Affaire n° : IT-95-14/2-A

LA CHAMBRE D’APPEL

Composée comme suit :
M. le Juge Theodor Meron, Président

M. le Juge Fausto Pocar
M. le Juge David Hunt
M. Le Juge Mehmet Güney
M. le Juge Asoka de Zoysa Gunawardana

Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier

Décision rendue le :
1er mai 2003

LE PROCUREUR
C/
Dario KORDIC et Mario CERKEZ

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DÉCISION RELATIVE À LA REQUÊTE DE PASKO LJUBICIC AUX FINS DU RÉTABLISSEMENT DES PASSAGES SUPPRIMÉS

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Le Bureau du Procureur :

M. Norman Farrell

Le Conseil de Pasko Ljubicic :

M. Tomislav Jonjic

Le Conseil de l’accusé Dario Kordic

M. Mitko Naumovski

Le Conseil de l’accusé Mario Cerkez :

M. Bozidar Kovacic

 

1. Le 19 juillet 2002, la Chambre d’appel a enjoint à l’Accusation de communiquer à Paško Ljubicic (« Ljubicic ») sous une forme expurgée les documents confidentiels de l’affaire Kordic et Cerkez susceptibles de l’aider matériellement à soutenir sa cause, étant donné que l’affaire Ljubicic et l’affaire Kordic et Cerkez présentent suffisamment de recoupements dans le temps et sur le fond1.

2. Dès que l’Accusation eut communiqué à Ljubicic les documents sous une forme expurgée, la Chambre d’appel a disposé que :

une fois qu’il aura examiné ces documents et déterminé ceux dont il a besoin en tout ou partie sous une forme non expurgée, Ljubicic désignera ceux qui, selon lui , pourraient l’aider dans la conduite de sa défense et auxquels il ne pourrait avoir accès par un autre moyen, et déposera une requête justifiant la communication desdits documents sous leur forme non expurgée. Si besoin est, l’opportunité de mesures de protection supplémentaires pourra être envisagée2.

3. L’Accusation s’est pliée à cette ordonnance le 23 septembre 2002. Ljubicic a maintenant déposé une requête confidentielle, par laquelle il demande à la Chambre d’appel d’ordonner que tous les documents « sous scellés » qui lui ont été remis par l’Accusation dans le cadre de l’affaire Kordic et Cerkez à cette date lui soient fournis sous une forme non expurgée3. Il n’a rien fait pour tenter d’établir un but légitime juridiquement pertinent qui justifierait le rétablissement des passages supprimés4. En réalité, Ljubicic a essayé d’affirmer à nouveau son droit à prendre connaissance de ces documents sous leur forme non expurgée, sans avoir à établir un but légitime juridiquement pertinent justifiant la divulgation des identités actuellement protégées par les expurgations5.

4. Rien n’incite la Chambre d’appel à remettre en question les dispositions édictées par son ordonnance précédente. Il est manifeste que la Requête par laquelle Ljubicic demande la communication, sous une forme non expurgée, de tous les documents « sous scellés » qui lui ont été remis par l’Accusation le 23 septembre 2002 ne satisfait pas à l’obligation que lui a imposée la Chambre d’appel dans son ordonnance.

5. La Requête est rejetée sans préjudice du droit de Ljubicic de déposer une nouvelle requête en conformité avec cette ordonnance, à charge pour lui d’établir le but légitime juridiquement pertinent qui justifiera que lui soient communiquées les identités actuellement protégées par les expurgations.

 

Fait le 1er mai 2003
La Haye (Pays-Bas)

Le Président de la Chambre d’appel
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Theodor Meron

[Sceau du Tribunal]


1 - Le Procureur c/ Pasko Ljubicic, affaire n° IT-00-41-PT, Ordonnance relative à la requête de Paško Ljubicic aux fins d’avoir accès à des documents confidentiels - pièces jointes, comptes rendus d’audience et pièces à conviction - dans l’affaire Kordic et Cerkez, 19 juillet 2002 (l’« Ordonnance »).
2 - Ordonnance, par. 5.
3 - Confidential Defence Motion Requesting Removal of the Redaction in Relation to the Material Disclosed in Accordance with Paško Ljubicic’s Motion for Access to Confidential Supporting Material, Transcripts and Exhibits in the Kordic and Cerkez Case of 19 July 2002, 26 mars 2003 (la « Requête »), par. 3.
4 - Dans Le Procureur c/ Blaskic, IT-95-14-A, Décision relative à la requête des appelants Dario Kordic et Mario Cerkez aux fins de consultation de mémoires d’appel, d’écritures et de comptes rendus d’audience confidentiels postérieurs à l’appel déposés dans l’affaire Le Procureur c/ Blaskic, 16 mai 2002, par. 14 et 15, la Chambre d’appel a dit (citations omises) : « 14. La Chambre peut faire droit à une demande d’accès à des pièces confidentielles dès lors qu’elle est convaincue que la partie requérante est parvenue à démontrer que lesdites pièces sont susceptibles de l’aider à soutenir sa cause. Une partie a toujours le droit de chercher des documents provenant de n’importe quelle source afin de l’aider à préparer son dossier si les documents recherchés ont été identifiés, ou leur nature générale décrite, et si un but légitime juridiquement pertinent justifiant l’obtention de cet accès a été établi. « 15. La pertinence des pièces demandées par une partie peut être déterminée dès lors que l’existence d’un lien est établi entre l’affaire de ladite partie et les affaires dans le cadre desquelles ces pièces ont été présentées, c’estàdire les affaires nées d’événements qui auraient eu lieu dans la même région et à la même époque. Il suffit que la partie requérante démontre que l’accès à ces pièces est susceptible de l'aider matériellement à présenter son appel ou, tout au moins, qu'il existe de bonnes chances pour qu'il le fasse. »
5 - Ljubicic a essayé de dire qu’il a droit à ces documents parce qu’ils ont un lien géographique et temporel avec les faits de son affaire : dans tous les documents, il est fait mention de son nom, de la formation militaire dont il était le chef, et des faits exposés dans l’acte d’accusation modifié ; or le principe de l’égalité des armes « suppose » qu’il aura le même droit d’accès que l’Accusation - Requête, par. 6 et 7.