Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 Le lundi 23 mai 2005

2 [Audience publique]

3 [Les accusés sont introduits dans le prétoire]

4 --- L'audience est ouverte à 14 heures 20.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Veuillez excuser notre retard de

6 quelques minutes.

7 J'aimerais vous rappeler, Monsieur Limaj, que vous avez prononcé une

8 déclaration solennelle au début de votre déposition.

9 Monsieur Whiting.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Je suis

11 impatient de commencer, mais je crois que Me Mansfield à quelque chose à

12 nous dire, une question à soulever avant que nous puissions commencer.

13 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, excusez-moi, je ne

14 vous avais pas remarqué.

15 M. MANSFIELD : [interprétation] En réalité, Monsieur le Président, je

16 n'avais pas l'intention de soulever la question à ce stade, mais je peux

17 vous dire de quoi il s'agit. Jeudi dernier, on nous a remis une liste de

18 pièces à conviction que l'Accusation envisage éventuellement d'utiliser au

19 cours du contre-interrogatoire. En annexe de cette liste - et nous n'y

20 avions pas d'objection concernant ce point en particulier, mais en annexe

21 de cette liste se trouve un document qui contient des extraits d'un livre.

22 A ma connaissance, les différents extraits classés en intercalaires 2, 3,

23 4, 5, peut-être à l'exception de l'intercalaire 5, ces extraits vous les

24 avez peut-être sous les yeux.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce document nous est soumis à

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1 l'instant même.

2 M. MANSFIELD : [interprétation] Commençons par le premier intercalaire.

3 Vous allez y apercevoir des sous intercalaires, si je puis dire. Il s'agit

4 en réalité d'extraits de l'ouvrage en question. Vous verrez à

5 l'intercalaire numéro 1, qu'il y a été publié il y a quelque temps, en

6 2001, il s'agit en réalité "Projet de création du comité de rédaction pour

7 la publication d'une monographie sur les martyrs de l'armée de libération

8 du Kosovo." Ce projet a été approuvé et confirmé. Il y a la liste, puis il

9 y a le nom de Fatmir Limaj que l'on trouve à peu près au milieu de la liste

10 à la page suivante. Ensuite, sous différents titres dans les différents

11 intercalaires, on trouve quelque chose qui est dit sur Sadik Shala qui sera

12 le premier.

13 J'avais l'intention de soulever la question et de savoir si le Procureur

14 avait véritablement l'intention d'utiliser ce document. Je soulèverai la

15 question à ce stade afin que vous l'étudier.

16 Il n'y a pas de questions. Je pense que ce document, dans son intégralité,

17 a été entre les mains de l'Accusation depuis un certain temps déjà. Ce

18 n'est pas une révélation récente, en tout cas, à notre connaissance.

19 Personne ne suggère qu'ils viennent juste de mettre la main dessus. S'ils

20 avaient eu l'intention d'utiliser cet ouvrage dans le cadre de la

21 présentation de leurs arguments, s'ils avaient souhaité s'appuyer sur ce

22 document, ils auraient dû le communiquer il y a déjà longtemps, et d'une

23 quelconque manière, auraient dû le présenter dans le cadre de l'exposition

24 de leurs arguments. Ils n'ont fait ni l'un ni l'autre, nous n'en avons pas

25 parlé, et il n'a pas été utilisé dans le cadre de la présentation des

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1 éléments à charge.

2 Etant donné les circonstances, il est difficile de déterminer si ce

3 document qui existe déjà depuis un certain temps, si ce document va être

4 utilisé par l'Accusation, difficile de comprendre comment ils vont le

5 faire. Bien entendu, M. Whiting pourra peut-être nous dire quelle est la

6 base qui puisse justifier son utilisation. Ce document est-il suffisamment

7 fiable pour être utilisé par l'Accusation, et nous ne voyons pas très bien

8 comment on va pouvoir se fonder véritablement sur ce document à ce stade.

9 Si l'Accusation n'entend pas utiliser ces informations, cet ouvrage comme

10 élément de preuve, dans ce cas, nous pensons qu'il est encore moins

11 pertinent, encore moins fiable. S'il s'agit simplement de dire : "Bien,

12 voici ce document. Nous n'allons pas nous fonder sur ce document, mais

13 voici ce que nous allons dire ou qu'avez-vous à nous en dire," à mon avis,

14 ceci ne concerne pas directement les discussions qui sont les nôtres.

15 Toutefois, il y a un principe fondamental que je souhaite rappeler ici. A

16 notre avis, toute question que l'Accusation souhaite utiliser quel que soit

17 le but recherché dans le cade du contre-interrogatoire, toute question ou

18 tout élément doit être communiqué au préalable par l'Accusation. Il y a

19 évidemment un certain nombre d'exceptions que l'on comprend aisément à

20 cette règle. Toutefois, ces exceptions doivent être évaluées de manière

21 prudente.

22 Si quelque chose se produit de manière assez inattendue, l'Accusation qui

23 aurait pu ne pas prévoir ces nouvelles circonstances, l'Accusation pourra

24 éventuellement revenir sur cette question, et bien entendu, c'est une

25 procédure tout à fait normale et tout à fait connue. Il ne semble pas que

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1 ce soit ici le but recherché. Il y a une autre possibilité qui peut-être

2 envisagée. L'Accusation peut rouvrir la présentation de ces éléments de

3 preuve. Or, il semblerait que ce ne soit pas l'objet de la demande formulée

4 ici, parce que, bien entendu, l'Accusation est tout à fait en mesure de le

5 faire, si toutefois elle peut prouver qu'il s'agit là d'une question qui

6 n'était pas envisageable et qui n'aurait pas pu être découverte en tant

7 opportun au moment où l'Accusation présentait ses éléments à charge. Il ne

8 semble pas qu'il s'agisse de la situation en l'espèce.

9 Il ne reste plus que deux possibilités à envisager. La première a trait à

10 la question de la crédibilité sous réserve que le document soit pertinent,

11 et qu'il ait trait véritablement à une question qui a été soulevée au cours

12 de l'interrogatoire principal. Peut-être que l'Accusation pourrait utiliser

13 ce document bien que les sources existantes indiquent, et ce, sans

14 exception, je crois, que si cette possibilité va être poursuivie, qu'il

15 faut en informer préalablement les représentants de l'accusé au moins 24

16 heures à l'avance. Par conséquent, ils auraient dû le faire avant que M.

17 Limaj ne comparaisse en tant que témoin.

18 Je dois dire que sur ce point, nous nous sommes engagés à ne pas parler

19 avec M. Limaj après le début de sa déposition. C'est ce que nous avons

20 fait. Nous ne lui avons pas remis la liste des pièces à conviction, et nous

21 ne lui avons pas parlé de cette pièce en particulier. Il n'est pas du tout

22 au courant de la situation. En ce qui concerne la question de la

23 crédibilité, il aurait dû avoir la possibilité à de nombreuses reprises

24 d'étudier ce document.

25 Puis, le principe de légalité des armes dont vous êtes bien conscients est

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1 essentiel. C'est bien sûr sur ce principe que reposent les obligations de

2 communication. Par conséquent, pour faire en sorte que légalité des armes

3 soit respectée, si l'Accusation envisage d'utiliser un document, il est

4 nécessaire que l'accusé ait la possibilité d'étudier le document en

5 question, document qui est sur le point d'être utilisé. Bien entendu, ce

6 n'est pas ce qui s'est passé ici.

7 Donc, la crédibilité est une chose. Puis, il y a la question de la

8 nécessité de rafraîchir la mémoire de quelqu'un. C'est un petit peu

9 difficile, parce que personne ne suggère que ce document est un document

10 tout à fait fiable, sans quoi, sans doute, il aurait été utilisé dans le

11 cadre de la présentation des éléments à charge. A ce stade, il est

12 difficile de savoir si ce document a rafraîchi la mémoire de qui que ce

13 soit, puisqu'on ne voit pas si ce document a été rédigé ou compilé par M.

14 Limaj au moment où les questions qui y sont abordées étaient connues de

15 lui.

16 Par conséquent, aucune des solutions, aucune des voies envisageables,

17 d'habitude, ne peuvent être suivies à ce stade alors que l'accusé comparaît

18 en tant que témoin. De manière plus générale - et c'est une remarque qui

19 s'applique à l'ensemble de ces éléments - un regard à ce document révèle

20 qu'il a pour objet de couvrir un certain nombre d'événements, et qu'il y

21 est fait référence à un certain nombre de noms d'individus, Ismet Jashari

22 entre autres. On y trouve également des dates, dates auxquelles nous avons

23 fait à maintes reprises références.

24 S'il s'agit là d'un document de contexte historique censé émaner de l'UCK

25 et censé revêtir une importance, là encore, nous affirmons que ce document

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1 aurait dû être présenté. Nous ne pouvons pas être pris par surprise ou ils

2 ne peuvent pas être pris par surprise, parce que sans revenir sur les

3 détails, une requête, un mémoire préliminaire a été déposé dans lequel un

4 certain nombre de questions générales ont été présentées à l'Accusation sur

5 la chronologie, particulièrement avant que M. Limaj ne comparaisse en tant

6 que témoin, l'Accusation a reçu un résumé, les grandes lignes, en quelque

7 sorte, de son témoignage. Par conséquent, ils savaient très bien ce sur

8 quoi il allait s'exprimer, et bien entendu, ils savaient qu'un contre-

9 interrogatoire serait effectué sur un certain nombre de questions qui ont

10 été abordées dans ce mémoire préliminaire, ainsi que dans le résumé qui a

11 été remis à l'Accusation juste avant le début de sa déposition.

12 Par conséquent, nous pensons que ce document aurait pu être présenté

13 de multiples manières. Je dois ajouter que nous ne sommes pas ici pour

14 prendre qui que ce soit en embuscade. Nous sommes ici pour révéler la

15 vérité de manière tout à fait équitable et appropriée.

16 Bien entendu, je ne sais pas quelles sont les questions qui vont être

17 posées, mais l'Article du règlement 66(B) établit les critères concernant

18 les questions posées dans le cadre de la présentation des éléments de

19 preuve à charge et à décharge. Eventuellement, on pourrait interpréter les

20 choses comme étant, en vérité, une embuscade ici. Par conséquent, si cela

21 est nécessaire, je demanderais à pouvoir disposer de suffisamment de temps,

22 de manière à pouvoir résoudre la question ici, à ce stade. Si l'Accusation

23 souhaite effectivement utiliser ce document dans un avenir proche. Je

24 m'excuse de la procédure utilisée et je m'excuse d'avoir à présenter ces

25 arguments aujourd'hui, mais je pense que la question risque de se poser un

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1 peu plus tard.

2 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quand avez-vous reçu ce document ?

3 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je crois que c'était jeudi dernier. Je

4 crois que c'est à la fin de sa déposition, de son interrogatoire principal,

5 que ce document m'est parvenu.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'était pas jeudi ?

7 M. MANSFIELD : [interprétation] Non. J'essaie de me souvenir, mais je crois

8 véritablement que j'ai obtenu ce document jeudi après-midi. Quand

9 exactement au cours de l'après-midi, je ne sais plus. En tout cas, avant la

10 fin de la journée de jeudi, mais pas avant.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci. Monsieur Guy-Smith, vous avez

12 quelque chose à ajouter ?

13 M. GUY-SMITH : [interprétation] Non, je rejoins les propos tenus par mon

14 collègue.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Topolski.

16 M. TOPOLSKI : [interprétation] [hors micro] Rien.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting.

18 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, quelques mots

19 concernant la question de ce document. Ce document, c'est un livre publié

20 en quatre volumes publics. C'est une source publique d'information. Ce

21 document était en possession du bureau du Procureur depuis un certain

22 temps. Toutefois, il n'a pas été traduit, ou en tout cas, certains extraits

23 de cet ouvrage n'ont pas été traduits avant très récemment. Je n'ai obtenu

24 les traductions sur lesquelles j'aimerais me fonder qu'au cours de la

25 semaine passée. Ce n'est -- plutôt, la pertinence du document ne m'est

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1 apparue qu'après, ou en tout cas, qu'au cours de la déposition de M. Limaj.

2 Mais ce qui est plus important, c'est de rappeler que le droit est

3 assez clair sur la question. L'Accusation n'a pas l'intention - et c'est

4 une remarque préliminaire - simplement pour vous montrer que l'Accusation

5 n'essaie pas de prendre qui que ce soit en embuscade ou de priver la

6 Défense de ce document pour l'infliger à l'accusé après son interrogatoire

7 principal. C'est un document que nous avons reçu, comme je le disais, la

8 semaine passée seulement, ou en tout cas, nous en avons compris

9 l'importance la semaine dernière.

10 Mais le droit est assez clair sur la question. Nous n'avons pas

11 l'intention de présenter, en tant que pièce à conviction, ce document. Nous

12 souhaitons simplement l'utiliser au cours du contre-interrogatoire pour

13 contester la crédibilité du témoin. Nous souhaitons lui présenter ce

14 document et voir quelle est la réponse qu'il peut y apporter et quel est

15 son commentaire sur ce document.

16 J'aimerais attirer l'attention des Juges de cette Chambre sur l'arrêt

17 rendu dans l'affaire Rutaganda. J'ai en fait des exemplaires de ce document

18 que je peux vous faire passer par l'intermédiaire de M. Younis.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci.

20 M. WHITING : [interprétation] Vous y trouverez deux décisions. D'abord

21 l'arrêt rendu par la Chambre d'appel ainsi que la décision émanant de la

22 Chambre dans l'affaire Milosevic, décision relativement récente. Dans

23 l'arrêt Rutaganda, c'est l'affaire ICTR-96-7-A [comme interprété]. Le

24 jugement remonte au 26 mai 2003. Je crois qu'il s'agit du deuxième document

25 dans la série de documents qui vous ont été remis. Je n'ai photocopié que

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1 quelques pages de cet arrêt, mais j'aimerais attirer votre attention sur la

2 partie qui commence au paragraphe 280, et je dirais --

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] 280 ?

4 M. WHITING : [interprétation] 280. Je dirais que le raisonnement et la

5 décision prise dans le cadre de cet arrêt nous concerne directement.

6 Dans cette affaire, l'Accusation -- l'appelant a témoigné.

7 L'Accusation a fourni à la Défense un certain nombre de documents de source

8 publique. Peut-être pas tous, mais en tout cas, un certain nombre d'entre

9 eux, après son interrogatoire principal, et a demandé à utiliser un certain

10 nombres de ces documents au cours du contre-interrogatoire. L'Accusation a

11 eu droit à une autorisation de le faire. C'est une autorisation qui lui a

12 été donnée par la Chambre. Cette question a été soumise à un appel de la

13 part de l'accusé, et l'Accusation a confirmé la décision qui avait été

14 prise.

15 La Cour d'appel a même été plus loin en disant qu'il n'y avait aucune

16 difficulté à accepter certains, voire tous ces documents en tant que pièces

17 à conviction. Mais l'Accusation a été tout à fait autorisée à utiliser ces

18 documents dans le cadre du contre-interrogatoire du témoin.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Quels sont les passages sur

20 lesquels vous vous fondez en particulier ?

21 M. WHITING : [interprétation] Oui. Vous trouverez, dans les

22 paragraphes 280 et suivants, le contexte général. Mais j'aimerais

23 particulièrement attirer votre attention sur paragraphe 284 où il est dit

24 : "Etant donné que les photos, les communiqués de presse et les articles où

25 le statut de RTLM on trait à des questions qui ont été soulevées par

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1 l'appelant au cours de l'interrogatoire principal, la Chambre d'appel

2 considère que la Chambre préliminaire était habilitée à les recevoir au

3 cours de l'interrogatoire principal de l'appelant."

4 Je vous invite également à regarder ce qui est écrit dans le

5 paragraphe 280. L'appelant à présenter le même argument que celui qui est

6 présenté par la Défense ici aujourd'hui.

7 Puis, vous pourrez passer également au paragraphe 287 où il est dit :

8 "Par conséquent, la Chambre d'appel juge que l'appelant n'a pas montré que

9 la Chambre préliminaire a fait une erreur en recevant les photographies

10 contenues dans la publication intitulée 'Le génocide du Rwanda,' et cetera,

11 document qui a permis à l'Accusation de réfuter les allégations faites par

12 l'appelant au cours du cours du contre-interrogatoire."

13 Là encore, je ne tiens pas à demander le versement en tant que pièce

14 à conviction de ce document. Ce n'est pas l'objectif qui est le nôtre

15 lorsque nous allons soumettre ce document au témoin. Bien entendu, s'il

16 adoptait ces documents comme étant valables, peut-être que la possibilité

17 se présenterait, mais je ne pense pas que ceci serait nécessaire.

18 J'aimerais attirer votre attention également sur la décision prise

19 dans le cadre de l'affaire Milosevic, document que je vous ai fourni et

20 datant du 17 mai 2005. Cette décision nous intéresse particulièrement

21 concernant les paragraphes 10 et 11.

22 Cette décision porte principalement sur la demande faite par

23 l'Accusation de déclarer recevable un certain nombre de documents présentés

24 au cours du contre-interrogatoire pendant la présentation des éléments à

25 décharge. Là encore, ce n'est pas l'intention poursuivie par l'Accusation

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1 dans le cadre de cette affaire, mais ici, aucune difficulté ne se présente

2 quant à la possibilité qu'aurait l'Accusation d'utiliser ces documents dans

3 le contre-interrogatoire, documents n'ayant pas été communiqués au

4 préalable.

5 La décision prise dans l'affaire Milosevic cite, au paragraphe 10,

6 une décision orale dans l'affaire Hadzihasanovic. Dans cette affaire, la

7 question s'est présentée de savoir comment traiter des documents qui

8 n'avaient pas été communiqués, documents qui allaient être présentés à des

9 témoins de la Défense au cours du contre-interrogatoire. Si j'ai bien

10 compris, la question n'a cessé de se poser pendant l'affaire et a fait

11 l'objet d'un certain nombre de décisions orales, et celle-ci était la

12 première décision orale. Mais je dirais que dans ce contexte-là aussi, nous

13 devrions avoir l'autorisation de présenter le document au témoin.

14 J'aimerais attirer votre attention sur la page 5, l'attention des Juges, et

15 particulièrement sur le dernier paragraphe, qui cite la décision

16 Hadzihasanovic. On y lit : "Il est de l'opinion de la Chambre préliminaire

17 que l'Accusation peut présenter, au cours de son contre-interrogatoire,

18 tous documents qui n'ont pas été déjà reçus, afin de tester la crédibilité

19 du témoin ou de lui rafraîchir la mémoire." Dans ces deux affaires,

20 l'Accusation a été autorisée à présenter des documents qui ne figuraient

21 pas au dossier en tant qu'éléments de preuve et qu'elle avait en sa

22 possession avant ou après la présentation des ses éléments de preuve.

23 C'est vrai, comme l'a dit Me Mansfield, que dans cette décision, que

24 la Cour a imposé un délai de communication de 24 heures dans cette affaire.

25 Selon moi, nous ne devrions pas suivre cette règle en l'espèce. Cette

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1 disposition ne figure pas dans la décision Rutaganda. Dans le cadre de

2 cette affaire, les éléments ont été fournis, comme ici, à la conclusion de

3 l'interrogatoire principal, et ceci n'a posé aucune difficulté.

4 L'Accusation peut présenter ces documents, comme elle a pu le faire dans

5 l'affaire Rutaganda. Je pense que la Cour doit se conformer à la décision

6 prise dans le cadre de cette affaire Rutaganda plutôt que de se conformer à

7 la décision Hadzihasanovic.

8 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Ce n'est pas seulement une question

9 d'égalité, de justice, concernant l'utilisation du document que vous vous

10 proposez de présenter au témoin. La question est de savoir s'il nous faut

11 imposer un délai afin d'assurer la justesse de cette procédure. Les choses

12 peuvent varier d'une affaire à l'autre selon la nature du document.

13 M. WHITING : [interprétation] Oui, effectivement. Effectivement, je peux

14 envisager une situation dans laquelle -- en tout cas, je peux envisager

15 qu'afin que les choses soient tout à fait justes, un délai soit imposé. Je

16 ne sais pas très bien. C'est vrai, peut-être qu'il peut s'agir d'une

17 question qui doit faire l'objet d'une décision cas par cas. Toutefois, je

18 dirais qu'il existe une règle générale ou qu'il y a une tendance générale à

19 la communication préalable qui n'est pas nécessairement appropriée ici.

20 Parce que jusqu'à ce que l'Accusation entende ce que le témoin a à dire, il

21 est difficile de savoir ce qui va être important, il est difficile de

22 prévoir quelles vont être toutes les questions qui vont être soulevées,

23 toutes les choses que va dire le témoin, quelle va être leur pertinence,

24 quelle va être leur importance. Il serait extrêmement difficile, voire même

25 impossible pour l'Accusation de tenter d'anticiper sur toutes les questions

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1 qui risquent d'être soulevées dans le cadre de l'interrogatoire principal

2 du témoin, arguments qui devront être ensuite être réfutés.

3 Je crois qu'ici nous sommes dans une situation qui représente un bon

4 exemple. Je crois que Me Mansfield a parlé des résumés qui nous ont été

5 fournis ainsi que du mémoire préliminaire. Mais pour en arriver aux

6 détails, le document que j'aimerais soumettre au témoin -- en tout cas, les

7 extraits du document que j'aimerais soumettre au témoin ont trait

8 principalement à la période mars-avril 1998. Cette période n'est même pas

9 abordée dans le mémoire préliminaire de l'accusé. Par conséquent, ici,

10 personne n'en parle. Nous parlons de l'arrivée au Kosovo et jusqu'à la

11 période du 9 mai.

12 En ce qui concerne le résumé fourni au titre de l'Article 65 ter du

13 règlement, il s'agit d'un résumé d'une seule page. Il n'entre absolument

14 pas dans les détails. La seule chose qui est dite dans ce résumé, c'est

15 qu'il a établi l'Unité Celiku 1 à Klecka, aucune date, aucun contexte,

16 aucune période, rien. En fait, nous ne savons pas très bien si c'est bien

17 ce qu'il a dit dans sa déposition parce que sa déposition est beaucoup plus

18 ambiguë sur ce point en particulier, en ce qui concerne, en tout cas, la

19 période mars-avril.

20 Alors, pour être tout à fait honnête, ce n'est que lorsque le témoin

21 a déposé sur cette période en particulier, sur la structure détaillée des

22 choses, ce n'est qu'à ce moment-là que, même si j'avais eu cet ouvrage

23 traduit avant, ce qui n'était pas le cas, je ne pense pas que j'aurais

24 pensé que ce document, j'aurais voulu l'utiliser, avant d'avoir entendu le

25 témoin.

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1 Voilà un bon exemple de la raison pour laquelle il ne peut y avoir de

2 règle s'appliquant de manière générale à la communication de documents

3 avant la déposition du témoin, parce qu'il est impossible de déterminer ce

4 qui va être dit. Je ne dis pas que c'est impossible, mais il est impossible

5 en tout cas de connaître l'ensemble des détails, l'ensemble des dimensions

6 d'une déposition de témoin.

7 En conséquence, sur la base des motifs et des raisons juridiques

8 avancés dans l'arrêt Rutaganda, et pour les raisons plus factuelles que

9 j'ai présentées en ce qui concerne ce document particulier, nous pensons

10 devoir être autorisés à présenter ce document au témoin dans le cadre du

11 contre-interrogatoire afin de mettre en doute sa crédibilité.

12 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting, vous reconnaissez

13 que ce document a été remis à la Défense jeudi après-midi ?

14 M. WHITING : [interprétation] Oui.

15 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Pourriez-vous nous dire pourquoi ce

16 document n'aurait pas dû être communiqué dans le cadre de la période de

17 présentation des éléments à charge ?

18 M. WHITING : [interprétation] Ce n'est pas un document sur lequel nous

19 souhaitions nous fonder dans le cadre de la présentation de nos éléments de

20 preuve. Pas seulement en ce qui concerne la question de responsabilité,

21 mais nous ne savons pas qui sont les auteurs de ce document, nous ne savons

22 pas dans quelle mesure nous pourrions authentifier ce document. En ce qui

23 concerne les principes applicables dans cette affaire, il est question de

24 Lapusnik. Mais comme je l'ai dit, ce document porte davantage sur la

25 période de mars et d'avril, qui est plus importante aujourd'hui, maintenant

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1 que nous avons entendu la déposition de M. Limaj.

2 C'est un document que nous avions examiné sans traduction. Nous

3 n'avons pas obtenu la traduction avant il y a quelques jours à peine. Mais

4 c'est un document que nous avons choisi de ne pas utiliser, pas parce que

5 nous pensions qu'il n'était pas fiable, mais simplement parce que nous

6 n'avons pas souhaité le présenter. Puis, nous avons établi un certain

7 nombre de limites concernant les documents dont nous ne connaissions pas

8 très bien les sources. Nous ne pouvions pas présenter tous ces documents.

9 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je suis un peu perdu. Vous dites que

10 vous reconnaissez la pertinence du document, sa pertinence potentielle,

11 mais vous avez choisi de ne pas l'utiliser. Ou alors, êtes-vous en train de

12 dire que vous ne vous êtes pas rendu compte de sa pertinence potentielle

13 parce qu'il n'avait pas été traduit, ou êtes-vous en train de dire autre

14 chose ?

15 M. WHITING : [interprétation] En fait, ce que je répondrais se situe un peu

16 entre les deux. Nous avons rapidement examiné ce document, enfin ce livre.

17 En fait, nous avons demandé à un interprète de le feuilleter rapidement, et

18 nous avons vu qu'il n'y avait pas de lien avec les charges retenues contre

19 l'accusé dans la présente affaire. C'est la raison pour laquelle nous avons

20 prévu de ne pas l'utiliser.

21 Mais ensuite, nous avons réexaminé ce livre d'un peu plus près et

22 compte tenu de son intérêt et de sa pertinence potentielle, nous avons

23 décidé d'en faire traduire une dizaine de chapitres. Chacun des chapitres

24 porte sur la biographie d'une personne. Lorsque les traductions nous sont

25 revenues la semaine dernière, et également au vu de la déposition qu'avait

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1 faite le témoin, il nous est apparu tout d'un coup qu'il y a des passages

2 dans ce livre qui sont pertinents.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Mansfield, avez-vous quelque

4 chose à ajouter ?

5 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, Monsieur le Président, si vous me le

6 permettez, rapidement. La dernière observation, dirais-je, n'a aucun sens.

7 Car depuis le début de la présente affaire, la période mars-avril était

8 connue comme une période tout à fait cruciale. Toutes les parties savaient

9 que cette période était importante; je veux parler de l'Accusation et de

10 nous-même, la Défense de M. Limaj. M. Limaj l'a d'ailleurs dit dans ses

11 propos liminaires qui étaient assez longs.

12 Si nous prenons l'intercalaire 3, le bas de la page, c'est un extrait

13 de cet ouvrage. Ismet Jashari est mentionné à l'avant-dernière ligne de

14 cette page. Depuis le début, il devait être tout à fait manifeste, tout à

15 fait clair, que ce livre avait une grande importance. Ce n'est donc pour

16 cela qu'il n'a pas été utilisé avant. Quant au fait qu'il n'ait été traduit

17 que récemment, nous disons que c'est un argument qui ne tient pas vis-à-vis

18 de la pertinence et de l'authenticité de ce livre.

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être la question la plus

20 pertinente est-elle de savoir pourquoi il n'a pas été communiqué avant.

21 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, pourquoi n'a-t-il pas été communiqué

22 avant, puisque c'est un document qui prend peut-être un certain temps à

23 traduire. On aurait dû nous l'annoncer et nous dire si l'Accusation avait

24 l'intention de l'utiliser ou pas.

25 Alors, que nous dit l'Accusation ? Elle nous dit : Nous avons eu des

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1 problèmes de traduction. La traduction a pris longtemps. Nous regrettons.

2 Nous n'allons pas nous appuyer sur ce livre parce que nous ne l'avions pas

3 prévu, mais nous n'allons donner la possibilité à personne d'examiner ce

4 livre avant notre contre-interrogatoire.

5 Nous estimons que ceci est un summum d'iniquité, car s'agissant de ces

6 questions, la recevabilité est la question qui se pose à chaque fois. Vous

7 vous souviendrez, Monsieur le Président, que lorsque j'ai parlé de la

8 recevabilité, j'ai parlé d'un critère qui était la fiabilité. Ce que l'on

9 trouve en arrière-plan de cette discussion, c'est si oui ou non une

10 personne est apte, est en mesure de prendre connaissance d'un document et

11 de le connaître vraiment.

12 J'aimerais, si vous le voulez bien, revenir sur le

13 paragraphe 282 de l'arrêt Rutaganda que vous avez sous les yeux. Au début

14 du contre-interrogatoire de l'appelant : "L'Accusation présente à la

15 Chambre un document qui contient un certain nombre d'éléments papier

16 qu'elle a l'intention d'utiliser au contre-interrogatoire. Les trois

17 documents cités sont dans ce classeur, et n'ont pas été communiqués au

18 préalable à la Défense. La Chambre de première instance autorise

19 l'Accusation à les verser au dossier, mais afin de donner la possibilité à

20 l'appelant de se familiariser avec ces documents, elle remet à une date

21 ultérieure l'interrogatoire qui ne commencera que le lendemain."

22 Tout cela laisse de côté la question de la communication sur le principe et

23 de la recevabilité en tant que principe, même si la Chambre décidait qu'il

24 fallait accorder un certain temps au témoin qui, en l'espèce, et l'accusé

25 pour se familiariser avec le document, dans ce même rapport nous trouvons

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1 une question à ce point précis. "Il convient de ne pas perdre de vue que la

2 Chambre de première instance a accordé à l'appelant un temps suffisant pour

3 prendre connaissance des photographies, des articles de presse et des

4 articles d'association." Le fait est que cette possibilité ne lui a pas été

5 donnée en l'espèce. Voilà tout ce qui sous-entend l'arrêt dont nous

6 parlons.

7 J'aimerais à présent vous remettre le document que j'ai entre les mains.

8 Nous en avons un certain nombre de copies pour tout le monde. C'est la

9 décision Hadzihasanovic. Je ne sais pas si la Chambre et l'Accusation sont

10 en possession de ce document. Nous avons un exemplaire pour toutes les

11 parties.

12 Une modification a été apportée oralement. Elle est assez importante

13 d'ailleurs. Je suis en train de la chercher. Je vous prie d'excuser

14 l'absence de la numérotation des pages. On voit la page

15 12 524 qui commence au milieu de la page 6 de notre document, si je ne

16 m'abuse.

17 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Page 3 sur 8.

18 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui, je vous remercie.

19 La page suivante à la ligne 22, - non, il y a encore une différence de

20 présentation entre les deux documents que je compulse. Enfin, je cherche

21 une expression où on lit, "can not" en anglais "ne peut pas" au lieu de

22 "can only" "ne peut que." Enfin, je reviendrai sur ce point un peu plus

23 tard.

24 Ce que je voulais dire au sujet de cette décision de la Chambre dans

25 l'affaire Hadzihasanovic, apparemment, il y a trois exemplaires différents

Page 6112

1 de ce texte. Ce que cette source de droit déclare - et je sais bien qu'il y

2 aura plusieurs décisions analogues à celle-ci et absolument identiques à ce

3 que j'ai dit tout à l'heure - à savoir que la Chambre déclare qu'un délai

4 de 24 heures doit être respecté, moi, je ne demande pas que ce délai soit

5 de 24 heures. C'est la page

6 12 527. Il en est question à plusieurs endroits. Sur ma page, c'est à la

7 ligne 4. C'est là que l'appréciation de la crédibilité se fait. Afin de

8 prouver la crédibilité, il importe de communiquer - c'est en ligne 10 - le

9 document en question à la Défense en indiquant l'intention de l'Accusation

10 de l'utiliser, puis, la ligne 12, au moins 24 heures avant la comparution

11 d'un témoin de la Défense, et cetera. Par conséquent, ce n'est peut-être

12 pas une règle définitive ce délai de 24 heures. Ce qui ressort clairement

13 de la décision de la Chambre, très franchement, c'est que le témoin doit se

14 voir accorder cette possibilité. Le délai peut être de 24 heures, il peut

15 être d'une nuit, en tout cas, bien entendu, le délai ne sera pas le même si

16 le document est très volumineux ou s'il l'est un peu moins. Certains

17 documents peuvent être examinés en cinq minutes.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Dans cette décision --

19 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Il semble que le délai envisagé ait

21 été de 24 heures avant la comparution du témoin de la Défense.

22 M. MANSFIELD : [interprétation] Oui.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] J'ai lu rapidement les autres

24 décisions pertinentes. N'était-il pas question dans ces autres décisions de

25 24 heures avant le contre-interrogatoire ?

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1 M. MANSFIELD : [interprétation] Bien, la chose n'est pas tout à fait

2 claire. Si nous nous penchons sur l'autre source, à savoir, la décision

3 Rutaganda, et que l'on prenne en compte la réalité des faits, ce qui s'est

4 passé est tout à fait comparable, c'est-à-dire qu'on a donné la nuit au

5 témoin qui était déjà sur la chaise des témoins, qui témoignait déjà. Sa

6 déposition avait commencé. Tout ce que je dis, c'est qu'en dehors du

7 principe de la communication qui n'a pas été respectée, il faut tout de

8 même que le témoin ait la possibilité de se familiariser avec le document,

9 de l'examiner rapidement, et qu'un certain temps lui soit accordé à cette

10 fin, car il ne peut répondre à des questions s'il n'a pas eu la possibilité

11 de prendre connaissance du document. C'est tout ce que je demande. Si c'est

12 la nuit, je ne pense pas que Me Whiting finira aujourd'hui. Il faudrait au

13 moins qu'on puisse remettre au témoin un exemplaire du document pour qu'il

14 puisse y jeter un coup d'œil cette nuit. Nous disons que c'est un problème

15 d'équité.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Maître Mansfield.

17 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, je sais que vous ne

18 voulez pas qu'on joue à un match de tennis ici, --

19 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Le tournoi de Roland Garos a commencé

20 à France. Allez-y.

21 M. WHITING : [interprétation] J'aimerais dire deux petites choses. La

22 première, c'est au sujet de la communication. Je ne pense pas que ce

23 document aurait dû être communiqué en vertu du Règlement que ce soit au

24 titre de l'Article 66(A)(i) ou de l'Article 66(B) ou de l'Article 48.

25 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Je pensais que vous alliez parler de

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1 communication.

2 M. WHITING : [interprétation] Très bien. Si le document est remis au

3 témoin, je n'ai aucune objection à ce que M. Limaj en prenne possession, et

4 qu'il ait la possibilité cette nuit de lire ce document et d'y réfléchir.

5 Je ne pensais pas --

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Est-ce que cela peut se faire ? Est-ce

7 que vous avez l'intention d'accepter cette possibilité ?

8 M. WHITING : [interprétation] Non, ce n'était pas mon intention. Ce n'est

9 pas un problème de remettre le contre-interrogatoire à demain.

10 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Merci. Nous allons prendre

11 quelques instants pour examiner la question.

12 M. MANSFIELD : [interprétation] Monsieur le Président, est-ce que je

13 pourrais --

14 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Excusez-moi, Maître Mansfield, je ne

15 vous ai pas redonné la balle.

16 M. MANSFIELD : [interprétation] Non, non, c'était simplement une correction

17 assez importante que j'aimerais vous soumettre.

18 En page 4 de 8 de ce document. Il m'a fallu quelque temps pour retrouver le

19 passage, excusez-moi. En page 6, donc sur le total de 8, à la ligne 22,

20 nous lisons que : "Suite à l'application de ce principe, l'Accusation ne

21 peut que présenter" ses arguments au cours du contre-interrogatoire, ne

22 peut que soumettre ce document au cours du contre-interrogatoire. En fait,

23 la décision orale a permis d'amender, de corriger ce texte le 2 décembre

24 2004. Mais j'indique qu'il faut lire : "ne peut" qu'au lieu de "ne peut

25 pas." C'est un changement assez important. Nous avons un exemplaire de

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1 cette correction pour les Juges et pour tous ceux qui souhaitent en

2 disposer.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Très bien. Nous admettons cet

4 argument, Maître Mansfield. Nous suspendons quelque temps.

5 --- La pause est prise à 15 heures 04.

6 --- La pause est terminée à 15 heures 15.

7 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] La Chambre est d'avis qu'il ne peut y

8 avoir une objection de principe vis-à-vis de l'utilisation de ce document

9 dans le cadre du contre-interrogatoire. L'arrêt de la Chambre d'appel du

10 Tribunal dans l'affaire jugée par le Tribunal du Rwanda, à savoir l'affaire

11 Rutaganda, ainsi que la décision de la Chambre de première instance dans

12 l'affaire Hadzihasanovic et Kubura sont, nous semble-t-il, tout à fait

13 conformes à cette question de principe. Les arguments présentés dans

14 l'affaire Rutaganda semblent, en effet, tout à fait comparables à ceux qui

15 ont été présentés ici dans le cadre de la présentation de l'objection.

16 Il reste la question de savoir si des mesures spéciales devraient

17 être prises pour assurer l'équité dans cette affaire. Nous estimons qu'il

18 conviendrait en effet de prendre certaines mesures, et conscients des

19 indications fournies par M. Whiting quant au fait que la question ne sera

20 réglée que demain après-midi, nous pensons, pour le moment, que ce laps de

21 temps devrait suffire à garantir une entière équité pour le témoin.

22 Nous observons qu'une référence a été faite à une autre décision rendue par

23 la Chambre de première instance, Hadzihasanovic, qui a laissé entendre

24 qu'il conviendrait que des documents de cette nature soient mis à la

25 disposition du témoin avant l'entrée du témoin dans le prétoire. Nous

Page 6116

1 pensons que cette observation semble aller à l'encontre de la décision

2 rendue dans l'affaire Rutaganda. Si c'est une mesure qui est tout à fait

3 acceptable dans le cas particulier, ce n'est certainement pas une mesure

4 destinée à assurer le minimum d'équité nécessaire.

5 Par conséquent, nous pensons qu'un certain laps de temps doit être

6 accordé au témoin pour lui garantir une pleine et entière équité et lui

7 permettre de lire le document en question pendant la nuit. A cette fin, un

8 exemplaire de ce document devrait être remis à M. Limaj à la fin de

9 l'audience aujourd'hui.

10 Lorsque le contre-interrogatoire sera terminé, juste avant les

11 questions supplémentaires, nous pensons qu'il devrait pouvoir donner à son

12 conseil des indications claires quant à l'usage que celui-ci doit faire de

13 ce document. Si, en raison de ces instructions, il s'avère nécessaire de

14 modifier le calendrier de nos audiences, nous examinerons la question à ce

15 moment-là.

16 Je me résume, le document peut être utilisé dans notre affaire. Il sera

17 fourni à M. Limaj ce soir, à la fin de l'audience, de façon à ce qu'il

18 puisse l'examiner pendant la nuit, ou en tout cas, avant le début de

19 l'audience de demain. A la fin de son contre-interrogatoire, compte tenu du

20 fait que, selon les dispositions en vigueur, son conseil ne peut lui parler

21 pendant toute la durée de sa déposition, des dispositions ont été prises

22 pour lever cette contrainte, et à la fin du contre-interrogatoire il aura

23 la possibilité de donner ses instructions à son conseil, avant le début des

24 questions supplémentaires.

25 Nous allons commencer maintenant, Monsieur Whiting, le contre-

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1 interrogatoire.

2 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président. Mais je vous

3 demanderais, si vous me le permettez, si nous ne sommes pas arrivés au

4 terme de la période d'une heure et demie et s'il n'est pas nécessaire de

5 faire la pause.

6 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Non. Nous avons interrompu quelques

7 instants, mais cela n'a pas redémarré le calcul du temps. Dans 25 minutes,

8 30 minutes, nous allons faire la pause, puisque nous avons commencé avec un

9 léger retard.

10 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

11 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Peut-être pouvez-vous prévoir de

12 contre-interroger pendant une heure, pas plus.

13 M. WHITING : [interprétation] Je ferai de mon mieux, et mes collègues me

14 tireront par la manche si j'oublie l'heure.

15 LE TÉMOIN: FATMIR LIMAJ [Reprise]

16 [Le témoin répond par l'interprète]

17 Contre-interrogatoire par M. Whiting :

18 Q. [interprétation] Monsieur Limaj, je vais commencer là où vous avez

19 terminé à la fin de l'interrogatoire principal. En effet, vous avez dit à

20 la Chambre que vous aviez appris l'existence d'un acte d'accusation à votre

21 encontre émanant de ce Tribunal et que lorsque les médias vous ont

22 contacté, vous avez menti quant à l'endroit où vous vous trouviez. C'est

23 exact, n'est-ce pas ?

24 R. J'ai déjà dit pour quelles raisons j'avais adopté cette attitude à

25 l'égard des médias. J'ai déjà dit pourquoi je ne leur avais pas dit où je

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1 me trouvais. Je ne considère pas cela comme un mensonge.

2 Q. Pouvez-vous m'expliquer pourquoi le fait de dire à la presse que vous

3 étiez en Autriche ou en Italie ou ailleurs, alors qu'en fait vous étiez en

4 Slovénie, ne serait pas un mensonge ? En dehors des justifications que vous

5 avez avancées, cela n'était pas la vérité, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

6 R. Parce qu'après la guerre, j'ai fait de la politique et je sais comment

7 doivent se comporter les représentants officiels. Il y avait déjà des

8 contacts qui avaient démarré entre M. Steiner et le premier ministre, et je

9 ne voulais pas que les médias sachent où je me trouvais avant publication

10 d'une déclaration officielle. Car je savais que des représentants des

11 médias viendraient à mon hôtel pour m'interroger. C'était la première fois

12 qu'un acte d'accusation était dressé contre un ancien membre de l'UCK au

13 Kosovo.

14 Q. Parce que vous ne vouliez pas que les médias viennent à votre hôtel, ou

15 en tout cas, parce que vous dites que vous ne vouliez pas que les médias se

16 rendent à votre hôtel, vous avez menti quant à l'endroit où vous vous

17 trouviez, n'est-ce pas ?

18 R. J'ai déjà dit qu'à mon avis, ceci ne peut être considéré comme un

19 mensonge, contrairement à ce que vous semblez faire. A mon avis, c'était

20 simplement une démarche personnelle de ma part. Je ne souhaitais pas dire

21 aux médias où je me trouvais à ce moment-là, car je pensais que c'était

22 préférable dans mon intérêt et dans l'intérêt de l'évolution politique.

23 Q. Monsieur Limaj, vous ne leur avez pas dit que vous refusiez de leur

24 dire où vous étiez. Vous ne leur avez pas dit : "Je refuse de vous dire où

25 je suis." Mais vous leur avez dit quelque chose qui n'était pas la vérité,

Page 6119

1 n'est-ce pas ?

2 R. Monsieur le Procureur, j'ai dit la vérité aux personnes à qui j'étais

3 censé dire la vérité, à savoir aux représentants du secrétaire général des

4 Nations Unies dont dépend d'ailleurs votre bureau. Pour moi, ceci est plus

5 important que de dire aux médias où je me trouvais. M. Steiner savait où je

6 me trouvais. Votre bureau le savait également. Le premier ministre du

7 Kosovo le savait, et c'est ceux qui, à mes yeux, avaient de l'importance.

8 Q. Etes-vous en train de dire, dans votre déposition, que vous considérez

9 que selon votre intérêt personnel, vous pouvez décider de dire la vérité à

10 certains et de ne pas la dire à d'autres ? Est-ce bien ce que vous affirmez

11 dans votre déposition, Monsieur Limaj ?

12 R. Non, ce n'est pas ce que je dis. Mais je me suis efforcé de respecter

13 les principes du travail officiel. Car j'étais un représentant officiel du

14 parlement du Kosovo, représentant d'un parti politique, et c'est la raison

15 pour laquelle je me suis plié à cette logique.

16 Q. Vous étiez un représentant officiel depuis l'an 2000 à peu près, n'est-

17 ce pas, d'après ce que vous avez dit dans votre déposition ?

18 R. Non, pas depuis 2000; depuis la fin de 1998. En 1998 et 1999, j'étais

19 peut-être moins en vue en tant que représentant officiel, mais à partir de

20 1999, et surtout depuis le démarrage des stations de télévision au Kosovo,

21 j'ai toujours été disponible pour les médias.

22 Q. Mais depuis 1998, est-ce que votre habitude a consisté à ne pas dire la

23 vérité ?

24 R. Non, non pas du tout. Je crois pouvoir dire que j'ai été l'une des

25 personnes les plus transparente, et ce en permanence à l'égard des médias.

Page 6120

1 D'ailleurs, on peut le vérifier auprès des médias du Kosovo, tant auprès

2 des médias de langue albanaise que des autres. Je ne pense pas qu'il y ait

3 jamais eu quelqu'un de plus transparent dans ses contacts avec les médias.

4 Je ne pense pas qu'il y ait quelqu'un qui dise davantage la vérité aux

5 médias que moi. Je donne toujours aux médias mon point de vue personnel et

6 le point de vue de mon parti, et vous pouvez vérifier cela auprès des

7 médias écrits et télévisuels.

8 Q. Donc, vous vous efforcez de dire la vérité aux médias.

9 R. Toujours. Toujours.

10 Q. J'aimerais vous ramenez à 1996, date à laquelle vous avez adhéré à

11 l'UCK. Je crois que vous avez dit, dans votre déposition, que vous étiez

12 entré dans les rangs de l'UCK en août 1996; c'est bien cela ?

13 R. Oui.

14 Q. Vous y êtes entré avec Rexhep Selimi.

15 R. Je n'y suis pas entré avec lui. Ce que j'ai dit, c'est que j'étais

16 entré à l'UCK grâce à Rexhep Selimi. J'ai dit que mon premier contact a été

17 avec Rexhep Selimi.

18 Q. Rexhep Selimi était membre du Grand état-major.

19 R. Rexhep Selimi, d'après ce que j'ai entendu, était membre du Grand état-

20 major. Il était membre à part entière de ce Grand état-major au mois de

21 novembre. Mais j'ai entendu dire qu'il en était membre au mois de mars,

22 lorsque nous sommes revenus de Suisse. C'est à ce moment-là qu'il s'est

23 présenté en tant que représentant du Grand état-major. Mais en tant que

24 membre officiel de cet état-major, j'ai découvert la chose au mois de

25 novembre.

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1 Q. Il l'était en mars 1998, n'est-ce pas ?

2 R. Il y a une différence entre représentant du Grand quartier général,

3 porte-parole, et membre à part entière. Il était représentant du Grand

4 quartier général au mois de mars.

5 Q. Vous avez dit mars, mais c'est mars 1998, n'est-ce pas ?

6 R. Oui. A ce moment-là, il était représentant du Grand quartier général.

7 Q. Le premier jour de votre déposition, on vous a interrogé au sujet

8 de l'année 1996 et de ce qui s'est passé après votre entrée dans les rangs

9 de l'UCK, au moment où vous avez participé à des actions de guérilla. Vous

10 avez répondu que vous n'en aviez pas eu l'occasion à ce moment-là. C'est

11 bien ce que vous affirmez dans votre déposition, n'est-ce pas ?

12 R. Oui, s'agissant de cela.

13 Q. En 1997, vous êtes allé en Suisse ?

14 R. Oui.

15 Q. Vous avez dit dans votre déposition que vous n'aviez pas eu de contact

16 avec l'UCK au cours de votre séjour en Suisse. C'est bien ce que vous

17 affirmez dans votre déposition, n'est-ce pas ?

18 R. J'aimerais m'expliquer, Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

19 Juges. Les gens qui avaient des contacts avec l'UCK, je parle de ceux qui

20 recueillaient de l'argent pour l'UCK, étaient nombreux en Suisse. Mais à

21 mon avis, ils n'étaient pas membres de l'UCK à part entière, ceux qui

22 étaient en Suisse. C'est ce que je voulais dire.

23 Q. Vous n'avez pas reçu d'instructions de l'UCK pendant toute cette

24 période. C'est ce que vous affirmez dans votre déposition ?

25 R. Non.

Page 6122

1 Q. Vous affirmez dans votre déposition n'avoir eu aucun contact avec votre

2 patrie ni avec le mouvement populaire du Kosovo lorsque vous étiez en

3 Suisse. Mais vous ne dites pas ne pas avoir eu de contact avec l'UCK. Vous

4 secouez la tête. Est-ce que c'est une réponse affirmative ?

5 R. Oui, c'est exact.

6 Q. Est-ce que vous vous rappelez ce qui s'est passé dans l'UCK en novembre

7 1997 ?

8 R. Que voulez-vous dire ?

9 Q. Lorsque l'UCK est devenue publique, si je peux m'exprimer ainsi, durant

10 des funérailles.

11 R. Oui, certainement, certainement.

12 Q. Est-ce que vous vous rappelez qui était enterré ce jour-là ?

13 R. Bien sûr, je me rappelle.

14 Q. Pourriez-vous nous le dire ?

15 R. Monsieur le Président, Madame, Messieurs les Juges, en novembre 1997,

16 au moment d'un match de foot, il y a eu un affrontement entre une unité de

17 la guérilla, c'est-à-dire une unité de l'UCK, du village, et les forces

18 serbes. Pendant la fusillade, les forces serbes ont tué un instituteur du

19 village, Halil Geci; c'était son nom, si je ne me trompe pas. Cet homme a

20 été enterré deux jours plus tard, et de nombreux habitants du village

21 participaient à ses funérailles. C'était la première fois que trois membres

22 de l'UCK sont apparus devant la population réunie pour lire une déclaration

23 ou un discours.

24 Q. L'un d'eux était Rexhep Selimi.

25 R. Oui, mais nous ne l'avons su que plus tard.

Page 6123

1 Q. Monsieur Limaj, vous souvenez-vous avoir eu une interview lors de l'été

2 2000 qui est un élément de preuve dans cette affaire ?

3 R. Non, je n'ai pas eu d'interview.

4 Q. Vous n'avez pas eu d'interview pendant l'été 2000 ?

5 R. Mais de quelle interview parlez-vous? J'ai eu beaucoup d'interviews.

6 J'ai eu des interviews avec les télévisions et avec les journaux.

7 Q. Il s'agit d'une interview à la télévision et qui était un élément de

8 preuve dans cette affaire. Il s'agit de la pièce P36. On l'a déjà utilisée

9 dans cette affaire. Est-ce que vous vous souvenez avoir répondu à des

10 questions concernant l'UCK ?

11 R. Je crois que je vous ai déjà dit que j'ai donné beaucoup d'interviews

12 et je ne vois pas de laquelle vous parlez. Bien sûr, au cours de toutes les

13 interviews, je parlais de l'UCK.

14 Q. Bien. Je vais vous dire exactement de quelle interview il s'agit.

15 Pouvons-nous regarder l'extrait numéro 4 qui commence à la page 6 de la

16 pièce de l'Accusation P36. Je crois qu'il faut que nous passions à l'écran

17 pour cela.

18 Q. Monsieur Limaj, je vous demande d'écouter avec attention.

19 [Diffusion de cassette vidéo]

20 L'INTERPRÈTE : [voix sur voix]

21 "C'est intéressant. En 1996, nous souhaitions mener une opération. C'était

22 une objection -- c'était notre droit, et j'attendais que le nouveau

23 ministre de l'ordre public Rexhep Selimi vienne. Nous avions décidé d'un

24 moment, et nous avions décidé d'un endroit dans le village. Je l'attendais

25 à cet endroit où nous devions nous retrouver. D'après la conversation qui

Page 6124

1 avait lieu chez le coiffeur, la discussion concernant l'UCK à l'époque, on

2 en parlait très peu chez le coiffeur. Ensuite, ils ont commencé à discuter

3 entre eux de combien il y avait de Serbes, combien il y avait de Serbes qui

4 tuaient des gens pour quelles raisons.

5 "Bien sûr, au cours de ce débat, quelqu'un m'a demandé à moi

6 directement ce que je pensais de cette armée. Il m'a demandé à moi, parce

7 que j'habitais à Pristina, et que peut-être que je savais plus que lui. La

8 nature de nos opérations était très secrète. Il était très difficile pour

9 moi de dire quoi que ce soit. J'ai trouvé une réponse à lui faire. Je lui

10 ai dit : Bien, si les Serbes inventent tout cela, c'est bon pour nous. En

11 fait, si ce sont les Serbes qui font réellement les choses dont on parle,

12 il nous faut supporter cela, parce que c'est à eux-mêmes qu'ils font du mal

13 en faisant cela.

14 "Interviewer : C'est très vrai, puisque le 26 novembre, c'est la

15 première fois que l'UCK organisait -- qu'une organisation de l'UCK a été

16 lancée.

17 "Que pensez-vous de l'affaire Mitrovica ?

18 "Fatmir Limaj : Les conditions pour les réussites de l'UCK, ou plutôt

19 du commandement militaire, tout au long de guerre, étaient telles qu'à

20 certains moments, elle était capable de passer d'une phase d'action à une

21 phase de non action au moment le plus opportun."

22 [Fin de la diffusion de cassette vidéo]

23 M. WHITING : [interprétation]

24 Q. Dans cet entretien, Monsieur Limaj, vous dites qu'en 1996, vous

25 attendiez que Rexhep Selimi mène une opération. Vous avez secoué la tête,

Page 6125

1 vous voulez dire oui, n'est-ce pas ? Est-ce que cela était vrai qu'en 1996

2 cela a eu lieu ?

3 R. J'ai dit que je n'étais pas présent lors de cette action militaire.

4 Cela prouve exactement ce que j'ai dit tout à l'heure, que Rexhep Selimi,

5 je lui ai donné l'occasion et pas simplement à lui, Rexhep Selimi mais à

6 toute l'armée, d'utiliser ma maison dans mon village pour différentes

7 raisons. Lors de cette interview, Rexhep Selimi était chez moi, et je l'ai

8 reçu. Ils arrivaient d'une opération et je les ai accueillis chez moi.

9 C'était l'aide que j'apportais à l'UCK. Cela prouve tout ce que je vous ai

10 dit jusqu'à maintenant. Vous m'avez demandé si j'avais participé

11 directement à cette opération, je vous ai dit : "Non." La réponse est que

12 je n'ai pas participé directement à cette action.

13 Q. Monsieur Limaj, vous dites dans cette interview, qu'à un moment en

14 1996, vous étiez prêt à mener cette opération. Est-ce qu'il s'agit -- et

15 que vous attendiez Rexhep Selimi, est-ce que cela que vous dites dans votre

16 témoignage ?

17 R. Monsieur le Procureur, j'ai dit : Si vous voulez faire une différence,

18 c'est votre problème. J'ai toujours dit que je commençais à faire partie de

19 l'UCK à partir du mois d'août. Quoique j'aie dit, j'en ai toujours fait

20 partie. Pour répondre directement à votre question pour savoir si j'ai

21 participé aux opérations, la réponse est non. Mais j'ai reçu Rexhep Selimi

22 et ses amis chez moi. C'est de cette manière que j'ai apporté ma

23 contribution même si ce n'était pas une contribution directe.

24 Q. Que disiez-vous lorsque vous disiez : "Nous étions en train d'essayer

25 de nous préparer pour mener une opération." Est-ce que c'est cela que vous

Page 6126

1 vouliez dire quand vous avez dit ce que je viens de citer ?

2 R. Je vous ai dit ce que je voulais dire. Je pense que cela est clair.

3 Même dans l'interview c'est clair. Vous pouvez l'interpréter comme vous

4 voulez. Je crois que cela est très clair, très direct.

5 Q. C'est au Tribunal de décider. Vous avez dit également, pendant cette

6 interview, que vous n'étiez pas à Ludoviq parce que vous aviez été envoyé

7 en mission en Suisse, parce que c'était une mission qui vous avait été

8 donnée par l'état-major général, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

9 R. Oui. Ceux d'entre nous qui travaillaient pour notre patrie pensaient

10 qu'il était bon de réunir des fonds. Ce que je veux dire par là, c'était

11 qu'il s'agissait d'une activité permanente. Tous les activistes qui

12 levaient des fonds en Suisse et dans les autres pays occidentaux le

13 faisaient, bien sûr, au nom de l'état-major général et de l'état-major

14 central.

15 Q. Monsieur Limaj, vous avez dit dans votre témoignage, la semaine

16 dernière, devant cette Chambre de première instance et encore aujourd'hui,

17 que vous ne voyez pas confier de tâche à des missions par l'état-major

18 général en Suisse, et que vous n'étiez pas en contact avec l'état-major

19 général. Là, dans cet entretien, vous dites que l'état-major général vous

20 avait confié une mission. Alors, quelle est la vérité, Monsieur Limaj ?

21 R. La vérité est ce que je vous dis maintenant, Monsieur.

22 Q. Dans cette interview vous avez menti. S'agit-il de votre témoignage

23 devant cette Chambre ?

24 R. Je ne crois que vous avez devant vous quelqu'un qui ment.

25 Q. La Chambre de première instance en décidera. S'agit-il de la seule

Page 6127

1 réponse que vous souhaitez me faire ?

2 R. Je pense qu'il faut laisser aux Juges le soin de décider de cette

3 question.

4 Q. Vous ne dites pas qu'est-ce que vous avez dit dans cette interview

5 était vrai ? Vous n'êtes pas en mesure de dire cela ?

6 R. Je ne vous dis pas que cela n'est pas vrai. Ce que j'essayais de vous

7 expliquer, c'est que dans l'interview, j'ai dit qu'une mission m'avait été

8 confiée par l'état-major général, parce qu'à l'époque, c'était comme cela

9 que je voyais les choses, que c'était une mission qui m'était confiée par

10 l'état-major. Parce que quand nous quittions le Kosovo, nous travaillions

11 conjointement avec les gens qui travaillaient pour le Kosovo. Nous faisions

12 tout au nom de l'état-major. Lorsque j'ai dit qu'une mission m'avait été

13 confiée par l'état-major, c'est ce que je voulais dire en fait. C'est ce

14 que je dis maintenant.

15 Q. Vous voulez dire que ces deux affirmations sont vraies. Ce que vous

16 avez dit dans cette interview et ce que vous nous dites ici aujourd'hui ?

17 R. J'essaie de vous expliquer, que les choses dans le contexte général

18 pour vous expliquer, ce qu'en réalité je voulais dire, ce que je pensais

19 lorsque j'ai dit ce que j'ai dit au sujet d'une mission qui m'avait été

20 confiée par l'état-major général.

21 Q. Ce que vous vouliez dire dans votre première interview est que vous

22 vouliez que les gens pensent que cela était vrai, et non que vous n'aviez

23 pas de rapport avec l'UCK. Ici, devant le Tribunal, vous voulez que ceux

24 qui vous écoutent pensent que cela n'était pas vrai. Cela n'est-il pas

25 vrai, Monsieur Limaj ?

Page 6128

1 R. Non. Non, c'est le contraire. Monsieur le Président, Madame et Monsieur

2 les Juges, avant-hier, j'ai dit que j'ai reçu un message de Rexhep Selimi

3 au cours de l'année 1997 après une opération. Il suivait mes activités et

4 il voulait que je continue mon activité à travers la cause de la patrie.

5 C'était une sorte d'approbation de la part de M. Selimi de ce que je

6 faisais là-bas, parce que j'avais montré mes capacités, j'avais fait la

7 preuve de ma capacité à mener des actions à l'avenir.

8 J'ai quitté le Kosovo, et j'ai travaillé avec l'association pour la

9 patrie. C'est ce qui s'est passé. C'est ce que je vous ai dit les jours

10 précédents. Je ne pense pas que le Procureur puisse dire que je veux que

11 les citoyens pensent cela parce que les citoyens connaissent très bien mon

12 curriculum vitae. J'ai déclaré, de manière très ouverte, ce que j'étais et

13 ce que je faisais. Lors de cette interview qui était donnée aux médias

14 étrangers, j'ai fait la même chose. Il faut se souvenir de cela.

15 Ce que j'essayais de faire, c'était de prouver une certaine

16 continuité entre notre organisation, parce que cette interview n'était pas

17 pour les médias locaux; elle était pour d'autres, et je voulais que les

18 citoyens soient fiers de nous.

19 Q. En d'autres termes, vous dites que vous disiez une certaine chose aux

20 médias étrangers, et d'autres au peuple du Kosovo. Est-ce que c'est ce que

21 vous nous dites, Monsieur Limaj ?

22 R. Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.

23 Q. C'est l'impression que j'avais.

24 R. C'est peut-être l'impression que vous aviez mais cela n'est pas le cas.

25 Q. Monsieur Limaj, est-ce qu'à présent votre déposition est qu'au départ

Page 6129

1 vous avez dit que vous pensiez que votre mission vous a été confiée par

2 ceux qui défendaient votre patrie, et d'une certaine manière vous était

3 confiée par l'UCK. A présent, vous nous dites que cette lettre de Rexhep

4 Selimi était une sorte de mission, d'appel, qu'il vous confiait une mission

5 au nom de l'état-major ? S'agit-il de votre témoignage ?

6 R. Je pense que la question est assez longue. Je ne suis pas sûr de quelle

7 réponse vous faire en premier.

8 Q. Je vais reposer ma question, Monsieur Limaj. Au départ, vous pensiez

9 que vous travailliez au nom de la patrie, et que d'une certaine manière,

10 c'était une mission qui vous était confiée par l'UCK. Maintenant, vous nous

11 dites que - et c'est ce que j'essaie -- c'est la question sur laquelle je

12 voudrais que vous répondiez - c'est que vous avez reçu une lettre de Rexhep

13 Selimi, et que vous dites que cette lettre était une mission qui était

14 officiellement confiée par l'état-major.

15 R. La façon que vous avez de décrire les choses est différente de ce que

16 je vous dis. C'est peut-être ce que vous essayez de me faire dire. J'ai

17 reçu un message de M. Selimi après avoir quitté le Kosovo et être allé en

18 Albanie après les événements. J'ai reçu un message de lui sous la forme de

19 salutations qui me disaient également ce que je devais faire, qui était de

20 continuer à faire ce que vous faites, continuer à nous envoyer de l'argent

21 parce que nous avons besoin d'argent. Vous pouvez interpréter cela comme

22 vous le souhaitez.

23 Q. Ce que je vous demande --

24 R. Il s'agissait simplement de salutations amicales et une reconnaissance

25 de ce que je faisais en Suisse.

Page 6130

1 Q. Il ne s'agissait pas d'une mission qui vous était confiée, oui ou non,

2 Monsieur Limaj ?

3 R. Je vous ai dit ce que je voulais vous dire. Je n'ai pas d'autres

4 réponses à vous faire.

5 Il s'agissait simplement d'un encouragement pour le bon travail que

6 nous effectuons. Où que nous allions pour rassembler de l'argent, nous

7 disions aux gens qui étaient exilés, c'est-à-dire, le peuple du Kosovo, la

8 diaspora, nous leur disions que nous rassemblions des fonds au nom de

9 l'état-major.

10 Q. La vérité est, Monsieur Limaj, qu'il était -- que tout dépendait de à

11 qui vous parliez, et que la vérité que vous disiez était différente suivant

12 la personne à qui vous parliez.

13 R. Non, ce n'est pas vrai, Monsieur le Procureur.

14 M. WHITING : [interprétation] Je pense que je vais passer à un autre sujet,

15 et qu'il serait bon de faire la pause à présent.

16 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous allons faire une pause et

17 reprendre à 16 heures 10.

18 --- L'audience est suspendue à 15 heures 49.

19 --- L'audience est reprise à 16 heures 14.

20 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Monsieur Whiting.

21 M. WHITING : [interprétation] Oui. Merci, Monsieur le Président.

22 Q. Monsieur Limaj, repartons vers le passé. Vous avez dit que dès 1990, il

23 n'y avait pas une seule personne qui ne suivait pas l'évolution de la

24 situation au Kosovo de façon très proche, n'est-ce pas ?

25 R. C'est ce que je pense. Je pense que cela a été le cas pour la majorité

Page 6131

1 des Albanais.

2 Q. Vous avez dit dans votre témoignage qu'en 1996, à l'époque où vous avez

3 rejoint l'UCK, que vous avez pris connaissance à ce moment-là du fait que

4 des communiqués étaient publiés par l'UCK.

5 R. Ce que j'ai dit c'est que j'ai commencé à connaître l'UCK avant les

6 communiqués, et c'était en 1995 ou 1996. C'est à ce moment-là que j'ai

7 entendu parler de l'UCK pour la première fois.

8 Q. Je m'excuse, je vous repose la question : vous avez su qu'il existait

9 des communiqués avant que vous ayez rejoint l'UCK, n'est-ce pas ?

10 R. Oui. Grâce aux quotidiens. Je crois qu'il y avait un ou deux

11 communiqués qui étaient publiés; je ne suis pas sûr. Je crois qu'avant que

12 je m'engage dans l'UCK, il y avait deux communiqués qui étaient publiés

13 dans la presse quotidienne, et cela, c'était avant que moi-même je fasse

14 partie de l'UCK.

15 Q. Lorsque vous êtes allé en Suisse, par la suite, vous avez continué à

16 vous intéresser à ce qui se passait au Kosovo ?

17 R. Oui.

18 Q. Vous avez lu les communiqués qui ont été publiés en 1997 ?

19 R. Oui.

20 Q. Vous saviez que l'UCK se voyait comme une armée de libération et non

21 pas comme une organisation terroriste, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

22 R. Oui.

23 Q. Vous saviez que l'UCK voyait les Serbes comme étant les terroristes.

24 R. Non. Je ne crois pas qu'elle voyait les Serbes comme des terroristes,

25 mais voyait le régime Milosevic comme une force d'occupation, un régime

Page 6132

1 d'occupation. Une force d'occupation qui exerçait la violence. Je ne crois

2 pas que le terme "terroristes" ne puisse être utilisé dans ce contexte. Je

3 pense que le terme d'occupation serait un terme plus approprié. Nous nous

4 sommes toujours battus contre la terreur serbe.

5 Q. Vous saviez que l'UCK parlait du régime d'occupation comme des

6 terroristes, n'est-ce pas ?

7 R. C'est ce que j'ai dit, des terroristes, un régime barbare. Il y avait

8 différents termes utilisés, pas seulement par l'UCK, mais par la majorité

9 des Albanais qui utilisaient ces différents termes.

10 Q. Vous saviez que l'UCK cherchait un soutien international pour sa cause,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Oui.

13 Q. Pour obtenir ce soutien international, l'UCK devait prouver que ce

14 n'était pas une organisation terroriste, mais une armée organisée

15 régulière, n'est-ce pas ?

16 R. Non. L'UCK voulait plutôt prouver qu'il s'agissait d'une force de

17 libération, pas seulement vis-à-vis de la communauté internationale, mais

18 également vis-à-vis de la communauté dans le pays lui-même, qu'il

19 s'agissait d'une armée de libération.

20 Q. Pas seulement --

21 R. D'une armée qui libère.

22 Q. Pas seulement une armée militaire, mais également une armée bien

23 organisée ?

24 R. Cela est devenu un objectif de l'UCK plus tard, celui de se présenter

25 comme une armée organisée. Mais à ce moment-là --

Page 6133

1 Q. Il s'agissait d'un des objectifs de l'UCK de devenir une organisation

2 organisée, de façon à ce qu'elle puise obtenir un soutien international,

3 n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

4 R. Je pense que les choses étaient différentes à l'époque. A ce moment-là,

5 il y avait le risque, Monsieur le Président, que l'UCK soit appelée une

6 organisation terroriste, et à ce moment-là, on ne pouvait pas appeler une

7 organisation terroriste simplement sur le fondement de son organisation. Il

8 y a des organisations terroristes qui sont bien organisées. A ce moment-là,

9 ce que l'UCK cherchait à faire, c'est que les activités n'avaient rien à

10 faire avec des activités terroristes; c'est ce que j'ai dit. Mais comme je

11 l'ai dit tout à l'heure, il y a des organisations terroristes qui sont bien

12 organisées.

13 Q. Vous vouliez prouver au monde que l'UCK était une armée qui avait le

14 soutien de la population, n'est-ce pas ?

15 R. Tout dépend de quelle période vous parlez, Monsieur le Procureur.

16 Q. Alors, je vais être plus précis. Après Prekaz, l'UCK avait le soutien

17 de la population ?

18 R. Après Prekaz, oui. C'est à ce moment-là que cela a commencé.

19 L'événement à Prekaz est la clé de ce qui s'est passé après.

20 Q. Il s'agissait d'un moment où les choses ont changé.

21 R. Exactement. Je crois que Prekaz est le moment où tout a changé.

22 Q. Cela a eu lieu au début du mois de mars, n'est-ce pas ?

23 R. Est-ce que vous pourriez répéter la question, s'il vous plaît.

24 Q. Prekaz, cela a eu lieu au début du mois de mars 1998 ?

25 R. Oui. Cela a eu lieu le 5, 6 et 7 mars, après les événements à Qirez et

Page 6134

1 Likoshan qui, eux-mêmes, ont eu lieu, si je ne me trompe pas, les 28 et 29

2 février.

3 Q. Vous saviez également que l'UCK voyait la politique d'Ibrahim Rugova

4 comme un échec, n'est-ce pas ?

5 R. Pendant cette période, les choses étaient assez confuses. Il est vrai

6 que l'UCK, à ce moment-là, a appelé à l'unité parce que l'organisation

7 avait comme objectif d'être populaire, d'avoir le soutien de la population.

8 Mais la situation était confuse parce que l'UCK, à ce moment-là, était un

9 petit groupe et avait, pour ce moment-là, l'objectif de rester une

10 organisation clandestine. Nous ne pensions pas qu'elle devait devenir

11 publique.

12 Q. Monsieur Limaj --

13 R. -- au départ.

14 Q. Je vais vous interrompre parce que je n'ai pas l'impression que vous

15 répondiez à la question. La question était : l'UCK pensait que la méthode

16 de Rugova était un échec, n'est-ce pas ?

17 R. L'UCK pensait, effectivement, que les tentatives politiques, jusqu'à ce

18 moment-là, avaient échoué et qu'il fallait trouver une autre solution.

19 Q. Les tentatives politiques, pour que les choses soient claires, étaient

20 les tentatives faites par Ibrahim Rugova, n'est-ce pas ?

21 R. Elles n'étaient pas faites par Ibrahim Rugova, mais elles étaient

22 soutenues à l'initiative de plusieurs organismes politiques différents.

23 Ibrahim Rugova n'était que l'un de ces organes politiques.

24 Q. Mais il était un de ceux qui faisait ces tentatives et peut-être celui

25 qui était le plus en vue. Mais l'UCK estimait que ses tentatives avaient

Page 6135

1 échoué, n'est-ce pas ?

2 R. Pour vous faire un tableau clair, je pense qu'il faut un peu clarifier

3 les choses. On peut dire qu'à ce moment-là, Ibrahim Rugova était celui qui

4 défendait cette politique.

5 Q. Vous pensiez, vous-même également, que la méthode adoptée par M. Rugova

6 était un échec, n'est-ce pas ? Vous, vous-même ?

7 R. Je ne pensais pas cela, mais c'était très visible à chaque étape. Je

8 pensais que cela ne pouvait pas amener un changement concret pour le

9 Kosovo. Ces messages étaient également reçus par la communauté

10 internationale.

11 Q. Je n'ai pas compris votre réponse. Vous avez dit : "Non, je ne pensais

12 pas," et ensuite vous avez dit : "Il me semble que c'était visible." Donc,

13 est-ce que vous pensez qu'il s'agissait d'un échec ou pas, Monsieur Limaj ?

14 R. La réponse n'était peut-être pas claire, mais ce que je voulais dire,

15 c'est que c'était ce que je pensais et c'était ce qui était évident.

16 Q. Merci. Vous pensiez également que l'UCK avait comme politique de cibler

17 les gens qui étaient soupçonnés de collaborer, n'est-ce pas ? Vous le

18 saviez ?

19 R. Oui, l'UCK cherchait à cibler ceux qui travaillaient pour la police

20 serbe et pour les services secrets. Il y a eu un communiqué à ce sujet.

21 Q. Vous souvenez-vous de quel communiqué il s'agit ?

22 R. Pour vous dire la vérité, je ne suis pas sûr, mais je crois que ce

23 communiqué à été publié en 1996 ou peut-être plus tard. Je ne me souviens

24 pas de la date.

25 Q. Nous allons examiner les communiqués et nous allons voir si nous

Page 6136

1 trouvons celui dont vous parlez. Mais je ne suis pas sûr que je sache

2 duquel vous parlez. Les collaborateurs de l'UCK, et je vous cite : "sont

3 ceux qui sont des inspecteurs de l'UDB, ou de la police, ou des personnes

4 qui sont directement engagées dans des opérations comprenant meurtres,

5 assassinats, tentatives d'assassinat, diverses actions criminelles, telles

6 que des violations du droit, l'emprisonnement de personnes, et des

7 opérations menées de manière permanente." S'agit-il de comment vous avez

8 défini les collaborateurs; tel que l'UCK définissait les collaborateurs,

9 n'est-ce pas ?

10 R. Oui, c'est comme cela que j'ai dit les choses.

11 Q. A partir du début de 1997, Jakup Krasniqi faisait partie de l'état-

12 major de l'UCK.

13 R. Je ne le savais pas. La première fois que j'ai vu Jakup Krasniqi en

14 tant que membre, en tant que porte-parole de l'UCK et de son état-major,

15 est lorsqu'il l'a fait de manière publique. Je ne le savais pas avant et je

16 ne le connaissais même pas personnellement.

17 Q. Donc, le 14 juin 1998, vous saviez qu'il faisait partie de l'état-major

18 général ?

19 R. Oui. Il s'agissait du porte-parole de l'état-major, et normalement il

20 faut être membre de l'état-major pour pouvoir en être son porte-parole.

21 Q. Vous avez également dit dans votre témoignage qu'après le 14 juin, vous

22 voyiez Jakup Krasniqi régulièrement. Est-ce que vous vous souvenez d'avoir

23 dit cela ?

24 R. Oui. Après le 14 juin, je le voyais très fréquemment lorsqu'il venait à

25 Klecka. J'allais d'ailleurs plus tard; plusieurs fois, je suis allé chez

Page 6137

1 lui. Une fois, je l'ai vu à Kroimire. Oui, j'ai dit que je le voyais

2 fréquemment.

3 Q. En fait, vous avez dit que vous le voyiez à peu près un jour sur deux à

4 partir du 14 juin.

5 R. Oui, oui. Lorsqu'il était à Klecka, je le voyais. Ensuite, je l'ai vu

6 également à Divjak. Ce que je voulais dire, c'est Klecka, et Divjak aussi.

7 Je le voyais pratiquement tous les jours. Mais il n'habitait pas à Divjak

8 ou Klecka. Il se déplaçait. Mais pendant qu'il était à Klecka, à Divjak,

9 dans sa base, oui, je le voyais régulièrement.

10 Q. Vous avez dit également que vous alliez le voir pour lui poser des

11 questions que vous aviez à lui poser. Je vous cite, c'est-à-dire que vous

12 lui demandiez "d'avoir plus d'information exacte." S'agit-il de votre

13 témoignage, Monsieur Limaj ?

14 R. Oui, cela a eu lieu pour la première fois officiellement lorsque j'ai

15 pu m'adresser directement à l'état-major de l'UCK, à son représentant. Je

16 pensais que, grâce à lui, par son intermédiaire, tout pouvait être résolu,

17 parce qu'après le 29 mai, comme je l'ai dit, les événements ont fait

18 changer la réalité.

19 Q. Vous avez dit, et je cite vos propres termes, qu'il s'agissait de "la

20 personne la plus compétente avec laquelle nous pouvions discuter

21 directement des questions." Il s'agit des termes que vous avez utilisés

22 lors de votre deuxième jour de déposition. Vous opinez du chef.

23 Il définissait les collaborateurs de façon très différente de la vôtre, tel

24 que vous l'avait fait devant cette Chambre. Il définissait les

25 collaborateurs comme des personnes qui pouvaient causer du tort au pays. Il

Page 6138

1 disait, et je cite : "un collaborateur est une personne qui est

2 préjudiciable à l'UCK, lorsque cette personne donne des informations sur

3 les déplacements de l'UCK au régime de Belgrade."

4 C'est ainsi qu'il définissait les collaborateurs, Monsieur Limaj. C'est ce

5 que vous pensiez, vous aussi, n'est-ce pas ?

6 R. Non. Les faits prouvent que cela n'est pas le cas. Les faits prouvent

7 ce que je disais. Si ce que vous dites est vrai, l'UCK n'aurait jamais eu

8 le soutien d'une telle partie aussi large de la population et elle aurait

9 pu devenir une organisation terroriste.

10 Je pense que ce que j'ai dit devant la Chambre à ce sujet est clair.

11 Q. Est-ce que vous dites qu'il y a une opinion différente de celle de

12 l'UCK et de celle de M. Krasniqi, et que leur façon de voir les choses,

13 l'UCK et M. Krasniqi, concernant les collaborateurs, n'était pas juste ?

14 R. Je vous dis que j'ai vu ce qu'avait fait l'UCK, et c'est ce que j'ai

15 vu. Concernant M. Krasniqi et ce qu'il a pu dire, ses déclarations peuvent

16 être confuses.

17 Q. M. Krasniqi a également dit, à un autre moment au cours de sa

18 déposition, qu'il avait parlé de "collaborateurs de l'ennemi qui étaient

19 nombreux au Kosovo dans les sphères économiques et politiques ainsi que

20 dans les sphères culturelles et dans le domaine de la sécurité." Là encore,

21 c'est une définition beaucoup plus large de ce qu'est un collaborateur que

22 celle que vous avez présentée ici au cours de votre déposition, n'est-ce

23 pas, Monsieur Limaj ?

24 R. Oui, il y a une différence en effet. Mais je crois qu'il faut que les

25 choses soient parfaitement claires. Vous me demandez si la cible de l'UCK,

Page 6139

1 entre autres, était les collaborateurs, ceux dont j'ai parlé ici, ceux que

2 j'ai décrit comme étant des personnes ayant collaboré avec les Serbes. Mais

3 ceux qui avaient travaillé avec les Serbes, ils étaient autres que les

4 collaborateurs. C'est en tout cas la vision que j'avais.

5 Q. Mais la question que je vous pose, c'est de savoir si l'opinion qui

6 était la vôtre était différente de celle de l'UCK.

7 R. Non. Non, elle n'était pas différente, je vous le certifie. Sur la base

8 des actions concrètes menées par l'UCK, je ne dis pas ici qu'aucune erreur

9 n'a été commise, mais les actions engagées par l'UCK en 1996 et en 1997.

10 Les faits correspondent à ce que j'essaie de raconter ici. Quelques erreurs

11 ont pu être commises, mais l'UCK avait des instructions claires sur les

12 personnes à cibler au travers de ces communiqués. Je pense que nous avons

13 suivi la logique de l'UCK qui correspond tout à fait à la mienne.

14 Q. Cette réponse m'amène à vous poser d'autres questions. D'abord, vous

15 avez dit que l'UCK a suivi cette approche, cette démarche au cours de 1996-

16 1997. Vous n'avez pas parlé de 1998. Quelque chose a changé en 1998 ?

17 R. Non.

18 Q. Les choses étaient les mêmes en 1998, d'après vous ?

19 R. J'ai parlé de 1996, parce que c'est à ce moment-là que je me suis formé

20 cette opinion, cette vision. J'y ai vu des choses qui m'ont permis de

21 former l'opinion que j'ai aujourd'hui. C'est pour cela que j'ai fait

22 référence à 1996 et en 1997. C'est à ce moment-là que l'UCK a eu affaire à

23 ces individus. Bien sûr, ceci s'est poursuivi en 1998 et en 1999 en ce qui

24 concerne la politique menée par l'UCK. Peut-être que certaines personnes

25 ont commis des erreurs. Mais il est impossible de dire qu'il s'agissait de

Page 6140

1 la politique de l'UCK. Parfois l'UCK, l'état-major général a commis des

2 erreurs. Evidemment, on ne peut pas le nier, mais là, je parle en termes

3 généraux.

4 Q. Simplement pour que les choses soient tout à fait claires, vous êtes en

5 train de dire que la politique de l'UCK consistait à cibler les

6 collaborateurs qui œuvraient activement au profit de la police serbe ou UDB

7 en 1996, 1997 et 1998. C'est ce que vous avancez.

8 R. J'ai dit que les cibles de l'UCK en 1996, 1997 et 1998, étaient des

9 gens; peut-être pas en 1996 seulement, mais peut-être même encore avant.

10 Des gens qui participaient activement à des violations, des enlèvements,

11 des meurtres et des massacres indirects commis par les Serbes.

12 Q. Vous avez également dit, il y a quelques instants, que l'UCK avait des

13 instructions claires quand aux personnes à cibler par le biais de

14 communiqués. Affirmez-vous que ces instructions claires étaient transmises

15 par le biais des communiqués ou par tout autre moyen ?

16 R. J'ai dit, Madame et Messieurs les Juges, qu'au moyen de ces

17 communiqués, l'UCK avaient présentés d'une manière claire ses objectifs et

18 son approche, ainsi qu'au travers des opérations menées sur le terrain au

19 cours du meurtre de ces inspecteurs. Par conséquent, au travers des

20 communiqués, il était possible de saisir qui étaient les cibles des actions

21 menées par l'UCK.

22 Q. Lorsque vous parlez "d'instructions claires", vous faites seulement

23 référence aux communiqués, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

24 R. Oui. Oui, seulement aux actions concrètes observables sur le terrain.

25 Q. M. Kranisqi qui a témoigné ici et qui l'auteur d'un certain nombre de

Page 6141

1 ces communiqués, a déclaré qu'à aucun moment dans ces communiqués une

2 définition du terme de collaborateur n'a été proposée. C'est vrai, n'est-ce

3 pas, Monsieur Limaj ?

4 R. Monsieur, j'essaie d'expliquer les choses. Si vous me demandez si les

5 communiqués contenaient une explication ou une définition spécifique des

6 personnes à tuer et des personnes à épargner, je vous répondrais que c'est

7 faux. Les communiqués prouvaient qu'un collaborateur ou un inspecteur avait

8 été tué en raison de ses activités. Autre chose, dans la région dans

9 laquelle vivait cet individu, les citoyens le connaissaient bien, savaient

10 particulièrement bien qui il était, car si tel n'avait pas été le cas, la

11 population aurait riposté, aurait protesté contre son assassinat. C'est la

12 raison pour laquelle je vous affirme que les communiqués ne contenaient pas

13 de déclarations écrites à cet effet.

14 Q. En d'autres termes, vous êtes en train de dire que l'UCK comptait sur

15 des personnes, sachant qui les individus dont le nom était mentionné dans

16 les communiqués étaient, et savaient que ces individus travaillaient pour

17 la police ou pour l'UDB, parce que ceci n'était jamais dit explicitement

18 dans les communiqués, qu'ils avaient travaillé pour la police et l'UDB,

19 n'est-ce pas ?

20 R. Vous avez les communiqués sous les yeux. Il est dit que la personne

21 tuée avait été un inspecteur de l'UDB, qui avait pris part à un certain

22 nombre de meurtres, de rafles. Voilà les informations. Je n'ai rien d'autre

23 à vous dire pour vous expliquer qu'Enver Bajgora avait été tué. Un

24 inspecteur de police avait été tué, je ne sais plus où, et il y a d'autres

25 exemples de ce type. Cela, c'est un exemple concret qui montre quelles

Page 6142

1 étaient les activités de cette personne.

2 Q. Y avait-il eu d'autres exemples à partir des communiqués ?

3 R. Oui. Un autre homme qui, si je ne m'abuse, a été blessé et qui avait

4 manifestement participé à des tentatives d'assassinat de personnalités

5 politiques, à des massacres. L'un de mes collègues au Kosovo, je l'ai

6 entendu ici, Sabri Hamiti a été blessé par cette personne ainsi qu'un

7 autre, Enver Maloku qui a été tué. Lufti Havazi avait préparé Sabri Hamiti,

8 universitaire éminent. Là aussi ce meurtre a été perpétré par lui. Il y a

9 eu des blessures infligées à d'autres personnes dont on parle encore au

10 Kosovo, puis il y a d'autres exemples.

11 Q. Lesquels, par exemple ? Est-ce que les communiqués ont identifiés

12 quelqu'un, un inspecteur de la police de l'UDB qui aurait été tué

13 précisément pour cette raison ?

14 R. J'ai du mal à me souvenir de tout le monde, Monsieur le Président, à

15 part de Lufti Havazi, Zymer Zymeri peut-être aussi, tentative d'assassinat

16 qui a échoué. Lui, a également participé directement à la préparation de ce

17 type d'opération contre ces gens qui restent disparus. Le témoignage donné

18 par l'inspecteur de l'UDB, je l'ai lu ce témoignage, et il montre tout

19 cela. Il y a de nombreux exemples que je ne connais peut-être pas, parce

20 que les activités de l'UDB, comme nous l'avons vu même ici, ces activités

21 restaient confidentielles. Certains savaient ce qui était fait mais

22 d'autres pas. Le bureau du Procureur aurait pu nous apporter les dossiers

23 pertinents afin de voir qui étaient ces gens; ces gens qui ont participé

24 directement à ce type d'opération. Je ne cite, moi, que quelques cas de

25 notoriété publique, des exemples concrets qui montrent quelle était la

Page 6143

1 tendance et quelle était la direction à suivre et la direction qui a été

2 suivie. Je répète, je ne dis pas qu'aucune erreur n'a été commise.

3 Q. Monsieur Limaj, êtes-vous en train de dire que dans un certain nombre

4 de cas des collaborateurs ont été tués parce qu'ils étaient membres de la

5 police mais que ceci était secret ?

6 R. Non, non. La plupart d'entre eux, ceux qui ont été assassinés, avaient

7 mené des actions concrètes. Je parle d'autres gens dont nous ignorons

8 toutes les activités, qui ont participé à un certain nombre d'opérations,

9 mais nous ne pouvons pas connaître toute leur identité comme avec Lufti

10 Havazi. Le public du Kosovo n'a pas eu connaissance de ces activités. C'est

11 la première fois que j'ai entendu parler du meurtre de Lufti Maloku ici. De

12 nombreuses personnes au Kosovo, à ce jour, ignorent qui est responsable de

13 cet assassinat. Je pense que l'UCK savait ce qu'elle faisait dans ces cas

14 concrets puisqu'elle a mené ce type d'opérations ciblant ces individus.

15 Q. Ceci est totalement faux, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ? Parlons de

16 Ramiz Hoxha et Selman Binici. Vous savez qu'ils ont été tués par l'UCK le 2

17 octobre 1998, n'est-ce pas ?

18 R. Oui.

19 Q. Ramiz Hoxha était de Bellanice ?

20 R. Oui.

21 Q. Selman Binici était de Banje, n'est-ce pas ?

22 R. Oui.

23 Q. Le 2 octobre 1998, ces deux villages relevaient de la zone de

24 responsabilité de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?

25 R. Pouvez-vous répéter la question, s'il vous plaît, la dernière partie de

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1 la question ?

2 Q. Le 2 octobre 1998, Bellanice et Banje relevaient de la responsabilité

3 de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?

4 R. Monsieur le Président, nous étions en cours de restructuration de la

5 brigade dans différents secteurs. C'était également vrai de la 121e

6 Brigade. Ce secteur, effectivement, a fait partie de la zone d'action et de

7 responsabilité de cette brigade. Comme vous l'avez dit, c'est exact.

8 Q. La réponse est donc oui, n'est-ce pas ?

9 R. Oui, oui, effectivement. Ils devaient effectivement relever de la

10 responsabilité de la 121e.

11 Q. Excusez-moi. Relevait-il de sa responsabilité ou ceci n'était pas

12 encore le cas, n'était-il pas encore le cas ?

13 R. Excusez-moi. Je vais essayer de m'expliquer. Ils relevaient

14 effectivement de la 121e Brigade. Après l'offensive du mois d'août, comme

15 je vous l'ai déjà dit, les soldats, les membres, ou en tout cas, les

16 structures de l'UCK ont été revisitées. Il y avait les unités à Bellanice,

17 Blace. Nous avons dû restructurer ces unités puisque certaines ont dû

18 déposer leurs armes et ont dû se retirer. Nous avons dû restructurer l'UCK

19 dans ces secteurs, dans les secteurs où la police serbe poursuivait ses

20 activités.

21 Q. Je suis désolé. Le 2 octobre 1998, plusieurs mois plus tard, ces

22 villages relevaient de la 121e Brigade. Vous êtes en train d'acquiescer. En

23 réalité, - permettez-moi de vous poser une autre question avant de

24 répondre. En fait, le fils de Ramiz Hoxha, Enver Hoxha était soldat au sein

25 de la 121e Brigade, n'est-ce pas ?

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1 R. C'est ce sur quoi je souhaitais apporter une clarification. Les unités

2 qui étaient restées, qui étaient déjà là depuis longtemps étaient en cours

3 de reformation, et le secteur auquel vous faites référence demeurait sous

4 le contrôle des Serbes. Il était impossible d'opérer à Blace ou à Bellanice

5 ou ailleurs encore, parce que les forces serbes étaient à Malisheve et à

6 Duhle. Ils se déplaçaient constamment le long de cette ligne. A ce moment-

7 là, c'était un secteur qui n'était pas contrôlé par l'UCK.

8 Q. Il est passé aux mains, ou plutôt ce secteur relevait, n'est-ce pas, de

9 la zone d'intervention de la 121e Brigade ou la zone qui intéressait la 121e

10 Brigade, n'est-ce pas ? Bien. Ramiz Hoxha et Selman Binici n'oeuvraient pas

11 pour la police serbe ou pour l'UDB, n'est-ce pas ?

12 R. Monsieur le Président, je peux parler de Selman Binici. C'est un ami à

13 moi. Nous nous connaissions depuis l'école, nous sommes de la même

14 génération. J'avais de bons contacts avec lui. Je les ai maintenus même

15 après l'école. Il m'a aidé à plusieurs reprises financièrement entre

16 autres. Nous n'étions pas seulement amis d'école, mais je me rendais dans

17 sa famille pour lui rendre visite et l'inverse était également vrai. Je

18 n'ai jamais entendu dire que Binici était collaborateur pour les Serbes.

19 Même lorsqu'il a été tué, je n'ai pas entendu dire qu'il avait été

20 collaborateur. Quant à

21 M. Hoxha, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, je vous ai

22 déjà dit que j'ai grandi à Bellanice. En d'autres termes, j'y avais de la

23 famille, et je connaissais la plupart des gens de ce village. Ramiz, je le

24 connaissais parce qu'il était un neveu dans ce village. Non, non, non, il

25 n'a jamais été membre de la police.

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1 Q. Avant son exécution le 2 octobre, il faisait partie de neuf hommes qui

2 représentaient son village dans le cadre de négociations de paix avec les

3 autorités serbes après l'offensive serbe, n'est-ce pas ?

4 R. Je n'en sais rien. Peut-être qu'ils étaient neuf, douze, treize, peut-

5 être que Ramiz faisait partie de ce groupe. J'ai entendu parler de cela en

6 tout cas, oui.

7 Q. Le 2 octobre, ils ont été enlevés alors qu'ils étaient dans le village.

8 Ils ont été emmenés sur une route puis exécutés. Vous acquiescez, n'est-ce

9 pas ? Bien. Ramiz Hoxha a été coupé sur la partie droite de son visage, et

10 on lui a tiré dans la poitrine. Selman Binici a vu son crâne brisé, n'est-

11 ce pas ?

12 R. Ce n'est pas exact. J'ai vu deux des corps. Monsieur le Président, ce

13 n'est pas exact. La raison pour laquelle j'ai vu ces corps, ces cadavres,

14 c'est parce que je me trouvais là aussi au bord de la route, là ou se

15 trouvaient ces cadavres. Ce n'est pas exact de dire qu'ils étaient dans

16 l'état que vous dites. J'ai juste vu qu'on leur avait tiré dessus avec une

17 arme à feu.

18 Q. C'est tout. C'est tout ce que vous nous dites, qu'on leur a tiré dessus

19 avec une arme à feu ?

20 R. Ce que j'ai dit, c'est que je n'ai rien vu d'autre mis à part le fait

21 qu'ils avaient été exécutés. Je n'ai pas vérifié et examiné leurs cadavres.

22 Dans la position où ils se trouvaient, ils n'avaient rien d'autre sur eux

23 que des traces de balles. Je n'ai rien vu d'autre. Je n'ai rien vu de ce

24 que dit M. le Procureur. Je ne sais pas ce qu'ont révélé les examens

25 ultérieurs. Peut-être que je me trompe, mais ce que j'ai vu, c'est ce que

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1 je viens de dire et rien de plus.

2 Q. Avez-vous examiné de près ces cadavres, Monsieur Limaj ?

3 R. Pour vous dire la vérité, Monsieur le Procureur, la situation était

4 très tendue et nous étions tous en état de choc, et dans un tel état on

5 peut oublier certaines choses. Je pense qu'un parent proche de Ramiz a

6 retourné son cadavre, si je ne m'abuse, c'est ce qu'elle a fait.

7 J'aimerais, une nouvelle fois, dire que je n'ai pas observé ce dont vous

8 avez parlé. Je ne les ai pas vus.

9 Q. Il y a une note concernant ces cadavres dans la pièce P184. La note --

10 il y avait une note, pardon, qui a été laissée près des cadavres. Cette

11 note a été versée au dossier. Il s'agit de la pièce P184. Sur cette note il

12 était dit : "Que ceci avait été -- cette note provenait de l'armée de

13 Libération du Kosovo, du centre de la police secrète, et que c'était un

14 ordre d'exécution pour la collaboration avec les envahisseurs, pour la

15 propagande anti-albanaise et pour la propagation du sentiment de peur, de

16 panique et de haine au nom du peuple albanais et au nom de notre garde de

17 libération. Nous condamnons Ramiz Hoxha à la mort car c'est un traître pour

18 notre nation. Le même sort sera réservé à tous les autres traîtres.

19 Monsieur Limaj, n'est-il pas vrai que l'on considérait comme collaborateur

20 ceux qui oeuvraient pour la police serbe ?

21 R. Vous ne pouvez pas donner de réponses, Monsieur le Procureur, sans

22 entendre tout ce qui est dit sur ces deux individus et sans entendre ce que

23 j'ai à en dire. La lettre dont vous venez de donner lecture, je l'ai vue,

24 je l'ai vue près des cadavres de ces deux personnes. C'était un document

25 rédigé de manière très peu ordinaire, sans doute par quelqu'un peu

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1 instruit. Ecoutez ma réponse, écoutez ma réponse jusqu'au bout. Ecoutez ce

2 que j'ai entendu dire sur cet incident. Parce que c'est aussi dans mon

3 intérêt d'éclaircir un certain nombre de choses dans cette affaire, parce

4 qu'il existe de nombreuses spéculations -- éléments spéculatifs.

5 Q. Toute votre réponse m'intéresse, Monsieur Limaj, mais ceci, n'est-ce

6 pas, a été signé par l'UCK ?

7 R. Oui, oui.

8 Q. Vous nous avez également dit qu'aucun de ces hommes ne travaillait pour

9 la police ?

10 R. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais entendu dire que ces deux personnes

11 étaient pour la vérité. Jusqu'à ce jour-là, je n'avais jamais entendu dire

12 que ces deux hommes étaient des collaborateurs ou des membres de toute

13 unité de police serbe quelle qu'elle soit. Je ne sais pas ce qu'il en est

14 des autres, mais pour Ramiz, parce qu'il avait travaillé en Slovénie

15 pendant un certain temps. Pour M. Binici, je le connaissais. Il était là, à

16 l'endroit où j'ai passé la nuit lorsque j'ai fui les forces serbes. Si vous

17 vous en souvenez bien, j'ai dit que j'avais passé la nuit dans une famille

18 --

19 Q. Vous êtes en train de passer à autre chose. Je vous demanderais de bien

20 vouloir rester concentré sur le sujet qui nous intéresse. Ce que vous avez

21 dit plus tôt, n'est-ce pas, c'est qu'il n'était pas exact de dire que les

22 collaborateurs étaient seulement les gens qui travaillaient pour le compte

23 de la police; c'est cela ?

24 R. Vous ne comprendrez pas ma réponse à cette question sans l'écouter

25 jusqu'au bout. J'aimerais vous donner des détails.

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1 Q. Pourquoi ne pas répondre, puis nous donner une explication ?

2 R. Parce que les choses que j'ai entendues dire un peu plus tard ont

3 montré que ces deux individus étaient impliqués dans une affaire en

4 particulier, en tout cas, ce sont les informations que j'ai obtenues, parce

5 que cette affaire m'intéressait tout particulièrement. Je pense qu'il est

6 important que les Juges sachent que je cherchais à savoir ce qui s'était

7 passé, en tout cas, pour M. Binici. Je voulais savoir ce qui lui était

8 arrivé et par intérêt personnel, j'ai cherché à obtenir des informations

9 complètes que je juge importantes et que je pense devoir partager avec

10 vous.

11 Q. Je vous donnerai l'occasion de le faire en temps opportun, mais vous

12 n'avez pas appris par la suite qu'ils avaient travaillé pour le compte de

13 la police serbe, n'est-ce pas ?

14 R. Par la suite, j'ai entendu parler d'une affaire très grave qui a un

15 lien direct avec la police serbe. Je tiens à souligner ici que j'ai entendu

16 parler de cela, et il est important que j'en parle ici.

17 Q. Avant de nous fournir cette explication, voyons comment l'UCK a décrit

18 la manière dont ces individus ont été tués.

19 M. WHITING : [interprétation] Là encore, il s'agit d'éléments qui se

20 trouvent dans deux pièces distinctes, la première est la pièce P184, car il

21 y a eu des communiqués de presse, un article, plusieurs même, dont

22 notamment la date du 5 novembre 1998. Je vais citer Koha Ditore et

23 l'article qui a été publié. C'est maintenant sur l'écran. Dans la

24 traduction, la date est fausse. Il ne s'agit pas du 5 septembre comme il

25 est dit ici, mais du 5 novembre comme on le voit dans l'original.

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1 Il est dit, je lis ce communiqué : "D'après les services d'information de

2 l'UCK et son directoire, dans le cadre de leurs activités contre la guerre

3 de libération menée par l'UCK, les personnes susmentionnées ont mené des

4 actions de propagande afin que les armes soient déposées en coopération

5 avec les collaborateurs, Selman Binici du village de Banje, et Ramiz Hoxha

6 de Bellanice. Exécutés plus tôt par l'UCK. Ainsi qu'accusés d'avoir agi en

7 coordination, et ce depuis longtemps, avec Agim Krasniqi, membre de la

8 présidence la LDK, également connu par les services d'information de l'UCK

9 en tant qu'instigateur d'actes de guerre contre l'UCK, et fondateur de la

10 police du Kosovo en faveur de l'autonomie."

11 Il n'y a rien qui parle ici de Selman Binici comme ayant été membre de la

12 police serbe, n'est-ce pas ? Vous secouez la tête.

13 R. C'est exact.

14 Q. Ils n'ont pas été exécutés parce qu'ils oeuvraient pour le compte de la

15 police serbe, n'est-ce pas ?

16 R. Excusez-moi, mais c'est important. Ceci a trait avec d'autres éléments.

17 C'est la raison pour laquelle je pense qu'il est important que vous

18 m'écoutiez jusqu'au bout. C'est ce que j'ai essayé de vous dire et c'est la

19 raison pour laquelle ils ne disent pas concrètement ce qui a mené à ce qui

20 s'est passé.

21 A l'époque, j'exerçais une pression constante sur l'état-major

22 général afin d'obtenir des informations expliquant l'assassinat de ces

23 individus, parce que c'étaient des gens que je connaissais bien. Ils se

24 trouvaient sur le terrain. Le meurtre a été connu sur le terrain relevant

25 de la responsabilité de ma brigade. Nous voulions savoir ce qui se passait.

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1 Nous avions établi une ligne que nous souhaitions voir couverte par la

2 brigade et il était de notre intérêt de savoir ce qui se passait.

3 M. MANSFIELD : [interprétation] Excusez-moi. On lui a promis la possibilité

4 de donner son explication.

5 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Tout à fait, Maître Mansfield. J'en

6 suis parfaitement conscient et j'attends. Je pense qu'on ne peut pas dire,

7 à ce stade, que cette possibilité lui soit refusée.

8 M. WHITING : [interprétation]

9 Q. Monsieur Limaj, pourquoi ne pas nous expliquer ce que vous avez appris.

10 R. Oui, bien sûr. Madame, Messieurs les Juges, peut-être serait-il bon,

11 pour la protection de leurs familles, que nous passions en audience à huis

12 clos partiel. En ce qui me concerne, cela ne me dérange pas de prendre la

13 parole en audience publique, mais certains noms vont être mentionnés. Or,

14 ceci est très important parce que ceci porte sur une question de viol et

15 peut-être donc qu'il serait bon de passer en audience à huis clos partiel.

16 Si vous ne le jugez pas nécessaire, je peux, bien sûr, en parler en

17 audience publique.

18 M. WHITING : [interprétation] Je ne sais pas ce qui nous attend. Je pense

19 qu'il serait prudent que nous passions effectivement en audience à huis

20 clos partiel.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Audience à huis clos partiel.

22 M. LE GREFFIER : [interprétation] Nous sommes à huis clos partiel.

23 [Audience à huis clos partiel]

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18 [Audience publique]

19 M. WHITING : [interprétation]

20 Q. Monsieur Limaj, vous dites dans votre déposition que lorsque vous avez

21 discuté avec Sokol Bashota, Rexhep Selimi, Kadri Veseli et tous les autres

22 membres du Grand quartier général, ce ne sont pas ces hommes qui vous ont

23 expliqué les raisons de l'assassinat. Mais vous dites que vous avez appris

24 les motifs de l'assassinat de la bouche de quelqu'un d'autre, à savoir de

25 ce Mensur Zyberi, originaire de Rahovec. Est-ce que c'est bien ce que vous

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1 dites dans votre déposition ?

2 R. Non. J'ai dit que lorsque je suis allé voir les membres du Grand

3 quartier général, je leur ai demandé de m'expliquer si ces hommes avaient

4 été tués par l'UCK. L'UCK devrait, dans ce cas, assumer ses

5 responsabilités, autrement nous nous trouverions face à des problèmes de

6 principe.

7 Q. Elle a assumé la responsabilité de cela, n'est-ce pas ? Ce n'est pas

8 exact ? Est-ce qu'elle a assumé cette responsabilité dans son communiqué ?

9 R. A ce moment-là, Sokol et Kadri m'ont dit que nous allions enquêter, que

10 nous allions voir ce qui s'était passé. Ensuite, il y a eu la parution de

11 ce communiqué du Grand quartier général, une fois que les renseignements

12 ont été obtenus.

13 Q. Dans votre déposition, vous dites que ce communiqué a été publié pour

14 couvrir les véritables raisons du meurtre. C'est bien ce que vous dites

15 dans votre déposition ?

16 R. Oui. Comme je l'ai déjà dit, c'était un problème très sensible. Nous ne

17 souhaitions pas que les Albanais soient taxés de personnes capables de

18 faire des choses pareilles face aux forces serbes. C'était humiliant pour

19 l'UCK d'être présentée comme cela dans le communiqué, et ils ont pensé que

20 c'était ce qu'il y avait de mieux à faire.

21 Q. La note qui a été laissée à côté du cadavre, elle ne faisait pas partie

22 de cette opération de couverture ? Parce qu'elle a été laissée sur place au

23 moment de l'assassinat.

24 R. Oui. J'ai vu la situation de mes yeux. C'est vrai.

25 Q. Comme vous le dites, cela s'est passé au sein de votre brigade. Est-ce

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1 que vous avez fait quelque chose, en dehors de parler aux membres du Grand

2 quartier général ? Est-ce que vous avez entrepris quelque chose pour

3 enquêter ?

4 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, après avoir reçu les

5 renseignements que j'ai reçus et dès lors que le Grand quartier général a

6 assumé la responsabilité de tout cela, j'ai considéré que l'affaire était

7 close parce que je ne pouvais rien faire de plus. Ce n'était pas ma

8 responsabilité. Je savais que cet acte n'avait pas été commis par mes

9 hommes donc il n'y avait rien que je puisse faire et j'ai considéré que

10 l'affaire était close.

11 Q. Mais c'était un acte commis par des soldats de l'UCK qui étaient dans

12 votre zone, n'est-ce pas ?

13 R. Cela n'a pas été commis dans ma zone de responsabilité. Ce que je

14 dirais, c'est que les gens ont été enlevés sur mon territoire, mais emmenés

15 sur un autre territoire.

16 Q. Oui, je vois, parce qu'ils ont été enlevés sur votre territoire et

17 assassinés ailleurs, vous estimiez que vous n'aviez pas besoin d'enquêter.

18 C'est bien cela ? Vous n'aviez plus de problèmes, aucun souci ?

19 R. Non, non, non, bien au contraire. Je pense vous avoir dit que j'ai

20 toujours fait mon travail. J'ai posé des questions parce que ces personnes

21 venaient de mon territoire. Si je n'avais pas fait ce que j'ai fait, peut-

22 être que ce qui s'est passé ne se serait pas passé. Le Grand quartier

23 général a accepté d'assumer la responsabilité de cet acte, et j'ai estimé

24 que je n'avais plus rien à faire.

25 Q. Mais vous avez dit --

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1 R. C'est simplement parce que ces personnes venaient de mon

2 territoire que je me suis enquis de la situation.

3 Q. Vous avez dit --

4 R. Je ne pouvais rien faire de plus à ce moment-là, Monsieur le Président,

5 Madame, Monsieur les Juges.

6 Q. Est-ce que vous êtes allé parler aux familles ?

7 R. Oui.

8 Q. Vous y êtes allé ?

9 R. Oui, oui, j'y suis allé.

10 Q. A qui avez-vous parlé dans ces familles?

11 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, si je ne me trompe

12 pas, c'était le lendemain. Oui, oui, je pense effectivement que c'était le

13 lendemain. Je suis allé voir la famille de Binici. J'ai rencontré ses

14 frères et ses parents. Nous avons discuté. Ils m'ont demandé ce qui s'était

15 passé, mais personne ne savait rien. Je leur ai dit ce qui est, c'est-à-

16 dire que je ne savais absolument rien. Son père m'a demandé si je savais si

17 son fils avait fait quelque chose de mal. J'ai répondu que non, pour autant

18 que je sache. Vous savez, j'étais son ami, donc j'ai formulé mes

19 condoléances parce que la famille était voisine de la maison de Selman.

20 C'étaient deux maisons mitoyennes.

21 Q. Monsieur Limaj, une fois que vous avez découvert les renseignements que

22 vous a fournis Mensur Zyberi de Rahovec, est-ce que vous êtes retourné voir

23 les familles de Ramiz Hoxha ou de Selman Binici pour voir si ce que vous

24 aviez appris était éventuellement vrai ?

25 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, une fois que le

Page 6158

1 Grand quartier général a assumé ses responsabilités quant à cet événement,

2 je ne suis plus retourné voir les familles.

3 Q. Personne n'est retourné voir les familles ?

4 R. Non, non, pas autant que je sache.

5 Q. Personne n'a donc enquêté au sujet de ces présomptions ?

6 R. J'ai fait ma partie du travail, comme je vous l'ai dit, et je ne

7 pouvais rien faire de plus.

8 Q. Vous ne pouviez pas faire plus que cela ou vous avez choisi de ne pas

9 faire plus que cela ?

10 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, vous ne savez pas

11 quelle était la situation en septembre 1998 au Kosovo, dans ce secteur en

12 particulier. La confusion la plus extrême régnait suite à l'offensive de

13 septembre. Il était impossible de se déplacer. Je pense que c'est seulement

14 à la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre que pour la

15 première fois j'ai pu aller en visite dans ma famille, après tous les

16 événements du mois d'août. C'était, comme je l'ai dit, la confusion la plus

17 extrême.

18 Q. Je vous interromps parce que vous parlez de vous encore une fois et je

19 souhaite que vous parliez de ces familles. Personne n'est donc allé voir

20 ces familles pour parler avec elles. Un an plus tard, le fils de Ramiz,

21 Fadil Hoxha a publié un article dans un journal en disant qu'il n'y avait

22 jamais eu de procès, qu'il n'y avait jamais eu d'audience ou la moindre

23 procédure de quelque nature que ce soit. Ceci figure également au dossier

24 de la présente affaire. Il s'agit de la pièce à conviction P184. Elle est

25 annexée à la déclaration préalable d'Enver Hoxha. C'est vrai, il n'y a

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1 jamais eu d'enquête, n'est-ce pas, ni au moment des faits, ni un an plus

2 tard, jamais ?

3 R. Non, jamais, en tout cas pas que je sache. Ce que je sais, c'est ce que

4 je vous ai dit.

5 Q. La vérité, Monsieur Limaj, c'est que ces hommes ont été tués pas pour

6 les raisons que vous avez indiquées aux Juges de la Chambre, mais parce que

7 pour une raison ou pour une autre, ils étaient considérés comme manquant de

8 loyauté à l'UCK, n'est-ce pas cela qui est la vérité ? C'est bien cela qui

9 était écrit sur la note laissée à côté des cadavres et dans l'article de

10 presse. C'est la raison pour laquelle ils ont été tués, Monsieur Limaj,

11 n'est-ce pas ?

12 R. Non. Je n'admets pas cela, car les raisons qui me poussent à faire

13 confiance à ce qu'on m'a dit au moment des faits sont beaucoup plus

14 nombreuses pour moi. Donc, je ne peux pas admettre ce que vous venez de

15 dire. Vous dites qu'il n'y a pas eu d'enquêtes, et je vous ai dit tout ce

16 que j'ai appris à l'époque. Ces personnes étaient originaires d'une autre

17 région, et je n'avais pas la moindre raison de soupçonner que quelqu'un

18 leur voulait du mal. C'est pour cela que j'ai cru ce qu'on m'avait dit.

19 Parce que c'étaient des gens qui venaient d'une autre région. Si ces

20 personnes avaient été de notre région, j'aurais pu envisager d'autres

21 motifs sous-jacents, mais là, il s'agissait de gens qui étaient d'ailleurs.

22 La personne qui m'a dit cela, m'a dit ne pas les connaître, et m'a dit ce

23 qu'elle avait vu de ses yeux. En tout cas, c'est ce que cet homme m'a dit.

24 C'est la raison pour laquelle je l'ai cru.

25 Q. Jetons un coup d'œil aux communiqués puisqu'ils ont été mentionnés à

Page 6160

1 plusieurs reprises.

2 M. WHITING : [interprétation] Je demande que l'on fournisse au témoin la

3 pièce P48 et P49, et que la P48 lui soit remise en grand format.

4 Ceci, c'est la pièce P48. J'aimerais qu'on remette au témoin la pièce

5 P49 également, parce que je crois que dans la pièce P49 il y a une

6 traduction.

7 Je vais vous remettre la première page.

8 Je vous demanderais de consacrer votre attention d'abord à la

9 première page de la pièce P49. C'est un communiqué qui est en anglais et

10 qui date du 20 mai 1997. Il s'agit du numéro ERN 003855 [comme interprété].

11 J'ai la traduction albanaise sous les yeux. Elle ne figure pas à la pièce

12 P48, donc j'aimerais qu'on la remette au témoin.

13 Q. Monsieur Limaj, ce communiqué qui est le communiqué

14 numéro 33 date du 20 mai 1997. C'est bien le communiqué publié au moment où

15 vous étiez en Suisse, n'est-ce pas ?

16 R. J'ai besoin de quelques instants pour le lire.

17 Q. Je vais me concentrer sur la deuxième phrase qui se lit comme suit :

18 "Dans un communiqué destiné à la presse, le communiqué numéro 33, faxé aux

19 médias, l'UCK a déclaré avoir tué Hetem Dobruna du village de Llozice à

20 Klina un peu plus tôt ce mois-ci, parce que -- en raison de sa

21 collaboration notoire et ouverte avec les autorités d'occupation serbe."

22 Alors, il n'est rien dit dans ce communiqué au sujet du fait que cet homme

23 travaillait pour la police service ou de l'UDB, n'est-ce pas ?

24 R. Cela ne signifie pas qu'il ne travaillait pas pour eux. A mon avis,

25 cela ne prouve rien. Je pense que vous avez les moyens de prouver qui est

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1 cet homme et de savoir si cela est vrai ou pas.

2 Q. Monsieur Limaj, vous avez témoigné un peu plus tôt en disant qu'il y

3 avait dans les communiqués des instructions claires de l'UCK.

4 R. Oui.

5 Q. Or, dans ce communiqué nous ne trouvons aucune instruction claire.

6 R. Il n'y en a peut-être pas dans celui-ci, mais vous avez les autres

7 communiqués qui contiennent de telles instructions. Vous les avez au nombre

8 des éléments de preuve. Il y en a des communiqués nombreux de cette nature.

9 Q. Regardons d'autres communiqués.

10 M. WHITING : [interprétation] Je vais regarder le numéro 35. En anglais, le

11 numéro ERN est 0038554. Il s'agit d'un communiqué qu'on trouve dans la

12 pièce P49, et en version albanaise, c'est en haut de la page 607 [comme

13 interprété].

14 Q. Vous voyez les numéros en haut des pages, Monsieur Limaj ? L'Huissier

15 pourrait peut-être vous apporter son aide. U0081607. On lit : Koha Ditore,

16 8 août 1997.

17 R. Qu'est-ce que vous avez dit, 607 ?

18 Q. Oui, le numéro ERN se termine par 607 en version albanaise, en haut à

19 gauche. Le communiqué se lit comme suit, je cite : "Sur décision du comité

20 central de l'UCK réuni les 3 et 4 août, nos unités de guérilla ont mené à

21 bien trois opérations armées contre les occupants et leurs collaborateurs."

22 Là encore, rien n'est dit au sujet du fait que les hommes pris pour

23 cibles travaillaient pour la police ou pour l'UDB, n'est-ce pas ?

24 R. C'est vrai. Rien n'est dit au sujet de ces deux personnes. Cela n'est

25 pas dit explicitement. Il n'est pas dit explicitement qu'ils travaillaient

Page 6162

1 pour la police. Dans les autres communiqués, je pense qu'on trouve une

2 mention de ce fait. Pour Ramiz Leku, j'en ai entendu parler. J'ai entendu

3 dire que cette personne a participé très fréquemment à des opérations

4 d'assassinats, de destructions d'habitations, et cetera. Quant à Qullapeku,

5 je n'ai rien entendu à son sujet. Pour Ramiz Leku, c'est un fait bien connu

6 dans tout Drenica. Son activité était notoire.

7 Pourquoi est-ce que les communiqués n'en disent pas un mot, tout

8 dépend de l'auteur du communiqué.

9 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Monsieur les

10 Juges, beaucoup dépend de l'auteur du communiqué, de la personne qui le

11 rédige, et de la façon dont cette personne structure sa pensée. Mais pour

12 Ramiz Leku, nous savons tous qui il était.

13 Q. Est-ce qu'il travaillait pour la police serbe ou pour l'UDB ?

14 R. Ramiz Leku a toujours travaillé pour la police serbe. Il était payé par

15 elle.

16 Q. Et --

17 R. Je répète que c'est ce que ses co-citoyens, les habitants de son

18 village, les gens qui le connaissaient bien, ont dit dans le secteur où il

19 opérait.

20 Q. Comment savez-vous cela ?

21 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, à partir du mois de

22 mars les gens ont commencé à parler. Il y a -- j'ai des dizaines et des

23 dizaines d'amis à Drenica. Nous sommes allés au village, et nous nous

24 sommes tous retrouvés. J'ai vu Ramiz qui est un martyr aujourd'hui, Ramiz

25 Leku l'a frappé ainsi que les membres de sa famille. Il a frappé bien

Page 6163

1 d'autres familles également. Un de ses membres est resté paralysé. Je me

2 souviens très bien de lui.

3 Q. Le communiqué de 1997, est-ce que vous l'avez eu sous les yeux au

4 moment des faits ? Vous ne l'avez pas vu, n'est-ce pas ? Je vous vois

5 hocher du chef.

6 R. L'UCK avait vu le jour en tant que force de libération. Elle était au

7 service de la population; elle n'était pas là pour tuer des Albanais. Il

8 était normal que nous ayons foi dans l'UCK. Ces opérations ont été évoquées

9 en public, parce que chaque fois si des innocents étaient tués ou avaient

10 été tuées, l'UCK n'aurait pu jamais joui du moindre soutien parmi la

11 population.

12 Q. Monsieur Limaj, cela ne dépend pas de qui est l'auteur du communiqué;

13 cela dépend de l'identité de la personne qui va se faire assassiner.

14 Certaines personnes ont été tuées parce qu'elles faisaient partie de la

15 police, d'autres ont été assassinées simplement parce qu'elles parlaient à

16 un représentant de la police ou parce qu'elles avaient été accusées de

17 transmettre des preuves et qu'elles étaient suspectes, n'est-ce pas,

18 Monsieur Limaj ?

19 R. Comme je l'ai déjà dit, je n'exclus la possibilité que des choses de ce

20 genre se soient produites. Dans la majorité des cas - je parle de la

21 période où nous recevions des communiqués - dans ces communiquées, il était

22 écrit que des gens avaient été tués. Je n'exclus pas la possibilité qu'une

23 personne soupçonnée de travailler pour la police ou d'être bien avec la

24 police se soit fait tuer. A cette époque-là, les instructions au sujet de

25 ces personnes étaient très claires.

Page 6164

1 Q. Tout correspond à ce que M. Krasniqi a dit dans sa déposition, à savoir

2 que toute personne soupçonnée de nuire au pays était considérée comme

3 collaborateur, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

4 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, comme je l'ai dit

5 hier ou plutôt avant-hier, Malisheve englobe 53 villages. Alors, pourquoi

6 est-ce que cela aurait dû se passer précisément à Malisheve ? Comme je l'ai

7 déjà dit, il y a des gens qui passaient leur temps aux terrasses de cafés

8 en compagnie de policiers serbes, et rien ne leur ait jamais arrivé. Je

9 n'ai pas vu la moindre personne se faire tuer dans mon village pour avoir

10 passer du temps avec un policier serbe à la terrasse d'un café. Rendez-vous

11 compte, la municipalité de Malisheve englobe 53 villages. Rien ne s'est

12 passé, rien de ce genre, en tout cas, dans ces villages. C'est sur cette

13 réalité que je fonde ma déclaration. Si à l'époque, en 1997, 1998, un

14 innocent s'était fait tuer, au moins dans le secteur où la chose s'était

15 produite, il y aurait eu des réactions de la part de la population. Or, les

16 réactions de la population démontre que les choses ne sont pas telles que

17 vous les dites, Monsieur le Procureur.

18 Q. Monsieur Limaj, je pense que cette réaction est à l'origine de votre

19 présence ici aujourd'hui. Ce communiqué, je vous demanderais de l'ouvrir à

20 nouveau. Il y est également écrit - veuillez le relire, s'il vous plaît. Il

21 y est écrit que l'UCK déclare ce qui suit, je cite : "Parce que nous

22 traitons avec un ennemi qui ne comprend que le langage de la force, nous

23 sommes contraints de faire parler la poudre non en tant que terroristes

24 mais en tant qu'organisation de libération." C'est bien cela, n'est-ce pas

25 ?

Page 6165

1 R. Oui.

2 Q. On lit également à la fin du communiqué, je cite : "L'UCK appelle

3 l'attention de la communauté internationale sur le fait qu'elle n'a pas

4 tenu un engagement réel en vue de résoudre les problèmes -- en vue de

5 résoudre la question des territoires albanais dans l'ex-Yougoslavie."

6 Dès le mois d'août 1997, l'UCK cherche à obtenir l'appui de la communauté

7 internationale, n'est-ce pas ?

8 R. Bien sûr. Le risque nous courrions en raison des actions qui étaient

9 les nôtres, étaient de nous voir qualifier d'organisations terroristes. Les

10 choses étaient en bonne voie à cet égard.

11 Q. Examinons maintenant le communiqué numéro 40.

12 M. WHITING : [interprétation] Numéro ERN U0038557 pour l'anglais, et le

13 numéro se termine par 1608 pour la version albanaise.

14 Q. Vous connaissez ce communiqué, n'est-ce pas, Monsieur Limaj ?

15 R. J'ai lu les communiqués, et j'ai suivi tous les communiqués qui ont été

16 publiés pendant cette période. Je ne sais pas à quoi il est fait référence

17 ici, parce que la seule manière de communiquer avec le public était les

18 communiqués. Nous les lisions d'ailleurs, ces communiqués, lors de

19 rassemblements publics, de façon à ce que la population sache que ces

20 communiqués existaient.

21 Q. D'ailleurs, une copie de ce communiqué a été trouvée lorsque votre

22 maison a été fouillée au moment de votre arrestation. Il s'agit de la pièce

23 de l'Accusation P26.

24 R. C'est possible. Cela vient de l'information publique.

25 Q. Dans ce communiqué, on voit -- il est dit : Que le soir du

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1 11 novembre -- que le soir du 26 novembre, un collaborateur, une des

2 personnes les plus -- à qui Milosevic faisait le plus confiance, a été tué

3 dans le village de Petrastica près de Stimlje." Est-ce que vous le voyez ?

4 R. Oui, oui.

5 Q. Cela ne dit rien concernant M. Dugolli comme faisant partie de la

6 police ou de l'UDB, n'est-ce pas ?

7 R. Bien sûr, il n'est pas dit qu'il s'agissait d'un policier ou d'un

8 membre de l'UDB, mais cela n'exclut pas la possibilité qu'il ait collaboré

9 avec la police serbe. Après tout, Dragan Jasovic l'a prouvé. Cela est en

10 rapport direct avec cette personne dont nous parlons ici. Je n'ai jamais vu

11 ou entendu cette personne -- entendu parler de cette personne, parce qu'à

12 l'époque j'étais en Suisse. Cela n'exclut la possibilité pour autant qu'il

13 ait participé directement à des opérations lancées par la police serbe.

14 Q. Vous n'aviez pas d'information selon laquelle il était membre de la

15 police ou de l'UDB ?

16 R. J'étais en Suisse à ce moment-là, Monsieur le Procureur.

17 Q. La réponse est non, vous n'aviez aucun renseignement allant dans ce

18 sens ?

19 R. Non. Je ne le connaissais pas. Je ne savais rien à ce sujet, mais j'en

20 ai entendu parler pour la première fois par Jasovic.

21 Q. Vous avez entendu dire qu'il avait servi dans la police, n'est-ce pas ?

22 R. J'ai entendu dire que le policier Jasovic dont la réputation était

23 mauvaise, a continué à avoir des rapports avec Dalip, et avec le garde

24 forestier. Pour cette raison, il est possible que cette personne ait

25 travaillé pour la police. Comme je l'ai dit tout à l'heure, cela est

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1 possible. Il s'agit d'une spéculation de ma part parce que je n'ai aucun

2 renseignement allant dans ce sens.

3 Q. Aujourd'hui encore, il s'agit d'une spéculation de votre part dans la

4 mesure où vous n'avez aucun renseignement allant dans ce sens ?

5 R. Non, il ne s'agissait pas de spéculation de ma part. Je dis simplement

6 que je ne sais pas. Vous êtes d'ailleurs en accord avec moi, parce que vous

7 ne pouvez pas savoir, non plus, parce que seuls ceux qui ont commis ce

8 crime peuvent le savoir. Personnellement, je ne le sais pas, et je ne peux

9 pas répondre à la place de chaque membre de l'UCK, dire ce qu'ils ont fait.

10 Q. Il n'y avait pas d'instructions claires provenant de l'UCK alors ?

11 R. Pour moi, elles étaient très claires, ces instructions. Cela a été

12 abordé des milliers de fois. J'y ai participé toute une année entière à des

13 rassemblements d'information qui étaient publics. Ces déclarations étaient

14 lues. Nous en discutions avec les habitants, nous parlions de comment la

15 guerre allait évoluer, et tout cela était très clair. Peut-être que tout le

16 monde n'était pas au courant et ce n'était pas clair pour tout le monde,

17 mais vous saviez, aussi bien que moi, que ces personnes faisaient partie de

18 l'armée active et avaient un uniforme.

19 Q. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, Monsieur Limaj, mais je pensais

20 qu'au début de l'audience de cet après-midi, vous aviez, dans votre

21 témoignage, dit que le seul moyen d'information concernant les

22 collaborateurs était par l'intermédiaire des communiqués. Est-ce que vous

23 nous dites à présent que cela était communiqué d'une autre manière, par

24 l'intermédiaire de rassemblements publics ?

25 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, j'ai dit la chose

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1 suivante : lorsque nous discutions pendant les rassemblements concernant la

2 collecte d'argent, bien sûr, nous discutions de l'importance de la guerre,

3 des objectifs, comment les choses allaient évoluer, et qu'il s'agissait

4 d'une guerre juste, qu'il ne s'agissait pas d'une guerre terroriste, que

5 nos objectifs étaient clairs, que la guerre était indispensable, et qu'il

6 s'agissait de la seule solution qui était à la disposition de l'UCK pour

7 combattre les forces de police serbe et ceux qui étaient directement

8 impliqués dans les crimes commis par les forces serbes. Il s'agissait des

9 sujets dont nous discutions avec les citoyens parce que nous avions besoin

10 de collecter des fonds.

11 Q. Mais, Monsieur Limaj, vous n'avez pas reçu des instructions, des

12 instructions claires concernant les collaborateurs et qui était un

13 collaborateur lors de ces rassemblements, lors de ces collectes de fonds,

14 n'est-ce pas ? Ce n'est pas ce que vous êtes en train de nous dire dans

15 votre témoignage ?

16 R. Madame, Monsieur les Juges, je pense que j'ai déjà donné ma réponse à

17 cette question. A ce moment-là, nous étions en Suisse et d'après les

18 réactions, les réactions des citoyens, on voyait ce qui se passait. Lorsque

19 nous sommes rentrés au Kosovo, la nature de notre activité future était

20 claire. Je pense que j'ai répondu à votre question déjà deux ou trois fois.

21 Q. Je vous prie de bien vouloir m'excuser si je ne suis pas d'accord avec

22 vous, mais je vais continuer.

23 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Maître Whiting, il s'agit peut-être

24 d'un moment opportun.

25 M. WHITING : [interprétation] Je n'ai qu'une phrase sur laquelle je

Page 6169

1 souhaiterais attirer l'attention du témoin dans le communiqué, et ensuite

2 nous pourrons peut-être faire la pause.

3 Q. Dans ce même communiqué, on dit : "Répéter aux centres internationaux

4 que nous sommes intéressés par cet aspect de notre lutte et qu'il s'agit

5 d'une lutte pour la libération. C'est l'occupant qui mène une guerre de

6 terrorisme, une guerre terroriste."

7 C'est ce que vous et l'UCK pensiez à l'époque, n'est-ce pas ?

8 R. Je pense qu'il est exact de dire qu'à travers ce communiqué, l'UCK

9 voulait montrer quelles étaient ses activités et qu'il ne s'agissait pas

10 d'une organisation terroriste. Ce n'est que de cette manière que nous

11 pouvions communiquer avec le public, grâce à ces communiqués. Autant que je

12 m'en souvienne, en 1997, les Serbes avaient lancé une propagande à

13 l'intention de la communauté internationale qui visait à dire que l'UCK

14 était une organisation terroriste. Si l'UCK avait été reconnue comme étant

15 une organisation terroriste, cela aurait été suicidaire pour nous.

16 Q. Merci.

17 M. WHITING : [interprétation] Je pense qu'il s'agit d'un moment opportun.

18 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Nous reprendrons à 18 heures.

19 --- L'audience est suspendue à 17 heures 39.

20 --- L'audience est reprise à 18 heures 03.

21 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Oui, Monsieur Whiting.

22 M. WHITING : [interprétation] Merci, Monsieur le Président.

23 Q. Monsieur Limaj, si nous pouvons passer au communiqué numéro 42. C'est

24 dans votre version. Il s'agit de la page 1610.

25 M. WHITING : [interprétation] En anglais, il s'agit de la page 8560 dans le

Page 6170

1 document P48. Il s'agit d'un communiqué de février 1998. Il s'agit de la

2 page 1610.

3 Q. Vous voyez que c'est dans la partie supérieure au milieu. Mais à la

4 moitié lorsque vous descendez, on voit écrit : "Le 13 février 1990," et je

5 pense qu'il s'agit d'une erreur typographique et que la date devrait être

6 en réalité 1998. On y lit : "Mustafe Kurti, un collaborateur avec

7 l'occupant a été liquidé." Est-ce que vous le voyez, Monsieur Limaj ?

8 R. Oui, oui.

9 Q. Il n'y a rien là qui dit qu'il était membre de la police ou du l'UDB,

10 n'est-ce pas ?

11 R. Madame, Messieurs les Juges, j'ai des renseignements concernant cette

12 personne également que je puis présenter ici devant vous. Madame, Messieurs

13 les Juges, cette personne vient du village d'Obrinje, qui était relié

14 directement avec la police serbe. Dans sa maison, les lignes de

15 communication avec la police serbe ont été installées, parce que le village

16 d'Obrinje est très près du commissariat de police serbe à Likovc. En 1997,

17 le système de communication dans son entier a été trouvé dans sa maison.

18 D'après ce que je sais, pendant cette période, deux soldats de l'UCK

19 ont été blessés sur la route Kline-Obrinje, et lors de cette opération,

20 Mustafe Kurti a participé avec la police serbe. Pas seulement Mustafe

21 Kurti, mais également trois de ses frères avaient des liens avec la police

22 serbe. Je crois que même, de manière publique, ils se sont engagés dans les

23 forces de police serbe pendant la guerre, pendant les opérations à Drenica.

24 Donc, il était un membre d'une famille qui avait des liens directs avec la

25 police serbe.

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1 C'est un renseignement que j'ai obtenu après 1998, en avril. Je ne

2 suis pas sûr également à quel moment, mais je crois que c'est à peu près à

3 cette période-là.

4 Q. Bien. Avant tout cela, ce qui n'est pas clair, c'est si ce

5 renseignement lui-même que vous dites avoir, cela n'est pas dans le

6 communiqué, n'est-ce pas ?

7 R. Je crois que cela a été clair pour tous les gens de cette région. Cela

8 a été tout à fait clair pour eux. C'est ce que je pense.

9 Q. Cela était-il clair pour vous lorsque vous avez lu le communiqué ?

10 R. Je n'avais pas de raisons de ne pas croire ce qui était dans le

11 communiqué.

12 Q. Vous avez aussi --

13 R. Parce que personne ne peut savoir si cela est exact ou pas. Je ne

14 connaissais pas ces personnes.

15 Q. Exactement. Monsieur Limaj, vous avez dit deux choses qui sont

16 différentes. Vous avez dit que vous pensiez que ces personnes étaient liées

17 à la police serbe. Ensuite, vous avez dit, comme cela, que vous pensiez que

18 ces personnes travaillaient de manière ouverte avec la police serbe. Il

19 n'était pas employé par la police serbe, n'est-ce pas ? Il n'était pas un

20 employé de la police serbe ?

21 R. Monsieur le Procureur, je vous prie de bien vouloir m'excuser. Je

22 regrette ce que vous dites, parce que les citoyens écoutent. Je n'ai pas

23 dit cela. Cette personne était connue. L'ensemble de Drenica savait que

24 cette personne coopérait de manière active avec la police serbe. Je vous ai

25 dit que les soldats ont trouvé un système de communication entier dans sa

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1 maison. Ce n'est pas quelque chose que j'ai vu moi-même en personne; c'est

2 ce que j'ai entendu dire. Mais tout le monde à Drenica le sait concernant

3 cette personne. Pas simplement le concernant, mais concernant ses deux ou

4 trois frères.

5 Q. Votre déposition est qu'il était considéré comme étant un collaborateur

6 parce qu'il coopérait avec la police serbe. S'agit-il du témoignage que

7 vous faites ici ?

8 R. Ce que j'ai dit, Madame et Messieurs les Juges tout à l'heure, et je

9 répète ce que j'ai dit, cette personne participait directement à ce qui a

10 fait que deux ou trois soldats ont été blessés, comme je l'ai dit tout à

11 l'heure. Mais il a également participé directement aux massacres à Likoshan

12 et à Qirez, avec d'autres Albanais. Il était un membre actif de la police

13 serbe. Il s'agit de la personne dans la maison duquel on a trouvé un

14 système de communication, et cela prouve qu'il ait eu ce poste. Plus tard,

15 une autre personne a été tuée également.

16 D'après ce que je sais, ces personnes ne sont plus en vie, et cela

17 montre qu'il s'agissait de personnes qui collaboraient de manière active

18 avec la police serbe.

19 Q. Monsieur Limaj, je vais répéter ce point en particulier parce que je

20 pense que votre réponse n'est pas claire. Est-ce parce qu'il y avait du

21 matériel de transmission qui a été trouvé dans cette maison que ces

22 personnes étaient considérées comme étant des collaborateurs, des personnes

23 coopérant avec la police serbe ? Est-ce que c'est cela que vous dites ?

24 R. [aucune interprétation]

25 Q. Est-ce que vous dites que cette personne était un membre de la police

Page 6173

1 serbe lui-même, oui ou non ?

2 R. Il s'agissait d'une personne qui participait activement aux activités

3 de la police serbe et à l'armée. J'ai donné comme exemple ce système de

4 communication, de transmission, simplement pour donner un exemple de cette

5 activité. Il s'agit de la réponse que je vous ai faite.

6 Q. En dehors de cet équipement de transmission, êtes-vous au courant

7 d'autres activités dans lesquelles cette personne ait participé ?

8 R. Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges, cela a eu lieu après

9 que l'UCK soit devenue publique dans cette région, c'est-à-dire à Obrinje

10 et à Likovc. D'après ce que d'autres personnes ont vu, cette personne a

11 pris une part active à la préparation des activités que le régime serbe a

12 menées à Likoshan, ainsi que dans d'autres régions. Je ne me souviens pas

13 du nom des autres personnes qui ont participé à cela, mais c'est un fait.

14 Cette personne a combattu directement les forces de l'UCK, lui et ses

15 frères. Cette personne et trois de ses frères se sont battus directement

16 contre des membres de l'UCK. C'est ce que je sais.

17 Q. Monsieur Limaj, vous avez témoigné du fait qu'il a participé

18 directement aux massacres de Likoshan et de Qirez. C'est ce que vous avez

19 dit. C'est ce que je voie sur l'ordinateur.

20 R. Ce que j'ai entendu dire, c'est qu'il a participé à la préparation des

21 activités et des massacres à Qirez et à Likoshan parce qu'il s'agissait

22 d'un cas exceptionnel. Il s'agit ici d'un cas particulièrement rare d'une

23 personne qui, lors des combats, s'est battu directement avec les soldats.

24 Cela, c'est quelque chose que tout le monde savait et qui a eu lieu à un

25 moment ou à un autre en avril.

Page 6174

1 Q. Monsieur Limaj, il a été tué le 13 février 1998. C'est avant les

2 massacres à Likoshan et à Qirez.

3 R. Monsieur le Procureur, j'ai décrit à quel point sa famille prenait une

4 part active, lui et ses trois frères. Il a participé directement, et le

5 résultat de ces activités à Likoshan et à Prekaz, pour sa famille et pour

6 lui-même et ses frères est qu'ils se sont battus directement contre des

7 membres de l'UCK. Il a été tué avant les activités à Likoshan et à Qirez,

8 mais ses activités ont continué parce que les préparations pour les

9 massacres à Likoshan et à Qirez n'ont pas pu être faites en un seul jour.

10 C'est ce que je sais.

11 Pour ce qui est de l'évolution en avril, nous en sommes témoins. Nous

12 avons entendu dire cela parce qu'à l'époque on pouvait encore se déplacer.

13 On pouvait aller à Likovc. Pour aller à Likovc, il fallait passer par

14 Obrinje.

15 Q. Monsieur Limaj, à l'époque où il a été tué, même si cela était vrai

16 qu'il avait participé à la préparation de ces massacres, cela n'aurait pas

17 pu être su, n'est-ce pas ? Cela ne se savait pas au moment où il a été tué.

18 R. Les gens savaient qu'il était un membre actif de la police serbe et de

19 l'armée serbe. Cela est vrai, les gens le savaient.

20 Q. Mais vous ne le saviez pas ?

21 R. Non, absolument pas. Personnellement, je ne connais pas cette personne

22 et même aujourd'hui.

23 Q. Exactement. Si on continue à lire ce communiqué, on y lit chose

24 suivante : "Nous sommes satisfaits du fait qu'il y ait un intérêt de la

25 communauté internationale grandissant, en particulier de la diplomatie

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1 française et allemande, et qu'on cherche une solutions à la question

2 albanaise et que la recherche de cette solution n'est pas simplement à

3 l'intérieur des frontières actuelles du Kosovo."

4 Il s'agit à nouveau d'un appel au soutien international, n'est-ce pas

5 ?

6 R. Oui, oui.

7 Q. Nous allons passer à un discours de Jakup Krasniqi. Il s'agit de la

8 pièce P141.

9 M. WHITING : [interprétation] Je demande qu'elle soit donnée au témoin.

10 Q. A la deuxième page en anglais et en albanais, il s'agit d'un discours

11 que Jakup Krasniqi a donné lors de l'enterrement des victimes de Qirez et

12 de Likoshan. On dit que : "Nous avons également averti la communauté

13 internationale, les Nations Unies, le conseil de Sécurité, les Etats-Unis,

14 l'Union Européenne, et le parlement européen, de respecter les chartes et

15 les documents qu'ils ont eux-mêmes rédigés et qu'ils ont signés de

16 l'Atlantique, à Helsinki, à Paris.

17 "Nous sommes tout à fait confiants qu'aucun des documents valables qui a

18 été mentionnés peut servir à défendre le territoire national et la dignité,

19 et que le fait de défendre le territoire national et notre dignité peut

20 être vu comme un acte de terrorisme, que pas une seule guerre de libération

21 dans un pays ne peut être vue comme un acte terroriste."

22 Il s'agissait donc de la position de l'UCK, n'est-ce pas ?

23 R. Pour dire la vérité, je ne le sais pas en quelle qualité M. Krasniqi a

24 fait ce discours, mais la vision qui est présentée ici est la vision de

25 l'UCK. Il s'agit d'un fait. Je ne peux pas dire s'il a fait ce discours en

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1 tant que porte-parole de l'UCK, en tant qu'activiste, ou en tant que

2 membre. Mais ce qui est dit ici ou ce qui est dit dans les communiqués, il

3 s'agit de déclarations politiques de l'UCK, et je suis en accord avec ceci.

4 Q. Je vous demande de passer au communiqué numéro 45. Il est dans cette

5 série de documents de grand format. Il s'agit de la page 1612. En anglais,

6 c'est la page 8566. Il s'agit du 11 mars 1998. 1612. Dans la partie

7 inférieure, on y dit : "Nous demandons aux capitales mondiales de

8 reconnaître l'Etat du Kosovo et de punir l'occupant serbe sur le fondement

9 des conventions de guerre internationales, parce que la guerre serbe

10 fasciste a pour but d'annihiler le peuple albanais."

11 Est-ce que vous voyez cela ?

12 R. Donnez-moi un instant pour trouver le passage. Oui.

13 Q. Cela exprime également le point de vue de l'UCK, n'est-ce pas ?

14 R. Oui. Oui.

15 Q. Je vous demande de passer au communiqué numéro 47. Il s'agit de la page

16 1614, et en anglais, il s'agit de la page 8573 du document P348 [comme

17 interprété]. C'est dans la partie supérieure du document. Il s'agit d'un

18 communiqué qui a été publié le 13 mai 1998 dans Koha Ditore.

19 "Lors de ces combats difficiles sur le front, les forces d'invasion ont

20 souffert de pertes humaines et en matériel importantes. Pendant toute cette

21 période, des opérations ont également été menées contre les collaborateurs

22 albanais qui, malgré les avertissements préalables, n'ont pas abandonné

23 leurs actions anti-nationales."

24 Ma première question est la suivante : cela est daté du 13 mai 1998, donc

25 les zones opérationnelles avaient déjà été conçues ? Que ces zones

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1 d'opération existaient déjà ?

2 R. Non, cela n'est pas vrai. La zone de Drenica n'avait pas encore été

3 formée en tant que zone, ni non plus à Pashtrik.

4 Q. Nous dirons donc que les zones opérationnelles, les sous-zones

5 opérationnelles, telles qu'elles sont définies dans ce communiqué, avaient

6 déjà été planifiées et avaient déjà été créées, n'est-ce pas ?

7 R. Oui, je suis en accord avec ce que vous dites.

8 Q. Je rappelle que cela date du 13 mai 1998, et il est dit que -- on voit

9 un peu plus bas dans le communiqué : "Lors d'une opération éclair par nos

10 formations militaires, une opération punitive contre l'ennemi sur la route

11 principale de la sous-zone opérationnelle de Pashtrik a eu lieu et a été

12 couronnée de succès."

13 Est-ce que vous voyez cela, Monsieur Limaj ?

14 R. Oui.

15 Q. Bien --

16 R. Dans la zone opérationnelle d'Erenik, et non pas de Pashtrik. C'est la

17 zone d'Erenik. Si je vous suis bien, des opérations couronnées de succès

18 ont été menées dans la zone d'Erenik, dans la sous-zone d'Erenik.

19 Q. J'aimerais que nous allions un peu plus avant, Monsieur Limaj. Il est

20 question d'une "action éclair --"

21 R. [aucune interprétation]

22 Q. -- et il y est question "d'expéditions punitives sur la zone principale

23 dans la sous-zone opérationnelle de Pashtrik et que ces expéditions

24 s'étaient menées avec succès." Voyez-vous ce passage ? Prenez votre temps.

25 R. Donnez-moi une seconde. Il y a un ensemble de noms de différentes sous-

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1 zones. "Lors d'une opération éclair, nous avons réussi à mener avec succès

2 une opération dans la sous-zone opérationnelle de Pashtrik." Oui.

3 Q. Nous en sommes au haut de la troisième colonne.

4 R. Oui. Oui.

5 Q. Il y est question de la route principale à Pashtrik.

6 R. Oui, c'est vrai.

7 Q. C'est une référence qui nous renvoie, je crois, à la bataille du 9 mai

8 à Lapusnik, n'est-ce pas ?

9 R. Non, Non.

10 Q. M. Krasniqi a dit, lorsqu'il a déposé, que cette route principale était

11 la route entre Peja et Pristina. Je vais vous reposer la question. C'est

12 une référence qui nous renvoie au combat du 9 mai à Lapusnik, n'est-ce pas

13 ?

14 R. Peut-être, mais permettez-moi d'expliquer. Ici, il s'agit de la route

15 principale qui passe dans la sous-zone de Pashtrik et c'est la route qui

16 relie Prizren à Pristina. Elle traverse la zone de Pashtrik, et je sais que

17 plusieurs unités ont mené des opérations sur place. Cette route-là passe

18 par la zone opérationnelle de Drenica et de Dukadjin. L'autre passe au

19 milieu de Pasthrik, de cette sous-zone, et le long de cette route-là, je

20 sais que des unités de l'UCK ont mené des opérations.

21 Q. A quel endroit au bord de cette route principale, la route qui sépare

22 Peja de Pristina ? Dans quel village ?

23 R. Duhla; il y a eu des opérations à Samadrazhe, de Rahovec, dans les

24 villages de Rahovec, partout. Partout où ils pouvaient mener ce type

25 d'opérations. Mais lorsque l'on parle du 9 mai, on parle de Drenica.

Page 6179

1 Lorsqu'ils parlent des gorges de Lapusnik.

2 Q. Pourquoi ? Parce que vous dites que Lapusnik ne se trouvait pas dans la

3 zone de Pashtrik ?

4 R. Non, pas à cause de cela. Je peux vous dire pourquoi. Parce que le 9

5 mai, il y avait dix ou 15 unités militaires qui étaient à Orlat, qui

6 allaient vers Lapusnik, alors que, nous, nous étions cinq personnes. C'est

7 pour cela que je vous dis cela. C'est la seule raison logique. Nous étions

8 cinq personnes et nous nous rendions à leur secours.

9 Donc, si vous suivez la logique, c'est à eux que l'on fait référence.

10 Nous n'étions que cinq, nous, qui, comme je l'ai dit, allions leur prêter

11 main-forte. Un groupe a décidé d'aller les aider tout de suite.

12 Q. Nous allons y arriver en temps voulu. D'abord, pouvez-vous me dire

13 quand l'action de Duhla a eu lieu ?

14 R. Les opérations ont eu lieu à Duhla, à Istok. Moi, par exemple, avec

15 Ismet, j'ai combattu à Duhla contre la police serbe. C'est là que j'ai été

16 blessé. Au cours de la nuit, nous sommes sortis et nous nous sommes

17 retrouvés dans une embuscade serbe. Nous avons combattu, et au cours de ces

18 combats, j'ai été blessé au bras. A ce moment-là, Malisheve n'était pas

19 attaqué par les Serbes, à part à Duhla et à Rahovec, là où Duhla et

20 Malisheve sont limitrophes ou dans l'autre secteur qui se trouve juste au

21 bord de Kline.

22 Q. Pensez-vous que la nuit au cours de laquelle vous avez été blessé au

23 bras est désignée par cette "opération éclair" dont il est question dans le

24 communiqué ?

25 R. Non, je ne le crois pas.

Page 6180

1 Q. A quoi pensez-vous que l'on fasse référence alors ?

2 R. Je ne sais pas. Je ne sais pas si c'est cela dont on parle, mais ce que

3 je vous dis, c'est qu'il parle des actions menées par l'UCK. Ce n'est pas

4 Limaj ici. Il y avait plein d'autres unités qui étaient impliquées dans ces

5 actions. Je ne me souviens plus du nom de ces unités, parce que nous

6 agissions dans la clandestinité.

7 J'essaie simplement de vous donner un exemple. Le 29 avril, j'ai été

8 blessé. Il y a un certain nombre d'activités ici dont il y est fait état.

9 C'est en fait un résumé de l'ensemble des activités.

10 Q. Ce qui m'intéresse, moi, c'est l'intervention, l'opération éclair qui a

11 eu lieu le long de la route principale. Pouvez-vous essayer de nous aider à

12 savoir de quoi il s'agit s'il ne s'agit pas des gorges de Lapusnik ?

13 R. Il n'y est pas question ici d'action particulière. Il s'agit simplement

14 de dresser la liste générale d'actions menées au cours d'une période donnée

15 dans différents secteurs afin d'informer le public des actions entreprises

16 au cours d'une période de temps donnée. Ce communiqué ne rentre pas dans

17 les détails. L'une de ces opérations, le 26 ou le 29 avril, à laquelle j'ai

18 participé, j'ai été blessé. Mais au cours de cette même période, d'autres

19 unités sont intervenues, des unités de Malisheve qui se trouvaient à

20 Suhareke, à Duhla ou à d'autres endroits encore, ou d'autres unités sur la

21 route de Prizren et de Pristina.

22 Q. Parlons des limites territoriales de cette zone opérationnelle. Je

23 crois que vous avez dessiné un petit croquis. Il s'agit de la pièce DL7,

24 qui représente la délimitation de ces zones opérationnelles. La première

25 chose que j'ai remarqué concernant ce croquis, c'est que -- et peut-être

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1 pourrait-on vous le présenter ce document -- c'est que le grand triangle

2 rouge qui se trouve au milieu et qui représente la zone où ont été trouvés

3 les cadavres à Berisha, ce gros triangle rouge ne semble pas relever d'une

4 quelconque zone opérationnelle, d'après votre carte.

5 R. Je ne comprends pas votre question. Veuillez la répéter, s'il vous

6 plaît.

7 Q. Ce triangle rouge qui se trouve au milieu de la carte, à Berisha, où

8 ont été retrouvés les cadavres des personnes exécutées, d'après votre

9 carte, il ne correspond à aucune des trois zones, n'est-ce pas ? En fait,

10 ce triangle rouge se situe au cours d'un petit espace entre les trois

11 zones.

12 R. Non, non. Non, non, ce n'est pas exact. Je n'ai pas de point sur cette

13 carte qui représente les différents villages.

14 Q. Peut-on placer ce document sur le rétroprojecteur, s'il vous plaît.

15 R. Puis-je répondre à votre question ?

16 Q. Oui.

17 R. Comme vous le voyez, Monsieur le Président, Madame, Monsieur les Juges,

18 lorsque j'ai dessiné cette ligne ici, je me suis fondé sur un certain

19 nombre de points. Comme vous le voyez ici, vous voyez Berisha, le point qui

20 l'indique, ainsi que le point qui indique Divjak, et la frontière où la

21 ligne jusqu'à laquelle s'étend Berisa. Cette ligne se trouve soulignée ou

22 épaissie. Lorsque je parle de "Berisha," ceci ne conteste pas le fait que

23 Berisha appartient à cette zone. Peut-être que c'est la même manière dont

24 la chose a été dessinée qui vous laisse une mauvaise impression, mais il

25 est vrai que Berisha faisait partie de la municipalité de Malisheve.

Page 6182

1 Toutefois, je ne sais pas très bien où se trouve la délimitation entre

2 Berisha et Malisheve, mais en tout cas -- entre Prizren et Malisheve

3 plutôt, mais Berisa faisait effectivement partie de la municipalité de

4 Malisheve. Je crois que, quel que soit l'endroit où l'on place ce village,

5 il faisait effectivement partie de la commune ou de la municipalité de

6 Malisheve.

7 Q. Par conséquent, il faisait également partie de la zone de Pasthrik,

8 n'est-ce pas ?

9 R. Oui. Ici, vous voyez que ces villages sous Likovc Baince, Shale, et

10 Kisna Reka. Enfin, vous les voyez ici, plus en bas. Même lorsque j'ai tracé

11 cette ligne ici, j'ai suivi les villages. Je ne sais pas où était la

12 délimitation entre Kisna Reka --

13 Q. Non. Il n'y a que Berisha qui m'intéresse.

14 R. Oui, oui.

15 Q. Vous reconnaissez, n'est-ce pas, qu'à la fin du mois de mai 1998,

16 Syleman Selimi était commandant de la zone de Drenica, n'est-ce pas ? Vous

17 le reconnaissez ?

18 R. Oui, je pense. A la fin du mois de mai, début juin.

19 Q. En tant que commandant de la zone de Drenica, il connaissait bien les

20 limites de la zone qui relevaient de sa zone de responsabilité, n'est-ce

21 pas ?

22 R. Non, non. Il ne les connaissait pas, parce que cette ligne n'était pas

23 encore tracée. Les zones étaient censées refléter -- étaient calquées sur

24 les municipalités. La restructuration a eu lieu plus tard.

25 Q. La municipalité de Klina a toujours été divisée entre la zone de

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1 Dukadjin et la zone de Drenica, n'est-ce pas ?

2 R. Et Malisheve-Pashtrik.

3 Q. Il n'est pas exact de dire, n'est-ce pas, que ces zones ont été conçues

4 ou calquées sur les délimitations de certaines municipalités, puisque

5 certaines municipalités étaient en réalité réparties entre différentes

6 zones.

7 R. Non, ce n'est pas exact. Ceci a eu lieu plus tard. Au début, la

8 municipalité de Klina se trouvait directement englobée dans la sous-zone

9 opérationnelle de Dukagjini, c'était au début. Mais ensuite, et selon une

10 logique toute militaire, les zones -- ou les délimitations de ces

11 différentes zones ont été tracées en fonction des besoins correspondants à

12 chacune des zones. A ma connaissance, Klina, Istok à l'époque, ainsi que

13 Peja et Jakov, se trouvaient dans la zone de Dukagjini, ou Erenik comme on

14 l'appelait à l'époque. Je ne crois pas qu'il y ait difficulté ici, parce

15 qu'à l'époque, une autre zone, Erenik, avait été envisagée.

16 Q. Veuillez répondre à ma question tout simplement.

17 Syleman Selimi a déclaré qu'en mai 1998, la limite de la zone de Drenica

18 était en fait la route principale entre Peja et Pristina, et c'était exact,

19 non ?

20 R. Je vous décris les choses de la manière dont l'état-major général les

21 voyait.

22 Q. Vous êtes en train de dire que vous saviez mieux que ne le savait lui-

23 même Syleman Selimi comment était délimitée sa propre zone ?

24 R. Non. Je vous renvoie à l'état-major général et aux activités qui

25 avaient lieu à ce moment-là dans le secteur. Je fais référence aux

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1 activités qui étaient en cours à l'époque et à l'état-major général.

2 Q. Syleman Selimi a également déclaré qu'il avait été nommé par l'état-

3 major général et qu'il était en contact régulier avec ce dernier.

4 R. Syleman Selimi n'a pas été désigné, mais il était commandant d'unité.

5 Par la suite, il a reçu l'agrément de l'état-major général.

6 Q. Il a reçu l'agrément de l'état-major général, il a été nommé par

7 l'état-major général au poste de commandant de la zone de Drenica ?

8 R. Oui.

9 Q. Il a déclaré être en contact régulier avec l'état-major général à

10 l'époque.

11 R. Oui.

12 Q. Par conséquent, il devait savoir, n'est-ce pas, quelles étaient les

13 limites de sa zone opérationnelle, les limites physiques ?

14 R. Comme vous le savez, comme vous l'avez appris au cours de la déposition

15 de M. Krasniqi, qui était lui-même membre de l'état-major général, il ne

16 savait pas très bien quelles étaient les limites de sa zone. Je n'en sais

17 rien. En janvier 1999, je faisais partie d'une commission qui avait pour

18 mission de tracer les différentes limites de ces zones.

19 Q. En janvier 1999 ?

20 R. Oui. En janvier 1999, j'étais membre de la commission de l'état-major

21 général.

22 Q. Mais nous parlons de mai 1998. Veuillez vous concentrer sur cette

23 période.

24 Puisque vous parlez de M. Krasniqi, il a dit qu'il pensait que M. Syleman

25 Selimi connaissait les limites physiques délimitant sa zone d'intervention.

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1 R. Il aurait dû les connaître, mais le fait qu'il les connaissait ou pas,

2 à ce moment-là, ceci arrivait souvent qu'il ne connaisse pas les limites de

3 cette zone.

4 Q. En réalité, Monsieur Limaj, la zone de Pashtrik montait jusqu'à la

5 route principale Peja-Pristina, n'est-ce pas, et c'était la ligne de

6 démarcation entre la zone de Pashtrik et la zone de Drenica, et la seule

7 raison pour laquelle vous dites que ce n'était pas le cas, c'est que vous

8 essayez tout simplement de pousser artificiellement le village de Lapusnik

9 hors de la zone de Pashtrik et de le placer dans la zone qui relevait de

10 Syleman Selimi, n'est-ce pas ?

11 R. Votre tentative qui vise à présenter les choses de cette manière est

12 erronée. Je sais ce que vous essayez de faire, mais ceci est totalement

13 inexact, parce que toute mon activité était concentrée sur autre chose.

14 Vous verrez bien quelles étaient mes actions d'un point de vue militaire.

15 Mais ce que je tiens à dire, c'est que cela n'est pas exact. Ce que vous

16 essayez de dire n'est pas exact. Vous essayez de présenter, de cette

17 manière, cette délimitation entre les zones opérationnelles le long de

18 routes principales, mais ce n'est pas le cas. Par exemple, les zones de

19 Pashtrik et de Nerodime sont divisées d'une autre manière.

20 Q. Même Ramadan Behluli, qui était un soldat, savait qu'il se trouvait

21 dans la zone de Pashtrik. C'était un soldat de Carraleve.

22 R. Oui, effectivement. Ramadan Behluli se trouvait dans la zone de

23 Pashtrik lorsqu'il est devenu soldat après août. Mais Ramadan Behluli n'a

24 rien eu à voir avec l'UCK au mois d'août en termes de zones ou en termes de

25 limites géographiques de ces zones. Vous savez parfaitement bien quelle

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1 était la position de Ramadan Behluli sur ces questions en particulier.

2 Q. Dans sa déclaration préalable, désormais versée au dossier en tant que

3 pièce à conviction P119, il déclare que pendant le mois de mai, juin, et

4 juillet de l'année 1998, il se trouvait dans la zone de Pashtrik. C'est

5 exact, n'est-ce pas ?

6 R. Ce n'est absolument pas exact. C'est tout le contraire. C'est faux, si

7 même ce n'est pas un mensonge. Mais je pense que c'est une erreur de sa

8 part. Je ne pense pas qu'il voulait mentir.

9 Je vais vous apporter une explication très concrète. Le problème c'est que

10 vous n'avez pas enquêté à fond sur toute cette question.

11 Q. Monsieur Limaj, je vais poursuivre. J'aimerais que nous examinions la

12 déclaration faite par Jakup Krasniqi le 14 juin 1998. Elle constitue la

13 pièce à conviction P139.

14 Vous ne trouverez pas ce document dans votre liasse, Monsieur Limaj. Vous

15 voyez ce qui est écrit au bas de la page en Albanais ?

16 R. Est-ce que vous parlez de cet article intitulé "Une armée qui ne

17 connaît que des albanismes" ?

18 Q. Oui. Il y a une photo de Jakup Krasniqi.

19 R. Non. Je vois un uniforme, je vois l'emblème de l'UCK. Oui, oui, oui,

20 maintenant je le vois.

21 Q. Monsieur Limaj, vous étiez debout juste à côté de Jakup Krasniqi quand

22 il a fait cette déclaration, n'est-ce pas ?

23 R. Oui.

24 Q. Or, il déclare que : "Le Grand quartier général de l'UCK estime que

25 pendant la phase actuelle, le pluralisme politique est un luxe."

Page 6187

1 R. Oui.

2 Q. C'est bien ce que vous pensiez, Monsieur Limaj, n'est-ce pas ?

3 R. Oui. D'ailleurs, ce n'est pas le premier à dire cela. Churchill lui-

4 même a fait une déclaration très similaire. Jakup Krasniqi n'est pas le

5 premier qui a dit ce genre de chose. C'est ce qu'ont dit d'autres

6 représentants d'un pays démocratique avec une tradition démocratique. Je

7 suis entièrement d'accord.

8 Q. Il déclare aussi ce qui suit, je cite : "Nous demandons aux Etats-Unis

9 d'Amérique et aux démocraties occidentales de s'engager sérieusement vers

10 l'établissement de la liberté de la paix dans la région des Balkans." Après

11 quoi, il parle de l'UCK, "qui a été, en très peu de temps, capable de créer

12 un vaste territoire qu'elle défend et elle va en créer d'autres jusqu'à

13 libération complète." Alors, c'est bien vrai cela, n'est-ce pas ? A ce

14 moment-là, l'UCK s'était dotée d'un territoire assez vaste dans votre

15 région et autour de Drenica, une vaste zone libre, n'est-ce pas ?

16 R. Oui, à ce moment-là, Malisheve était sous le contrôle de l'UCK, comme

17 je l'ai déjà expliqué. Dans cette déclaration, vous constatez que Malisheve

18 était sous le contrôle de l'UCK. Donc, on ne pouvait pas considérer ces

19 zones comme autre chose que comme des zones libres. Dans cette déclaration,

20 vous comprendrez que l'UCK s'est toujours efforcée de trouver une solution

21 pacifique et politique aux problèmes qui se posaient. Ceci montre encore

22 une fois quelle est la vision défendue par l'UCK, à mon avis.

23 Q. Très bien. Regardons maintenant le communiqué numéro 49 qui paraît un

24 mois plus tard. Dans votre langue, il s'agira du document dont le numéro se

25 termine par 1615 en grand format. Pour la version anglaise, le numéro ERN

Page 6188

1 est 0038577, pièce à conviction P48. Vous avez trouvez la page 1 615,

2 Monsieur Limaj ?

3 R. Je n'avais pas entendu le numéro. Non. Je vous demande une seconde.

4 Oui. Oui, j'ai trouvé le document.

5 Q. Vous voyez, c'est ce qu'on lit en bas de cette page ?

6 R. "Un communiqué émanant de la direction à l'information de l'UCK"; c'est

7 bien cela ?

8 Q. Oui. Communiqué numéro 49. On lit dans ce communiqué que la date est

9 celle du 13 juillet 1998. Là encore, c'est une période où vous rencontrez

10 régulièrement Jakup Krasniqi, n'est-ce pas ?

11 R. Oui. Depuis le 14 juin nous nous rencontrions souvent.

12 Q. Ce texte dit, je cite : "Des mesures ont également été prises contre

13 certains collaborateurs de la ligne dure, qui travaillent encore contre nos

14 intérêts nationaux."

15 Est-ce que vous voyez ce passage, Monsieur Limaj ?

16 R. Un instant, je vous prie.Troisième phrase. La phrase doit se trouver

17 dans le texte puisque vous venez de la lire, bien entendu, mais j'ai du mal

18 à la trouver.

19 Q. Je vais le relire.

20 R. D'accord.

21 Q. "Des mesures ont également été prises contre certains collaborateurs

22 entêtés qui continuent à agir contre nos intérêts nationaux."

23 R. Oui. D'accord.

24 Q. "Les collaborateurs, ce sont des gens qui travaillent contre les

25 intérêts de l'UCK, n'est-ce pas ?"

Page 6189

1 R. Oui. Oui, oui.

2 Q. Parlons maintenant d'une interview accordée par Jakup Krasniqi à Koha

3 Ditore le 11 mai 1998. Je crois que vous trouverez ce document en première

4 page de votre liasse, pièce à conviction P48, page 8 580. Vous l'avez

5 trouvé ? Vous voulez dire quelque chose ?

6 R. Dans les zones opérationnelles, dans ces territoires, je connais les

7 endroits qui dépendent de Malisheve. Là, il est sans doute question d'une

8 autre localité.

9 Q. Monsieur Limaj, nous sommes ici à la date du 13 juillet 1998. En fait,

10 le 14 ou le 15 juin, le 17 juin et le 21 juin 1998, il y a eu des combats

11 assez violents à Carreleve, n'est-ce pas ?

12 R. En juillet ?

13 Q. Non, en juin.

14 R. Oui, oui.

15 Q. Aux environs du 25 juin, des combats violents ont eu lieu à Luznica,

16 n'est-ce pas ?

17 R. Le 25 juin. Le 25 juin, oui, peut-être. Oui, oui, à ce moment-là, il y

18 avait de violents combats. Je ne me souviens pas du jour exact, mais la

19 période est exacte.

20 Q. Ce que vous venez de dire, à savoir qu'il n'y avait pas de combat dans

21 votre secteur, est contraire à la vérité. Car ici, il est question

22 précisément de ces combats.

23 R. Non. Non, non.

24 Q. Nous lisons, je cite : "Nos formations ont mené à bien avec succès

25 d'importantes opérations dans les sous-zones de Pashtrik." Voilà ce qui est

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1 dit dans ce texte. Ensuite, il est question de combats à Carraleve et

2 Luznica.

3 R. Non, non, non. La traduction est peut-être erronée. Je pensais à autre

4 chose. Je pensais à la municipalité de Malisheve. Il n'y a pas eu de combat

5 à l'intérieur de la municipalité de Malisheve à ce moment-là. Je pensais

6 que c'était sur cela que vous m'interrogiez. Il y a eu des combats à Blace,

7 à Suva Reka, qui ne sont pas dans la municipalité de Malisheve. C'est

8 exact. Il y avait toujours des combats à ce moment-là. C'est exact.

9 Q. Merci.

10 R. Je pensais à l'intérieur de la municipalité.

11 Q. Passons maintenant à l'interview de Jakup Krasniqi.

12 R. Oui. Vous pouvez me redire le numéro ?

13 Q. 1 603.

14 R. Page 1 603, 11 juillet.

15 Q. C'est une interview accordée par Jakup Krasniqi alors qu'il était à

16 Klecka, n'est-ce pas ?

17 R. Non, ce n'est pas une interview qui a été faite à Klecka. Cela je peux

18 vous l'assurer. Cela ne peut pas s'être passé à Klecka. Cela a dû se passer

19 soit à Divjak soit chez lui à son domicile, parce que dès qu'on prononce le

20 nom de Klecka, je pense à ma base.

21 Q. A Divjak.

22 R. C'est peut-être Divjak. Il importe de faire la distinction, d'être

23 clair. C'était peut-être à son domicile, chez lui, parce qu'à cette époque-

24 là, Jakup Krasniqi habitait chez lui.

25 Q. Shukri Buja était présent pendant cette interview, n'est-ce pas ?

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1 R. Je ne sais pas.

2 Q. Regardez la page 2.

3 R. Oui. Oui, je l'ai vu. Je ne sais pas si nous parlons de la même

4 interview ici. Cette photo a été prise à Klecka, oui. Mais cette autre

5 photo ici, on ne voit rien de bien précis alors que sur la première

6 photographie, c'est bien Klecka que je reconnais; le fond de - l'arrière-

7 plan de la photographie. Elle a sans doute été faite à Klecka cette

8 interview.

9 Q. Finalement, c'était tout de même à Klecka qu'elle a eu lieu ?

10 R. Oui, oui. Oui, dans ma base, à l'endroit où je passais tout mon temps.

11 Cela m'a un peu surpris. J'ai été vraiment surpris par la première

12 photographie qui ne montrait pas grand-chose. Je sais qu'il a fait des

13 interviews dans de très nombreux endroits, mais c'est la deuxième

14 photographie qui m'a permis de comprendre que c'était à Klecka.

15 Q. Monsieur Limaj, j'aimerais maintenant que vous vous penchiez sur le

16 document qui se trouve dans le texte anglais en milieu de page, la page 8

17 580, et qui, dans votre version se trouve en première page, numéro de votre

18 page 1603, en bas de page, en bas de première colonne, nous lisons ce qui

19 suit, je cite : "Les partis politiques albanais doivent reconnaître l'UCK

20 comme l'essence des forces armées du Kosovo, et reconnaître la situation

21 actuelle comme une situation de guerre."

22 Est-ce que vous voyez le bas de cette première colonne ?

23 R. Non. J'ai du mal à trouver le passage, je le crains. Que voulez-vous

24 dire par première colonne ? C'est la première, la deuxième ou la

25 troisième ?

Page 6192

1 Q. Première colonne. Regardez la première colonne.

2 R. Oui. Oui, oui.

3 Q. Vous voyez le passage ?

4 R. "En appel à tous les partis politiques pour s'unir et constituer un

5 front uni, baptisez l'UCK. Oui, c'est à cela que vous pensez?

6 Q. Non, je vous ai lu un passage qui se lit comme suit, je cite : "Les

7 partis politique doivent reconnaître l'UCK comme l'intégralité des forces

8 armées du Kosovo, et reconnaître la situation actuelle comme une situation

9 de guerre."

10 Vous l'avez trouvé le passage maintenant ?

11 R. Oui, Oui, oui. C'est à la fin du texte. Cela signifie que les partis

12 politiques qui existent au Kosovo doivent reconnaître que l'UCK constitue

13 globalement les forces armées du Kosovo, et doivent admettre l'existence

14 d'une situation de guerre.

15 Q. Très bien. Merci. Maintenant, deuxième colonne.

16 R. Oui.

17 Q. La fin de la réponse de M. Krasniqi, au bas de cette deuxième colonne,

18 d'accord ?

19 R. Oui, oui, j'ai trouvé.

20 Q. Je cite : "L'UCK est une armée de Libération et une formation militaire

21 régulière. Donc, ce n'est pas un groupe qui se lance dans des actions de

22 petite importance. Nos opérations sont relativement importantes, et elles

23 ressemblent en tout aux opérations d'une armée régulière.". Vous avez

24 trouvé ce passage, Monsieur Limaj ?

25 R. Oui. Oui. Oui.

Page 6193

1 Q. Penchez-vous à présent sur ce qui correspond au deuxième jour

2 d'interview, le 12 juillet.

3 R. Le 12 juillet ? Je vois ici 11 juillet.

4 Q. Page 1 605.

5 R. Je vais retrouver la page; je vais la chercher. Donnez-moi un instant.

6 Q. Vous étiez, jusqu'à présent, sur la page 1 603. Maintenant, nous

7 cherchons la 1 605.

8 R. Oui, je vois. Page 1 604, on voit une photographie de Shukri.

9 Q. Je vous demande de vous pencher sur la page 1 605.

10 R. Dans ce cas-là, donnez-moi une seconde. Je vois la

11 page 1 603, la page 1 604.

12 Q. Monsieur Limaj, on va vous en donner une version de plus petite taille.

13 R. J'ai trouvé, j'ai trouvé.

14 Q. Veuillez regarder ce qui est écrit lorsqu'il est question du début de

15 l'interview, début de cette deuxième interview. Au début de la première

16 colonne, nous lisons ce qui suit, je cite : "L'UCK est une nouvelle armée

17 en cours de constitution. Cependant, elle a son propre quartier général et

18 sa hiérarchie militaire depuis le premier jour, et elle l'a encore

19 aujourd'hui." Vous voyez cela ?

20 R. Oui.

21 Q. A la fin de cette réponse, nous lisons, je cite : "L'UCK est une armée

22 organisée." Vous avez retrouvé le passage ?

23 R. Oui, oui, je l'ai retrouvé.

24 Q. C'était vrai à l'époque, n'est-ce pas ?

25 R. Que puis-je ajouter à cette réponse ou à cette déclaration de M.

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1 Krasniqi ? C'est une déclaration faite par lui, mais ce n'est pas vrai.

2 Cela ne correspond pas à la vérité. Vous avez ici le nom de l'auteur de cet

3 article. Cela ne correspond pas à la vérité. La réalité sur le terrain

4 parle d'elle-même. Il peut dire ce qu'il veut. Je pourrais vous donner des

5 détail au sujet de ce que je sais comme correspondant à la vérité, mais pas

6 au sujet de ce qui ne correspond pas à la vérité.

7 Q. En fait, Monsieur Limaj --

8 R. Plusieurs observateurs internationaux ont dit la même chose.

9 Q. Monsieur Limaj, vous avez déclaré que vers la mi-juin 1998, l'UCK était

10 organisée, n'est-ce pas ?

11 R. Non. J'ai dit quelque chose de différent. J'ai dit que le travail

12 d'organisation commençait. Jakupi est venu vers la mi-juillet ou début

13 juillet pour organiser quelque chose dans la zone de Pashtrik. Comme vous

14 savez, cela prend pas mal de temps pour qu'une organisation se structure.

15 Que ce soit une section de parti politique, créer la section d'un parti

16 politique prend au moins une semaine. J'ai déjà dit, qu'au début, lorsque

17 nous avons -- il y avait le problème de la nomination du commandant de

18 zone pour que le processus s'engage. Voilà ce que j'ai dit.

19 M. WHITING : [interprétation] Monsieur le Président, Madame, Messieurs les

20 Juges, je ne crois pas que ce soit un moment très opportun mais il est 19

21 heures.

22 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci, Monsieur Whiting.

23 Il faut maintenant s'assurer que M. Limaj obtienne bien un exemplaire du

24 document dont nous avons parlé au début de l'audience avant de partir afin

25 qu'il puisse l'examiner cette nuit.

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1 M. WHITING : [interprétation] J'ai parlé avec le conseil de la Défense; la

2 chose sera organisée.

3 M. LE JUGE PARKER : [interprétation] Merci Beaucoup. Nous reprenons nos

4 travaux demain à 14 heures 15.

5 --- L'audience est levée à 19 heures et reprendra le mardi

6 24 mai 2005, à 14 heures 15.

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