Tribunal Criminal Tribunal for the Former Yugoslavia

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1 (Lundi 23 septembre 2002)

2 (Audience sur requête.)

3 (L'audience est ouverte à 11 heures 05.)

4 (Audience publique.)

5 M. le Président (interprétation): Bonjour, à tous, Mesdames et

6 Messieurs. Madame la Greffière d'audience, voudriez-vous appeler la cause?

7 Mme Philpott (interprétation): Affaire IT-95-11-PT, le

8 Procureur contre Milan Martic.

9 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Pourrais-je

10 avoir les représentants des parties pour l'accusation.

11 Mme Uertz-Retzlaff (interprétation): Pour l'accusation, M. Alex

12 Whriting et mon nom est Hildegard Uertz-Retzlaff.

13 M. le Président (interprétation): Pour la défense ?

14 M. Kastratovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le

15 Président, Monsieur le juge. Strahinja Kastratovic et Marko Kastratovic en

16 tant que défenseur de l'accusé.

17 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Je voudrais

18 maintenant entendre le nom de l'éminent représentant du Gouvernement de la

19 République fédérale de la Yougoslavie, voudriez-vous, s'il vous plaît,

20 vous présenter, ainsi que votre collègue ?

21 M. Markovic (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président,

22 je m'appelle Savo Markovic. Je suis le ministre de la Justice fédérale. Je

23 vais vous présenter les garanties de la République fédérale et de la

24 République de Serbie.

25 M. Vukasinovic (interprétation): Bonjour. Je m'appelle Dusan

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1 Vukasinovic. Je suis le premier conseiller de l'ambassade yougoslave à La

2 Haye.

3 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Cette

4 Chambre est très reconnaissante que vous ayez bien voulu venir à

5 l'audience avec un préavis si court. Nous sommes heureux que vous soyez

6 venus à La Haye; ceci démontre que le Gouvernement de la Yougoslavie est

7 décidé à coopérer avec le Tribunal. Il se peut que nous vous demandions de

8 répondre à des questions posées par la Chambre à un stade ultérieur.

9 Monsieur Martic, pouvez-vous entendre la procédure dans une

10 langue que vous comprenez ?

11 M. Martic (interprétation): Oui, je peux comprendre.

12 M. le Président (interprétation): Vous pouvez vous asseoir.

13 M. Martic (interprétation): Je vous remercie.

14 M. le Président (interprétation): L'audience de ce jour sera

15 divisée en deux parties: la première concerne l'audience visant à une

16 demande de liberté provisoire et la deuxième est une conférence de mise en

17 état. Entre les deux, nous aurons une brève suspension d'audience.

18 Dans l'ordonnance portant calendrier concernant cette demande de

19 mise en liberté provisoire, et rendue par cette Chambre le 9 septembre

20 2002, la Chambre a considéré qu'elle était saisie de la demande de mise en

21 liberté provisoire par le précédent conseil Knoops, le 9 juillet 2002, et

22 après une demande de mise en liberté provisoire jusqu'au commencement du

23 procès, déposée par l'accusé le 10 juillet 2002, la Chambre a aussi reçu

24 du Bureau du Procureur, en date du 18 juillet 2002, ainsi que les

25 garanties du Gouvernement fédérale de la Yougoslavie et le Gouvernement de

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1 la Serbie. L'audience consacrée à la demande de liberté provisoire sera

2 menée sur la base de ces demandes.

3 La Chambre est au complet. A ma droite, il y a l'éminent Juge El

4 Mahdi et, à ma gauche, l'éminent Juge Orie. Mon nom est Liu. Je suis juge,

5 Président de cette Chambre de première instance.

6 Etant donné que le conseil de la défense a présenté une demande

7 de mise en liberté provisoire de M. Milan Martic, je voudrais d'abord

8 entendre M. Kastratovic. Voudriez-vous, s'il vous plaît, exposer les

9 points essentiels de votre demande de façon très brève et tout ce qui, à

10 votre sens, est nouveau et mérite d'être évoqué.

11 Monsieur Kastratovic, vous avez la parole.

12 M. Kastratovic (interprétation): Monsieur le Président, je vous

13 remercie sincèrement de m'avoir fourni cette possibilité. Ce que je dois

14 dire d'ores et déjà, c'est qu'il n'y a pas d'appel d'interjeté de ma part.

15 C'est Maître Knoops qui a demandé la mise en liberté provisoire. Il s'agit

16 d'un avocat d'Amsterdam qui a fait cette demande de mise en liberté

17 provisoire de façon assez formelle sans prendre en compte un certain

18 nombre de circonstances qui sont importantes si bien pour les juges de la

19 Chambre que pour le Procureur quand ils auront à répondre éventuellement à

20 notre requête.

21 Donc, je dois souligner que Maître Knoops n'a jamais été accepté

22 en tant que conseil de la défense par M. Martic. Vous devrez savoir que

23 cette "guerre", il s'agit d'une métaphore ici, entre le Procureur et

24 l'accusé, a duré à peu près 2 ou 3 mois et que M. Martic était dépourvu de

25 toute défense. Il s'agit d'un homme malade, d'un homme qui est placé en

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1 détention provisoire et, en tant que tel, il a tout à fait le droit de

2 choisir lui-même son chirurgien et de choisir lui-même son avocat,

3 l'avocat qui sera à même de le défendre. C'est grâce à cela, grâce à la

4 bienveillance de la Chambre que je suis présent dans ce prétoire

5 aujourd'hui.

6 Vous m'avez demandé d'être aussi bref que possible, mais je vais

7 tout de même vous demander un peu de patience car je sais que je dépense

8 votre temps et le temps des Nations Unies. Mais comme je n'ai pas fait

9 moi-même cette demande de mise en liberté provisoire, je me trouve quelque

10 peu obligé de vous expliquer de quoi il s'agit, d'énumérer les

11 circonstances. L'accusé a été accusé dans un Acte d'accusation, pour les

12 charges qui y figurent et qui relèvent de l'année 1995 et qui datent du 21

13 septembre de l'année en cours. Cet accusé se trouve en détention depuis

14 quatre mois. Je vais vous dire ou vous faire part un peu de tout ce qui

15 s'est passé depuis son arrestation, mais il s'agit d'une affaire de droit

16 et de faits, car, pour la Chambre, il y a aussi à considérer le volet

17 politique. Même si j'abuse quelque peu de mes droits ici, je vais accepter

18 toute critique de votre part, mais je dois vous dire que M. Martic est le

19 leader d'un peuple qui n'existe plus en Croatie.

20 Depuis l'année 1991, 182 villages ont été évacués de la Slavonie

21 occidentale, et quand le 1er et le 2 mai 1995, au cours de l'action

22 militaire éclair, les 30.000 habitants restants ont été expulsés de cette

23 partie de Croatie. Ensuite, à la date mémorable du 5 août 1995, dans la

24 Krajina de Knin, les autres 250.000 à 300.000 Serbes ont été expulsés de

25 Croatie.

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1 Je dois vous dire, même si nous allons sans doute en parler plus

2 en détail au cours de la procédure, je dois vous dire qu'auparavant,

3 habitaient en Croatie un million de Serbes, alors qu'aujourd'hui, il n'en

4 reste que 100 à 120.000. La Slavonie de l'ouest a été purifiée de façon

5 brutale de la population serbe. La population serbe habite ce territoire

6 depuis plus de 500 ans.

7 Je m'adresse au Bureau du Procureur, mais en même temps je vais

8 vous demander de m'entendre. Est-ce que qui que ce soit présent, est-ce

9 que quelque accusé que ce soit a répondu devant ce Tribunal du nettoyage

10 ethnique des Serbes de Croatie? Il s'agit d'un grand nombre de personnes

11 qui ont été tuées et expulsées de façon très brutale. Est-ce que qui que

12 ce soit répond de ces crimes? Est-ce qu'il y a un seul accusé, un seul

13 commandant qui était à la tête de ces unités qui se trouve accusé ici?

14 M. le Président (interprétation): Monsieur Kastratovic, je dois

15 vous rappeler que la présente audience pour la demande de mise en liberté

16 provisoire ne doit pas débattre de questions de fond de la présente

17 affaire. Nous ne devons pas débattre de la question du conseil précédent,

18 du conseil qui avait été commis d'office par cette Chambre de première

19 instance.

20 J'espère que vous pourrez vous concentrer sur la raison pour

21 laquelle vous avez demandé la mise en liberté provisoire de votre client.

22 Vous aurez de nombreuses occasions à l'avenir de vous adresser à cette

23 Chambre en ce qui concerne les questions de fond de l'affaire.

24 Nous vous donnerons l'occasion, à un stade ultérieur, d'en

25 parler. Veuillez, s'il vous plaît, vous concentrer aujourd'hui sur la

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1 question même visée par l'audience d'aujourd'hui, à savoir la demande de

2 mise en liberté provisoire de votre client.

3 M. Kastratovic (interprétation): Vous voulez que je continue.

4 J'ai très bien compris la nature de votre mise en garde. Mais j'ai voulu

5 tout simplement vous dépeindre cette ambiance qui prévalait et qui a mené

6 à cette injustice, à savoir mon client qui se trouve en détention.

7 Je ne rentre pas dans le meritum de l'affaire. Je vous énumère

8 quelques circonstances et je voudrais que vous en teniez compte au moment

9 où vous allez décider de son éventuelle mise en liberté provisoire.

10 Concernant les autres raisons -il s'agit de raisons

11 personnelles-, je vais vous dire, Monsieur le Président, que mon client a

12 dit une phrase que, moi aussi, j'ai dite.

13 Moi, depuis le début, je crois en ce Tribunal. Je crois à son

14 fondement; je crois à sa raison d'être; je crois à son impartialité. Mon

15 client a dit cela au moment où son Gouvernement a voté une loi et c'est un

16 des premiers accusés qui s'est rendu volontairement. Il s'agissait de la

17 loi portant sur la coopération avec le Tribunal international. Nous avons

18 aussi les garanties de mon Gouvernement. Mais vous allez pouvoir réfléchir

19 à ce sujet.

20 Moi, je crains que vous ne fassiez pas vraiment confiance au

21 Gouvernement de mon pays, qui est prêt à coopérer avec ce Tribunal. Je

22 pense qu'il s'agit d'une expérience assez fournie de deux parts, c'est-à-

23 dire qu'il s'agit d'une longue histoire, mais je crains que, dans

24 l'opinion publique, la crédibilité du Tribunal pénal international et de

25 cette coopération avec le Bureau du Procureur s'effrite quelque peu.

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1 Les gens qui reviennent en Yougoslavie, ce sont des gens

2 malades, les gens que l'on fait revenir, on les fait revenir dans leur

3 patrie.

4 Mon client, au moment où cette opération militaire a fait fuir

5 300.000 Serbes de Croatie et à ce moment-là, mon client est arrivé en

6 Serbie. Il est devenu citoyen de la Serbie et depuis, il n'a jamais pris

7 part à la politique. Depuis 1995, il partage le même malheur que le

8 malheur éprouvé par son peuple. Il a subi les mêmes conséquences de la

9 guerre civile, les mêmes que les autres. Il a perdu tout ce qu'il avait,

10 et il ne s'est plus intéressé à la politique. Il voulait tout simplement

11 voir ce que la communauté internationale allait faire pour empêcher ce

12 malheur.

13 Mon client est un résident permanent de la Yougoslavie. Il

14 possède le passeport yougoslave, sa famille y habite. Son fils fait des

15 études de droit, son autre fils étudie les sciences politiques, son épouse

16 y habite aussi. Vous n'avez aucune raison de croire qu'il ne va pas

17 respecter les garanties fournies par notre Gouvernement.

18 Je vais aussi vous parler des garanties particulières

19 additionnelles que nous, en tant que conseils de la défense, sommes en

20 mesure de vous présenter. Par exemple, il doit se présenter tous les 30

21 jours, et peut-être même à des intervalles plus brefs, au poste de police

22 du lieu de sa résidence et de vous informer aussi éventuellement d'un

23 changement de résidence s'il décidait de déménager de Vrnjacka Banja à

24 Belgrade.

25 Je pense qu'il n'est pas nécessaire d'en rajouter en vous disant

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1 que mon client est gravement malade et je pense qu'il n'est pas besoin

2 d'en rajouter en vous présentant toute la documentation médicale qui va

3 confirmer l'état grave dans lequel se trouve mon client. Il a des

4 problèmes de diabète, il s'agit d'un niveau de sucre tellement élevé que

5 sa santé s'en trouve sérieusement menacée.

6 En vertu de l'Article 71, je voudrais vous proposer, si le

7 Bureau du Procureur est d'accord, que l'accusé fasse une déclaration au

8 Bureau du Procureur, soit à La Haye, soit à Belgrade. Mais bien sûr, il

9 vous appartient de prendre une décision à ce sujet. Je pense que je vous

10 ai convaincus qu'il n'y a pas une raison substantielle pour garder M.

11 Martic en détention.

12 Je dois ajouter que M. Martic s'engage à ne plus jamais faire de

13 déclaration publique au sujet de ce procès politique, au sujet des faits

14 s'y afférents et qu'il ne fera rien qui nuirait à son sérieux et sa

15 crédibilité devant ce Tribunal.

16 Mais j'ai été un peu long, je dois le dire que je l'ai été parce

17 que cette requête aux fins de mise en liberté provisoire a été faite par

18 Me Knoops qui n'avait pas connaissance de toutes les circonstances que je

19 viens de vous énumérer. C'est pour cela que je me suis vu obligé d'être un

20 peu plus long et de vous exposer tous ces faits.

21 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Est-ce que

22 nous pouvons entendre l'accusation, je vous prie.

23 M. Whriting (interprétation): Bonjour, Monsieur le Président.

24 Mon nom est Alex Whriting. Je vais maintenant traiter de cette question de

25 l'audience et garder à l'esprit la demande faite par les membres de la

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1 Chambre. Pour que nous soyons brefs, je voudrais porter à l'attention de

2 la Cour toutes questions nouvelles qui pourraient être intervenues depuis

3 que nous avons déposé notre réponse.

4 Un premier point est la reddition de l'accusé: l'accusé ne

5 s'est pas rendu volontairement. L'accusé, comme nous l'avons expliqué dans

6 notre réponse, s'est rendu seulement à partir du moment où il n'avait plus

7 d'autre choix, lorsqu'il a été en fait obligé par la loi sur la

8 coopération qui était adoptée en Serbie et lorsqu'il risquait d'être

9 arrêté sur-le-champ.

10 L'accusé lui-même, comme nous l'avons dit dans l'annexe à notre

11 réponse, a dit juste avant de se rendre qu'il n'avait jamais pensé qu'il

12 serait obligé de se rendre, qu'il espérait que la Serbie n'extraderait

13 jamais des fugitifs et qu'il pensait que la nouvelle loi sur la

14 coopération était illégale, et qu'il ne s'était rendu que parce qu'il

15 n'avait aucun autre choix, selon ses propres paroles. En outre, un point

16 qui n'a pas été suffisamment exposé dans notre texte, il y avait

17 également… une disposition disait que, si les fugitifs se rendaient

18 immédiatement avant d'être arrêtés, à ce moment-là, ils obtiendraient

19 juridiquement des garanties de la Serbie et du Gouvernement fédéral.

20 Par conséquent, l'accusé, à l'évidence, a fait un calcul au

21 moment où la loi a été adoptée, sachant qu'il risquait d'être arrêté sur-

22 le-champ, mais que, s'il se rendait avant d'être arrêté, il obtiendrait

23 ces garanties et, ainsi, il augmenterait ses chances d'obtenir une mise en

24 liberté.

25 Lorsque ceci est pesé par rapport à sept années de refus de se

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1 rendre et de défier un Acte d'accusation et une audience au titre de

2 l'Article 61 du Règlement, et un mandat d'arrêt international, dont il

3 avait connaissance dès la date de l'accusation, d'origine en 1995, les

4 circonstances de son arrestation en mai ne montrent pas qu'il y aurait un

5 léger risque, un risque qu'il s'enfuit s'il était relâché. En fait, tous

6 les éléments de preuve vont dans le sens contraire; les circonstances de

7 sa reddition qui était forcée et les circonstances du fait qu'il s'est

8 échappé avant cela ne pourraient pas permettre à la Chambre de se fonder

9 dessus pour permettre sa libération.

10 Je voudrais appeler l'attention de la Chambre sur la décision

11 prise dans l'affaire Mrksic concernant une mise en libération provisoire

12 qui a été rendue après que nous avons déposé notre pièce le 24 juillet

13 2002. Cette décision traitait de certaines de ces questions, de certaines

14 des circonstances de l'espèce.

15 Je voudrais dire que les motifs pour maintenir en détention sont

16 beaucoup plus contraignants que dans l'affaire Mrksic. Dans l'affaire

17 Mrksic, la Chambre de première instance a pris en considération les

18 circonstances d'une prétendue reddition volontaire; elle a jugé qu'en

19 fait, on ne pouvait pas juger que c'était une reddition volontaire et ne

20 pouvait pas avoir un poids important en faveur d'une mise en liberté.

21 Je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur les

22 paragraphes 42 et 43 de cette décision, qui disaient, en outre, dans cette

23 décision: la Chambre a rejeté les garanties personnelles de l'accusé qui

24 garde…, qui reviendrait pour se soumettre. Une garantie personnelle avait

25 été offerte également dans cette affaire-ci, et dans Mrksic, le Tribunal,

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1 au paragraphe 45 de sa décision, a jugé qu'étant donné les quelque six

2 années pendant lesquelles il s'était échappé, les six années pendant

3 lesquelles il ne se rendait pas, les garanties personnelles de l'accusé

4 n'avaient pas de poids en faveur d'une mise en liberté.

5 Le deuxième point, et il y a là, je crois, une distinction de

6 faits par rapport à l'affaire Mrksic, c'est que cet accusé n'était pas

7 simplement un fugitif pendant sept ans, mais était ce que j'appellerais un

8 fugitif actif. C'est-à-dire que, de façon active, il se cachait par

9 rapport à une accusation dont il avait connaissance sans aucun doute. Il

10 l'a fait en utilisant un nom d'emprunt, un alias, en se cachant tant dans

11 la République de Serbie et, plus tard, en Serbie.

12 Ceci est un point important, je crois, pour deux raisons.

13 Le premier est que ceci démontre que l'accusé avait donc une

14 tendance à s'enfuir et à éviter la compétence de cette Cour et la

15 juridiction de ce Tribunal.

16 Deuxièmement, comme ceci est montré de façon très nette, cet

17 accusé a eu l'expérience de vivre comme un fugitif, toujours une fuite.

18 Cette expérience est toujours importante, car ce n'est pas une chose

19 facile à faire de vivre comme un fugitif. Comme il a cette expérience, il

20 pourra à nouveau bénéficier de son expérience si on le mettait en liberté

21 et s'il pouvait s'enfuir à nouveau.

22 Le troisième point, la troisième remarque que je ferai, c'est

23 que l'accusé a montré -et nous avons joint un certain nombre d'articles

24 aux pièces que nous avons déposées-, l'accusé a montré un dédain, un

25 mépris répété et pour le Tribunal et pour l'Acte d'accusation.

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1 Ceci remonte à la décision Jokic que votre Chambre a rendu sur

2 une question de mise en liberté provisoire où la Chambre avait indiqué un

3 certain nombre de considérations qui devaient être prises en

4 considération, les facteurs à prendre en considération en vue d'une mise

5 en liberté provisoire. Au paragraphe 23 de cette décision, votre Chambre a

6 dit que, parce le Tribunal n'avait pas ses propres pouvoirs d'arrestation

7 et doit dépendre de la bonne volonté des Etats pour faire appliquer ses

8 pouvoirs, une des choses qu'il faudrait peut-être prendre en considération

9 serait des conditions très sévères en vue d'une mise en liberté provisoire

10 pour remplacer le fait que le Tribunal n'a pas les pouvoirs dont je viens

11 de parler.

12 En l'espèce, l'accusation voudrait faire valoir qu'il n'y a pas

13 de conditions réunies aux fins d'une mise en liberté. Il n'y a pas de

14 conditions suffisamment sévères sur lesquelles la Chambre pourrait se

15 fonder parce que, compte tenu du dédain, du mépris que l'accusé a montré à

16 l'égard du Tribunal de l'Acte d'accusation, des ordonnances de la Chambre,

17 des déclarations répétées qu'il a fait concernant le Tribunal, le Tribunal

18 ne saurait avoir la moindre confiance que cet accusé respecterait des

19 engagements de revenir et comparaître ou respecter les conditions qui

20 seraient mises à sa liberté provisoire.

21 Par conséquent, nous pensons que les conditions de mise en

22 liberté provisoire en l'espèce ne peuvent pas remplacer une constatation

23 selon laquelle cet accusé représente un véritable risque de s'enfuir;

24 risque qui est étayé par toutes les preuves que nous avons actuellement,

25 que nous avons à disposition.

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1 Le point suivant est que le fait que ce qui a incité l'accusé à,

2 ce qui pourrait l'inciter à s'enfuir est beaucoup plus grand maintenant

3 que quand il est venu au tribunal en mai. En mai, à l'évidence, il avait

4 fait, comme je l'ai dit, un calcul sur la base des circonstances en

5 sachant qu'il allait être arrêté et il voulait obtenir des garanties du

6 gouvernement. Mais maintenant, les circonstances ont changé, l'accusation

7 a présenté un Acte d'accusation modifié à la Chambre qui développent

8 beaucoup les charges émises à l'encontre de l'accusé. Les conséquences

9 sont que l'accusé maintenant a à faire face à une plus grande probabilité

10 d'être condamné et il a aussi à faire face à une plus grande probabilité

11 d'une sentence plus longue, ce qui évidemment va avoir une incidence sur

12 ses calculs, sur la question de savoir s'il s'enfuira ou non.

13 En outre, d'autres circonstances ont changé. En mai, lorsqu'il

14 est venu se rendre à ce Tribunal, il avait à faire face à cette nouvelle

15 loi qui venait d'être adoptée et il savait qu'il était menacé d'être

16 arrêté sur-le-champ. Mais en fait, il y a eu un certain nombre de

17 redditions et une arrestation et, maintenant, un certain nombre

18 d'individus qui ont été arrêtés. Par conséquent, s'il était relâché, cet

19 accusé pourrait très bien faire un calcul très différent en ce qui

20 concerne son intérêt propre, calcul qui serait analogue à celui qu'il a

21 fait pendant 7 ans lorsqu'il vivait comme un fugitif, calcul selon lequel

22 maintenant il est probable qu'il ne sera pas arrêté et que maintenant

23 qu'il a à faire face à une Acte d'accusation plus grave, son intérêt est

24 effectivement de s'enfuir. C'est un calcul qu'il pourrait faire.

25 Enfin, je voudrais traiter d'un certain nombre de points évoqués

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1 par Maître Kastratovic. Il a dit que, dès le début, son client avait dit

2 qu'il avait foi dans le Tribunal. Mais en fait, ceci est démenti par les

3 annexes à notre pièce déposée qui montrent que l'accusé a montré un mépris

4 et un dédain pour ce Tribunal pendant des années et que c'est seulement

5 lorsqu'il a été forcé de se rendre qu'il a commencé à faire d'autres

6 déclarations.

7 Maître Kastratovic a également dit que son client était

8 gravement malade et cela, à l'évidence, c'est une question dont nous

9 entendons parler pour la première fois aujourd'hui. Je voudrais dire que

10 pour le moment, ce n'est pas un facteur qui peut être pris en

11 considération, mais qui devra être traité de façon plus ordonnée, plus

12 réglée et les conclusions de Maître Kastratovic, avec la documentation

13 nécessaire, afin que nous ayons la nécessité de l'examiner.

14 Maître Kastratovic a également soutenu que la Serbie et la

15 République fédérale ne recevait pas un crédit suffisant pour leur

16 coopération. Il est vrai qu'il y a une garantie qui a été fournie en

17 l'espèce. Mais comme nous l'avons dit dans notre réponse, ces garanties,

18 premièrement, doivent être traitées avec prudence étant donné le fait

19 qu'un plus grand nombre de fugitif n'ont pas été arrêtés, des fugitifs qui

20 devraient être arrêtés et qui tentent d'échapper à ce Tribunal.

21 Deuxièmement, je crois aussi que les garanties ne peuvent pas, là encore,

22 remplacer une conclusion qui doit être faite au titre de l'Article 65b

23 selon le fait que cet accusé ne représenterait pas un risque de fuite.

24 C'est lui qui a la charge de démontrer, par des éléments de preuve, qu'il

25 ne représente pas un risque de fuite. Et, selon nous, tous les éléments de

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1 preuve vont dans le sens contraire et semblent indiquer qu'il risque de

2 s'enfuir.

3 Enfin, Maître Kastratovic a présenté au nom de son client le

4 fait d'avoir une interview avec l'accusation. C'est une question dont nous

5 serions heureux de parler avec Maître Kastratovic à l'avenir, mais ceci ne

6 devrait avoir aucune incidence sur une mise en liberté provisoire de

7 l'accusé à ce stade-ci et ne pourrait avoir vraiment d'incidence pour sa

8 libération éventuelle à l'avenir, plus tard, si l'interview se produit, a

9 vraiment lieu et, deuxièmement, si ce qui ce passe est qu'il s'agisse d'un

10 entretien complet et véridique selon notre façon de voir.

11 Donc à ce stade-ci, c'est une question qui, à mon sens ne

12 devrait pas avoir de poids sur la question de savoir si cet accusé devrait

13 obtenir ou non sa mise en liberté. Je vous demande de bien vouloir

14 m'accorder un instant, Monsieur le Président, Messieurs les juges.

15 M. le Président (interprétation): Je vous remercie.

16 Je voudrais maintenant donner la parole à l'éminent représentant

17 de la République fédérale de Yougoslavie, son excellence M. Markovic,

18 ministre de la Justice. Vous avez la parole, Monsieur le Ministre.

19 M. Markovic (interprétation): Monsieur le Président, Monsieur

20 les Juges, Monsieur et Mesdames de l'accusation, Mesdames, Messieurs, j'ai

21 le pouvoir, au nom de la République fédérale de Yougoslavie et de la

22 République de Serbie, de vous fournir les garanties pour l'accusé Milan

23 Martic pour sa mise en liberté provisoire jusqu'au début du procès.

24 Puisque vous avez reçu le texte de la garantie, il n'est pas besoin de

25 commenter ou analyser différents points figurant dans cette lettre de

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1 garantie. Je peux vous dire qu'il s'agit de garanties sérieuses, d'un Etat

2 sérieux quelle que soit l'opinion du Procureur à ce sujet.

3 Monsieur le Président, Messieurs les Juges, aujourd'hui, je suis

4 présent dans ce prétoire et ceci démontre que mon Etat et mon peuple sont

5 dévoués à une coopération sincère avec la communauté internationale et

6 avec le Tribunal pénal de La Haye qui en fait partie. Je vous rappelle que

7 quelques années en arrière, si on regarde ce qui s'est passé, si on

8 regarde les événements, on verra quel travail décisif nous avons fait

9 depuis. Car le Gouvernement qui était au pouvoir auparavant non seulement

10 n'a pas coopéré avec le Tribunal, mais a ignoré superbement le Tribunal

11 alors que le nouveau Gouvernement qui a été élu au mois d'octobre de l'an

12 2001, tout a changé. Depuis, une loi a été votée dans l'assemblée fédérale

13 et non pas dans l'assemblée de Serbie, comme l'indique le Procureur. Donc

14 cette loi porte sur la coopération avec le Tribunal.

15 Nous avons fourni plusieurs garanties, mais la seule garantie

16 qui a été suivie d'une décision positive eh bien, c'était celle qui

17 concernait M. Gruban. Qu'est-ce que cela va dire une décision positive

18 pour nous? Je vous donne quelques exemples: avec une décision positive, la

19 coopération avec notre Gouvernement et le Tribunal de La Haye serait

20 renforcé. Aussi l'opinion publique, dans ce pays, se mettrait à croire que

21 ce Tribunal ne fait pas une justice sélective, pour ainsi dire, mais une

22 vraie justice.

23 Et donc la fois dans le Tribunal reviendrait et ceci inciterait

24 les autres personnes accusées par le Bureau du Procureur de ce Tribunal à

25 se rendre au Tribunal. Ceci renforcerait les liens entre la République

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1 fédérale et le Gouvernement. Et s'il s'agit d'une décision défavorable, eh

2 bien, j'ai peur que ces forces rétrogrades et anti-démocratiques seraient

3 encouragées directement et, puisqu'il va y avoir de nouvelles élections

4 aussi bien en Serbie qu'au Monténégro, car il s'agit d'un Etat joint, eh

5 bien, ceci pourrait avoir un impact.

6 Une décision positive pourrait avoir un écho très fort dans la

7 communauté internationale, puisque nous sommes sur le point de nous faire

8 accepter dans le cadre d'un partenariat pour la paix et dans le conseil de

9 l'Europe. Ceci voudrait dire que nous tenons notre parole. Nous avons

10 demandé à ces gens de se rendre volontairement. Nous avons fourni des

11 garanties. Il serait vraiment négatif que cette Chambre de première

12 instance les refusent. Ceci montrerait bien quelle serait l'attitude du

13 Tribunal par rapport à un Etat et ses garanties. Donc moi, je suis pour

14 une coopération, pour une coopération des deux parts car il s'agit de deux

15 partenaires égaux.

16 Mon Etat est un Etat souverain, et donc, il ne s'agit pas

17 uniquement de la volonté du Procureur qui doit être respectée.

18 Je dois aussi répondre au Bureau du Procureur. Le Procureur dit

19 que l'accusé ne s'est pas rendu volontairement. D'après nos lois, d'après

20 notre législation, l'accusé s'est rendu volontairement et je ne veux pas

21 spéculer à ce sujet.

22 Avec nos garanties, nous garantissons que l'accusé serait

23 accessible à tout moment et nous ne garantissons pas une fuite éventuelle

24 car ceci ne serait pas logique. Il y a une loi fédérale qui a été adoptée

25 et le Procureur sait qu'une réponse positive devrait être fournie.

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1 M. le Président (interprétation): Maître Kastratovic, est-ce que

2 vous souhaitez répondre?

3 M. Kastratovic (interprétation): Oui, si vous me le permettez,

4 je voudrais répondre au Procureur. Le Procureur a fait un grand nombre de

5 déclarations contradictoires. Je ne peux pas toutes les commenter. Le

6 ministre de la Justice de la République fédérale de la Yougoslavie a bien

7 dit que le 20 avril de l'an 2002 une loi a été votée par l'assemblée

8 fédérale de Yougoslavie. Monsieur Martic s'est rendu à ce Tribunal 25

9 jours à partir du moment où cette loi a été votée, à savoir le 15 mai.

10 La deuxième question sur lequel insiste le Procureur, il s'agit

11 de la fuite. Ce Tribunal n'a jamais reconnu le régime de M. Milosevic,

12 c'est un fait. Mais le nouveau régime, le nouveau Gouvernement en place

13 depuis le 5 octobre est reconnu par le Tribunal et ce Gouvernement demande

14 à coopérer, ce Gouvernement a ouvert ses archives et souhaite coopérer de

15 façon pleine. Ce Gouvernement souhaite préserver les droits civils de tous

16 les citoyens. Je n'ai jamais dit que M. Martic a tout de suite, depuis le

17 début, reconnu le Tribunal. Au contraire, j'ai dit exactement le

18 contraire. M. Martic ne le reconnaissait pas auparavant car son régime ne

19 le reconnaissait pas. Mais à partir du moment où la nouvelle loi est

20 passée, eh bien, il a reconnu le Tribunal.

21 Et il est dit aussi qu'une personne qui… Dans le règlement, il

22 est dit qu'il faut considérer les faits, que l'accusé s'est rendu

23 volontairement au Tribunal, et que le Gouvernement de son pays va offrir

24 des garanties.

25 Ensuite, le Procureur dit que ce n'est pas vrai que M. Martic

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1 est malade.

2 Peut-être qu'il ne m'ont pas complètement compris. Moi, j'ai

3 juste dit cela en tant que métaphore. J'ai voulu vous dire qu'en réalité

4 M. Martic est en assez bonne santé. C'est vrai qu'il a un niveau de sucre

5 assez élevé qui pourrait lui poser des problèmes, mais ce n'est pas la

6 raison pour laquelle nous demandons la mise en liberté provisoire.

7 Moi, j'ai parlé d'autre chose. J'ai dit que l'accusé doit

8 bénéficier de la mise en liberté provisoire à cause des garanties, quel

9 que soit son état de santé. Et pour comparer sa situation avec la

10 situation du général Mrksic, eh bien il ne s'agit pas des mêmes

11 circonstances, qu'elles soient personnelles, de famille, légales ou de

12 fait. Et le Procureur ne peut pas traiter tous les accusés de la même

13 façon.

14 Aussi, le fait que le Procureur a modifié et élargi l'Acte

15 d'accusation, ceci a été fait de façon complètement incorrecte, car l'Acte

16 d'accusation, ce deuxième Acte d'accusation modifié n'existe même pas.

17 De fait, comment pouvez-vous discuter de cet Acte d'accusation

18 alors que cet Acte d'accusation n'a jamais été accepté par les Juges de la

19 Chambre de première instance puisqu'on n'en a même pas débattu. Donc nous

20 considérons qu'il est tout à fait incorrect de se fonder sur cet Acte

21 d'accusation, car ceci porte préjudice à l'accusé, aux intérêts de mon

22 Gouvernement et, avant tout, à la justice que vous êtes censés rendre.

23 M. le Président (interprétation): Eh bien, la Chambre de

24 première instance a également reçu une demande qui a été déposée par

25 l'accusé lui-même. Excusez-moi… demande de mise en liberté provisoire.

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1 Monsieur Martic, est-ce que vous voulez prendre la parole sur

2 cette question? Est-ce que vous voulez vous adresser à la Chambre de

3 première instance? Si vous le souhaitez le faire, vous le pouvez.

4 M. Martic (interprétation): Monsieur le Président, Messieurs les

5 Juges, je voudrais tout d'abord profiter de cette occasion pour remercier

6 le ministre fédéral, M. Markovic, et M. l'ambassadeur, M. Vukasinovic,

7 d'être venus ici.

8 Moi, je ne demande pas la grâce de ce Tribunal; je m'attends à

9 la vérité et à la justice.

10 Ce que le Procureur a raconté concernant ma fuite ou bien la

11 non-reconnaissance de ma part de ce Tribunal, eh bien, il y a du vrai là-

12 dedans. Car, en réalité, je n'ai, à un moment donné, pas reconnu ce

13 Tribunal, mais j'avais des raisons pour cela. Il y avait un Acte

14 d'accusation, un Acte d'accusation qui portait sur les bombardements de

15 Zagreb, c'est-à-dire sur un espace de 15 jours, que j'ai reconnu pour des

16 raisons que je vais peut-être avoir la possibilité de vous énumérer.

17 Aussi, en même temps, il n'y a jamais eu d'Acte d'accusation

18 contre des généraux croates, des politiques croates en ce qui concerne le

19 nettoyage ethnique de mon peuple. C'est pour cela que je n'ai pas reconnu

20 ce Tribunal.

21 Aussi, je n'avais personne qui me soutenait; je n'ai pas d'Etat.

22 Je suis venu en Serbie où cette loi a été votée. Et même si j'avais eu des

23 appuis politiques ou autres, je me serais rendu volontairement.

24 Le Procureur pense que je n'ai pas voulu venir, mais j'aurais pu

25 rester caché et personne ne m'aurait trouvé. Mais je ne pense pas que

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1 j'aurais dû le faire. Moi, j'ai décidé de venir pour nettoyer mon nom,

2 tout d'abord, pour l'innocenter.

3 Ce qui est le plus important pour moi, c'est de prouver la

4 vérité en ce qui concerne la Krajina et pour voir qui est à l'origine de

5 l'exode de mon peuple.

6 Le nouvel Acte d'accusation que j'ai reçu diffère du premier.

7 Pour moi, il s'agit d'un tas de bêtises et j'espère que nous allons, avec

8 l'aide du conseil de la défense, pouvoir le rejeter.

9 Donc, je ne vous demande pas de grâce, je vous demande la mise

10 en liberté provisoire pour passer du temps dans ma maison de vacances, qui

11 appartient à un ami à moi pour préparer ma défense tranquillement avec mes

12 conseils et donc pour rejeter cet Acte d'accusation complètement nébuleux.

13 Moi, je n'ai pas besoin de me cacher. Moi, maintenant, j'ai un

14 Etat, j'ai demandé au bon dieu de m'envoyer quelqu'un qui pourrait

15 m'aider. Maintenant, j'ai un pays. Je n'ai pas l'intention de fuir.

16 Si vous croyez que vous ne devez pas faire droit à ma demande de

17 mise en liberté provisoire, eh bien, cela dépend de vous, vous avez tout à

18 fait le droit de le faire. Mais, vous savez, je n'ai pas envie de rester

19 ici pour attendre pendant des années le début de mon procès.

20 Quand le procès débutera, eh bien, j'espère qu'il s'agira d'un

21 procès juste et équitable.

22 Si vous me laissez partir en liberté provisoire, eh bien je n'ai

23 pas besoin de répéter tout ce que mes conseils et le ministre ont déjà

24 dit. Moi, je vais me présenter quotidiennement, s'il le faut, au poste de

25 police. Je vous ai fourni mon numéro de téléphone, mon adresse. Pour moi,

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1 il est important de démontrer la vérité en ce qui concerne la Krajina.

2 J'espère qu'il s'agira d'un Tribunal juste qui va prendre des décisions

3 justes.

4 M. le Président (interprétation): Je vous remercie. Vous pouvez

5 vous asseoir.

6 J'ai des questions à poser à Me Kastratovic.

7 Vous avez mentionné les conditions de votre client et vous avez

8 donné quelques explications à ce sujet. Je comprends que tel est l'objet

9 de la conférence de mise en état, mais puisque vous avez déjà mentionné,

10 voudriez-vous, s'il vous plait, clarifier votre position sur cette

11 question. Je veux parler de l'état de santé de votre client. Est-ce qu'il

12 y a des éléments médicaux, des certificats à ce sujet? Est-ce qu'on a

13 correctement soigné votre client dans le centre de détention, ici?

14 M. Kastratovic (interprétation): Merci, Monsieur le Président.

15 Tout comme mon client, je ne me fonde pas sur son état de santé.

16 Son état de santé est bon. Il a 40 ans à peu près, il est en bonne

17 condition physique, il fait des exercices physiques, il lit dans le

18 quartier pénitentiaire. Moi, je n'ai pas parlé de cela. J'ai voulu tout

19 simplement évoquer, donner un exemple, je voulais vous demander s'il faut

20 attendre qu'il tombe malade, qu'il meurt pour le laisser partir chez lui.

21 Justement, il s'agit d'un homme qui est en bonne santé, et il

22 l'a dit lui-même. Donc je ne pense pas du tout que j'ai besoin de vous

23 fournir d'éléments de preuve à ce sujet. Car il ne s'agit pas d'une

24 circonstance que vous allez devoir prendre en considération au moment où

25 vous allez réfléchir à la suite à donner à la requête.

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1 En ce qui concerne sa situation familiale, personnelle... Vous

2 m'avez posé une question au sujet de sa situation familiale ou

3 personnelle, mais moi, je vous ai déjà dit où allait se trouver sa

4 famille, est-ce que c'est cela que vous vouliez savoir, vous vouliez

5 savoir où va se trouver sa famille? Si c'est tout, je vous en remercie.

6 M. le Président (interprétation): Je crois que vous avez répondu

7 à ma question. Je vous remercie beaucoup. Y a-t-il d'autres questions?

8 Monsieur le Juge El Mahdi, voulez-vous poser une question?

9 M. El Mahdi: Oui, Monsieur le Président.

10 Je voudrais m'adresser au conseil de la défense. Si j'ai bien

11 compris, M. Martic a décidé de se rendre une fois que la loi a été émise,

12 la loi sur la coopération entre l'Etat et le Tribunal. Si je comprends

13 bien, donc, il a eu connaissance de l'Acte d'accusation bien avant la date

14 à laquelle il s'est rendu. Est-ce que la défense peut approximativement

15 déterminer la date à laquelle il a été informé, où il a eu connaissance de

16 l'Acte d'accusation? C'est la première question.

17 La deuxième, mais très brièvement, se rapporte à l'utilisation

18 d'un pseudonyme et la résidence qu'il a choisie durant la période entre la

19 date de la connaissance de l'Acte d'accusation et la date où il s'est

20 rendu. Par quel moyen, si c'est possible, il a pu obtenir un pseudonyme,

21 et vivre en cachette pendant disons 6 ou 7 ans? Est-ce avec la

22 connaissance des autorités, ou bien c'était à l'insu de ces autorités?

23 Voilà mes deux questions, merci.

24 M. Kastratovic (interprétation): En ce qui concerne la première

25 question, il ne m'est pas difficile d'y répondre. A quel moment il a

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1 décidé de se rendre. Je voudrais tout de même ajouter quelque chose, vous

2 ne devriez jamais oublier le fait que nous vivions dans un régime

3 autocratique, à la tête duquel se trouvait un accusé de ce Tribunal.

4 Moi, je ne vais pas donner de détails concernant qui que ce

5 soit, je ne lui souhaite pas de mal, mais M. Martic n'a jamais reconnu

6 cette personne, son régime. Et la preuve, eh bien, c'est le bombardement

7 de notre Etat. Mais ce régime, tout de même, lui a fourni la possibilité

8 de rester dans le pays. Il n'avait personne qui aurait pu l'aider pour se

9 rendre. Il aurait pu se rendre en 1991, mais vous ne devriez pas oublier

10 que l'Etat Croate a condamné M. Martic in absentia à 99 années

11 d'emprisonnement. Croyez-vous vraiment qu'il a fui les autorités du

12 Tribunal de La Haye? Mais non, il a fui les autorités croates pour qu'il

13 ne se fasse pas arrêter et qu'il ne le traduise pas devant la justice

14 croate.

15 Donc, dans ce sens-là, vous ne pouvez pas demander à un homme,

16 qui a fui différents régimes, d'être raisonnable. A partir du moment où le

17 5 octobre de l'an 2000 le régime de Belgrade a changé, les autorités ont

18 adopté une nouvelle loi dont a parlé l'éminent ministre. Monsieur Martic

19 s'est rendu volontairement 25 jours après la passation de la loi.

20 Ce sont les raisons que nous utilisons pour justifier sa fuite,

21 le fait qu'il a vécu caché et comment il a obtenu ces documents

22 d'identité. Mais vous avez dit qu'il s'agissait de faux documents, mais

23 nous ne discutons pas cela. Nous disons qu'il a reçu les documents

24 d'identité de la police, du régime en place.

25 Je vous explique la situation pour que vous connaissiez toute

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1 l'ampleur du problème.

2 M. le Président (interprétation): Juge Orie, vous avez la

3 parole.

4 M. Orie (interprétation): J'ai quelques questions à vous poser,

5 Maître Kastratovic, qui devraient toutes faire l'objet d'une réponse de la

6 part de M. Martic lui-même. Pourriez-vous me dire quand, exactement, M.

7 Martic a été accusé et condamné en Croatie par contumace? Quelle date,

8 quelle année, s'il vous plaît?

9 M. Kastratovic (interprétation): Monsieur le Juge, M. Martic n'a

10 pas été condamné devant un seul tribunal, mais devant plusieurs tribunaux,

11 partout en Croatie. A partir du pilonnage de Zagreb, à plusieurs reprises,

12 l'Etat de Croatie a jugé M. Martic. Nous n'étions pas intéressés par cela,

13 nous n'avons pas reçu de copie de ces jugements mais il s'agit d'un fait

14 indéniable, et ces différentes décisions provenant des tribunaux nationaux

15 de l'Etat de Croatie, vous allez en être en mesure de les obtenir pour

16 voir qu'il ne s'agit pas seulement de paroles vaines.

17 M. Orie (interprétation): Monsieur Kastratovic, si vous faites

18 un argument du fait que M. Martinovic a été condamné à 90 ans, par

19 exemple, ce n'est pas à vous de dire que vous pouvez trouver ces

20 jugements, mais dire à la Chambre quand le premier de ces jugements a été

21 prononcé et par quelle juridiction. Il s'agit simplement de nous fournir

22 les faits qui étayent votre argumentation? Avez-vous ce renseignement?

23 M. Kastratovic (interprétation): Oui, je suis tout à fait

24 conscient de l'obligation de prouver tout ce que j'affirme. Ce que je vous

25 dis, je l'ai dit en me basant sur les médias. Les relations entre la

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1 Yougoslavie et la Croatie, depuis la guerre civile, sont arrivées à un

2 point de non-retour si critique, qu'il m'est impossible de demander à

3 recevoir des copies de ces décisions. Donc, les informations que je

4 détiens proviennent exclusivement de médias croates, où il y a été dit que

5 M. Martic, à Sibenik ou ailleurs, a été condamné à 99 années

6 d'emprisonnement mais ne me prenez pas au mot car je ne suis pas tout à

7 fait sûr de ces éléments mais vous allez pouvoir, sans doute, les obtenir

8 du Gouvernement croate. Vous allez peut-être pouvoir poser la question

9 directement à M. Martic qui en sait plus que moi mais, moi, je dois vous

10 dire que les informations dont je dispose, eh bien, j'en dispose des

11 médias croates, et il s'agissait de procès par contumace suite au

12 pilonnage de Zagreb.

13 M. Orie (interprétation): Monsieur Martic, est-ce que vous savez

14 quand, pour la première fois, vous avez été reconnu coupable et condamné

15 par un tribunal croate pour le bombardement de Zagreb?

16 M. Martic (interprétation): Il ne s'agit pas seulement du

17 pilonnage de Zagreb; moi, je n'ai jamais reçu aucun Acte d'accusation,

18 même pas l'Acte d'accusation provenant du Bureau du Procureur de votre

19 Tribunal. Toutes les accusations dont j'ai eu connaissance me sont

20 parvenues par les médias. La Croatie publiait ces accusations, ces actes

21 d'accusation, de façon très sélective. Moi, j'en ai pris connaissance par

22 la presse, par les médias croates. En ce qui concerne la durée exacte de

23 ma prétendue condamnation, eh bien, je ne suis pas au courant. Ils

24 continuent à agir comme cela, il s'agit d'un peuple qui a été ethniquement

25 purifié…

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1 M. Orie (interprétation): Je ne vous demande pas de déclaration

2 supplémentaire. Je vous ai posé une question et la réponse à cette

3 question est claire. Vous n'avez de renseignement que de la presse et vous

4 n'avez pas de date précise ni concernant l'année, ni concernant le mois

5 pour votre première condamnation. Je vous remercie de votre réponse.

6 M. Martic (interprétation): Je ne suis pas au courant. Tout

7 cela, je l'ai appris des médias.

8 M. Orie (interprétation): Maître Kastratovic, vous avez à

9 maintes reprises répété, ou il a été dit qu'à cause du manque d'appui d'un

10 gouvernement national, M. Martic n'était pas en mesure de se rendre lui-

11 même. Qu'est-ce qui vraiment a changé? Quel est l'appui, indépendamment

12 des garanties données, par rapport à une demande de mise en liberté

13 provisoire qui vient d'être fournie maintenant par l'Etat, dans laquelle

14 il y a la nationalité où il vivait? Quel est l'appui? Pourriez-vous, s'il

15 vous plaît, m'expliquer la différence, indépendamment des garanties dont

16 nous avons entendu parler, nous avons entendu parler des garanties, quel

17 est l'appui?

18 M. Kastratovic (interprétation): Eh bien, voyez-vous peut-être

19 que je ne me suis pas très bien fait comprendre. Eh bien, il y avait un

20 régime, un régime qui a disparu le 5 octobre, qui n'existe plus.

21 Aujourd'hui, la Yougoslavie fait partie du monde démocratique. Etant donné

22 l'importance de ce retour vers la communauté internationale, l'importance

23 qu'il s'agit de donner au changement démocratique, l'importance de ce

24 gouvernement, de ces lois qui ont été prises par le Gouvernement

25 concernant la coopération avec le Tribunal pénal international de La Haye,

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1 eh bien, il faut être conscient de tout cela. Il faut être aussi conscient

2 du fait que les enquêteurs du Tribunal pénal international sont présents

3 partout. Toutes les archives leur ont été ouvertes. Ils sont tout à fait

4 libres à enquêter, à s'informer. C'est par ce geste que le Gouvernement a

5 montré et a démontré sa volonté de coopérer avec le Tribunal.

6 En même temps, cette loi a encouragé les accusés qui faisaient

7 partie des Actes d'accusation, issus par le Bureau du Procureur, eh bien,

8 de se rendre plutôt que de se faire arrêter. Car s'ils se faisaient

9 arrêter, ils n'auraient pas la possibilité de demander la mise en liberté

10 provisoire.

11 En ce qui concerne mon client, je fonde ma requête sur sa

12 situation personnelle et sur la situation qui a été expliquée par le

13 ministre fédéral de la Justice. Vous ne pouvez pas ignorer son point de

14 vue. Il croit sincèrement qu'ils sont à même de mettre en oeuvre cette loi

15 qu'ils ont adoptée. Ils nous ont fourni suffisamment de preuves à ce

16 sujet.

17 Je pense que le Procureur devrait vous dire de quelle façon il a

18 été accueilli à Belgrade et vous dire de quelle façon les enquêteurs du

19 Bureau du Procureur sont en mesure d'obtenir tous les documents dont ils

20 ont besoin. Donc les archives ont été ouvertes, libres d'accès. Et il faut

21 oublier le passé. C'est bien que c'est du passé aujourd'hui! Il faut

22 prendre en compte la situation telle qu'elle est aujourd'hui. Il s'agit

23 d'une guerre civile longue, d'un malheur qui a duré dix ans, le malheur

24 des différents peuples, le peuple serbe, albanais, musulman, croate, etc.,

25 car vous savez qu'une guerre civile porte malheur à tout le monde.

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1 Mais justement, moi, je vous parle d'une seule chose, à savoir

2 que M. Martic était le représentant d'une enclave serbe qui comptait à peu

3 près un million de personnes. Il n'y a plus de Serbes qui habitent à cet

4 endroit. Depuis sept ans, il n'est pas actif dans la politique. Il aurait

5 pu faire de la politique, mais il ne le souhaite plus, car il souffre des

6 mêmes souffrances que celles dont a souffert son peuple.

7 Il est ici à présent et il reviendra ici à chaque moment où vous

8 allez le demander. Si jamais il ne souhaitait pas se conformer à cette

9 exigence, eh bien, nous disposons de forces de police, nous avons les

10 garanties fournies par notre Gouvernement et il s'agit des sanctions

11 habituelles que l'on peut infliger à toute personne refusant de se

12 présenter devant un tribunal. Il n'y a aucune possibilité, aucun espoir

13 pour lui d'être libéré avant qu'il ne soit jugé par ce tribunal.

14 M. Orie (interprétation): Maître Kastratovic, l'ensemble de

15 l'accent qui est mis au cours de cette argumentation concerne l'attitude

16 du Gouvernement fédéral et du Gouvernement serbe. Est-ce que vous

17 reconnaissez que la question essentielle est l'attitude de l'accusé? Et si

18 c'est une attitude positive, que, bien sûr, l'appui donné par le

19 Gouvernement, certainement, aiderait à convaincre la Chambre qu'une mise

20 en liberté provisoire pourrait être envisagée, prise en considération.

21 Mais, jusqu'à présent, la seule chose que j'aie entendu, c'est

22 que M. Martic dit que, lorsqu'il y a eu un changement de régime qui a

23 favorisé une coopération avec le Tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie,

24 alors je coopérerais aussi. Jusqu'à ce moment-là, il m'était impossible de

25 le faire.

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1 En même temps, toutes les coupures de presse que vous voyez,

2 contiennent des termes très durs, assez durs. Je ne sais pas s'il a

3 prononcé ces paroles, mais, en tout cas, vous n'avez pas fait de

4 commentaire à ce sujet, dans le genre: "Si je suis arrêté", ce sont des

5 mots, des paroles très fortes et je considérerais que c'est un acte

6 terroriste et que… etc.

7 Est-ce qu'il y a un changement d'attitude personnelle,

8 indépendamment des références qui ont été faites à ce Gouvernement, est-ce

9 qu'il y a un changement d'attitude entre ce qu'il a dit précédemment,

10 d'après les coupures de presse que nous avons ici, puisqu'il n'est pas

11 facile de détecter, maintenant, si quelqu'un dit: "Bon, eh bien, je suis

12 forcé d'y aller maintenant parce que mon Gouvernement a changé; il y a un

13 régime différent, donc maintenant, il faut que j'y aille, je n'ai pas le

14 choix", est-ce qu'il n'y a pas une attitude personnelle? Est-ce que vous

15 seriez d'accord avec moi qu'il y a une attitude personnelle? Et la

16 première étape qui doit être prise en considération -je ne veux pas savoir

17 si vous souhaitez répondre à la question ou si M. Martic veut répondre à

18 cette question lui-même-, mais je ne suis toujours pas au clair, je

19 n'arrive pas à avoir personnellement son attitude plutôt que l'appui du

20 Gouvernement qui semble être apparent au cours de cette dernière période.

21 M. Kastratovic (interprétation): Avec votre permission, Monsieur

22 le Président, je vais donner la parole, pour la suite, à l'accusé. Mais

23 nous vous avons montré son point de vue aussi bien dans son comportement

24 que dans sa relation avec le Tribunal. Physiquement, concrètement, il

25 s'est rendu à son Gouvernement, aux ministres, aux personnes qui

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1 représentent le Gouvernement et qui sont derrière cette loi. Il est arrivé

2 à l'aéroport à Amsterdam; il s'est fait arrêter par la police; il a été

3 amené physiquement dans les locaux du quartier pénitentiaire. Aujourd'hui,

4 il vous répète ses propos, les propos qu'il a tenus le 15 mai. Il a dit

5 qu'il a reconnu le changement du gouvernement, qu'il a reconnu le

6 Tribunal, il a reconnu la communauté internationale.

7 Avant, il y avait des circonstances personnelles, les

8 circonstances qui prévalaient en Croatie qui ont fait qu'il vivait caché.

9 Maintenant, la situation est différente, et il vous l'a montré par ses

10 actes, il est venu ici volontairement, il est en détention, et il vous

11 prie de le laisser partir en liberté provisoire. Vous ne pouvez pas lui

12 reprocher de ne pas s'être rendu immédiatement. Il ne diffère pas de

13 beaucoup d'autres personnes dans beaucoup de choses. Ce n'est pas

14 seulement les garanties de l'Etat qui sont derrière notre requête pour la

15 mise en liberté provisoire. Il y a d'autres circonstances que vous devez

16 prendre en compte. L'expulsion de son peuple, ce malheur, ce régime

17 politique qui existait auparavant, sa propre situation personnelle. Vous

18 devez comprendre toutes ces circonstances, tous ces éléments, les prendre

19 en compte pour comprendre dans quelle situation il se trouvait.

20 Quand le régime en Yougoslavie a changé, eh bien, il s'est rendu

21 immédiatement.

22 Je m'excuse auprès des interprètes.

23 Donc la réponse à votre question se trouve justement dans toutes

24 ces circonstances réunies que j'ai tentées de vous exposer. Mais je vous

25 prie d'entendre l'explication de M. Martic qui souhaite se prononcer à ce

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1 sujet, si vous n'êtes pas content avec la réponse que je vous ai fournie.

2 M. Martic (interprétation): Monsieur le Juge, je vais répéter un

3 peu ce que j'ai déjà dit.

4 Après la purification ethnique de mon peuple, dont j'assurais la

5 présidence, nous n'avions plus d'Etat, nous n'avions plus de nationalité.

6 Est-ce qu'il fallait que je sois arrêté et extradé en tant que citoyen

7 croate. Car ce qu'ils demandaient, eux, et je l'ai lu dans la presse, eh

8 bien tout simplement, ils ne voulaient pas permettre à notre peuple de

9 revenir dans leur pays.

10 Donc fallait-il que j'accepte de venir ici en tant que citoyen

11 croate? Non, moi j'ai attendu que tout ceci soit terminé, que je reçoive

12 l'autre nationalité. Ceci a duré puisque j'ai respecté la procédure

13 habituelle.

14 Après que la loi est passée, eh bien je me suis présenté cinq

15 jours après l'adoption de la loi, pas 25 jours. Je vais corriger mon

16 conseil. Mais il y avait une procédure, des documents à présenter et c'est

17 pour cela que je suis arrivé ici 25 jours plus tard. Moi, je ne demande

18 pas la grâce, je demande la justice et la vérité, que ce Tribunal nous

19 aide à voir la vérité de tout ce qui s'est passé dans ma Krajina. Donc je

20 ne vous demande pas la grâce, je vous demande la justice.

21 M. Orie (interprétation): Je voudrais poser une question à

22 l'accusation. Vous avez souligné à maintes reprises que l'accusé constitue

23 encore un risque d'aller se cacher. Auriez-vous une explication,

24 indépendamment de ce qui est dit dans l'Acte d'accusation modifié, est-ce

25 que vous avez une raison pour laquelle il ne s'est pas enfui quand il

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1 était sous la menace d'être arrêté, après l'adoption de la loi nationale,

2 ce qui était la situation dans laquelle il était peut-être nécessaire,

3 lorsqu'on veut fuir la justice, il est nécessaire d'agir.

4 Pourquoi est-ce que vous pensez qu'il est probable que l'accusé

5 trouvera un refuge quelque part et pourquoi ne l'aurait-il pas fait au

6 printemps de cette année?

7 M. Whriting (interprétation): Monsieur le Juge, il est clair

8 qu'au cours du printemps de cette année, l'accusé, à ce moment-là, a fait

9 un calcul, le calcul que c'était son intérêt de se rendre. Notre thèse,

10 nous ne pouvons pas être absolument sûrs de ce qui est entré dans ce

11 calcul, mais les éléments de preuve tendent à suggérer que le calcul, au

12 bout de sept ans de fuite, était la crainte d'une arrestation immédiate

13 avec un intérêt à obtenir les garanties de l'Etat qui se combinent avec

14 cela qu'il ne pouvait obtenir que s'il se rendait.

15 Donc calculs qui étaient à la fois la crainte de l'arrestation

16 immédiate et le désir d'obtenir la possibilité de mise en liberté

17 provisoire pour l'avenir. Nous soutenons que ce calcul pourrait changer,

18 et changera vraisemblablement à tout moment parce que les circonstances

19 qui sont entrées dans le calcul, et qui entreront dans le calcul à

20 l'avenir, changeront.

21 La première circonstance a été citée par la Chambre elle-même, à

22 savoir que l'Acte d'accusation a été modifié, de telle sorte que

23 maintenant le calcul est différent parce que l'accusation a été étendue et

24 est plus grave. Ce qui évidemment modifie le calcul.

25 Et puis, il y a également une question de rapport avec la longue

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1 coopération. Lorsque l'accusé s'est rendu en mai, il aurait pu s'attendre

2 à ce moment-là à ce que tous les fugitifs fussent immédiatement arrêtés,

3 mais en fait cela ne s'est pas passé. Il n'y a eu qu'une seule arrestation

4 et il y a un certain nombre de fugitifs qui n'ont pas été pris, certains

5 qui sont importants, d'un rôle important en Serbie qui n'ont pas été

6 arrêtés. Donc là aussi, sur cette base, ce calcul pourrait être différent.

7 Notre thèse est que votre Chambre ne peut pas se fonder sur le fait que le

8 calcul demeurerait toujours le même si cet accusé était relâché. Au

9 contraire, sur la base des circonstances dans lesquelles il s'est rendu,

10 ce qu'il a fait se rendre, des circonstances tout à fait uniques, ainsi

11 que son comportement dans le passé et le fait que dans le passé, il ne

12 voulait pas venir au Tribunal et se rendre alors que rien ne l'empêchait

13 de le faire, donneraient à penser qu'il est probable qu'un jour viendra,

14 ou que s'il a le temps de se préparer pendant une libération provisoire,

15 il ira se cacher et essayera de se réfugier quelque part dans son propre

16 pays peut-être sous un faux nom, ou dans un autre pays et donc il

17 obtiendrait par une libération conditionnelle le temps pour faire cela.

18 Si vous me permettez, une question a été posée plutôt sur la

19 question de savoir quand l'accusé a eu connaissance de l'Acte

20 d'accusation. Je voudrais appeler l'attention de la Chambre sur la page 1

21 de l'annexe que nous avons jointe à nos écritures de juillet, à savoir un

22 article du 26 juillet 1995, jour suivant l'accusation, la première

23 accusation qui a ensuite été confirmée et dans laquelle l'accusé est cité

24 comme ayant parlé de cet Acte d'accusation. Il est probable qu'il a

25 entendu parlé de cet Acte d'accusation le 26 juillet 1995.

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1 M. Orie (interprétation): J'ai une autre brève question à vous

2 poser. Vous avez dit, pour autant que je me souvienne, que la charge de

3 la preuve qu'il n'y avait aucun risque de fuite devrait reposer sur

4 l'accusé. Quelle était exactement la base exacte juridique d'une telle

5 affirmation?

6 M. Whriting (interprétation): Je me fondais, Monsieur le Juge,

7 sur le jugement rendu dans l'affaire Jokic par ce Tribunal dans lequel

8 c'était la conclusion après avoir examiné le droit appliqué par le

9 Tribunal, la jurisprudence Jokic, ordonnance du 27 février…

10 (note de l'interprète: il n'a pas entendu l'année)

11 J'appelle l'attention de la Chambre sur la conclusion qui est

12 tirée. Je pense que chaque Chambre de première instance qui a examiné

13 cette question, indépendamment de ce que j'ai dit en septembre, le Juge

14 Robinson est parvenu à la même conclusion. Je voudrais aussi noter que la

15 décision de liberté provisoire concernant Brdjanin, du 25 juillet 2000,

16 aux paragraphes 16 et 22, la Chambre de première instance a jugé que

17 c'était non seulement à charge de l'accusé de le prouver, mais qu'aussi

18 elle était parvenue à la même conclusion. Je voudrais faire une dernière

19 remarque, à savoir que l'accusation soutient que les éléments de preuve

20 suggèrent aussi que cet accusé pose un danger pour les victimes, les

21 témoins et autres personnes. Ce qui est un deuxième élément de l'Article

22 65B du Règlement. On n'en a pas traité, mais c'est notre argument basé sur

23 les éléments de preuve et nous le plaidons également.

24 M. Orie (interprétation): Je vous remercie. Je n'ai pas d'autre

25 question.

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1 M. le Président (interprétation): Je pense que c'est tout pour

2 l'audience d'aujourd'hui en ce qui concerne la demande en liberté

3 provisoire de M. Martic. Je vous remercie. Oui, Maître Kastratovic?

4 M. Kastratovic (interprétation): Je ne souhaite pas faire de

5 commentaire par rapport aux propos du Procureur, comme s'il s'agit d'un

6 marchandage sur le marché. Qu'est-ce que qui peut se passer avec l'accusé?

7 Il peut se suicider. Il peut tomber gravement malade et ne plus jamais

8 revenir. Donc, faire des spéculations quant à l'état mental de l'accusé,

9 eh bien c'est parfaitement irrecevable et cela ne fait aucun sens. Il y a

10 une circonstance qui se trouve dans le Règlement, il s'agit du danger

11 éventuel qu'il pourrait représenter aux victimes et aux témoins. Il faut

12 prendre en compte la circonstance concernant M. Martic car il ne peut pas

13 sortir du pays, il ne peut pas menacer qui que ce soit parce que tous les

14 témoins, toutes les victimes, se trouvent en Croatie et pas en Serbie. Et

15 donc cette expulsion, ce danger qui le lie car il peut se faire arrêter

16 des deux côtés par le biais de nos autorités ou bien par un Tribunal

17 croate, ou les tribunaux croates par le biais de l'Interpol. Donc cette

18 éventualité qu'il mette en danger une victime, un témoin ou tout autre

19 personne est parfaitement infondée car il est lié au lieu de sa résidence.

20 Toute possibilité de fuite se trouve réduite.

21 M. le Président (interprétation): La Chambre va délibérer sur

22 cette question en tenant compte des conclusions présentées par les deux

23 parties ainsi que des garanties présentées par le Gouvernement de la

24 République fédérale de Yougoslavie, nous rendrons notre décision à un

25 stade ultérieur. Nous allons avoir une brève suspension de séance. Nous

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1 reprendrons notre conférence de mise en état à une heure moins dix.

2 (L'audience est levée à 12 heures 30.)

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