses. Si vous me demandez si les
5 communiqués contenaient une explication ou une définition spécifique des
6 personnes à tuer et des personnes à épargner, je vous répondrais que c'est
7 faux. Les communiqués prouvaient qu'un collaborateur ou un inspecteur avait
8 été tué en raison de ses activités. Autre chose, dans la région dans
9 laquelle vivait cet individu, les citoyens le connaissaient bien, savaient
10 particulièrement bien qui il était, car si tel n'avait pas été le cas, la
11 population aurait riposté, aurait protesté contre son assassinat. C'est la
12 raison pour laquelle je vous affirme que les communiqués ne contenaient pas
13 de déclarations écrites à cet effet.
14 Q. En d'autres termes, vous êtes en train de dire que l'UCK comptait sur
15 des personnes, sachant qui les individus dont le nom était mentionné dans
16 les communiqués étaient, et savaient que ces individus travaillaient pour
17 la police ou pour l'UDB, parce que ceci n'était jamais dit explicitement
18 dans les communiqués, qu'ils avaient travaillé pour la police et l'UDB,
19 n'est-ce pas ?
20 R. Vous avez les communiqués sous les yeux. Il est dit que la personne
21 tuée avait été un inspecteur de l'UDB, qui avait pris part à un certain
22 nombre de meurtres, de rafles. Voilà les informations. Je n'ai rien d'autre
23 à vous dire pour vous expliquer qu'Enver Bajgora avait été tué. Un
24 inspecteur de police avait été tué, je ne sais plus où, et il y a d'autres
25 exemples de ce type. Cela, c'est un exemple concret qui montre quelles
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1 étaient les activités de cette personne.
2 Q. Y avait-il eu d'autres exemples à partir des communiqués ?
3 R. Oui. Un autre homme qui, si je ne m'abuse, a été blessé et qui avait
4 manifestement participé à des tentatives d'assassinat de personnalités
5 politiques, à des massacres. L'un de mes collègues au Kosovo, je l'ai
6 entendu ici, Sabri Hamiti a été blessé par cette personne ainsi qu'un
7 autre, Enver Maloku qui a été tué. Lufti Havazi avait préparé Sabri Hamiti,
8 universitaire éminent. Là aussi ce meurtre a été perpétré par lui. Il y a
9 eu des blessures infligées à d'autres personnes dont on parle encore au
10 Kosovo, puis il y a d'autres exemples.
11 Q. Lesquels, par exemple ? Est-ce que les communiqués ont identifiés
12 quelqu'un, un inspecteur de la police de l'UDB qui aurait été tué
13 précisément pour cette raison ?
14 R. J'ai du mal à me souvenir de tout le monde, Monsieur le Président, à
15 part de Lufti Havazi, Zymer Zymeri peut-être aussi, tentative d'assassinat
16 qui a échoué. Lui, a également participé directement à la préparation de ce
17 type d'opération contre ces gens qui restent disparus. Le témoignage donné
18 par l'inspecteur de l'UDB, je l'ai lu ce témoignage, et il montre tout
19 cela. Il y a de nombreux exemples que je ne connais peut-être pas, parce
20 que les activités de l'UDB, comme nous l'avons vu même ici, ces activités
21 restaient confidentielles. Certains savaient ce qui était fait mais
22 d'autres pas. Le bureau du Procureur aurait pu nous apporter les dossiers
23 pertinents afin de voir qui étaient ces gens; ces gens qui ont participé
24 directement à ce type d'opération. Je ne cite, moi, que quelques cas de
25 notoriété publique, des exemples concrets qui montrent quelle était la
Page 6143
1 tendance et quelle était la direction à suivre et la direction qui a été
2 suivie. Je répète, je ne dis pas qu'aucune erreur n'a été commise.
3 Q. Monsieur Limaj, êtes-vous en train de dire que dans un certain nombre
4 de cas des collaborateurs ont été tués parce qu'ils étaient membres de la
5 police mais que ceci était secret ?
6 R. Non, non. La plupart d'entre eux, ceux qui ont été assassinés, avaient
7 mené des actions concrètes. Je parle d'autres gens dont nous ignorons
8 toutes les activités, qui ont participé à un certain nombre d'opérations,
9 mais nous ne pouvons pas connaître toute leur identité comme avec Lufti
10 Havazi. Le public du Kosovo n'a pas eu connaissance de ces activités. C'est
11 la première fois que j'ai entendu parler du meurtre de Lufti Maloku ici. De
12 nombreuses personnes au Kosovo, à ce jour, ignorent qui est responsable de
13 cet assassinat. Je pense que l'UCK savait ce qu'elle faisait dans ces cas
14 concrets puisqu'elle a mené ce type d'opérations ciblant ces individus.
15 Q. Ceci est totalement faux, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ? Parlons de
16 Ramiz Hoxha et Selman Binici. Vous savez qu'ils ont été tués par l'UCK le 2
17 octobre 1998, n'est-ce pas ?
18 R. Oui.
19 Q. Ramiz Hoxha était de Bellanice ?
20 R. Oui.
21 Q. Selman Binici était de Banje, n'est-ce pas ?
22 R. Oui.
23 Q. Le 2 octobre 1998, ces deux villages relevaient de la zone de
24 responsabilité de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?
25 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît, la dernière partie de
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1 la question ?
2 Q. Le 2 octobre 1998, Bellanice et Banje relevaient de la responsabilité
3 de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?
4 R. Monsieur le Président, nous étions en cours de restructuration de la
5 brigade dans différents secteurs. C'était également vrai de la 121e
6 Brigade. Ce secteur, effectivement, a fait partie de la zone d'action et de
7 responsabilité de cette brigade. Comme vous l'avez dit, c'est exact.
8 Q. La réponse est donc oui, n'est-ce pas ?
9 R. Oui, oui, effectivement. Ils devaient effectivement relever de la
10 responsabilité de la 121e.
11 Q. Excusez-moi. Relevait-il de sa responsabilité ou ceci n'était pas
12 encore le cas, n'était-il pas encore le cas ?
13 R. Excusez-moi. Je vais essayer de m'expliquer. Ils relevaient
14 effectivement de la 121e Brigade. Après l'offensive du mois d'août, comme
15 je vous l'ai déjà dit, les soldats, les membres, ou en tout cas, les
16 structures de l'UCK ont été revisitées. Il y avait les unités à Bellanice,
17 Blace. Nous avons dû restructurer ces unités puisque certaines ont dû
18 déposer leurs armes et ont dû se retirer. Nous avons dû restructurer l'UCK
19 dans ces secteurs, dans les secteurs où la police serbe poursuivait ses
20 activités.
21 Q. Je suis désolé. Le 2 octobre 1998, plusieurs mois plus tard, ces
22 villages relevaient de la 121e Brigade. Vous êtes en train d'acquiescer. En
23 réalité, - permettez-moi de vous poser une autre question avant de
24 répondre. En fait, le fils de Ramiz Hoxha, Enver Hoxha était soldat au sein
25 de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?
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1 R. C'est ce sur quoi je souhaitais apporter une clarification. Les unités
2 qui étaient restées, qui étaient déjà là depuis longtemps étaient en cours
3 de reformation, et le secteur auquel vous faites référence demeurait sous
4 le contrôle des Serbes. Il était impossible d'opérer à Blace ou à Bellanice
5 ou ailleurs encore, parce que les forces serbes étaient à Malisheve et à
6 Duhle. Ils se déplaçaient constamment le long de cette ligne. A ce moment-
7 là, c'était un secteur qui n'était pas contrôlé par l'UCK.
8 Q. Il est passé aux mains, ou plutôt ce secteur relevait, n'est-ce pas, de
9 la zone d'intervention de la 121e Brigade ou la zone qui intéressait la 121e
10 Brigade, n'est-ce pas ? Bien. Ramiz Hoxha et Selman Binici n'oeuvraient pas
11 pour la police serbe ou pour l'UDB, n'est-ce pas ?
12 R. Monsieur le Président, je peux parler de Selman Binici. C'est un ami à
13 moi. Nous nous connaissions depuis l'école, nous sommes de la même
14 génération. J'avais de bons contacts avec lui. Je les ai maintenus même
15 après l'école. Il m'a aidé à plusieurs reprises financièrement entre
16 autres. Nous n'étions pas seulement amis d'école, mais je me rendais dans
17 sa famille pour lui rendre visite et l'inverse était également vrai. Je
18 n'ai jamais entendu dire que Binici était collaborateur pour les Serbes.
19 Même lorsqu'il a été tué, je n'ai pas entendu dire qu'il avait été
20 collaborateur. Quant à
21 M. Hoxha, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vous ai
22 déjà dit que j'ai grandi à Bellanice. En d'autres termes, j'y avais de la
23 famille, et je connaissais la plupart des gens de ce village. Ramiz, je le
24 connaissais parce qu'il était un neveu dans ce village. Non, non, non, il
25 n'a jamais été membre de la police.
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1 Q. Avant son exécution le 2 octobre, il faisait partie de neuf hommes qui
2 représentaient son village dans le cadre de négociations de paix avec les
3 autorités serbes après l'offensive serbe, n'est-ce pas ?
4 R. Je n'en sais rien. Peut-être qu'ils étaient neuf, douze, treize, peut-
5 être que Ramiz faisait partie de ce groupe. J'ai entendu parler de cela en
6 tout cas, oui.
7 Q. Le 2 octobre, ils ont été enlevés alors qu'ils étaient dans le village.
8 Ils ont été emmenés sur une route puis exécutés. Vous acquiescez, n'est-ce
9 pas ? Bien. Ramiz Hoxha a été coupé sur la partie droite de son visage, et
10 on lui a tiré dans la poitrine. Selman Binici a vu son crâne brisé, n'est-
11 ce pas ?
12 R. Ce n'est pas exact. J'ai vu deux des corps. Monsieur le Président, ce
13 n'est pas exact. La raison pour laquelle j'ai vu ces corps, ces cadavres,
14 c'est parce que je me trouvais là aussi au bord de la route, là ou se
15 trouvaient ces cadavres. Ce n'est pas exact de dire qu'ils étaient dans
16 l'état que vous dites. J'ai juste vu qu'on leur avait tiré dessus avec une
17 arme à feu.
18 Q. C'est tout. C'est tout ce que vous nous dites, qu'on leur a tiré dessus
19 avec une arme à feu ?
20 R. Ce que j'ai dit, c'est que je n'ai rien vu d'autre mis à part le fait
21 qu'ils avaient été exécutés. Je n'ai pas vérifié et examiné leurs cadavres.
22 Dans la position où ils se trouvaient, ils n'avaient rien d'autre sur eux
23 que des traces de balles. Je n'ai rien vu d'autre. Je n'ai rien vu de ce
24 que dit M. le Procureur. Je ne sais pas ce qu'ont révélé les examens
25 ultérieurs. Peut-être que je me trompe, mais ce que j'ai vu, c'est ce que
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1 je viens de dire et rien de plus.
2 Q. Avez-vous examiné de près ces cadavres, Monsieur Limaj ?
3 R. Pour vous dire la vérité, Monsieur le Procureur, la situation était
4 très tendue et nous étions tous en état de choc, et dans un tel état on
5 peut oublier certaines choses. Je pense qu'un parent proche de Ramiz a
6 retourné son cadavre, si je ne m'abuse, c'est ce qu'elle a fait.
7 J'aimerais, une nouvelle fois, dire que je n'ai pas observé ce dont vous
8 avez parlé. Je ne les ai pas vus.
9 Q. Il y a une note concernant ces cadavres dans la pièce P184. La note --
10 il y avait une note, pardon, qui a été laissée près des cadavres. Cette
11 note a été versée au dossier. Il s'agit de la pièce P184. Sur cette note il
12 était dit : "Que ceci avait été -- cette note provenait de l'armée de
13 Libération du Kosovo, du centre de la police secrète, et que c'était un
14 ordre d'exécution pour la collaboration avec les envahisseurs, pour la
15 propagande anti-albanaise et pour la propagation du sentiment de peur, de
16 panique et de haine au nom du peuple albanais et au nom de notre garde de
17 libération. Nous condamnons Ramiz Hoxha à la mort car c'est un traître pour
18 notre nation. Le même sort sera réservé à tous les autres traîtres.
19 Monsieur Limaj, n'est-il pas vrai que l'on considérait comme collaborateur
20 ceux qui oeuvraient pour la police serbe ?
21 R. Vous ne pouvez pas donner de réponses, Monsieur le Procureur, sans
22 entendre tout ce qui est dit sur ces deux individus et sans entendre ce que
23 j'ai à en dire. La lettre dont vous venez de donner lecture, je l'ai vue,
24 je l'ai vue près des cadavres de ces deux personnes. C'était un document
25 rédigé de manière très peu ordinaire, sans doute par quelqu'un peu
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1 instruit. Ecoutez ma réponse, écoutez ma réponse jusqu'au bout. Ecoutez ce
2 que j'ai entendu dire sur cet incident. Parce que c'est aussi dans mon
3 intérêt d'éclaircir un certain nombre de choses dans cette affaire, parce
4 qu'il existe de nombreuses spéculations -- éléments spéculatifs.
5 Q. Toute votre réponse m'intéresse, Monsieur Limaj, mais ceci, n'est-ce
6 pas, a été signé par l'UCK ?
7 R. Oui, oui.
8 Q. Vous nous avez également dit qu'aucun de ces hommes ne travaillait pour
9 la police ?
10 R. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais entendu dire que ces deux personnes
11 étaient pour la vérité. Jusqu'à ce jour-là, je n'avais jamais entendu dire
12 que ces deux hommes étaient des collaborateurs ou des membres de toute
13 unité de police serbe quelle qu'elle soit. Je ne sais pas ce qu'il en est
14 des autres, mais pour Ramiz, parce qu'il avait travaillé en Slovénie
15 pendant un certain temps. Pour M. Binici, je le connaissais. Il était là, à
16 l'endroit où j'ai passé la nuit lorsque j'ai fui les forces serbes. Si vous
17 vous en souvenez bien, j'ai dit que j'avais passé la nuit dans une famille
18 --
19 Q. Vous êtes en train de passer à autre chose. Je vous demanderais de bien
20 vouloir rester concentré sur le sujet qui nous intéresse. Ce que vous avez
21 dit plus tôt, n'est-ce pas, c'est qu'il n'était pas exact de dire que les
22 collaborateurs étaient seulement les gens qui travaillaient pour le compte
23 de la police; c'est cela ?
24 R. Vous ne comprendrez pas ma réponse à cette question sans l'écouter
25 jusqu'au bout. J'aimerais vous donner des détails.
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1 Q. Pourquoi ne pas répondre, puis nous donner une explication ?
2 R. Parce que les choses que j'ai entendues dire un peu plus tard ont
3 montré que ces deux individus étaient impliqués dans une affaire en
4 particulier, en tout cas, ce sont les informations que j'ai obtenues, parce
5 que cette affaire m'intéressait tout particulièrement. Je pense qu'il est
6 important que les Juges sachent que je cherchais à savoir ce qui s'était
7 passé, en tout cas, pour M. Binici. Je voulais savoir ce qui lui était
8 arrivé et par intérêt personnel, j'ai cherché à obtenir des informations
9 complètes que je juge importantes et que je pense devoir partager avec
10 vous.
11 Q. Je vous donnerai l'occasion de le faire en temps opportun, mais vous
12 n'avez pas appris par la suite qu'ils avaient travaillé pour le compte de
13 la police serbe, n'est-ce pas ?
14 R. Par la suite, j'ai entendu parler d'une affaire très grave qui a un
15 lien direct avec la police serbe. Je tiens à souligner ici que j'ai entendu
16 parler de cela, et il est important que j'en parle ici.
17 Q. Avant de nous fournir cette explication, voyons comment l'UCK a décrit
18 la manière dont ces individus ont été tués.
19 M. WHITING : [interprétation] Là encore, il s'agit d'éléments qui se
20 trouvent dans deux pièces distinctes, la première est la pièce P184, car il
21 y a eu des communiqués de presse, un article, plusieurs même, dont
22 notamment la date du 5 novembre 1998. Je vais citer Koha Ditore et
23 l'article qui a été publié. C'est maintenant sur l'écran. Dans la
24 traduction, la date est fausse. Il ne s'agit pas du 5 septembre comme il
25 est dit ici, mais du 5 novembre comme on le voit dans l'original.
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1 Il est dit, je lis ce communiqué : "D'après les services d'information de
2 l'UCK et son directoire, dans le cadre de leurs activités contre la guerre
3 de libération menée par l'UCK, les personnes susmentionnées ont mené des
4 actions de propagande afin que les armes soient déposées en coopération
5 avec les collaborateurs, Selman Binici du village de Banje, et Ramiz Hoxha
6 de Bellanice. Exécutés plus tôt par l'UCK. Ainsi qu'accusés d'avoir agi en
7 coordination, et ce depuis longtemps, avec Agim Krasniqi, membre de la
8 présidence la LDK, également connu par les services d'information de l'UCK
9 en tant qu'instigateur d'actes de guerre contre l'UCK, et fondateur de la
10 police du Kosovo en faveur de l'autonomie."
11 Il n'y a rien qui parle ici de Selman Binici comme ayant été membre de la
12 police serbe, n'est-ce pas ? Vous secouez la tête.
13 R. C'est exact.
14 Q. Ils n'ont pas été exécutés parce qu'ils oeuvraient pour le compte de la
15 police serbe, n'est-ce pas ?
16 R. Excusez-moi, mais c'est important. Ceci a trait avec d'autres éléments.
17 C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est important que vous
18 m'écoutiez jusqu'au bout. C'est ce que j'ai essayé de vous dire et c'est la
19 raison pour laquelle ils ne disent pas concrètement ce qui a mené à ce qui
20 s'est passé.
21 A l'époque, j'exerçais une pression constante sur l'état-major
22 général afin d'obtenir des informations expliquant l'assassinat de ces
23 individus, parce que c'étaient des gens que je connaissais bien. Ils se
24 trouvaient sur le terrain. Le meurtre a été connu sur le terrain relevant
25 de la responsabilité de ma brigade. Nous voulions savoir ce qui se passait.
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1 Nous avions établi une ligne que nous souhaitions voir couverte par la
2 brigade et il était de notre intérêt de savoir ce qui se passait.
3 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi. On lui a promis la possibilité
4 de donner son explication.
5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout à fait, Maître Mansfield. J'en
6 suis parfaitement conscient et j'attends. Je pense qu'on ne peut pas dire,
7 à ce stade, que cette possibilité lui soit refusée.
8 M. WHITING : [interprétation]
9 Q. Monsieur Limaj, pourquoi ne pas nous expliquer ce que vous avez appris.
10 R. Oui, bien sûr. Madame, Messieurs les Juges, peut-être serait-il bon,
11 pour la protection de leurs familles, que nous passions en audience à huis
12 clos partiel. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas de prendre la
13 parole en audience publique, mais certains noms vont être mentionnés. Or,
14 ceci est très important parce que ceci porte sur une question de viol et
15 peut-être donc qu'il serait bon de passer en audience à huis clos partiel.
16 Si vous ne le jugez pas nécessaire, je peux, bien sûr, en parler en
17 audience publique.
18 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas ce qui nous attend. Je pense
19 qu'il serait prudent que nous passions effectivement en audience à huis
20 clos partiel.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.
22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.
23 [Audience à huis clos partiel]
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18 [Audience publique]
19 M. WHITING : [interprétation]
20 Q. Monsieur Limaj, vous dites dans votre déposition que lorsque vous avez
21 discuté avec Sokol Bashota, Rexhep Selimi, Kadri Veseli et tous les autres
22 membres du Grand quartier général, ce ne sont pas ces hommes qui vous ont
23 expliqué les raisons de l'assassinat. Mais vous dites que vous avez appris
24 les motifs de l'assassinat de la bouche de quelqu'un d'autre, à savoir de
25 ce Mensur Zyberi, originaire de Rahovec. Est-ce que c'est bien ce que vous
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1 dites dans votre déposition ?
2 R. Non. J'ai dit que lorsque je suis allé voir les membres du Grand
3 quartier général, je leur ai demandé de m'expliquer si ces hommes avaient
4 été tués par l'UCK. L'UCK devrait, dans ce cas, assumer ses
5 responsabilités, autrement nous nous trouverions face à des problèmes de
6 principe.
7 Q. Elle a assumé la responsabilité de cela, n'est-ce pas ? Ce n'est pas
8 exact ? Est-ce qu'elle a assumé cette responsabilité dans son communiqué ?
9 R. A ce moment-là, Sokol et Kadri m'ont dit que nous allions enquêter, que
10 nous allions voir ce qui s'était passé. Ensuite, il y a eu la parution de
11 ce communiqué du Grand quartier général, une fois que les renseignements
12 ont été obtenus.
13 Q. Dans votre déposition, vous dites que ce communiqué a été publié pour
14 couvrir les véritables raisons du meurtre. C'est bien ce que vous dites
15 dans votre déposition ?
16 R. Oui. Comme je l'ai déjà dit, c'était un problème très sensible. Nous ne
17 souhaitions pas que les Albanais soient taxés de personnes capables de
18 faire des choses pareilles face aux forces serbes. C'était humiliant pour
19 l'UCK d'être présentée comme cela dans le communiqué, et ils ont pensé que
20 c'était ce qu'il y avait de mieux à faire.
21 Q. La note qui a été laissée à côté du cadavre, elle ne faisait pas partie
22 de cette opération de couverture ? Parce qu'elle a été laissée sur place au
23 moment de l'assassinat.
24 R. Oui. J'ai vu la situation de mes yeux. C'est vrai.
25 Q. Comme vous le dites, cela s'est passé au sein de votre brigade. Est-ce
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1 que vous avez fait quelque chose, en dehors de parler aux membres du Grand
2 quartier général ? Est-ce que vous avez entrepris quelque chose pour
3 enquêter ?
4 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, après avoir reçu les
5 renseignements que j'ai reçus et dès lors que le Grand quartier général a
6 assumé la responsabilité de tout cela, j'ai considéré que l'affaire était
7 close parce que je ne pouvais rien faire de plus. Ce n'était pas ma
8 responsabilité. Je savais que cet acte n'avait pas été commis par mes
9 hommes donc il n'y avait rien que je puisse faire et j'ai considéré que
10 l'affaire était close.
11 Q. Mais c'était un acte commis par des soldats de l'UCK qui étaient dans
12 votre zone, n'est-ce pas ?
13 R. Cela n'a pas été commis dans ma zone de responsabilité. Ce que je
14 dirais, c'est que les gens ont été enlevés sur mon territoire, mais emmenés
15 sur un autre territoire.
16 Q. Oui, je vois, parce qu'ils ont été enlevés sur votre territoire et
17 assassinés ailleurs, vous estimiez que vous n'aviez pas besoin d'enquêter.
18 C'est bien cela ? Vous n'aviez plus de problèmes, aucun souci ?
19 R. Non, non, non, bien au contraire. Je pense vous avoir dit que j'ai
20 toujours fait mon travail. J'ai posé des questions parce que ces personnes
21 venaient de mon territoire. Si je n'avais pas fait ce que j'ai fait, peut-
22 être que ce qui s'est passé ne se serait pas passé. Le Grand quartier
23 général a accepté d'assumer la responsabilité de cet acte, et j'ai estimé
24 que je n'avais plus rien à faire.
25 Q. Mais vous avez dit --
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1 R. C'est simplement parce que ces personnes venaient de mon
2 territoire que je me suis enquis de la situation.
3 Q. Vous avez dit --
4 R. Je ne pouvais rien faire de plus à ce moment-là, Monsieur le Président,
5 Madame, Monsieur les Juges.
6 Q. Est-ce que vous êtes allé parler aux familles ?
7 R. Oui.
8 Q. Vous y êtes allé ?
9 R. Oui, oui, j'y suis allé.
10 Q. A qui avez-vous parlé dans ces familles?
11 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, si je ne me trompe
12 pas, c'était le lendemain. Oui, oui, je pense effectivement que c'était le
13 lendemain. Je suis allé voir la famille de Binici. J'ai rencontré ses
14 frères et ses parents. Nous avons discuté. Ils m'ont demandé ce qui s'était
15 passé, mais personne ne savait rien. Je leur ai dit ce qui est, c'est-à-
16 dire que je ne savais absolument rien. Son père m'a demandé si je savais si
17 son fils avait fait quelque chose de mal. J'ai répondu que non, pour autant
18 que je sache. Vous savez, j'étais son ami, donc j'ai formulé mes
19 condoléances parce que la famille était voisine de la maison de Selman.
20 C'étaient deux maisons mitoyennes.
21 Q. Monsieur Limaj, une fois que vous avez découvert les renseignements que
22 vous a fournis Mensur Zyberi de Rahovec, est-ce que vous êtes retourné voir
23 les familles de Ramiz Hoxha ou de Selman Binici pour voir si ce que vous
24 aviez appris était éventuellement vrai ?
25 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, une fois que le
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1 Grand quartier général a assumé ses responsabilités quant à cet événement,
2 je ne suis plus retourné voir les familles.
3 Q. Personne n'est retourné voir les familles ?
4 R. Non, non, pas autant que je sache.
5 Q. Personne n'a donc enquêté au sujet de ces présomptions ?
6 R. J'ai fait ma partie du travail, comme je vous l'ai dit, et je ne
7 pouvais rien faire de plus.
8 Q. Vous ne pouviez pas faire plus que cela ou vous avez choisi de ne pas
9 faire plus que cela ?
10 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous ne savez pas
11 quelle était la situation en septembre 1998 au Kosovo, dans ce secteur en
12 particulier. La confusion la plus extrême régnait suite à l'offensive de
13 septembre. Il était impossible de se déplacer. Je pense que c'est seulement
14 à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre que pour la
15 première fois j'ai pu aller en visite dans ma famille, après tous les
16 événements du mois d'août. C'était, comme je l'ai dit, la confusion la plus
17 extrême.
18 Q. Je vous interromps parce que vous parlez de vous encore une fois et je
19 souhaite que vous parliez de ces familles. Personne n'est donc allé voir
20 ces familles pour parler avec elles. Un an plus tard, le fils de Ramiz,
21 Fadil Hoxha a publié un article dans un journal en disant qu'il n'y avait
22 jamais eu de procès, qu'il n'y avait jamais eu d'audience ou la moindre
23 procédure de quelque nature que ce soit. Ceci figure également au dossier
24 de la présente affaire. Il s'agit de la pièce à conviction P184. Elle est
25 annexée à la déclaration préalable d'Enver Hoxha. C'est vrai, il n'y a
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1 jamais eu d'enquête, n'est-ce pas, ni au moment des faits, ni un an plus
2 tard, jamais ?
3 R. Non, jamais, en tout cas pas que je sache. Ce que je sais, c'est ce que
4 je vous ai dit.
5 Q. La vérité, Monsieur Limaj, c'est que ces hommes ont été tués pas pour
6 les raisons que vous avez indiquées aux Juges de la Chambre, mais parce que
7 pour une raison ou pour une autre, ils étaient considérés comme manquant de
8 loyauté à l'UCK, n'est-ce pas cela qui est la vérité ? C'est bien cela qui
9 était écrit sur la note laissée à côté des cadavres et dans l'article de
10 presse. C'est la raison pour laquelle ils ont été tués, Monsieur Limaj,
11 n'est-ce pas ?
12 R. Non. Je n'admets pas cela, car les raisons qui me poussent à faire
13 confiance à ce qu'on m'a dit au moment des faits sont beaucoup plus
14 nombreuses pour moi. Donc, je ne peux pas admettre ce que vous venez de
15 dire. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'enquêtes, et je vous ai dit tout ce
16 que j'ai appris à l'époque. Ces personnes étaient originaires d'une autre
17 région, et je n'avais pas la moindre raison de soupçonner que quelqu'un
18 leur voulait du mal. C'est pour cela que j'ai cru ce qu'on m'avait dit.
19 Parce que c'étaient des gens qui venaient d'une autre région. Si ces
20 personnes avaient été de notre région, j'aurais pu envisager d'autres
21 motifs sous-jacents, mais là, il s'agissait de gens qui étaient d'ailleurs.
22 La personne qui m'a dit cela, m'a dit ne pas les connaître, et m'a dit ce
23 qu'elle avait vu de ses yeux. En tout cas, c'est ce que cet homme m'a dit.
24 C'est la raison pour laquelle je l'ai cru.
25 Q. Jetons un coup d'œil aux communiqués puisqu'ils ont été mentionnés à
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1 plusieurs reprises.
2 M. WHITING : [interprétation] Je demande que l'on fournisse au témoin la
3 pièce P48 et P49, et que la P48 lui soit remise en grand format.
4 Ceci, c'est la pièce P48. J'aimerais qu'on remette au témoin la pièce
5 P49 également, parce que je crois que dans la pièce P49 il y a une
6 traduction.
7 Je vais vous remettre la première page.
8 Je vous demanderais de consacrer votre attention d'abord à la
9 première page de la pièce P49. C'est un communiqué qui est en anglais et
10 qui date du 20 mai 1997. Il s'agit du numéro ERN 003855 [comme interprété].
11 J'ai la traduction albanaise sous les yeux. Elle ne figure pas à la pièce
12 P48, donc j'aimerais qu'on la remette au témoin.
13 Q. Monsieur Limaj, ce communiqué qui est le communiqué
14 numéro 33 date du 20 mai 1997. C'est bien le communiqué publié au moment où
15 vous étiez en Suisse, n'est-ce pas ?
16 R. J'ai besoin de quelques instants pour le lire.
17 Q. Je vais me concentrer sur la deuxième phrase qui se lit comme suit :
18 "Dans un communiqué destiné à la presse, le communiqué numéro 33, faxé aux
19 médias, l'UCK a déclaré avoir tué Hetem Dobruna du village de Llozice à
20 Klina un peu plus tôt ce mois-ci, parce que -- en raison de sa
21 collaboration notoire et ouverte avec les autorités d'occupation serbe."
22 Alors, il n'est rien dit dans ce communiqué au sujet du fait que cet homme
23 travaillait pour la police service ou de l'UDB, n'est-ce pas ?
24 R. Cela ne signifie pas qu'il ne travaillait pas pour eux. A mon avis,
25 cela ne prouve rien. Je pense que vous avez les moyens de prouver qui est
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1 cet homme et de savoir si cela est vrai ou pas.
2 Q. Monsieur Limaj, vous avez témoigné un peu plus tôt en disant qu'il y
3 avait dans les communiqués des instructions claires de l'UCK.
4 R. Oui.
5 Q. Or, dans ce communiqué nous ne trouvons aucune instruction claire.
6 R. Il n'y en a peut-être pas dans celui-ci, mais vous avez les autres
7 communiqués qui contiennent de telles instructions. Vous les avez au nombre
8 des éléments de preuve. Il y en a des communiqués nombreux de cette nature.
9 Q. Regardons d'autres communiqués.
10 M. WHITING : [interprétation] Je vais regarder le numéro 35. En anglais, le
11 numéro ERN est 0038554. Il s'agit d'un communiqué qu'on trouve dans la
12 pièce P49, et en version albanaise, c'est en haut de la page 607 [comme
13 interprété].
14 Q. Vous voyez les numéros en haut des pages, Monsieur Limaj ? L'Huissier
15 pourrait peut-être vous apporter son aide. U0081607. On lit : Koha Ditore,
16 8 août 1997.
17 R. Qu'est-ce que vous avez dit, 607 ?
18 Q. Oui, le numéro ERN se termine par 607 en version albanaise, en haut à
19 gauche. Le communiqué se lit comme suit, je cite : "Sur décision du comité
20 central de l'UCK réuni les 3 et 4 août, nos unités de guérilla ont mené à
21 bien trois opérations armées contre les occupants et leurs collaborateurs."
22 Là encore, rien n'est dit au sujet du fait que les hommes pris pour
23 cibles travaillaient pour la police ou pour l'UDB, n'est-ce pas ?
24 R. C'est vrai. Rien n'est dit au sujet de ces deux personnes. Cela n'est
25 pas dit explicitement. Il n'est pas dit explicitement qu'ils travaillaient
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1 pour la police. Dans les autres communiqués, je pense qu'on trouve une
2 mention de ce fait. Pour Ramiz Leku, j'en ai entendu parler. J'ai entendu
3 dire que cette personne a participé très fréquemment à des opérations
4 d'assassinats, de destructions d'habitations, et cetera. Quant à Qullapeku,
5 je n'ai rien entendu à son sujet. Pour Ramiz Leku, c'est un fait bien connu
6 dans tout Drenica. Son activité était notoire.
7 Pourquoi est-ce que les communiqués n'en disent pas un mot, tout
8 dépend de l'auteur du communiqué.
9 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les
10 Juges, beaucoup dépend de l'auteur du communiqué, de la personne qui le
11 rédige, et de la façon dont cette personne structure sa pensée. Mais pour
12 Ramiz Leku, nous savons tous qui il était.
13 Q. Est-ce qu'il travaillait pour la police serbe ou pour l'UDB ?
14 R. Ramiz Leku a toujours travaillé pour la police serbe. Il était payé par
15 elle.
16 Q. Et --
17 R. Je répète que c'est ce que ses co-citoyens, les habitants de son
18 village, les gens qui le connaissaient bien, ont dit dans le secteur où il
19 opérait.
20 Q. Comment savez-vous cela ?
21 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, à partir du mois de
22 mars les gens ont commencé à parler. Il y a -- j'ai des dizaines et des
23 dizaines d'amis à Drenica. Nous sommes allés au village, et nous nous
24 sommes tous retrouvés. J'ai vu Ramiz qui est un martyr aujourd'hui, Ramiz
25 Leku l'a frappé ainsi que les membres de sa famille. Il a frappé bien
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1 d'autres familles également. Un de ses membres est resté paralysé. Je me
2 souviens très bien de lui.
3 Q. Le communiqué de 1997, est-ce que vous l'avez eu sous les yeux au
4 moment des faits ? Vous ne l'avez pas vu, n'est-ce pas ? Je vous vois
5 hocher du chef.
6 R. L'UCK avait vu le jour en tant que force de libération. Elle était au
7 service de la population; elle n'était pas là pour tuer des Albanais. Il
8 était normal que nous ayons foi dans l'UCK. Ces opérations ont été évoquées
9 en public, parce que chaque fois si des innocents étaient tués ou avaient
10 été tuées, l'UCK n'aurait pu jamais joui du moindre soutien parmi la
11 population.
12 Q. Monsieur Limaj, cela ne dépend pas de qui est l'auteur du communiqué;
13 cela dépend de l'identité de la personne qui va se faire assassiner.
14 Certaines personnes ont été tuées parce qu'elles faisaient partie de la
15 police, d'autres ont été assassinées simplement parce qu'elles parlaient à
16 un représentant de la police ou parce qu'elles avaient été accusées de
17 transmettre des preuves et qu'elles étaient suspectes, n'est-ce pas,
18 Monsieur Limaj ?
19 R. Comme je l'ai déjà dit, je n'exclus la possibilité que des choses de ce
20 genre se soient produites. Dans la majorité des cas - je parle de la
21 période où nous recevions des communiqués - dans ces communiquées, il était
22 écrit que des gens avaient été tués. Je n'exclus pas la possibilité qu'une
23 personne soupçonnée de travailler pour la police ou d'être bien avec la
24 police se soit fait tuer. A cette époque-là, les instructions au sujet de
25 ces personnes étaient très claires.
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1 Q. Tout correspond à ce que M. Krasniqi a dit dans sa déposition, à savoir
2 que toute personne soupçonnée de nuire au pays était considérée comme
3 collaborateur, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
4 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, comme je l'ai dit
5 hier ou plutôt avant-hier, Malisheve englobe 53 villages. Alors, pourquoi
6 est-ce que cela aurait dû se passer précisément à Malisheve ? Comme je l'ai
7 déjà dit, il y a des gens qui passaient leur temps aux terrasses de cafés
8 en compagnie de policiers serbes, et rien ne leur ait jamais arrivé. Je
9 n'ai pas vu la moindre personne se faire tuer dans mon village pour avoir
10 passer du temps avec un policier serbe à la terrasse d'un café. Rendez-vous
11 compte, la municipalité de Malisheve englobe 53 villages. Rien ne s'est
12 passé, rien de ce genre, en tout cas, dans ces villages. C'est sur cette
13 réalité que je fonde ma déclaration. Si à l'époque, en 1997, 1998, un
14 innocent s'était fait tuer, au moins dans le secteur où la chose s'était
15 produite, il y aurait eu des réactions de la part de la population. Or, les
16 réactions de la population démontre que les choses ne sont pas telles que
17 vous les dites, Monsieur le Procureur.
18 Q. Monsieur Limaj, je pense que cette réaction est à l'origine de votre
19 présence ici aujourd'hui. Ce communiqué, je vous demanderais de l'ouvrir à
20 nouveau. Il y est également écrit - veuillez le relire, s'il vous plaît. Il
21 y est écrit que l'UCK déclare ce qui suit, je cite : "Parce que nous
22 traitons avec un ennemi qui ne comprend que le langage de la force, nous
23 sommes contraints de faire parler la poudre non en tant que terroristes
24 mais en tant qu'organisation de libération." C'est bien cela, n'est-ce pas
25 ?
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1 R. Oui.
2 Q. On lit également à la fin du communiqué, je cite : "L'UCK appelle
3 l'attention de la communauté internationale sur le fait qu'elle n'a pas
4 tenu un engagement réel en vue de résoudre les problèmes -- en vue de
5 résoudre la question des territoires albanais dans l'ex-Yougoslavie."
6 Dès le mois d'août 1997, l'UCK cherche à obtenir l'appui de la communauté
7 internationale, n'est-ce pas ?
8 R. Bien sûr. Le risque nous courrions en raison des actions qui étaient
9 les nôtres, étaient de nous voir qualifier d'organisations terroristes. Les
10 choses étaient en bonne voie à cet égard.
11 Q. Examinons maintenant le communiqué numéro 40.
12 M. WHITING : [interprétation] Numéro ERN U0038557 pour l'anglais, et le
13 numéro se termine par 1608 pour la version albanaise.
14 Q. Vous connaissez ce communiqué, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?
15 R. J'ai lu les communiqués, et j'ai suivi tous les communiqués qui ont été
16 publiés pendant cette période. Je ne sais pas à quoi il est fait référence
17 ici, parce que la seule manière de communiquer avec le public était les
18 communiqués. Nous les lisions d'ailleurs, ces communiqués, lors de
19 rassemblements publics, de façon à ce que la population sache que ces
20 communiqués existaient.
21 Q. D'ailleurs, une copie de ce communiqué a été trouvée lorsque votre
22 maison a été fouillée au moment de votre arrestation. Il s'agit de la pièce
23 de l'Accusation P26.
24 R. C'est possible. Cela vient de l'information publique.
25 Q. Dans ce communiqué, on voit -- il est dit : Que le soir du
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1 11 novembre -- que le soir du 26 novembre, un collaborateur, une des
2 personnes les plus -- à qui Milosevic faisait le plus confiance, a été tué
3 dans le village de Petrastica près de Stimlje." Est-ce que vous le voyez ?
4 R. Oui, oui.
5 Q. Cela ne dit rien concernant M. Dugolli comme faisant partie de la
6 police ou de l'UDB, n'est-ce pas ?
7 R. Bien sûr, il n'est pas dit qu'il s'agissait d'un policier ou d'un
8 membre de l'UDB, mais cela n'exclut pas la possibilité qu'il ait collaboré
9 avec la police serbe. Après tout, Dragan Jasovic l'a prouvé. Cela est en
10 rapport direct avec cette personne dont nous parlons ici. Je n'ai jamais vu
11 ou entendu cette personne -- entendu parler de cette personne, parce qu'à
12 l'époque j'étais en Suisse. Cela n'exclut la possibilité pour autant qu'il
13 ait participé directement à des opérations lancées par la police serbe.
14 Q. Vous n'aviez pas d'information selon laquelle il était membre de la
15 police ou de l'UDB ?
16 R. J'étais en Suisse à ce moment-là, Monsieur le Procureur.
17 Q. La réponse est non, vous n'aviez aucun renseignement allant dans ce
18 sens ?
19 R. Non. Je ne le connaissais pas. Je ne savais rien à ce sujet, mais j'en
20 ai entendu parler pour la première fois par Jasovic.
21 Q. Vous avez entendu dire qu'il avait servi dans la police, n'est-ce pas ?
22 R. J'ai entendu dire que le policier Jasovic dont la réputation était
23 mauvaise, a continué à avoir des rapports avec Dalip, et avec le garde
24 forestier. Pour cette raison, il est possible que cette personne ait
25 travaillé pour la police. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela est
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1 possible. Il s'agit d'une spéculation de ma part parce que je n'ai aucun
2 renseignement allant dans ce sens.
3 Q. Aujourd'hui encore, il s'agit d'une spéculation de votre part dans la
4 mesure où vous n'avez aucun renseignement allant dans ce sens ?
5 R. Non, il ne s'agissait pas de spéculation de ma part. Je dis simplement
6 que je ne sais pas. Vous êtes d'ailleurs en accord avec moi, parce que vous
7 ne pouvez pas savoir, non plus, parce que seuls ceux qui ont commis ce
8 crime peuvent le savoir. Personnellement, je ne le sais pas, et je ne peux
9 pas répondre à la place de chaque membre de l'UCK, dire ce qu'ils ont fait.
10 Q. Il n'y avait pas d'instructions claires provenant de l'UCK alors ?
11 R. Pour moi, elles étaient très claires, ces instructions. Cela a été
12 abordé des milliers de fois. J'y ai participé toute une année entière à des
13 rassemblements d'information qui étaient publics. Ces déclarations étaient
14 lues. Nous en discutions avec les habitants, nous parlions de comment la
15 guerre allait évoluer, et tout cela était très clair. Peut-être que tout le
16 monde n'était pas au courant et ce n'était pas clair pour tout le monde,
17 mais vous saviez, aussi bien que moi, que ces personnes faisaient partie de
18 l'armée active et avaient un uniforme.
19 Q. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, Monsieur Limaj, mais je pensais
20 qu'au début de l'audience de cet après-midi, vous aviez, dans votre
21 témoignage, dit que le seul moyen d'information concernant les
22 collaborateurs était par l'intermédiaire des communiqués. Est-ce que vous
23 nous dites à présent que cela était communiqué d'une autre manière, par
24 l'intermédiaire de rassemblements publics ?
25 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai dit la chose
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1 suivante : lorsque nous discutions pendant les rassemblements concernant la
2 collecte d'argent, bien sûr, nous discutions de l'importance de la guerre,
3 des objectifs, comment les choses allaient évoluer, et qu'il s'agissait
4 d'une guerre juste, qu'il ne s'agissait pas d'une guerre terroriste, que
5 nos objectifs étaient clairs, que la guerre était indispensable, et qu'il
6 s'agissait de la seule solution qui était à la disposition de l'UCK pour
7 combattre les forces de police serbe et ceux qui étaient directement
8 impliqués dans les crimes commis par les forces serbes. Il s'agissait des
9 sujets dont nous discutions avec les citoyens parce que nous avions besoin
10 de collecter des fonds.
11 Q. Mais, Monsieur Limaj, vous n'avez pas reçu des instructions, des
12 instructions claires concernant les collaborateurs et qui était un
13 collaborateur lors de ces rassemblements, lors de ces collectes de fonds,
14 n'est-ce pas ? Ce n'est pas ce que vous êtes en train de nous dire dans
15 votre témoignage ?
16 R. Madame, Monsieur les Juges, je pense que j'ai déjà donné ma réponse à
17 cette question. A ce moment-là, nous étions en Suisse et d'après les
18 réactions, les réactions des citoyens, on voyait ce qui se passait. Lorsque
19 nous sommes rentrés au Kosovo, la nature de notre activité future était
20 claire. Je pense que j'ai répondu à votre question déjà deux ou trois fois.
21 Q. Je vous prie de bien vouloir m'excuser si je ne suis pas d'accord avec
22 vous, mais je vais continuer.
23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting, il s'agit peut-être
24 d'un moment opportun.
25 M. WHITING : [interprétation] Je n'ai qu'une phrase sur laquelle je
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1 souhaiterais attirer l'attention du témoin dans le communiqué, et ensuite
2 nous pourrons peut-être faire la pause.
3 Q. Dans ce même communiqué, on dit : "Répéter aux centres internationaux
4 que nous sommes intéressés par cet aspect de notre lutte et qu'il s'agit
5 d'une lutte pour la libération. C'est l'occupant qui mène une guerre de
6 terrorisme, une guerre terroriste."
7 C'est ce que vous et l'UCK pensiez à l'époque, n'est-ce pas ?
8 R. Je pense qu'il est exact de dire qu'à travers ce communiqué, l'UCK
9 voulait montrer quelles étaient ses activités et qu'il ne s'agissait pas
10 d'une organisation terroriste. Ce n'est que de cette manière que nous
11 pouvions communiquer avec le public, grâce à ces communiqués. Autant que je
12 m'en souvienne, en 1997, les Serbes avaient lancé une propagande à
13 l'intention de la communauté internationale qui visait à dire que l'UCK
14 était une organisation terroriste. Si l'UCK avait été reconnue comme étant
15 une organisation terroriste, cela aurait été suicidaire pour nous.
16 Q. Merci.
17 M. WHITING : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'un moment opportun.
18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 18 heures.
19 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.
20 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.
21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.
22 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.
23 Q. Monsieur Limaj, si nous pouvons passer au communiqué numéro 42. C'est
24 dans votre version. Il s'agit de la page 1610.
25 M. WHITING : [interprétation] En anglais, il s'agit de la page 8560 dans le
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1 document P48. Il s'agit d'un communiqué de février 1998. Il s'agit de la
2 page 1610.
3 Q. Vous voyez que c'est dans la partie supérieure au milieu. Mais à la
4 moitié lorsque vous descendez, on voit écrit : "Le 13 février 1990," et je
5 pense qu'il s'agit d'une erreur typographique et que la date devrait être
6 en réalité 1998. On y lit : "Mustafe Kurti, un collaborateur avec
7 l'occupant a été liquidé." Est-ce que vous le voyez, Monsieur Limaj ?
8 R. Oui, oui.
9 Q. Il n'y a rien là qui dit qu'il était membre de la police ou du l'UDB,
10 n'est-ce pas ?
11 R. Madame, Messieurs les Juges, j'ai des renseignements concernant cette
12 personne également que je puis présenter ici devant vous. Madame, Messieurs
13 les Juges, cette personne vient du village d'Obrinje, qui était relié
14 directement avec la police serbe. Dans sa maison, les lignes de
15 communication avec la police serbe ont été installées, parce que le village
16 d'Obrinje est très près du commissariat de police serbe à Likovc. En 1997,
17 le système de communication dans son entier a été trouvé dans sa maison.
18 D'après ce que je sais, pendant cette période, deux soldats de l'UCK
19 ont été blessés sur la route Kline-Obrinje, et lors de cette opération,
20 Mustafe Kurti a participé avec la police serbe. Pas seulement Mustafe
21 Kurti, mais également trois de ses frères avaient des liens avec la police
22 serbe. Je crois que même, de manière publique, ils se sont engagés dans les
23 forces de police serbe pendant la guerre, pendant les opérations à Drenica.
24 Donc, il était un membre d'une famille qui avait des liens directs avec la
25 police serbe.
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1 C'est un renseignement que j'ai obtenu après 1998, en avril. Je ne
2 suis pas sûr également à quel moment, mais je crois que c'est à peu près à
3 cette période-là.
4 Q. Bien. Avant tout cela, ce qui n'est pas clair, c'est si ce
5 renseignement lui-même que vous dites avoir, cela n'est pas dans le
6 communiqué, n'est-ce pas ?
7 R. Je crois que cela a été clair pour tous les gens de cette région. Cela
8 a été tout à fait clair pour eux. C'est ce que je pense.
9 Q. Cela était-il clair pour vous lorsque vous avez lu le communiqué ?
10 R. Je n'avais pas de raisons de ne pas croire ce qui était dans le
11 communiqué.
12 Q. Vous avez aussi --
13 R. Parce que personne ne peut savoir si cela est exact ou pas. Je ne
14 connaissais pas ces personnes.
15 Q. Exactement. Monsieur Limaj, vous avez dit deux choses qui sont
16 différentes. Vous avez dit que vous pensiez que ces personnes étaient liées
17 à la police serbe. Ensuite, vous avez dit, comme cela, que vous pensiez que
18 ces personnes travaillaient de manière ouverte avec la police serbe. Il
19 n'était pas employé par la police serbe, n'est-ce pas ? Il n'était pas un
20 employé de la police serbe ?
21 R. Monsieur le Procureur, je vous prie de bien vouloir m'excuser. Je
22 regrette ce que vous dites, parce que les citoyens écoutent. Je n'ai pas
23 dit cela. Cette personne était connue. L'ensemble de Drenica savait que
24 cette personne coopérait de manière active avec la police serbe. Je vous ai
25 dit que les soldats ont trouvé un système de communication entier dans sa
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1 maison. Ce n'est pas quelque chose que j'ai vu moi-même en personne; c'est
2 ce que j'ai entendu dire. Mais tout le monde à Drenica le sait concernant
3 cette personne. Pas simplement le concernant, mais concernant ses deux ou
4 trois frères.
5 Q. Votre déposition est qu'il était considéré comme étant un collaborateur
6 parce qu'il coopérait avec la police serbe. S'agit-il du témoignage que
7 vous faites ici ?
8 R. Ce que j'ai dit, Madame et Messieurs les Juges tout à l'heure, et je
9 répète ce que j'ai dit, cette personne participait directement à ce qui a
10 fait que deux ou trois soldats ont été blessés, comme je l'ai dit tout à
11 l'heure. Mais il a également participé directement aux massacres à Likoshan
12 et à Qirez, avec d'autres Albanais. Il était un membre actif de la police
13 serbe. Il s'agit de la personne dans la maison duquel on a trouvé un
14 système de communication, et cela prouve qu'il ait eu ce poste. Plus tard,
15 une autre personne a été tuée également.
16 D'après ce que je sais, ces personnes ne sont plus en vie, et cela
17 montre qu'il s'agissait de personnes qui collaboraient de manière active
18 avec la police serbe.
19 Q. Monsieur Limaj, je vais répéter ce point en particulier parce que je
20 pense que votre réponse n'est pas claire. Est-ce parce qu'il y avait du
21 matériel de transmission qui a été trouvé dans cette maison que ces
22 personnes étaient considérées comme étant des collaborateurs, des personnes
23 coopérant avec la police serbe ? Est-ce que c'est cela que vous dites ?
24 R. [aucune interprétation]
25 Q. Est-ce que vous dites que cette personne était un membre de la police
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1 serbe lui-même, oui ou non ?
2 R. Il s'agissait d'une personne qui participait activement aux activités
3 de la police serbe et à l'armée. J'ai donné comme exemple ce système de
4 communication, de transmission, simplement pour donner un exemple de cette
5 activité. Il s'agit de la réponse que je vous ai faite.
6 Q. En dehors de cet équipement de transmission, êtes-vous au courant
7 d'autres activités dans lesquelles cette personne ait participé ?
8 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, cela a eu lieu après
9 que l'UCK soit devenue publique dans cette région, c'est-à-dire à Obrinje
10 et à Likovc. D'après ce que d'autres personnes ont vu, cette personne a
11 pris une part active à la préparation des activités que le régime serbe a
12 menées à Likoshan, ainsi que dans d'autres régions. Je ne me souviens pas
13 du nom des autres personnes qui ont participé à cela, mais c'est un fait.
14 Cette personne a combattu directement les forces de l'UCK, lui et ses
15 frères. Cette personne et trois de ses frères se sont battus directement
16 contre des membres de l'UCK. C'est ce que je sais.
17 Q. Monsieur Limaj, vous avez témoigné du fait qu'il a participé
18 directement aux massacres de Likoshan et de Qirez. C'est ce que vous avez
19 dit. C'est ce que je voie sur l'ordinateur.
20 R. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il a participé à la préparation des
21 activités et des massacres à Qirez et à Likoshan parce qu'il s'agissait
22 d'un cas exceptionnel. Il s'agit ici d'un cas particulièrement rare d'une
23 personne qui, lors des combats, s'est battu directement avec les soldats.
24 Cela, c'est quelque chose que tout le monde savait et qui a eu lieu à un
25 moment ou à un autre en avril.
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1 Q. Monsieur Limaj, il a été tué le 13 février 1998. C'est avant les
2 massacres à Likoshan et à Qirez.
3 R. Monsieur le Procureur, j'ai décrit à quel point sa famille prenait une
4 part active, lui et ses trois frères. Il a participé directement, et le
5 résultat de ces activités à Likoshan et à Prekaz, pour sa famille et pour
6 lui-même et ses frères est qu'ils se sont battus directement contre des
7 membres de l'UCK. Il a été tué avant les activités à Likoshan et à Qirez,
8 mais ses activités ont continué parce que les préparations pour les
9 massacres à Likoshan et à Qirez n'ont pas pu être faites en un seul jour.
10 C'est ce que je sais.
11 Pour ce qui est de l'évolution en avril, nous en sommes témoins. Nous
12 avons entendu dire cela parce qu'à l'époque on pouvait encore se déplacer.
13 On pouvait aller à Likovc. Pour aller à Likovc, il fallait passer par
14 Obrinje.
15 Q. Monsieur Limaj, à l'époque où il a été tué, même si cela était vrai
16 qu'il avait participé à la préparation de ces massacres, cela n'aurait pas
17 pu être su, n'est-ce pas ? Cela ne se savait pas au moment où il a été tué.
18 R. Les gens savaient qu'il était un membre actif de la police serbe et de
19 l'armée serbe. Cela est vrai, les gens le savaient.
20 Q. Mais vous ne le saviez pas ?
21 R. Non, absolument pas. Personnellement, je ne connais pas cette personne
22 et même aujourd'hui.
23 Q. Exactement. Si on continue à lire ce communiqué, on y lit chose
24 suivante : "Nous sommes satisfaits du fait qu'il y ait un intérêt de la
25 communauté internationale grandissant, en particulier de la diplomatie
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1 française et allemande, et qu'on cherche une solutions à la question
2 albanaise et que la recherche de cette solution n'est pas simplement à
3 l'intérieur des frontières actuelles du Kosovo."
4 Il s'agit à nouveau d'un appel au soutien international, n'est-ce pas
5 ?
6 R. Oui, oui.
7 Q. Nous allons passer à un discours de Jakup Krasniqi. Il s'agit de la
8 pièce P141.
9 M. WHITING : [interprétation] Je demande qu'elle soit donnée au témoin.
10 Q. A la deuxième page en anglais et en albanais, il s'agit d'un discours
11 que Jakup Krasniqi a donné lors de l'enterrement des victimes de Qirez et
12 de Likoshan. On dit que : "Nous avons également averti la communauté
13 internationale, les Nations Unies, le conseil de Sécurité, les Etats-Unis,
14 l'Union Européenne, et le parlement européen, de respecter les chartes et
15 les documents qu'ils ont eux-mêmes rédigés et qu'ils ont signés de
16 l'Atlantique, à Helsinki, à Paris.
17 "Nous sommes tout à fait confiants qu'aucun des documents valables qui a
18 été mentionnés peut servir à défendre le territoire national et la dignité,
19 et que le fait de défendre le territoire national et notre dignité peut
20 être vu comme un acte de terrorisme, que pas une seule guerre de libération
21 dans un pays ne peut être vue comme un acte terroriste."
22 Il s'agissait donc de la position de l'UCK, n'est-ce pas ?
23 R. Pour dire la vérité, je ne le sais pas en quelle qualité M. Krasniqi a
24 fait ce discours, mais la vision qui est présentée ici est la vision de
25 l'UCK. Il s'agit d'un fait. Je ne peux pas dire s'il a fait ce discours en
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1 tant que porte-parole de l'UCK, en tant qu'activiste, ou en tant que
2 membre. Mais ce qui est dit ici ou ce qui est dit dans les communiqués, il
3 s'agit de déclarations politiques de l'UCK, et je suis en accord avec ceci.
4 Q. Je vous demande de passer au communiqué numéro 45. Il est dans cette
5 série de documents de grand format. Il s'agit de la page 1612. En anglais,
6 c'est la page 8566. Il s'agit du 11 mars 1998. 1612. Dans la partie
7 inférieure, on y dit : "Nous demandons aux capitales mondiales de
8 reconnaître l'Etat du Kosovo et de punir l'occupant serbe sur le fondement
9 des conventions de guerre internationales, parce que la guerre serbe
10 fasciste a pour but d'annihiler le peuple albanais."
11 Est-ce que vous voyez cela ?
12 R. Donnez-moi un instant pour trouver le passage. Oui.
13 Q. Cela exprime également le point de vue de l'UCK, n'est-ce pas ?
14 R. Oui. Oui.
15 Q. Je vous demande de passer au communiqué numéro 47. Il s'agit de la page
16 1614, et en anglais, il s'agit de la page 8573 du document P348 [comme
17 interprété]. C'est dans la partie supérieure du document. Il s'agit d'un
18 communiqué qui a été publié le 13 mai 1998 dans Koha Ditore.
19 "Lors de ces combats difficiles sur le front, les forces d'invasion ont
20 souffert de pertes humaines et en matériel importantes. Pendant toute cette
21 période, des opérations ont également été menées contre les collaborateurs
22 albanais qui, malgré les avertissements préalables, n'ont pas abandonné
23 leurs actions anti-nationales."
24 Ma première question est la suivante : cela est daté du 13 mai 1998, donc
25 les zones opérationnelles avaient déjà été conçues ? Que ces zones
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1 d'opération existaient déjà ?
2 R. Non, cela n'est pas vrai. La zone de Drenica n'avait pas encore été
3 formée en tant que zone, ni non plus à Pashtrik.
4 Q. Nous dirons donc que les zones opérationnelles, les sous-zones
5 opérationnelles, telles qu'elles sont définies dans ce communiqué, avaient
6 déjà été planifiées et avaient déjà été créées, n'est-ce pas ?
7 R. Oui, je suis en accord avec ce que vous dites.
8 Q. Je rappelle que cela date du 13 mai 1998, et il est dit que -- on voit
9 un peu plus bas dans le communiqué : "Lors d'une opération éclair par nos
10 formations militaires, une opération punitive contre l'ennemi sur la route
11 principale de la sous-zone opérationnelle de Pashtrik a eu lieu et a été
12 couronnée de succès."
13 Est-ce que vous voyez cela, Monsieur Limaj ?
14 R. Oui.
15 Q. Bien --
16 R. Dans la zone opérationnelle d'Erenik, et non pas de Pashtrik. C'est la
17 zone d'Erenik. Si je vous suis bien, des opérations couronnées de succès
18 ont été menées dans la zone d'Erenik, dans la sous-zone d'Erenik.
19 Q. J'aimerais que nous allions un peu plus avant, Monsieur Limaj. Il est
20 question d'une "action éclair --"
21 R. [aucune interprétation]
22 Q. -- et il y est question "d'expéditions punitives sur la zone principale
23 dans la sous-zone opérationnelle de Pashtrik et que ces expéditions
24 s'étaient menées avec succès." Voyez-vous ce passage ? Prenez votre temps.
25 R. Donnez-moi une seconde. Il y a un ensemble de noms de différentes sous-
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1 zones. "Lors d'une opération éclair, nous avons réussi à mener avec succès
2 une opération dans la sous-zone opérationnelle de Pashtrik." Oui.
3 Q. Nous en sommes au haut de la troisième colonne.
4 R. Oui. Oui.
5 Q. Il y est question de la route principale à Pashtrik.
6 R. Oui, c'est vrai.
7 Q. C'est une référence qui nous renvoie, je crois, à la bataille du 9 mai
8 à Lapusnik, n'est-ce pas ?
9 R. Non, Non.
10 Q. M. Krasniqi a dit, lorsqu'il a déposé, que cette route principale était
11 la route entre Peja et Pristina. Je vais vous reposer la question. C'est
12 une référence qui nous renvoie au combat du 9 mai à Lapusnik, n'est-ce pas
13 ?
14 R. Peut-être, mais permettez-moi d'expliquer. Ici, il s'agit de la route
15 principale qui passe dans la sous-zone de Pashtrik et c'est la route qui
16 relie Prizren à Pristina. Elle traverse la zone de Pashtrik, et je sais que
17 plusieurs unités ont mené des opérations sur place. Cette route-là passe
18 par la zone opérationnelle de Drenica et de Dukadjin. L'autre passe au
19 milieu de Pasthrik, de cette sous-zone, et le long de cette route-là, je
20 sais que des unités de l'UCK ont mené des opérations.
21 Q. A quel endroit au bord de cette route principale, la route qui sépare
22 Peja de Pristina ? Dans quel village ?
23 R. Duhla; il y a eu des opérations à Samadrazhe, de Rahovec, dans les
24 villages de Rahovec, partout. Partout où ils pouvaient mener ce type
25 d'opérations. Mais lorsque l'on parle du 9 mai, on parle de Drenica.
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1 Lorsqu'ils parlent des gorges de Lapusnik.
2 Q. Pourquoi ? Parce que vous dites que Lapusnik ne se trouvait pas dans la
3 zone de Pashtrik ?
4 R. Non, pas à cause de cela. Je peux vous dire pourquoi. Parce que le 9
5 mai, il y avait dix ou 15 unités militaires qui étaient à Orlat, qui
6 allaient vers Lapusnik, alors que, nous, nous étions cinq personnes. C'est
7 pour cela que je vous dis cela. C'est la seule raison logique. Nous étions
8 cinq personnes et nous nous rendions à leur secours.
9 Donc, si vous suivez la logique, c'est à eux que l'on fait référence.
10 Nous n'étions que cinq, nous, qui, comme je l'ai dit, allions leur prêter
11 main-forte. Un groupe a décidé d'aller les aider tout de suite.
12 Q. Nous allons y arriver en temps voulu. D'abord, pouvez-vous me dire
13 quand l'action de Duhla a eu lieu ?
14 R. Les opérations ont eu lieu à Duhla, à Istok. Moi, par exemple, avec
15 Ismet, j'ai combattu à Duhla contre la police serbe. C'est là que j'ai été
16 blessé. Au cours de la nuit, nous sommes sortis et nous nous sommes
17 retrouvés dans une embuscade serbe. Nous avons combattu, et au cours de ces
18 combats, j'ai été blessé au bras. A ce moment-là, Malisheve n'était pas
19 attaqué par les Serbes, à part à Duhla et à Rahovec, là où Duhla et
20 Malisheve sont limitrophes ou dans l'autre secteur qui se trouve juste au
21 bord de Kline.
22 Q. Pensez-vous que la nuit au cours de laquelle vous avez été blessé au
23 bras est désignée par cette "opération éclair" dont il est question dans le
24 communiqué ?
25 R. Non, je ne le crois pas.
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1 Q. A quoi pensez-vous que l'on fasse référence alors ?
2 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est cela dont on parle, mais ce que
3 je vous dis, c'est qu'il parle des actions menées par l'UCK. Ce n'est pas
4 Limaj ici. Il y avait plein d'autres unités qui étaient impliquées dans ces
5 actions. Je ne me souviens plus du nom de ces unités, parce que nous
6 agissions dans la clandestinité.
7 J'essaie simplement de vous donner un exemple. Le 29 avril, j'ai été
8 blessé. Il y a un certain nombre d'activités ici dont il y est fait état.
9 C'est en fait un résumé de l'ensemble des activités.
10 Q. Ce qui m'intéresse, moi, c'est l'intervention, l'opération éclair qui a
11 eu lieu le long de la route principale. Pouvez-vous essayer de nous aider à
12 savoir de quoi il s'agit s'il ne s'agit pas des gorges de Lapusnik ?
13 R. Il n'y est pas question ici d'action particulière. Il s'agit simplement
14 de dresser la liste générale d'actions menées au cours d'une période donnée
15 dans différents secteurs afin d'informer le public des actions entreprises
16 au cours d'une période de temps donnée. Ce communiqué ne rentre pas dans
17 les détails. L'une de ces opérations, le 26 ou le 29 avril, à laquelle j'ai
18 participé, j'ai été blessé. Mais au cours de cette même période, d'autres
19 unités sont intervenues, des unités de Malisheve qui se trouvaient à
20 Suhareke, à Duhla ou à d'autres endroits encore, ou d'autres unités sur la
21 route de Prizren et de Pristina.
22 Q. Parlons des limites territoriales de cette zone opérationnelle. Je
23 crois que vous avez dessiné un petit croquis. Il s'agit de la pièce DL7,
24 qui représente la délimitation de ces zones opérationnelles. La première
25 chose que j'ai remarqué concernant ce croquis, c'est que -- et peut-être
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1 pourrait-on vous le présenter ce document -- c'est que le grand triangle
2 rouge qui se trouve au milieu et qui représente la zone où ont été trouvés
3 les cadavres à Berisha, ce gros triangle rouge ne semble pas relever d'une
4 quelconque zone opérationnelle, d'après votre carte.
5 R. Je ne comprends pas votre question. Veuillez la répéter, s'il vous
6 plaît.
7 Q. Ce triangle rouge qui se trouve au milieu de la carte, à Berisha, où
8 ont été retrouvés les cadavres des personnes exécutées, d'après votre
9 carte, il ne correspond à aucune des trois zones, n'est-ce pas ? En fait,
10 ce triangle rouge se situe au cours d'un petit espace entre les trois
11 zones.
12 R. Non, non. Non, non, ce n'est pas exact. Je n'ai pas de point sur cette
13 carte qui représente les différents villages.
14 Q. Peut-on placer ce document sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.
15 R. Puis-je répondre à votre question ?
16 Q. Oui.
17 R. Comme vous le voyez, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,
18 lorsque j'ai dessiné cette ligne ici, je me suis fondé sur un certain
19 nombre de points. Comme vous le voyez ici, vous voyez Berisha, le point qui
20 l'indique, ainsi que le point qui indique Divjak, et la frontière où la
21 ligne jusqu'à laquelle s'étend Berisa. Cette ligne se trouve soulignée ou
22 épaissie. Lorsque je parle de "Berisha," ceci ne conteste pas le fait que
23 Berisha appartient à cette zone. Peut-être que c'est la même manière dont
24 la chose a été dessinée qui vous laisse une mauvaise impression, mais il
25 est vrai que Berisha faisait partie de la municipalité de Malisheve.
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1 Toutefois, je ne sais pas très bien où se trouve la délimitation entre
2 Berisha et Malisheve, mais en tout cas -- entre Prizren et Malisheve
3 plutôt, mais Berisa faisait effectivement partie de la municipalité de
4 Malisheve. Je crois que, quel que soit l'endroit où l'on place ce village,
5 il faisait effectivement partie de la commune ou de la municipalité de
6 Malisheve.
7 Q. Par conséquent, il faisait également partie de la zone de Pasthrik,
8 n'est-ce pas ?
9 R. Oui. Ici, vous voyez que ces villages sous Likovc Baince, Shale, et
10 Kisna Reka. Enfin, vous les voyez ici, plus en bas. Même lorsque j'ai tracé
11 cette ligne ici, j'ai suivi les villages. Je ne sais pas où était la
12 délimitation entre Kisna Reka --
13 Q. Non. Il n'y a que Berisha qui m'intéresse.
14 R. Oui, oui.
15 Q. Vous reconnaissez, n'est-ce pas, qu'à la fin du mois de mai 1998,
16 Syleman Selimi était commandant de la zone de Drenica, n'est-ce pas ? Vous
17 le reconnaissez ?
18 R. Oui, je pense. A la fin du mois de mai, début juin.
19 Q. En tant que commandant de la zone de Drenica, il connaissait bien les
20 limites de la zone qui relevaient de sa zone de responsabilité, n'est-ce
21 pas ?
22 R. Non, non. Il ne les connaissait pas, parce que cette ligne n'était pas
23 encore tracée. Les zones étaient censées refléter -- étaient calquées sur
24 les municipalités. La restructuration a eu lieu plus tard.
25 Q. La municipalité de Klina a toujours été divisée entre la zone de
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1 Dukadjin et la zone de Drenica, n'est-ce pas ?
2 R. Et Malisheve-Pashtrik.
3 Q. Il n'est pas exact de dire, n'est-ce pas, que ces zones ont été conçues
4 ou calquées sur les délimitations de certaines municipalités, puisque
5 certaines municipalités étaient en réalité réparties entre différentes
6 zones.
7 R. Non, ce n'est pas exact. Ceci a eu lieu plus tard. Au début, la
8 municipalité de Klina se trouvait directement englobée dans la sous-zone
9 opérationnelle de Dukagjini, c'était au début. Mais ensuite, et selon une
10 logique toute militaire, les zones -- ou les délimitations de ces
11 différentes zones ont été tracées en fonction des besoins correspondants à
12 chacune des zones. A ma connaissance, Klina, Istok à l'époque, ainsi que
13 Peja et Jakov, se trouvaient dans la zone de Dukagjini, ou Erenik comme on
14 l'appelait à l'époque. Je ne crois pas qu'il y ait difficulté ici, parce
15 qu'à l'époque, une autre zone, Erenik, avait été envisagée.
16 Q. Veuillez répondre à ma question tout simplement.
17 Syleman Selimi a déclaré qu'en mai 1998, la limite de la zone de Drenica
18 était en fait la route principale entre Peja et Pristina, et c'était exact,
19 non ?
20 R. Je vous décris les choses de la manière dont l'état-major général les
21 voyait.
22 Q. Vous êtes en train de dire que vous saviez mieux que ne le savait lui-
23 même Syleman Selimi comment était délimitée sa propre zone ?
24 R. Non. Je vous renvoie à l'état-major général et aux activités qui
25 avaient lieu à ce moment-là dans le secteur. Je fais référence aux
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1 activités qui étaient en cours à l'époque et à l'état-major général.
2 Q. Syleman Selimi a également déclaré qu'il avait été nommé par l'état-
3 major général et qu'il était en contact régulier avec ce dernier.
4 R. Syleman Selimi n'a pas été désigné, mais il était commandant d'unité.
5 Par la suite, il a reçu l'agrément de l'état-major général.
6 Q. Il a reçu l'agrément de l'état-major général, il a été nommé par
7 l'état-major général au poste de commandant de la zone de Drenica ?
8 R. Oui.
9 Q. Il a déclaré être en contact régulier avec l'état-major général à
10 l'époque.
11 R. Oui.
12 Q. Par conséquent, il devait savoir, n'est-ce pas, quelles étaient les
13 limites de sa zone opérationnelle, les limites physiques ?
14 R. Comme vous le savez, comme vous l'avez appris au cours de la déposition
15 de M. Krasniqi, qui était lui-même membre de l'état-major général, il ne
16 savait pas très bien quelles étaient les limites de sa zone. Je n'en sais
17 rien. En janvier 1999, je faisais partie d'une commission qui avait pour
18 mission de tracer les différentes limites de ces zones.
19 Q. En janvier 1999 ?
20 R. Oui. En janvier 1999, j'étais membre de la commission de l'état-major
21 général.
22 Q. Mais nous parlons de mai 1998. Veuillez vous concentrer sur cette
23 période.
24 Puisque vous parlez de M. Krasniqi, il a dit qu'il pensait que M. Syleman
25 Selimi connaissait les limites physiques délimitant sa zone d'intervention.
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1 R. Il aurait dû les connaître, mais le fait qu'il les connaissait ou pas,
2 à ce moment-là, ceci arrivait souvent qu'il ne connaisse pas les limites de
3 cette zone.
4 Q. En réalité, Monsieur Limaj, la zone de Pashtrik montait jusqu'à la
5 route principale Peja-Pristina, n'est-ce pas, et c'était la ligne de
6 démarcation entre la zone de Pashtrik et la zone de Drenica, et la seule
7 raison pour laquelle vous dites que ce n'était pas le cas, c'est que vous
8 essayez tout simplement de pousser artificiellement le village de Lapusnik
9 hors de la zone de Pashtrik et de le placer dans la zone qui relevait de
10 Syleman Selimi, n'est-ce pas ?
11 R. Votre tentative qui vise à présenter les choses de cette manière est
12 erronée. Je sais ce que vous essayez de faire, mais ceci est totalement
13 inexact, parce que toute mon activité était concentrée sur autre chose.
14 Vous verrez bien quelles étaient mes actions d'un point de vue militaire.
15 Mais ce que je tiens à dire, c'est que cela n'est pas exact. Ce que vous
16 essayez de dire n'est pas exact. Vous essayez de présenter, de cette
17 manière, cette délimitation entre les zones opérationnelles le long de
18 routes principales, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, les zones de
19 Pashtrik et de Nerodime sont divisées d'une autre manière.
20 Q. Même Ramadan Behluli, qui était un soldat, savait qu'il se trouvait
21 dans la zone de Pashtrik. C'était un soldat de Carraleve.
22 R. Oui, effectivement. Ramadan Behluli se trouvait dans la zone de
23 Pashtrik lorsqu'il est devenu soldat après août. Mais Ramadan Behluli n'a
24 rien eu à voir avec l'UCK au mois d'août en termes de zones ou en termes de
25 limites géographiques de ces zones. Vous savez parfaitement bien quelle
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1 était la position de Ramadan Behluli sur ces questions en particulier.
2 Q. Dans sa déclaration préalable, désormais versée au dossier en tant que
3 pièce à conviction P119, il déclare que pendant le mois de mai, juin, et
4 juillet de l'année 1998, il se trouvait dans la zone de Pashtrik. C'est
5 exact, n'est-ce pas ?
6 R. Ce n'est absolument pas exact. C'est tout le contraire. C'est faux, si
7 même ce n'est pas un mensonge. Mais je pense que c'est une erreur de sa
8 part. Je ne pense pas qu'il voulait mentir.
9 Je vais vous apporter une explication très concrète. Le problème c'est que
10 vous n'avez pas enquêté à fond sur toute cette question.
11 Q. Monsieur Limaj, je vais poursuivre. J'aimerais que nous examinions la
12 déclaration faite par Jakup Krasniqi le 14 juin 1998. Elle constitue la
13 pièce à conviction P139.
14 Vous ne trouverez pas ce document dans votre liasse, Monsieur Limaj. Vous
15 voyez ce qui est écrit au bas de la page en Albanais ?
16 R. Est-ce que vous parlez de cet article intitulé "Une armée qui ne
17 connaît que des albanismes" ?
18 Q. Oui. Il y a une photo de Jakup Krasniqi.
19 R. Non. Je vois un uniforme, je vois l'emblème de l'UCK. Oui, oui, oui,
20 maintenant je le vois.
21 Q. Monsieur Limaj, vous étiez debout juste à côté de Jakup Krasniqi quand
22 il a fait cette déclaration, n'est-ce pas ?
23 R. Oui.
24 Q. Or, il déclare que : "Le Grand quartier général de l'UCK estime que
25 pendant la phase actuelle, le pluralisme politique est un luxe."
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1 R. Oui.
2 Q. C'est bien ce que vous pensiez, Monsieur Limaj, n'est-ce pas ?
3 R. Oui. D'ailleurs, ce n'est pas le premier à dire cela. Churchill lui-
4 même a fait une déclaration très similaire. Jakup Krasniqi n'est pas le
5 premier qui a dit ce genre de chose. C'est ce qu'ont dit d'autres
6 représentants d'un pays démocratique avec une tradition démocratique. Je
7 suis entièrement d'accord.
8 Q. Il déclare aussi ce qui suit, je cite : "Nous demandons aux Etats-Unis
9 d'Amérique et aux démocraties occidentales de s'engager sérieusement vers
10 l'établissement de la liberté de la paix dans la région des Balkans." Après
11 quoi, il parle de l'UCK, "qui a été, en très peu de temps, capable de créer
12 un vaste territoire qu'elle défend et elle va en créer d'autres jusqu'à
13 libération complète." Alors, c'est bien vrai cela, n'est-ce pas ? A ce
14 moment-là, l'UCK s'était dotée d'un territoire assez vaste dans votre
15 région et autour de Drenica, une vaste zone libre, n'est-ce pas ?
16 R. Oui, à ce moment-là, Malisheve était sous le contrôle de l'UCK, comme
17 je l'ai déjà expliqué. Dans cette déclaration, vous constatez que Malisheve
18 était sous le contrôle de l'UCK. Donc, on ne pouvait pas considérer ces
19 zones comme autre chose que comme des zones libres. Dans cette déclaration,
20 vous comprendrez que l'UCK s'est toujours efforcée de trouver une solution
21 pacifique et politique aux problèmes qui se posaient. Ceci montre encore
22 une fois quelle est la vision défendue par l'UCK, à mon avis.
23 Q. Très bien. Regardons maintenant le communiqué numéro 49 qui paraît un
24 mois plus tard. Dans votre langue, il s'agira du document dont le numéro se
25 termine par 1615 en grand format. Pour la version anglaise, le numéro ERN
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1 est 0038577, pièce à conviction P48. Vous avez trouvez la page 1 615,
2 Monsieur Limaj ?
3 R. Je n'avais pas entendu le numéro. Non. Je vous demande une seconde.
4 Oui. Oui, j'ai trouvé le document.
5 Q. Vous voyez, c'est ce qu'on lit en bas de cette page ?
6 R. "Un communiqué émanant de la direction à l'information de l'UCK"; c'est
7 bien cela ?
8 Q. Oui. Communiqué numéro 49. On lit dans ce communiqué que la date est
9 celle du 13 juillet 1998. Là encore, c'est une période où vous rencontrez
10 régulièrement Jakup Krasniqi, n'est-ce pas ?
11 R. Oui. Depuis le 14 juin nous nous rencontrions souvent.
12 Q. Ce texte dit, je cite : "Des mesures ont également été prises contre
13 certains collaborateurs de la ligne dure, qui travaillent encore contre nos
14 intérêts nationaux."
15 Est-ce que vous voyez ce passage, Monsieur Limaj ?
16 R. Un instant, je vous prie.Troisième phrase. La phrase doit se trouver
17 dans le texte puisque vous venez de la lire, bien entendu, mais j'ai du mal
18 à la trouver.
19 Q. Je vais le relire.
20 R. D'accord.
21 Q. "Des mesures ont également été prises contre certains collaborateurs
22 entêtés qui continuent à agir contre nos intérêts nationaux."
23 R. Oui. D'accord.
24 Q. "Les collaborateurs, ce sont des gens qui travaillent contre les
25 intérêts de l'UCK, n'est-ce pas ?"
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1 R. Oui. Oui, oui.
2 Q. Parlons maintenant d'une interview accordée par Jakup Krasniqi à Koha
3 Ditore le 11 mai 1998. Je crois que vous trouverez ce document en première
4 page de votre liasse, pièce à conviction P48, page 8 580. Vous l'avez
5 trouvé ? Vous voulez dire quelque chose ?
6 R. Dans les zones opérationnelles, dans ces territoires, je connais les
7 endroits qui dépendent de Malisheve. Là, il est sans doute question d'une
8 autre localité.
9 Q. Monsieur Limaj, nous sommes ici à la date du 13 juillet 1998. En fait,
10 le 14 ou le 15 juin, le 17 juin et le 21 juin 1998, il y a eu des combats
11 assez violents à Carreleve, n'est-ce pas ?
12 R. En juillet ?
13 Q. Non, en juin.
14 R. Oui, oui.
15 Q. Aux environs du 25 juin, des combats violents ont eu lieu à Luznica,
16 n'est-ce pas ?
17 R. Le 25 juin. Le 25 juin, oui, peut-être. Oui, oui, à ce moment-là, il y
18 avait de violents combats. Je ne me souviens pas du jour exact, mais la
19 période est exacte.
20 Q. Ce que vous venez de dire, à savoir qu'il n'y avait pas de combat dans
21 votre secteur, est contraire à la vérité. Car ici, il est question
22 précisément de ces combats.
23 R. Non. Non, non.
24 Q. Nous lisons, je cite : "Nos formations ont mené à bien avec succès
25 d'importantes opérations dans les sous-zones de Pashtrik." Voilà ce qui est
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1 dit dans ce texte. Ensuite, il est question de combats à Carraleve et
2 Luznica.
3 R. Non, non, non. La traduction est peut-être erronée. Je pensais à autre
4 chose. Je pensais à la municipalité de Malisheve. Il n'y a pas eu de combat
5 à l'intérieur de la municipalité de Malisheve à ce moment-là. Je pensais
6 que c'était sur cela que vous m'interrogiez. Il y a eu des combats à Blace,
7 à Suva Reka, qui ne sont pas dans la municipalité de Malisheve. C'est
8 exact. Il y avait toujours des combats à ce moment-là. C'est exact.
9 Q. Merci.
10 R. Je pensais à l'intérieur de la municipalité.
11 Q. Passons maintenant à l'interview de Jakup Krasniqi.
12 R. Oui. Vous pouvez me redire le numéro ?
13 Q. 1 603.
14 R. Page 1 603, 11 juillet.
15 Q. C'est une interview accordée par Jakup Krasniqi alors qu'il était à
16 Klecka, n'est-ce pas ?
17 R. Non, ce n'est pas une interview qui a été faite à Klecka. Cela je peux
18 vous l'assurer. Cela ne peut pas s'être passé à Klecka. Cela a dû se passer
19 soit à Divjak soit chez lui à son domicile, parce que dès qu'on prononce le
20 nom de Klecka, je pense à ma base.
21 Q. A Divjak.
22 R. C'est peut-être Divjak. Il importe de faire la distinction, d'être
23 clair. C'était peut-être à son domicile, chez lui, parce qu'à cette époque-
24 là, Jakup Krasniqi habitait chez lui.
25 Q. Shukri Buja était présent pendant cette interview, n'est-ce pas ?
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1 R. Je ne sais pas.
2 Q. Regardez la page 2.
3 R. Oui. Oui, je l'ai vu. Je ne sais pas si nous parlons de la même
4 interview ici. Cette photo a été prise à Klecka, oui. Mais cette autre
5 photo ici, on ne voit rien de bien précis alors que sur la première
6 photographie, c'est bien Klecka que je reconnais; le fond de - l'arrière-
7 plan de la photographie. Elle a sans doute été faite à Klecka cette
8 interview.
9 Q. Finalement, c'était tout de même à Klecka qu'elle a eu lieu ?
10 R. Oui, oui. Oui, dans ma base, à l'endroit où je passais tout mon temps.
11 Cela m'a un peu surpris. J'ai été vraiment surpris par la première
12 photographie qui ne montrait pas grand-chose. Je sais qu'il a fait des
13 interviews dans de très nombreux endroits, mais c'est la deuxième
14 photographie qui m'a permis de comprendre que c'était à Klecka.
15 Q. Monsieur Limaj, j'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur le
16 document qui se trouve dans le texte anglais en milieu de page, la page 8
17 580, et qui, dans votre version se trouve en première page, numéro de votre
18 page 1603, en bas de page, en bas de première colonne, nous lisons ce qui
19 suit, je cite : "Les partis politiques albanais doivent reconnaître l'UCK
20 comme l'essence des forces armées du Kosovo, et reconnaître la situation
21 actuelle comme une situation de guerre."
22 Est-ce que vous voyez le bas de cette première colonne ?
23 R. Non. J'ai du mal à trouver le passage, je le crains. Que voulez-vous
24 dire par première colonne ? C'est la première, la deuxième ou la
25 troisième ?
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1 Q. Première colonne. Regardez la première colonne.
2 R. Oui. Oui, oui.
3 Q. Vous voyez le passage ?
4 R. "En appel à tous les partis politiques pour s'unir et constituer un
5 front uni, baptisez l'UCK. Oui, c'est à cela que vous pensez?
6 Q. Non, je vous ai lu un passage qui se lit comme suit, je cite : "Les
7 partis politique doivent reconnaître l'UCK comme l'intégralité des forces
8 armées du Kosovo, et reconnaître la situation actuelle comme une situation
9 de guerre."
10 Vous l'avez trouvé le passage maintenant ?
11 R. Oui, Oui, oui. C'est à la fin du texte. Cela signifie que les partis
12 politiques qui existent au Kosovo doivent reconnaître que l'UCK constitue
13 globalement les forces armées du Kosovo, et doivent admettre l'existence
14 d'une situation de guerre.
15 Q. Très bien. Merci. Maintenant, deuxième colonne.
16 R. Oui.
17 Q. La fin de la réponse de M. Krasniqi, au bas de cette deuxième colonne,
18 d'accord ?
19 R. Oui, oui, j'ai trouvé.
20 Q. Je cite : "L'UCK est une armée de Libération et une formation militaire
21 régulière. Donc, ce n'est pas un groupe qui se lance dans des actions de
22 petite importance. Nos opérations sont relativement importantes, et elles
23 ressemblent en tout aux opérations d'une armée régulière.". Vous avez
24 trouvé ce passage, Monsieur Limaj ?
25 R. Oui. Oui. Oui.
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1 Q. Penchez-vous à présent sur ce qui correspond au deuxième jour
2 d'interview, le 12 juillet.
3 R. Le 12 juillet ? Je vois ici 11 juillet.
4 Q. Page 1 605.
5 R. Je vais retrouver la page; je vais la chercher. Donnez-moi un instant.
6 Q. Vous étiez, jusqu'à présent, sur la page 1 603. Maintenant, nous
7 cherchons la 1 605.
8 R. Oui, je vois. Page 1 604, on voit une photographie de Shukri.
9 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page 1 605.
10 R. Dans ce cas-là, donnez-moi une seconde. Je vois la
11 page 1 603, la page 1 604.
12 Q. Monsieur Limaj, on va vous en donner une version de plus petite taille.
13 R. J'ai trouvé, j'ai trouvé.
14 Q. Veuillez regarder ce qui est écrit lorsqu'il est question du début de
15 l'interview, début de cette deuxième interview. Au début de la première
16 colonne, nous lisons ce qui suit, je cite : "L'UCK est une nouvelle armée
17 en cours de constitution. Cependant, elle a son propre quartier général et
18 sa hiérarchie militaire depuis le premier jour, et elle l'a encore
19 aujourd'hui." Vous voyez cela ?
20 R. Oui.
21 Q. A la fin de cette réponse, nous lisons, je cite : "L'UCK est une armée
22 organisée." Vous avez retrouvé le passage ?
23 R. Oui, oui, je l'ai retrouvé.
24 Q. C'était vrai à l'époque, n'est-ce pas ?
25 R. Que puis-je ajouter à cette réponse ou à cette déclaration de M.
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1 Krasniqi ? C'est une déclaration faite par lui, mais ce n'est pas vrai.
2 Cela ne correspond pas à la vérité. Vous avez ici le nom de l'auteur de cet
3 article. Cela ne correspond pas à la vérité. La réalité sur le terrain
4 parle d'elle-même. Il peut dire ce qu'il veut. Je pourrais vous donner des
5 détail au sujet de ce que je sais comme correspondant à la vérité, mais pas
6 au sujet de ce qui ne correspond pas à la vérité.
7 Q. En fait, Monsieur Limaj --
8 R. Plusieurs observateurs internationaux ont dit la même chose.
9 Q. Monsieur Limaj, vous avez déclaré que vers la mi-juin 1998, l'UCK était
10 organisée, n'est-ce pas ?
11 R. Non. J'ai dit quelque chose de différent. J'ai dit que le travail
12 d'organisation commençait. Jakupi est venu vers la mi-juillet ou début
13 juillet pour organiser quelque chose dans la zone de Pashtrik. Comme vous
14 savez, cela prend pas mal de temps pour qu'une organisation se structure.
15 Que ce soit une section de parti politique, créer la section d'un parti
16 politique prend au moins une semaine. J'ai déjà dit, qu'au début, lorsque
17 nous avons -- il y avait le problème de la nomination du commandant de
18 zone pour que le processus s'engage. Voilà ce que j'ai dit.
19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les
20 Juges, je ne crois pas que ce soit un moment très opportun mais il est 19
21 heures.
22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.
23 Il faut maintenant s'assurer que M. Limaj obtienne bien un exemplaire du
24 document dont nous avons parlé au début de l'audience avant de partir afin
25 qu'il puisse l'examiner cette nuit.
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1 M. WHITING : [interprétation] J'ai parlé avec le conseil de la Défense; la
2 chose sera organisée.
3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci Beaucoup. Nous reprenons nos
4 travaux demain à 14 heures 15.
5 --- L'audience est levée à 19 heures et reprendra le mardi
6 24 mai 2005, à 14 heures 15.
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