LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
Affaire n° IT-00-41-PT
DEVANT LA CHAMBRE DE PREMIÈRE INSTANCE I
Composée comme suit :
M. le Juge Liu Daqun, Président
M. le Juge El Mahdi
M. le Juge Alphons Orie
Assistée de :
M. Hans Holthuis, Greffier
Date de dépôt :
8 avril 2002
LE PROCUREUR
c/
PAŠKO LJUBICIC
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NOTIFICATION DU DÉPÔT DE L’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ
(VERSION CORRIGÉE)
________________________________________________________________
Le Bureau du Procureur :
M. Mark B. Harmon
Le Conseil de la Défense :
M. Tomislav Jonjić
LE TRIBUNAL PÉNAL INTERNATIONAL POUR L’EX-YOUGOSLAVIE
LE PROCUREUR
c/
PAŠKO LJUBICIC
Affaire n° IT-00-41-PT
NOTIFICATION DU DÉPÔT DE L’ACTE D’ACCUSATION MODIFIÉ
(VERSION CORRIGÉE)
L’Accusation a déposé, le 5 avril 2002, un acte d’accusation modifié à l’encontre de l’accusé Pasko Ljubicic. Elle informe la Chambre que les mots « et en d’autres lieux » ont été omis par inadvertance à la fin de la troisième phrase du paragraphe 23 de l’acte d’accusation modifié. Elle a également corrigé l’orthographe de trois noms (aux numéros 7, 30 et 41) figurant à l’annexe A. En conséquence, l’Accusation dépose la version corrigée de l’acte d’accusation modifié.
Pour le Premier Substitut du Procureur
(signé)
Mark B. Harmon
Fait le 8 avril 2002
La Haye (Pays-Bas)
Affaire n° IT-00-41-PT
CONTRE
PASKO LJUBICIC
(VERSION CORRIGÉE)Le Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, en vertu des pouvoirs que lui confère l’article 18 du Statut dudit Tribunal (le « Statut du Tribunal »), accuse :
de CRIMES CONTRE L’HUMANITÉ et VIOLATIONS DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE.
1. PASKO LJUBICIC, alias Toni Raic, père de Bono, est né le 15 novembre 1965 dans le village de Nezirovici, municipalité de Busovaca, Bosnie-Herzégovine. Son numéro d’identification personnelle (« JMB ») est le 1511965450104.
2. PASKO LJUBICIC a servi dans la police militaire du Conseil de défense croate (« HVO ») pendant toute la période couverte par l’acte d’accusation.
3. PASKO LJUBICIC a rejoint les rangs de la police militaire en tant que commandant de la première compagnie du bataillon d’active de la police militaire du HVO (la « 1re compagnie »), postée en Bosnie centrale en juin 1992. Par la suite, un bataillon de police militaire du HVO a été créé dans la zone opérationnelle de Bosnie centrale (la « ZOBC »), laquelle incluait, entre autres, les municipalités de Vitez et de Busovaca. En janvier 1993, la 1re compagnie a été intégrée au 4e bataillon de police militaire, dont PASKO LJUBICIC est devenu le commandant. Il a occupé ce poste jusqu’au 1er juillet 1993, date à laquelle Vlado Santic l’a provisoirement remplacé. PASKO LJUBICIC est ensuite devenu adjoint au chef de l’administration de la police militaire de la ZOBC et, à ce titre, il était chargé de coordonner les activités de la police militaire et les tâches des bataillons légers d’assaut et des bataillons de police militaire dans la ZOBC. Il a commandé ces entités jusqu’en novembre 1993, lorsqu’il a quitté la Bosnie centrale pour devenir adjoint au chef de l’administration de la police militaire à Mostar.
4. À partir de janvier 1993, PASKO LJUBICIC était le plus haut gradé de toutes les unités de la police militaire du HVO dans la ZOBC. En cette qualité, il exerçait un pouvoir de direction et de commandement à la fois formel et de fait sur les membres de la 1re compagnie puis, par la suite, sur ceux du 4e bataillon de police militaire.
5. En qualité de commandant de la 1re compagnie et du 4e bataillon de police militaire, PASKO LJUBICIC était tenu de mettre en œuvre les décisions et d’exécuter les ordres de commandants supérieurs.
6. En qualité de commandant de la 1re compagnie, puis, par la suite, du 4e bataillon de police militaire et d’adjoint au chef de l’administration de la police militaire de la ZOBC, PASKO LJUBICIC avait le pouvoir de discipliner et de sanctionner les subordonnés qui enfreignaient la discipline militaire, notamment en commettant tous les actes illégaux portant atteinte à l’honneur des forces armées. S’agissant de ses subordonnés qui commettaient des actes illégaux, y compris des violations du droit international humanitaire, PASKO LJUBICIC était également habilité à engager des procédures disciplinaires militaires à leur encontre et à renvoyer l’affaire, pour enquête et poursuites, devant un procureur militaire habilité.
7. Pendant toute la période couverte par l’acte d’accusation, le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine était le théâtre d’un conflit armé.
8. Les actes ou omissions allégués à chacun des paragraphes faisant état de crimes contre l’humanité s’inscrivaient dans le contexte d’une attaque systématique ou généralisée contre une population civile, plus particulièrement la population musulmane de Bosnie des villes, villages et hameaux situés dans les municipalités de Vitez et de Busovaca, toutes en République de Bosnie‑Herzégovine.
9. PASKO LJUBICIC était tenu de se conformer aux obligations prévues par les lois et coutumes de la guerre, notamment par les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels.
10. PASKO LJUBICIC est responsable des crimes qui lui sont reprochés dans le présent acte d’accusation en vertu de l’article 7 1) du Statut du Tribunal. Cette responsabilité pénale porte, entre autres, sur le fait d’avoir planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter l’un quelconque des actes ou omissions énoncés ci-dessus.
11. PASKO LJUBICIC est pénalement responsable en tant que supérieur des actes de ses subordonnés, en vertu de l’article 7 3) du Statut du Tribunal. Cette responsabilité pénale implique la responsabilité d’un officier supérieur pour les actes de son subordonné s’il savait ou avait des raisons de savoir que celui-ci s’apprêtait à commettre lesdits actes ou l’avait fait, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que de nouveaux actes soient commis ou en punir les auteurs.
12. Les allégations générales contenues aux paragraphes 7 à 11 de cet acte d’accusation sont également retenues et incorporées dans chacun des chefs d’accusation s’y rapportant.
13. De mai 1992 à juillet 1993, des membres des forces armées du Conseil de défense croate (le « HVO ») de la Communauté croate d’Herceg-Bosna (la « HZ H-B »), ainsi que les agents de cette dernière, ont commis de graves violations du droit international humanitaire à l’encontre de la population civile musulmane de Bosnie dans les villes, les villages et les hameaux de Bosnie centrale, notamment, mais pas uniquement, dans les municipalités de Vitez et de Busovaca, toutes situées sur le territoire de la République de Bosnie-Herzégovine.
14. Le HVO a été créé le 8 avril 1992. La police militaire du HVO a été instituée le 10 avril 1992.
15. Les commandements de la police militaire du HVO ont été établis en mai 1992 dans chacune des zones d’opérations militaires situées dans la HZ H-B.
16. Le 4e bataillon de police militaire opérait à l’intérieur de la ZOBC, zone qui, vers la fin de 1992, comprenait les municipalités suivantes : Vitez, Busovaca, Travnik, Novi Travnik, Zenica, Kiseljak, Vares, Kresevo, Fojnica, Kakanj, Zepce, Zaviovici, Teslic, Tesanj et Maglaj. Les membres du 4e bataillon de police militaire étaient stationnés dans chacune de ces municipalités. À la fin de 1992, les effectifs de la police militaire dans la ZOBC étaient de l’ordre de 600 personnes.
17. Le 4e bataillon de police militaire était organisé en formations subordonnées appelées compagnies et sections (voir organigramme 1 ci-joint).
18. Fin janvier et début février 1993, une formation appelée Groupe antiterroriste a été créée au sein du 4e bataillon de police militaire. Cette formation, qui était également connue sous le nom de « Jokers », était stationnée au « bungalow », dans le village de Nadioci, municipalité de Vitez.
CHEFS D’ACCUSATION
CHEF 1
PERSÉCUTIONS
19. Entre janvier 1993 et juillet 1993, PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, et avec d’autres membres du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter un crime contre l’humanité, en persécutant des Musulmans de Bosnie pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, dans les villes et villages des municipalités de Vitez et Busovaca mentionnés aux paragraphes 22 à 28 ci-après.
20. Entre janvier 1993 et juillet 1993, PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, et avec d’autres membres du HVO, a commis ces persécutions par les moyens suivants :
Attaques de villes et villages :
21. Les persécutions ont été commises au moyen de l’attaque généralisée ou
systématique de villes et de villages habités par des Musulmans de Bosnie, dans
les municipalités de Vitez et de Busovaca. Parmi ces attaques, figurent celles
des villes et des villages mentionnés aux paragraphes 22 à 28 :
22. La ville de Busovaca : à l’aube du 25 janvier 1993, agissant de concert, des membres de la brigade Nikola Subic Zrinski (la brigade du HVO postée dans la municipalité de Busovača) et du 4e bataillon de police militaire ont attaqué la partie musulmane de Busovača et ses environs. PASKO LJUBICIC et ses subordonnés ont personnellement pris part à l’attaque de Busovača. Cette attaque a entraîné la mort de 27 Musulmans de Bosnie, ainsi que la destruction et le pillage des commerces appartenant aux Musulmans de Bosnie, pillage commis avec l’autorisation de PASKO LJUBICIC. Les soldats du HVO et les policiers du 4e bataillon de police militaire ont arrêté les Musulmans de Bosnie de sexe masculin qui habitaient Busovača et les environs, et les ont conduits au centre de détention de Kaonik. À un moment donné, environ 500 hommes ont été détenus dans ce centre. De concert avec le commandement du HVO et la brigade Nikola Subic Zrinski, des membres du 4e bataillon de police militaire transportaient ces détenus du centre de détention à la ligne de front, où ils effectuaient des travaux forcés, et notamment le creusement de tranchées.
23. La ville de Vitez : le 16 avril 1993 au matin, les villes et villages qu’habitaient des Musulmans de Bosnie dans la vallée de la Lasva, notamment la ville de Vitez, ont été attaqués par le HVO dans le cadre d’une offensive concertée. Le 4e bataillon de police militaire faisait partie des unités ayant participé à cette offensive. PASKO LJUBICIC a pris part les 15 et 16 avril 1993, à l’hôtel Vitez dans la ville de Vitez, au « bungalow » dans le village de Nadioci et en d’autres lieux, à la planification de cette attaque concertée. Pendant et immédiatement après l’attaque de Vitez, des civils musulmans de Bosnie ont été tués, leurs biens endommagés, détruits et pillés, tandis que les hommes et les garçons musulmans étaient arrêtés par les membres du 4e bataillon de police militaire et conduits dans les divers centres de détention décrits dans cet acte d’accusation. Dans certains de ces centres, les membres du 4e bataillon de police militaire assuraient la garde armée des détenus et, au su et sur l’ordre de PASKO LJUBICIC, ils les conduisaient sur la ligne de front pour leur faire creuser des tranchées et effectuer d’autres travaux forcés.
24. Les villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici et de Santici : à l’aube du 16 avril 1993, ces villages ont été attaqués par des unités de l’armée du HVO agissant de concert avec le 4e bataillon de police militaire. Avant l’attaque contre Ahmici, Nadioci, Pirici et Santici, PASKO LJUBICIC, qui avait participé à la planification de cette opération militaire, a transmis des ordres à ses subordonnés selon lesquels tous les Musulmans en âge de porter des armes devaient être tués et les civils expulsés. PASKO LJUBICIC a personnellement participé à l’attaque d’Ahmici. Toutes les habitations du village d’Ahmici qui appartenaient aux Musulmans de Bosnie ont été complètement détruites et les deux mosquées ont également été détruites à l’aide d’engins explosifs. Plus de cent civils ont été tués (une liste incomplète des victimes figure à l’annexe A ci-jointe), et tous les habitants musulmans de Bosnie ont été expulsés du village.
25. Le village de Donja Veceriska : le village est situé à proximité de la ville de Vitez. Le 16 avril 1993 au matin, il a été attaqué par le HVO. De nombreuses maisons appartenant à des Musulmans de Bosnie ont été endommagées et détruites pendant cette attaque et la population musulmane expulsée. PASKO LJUBICIC a participé à la planification de l’opération concertée dont l’attaque contre ce village faisait partie.
26. Le village de Loncari : ce village est situé dans la municipalité de Busovača, non loin du village d’Ahmici. Le 16 avril 1993, les soldats du HVO sont arrivés dans le village, où ils ont arrêté les hommes musulmans de Bosnie et les ont conduits au centre de détention de Kaonik. Le lendemain, des membres du HVO sont entrés dans Loncari et ont expulsé la population civile. À l’aide de liquides inflammables, ils ont incendié le mekteb (école coranique), ainsi que toutes les maisons du village appartenant aux Musulmans de Bosnie. Ils ont également abattu le bétail. Trois hommes qui s’enfuyaient du village, Fuad Kermo, Ibrahim Pezer et Avdo Sahman, ont été capturés et abattus par Miroslav Bralo, un subordonné de l’accusé. PASKO LJUBICIC a participé à la planification de l’opération concertée dont l’attaque contre ce village faisait partie.
27. Le village d’Ocenici : le 19 avril 1993, ce village a été attaqué par le HVO. L’objectif déclaré de l’attaque était de « nettoyer » et de « raser » le village. PASKO LJUBICIC et des membres du 4e bataillon de police militaire, de concert avec des membres de la brigade Nikola Subic Zrinski, ont personnellement pris part à cette attaque. Pendant et immédiatement après cette attaque, cinq femmes, toutes des civiles, membres ou parentes de la famille d’Ibrahim Nouhagic, ont été tuées et d’autres civils, parmi lesquels Ramiz Nuhagic, ont été grièvement blessés. PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire et du HVO, a commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à exécuter les crimes commis à Ocenici.
28. Le village de Gacice : ce village est situé à quelques kilomètres de la ville de Vitez. Le 20 avril 1993 au matin, le village a été bombardé et attaqué par des unités d’infanterie du HVO. Après l’attaque, quelque 247 habitants musulmans de Bosnie ont été arrêtés et forcés de marcher jusqu’à l’hôtel Vitez, le quartier général du HVO, où ils ont été utilisés comme boucliers humains pour le protéger contre une attaque d’artillerie. Depuis le 16 avril 1993, le 4e bataillon de police militaire était chargé de protéger l’hôtel Vitez. Les habitants de Gacice ont ensuite été ramenés dans leur village et logés dans environ sept maisons, avant d’être expulsés vers Zenica. PASKO LJUBICIC a participé à la planification de l’opération concertée dont l’attaque contre ce village faisait partie.
Homicide intentionnel et fait de porter des atteintes graves :
29. Des persécutions ont été commises pendant et immédiatement après les
attaques mentionnées aux paragraphes 24, 26 et 27 sous forme d’homicides
et par le fait de causer de grandes souffrances ou de porter des atteintes graves
aux civils musulmans de Bosnie, y compris aux femmes, aux enfants, aux personnes
âgées et aux infirmes. Pendant et immédiatement après les attaques qui ont eu
lieu le 16 avril 1993 contre Ahmici, Nadioci, Pirici et Santici, une centaine
de civils ont été tués (une liste incomplète des victimes figure à l’annexe
A ci‑jointe) et de nombreux autres grièvement blessés. Avant l’attaque
contre ces villages, PASKO LJUBICIC a transmis à ses subordonnés des
ordres selon lesquels tous les hommes musulmans en âge de porter des armes devaient
être tués. Au cours de l’attaque d’Ocenici, le 19 avril 1993, cinq
femmes, toutes des civiles, membres de la famille ou parentes d’Ibrahim Nuhagic,
ont été tuées. PASKO LJUBICIC et des membres de la 4e brigade
militaire, de concert avec la brigade Nikola Subic Zrinski, ont personnellement
pris part à cette attaque. Après l’attaque de Loncari, trois hommes qui s’enfuyaient
du village, Fuad Kermo, Ibrahim Pezer et Avdo Sahman, ont été capturés et abattus
par Miroslav Bralo, un subordonné de PASKO LJUBICIC.
Destruction et pillage de biens :
30. Des persécutions ont été commises pendant et immédiatement après les
attaques visées aux paragraphes 22, 24, 26 et 27, par la destruction sans
motif et à grande échelle, au moyen d’engins incendiaires et explosifs, et par
le pillage d’habitations de Musulmans de Bosnie, de leurs commerces, des édifices
consacrés à la religion ou à l’enseignement, des biens et du bétail appartenant
à des civils. Avant l’attaque de Busovača en janvier 1993, PASKO LJUBICIC
a dit aux membres du 4e bataillon de police militaire qui se
trouvaient sous sa direction et son commandement qu’ils pouvaient emporter tout
ce qu’ils voulaient des maisons des Musulmans. Avant les attaques qui ont eu
lieu le 16 avril 1993 contre les villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici
et de Santici, PASKO LJUBICIC a transmis à ses subordonnés des ordres
selon lesquels toutes les maisons des Musulmans devaient être incendiées. L’objectif
déclaré de l’attaque du village d’Ocenici, lancée le 19 avril 1993 par des unités
comprenant des membres du 4e bataillon de police militaire,
était de « nettoyer » et de « raser » le village.
Traitements inhumains de civils :
31. Des persécutions ont été commises dans les municipalités de Vitez et de Busovaca, par la sélection et la détention systématiques, pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, de centaines de civils musulmans de Bosnie, et par leur placement dans des centres de détention contrôlés par le HVO. Ces centres de détention sont énumérés aux paragraphes 55 à 59 de cet acte d’accusation.
32. Les civils musulmans de Bosnie détenus aux emplacements mentionnés aux paragraphes 55 à 59 étaient battus, astreints à des travaux, notamment au creusement de tranchées sur la ligne de front ou à proximité (où plusieurs ont été tués ou blessés), et étaient soumis à des sévices corporels et psychologiques, ainsi qu’à des intimidations.
33. Les membres du 4e bataillon de police militaire, au su et sur l’ordre de PASKO LJUBICIC, ont pris part aux traitements cruels et inhumains infligés aux détenus, en arrêtant les civils musulmans de Bosnie et en les conduisant dans les centres de détention mentionnés aux paragraphes 55 à 59 ; en les gardant dans ces centres de détention ; en les transportant de ces centres à la ligne de front, où ils étaient utilisés comme boucliers humains ou contraints de creuser des tranchées ou d’effectuer d’autres formes de travail forcé ; en permettant à des membres du 4e bataillon de police militaire, notamment à Miroslav Bralo, Anto Furundzija et d’autres, d’infliger des sévices corporels aux détenus placés sous leur garde.
Transfert forcé de civils :
34. Des persécutions ont été commises lorsque des civils musulmans de Bosnie
ont été expulsés de leurs habitations et transférés de force par la police militaire
du HVO et d’autres membres du HVO des municipalités de Vitez et de Busovaca
dans d’autres régions de la République de Bosnie-Herzégovine. Le 16 avril 1993
au matin, avant le début de l’attaque des villages d’Ahmici, de Nadioci, de
Pirici et de Santici, PASKO LJUBICIC a transmis à ses subordonnés des
ordres selon lesquels tous les Musulmans devaient être expulsés. Ces attaques
ont eu pour résultat l’expulsion de tous les Musulmans de Bosnie de ces villages.
35. Les persécutions de civils musulmans de Bosnie alléguées ci-dessus ont été commises de manière tellement généralisée, et exécutées de manière tellement systématique, que la population civile musulmane a considérablement baissé dans les parties des municipalités de Vitez et de Busovaca dont le HVO et l’administration croate de Bosnie avaient pris le contrôle.
36. PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de police militaire persécutaient les Musulmans de Bosnie pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, dans les villes et les villages des municipalités de Vitez et de Busovača, sous les formes décrites aux paragraphes 21 à 28, ou l’avaient fait, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Chef 1 : Persécutions pour des raisons politiques, raciales ou religieuses, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 h), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
CHEF 2
ATTAQUES ILLÉGALES DE CIVILS
37. PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire placés sous sa direction et son commandement, et avec d’autres membres du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter des attaques illégales visant des civils et leurs biens dans les villes et villages désignés ci-dessous :
VILLE/VILLAGE Ahmici, Nadioci, Pirici, Santici Ocenici |
DATE DE L’ATTAQUE 16 avril 1993 19 avril 1993 |
38. PASKO LJUBICIC et d’autres membres du HVO ont participé à la planification de l’attaque des villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici et de Santici, et l’accusé a transmis aux membres du 4e bataillon de police militaire des ordres en rapport avec ces attaques. Le 15 avril 1993 au soir et le 16 avril 1993, PASKO LJUBICIC se trouvait au « bungalow », la base opérationnelle de la police militaire pour les attaques, située aux abords du village d’Ahmici. Le 16 avril 1993, PASKO LJUBICIC a transmis aux membres du 4e bataillon de police militaire, y compris à Anto Furundzija, Miroslav Bralo, Vladimir Santic, Nino Saric, Nikica Safradin et Josip Jukic, des ordres selon lesquels tous les Musulmans en âge de combattre devaient être tués et les civils expulsés. PASKO LJUBICIC a personnellement pris part aux attaques, décrites ci‑dessus, des villages et des civils qui s’y trouvaient. Plus tard dans la soirée, il a eu une réunion avec des membres du 4e bataillon de police militaire et d’autres membres du HVO au « bungalow ».
39. S’agissant de l’attaque du village d’Ocenici, PASKO LJUBICIC et d’autres membres du 4e bataillon de police militaire, agissant de concert avec des membres de la brigade Nikola Subic Zrinski, ont personnellement pris part à l’attaque. L’objectif déclaré de l’attaque était de « nettoyer » et de « raser » le village.
40. PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de police militaire s’apprêtaient à lancer des attaques illégales contre les civils et leurs biens dans les villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici, de Santici et d’Ocenici, ou l’avaient fait, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Chef 2 : Attaque illégale de civils, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal et le droit coutumier, ainsi que par l’article 51 2) du Ier Protocole additionnel aux Conventions de Genève et l’article 13 2) du IIe Protocole additionnel.
41. PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, et avec d’autres membres du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter les crimes suivants : le meurtre de civils musulmans de Bosnie et le fait de porter des atteintes graves ou de causer de grandes souffrances, tant physiques que mentales, à des civils musulmans de Bosnie, à Ahmici, Nadioci, Pirici et Santici.
42. Le 16 avril 1993, au « bungalow », le poste de commandement opérationnel de la police militaire pour les attaques contre Ahmici, Nadioci, Pirici et Santici, PASKO LJUBICIC a transmis aux membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, y compris à Miroslav Bralo, Anto Furundzija, Vladimir Santic, Nino Saric, Nikica Safradin et Josip Jukic, des ordres selon lesquels tous les Musulmans en âge de combattre devaient être tués.
43. Le 16 avril 1993, les villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici et de Santici ont été attaqués par des unités du HVO, y compris le 4e bataillon de police militaire. Pendant et immédiatement après ces attaques, une centaine de civils ont été tués (une liste incomplète des victimes figure à l’annexe A ci-jointe) et de nombreux autres ont enduré de grandes souffrances, tant physiques que mentales.
44. Du 15 avril 1993 à novembre 1993, PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de police militaire s’apprêtaient à commettre des meurtres et à porter de graves atteintes physiques et mentales aux civils habitant dans les villages d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici et de Santici, ou l’avaient fait, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou pour en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Meurtres :
Chef 3 : Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES
DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3)
du Statut du Tribunal et par l’article 3 1) a) des Conventions
de Genève.
Chef 4 : Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 a), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
Blessures:
Chef 5 : Atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle,
une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les
articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal et par l’article 3 1) a)
des Conventions de Genève.
Chef 6 : Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
CHEFS 7 À 10
MEURTRE ET FAIT DE PORTER DES ATTEINTES GRAVES
( OCENICI)
45. PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, et avec des membres de la brigade Nikola Subic Zrinski, a commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à exécuter les crimes suivants : le meurtre de civils musulmans de Bosnie et le fait de porter des atteintes graves ou de causer de grandes souffrances, tant physiques que mentales, à des civils musulmans de Bosnie, à Ocenici.
46. Le 19 avril 1993, le village d’Ocenici a été attaqué par le HVO. L’objectif déclaré de cette attaque était de « nettoyer » et « raser » le village. PASKO LJUBICIC et des membres du 4e bataillon de police militaire, de concert avec la brigade Nikola Subic Zrinski, ont personnellement pris part à cette attaque. Pendant et immédiatement après ces attaques, cinq femmes, toutes des civiles, membres de la famille ou parentes d’Ibrahim Nuhagic, ont été tuées et d’autres civils grièvement blessés, y compris Ramiz Nuhagic.
47. PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de police militaire s’apprêtaient à commettre des meurtres et à porter de graves atteintes physiques et mentales aux civils habitant dans le village d’Ocenici, ou l’avaient fait, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou pour en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Meurtres:
Chef 7 : Meurtre, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES
DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3)
du Statut du Tribunal et par l’article 3 1) a) des Conventions
de Genève.
Chef 8 : Assassinat, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 a), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
Blessures:
Chef 9 : Atteintes portées à la vie et à l’intégrité corporelle,
une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée :par
les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal et par l’article 3 1) a)
des Conventions de Genève.
Chef 10 : Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
48. Du 25 janvier au 19 avril 1993, PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec les membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, et avec d’autres membres du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à planifier, préparer ou exécuter la destruction, sans motif et à grande échelle (principalement par des engins incendiaires et/ou explosifs), et le pillage des habitations des Musulmans de Bosnie, de leurs commerces, de leurs édifices consacrés à la religion et à l’enseignement, de leurs biens privés et de leurs troupeaux, dans les agglomérations, les villes et les villages suivants :
Busovaca Ahmici, Nadioci, Pirici, Santici Loncari Ocenici |
25 janvier 1993 au 8 février 1993
16 avril 1993 17 avril 1993 19 avril 1993 |
49. Avant et pendant l’attaque de Busovača mentionnée au paragraphe 22, PASKO LJUBICIC a utilisé le café Bos, situé à Busovača, comme base opérationnelle du 4e bataillon de police militaire pour la campagne menée contre Busovača. Là, PASKO LJUBICIC a dit à des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement qu’ils pouvaient emporter tout ce qu’ils voulaient des maisons des Musulmans. Pendant et immédiatement après l’attaque de Busovača, les habitations et les commerces des Musulmans de Bosnie ont été pillés, et un grand nombre détruits ou endommagés par le feu ou des engins explosifs.
50. Avant les attaques d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici et de Santici, alors qu’il se trouvait au « bungalow », PASKO LJUBICIC a transmis à des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement, y compris à Miroslav Bralo, Anto Furundzija, Vladimir Santic, Nino Saric, Nikica Safradin et Josip Jukic, des ordres selon lesquels toutes les maisons appartenant à des Musulmans devaient être incendiées. Pendant et immédiatement après l’attaque de ces villages, les maisons des Musulmans de Bosnie ont été rasées et les deux mosquées d’Ahmici ont été détruites. PASKO LJUBICIC a personnellement pris part aux attaques de ces villages.
51. Avant l’attaque d’Ocenici, le 19 avril 1993, l’objectif déclaré des unités participant à l’attaque, y compris le 4e bataillon de police militaire, était de « nettoyer » et « raser » le village. PASKO LJUBICIC et d’autres membres du 4e bataillon de police militaire, de concert avec la brigade Nikola Subic Zrinski, ont personnellement pris part à l’attaque.
52. S’agissant du village de Loncari, PASKO LJUBICIC a participé à la planification des opérations militaires concertées qui ont débuté le 16 avril 1993 dans la vallée de la Lasva et, à la fin de cette journée, il a déployé des membres du 4e bataillon de police militaire, y compris Miroslav Bralo, vers le mont Kuber sur lequel est situé le village de Loncari.
53. PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement s’apprêtaient à détruire sans motif et piller les habitations des Musulmans de Bosnie, leurs commerces, leurs édifices consacrés à la religion et à l’enseignement, leurs biens privés et leurs troupeaux, dans les villes et villages de Busovača, d’Ahmici, de Nadioci, de Pirici, de Loncari et d’Ocenici, ou l’avaient fait, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Chef 11 : Dévastation que ne justifient pas les exigences militaires, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 b), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
Chef 12 : Destruction ou endommagement délibéré d’édifices consacrés à la religion ou à l’enseignement, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 d), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
Chef 13 : Pillage de biens publics ou privés, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3 e), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
54. Entre janvier et juillet 1993, PASKO LJUBICIC, agissant seul ou de concert avec des membres du 4e bataillon de police militaire qui se trouvaient sous sa direction ou son commandement, et avec d'autres membres du HVO, a planifié, incité à commettre, ordonné, commis ou de toute autre manière aidé et encouragé à infliger des traitements cruels et inhumains à des civils musulmans de Bosnie et à des personnes hors de combat dans les lieux mentionnés aux paragraphes 55 à 59.
55. Le complexe cinématographique de Vitez : ce complexe multisalles a été transformé en camp de détention après le début de l’offensive militaire du HVO le 16 avril 1993. Entre 250 et 350 hommes y ont été détenus.
56. La prison de Kaonik près de Busovaca : le site de Kaonik abritait l’ancienne caserne de l’Armée populaire yougoslave (JNA) utilisée principalement comme magasin. Ce lieu avait été utilisé initialement comme prison militaire pour les personnes incarcérées sur l’ordre du tribunal militaire de district de Travnik, mais, à partir de janvier 1993, après l’attaque de Busovača, il a été utilisé comme centre de détention pour les Musulmans de Bosnie. Le 4e bataillon de police militaire était chargé d’assurer la garde du centre. L’entrée de la prison de Kaonik était contrôlée par la police militaire. C’était le plus grand centre de détention permanent dans les municipalités de Busovača/Vitez. Les détenus étaient soumis à des sévices corporels, et emmenés sur la ligne de front pour y creuser des tranchées.
57. Le poste vétérinaire de Vitez : ce lieu est devenu un centre de détention provisoire après le 16 avril 1993. Il a servi environ trois jours pendant lesquels quelque 76 Musulmans de Bosnie y ont été détenus, avant d’être transférés à l’école primaire de Dubravica. Ces détenus avaient entre 16 et 70 ans, et ils étaient emmenés sur la ligne de front pour y creuser des tranchées.
58. L’école primaire de Dubravica : cette école a servi de centre de détention pour les Musulmans de Bosnie à partir du 16 avril 1993. Environ 500 personnes y ont été détenues, dont une centaine de femmes et d’enfants. Les détenus étaient soumis à des sévices corporels et ils étaient emmenés sur la ligne de front pour y creuser des tranchées. L’école a servi de lieu de détention jusqu’à la mi-mai 1993.
59. Les bureaux du SDK à Vitez : les bureaux du SDK ont été transformés en un modeste centre de détention provisoire le 16 avril 1993. Les détenus étaient placés sous la garde de la police militaire du HVO. Il y avait là quelque 63 prisonniers, âgés de 12 à 64 ans.
60. Les civils musulmans de Bosnie et les personnes hors de combat détenus dans les centres de détention mentionnés aux paragraphes 55 à 59 ont été battus, soumis à des sévices corporels et psychologiques ainsi qu’à des intimidations, notamment par des membres du 4e bataillon de police militaire placés sous la direction et le commandement de PASKO LJUBICIC. Sejo Hajdarevic, Edin Osmancevic, Fuad Kaknjo et Besim Kovac se trouvaient parmi les Musulmans de Bosnie soumis à ces sévices dans le centre de détention de Kaonik.
61. Les civils musulmans de Bosnie et les personnes hors de combat qui étaient détenus dans les centres de détention susmentionnés étaient également forcés, notamment par des membres du HVO, de creuser des tranchées sur la ligne de front, ou près de celle-ci, dans les municipalités de Vitez et de Busovaca. Des membres du 4e bataillon de police militaire, placés sous la direction et le commandement de PASKO LJUBICIC, venaient chercher les détenus musulmans dans les centres de détention mentionnés aux paragraphes 55 à 59, et les escortaient, sous la menace de l’emploi de la force, jusqu’à la ligne de front où ils étaient contraints de creuser des tranchées pour les unités du HVO chargées de tenir ces positions. Parfois, des membres du 4e bataillon de police militaire, dont Miroslav Bralo et Anto Furundzija, supervisaient le travail forcé effectué par les détenus sur la ligne de front. Tel a été le cas, par exemple, entre les 22 et 29 avril 1993 à Kratine. Des civils musulmans de Bosnie et des personnes hors de combat ont été tués pendant qu’ils creusaient des tranchées, tandis que d’autres étaient grièvement blessés et en butte aux mauvais traitements de la part des membres du 4e bataillon de police militaire placés sous la direction et le commandement de PASKO LJUBICIC.
62. Des membres du 4e bataillon de police militaire, au su et sur l’ordre de PASKO LJUBICIC, ont participé aux traitements cruels et inhumains infligés aux détenus, en arrêtant les civils musulmans de Bosnie et en les conduisant dans les centres de détention décrits dans cet acte d’accusation ; en les gardant dans ces centres de détention ; en emmenant les détenus de ces centres à la ligne de front, où ils étaient utilisés comme boucliers humains ou obligés de creuser des tranchées ou d’effectuer d’autres formes de travail forcé ; en permettant à des membres du 4e bataillon de police militaire, y compris à Miroslav Bralo, Anto Furundzija et d’autres, d’infliger des sévices corporels aux détenus placés sous leur garde. Les exemples suivants s’inscrivent dans ce comportement :
a) Le 27 janvier 1993, des membres du 4e bataillon de police militaire sont venus chercher 13 hommes musulmans, dont Emin Saracevic, Abdulkerim Sarajlic et Irfan Beslic, au centre de détention de Kaonik et les ont utilisés comme boucliers humains. Ces prisonniers ont été ligotés en présence de Zarko Milic, un subordonné de PASKO LJUBICIC.
b) Le 22 avril 1993, Anto Zabac, un policier militaire, est venu chercher neuf Musulmans de Bosnie, dont Sulejman Kavazovic, au centre de détention du SDK et les a conduits à Rijeka pour y creuser des tranchées.
c) Le 22 avril 1993, des Musulmans de Bosnie, dont Sulejman Kavazovic, ont été conduits de Rijeka au « bungalow » à Nadioci, où Vladimir Santic, un subordonné de PASKO LJUBICIC, leur a fait creuser des tranchées et effectuer d’autres formes de travail forcé.
d) Le 22 avril 1993, cinq Musulmans de Bosnie, dont Sulejman Kavazovic, Mirsad Ahmic et un certain Cengalovic, ont été conduits dans la zone de Kratine où ils ont été placés sous la garde de subordonnés de PASKO LJUBICIC, notamment d’Anto Furundzija et de Miroslav Bralo, et contraints de creuser des tranchées pour les « Jokers » et pour d’autres éléments du HVO. Ils ont également été forcés d’effectuer d’autres formes de travail forcé dangereux, y compris de poser des mines. Ils sont restés à Kratine jusqu’au 29 avril 1993.
63. Les lieux sur lesquels ces civils ont été forcés de creuser des tranchées, après la prise de contrôle de Busovača en janvier 1993 et après l’offensive du HVO qui a débuté le 16 avril 1993, comprennent, sans s’y limiter, Kratine, Kula, Rijeka, Krcevine, Dubravica, Sivrino Selo, Tolovici, Topole, Komare, Bakije, Gradina, Oblice, Krizancevo Selo, Strane, Putis, Prosje, Rovna, une zone en direction de Merdani, une autre près de Nadioci et Pirici, et une zone près de Loncari.
64. Pendant qu’ils étaient astreints au travail forcé sur la ligne de front du HVO, les civils musulmans de Bosnie étaient soumis à des sévices corporels par des membres du HVO et du 4e bataillon de police militaire, notamment par Miroslav Bralo et Anto Furundzija. Mehmed Beslic, Faik Sarajlic, Nijaz Tulic, Islam Osmancevic et Edin Muminovic faisaient partie des détenus soumis à ces sévices.
65. Pendant qu’ils étaient astreints au travail forcé, un certain nombre de Musulmans de Bosnie ont été battus à mort par des membres du HVO ou abattus. Muhamed « Cakara », Jasmin Sehovic, Nermin Elesovic, Jusuf Ibrakovic, Hurem (patronyme inconnu) et Almir Gadjun comptent parmi les tués.
66. PASKO LJUBICIC savait ou avait des raisons de savoir que des membres du 4e bataillon de la police militaire qui se trouvaient sous sa direction et son commandement commettaient les actes décrits aux paragraphes 54 à 65, ou les avaient commis, et il n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour empêcher que lesdits actes ne soient commis ou en punir les auteurs.
Par ces actes et omissions, PASKO LJUBICIC s’est rendu coupable de :
Chef 14 : Traitements cruels, une VIOLATION DES LOIS OU COUTUMES DE LA GUERRE, sanctionnée par les articles 3, 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal et par l’article 3 1) a) des Conventions de Genève.
Chef 15 : Actes inhumains, un CRIME CONTRE L’HUMANITÉ, sanctionné par les articles 5 i), 7 1) et 7 3) du Statut du Tribunal.
Le Procureur adjoint
/signé/
Graham Blewitt
Fait le 8 avril 2002
La Haye (Pays-Bas)